Séance du 25 novembre 1998
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Organismes extraparlementaires
(p.
1
).
3.
Loi de finances pour 1999.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
2
).
Article 42 (p. 3 )
MM. Denis Badré, rapporteur spécial de la commission des finances ; Michel
Barnier, président de la délégation pour l'Union européenne ; James Bordas,
Aymeri de Montesquiou, Lucien Lanier, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Danièle
Pourtaud.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
MM. Daniel Hoeffel, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires
européennes.
Amendement n° I-133 de Mme Beaudeau. - Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. le
rapporteur spécial, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.
Suspension et reprise de la séance (p. 4 )
4.
Souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires israéliens
(p.
5
).
5.
Loi de finances pour 1999.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
6
).
Article 21 (p. 7 )
MM. Gérard Miquel, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des
finances.
Amendements n°s I-181 de M. Eckenspieller, I-82 de M. Hérisson et I-15 de la
commission. - MM. Joseph Ostermann, Pierre Hérisson, le rapporteur général,
Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. - Retrait de l'amendement n°
I-181 ; adoption de l'amendement n° I-82, l'amendement n° I-15 devenant sans
objet.
Adoption de l'article modifié.
Article 22 (p. 8 )
Amendement n° I-16 de la commission. - MM. le rapporteur général, le secrétaire
d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 22 bis (p. 9 )
MM. Jean-Pierre Demerliat, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 22 bis (p. 10 )
Amendement n° I-141 de M. de Montesquiou. - MM. Aymeri de Montesquiou, le
rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-113 de Mme Beaudeau. - MM. Guy Fischer, le rapporteur général,
le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Article 22 ter (p. 11 )
Amendement n° I-17 de la commission. - MM. le rapporteur général, le secrétaire
d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 22 ter (p. 12 )
Amendements n°s I-233 à I-235 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel
Dreyfus-Schmidt, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Michel Charasse,
Alain Lambert, président de la commission des finances. - Retrait des trois
amendements.
Amendements n°s I-115 de Mme Beaudeau, I-162 de M. Michel Mercier, I-228
rectifié de M. Haut ; amendements identiques n°s I-142 de M. Joly et I-157
rectifié de M. Revol ; amendement n° I-182 de M. Oudin ; amendements identiques
n°s I-116 de Mme Beaudeau et I-156 de M. Revol. - MM. Guy Fischer, Daniel
Hoeffel.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
MM. Claude Haut, Bernard Joly, Jean Clouet, Jacques Oudin, le rapporteur
général, le secrétaire d'Etat, le président de la commission, Jean-Philippe
Lachenaud, Daniel Hoeffel. - Retrait des amendements n°s I-182, I-157 rectifié,
I-156, I-228 rectifié, I-162 et I-142 ; rejet des amendements n°s I-115 et
I-116.
Amendements n°s I-60 rectifié de M. Adnot, I-84, I-83 de M. Hérisson, I-190 de
M. Oudin, I-165 de M. Joly et I-187 de M. Ostermann. - MM. Hubert
Durand-Chastel, Pierre Hérisson, Jacques Oudin, Bernard Joly, le rapporteur
général, le secrétaire d'Etat, le président de la commission. - Retrait des six
amendements.
Amendement n° I-227 de M. Angels. - Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. le rapporteur
général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendements n°s I-184 de M. Joyandet et I-230 de Mme Pourtaud. - M. Jacques
Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat,
Jean-Philippe Lachenaud. - Retrait des deux amendements.
Amendement n° I-231 de Mme Pourtaud. - Mme Danièle Pourtaud, MM. le rapporteur
général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-185 de M. Ostermann. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur
général, le secrétaire d'Etat, Jean Bernard, Michel Charasse, Jean-Philippe
Lachenaud. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
Amendement n° I-186 de M. Leclerc. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général,
le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-188 de M. Joyandet. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général,
le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-47 de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le
secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendements n°s I-117 de Mme Beaudeau, I-189 rectifié
bis
de M. Oudin et
sous-amendement n° I-270 de la commission ; amendements n°s I-155 rectifié de
M. Bordas et I-256 de M. Badré. - MM. Thierry Foucaud, Jacques Oudin, Philippe
Nachbar, Denis Badré, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat,
Jean-Philippe Lachenaud, le président de la commission. - Rejet de l'amendement
n° I-117 ; adoption du sous-amendement n° I-270 et de l'amendement n° I-189
rectifié
bis
modifié insérant un article additionnel, les amendements
n°s I-155 rectifié et I-256 devenant sans objet.
Amendements n°s I-114 de Mme Beaudeau et I-232 de M. Mélenchon. - MM. Guy
Fischer, Gérard Miquel, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet de
l'amendement n° I-114 ; retrait de l'amendement n° I-232.
Amendement n° I-229 de M. Angels. - MM. Bernard Angels, le rapporteur général,
le secrétaire d'Etat, Mme Marie-Claude Beaudeau. - Adoption de l'amendement
insérant un article additionnel.
Demande de réserve (p. 13 )
Demande de réserve de l'article 24. - MM. le président de la commission, le secrétaire d'Etat. - La réserve est ordonnée.
Article 23 (p. 14 )
Amendement n° I-236 de M. Angels. - MM. Marc Massion, le rapporteur général, le
secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-237 de M. Angels. - Retrait.
Amendement n° I-238 de M. Angels. - MM. Bernard Angels, le rapporteur général,
le secrétaire d'Etat, le président de la commission, Jean-Philippe Lachenaud,
Michel Charasse. - Rejet par scrutin public.
Amendement n° I-18 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur général, le
secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 24 (p. 15 )
Amendement n° I-118 de Mme Beaudeau. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Article 25. - Adoption (p. 16 )
6.
Motion d'ordre
(p.
17
).
MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances.
Suspension et reprise de la séance (p. 18 )
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
7.
Communication du Gouvernement
(p.
19
).
8.
Loi de finances pour 1999.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
20
).
Article 24 (précédemment réservé) (p. 21 )
MM. Marc Massion, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des
finances.
Amendement n° I-269 du Gouvernement. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat
au budget ; le rapporteur général. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 26 (p. 22 )
MM. Denis Badré, Bernard Angels, Christian de La Malène, Jean-Jacques Hyest,
Robert Calméjane, le secrétaire d'Etat.
Amendements n°s I-64 de M. Badré, I-19 de la commission et sous-amendement n°
I-69 rectifié
bis
de M. Chérioux ; amendements n°s I-192 à I-196 de M.
Schosteck, I-239 rectifié
bis
à I-241 de M. Delanoë et I-119 de Mme
Beaudeau. - MM. Denis Badré, le rapporteur général, Jean Chérioux, Jacques
Oudin, Bernard Angels, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le secrétaire d'Etat,
Christian de La Malène, Jean-Philippe Lachenaud, Michel Caldaguès, Michel
Charasse. - Retrait de l'amendement n° I-64 ; adoption du sous-amendement n°
I-69 rectifié
bis
et de l'amendement n° I-19 modifié rédigeant
l'article, les autres amendements devenant sans objet.
Article 28 (p. 23 )
Amendements n°s I-263 de la commission, I-66 de M. Badré, I-85 de M. Deneux, I-138 et I-137 de M. Loridant. - MM. le rapporteur général, Denis Badré, Marcel Deneux, Paul Loridant, le secrétaire d'Etat, Thierry Foucaud, Jean-Pierre Demerliat. - Adoption de l'amendement n° I-263 supprimant l'article, les autres amendements devenant sans objet.
Article 28
bis.
- Adoption (p.
24
)
Article 28
ter
(p.
25
)
Amendement n° I-25 de la commission. - MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Mme Marie-Claude Beaudeau. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Articles additionnels après l'article 28 ter (p. 26 )
Amendements n°s I-199 à I-201 de M. César. - M. Jacques Oudin. - Retrait des
quatre amendements.
Amendement n° I-88 de M. Arnaud. - M. Jean Huchon. - Retrait.
Article 30 (p. 27 )
Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jacques Oudin, Jean Bizet, Robert Calméjane,
Gérard Miquel.
Amendements identiques n°s I-38 de la commission, I-68 de M. Richert et I-205
de M. Bizet, amendement n° I-251 de M. Mauroy. - MM. le rapporteur général,
Gérard Miquel, le secrétaire d'Etat, Jacques Oudin, Jean-Philippe Lachenaud. -
Adoption des amendements n°s I-38, I-68 et I-205 supprimant l'article,
l'amendement n° I-251 devenant sans objet.
Article 31. - Adoption (p. 28 )
Renvoi de la suite de la discussion.
9.
Dépôt d'une proposition de résolution
(p.
29
).
10.
Renvoi pour avis
(p.
30
).
11.
Dépôt de rapports
(p.
31
).
12.
Ordre du jour
(p.
32
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à
la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein de cinq organismes
extraparlementaires :
- la Commission centrale de classement des débits de tabac ;
- le Conseil supérieur des prestations sociales agricoles ;
- le conseil d'administration de la société de radiodiffusion et de télévision
pour l'outre-mer ;
- le conseil d'administration de la société nationale de programme Radio
France internationale ;
- le conseil d'administration de l'Institut national de l'audiovisuel.
En conséquence, j'invite la commission des finances, la commission des
affaires sociales et la commission des affaires culturelles à présenter des
candidatures.
Les nominations des sénateurs appelés à siéger au sein de ces organismes
extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par
l'article 9 du règlement.
3
LOI DE FINANCES POUR 1999
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 1999 (n° 65, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale. (Rapport n° 66
[1998-1999].)
Nous allons examiner l'article 42, relatif à l'évaluation du prélèvement opéré
sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget
des Communautés européennes.
Article 42
M. le président.
« Art. 42. - Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'Etat au
titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes
est évalué pour l'exercice 1999 à 95 milliards de francs. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Denis Badré,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, l'article 42 du projet de loi de finances fixe à
95 milliards de francs le prélèvement sur ressources qui représente notre
contribution au budget européen pour 1999. Cette somme est à rapprocher des
91,5 milliards de francs, prélèvement de 1998.
Nous relevons donc une progression de 3,8 %. C'est beaucoup trop pour que nous
l'acceptions sans réserve.
Ce prélèvement nourrit un budget européen dont nous devons déplorer
l'inflation - 2,8 %. C'est également beaucoup trop.
Cette progression du prélèvement ne facilite pas par ailleurs la recherche de
l'équilibre de notre projet de loi de finances national. Ce n'est pourtant pas
un poste qui aurait dû réserver de mauvaises surprises. Mais, disant cela, je
ne veux évidemment pas faire supporter à l'Europe les déséquilibres de notre
budget. Vous savez que je n'aime pas voir l'Europe considérée comme
bouc-émissaire pour couvrir nos propres défaillances ou nos propres faiblesses,
mais nous savons que l'équilibre de votre projet de budget, monsieur le
secrétaire d'Etat, est compromis par bien d'autres options, nationales
celles-là.
Disons donc simplement que ce surcroît de prélèvements de 3,5 milliards de
francs n'est pas satisfaisant, et notons que l'augmentation des dépenses de
votre propre projet de budget ne vous qualifie pas bien pour condamner le
projet de la Commission. Ou alors, il vous faudra pratiquer le « faites ce que
je dis et non ce que je fais », ce qui n'est généralement ni très agréable ni
très efficace.
J'ajoute que cette conjonction d'augmentations vient mal à propos banaliser à
nouveau le principe même de dérapage que, précisément, le traité de Maastricht
avait pour objet de condamner, en proposant aux Etats membres de s'entraîner
les uns les autres vers la sagesse budgétaire. Comme quoi l'Europe de
Maastricht est exemplaire, si nos budgets national et européen pour 1999 le
sont eux beaucoup moins. Nos partenaires, eux, ont fait les efforts qu'il
fallait pour tendre vers la sagesse !
La contagion de la sagesse de Maastricht n'a pas encore totalement frappé la
France. Et il est fâcheux que, s'agissant de son propre budget, l'Union ne
saisisse pas une exceptionnelle occasion de donner l'exemple. Le contre-exemple
qu'elle nous propose nous semble au contraire d'autant plus éloquent, donc mal
venu, que le budget européen peut être maîtrisé jusqu'au premier euro. Il ne
supporte en effet pas de dette et couvre très peu de frais de
fonctionnement.
Faire beaucoup mieux était donc possible. Cela aurait été un signe politique
fort apprécié par les Etats membres comme par les citoyens de ces Etats
membres. C'est une occasion manquée. Il est dommage pour la construction
européenne que cette occasion n'ait pas été saisie alors que c'était le
moment.
Dans le détail, le budget de l'Union devrait être mieux maîtrisé. Globalement,
il gagnerait à être davantage subsidiaire. Comme je l'ai déjà dit lors de
débats précédents, plus de budget européen ne signifie certainement ni plus ni
mieux l'Europe. Au contraire, cela favorise l'expression des réserves, ou au
moins l'attentisme des Etats qui supportent principalement la charge du
financement de l'Union.
En dénaturant l'idée européenne, cela en éloigne des entreprises ou des
contribuables qui demandent, aujourd'hui, en toute priorité, et surtout en
France, un désarmement des prélèvements obligatoires.
On aurait donc pu attendre mieux du premier budget de l'euro. On aurait pu
attendre mieux du premier budget mis en oeuvre au lendemain du lancement
effectif des négociations d'adhésion liées à l'élargissement à l'Est alors
qu'était très opportunément lancé un vrai débat, celui sur l'Agenda 2000. Il
aurait enfin fallu faire mieux pour construire le budget qui servira de
référence à la définition des nouvelles perspectives financières, perspectives
qui vont régir les choix budgétaires de l'Union européenne pendant les
prochaines années. Autant d'occasions manquées !
Sommes-nous à ce point à court d'idées ou de volonté politique, pour laisser
passer de telles opportunités ?
A la lumière de ces premières observations et compte tenu du caractère très
analytique de mon rapport écrit, permettez-moi maintenant de mettre surtout en
perspective les grands choix traduits par ce projet de budget, en les situant
dans le contexte du développement actuel de la construction européenne.
L'année 1998 - je le disais à l'instant - restera une date marquante de cette
construction. Nous sommes désormais clairement engagés sur la voie d'une union
politique de plein exercice, et cette Union poursuit sa construction pas à pas,
démocratiquement, sur la base de l'adhésion des peuples et dans le respect des
identités et de la personnalité de chacun de ses membres.
En mai dernier, nous avons vu aboutir en temps, en heure et dans de très
bonnes conditions, le processus engagé sept ans plus tôt à Maastricht avec la
monnaie unique. L'Europe était présente au rendez-vous qu'elle s'était fixé, et
le délai qu'elle s'était donné pour cela se révélait sage. La volonté politique
réaffirmée par les chefs d'Etat avait conduit onze Etats à entrer dans l'Union
monétaire dès sa constitution.
Frapper monnaie est bien un privilège de la souveraineté politique. Rentrant
dans l'euro, choisissant de partager la même monnaie unique, ces Etats
faisaient le choix d'assumer ensemble cette souveraineté. Ils réaffirmaient
leur choix d'une Europe politique, et cet avènement de l'euro représente
aujourd'hui un approfondissement concret et qui sera réussi. Il le faut, et ce
sera le cas.
Les institutions nécessaires au bon fonctionnement de l'Union monétaire se
mettent en place, et celle-ci a déjà montré son efficacité dans un contexte
international passablement turbulent. La volonté est suffisamment affirmée pour
que les problèmes rencontrés soient clairement posés, puis traités.
J'ajoute que l'effet intégrateur de l'Union monétaire est impressionnant. Il
suffit d'avoir constaté les efforts accomplis par chacun de ses membres pour
que l'Union monétaire puisse être lancée sans qu'aucun craigne de la voir aller
à l'échec par la faute de son voisin : bel exemple de solidarité, rendu
possible par l'intérêt évident de l'opération.
Un seul regret à nouveau dans cette saine compétition : dans cette course à
l'exigence partagée, dans cette course à l'excellence, la France n'a sans doute
pas été la plus allante. Je continue à regretter que nous restions lanterne
rouge pour le déficit budgétaire et que notre dette continue à s'alourdir. Nos
partenaires aussi ont éprouvé des difficultés, ils les ont généralement mieux
surmontées.
La sagesse budgétaire avait été fixée comme préalable à la sagesse monétaire.
Le pacte de stabilité exige que cette sagesse budgétaire soit durable.
L'effet intégrateur joue aussi à l'extérieur du « Onze » de l'Union monétaire
actuelle.
La Suède commence à reconsidérer sa position en voyant sa situation se
dégrader par rapport à la Finlande.
Demain, peut-être, la Norvège elle-même, pour ne pas prendre de retard au plan
économique par rapport à la Suède, reconsidérera son refus de l'Union
européenne, parce qu'elle ne pourra pas rester en dehors de l'Union
monétaire.
L'économique peut donc entraîner le politique. D'ailleurs, l'histoire de
l'Union européenne et de sa construction l'a déjà largement démontré.
L'année 1998 marque aussi, disais-je en préambule, le lancement effectif du
processus d'élargissement à l'Est. Lui aussi a un effet intégrateur très fort.
Ici, et c'est tant mieux, toute idée de nivellement par la base a été écartée
tant pour les membres actuels que pour les futurs candidats.
L'entraînement joue aussi dans le sens de l'exigence : exigence économique sur
tous les fronts pour tous les candidats ; exigence financière lorsque le
Premier ministre lituanien, M. Vagnorius, nous écoute avec une grande attention
lui suggérer d'aligner désormais sa monnaie nationale, le litas, sur l'euro et
non plus sur le dollar pour bien marquer la priorité que son pays donne à sa
candidature à l'Union européenne ; exigence démocratique en Slovaquie ; jusqu'à
l'armée turque, gardienne de l'héritage laïque de l'Atatürk, dont le chef
d'état-major me disait, voilà deux ans, son rejet désormais absolu de l'idée
même de tout coup de force pour que la candidature turque à l'Union européenne
puisse prendre toute sa crédibilité.
En cette fin de siècle, l'Union s'approfondit donc, et l'Union s'élargit même
si ce n'est pas aussi vite et aussi loin dans tous les domaines, même si
l'Europe de la défense reste un peu en panne. Il est plutôt satisfaisant de
constater qu'avec ses imperfections l'Union continue à séduire de nouveaux
candidats. Sa capacité à s'élargir et son ouverture sur le monde font sa force
et garantissent son rayonnement. Tant pis pour les esprits chagrins !
Alors, il faudra tôt ou tard revenir sur la mise en place d'une politique de
sécurité intérieure et extérieure européenne. Il faudra également ouvrir
vraiment le dossier de la subsidiarité, seule manière de viser plus
d'efficacité, une meilleure économie de moyens et une appropriation plus forte
de l'idée européenne par les citoyens de l'Europe.
Et puis, il faut bien sûr une réflexion budgétaire qui soit elle aussi
véritablement politique. Il ne s'agit plus seulement de financer des politiques
communes, il faut doter d'un véritable budget une Union devenue politiquement
adulte. Doter d'un budget ne signifie pas forcément apporter beaucoup de
crédits ; cela veut dire doter d'un budget conforme aux compétences de l'Union
et à l'idée que nous nous faisons de la construction européenne.
Vous notez, mes chers collègues, que je suis passé du registre des
satisfactions à celui des questions ou des ambitions, voire des inquiétudes.
Vous le savez, c'est parce que je crois profondément en l'idée européenne que
je ne veux pas la voir galvaudée ou compromise. Une exigence de tous les
instants et sur tous les dossiers doit, au contraire, nous animer alors que
nous savons que la moindre défaillance ou la plus petite erreur peuvent
provoquer des ravages dans une opinion dont nous savons qu'elle reste
terriblement versatile. Nous ne voulons pas que cette opinion décroche de
l'Union européenne. Nous savons qu'elle attend de nous que nous sachions lui
parler simplement de cette grande idée qu'est la construction européenne.
Derrière tout ce que je viens de dire, vous avez évidemment lu le mot « budget
». Avant l'euro, il y avait une exigence budgétaire à partager ; avec l'euro,
il y aura harmonisation fiscale, donc, là aussi, des conséquences directes sur
les budgets des Etats membres cette fois, et indirectes sur le budget de
l'Union européenne.
Le budget d'une Union européenne politique devrait d'abord être adopté dans le
cadre d'une démarche claire et démocratique.
Du côté des dépenses, la procédure de codécision peut paraître compliquée, et
nous pouvons déplorer de n'avoir pratiquement pas notre mot à dire alors même
que nous sommes les véritables payeurs.
Du côté des recettes, qui nous touchent directement, puisque c'est nous qui
les apportons, il y a encore beaucoup à dire puisqu'elles proviennent pour une
part principale - qui s'élargit encore d'année en année - des prélèvements
opérés sur les recettes des Etats membres, sans que ceux-ci aient vraiment la
possibilité de les refuser.
La question des ressources propres reste donc entièrement posée, et le recours
à une forme de cotisation des Etats membres conduit fatalement à un débat sur
les contributions nettes.
Or ce débat n'est vraiment pas d'esprit européen. Il est en outre totalement
faussé dans la mesure où les Etats n'apportent tout de même pas la totalité des
recettes et dans la mesure où une part de la dépense seulement, et encore
différente de la part des recettes apportées par les Etats, est
géographiquement affectée dans les différents Etats.
Les comparaisons sont donc vraiment difficiles, même si certains ne se privent
pas d'en faire. Mais quelle valeur ont-elles dans ces conditions ?
Au demeurant, si les Etats de l'Union se sont rapprochés, c'est bien sûr pour
faire mieux ensemble et au bénéfice de chacun, ce qu'ils auraient fait moins
bien séparément. C'est aussi pour faire ensemble ce qu'ils n'auraient pas du
tout pu faire seuls.
« Produire » de la paix, de la liberté ou de la démocratie dans le monde, ils
n'auraient pas pu le faire seuls ! Or, cela n'a pas de prix. C'est une dépense
commune évidemment, mais elle est difficile à localiser, et il est difficile de
savoir au bénéficie de quel Etat membre elle a été réalisée. Ces dépenses vont
manifestement au bénéfice de l'Union et elles ont un intérêt indirect pour le
monde entier.
S'agissant des dépenses, alors que la définition de nouvelles perspectives
financières s'approche, nous devons également prôner une grande rigueur.
Le recours à la subsidiarité s'impose déjà. Il s'imposera de plus en plus avec
l'élargissement à l'Est.
En effet, l'Europe sera large. La géographie, l'Histoire et la volonté des
peuples en ont décidé ainsi. Et il est clair qu'elle sera forte également. En
effet, pourquoi nous donnerions-nous du mal pour bâtir une Union dont nous
aurions par avance accepté qu'elle soit faible ou qu'elle aille à l'échec ?
Non, nous ferons ce qu'il faut pour qu'elle soit forte.
Le débat « approfondissement ou élargissement ? » n'est plus de saison. Il
faut l'approfondissement et l'élargissement.
Pour qu'elle puisse être à la fois large et forte, l'Europe devra limiter
strictement son champ d'action. Je propose dès lors d'utiliser comme crible,
au-delà du mot un peu technique et un peu compliqué de « subsidiarité », de
répondre aux deux questions simples suivantes : est-ce que l'Europe réalisera
mieux cette action que les Etats ne pourraient le faire ? Est-ce que cette
action construit l'Europe ?
Il faut aussi, bien sûr, pourchasser toutes les fraudes, refuser tous les
gaspillages et écarter toutes les facilités. Les précautions et autres
provisions ne sont par ailleurs plus de saison.
A cet égard, il peut être prudent de fixer des plafonds ou des lignes
directrices. Malheureusement, s'ils sont mis en place pour interdire les
débordements, il est clair qu'ils apparaissent immédiatement, aussi et d'abord,
comme une incitation à pousser la dépense jusqu'à atteindre le plafond, même
lorsque cela ne s'imposerait pas tout à fait.
Pour finir, je passerai très vite en revue les grands postes de dépenses, me
limitant à formuler quelques observations particulières.
Si les autorités communautaires paraissent très fières du cinquième programme
cadre de recherche et développement, ou PCRD, je ne suis pas certain, pour ma
part, qu'il représente vraiment ce que l'Union doit apporter aux Etats pour
favoriser les synergies en matière de recherche.
Je l'ai déjà dit dans mes rapports précédents, je n'y reviens donc pas. Je
sais que l'on doit pouvoir faire beaucoup mieux, mais il faut remettre
complètement en cause la politique « de guichet » qui reste pour le moment de
saison dans ce domaine.
Les réseaux transeuropéens - je crois savoir que M. Daniel Hoeffel
interviendra à nouveau sur ce point tout à l'heure - sont créateurs d'emplois.
Ils réduisent les distances. Ils construisent donc l'Europe beaucoup mieux que
d'autres actions. A ce titre, ils doivent être privilégiés.
Les actions extérieures qui donnent son identité à l'Union dans le monde
doivent, elles aussi, être privilégiées, chaque fois qu'existent les bases
légales nécessaires, bien sûr. Si ces bases légales n'existent pas, lancer des
actions extérieures peut être une catastrophe. Cela se retournerait contre
l'Europe et contre la générosité de l'idée qui les a fait naître.
S'agissant de la politique agricole commune, des marges de manoeuvre ont été
constituées ces dernières années. Elles ont notamment permis de financer sans
trop de difficultés la lutte contre l'encéphalopathie spongiforme bovine,
l'ESB.
Ces marges sous la ligne directrice provenaient de ressèrement entre les cours
mondiaux et les cours européens. Mais la différence entre ces cours tend à
nouveau à se creuser. J'appelle donc l'attention du Gouvernement : nous devons
aujourd'hui être beaucoup plus prudents sur ce point. Les précautions ne sont
plus de saison. Il faut suivre très strictement et très attentivement
l'évolution des cours.
J'en viens maintenant aux dépenses d'actions structurelles, et c'est là que je
serai le plus critique, de manière constructive, bien entendu, monsieur le
ministre, car, vous le savez, je suis d'abord préoccupé par l'avenir.
Les crédits d'engagement dans ce domaine progressent de 16 %, ce qui explique,
pour l'essentiel, le dérapage de l'ensemble du budget européen qui nous est
proposé.
Cette augmentation de 16 % provient de la nécessité de solder le paquet Delors
II d'Edimbourg et pose trois problèmes.
L'engagement d'Edimbourg consistait à engager obligatoirement avant 1999 un
montant de crédits donné. Peu importait que l'on ne parvienne pas à les
dépenser ! Le solde est donc inscrit pour le dernier exercice, simplement afin
de tenir l'engagement.
Il est pourtant clair que la dépense n'est pas une fin en soi. Il est non
moins vrai que ce que des chefs d'Etat ont fait voilà sept ans, des chefs
d'Etat pourraient le défaire en prenant acte de l'excès d'ambition du programme
mis en place ou des difficultés rencontrées depuis pour le réaliser.
Considérer au contraire qu'il faut aller jusqu'au bout quoi qu'il arrive ne
relève pas de ce qu'il y a de meilleur à Bruxelles. Ce type d'attitude peut
aussi détourner de l'Europe des esprits raisonnables et au moins nous laisser
nous-mêmes quelque peu surpris et quelque peu déçus. Ce n'est pas parce qu'une
première erreur a été commise qu'il faut se croire obligé d'en faire une
seconde.
Evoquons le deuxième problème posé par la nécessité de solder le paquet Delors
II.
Dans certains domaines, les crédits d'actions structurelles sont déjà dépensés
avec plus d'un an de retard. Il est évident que l'on verra ce retard
s'accroître si l'on inscrit de nouveau au projet de budget pour 1999, une
dotation en progression très sensible.
Ces retards provoquent, eux aussi, des critiques tout à fait justifiées contre
la méthode européenne, donc contre l'Europe.
Troisième problème : les actions structurelles doivent observer le principe
d'additionnalité. Augmenter aujourd'hui les dotations européennes signifie
augmenter en proportion l'effort attendu des Etats et des collectivités
territoriales.
M. le président.
Monsieur le rapporteur spécial, je vous invite à conclure.
M. Denis Badré,
rapporteur spécial.
Je termine, monsieur le président.
Ceux-ci vont-ils pouvoir suivre en un temps où ils s'obligent eux-mêmes à
pratiquer une réelle rigueur budgétaire ? Cette contradiction entre une Europe
qui dérape et des financeurs plus proches qui s'y refusent ne sert pas non plus
l'Europe.
Monsieur le ministre, pour ces trois raisons, il faut faire quelque chose pour
revenir à la sagesse dans un domaine, celui des actions structurelles, qui pèse
désormais très lourd dans le budget européen et qui est emblématique.
Pour conclure, monsieur le ministre, je vous demande de nouveau de peser de
tout votre poids, même si votre crédibilité est un peu entamée comme je le
disais en introduction, pour que la présentation, le contenu et le volume du
budget européen s'améliorent. Cela me paraît possible pour peu que l'on en ait
la volonté et cela me paraît indispensable pour que la construction d'une
Europe politique puisse se poursuivre sans défaillance et avec l'assentiment
des peuples.
Mes chers collègues, malgré ces réserves, la commission des finances vous
recommande d'adopter l'article 42 du projet de loi de finances. Vous n'avez
d'ailleurs pas beaucoup de marge de manoeuvre à cet égard.
C'est parce que je ne veux pas voir dévoyée l'idée européenne que je m'attache
à censurer tout ce qui peut donner lieu à critique dans la construction de
l'Union.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la délégation pour l'Union européenne.
M. Michel Barnier,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des
finances, mes chers collègues, comme chaque année, le Parlement est appelé à
approuver, sans vraiment en discuter, la contribution française au budget des
Communautés européennes, et, comme chaque année, les parlementaires que nous
sommes, sur tous les bancs me semble-t-il, au Palais-Bourbon comme au palais du
Luxembourg, éprouvent ce sentiment un peu désagréable, et même à certains
égards frustrant, d'être placés devant le fait accompli. J'avais d'ailleurs,
lorsque j'étais à votre place, monsieur le ministre, compris ce sentiment de
frustration dont vous me permettrez de vous dire que je le ressens encore plus
aujourd'hui.
En 1999, le montant de la participation française au budget communautaire,
comme l'a dit notre rapporteur M. Denis Badré, s'élèvera donc à quelque 95
milliards de francs sans que les représentants de la nation en aient vraiment
fait le choix. Pourtant, nous le savons tous, le principe du consentement à
l'impôt par les représentants de la nation se trouve à la source même de la
création des parlements.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
C'est vrai !
M. Michel Barnier,
président de la délégation pour l'Union européenne.
Il est gravé dans le
marbre de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Le budget de l'Europe, pourtant, fait encore, en catimini, exception à la
règle solennelle de ce consentement : bien fâcheuse exception en vérité !
Est-il vraiment conforme à la démocratie telle que nous la vivons aujourd'hui
que la participation financière de la France au budget communautaire, qui croît
chaque année en importance, emprunte encore la procédure un peu baroque de
notre débat d'aujourd'hui ? Personnellement, je ne le crois pas et j'ai
d'ailleurs eu l'occasion de le dire en d'autres temps.
Sans doute, monsieur le ministre, mes chers collègues, y a-t-il là un nouveau
sujet de dialogue et de travail entre le Gouvernement et le Parlement pour
poursuivre ensemble la démocratisation de la politique européenne de la
France.
C'est avec un certain optimisme que je vous lance une sorte d'appel, monsieur
le ministre, car au-delà des considérations politiques et partisanes, nous
avons déjà bien travaillé et nous allons bien travailler, me semble-t-il, en
faveur de cette démocratisation comme peut en témoigner - en tout cas je le
souhaite - le dialogue qui s'est engagé dans la perspective de la ratification
du traité d'Amsterdam, dialogue dans lequel, je veux le redire, le Sénat, par
les arguments qu'il développe et qu'il développera au sein de sa délégation
pour l'Union européenne et au sein de la commission des lois, tient et tiendra
une place centrale dans la droite ligne des orientations définies à cette
tribune, par notre président, M. Christian Poncelet.
A propos du traité d'Amsterdam, je veux dire quelques mots, sans entrer dans
le détail.
L'essentiel, monsieur le ministre, est désormais - si vous me permettez cette
métaphore - que le Parlement et le Gouvernement règlent leurs montres ensemble
!
L'enjeu n'est pas de conférer au Parlement je ne sais quel droit de veto ou
pouvoir d'irruption dans le mandat que le Gouvernement tient du peuple pour
conduire la politique européenne de la France, et que nul ne lui conteste, ici
ou ailleurs. Du moins est-ce ainsi sous cette République, et je ne fais pas
partie de ceux qui veulent en changer.
L'enjeu est tout simplement de permettre au législateur qu'est le Parlement de
s'exprimer sur des textes qu'il va être mis en demeure d'entériner, et cela
avant que le sort n'en soit jeté. Vous en conviendrez, monsieur le ministre,
c'est la moindre des choses !
Je sais que vous en êtes conscient et que vous le regrettez avec nous, mais
laissez-moi prendre le parfait exemple de cette contribution au budget des
communautés européennes.
Que nous demande-t-on d'approuver?
L'exercice budgétaire pour l'année 1999 constitue la dernière tranche de la
programmation budgétaire communautaire, qui avait été arrêtée pour sept ans en
1992, c'est-à-dire, en clair, que ces perspectives financières ont été adoptées
avant la mise en oeuvre de l'article 88-4 de la Constitution et que le
Parlement n'a pas, à proprement parler, été consulté à leur sujet.
Depuis, nous suivons le chemin dessiné en 1992 et notre discussion annuelle,
très franchement, n'en infléchit pas le cours.
Certes, grâce à l'article 88-4, nous pouvons nous prononcer chaque année sur
l'avant-projet de budget présenté par la commission, mais l'intérêt d'une
intervention du Parlement, sur ce sujet comme sur tous les autres, c'est... ce
serait de prendre date aussi en amont que possible.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, nous devons régler nos montres, vous et
nous, pour que le travail du Parlement prenne place au bon moment - c'est
l'intérêt du Gouvernement et de ceux qui le conseillent - pour que notre
travail s'inscrive dans la discussion des enjeux communautaires au lieu d'en
être un épilogue, pour que notre travail vienne enrichir la réflexion du
Gouvernement et que, dans ces conditions, les représentants de la nation
puissent s'associer à ses choix.
M. Jacques Oudin.
Très bien !
M. Michel Barnier,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Voilà
pourquoi, monsieur le ministre, il faut que la révision constitutionnelle à
laquelle on prête la dernière main en ce moment soit enfin le point de départ
d'une nouvelle époque avec un dialogue adulte entre le Parlement et le
Gouvernement.
Les questions européennes, mes chers collègues, je peux en témoigner comme
beaucoup d'entre nous, ne sont plus des questions de politique étrangère.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
C'est exact !
M. Michel Barnier,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Monnaie,
transports, règles de toutes natures fixées par les directives, chasse par
exemple, tout cela, ce n'est plus de la politique étrangère.
Il faut donc que nous aboutissions, et la discussion à propos du traité
d'Amsterdam en est l'occasion, à un dialogue adulte. Au Gouvernement de
proposer, de négocier, de décider ; au Parlement d'inspirer, d'informer, de
débattre.
Cette nouvelle époque, nous allons devoir l'aborder ensemble, et l'entamer
très vite, faute de quoi il ne faudra pas s'étonner que le décrochage avec les
citoyens, ce déficit démocratique que nous constatons tous à propos de la
construction européenne, ne s'aggrave à l'infini.
Le paquet Delors II 1993-1994 va s'achever à la fin du mois de mars. D'après
le calendrier envisagé à Cardiff de nouvelles perspectives financières doivent
être adoptées, portant sur la période 2000-2006.
Les enjeux de ce paquet Santer sont, chacun le sait, cruciaux pour l'avenir de
l'Union européenne car il s'agit de déterminer un cadre financier permettant
l'élargissement à l'Est, et cela dans un contexte de contestation par certains
Etats membres, et non des moindres, comme l'Allemagne, de leur contribution
nette au budget communautaire.
Le Parlement a été saisi, toujours en application de l'article 88-4, des
propositions formulées par la Commission pour l'établissement des futures
perspectives financières. Pour la première fois, il aura la possibilité de se
faire véritablement entendre sur la définition du cadre financier de l'Union
européenne. Notre délégation pour l'Union européenne examinera prochainement un
rapport de notre collègue Denis Badré pour que le Sénat dispose de la meilleure
information sur ce sujet et puisse débattre en amont de la programmation
pluriannuelle des dépenses communautaires.
Sur le fond, je me bornerai à formuler trois observations.
Première observation : sachons tenir compte de l'expérience, c'est-à-dire de
certaines erreurs du passé.
Sur ce point, je ne peux que vous approuver, monsieur le ministre, lorsque
vous dénoncez le statut privilégié des dépenses structurelles. C'est ce statut
qui conduit, nous le voyons dans le budget pour 1999, à augmenter d'une année
sur l'autre les dépenses communautaires dans une proportion difficilement
compatible avec l'effort de rigueur demandé aux Etats membres, notamment dans
le cadre de l'Union économique et monétaire. Il y aura d'ailleurs beaucoup à
dire sur l'utilisation, ou plutôt la non-utilisation, des dotations consacrées
aux actions structurelles.
Deuxième observation : le débat sur les contributions nettes des Etats membres
ne saurait conduire à remettre en cause la logique communautaire.
Nous ne saurions ainsi admettre un raisonnement en termes de juste retour,
comme on l'entend quelquefois, ni consentir à la généralisation du « chèque
britannique » - c'est même sa suppression qui, en toute logique, devrait être à
l'ordre du jour ; nous ne saurions non plus admettre ce non-sens communautaire
d'un cofinancement des aides directes à l'agriculture. Comment pourrait-on
qualifier de « commune »,
a fortiori
de communautaire, une politique que
quinze Etats - peut-être bientôt vingt et un -, chacun de leur côté,
financeraient, même partiellement, en fonction de critères qui, pour être
conformes aux principes établis à Bruxelles, seraient interprétés par chacun -
chacun chez soi, chacun pour soi - en fonction de ses intérêts propres ? Privée
de règle du jeu, la politique agricole commune exploserait et nous savons bien
que la France serait la première frappée par cette explosion.
Troisième et dernière observation : l'heure est à la discipline budgétaire
pour les Etats membres. Elle l'est au nom de l'Union économique et monétaire.
Elle l'est également pour obtenir ce que la Commission européenne appelle « une
croissance saine ». Cette discipline, l'Union européenne doit également se
l'imposer à elle-même. La contribution des Etats membres, en particulier de la
France, ne peut continuer de croître au rythme de 3,5 % à 4 % par an, rythme
bien supérieur à la progression attendue du PNB.
Il nous faudra donc faire des coupes ou des économies dans certaines
politiques. Lesquelles ? Nous en discuterons prochainement, mais je ne crois
pas que cela puisse véritablement concerner les dépenses agricoles.
Il faut en effet savoir, mes chers collègues, que la Commission a retenu des
hypothèses fort optimistes, pour ne pas dire irréalistes, pour calculer la
marge disponible sous la ligne directrice agricole. Je pense bien entendu aux
données macro-économiques, établies avant la crise asiatique, avant la crise
russe, avant la crise financière internationale.
Je pense surtout à l'hypothèse selon laquelle les nouveaux Etats membres ne
bénéficieraient que des mesures d'intervention et non des aides directes de la
PAC, hypothèse dont la réalisation me semble pour le moins incertaine. La Cour
des comptes européenne considère d'ailleurs que les dépenses agricoles
effectives dépasseront, entre 2002 et 2006, la ligne directrice agricole.
Nous devrons donc rechercher des économies ailleurs. Peut-être dans les
dépenses structurelles, peut-être au niveau de certaines politiques internes,
peut-être ailleurs...
En tout état de cause, face au bouleversement prévisible lié à l'élargissement
de l'Union - que nous souhaitons et que nous devons préparer sérieusement, sans
prendre de raccourci, dans l'intérêt des futurs Etats membres et dans notre
intérêt - et aux risques d'implosion qui apparaissent ça et là, la France doit
s'exprimer au nom de l'intérêt supérieur de la construction européenne, dont le
sens semble, hélas ! oublié de tous au milieu de cette grande empoignade
budgétaire.
Comme lors du rendez-vous en partie manqué d'Amsterdam, elle doit rester
ferme, presque intransigeante, quant à son ambition d'une Europe politique,
d'une Europe qui ne se résumerait pas à un supermarché, mais qui deviendrait
progressivement une puissance politique et souveraine, une Europe capable de
disposer de son budget et de s'appuyer sur des institutions efficaces. Car,
nous le savons bien, une Europe sans budget et sans institutions efficaces
serait cette grande Europe molle, cette grande bourse d'échanges sans âme dont
rêvent plus ou moins discrètement les Anglo-Saxons. Et puisque j'évoque en cet
instant l'âme de l'Europe, la confiance qu'elle devrait inspirer à nos
compatriotes, je voudrais, en conclusion, monsieur le ministre, et un peu en
marge de la discussion budgétaire et technique qui s'engage, vous soumettre
ainsi qu'au Gouvernement auquel vous appartenez, comme je l'ai fait hier en
commission des affaires étrangères devant M. Védrine, une idée qui m'est venue
en regardant, comme vous tous, les images terribles du cataclysme qui s'est
abattu voilà quelques semaines sur les pays d'Amérique centrale et qui a
provoqué plusieurs dizaines de milliers de morts.
En observant la bonne volonté - celle de la France en particulier - mais
désordonnée des pays européens pour porter secours aux peuples de ces pays, je
me suis dit qu'il y avait là une posibilité d'action commune et lisible.
Pourquoi ne pas créer, sous l'impulsion de la France, par exemple, une force
d'intervention humanitaire commune aux quinze nations européennes immédiatement
mobilisable et dotée d'une structure permanente ?
C'est avec de telles idées - et celle-ci n'en est qu'une parmi d'autres - que
l'Union européenne portera un message d'espoir susceptible d'être entendu non
seulement à l'extérieur de ses frontières, mais aussi - je le dis en pensant
aux débats qui s'ouvrent sur le traité d'Amsterdam, l'euro et les élections
européennes - à l'intérieur.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 27 minutes ;
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 18 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole et à M. Bordas.
M. James Bordas.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre
rapporteur spécial a très bien présenté les orientations et les enjeux du
projet de budget européen pour 1999.
Pour ma part, je voudrais revenir sur la nouvelle dérive des dépenses observée
dans ce projet de budget. Elle est inquiétante, car elle est révélatrice d'un
manque de maîtrise des politiques engagées au niveau communautaire.
Néanmoins, le budget que nous examinons, au travers de la contribution
française, me semble appartenir à une ère qui s'achève. Il n'est pas seulement
le dernier d'une programmation budgétaire commencée en 1993 et qui doit
s'achever l'année prochaine. Il est aussi le dernier d'une période - pourquoi
ne pas le dire ? - un peu insouciante de la construction européenne et de son
financement.
Aujourd'hui, les choses changent. Chacun se rend compte de l'importance de
l'Europe, du poids financier des politiques communautaires et de leur influence
sur notre avenir.
L'heure n'est plus aux grandes déclarations et aux dépenses toujours plus
importantes. Le temps du réalisme est venu. Certains pourront le regretter,
préférant les temps héroïques de premiers pas de la construction européenne.
J'y vois un signe positif, celui d'une Europe moins théorique, plus réelle,
qui nous concerne plus directement et dont nous mesurons mieux les effets, une
Europe plus mûre financièrement et politiquement.
Cette « maturité » nous conduit à appréhender les questions budgétaires
européennes comme nous le faisons pour les questions financières nationales,
avec les mêmes préoccupations, selon les mêmes principes.
Il en est ainsi de la maîtrise des dépenses publiques. Cette idée, que la
majorité sénatoriale défend avec constance dans le cadre de ce projet de loi de
finances, est désormais au coeur du débat européen, et nous ne pouvons que nous
en réjouir.
Dans trois semaines, à Vienne, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union
européenne devraient dégager les grandes lignes de la réforme financière de
l'Union européenne, pièce maîtresse d'Agenda 2000.
Cette réforme comprend, outre son aspect financier, la réforme de la politique
agricole commune et des fonds structurels, dans la perspective de
l'élargissement à une dizaine de pays de l'Est et à Chypre à l'horizon
2005-2006. L'enjeu est donc important.
Huit pays de l'Union, dont l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni, sont
favorables à une stabilisation des dépenses européennes en termes réels
jusqu'en 2006, soit un gel du budget européen à environ 85 milliards d'écus par
an durant toute la période.
Cette formule permettrait à l'Europe de montrer l'exemple de la rigueur
budgétaire durant les premières années de l'euro.
Elle permettrait en même temps de stabiliser au moins à leur niveau actuel les
contributions budgétaires de l'Allemagne, des Pays-Bas, de la Suède et de
l'Autriche, qui réclament une nette diminution de leur participation
financière.
Enfin, pour la France, elle éviterait la menace d'une renationalisation
partielle de la PAC que sous-tend l'idée du cofinancement national des dépenses
agricoles mises en avant par la Commission européenne pour réduire les dépenses
communautaires et pour diminuer la contribution budgétaire allemande.
Les quinze ministres européens des finances ne sont pas encore parvenus à un
accord sur cette question essentielle, notamment en raison de l'opposition des
pays qui craignent qu'un gel des dépenses européennes n'augmente leur
contribution budgétaire ou ne réduise les fonds structurels dont ils
bénéficient en priorité. Mais la question est désormais posée, et c'est déjà un
point positif.
Le débat sera rude, mais il y aura débat. Je trouve cela à la fois sain et
nécessaire.
Je souhaite maintenant insister sur un second point qui me paraît
essentiel.
J'ai évoqué une nouvelle ère, une évolution des mentalités. Il s'agit d'une
évolution sur le fond, c'est-à-dire la nature des politiques et la structure du
budget européen, mais aussi sur la forme, autrement dit la manière dont ces
politiques sont adoptées et appliquées.
L'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui montre les limites de
l'influence du Parlement dans le processus de décision communautaire.
Nous allons voter l'article 42 du projet de loi de finances sans avoir la
possibilité de modifier le montant de la contribution fançaise au budget
européen ni de proposer une répartition différente des dépenses
communautaires.
Le Gouvernement en décide seul, avec ses partenaires européens. Le Parlement
ne peut qu'approuver ou rejeter en bloc les traités soumis à sa
ratification.
Cette situation doit nous amener à réfléchir au moment où l'Assemblée
nationale examine le projet de loi constitutionnelle préalable à la
ratification du traité d'Amsterdam.
Plusieurs propositions, dont certaines émanent du Sénat, tendent à renforcer
le contrôle du Parlement et son association aux travaux de l'Union
européenne.
Nous aurons l'occasion d'en débattre ici même le mois prochain, mais je
voulais aborder ce sujet aujourd'hui, car le processus budgétaire européen
illustre bien le chemin qui reste à parcourir. Il est indispensable que nous
soyons mieux associés aux décisions qui, chaque jour un peu plus, concernent
nos concitoyens, nos enfants, notre avenir.
Il s'agit là d'un impératif de transparence qui conditionne pour une bonne
part le succès de la construction européenne.
A ce sujet, monsieur le ministre, je souhaite vous faire part d'une
interrogation de ma collègue Anne Heinis, sénateur de la Manche, et que je fais
mienne.
Alors que l'Union européenne a adopté des politiques structurelles et prévu
des fonds pour les financer, certains services de l'administration française
semblent s'ingénier à compliquer les procédures et les demandes
d'information.
Selon certaines informations, ils se permettraient même d'apprécier
l'opportunité d'actions pourtant décidées au niveau européen.
Dans ces conditions, les collectivités locales hésitent à conseiller aux
porteurs de projets de constituer des dossiers de subvention, dans la mesure où
les règles fixées par l'administration évoluent sans cesse.
De plus, nous constatons un allongement des délais d'instruction des dossiers,
et il n'est pas rare que les subventions soient versées de dix à douze mois
après la réalisation des travaux.
Vous conviendrez, monsieur le ministre, que seules les structures disposant
d'une trésorerie importante peuvent supporter de tels délais. Il s'agit, là
encore, d'une question de transparence. Voter des crédits européens est une
chose. Les attribuer convenablement sur le terrain en est une autre.
Mme Heinis et moi-même souhaitons savoir si le Gouvernement compte faire des
efforts dans ce domaine, notamment en incitant son administration à ne pas
prendre trop de libertés avec les politiques mises en route sur le plan
européen. Nous vous remercions par avance pour votre réponse.
Dans cette attente, et au-delà des remarques que j'ai pu faire sur le fond, je
tiens à indiquer que le groupe des Républicains et Indépendants votera
l'article 42 du projet de loi de finances pour 1999.
(Applaudissements sur
les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au travers
du débat récurrent sur la contribution française au budget communautaire, c'est
en réalité une question essentielle qui se pose à nous : quel budget pour
l'Europe, et pour quelle Europe ?
Le consentement au prélèvement européen, évalué cette année à 95 milliards de
francs, est un acte de foi en l'Europe, et il me paraît important de le
rappeler à un moment où certains de nos partenaires contestent le niveau de
leur contribution, remettant ainsi en cause les politiques communes et le
principe de solidarité entre les pays et les régions.
Mais ce consentement ne nous empêche pas d'émettre des réserves sur le volume
de la dépense communautaire, sa gestion ou sa finalité.
Il est effectivement paradoxal que, à un moment où les budgets nationaux sont
soumis à de fortes contraintes pour satisfaire aux critères de convergence
prévus par le traité de Maastricht, le budget communautaire enregistre pour
1999 une forte hausse, relevant du même coup la contribution nette des grands
financeurs, dont celle de la France.
D'autre part, on ne peut qu'exprimer une vive préoccupation devant les
irrégularités et les insuffisances qui caractérisent la gestion des crédits
communautaires. La récente controverse entre le Parlement européen et la
Commission en a donné de nouveaux exemples.
Ces deux facteurs sont de nature à susciter un sentiment de rejet dans
l'opinion publique et risquent d'alimenter l'idée, chère à certains, d'une
renationalisation de ces fonds.
Cependant, au-delà des modalités de la dépense communautaire, la véritable
interrogation porte sur l'ambition au service de laquelle elle est mise. Tout
budget sert la mise en oeuvre d'une politique, et celui de l'Union européenne
n'échappe pas à cette règle.
Ce budget pour 1999 est un budget de transition, se contentant d'apurer les
engagements pris à Edimbourg pour la période 1993-1999 ; il est donc loin de
préparer l'Europe aux défis qui l'attendent. Car, monsieur le ministre, vous
plus que tout autre allez le mesurer, le contexte dans lequel il s'inscrit
n'est en rien, lui, une transition.
Cette dernière année du xxe siècle devrait en effet concrétiser les espoirs et
les efforts de tous ceux qui travaillent à la construction européenne. Elle
sera en tout cas marquée par des échéances importantes : la ratification du
traité d'Amsterdam ; la mise en place de l'euro ; la définition des nouvelles
perspectives financières pour la période 2000-2006 ; enfin, les élections
européennes.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de revenir sur ces échéances, et tout
d'abord sur la ratification du traité d'Amsterdam.
Votre position vis-à-vis de celui-ci manque de clarté. Le sens de l'Etat
voudrait que vous le refusiez ou que vous le fassiez vôtre. Au lieu de cela,
vous manifestez une tiédeur peu mobilisatrice, notamment pour les citoyens,
prétextant avoir hérité du dossier lors de votre venue aux affaires et n'avoir
pu faire autrement que de l'entériner.
Pourtant, en dépit d'une lacune majeure sur le plan institutionnel, les
progrès sont réels dans certains domaines : asile, immigration, sécurité
intérieure et justice, politique étrangère et de sécurité commune.
Vous préférez revendiquer la paternité du volet social. Soit ! Je ne
rappellerai pas ici quelques extraits des discours de M. Blair, en opposition
totale avec le vôtre, mais il est évident que celui-ci est à usage interne,
permettant à vos associés de la gauche plurielle de se prétendre dispensés de
leurs engagements d'estrade.
Pourtant, sur des sujets sensibles comme l'immigration, qui intéresse, avec
des attitudes très contrastées, tous les citoyens, il est urgent de montrer une
certaine cohésion.
Aujourd'hui, il n'y a aucune cohérence des Etats face à l'immigration
clandestine, alors que les frontières intérieures n'existent plus. Chaque pays
se débarrasse de ces malheureux immigrés et ces derniers courent d'un pays à
l'autre en fonction des déclarations parues dans la presse.
Et je ne parle pas de la cacophonie qui règne dans notre pays sur les 60 000
sans-papiers identifiés, entre les déclarations de Mme Voynet, favorable à leur
légalisation sans condition, et celles du Premier ministre et du ministre de
l'intérieur, qui y sont opposés.
Ne jouons plus sur la sémantique : un sans-papier est un clandestin, entré par
effraction sur le territoire ou n'ayant pas respecté le contrat qu'il a passé
avec la France au moment de la demande et de l'obtention de son visa. Affirmez
votre choix : soit il n'a pas d'existence administrative et doit être reconduit
à la frontière, soit vous abolissez les frontières. Mais n'entretenez pas
d'équivoque. Défendez la position française à l'échelon européen ou trouvez un
moyen terme qui soit commun.
Autre sujet, constituant certainement le support à la fois objectif et
affectif qui permettra aux citoyens de l'Union de se sentir et de s'affirmer
européens : la politique de défense et de sécurité commune.
Il faut bien admettre que ce qui devrait être une politique extérieure n'est
aujourd'hui qu'un ensemble de déclaration provoquant plus l'irritation de nos
concitoyens que la conviction d'appartenir à une Union soudée par des intérêts
communs.
La liste est longue des signes d'inefficacité et d'incohérence de cette
politique.
Combien de morts a-t-il fallu en Bosnie, combien d'humiliations, avant que la
force d'intervention rapide ne soit mobilisée sous l'impulsion forte du
président Chirac ?
Comment expliquer également que l'Europe finance aux deux tiers l'Autorité
palestinienne et qu'elle soit totalement absente des négociations de paix ?
Monsieur le ministre, vous affirmez que treize gouvernements sur quinze,
puisque socialistes, mèneront la même politique et faciliteront en cela la
construction européenne. Pouvez-vous nous confirmer que vos collègues allemands
et britanniques sont prêts à demander la transformation de l'UEO en pilier
européen de l'OTAN ?
Par ailleurs, où en êtes-vous en ce qui concerne l'Agence européenne de
l'armement ? Il est évident que le caractère étatique ou mixte de nos
entreprises concernées est un obstacle. Choisissez-vous le
statu quo,
au
risque de priver ces entreprises d'une dimension internationale et de les
condamner à court terme, ou êtes-vous prêt à les privatiser totalement ?
J'en viens au deuxième grand défi de cette année : le rendez-vous de la
monnaie unique, qui va constituer un pôle de stabilité monétaire certain. La
France s'est déjà qualifiée au dernier rang pour l'euro et le projet de budget
pour 1999 ne semble pas la préparer mieux à cette perspective. Le niveau du
déficit budgétaire, estimé à 2,7 %, est en effet largement tributaire d'une
prévision de croissance qui semble pour le moins optimiste avec, entre autres,
un dollar à six francs.
Vous avez, hélas ! sans doute par souci d'apaisement politique vis-à-vis de
votre majorité plurielle, choisi d'augmenter les dépenses de l'Etat plutôt que
d'utiliser les plus-values fiscales générées par la croissance pour réduire
drastiquement le déficit. M. le rapporteur spécial a tenu des propos très
éclairants à cet égard.
M. Strauss-Kahn rappelait récemment à Londres son attachement à la culture de
la stabilité et à une gestion responsable des finances publiques. Mais comment
compte-t-il respecter à la fois le pacte de stabilité auquel la France est liée
par le traité d'Amsterdam et les promesses qui ont été faites pour satisfaire
les surenchères des communistes et des Verts ? L'accumulation de mesures telles
que les 35 heures ou les emplois-jeunes pèse déjà lourd sur ce budget - plus de
55 milliards de francs - alors même qu'aucune baisse tangible d'impôt n'est
engagée, contrairement à ce qui se fait en Allemagne et au Royaume-Uni, ou que
l'écart entre les taux de TVA n'est toujours pas réduit.
Allez-vous céder à l'esprit de Pörtschach, qui commence à se répandre parmi
vos collègues de la nouvelle gauche européenne ? Après avoir insisté sur
l'intangibilité du pacte de stabilité sous peine d'attenter à la crédibilité de
l'euro, le président du Conseil italien n'a-t-il pas appelé l'Union à
abandonner sa lecture orthodoxe ?
Troisième défi : la définition d'un nouveau cadre financier pour la période
2000-2006. Les discussions en cours sur Agenda 2000 constituent à cet égard un
indicateur privilégié de l'orientation future des politiques communes.
Vous allez entrer, monsieur le ministre, dans une phase active des
négociations. Comment allez-vous défendre les intérêts de la France et sa
conception de l'Europe ? A voir ce que l'on nous propose dans ce cadre, la
question mérite d'être posée.
Tout d'abord, l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale ne
manquera pas d'accentuer l'aspect redistributif des politiques communautaires.
La France aura à faire face, dans ce cas, soit à une augmentation de sa
contribution, soit à une diminution de son taux de retour, voire aux deux à la
fois.
Le deuxième point de l'Agenda 2000 est la réforme de la PAC. Les révisions
radicales proposées - forte baisse des prix d'intervention dans les secteurs
des céréales, de la viande bovine et du lait et cofinancement par les Etats des
aides directes - ne sont ni acceptables par la France ni tenables pour les
agriculteurs français.
Si les baisses et les aides sont appelées à évoluer au cours des discussions,
la France, principale bénéficiaire de l'Europe verte, avec plus de 60 milliards
de francs reçus en 1997, ne peut rester passive face à cette tentative de
renationalisation, voire de démantèlement accéléré d'une politique qui été le
fer de lance de la construction européenne.
Ce n'est pas là une critique adressée au Gouvernement, monsieur le ministre.
Je prends acte de l'action du ministre de l'agriculture et connais son
hostilité à une telle évolution de la PAC. Mais il est important que vous nous
rassuriez encore et que vous montriez la cohésion du Gouvernement sur cette
position.
Enfin, j'aborde le dernier volet de l'Agenda 2000 : le financement de l'Union
pour la période 2000-2006. La remise en question de son niveau de contribution
par l'Allemagne, soutenue par la Suède, les Pays-Bas et l'Autriche, remise en
question à laquelle la Commission semble sensible, est inquiétante. Doit-on
voir là le signe d'un effritement des relations franco-allemandes ? Cette
remise en cause est-elle compatible avec la volonté de politiques communes et
le principe de solidarité entre les Etats, notamment à la veille de
l'élargissement ?
En conclusion, je souhaiterais attirer votre attention sur ceux sans lesquels
l'Europe ne pourra se faire : les citoyens.
Monsieur le ministre, vous avez, nous avons un rôle essentiel à jouer pour que
le processus de construction européenne, à l'oeuvre depuis plus de quarante
ans, ne se déroule pas, au mieux, dans l'indifférence, au pire, dans
l'hostilité des citoyens.
C'est beaucoup plus les citoyens que les sénateurs qu'il faut convaincre.
Rares, ici, sont ceux qui se déclarent totalement hostiles à ce processus :
certains sont résignés ; la plupart sont pragmatiques ; d'autres, heureusement,
sont encore enthousiastes. Je sais, pour vous voir vous battre depuis longtemps
pour cet idéal, que vous vous rangez vous-même parmi les enthousiastes.
Toutefois, à la question posée par nos concitoyens : « A quoi sert l'Europe ?
», il n'est pas certain que nous sachions répondre de manière convaincante.
La volonté délibérée de « rapprocher les intérêts pour rapprocher les hommes
», selon la formule de Jean Monnet, a certes engendré de beaux succès, qui
constituent un premier ciment.
Les citoyens européens sont conscients de la nécessité d'une économie
européenne forte face aux Etats-Unis, au Japon ou à d'autres pays. Ils sont
fiers, sûrement, des grandes réalisations industrielles que sont Airbus ou
Ariane, mais ont-ils un fort sentiment d'appartenance à un ensemble commun ?
A l'heure actuelle, les agriculteurs forment peut-être la seule catégorie
socioprofessionnelle accoutumée à vivre l'Europe au quotidien. Mais, dans le
reste de la population, dans les PME et les petites entreprises artisanales,
l'Europe reste largement vécue comme une vaste machinerie technocratique,
servant uniquement à produire des normes.
L'euro va incontestablement renforcer les liens entre les populations des
Etats membres parce qu'il va, de manière tangible, marquer l'irruption de
l'Europe dans leur vie quotidienne.
Mais il est d'autres initiatives propres à rapprocher l'Europe des
citoyens.
Monsieur le ministre, pourquoi avoir retiré de l'ordre du jour de l'Assemblée
nationale le projet de loi portant sur la modification du mode de scrutin
européen ?
M. Jacques Oudin.
Ça, c'est une bonne question !
M. Aymeri de Montesquiou.
Même les Britanniques, Européens les plus tièdes, ont compris qu'il fallait un
lien entre les citoyens et les députés européens. En France, pourquoi ne pas
proposer un scrutin à l'échelle régionale ?
Avec le mode de scrutin que nous connaissons aujourd'hui, les citoyens votent
pour un parti, ou plus encore pour une tête de liste, et non pour le bon
fonctionnement des institutions européennes ni pour le choix d'une politique
européenne sociale, économique et extérieure.
Votre gouvernement a manqué de pugnacité, de courage, préférant ménager sa
majorité plurielle plutôt que de défendre ses convictions européennes et
l'intérêt des générations futures. C'est regrettable !
Dans un domaine symbolique et pratique, je vous suggère une initiative. Les
consulats sont, par essence, en terre étrangère, des lieux où un citoyen peut
trouver une protection administrative. Or les citoyens des quinze pays de
l'Union sont-ils véritablement en terre étrangère lorsqu'ils se trouvent hors
de leurs frontières nationales mais à l'intérieur de l'Union ? Ne
pourraient-ils trouver auprès des mairies ou de l'équivalent de nos préfectures
les relais administratifs dont ils ont besoin ?
Donnons l'exemple en créant un guichet dans nos préfectures et
interrogeons-nous sur l'utilité de nos consulats dans l'Union européenne et sur
leur éventuelle suppression. N'y a-t-il pas là une initiative qui pourrait être
une source d'économies à moyen terme et surtout une concrétisation de la
citoyenneté européenne ?
La construction européenne est, nous le savons tous, un domaine qui, en
France, dépasse les clivages politiques traditionnels. Vous avez là, monsieur
le ministre, ainsi que dans un degré rare d'homogénéité politique au niveau
européen, avec treize gouvernements de gauche sur quinze, l'occasion d'engager
des réformes profondes indispensables, notamment institutionnelles, pour donner
à l'Europe la substance qui lui manque à l'aube de ce troisième millénaire.
Résolument Européens, les membres du groupe du RDSE approuvent l'article 42
fixant la participation française au budget communautaire. Mais soyez sûr
qu'ils seront très attentifs aux réponses que vous voudrez bien leur apporter
quant aux choix que vous entendez défendre lors des prochaines échéances.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup de
choses ayant été dites, je me contenterai de dresser un constat et de vous
faire part de quelques
réflexions.
Le budget de l'Union européenne pour 1999 s'élève à 85,8 milliards d'euros
soit environ 566 milliards de francs. Par rapport au budget de 1998, cela
représente une augmentation de la contribution française de 3,5 milliards de
francs.
Notre participation au budget européen a donc connu une évolution considérable
en trente ans puisqu'elle était, en 1971, de 1 milliard 250 millions de francs,
en 1980, de 17 milliards de francs et, en 1990, de 56 milliards de francs.
Pour 1999, la contribution française sera de 95 milliards de francs, soit la
plus importante après celle de l'Allemagne.
Le débat actuel sur la contribution des Etats membres au budget de l'Union
européenne s'est ouvert il y a un an, reconnaissons-le, dans un climat
conflictuel. Cette discussion a commencé sur un ton très dur, chacun des Etats
défendant ses propres intérêts, ce qui est normal. Pour notre pays, ce débat
qui annonce le rééquilibrage du budget de l'Union européenne est fondamental.
En effet, certains Etats ont demandé un allégement de leur contribution : il
s'agit de l'Allemagne, de l'Autriche, de la Suède et des Pays-Bas.
L'Allemagne, par exemple, a demandé que sa contribution soit allégée de 30 %.
Or si le poids financier d'un Etat membre est diminué, il faut évidemment
prévoir une solution pour pallier ce manque de trésorerie. La réponse qui vient
à l'esprit est simple et relève du bon sens : la participation des autres pays
membres sera obligatoirement augmentée. Ce qui nous conduit à nous poser la
question essentielle : comment procéder à une participation équitable de chaque
pays au budget de l'Union européenne ?
La Commission a effectué à un relevé de l'ensemble des propositions
concevables ; j'en citerai trois.
La première consiste à revoir le mécanisme des ressources propres en le
fondant davantage, voire intégralement, sur le produit national brut. Les Etats
membres les plus riches selon ce critère - Belgique, Danemark, Allemagne,
France, Luxembourg, Pays-Bas, Autriche et Suède devraient payer davantage, les
bénéficiaires étant la Grèce, l'Espagne, l'Irlande, l'Italie, le Portugal et le
Royaume-Uni. Ce scénario ne répond pas du tout aux aspirations de Bonn, de La
Haye, de Vienne ou encore de Stockholm.
La deuxième option consiste à prévoir un mécanisme de correction généralisé en
introduisant un système de remboursement partiel des soldes nets, au-delà d'un
certain seuil de déficit, qui pourrait être de l'ordre de 0,3 % du produit
national brut. L'Allemagne gagnerait ainsi environ 1,7 milliard d'euros.
Enfin, il y a la troisième option, que certains ont appelée l'option
agricole.
En effet, la Commission a suggéré qu'à partir de l'an 2000 les Etats membres
prennent en charge une partie des dépenses agricoles, par exemple 25 % des
aides directes de l'Union européenne, jusque-là financées intégralement par le
Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, le FEOGA. Malheureusement
pour la France, l'institution européenne semblerait avoir un faible pour cette
solution. Nous ne pouvons que nous opposer avec détermination à cette
proposition, et cela pour plusieurs raisons.
Cela représenterait pour la France, premier pays agricole de l'Union
européenne, un coût de 649 millions d'euros pour l'échéance 2006, soit 4,2
milliards de francs.
Ce nouveau type de financement signifierait, en fait, le début d'un retour à
la nationalisation des politiques agricoles au sein de la Communauté. Elle
permettrait peut-être aux gouvernements des Etats membres de réorienter la
politique agricole, notamment au travers des contrats territoriaux
d'exploitation, vers des modes de production plus soucieux de l'environnement,
de l'emploi du territoire et, surtout, de la qualité. Mais cela se ferait
obligatoirement aux dépens d'une partie du monde paysan, et plus
particulièrement des exploitations les plus modestes.
Le Président de la République, conscient des besoins de l'agriculture, de
notre agriculture, est convaincu qu'un tel plan se ferait au détriment du monde
agricole français dans son ensemble. En effet, pour toutes les organisations
agricoles de notre pays, une telle mesure signifierait la mise à mort de la
politique agricole commune.
M. Jacques Oudin.
C'est vrai !
M. Lucien Lanier.
Chaque Etat apporterait des modalités particulières à sa propre organisation,
qui modifieraient par conséquent les règles de la concurrence, et l'on ne
pourrait donc plus parler de politique agricole commune.
Comme l'a souligné le Président de la République à Aurillac, à l'occasion de
sa rencontre avec la profession agricole, le 2 octobre dernier : « Les Français
n'ont pas toujours suffisamment conscience de ce qu'ils doivent à l'agriculture
».
En effet, nous ne devons pas oublier que, voilà quarante ans, notre pays était
importateur de denrées alimentaires, car nous ne produisions pas suffisamment
de produits agricoles pour nourrir notre population.
Grâce aux efforts de recherches et d'expérimentation de ce secteur ces
quarante dernières années, la France est aujourd'hui l'un des premiers
exportateurs de produits agro-alimentaires dans le monde.
Selon les estimations officielles, en l'an 2050, la planète devrait compter 9
milliards d'habitants. Ainsi, abandonner le marché mondial maintenant, dans
cette perspective, serait pour l'agriculture française et européenne une
véritable erreur de calcul : ce serait se priver de débouchés très
prometteurs.
M. Jacques Oudin.
Très bien !
M. Lucien Lanier.
Le monopole du « pouvoir vert » n'appartient à personne, et les Etats-Unis ne
doivent pas pouvoir laisser penser qu'ils peuvent se l'approprier !
La crise de la banane est un exemple de ce genre de comportement. En effet, si
l'Union européenne ne fait pas bloc face aux multinationales américaines, les
Etats-Unis pourraient bien nous évincer définitivement de certains marchés.
Nous ne pouvons accepter que l'on ouvre l'Europe au marché de la « banane
dollars », et que l'on importe de grandes quantités de ces bananes, au seul
motif que les producteurs pratiquent un moindre coût pour s'assurer le
monopole, au détriment, d'ailleurs, de pays qui sont parmi les plus pauvres :
les pays d'Afrique, des Caraïbes ou du Pacifique. On ne peut oublier que le
libre-échange n'est pas une fin en soi et qu'il ne vaut que s'il est mis au
service des hommes et de la prospérité commune.
Aussi, les Quinze doivent accepter l'ambition de mener ce combat et de relever
le défi de parler d'une seule voix au service de leur peuple.
Il est évident que l'issue du débat concernant le rééquilibrage du budget de
l'Union ne sera pas sans sacrifices. Je me permets de rappeler, en conclusion,
ce que disait Jean Monnet : « Nous sommes là non pour négocier des avantages
mais pour rechercher notre avantage dans l'intérêt commun ».
C'est la raison pour laquelle le groupe du RPR votera l'article 42.
(Très
bien ! Et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous
examinons aujourd'hui, dans le cadre de la discussion budgétaire, le
prélèvement opéré en faveur du budget des Communautés européennes. Le mode
d'élaboration de ce budget n'ayant pas été modifié, je suis conduite à
reprendre les remarques de fond qui ont été formulées les années
précédentes.
Ma première remarque porte sur le rôle des parlements nationaux. Vous le
savez, nos assemblées ont un pouvoir particulièrement limité, puisque notre
vote ne pourra pas modifier les prélèvements. Ils nous sont donc, en quelque
sorte, imposés.
Il ne me paraît pas inutile de souligner l'importance des parlements nationaux
comme représentants des populations ayant des droits : ceux de l'information,
du contrôle et de la prise de décision.
Chaque parlementaire refuse l'idée même d'être membre d'une simple chambre
d'enregistrement. L'affaiblissement du pouvoir législatif ne pourrait, en
effet, qu'accroître la désaffection des électeurs et renforcer le refus des
citoyens de participer à la vie politique de notre pays. Nous souhaitons
exactement le contraire, c'est-à-dire une construction européenne qui
corresponde aux aspirations et aux espoirs des peuples qui composent l'Europe,
notamment le sud de l'Europe, et non aux intérêts désincarnés des lobbies des
institutions financières et des capitaux spéculatifs.
Ma seconde remarque portera sur le montant de ce budget, qui est supérieur à
ceux de bien des ministères et qui ne cesse d'augmenter ; plusieurs de mes
collègues l'ont d'ailleurs souligné avant moi. Cette année, ce budget progresse
de 2,8 %, soit 3,5 milliards de francs. Il n'est pas inutile de noter que cette
augmentation est supérieure à l'inflation. Il atteint 95 milliards de francs,
contre 91,5 milliards de francs l'année dernière.
Les sommes dégagées pourraient, nous semble-t-il, être affectées différemment
dans le budget national. Au moment où l'actualité révèle chaque semaine des
situations dramatiques, de telles sommes permettraient d'éviter les tragédies
humaines dues à la misère, que l'on connaît.
J'en viens à ma troisième remarque. Nous ne pouvons débattre ni de l'assiette
ni de l'affectation des sommes réparties par Bruxelles. Nous devons pourtant
nous interroger sur l'utilisation des prélèvements nationaux et des fonds
communautaires.
Jusqu'à présent, les politiques de rigueur des Etats membres dictées par
l'application des critères de convergence dans le cadre de l'union économique
et monétaire n'ont pas enrayé de manière significative le chômage. Elles ont
même souvent entraîné une aggravation de la crise sociale, le démantèlement des
services publics et une précarité accrue du travail.
Le peu de temps dont je dispose ne me permet pas de développer le grand
dossier de l'agriculture française, qui est pourtant particulièrement
complexe.
Enfin, je ne saurais taire nos vives critiques à l'égard d'une actualité toute
récente : les fraudes sur le budget européen. Chaque année, on nous répond que
ces irrégularités sont inacceptables et que des mesures seront prises.
L'engagement n'est pourtant jamais tenu.
Monsieur le ministre, cette année, le rapport rendu par la Cour européenne des
comptes stigmatise des irrégularités dans le budget européen se montant à
environ 28 milliards de francs, soit 5 % du budget total de l'Union.
A ces fraudes répétées chaque année, il faut ajouter la fraude sur la TVA
intracommunautaire : elle est estimée à environ 40 milliards de francs de
manque à gagner fiscal pour notre pays, soit la moitié de la somme versée
chaque année par la France à l'Europe.
Ces sommes seraient nécessaires pour relever les minima sociaux et répondre
ainsi à l'exigence des chômeurs.
Le vote du budget pour 1999 intervient dans un contexte européen désormais
modifié du fait tout à la fois de l'élargissement de l'Union et du changement
de certaines majorités. Aujourd'hui, et plusieurs de mes collègues l'ont
également souligné, treize gouvernements sur quinze se disent fortement
préoccupés par les questions de l'emploi.
Nous voulons aller vers la construction d'une Europe plus sociale et plus
démocratique. Il nous paraît donc absolument indispensable de réorienter
l'actuelle démarche de construction européenne et de prendre des mesures
concrètes pour répondre aux besoins des peuples.
La France pèse d'un poids certain en Europe. Elle est donc en mesure d'influer
sur les dynamiques qui vont dans le sens d'une réorientation des objectifs de
l'Union. Tout récemment encore, M. le Premier ministre a manifesté son
opposition à l'adoption de l'AMI, l'Accord multilatéral sur l'investissement,
marquant ainsi son refus de soumettre notre pays à ce qui est considéré par
certains comme une fatalité de la mondialisation ultralibérale.
Ainsi, les 24 et 25 octobre, lors du sommet de Pörtschach, les Quinze ont
choisi le soutien à la croissance et à l'emploi et se sont prononcés en faveur
d'une baisse des taux d'intérêt.
Certains mouvements sociaux actuels traduisent un refus plus fort des
licenciements et le souhait d'un relèvement tant des minima sociaux que des
aides d'urgence. Dans notre propre pays, des mobilisations s'organisent pour le
droit à la santé et la sauvegarde de l'hôpital. Les assurés expriment haut et
fort leurs inquiétudes sur leur avenir et sur leur protection sociale. Enfin,
la récente actualité nous rappelle l'exigence des lycéens pour de meilleures
conditions d'études. Et nous ne pouvons oublier les exigences des salariés du
service public, qui réclament plus de sécurité.
L'Europe est en train de bouger. Les dogmes de la pensée unique et la rigueur
monétaire et budgétaire sont désormais mis en cause. Nous souhaitons une autre
utilisation de l'argent pour financer un véritable pacte pour l'emploi et la
croissance, se substituant au pacte de stabilité. Nos propositions visant à
taxer les capitaux fluctuants et les profits spéculatifs gardent toute leur
actualité.
Pour manifester notre volonté de voir la construction européenne réorientée,
nous avons donc présenté un amendement qui tend à stabiliser la participation
de notre pays au budget de l'Union européenne. Il nous semble utile de signaler
ainsi fortement notre volonté de réfléchir concrètement avant de modifier cette
participation. Il s'agit non pas d'un geste de défiance à l'égard du
Gouvernement mais, au contraire, de la manifestation de notre volonté d'établir
un bilan critique avant d'aller plus avant. D'ailleurs, si j'ai bien compris,
monsieur le ministre, le Gouvernement se propose lui-même de demander le gel
des dépenses budgétaires communautaires.
Les parlementaires nationaux doivent pouvoir s'exprimer beaucoup plus sur les
problèmes européens et exercer leur droit de contrôle. Cette revendication a
d'ailleurs été formulée par la quasi-totalité des intervenants qui m'ont
précédée à cette tribune. Aujourd'hui, ce rôle des parlementaires est plus que
limité.
Pour toutes les raisons précédemment évoquées, le groupe communiste
républicain et citoyen votera contre ce budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la
septième année consécutive, les parlementaires sont appelés à débattre de la
contribution française au budget communautaire.
L'année 1999 sera, pour l'Union européenne, la dernière année de la
programmation budgétaire pluriannuelle amorcée en 1993.
Après un budget à croissance nulle en 1998, le projet pour l'exercice 1999 a
été établi au niveau de 96,52 milliards d'euros en crédits d'engagement et de
85,87 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation
exceptionnelle respectivement de 6,05 % et de 2,81 %.
Si ce budget semble ainsi marquer une rupture par rapport aux deux derniers
exercices, c'est essentiellement en raison de l'inscription de la totalité du
solde des fonds structurels, procédure engagée afin de respecter la
programmation arrêtée par le Conseil d'Edimbourg.
En réalité, il constitue essentiellement un budget de transition et demeure
caractérisé par la maîtrise des dépenses.
Ainsi, avant d'aborder la question qui nous intéresse tous ici et qui est
celle de la capacité de l'Union à mettre en oeuvre ses priorités politiques,
j'examinerai successivement, et parfois dans le détail, le budget
communautaire, d'une part, la contribution française, d'autre part.
Ce budget est le reflet de la volonté des Etats membres de poursuivre les
efforts de rigueur nécessaires pour assurer la stabilité de la monnaie
unique.
Ainsi, pour comparer ce qui est comparable, sans inclure le solde des fonds
structurels, la progression des dépenses par rapport à l'année dernière est
particulièrement modérée. Elle est, en effet, de 0,56 % s'agissant des crédits
d'engagement et de 0,49 % pour les crédits de paiement.
Les dépenses communautaires se situent encore largement sous le plafond de
1,27 %. Le taux devrait représenter 1,11 % du PIB communautaire pour la fin de
la programmation.
Néanmoins, nous pouvons légitimement nous poser la question de la gestion et
de l'utilisation des crédits disponibles. L'inscription de la totalité du solde
des fonds structurels est-elle en effet liée à une surestimation des dépenses
ou à une mauvaise gestion des fonds à l'échelon des Etats membres ? Il semble
qu'il s'agisse, en réalité, d'un problème de délais de mise en route des
projets et non pas d'un frein mis par les gouvernements aux dépenses
nationales. J'y reviendrai dans un instant.
On peut enfin se féliciter que la lutte contre la fraude et contre les
atteintes aux intérêts financiers des Communautés devienne un objectif de la
Communauté et des Etats membres, en vertu du nouvel article 209 A introduit par
le traité d'Amsterdam. Par ailleurs, la majorité qualifiée et la codécision du
Parlement européen permettront de faciliter un renforcement des dispositifs
communautaires destinés à lutter contre la fraude dans tous les domaines du
budget communautaire et sur tout le territoire de l'Union.
En attendant, saluons le renforcement de l'UCLAF, l'unité de coordination de
la lutte antifraude, en tant que structure d'enquête indépendante et dotée de
meilleurs moyens.
On peut espérer que ces différents outils seront efficaces et contribueront à
assainir la gestion des crédits communautaires.
J'en viens maintenant aux dépenses prévues dans le cadre des politiques
communes.
La politique agricole commune, d'abord. La dépense communautaire est toujours
stable, dans le droit-fil des modalités d'accompagnement arrêtées en 1992. Dans
la perspective de la réforme de la PAC, nous soutenons le maintien de la ligne
directrice agricole, mais nous ne sommes pas favorables à l'idée d'un
cofinancement de la PAC. Nous pensons qu'il faut préserver un modèle agricole
européen qui contribue à l'emploi, au développement rural, à l'aménagement du
territoire et à la sécurité alimentaire, tout en assurant la compétitivité de
notre agriculture.
S'agissant des politiques structurelles, nous nous trouvons là face à un
problème complexe.
La difficulté dans ce domaine vient de ce que nombre des sous-exécutions
concernent des dépenses dans lesquelles les Etats membres interviennent en
cofinancement. Or le principe d'additionnalité qui s'applique à ces crédits
suppose que les Etats membres suivent le rythme d'évolution de ces crédits tel
qu'il résulte des décisions budgétaires européennes. Dans le cas contraire, les
dotations attribuées aux actions structurelles qui ne sont pas utilisées sont
normalement rééchelonnées et réintégrées dans les dépenses prévues pour les
années suivantes.
Le Conseil ayant décidé cette année de ne pas rééchelonner les engagements et
les paiements en matière d'actions structurelles sur les prochains exercices
budgétaires, l'augmentation des crédits est particulièrement importante cette
année. La croissance des crédits consacrés aux aides structurelles s'élève
ainsi à 16,6 % en crédits d'engagement et à 9 % en crédits de paiement.
Le constat de sous-exécution des crédits communautaires incite actuellement
certains Etats membres à demander soit la réintégration de ces crédits dans
l'enveloppe nationale, soit une diminution de leur contribution au budget
communautaire.
Je me séparerai sur ce point des solutions préconisées par les orateurs
précédents. Je sais que ce dossier constituera dans les prochaines semaines
l'un des noeuds des négociations sur l'Agenda 2000. Nous espérons que le
Gouvernement parviendra à convaincre ses partenaires européens de trouver une
solution plus satisfaisante. Il conviendrait que la politique d'aide
structurelle soit non pas simplement un mécanisme redistributif, mais bien une
politique d'aide qui concrétise des objectifs politiques définis par les Etats
membres.
C'est pourquoi, à notre avis, on peut s'interroger sur une éventuelle
réaffectation automatique des crédits non engagé.
Si un tel mécanisme était adopté, ces crédits devraient, nous semble-t-il,
être en priorité employés pour les investissements tels que les grands travaux
européens, qui contribueront à double titre, par la création d'emplois et
l'aménagement du territoire, à l'unité et à la cohésion de l'espace européen.
Ils pourraient par ailleurs contribuer, dans le cadre du Fonds social européen,
à soutenir la réalisation des objectifs quantifiés définis dans les lignes
directrices pour l'emploi.
En réduisant les disparités régionales, les politiques structurelles doivent
en effet concrétiser l'objectif majeur de la construction européenne qui
consiste à promouvoir un développement harmonieux de l'ensemble de l'Union
européenne, tout en accroissant les chances de faire de la monnaie unique une
réussite.
Si la France n'est pas un des premiers bénéficiaires des fonds structurels,
elle doit cependant veiller à ce que leur efficacité soit évaluée au regard des
critères de l'emploi et à ce que l'objectif de cohésion de l'espace européen ne
soit pas sacrifié aux contraintes de l'élargissement.
J'en viens maintenant aux politiques internes. Contrairement à ce qui est
constaté pour les fonds structurels, on peut ici s'inquiéter de la diminution
de l'ensemble des dépenses concernant les politiques internes, principales
victimes de l'effort d'économie, tant en crédits d'engagement qu'en crédits de
paiement. Ce sont, en effet, les politiques internes qui font l'objet des
principales coupes, conduisant à une baisse des dépenses de 5,3 % en crédits
d'engagement et de 1,3 % en crédits de paiement par rapport au budget 1998.
Si les crédits de paiement augmentent pour les réseaux transeuropéens, la
réalisation des quatorze projets adoptés par le Conseil d'Essen demeure encore
incertaine.
On peut également s'inquiéter de l'insuffisance du montant alloué à la
recherche et au développement technologique, compte tenu de leur rôle pour
l'avenir de l'Union, en particulier en termes de compétitivité.
L'accord intervenu le 17 novembre entre le Conseil et le Parlement européen
sur le cinquième programme-cadre recherche a arrêté la dotation globale de 14
milliards de francs et 968 millions d'euros, une dotation ainsi en augmentation
de 4,61 % par rapport à la précédente. Le Parlement a finalement accepté la
révision éventuelle de la dotation en fonction du prochain cadre financier pour
la période 2000-2006, tout en conservant la maîtrise budgétaire.
Les péripéties des négociations sur ce programme, qui ont duré plus d'un an,
ne doivent pas nous faire oublier l'enjeu essentiel que constitue le
développement de la recherche pour les entreprises. Au moins 10 % de la
dotation seront d'ailleurs réservées à la participation des petites et moyennes
entreprises à la recherche.
Il nous semble particulièrement important de respecter les montants attribués
à la ligne SOCRATES, qui finance les actions d'ERASMUS et des actions dans
l'enseignement scolaire, ainsi qu'à la ligne Media II, c'est-à-dire les actions
de formation aux métiers de l'audiovisuel et d'encouragement au développement
et à la distribution audiovisuels, ligne dotée de 60 millions d'euros en
1999.
Les crédits attribués à « l'initiative emploi » prise par le Parlement
européen le 23 octobre 1997 progressent, quant à eux, de 3 % en crédits
d'engagement et de 23 % en crédits de paiement par rapport au budget 1998, soit
un quadruplement par rapport à l'exécution 1997. Cela mérite d'être salué, mais
on peut néanmoins s'interroger sur le montant de ces crédits, qui ne sont
peut-être pas encore à la hauteur de la priorité politique réaffirmée au sommet
de Pörtschach.
Il faut rappeler que les crédits inscrits sur cette ligne budgétaire, créée
l'an dernier et dotée de 450 millions d'euros pour la période 1998-2000, sont
principalement destinés à aider les petites et moyennes entreprises à créer des
emplois durables. Le Conseil ECOFIN du 19 mai dernier a d'ailleurs arrêté un
certain nombre de mesures d'aides financières aux petites et moyennes
entreprises innovantes mobilisant 150 millions d'euros en crédits d'engagement
pour 1999. J'en profite d'ailleurs pour répondre à M. le rapporteur spécial sur
ce point : ce n'est pas parce que les plans pour l'emploi demeurent nationaux
qu'il ne peut pas y avoir, en ce domaine, d'initiatives européennes.
M. Denis Badré,
rapporteur spécial.
Je ne crois pas avoir dit cela !
Mme Danièle Pourtaud.
Elles auraient, nous le savons, des retombées nationales.
Enfin, s'agissant de l'action extérieure, on peut constater un réaménagement
limité. Les crédits de paiement diminueraient de 3,1 % par rapport au budget
1998 et les crédits d'engagement augmenteraient de 4,6 %.
Le budget destiné à la politique étrangère et de sécurité commune proprement
dite est intégralement reconduit, conformément à l'accord interinstitutionnel
relatif à son financement.
Pour le reste, le Conseil a choisi de privilégier le programme PHARE destiné
aux pays candidats à l'adhésion, au détriment du programme MEDA, ce qui lui
permet de respecter les engagements pris à Cannes en juin 1995.
Les crédits d'engagement en faveur des pays méditerranéens ainsi que ceux qui
concernent le Moyen-Orient et le Proche-Orient ont été stabilisés, les crédits
de paiement diminuant, quant à eux, de 10,3 %.
Il nous paraît aujourd'hui fondamental de financer les programmes
préparatoires à l'élargissement tout en préservant ceux qui sont liés au
partenariat euro-méditerranéen.
Notons, par ailleurs, que les crédits de paiement ont été préservés pour les
lignes les plus sensibles, telles que l'aide alimentaire ou humanitaire, ou
encore la coopération avec les républiques issues de l'ex-Yougoslavie.
Il faut souligner, comme vient de le démontrer le soutien aux pays victimes du
cyclone Mitch, que seule l'Union européenne est capable de fournir un effort
financier de cette ampleur. C'est pourquoi sa marge d'action en matière
d'urgence doit être protégée.
J'en viens à ce qui fait plus particulièrement partie de la discussion
budgétaire que nous menons en ce moment au Sénat : la contribution
française.
La part de la France dans le budget communautaire est relativement stable.
Elle s'élèverait à 95 milliards de francs, soit une augmentation de 3,8 % par
rapport à l'évaluation révisée pour 1998. Notre pays reste le deuxième
contributeur avec 17 %, derrière l'Allemagne avec 27,4 %, tout en étant le
premier bénéficiaire avec 16 % des versements. Ces chiffres ne doivent pas
cependant sortir de cette enceinte, pour des raisons que chacun, ici, connaît
et, je l'espère, partage.
En effet, dans le domaine agricole, environ 90 % des crédits communautaires
sont versés directement aux organismes d'intervention sans transiter par le
budget de l'Etat. La France est le premier bénéficiaire de la PAC, dont elle
aura reçu 22,6 % des crédits en 1997, soit plus de 60 milliards de francs.
Les versements communautaires en faveur de la France par le biais des fonds
structurels représentent en moyenne 9,8 % des dépenses structurelles totales
sur la période 1994-1999. Il s'agit de l'adaptation des structures agricoles,
du développement des zones rurales, des régions en reconversion industrielle et
de la lutte contre le chômage.
Ainsi, globalement, le retour vers la France des sommes qu'elle a versées est
évalué à 16 %, devant l'Allemagne 14,2%, l'Italie 12,6 %, l'Espagne 11,3 % et
le Royaume-Uni 10,8 %.
Le budget communautaire n'est bien évidemment pas un simple exercice comptable
où chaque Etat devrait retrouver exactement sa mise de départ. En effet, cela
reviendrait à faire un trait sur le principe de solidarité communautaire et à
méconnaître les effets induits, que l'on peut attendre des politiques communes,
sur le dynamisme local et sur l'emploi.
J'aborde maintenant les priorités politiques qui doivent être celles de
l'Union.
Le budget annuel de l'Union européenne doit bien évidemment refléter ses
objectifs politiques. Au-delà d'un examen trop strictement budgétaire, nous
devons, me semble-t-il, nous interroger sur la manière dont l'Union pourrai
continuer à faire fonctionner ses politiques communes et à relever les nouveaux
défis qui s'offrent à elle.
Trois priorités sont désormais officiellement celles de l'Union : d'abord, le
passage à la monnaie unique, ensuite, la mobilisation pour la croissance et
l'emploi, enfin, le futur cadre financier de l'Union.
S'agissant du passage à la monnaie unique, je voudrais, en premier lieu, me
féliciter que onze Etats membres aient pu être retenus pour cette étape,
contrairement aux craintes exprimées sur certaines travées l'an dernier. Cela
est dû à la fois aux efforts de rigueur des Etats membres et à une volonté
politique forte. La mise en place de la monnaie unique va être un atout
essentiel pour la poursuite des politiques prioritaires de l'Union. Ainsi
facilitera-t-elle la coordination des politiques économiques des Etats membres
participant à la monnaie unique, au sein du Conseil de l'euro, et l'achèvement
de l'harmonisation fiscale, qui est déjà bien engagée. Cela nous semble
indispensable pour le bon fonctionnement du marché intérieur. Les Français et
les Allemands ont d'ailleurs décidé de clore les négociations en juin 1999.
Par ailleurs, la zone euro constitue déjà un pôle de stabilité face à la crise
financière internationale.
Partant du constat de ce premier succès, le sommet informel de Pörtschach a
marqué un tournant dans l'ordre des priorités de l'Union.
Désormais, la priorité politique de l'Union est donc clairement celle de la
croissance et de la création d'emplois.
Reste à poursuivre la mise en oeuvre des lignes directrices dans le sens de
l'extension des objectifs quantifiés et à faire de la convergence en matière
d'emploi une politique à part entière de l'Union. Elle est étroitement liée à
la réalisation de la monnaie unique et au renforcement de la coordination des
politiques économiques.
Le Conseil européen de Luxembourg, en novembre 1997, avait permis de donner un
contenu concret à l'engagement pris à Amsterdam de mettre en application les
dispositions du nouveau traité relatives à l'emploi sans attendre la
ratification. Les quinze ont pris cet effort de convergence au sérieux.
Les plans d'action nationaux ont donné un nouvel élan aux politiques de
l'emploi dans tous les Etats membres. Les résultats des initiatives nationales
commencent à être visibles partout. En 1997, ont été créés dans l'Union 800 000
emplois nouveaux, chiffre le plus important depuis le début des années
quatre-vingt-dix. On constate ainsi une diminution significative du chômage en
Europe : il est passé de 10,6 % en août 1997 à 10 % en août 1998. C'est mieux,
mais ce n'est pas encore satisfaisant.
C'est pourquoi il est important que le prochain sommet européen à Vienne donne
plus de profondeur et de précision à la finalité de ces plans, et ce à la
lumière de l'expérience accumulée pendant la première année. La Commission
devrait se servir de ces lignes directrices pour continuer à fixer des
objectifs concrets, des comparaisons argumentées et chiffrées étant désormais
possibles. A travers cette exigence de croissance et d'emploi, la priorité
donnée en 1988 à la cohésion économique et sociale est plus que jamais
d'actualité.
Deux objectifs s'imposent pour les prochains exercices budgétaires :
privilégier les dépenses susceptibles d'avoir un effet significatif sur
l'emploi et développer les potentialités du chapitre « emploi » du traité
d'Amsterdam, y compris en termes budgétaires.
L'idée d'un grand emprunt communautaire pour l'emploi et la compétitivité,
chère à M. Jacques Delors et défendue par M. le Premier ministre, est l'une des
pistes possibles de relance de la croissance, dans une situation qui est
aujourd'hui relativement favorable à ce type d'initiative. Nous invitons le
Gouvernement à développer cette idée lors du Conseil européen de Vienne en
décembre et à convaincre nos partenaires européens de sa nécessité. Il faudra à
la fois déterminer la source de cet emprunt et sa destination précise, en
termes d'objectif politique.
J'en viens à la troisième priorité : la préparation du nouveau cadre financier
de l'Union qui doit prendre en compte à la fois la perspective de
l'élargissement, la réforme de la PAC et la refonte des politiques
structurelles. Nous l'avons vu tout à l'heure, le budget de 1999 est en effet
le dernier des perspectives financières 1993-1999.
Tout l'enjeu est, ici, d'assurer un financement de l'élargissement qui puisse
préserver une mise en oeuvre satisfaisante de nos politiques communes.
Le Gouvernement français avait obtenu au Conseil de Luxembourg, en décembre
1997, le principe d'une double programmation des dépenses : programmations
distinctes des dépenses consacrées aux politiques communes et de celles qui
seront consacrées aux nouveaux Etats membres.
Le gouvernement soutient également aujourd'hui la stabilisation des dépenses
budgétaires européennes. Monsieur le ministre, vous pourrez peut-être nous
préciser quelles seraient les conséquences d'une telle stabilisation sur les
dotations futures des politiques communes.
Les négociations en cours autour des futures perspectives financières ne
doivent pas en effet, selon nous, être l'occasion de mesurer si tel ou tel Etat
membre est gagnant ou perdant, mais elles doivent être conduites en tenant
compte des objectifs politiques que l'Union se fixera.
Je conclus.
Force est de constater que le budget qui nous est aujourd'hui présenté manque
encore de lisibilité et de visibilité quant aux priorités politiques de
l'Union. Nous souhaitons que le prochain porte les espoirs formés à l'occasion
du sommet de Pörtschach et qu'il concrétise cette aspiration commune : mettre
l'emploi au coeur de la construction européenne. Le traité d'Amsterdam sera
bientôt en vigueur ; il faudra réfléchir à l'affectation de crédits pour la
mise en oeuvre réelle des politiques qui seront désormais inscrites sous le
titre de l'emploi.
Pour les parlementaires socialistes français, voter ce budget est surtout
l'occasion d'affirmer leur volonté de poursuivre la construction européenne. Il
reste que la réforme du financement des politiques de l'Union sera bien la
marque de la volonté des Etats de poursuivre cette construction dans le bon
sens, celui d'une plus grande intégration au service des citoyens.
Confiant, mais vigilant, le groupe socialiste votera donc l'article 42.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
(M. Jean Faure remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans son
excellent rapport, notre collègue Denis Badré présente une analyse sans
complaisance du budget des Communautés européennes. Dans son diagnostic, il
évoque en particulier les perspectives financières, en insistant sur le fait
que celles-ci doivent faire l'objet d'« une vigilance sans faille », ce sont
les termes de son rapport.
Cette exigence est difficile à mettre en oeuvre quant on sait que chacun des
pays de l'Union européenne estime à la fois payer une contribution trop élevée
et ne pas recevoir assez de retombées financières de ce budget.
Cela étant dit, je me bornerai à faire deux observations, l'une concernant la
politique des fonds structurels et l'autre les réseaux transeuropéens.
Les fonds structurels représentent, surtout avec l'actuelle génération desdits
fonds, un effort budgétaire considérable de la part de l'Union européenne. En
effet, si la politique agricole commune utilise 50 % des crédits, la politique
des fonds structurels en mobilise environ 30 %.
Les résultats obtenus concrètement sont-ils à la mesure de l'effort
considérable qui a été consenti ? Les objectifs qui ont été fixés à cette
politique étaient les suivants : obtenir une meilleure cohésion au niveau de
l'Union européenne, réduire le plus possible les écarts de développement entre
les différents pays, mais aussi à l'intérieur des pays, aider les gouvernements
à réduire les inégalités entre régions. C'est incontestablement, dans l'esprit
de ceux qui ont voulu la politique des fonds structurels, un facteur important
de concrétisation d'une véritable politique d'aménagement du territoire à
l'échelon européen.
Aujourd'hui, le résultat n'est pas tout à fait en rapport avec les espoirs qui
avaient été placés dans cette politique. Trop de saupoudrage entre les pays,
trop de saupoudrage entre les régions ont abouti au constat que les écarts de
développement entre les différentes zones géographiques d'Europe n'ont pas été
très sensiblement réduits.
Ne considérez pas cette observation comme une critique, car j'ai moi-même
apporté ma part à cette situation lors des négociations qui ont été conduites
en 1993. La France a probablement été correctement traitée dans les
négociations mais, dans l'application et la concrétisation sur le terrain, il y
a souvent eu, force est de le reconnaître, une certaine difficulté à assister à
l'éclosion de suffisamment de projets concrets susceptibles de mobiliser les
moyens mis en oeuvre. Les procédures d'utilisation et de mise en oeuvre des
fonds structurels, compte tenu du nombre important de partenaires dans notre
pays, ont été et sont encore trop complexes. Nous devrons probablement en tenir
compte dans les efforts que nous aurons à entreprendre pour simplifier,
assouplir et concrétiser.
(M. Machet applaudit.)
Les nouvelles négociations devront être menées dans un contexte
caractérisé par la stabilité des crédits accordés à l'Union européenne et, dans
l'avenir immédiat, par l'augmentation du nombre d'utilisateurs potentiels de
ces fonds structurels.
Nous aurons nous-mêmes, en France, à opérer une sélectivité plus grande dans
le choix des zones éligibles, mais je suis conscient, monsieur le ministre, des
difficultés qui sont celles de tout négociateur. Au départ, la discussion
s'engage sur la base de critères stricts et, dans la phase finale, le rapport
de forces fait parfois s'estomper la rigueur des critères.
Cependant, nous vous faisons confiance pour conduire cette négociation avec la
volonté d'obtenir un meilleur impact encore dans les années à venir, pour
contribuer à apporter un concours européen efficace à notre propre politique
d'aménagement du territoire.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Ma seconde observation a trait aux réseaux dits « transeuropéens ».
« Les crédits réservés aux réseaux », a déclaré à juste titre M. le rapporteur
spécial, « ne représentent qu'une proportion minime des crédits disponibles
dans les politiques internes. » C'est parfaitement exact, et c'est regrettable
pour quatre raisons au moins.
Premièrement, inlassablement, depuis le sommet européen d'Essen, les réseaux
transeuropéens sont considérés comme un facteur essentiel de la cohésion
européenne. Or ces réseaux figurent régulièrement à l'ordre du jour des sommets
européens successifs, mais, hélas ! leur concrétisation tarde toujours.
Deuxièmement, les réseaux sont, je le crois, un facteur de cohésion et
d'aménagement du territoire. Ils relient les pays entre eux et facilitent le
désenclavement des zones périphériques de l'Europe, ce qui est nécessaire pour
donner le contenu le plus concret possible à un aménagement du territoire
européen authentique.
Troisièmement, l'Union européenne prépare, depuis cinq ou six ans,
l'élaboration du schéma de développement de l'espace communautaire, le SDEC. Or
un tel schéma serait nécessairement purement théorique et abstrait s'il n'était
pas concrétisé sur le terrain par la réalisation d'un certain nombre d'axes
dans les différents modes de transport.
Enfin, quatrièmement, psychologiquement, pour que l'Europe soit perçue d'une
manière concrète par les Européens, il faut que ces derniers aient le sentiment
de percevoir des signes tangibles sur le terrain.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Eh oui !
M. Daniel Hoeffel.
Or, les axes transeuropéens, parmi d'autres éléments, peuvent contribuer à une
perception positive de l'Europe.
Monsieur le ministre, nous souhaitons que le Gouvernement français puisse
rester l'avocat décidé de cette cause et puisse faire valoir les arguments qui
lui permettront de mettre en oeuvre et de concrétiser ses propres projets,
parmi lesquels figurent un certain nombre de réseaux transeuropéens.
Vous seriez surpris si je n'évoquais pas au moins un exemple parmi ces
réseaux, celui du TGV Est européen, qui est non pas une liaison purement
interne à l'Hexagone - faut-il inlassablement le rappeler ? - mais un maillon
d'un grand réseau reliant la région d'Ile-de-France et l'Ouest de notre pays au
Centre-Europe. C'est, je crois, une raison supplémentaire pour que nous le
défendions non pas contre tel autre projet de TGV, car nous connaissons votre
attachement profond à la réalisation simultanée d'un axe Nord-Sud et d'un axe
Est-Ouest, mais pour qu'il soit réalisé.
Aussi, monsieur le ministre, je vous fais confiance pour défendre ces
exigences sur plan de la politique tant des fonds structurels que des réseaux
transeuropéens.
C'est pourquoi mes collègues de l'Union centriste et moi-même suivrons les
propositions de notre rapporteur spécial en votant les crédits consacrés aux
affaires européennes et figurant à l'article 42.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Excellente intervention !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes.
Monsieur le président,
monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur
spécial, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne,
mesdames, messieurs les sénateurs, comme chaque année, le Gouvernement, par la
voix du ministre délégué chargé des affaires européennes, rend compte - c'est
bien le terme ! - à la Haute Assemblée du projet de budget de l'Union
européenne pour l'année à venir et de ses conséquences sur le budget de l'Etat
à travers le prélèvement européen.
Je souhaite, à cette occasion, vous apporter une appréciation circonstanciée
sur le projet de budget européen pour 1999, qui clôt les perspectives
financières arrêtées à Edimbourg.
Conscient, comme M. Michel Barnier, du caractère un peu frustant de ce débat,
conscient aussi de l'appétit du Sénat de commencer déjà à parler d'autre chose,
par exemple d'Amsterdam, je m'efforcerai aussi de mettre ce débat budgétaire en
perspective. En effet, nous allons entrer dans une phase plus active de
préparation de l'Agenda 2000, c'est-à-dire du prochain paquet financier
européen. Par ailleurs, de nombreux dossiers européens essentiels pour l'avenir
de l'Union doivent faire l'objet d'un examen plus approfondi, notamment dans le
cadre de la coopération franco-allemande, qui a été activement relancée depuis
la formation du gouvernement du chancelier Gerhard Schröder, en particulier
dans la perspective maintenant toute proche - il aura lieu la semaine prochaine
- du sommet franco-allemand de Postdam.
Je vous dirai ainsi comment le Gouvernement envisage la période nouvelle qui
s'ouvre devant nous depuis l'alternance en Allemagne, avec la victoire des
socio-démocrates et des Verts.
Pour aussi nette qu'elle soit, cette victoire ne doit pas nous faire oublier
l'oeuvre européenne du chancelier Helmut Kohl, qui restera dans l'histoire
comme le chancelier de la réunification allemande mais aussi comme celui qui a
su convaincre son peuple de renoncer, en faveur de l'euro et dans l'intérêt de
l'Europe, à la puissance solitaire du deutschemark et de la Bundesbank.
M. Denis Badré,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Le Conseil européen en témoignera à Vienne, dans
quelques jours, en recevant M. Kohl à déjeuner - ce qui est banal - mais en lui
accordant aussi la dignité de citoyen d'honneur de l'Europe, dont seul avait
bénéficié avant lui Jean Monnet.
M. Denis Badré,
rapporteur spécial.
Il fallait le faire !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Avant d'aborder le budget européen pour 1999, je tiens
à remercier le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Badré,
ainsi que le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, M.
Barnier, qui exercent en permanence, en particulier en application de l'article
88-4 de la Constitution, dont ils ont beaucoup parlé, la vigilance de votre
assemblée sur les actes de la Communauté et leur traduction en droit interne.
Mes collaborateurs et moi-même avons travaillé avec eux de manière étroite et
extrêmement positive, et je veux saluer la qualité coutumière de leurs
réflexions.
M. Denis Badré,
rapporteur spécial.
Merci, monsieur le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Je tiens en premier lieu à vous apporter quelques
éléments de réflexion sur la manière dont la procédure budgétaire communautaire
s'est déroulée jusqu'à aujourd'hui.
La Commission a présenté, en juin dernier, son avant-projet de budget. Il est
en progression de 6,6 % en crédits d'engagement et de 3,5 % en crédits de
paiement par rapport au budget de 1998. Ces taux de progression d'ensemble, et
je reprends là l'observation initiale de M. Badré, sont élevés. Ils
s'expliquent par une évolution très contrastée des dotations des différentes
rubriques du budget communautaire.
En effet, le budget de la PAC est reconduit en euros courants, alors que les
dépenses des fonds structurels enregistrent une progression record de 16,6 % en
crédits d'engagement et de 9 % en crédits de paiement.
Lors du conseil Budget du 17 juillet dernier, la France a exprimé, par la voix
du secrétaire d'Etat au budget, M. Christian Sautter, son mécontentement devant
cet avant-projet, assez coûteux au total et, surtout, déséquilibré dans sa
structure interne.
J'en profite au passage pour répondre à ceux qui s'étonnent d'une politique
budgétaire laxiste - j'ai entendu M. Badré ainsi que M. de Montesquiou dire
quelques mots à ce sujet - que chacun sait que M. Christian Sautter est un
gardien, au nom du Gouvernement, extrêmement rigoureux des finances publiques
et, pour ma part, sans entrer dans ce débat, je veux dire que je suis fier
d'appartenir à un gouvernement qui, oui, à augmenté les dépenses publiques de 1
% - ce qui est positif pour soutenir la croissance par la demande interne -,
qui a en même temps diminué les prélèvements obligatoires -, M. le Premier
ministre, Lionel Jospin, a dit hier notre intention à cet égard - et qui
continue de réduire, à un rythme absolument compatible avec les disciplines de
l'Union européenne et les critères de Maastricht, les déficits publics.
(Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. Joël Bourdin.
N'importe quoi !
M. Denis Badré,
rapporteur spécial.
C'est un point sur lequel il y a un vrai débat !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Restons sur les questions
européennes !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Je veux bien en rester aux questions européennes, mais
je devais quand même faire cette petite incursion sur les finances nationales,
puisque que vous vous êtes autorisés vous aussi à y venir !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. José Balarello.
Et la CSG !
M. Jean Chérioux.
C'est la méthode Coué !
M. Joël Bourdin.
Demandez aux retraités !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Toutefois, le projet de budget adopté par le Conseil ne
procède qu'à des économies assez réduites par rapport à l'avant-projet de la
Commission. Les Quinze ont pu se mettre d'accord, en juiller dernier, sur des
économies de 256 millions d'euros sur la rubrique 3, qui rassemble les autres
politiques internes de l'Union, et de 209 millions d'euros sur les actions
extérieures de l'Union.
En deuxième lecture, le conseil Budget a en outre décidé hier même une
économie supplémentaire de 500 millions d'euros en crédits de paiement sur les
fonds structurels, afin d'ajuster les crédit aux besoins réels.
Par ailleurs, le conseil Budget a énergiquement refusé hier l'amendement
proposé par le Parlement européen visant à saturer tous les plafonds des
rubriques financières pour 1999. Cet amendement représenterait un coût de près
de 4 milliards d'euros pour les finances communautaires, mais le Parlement
européen a indiqué qu'il était prêt à le retirer définitivement du champ des
discussions en échange d'un engagement du Conseil à traiter favorablement ses
prétentions pour le futur accord interinstitutionnel.
Il va de soi, je veux le dire ici, que nous refusons cette forme de pression.
Une nouvelle rencontre sera organisée début décembre entre le Conseil et une
délégation du Parlement européen, afin d'aboutir à une forme de conciliation
qui pourrait reconnaître au Parlement européen une certaine flexibilité dans
l'utilisation des crédits de la rubrique de dépenses, en échange de l'abandon
de son amendement.
Je veux au passage rassurer Mme Pourtaud, qui a émis le souhait que soit
préservées l'action du Parlement européen en faveur de l'emploi et la ligne qui
lui est spécifiquement consacrée. Bien entendu, cette ligne de 450 millions
d'euros sur trois ans sera préservée.
Le projet de budget de l'Union, voté en deuxième lecture par le Conseil,
s'établit donc, en l'état, à 96,5 milliards d'euros en crédits d'engagement et
à 85,4 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 6,1 %
pour les engagements et de 2,3 % pour les crédits de paiement. Les efforts
d'économies décidés par le Conseil sur les rubriques 2, 3 et 4 ont permis de
ramener l'évolution des paiements au niveau du taux de progression des dépenses
du budget de l'Etat pour 1999, qui est également de 2,3 %.
Compte tenu du système de ressources de l'Union européenne, l'évaluation de
notre contribution au budget de l'Union s'établit donc à 95 milliards de
francs, soit une progression de 3,8 % par rapport à 1998. La contribution
française pour 1998 avait été évaluée, vous le savez, à 91,5 milliards de
francs en loi de finances initiale, et cette évaluation est maintenue dans le
cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 1999. Cette
contribution - il est vrai que l'on peut regretter, à l'instar de M. Barnier,
qu'elle soit évoquée dans un cadre aussi contraint, compte tenu de son
importance - représentera 6,2 % du produit attendu des recettes fiscales nettes
de l'Etat pour 1999 contre une estimation à ce jour de 6,3 % pour 1998.
J'en viens à présent au fond du projet de budget adopté hier par le Conseil en
deuxième lecture.
Le poids du passé pèse lourdement sur ce budget. Pour respecter les accords
d'Edimbourg de 1992, le Conseil a en effet inscrit l'intégralité du solde de
l'enveloppe des fonds structurels prévus à l'origine pour la période. Compte
tenu du doublement de cette enveloppe par rapport au paquet Delors I, qui était
peut-être un peu rapide - je reviendrai tout à l'heure sur les observations de
M. Hoeffel - compte tenu aussi du fait que nous avons accumulé depuis 1993 un
retard important dans l'engagement des fonds, le coût de ces engagements
d'Edimbourg se trouvera concentré sur l'exercice 1999. La rubrique 2 du budget
communautaire s'établit ainsi à 39 milliards d'euros en crédits d'engagement et
à 30,5 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 16,6 %
pour les engagements et de 7,2 % pour les paiements par rapport à 1998.
J'observe que la dépense structurelle représentera en 1999 un poids dans le
budget communautaire quasiment équivalent à celui de la dépense agricole. Je
note aussi que le volontarisme de la programmation d'Edimbourg a porté ses
fruits tout de même puisqu'il a permis à trois des quatre pays de la cohésion -
l'Espagne, le Portugal et l'Irlande - de faire partie du premier train de
l'euro, ce qui est une bonne chose pour eux mais aussi, bien sûr, une bonne
chose pour toute l'Union et pour l'assise politique de la monnaie unique, comme
le Gouvernement le souligne constamment depuis maintenant plus d'un an.
Mais ce nouvel équilibre communautaire doit aussi nous conduire à une
réflexion sérieuse sur le traitement de la dépense structurelle dans les
prochaines perspectives financières.
En particulier, il ne nous paraît ni possible au plan budgétaire, ni même
justifié au plan économique d'allouer, comme le propose la Commission, les deux
tiers de l'enveloppe budgétaire des fonds structurels au nouvel objectif 1,
consacré aux régions en retard de développement, dont le PIB par habitant est
inférieur à 75 % de la moyenne communautaire.
Par ailleurs, la quasi-parité avec la dépense agricole plaide à l'évidence
pour une remise en cause du statut privilégié de la dépense structurelle. De ce
point de vue, les propositions de la Commission, qui visent à dégager
automatiquement les crédits non engagés au-delà d'une période déterminée, vont
dans le bons sens ; Mme Pourtaud a présenté une observation pertinente à ce
sujet. Il faut sans doute aller au-delà et demander à mettre un terme à
l'obligation d'atteindre le plafond de 0,46 % du PIB communautaire pour les
fonds structurels.
J'ai été attentif aux remarques et propositions de M. Hoeffel au sujet des
fonds structurels. J'abonde dans le même sens et je le remercie de sa
confiance. Comme lui, je crois qu'il faut réduire la couverture géographique,
notamment pour l'objectif 1 - les régions en retard de développement - et au
contraire, concentrer l'effort pour ce qui concerne la France sur les objectifs
nouveaux 2 et 3 des fonds structurels. C'est dans ce sens que nous allons
négocier, même si cela n'est pas simple. Nous savons en effet que d'autres
pays, y compris l'Allemagne, en raison de la situation des Länder de l'Est, ont
des intérêts différents. Les négociations se terminent toujours par un
compromis. Croyez que le Gouvernement est très déterminé à ce que ce compromis
soit favorable aux intérêts français - j'y reviendrai.
A l'inverse des dépenses structurelles, la rubrique 1, qui regroupe les
dépenses de la politique agricole commune, enregistre dans le projet de budget
pour 1999 une croissance zéro par rapport aux crédits ouverts en 1998, avec la
reconduction des 40,4 milliards d'euros inscrits l'année dernière.
Cette « évolution » apparemment vertueuse ne résulte pas, en fait, d'un effort
spécifique d'économie. Elle reflète la simple poursuite du versement des aides
directes aux agriculteurs dans un cadre réglementaire inchangé. Elle traduit
également - on peut s'en réjouir - la continuité des interventions de marché
dans un contexte de bonne tenue des marchés mondiaux et des principales
productions agricoles qui bénéficient de prix garantis européens.
S'agissant des autres politiques internes - l'éducation, la
recherche-développement, les réseaux d'infrastructures - qu'on regroupe
traditionnellement dans la rubrique 3 du budget de l'Union, les crédits
d'engagement sont en réduction de 5,3 % et les crédits de paiement en réduction
de 1,4 % par rapport à 1998.
Ces baisses n'affecteront pas véritablement la substance des actions
communautaires qui sollicitent la rubrique 3. Elles se contentent de tirer la
conséquence de la sous-exécution qui affecte cette catégorie de dépenses. Le
Conseil s'est borné là à faire un acte de bonne gestion en fixant les crédits
d'engagement comme les crédits de paiement très exactement au niveau atteint en
exécution par les dépenses de la rubrique 3 en 1997.
Au surplus, un traitement favorable a été accordé à deux catégories
particulières de dépenses qui représentent à elles seules près de trois quarts
des dépenses de la rubrique 3 et qui nous paraissent essentielles pour
consolider la compétitivité de l'économie européenne.
Le projet de budget pour la recherche-développement bénéficiera ainsi de 3,4
milliards d'euros de crédits d'engagement et de 3 milliards d'euros de crédits
de paiement. Ces crédits correspondent à la première année du cinquième
programme-cadre de recherche et de développement, le PCRD, pour la période
1999-2002, sur lequel un accord a pu être trouvé entre le Conseil et le
Parlement européen le 18 novembre dernier, après plusieurs mois de négociations
difficiles. Cet accord, vous le savez, retient une dotation globale de 14,96
milliards d'euros, en progression de 4,61 % par rapport à l'enveloppe du
précédent PCRD. M. Badré a souhaité que l'on fasse mieux pour faire jouer en la
matière les synergies européennes.
M. Denis Badré,
rapporteur spécial.
Mieux, cela veut dire moins de crédits !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Cela a été l'attitude de la France. Nous avons souhaité
la maîtrise du PCRD pour que soit fait à la fois un effort réel en faveur de la
recherche-développement mais aussi pour que la gestion en soit mieux contrôlée.
Cela a été notre attitude constante et nous pensons avoir, sur ce point, obtenu
gain de cause avec ce chiffre symbolique qui se situe juste au-dessous de la
barre des 15 milliards d'euros.
Je veux assurer à Mme Pourtaud que nous serons tout à fait vigilants à
l'intérieur de ce cadre pour préserver les deux lignes sur lesquelles elle a
attiré mon attention : la ligne SOCRATES, qui sert à financer le programme
ERASMUS, et la ligne MEDIA II, qui sert à financer des programmes
audiovisuels.
En outre, les crédits alloués aux réseaux transeuropéens font l'objet d'un
accroissement très substantiel de 3,4 % en crédits d'engagement et de 15 % en
crédits de paiement par rapport à 1998 pour atteindre le niveau de 579 millions
d'euros en crédits d'engagement en 1999.
Ces crédits permettent d'amorcer le tour de table des bailleurs de fonds pour
la poursuite de la mise en oeuvre du programme de grands travaux, adopté lors
du Conseil européen d'Essen, en 1994.
J'ai entendu à la fois les remarques de M. Badré et le vibrant plaidoyer de M.
Hoeffel, qui sait qu'il trouvera en moi un relais, un soutien pour les grands
travaux qui concernent l'Est de la France. Je pense au TGV-Est qui, comme il le
dit, n'est nullement contradictoire avec d'autres TGV, notamment le TGV
Rhin-Rhône.
Il est clair que cette augmentation du budget ne sera pas suffisante. Et la
question d'un instrument financier complémentaire, de prêts de la Banque
européenne d'investissement, d'un grand emprunt - à ce sujet M. Jospin recevait
hier M. D'Alema - ou d'une autre mobilisation de fonds d'investissement reste
posée aux Européens si nous sommes capables d'afficher, en la matière,
l'ambition nécessaire.
Pour être tout à fait complet sur ce panorama de la dépense communautaire
prévue pour 1999, je terminerai en parlant de l'action extérieure de l'Union en
direction des pays tiers.
Dans ce domaine, le projet de budget, hors réserve d'aide d'urgence, prévoit
une augmentation des crédits de 4,6 % pour les engagements qui s'établissent à
près de 6 milliards d'euros. En revanche, il prévoit une réduction de 3,2 %
pour les paiements, qui reflète la volonté du Conseil de tirer les conséquences
de la sous-exécution importante de ces crédits. Les crédits de paiement
s'établissent ainsi à un peu plus de 4 milliards d'euros, soit un niveau
légèrement supérieur à celui qui a été atteint en 1997. Pour ce qui concerne
les pays d'Europe centrale et orientale, comme les pays méditerranéens, ce
projet de budget est conforme aux engagements souscrits au Conseil européen de
Cannes, sous présidence française.
Comme je vous l'indiquais dans mon propos introductif, la présentation du
budget communautaire doit, bien entendu, être resituée - comme vous l'avez
d'ailleurs fait les uns et les autres dans vos interventions - dans la
perspective des échéances européennes qui nous attendent. Je vais donc évoquer
rapidement quelques dossiers.
Parmi les dossiers importants de cette session parlementaire - c'est peut-être
le principal - figure naturellement la ratification du traité d'Amsterdam avec,
au préalable, la révision de la Constitution.
Ce n'est pas la première fois que nous abordons ces questions. Vous connaissez
le calendrier : le Gouvernement a présenté un projet de loi de révision
constitutionnelle en Conseil des ministres le 29 juillet dernier et des dates
ont été fixées pour l'examen de ce texte par les assemblées avant la fin de
l'année. Nous sommes au coeur de son examen par l'Assemblée nationale, dont les
travaux se sont prolongés assez tard cette nuit. Ils reprendront cet
après-midi, pour s'achever la nuit prochaine. Ce texte sera soumis au Sénat les
16 et 17 décembre prochain.
Nous espérons ainsi que le Congrès pourra être réuni dès la mi-janvier. Cela
devrait nous permettre, ce qui est indispensable, d'achever la procédure de
ratification au plus tard avant la fin du mois de février prochain.
Sur le fonds, quels sont les éléments nouveaux ?
S'agissant de la révision constitutionnelle, le Gouvernement, comme cela a
toujours été le cas par le passé en pareilles circonstances, s'est tout
simplement calé sur la décision du Conseil constitutionnel.
Il n'a donc proposé de modifier, avec l'accord bien entendu du Président de la
République, que le seul article 88-2 de la Constitution, pour autoriser les
transferts, non pas de souveraineté, mais de compétences qui seront nécessaires
le cas échéant lorsque le Conseil décidera de passer à la majorité qualifiée
dans les matières délicates relatives à l'immigration, aux visas et à
l'asile.
Mais il est tout à fait concevable que le Parlement juge nécessaire de
compléter cette révision constitutionnelle, notamment par l'extension du
contrôle du Parlement national sur les actes communautaires.
Dans le cadre de la discussion qui se déroule à l'Assemblée nationale, le
Gouvernement a dit qu'il ne voyait aucun inconvénient, bien au contraire, à la
proposition d'amélioration de l'article 88-4 présentée par le rapporteur de la
commission des lois, M. Henri Nallet.
Je réponds ainsi à Michel Barnier, qui souhaitait un dialogue adulte entre le
Gouvernement et le Parlement. En élargissant le champ de l'article 88-4 aux
actes législatifs des deuxième et troisième piliers, en faisant en sorte que
certains documents puissent être communiqués aux assemblées, je crois que nous
allons dans ce sens. En revanche, je ne crois pas qu'il faille se saisir de ce
débat - mais nous y reviendrons devant la Haute Assemblée - pour modifier les
équilibres institutionnels de la Ve République. Sans me montrer aussi sévère
que certains sénateurs du RPR, j'estime en effet qu'il faut éviter à cette
occasion toute dérive institutionnelle.
Une fois achevée, cette révision constitutionnelle permettra de passer à la
ratification du traité en faveur de laquelle je continue de plaider, monsieur
de Montesquiou, sans tiédeur ou avec moins de tiédeur peut-être que certains de
ceux qui l'ont négociée. Le débat s'est ouvert hier à l'Assemblée nationale et
j'ai pu dire, à cette occasion, que je proposais cette ratification du traité
sans états d'âme parce qu'il contient des avancées en matière de politique
sociale, en matière d'emploi, de politique étrangère et de sécurité commune, en
matière de services publics, d'environnement, de droits de la personne et des
citoyens, d'égalité entre hommes et femmes, de non-discrimination, etc.
Selon moi, ce traité pèche davantage en fait par ce qu'il ne contient pas que
par ce qu'il contient. Ce qu'il ne contient pas, on le sait - c'est quand même
un échec que M. de Charette lui-même a souligné, hier, dans un discours
d'ailleurs fort talentueux à l'Assemblée nationale - à savoir que le premier
objectif de la conférence intergouvernementale qui était de réformer les
institutions européennes préalablement à l'élargissement n'avait pas été
atteint.
Je crois qu'il n'y a rien qui justifie, aujourd'hui, qu'on ne ratifie pas ce
traité. Il est très important - ce sera d'ailleurs un enjeu devant le Sénat -
qu'il y ait une cohérence entre la révision constitutionnelle et la
ratification : ne pas réviser, c'est aussi refuser de ratifier. Mais nous
aurons l'occasion d'y revenir.
Je précise aussi à M. de Montesquiou, qui s'est ému pour la citoyenneté
européenne, que je partage, bien sûr, son point de vue : comme il le sait, le
Gouvernement avait proposé un projet de loi modifiant le mode de scrutin pour
les élections européennes ; il a été adopté par le Conseil des ministres mais
il n'a pu être mené à son terme. On connaît les raisons de son abandon. Vous en
avez cité certaines qui sont le fait de la majorité, mais si les groupes qui
appartiennent aujourd'hui à l'opposition l'avaient à l'époque davantage
soutenu, peut-être ce projet aurait-il connu une meilleure fortune ! Nous avons
manqué là une bonne occasion pour l'Europe, pour la démocratie, pour la
citoyenneté européenne, occasion qu'il faudra saisir plus tard.
J'en viens tout naturellement au deuxième sujet d'avenir que je souhaite
évoquer brièvement devant vous : l'élargissement de l'Union européenne.
Vous le savez, le processus d'élargissement a commencé et la négociation avec
les premiers candidats a débuté. L'exercice est donc bien engagé.
Ce qui nous importe, à nous Gouvernement français, et qui nous importe plus
que jamais, c'est que ce processus historique positif, qui a une vraie
dimension spirituelle et politique, reste contrôlé : le Conseil doit en
conserver la maîtrise politique non pas pour le retarder, mais bien au
contraire pour assurer son succès.
Dans ce contexte, et alors que certains Etats membres ont pu être tentés
d'inciter le prochain Conseil européen à Vienne à ouvrir de nouvelles
négociations avec cinq nouveaux candidats, nous considérons qu'il faut s'en
tenir aux six négociations déjà engagées. Elles doivent en effet être conduites
avec sérieux et la Commission n'aurait pas les moyens de mener simultanément
onze négociations.
Je constate à cet égard que la Commission dans son rapport sur les progrès de
chacun des onze candidats, rapport rendu public le 4 novembre dernier, ne
propose pas l'ouverture de nouvelles négociations, du moins pas avant la fin de
l'année prochaine. Cela me paraît sage.
La question du traitement budgétaire de l'élargissement est tout aussi
cruciale.
Comme vous le savez, nous avons obtenu au Conseil européen de Luxembourg que
le prochain paquet Santer - l'Agenda 2000 - qui fixera le cadre financier de
l'Union pour les années 2000 à 2006, opère une distinction étanche entre la
programmation des dépenses relatives à l'élargissement et la programmation des
dépenses bénéficiant aux Quinze.
C'est la première des garanties indispensables pour assurer la préservation
des politiques communes de l'Union.
Cela m'amène, là encore naturellement, à l'Agenda 2000, c'est-à-dire à la
négociation financière du paquet Santer.
Pour nous, l'Agenda 2000 est un tout, qui doit donc faire l'objet d'une
négociation d'ensemble et non pas de conclusions partielles et successives.
M. Bordas a souligné ce qu'est et ce que doit être l'approche fondamentale du
Gouvernement et du Président de la République dans cette affaire, puisque c'est
une négociation conduite dans le cadre du Conseil européen et qui sera conclue,
nous l'espérons, sous présidence allemande, c'est d'abord de stabiliser les
dépenses à Quinze.
Ce sera là notre attitude constante, notre ligne essentielle dans ce débat et,
dans cette négociation, nous défendrons à la fois nos intérêts nationaux
fondamentaux et l'intérêt communautaire.
Nos intérêts nationaux fondamentaux, c'est-à-dire d'abord, à l'évidence, la
préservation de la politique agricole commune.
La PAC doit être réformée pour favoriser son insertion dans les marchés
internationaux, pour affermir sa vocation exportatrice. Elle doit être réformée
également pour mieux prendre en compte la multifonctionnalité du modèle
agricole européen qui est tourné vers la production mais également garant des
équilibres du territoire, de la préservation de l'environnement, d'un certain
type d'exploitation contribuant à maintenir l'emploi en milieu rural, et, de ce
point de vue, je partage entièrement la vision exposée par Mme Pourtaud.
Cela signifie, par conséquent, que nous sommes catégoriquement, résolument,
absolument, opposés à l'idée de cofinancement de la politique agricole commune,
comme l'ont manifesté MM. de Montesquiou et Lanier. Le cofinancement
comporterait effectivement des menaces de renationalisation, voire le
démantèlement à terme de la politique agricole commune.
Sur ce sujet, soyez certains que les pouvoirs publics français sont totalement
en harmonie. Le Président de la République, le Premier ministre, les membres du
Gouvernement se sont exprimés et s'exprimeront dans les différentes enceintes
avec une totale unité.
L'intérêt communautaire doit être justement appréhendé, et, pour le
Gouvernement, l'intérêt communautaire commande d'abord d'adopter une
programmation d'ensemble qui soit compatible avec les disciplines budgétaires
de l'UEM.
De ce point de vue, les propositions de la Commission sont, à l'évidence,
beaucoup trop coûteuses, et je reprends ainsi ce que je disais à M. Hoeffel sur
les fonds struc-turels.
J'ai eu l'occasion de m'en entretenir à plusieurs reprises avec Mme
Wulfmathies, commissaire européen en charge de la politique régionale de
l'Union. Pour notre part, nous estimons que l'effort pour les Quinze devrait
résider dans la reconduction de l'effort consenti dans le cadre du paquet
Delors II, qui était déjà considérable, puisqu'il correspondait à un
quasi-doublement des fonds struc-turels.
L'intérêt communautaire commande aussi de rejeter avec fermeté toute
généralisation des systèmes de compensation que l'Union a accordés dans le
passé à certains de ses Etats membres.
Nous ne devons pas étendre des dérogations accordées dans le passé au
Royaume-Uni - dérogations qui, d'ailleurs, ne se justifient plus - à des pays
qui sont aujourd'hui, à l'égard de l'Union, dans une situation financière plus
défavorable que ne l'était celle du Royaume-Uni en 1984.
Il conviendrait plutôt de poser la question d'un retour aux sources de la
logique de l'intérêt communautaire, qui doit absolument prévaloir sur la
logique pernicieuse du juste retour. Je partage sur ce point l'opinion de M.
Badré selon laquelle l'approche en termes de soldes nets n'a guère de sens. En
tout cas elle n'a pas de sens positif pour nous.
Nous rejetons également, de la même façon que nous refusons le cofinancement
de la politique agricole commune, toute thèse qui viserait à instituer, au sein
de l'Union, un écrêtement des soldes nets.
Ce sont là les deux éléments de refus très forts que met en avant le
Gouvernement dans cette discussion.
M. Denis Badré,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
M. Bordas s'est fait l'écho des préoccupations de sa
collègue Mme Heinis, sénateur de la Manche, sur la lenteur de l'instruction,
dans les services de l'Etat, des dossiers relatifs aux subventions
structurelles. Je reviens sur ce point parce qu'il me paraît indispensable de
l'aborder lorsqu'on envisage la réforme des fonds structurels.
La réforme proposée pour 2000 à 2006 prévoit de simplifier le dispositif -
vous le savez - et nous souscrivons à son architecture : trois objectifs au
lieu de sept, un document de programmation unique, une évaluation des
programmes à mi-période, une simplification des circuits administratifs et
financiers entre l'Union et les Etats membres.
Nous avons marqué notre accord sur tous ces principes.
Mais il reste, sur la période antérieure, des reliquats considérables et il
faut maintenant que tout le monde se mobilise.
Enfin, je dirai quelques mots sur la mise en route de l'euro, l'indispensable
coordination des politiques économiques et le complément social ou, plus
précisément, le volet social de cette construction européenne que nous
souhaitons maintenant.
Nous sommes à un moment particulier, un moment charnière.
L'euro existe déjà sur les marchés ; il existera officiellement le 1er janvier
1999. Chacun en voit aujourd'hui les bienfaits. Il permet, en effet, d'éliminer
ou, en tout cas, d'atténuer les effets de la spéculation internationale.
L'euro nous crée une responsabilité nouvelle : participer à une réforme de
l'architecture financière internationale dans le sens du mémorandum français
présenté par M. Dominique Strauss-Kahn. Mais il reste aux Européens à donner du
sens à cette entreprise considérable qui est, à proprement parler,
historique.
Après tout, si l'on n'y prenait garde, l'euro ne pourrait être que
l'agrégation comptable de onze monnaies jusqu'ici isolées. Cette vision - c'est
clair - n'est pas la nôtre.
Je rappelle d'ailleurs que nous avons demandé et obtenu à Amsterdam la
convocation d'un sommet extraordinaire sur l'emploi, qui s'est tenu à
Luxembourg en novembre 1997, qui a débouché sur des résultats très
substantiels, notamment l'adoption de lignes directrices pour l'emploi, dont
nous allons vérifier l'évaluation à Vienne.
Nous avons aussi obtenu la création d'un Conseil de l'euro, qui est une
instance politique, qui n'est pas un gouvernement économique, contrairement à
ce que j'entendais hier à l'Assemblée nationale, mais qui permet de dialoguer
avec une banque centrale qui est indépendante et qui doit le rester.
Ce nouveau Conseil de l'euro doit aussi débattre de la question essentielle de
la réforme économique, de questions qui deviennent véritablement urgentes dans
le contexte nouveau de l'euro, comme l'harmonisation fiscale et sociale.
Nous nous orientons vers l'adoption d'obligations plus contraignantes dans le
domaine de la fiscalité de l'épargne.
Nous devons aussi avancer sur le dossier de la concurrence fiscale déloyale
pour les entreprises, principale source de distorsion de concurrence au sein de
l'Union.
Nous souhaitons réellement que les progrès soient forts dans le domaine de
l'harmonisation fiscale.
Nous devons aussi songer, de manière plus générale, à consolider le modèle
social européen en dotant l'Union européenne d'une charte des droits civiques
et sociaux.
Je veux ici me faire l'écho des propos de Mme Bidard-Reydet : oui, nous
souhaitons une Europe plus sociale et plus démocratique.
J'ai rappelé quelques-uns de ces éléments. Nous allons poursuivre en ce sens.
Il faut engager un dialogue social sur l'Europe. C'est en ce sens que les
partenaires sociaux ont été consultés le 21 octobre dernier par Mmes Aubry et
Péry et par moi-même, et le seront, le 3 décembre, par Mme Aubry et M. le
Premier ministre.
Il faut certes aller plus loin. Comme vous, madame le sénateur, j'ai
conscience que le traité d'Amsterdam, s'il est plutôt positif, n'est pas le
grand traité fondateur de l'Europe politique et sociale que nous souhaitons et
pour laquelle nous devons continuer à nous battre.
En conclusion, je me contenterai de souligner la détermination et la
continuité de la politique européenne qui est menée par le Gouvernement depuis
juin 1997 et qui est profondément marquée par notre volonté de rééquilibrer la
construction européenne en faveur de la croissance et de l'emploi.
Je partage sur ce point le sentiment de M. Barnier : la politique européenne
n'est plus, c'est vrai, une politique étrangère, mais il faut en même temps
instaurer une cohérence entre la politique nationale et la politique
européenne. Il ne s'agit pas d'une tâche facile. Il n'est point besoin de
rappeler que nous sommes quinze au sein de l'Union. Or nous n'avons pas
toujours les mécanismes de décision adéquats pour avancer aussi vite et aussi
fort que nous le souhaiterions.
M. Barnier a réclamé, comme M. Lang l'avait fait jadis dans un autre lieu,
plus d'âme pour l'Europe. Je partage bien évidemment ce souhait. Mais, en même
temps, pour que l'Europe ait plus d'âme, il faut qu'elle ait une cohérence et
une efficacité et c'est en ce sens qu'il est indispensable, pas seulement pour
la mécanique européenne, mais véritablement pour la démocratie, de réformer
profondément les institutions de l'Europe.
S'agissant de l'Amérique centrale qu'a évoquée M. Barnier, la France et
l'Europe ont réagi rapidement. Les organisations non gouvernementales sont en
place. Elles ont l'expérience du terrain. Mon sentiment personnel est qu'il est
préférable de les privilégier plutôt que de mettre en place tout de suite une
force permanente d'intervention humanitaire. Mais l'idée est intéressante. Le
débat est ouvert, et je remercie M. Barnier de sa proposition qui contribue
utilement à alimenter la discussion.
Je crois sincèrement que, dans le domaine des affaires européennes, nous
pouvons faire nôtre la formule utilisée par M. le Premier ministre pour
qualifier de manière plus générale son action.
« Dès le début, nous avons géré », disait Lionel Jospin. Nous nous souvenons
d'ailleurs tous du collectif budgétaire que nous avons adopté, dans l'urgence,
en 1997 pour réussir l'euro. Il ajoutait : « Jusqu'au bout, nous réformerons. »
Notre objectif reste de construire une Europe-puissance, capable d'exister sur
la scène internationale et dans le domaine monétaire, capable aussi de
consolider notre modèle de développement économique et social qui a partie liée
avec nos valeurs de civilisation.
Dans le vote aujourd'hui, de la contribution française au budget de l'Union
européenne, c'est aussi tout cela qui est en arrière-plan et je suis persuadé
que, sur toutes les travées de cette assemblée, avec les nuances, parfois plus,
que nous connaissons, nous le voulons ensemble.
(Applaudissements sur les
travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et sur certaines
travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
Par amendement n° I-133,Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent, à la fin de l'article 42,
de remplacer le montant : « 95 milliards de francs » par le montant : « 91,5
milliards de francs ».
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon une
tradition désormais bien établie, notre groupe dépose, à l'occasion de l'examen
de l'article de la loi de finances relatif à l'estimation de la participation
de la France au budget des Communautés européennes, un amendement de réduction
du montant de la contribution de notre pays.
Plusieurs justifications sous-tendent le dépôt de cet amendement.
La première est relative au fait que les modalités de fixation de la
contribution française, fondée par un prélèvement sur les recettes de TVA et en
fonction de l'évolution du produit intérieur brut marchand, sont
contestables.
La deuxième raison porte sur le fait que notre pays est, de longue date, un
contributeur net au budget de la Communauté, quand bien même il bénéficierait
d'importants retours, en matière agricole par exemple.
Même si d'aucuns estiment qu'il est un peu vain de procéder à une sorte
d'évaluation de cette contribution nette, il n'en demeure pas moins que cette
réalité est concrètement vécue par notre pays et qu'elle contribue à maintenir
un certain niveau de déficit public.
La troisième justification qui guide notre amendement tient au fait qu'une
fois de plus le niveau de progression de la contribution française est
supérieur à la hausse de l'ensemble des dépenses du budget national.
La quatrième remarque tient aux modalités d'exécution mêmes de ce budget
communautaire.
Comme le souligne le récent rapport de la Cour des comptes européennes, il
subsiste de nombreuses irrégularités dans la distribution des subsides
européens, des irrégularités qui nuisent à la transparence des opérations
menées à partir de ces fonds.
Je ne manquerai pas ici de souligner que cette opacité est en partie due à
l'extrême complexité - pour ne pas dire plus - des procédures d'instruction des
financements et des méthodes de suivi des réalisations financées.
L'Europe, telle qu'elle demeure conçue, même si elle est en train de changer,
souffre incontestablement d'une réelle gabegie dans la gestion quotidienne de
son fonctionnement, gabegie qui ne manque pas de brouiller quelque peu l'image
que peuvent s'en faire les Européens.
Nous inclinons d'ailleurs à penser que c'est aussi dans le déficit
démocratique accumulé dans la gestion des affaires européennes et dans le rôle
respectif des différentes institutions de la Communauté qu'il convient de
rechercher l'origine de ces errements.
C'est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons à adopter
cet amendement.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Denis Badré,
rapporteur spécial.
Votre rapporteur a indiqué tout à l'heure combien il
déplorait lui-même la progression du prélèvement, comme d'ailleurs la
progression du budget européen lui-même.
Par son amendement, le groupe communiste républicain et citoyen confirme que
votre rapporteur a été bien compris, du moins dans ses attendus. Nous trouvons
en effet dans l'amendement l'expression, que je salue, d'un double attachement
à la construction européenne et à la rigueur budgétaire, double attachement qui
a toujours guidé votre rapporteur lui-même.
Celui-ci a cependant été obligé de vous rappeler tout à l'heure que notre
contribution au budget de l'Europe résulte d'engagements internationaux. Nous
devons donc veiller à ce que ceux-ci soient respectés ; il en va de la parole
de la France et, bien sûr, de la confiance que nos partenaires peuvent avoir
dans notre action.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Cet amendement correspond, c'est vrai, à une tradition
bien établie, et il en sera de même de la réponse du Gouvernement, qui ne peut
accepter cet amendement.
En effet, comme vous le savez, le prélèvement est une contribution obligatoire
qui résulte de l'appartenance de la France à l'Union européenne et des
obligations découlant des traités en vigueur, en l'occurrence la décision sur
les ressources propres de l'Union que le Parlement a ratifiée.
Le chiffre inscrit dans le projet de loi de finances constitue simplement une
juste évaluation du montant de cette contribution en 1999, évaluation effectuée
sur la base du projet de budget établi par le Conseil le 17 juillet dernier, en
première lecture.
Quelques modifications marginales ont, il est vrai, été apportées au projet de
budget en deuxième lecture par le Conseil, hier même, mais cela ne justifie
pas, à ce stade, une quelconque minoration du prélèvement européen.
C'est pourquoi nous considérons qu'il faut soit retirer cet amendement, ce qui
serait la logique, soit le rejeter.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-133, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 42.
(L'article 42 est adopté.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures
cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
4
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION
DE PARLEMENTAIRES ISRAÉLIENS
M. le président.
Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune
officielle d'une délégation de la Knesset, l'assemblée parlementaire
israélienne, conduite par son président, M. Dan Tikhon, qui séjourne
actuellement en France à l'invitation conjointe des présidents du Sénat et de
l'Assemblée nationale.
(M. le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et
applaudissent.)
J'espère que cette visite permettra de resserrer encore les relations
privilégiées existant entre nos deux institutions, notamment grâce aux groupes
d'amitié qui, dans chaque assemblée, permettent d'approfondir le dialogue
constant qu'entretiennent la France et Israël. Cette délégation est reçue
aujourd'hui par M. Philippe Richert, président du groupe d'amitié France-Israël
du Sénat.
Au nom de la Haute Assemblée, je souhaite à nos collègues israéliens et à leur
président la bienvenue et je forme des voeux pour que leur séjour en France
contribue à fortifier les liens entre nos deux pays.
(Applaudissements.)
5
LOI DE FINANCES POUR 1999
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté
par l'Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus
à l'examen de l'article 21.
Article 21
M. le président.
« Art. 21. _ L'article 279 du code général des impôts est complété par un
h
ainsi rédigé :
«
h)
Les prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets
visés aux articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités
territoriales, portant sur des matériaux ayant fait l'objet d'un contrat conclu
entre une commune ou un établissement public de coopération intercommunale et
un organisme ou une entreprise agréé au titre de la loi n° 75-633 du 15 juillet
1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux.
»
Sur l'article, la parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
depuis plusieurs années, le groupe socialiste du Sénat demande l'application du
taux réduit de TVA pour la collecte et le traitement des déchets.
La collecte et le traitement des ordures ménagères restent en effet les seuls
services publics locaux soumis au taux normal de TVA. Avec le relèvement de ce
taux au 1er août 1995, l'écart a d'ailleurs encore augmenté par rapport aux
autres services publics locaux : l'eau, l'assainissement, les transports, qui
sont soumis au taux réduit.
Il est indispensable que cette situation dérogatoire soit réglée rapidement,
alors même que les décisions européennes d'harmonisation des taux de TVA
classent les ordures ménagères dans les services à taux réduit et que les
exigences croissantes de qualité des procédés - suppression des décharges,
épuration des fumées, développement du tri et du recyclage - font augmenter
rapidement le coût à la charge de contribuables locaux. En effet, comme la
prestation de traitement est pour la collectivité une dépense de fonctionnement
sur laquelle elle ne récupère par la TVA, la charge est supportée par le
contribuable local. Une réduction du taux de TVA permettrait donc une baisse
des impôts locaux.
Enfin, le passage au taux réduit de TVA permettra de favoriser l'adoption par
les collectivités locales et leurs groupements de meilleurs procédés sur le
plan de l'environnement tout en diminuant le coût pour les ménages de cet
effort d'amélioration de notre environnement. Cela permettra également de
rendre plus satisfaisant le régime de TVA appliqué aux services d'enlèvement
d'ordures ménagères, qui aggrave en particulier fortement le coût du traitement
des déchets pour les communes les plus éloignées du centre de traitement.
Le Gouvernement a proposé dans ce projet de loi de finances le passage au taux
réduit pour les opérations de collecte et de tri sélectif. Cette position ayant
pour objet de concentrer l'aide accordée aux collectes sélectives est une
avancée importante qui répond aux objectifs que je viens de rappeler.
L'Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur général, a introduit
les opérations de traitement des déchets ayant fait l'objet d'un tri sélectif.
Une nouvelle avancée est donc réalisée ; nous ne pouvons que nous en
réjouir.
Nous soutiendrons donc sans réserve cette disposition.
M. Marc Massion.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, avant que nous n'abordions l'examen des articles relatifs
à l'application du taux réduit de TVA, j'aurais souhaité me livrer à quelques
considérations et présenter quelques réflexions susceptibles de servir de
termes de référence pour nos délibérations. Je ne l'ai pas fait hier soir
compte tenu du rythme de nos travaux, mais je crois utile, sans lasser, je
l'espère, l'attention de notre assemblée, d'insister sur quelques points.
Nous allons donc examiner - nous en avons déjà examiné quelques-uns - un
certain nombre d'amendements consistant à appliquer des baisses ciblées de TVA
sur des biens et des services. Le Gouvernement a lui-même donné le signal en ce
sens puisque, faute de pouvoir procéder à un mouvement global, il a saupoudré
des réductions de taux de TVA sur un certain nombre de produits ou services.
Quel que puisse être l'intérêt sur le fond de ces baisses de TVA, je dois
rappeler les contraintes auxquelles nous sommes soumis, indépendamment de la
volonté des uns et des autres.
D'une part, nous devons veiller à l'équilibre du budget, et la commission des
finances, dans sa démarche d'ensemble, vous a bien expliqué, mes chers
collègues, quels étaient les objectifs à atteindre en ce domaine.
Je vous rappelle que, de notre capacité à maintenir l'équilibre, à maintenir
le solde dans les limites que nous avons fixées, dépendra la crédibilité de nos
propositions budgétaires et donc, mes chers collègues, de notre budget de
responsabilité et de prudence.
D'autre part, notre action doit nécessairement respecter le droit
communautaire applicable en ce domaine.
Les dispositions communautaires nous autorisent à appliquer un taux normal qui
est celui de droit commun. Elles nous permettent également d'avoir, sans que
cela soit obligatoire, un ou éventuellement deux taux réduits sur quelques
produits ou services énumérés de façon limitative par l'annexe H de la sixième
directive « TVA » de 1977. Cela signifie que, si un produit ou un service n'est
pas compris dans cette liste, qui comporte dix-sept points, il ne nous est pas
possible de réduire, que nous le voulions ou non, de notre propre initiative le
taux de TVA qui lui est applicable, sauf à nous mettre directement en
contradiction avec le droit communautaire.
Afin d'étendre la liste des biens et services, pouvant être éligibles aux taux
réduits, il appartient au Gouvernement d'agir auprès de la Commission
européenne afin que celle-ci propose une modification de ladite directive.
Cette modification ne peut toutefois intervenir, je le rappelle, qu'à
l'unanimité des Etats membres.
En fonction de cette grille d'analyse, cinq grandes séries de mesures vous
sont proposées par divers amendements.
En premier lieu, il s'agit de la baisse de la TVA sur le chocolat et la
confiserie et autres produits dérivés. Cette mesure est compatible avec le
droit communautaire mais d'un coût budgétaire élevé. C'est pourquoi la
commission des finances préconise que cette question soit évoquée lors de
l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances.
En deuxième lieu, réduire le taux de la TVA pesant sur les activités de
restauration, outre le coût budgétaire important que représenterait une telle
décision, n'est pas possible en l'état actuel de la réglementation
communautaire, car les prestations de restauration ne figurent pas sur la liste
des services susceptibles d'être soumis au taux réduit.
Nous souhaitons que le Gouvernement veuille bien nous informer de l'état
d'avancement des négociations menées avec la Commission européenne.
En troisième lieu, différents amendements visent à abaisser le taux de TVA
frappant certains produits interactifs, en particulier les cédéroms. Ces
mesures sont sympathiques, mais malheureusement, et je parle sous le contrôle
du rapporteur spécial du Sénat pour les affaires européennes, elles sont «
euro-incompatibles ».
M. Denis Badré.
C'est vrai !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En quatrième lieu, il est proposé de réduire le taux
de TVA pesant sur le droit d'utilisation des installations sportives. Une telle
mesure serait compatible avec les règles communautaires, mais son coût
budgétaire serait élevé, et cela conduit la commission des finances à suggérer
au Sénat de l'examiner lors de la discussion de la seconde partie du projet de
loi de finances.
Enfin, la baisse de la TVA affectant le traitement des déchets, qui fait
l'objet de l'article que nous allons examiner à l'instant même, doit permettre
d'accompagner et d'encourager l'important effort d'investissement que
fournissent nos collectivités territoriales, lequel contribue à la défense de
l'environnement.
Une telle baisse serait conforme à la réglementation communautaire. Une
première étape a été franchie à l'Assemblée nationale par l'extension de
l'application de la TVA à taux réduit au traitement des déchets ayant fait
l'objet d'une collecte sélective. Nous verrons tout à l'heure qu'il convient de
préciser encore cet aspect des choses,...
M. Denis Badré.
Tout à fait !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... car il est pour une part resté dans le flou,
malgré l'avancée intéressante intervenue à l'Assemblée nationale.
Nous aimerions donc obtenir du Gouvernement des précisions quant à la
définition des opérations de traitement. Il s'agit en particulier de savoir si
les opérations de valorisation énergétique y sont bien incluses, et à quelles
conditions.
Par ailleurs, nous souhaitons étendre le champ d'application de cette mesure,
et des amendements seront présentés en ce sens. Des propositions seront
également formulées à l'occasion de l'examen de la seconde partie du projet de
loi de finances.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-181, MM. Eckenspieller et les membres du groupe du
Rassemblement pour la République proposent :
A. - De rédiger comme suit le texte présenté par l'article 21 pour insérer un
h
dans l'article 279 du code général des impôts :
«
h)
Les prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets
visés aux articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités
territoriales effectuées dans le cadre du service public local pour le compte
des communes ou de leurs groupements. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant de l'application du A
ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé
:
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'extension du taux
réduit de la taxe sur la valeur ajoutée à l'ensemble des opérations de collecte
des ordures ménagères sont compensées à due concurrence par un relèvement des
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la
création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du même
code. »
C. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention :
« I. - »
Par amendement n° I-82, M. Hérisson propose de rédiger comme suit le texte
présenté par l'article 21 pour le
h
de l'article 279 du code général des
impôts :
«
h)
Les prestations de collecte ainsi que les prestations de tri, de
recyclage et de valorisation matière, ou biologique, des déchets visés aux
articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités
territoriales, délivrées aux communes et organismes publics de coopération
intercommunale qui répondent aux objectifs de la loi n° 75-633 du 15 juillet
1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux,
le caractère probatoire étant fourni par la mise en oeuvre d'un contrat avec un
organisme agréé mentionné à l'article 6 du décret n° 92-377 du 1er avril 1992,
y compris la redevance d'enlèvement des ordures ménagères correspondant à ces
opérations. »
Par amendement n° I-92, M. Adnot propose de rédiger ainsi le texte présenté
par l'article 21 pour le paragraphe
h
de l'article 279 du code général
des impôts :
«
h)
Les prestations de collecte ainsi que les prestations de tri, de
recyclage et de valorisation matière énergétique ou biologique des déchets
visés aux articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités
territoriales, délivrées aux communes et organismes publics de coopération
intercommunale qui répondent aux objectifs de la loi n° 75-633 du 15 juillet
1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux,
le caractère probatoire étant fourni par la mise en oeuvre d'un contrat avec un
organisme agréé mentionné à l'article 6 du décret n° 92-377 du 1er avril 1992,
y compris la redevance d'enlèvement des ordures ménagères correspondant à ces
opérations. »
Par amendement n° I-15, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose dans le texte présenté par l'article 21 pour compléter l'article 279 du
code général des impôts, après les mots : « et de traitement des déchets »,
d'insérer les mots : « notamment sous forme de valorisation énergétique ».
La parole est à M. Joseph Ostermann, pour défendre l'amendement n° I-181.
M. Joseph Ostermann.
Le service des ordures ménagères représente, pour les collectivités
territoriales et, à travers elles, pour nos concitoyens, un coût de plus en
plus élevé.
Cette augmentation quasi exponentielle des coûts tient, d'une part, à
l'application progressive d'une réglementation extrêmement contraignante,
d'autre part, à la volonté des élus d'assurer un service de qualité.
La collecte sélective, la collecte en conteneurs identifiés et pesés, le tri
et le compostage, mais aussi l'incinération avec valorisation de l'énergie,
engendrent des frais tout à fait considérables.
Plus l'incinération est « propre », plus l'investissement initial est
important, mais plus aussi les charges de fonctionnement s'accroissent. En
effet, plus on arrive à capter de polluants, qui ne seront donc pas rejetés
dans le milieu naturel, plus les coûts liés à leur inertage et à leur mise en
décharge de classe I atteignent des montants impressionnants.
Il ne paraît pas normal, dans ces conditions, que cet effort financier très
important des collectivités territoriales soit encore alourdi par la
perception, par l'Etat, d'une TVA au taux de 20,6 %.
A l'instar de ce qui a été décidé pour le service de l'eau et pour celui de
l'assainissement, le service des ordures ménagères, dans sa globalité, devrait
pouvoir bénéficier d'un taux réduit de TVA, c'est-à-dire 5,5 %.
On peut ajouter que, dans sa rédaction actuelle, l'article 21 ne manquerait
pas de donner lieu à des interprétations diverses et de susciter, en
conséquence, un contentieux abondant.
M. le président.
La parole est à M. Pierre Hérisson, pour défendre l'amendement n° I-82.
M. Pierre Hérisson.
L'application du taux réduit de TVA à l'ensemble des opérations de collecte et
sélective des déchets municipaux, y compris celle des déchets résiduels, des
journaux et magazines ainsi que des fermentescibles, serait, pour les
collectivités locales, une réelle incitation à recourir au recyclage.
Le taux réduit de TVA ne pourrait naturellement s'appliquer qu'aux
collectivités engagées dans une politique de valorisation des déchets par
l'intermédiaire d'un contrat avec une société agréée.
Le coût total pour le budget de l'Etat de la disposition ainsi modifiée dans
un esprit qui ne peut qu'aller dans le sens des souhaits du ministère de
l'environnement serait de 450 millions de francs, en tenant compte d'un
rendement réaliste des collectes sélectives effectuées, ce qui assurerait la
neutralité fiscale du dispositif proposé.
M. le président.
L'amendement n° I-92 est-il soutenu ?...
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° I-15
et donner l'avis de la commission sur les amendements n°s I-181 et I-82.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Aux termes du texte de l'article 21 tel qu'il est
issu des travaux de l'Assemblée nationale, après l'adoption d'un amendement
présenté par M. Migaud, rapporteur général, sont soumises au taux réduit de TVA
« les prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets ménagers...
portant sur des matériaux ayant fait l'objet d'un contrat conclu entre une
commune ou un établissement public de coopération intercommunale et un
organisme ou une entreprise agréée au titre de la loi... du 15 juillet 1975
».
Selon le rapport écrit de M. Migaud, la commission des finances de l'Assemblée
nationale a voulu « étendre l'application du taux réduit aux opérations de
traitement portant sur des matériaux ayant fait l'objet d'une collecte
séparative, d'autant plus que, lorsqu'il y a tri sélectif, il y a normalement
valorisation ». M. Migaud ajoute : « L'impact budgétaire serait alors porté de
327 millions de francs à environ 425 millions de francs. »
Cela a été redit en séance par le rapporteur général de l'Assemblée nationale
: « L'amendement a pour objet d'étendre le bénéfice de la mesure proposée par
le Gouvernement aux opérations de traitement sur des matériaux ayant fait
l'objet d'une collecte séparative. »
Dans son rapport sur la fiscalité de l'énergie, notre collègue députée Mme
Nicole Bricq rappelle que le traitement comporte différentes filières : en
premier lieu, l'élimination par stockage ou incinération ; en second lieu, la
valorisation, soit par recyclage, c'est-à-dire la valorisation matière, soit
par utilisation des calories qui sont récupérées lors de l'incinération - on
parle de valorisation énergétique - soit par compostage, c'est-à-dire la
valorisation biologique ou organique.
Il apparaît donc que la valorisation énergétique, qui est une modalité du
traitement des déchets, dès lors qu'elle est précédée d'une collecte
séparative, ou tri sélectif, relève du taux réduit de TVA quand elle porte sur
des matériaux faisant l'objet d'un contrat avec une entreprise agréée ; au
premier rang des entreprises agréées se trouve ECO-Emballages, que nous
connaissons tous.
Ce point, mes chers collègues, n'a cependant pas été explicitement tranché ni
dans le commentaire d'article de M. Migaud ni en séance publique à l'Assemblée
nationale. Il apparaît donc nécessaire de savoir ce que sont exactement ces
prestations de traitement des déchets et de se faire confirmer - nous espérons
que vous voudrez bien le faire, monsieur le secrétaire d'Etat - que la
valorisation énergétique, qui est distincte de l'incinération, est bien
comprise dans le champ de cet article 21.
Cette position est d'ailleurs celle que défend Mme Bricq à la page 130 de son
rapport : « Votre rapporteur propose de réserver le bénéfice de cette mesure de
baisse de la TVA, dans un premier temps, aux services de collecte sélective et
de traitement des déchets en vue d'une valorisation. »
La modification introduite par l'Assemblée nationale correspondait à cette
hypothèse et c'était un prolongement logique de la proposition contenue dans le
rapport.
Par ailleurs, la vente des produits issus du traitement ainsi opéré, distincte
des prestations de traitement, reste soumise au taux de TVA du matériau ainsi
recyclé ou traité.
En outre, des problèmes concrets d'application vont se poser.
Il est en effet difficile de faire la distinction, lors du traitement, entre
des déchets selon qu'ils ont fait ou non l'objet d'une collecte séparative.
De même, il convient de se faire préciser que le taux réduit s'applique bien
aux opérations réalisées entre collectivités - prestations d'un syndicat
intercommunal pour ses communes membres ou d'une commune pour une autre
collectivité - ainsi qu'aux déchetteries.
Il convient aussi de rappeler l'importance de l'effort d'investissement
réalisé par nos différentes collectivités et par les groupements en ce
domaine.
Il serait donc extrêmement souhaitable, monsieur le secrétaire d'Etat - et le
Sénat a déjà eu plusieurs fois l'occasion d'y insister - que l'ensemble de la
filière de collecte et de traitement des déchets ménagers soit soumise au taux
réduit.
Compte tenu de son coût et de son éventuel impact sur l'équilibre budgétaire,
une telle mesure de généralisation devrait, selon la commission, être discutée
en seconde partie.
Dans ces conditions, la commission souhaite que le Gouvernement puisse
informer le Sénat des raisons du retard dans la mise en place des plans
d'élimination des déchets et des difficultés rencontrées par les collectivités
locales lors de la mise en oeuvre de ces plans.
C'est en fonction de cette analyse d'ordre général que la commission présente
l'amendement n° I-15, qui vise à préciser clairement que les installations de
valorisation énergétique sont bien comprises dans le champ d'application de
l'article 21 tel qu'il a été voté à l'Assemblée nationale, le texte actuel
visant de façon générique le traitement des déchets.
L'amendement n° I-181 tend à appliquer le taux réduit à l'ensemble de la
filière de la collecte et du traitement des déchets. Pour les raisons que je
viens d'exposer, la commission, tout en en approuvant le principe, préférerait
qu'il soit retiré à ce stade de la discussion pour être examiné lorsque nous
aurons abordé la seconde partie de la loi de finances, afin de ne pas perturber
excessivement l'équilibre budgétaire.
M. Joseph Ostermann.
Alors, je le retire !
M. le président.
L'amendement n° I-181 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'amendement n° I-82 a pour objet l'application du
taux réduit de TVA aux opérations de tri et de traitement des déchets ménagers.
Il précise les conditions d'application du taux réduit pour les opérations de
collecte et de traitement.
La commission a pris acte de la baisse de TVA applicable à la collecte, au tri
et au traitement des déchets ménagers dès lors qu'elle porte sur des matériaux
ayant fait l'objet d'une convention
ad hoc
avec une société agréée.
En conséquence, elle estime que cet amendement est satisfait par son
amendement n° I-15. Je suggère donc à M. Hérisson de bien vouloir se rallier à
la position de la commission après avoir, bien entendu, écouté ce que le
Gouvernement a à nous dire sur cet important sujet.
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-82 et I-15 ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Je veux revenir brièvement sur les deux
exposés introductifs à ce débat sur la TVA pour bien souligner qu'il existe
effectivement deux conceptions de la réforme fiscale.
Le Gouvernement - M. Miquel l'a très bien indiqué - a la volonté, bien sûr
dans les limites que lui imposent tant les moyens financiers disponibles que la
réglementation européenne, d'abaisser le taux de la TVA, qui est un impôt sur
la consommation. En même temps, il souhaite renforcer les dispositions fiscales
tendant à améliorer l'environnement.
M. le rapporteur général, pour sa part, nous a expliqué qu'il avait d'autres
priorités fiscales, et je le remercie d'avoir été aussi clair sur ce point.
L'amendement n° I-181 a été retiré, mais je tiens néanmoins à indiquer que,
dans un premier temps, le Gouvernement était favorable à ce que les opérations
de collecte des déchets ménagers et le tri sélectif soient soumis au taux
réduit de TVA. L'Assemblée nationale a ajouté le traitement des déchets
ménagers dans le cadre du tri sélectif parmi les opérations pouvant désormais
bénéficier du taux réduit de TVA.
Le auteurs de l'amendement n° I-181 souhaitaient que ce taux réduit s'applique
à toutes les opérations de traitement des ordures ménagères, et j'ai cru
comprendre que M. le rapporteur général était favorable à cette proposition, du
moins dans son principe.
Outre qu'une telle mesure aurait un coût très important, le Gouvernement
considère qu'il faut privilégier les dispositions tendant à améliorer
l'environnement. Or tel ne serait évidemment pas le cas d'une disposition
visant l'intégralité des opérations de traitement des ordures ménagères pour
l'application du taux réduit.
Il est un autre élément que je tiens à verser au débat, car nous le
retrouverons par la suite : si l'on soumet au taux réduit de TVA l'ensemble des
activités du service des ordures ménagères, on accorde un avantage aux seules
entreprises privées qui effectuent ces opérations. En effet, la collectivité
locale assurant elle-même ce service ne bénéficierait pas de cette mesure, et
il y aurait là une certaine iniquité.
J'en viens à l'amendement n° I-82.
M. Hérisson souhaite que les recettes de valorisation des déchets bénéficient
du taux réduit de TVA. Je tiens à être précis sur ce point, puisque M. le
rapporteur général m'a également interrogé à ce sujet.
Il est clair que tout ce qui concerne l'incinération des déchets fait partie
du champ d'application de la TVA à taux réduit. Mais, du point de vue du
Gouvernement, la valorisation ultérieure des déchets ne peut pas bénéficier du
taux réduit de TVA. Il s'agit, en effet, de contrepartie, de livraisons de
biens, que ce soit des matériaux de construction ou de l'énergie, qui doivent
être frappés au taux qui est propre à leur catégorie.
Je rappelle - mais M. le rapporteur général et M. Hérisson le savent fort bien
- que le droit communautaire ne permettrait pas d'appliquer des taux de TVA
différents, selon que les matériaux de construction sont fabriqués à partir de
sable et de ciment ou selon qu'ils sont issus du recyclage de déchets.
C'est la raison pour laquelle je demande le rejet de l'amendement n° I-82.
M. le rapporteur général, dans un souci de précision qui l'honore, demande un
certain nombre d'informations complémentaires à la suite du débat qui s'est
déroulé à l'Assemblée nationale.
L'extension de la mesure aux prestations de traitement, qui a été adoptée par
l'Assemblée nationale, couvre non seulement les opérations d'incinération des
déchets qui ont fait l'objet d'une collecte sélective, j'y insiste - ce n'est
pas le cas le plus fréquent - mais également les opérations d'incinération des
déchets qui constituent le résidu d'opérations de collecte et de tri sélectif
effectuées en amont dans le cadre de ce que l'on appelle - les spécialistes
comprendront - les contrats multimatériaux.
Vous avez aussi souhaité, monsieur le rapporteur général, que le taux réduit
de TVA soit étendu aux recettes issues de la valorisation énergétique. Je vous
ai répondu sur ce point en commentant l'amendement présenté par M. Hérisson.
Pour résumer, le Gouvernement souhaite le retrait des amendements n°s I-82 et
I-15. Dans le cas contraire, il en demanderait le rejet.
M. le président.
Monsieur Hérisson, l'amendement n° I-82 est-il maintenu ?
M. Pierre Hérisson.
A moins que j'aie mal compris, la réponse de M. le secrétaire d'Etat ne me
donne pas satisfaction. Par conséquent, je maintiens mon amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-82, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° I-15 n'a plus d'objet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien noté que vous me demandiez la parole,
mais je ne pouvais pas vous la donner pendant le déroulement du scrutin. Je
vous la donne donc maintenant.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, je voulais faire remarquer - je
le fais avec retard et vous prie de m'en excuser - que cet amendement n'étant
pas gagé il tombait sous le coup de l'article 40 de la Constitution.
M. le président.
La suite de la procédure parlementaire permettra de revoir cette disposition
!
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 21, ainsi modifié.
(L'article 21 est adopté.)
Article 22
M. le président.
« Art. 22. _ I. _ A l'article 257 du code général des impôts, il est inséré un
7°
ter
ainsi rédigé :
« 7°
ter
Sous réserve de l'application du 7° et du 7°
bis
, les
livraisons à soi-même, par les propriétaires, des travaux portant sur des
logements à usage locatif visés au 4° de l'article L. 351-2 du code de la
construction et de l'habitation qui bénéficient de l'aide financière de
l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat prévue à l'article R. 321-4
dudit code, et pour lesquels la décision d'attribution de l'aide est intervenue
à compter du 1er janvier 1999.
« Les livraisons à soi-même mentionnées à l'alinéa précédent constituent des
opérations occasionnelles ; »
« II. _ Au 6 de l'article 266 du code général des impôts, après les mots : "au
7°
bis
", sont insérés les mots : "et au 7°
ter
".
III. _ L'article 269 du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Le 1 est complété par un
e
ainsi rédigé :
«
e)
Pour les livraisons à soi-même mentionnées au 7°
ter
de
l'article 257, au moment de l'achèvement de l'ensemble des travaux et au plus
tard dans les deux ans de la date de la notification de l'attribution de l'aide
de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat. »
« 2° Au
a
du 2, les mots : "aux
b, c
et
d
du 1" sont
remplacés par les mots : "aux
b, c, d
et
e
du 1".
« IV. _ Au 4 du I de l'article 278
sexies
du code général des impôts,
après les mots : "au 7°
bis
", sont insérés les mots : "et au 7°
ter
".
V. _ L'article 284 du code général des impôts est complété par un V ainsi
rédigé :
«
V.
_ Les personnes qui ont été autorisées à soumettre au taux réduit
de 5,5 % les livraisons à soi-même de travaux mentionnés au 7°
ter
de
l'article 257 sont tenues au paiement du complément d'impôt lorsque les
logements ne sont pas affectés à la location dans les conditions prévues au 4°
de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation. »
Par amendement n° I-16, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose :
A. - De rédiger comme suit le texte proposé par le paragraphe I de cet article
pour insérer un 7°
ter
dans l'article 257 du code général des impôts
:
« 7°
ter.
Sous réserve de l'application du 7° et du 7°
bis,
les
livraisons à soi-même, par les propriétaires, des travaux d'amélioration, de
transformation ou d'aménagement portant sur des logements à usage locatif visés
au 4° de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation, qui
bénéficient pour partie de l'aide financière de l'Agence nationale pour
l'amélioration de l'habitat prévue à l'article R. 321-4 dudit code, et pour
lesquels une décision d'attribution de l'aide est intervenue à compter du 1er
janvier 1999.
« Les livraisons à soi-même mentionnées à l'alinéa précédent constituent des
opérations occasionnelles ; »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat de
l'application des dispositions du A ci-dessus, de compléter
in fine
cet
article par un paragraphe VI ainsi rédigé :
« VI. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'élargissement du champ
des travaux éligibles au taux réduit de TVA dans les logements à usage locatif
visés au 4° de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation
est compensée par le relèvement à due concurrence des droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je souhaite tout d'abord faire un commentaire sur le
vote qui vient d'intervenir à l'article 21. Nous aurons, effectivement, à
reprendre ce sujet.
M. le secrétaire d'Etat nous a indiqué que l'incinération des déchets avec
récupération de la chaleur était bien un mode de traitement éligible au taux
réduit de TVA.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
S'il y a tri sélectif !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Dans le cadre défini par la circulaire Voynet, il y a
nécessairement tri sélectif !
Il y a une valorisation organique et énergétique, et c'est donc bien, nous
a-t-on dit, l'ensemble du programme de traitement qui est éligible au taux
réduit.
L'amendement n° I-82 qui vient d'être adopté apporte des précisions en matière
de collecte. Il s'inscrit dans la logique des mesures qui ont été votées à
l'Assemblée nationale, dans la mesure où il fait référence au contrat avec un
organisme agréé mentionné à l'article 6 du décret du 1er avril 1992. Il
nécessitera néanmoins d'être revu, afin d'être harmonisé avec ce que préconise
la commission des finances.
J'en arrive à l'article 22 et à l'amendement n° I-16 que la commission a
déposé.
Il s'agit de faire entrer dans le champ d'application de la TVA à taux réduit
les travaux réalisés dans les logements conventionnés qui ouvrent droit à
l'aide personnalisée au logement.
Seuls les travaux bénéficiant d'une subvention de l'Agence nationale pour
l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, peuvent se voir appliqué de ce taux
réduit.
Les travaux effectués dans ces logements sont toutefois plus importants que
les travaux subventionnés et les dossiers déposés à l'ANAH comprennent des
devis qui peuvent concerner à la fois des dépenses subventionnables et des
dépenses non subventionnables.
Notre amendement a pour objet de prévoir que le taux réduit de TVA s'applique
aux travaux d'amélioration, de transformation et d'aménagement. Cette
définition est identique à celle qui est retenue pour le logement social et
moins restrictive que la mention des seuls travaux subventionnés par l'ANAH.
Ainsi, l'ANAH pourra instruire l'ensemble du dossier et sera en mesure de
distinguer, dans le dossier qui lui est soumis, les travaux qui entrent dans le
champ d'application de la TVA à taux réduit et ceux qui entrent dans le champ
des subventions qu'elle peut accorder.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
L'article 22 prévoit également, dans une finalité
sociale, d'appliquer le taux réduit de TVA de 5,5 % aux travaux qui ont fait
l'objet d'une décision d'attribution d'une aide financière de l'ANAH.
Ce dispositif, qui a donc un champ d'application très large, présente deux
qualités : simplicité et justice fiscale.
Ce que vous proposez, monsieur le rapporteur général, c'est d'étendre
l'application du taux réduit à certains travaux qui ne sont pas susceptibles
d'être financés par l'ANAH, et qui, du point de vue du Gouvernement, ne
revêtent pas un caractère prioritaire.
Cela signifie que la nature des travaux pour lesquels serait demandée
l'application du taux réduit de TVA devrait être examinée par une
administration, laquelle serait privée du critère simple d'attribution de
l'aide par l'ANAH : cette dernière, après instruction du dossier, décide
d'attribuer ou non son aide ; si cette aide est accordée, cela ouvre droit
automatiquement au taux réduit.
Monsieur le rapporteur général, le dispositif proposé par le Gouvernement a le
mérite d'être simple et équitable, me semble-t-il, alors que le vôtre est
complexe ; je n'irai pas jusqu'à dire qu'il est inéquitable.
C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
Sinon, je demanderai son rejet.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-16, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 22, ainsi modifié.
(L'article 22 est adopté.)
Article 22
bis
M. le président.
« Art. 22
bis
. _ Après le troisième alinéa du I de l'article 200
ter
du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les dépenses payées à compter du 15 octobre 1998, les montants
mentionnés au deuxième alinéa sont doublés et le pourcentage mentionné au
troisième alinéa est porté à 20 %. Toutefois, le montant des dépenses ouvrant
droit à crédit d'impôt en 1998 ne pourra excéder les montants prévus au présent
alinéa. »
Sur l'article, la parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Cet article est important. C'est pourquoi je souhaite en rappeler le contexte
et l'intérêt.
En septembre 1998, le Parlement européen a adopté le rapport de M. Bernard
Castagnède, qui demande à la Commission européenne de présenter une directive
tendant à appliquer un taux réduit de TVA à titre expérimental à certains
services à forte densité de main-d'oeuvre.
De son côté, la Commission européenne a ouvert une réflexion sur la réduction
du taux de la TVA en faveur des secteurs à forte densité de main-d'oeuvre.
Parmi les secteurs proposés, le Gouvernement avait, semble-t-il, retenu celui
des services à domicile.
Lors de l'examen du projet de loi de finances, l'Assemblée nationale a
souhaité également inclure la possibilité d'appliquer le taux réduit de TVA
pour les travaux d'amélioration et d'entretien dans l'habitat.
Aujourd'hui, cela ne peut se faire que pour l'habitat social, grâce à une
disposition adoptée l'année dernière et à une autre mesure que nous venons
d'adopter. L'élargissement à tous les travaux serait une excellente chose et
nous soutenons les démarches pour une révision en ce sens de la directive
européenne.
Pouvez vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous confirmer la position du
Gouvernement sur cette réduction du taux de TVA sur les services à domicile et
sur les travaux d'entretien ?
En outre, je voudrais insister sur l'intérêt de ces négociations européennes.
Comme nous l'avons déjà dit, la TVA est l'impôt le plus injuste socialement, et
la meilleure manière de réduire cette injustice est d'appliquer le taux réduit
aux produits et services de première nécessité.
Il est donc nécessaire de revoir largement l'annexe H de la directive
européenne, qui dresse la liste les produits et services pouvant être soumis au
taux réduit.
Cette réduction de la TVA ne pouvant se réaliser aujourd'hui, l'Assemblée
nationale, dans l'attente de la décision européenne, a adopté une amplification
du crédit d'impôt, au titre des dépenses d'entretien de l'habitation.
Ce crédit d'impôt prend en compte un montant maximal de travaux de 5 000
francs pour une personne célibataire et de 10 000 francs pour un couple marié,
et il est plafonné à 15 % du montant des dépenses.
Il faut relever que les personnes non imposables peuvent bénéficier de cette
mesure, car les sommes en question peuvent leur être remboursées.
Par cet article 22
bis
, le Gouvernement double le plafond et il porte
de 15 % à 20 % le taux applicable à compter du 15 octobre. Cette mesure est
très importante et le groupe socialiste la soutient totalement.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
M. Demerliat a posé une question au Gouvernement ; il
est courtois de lui répondre, d'autant qu'il s'agit d'une question
importante.
En 1998, le Gouvernement ne pouvant baisser le taux de TVA sur les travaux
d'entretien à domicile, il a imaginé un système quelque peu complexe de crédit
d'impôt, que l'Assemblée nationale a plus que doublé. Ce système a déjà produit
ses premiers effets.
Vous m'interrogez, monsieur le sénateur, quant à la mise en place d'un système
simple, dans lequel c'est le taux de TVA lui-même qui serait ramené à 5,5 %.
Je peux vous confirmer que Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons saisi du
problème le commissaire Monti ; nous lui avons de nouveau écrit, le 19 octobre
dernier, afin d'inciter la Commission à progresser en la matière.
Je rappelle que, après avoir manifesté une attention bienveillante au cours du
sommet exceptionnel sur l'emploi de décembre 1997, la Commission avait envisagé
de diminuer la TVA sur certaines activités de main-d'oeuvre.
Le Gouvernement, dans son programme d'action nationale pour l'emploi, au début
de 1998, a placé cette question au coeur de sa politique.
Il incombe à la Commission d'élaborer une directive et de la soumettre aux
quinze Etats, qui devront l'approuver à l'unanimité, puisque c'est la règle
pour tout ce qui a trait à la fiscalité.
Ma réponse est claire, monsieur Demerliat, et vous constatez que nous oeuvrons
pour obtenir dès que possible une décision européenne qui fasse passer la TVA
applicable aux travaux d'entretien à domicile du taux normal au taux réduit.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 22
bis.
(L'article 22
bis
est adopté.)
Articles additionnels après l'article 22
bis
M. le président.
Par amendement n° I-141, MM. de Montesquiou, Mouly et Joly proposent
d'insérer, après l'article 22
bis
, un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa du 1 du I de l'article 199
sexies
D du code général des impôts, après les mots : "réparations et
d'amélioration" sont insérés les mots : "et de travaux de prévention et de
lutte contre les termites et autres insectes xylophages".
« II. - Les pertes de recettes sont compensées à due concurrence par un
relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Dans de très nombreuses communes, les termites ou autres insectes xylophages
provoquent des dégâts considérables assimilables à une catastrophe naturelle.
Des mesures fiscales incitatives aideraient à mobiliser nos concitoyens contre
ce fléau et contribueraient à le juguler. Les dispositions prises à ce titre
pourraient être, par exemple, vérifiées par le centre technique du bois et de
l'ameublement afin que les entreprises chargées de ce travail puissent vérifier
les renseignements libératoires fournis.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le Sénat connaît bien le sujet, puisqu'une
proposition de loi a été examinée par la commission des affaires économiques et
du Plan et adoptée à l'unanimité par notre assemblée pour répondre au problème.
Je rappelle que la proposition de loi émanait tout à la fois de M. Camoin ainsi
que d'un certain nombre de ses collègues, et de M. Pastor, également
cosignataire avec un certain nombre de ses collègues du groupe socialiste.
M. Michel Charasse.
Voilà !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce texte est en attente d'inscription à l'ordre du
jour de l'Assemblée nationale et nous souhaiterions vivement que des
engagements puissent être pris à cet égard.
Avec l'amendement n° I-141, il s'agit d'étendre le crédit d'impôt applicable
aux travaux de grosses réparations et d'améliorations afférents à la résidence
principale du contribuable aux travaux de prévention et de lutte contre les
termites.
La commission souhaiterait entendre le Gouvernement sur le fond du problème et
savoir s'il a des précisions à nous apporter sur le sort de la proposition de
loi dont j'ai rappelé tout à l'heure l'existence.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur de Montesquiou, le Gouvernement est
évidemment soucieux d'aider à la prévention et à la lutte contre les termites
et autres insectes xylophages. Je rappelle cependant que ces actions sont déjà
comprises implicitement dans les dépenses d'amélioration éligibles à la
réduction d'impôt pour gros travaux, et ce en vertu de l'article 199
sexies
D du code général des impôts.
M. le rapporteur général a rappelé l'existence d'une proposition de loi
tendant à protéger les acquéreurs et les propriétaires d'immeubles contre les
termites et autres insectes xylophages. Ce texte a déjà été examiné par le
Sénat. Je comprends donc que, par cet amendement, en quelque sorte d'appel, il
souhaite inviter l'Assemblée nationale à se saisir au plus vite du problème.
Cependant, je ne peux pas prendre d'engagement sur ce point. Monsieur le
rapporteur général, vous le savez, le calendrier parlementaire est très chargé.
J'ai cependant pris note de la volonté exprimée par M. de Montesquiou et je me
ferai un devoir d'en informer mon collègue ministre chargé des relations avec
le Parlement.
En somme, monsieur de Montesquiou, vous avez satisfaction : implicitement, ces
dépenses sont prévues et, en ce qui concerne la proposition de loi, vous avez
de nouveau attiré l'attention sur son sort.
Je vous propose donc de retirer votre amendement.
M. le président.
Monsieur de Montesquiou, l'amendement est-il maintenu ?
M. Aymeri de Montesquiou.
Je le retire, mais j'aurais souhaité que tous les immeubles soient concernés
et non pas uniquement l'habitation principale. En d'autres termes, j'aurais
souhaité qu'« implicitement » devienne « explicitement » !
(Sourires.)
M. le président.
L'amendement n° I-141 est retiré.
Par amendement n° I-113, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
22
bis
, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les dispositions de l'article 302
bis
ZC du code général des
impôts sont abrogées.
« II. - En conséquence, dans l'article 150 M du code général des impôts, le
taux « 5 p. 100 » est remplacé par le taux : "4 p. 100". »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Le supplément de loyer de solidarité a été instauré par l'ancienne majorité
pour, selon ses textes fondateurs, permettre le financement de la solidarité
envers les plus démunis par les locataires du parc social. En outre, une taxe
prélevée sur le supplément de loyer de solidarité payée par les offices d'HLM
permettait en partie le financement du fonds de solidarité pour le logement
étendu aux copropriétés.
Nous avions alors dénoncé le principe qui consiste à faire financer par les
moins pauvres des actions de solidarité au profit des plus pauvres.
Je me permettrai de souligner ici que cette solidarité d'un genre particulier
était, en fait, organisée au seul profit du marché, marché qui est tout de
même, qu'on le veuille ou non, à l'origine des difficultés de logement de nos
compatriotes.
En effet, c'est bel et bien une logique de marché et de segmentation de la «
clientèle » qui a inspiré la mise en place du supplément de loyer de
solidarité. A cet égard, la ségrégation qui est pratiquée au sein du parc
locatif social nous inquiète réellement, et je crois que le Gouvernement est
attentif à ce problème.
Cependant, l'expérience de la perception de la taxe a eu le mérite de prouver
au moins deux choses.
La première, c'est que le nombre de personnes susceptibles de s'acquitter de
ce supplément était très largement inférieur aux prévisions. Ce sont surtout
les couples de retraités qui ont été touchés, eux qui contribuent à maintenir
l'équilibre social du parc locatif HLM.
La seconde, c'est que la politique d'attribution des logements sociaux était
largement ouverte aux ménages les plus modestes, malgré quelques situations un
peu particulières rencontrées dans certains organismes. La plupart des
locataires ont bien souvent aujourd'hui des ressources plus que modestes.
Il faut également remarquer que le coût de perception de la taxe a été
entièrement imputé aux organismes bailleurs. Or ce coût administratif,
d'ailleurs relativement élevé, ne se justifiait pas pour l'ensemble des
organismes, dont certains connaissent des difficultés de fonctionnement
majeures du fait de la situation sociale de leurs locataires.
Nous avons, en son temps, apprécié positivement que M. le ministre du logement
ait finalement proposé de supprimer le lien organisé, à l'origine, entre
perception de la taxe et financement de la contribution de l'Etat aux fonds de
solidarité logement.
Les plafonds fixés pour le supplément de loyer de solidarité ont d'ailleurs
été largement modifiés par le gouvernement actuel, de sorte que 30 % à 40 % des
familles, notamment des ménages de retraités, n'y sont plus assujetties.
Nous le redisons : la question du logement des plus démunis nécessite bien
d'autres initiatives et solutions que celle qui consistait à opposer les uns
aux autres, les locataires du parc locatif social.
Nous pensons cependant qu'une étape nouvelle doit être franchie avec la
suppression pure et simple de ce supplément de loyer de solidarité que rien ne
justifie plus vraiment dès lors que la loi contre les exclusions a défini en
particulier les voies et moyens nécessaires pour répondre aux besoins en
matière de logement.
C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen invite le Sénat à
adopter cet amendement de bon sens et de justice sociale.
(Applaudissement
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission, avant de se prononcer, souhaiterait
entendre le Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Comme M. Fischer l'a rappelé, depuis dix-huit mois,
cette cotisation a déjà, à plusieurs reprises, retenu l'attention du
Gouvernement. Mme Luc, notamment, a souvent insisté sur l'importance de ménager
une certaine diversité sociale dans nos cités - les spécialistes parlent de
mixité - de façon que nos concitoyens ne soient pas « rangés », si je puis
dire, par catégories homogènes. C'est pour cela, monsieur Fischer, que des
premières dispositions ont été prises en la matière.
Pour autant, le Gouvernement n'est pas prêt, comme vous le souhaitez, à
supprimer entièrement cette cotisation dont le produit, de l'ordre de 280
millions de francs en 1999, est susceptible, à condition d'être bien employé,
de servir à la solidarité précisément comme vous le souhaitez. C'est pourquoi
le Gouvernement, et plus spécialement M. le ministre de l'équipement, du
transport et du logement et M. le secrétaire d'Etat au logement recherchent les
conditions dans lesquelles le produit de cette taxe pourrait être directement
affecté à la Caisse de garantie du logement social de façon à revenir, hors de
la logique de marché que vous avez dénoncée, à un soutien plus direct au
secteur HLM.
Le Gouvernement a donc compris l'appel qui lui était lancé avec cet
amendement. Sans aller jusqu'à retenir l'option radicale que vous suggérez, à
savoir la suppression des cotisations sur le surloyer, le Gouvernement confirme
qu'il oeuvre dans le sens indiqué. Je vous demande donc, monsieur Fischer, de
bien vouloir retirer cet amendement. A défaut, je serai contraint d'en demander
le rejet.
M. le président.
Monsieur Fischer, l'amendement n° I-113 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer.
Nous avons déjà débattu à plusieurs reprises avec M. le secrétaire d'Etat au
logement de ce dossier : le groupe communiste républicain et citoyen le
considère comme fondamental.
Comme, j'en suis persuadé, bon nombre de nos collègues eux aussi impliqués
dans la gestion du logement social, nous nous inquiétons en effet de
l'évolution du parc HLM.
Sous prétexte d'instituer la solidarité, en fait, on la fait payer aux
locataires eux-mêmes, et à des locataires malgré tout modestes, souvent des
retraités ayant travaillé toute leur vie.
C'est pourquoi, par principe, nous maintenons l'amendement n° I-113.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Compte tenu des explications de M. le secrétaire
d'Etat, mais compte tenu aussi de la nature du gage, qu'elle ne juge pas
satisfaisante, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-113, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 22
ter
M. le président.
« Art. 22
ter
. _ L'article 261 D du code général des impôts est
complété par un
d
ainsi rédigé :
«
d)
Aux prestations d'hébergement fournies dans les villages
résidentiels de tourisme, lorsque ces derniers sont destinés à l'hébergement
des touristes et qu'ils sont loués par un contrat d'une durée d'au moins neuf
ans à un exploitant, dans des conditions fixées par décret.
« Ces villages résidentiels de tourisme s'inscrivent dans une opération de
réhabilitation de l'immobilier de loisirs définie par décret en Conseil d'Etat.
»
Par amendement n° I-17, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose de compléter
in fine
le premier alinéa du texte présenté par cet
article pour compléter l'article 261 D du code général des impôts par les mots
: « en Conseil d'Etat ».
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'article 22
ter
vise à mettre en place un
régime fiscal de nature à favoriser la rénovation de l'immobilier touristique
en assujettissant à la TVA une nouvelle catégorie d'établissements appelés «
villages résidentiels de tourisme ».
Cette disposition, qui résulte d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale
sur l'initiative de sa commission des finances, a fait l'objet d'un large
consensus. Il s'agit de mettre en place un régime fiscal qui soit susceptible
de faciliter la réhabilitation d'un parc immobilier de tourisme aujourd'hui
vieilli.
Le principe de la mesure est simple : on permet l'assujettissement à la TVA
des prestations fournies par une nouvelle catégorie d'établissements
touristiques constituée par les locaux meublés d'habitation dont les
propriétaires ont conclu, avec des exploitants, un contrat de location d'une
durée minimale de neuf ans dans le cadre d'une opération globale de
réhabilitation immobilière. Ainsi sera-t-il possible de récupérer la TVA payée
en amont sur les opérations de rénovation.
La commission des finances du Sénat est favorable, sur le fond, à cette
mesure, mais elle s'interroge sur la méthode qui consiste à définir un régime
fiscal par anticipation, puisqu'il doit s'inscrire dans des opérations d'un
type nouveau dites « opérations de réhabilitation d'immobilier de loisir » qui
n'ont pas encore été définies dans leur contenu comme dans leur procédure.
Un décret en Conseil d'Etat - ce qui avait d'ailleurs été prévu, me
semble-t-il, dans la rédaction initiale de la commission des finances de
l'Assemblée nationale - paraît être une sécurité s'agissant d'ensembles
immobiliers comportant de nombreux propriétaires ; de plus, cela assurerait une
bonne articulation avec le régime des opérations de réhabilitation immobilière,
qui, lui, est défini par un décret en Conseil d'Etat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
S'agissant du fond, cet article est intéressant
puisqu'il va permettre à des villages de montagne de développer des activités
touristiques importantes.
Cet article comporte deux alinéas.
Il est fait état, dans le premier alinéa, d'un décret simple et, dans le
second, d'un décret en Conseil d'Etat. Le rapporteur général souhaiterait que
le premier alinéa prévoie un décret en Conseil d'Etat. Bien que aucune liberté
publique ne soit en cause, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-17, pour lequel le Gouvernement s'en remet
à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 22
ter,
ainsi modifié.
(L'article 22
ter
est adopté.)
Articles additionnels après l'article 22
ter
M. le président.
Je suis d'abord saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Tous trois sont présentés par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe
socialiste et apparentés.
L'amendement n° I-233 vise à insérer, après l'article 22
ter
, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le 1°
ter
du 4 de l'article 261 du code général des
impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... L'ensemble des frais et honoraires exposés en justice. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des dispositions
précédentes sont compensées à due concurrence par une augmentation des droits
prévus à l'article 885 U du code général des impôts. »
L'amendement n° I-234 tend, après l'article 22
ter
, à insérer un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le
f
de l'article 279 du code général des impôts est rédigé
comme suit :
«
f)
L'ensemble des frais et honoraires exposés en justice ; ».
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des dispositions
précédentes sont compensées à due concurrence par une augmentation des droits
prévus à l'article 885 U du code général des impôts. »
L'amendement n° I-235 a pour objet d'insérer, après l'article 22
ter
,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le
f
de l'article 279 du code général des impôts, il est
inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... L'ensemble des frais et honoraires des affaires relevant du droit de la
famille ; »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des dispositions
précédentes sont compensées à due concurrence par une augmentation des droits
prévus à l'article 885 U du code général des impôts. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre ces trois amendements.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
En vérité, ces trois amendements ont le même objet, le deuxième et le
troisième étant des amendements de repli successif. Ils s'inscrivent dans un
combat engagé depuis longtemps, en tout cas depuis qu'un gouvernement a porté
le taux de TVA de 18,60 % à 20,60 %.
Monsieur le président de la commission des finances, vous nous aviez
vous-même, en tant que rapporteur général, encouragés à poursuivre ce combat.
En effet, le 19 juillet 1995, alors que M. Michel Charasse venait de défendre
les mêmes amendements, dont j'étais le premier signataire, vous aviez dit : «
Il a semblé à la commission que la présente proposition de loi ne devait pas
servir à modifier les règles qui s'appliquent en la matière autres que celles
qui sont relatives au taux de la TVA. La commission s'est fixé ce principe,
elle y reste fidèle. A lui seul il justifie le rejet de ces amendements.
Néanmoins, elle n'a pas trouvé ces amendements indignes d'intérêt. Il lui
semble que les dispositions qu'ils contiennent méritent d'être retenues. Aussi
pourraient-elles être proposées au Sénat à l'occasion de l'examen du collectif
ou, mieux encore, de la prochaine loi de finances. »
Bien sûr, l'impôt indirect est, nous en sommes tous convaincus, l'impôt le
plus injuste qui soit - c'est l'art de plumer l'oie sans la faire crier,
dit-on, mais toutes les oies, y compris les plus défavorisées !
Est-il possible d'abaisser le taux de TVA ? Nous proposons, par notre premier
amendement, de supprimer la TVA sur l'ensemble des honoraires exposés en
justice ; par le second au moins de l'abaisser à 5,5 % et par le troisième,
enfin, de l'abaisser à 5,5 % au moins en matière de droit de la famille. Une
rectification de nos trois amendements s'impose : il s'agit des seuls
honoraires car il n'y a plus de frais de justice. Nous nous honorons, monsieur
le secrétaire d'Etat, sur la gauche de l'hémicycle, d'avoir obtenu, après une
longue lutte, qu'il n'y en ait plus, en principe, c'est-à-dire que la justice
soit gratuite.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Quand on s'honore, on s'honore en général, et
cela concerne l'ensemble de l'hémicycle !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Effectivement ! Ce n'était pas très adroit de ma part, puisque j'ai besoin de
votre complicité, que vous nous aviez en quelque sorte annoncée en 1995.
(Sourires.)
Disons que nous nous honorons particulièrement sur ce côté
de l'hémicycle.
Est-il facile de supprimer la TVA ? On nous répond : Non ! et on nous oppose
l'Europe, dont il m'apparaît qu'en la matière l'interprétation des règles est
assez élastique. De toute façon, ce ne serait pas une raison pour ne pas voter
les amendements que nous proposons. En effet, à l'évidence, il faut tendre à
une gratuité totale de la justice. Sans même parler de la TVA en général, ce
combat-là devrait recueillir un consensus.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, au moment où nous voulons
consolider l'Europe, il faudrait bien que, dans tous les pays européens, la
justice soit gratuite. Songez qu'une personne qui divorce et qui gagne moins de
7 000 francs par mois - et ne bénéficie donc pas de l'aide juridictionnelle -
sera obligée de payer, outre les honoraires de son avocat, 20,60 % de TVA. Il
n'est pas admissible que cette situation perdure.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous comptons sur vous pour vous battre sur ce
point. L'adoption par le Sénat de l'amendement n° I-233 ou subsidiairement des
amendements n° I-234 ou n° I-235 vous aidera à obtenir que la justice soit
gratuite et en tout cas traitée de la même manière dans tous les pays. Or,
certains pays européens n'ont pas de TVA sur la justice, d'autres ont un taux
de TVA de 5,5 % ; en France, il est de 20,60 %.
On nous objecte qu'il n'est pas possible de revenir en arrière, je n'en suis
pas convaincu. Quoi qu'il en soit, pour vous aider à vous battre sur ce thème
qui, nous en sommes certains, nous est commun, je demande au Sénat d'adopter
l'amendement n° I-233. Je suis d'ailleurs persuadé qu'il recevra le soutien de
l'ensemble de la Haute Assemblée compte tenu des quasi-engagements pris à
l'époque par M. le rapporteur général.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-233, I-234 et I-235
?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, ces amendements sont
évidemment très... sympathiques,...
M. Michel Charasse.
... séduisants !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... voire séduisants à certains égards. Mais je
crains que leur coût budgétaire ne soit véritablement très élevé. En effet,
tous les honoraires exposés en justice représentent - peut-être M. le
secrétaire d'Etat a-t-il une évaluation ? - une somme qui est loin d'être
négligeable.
Par ailleurs, les services que vous évoquez ne figurent pas, hélas ! sur la
fameuse liste de la fameuse annexe de la fameuse directive.
M. Paul Loridant.
C'est euro-incompatible !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce n'est pas à un Européen ardent comme vous que je
dois rappeler que nous sommes dans un Etat de droit, dans une « union de droits
», si je puis dire, qui engendre des dispositions contraignantes, que nous
devons appliquer et qu'il faut prendre au sérieux. Cela n'empêche pas de
souhaiter leur modification. Mais, j'ai rappelé dans quel cadre institutionnel
il est possible d'y procéder.
Dans ces conditions, vous comprendrez que, à son grand regret, la commission
ne puisse qu'émettre un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, je ne vais pas surenchérir
dans les regrets. Je ferai valoir des arguments pour vous inciter à retirer ces
amendements.
Le premier - je n'insiste pas sur ce point car M. le rapporteur général l'a
développé - concerne le droit communautaire, qui a été approuvé à l'unanimité.
Il me paraît difficile que les professions de justice puissent se mettre en
contravention du droit.
J'ajouterai deux arguments d'ordre économique et social.
Sur le plan économique, si vous exonérez de TVA ces prestations de services ou
si vous les soumettez au taux réduit, il en résultera deux inconvénients.
D'abord, la TVA payée sur les achats effectués ne pourra pas être déductible.
Ensuite, à partir du moment où on ne paie plus la TVA, on doit payer la taxe
sur les salaires,...
M. Michel Charasse.
Et voilà !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
... qui n'est pas négligeable s'agissant d'activités
de main-d'oeuvre très qualifiée comme celle dont vous vous faites, à juste
titre, le vibrant défenseur.
(M. Dreyfus-Schmidt fait un signe de
dénégation.)
Sur le plan social, je rappellerai, car c'est important, que l'aide
juridictionnelle, c'est-à-dire l'aide qui est apportée aux personnes qui n'ont
pas les moyens de payer un avocat, est déjà soumise au taux réduit de 5,5 %, ce
qui me paraît juste. Par ailleurs, une disposition permet aux avocats et aux
avoués qui réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 245 000 francs par an et
dont la clientèle est constituée essentiellement de particuliers - ces
professionnels font probablement plus du droit de la famille que du droit des
affaires - de bénéficier d'une franchise spécifique qui a les mêmes effets
qu'une exonération de TVA.
Monsieur Michel Dreyfus-Schmidt, pour cet ensemble de considérations, le
Gouvernement n'est donc pas favorable à ces trois amendements, et si vous ne
les retirez pas, je serai contraint de demander au Sénat de les rejeter.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-233.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'ai relevé un malentendu grave, et je suis ravi que nous puissions en
discuter.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez rappelé les avantages que la TVA en
matière de justice peut avoir pour les avocats et vous avez ajouté que j'étais
leur vibrant défenseur. C'est, veuillez m'excuser, monsieur le secrétaire
d'Etat, un contresens complet.
Je n'ai pas besoin de préciser - mais pourquoi ne pas le faire ? - que je suis
avocat honoraire et non plus en activité. De plus, ce n'est absolument pas pour
mes anciens confrères que je me bats, au contraire donc.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je n'ai pas dit cela !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Une forte TVA sur leurs honoraires présente peut-être pour eux des
contreparties appréciables, mais là n'est pas le problème. Je suis le défenseur
vibrant non pas des avocats, mais des justiciables. J'ai donné des exemples. Le
plafond de l'aide juridictionnelle est ce qu'il est. Je veux bien comprendre
qu'il est difficile, en l'état actuel des finances publiques, d'aller plus
loin, encore que ce soit le but que nous avons en commun. Mais, tel qu'il est,
ce plafond engendre des situations tout à fait regrettables. Je l'ai dit, nous
avons engagé, les uns et les autres, un combat pour parvenir à ce que la
justice soit gratuite pour les justiciables. Avec la TVA sur les honoraires,
elle ne l'est plus.
J'aimerais au moins que vous nous ayez bien compris et que, nous ayant bien
compris, vous preniez devant nous l'engagement de vous battre à l'échelon
européen pour que la TVA soit supprimée en matière de justice. S'il vous paraît
possible de prendre cet engagement, nous retirerons nos amendements.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Les négociations sur les directives européennes en matière de TVA ont duré si
longtemps que nous sommes sans doute un certain nombre dans cet hémicycle à y
avoir participé à un moment ou à un autre et à avoir gardé le souvenir de leur
complexité.
Cela étant, il y a quand même quelque chose d'assez curieux dans les
classements qui ont été opérés, à l'époque, entre le taux normal et le taux
minoré, c'est-à-dire entre les deux catégories de taux. La notion de produits
dits « de consommation populaire », ou « de prestations de consommation
populaire », a été, me semble-t-il, assez mal appréhendée par le Conseil des
ministres européen et par la Commission elle-même.
Le problème est délicat, dans la mesure où rouvrir la négociation sur la
répartition des produits, c'est ouvrir une boîte de Pandore terrible. Il
n'empêche que nous constatons, à la faveur des amendements qui sont
régulièrement déposés sur chaque loi de finances ou sur chaque collectif tous
les ans, qu'il y a tout de même un certain nombre de problèmes et que ces
problèmes doivent également se rencontrer chez nos partenaires européens.
Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, je serais heureux que vous entendiez
clairement l'appel que vous lance M. Dreyfus-Schmidt.
Nous sommes bien convaincus que, pour l'instant, ses trois amendements, même
si le Sénat se faisait plaisir en les votant, ne seraient pas applicables ou
entraîneraient la mise en demeure de la France par la Commission puis notre
condamnation, par la Cour de justice à la demande de la Commission, si nous
persistions dans l'illégalité.
Mais ne serait-il pas possible de demander, dans le paquet de réformes
fiscales qui est actuellement à l'étude à Bruxelles, une révision d'ensemble de
la liste, sinon par produit, du moins par groupe de produits, afin de mieux
distinguer ce qui relève de ce que j'appellerai la consommation populaire ou la
grande consommation de ce qui relève de la catégorie des autres produits taxés
au taux normal ?
L'accès à un service public - et la justice est un service public - est tout
de même un « produit » de consommation courant et, par conséquent, cela
mériterait, me semble-t-il, qu'une démarche soit engagée dans ce sens, à la
fois pour la justice mais aussi, peut-être, pour les autres produits ou
prestations que nous allons inventorier tout au long de ce débat, puisque nous
allons examiner dans un instant toute une série d'amendements divers et plus ou
moins justifiés qui vont se heurter aux mêmes objections tirées du droit
européen.
Quoi qu'il en soit, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous lance un appel : la
France ne pourrait-elle pas, dans un
memorandum
complémentaire adressé
au commissaire européen qui suit actuellement les questions fiscales - il
s'agit de M. Monti -, poser ce problème ?
J'ajouterai qu'il ne faut pas oublier le coût budgétaire de ces mesures pour
l'Etat, question qui n'est pas négligeable au moment où nous sommes obligés,
les uns et les autres, de tenir correctement les comptes de la France et les
déficits publics. Et je voudrais profiter de cette brève intervention pour dire
à M. le secrétaire d'Etat qu'il existe un gisement inexploré et inexploité
depuis très longtemps, à savoir le recouvrement des amendes contraventionnelles
et pénales.
Si les amendes pénales et contraventionnelles se prescrivent en un an, les
greffes et les comptables du Trésor sont incapables de procéder à leur
recouvrement normal dans ce délai et le budget de l'Etat perd tous les ans, de
ce fait, 1,5 milliard de francs. En effet, au bout d'un an, toutes les amendes
- qu'elles soient contraventionnelles ou pénales - sont prescrites.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Il a raison !
M. Michel Charasse.
Je souhaiterais donc que, parallèlement à la démarche que le Gouvernement
pourrait entreprendre auprès de Bruxelles - non pas pour tout remettre sur le
tapis, mais pour tenter d'opérer une distinction plus rigoureuse mais aussi
plus réaliste entre la consommation populaire et le reste - vous examiniez,
monsieur le secrétaire d'Etat, ce problème irritant du recouvrement et de la
prescription des amendes, qui fait perdre beaucoup d'argent au Trésor
public.
Si vous prenez l'engagement de présenter cette notule à Bruxelles pour que ce
sujet soit examiné, je suis persuadé - le connaissant bien et connaissant sa
bonne foi dans cette affaire ainsi que ses convictions européennes - que M.
Dreyfus-Schmidt retirera ses amendements le coeur un peu plus léger.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
J'ai bien entendu l'appel vibrant de M.
Dreyfus-Schmidt en faveur des justiciables, appel qui a été renforcé de manière
ô combien éloquente par M. Charasse.
Comme je l'ai dit, le Gouvernement a la volonté de demander à Bruxelles
d'évoluer en matière de TVA. Pour cela, plusieurs méthodes sont possibles, dont
l'une pourrait satisfaire aussi bien le Sénat que l'Assemblée nationale : il
suffirait de dresser une liste très longue de produits et de services, qui
aurait certes l'avantage de rendre le Gouvernement sympathique mais qui ne
déboucherait sur rien. En effet, nous savons d'ores et déjà que nos amis
néerlandais voudraient alors faire passer au taux réduit la fabrique des
sabots, par exemple, et je vous laisse imaginer ce qui se passerait si chaque
pays ajoutait un élément sur cette liste.
La justice constitue incontestablement un sujet tout à fait important. En
matière de pression courtoise mais ferme sur Bruxelles, le Gouvernement a
toutefois mis la priorité sur l'emploi. C'est ainsi que, comme je l'ai rappelé
tout à l'heure, nous avons écrit le 19 octobre au commissaire Monti au sujet
des services d'entretien à domicile et que nous insistons actuellement pour que
certains services de main-d'oeuvre passent du taux normal au taux réduit. Cela
ne signifie nullement, monsieur Dreyfus-Schmidt, que la justice ne soit pas une
activité susceptible de mériter tous nos soins, mais je crois que nos
revendications seront d'autant mieux entendues à Bruxelles qu'elles seront
ciblées.
Je pourrais, certes, vous offrir des espoirs pour plus tard, mais, pour
l'instant, ce serait vous mentir que de prétendre que la priorité du
Gouvernement ne porte pas sur les services à domicile et sur un certain nombre
d'activités comportant une proportion considérable d'emplois, qualifiés ou
non.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, monsieur Charasse, j'ai entendu votre appel : nous
ne serons pas inertes vis-à-vis de Bruxelles, mais nous allons donner la
priorité aux activités de main-d'oeuvre. La priorité absolue du Gouvernement
et, je crois, de nombre d'entre nous, va en effet à l'emploi et nous préférons
déposer des demandes ciblées sur un certain nombre de secteurs employant
beaucoup de main-d'oeuvre que de demander - ce qui serait certainement
souhaitable, monsieur Charasse ! - une remise à plat complète du dispositif.
Ceux qui ont l'expérience des négociations à quinze savent très bien que, si
l'on souhaite remettre à plat tout un dispositif, nous pourrons en parler
encore l'an prochain, puis l'année suivante et aussi longtemps que ce sera
nécessaire.
Nous avons donc un souci d'équité. Malgré le grand respect que nous avons pour
la justice, l'efficacité commande que l'on concentre les demandes de la France
sur les activités de main-d'oeuvre.
Je regrette, monsieur Dreyfus-Schmidt, de ne pas prendre l'engagement solennel
d'écrire demain au commissaire Monti sur ce sujet, mais je suis sûr que vous
comprendrez que la France doit définir des priorités et que la justice doit
temporairement passer derrière les secteurs de main-d'oeuvre. De nombreux pas
ont été faits, tant dans le budget de 1998 que dans le projet de budget pour
1999 dans ce dernier domaine, et des dizaines de milliers d'emplois, voire
davantage, sont en jeu.
J'espère, monsieur Dreyfus-Schmidt, que vous comprendrez le point de vue du
Gouvernement.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je ne sais pas si j'interviens
au bon moment de notre débat, mais je crois pouvoir le faire à l'occasion de la
discussion des amendements déposés par M. Dreyfus-Schmidt, puisque je connais
ses sentiments européens.
Je redoute, mes chers collègues, que nous ne développions une sorte d'«
euro-allergie fiscale » à l'occasion des discussions qui vont suivre. Or il ne
nous faut surtout pas le faire et nous devons être pédagogues sur ce sujet.
Je tiens à rappeler, tout d'abord, que nous avons la liberté de fixer le
niveau de nos taux, même si nous sommes tenus d'avoir un taux de droit commun
et un, voire deux taux réduits.
Ensuite, il ne faut pas oublier non plus, mes chers collègues, que le produit
de la TVA représente la moitié des ressources de l'Etat et que, chaque fois que
l'on propose de réduire le prélèvement opéré sur un produit au titre de la TVA,
nous nous proposons de réduire à due concurrence les dépenses de l'Etat, sauf à
augmenter l'impôt, ce que nous n'envisageons pas. Il faut donc que nous soyons
pleinement responsables de ce point de vue.
Il reste que le taux réduit, qui est un taux d'exception par rapport au taux
de droit commun, peut concerner, après discussion - nous connaissons la grande
diplomatie de M. le secrétaire d'Etat au budget dans les discussions qu'il a à
mener avec nos partenaires européens - des prestations et des éléments
supplémentaires.
Je souhaite simplement, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez nous
tenir informés - mais je sais que vous en avez tout à fait la volonté et nous
utiliserons au maximum cette information, car elle nous aidera - des travaux
que vous menez sur le plan européen pour que le Parlement, dont c'est la
mission, puisse connaître précisément quelles sont les priorités du
Gouvernement.
A cet égard, je vous indique, monsieur le secrétaire d'Etat, que, même s'il
m'est arrivé de vous critiquer par ailleurs, vous avez répondu de manière très
claire voilà un instant. Nous connaissons bien ainsi les priorités du
Gouvernement en ce qui concerne le champ du taux réduit, et peut-être
pourrons-nous aborder la fiscalité de la TVA avec plus de sérénité.
J'ai cru devoir intervenir à ce moment du débat, parce que j'ai peur qu'à
l'occasion de la discussion des amendements qui vont suivre nous ne nous
crispions les uns et les autres sur ce sujet et nous ne finissions par en
conclure que l'Europe est une catastrophe alors qu'elle est une chance pour la
France.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
En effet, nous sommes de bons Européens, mais nous sommes aussi de bons
Français. Or le fait que nous soyons de bons Français ne nous empêche pas de
discuter la politique de certains gouvernements, et même de tous les
gouvernements, quand nous estimons qu'ils ont tort !
Il en est de même pour l'Europe. Etre Européens signifie non pas que nous
acceptons toutes les décisions de la Commission ou du Conseil des ministres,
mais que nous continuons à nous battre dans le cadre de l'Europe pour obtenir
ce que nous estimons juste. Or nous estimons choquant que, en matière de TVA,
les pays qui ont porté le taux de cette taxe à 20,6 % ne puissent pas revenir
en arrière.
Par ailleurs, il existe des règles différentes selon les pays, et ce n'est pas
une bonne manière de faire l'Europe que d'appliquer dans des secteurs
prioritaires des taux différents selon les pays.
Quoi qu'il en soit, la justice - notamment sa gratuité - me paraît être une
priorité de tous les temps. Vous nous dites, monsieur le secrétaire d'Etat, que
la première priorité est l'emploi. C'est effectivement aussi une première
priorité ! Cela étant, monsieur le secrétaire d'Etat, nous continuerons ce
débat, si vous le voulez bien, en d'autres occasions. Pour l'instant, je
constate que vous avez courageusement opposé votre position à notre supplique.
Nous serons donc lâches : nous retirons nos amendements.
(Sourires.)
M. le président.
Les amendements n°s I-233, I-234 et I-235 sont retirés.
Nous allons ainsi pouvoir aborder la partie épicurienne de notre débat, en
évoquant notamment le caviar et le chocolat !
(Sourires.)
Je suis saisi de huit amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-115, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
22
ter
, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 2° de l'article 278
bis
du code général des impôts est ainsi
rédigé :
« 2° Produits destinés à l'alimentation humaine à l'exception du caviar. »
« II. - Le taux prévu au 6° du paragraphe III
bis
de l'article 125 A
est relevé à due concurrence. »
Par amendement n° I-162, MM. Michel Mercier, Fréville, Huriet, Hoeffel, Machet
et Mme Bocandé proposent d'insérer, après l'article 22
ter
, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - A - Le
a
du 2° de l'article 278
bis
du code général des
impôts est complété par les mots : ", toutefois, les bonbons, sucre cuit plein,
sucre plein ferme, pâte à mâcher, caramel sont admis au taux réduit ;"
« B. - Dans la seconde phrase du
b
du 2° du même article, après les
mots : "beurre de cacao", sont inserés les mots : ", ainsi que les tablettes de
chocolat au lait, les tablettes de chocolat au lait avec riz".
« II. - La perte de recettes est compensée par la majoration à due concurrence
des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-228 rectifié, M. Claude Haut et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 22
ter,
un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le
a
du 2° de l'article 278
bis
du code général des
impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : " ; toutefois, les fruits
confits sont admis au taux réduit".
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence
par une hausse des droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général
des impôts. »
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° I-142 est présenté par MM. Joly et de Montesquiou.
L'amendement n° I-157 rectifié est déposé par MM. Revol, Grillot et les
membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 22
ter,
un article ainsi
rédigé :
« I. - Au
b
du 2° de l'article 278
bis
du code général des
impôts, après les mots : "Toutefois le chocolat,", sont insérés les mots : "le
chocolat au lait,".
« II. - Les pertes de recettes sont compensées à due concurrence par un
relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
Par amendement n° I-182, MM. Oudin, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Gaillard, Haenel, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après
l'article 22
ter,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la seconde phrase du
b
du 2° de l'article 278
bis
du
code général des impôts, après les mots : "Toutefois le chocolat,", sont
insérés les mots : "le chocolat au lait,".
« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée par le
relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code
général des impôts ainsi que par la création d'une taxe additionnelle aux
droits visés à l'article 403 du même code. »
Les deux derniers amendements sont identiques.
L'amendement n° I-116 est présenté par Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° I-156 est déposé par MM. Revol, Grillot et les membres du
groupe des Républicains et Indépendants.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 22
ter,
un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 % en ce qui
concerne les opérations d'achat, d'importation intracommunautaire, de vente, de
livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les produits de
chocolaterie et de confiserie suivants :
« 1° Chocolats présentés en tablettes ou en bâtons à compter du 1er janvier
1999 ;
« 2° Bonbons de chocolat vendus en vrac à compter du 1er janvier 2000 ;
« 3° Produits de chocolat préemballés individuellement à compter du 1er
janvier 2001 ;
« 4° Produits de confiserie et autres produits de chocolat préemballés à
l'exception des boîtages, à compter du 1er janvier 2002 ;
« 5° Tous produits de chocolaterie à compter du 1er janvier 2003.
« La gamme des produits mentionnés ci-dessus est définie par décret.
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration
des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° I-115.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, je vous remercie de me reconnaître comme le premier des
épicuriens qui vont s'exprimer !
(Sourires.)
Avec votre autorisation, je vais défendre les deux amendements n°s I-115
et I-116, ce dernier étant un amendement de repli.
M. le président.
Je vous en prie, mon cher collègue.
M. Guy Fischer.
L'amendement n° I-115 fait suite, si l'on peut dire, à un débat déjà
relativement ancien en cette matière et portant sur les modalités
d'assujettissement à la taxe à la valeur ajoutée des opérations menées sur les
produits alimentaires.
En effet, contrairement à ce que permettent expressément les directives
européennes en la matière, il demeure dans notre pays quelques produits
alimentaires soumis au taux normal de TVA, alors même qu'ils pourraient
bénéficier du taux réduit.
Je plaiderai pour une catégorie de ceux-ci, notamment les produits de la
chocolaterie et de la confiserie.
Pour être tout à fait clair, on pourra rappeler ici à bon droit que la
tradition française de la confiserie et de la chocolaterie est une tradition de
grande qualité, ce qui semble en particulier motiver le grand intérêt que
certains groupes de dimension internationale, tels que Kraft General Foods,
Nestlé ou Cadbury-Schweppes, ont pu manifester pour certaines de nos
entreprises de production d'origine familiale, et qui s'est traduit notamment
par des politiques d'acquisition.
De plus, le secteur artisanal de la confiserie et de la chocolaterie, qu'il
s'agisse de la production ou de la distribution, est particulièrement vivant
dans notre pays et témoigne le plus souvent d'un attachement à la défense d'une
certaine qualité des produits.
Cette « qualité France » est d'ailleurs, à notre avis, à opposer aux multiples
tentatives menées à l'échelon européen pour obtenir de la Commission européenne
qu'elle édicte des directives où, nous le savons bien, la qualité du produit
passerait quelque peu au second plan, après la conquête de l'important marché
de la gourmandise.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ce n'est pas de la gourmandise
!
M. Guy Fischer.
Ne cherchez pas à me déstabiliser, monsieur le président !
(Sourires.)
Le débat que nous avons eu dans le passé sur cette taxation du chocolat a
maintes fois achoppé sur la question du coût financier de la mesure.
Il n'en demeure pas moins que, de notre point de vue, cette donnée doit
progressivement s'effacer derrière les effets bénéfiques qu'une réduction du
taux de TVA pourrait avoir tant pour les prix proposés à la vente que pour
l'emploi dans ce secteur.
Même si l'opération peut, au bout du compte, coûter de 2 milliards à 3
milliards de francs en valeur brute, force est de constater que la pilule est
moins amère, si l'on peut dire, si l'on prend en compte le fait qu'un emploi
créé dans une branche d'activité, c'est d'ores et déjà de 120 000 à 125 000
francs de dépenses d'indemnisation du chômage en moins !
Bien sûr, cette dimension systémique de l'approche des questions fiscales
doit, à notre sens, marquer notre réflexion et ne peut être oubliée.
C'est pourquoi nous proposons d'adopter deux amendements allant dans ce
sens.
Le premier vise à appliquer, dès l'an prochain et en totalité, le taux réduit
de la taxe sur la valeur ajoutée aux produits de la chocolaterie et de la
confiserie.
Le second procède un peu plus progressivement et invite donc à un étalement de
l'application du taux réduit, en commençant, d'ailleurs, par les produits de
plus grande consommation. Cette démarche est - il faut le relever - inspirée
d'une proposition de loi qui fut déposée, en son temps, par notre regretté
collègue Barbier, ce qui fait que nous ne pouvons qu'inviter le Sénat à lui
réserver un sort bienveillant.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel, pour défendre l'amendement n° I-162.
M. Daniel Hoeffel.
Le chocolat transcende tous les clivages. Je suis en effet amené à défendre un
amendement qui n'est pas en opposition fondamentale, bien au contraire, avec
celui que vient de défendre notre collègue M. Fischer.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vous serez « chocolat » tous les deux !
(Rires.)
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, il ne faut jamais préjuger l'issue d'un débat !
(Sourires.)
S'il y a des produits alimentaires - je n'en citerai aucun - qui méritent, à
n'en pas douter, l'appellation de « produit de luxe », il en est d'autres -
c'est le cas du chocolat comme de la confiserie - qui, incontestablement, sont
des produits plus populaires, plus familiaux, et qui, de ce fait, méritent un
traitement fiscal différent.
C'est l'objet de cet amendement, qui me donne aussi l'occasion de rappeler
qu'il s'agit, en l'occurrence, d'une production à fort potentiel dans notre
pays, d'une production grande utilisatrice de main-d'oeuvre et qui, de ce fait,
mérite un certain nombre d'égards et d'encouragements.
Le taux majoré de TVA pénalise incontestablement ces produits. Monsieur le
secrétaire d'Etat, puissiez-vous être sensible à des arguments qui, loin d'être
purement techniques, vont bien au-delà ! C'est la supplique que, au travers de
cet amendement, nous vous adressons.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants et du RDSE. - M.
Guy Fischer applaudit également.)
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Jean Faure au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Haut, pour défendre l'amendement n° I-228 rectifié.
M. Claude Haut.
Après le chocolat, les fruits et la confiserie !
Mais, avant de traiter de ces productions spécifiques, je souhaite, me placant
sur un plan beaucoup plus général, insister sur le fait - tout le monde le
sait, mais il est toujours bon de le rappeler - que la TVA, comme le montrent
toutes les études, n'est pas un impôt satisfaisant sur le plan de la
redistribution.
Malgré les difficultés que cela engendre pour le Gouvernement, notamment sur
le plan budgétaire, bien des efforts ont toutefois été entrepris pour réduire
le taux de la TVA sur certains produits, et le projet de loi de finances pour
1999 le démontre encore.
J'ai entendu, au cours des débats qui ont précédé, se manifester une
opposition à certaines modifications de taux à l'échelon européen et à la
directive européenne qui traite de ce sujet.
Je ne sais pas si les fruits confits sont « eurocompatibles » - on me le dira
bientôt ! Mais ce que je sais, c'est que cette production est une production
agricole, au même titre que d'autres moins taxées qu'elle.
Pour permettre le développement de cette production, de cette filière qui
engendre un certain nombre d'emplois dans le pays d'Apt, que certains ici
connaissent bien, il conviendrait donc de consentir un effort en matière
fiscale.
Tout à l'heure, vous avez parlé d'emploi, monsieur le secrétaire d'Etat. Dans
cette filière, il y a de nombreux emplois à la clé, d'autant que la
compétitivité de nos entreprises est mise à mal par la concurrence de
marchandises importées à bas prix d'Europe centrale ou orientale.
En conclusion, cet amendement, dont l'incidence financière est négligeable,
permettrait la poursuite du développement d'une activité importante pour le
département de Vaucluse et, notamment, pour le pays d'Apt.
M. le président.
La parole est à M. Joly, pour défendre l'amendement n° I-142.
M. Bernard Joly.
Intervenant après mes collègues Daniel Hoeffel et Guy Fischer, je vais parler
du chocolat au lait.
(Exclamations.)
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Ce sont des amendements à croquer !
(Sourires.)
M. Bernard Joly.
Il ressort d'une récente enquête qu'en termes relatifs les foyers modestes
dépensent sept fois plus pour leur consommation de chocolat et de confiserie de
chocolat que les foyers aisés et qu'ils subissent donc davantage - dans les
mêmes proportions - l'impact de la TVA discriminatoire - je dis bien «
discriminatoire » - appliquée à ces produits.
Cet amendement a l'avantage d'être cohérent avec la proposition de loi adoptée
par la commission des finances de la Haute Assemblée en 1997, qui prévoyait un
passage progressif en cinq ans au taux de 5,5 %, en commençant par les
tablettes de chocolat.
En conclusion, monsieur le rapporteur général, monsieur le secrétaire d'Etat,
je souhaite que personne ne soit « chocolat » !
(Rires et applaudissements
sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants
et du RPR.)
M. Roland du Luart.
Excellent !
M. le président.
La parole est à M. Clouet, pour présenter l'amendement n° I-157 rectifié.
M. Jean Clouet.
J'ai l'impression que cet amendement a déjà été largement défendu dans cette
assemblée.
Je me contenterai de dire que Mme de Sévigné s'est trompée.
(Ah ? sur de
nombreuses travées.)
Mme de Sévigné disait : « Racine passera comme le
chocolat. »
(Sourires.)
Racine n'est pas passé. Quant au chocolat, il
est omniprésent.
Le groupe des Républicains et Indépendants, après avoir apprécié l'hommage
rendu à notre ancien collègue Bernard Barbier, se rallie, bien entendu, à la
vague de défense du chocolat qui s'est organisée dans cet hémicycle. Qui sait ?
peut-être aurons-nous une dégustation hors taxes à la fin des débats !
(Rires et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants,
du RPR et de l'Union centriste.)
M. Josselin de Rohan.
Quelle que soit la couleur du chocolat !
M. le président.
La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-182.
M. Jacques Oudin.
Comment voulez-vous que le groupe du RPR se tienne en dehors de ce combat pour
le chocolat ? C'est impossible ! L'unanimité qu'a soulignée M. Daniel Hoeffel
sera donc complète, avec la dernière intervention sur le chocolat au lait.
Cela étant, est-ce bien raisonnable, monsieur le secrétaire d'Etat, de passer
autant de temps sur ces produits fondamentaux que sont le chocolat au lait et
les fruits confits, alors que la France est confrontée à des problèmes aussi
importants que ceux que provoque la crise mondiale ?
Cela étant dit, nous défendons l'« amendement chocolat ».
M. le président.
L'amendement n° I-116 a déjà été défendu.
La parole est à M. Clouet, pour présenter l'amendement n° I-156.
M. Jean Clouet.
Ce que j'ai dit pour l'amendement n° I-157 rectifié vaut pour celui-là.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tous ces amendements, dont la commission a pris
connaissance avec une certaine gourmandise
(Sourires),
relèvent de la même inspiration.
La commission des finances est très attentive à ce sujet. L'un de nos
collègues a cité la proposition de loi de notre regretté collègue Bernard
Barbier ; cette proposition, je le rappelle, avait été rapportée au sein de la
commission des finances.
Nous attachons effectivement beaucoup d'importance, monsieur le secrétaire
d'Etat, à ce que les différentes productions qui ont été évoquées puissent être
soutenues comme elles le méritent par le Gouvernement auprès des instances
communautaires pour que l'on puisse également, le moment venu, procéder aux
arbitrages budgétaires qui leur sont favorables.
Cela étant dit, la commission des finances, dont le rôle est toujours ingrat
et difficile dans une discussion budgétaire, se doit de faire, en toute
franchise, deux observations.
La première, c'est qu'il convient de considérer l'ensemble de ce sujet des
biens alimentaires de façon globale et cohérente au fond, et c'est ce à quoi la
commission vous convie, mes chers collègues, pour la seconde partie de la loi
de finances, où nous réexaminerons de manière systématique et méthodique tous
ces amendements qui, de façon diverse mais avec un objectif commun, visent à
soutenir des productions, des biens et des services alimentaires auxquels nos
attachons, naturellement, beaucoup d'importance.
La seconde observation, c'est qu'il faut, bien sûr, avoir présente à l'esprit
l'incidence budgétaire globale de toutes les propositions qui ont été faites,
de tout ce qui a constitué notre menu ces dernières minutes, sur le solde de la
loi de finances. Or cette incidence globale est de l'ordre de 2,5 milliards à 3
milliards de francs.
Dans le cadre de l'épure budgétaire sur laquelle nous travaillons, il n'est
manifestement pas possible de donner suite à ces propositions pour l'année
1999.
Compte tenu des lourdeurs du budget de l'Etat, compte tenu de toutes les
charges de structure rigides sur lesquelles la discussion générale et les
échanges de ces derniers jours ont permis de mettre l'accent, nous ne pouvons
trouver les marges de manoeuvre nécessaires.
Je demande donc aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer et
d'accepter que cette discussion reprenne dans un cadre global et cohérent lors
de l'examen de la seconde partie de la loi de finances.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur général, vous avez invoqué le
droit communautaire. Mais il ne peut pas l'être en la matière car il n'interdit
pas d'appliquer aux produits de confiserie et au chocolat le taux réduit de
TVA. Cet argument, peut-être commode à employer, est en l'occurrence
inapproprié.
Pourquoi les choses seraient-elles plus faciles en deuxième partie du projet
de loi qu'en première partie ? Nous verrons bien ! Je ne suis pas certain que,
en l'an 2000, puisque la deuxième partie a pour objet de prévoir des mesures
fiscales qui s'appliqueront non pas en 1999 mais au cours des années suivantes,
nous puissions disposer de 3,2 milliards de francs. Mais je fais confiance à
l'imagination de la commission des finances du Sénat pour répondre aux demandes
qui ont été exprimées.
Je reprends l'ordre chronologique des amendements. J'ai beaucoup aimé
l'expression « qualité France » que M. Fischer a employée et qui serait
défendue sur l'important marché de la gourmandise. Mais, en la matière, la TVA
n'est peut-être pas le bon moyen de la défendre. En effet, si le taux de TVA
est réduit, il le sera pour les produits fabriqués en France comme pour ceux
qui sont importés de l'étranger.
Monsieur Fischer - et ce propos vise les différents auteurs d'amendements - si
les 3,2 milliards de francs en question sont juridiquement possibles, d'un
point de vue budgétaire, le Gouvernement, après en avoir débattu avec sa
majorité, a décidé que les quelque 12 milliards de francs de baisse de TVA
devaient être concentrés sur d'autres produits ou services que la confiserie,
le chocolat, les margarines et les graisses végétales. Nous aurons peut-être
l'occasion d'en reparler, mais, pour 1999, nous ne pouvons pas faire plus.
M. Hoeffel m'a demandé si j'avais du coeur. Bien évidemment, oui ! A
l'approche des fêtes de Noël, je comprends bien que le chocolat au lait et le
chocolat au lait avec riz, puisque tel est l'objet de l'amendement n° I-162,
soient des produits qui émeuvent, y compris des membres du Gouvernement en
charge du budget. Avec la confiserie, le coût de la mesure est de 1,5 milliard
de francs. Pour les raisons que je viens d'exposer, le Gouvernement ne peut pas
s'engager dans cette direction.
M. Haut a eu la sagesse de restreindre sa proposition aux fruits confits.
Selon lui, au moins dans les bonnes maisons, ce produit comporte... des fruits.
En conséquence, il demande qu'il soit traité comme un produit agricole et non
comme un produit de confiserie. Malheureusement, en dépit du plaidoyer
talentueux de M. Haut, les fruits confits sont considérés comme des fruits de
confiserie. Quant à la concurrence en provenance d'Orient, elle ne serait en
rien réduite par une diminution du taux de la TVA sur ces produits, je l'ai
démontré tout à l'heure. Pour ma part, je fais confiance aux artisans, aux
petites, moyennes et grandes entreprises : des fruits confits de qualité
continueront d'être fabriqués dans notre pays.
MM. Joly, Clouet et Oudin nous ont montré que la droite pouvait faire...
alliance autour du chocolat au lait...
(Sourires.)
M. Roland du Luart.
Quelle que soit la couleur !
M. Chrisitian Sautter,
secrétaire d'Etat.
... et je les en félicite. Je leur rappelle que le
chocolat noir de ménage est déjà soumis au taux de TVA réduit. Je comprends
qu'ils aient plus d'ambition en la matière, mais la mesure qu'ils préconisent a
un coût de 400 millions de francs. Ce n'est pas une des priorités du
Gouvernement.
En résumé, monsieur le président, le Gouvernement est défavorable à tous ces
amendements, dont il demande le retrait.
M. le président.
Monsieur Fischer, l'amendement n° I-115 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer.
Oui, monsieur le président.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Mes chers collègues, je voudrais
d'abord faire le point sur le déroulement de nos travaux.
Depuis le début de l'après-midi, soit depuis bientôt deux heures, nous avons
examiné onze amendements. A ce rythme, vous devez prévoir de siéger jeudi
après-midi sur les articles de la première partie, car il nous sera impossible
d'achever, comme prévu, leur discussion jeudi matin.
Cette remarque n'est pas destinée à restreindre en quoi que ce soit ni la
qualité ni la densité de nos travaux, mais j'ai le devoir de vous informer de
leur avancement.
S'agissant plus spécialement des travaux que nous menons en ce moment, certes,
nous sommes les uns et les autres attachés à cette industrie et à ses produits,
mais nous sommes aussi des hommes politiques responsables.
Je m'adresse à mes collègues de la majorité : mes chers collègues, vous avez,
avec la force de conviction qui est la vôtre, dit au Gouvernement tout ce que
vous vouliez lui dire ; mais, je vous en supplie, le temps est maintenant venu,
après que vous avez porté l'alerte comme vous deviez le faire, de retirer vos
amendements parce que, à défaut, d'une part, nous n'allons plus rester dans les
délais compatibles avec la discussion budgétaire et, d'autre part, nous
risquons d'adopter des amendements sur lesquels, avec regret, nous serions
obligés de revenir dans une seconde délibération.
M. Roland du Luart.
Très bien !
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Mes chers collègues, nous ne pouvons pas rester insensibles à l'appel du
président de la commission des finances.
Tout à l'heure, j'ai dit que se posaient peut-être dans notre pays des
problèmes plus graves que celui du prix du chocolat.
Cela étant dit, monsieur le secrétaire d'Etat, ce débat a eu son importance
puisqu'il a permis de souligner l'absurdité de certains taux de TVA. Pourquoi
le chocolat noir de ménage est-il taxé à 5,5 % alors que le chocolat au lait,
qui est mangé par les mêmes enfants, l'est à 20,60 % ? Tout cela est totalement
incohérent !
J'aimerais donc, en contrepartie du retrait de ces amendements - et je conçois
que, pour achever le débat, il faille en passer par là - que vous nous
présentiez une politique cohérente dans le domaine des produits
alimentaires.
Certes, je conçois que le caviar soit taxé à 20,60 % et le chocolat pour
enfant à 5,5 % ou plus.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cela ne date pas de ce gouvernement !
M. Jacques Oudin.
En effet ! Mais puisque vous considérez que vous n'êtes pas un gouvernement
conservateur mais un gouvernement révolutionnaire, montrez-nous par des actes
ce que vous pouvez faire dans ce domaine !
Cela étant dit, l'amendement n° I-47 que j'ai déposé et auquel vous vous
opposerez certainement, monsieur le secrétaire d'Etat, rapporterait un milliard
de francs au budget. Mais, comme vous allez le rejeter, là encore, on ne pourra
que déplorer une certaine incohérence du Gouvernement.
Cette réserve étant formulée, je retire l'amendement n° I-182.
(M. le
président de la commission des finances et M. le rapporteur général
applaudissent.)
M. le président.
L'amendement n° I-182 est retiré.
Monsieur Lachenaud, les amendements n°s I-157 rectifié et I-156 sont-ils
maintenus ?
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Je retire ces amendements, répondant à la demande formulée par le président de
la commission des finances.
J'ajoute que je voterai contre les amendements déposés par le groupe
communiste républicain et citoyen.
M. le président.
Les amendements n°s I-157 rectifié et I-156 sont retirés.
Monsieur Haut, l'amendement n° I-228 rectifié est-il maintenu ?
M. Claude Haut.
Je retire cet amendement, mais, compte tenu du faible coût que cela
représenterait - contrairement aux chiffres importants qui ont été cités - je
pense qu'il faudra y revenir.
M. le président.
L'amendement n° I-228 rectifié est retiré.
Monsieur Hoeffel, l'amendement n° I-162 est-il maintenu ?
M. Daniel Hoeffel.
Qu'il y ait un vote ou non, je tiens à constater qu'il y a consensus au Sénat
pour appeler l'attention du Gouvernement sur une situation inéquitable
s'agissant de la fiscalité applicable à un certain nombre de produits.
Cela étant dit, et ce débat étant effectivement nécessaire - il y a des
rappels qui s'imposent - je ne reste pas insensible à l'appel lancé par M. le
président de la commission des finances ; je retiens des propos de M. le
rapporteur général qu'il n'est peut-être pas exclu que, à un stade ultérieur,
ce débat de fond soit repris, et, quels que soient les risques d'un retrait, je
retiens la parole donnée et je retire l'amendement.
(Très bien ! sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
L'amendement n° I-162 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-115, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Monsieur Joly, l'amendement n° I-142 est-il maintenu ?
M. Bernard Joly.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-142 est retiré.
Monsieur Fischer, l'amendement n° I-116 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer.
Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-116, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis sais de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-54 rectifié, M. Mélenchon propose d'insérer, après
l'article 22
ter,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 281
nonies
du code général des impôts, insérer
un article 281
decies
ainsi rédigé :
«
Art. 281
decies. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux
de 14 % en ce qui concerne :
«
a)
La restauration à savoir les ventes des repas, plats cuisinés,
préparations culinaires de toute nature destinées à l'alimentation humaine et
prêts à être consommés immédiatement et en l'état, vendus à consommer sur place
ou à emporter ;
«
b)
Les ventes de boissons non alcoolisées vendues à consommer sur
place. »
« II. - A l'article 279 du code général des impôts, le a
bis
est
supprimé.
« III. - Les pertes de recettes générées, le cas échéant, par l'application
des dispositions ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par une
majoration des droits prévus aux articles 219 et 885 U du code général des
impôts. »
Par amendement n° I-60 rectifié, MM. Adnot et Durand-Chastel proposent
d'insérer, après l'article 22
ter,
un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Après l'article 281
nonies
du code général des impôts, il est
inséré un article 281
decies
ainsi rédigé :
«
Art. 281
decies. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux
réduit de 14 % en ce qui concerne les prestations :
« 1. De la restauration rapide quelle que soit la surface de l'établissement
concerné.
« 2. Effectuées par les traiteurs et par les établissements effectuant des
ventes livrées à domicile.
« 3. De restauration à consommer sur place, traditionnelle et en libre
service.
« 4. de la restauration collective d'entreprise concédée.
« 5. Par distribution automatique.
« 6. De la restauration parallèle exercée par les boulangeries, charcuteries,
etc. »
« II. - Les pertes de recettes sont compensées à due concurrence par le
relèvement des droits sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code
général des impôts et par l'augmentation du tarif du droit de consommation sur
les alcools visé à l'article 403 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-84, MM. Hérisson, Huriet, Amoudry, Arnaud, Huchon et
Fréville proposent d'insérer, après l'article 22
ter,
un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 281
quinquies
du code général des impôts est rétabli
dans la rédaction suivante :
«
Art. 281
quinquies. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au
taux de 14 % pour la restauration, qu'il s'agisse de la fourniture de repas à
consommer sur place ou à emporter. »
« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée à due concurrence
par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général
des impôts. »
Par amendement n° I-190, MM. Oudin, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Gaillard, Haenel, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après
l'article 22
ter,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 281
nonies,
il est inséré dans le code général
des impôts un article ainsi rédigé :
«
Art. ... -
La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 14 %
en ce qui concerne la vente à consommer sur place dans le secteur de la
restauration. »
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement
des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-165, MM. Joly et de Montesquiou proposent d'insérer, après
l'article 22
ter,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 268
quater
du code général des impôts il est
inséré un article additionnel rédigé comme suit :
«
Art. ... -
Il est appliqué une règle particulière d'assiette en ce
qui concerne les ventes de repas, le plats cuisinés, de préparations culinaires
de toute nature destinées à l'alimentation humaine et prêts à être consommés
immédiatement et en l'état, vendus à consommer sur place et les ventes de
boissons non alcoolisées vendues à consommer sur place.
« La base d'imposition est constituée par :
«
a)
D'une part, la valeur des matières premières ;
«
b)
D'autre part, la valeur restante obtenue par la différence entre
le prix de vente brut et la valeur des matières premières. »
« II. - Les pertes de recettes sont compensées à due concurrence par un
relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
Par amendement n° I-83, MM. Hérisson, Amoudry, Arnaud, Huchon et Fréville
proposent d'insérer, après l'article 22
ter,
un article additionnel
ainsi rédigé :
« I. - Le
a
quater de l'article 279 du code général des impôts est
rétabli dans la rédaction suivante :
«
a
quater) La fourniture de repas à consommer sur place. »
« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée à due concurrence
par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général
des impôts. »
Par amendement n° I-187, MM. Ostermann, Leclerc et les membres du groupe RPR
proposent d'insérer, après l'article 22
ter,
un article additionnel
ainsi rédigé :
« I. - Après le
a
quinquies, il est inséré dans l'article 279 du code
général des impôts, un alinéa ainsi rédigé :
« ... Les prestations de restauration. »
L'amendement n° I-54 rectifié est-il soutenu ?...
La parole est à M. Durand-Chastel, pour défendre l'amendement n° I-60
rectifié.
M. Hubert Durand-Chastel.
Je retire cet amendement pour me joindre à mes collègues, étant entendu que M.
Marini a indiqué que nous pourrions peut-être le reprendre ultérieurement, lors
de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 1999.
(Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
L'amendement n° I-60 rectifié est retiré.
La parole est à M. Hérisson, pour défendre les amendements n°s I-84 et
I-83.
M. Pierre Hérisson.
La création d'un second taux réduit de TVA fixé à 14 %, qui pourrait être
appliqué à l'ensemble du secteur de la restauration, n'enfreint nullement le
droit communautaire et s'insère dans le cadre de la réflexion engagée par la
Commission et le Parlement européens, ainsi que par le Gouvernement français
sur l'application d'un taux réduit de TVA aux activités à forte densité de
main-d'oeuvre.
Il est bien évident que ce débat est ouvert depuis déjà longtemps. Nous
revenons régulièrement sur ce problème de la réduction du taux de TVA
applicable à la restauration rapide.
Notre collègue M. Oudin a bien posé le problème : l'incohérence de
l'application de ces différents taux de TVA est totalement incomprise par les
consommateurs.
Si l'engagement était pris de revenir, à l'occasion d'un débat de fond, sur la
cohérence en matière d'application de ces taux, je serais prêt à retirer les
amendements n°s I-83 et I-84.
M. le président.
La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-190.
M. Jacques Oudin.
Je l'ai déjà dit tout à l'heure, il n'y a pas de ligne directrice et
d'harmonisation compréhensible des taux de TVA sur toute la chaîne des produits
alimentaires.
Pourquoi certains taux sur certains produits ? Pourquoi d'autres taux sur
d'autres ? Nous n'avons jamais obtenu d'explication cohérente, alors même que
nous avons pour mission, au Parlement, de voter en toute connaissance de cause
un certain nombre de taux.
Cet amendement vise à appliquer un taux de TVA de 14 % à la fourniture de
repas à consommer sur place. Il s'agit ainsi de dynamiser une activité
économique importante dans un secteur, le tourisme, qui est soumis à la
concurrence internationale.
En outre, l'amendement a l'avantage d'engager l'harmonisation de la situation
au niveau européen.
Je saisis cette occasion pour demander au Gouvernement et à la commission des
finances d'étudier une harmonisation - éventuellement à produit égal - mais en
tout cas une harmonisation satisfaisante.
M. le président.
La parole est à M. Joly, pour présenter l'amendement n° I-165.
M. Bernard Joly.
Etant donné le nombre des interventions sur ce sujet, et ce sur toutes les
travées et depuis des années, je ne comprends pas l'acharnement du Gouvernement
à rester sur ses positions.
Les parlementaires ont présenté des propositions. Cette augmentation du taux
intermédiaire sur le prix des plats à emporter, je l'ai déjà défendue. De son
côté, la profession a proposé de créer plusieurs milliers d'emplois. Pourtant,
la réponse est toujours
« niet ».
C'est dangereux parce que, en termes
d'aménagement du territoire, cette hôtellerie-restauration familiale rurale
risque un jour de nous manquer sérieusement.
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. Bernard Joly.
La profession est en difficulté. Pourtant, on l'ignore et on soutient la
restauration rapide. Or, les deux ne boxent pas dans la même catégorie !
J'ajoute que nous, les responsables du tourisme, nous essayons de mettre en
place une formation de qualité, ce qui n'est pas le cas dans la restauration
rapide.
Monsieur le secrétaire d'Etat, prenez garde : ces restaurateurs risquent de
disparaître, surtout en milieu rural. Pour l'instant, ils sont combatifs, mais
ils en ont assez d'attendre.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-187.
M. Jacques Oudin.
M. Joly a tout dit ! Ce débat, nous l'avons déjà eu, et nous obtenons toujours
les mêmes réponses.
Le refus que l'on s'obstine à nous opposer s'appuie sur l'absence de
raisonnement solide pour l'étayer.
Il n'y a pas de justification à ce refus. On ne peut pas nous expliquer
pourquoi on nous dit non.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je vais vous répondre !
M. Jacques Oudin.
Telle est la politique du ministère des finances, quel que soit, d'ailleurs,
le titulaire du poste.
Le secteur de la restauration en France est soumis à deux taux de TVA
différents : l'un de 5,5 % pour la vente à emporter et la livraison de repas à
domicile, l'autre à 20,6 % alors pour la restauration à consommer sur place.
Cette situation crée des inégalités que nous dénonçons dans cette enceinte
depuis plusieurs années.
Bien des restaurateurs sont en difficulté parce qu'ils sont taxés à 20,6 %
alors que d'autres jouent sur « le consommé sur place » et « l'emporté ». De
plus, l'existence de deux taux complique les comptabilités.
Le présent amendement vise donc à assujettir le secteur de la restauration dit
« traditionnel » au même taux de TVA que le secteur de la vente à emporter,
soit 5,5 %.
On aurait peut-être pu envisager un taux intermédiaire.
Reconnaissons clairement que nous n'avons pas une politique cohérente en la
matière. C'est regrettable pour le Parlement, mais aussi pour le Gouvernement,
et, surtout, pour ce secteur, qui en souffre, et je le regrette.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-84, I-190, I-165,
I-83 et I-187 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ces amendements sont très proches les uns des autres
et ils portent sur un sujet qui me paraît d'autant plus familier que j'avais
été, l'an dernier, l'un des signataires d'un amendement identique et tendant à
instaurer le taux unique de 14 % en matière de restauration.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'étais alors et je demeure, de même que l'ensemble
des membres de la commission, j'en suis sûr, très sensible aux arguments qui
ont été soutenus.
Le secteur de la restauration est en effet traité de manière inéquitable en
matière de TVA en raison, d'une part, de la différence entre les produits à
emporter et la restauration classique et, d'autre part, de la forte spécificité
de ce métier en matière de main-d'oeuvre.
Ces services sont bien à forte densité de main-d'oeuvre. Dans cette branche
d'activité, nombre d'emplois peuvent être créés, et l'on n'en tient pas
suffisamment compte dans la politique fiscale.
Chacun connaît dans sa commune un restaurant qui, immédiatement ou très
rapidement après son ouverture, a créé cinq ou dix emplois, quand les choses
allaient bien.
Il est clair, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il existe un effet de
démultiplication très fort sur l'emploi dans ce domaine et que l'instrument «
taux de TVA » est un instrument puissant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre Gouvernement a fait d'autres arbitrages.
Vous avez notamment fait adopter une mesure, que nous n'avons pas contestée
puisqu'elle est favorable au public : la baisse du taux de la TVA pour les
abonnements au gaz et à l'électricité.
Mes chers collègues, cette baisse de taux, que nous avons déjà votée, coûtera
4 milliards de francs. Or, les mesures relatives à la restauration dont nous
venons de parler coûteraient un peu plus de 4,5 milliards de francs, soit le
même ordre de grandeur.
Quel est l'effet de la réduction du taux de la TVA pour les abonnements au gaz
et à l'électricité ? Pour 80 % des abonnés, cela ne représentera qu'une
économie de 100 francs par an.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Cent trente francs !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cent trente francs, dites-vous ? Je ne chinoiserai
pas !
En outre, nous avons démontré, dans le rapport de la commission des finances,
que plus on consomme d'électricité et plus la mesure est intéressante. Il ne
s'agit donc pas nécessairement d'une mesure très sociale. Néanmoins, dans la
phraséologie en usage en ce moment, elle est présentée comme telle.
Monsieur le secrétaire d'Etat, si l'on avait voulu faire un budget plus social
et plus favorable à l'emploi, à l'entreprise, notamment à la petite entreprise,
il eût certainement été préférable de modifier de façon substantielle les taux
de TVA sur la restauration et de faire ce que nos collègues recommandent.
Vous vous êtes exprimés, mes chers collègues, de façon à la fois très claire
et très responsable. Il y a lieu maintenant, pour le Gouvernement, de
poursuivre les négociations avec la commission sur ce sujet.
Il serait bon que le Gouvernement puisse nous dire où il en est. Mais, compte
tenu de l'absence de marge de manoeuvre financière à l'intérieur du budget tel
que nous l'avons redéfini, c'est-à-dire de façon plus vertueuse que le
Gouvernement, il convient que vous retiriez ces amendements, qui indiquent un
cap, dont il faudra absolument se rapprocher dans l'avenir.
Mes chers collègues, la commission est désolée de vous demander le retrait de
vos amendements, car elle partage les objectifs que vous avez défendus.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
M. Oudin a dit - c'est son droit le plus strict - que
la politique du Gouvernement n'était pas claire. Il me semble donc nécessaire,
en bonne courtoisie républicaine, d'essayer de répondre à sa question, même si
les amendements doivent être retirés.
Dans la situation actuelle, nous devons opérer une distinction entre le droit
et la réalité.
Au titre du droit, la restauration est considérée comme une prestation de
services : c'est moins le civet de lapin qui est en cause que le travail
réalisé pour le préparer et le présenter. A ce titre, elle est taxée à 20,6 %.
En revanche, les ventes à emporter sont considérées comme des ventes de
produits et il n'est pas fait de différence entre une baguette et un
sandwich.
M. Jacques Oudin.
Mais si !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Laissez-moi expliquer la situation, s'il vous plaît.
Je ne justifie pas, j'essaie de clarifier les choses.
La réalité, c'est que la frontière entre la restauration et la vente à
emporter est devenue particulièrement floue. La preuve en est que certains
professionnels pratiquent à la fois une activité de restauration, c'est-à-dire
que la consommation a lieu sur place, et la vente à emporter. C'est à mes yeux
ce qui explique que des questions soient posées sur ce thème sur toutes les
travées de la Haute Assemblée.
Que faire ? Voilà la question. Il y a trois points sur lesquels je voudrais
insister.
Tout d'abord, il faut commencer par le trivial : le coût. M. le rapporteur
général dit que la mise en oeuvre de la disposition proposée coûterait 4
milliards de francs, et qu'il vaudrait mieux consacrer à la compensation de
cette dépense les 4 milliards de francs affectés à la diminution du taux de TVA
frappant les abonnements au gaz et à l'électricité.
Je ferai deux remarques à ce propos.
La première, c'est que 4 milliards de francs représentent le coût d'une
opération un peu complexe mais que je vais essayer d'expliquer simplement.
Il s'agit de ramener à 14 %, pour les services de restauration, un taux de TVA
qui est actuellement de 20,6 %. Cela constitue un avantage accordé à toutes ces
activités traditionnelles auxquelles nous sommes attachés, à la ville comme à
la campagne, mais il est bien clair que cela suppose aussi de porter de 5,5 % à
14 % le taux affectant d'autres prestations, notamment la vente à emporter.
Je mentionne en passant que la restauration collective, qui supporte
actuellement un taux de TVA de 5,5 %, serait également concernée par ce
relèvement à 14 %. En tout état de cause, si l'on veut maintenir le coût de
l'opération à 4 milliards de francs, il est nécessaire de procéder à cette
augmentation. Si tel n'était pas le cas, le coût serait évidemment plus
élevé.
Qui seraient les bénéficiaires d'une telle mesure ? Je vais, au grand dam de
M. le rapporteur général, être un peu social. En effet, la clientèle des
restaurants est composée, pour un quart, de touristes - et nous sommes, bien
évidemment favorables au tourisme, qui apporte une contribution importante à
notre balance des paiements - mais pour le reste, il s'agit de citoyens
français qui ne comptent pas parmi les plus modestes. En effet, les études
montrent que plus le revenu est élevé, plus la proportion de celui-ci consacrée
à la restauration est forte. Evidemment, quand on dispose de revenus élevés, on
va davantage au restaurant, on dépense une part importante de son revenu au
restaurant.
Cela étant, il n'y a pas de raison d'empêcher des personnes disposant de
quelques moyens d'aller au restaurant d'autant que tout le monde y va peu ou
prou.
Je veux simplement faire remarquer qu'un ouvrier qui dépense en général,
d'après les études, 1 000 francs par an dans les restaurants y gagnerait 60
francs, soit la moitié de l'abonnement EDF-GDF si le taux de la TVA était porté
de 20,6 % à 14 %.
M. Gérard Braun.
S'il y va avec sa femme, cela équivaudra à la baisse sur l'abonnement EDF-GDF
!
(Rires.)
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je vous prie de m'excuser d'avoir fait tous ces
calculs, mais je voulais simplement faire remarquer qu'on peut se poser la
question de savoir si c'est une mesure socialement prioritaire.
Toutefois, à partir du moment où - M. le rapporteur général l'a très bien dit
- la restauration est une activité de main-d'oeuvre et où de très nombreux
parlementaires, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, posent la question, le
gouvernement actuel a décidé d'être peut-être plus actif que le gouvernement
précédent...
(M. le rapporteur général s'exclame.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Est-ce que l'on ne s'éloigne pas
du sujet ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Pas du tout ! En effet, le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie et moi-même avons écrit au commissaire européen en
charge de la fiscalité le 8 juillet - je peux communiquer ces lettres à la
commission des finances, si elle le souhaite et si elle ne les a pas déjà -
pour l'entretenir de la restauration et des services à domicile. Le 17 juillet,
il nous a répondu que, pour la restauration, c'était non et que pour les
services à domicile, il allait réfléchir.
Le Gouvernement va continuer - et je crois que c'est l'intérêt des amendements
qui étaient déposés et que je prends comme des amendements d'appel - à faire
pression pour que le droit européen change, car il s'agit d'activités de
main-d'oeuvre qui pourraient, cela a été dit - et pas seulement par M. le
rapporteur général - développer beaucoup d'emplois dans notre pays.
Je voudrais dire à M. Joly, qui souhaitait dissocier la partie fabrication et
la partie commercialisation, que la Cour de justice européenne précise, dans
l'arrêt du 2 mars 1996, que la restauration est « une opération unique de
prestation de services ».
Monsieur le président, pardonnez-moi d'avoir été un peu long, mais je tiens à
dire à tous ceux qui se sont exprimés que le Gouvernement est attentif à cette
question, qu'il a entendu l'appel lancé et qu'il va continuer à plaider ce
dossier à Bruxelles, car, avec les services à domicile, la restauration est une
activité de main-d'oeuvre qui comporte, de surcroît, des aspects culturels
auxquels il est attaché.
Vous ayant donné ces explications, je suggère que vous retiriez vos
amendements.
M. le président.
Monsieur Hérisson, les amendements n°s I-84 et I-83 sont-ils maintenus ?
M. Pierre Hérisson.
Je les retire, monsieur le président.
M. le président.
Les amendements n°s I-84 et I-83 sont retirés.
Monsieur Oudin, les amendements n°s I-190 et I-187 sont-ils maintenus ?
M. Jacques Oudin.
Je les retire aussi, monsieur le président.
M. le président.
Les amendements n°s I-190 et I-187 sont retirés.
Monsieur Joly, l'amendement n° I-165 est-il maintenu ?
M. Bernard Joly.
Avant de le retirer, je souhaite faire deux brefs commentaires en réponse à M.
le secrétaire d'Etat.
Tout à l'heure, j'ai proposé que l'on retienne un taux intermédiaire de 14 %.
Si ce taux ne comble pas le déficit budgétaire, peut-être faut-il le relever.
(M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat, fait un signe de dénégation.)
En tout cas, l'introduction d'un taux intermédiaire n'en mérite pas moins
réflexion.
Ensuite, les clients du Fouquet's ou de chez Maxim's ont peut-être de hauts
revenus, mais j'ai insisté sur l'hôtellerie et la restauration rurales, dont la
clientèle, composée notamment de clubs du troisième âge, n'a pas des revenus
extraordinaires !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
L'amendement n° I-165 et retiré.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Monsieur le président, je
partage tout à fait votre souci de ne pas perdre de temps, mais M. le
secrétaire d'Etat, par son intervention, a tout de même connoté le débat qui
vient d'être engagé !
Monsieur le secrétaire d'Etat, afin de prouver que nous ne sommes pas moins
sociaux que vous - nous ne nous excusons d'ailleurs pas de ne pas utiliser le
mot « social » au détour de chaque phrase que nous prononçons, car nous avons
la conviction de mettre toute notre action au service des autres, au service
des plus démunis - la commission des finances, dès le mois de janvier prochain,
travaillera sur les deux sujets...
M. Jacques Oudin.
Très bien !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
... qui ont été très longuement
évoqués tout au long de l'après-midi.
Nous vous entendrons donc, monsieur le secrétaire d'Etat - puisque vous nous
faites l'amitié de répondre à chacune de nos invitations...
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
C'est la moindre des choses !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
... à la fois sur l'examen que
vous faites de ces sujets, sur les requêtes que vous avez présentées à
Bruxelles et sur les réponses que vous avez obtenues.
Nous entendrons également tous les membres de la Haute Assemblée qui
souhaitent s'exprimer sur ce sujet.
Ainsi, nous pourrons y voir clair, faire des propositions précises et avancer
sur ce sujet très important.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
Toujours après l'article 22
ter
, je suis maintenant saisi de deux
amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-183, M. Doublet propose d'insérer, après l'article 22
ter,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 278
bis
, il est inséré dans le code général des
impôts un article ainsi rédigé :
« Art... - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,50 % en ce
qui concerne :
«
a)
La part de la prestation d'exploitation de chauffage
représentative du combustible bois, quand le combustible est l'un des trois
mentionnés aux alinéas
a, b
et
c
du 3°
bis
de l'article
278
bis ;
«
b)
Le terme de la facture d'un réseau de distribution d'énergie
calorifique représentatif du combustible bois, quant le combustible est l'un
des trois mentionnés aux alinéas
a, b
et
c
du 3°
bis
de
l'article 278
bis ;
«
c)
Les achats de bois de chauffage et aux déchets de bois réalisés
par les collectivités locales et destinés au chauffage de leur patrimoine. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par l'augmentation
à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A
du code général des impôts. »
Par amendement n° I-227, M. Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse,
Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 22
ter
, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 3°
bis
de l'article 278
bis
du code général des impôts
est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« ... part de la prestation d'exploitation de chauffage représentative du
combustible bois, quand le combustible est un des trois mentionnés aux alinéas
a, b
et
c
du 3°
bis
du présent article.
« ... terme de la facture d'un réseau de distribution d'énergie calorifique
représentatif du combustible bois quand le combustible est un des trois
mentionnés aux alinéas
a, b
et
c
du 3°
bis
du présent
article. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par un relèvement
des tarifs mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
»
L'amendement n° I-183 est-il soutenu ?...
La parole est à Mme Bergé-Lavigne, pour défendre l'amendement n° I-227.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit toujours de TVA, mais d'une autre
qualité de calories puisque cet amendement traite du bois de chauffage.
(Sourires.)
La loi de finances pour 1997 a permis l'application du taux réduit de TVA
sur les bois de chauffage. Mais, en l'état actuel de la législation, ce taux
réduit ne s'applique que dans le cas d'une utilisation domestique directe. Or
ces bois sont aussi utilisés pour des réseaux de chaleur.
Cet amendement n° I-227 vise donc à appliquer le taux réduit de TVA sur les
bois de chauffage à usage domestique, lorsqu'ils sont utilisés par des réseaux
de chaleur à des fins domestiques pour un chauffage uniquement au bois.
Ce taux réduit pourrait ainsi s'appliquer aux particuliers. Il nous paraît, en
effet, que l'application de cette mesure est appréciée de façon beaucoup trop
restrictive. En effet, est considéré d'usage domestique le bois utilisé pour le
chauffage de locaux à usage d'habitation ou de locaux affectés à un usage
collectif autre que professionnel, commercial ou industriel. Cette notion de
locaux à usage d'habitation comprend les maisons individuelles et les immeubles
collectifs d'habitation. Pourtant, dans ces immeubles collectifs, lorsque la
prestation de chauffage est réalisée par un exploitant de chaleur qui utilise
du bois, le taux de TVA est de 20,6 %.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il est tout de même difficile de chauffer au
bois des immeubles collectifs sans passer par un réseau de chaleur. Il est donc
normal que le taux réduit de TVA sur le bois s'applique également à ces
immeubles, dont les occupants sont le plus souvent des foyers modestes.
En matière de taxe intérieure sur le gaz naturel, la doctrine administrative a
admis, « pour éviter des distorsions de traitement entre les utilisateurs
directs du gaz naturel et ceux qui sont alimentés par un réseau de chaleur »,
de considérer les entreprises exploitantes comme des intermédiaires pour
l'application de l'exonération de cette taxe. Pourquoi ne pas faire la même
appréciation en la matière ?
Enfin, la contrainte communautaire ne semble pas s'exercer puisqu'il s'agit
simplement de résoudre le cas des intermédiaires que sont les réseaux de
chaleur urbains et que la Commission européenne incite les Etats membres à
utiliser l'outil fiscal pour favoriser les énergies renouvelables.
Monsieur le secrétaire d'Etat, cette proposition serait bénéfique pour
l'environnement, permettrait de développer la filière bois-énergie, de réduire
nos importations d'énergie fossile et de créer des emplois en zone rurale.
La cohérence d'une telle distorsion de traitement étant, de plus, difficile à
expliquer aux utilisateurs, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter
l'amendement n° I-227.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le problème posé dans les amendements tant de Mme
Bergé-Lavigne que de M. Michel Doublet est un problème réel et relativement
complexe que nous connaissons bien au sein de cette Haute Assemblée.
La commission des finances a déjà oeuvré, vous le savez, pour développer
l'utilisation du bois comme combustible. C'est d'ailleurs sur notre initiative
que, depuis la loi de finances pour 1997, le bois de chauffage affecté à un
usage domestique est soumis au taux réduit. Il arrive, monsieur le secrétaire
d'Etat, qu'en matière de TVA le Sénat se fasse entendre ! Ce fut le cas en
l'occurrence.
Par ailleurs, et conformément aux engagements pris devant le Sénat, une
instruction fiscale a défini de façon large la notion d'usage domestique.
En revanche, la réglementation communautaire précise malheureusement que les
ventes d'énergie sont soumises au taux normal, notamment lorsqu'elles sont
effectuées par des réseaux de chaleur. C'est la question de fond que nous avons
abordée lorsque nous avons étudié les amendements sur les réseaux de chaleur,
amendements que nous n'avons pas été en mesure de voter.
Nous sommes contraints de nous référer à cette position, en espérant une
évolution du droit communautaire. Mais, dans l'immédiat, tant que celle-ci
n'est pas intervenue, la commission ne peut que solliciter le retrait de
l'amendement n° I-227.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement rejoint l'avis de M. le rapporteur
général. Une instruction administrative du 31 mars 1998 a étendu le champ de
l'usage domestique aux maisons de retraite et aux hôpitaux.
La question se pose maintenant, vous l'avez dit avec beaucoup de justesse,
pour les réseaux de chaleur utilisant le bois.
Ces derniers ont une double vertu : en raison, d'abord, des abonnements dont
nous avons déjà parlé et, ensuite, du matériau utilisé, à savoir le bois, qui
fait partie des énergies ayant un caractère écologique marqué.
Le 7 septembre 1998, j'ai écrit au commissaire européen M. Monti pour qu'il
aille dans le sens souhaité. La première réponse que nous avons obtenue est
négative.
J'en profite pour dire à M. le président de la commission des finances que le
travail que le Sénat entreprendra sur ce sujet dès le mois de janvier nous
aidera, surtout si le Parlement et le Gouvernement réclament ensemble un
certain nombre de réformes des règles communautaires. La cause française ne
pourra qu'en être renforcée. Je répondrai donc bien évidemment favorablement,
comme d'habitude, à l'invitation qui me sera faite.
Ayant entendu l'appel que vous avez lancé, madame Bergé-Lavigne, et parce que
nous travaillons en ce sens, je vous demande de bien vouloir retirer votre
amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-227 est-il maintenu, madame Bergé-Lavigne ?
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Compte tenu de la réponse que vient de faire M. le secrétaire d'Etat, je le
retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-227 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-184, MM. Joyandet, Trégouët, Oudin, Besse, Braun, Cazalet,
Chaumont, Delong, Gaillard, Haenel et Ostermann proposent d'insérer, après
l'article 22
ter,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 278
sexies
du code général des impôts est complété par
un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les CD-Rom et autres supports de contenus interactifs sont imposés au
taux réduit de TVA de 5,5 % ».
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration
des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-230, Mme Pourtaud, M. Mélenchon et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 22
ter,
un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 6° de l'article 278
bis
du code général des impôts est ainsi
rédigé :
« 6° Les livres et supports de contenu interactif, à caractère éducatif et
culturel, y compris leur location.
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence
par une hausse des droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code des
impôts. »
La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-184.
M. Jacques Oudin.
Cet amendement n'ayant pas reçu un avis favorable de la part de la commission
des finances lorsqu'elle l'a examiné, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° I-184 est retiré.
La parole est à Mme Pourtaud, pour défendre l'amendement n° I-230.
Mme Danièle Pourtaud.
Par cet amendement nous proposons, comme pour les livres, d'appliquer le taux
réduit de TVA aux CD-Rom et autres supports interactifs de l'avenir, tels que
les DVD et les CDI, à caractère éducatif et culturel.
Le CD-Rom, pour ne citer que ce support, est devenu, avec l'entrée dans la
société de l'information, un outil indispensable de la connaissance et de la
pédagogie.
Face à la révolution mondiale des nouvelles technologies, il doit être, au
même titre que les sites français, l'un des vecteurs de la francophonie. La
France dispose d'importants atouts en termes de recherche et d'innovation, mais
notre marché est encore trop étroit pour qu'elle puisse les faire valoir.
Selon la dernière étude du ministère de la culture en juin 1998, l'ordinateur
a pénétré dans 22 % des foyers, et 3,4 % seulement de la population française
utilise l'Internet à domicile et au bureau. Si la France est en train de
rattraper son retard en la matière, elle reste encore au douzième rang des
Etats européens, très loin derrière la Finlande.
En baissant la TVA sur les CD-Rom, c'est donc le soutien à l'industrie
française des contenus multimédias que nous proposons. La baisse de la TVA
permettrait une relance générale de ce marché.
En outre, il s'agit de démocratiser l'accès aux nouvelles technologies.
Aujourd'hui, l'internaute type français et, par là même, l'utilisateur de
CD-Rom est un homme jeune, de quinze à quarante ans, cadre moyen ou supérieur
et habitant Paris ou l'Ile-de-France.
M. Hilaire Flandre.
C'est pour ça que vous les défendez !
Mme Danièle Pourtaud.
Il ne fait pas de doute que cette baisse de la TVA permettrait d'élargir le
cercle des consommateurs.
M. Hilaire Flandre.
Ben voyons !
Mme Danièle Pourtaud.
J'ajouterai que le Gouvernement a largement engagé une politique volontariste
pour équiper massivement les établissements scolaires en matériels
informatiques. Dans la logique de cette politique, que j'approuve totalement,
il serait cohérent de faciliter l'achat de supports multimédias par les
enseignants et les élèves.
Contre cette baisse de TVA, on nous opposait déjà en 1996 et en 1997 la
directive européenne de 1992, qui fixe la liste des produits pouvant bénéficier
d'un taux réduit de TVA.
Cette liste, nous le savons, ne comprend pas les CD-Rom en tant que tels, mais
elle vise le livre, ainsi que les droits d'auteur et leur rémunération. Nombre
de textes juridiques font aujourd'hui des supports interactifs, à la différence
des logiciels, une oeuvre de l'esprit au même titre que le livre. Les CD-Rom,
qui n'existaient pas en 1992, sont, en quelque sorte, des livres sur écran,
fruit de l'évolution des nouvelles technologies.
En fait, il serait possible, sans modifier l'annexe H, de leur appliquer le
taux réduit de TVA. En effet, les CD-Rom entrent dans la catégorie des produits
composites auxquels peuvent être appliqués deux taux de TVA, celui qui est
relatif aux droits d'auteur, taxés, je vous le rappelle, à 5,5 %, ou celui qui
est afférent à la fabrication du support vierge. Or, monsieur le secrétaire
d'Etat, comme la plus-value principale des CD-Rom est constituée par les droits
d'auteur, ces supports devraient bénéficier du taux réduit.
Voilà pourquoi nous pensons qu'aujourd'hui la directive européenne de 1992 ne
peut plus s'opposer à cette baisse de TVA.
En conséquence, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir voter
cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En ce qui concerne l'interprétation du droit
communautaire, je souhaiterais entendre le Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je vais répondre à M. Oudin, qui ne s'est pas exprimé,
et à Mme Pourtaud, qui a développé le souhait d'appliquer le taux réduit de TVA
aux CD-Rom et autres supports de contenu interactif.
Sur l'exposé des motifs, nous sommes tous d'accord. Il faut essayer de
développer l'accès de tous, des jeunes, des femmes, à ces nouveaux supports.
C'est pourquoi nous avons écrit au commissaire Monti - vous voyez que le
Gouvernement est très actif, mesdames, messieurs les sénateurs. Nous l'avons
fait comme d'autres gouvernements l'avaient fait antérieurement. Je dis cela
tout particulièrement à l'intention de M. le président de la commission des
finances, pour ne pas lui donner le sentiment que nous faisons les premières
démarches. Nous avons écrit le 8 juillet, et nous avons obtenu, en date du 31
juillet, la même réponse que précédemment, réponse qui était négative et dont
nous n'allons pas nous satisfaire.
Madame Pourtaud, à partir du moment où le Gouvernement partage votre
motivation, entend votre appel, a effectué des démarches et en effectuera
d'autres, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Il est quand même un peu extraordinaire, après que notre collègue Jacques
Oudin, pour faciliter le débat et en accélérer le déroulement, eut retiré son
amendement, de voir ensuite notre collègue socialiste, qui est censée faciliter
la tâche du Gouvernement, mais aussi celle du Sénat, développer une
argumentation à laquelle le groupe du RPR, ainsi que celui des Républicains et
Indépendants adhèrent.
M. Denis Badré.
De même que l'Union centriste.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Il ne faudrait pas croire, en effet, que seul le groupe socialiste a le
monopole de la défense de l'application du taux réduit de TVA aux biens
culturels.
Nous avons donc entendu, avec beaucoup de patience mais aussi le sentiment de
perdre quelque peu notre temps, l'argumentation lue, et non pas développée de
manière improvisée et originale, par notre collègue Mme Pourtaud.
Nous sommes, nous aussi, favorables à la baisse de la TVA sur les biens
culturels.
Nous avons entendu que le Gouvernement demandait le retrait de l'amendement n°
I-230 ; nous espérons qu'il en sera ainsi décidé.
M. le président.
Mme Pourtaud, l'amendement n° I-230 est-il maintenu ?
Mme Danièle Pourtaud.
Avec un talent qui ne pourra absolument pas rivaliser avec celui de mon
collègue M. Lachenaud, je vais accéder à la demande de M. le secrétaire d'Etat
en ayant bien noté que le sujet reste ouvert et que, par conséquent, comme les
feuilles d'automne, nous le retrouverons l'année prochaine à la même époque.
M. le président.
L'amendement n° I-230 est retiré.
Par amendement n° I-231, Mme Pourtaud, M. Mélenchon et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 22
ter
, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 278
bis
du code général des impôts est complété
in
fine
par un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° les supports de musique enregistrée, y compris leur location. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence
par une hausse des droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général
des impôts. »
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Je lirai à nouveau mon intervention, n'en déplaise à notre collègue M.
Lachenaud !
Cet amendement tend à appliquer le taux réduit de TVA aux supports de musiques
enregistrées, autrement dit aux disques.
La démocratisation de l'accès à la culture fait partie des objectifs majeurs
de l'actuel ministère de la culture. Dans la charte des missions de service
public, Catherine Trautmann rappelle, notamment aux opérateurs du spectacle
vivant, la nécessité d'adapter leur politique tarifaire pour permettre l'accès
du plus grand nombre aux salles de spectacles. A cet égard, en plus des
subventions qui permettent de faire baisser le prix des places, les droits
d'entrée aux spectacles et aux établissements culturels bénéficient d'un taux
de TVA réduit. Dans cette logique, le disque, qui est le prolongement du
concert dans le secteur musical, devrait pouvoir bénéficier, lui aussi, d'un
taux réduit.
En outre, afin de favoriser l'industrie française du disque, le conseil
supérieur de l'audiovisuel a pour mission de faire respecter le quota de 40 %
de retransmission de chansons françaises à la radio, quota qui comporte
lui-même 20 % de nouvelles productions et de nouveaux talents. Il me semble
paradoxal de soutenir d'un côté nos musiques et de maintenir de l'autre un coût
élevé du disque à travers la TVA, frein naturel à la consommation.
Par ailleurs, le marché du disque en France ne se porte pas si bien qu'il y
paraît. Certes, il a augmenté en valeur en 1997. Mais, en volume, les ventes
d'albums chutent depuis 1995. Au total, en 1997, il s'est vendu un million et
demi d'albums de moins qu'en 1996 et 2,6 millions de moins qu'en 1995 ; la
moyenne annuelle d'albums achetés par foyer français est de 5,5. C'est l'un des
chiffres les plus faibles d'Europe. Ce phénomène semble persister en 1998,
malgré une offre de plus en plus riche et diversifiée.
C'est donc sans doute plus que jamais le moment de proposer ce taux réduit,
d'autant que la concurrence du multimédia, à travers ce que l'on appelle la
convergence, permettra bientôt d'écouter un disque à partir d'un équipement
informatique. Cette concurrence risque évidemment de handicaper l'industrie du
disque. Le taux réduit permettrait de lui donner un nouveau souffle. Je vous
rappelle que le passage de la TVA de 33,33 % à 18,6 % le 1er décembre 1987 a
provoqué une hausse des ventes de 35 % l'année suivante.
Encore une fois, on pourra nous opposer la directive de 1992, qui n'a pas
retenu le disque comme bien culturel pouvant bénéficier d'un taux réduit. Mais
le disque, comme le livre, est un bien culturel de grande consommation dont il
faut favoriser l'accès à tous.
Pour toutes ces raisons, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir
adopter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pour les raisons qui ont déjà été exposées et à son
grand regret, la commission émet un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Le gouvernement a bien conscience qu'il s'agit d'un
point important, mais le commissaire Monti a répondu, le 31 juillet dernier,
qu'en l'état actuel du droit européen, les disques, cassettes sonores, CD-Rom
et CD interactifs, ne pouvaient pas bénéficier du taux réduit.
Il a toutefois ajouté une phrase qui est peut-être la feuille d'été qui nous
présage de beaux automnes : « La commission ne peut toutefois pas ignorer que
l'application de taux différents sur ces produits par rapport aux livres
notamment est susceptible de créer des distorsions de concurrence. » Or, vous
savez que la Commission de Bruxelles est très attentive aux distorsions de
concurrence. J'y vois une petite fenêtre d'espoir qui devrait pouvoir justifier
le retrait de votre amendement, madame.
M. le président.
Madame Pourtaud, entendez-vous l'appel de M. le secrétaire d'Etat ?
Mme Danièle Pourtaud.
Je tiens d'abord à saluer les efforts du Gouvernement, qui a tenu compte des
débats parlementaires puisque nous avions déjà, sur diverses travées, présenté,
l'année dernière, des amendements allant dans le même sens.
Il y a peut-être, effectivement, une lueur d'espoir pour notre prochain
rendez-vous annuel ! J'accepte donc de retirer cet amendement, en faisant
remarquer à mes collègues que les débats parlementaires ont cette utilité de
sensibiliser le Gouvernement aux préoccupations de nos concitoyens.
M. le président.
L'amendement n° I-231 est retiré.
Par amendement n° I-185, M. Ostermann et les membres du groupe du
Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 22
ter
, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 278
sexies
, il est inséré dans le code général
des impôts un article ainsi rédigé :
«
Art.
... - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 %
sur les opérations individualisées de construction, reconstruction,
réhabilitation totale ou extension de casernements de gendarmerie réalisées par
les collectivités locales et déclarées prioritaires et urgentes par le ministre
de la défense mais ne faisant pas l'objet d'une subvention de la part de
l'Etat. »
« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée par le
relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code
général des impôts ainsi que par la création d'une taxe additionnelle aux
droits visés à l'article 403 du même code. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Cet amendement est important non seulement pour les collectivités locales,
mais aussi pour la cohérence de l'action gouvernementale. A l'occasion de son
examen, la commission des finances a émis le souhait de connaître l'avis du
Gouvernement avant de se prononcer ; je suppose que M. le rapporteur général le
rappellera.
En effet, selon la circulaire du 28 janvier 1993, les collectivités
territoriales qui assurent la maîtrise d'ouvrage d'un projet de construction de
casernement de gendarmerie reçoivent une subvention de l'Etat fixée à 18 % du
coût-plafond des unités-logements ou à 20 % pour les communes de moins de 10
000 habitants qui ne bénéficient pas du concours financier d'une ou plusieurs
collectivités.
Or, actuellement, compte tenu des contraintes budgétaires imposées au
département de la défense, le montant de l'aide à l'investissement destiné aux
collectivités territoriales est limité, ce qui entraîne une importante
réduction du nombre d'opérations immobilières dont la réalisation peut être
autorisée.
Toutefois, le ministère a proposé aux collectivités qui le souhaitent, et pour
les seuls projets urgents et prioritaires, de conduire ces opérations sans
subvention de l'Etat.
Cette décision constituerait un transfert particulièrement inquiétant de
charges de l'Etat vers les collectivités locales, transfert d'autant moins
acceptable que la sécurité est une mission régalienne de l'Etat. C'est
pourquoi, pour en atténuer les effets, le présent amendement vise à introduire
une réduction de TVA à 5,5 % sur ces opérations.
Cet amendement, monsieur le président, mes chers collègues, est presque un
amendement de désespoir. En effet, placer les collectivités locales dans
l'obligation de construire tout en leur supprimant quelque aide que ce soit et
en maintenant un taux de TVA majoré, c'est tout à fait inique.
C'est pourquoi je pense que cet amendement devrait recueillir l'avis favorable
de tous les membres de notre assemblée.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement vise à ce que le désengagement
financier de l'Etat, souvent constaté en ce qui concerne les travaux relatifs
aux casernes de gendarmerie et qui se traduit par des charges supplémentaires
pour les départements et pour les collectivités territoriales en général, soit
en partie compensé par une extension exceptionnelle du champ du taux réduit de
la TVA à ces travaux.
La commission des finances adhère à l'argumentation qui a été présentée par
notre collègue Jacques Oudin. Elle considère que cet amendement ne devrait pas
contrevenir à la législation communautaire, dans la mesure où celle-ci dispose
que le taux réduit peut s'appliquer à la livraison, construction, rénovation et
transformation de logements fournis dans le cadre de la politique sociale.
Des casernes de gendarmerie comportent des logements ; on peut considérer que,
par destination, il s'agit de logements à caractère social.
Finalement, la commission, qui a un préjugé favorable à l'égard de cet
amendement, souhaiterait entendre le Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
M. le rapporteur général a bien posé la question : les
logements de fonction des gendarmes sont-ils des logements sociaux ou non ? En
effet, seuls les logements sociaux, selon le droit communautaire, peuvent
bénéficier du taux réduit de la TVA. Or, l'article R. 331-4 du code de la
construction et de l'habitation dispose que les logements qui sont occupés à
titre d'accessoire d'un contrat de travail ou en raison de l'exercice d'une
fonction ne sont pas des logements sociaux.
Je comprends le souci des élus locaux de vouloir bien loger leurs gendarmes,
et l'Etat leur en est reconnaissant. Toutefois, en l'état actuel du droit, on
ne peut pas considérer, juridiquement, qu'il s'agit de logements sociaux, donc
de logements dont la construction, la reconstruction ou la réhabilitation
serait susceptible de bénéficier du taux réduit de TVA à 5,5 %.
Aussi, me fondant sur ces bases juridiques, je demande le rejet de cet
amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-185.
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Je mets sur le compte d'un lapsus le fait que M. le secrétaire d'Etat ait dit
: il faut que les collectivités locales logent leurs gendarmes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit de loger les gendarmes « de l'Etat »,
de permettre à l'Etat d'assumer ses fonctions régaliennes.
Dans cette affaire, vous êtes en train de rompre un accord qui existait depuis
des années entre l'Etat et les collectivités pour le logement des gendarmes de
la République. Cette manière d'agir n'est pas républicaine.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je veux bien corriger mon lapsus : je parlerai de «
nos » gendarmes.
M. Jean Bernard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bernard.
M. Jean Bernard.
Il arrive que des casernements ne puissent pas loger les gendarmes. Ceux-ci
sont alors logés dans des habitations qui relèvent du parc locatif et qui sont
éligibles au taux minoré de TVA. Que se passe-t-il dans ce cas ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
A partir du moment où les gendarmes sont logés dans
des logements sociaux, par définition, ces logements bénéficient du taux réduit
de TVA ! J'avoue ne pas avoir saisi la subtilité de votre question, monsieur le
sénateur.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, je souhaiterais demander à M. le secrétaire d'Etat de
nous apporter une réponse sur un point très précis. C'est là une invitation et
non pas un ordre, naturellement...
(Sourires.)
M. le président.
C'est ainsi que nous l'avions compris nous-mêmes !
(Nouveaux sourires.)
M. Michel Charasse.
Et lui aussi, je l'espère !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Mais oui !
M. Michel Charasse.
Les locaux que construisent les collectivités locales pour la gendarmerie, ce
que l'on appelle les casernements, comportent une partie bureaux et une partie
logements, laquelle est bien distinguée dans le financement partiel de ces
opérations par la gendarmerie nationale.
Ces logements ont-ils, oui ou non, un caractère social ? C'est la seule
question !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Effectivement !
M. Michel Charasse.
Si ce sont des logements sociaux par nature et presque par destination, c'est
automatiquement le taux de 5,5 % qui s'applique. Si ce ne sont pas des
logements sociaux, ils ne peuvent pas être éligibles au taux réduit. Dans ces
conditions, l'amendement de M. Ostermann n'est même pas nécessaire.
Quand les collectivités locales construisent des gendarmeries, elles ne le
font pas n'importe comment ! Tout cela est soumis à des normes, et ces normes
sont établies par référence à la réglementation s'appliquant aux logements
sociaux.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Tout à fait !
M. Michel Charasse.
Bien sûr, il arrive que certaines collectivités aillent au-delà des normes,
c'est-à-dire qu'elles fassent mieux, mais la subvention de la gendarmerie ne
s'applique qu'à la partie qui correspond aux normes. Si l'on va au-delà des
normes, on en est de sa poche !
L'amendement de M. Ostermann pourrait être, à mon avis, retiré sans
inconvénient si le Gouvernement était d'accord pour considérer - et une simple
instruction administrative suffirait à le préciser - que, lorsque les logements
qui sont construits par les collectivités locales strictement selon les normes
imposées par la gendarmerie, sans aller au-delà, relèvent du logement social et
que le taux de 5,5 % s'applique. Et la question serait réglée. Mais cela,
monsieur le secrétaire d'Etat, se négocie et se règle avec la direction des
services fiscaux dans chaque département, au cas par cas. D'ailleurs, la
direction des services fiscaux intervient déjà pour le calcul du loyer...
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Tout à fait !
M. Michel Charasse.
... puisque c'est elle qui en fixe le montant et qu'elle est partie à la
convention signée avec l'Etat.
Dans ce cas-là, l'amendement de M. Ostermann n'est pas utile. Au-delà, nous
sortons du cadre du logement social.
Si M. le secrétaire d'Etat nous dit : « Ce qui correspond aux normes, c'est du
logement social », il n'y a pas besoin d'article de loi et l'amendement de M.
Ostermann n'a plus lieu d'être.
Si M. le secrétaire d'Etat nous dit que, lorsque les collectivités locales
décideront librement de faire plus que ce que prévoient les normes de la
gendarmerie, donc sans bénéficier d'une subvention sur la totalité des travaux,
alors, il ne peut y avoir application du taux réduit puisqu'on sort du cadre du
logement social, nous ne pouvons qu'être d'accord.
Voilà ce que vous devez nous dire, monsieur le secrétaire d'Etat : on voit au
cas par cas ; si c'est du logement social, on applique le taux de 5,5 % ; si ça
n'en est pas, on ne l'applique pas. C'est tout !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je souhaiterais attirer l'attention sur un point
juridique.
Jusqu'à présent, dans cette discussion sur les taux de TVA, nous nous sommes
référés à la réglementation communautaire. Or il n'existe pas, dans le domaine
qui nous occupe en cet instant, de limite qui puisse être invoquée au titre de
la réglementation communautaire. Certes, le concept de logement social est
inscrit dans celle-ci. Mais qui définit le logement social ? Ce n'est pas le
droit communautaire, c'est le droit national.
Il suffirait donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que, par une modification du
code de la construction et de l'habitation, que vous avez cité, ou par une
instruction administrative, comme l'a suggéré M. Charasse, on assimile
explicitement les logements de fonction des gendarmes à des logements
sociaux.
M. Michel Charasse.
Quand ils correspondent aux normes !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Lorsque les normes de construction et d'habitabilité
sont les mêmes, bien entendu.
Cela peut donc être précisé dans un texte de droit interne. Une telle
précision ne soulève aucune difficulté et ferait entrer sans contestation
possible les travaux réalisés par les collectivités locales dont il s'agit dans
le champ d'application du taux réduit.
Monsieur le secrétaire d'Etat, compte tenu des souhaits qui ont été exprimés
et sur lesquels un accord très large s'est dégagé, pourriez-vous nous donner
l'assurance que vous plaiderez en ce sens au sein du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Avant de répondre à M. Charasse, qui, comme toujours,
pose des questions très claires, je ferai remarquer qu'au détour de la
discussion du projet de loi de finances nous sommes en train de débattre de
l'article R. 331-4 du code de la construction et de l'habitation. Bien entendu,
je trouve cela passionnant et, pour ma part, je pourrais en parler aussi
longtemps que vous le souhaitez. Je suggère néanmoins que le Sénat revienne sur
ce sujet à l'occasion de l'examen du projet de budget pour le logement.
En l'état actuel du droit, les choses sont claires : les logements de fonction
ne sont pas des logements à caractère social. Pour ma part, je ne peux que m'en
tenir à cela. Si ce ne sont pas des logements à caractère social, les travaux
réalisés ne peuvent pas bénéficier du taux réduit de TVA à 5,5 %, qu'on y loge
des gendarmes ou d'autres personnes méritant tout autant notre estime.
Si vous voulez modifier le code de la construction et de l'habitation, je
prends acte de votre souhait, monsieur le rapporteur général, et je m'en ferai
l'écho auprès de mes collègues, mais je ne prendrai ici aucun engagement sur ce
point aujourd'hui.
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Je pense que l'argumentation de M. Charasse est tout à fait fondée mais, en
accord avec mon collègue Serge Vinçon, qui est un spécialiste des problèmes de
défense, je tiens à souligner que, dans ce débat, un point essentiel a été
passé sous silence, et c'est le fait que la direction de la gendarmerie a
décidé de supprimer les subventions aux collectivités.
En fin de compte, dans ce contexte, l'application du taux de 5,5 %, c'est une
misère !
En fait, il s'agit de savoir quelle politique le Gouvernement de la République
entend mener concernant le logement des gendarmes.
En effet, pour ce qui concerne les collectivités, même si nous obtenons
l'application du taux de 5,5 %, elles ne pourront construire que des logements
à la mesure de leurs moyens.
Ce que mon collègue Ostermann et moi-même voulons dénoncer à travers cet
amendement, c'est le désengagement de l'Etat sur un problème qui intéresse au
plus haut point toutes les collectivités, à savoir le logement de nos
gendarmes.
Car il faut bien savoir, mes chers collègues, qu'il n'y aura plus de casernes
comme il y en avait avant !
Ce n'est peut-être pas la préoccupation majeure du Gouvernement, mais je vous
assure que ce que vous faites, monsieur le secrétaire d'Etat, est une mauvaise
action !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Monsieur le ministre, très souvent, ce sont les conseils généraux qui
construisent à la fois les casernements, c'est-à-dire les logements, et les
locaux administratifs et techniques.
J'ai déjà supervisé, en Ile-de-France, la construction de très nombreuses
gendarmeries, et je l'ai fait en coopération avec l'Etat, ce qui est normal
s'agissant d'une mission qui touche à la sécurité de notre pays.
Je signale au passage que, en Ile-de-France, cela se fait sans subvention mais
avec un mécanisme de loyer, lequel est fixé par les services fiscaux comme il
est de règle pour toute utilisation du domaine.
Lorsque M. le ministre de la défense est venu devant la commission des
finances, nous lui avons fait part de nos préoccupations à ce sujet. Nous lui
avons d'abord fait observer que ces logements devaient bien être considérés
comme des logements sociaux et que, à ce titre, ils pouvaient notamment
bénéficier des crédits de réhabilitation, car il ne faut pas oublier que
certains de ces logements ont été construits il y a vingt ou vingt-cinq ans.
D'autre part, dans la mesure où nous réalisons, sur les logements destinés aux
gendarmes, des opérations assimilables à celles que nous effectuons sur des
logements sociaux, tout en respectant les normes fixées par la gendarmerie -
dimension, nombre de pièces, variables selon le grade, etc. - nous lui avons
demandé si, en tant que maître d'ouvrage « remplaçant » l'Etat, nous pourrions
obtenir l'autorisation de construire ces logements par l'intermédiaire
d'organismes d'HLM, car c'est autorisé dans certains secteurs, mais pas dans
d'autres.
Aujourd'hui, je voterai l'amendement tel qu'il est présenté parce qu'il permet
au moins de soumettre clairement le problème au Gouvernement.
Nous attendons de celui-ci qu'il nous dise : oui, ce sont des logements
sociaux, oui, nous tenons à votre coopération, oui, vous avez droit au taux
réduit de TVA, oui, vous avez droit aux crédits de réhabilitation et, oui, vous
avez le droit de passer un accord avec le ou les organismes d'HLM de votre
département.
Nous sommes impatients de vous entendre sur ces points, monsieur le secrétaire
d'Etat.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons tous compris, et vous aussi, qu'il y
avait là un problème.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Ah oui !
M. Michel Charasse.
Mais, moi, je ne souhaite pas que nous compliquions la tâche du
Gouvernement.
Or je considère qu'il y a un risque réel de contentieux, duquel l'Etat
pourrait fort ne pas sortir gagnant.
Mais je voudrais ajouter une remarque. Si la gendarmerie est fermée - et il
est effectivement question d'en fermer quelques-unes en ce moment - et si la
collectivité propriétaire fait quelques réparations pour la donner en location,
ces réparations seront affectées d'un taux de 5,5 %
Autrement dit, à partir du moment où ce sont les gendarmes, ça ne peut pas
être 5,5 %, mais, quand ce ne sont plus les gendarmes, ça peut être 5,5 % ! Il
suffit donc que les gendarmes s'habillent en civils, et on leur fera du 5,5 %
!
(Sourires.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut que vous preniez l'engagement de
prendre cette question en considération parce qu'elle est tout à fait sérieuse
: c'est un vrai problème.
Je ne pense pas qu'on puisse le régler par l'amendement de M. Ostermann parce
que son libellé est trop général : dans la mesure où il ne s'en tient pas aux
travaux réalisés selon les normes, on a en effet le sentiment, à lire le texte
de l'amendement, que tous les travaux de casernement, même s'ils vont au-delà
des normes, pourraient relever du taux de 5,5 %. Or cela n'est pas possible.
C'est la raison pour laquelle nous allons voter contre l'amendement n° I-185,
mais je supplie M. le secrétaire d'Etat de nous dire qu'il va examiner cette
question et tenter de nous proposer, à la faveur d'un prochain débat, au cours
de la navette ou dans le cadre d'un collectif, une solution qui corresponde
exactement à ce que nous voulons : que ce qui relève véritablement du social
bnéficie du régime de droit commun.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
L'amendement que M. Oudin a défendu est un amendement
d'appel, et l'appel va en fait au-delà de la question du taux de TVA. C'était
en quelque sorte le bouchon sur la bouteille : l'amendement a fait sauter le
bouchon, et un problème géant s'est alors manifesté, par la voix de tous ceux
qui se sont exprimés dans ce débat.
Le Gouvernement a entendu l'appel et ne mésestime nullement la gravité du
problème puisqu'il s'agit de « nos » gendarmes, monsieur Oudin. Vous l'avez
d'ailleurs déjà soumis à mon collègue ministre de la défense, ainsi que M.
Lachenaud l'a indiqué.
Le Gouvernement va étudier cette question. Je ne vous promets pas de trouver
immédiatement une solution, car, en l'état actuel du droit, je ne peux que le
répéter, les logements de fonction des gendarmes ne sont pas des logements
sociaux. Toutefois, s'ils sont construits comme des logements sociaux, la
question pourrait se poser.
Bien sûr, la question n'est pas nouvelle, mais je dois dire qu'elle a été
soulevée ce soir avec des accents particulièrement vibrants.
Ayant donc entendu votre appel, monsieur Oudin, je vous demande de retirer
votre amendement.
M. le président.
Monsieur Oudin, l'amendement n° I-185 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-185, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 22
ter
.
(M. Jean Faure remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
Par amendement n° I-186, MM. Leclerc, Oudin, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont,
Delong, Gaillard, Haenel, Joyandet, Ostermann, Trégouët et Courtois proposent
d'insérer, après l'article 22
ter
, un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Le a
quater
de l'article 279 du code général des impôts est
rétabli dans la rédaction suivante :
"
a
quater. - La fourniture de travaux d'entretien, de rénovation et de
réhabilitation des logements ;"
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration
des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Cet amendement tend à étendre le taux de TVA de 5,5 % accordé l'an dernier aux
travaux réalisés dans les HLM et, cette année, aux travaux effectués dans le
cadre de l'ANAH, à l'ensemble des travaux, quels que soient les logements qui
en bénéficient. Il n'y a absolument aucune raison juridique d'établir une
discrimination entre les travaux.
J'ai apprécié la comparaison de notre collègue Michel Charasse : un gendarme
en civil peut bénéficier du taux réduit de 5,5 %, alors que l'on appliquera le
taux de 20,6 % au gendarme en uniforme.
On instaure des discriminations qui n'ont aucun fondement ! En outre, cet
amendement permet à des propriétaires ou à des locataires d'effectuer
régulièrement des travaux.
Le taux de 5,5 % limite le recours au travail au noir, chacun l'a compris. Cet
amendement devrait donc contribuer à aider le secteur du bâtiment dans de
nombreuses régions, notamment les régions touristiques, où les logements bâtis
voilà vingt ou trente ans nécessitent des travaux importants de rénovation. Ces
travaux favoriseront les créations d'emplois, les constructions de logements
neufs ayant diminué.
C'est un amendement à la fois de cohérence et de bon sens.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Comme tout à l'heure dans le domaine de la
restauration, on met là le doigt sur une incitation fiscale qui serait
extrêmement efficace en termes de politique de l'emploi. C'est un problème de
choix, de priorités.
Manifestement, dans le projet de budget qui nous est présenté, et compte tenu
des amendements que nous pouvons raisonnablement déposer, nous n'avons pas la
possibilité de trouver les marges de manoeuvre nécessaires pour substituer un
choix de ce genre, qui serait excellent sur le plan économique, à d'autres
choix qui ont été arrêtés.
Dans ces conditions, en attendant, bien sûr, d'entendre les explications du
Gouvernement, la commission, pour des raisons simplement budgétaires, ne peut
qu'être réservée sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Vingt-trois milliards de francs : défavorable !
M. le président.
Monsieur Oudin, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
Vingt-trois milliards de francs : retrait !
M. le président.
L'amendement n° I-186 est retiré.
Par amendement n° I-188, MM. Joyandet, Trégouët, Oudin, Besse, Braun, Cazalet,
Chaumont, Delong, Gaillard, Haenel et Ostermann proposent d'insérer, après
l'article 22
ter
, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le
b octies
de l'article 279 du code général des impôts est
complété par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les services d'information accessibles par les réseaux de
télécommunication ; »
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration
des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Cet amendement vise à appliquer le taux réduit de TVA de 5,5 % aux services
d'informations accessibles par les réseaux de télécommunication. Je n'ai pas pu
le chiffrer, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Malheureusement, il ne nous semble pas que cette
mesure soit applicable, compte tenu des contraintes du droit communautaire. Il
serait utile d'entendre le Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
C'est moins cher, monsieur le président, mais c'est
euro-incompatible !
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président.
Monsieur Oudin, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
Je le retire.
M. le président.
L'amendement n° I-188 est retiré.
Par amendement n° I-47, M. Oudin propose d'insérer, après l'article 22
ter,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Le
b nonies
de l'article 279 du code général des impôts est abrogé.
»
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Vous allez être content de moi, monsieur le secrétaire d'Etat, car cet
amendement rapportera un milliard de francs à l'Etat !
M. Michel Charasse.
Bravo !
M. Jacques Oudin.
Cela dit, l'année dernière, j'ai défendu un amendement analogue, qui a été
repoussé.
M. Michel Charasse.
Les raisins sont trop verts !
M. Jacques Oudin.
Le
b nonies
de l'article 279 du code général des impôts soumet au taux
réduit de TVA les droits d'entrée perçus pour la visite des parcs à décors
animés qui illustrent un thème culturel. En gros, ces termes alambiqués
désignent Disneyland-Paris, le parc Astérix et le Futuroscope.
Les droits perçus pour les activités directement liées à ce thème bénéficient
également du taux réduit à 5,5 %, les attractions et divertissements sportifs
accessoires demeurant soumis au taux normal de 20,6 %.
Lorsqu'un prix forfaitaire et global donne accès à l'ensemble des
manifestations organisées, l'exploitant du parc à décors animés doit ventiler
dans sa comptabilité les recettes correspondant à chaque taux.
Ce régime de TVA dérogatoire résulte de l'article 22 de la loi de finances
rectificative pour 1986.
La notion de « parc à décors animés » a été précisée par une instruction du 4
mars 1988 : il s'agit de parcs aménagés de façon permanente qui comportent des
décors animés au moyen de figurines ou de personnages vivants, de projections
sur écrans ou de tout autre procédé mécanique ou audiovisuel.
Les thèmes culturels retenus peuvent développer des sujets divers, tels que
l'histoire, les sciences et les techniques, la musique, l'architecture,
l'ethnologie ou s'inspirer de personnages de fiction - je pense à Mickey -
quelle que soit l'oeuvre qui les a créées : contes de fées, romans, bandes
dessinées, dessins animés, films, etc.
Les exigences ainsi posées par l'administration fiscale et leur précision sont
telles qu'elles aboutissent à restreindre le champ d'application du taux réduit
à des activités extrêmement rares et créent, de fait, une discrimination au
profit de quelques parc importants. Il s'agit d'un cas fiscal très intéressant
que M. Michel Charasse doit parfaitement connaître.
Cette rupture de l'égalité devant l'impôt est caractérisée pour les ensembles
sportifs et les parcs aquatiques qui restent soumis au taux normal de 20,6 %
alors que les conditions de fonctionnement et leurs finalités ludiques
n'apparaissent pas différentes de celles des parcs à décors animés.
Je prends un exemple très concret, que chacun comprendra : une piscine
cantonale qui se veut ludique et qui est gérée par un concessionnaire est
soumise au taux de 20,6 % alors qu'elle est strictement populaire. Dans le même
temps, Disneyland-Paris acquitte un taux de 5,5 %. Telle est l'égalité fiscale
dans ce domaine !
L'annexe H de la sixième directive TVA 77/388 CEE du 17 mai 1977 classe parmi
les prestations de services pouvant faire l'objet d'un taux réduit de TVA le
droit d'utilisation des installations sportives et le droit d'admission dans
les parcs d'attraction. L'usage fait par la France de cette faculté semble
arbitrairement restreint.
Je vous propose donc de mettre un terme à cette discrimination fiscale
dépourvue de justification économique et de contribuer ainsi à accroître les
recettes de l'Etat de un milliard de francs. Cela permettra, au demeurant, de
ramener de 20,6 % - taux qui est exorbitant - à 5,5 % le taux de TVA applicable
aux installations sportives utilisées par nos enfants tous les jours de la
semaine. Il s'agit notamment de certaines piscines qui sont gérées par des
délégataires de service public.
J'attends votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Comme M. Oudin, je serai intéressé par la réponse de
M. le secrétaire d'Etat.
Il convient de rappeler que la définition des parcs à décors animés, qui
remonte à 1986, est assez spécifique.
A cette époque, on s'était efforcé de définir les meilleures conditions
d'accueil possibles pour une très grande infrastructure susceptible d'avoir un
effet d'entraînement considérable sur une bonne partie du Bassin parisien. Vous
voyez à quelle installation je fais allusion.
Mais, bien entendu, en dehors de Disneyland-Paris dont il s'agit, d'autres
parcs d'attractions bénéficient du taux réduit de TVA : le Futuroscope, le parc
Astérix, qui se trouve dans mon département, d'autres en Moselle ou je ne sais
où.
Il est clair que si l'on suit le chemin recommandé par notre collègue, dont je
comprends bien les motivations, on va destabiliser ces activités et créer
probablement, sans transition, des difficultés qui se traduiront par la
diminution des sous-traitances et des charges d'exploitation de telle ou telle
nature.
Les parcs d'attractions dont il s'agit et qui, aujourd'hui, semblent avoir
atteint une bonne rentabilité, n'ont pas toujours été aussi prospères. Il
existe donc un risque de perturbation profonde de l'équilibre financier de ceux
qui ont la chance de bénéficier de cette mesure.
Certes, il en est d'autres, tout aussi estimables, qui ne répondent pas à la
définition donnée en 1986. Peut-être serait-il préférable de voir si l'on peut
modifier quelque peu cette définition, mais je crois que notre collègue Jacques
Oudin s'est déjà attaqué à ce problème. Il a essayé de le résoudre de manière
positive sans y parvenir et, à présent, il l'aborde du côté négatif.
La commission des finances a examiné de façon attentive ce sujet. Compte tenu
des conséquences qui lui semblent assez lourdes de cette mesure et faute d'une
évaluation suffisamment approfondie, elle souhaite le retrait de cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
M. Oudin pose deux questions distinctes.
La première est celle des parcs à décors animés, à propos desquels M. le
rapporteur général s'est exprimé. Il n'y a pas qu'un grand parc à l'est de
Paris ; il en existe dans beaucoup de points de notre territoire. Si l'on
suivait M. Oudin - et les conséquences de cette mesure sur l'emploi ne seraient
peut-être pas très favorables - il faudrait appliquer le taux normal de TVA à
tous les parcs d'attractions, de jeux et de manèges forains qui se trouvent sur
notre territoire.
Cela favoriserait la multiplication du nombre d'emplois de gendarmes et
compliquerait les problèmes de logement que nous avons évoqués
antérieurement.
Par conséquent, cette première partie de votre proposition, monsieur Oudin, ne
mérite pas le soutien du Gouvernement.
S'agissant des parcs aquatiques, vous savez que trois types de piscines
existent : les piscines à vagues et bains bouillonnants, pour lesquelles vous
voulez ramener le taux de TVA de 20,6 p. 100 à 5,5 p. 100 ; les piscines qui
sont gérées par des entreprises et auxquelles est appliqué le taux de 20,6 p. ;
enfin, les piscines municipales qui sont gérées le plus souvent par des
associations et qui ne supportent pas la TVA. Il est assez difficile de faire
baisser le taux applicable aux piscines à vagues si les piscines sans vagues
gérées par des entreprises continuent de se voir appliquer un taux de 20,6
%.
Il me semble, monsieur Oudin, que votre amendement mérite quelque
approfondissement. Je vous suggère donc de le retirer.
M. le président.
Monsieur Oudin, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
Votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat, m'a fait un immense plaisir :
elle montre, une fois de plus, la totale incohérence du dispositif de la
fiscalité indirecte et de la TVA !
Je citerai votre prédécesseur - sans dire son nom - au cours de la séance du
Sénat du lundi 25 novembre 1996, c'est-à-dire voilà exactement deux ans : « La
position de M. Oudin est tout à fait respectable. La différence entre les trois
régimes de TVA applicables n'a pas une justification inattaquable - et c'est un
euphémisme : les installations en régie sont exonérées ; les installations
concédées sont soumises au taux normal mais les parcs à thèmes au taux réduit.
Il serait tout à fait justifié que le groupe de travail qui va s'intéresser à
la fiscalité des installations sportives étende ses investigations à ce
problème, afin qu'une solution cohérente lui soit trouvée. »
Le groupe de travail n'a pas fonctionné ou bien il n'a obtenu aucun résultat.
L'incohérence règne toujours !
Vous l'avez bien dit, deux problèmes se posent.
Certes, il est un peu provocant de ma part de demander que l'on applique le
taux de 20,6 % aux parcs à thèmes, genre Disneyland-Paris, encore que cela
pourrait rapporter un milliard de francs à l'Etat. Mais cet amendement a
surtout pour objet de mettre fin à l'incohérence de ce dispositif fiscal,
monsieur le secrétaire d'Etat : pourquoi une piscine gérée directement par la
municipalité - comme celle que dirige mon collègue M. Lachenaud - n'est-elle
pas assujettie à la TVA, alors que celle qui est concédée est imposable à 20,6
% et que celle qui est gérée par une association peut bénéficier du taux réduit
?
Pour ma part, j'ai fait construire une piscine cantonale. Pendant deux ans,
l'administration fiscale a consenti à lui appliquer le taux de 5,5 %. Puis,
brusquement, elle n'a pas tenu compte des répercussions de sa décision en
matière d'emploi et elle lui a appliqué le taux de 20,6 %. J'ai été obligé
d'augmenter les prix de 18 % !
Monsieur le secrétaire d'Etat, cette politique en matière de TVA - il a été
question du chocolat, des cédéroms et, maintenant, nous évoquons les
installations sportives - est totalement incohérente, je le répète.
Je tenais à présenter cet amendement, afin de souligner cette incohérence et
le fait que le Gouvernement n'a rien fait depuis deux ans à cet égard ! Je le
regrette.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Pour les piscines, c'est vrai !
M. Jacques Oudin.
Cela étant, je retire l'amendement n° I-47.
M. le président.
L'amendement n° I-47 est retiré.
Je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-59 rectifié, MM. Adnot et Durand-Chastel proposent
d'insérer, après l'article 22
ter,
un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« ... à compter du 1er janvier 1999, le droit d'utilisation des installations
sportives. »
« II. - Les pertes de recettes engendrées par l'application du I sont
compensées à due concurrence par le relèvement des droits sur les tabacs prévus
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par l'augmentation du
tarif du droit de consommation sur les alcools visé à l'article 403 du code
général des impôts. »
Par amendement n° I-117, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
22
ter,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« ... le droit d'utilisation des installations sportives. »
« II. - Le taux du prélèvement libératoire prévu à l'article 200 A du code
général des impôts est relevé à due concurrence de l'application du I
ci-dessus. »
Par amendement n° I-189 rectifié, MM. Oudin, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont,
Delong, Gaillard, Haenel, Joyandet, Ostermann, Trégouët, Leclerc, Eckenspieller
et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent
d'insérer, après l'article 22
ter,
un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« ... le droit d'utilisation d'installations sportives ».
« II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration
des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-143, MM. Joly, de Montesquiou, Mouly et Pelletier
proposent d'insérer, après l'article 22
ter,
un article additionnel
ainsi rédigé :
« I. - A l'article 279 du code général des impôts, il est rétabli un
b
sexies rédigé comme suit :
«
b
sexies) Les droits d'utilisation des installations sportives ; »
« II. - Les pertes de recettes résultant du I sont compensées à due
concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du
code général des impôts. »
Les deux derniers amendements sont identiques.
L'amendement n° I-155 est présenté par M. Bordas, Mme Heinis, MM. Revet,
Narchbar, Pelchat et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
L'amendement n° I-256 est déposé par MM. Badré, Huriet, Amoudry, Fréville et
Moinard.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 22
ter,
un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété
in fine
par un alinéa ainsi rédigé :
« ... Les prestations liées aux activités sportives et à l'utilisation des
équipements sportifs. »
« II. - La perte de recettes résultant des dispositions du I est compensée à
due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A
du code général des impôts. »
L'amendement n° I-59 rectifié est-il soutenu ?...
La parole est à M. Foucaud, pour défendre l'amendement n° I-117.
M. Thierry Foucaud.
Je partage, au moins partiellement, l'opinion de notre collègue M. Oudin.
Notre amendement porte également sur l'application du taux réduit de la taxe
sur la valeur ajoutée au droit d'utilisation d'installations sportives.
Chacun sait ici que la pratique sportive est organisée, si l'on peut dire,
autour de deux grands secteurs : d'une part, un secteur associatif
particulièrement dense et dont les qualités ne sont plus à vanter ; d'autre
part, un secteur privé qui a notamment investi certaines pratiques
spécifiques.
Fondamentalement, ce sont les pratiques de l'équitation, du golf ou encore de
la culture physique qui ont été investies par des opérateurs privés, dont la
raison sociale est parfois connue - on pense aux opérateurs de parcs aquatiques
- mais qui ne sont, le plus souvent, que de petites unités.
Selon le syndicat professionnel du secteur, on dénombre en effet 4 000
entreprises dans le domaine de la pratique sportive de loisir, employant, au
total, 12 000 salariés en équivalent temps plein.
Il importe ici de souligner que ces entreprises sont assez souvent tenues par
des exploitants individuels, l'exploitation d'un centre équestre ou d'un
poney-club pouvant être une activité accessoire de l'activité agricole.
S'agissant de ce que l'on appelle « l'euro-compatibilité » de la mesure, on
pourra ici souligner - je reprends là les propos de M. Oudin - qu'elle est
acquise aux termes de la sixième directive TVA, en son annexe H, où figurent
quelques biens et services que nous nous attachons, depuis plusieurs débats
budgétaires, à faire entrer dans notre législation.
Nous sommes donc, comme beaucoup ici, suffisamment critiques sur les
conditions de la construction européenne pour demander, quand cela peut être
utile, que l'on applique certaines règles si elles sont plus favorables que la
législation interne existante.
Reste évidemment la question du coût de la mesure que nous préconisons.
Il apparaît que le coût brut de la mesure se situerait autour de 375 millions
de francs, ce qui demeure, à notre avis, relativement modique, d'autant que le
coût net de l'opération est minoré des effets potentiels de la mesure.
Selon une étude du même syndicat professionnel, la réduction du taux de TVA
sur le droit d'utilisation des installations sportives devrait être en quelque
sorte partagée entre la réduction des tarifs, pour environ un tiers, et la
création d'emplois, pour les deux tiers restants.
Une telle démarche est évidemment à évaluer, mais il n'est pas interdit de
penser qu'au bout de dix-huit à vingt-quatre mois, l'opération trouverait son
équilibre du fait même des créations d'emplois et, très concrètement, de la
réduction de certaines charges de solidarité incombant à la collectivité. Il
faut considérer également l'effet sur l'aménagement du territoire, notamment
sur l'animation touristique de certaines régions.
Soulignons, enfin, que les professionnels de ce secteur, qui a parfois
souffert de pratiques commerciales discutables, sont engagés depuis plusieurs
mois dans la définition d'un code de déontologie que nous ne pouvons
qu'apprécier à sa juste mesure et qui permet de motiver un examen favorable de
la proposition que nous faisons.
En outre, je signalerai à M. Oudin, en ce qui concerne, notamment, Eurodisney,
que, lors de la dernière discussion budgétaire, Mme Buffet a pu mettre en
évidence son intérêt pour la réduction du taux de TVA, considérant qu'un parc
privé comme Disneyland-Paris a obtenu un tel traitement, mais que cela n'a pas
empêché la société américaine Eurodisney de pratiquer à l'encontre du public
des tarifs d'accès aux attractions élevés et, dans le même temps, une politique
d'embauche pour le moins discriminatoire.
M. le président.
La parole est à M. Oudin, pour présenter l'amendement n° I-189 rectifié.
M. Jacques Oudin.
Le texte initial de cet amendement était le même que celui que vient de
défendre M. Foucaud.
(Sourires.)
Je sais d'avance les arguments que va nous opposer M. le secrétaire
d'Etat. Il va nous dire que, si nous adoptons cet amendement, nous allons
favoriser les golfs - ce n'est pas démocratique - les centres équestres - ce
n'est pas plus démocratique ...
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je ne dirai jamais cela !
M. Jacques Oudin.
... ou les centres de remise en forme, qui ne sont pas plus démocratiques !
Je vais donc rectifier mon amendement pour en limiter l'application aux
installations sportives « gérées par délégation d'une collectivité locale ».
Ainsi, le texte est plus ciblé et plus aisément acceptable par notre
assemblée.
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° I-189 rectifié
bis,
visant à insérer,
après l'article 22
ter,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« ... le droit d'utilisation d'installations sportives, gérées par délégation
d'une collectivité locale.
« II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« La perte de recettes est compensée, à due concurrence, par la majoration des
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Veuillez poursuivre, monsieur Oudin.
M. Jacques Oudin.
Cet amendement permettrait donc aux installations sportives populaires
aménagées ou financées largement par une collectivité et donc ouvertes à tous
les habitants d'une commune, d'un groupement de communes, voire d'un
département, de bénéficier du taux réduit de 5,5 %, à condition qu'elles soient
gérées par délégation de service public d'une collectivité locale. Ainsi, nous
ciblons très exactement la mesure.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous aurez du mal à contrer mon amendement !
(Sourires.)
M. le président.
L'amendement n° I-143 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Nachbar, pour défendre l'amendement n° I-155.
M. Philippe Nachbar.
L'objet de cet amendement est le même que celui de l'amendement n° I-189
rectifié
bis.
Je suis d'ailleurs tellement favorable à la précision qu'a
introduite M. Oudin que je rectifie également l'amendement n° I-155 en
ajoutant, après les mots : « des équipements sportifs », les mots : « dans le
cadre d'une délégation de service public ».
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° I-155 rectifié.
La parole est à M. Badré, pour défendre l'amendement n° I-256.
M. Denis Badré.
Mon amendement, identique au précédent, a déjà été fort bien présenté par M.
Nachbar. De surcroît, comme je parle le dernier sur ce chapitre sportif avant
que nous en passions aux prestations funéraires, je peux être concis !
(Sourires.)
Nous devons aujourd'hui lutter contre le dopage pour sauvegarder la santé
des sportifs de haut niveau. Par l'ensemble de ces amendements, nous proposons
de favoriser l'ouverture d'installations sportives pour améliorer plutôt la
santé de tous les Français, qui sont potentiellement amateurs de sport.
Les économies induites par nos amendements seraient au demeurant
considérables. J'ajoute qu'il s'agit tout simplement de considérer le sport
comme un loisir, ce qui me paraît aller dans le sens d'un bon équilibre
social.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-117, I-189 rectifié
bis,
I-155 rectifié et I-256 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ces différents amendements visent tous à favoriser la
pratique sportive lorsqu'elle a lieu dans des installations confiées par une
collectivité locale à un opérateur privé dans le cadre d'un contrat ou d'une
convention définissant la mission de cet opérateur. L'objet me paraît
intéressant et bien délimité.
Mes chers collègues, je vous propose que nous travaillions ensemble à la
rédaction la meilleure possible de ces amendements, ou de celui d'entre eux qui
en serait la synthèse. Sans doute serons-nous en mesure de faire ce travail
d'ici à l'examen de la seconde partie. D'ailleurs, en commission, nous avions
eu cette discussion, d'où il était ressorti qu'il fallait bien présenter la
mesure, bien la délimiter, en insistant, notamment, sur les missions de service
public et sur les conventions entre collectivités et opérateurs privés, et ce
pour couper court à toute interprétation fantaisiste des intentions des auteurs
de ces amendements.
Je demande donc à ces collègues de bien vouloir retirer provisoirement leurs
amendements, en attendant que nous soyons en mesure de les adopter sous la
forme la plus satisfaisante possible.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces différents amendements ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
En parlant des entreprises sportives, monsieur
Foucaud, vous avez fort clairement expliqué qu'il y avait un « cheval » de
secteur associatif et une « alouette » d'entreprises sportives, seules ces
dernières étant assujetties au taux normal de la TVA.
Vous avez argué du fait que, si l'on abaissait le taux de TVA en faveur des 4
000 entreprises concernées qui emploient 12 000 salariés, elles pourraient
embaucher davantage.
Je comprends que vous souhaitez aiguiser la concurrence entre les entreprises
sportives et les associations sportives. Je ne sais pas si tel est vraiment
l'objectif que vous poursuivez, mais c'est le risque que l'on court avec cette
disposition.
Quant au coût, que vous évaluez à 350 millions de francs, alors que je dispose
d'une évaluation à 500 millions de francs, il est tout de même relativement
élevé.
Nous avons ensemble - « ensemble » au sens large - jugé que les baisses de TVA
dont nous avions la faculté pouvaient être concentrées sur d'autres activités
que les entreprises sportives. Je vous demande donc de bien vouloir retirer
votre amendement.
Je voudrais simplement tenter de répliquer à M. Oudin, qui a, par avance,
estimé que je ne pourrais pas lui répondre, que les collectivités locales,
qu'il connaît évidemment beaucoup mieux que moi, de par les fonctions multiples
qu'il exerce, ont la possibilité de confier leurs installations sportives à des
associations - solution retenue dans la très grande majorité des cas. Par
conséquent, il existe une solution qui donne satisfaction, et pour laquelle le
taux réduit de TVA ne s'applique pas, tout simplement parce qu'il n'y a pas de
TVA du tout !
Vous dites que, dans certains cas, des collectivités locales pourraient
déléguer...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela se fait déjà !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je suppose que tout existe dans la nature, y compris
dans la vie locale ! En tout état de cause, il faudrait être sûr que la
délégation de service public soit parfaitement qualifiée, raison pour laquelle
je comprends M. le rapporteur général quand il propose à M. Oudin de « ciseler
» son dispositif.
En tout état de cause, si ces amendements n'étaient pas retirés, je serais
contraint d'en demander le rejet.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-117.
M. Thierry Foucaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Nous avons décidé de ne pas retirer cet amendement, eu égard à la
contradiction qui existe aujourd'hui entre le traitement réservé à
Disneyland-Paris et le sort qui est fait aux autres installations sportives de
France.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je veux bien être obéissant, mais je veux aussi
être intelligent !
(Exclamations amusées sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. le président.
Si je comprends bien, il est difficile de concilier les deux !
(Rires.)
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-117, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-189 rectifié
bis
.
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt vos explications, monsieur le secrétaire
d'Etat.
En gros, vous nous dites que, pour échapper à la TVA, il suffit de confier la
gestion des installations sportives à des associations, ce que vous nous
invitez à faire. Mais, dans ce cas, vous ne percevrez aucune recette !
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mais oui !
M. Jacques Oudin.
Ma solution, qui consiste à confier la gestion des installations sportives
plutôt à un délégataire, donnera lieu, en revanche, grâce à l'application du
taux même réduit de 5,5 %, à la perception de recettes supplémentaires pour
l'Etat.
C'est tout de même un comble que le secrétaire d'Etat au budget préconise une
solution qui se traduit par une perte de recettes pour le budget de l'Etat.
De surcroît, je signale que l'association gestionnaire d'installations
complexes est souvent déficitaire, ce qui n'est pas toujours la meilleure
solution pour la collectivité concernée. La délégation de service public
d'installations complexes gérées par des spécialistes aboutit souvent à une
gestion équilibrée, parfois à des bénéfices, et à des recettes pour l'Etat au
titre de la TVA, certes pas au taux de 20,60 % mais au taux réduit, à savoir
5,5 %.
Monsieur le secrétaire, tous les médecins affirment que pour qu'une population
soit en bonne santé elle doit faire du sport. Donc, plus vous inciterez nos
concitoyens à faire du sport, notamment dans des piscines ou des centres,
meilleure sera leur santé et plus les finances de la sécurité sociale se
rééquilibreront. En l'occurrence, vous faites coup double : vous avez, d'une
part, plus de recettes au titre de la TVA et, d'autre part, moins de dépenses
de sécurité sociale.
Reconnaissez que l'amendement n° I-189 rectifié
bis
répond à ces
objectifs. C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de le voter, à
une large majorité.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances,
monsieur le rapporteur général, je voulais appeler votre attention sur la
différence fondamentale qui existe entre l'amendement initial et l'amendement
en son état actuel. L'amendement initial, je ne l'aurais pas voté. L'amendement
rectifié, je le voterai des deux mains, si j'ose dire, puisque je l'approuve
entièrement.
S'agissant en effet des activités sportives - le même raisonnement aurait pu
être appliqué au secteur culturel - un gouvernement précédent, de même
inspiration que le vôtre, a mis en place la loi Sapin qui fait obligation aux
collectivités locales, sous le contrôle du préfet, de procéder à des
consultations pour gérer les équipements sous forme de délégation de service
public.
C'est une forme non claire et non identifiée de gestion, avez-vous dit,
monsieur le ministre. Je m'inscris en faux contre une telle assertion. Rien
n'est plus facile que de déterminer si l'équipement est géré en délégation de
service public ou pas. En effet, s'il fait l'objet d'une délégation de service
public, il y a la publicité de l'appel à candidatures, l'examen des
candidatures, la définition du contrat, le contrôle administratif du préfet.
C'est une opération tout à fait identifiée et transparente.
Par ailleurs, cela concerne un nombre très limité de cas. Le coût de la mesure
serait de l'ordre de 500 millions de francs, avez-vous dit. Nous ne pouvons le
croire ! Si vous nous aviez dit que, compte tenu de la rectification de
l'amendement, cela représenterait une dizaine de millions de francs, nous
aurions pu le croire. Mais vous auriez aussi pu arguer du fait que cet
amendement a été rectifié en séance pour préciser que vous étiez dans
l'impossibilité de déterminer le coût. Cela aurait été plus clair et plus
convaincant !
Il s'agit donc d'une opération circonscrite, dont le cadre juridique est bien
identifié et le coût limité. Ce sont, à mes yeux, autant de raisons pour voter
l'amendement tel qu'il a été rectifié.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je veux préciser à M. Lachenaud que le chiffre de 500
millions de francs que j'ai cité valait pour l'ensemble des entreprises
sportives et ne concerne donc pas le champ d'application plus réduit de
l'amendement après rectification.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Nous sommes en train de voter
les articles de première partie, qui constitue le budget alternatif proposé par
le Sénat.
Mes chers collègues, les réponses qui vous sont données par le Gouvernement
peuvent éventuellement - je le comprendrais - susciter de votre part quelque
courroux. Il faut que nous puissions maîtriser l'impact financier des décisions
que nous prenons. C'est la raison pour laquelle je souhaiterais que M. le
rapporteur général, avec le talent que chacun lui connaît, présente un
sous-amendement ayant pour objet d'améliorer l'amendement n° I-189 rectifié
bis
pour que nous soyons assurés que l'impact financier soit limité,
comme vous l'avez indiqué, monsieur Lachenaud. La rédaction que pourrait
présenter M. le rapporteur général serait à peu de chose près celle que vous
avez évoquée.
Nous éviterions ainsi de nous retrouver au moment de l'examen de l'article
d'équilibre avec un solde dégradé par rapport aux options que nous avons
choisies ensemble.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je me hasarde à proposer à nos collègues la
formulation suivante : « ... le droit d'utilisation des installations sportives
données à bail par une collectivité à un professionnel privé dans le cadre
d'une mission de service public. » Cette rédaction vous semble-t-elle
correspondre à votre intention ?
MM. Jacques Oudin.
Accepté !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
C'est plus large !
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est moins précis que la délégation de service public !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je propose donc : « dans le cadre d'une délégation de
service public ».
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° I-270, présenté par M. Marini, au
nom de la commission des finances, et visant, dans le texte proposé par
l'amendement n° I-189 rectifié
bis,
à remplacer les mots : « gérées par
délégation d'une collectivité locale » par les mots : « données à bail par une
collectivité à un professionnel privé dans le cadre d'une délégation de service
public ».
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
M. Oudin cherche la cohérence.
Au terme de réflexions, que je respecte, nous parvenons à distinguer, pour la
même piscine, les quatre cas suivants : gestion désintéressée par une
association, pas de TVA ; gestion effectuée par une association à caractère
lucratif, TVA au taux de 20,60 % ; gestion déléguée à une entreprise à but
lucratif de service public, 5,5 % ; exploitation commerciale classique, 20,60 %
! Monsieur Oudin, je ne suis pas certain que nous cheminions dans le sens de la
cohérence et de la simplification qui vous sont chères ! Le Gouvernement émet
donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° I-270.
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
La proposition de M. le rapporteur général nous agrée. Elle constitue une
avancée intéressante. Lorsqu'il y a délégation de service public, il faut
appliquer le taux de TVA le plus bas. Dans ces conditions, l'apport positif que
représente ce sous-amendement doit, nous semble-t-il, emporter l'adhésion de la
majorité sénatoriale.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° I-270, repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-189 rectifié
bis.
M. Thierry Foucaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
A partir du moment où l'amendement n° I-189 rectifié
bis
reprend en
partie, même de façon atténuée, ce que nous souhaitions, nous le voterons.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° I-189 rectifié
bis,
accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 22
ter,
et les amendements n°s I-155
rectifié et I-256 n'ont plus d'objet.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-114, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
22
ter,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« ... Les prestations de services funéraires. »
« II. - Les dispositions du dernier alinéa de l'article 978 du code général
des impôts sont abrogées. »
Par amendement n° I-232, M. Mélenchon et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent d'insérer, après l'article 22
ter,
un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété
in fine
par un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« ... Les prestations habituelles fournies par les services de pompes funèbres
et les crémations. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence
par une hausse des droits prévus à l'article 885 U du code général des impôts.
»
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° I-114.
M. Guy Fischer.
Cet amendement, que nous proposons depuis plusieurs années, répond, selon
nous, à une légitime interrogation.
En effet, chacun sait que l'un des domaines clés de l'harmonisation fiscale
européenne porte sur la recherche d'un équilibre nouveau en matière de
fiscalité indirecte.
Je me permettrai donc, une fois de plus, de rappeler que la sixième directive
TVA ouvre la faculté d'appliquer, selon les termes du point 15 de son annexe H,
le taux réduit de TVA aux services fournis par les entreprises de pompes
funèbres et de crémation ainsi qu'aux livraisons de biens qui s'y
rapportent.
Nous estimons donc, eu égard à la question posée, qu'il est grand temps que
notre pays utilise cette faculté et que soit mis un terme au renchérissement
d'un tel service.
Nous savons que des garanties doivent être prises en matière d'imputation sur
le niveau des tarifs pratiqués par les différentes entreprises effectuant ce
type de prestations.
Nous estimons même que la réduction du taux de TVA concernant ces prestations
doit s'accompagner d'une réaffirmation de règles déontologiques pour le moins
indispensables, d'autant qu'il n'existe plus de monopole en la matière. Mais
nous savons fort bien que la plus grande entreprise française est pratiquement
sous la coupe du plus grand groupe mondial américain.
Il n'en demeure pas moins que dans l'intérêt même des familles confrontées à
ces charges toujours pénibles - certaines signent des contrats leur permettant
de régler mensuellement, en quelque sorte par anticipation, leurs funérailles ;
d'autres, notamment les moins aisées sont amenées à emprunter ou à faire de
plus en plus appel aux services des centres communaux d'action sociale - nous
nous devons d'appliquer effectivement à ces prestations le taux réduit de
TVA.
M. le président.
La parole est à M. Miquel, pour présenter l'amendement n° I-232.
M. Gérard Miquel.
Cet amendement a le même objet.
Les services funéraires sont importants et un taux de TVA de 5,5 % doit leur
être appliqué. En effet, ces services pouvant être considérés comme des
services de première nécessité et la directive européenne relative à la TVA les
placent dans la liste des services auxquels on peut appliquer le taux
réduit.
Afin de cibler au maximum la mesure sur les ménages modestes et de réduire le
coût pour l'Etat, nous proposons, par cet amendement, d'appliquer le taux
réduit de TVA uniquement sur les prestations habituelles fournies par les
services de pompes funèbres et les crémations. En effet, l'administration
fiscale a, nous semble-t-il, la possibilité de faire une distinction entre les
prestations effectuées afin que la baisse de TVA soit réellement ciblée sur les
ménages les plus modestes.
M. Michel Moreigne.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-114 et I-232 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Sur le plan juridique, cette disposition peut être
mise en oeuvre, car les services funéraires figurent bien dans l'annexe H de la
directive communautaire de 1977.
Cela étant dit, le coût semble important et c'est pourquoi la commission des
finances ne peut vous suivre, mes chers collègues. Elle émet donc un avis
défavorable.
Toutefois, et même si cela ne modifie pas l'avis qu'elle vient d'émettre, je
ferai part à M. le secrétaire d'Etat de la surprise que l'on peut éprouver à
l'égard de certaines évaluations. L'an dernier, une mesure analogue avait été
proposée et on nous avait dit que sa mise en oeuvre coûterait 2 milliards de
francs. Cette année, officieusement, s'agissant de la même mesure, a été avancé
un montant sensiblement plus faible. Peut-être a-t-on révisé les hypothèses de
mortalité ou les modes de calcul ? Je ne le sais pas, mais, sur des sujets de
ce genre, il est évidemment difficile de raisonner lorsqu'on ne dispose pas
d'un instrument d'évaluation suffisamment fiable !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je comprends bien la motivation des amendements qui
ont été défendus par MM. Fischer et Miquel.
La dépense relative aux prestations de services funéraires, qui intervient à
un moment particulièrement pénible dans la vie des familles, est lourde, et
elle l'est d'autant plus que le revenu des personnes concernées est modeste.
En ce qui concerne le coût de le mesure proposée, monsieur le rapporteur
général, je n'ai pas le souvenir de vous avoir indiqué un chiffre triple l'an
dernier...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je n'ai pas dit triple !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Il y a un compte rendu intégral
!
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
J'ai un grand respect pour vous, donc, je vérifierai.
Je vous communique en tout cas ce soir le chiffre de 700 millions de francs,
qui n'est pas négligeable.
Un débat s'est intauré entre le Gouvernement et sa majorité d'où il est
ressorti que les 12 milliards de francs d'allégement de TVA devaient aller vers
d'autres secteurs. Il est vrai que l'on ne peut pas tout faire à la fois !
Je reconnais toutefois la préoccupation qui a été exprimée. Elle a sa
justification parce que chacun a pu avoir l'occasion d'être confronté à ce
genre de circonstance. Mais, cette année, il n'est pas possible de la
satisfaire, monsieur Fischer, monsieur Miquel. Peut-être aurons-nous l'occasion
d'en reparler ?
Vous ayant écoutés, je vous demande néanmoins, à l'un et à l'autre, de bien
vouloir retirer vos amendements.
M. le président.
Monsieur Fischer, maintenez-vous l'amendement n° I-114 ?
M. Guy Fischer.
Nous comprenons l'argumentation que vous venez de développer, monsieur le
secrétaire d'Etat, mais nous souhaitons réellement insister. En effet, les
indications financières qui nous ont été transmises montrent qu'aujourd'hui a
lieu un débat sur le coût du service rendu, notamment pour les familles les
plus populaires.
Bien que le monopole des prestations ait été dénoncé, nous sommes convaincus
que ce sont les grands groupes nationaux et internationaux qui, à des coûts
surestimés, font prévaloir aujourd'hui leurs intérêts.
Nous sommes très attachés à cet amendement et nous le maintenons donc.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-114, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-232.
M. Michel Charasse.
Il est mort !
(Sourires.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mais il n'est pas encore enterré !
(Nouveaux sourires.)
M. Gérard Miquel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel.
Compte tenu des explications qui ont été données par M. le secrétaire d'Etat,
nous retirons cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-232 est retiré.
Par amendement n° I-229, M. Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse,
Demerliat, Haut, Lagauche, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les
membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article
22
ter,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Avant le 1er octobre 1999, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport
sur l'application en France et en Europe de la directive européenne 92/77 du 19
octobre 1992 concernant les taux de TVA et sur l'état des négociations en cours
sur sa modification, ainsi que sur les propositions sur le passage au régime
définitif de TVA. »
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels.
Les débats sur les difficultés que nous éprouvons pour modifier le taux de TVA
de certains produits en raison de la directive européenne du 19 octobre 1992
montrent à l'évidence la nécessité d'un rapport sur l'application, en France et
en Europe, de cette directive ainsi que sur l'état des négociations en cours
s'agissant de sa modification.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
M. Angels rejoint en la circonstance le souci exprimé
tout à l'heure par le président de la commission des finances : il est
nécessaire de remettre en perspective tous les sujets relatifs à l'application
des différents taux de TVA. Nous estimons qu'il faut faire le point, au sein de
la commission des finances, et entendre des différentes parties intéressées.
Le rapport proposé par M. Angels sur l'état des négociations relatives à la
modifiction de la sixième directive constitue sans doute un jalon utile, mais,
d'ici là, nous mènerons un travail non moins utile au sein de la commission des
finances, comme l'a suggéré M. Lambert.
Quoi qu'il en soit, la commission est favorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
On nous dira : voici un rapport de plus !
Je rappelle à M. Angels que, tous les deux ans, la Commission européenne
établit un rapport sur l'application des taux réduits de TVA. Le Gouvernement
transmet ce document important au Parlement. La dernière édition remonte au 13
novembre 1997, la Haute Assemblée en a eu communication.
Cela dit, M. le président de la commission des finances a souhaité animer un
chantier sur ce point. Peut-être les comptes rendus des travaux de la
commission donneront-ils satisfaction aux auteurs de l'amendement ? En tout
cas, si monsieur Angels tient quand même à ce qu'un rapport supplémentaire soit
prévu, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée sur ce point.
Ce qui est important, monsieur Angels - et je crois que nous sommes en accord
complet sur ce point - c'est que nous puissions travailler ensemble pour faire
évoluer l'état actuel de la répartition des biens et des services entre le taux
normal et le taux réduit afin de permettre le passage à ce dernier taux d'un
certain nombre d'activités qui pourraient être à la source de très nombreuses
créations d'emplois.
En résumé, par respect pour vous, monsieur Angels, je m'en remets à la sagesse
du Sénat, mais je ne suis pas sûr que le rapport que vous préconisez soit
absolument utile dès lors que nous recevrons l'an prochain, à peu près à la
même époque, un rapport de la commission.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-229.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Pour clore ce débat sur ce chapitre important de la loi de finances concernant
l'évolution de notre législation sur la TVA, notre collègue M. Angels, au nom
du groupe des sénateurs socialistes et apparentés, nous propose que soit rédigé
un rapport sur les conditions d'application de la directive de 1992 et,
surtout, sur les simulations de l'application du régime définitif de la taxe
sur la valeur ajoutée.
Pour notre part, nous sommes tout à fait convaincus qu'il est nécessaire de
parvenir, au niveau européen comme au niveau national, à une réduction sensible
du poids de la taxe sur la valeur ajoutée sur les recettes fiscales.
La taxe sur la valeur ajoutée est en effet un impôt dégressif dont souffrent
essentiellement - vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat - les ménages
les plus modestes, ce qu'attestent d'ailleurs sans la moindre équivoque tous
les rapports qui ont pu être produits ces dernières années en matière de
fiscalité, qu'il s'agisse du rapport Ducamin ou encore du rapport Bourguignon
qui vient d'être présenté au comité d'analyse économique.
On sait, par exemple, que, pour les 20 % de Français les plus pauvres, les
droits indirects pèsent pour 13,1 % des dépenses totales, tandis que pour les
10 % de Français les plus riches, ce poids ne constitue que 10,1 % des dépenses
totales.
C'est donc avec cette perspective de réduction des inégalités que nous devons,
que la France doit envisager toute participation à la négociation du régime
définitif de la taxe sur la valeur ajoutée.
Se pose ensuite la question des taux pratiqués sur tel ou tel bien ou tel ou
tel service.
Nous sommes, pour notre part, partisans d'une réduction générale des taux
d'imposition sur la valeur ajoutée. Je ne reviendrai pas sur cette position,
qui est connue.
S'agissant du taux réduit, nous devons envisager, effectivement, de le porter
dans notre législation au niveau plancher recommandé par la directive de
1992.
Le coût de l'opération est, de notre point de vue, à mesurer au regard de ce
que le taux réduit et les autres taux particuliers rapportent effectivement au
budget de l'Etat, c'est-à-dire quelque 15 milliards de francs nets.
S'agissant du taux normal, nous estimons nécessaire qu'indépendamment de toute
initiative européenne sa baisse soit organisée dans les délais les
meilleurs.
Chacun a pu mesurer, à l'aune du ralentissement de la croissance - ce qui tord
d'ailleurs le cou à la prétendue neutralité fiscale de la TVA -, ce que la
hausse de ce taux en 1995 avait pu causer comme dégâts.
Nous pensons, de surcroît, que, si l'harmonisation fiscale européenne commence
par se traduire par l'accroissement relatif de la fiscalité indirecte, elle
fera, dès lors, la démonstration de sa profonde iniquité.
Si les règles en vigueur en matière de TVA doivent évoluer, ce ne peut être
que dans le sens d'un allégement global de cette taxe dans le budget des
consommateurs.
C'est ce que nous attendons du Gouvernement, dans le cadre des négociations en
cours, et c'est à la lumière de ces observations que nous voterons cet
amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-229, accepté par la commission et pour
lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 22
ter
.
Demande de réserve
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Afin de permettre à nos
collègues de prendre leurs dispositions, j'indique d'ores et déjà que je
demande la réserve de l'article 24 jusqu'à la reprise de nos travaux après le
dîner, afin que la commission des finances puisse se réunir, immédiatement à la
suspension de séance, pour traiter de cet article.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
La réserve est donc ordonnée.
Article 23
M. le président.
« Art. 23. - I. - L'article 790 du code général des impôts est ainsi rédigé
:
«
Art. 790
. - Les donations effectuées conformément aux dispositions du
code civil bénéficient sur les droits liquidés en application des dispositions
des articles 777 et suivants d'une réduction de 50 % lorsque le donateur est
âgé de moins de soixante-cinq ans et de 30 % lorsque le donateur a
soixante-cinq ans révolus et moins de soixante-quinze ans. »
« II. - Les dispositions du I sont applicables aux donations consenties par
actes passés à compter du 1er septembre 1998.
« Toutefois, les donations-partages et les donations par deux parents, ou l'un
d'entre eux, à leur enfant unique consenties conformément aux dispositions du
code civil et par actes passés avant le 1er janvier 1999 bénéficient d'une
réduction de 35 % lorsque le donateur est âgé de soixante-cinq ans révolus et
de moins de soixante-quinze ans. »
Par amendement n° I-236, M. Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse,
Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent, dans le texte présenté par le I de
cet article pour l'article 790 du code général des impôts, après les mots : «
les donations », d'insérer les mots : « en pleine propriété ».
La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion.
Le présent article a pour objet de favoriser les transmissions anticipées de
patrimoine, particulièrement pour les entreprises.
C'est une bonne initiative, à condition toutefois que, dans le même temps, un
réel transfert du pouvoir de décision soit effectivement réalisé.
Malheureusement, force est de constater que, dans les faits, ce type
d'incitation manque souvent son objectif.
En effet, on constate, notamment dans les entreprises, des pratiques qui
consistent à « donner sans donner ». C'est ainsi que fleurissent nombre
d'ouvrages, de séminaires de formation, de conseils ou d'orientations sur ce
sujet. On y trouve pêle-mêle les thèmes suivants : « Comment utiliser la
société holding pour transmettre au mieux vos activités ? », ou encore : « Le
démembrement de propriété et les structures sociétaires comme outils
incontournables en matière de transmission de patrimoine ».
Il en ressort que, en combinant démembrement de propriété et constitution de
société holding, il est possible à un chef d'entreprise de transmettre la
nue-propriété de ses actifs tout en conservant les revenus et le pouvoir dans
l'entreprise.
De cette manière, il est possible de profiter des avantages de la réduction
des droits de succession sans transmettre véritablement l'entreprise et sans
préparer utilement sa succession.
L'objet de l'amendement que nous présentons est de prévoir que les réductions
de droit ne soient accordées qu'en cas de transmission de la propriété pleine
et entière des biens transmis. Ainsi, l'avantage offert permettrait d'atteindre
l'objectif escompté d'une vraie transmission et non plus, comme c'est le cas
aujourd'hui, de constituer un effet d'aubaine pour le contribuable donateur
sans entraîner d'effet économique.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission est défavorable à l'amendement n°
I-236, car il lui semble que, dans certains cas d'aménagement anticipé d'une
succession, il peut être utile, dans un processus de transmission progressif
des responsabilités, d'effectuer des donations qui ne soient pas des donations
en pleine propriété ou comportant tous les éléments de la pleine propriété.
L'amendement n° I-236 contredit les intentions qui fondent, d'ailleurs
opportunément, la mesure gouvernementale qui nous est proposée.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
L'article 23 a pour objet d'encourager la transmission
anticipée d'entreprise, ce qui, dans nombre de cas, est plutôt favorable à
l'emploi.
La rédaction du Gouvernement n'opère pas de distinction entre les donations en
pleine propriété - c'est ce que souhaite préciser M. Massion - ou seulement en
nue-propriété.
Le Gouvernement souhaite faciliter la transmission des entreprises. L'objectif
poursuivi est de faire en sorte que le plus grand nombre de chefs d'entreprise,
âgés de moins de soixante-cinq ans ou
a fortiori
âgés de soixante-cinq à
soixante-quinze ans, puissent transmettre, s'ils le souhaitent, qu'elle soit
nue ou qu'elle soit pleine, l'entreprise dont ils sont les propriétaires.
Or l'amendement n° I-236 est trop restrictif et risque d'atténuer la portée et
le bénéfice de la disposition qui est proposée. C'est pourquoi je demande à son
auteur de bien vouloir le retirer.
M. le président.
Monsieur Massion, l'amendement n° I-236 est-il maintenu ?
M. Marc Massion.
Je tiens d'abord à remercier M. le secrétaire d'Etat de sa réponse, qui ne
nous surprend pas.
(Sourires.)
Je comprends le souci du Gouvernement de ne pas freiner les transmissions
de patrimoine, en particulier des entreprises.
Je retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-236 est retiré.
Par amendement n° I-237, M. Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse,
Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le texte présenté par le
I de l'article 23 pour l'article 790 du code général des impôts par un alinéa
ainsi rédigé :
« Lorsque les donations concernent des actions ou parts de sociétés, les
réductions ne s'appliquent que si elles donnent droit à la pleine propriété des
actifs qu'elles représentent, directement ou indirectement. »
La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion.
Il s'agissait d'un amendement de conséquence de l'amendement n° I-236 ; bien
entendu, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° I-237 est retiré.
Par amendement n° I-238, M. Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse,
Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le texte présenté par le
I de l'article 23 pour l'article 790 du code général des impôts par un alinéa
ainsi rédigé :
« Toutefois, ces réductions de droits de mutation à titre gratuit ne sont pas
applicables aux donations de sommes d'argent dont le donateur s'est réservé
l'usufruit. »
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels.
Cet amendement poursuit le même objectif que l'amendement n° I-236, présenté
par mon ami Marc Massion. Simplement, il est de moindre portée et doit être
considéré, en conséquence, comme un amendement de repli pouvant toutefois être
qualifié d'« amendement de moralisation ».
Il n'y a aucune justification en effet, sauf à permettre à certains
contribuables de bénéficier d'effet d'aubaine, d'offrir des réductions de
droits à ceux qui réalisisent des donations d'argent, bien souvent d'ailleurs
afin d'échapper à l'impôt.
Je rappelle qu'il existe un dispositif fiscal permettant de prévoir des
abattements sur donations anticipées réalisées tous les dix ans. C'est
amplement suffisant pour ne pas en faire plus.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nos collègues appellent l'attention du Sénat sur une
étrangeté juridique, sans doute assez ancienne : je n'ai pas recherché
l'origine de cette disposition, mais elle ne date certainement pas d'hier.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Il faut consulter M. Charasse !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Oui, M. Charasse est certainement mieux documenté que
les services de la commission !
(Sourires.)
Le code civil, dans son article 587, autorise les donateurs à conserver
l'usufruit de sommes en numéraire qu'ils ont données. Une telle libéralité
conduit certains contribuables à procéder à des donations anticipées d'argent
en nue-propriété, à seule fin, apparemment, de bénéficier de la franchise
d'impôt de 300 000 francs tous les dix ans. C'est ce dont ces donateurs
semblent soupçonnés.
L'article 23 ayant pour objet, dans la rédaction du Gouvernement, d'encourager
les donations anticipées d'entreprise, il paraît en effet légitime de ne pas
faire bénéficier des dispositions qu'il prévoit les donations de sommes
d'argent.
Je crois que ce n'était pas l'objectif visé par votre dispositif, monsieur le
secrétaire d'Etat, surtout si ces donations ne sont qu'un aménagement ne se
traduisant finalement pas par une transmission réelle du patrimoine.
Tout cela me conduit à solliciter l'avis du Gouvernement et à lui demander
s'il confirme mon analyse.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Comme l'a dit M. le rapporteur général, l'amendement
défendu par M. Angels et présenté par le groupe socialiste est particulièrement
judicieux, puisqu'il vise une situation assez paradoxale où une personne
quelque peu fortunée donnerait une somme d'argent à son fils ou à sa fille tout
en percevant, dans certains cas, les intérêts produits par cette somme. M.
Angels l'a dit avec clarté et M. le rapporteur général l'a confirmé : il s'agit
purement et simplement d'évasion fiscale,...
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Pas du tout !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
... et cela n'a absolument aucun lien avec la
transmission anticipée d'entreprise qui, elle, a une justification en termes
d'emploi.
Si les personnes en cause veulent donner des sommes d'argent, par exemple à
leurs enfants, en pleine propriété, alors ils bénéficient des droits réduits de
mutation ; mais s'ils donnent cet argent en en gardant le produit, alors, je
trouve l'amendement de M. Angels particulièrement judicieux. Le Gouvernement
émet donc un avis favorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-238.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je ne comprends pas l'esprit de
cet amendement...
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
C'est un esprit de justice !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Mais je suis capable d'entendre
l'esprit de justice...
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je n'en doute pas !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
... et de m'y convertir,
monsieur le secrétaire d'Etat, encore faut-il que cela me soit expliqué, et
l'explication que vous avez donnée est sans doute excellente, mais elle est
insuffisante pour moi. Comme je suis perfectible - en tout cas, je crois l'être
- sans doute, avec les précisions complémentaires que vous ne manquerez pas de
m'apporter, me convertirez-vous !
A ce que j'ai compris du patrimoine des Français, c'est qu'il pouvait être
liquide ou ne pas l'être. En entendant M. le secrétaire d'Etat, j'ai eu le
sentiment que le patrimoine qui n'est pas liquide serait noble et respectable
et que le patrimoine liquide le serait moins.
Est-il suspect qu'un contribuable décide de procéder de manière officielle à
une donation de sommes d'argent à son descendant, qu'il la fasse enregistrer et
qu'il acquitte les droits de mutation ? Est-ce suspect ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Cette suspicion m'étonne ! Si
l'amendement n° I-238 est adopté, que va-t-il se passer ? C'est très simple :
ceux qui disposent d'un patrimoine liquide seront tentés de le transmettre sans
faire de donation officielle, et ils échapperont au paiement de l'impôt !
En quelles circonstances des donations de sommes d'argent se produisent-elles
? Tout simplement, lorsque les parents, par exemple, réalisent un bien
immobilier dont ils n'ont plus besoin et dont ils savent, par avance, que leurs
enfants n'en seront jamais les utilisateurs.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Evidemment !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ils réalisent donc ce patrimoine
immobilier et c'est l'occasion pour eux de transmettre le patrimoine qui est
ainsi devenu liquide à leurs enfants. Mais il peut se faire que ces personnes
aient besoin des revenus de ce patrimoine ; ils vont donc effectuer une
donation en nue-propriété de sommes d'argent qui donnera lieu à la perception
de droits réduits de mutation, et qui sera soumise à la progressivité des
droits de successions.
Je vois quelque paradoxe à pénaliser en quelque sorte la donation en
nue-propriété de sommes d'argent, dès lors qu'une transmission de sommes
d'argent peut se faire de la main à la main entre donateur et donataire -
chacun sait ce qu'est un don manuel - en échappant à l'impôt sur les
successions.
Je partage, monsieur le secrétaire d'Etat, le souci de justice que vous avez
exprimé : comme vous, je souhaite que tous les Français soient soumis au même
impôt et je ne trouverais donc pas normal que telle catégorie de biens supporte
des droits de succession quand telle autre n'en supporte pas. Or, avec cette
disposition, on risque tout simplement de tenter les détenteurs d'argent
liquide de le soustraire à l'impôt sur les successions.
L'intention de M. Angels est certainement tout à fait pure, mais elle aura
l'effet contraire de l'effet recherché.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je remercie beaucoup M. le président de la commission
des finances de s'être exprimé avec autant de clarté.
Il y a deux cas bien distincts, et vous les avez précisés, monsieur
Lambert.
Le premier cas est celui où, après avoir vendu un bien, le père devenu vieux,
comme disait La Fontaine, donne une somme d'argent à ses enfants. Là, il n'y a
absolument aucun problème : les droits de mutation sont réduits.
Le second cas est un peu plus bizarre : une personne qui dispose de
liquidités, par exemple parce qu'elle a vendu un bien, donne cet argent à un de
ses enfants non pas pour acheter un appartement ou un cabinet de notaire...
M. Alain Lambert
président de la commission des finances.
Une étude !
(Sourires.)
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
... Excusez-moi : une étude de notaire ou autre chose,
et elle demande au donataire de ne surtout rien faire de cet argent et,
parfois, de lui en reverser les intérêts.
Quel est vraiment l'intérêt de donner de l'argent si on en récupère aussitôt
les intérêts ?
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Mais pas le capital !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Même si on donne le capital et qu'on garde par devers
soi les intérêts, ce serait choquant !
Celui qui reçoit de l'argent dont il ne peut rien faire, dont il ne doit pas
profiter doit en avoir peu de plaisir et peu d'intérêt !
Je crois donc qu'il y a une difficulté. Je ne dis pas que tous ceux qui font
cela obéissent à des motifs d'évasion fiscale, mais leur motivation est
certainement moins claire que dans une transmission par anticipation d'un peu
de patrimoine à des enfants qui ont besoin de capital pour démarrer dans la
vie.
Les dons en argent ne sont pas en cause, et il ne s'agit là que d'un aspect
particulier, mais qui me semble significatif.
M. le président de la commission, vous dites que, si les droits de mutation
sont à taux plein, il y aura des dons manuels. Mais, s'il y a dons manuels, il
n'y aura plus de constitution d'usufruit et le dispositif ne fonctionnera
plus.
Selon moi, il ne s'agit pas là d'une querelle théologique sur les biens
liquides et les biens solides, les biens mobiliers et les biens immobiliers.
L'amendement déposé par le groupe socialiste a simplement pour objet de
colmater une brèche dans une paroi. Les possibilités d'évasion fiscale sont de
moins en moins nombreuses, mais la paroi se fendille tous les jours.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Pardonnez-moi d'abuser de ma
fonction pour parler à nouveau, après M. le sécrétaire d'Etat, mais il s'agit
de trouver une solution qui nous permette d'élaborer une bonne législation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je négligerai l'exemple que vous avez donné, le
réinvestissement, parce que je ne crois pas que le bien dont vous avez parlé
soit le plus courant sur le marché et je reviendrai aux choses essentielles.
Nous sommes partis d'un exemple : des parents détenteurs d'un patrimoine
immobilier le réalisent et choisissent de répartir le produit de cette vente
entre leurs enfants. Pourquoi le font-ils à ce moment-là ? Peut-être
préfèrent-ils payer les droits de mutation par avance - ce qui dégage une
rentrée fiscale anticipée pour l'Etat - parce qu'ils craignent une augmentation
des taux des droits de succession dans les années qui viennent. Leur souhait
d'acquitter immédiatement les droits de succession peut donc être tout à fait
naturel.
Lorsque ces personnes étaient propriétaires du bien immobilier, personne ne
trouvait choquant qu'elles donnent simplement la nue-propriété et qu'elles se
réservent l'usufruit. Dès lors que le bien est vendu, certains n'acceptent pas
qu'elles puissent transférer simplement la nue-propriété de la somme d'argent
et qu'elles s'en réservent l'usufruit. Cette attitude est tout à fait étonnante
puisqu'il en résulterait en effet que les biens seraient soumis à un régime
différent selon qu'il s'agirait de biens immobiliers ou d'une somme
d'argent.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous prie de le croire, il n'y a aucun
risque, au contraire, et il est tout à fait souhaitable de permettre que tous
les détenteurs de patrimoine liquide soient tentés de transmettre celui-ci à
leurs enfants de manière officielle et en acquittant les droits de
succession.
Si cette somme d'argent est donnée et que les parents en conservent
l'usufruit, elle pourra être employée, dans un portefeuille d'obligations, par
exemple, dans un nouvel immeuble - pourquoi pas ? - l'usufruit conservé par les
parents se reportant sur le bien acquis et la nue-propriété sur les enfants. Ce
réemploi va donc rendre tout à fait naturelle la fiscalité appliquée à
l'occasion de la transmission.
Mes chers collègues - et j'en termine par là, car j'imagine que cette
discussion vous agace profondément...
(Mais non ! sur de nombreuses
travées),
voici ce qui me paraît surprenant dans l'amendement de M. Angels
: pour un bien immobilier, il considère que la transmission en nue-propriété
seulement est parfaitement naturelle ; en revanche, pour un bien liquide, il
estime que ce n'est plus possible ; par un ailleurs, lorsque le bien redevient
immobilier à l'occasion d'un emploi, il accepte tout à fait que la transmission
s'opère en nue propriété seulement. Cette incohérence ne résistera pas à
l'analyse.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste et du RPR.)
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Observons que, sur l'article 23, nous avons assisté, d'une part, à la demande
de retrait des deux premiers amendements présentés par le groupe socialiste et,
d'autre part, à l'acceptation de ce troisième amendement. C'est une surprise.
Certains pourraient même dire que c'est un accommodement vis-à-vis de la
majorité.
(Protestations sur les travées socialistes.)
Nous constatons que cela s'est passé comme cela !
Ce serait un amendement de repli. Mais il ne s'agit pas du tout de repli
stratégique, et cette volonté d'apparente moralisation me rappelle le proverbe
: « Qui veut faire l'ange, fait la bête. »
Les arguments présentés par M. le président de la commission des finances sont
en effet tout à fait convaincants.
Premièrement, le dispositif proposé est d'une irréalité économique, familiale
et sociale évidente. Mes chers collègues, souvenez-vous de cette enquête parue
dans l'hebdomadaire
Le Point
voilà quelques mois et qui montrait
comment, notamment dans des milieux à revenus modestes, les parents et les
grands-parents aidaient, par le mécanisme des donations, leurs enfants à se
lancer dans la vie, ouvrir un petit commerce, créer une entreprise artisanale,
engager une formation professionnelle continue, complémentaire et parfois
coûteuse.
Pénaliser une telle possibilité sur le plan fiscal me paraît tout à fait
contraire à la mise en oeuvre de la solidarité entre générations, qui s'exerce
tellement aujourd'hui.
Par ailleurs, cette discrimination serait une atteinte au droit de
propriété.
Le code civil a bien prévu la transmission des biens, soit en pleine propriété
soit en distinguant l'usufruit et la nue-propriété. Si on les traite
différemment sur le plan fiscal et si l'on pénalise la transmission en
nue-propriété, on opère une discrimination et on affaiblit le libre exercice du
droit de propriété.
Je considère que cet amendement réduit la liberté pour le propriétaire de
disposer de son patrimoine.
En outre, sur le plan financier - et je rejoins entièrement le président de la
commission des finances sur ce point, l'opération n'est pas neutre. Vous dites,
monsieur le secrétaire d'Etat, que l'enfant ne reçoit rien. Si, il reçoit le
capital et il donne l'usufruit, qui peut être assimilé à un intérêt versé à ses
parents ou à ses grands-parents. Dans ce cas-là, une déclaration est faite à
l'administration fiscale et il y a imposition ou non.
Pour notre part, nous estimons, puisque nous approuvons l'esprit général du
texte et des articles que nous examinons actuellement, qu'il ne doit pas y
avoir d'imposition, puisque, en l'occurrence, c'est équivalent à un prêt. Mais
l'enfant dispose du capital.
Je ne vois pas comment vous pouvez dire que c'est à la fois donner et
reprendre. Non, ce n'est pas le cas ! Il y a une véritable donation, une
véritable mutation et une possibilité d'action pour les enfants à partir de ce
don déclaré qui est, dans certains cas, imposé et, dans d'autres non et qui est
une pratique très fréquente et très utile pour le développement de la
société.
C'est pourquoi, personnellement, je voterai contre cet amendement.
(MM. Machet et Hoeffel applaudissent.)
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je voterai naturellement l'amendement n° I-238. Mais, monsieur Lachenaud, en
poussant votre raisonnement jusqu'au bout, si les enfants choisissent de verser
une pension alimentaire, celle-ci est imposable et ils ne bénéficient d'aucun
avantage. Pourquoi voulez-vous que, lorsqu'ils choisissent l'autre formule, ils
en retirent un avantage. Mais ce n'est pas le débat, et je ne le prolongerai
pas.
Toutefois, puisque M. le secrétaire d'Etat et M. le rapporteur général m'ont
amicalement taquiné, je leur signale que le don d'argent avec réserve
d'usufruit a été validé par la Cour de cassation réunie en chamble civile :
arrêt Abbé Brecq du 11 août 1880.
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° I-238, repoussé par la commission et accepté
par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ? ...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
13:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 98 |
Contre | 206 |
Par amendement n° I-18, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose :
A. - De compléter le premier alinéa du II de l'article 23 par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les donations effectuées entre le 7 octobre 1998 et le 31 décembre 1999, une réduction de 30 % est appliquée sans limite d'âge. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions du paragraphe A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'extension temporaire du taux de 30 % à toutes les donations est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement est moins complexe que les précédents et nécessitera moins de recherches juridiques et historiques !
Afin d'encourager la transmission des entreprises, cet amendement vise à étendre temporairement le taux de réduction de 30 % sur les droits de mutation à toutes les donations, quel que soit l'âge du donateur.
Cette disposition ne serait toutefois applicable que pendant un an, jusqu'au 31 décembre 1999.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Cet amendement se situe dans le droit-fil du débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale.
Les députés ont en effet adopté un amendement qui portait le taux de réduction des droits à 50 %, sans condition d'âge, et cela jusqu'au 31 décembre 1999. Mais il a été abandonné lors de la seconde délibération.
Sans s'opposer au principe de cette disposition, le Gouvernement avait estimé qu'elle n'était admissible qu'au taux de 30 %, qui, je le rappelle, est applicable lorsque le donateur est âgé de soixante-cinq à soixante-quinze ans.
Votre proposition reprenant ce taux de 30 %, le Gouvernement reste cohérent avec la position qu'il avait adoptée à l'Assemblée nationale.
Toutefois, monsieur le rapporteur général, un point pose problème : la disposition ne peut être appliquée à compter du 7 octobre 1998.
M. Michel Charasse. Eh oui !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vous demande donc, pour accepter votre amendement, dans un esprit républicain, de substituer la date du 25 novembre 1998, c'est-à-dire celle d'aujourd'hui, à la date du 7 octobre 1998, qui figurait dans le texte initial.
Sous cette réserve, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, acceptez-vous de modifier votre amendement en ce sens ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'accepte bien volontiers cette rectification, et je me réjouis de cette avancée.
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, levez-vous le gage ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Oui, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° I-18 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et tendant à compléter le premier alinéa du II de l'article 23 par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les donations effectuées entre le 25 novembre 1998 et le 31 décembre 1999, une réduction de 30 % est appliquée sans limite d'âge. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-18 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?
Je mets aux voix l'article 23, ainsi modifié.
(L'article 23 est adopté.)
M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que l'article 24 a été réservé.
Article additionnel après l'article 24
M. le président.
Par amendement n° I-118, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
24, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions du dernier alinéa de l'article 978 du code général des
impôts sont abrogées. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cet amendement de notre groupe porte sur un impôt qui, nous le savons, ne
rencontre pas l'assentiment de la majorité du Sénat : le droit de timbre sur
les opérations de Bourse.
Nous estimons nécessaire, contrairement à ce qui a pu être fait depuis
plusieurs années, de majorer assez sensiblement le rendement de cet impôt.
On sait en effet que l'assiette du droit de timbre s'est sensiblement réduite
et ne concerne pas, par exemple, les opérations menées sur les marchés
obligataires ou les opérations menées par les organismes de placement collectif
en valeurs mobilières.
On nous permettra également de souligner que le taux du droit de timbre, qui
est de 43 , est relativement faible puisqu'il représente, par exemple, 300
francs pour une transaction d'un montant de 100 000 francs.
Il est aujourd'hui, en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article
978 du code général des impôts, plafonné à 4 000 francs par opération,
c'est-à-dire que toutes les transactions, à partir de 1,3 million de francs
environ, sont taxées selon ce plafond.
C'est précisément ce plafond que nous proposons ici de supprimer par cet
amendement, dont l'objectif essentiel est de permettre de dégager de nouvelles
recettes fiscales, toujours utiles par les temps qui courent.
On nous objectera peut-être, par exemple, que cette situation pourrait nuire à
la fluidité, voire à l'activité du marché boursier en France. Nous ne pensons
pas qu'une telle analyse puisse être faite sur ce sujet.
Le caractère symbolique de l'impôt et le coût relativement faible de cet impôt
pour les intervenants sur marchés ne paraissent pas devoir justifier le
maintien d'un tel plafonnement.
Le document portant évaluation des voies et moyens évalue en effet à 150
millions de francs le coût du plafonnement de l'impôt sur les opérations de
bourse.
Ce sont donc 150 millions de francs - à comparer aux 2 500 milliards de francs
de capitalisation de la place de Paris - que nous vous proposons de récupérer
pour le compte de l'Etat, afin d'associer les marchés au financement de la
charge publique.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il est franchement défavorable !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
J'argumenterai un peu plus que M. le rapporteur
général.
Je comprends tout à fait la vertu symbolique de l'amendement défendu par Mme
Beaudeau, mais je voudrais insister sur un point pratique : le secteur
financier, en l'occurrence la place boursière de Paris, n'est pas seulement un
symbole ; c'est aussi un employeur.
Une fois l'euro mis en place, au début de l'an prochain, les places de Paris,
Francfort et Londres entreront en compétition. Or, vous savez que ces deux
dernières ont esquissé des rapprochements qui, si nous restions complètement
passifs, voire si nous durcissions les conditions de recours à la place de
Paris, pourraient être dommageables pour l'emploi lié à la Bourse de Paris.
Madame Beaudeau, vous avez déposé un amendement d'appel dont je comprends le
symbole, mais, au nom de la défense de l'emploi dans un secteur où la
concurrence est de plus en plus vive, même s'il reste très compétitif, je vous
demande de bien vouloir le retirer.
M. le président.
Madame Beaudeau, acceptez-vous de retirer votre amendement ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Absolument pas !
Monsieur le secrétaire d'Etat, je note dans votre réponse que c'est encore la
faute de l'euro et encore la faute de l'Europe !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Non, je n'ai pas dit cela !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous relirez vos propos au
Journal officiel
!
J'ai compris, moi, qu'avec l'arrivé de l'euro nous devons rester
concurrentiels. Par conséquent, je dis bien, c'est encore une fois la faute de
l'euro si nous ne pouvons supprimer le plafond pour dégager de nouvelles
recettes fiscales !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
C'est votre constatation !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?..
Je mets aux voix l'amendement n° I-118, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 25
M. le président.
« Art. 25. _ L'article 575 A du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° La deuxième phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :
« Toutefois, pour les cigarettes brunes, ce minimum de perception est fixé à
420 francs à compter du 1er janvier 1999, à 450 francs au 1er janvier 2000 et à
480 francs du 1er janvier au 31 décembre 2001 » ;
« 2° Au dernier alinéa, avant les mots : "Sont considérées", sont insérés les
mots : "Jusqu'au 31 décembre 2001,". » -
(Adopté.)
6
Motion d'ordre
M. le président.
Le Gouvernement a demandé que l'article 79
bis
du projet de loi de
finances, qui est rattaché au budget des charges communes, soit examiné au
cours de la séance de demain, avec le budget de la fonction publique et de la
réforme de l'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
effectivement, monsieur le président, cet article
concernant en fait le congé de fin d'activité, sa discussion a mieux sa place
dans le budget de la fonction publique.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Nous n'y voyons aucune objection,
monsieur le président.
M. le président.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Mes chers collègues, M. le président de la commission des finances nous ayant
fait part de son souhait de réunir la commission avant le dîner,...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je le confirme, monsieur le
président.
M. le président.
... nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à
vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une
heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER,
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication,
en date du 25 novembre 1998, relative à la consultation de l'assemblée
territoriale de la Polynésie française sur les projets de loi portant
ratification des ordonnances prises en application de la loi n° 98-145 du 6
mars 1998.
Ce document a été transmis aux commissionscompétentes.
8
LOI DE FINANCES POUR 1999
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté
par l'Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles, nous abordons l'examen de l'article 24,
précédemment réservé.
Article 24
(précédemment réservé)
M. le président.
« Art. 24. - I. - A. - Il est inséré, dans le code général des impôts, un
article 990 I ainsi rédigé :
«
Art. 990 I
. - I. - Lorsqu'elles n'entrent pas dans le champ
d'application de l'article 757 B, les sommes, rentes ou valeurs quelconques
dues directement ou indirectement par un ou plusieurs organismes d'assurance et
assimilés, à raison du décès de l'assuré, sont assujetties à un prélèvement de
20 % à concurrence de la part revenant à chaque bénéficiaire de ces sommes,
rentes ou valeurs correspondant à la fraction rachetable des contrats et des
primes versées au titre de la fraction non rachetable des contrats autres que
ceux mentionnés aux articles 154
bis,
885 J et au 1° de l'article 998 et
souscrits dans le cadre d'une activité professionnelle, diminuée d'un
abattement de 1 000 000 francs.
« Le bénéficiaire doit produire auprès des organismes d'assurance et assimilés
une attestation sur l'honneur indiquant le montant des abattements déjà
appliqués aux sommes, rentes ou valeurs quelconques reçues d'un ou plusieurs
organismes d'assurance et assimilés à raison du décès du même assuré.
« II. - Le prélèvement prévu au I est dû par le bénéficiaire et versé au
comptable des impôts par les organismes d'assurance et assimilés ou leur
représentant fiscal visé au III dans les quinze jours qui suivent la fin du
mois au cours duquel les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues par eux ont
été versées aux bénéficiaires à titre gratuit.
« Il est recouvré suivant les mêmes règles, sous les mêmes garanties et les
mêmes sanctions que la taxe sur les conventions d'assurances prévue aux
articles 991 et suivants.
« III. - Les organismes d'assurance et assimilés non établis en France et
admis à y opérer en libre prestation de services doivent désigner un
représentant résidant en France personnellement responsable du paiement du
prélèvement prévu au I. »
« B. - Les dispositions du A s'appliquent aux contrats souscrits à compter du
13 octobre 1998 et aux contrats en cours pour les primes versées à compter de
la même date.
« C. - Les entreprises d'assurances sur la vie ou de capitalisation, les
sociétés d'assurances mixtes, les mutuelles régies par le code de la mutualité
et les institutions de prévoyance sont assujetties à un prélèvement versé au
plus tard le 30 juin 1999. Son assiette est constituée par les primes ou
cotisations émises en 1998, nettes d'annulations ou de remboursements,
afférentes à des garanties vie ou de capitalisation, à l'exception des primes
ou cotisations afférentes à des contrats visés aux articles 154
bis,
885
J et au 1° de l'article 998 du code général des impôts et souscrits dans le
cadre d'une activité professionnelle.
« Le taux du prélèvement est fixé à 0,20 %.
« Le prélèvement est versé par les organismes d'assurance et assimilés visés
au premier alinéa ou leur représentant fiscal visé au III de l'article 990 I du
code général des impôts.
« Le prélèvement est recouvré suivant les mêmes règles, sous les mêmes
garanties et les mêmes sanctions que la taxe sur les conventions d'assurances
prévue aux articles 991 et suivants du code général des impôts.
« II. - L'article 806 du code général des impôts est complété par un IV ainsi
rédigé :
« IV. - Les organismes mentionnés au I de l'article 990 I ne peuvent se
libérer des sommes, rentes ou valeurs quelconques dues par eux, à raison du
décès de l'assuré, à tout bénéficiaire qu'après avoir déclaré à
l'administration fiscale :
« - le nom ou la raison sociale et la domiciliation de l'organisme d'assurance
ou assimilé ;
« - les nom, prénoms et domicile de l'assuré ainsi que la date de son décès
;
« - les nom, prénoms et domicile du ou des bénéficiaires pour chaque contrat
;
« - la date de souscription du ou des contrats et des avenants prévus par
l'article L. 112-3 du code des assurances de nature à transformer l'économie
même de ce ou ces contrats ;
« - les sommes, rentes ou valeurs dues au jour du décès de l'assuré au titre
de chaque contrat rachetable et correspondant aux primes versées à compter du
13 octobre 1998 et après le soixante-dixième anniversaire de l'assuré ;
« - le montant des primes versées à compter du 13 octobre 1998 et après le
soixante-dixième anniversaire de l'assuré au titre de chaque contrat non
rachetable mentionné au I de l'article 990 I ;
« - en cas de pluralité de bénéficiaires, la fraction des sommes, rentes ou
valeurs revenant à chacun d'entre eux.
« Cette déclaration doit être faite dans les conditions et délais fixés par
décret en Conseil d'Etat. »
« III. - A. - Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 1649
AA ainsi rédigé :
«
Art. 1649 AA
. - Lorsque des contrats d'assurance vie sont souscrits
auprès d'organismes mentionnés au I de l'article 990 I qui sont établis hors de
France, les souscripteurs sont tenus de déclarer en même temps que leur
déclaration de revenus, les références du ou des contrats, les dates d'effet et
de durée de ces contrats, ainsi que les avenants et opérations de remboursement
effectuées au cours de l'année civile. Les modalités d'application du présent
alinéa sont fixées par décret. »
« B. - Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 1740
decies
ainsi rédigé :
«
Art. 1740
decies
. - Les personnes physiques qui ne se
conforment pas aux obligations prévues par l'article 1649 AA sont passibles
d'une amende égale à 25 % des versements effectués au titre des contrats non
déclarés. Lorsque le contribuable apporte la preuve que le Trésor n'a subi
aucun préjudice, le taux de l'amende est ramené à 5 % et son montant plafonné à
5 000 francs.
« L'amende est recouvrée suivant les procédures et sous les garanties prévues
pour l'impôt sur le revenu. Les réclamations sont instruites et jugées comme
pour cet impôt. »
Sur l'article, la parole est à M. Massion.
M. Marc Massion.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous abordons l'article 24, que je trouve excellent et qui témoigne du fait
qu'un dispositif équilibré permet de recueillir un large accord, y compris de
la part des détracteurs initiaux.
De quoi s'agit-il ?
Aujourd'hui, les contrats d'assurance vie jouissent d'une exonération total
d'impôt sur les successions : chacun sait que des fortunes entières ont été
placées dans l'assurance vie pour échapper à l'impôt. Cette situation n'était
pas tolérable, démontrant combien, en étant par trop dérogatoire au droit
commun, un régime peut avoir des effets pervers considérables.
Dans son seizième rapport, le conseil des impôts a eu l'occasion de relever
que c'était dans les franges des patrimoines les plus élevées que les
contribuables arrivaient à échapper à l'impôt par ce biais, ce qui n'est pas
acceptable au regard de l'équité fiscale.
Il était donc normal que le Gouvernement souhaite revenir sur ce régime
d'exonération, comme l'engagement en avait été pris lors de la dernière
campagne des élections législatives. Personne ne peut donc prétendre être pris
en traite dans cette affaire.
Si le Gouvernement a pour devoir de prévenir la fraude fiscale et de la
sanctionner si elle se produit, il a aussi l'obligation d'empêcher l'évasion
fiscale.
Ce que vous nous proposez aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, va dans
ce sens, et nous vous en savons gré.
Lorsque l'opposition a dénoncé cet article à l'Assemblée nationale, elle
avançait des chiffres considérables : pour elle, l'ensemble du secteur de
l'assurance vie serait visé par le dispositif. Soyons sérieux !
Avec un abattement de 1 million de francs, le dispositif du Gouvernement ne
visait que les plus gros contrats. Je me suis fait communiquer les statistiques
d'une mutuelle, l'une de celles qui distribuent le plus grand nombre de
contrats de ce type, et la réalité est éclairante : 85 % de ses contrats ne
dépassent pas la somme de 40 000 francs par titulaire. Comparez vous-mêmes, mes
chers collègues : 40 000 francs contre 1 million de francs !
On a, par ailleurs, évoqué les incertitudes juridiques que pouvait engendrer
le dispositif. Pour moi, le débat sur la rétroactivité fiscale n'avait pas de
sens. D'abord, parce qu'elle est autorisée par la loi et parce que, sur le
fond, s'il en était autrement, une majorité parlementaire d'alternance n'aurait
aucune possibilité de voter des mesures fiscales inhérentes à ses choix
politiques ; elle ne pourrait que légiférer pour un avenir éventuellement
limité.
Au demeurant, est-ce sérieux de considérer qu'il y a un contrat quasi
juridique passé entre l'Etat et le titulaire ? A mon sens non ! Ce dernier doit
arbitrer pour ses investissements, dans le cadre d'un contexte donné où se
mêlent conjoncture boursière et régime fiscal donné pour ces produits, en
sachant que ces deux paramètres ne sont pas figés tout simplement. On ne voit
pas pourquoi, sous prétexte que l'assurance vie porte sur une épargne de long
terme, elle serait à ce point privilégiée.
En revanche, j'étais dans le doute s'agissant de la question du double seuil.
Je ne pense pas, en effet, au regard de l'égalité devant l'impôt, que l'on
puisse fixer un seuil d'imposition différent en fonction de l'importance du
patrimoine.
C'est pourquoi, je me félicite que l'Assemblée nationale ait résolu cette
question en prévoyant un dispositif, par ailleurs modéré dans son application :
un seuil de 1 million de francs non plus de capiral transmis mais par
bénéficiaire, et un prélèvement forfaitaire de 20 % me paraissent de nature à
ne susciter aucune critique.
Mes chers collègues, les réformes consensuelles sont souvent de bonnes
réformes, et je constate avec satisfaction que la majorité de la commission des
finances a adopté cet article.
Je souhaite qu'en séance publique ce vote unanime soit confirmé.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Elle avait peur que ce soit pire !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite formuler quelques brèves
considérations liminaires sur cet article 24.
Comme vous le savez, mes chers collègues, la version initiale du texte
concernant l'assurance-vie était véritablement inacceptable, car susceptible de
porter gravement atteinte à la sécurité juridique de la fiscalité relative à
l'assurance-vie.
Les modifications qui ont été apportées par l'Assemblée nationale nous
permettent d'examiner ce texte de manière plus sereine. Le document qui nous
est soumis est, à certains égards, un moindre mal qui serait sans doute encore
un peu perfectible, mais nous craindrions, si nous nous livrions à une
véritable modification de ce texte, de déplacer les équilibres subtils qui
existent au sein de la majorité dite plurielle de l'Assemblée nationale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est la raison essentielle pour laquelle, ne
voulant pas accroître l'instabilité législative en ce domaine, la commission
des finances n'a pris l'initiative d'aucun amendement sur l'article 24.
Je souhaite toutefois formuler quelques remarques ou quelques questions à
l'intention du Gouvernement.
Je me permettrai tout d'abord de faire remarquer que le régime fiscal de
l'assurance vie a été modifié dix-neuf fois depuis 1980, douze fois depuis le
1er janvier 1990 et cinq fois depuis 1996.
Les professionnels estiment que ces changements continuels ou, du moins, trop
fréquents fragilisent l'assurance-vie et donc l'industrie financière française
à l'heure de l'euro.
Au demeurant, ce n'est pas un hasard si la collecte de l'assurance vie pour
les neuf premiers mois de l'année 1998 s'est inscrite en baisse de l'ordre de
12 %.
Le Gouvernement peut-il nous confirmer et, surtout, confirmer aux assurés
qu'après cette nouvelle réforme nous disposerons enfin d'un cadre fiscal
stabilisé ?
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais qu'il vous soit
possible de garantir au Sénat le caractère véritablement exceptionnel du
prélèvement de 0,2 % sur les compagnies d'assurance.
D'après la lecture que nous avons faite, le texte l'indique implicitement
puisque le C du paragraphe I de l'article 24 détermine l'assiette du
prélèvement en faisant référence aux primes ou aux cotisations émises en 1998.
Toutefois, il serait souhaitable que le Gouvernement s'engage officiellement à
ne pas banaliser ce prélèvement.
Par ailleurs, je considère que le paragraphe II de l'article 24 relève du
domaine réglementaire. Comme pour l'article 757 B du code général des impôts,
la liste des informations à fournir par les compagnies d'assurances aurait sans
doute pu être arrêtée par un décret en Conseil d'Etat. Mais nous n'irons pas
au-delà de cette remarque, monsieur le secrétaire d'Etat, et nous n'avons pas
déposé d'amendement sur ce point.
Je conclurai mon propos par deux questions.
L'article 24 répond au souci du Gouvernement d'empêcher les abus lors de la
transmission du patrimoine par le biais de l'assurance vie. Mais il est clair
qu'il ne doit pas pénaliser les efforts de prévoyance en vue de la retraite et
du décès des assurés. C'est pourquoi ce texte prévoit un certain nombre
d'exclusions auxquelles nous allons de manière très consensuelle en ajouter une
autre. Si ces exclusions sont très importantes, elles sont néanmoins par nature
incomplètes.
Pour que les intentions du législateur puissent être clairement appliquées à
toutes les situations que la loi ne peut pas détailler, le Gouvernement peut-il
confirmer que les textes d'application prendront en compte les objectifs que je
viens de rappeler ?
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite compléter cette demande
relative à l'exclusion de la prévoyance du champ d'application de l'article 24
sur un point essentiel : le Gouvernement peut-il confirmer au Sénat que les
sommes dues au titre des réversions de rentes viagères entre époux et parents
en ligne directe ne seront pas assujetties à la nouvelle taxation ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
Par amendement n° I-269, le Gouvernement propose :
I. - Dans le premier alinéa du I du texte présenté par le A du I de l'article
24 pour l'article 990 I du code général des impôts, après les mots : « contrats
autres », d'insérer les mots : « que ceux mentionnés au premier alinéa du 2° de
l'article 199
septies
et ».
II. - Dans les sixième et septième alinéas du texte présenté par le II de ce
même article pour le IV de l'article 806 du code général des impôts, de
supprimer les mots : « et après le soixante-dixième anniversaire de l'assuré
».
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
M. Massion a bien montré dans quelles
perspectives se situait le Gouvernement.
Nous voulons en effet, d'abord, développer l'épargne longue de précaution, qui
est à la fois utile au développement dans notre pays et nécessaire à chacun
pour envisager l'avenir avec confiance.
Dans le même temps, et M. Massion y a justement insisté, le Gouvernement est
aussi guidé par un souci de justice fiscale. En fait, il n'y a pas de meilleur
formule que celle que vous avez employée, monsieur le rapporteur général : nous
avons la volonté d'empêcher les abus.
Cela étant, comme vous l'avez également dit, monsieur le rapporteur général,
tout est perfectible et, avant de présenter l'amendement n° I-269, je voudrais
répondre à vos interrogations.
Est-ce la fin d'un processus de réforme de l'assurance vie ? Je peux répondre
par l'affirmative à cette question. Selon le Gouvernement, nous sommes parvenus
à un juste équilibre entre la volonté de développer l'épargne longue dans notre
pays et celle d'empêcher les abus. Par conséquent, après que le Gouvernement
précédent eut réformé l'assurance vie dans une certaine direction, puis que
nous l'eussions fait à notre tour, l'assurance-vie va maintenant connaître un
régime fiscal de croisière.
Vous m'avez également demandé si le régime de 0,2 % était exceptionnel. Là
encore, la réponse est affirmative.
Il en va de même en ce qui concerne la question fort complexe que vous m'avez
posée sur les reversions.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Plein succès !
(Sourires.)
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Mais le Gouvernement sait respecter le travail de la
commission des finances du Sénat et de son rapporteur général lorsque la
sagacité les inspire, et c'est souvent le cas !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La soirée commence bien !
(Nouveaux sourires.)
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
J'en viens à l'amendement n° I-269.
Vous avez à juste titre relevé, monsieur le rapporteur général, que le
dispositif adopté en première lecture à l'Assemblée nationale comportait une
ambiguïté - certains diraient : une erreur - dans la mesure où les obligations
déclaratives à la charge des organismes d'assurance-vie qui sont mentionnées
dans le texte ne concerneraient que les primes versées après le
soixante-dixième anniversaire de l'assuré. Il y a là une sorte de vide
juridique dans les obligations déclaratives qui est certainement contraire à la
volonté du législateur.
C'est pourquoi l'amendement n° I-269 tend à supprimer les termes : « et après
soixante-dix ans ».
Par ailleurs, monsieur le rapporteur général - pardonnez-moi de mettre ainsi
votre modestie à pareille épreuve !
(Sourires)
-, vous avez dit que le
texte adopté par l'Assemblée nationale était perfectible, notamment, en ce qui
concerne les contrats qui garantissent le versement d'un capital ou d'une rente
viagère à un enfant handicapé.
J'avais déjà été alerté sur ce point par vos collègues du groupe socialiste,
auxquels je me dois de rendre aussi justice, car ils s'étaient émus du silence
du texte sur ce point.
L'autre partie de l'amendement n° I-269 vise donc à répondre au souci que le
groupe socialiste et vous-même avez exprimé.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission, réunie lors de la suspension de
séance, a examiné cet amendement.
Elle a constaté que le paragraphe I répondait à un réel besoin social. Nos
collègues socialistes avaient exprimé leur préoccupation à ce sujet.
Cette avancée avait été souhaitée dans mon rapport écrit. Notre collègue
Bernard Joly a également déposé un amendement dans ce sens.
Il s'agit d'une mesure d'équité, tenant compte de la nature propre des
contrats de prévoyance destinés à permettre à un enfant handicapé de s'assumer,
de trouver son autonomie économique lorsque ses parents auront disparu.
Le paragraphe II de l'amendement à rectifier ce qui nous est apparu comme une
erreur matérielle. Quoi qu'il en soit, il nous semble tirer les conséquences
des intentions qui ont guidé le compromis intervenu à l'Assemblée nationale.
La commission émet donc un avis tout a fait favorable sur cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-269, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° I-144 rectifié, MM. Joly, de Montesquiou, Pelletier et
Huriet proposent :
I. - De compléter
in fine
le paragraphe B du I de l'article 24 par les
mots : « , mais ne s'appliquent pas aux contrats souscrits en faveur de
personnes handicapées. »
II. - De compléter
in fine
cet article par un paragraphe additionnel
ainsi rédigé :
« ... - Pour compenser les pertes de recettes dues au dégrèvement du
prélèvement de 20 % sur les contrats souscrits en faveur des personnes
handicapées, les droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts sont relevés à due concurrence. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux vois l'article 24, modifié.
(L'article 24 est adopté.)
Article 26
M. le président.
« Art. 26. - I. - L'article 231
ter
du code général des impôts est
ainsi rédigé :
«
Art. 231
ter
. - I. - Une taxe annuelle sur les locaux à usage
de bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage est perçue dans
les limites territoriales de la région d'Ile-de-France, composée de Paris et
des départements de l'Essonne, des Hauts-de-Seine, de la Seine-et-Marne, de la
Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, du Val-d'Oise et des Yvelines.
« II. - La taxe est due par les personnes privées ou publiques qui sont
propriétaires de locaux imposables ou titulaires d'un droit réel sur de tels
locaux.
« La taxe est acquittée par le propriétaire, l'usufruitier, le preneur à bail
à construction, l'emphytéote ou le titulaire d'une autorisation d'occupation
temporaire du domaine public constitutive d'un droit réel qui dispose, au 1er
janvier de l'année d'imposition, d'un local taxable.
« III. - La taxe est due :
« 1° Pour les locaux à usage de bureaux, qui s'entendent, d'une part, des
bureaux proprement dits et de leurs dépendances immédiates et indispensables
destinés à l'exercice d'une activité, de quelque nature que ce soit, par des
personnes physiques ou morales privées, ou utilisés par l'Etat, les
collectivités territoriales, les établissements ou organismes publics et les
organismes professionnels, et d'autre part, des locaux professionnels destinés
à l'exercice d'activités libérales ou utilisés par des associations ou
organismes privés poursuivant ou non un but lucratif ;
« 2° Pour les locaux commerciaux, qui s'entendent des locaux destinés à
l'exercice d'une activité de commerce de détail ou de gros et de prestations de
services à caractère commercial ou artisanal ainsi que de leurs réserves
attenantes ;
« 3° Pour les locaux de stockage, qui s'entendent des locaux ou aires
couvertes destinés à l'entreposage de produits, de marchandises ou de biens et
qui ne sont pas intégrés topographiquement à un établissement de production.
« IV. - Pour le calcul des surfaces visées au 3° du V et au VI, il est tenu
compte de tous les locaux de même nature, hors parties communes, qu'une
personne privée ou publique possède à une même adresse ou, en cas de pluralité
d'adresses, dans un même groupement topographique.
« V. - Sont exonérés de la taxe :
« 1° Les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de
stockage, situés dans une zone franche urbaine telle que définie par le B du 3
de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour
l'aménagement et le développement du territoire ;
« 2° Les locaux appartenant aux fondations et aux associations, reconnues
d'utilité publique, dans lesquels elles exercent leur activité, ainsi que les
locaux spécialement aménagés pour l'archivage administratif et pour l'exercice
d'activités de recherche ou à caractère sanitaire, social, éducatif ou culturel
;
« 3° Les locaux à usage de bureaux d'une superficie inférieure à 100 mètres
carrés, les locaux commerciaux d'une superficie inférieure à 300 mètres carrés,
les locaux de stockage d'une superficie inférieure à 500 mètres carrés.
« VI. - Les tarifs sont applicables dans les conditions suivantes :
« 1.
a.
Pour les locaux à usage de bureaux, un tarif distinct au mètre
carré est appliqué par circonscription, telle que définie ci-après :
« - première circonscription : ler, 2e, 3e, 4e, 6e, 7e, 8e, 9e, 14e, 15e, 16e,
17e arrondissements de Paris et arrondissements de Nanterre et
Boulogne-Billancourt du département des Hauts-de-Seine. »
« - deuxième circonscription : 5e, 10e, 11e, 12e, 13e, 18e, 19e, 20e
arrondissements de Paris et arrondissement d'Antony du département des
Hauts-de-Seine ainsi que les départements de Seine-Saint-Denis et du
Val-de-Marne ;
« - troisième circonscription : départements de Seine-et-Marne, des Yvelines,
de l'Essonne et du Val-d'Oise.
« Dans chaque circonscription, ce tarif est réduit pour les locaux possédés
par l'Etat, les collectivités territoriales, les organismes ou les
établissements publics sans caractère industriel ou commercial, les organismes
professionnels ainsi que les associations ou organismes privés sans but
lucratif à caractère sanitaire, social, éducatif, sportif ou culturel et dans
lesquels ils exercent leur activité.
«
b.
Pour les locaux commerciaux et de stockage, un tarif distinct au
mètre carré est appliqué selon que la surface totale imposable excède ou non
respectivement 2 500 mètres carrés et 5 000 mètres carrés.
« 2. Au titre des années 1999 à 2004, les tarifs au mètre carré sont fixés à
:
« 1° Pour les locaux à usage de bureaux :
1re CIRCONSCRIPTION |
2e CIRCONSCRIPTION |
3e CIRCONSCRIPTION
|
||||
---|---|---|---|---|---|---|
Année |
Tarif normal |
Tarif réduit |
Tarif normal |
Tarif réduit |
Tarif normal |
Tarif réduit |
1999 | 70 | 35 | 42 | 25 | 20 | 18 |
2000 | 72 | 36 | 43 | 26 | 21 | 19 |
2001 | 74 | 37 | 44 | 27 | 22 | 20 |
2002 | 76 | 38 | 45 | 28 | 23 | 21 |
2003 | 78 | 39 | 46 | 29 | 24 | 22 |
2004 | 80 | 40 | 47 | 30 | 25 | 23 |
« 2° Pour les locaux commerciaux :
ANNÉE |
SURFACE TOTALE COMPRISE entre 300 m² et 2 500 m² |
SURFACE TOTALE ÉGALE ou supérieure à 2 500 m² |
---|---|---|
1999 | 12 | 30 |
2000 | 15 | 36 |
2001 | 18 | 42 |
2002 | 21 | 48 |
2003 | 24 | 54 |
2004 | 27 | 60 |
« 3° Pour les locaux de stockage :
ANNÉE |
SURFACE TOTALE COMPRISE entre 500 m² et 5 000 m² |
SURFACE TOTALE ÉGALE ou supérieure à 5 000 m² |
---|---|---|
1999 | 7 | 14 |
2000 | 9 | 17 |
2001 | 11 | 20 |
2002 | 13 | 23 |
2003 | 15 | 26 |
2004 | 17 | 28 |
« 3. A compter de l'année 2005, les tarifs de la taxe sont
révisés annuellement en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la
construction.
« VII. - Les redevables sont tenus de déposer une déclaration accompagnée du
paiement de la taxe, avant le 1er mars de chaque année, auprès du comptable du
Trésor du lieu de situation des locaux imposables.
« VIII. - 1. Le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et
les sanctions relatifs à la taxe sont régis par les règles applicables en
matière de taxe sur les salaires.
« 2. Le privilège prévu au 1° du 2 de l'article 1920 peut être exercé pour le
recouvrement de la taxe.
« II. - Au
c
du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, les
mots : "taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux" sont remplacés par les
mots : "taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux
et les locaux de stockage". »
Sur l'article, la parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Par cet article, monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous proposez deux
dispositions de nature différente : l'extension de l'assiette de la taxe sur
les bureaux aux commerces de détail de plus de trois cents mètres carrés et aux
locaux de stockage d'une superficie supérieure à cinq cents mètres carrés,
d'une part, et une indexation du tarif de la taxe, d'autre part.
Je marque ici une opposition très ferme à l'extension de l'assiette de la
taxe. Celle-ci représenterait une injustice, un non-sens économique et une
régression de l'aménagement du territoire en Ile-de-France.
Car, l'Ile-de-France, vous le savez mieux que quiconque, monsieur le
secrétaire d'Etat, mérite aussi un bon aménagement du territoire.
Si la taxe en question peut se justifier s'agissant des bureaux, il n'en est
pas de même pour les activités commerciales et les entrepôts, dont la
répartition sur le territoire de la région est actuellement relativement
équilibrée.
Les commerces de détail jouent un rôle essentiel dans l'animation des centres
villes, à proximité des lieux de clientèle. Ils répondent à une réelle attente
des personnes peu mobiles ou non motorisées. Ils représentent souvent un
dernier rempart contre la forme de grande exclusion qu'est la solitude.
Les taxer irait donc totalement à l'encontre de la politique pratiquée par la
plupart de nos municipalités, qui cherchent, à l'inverse, à encourager leur
installation lorsqu'ils n'existent pas et à les soutenir lorsqu'ils
existent.
A vous suivre, monsieur le secrétaire d'Etat, on risquerait de favoriser la
concentration des commerces hors des agglomérations, alors même que l'on
assiste depuis quelques mois à un nouveau déplacement de la grande
distribution.
Ce phénomène de concentration des commerces aurait évidemment des conséquences
fâcheuses sur la circulation, les nuisances et la qualité de la vie : excusez
du peu !
S'agissant des lieux de stockage, les soumettre à de nouvelles charges
entraînerait des délocalisations vers les régions proches, ce qui ne serait
qu'un moindre mal s'il s'agit, par exemple, de la Picardie - n'est-ce pas
monsieur le rapporteur général ?
(Sourires.)
- mais aussi, bien souvent, vers les pays voisins, avec cette
fois des conséquences à l'échelle nationale, notamment en termes d'emploi.
Et la justification de l'article 26 ne saurait se trouver dans un objectif
d'aménagement du territoire ! Il ne s'agit plus du débat Ile-de-France -
province : c'est un débat qui oppose l'Etat et l'Ile-de-France. La province n'a
donc rien à y gagner. En revanche, l'Ile-de-France, en première ligne, a tout à
y perdre.
Nous ne sommes d'ailleurs pas non plus dans un débat droite-gauche. J'ai
moi-même interrogé publiquement à ce sujet le président de la région
d'Ile-de-France, M. Jean-Paul Huchon, alors qu'il était, voilà quelques jours,
en visite dans les Hauts-de-Seine. Il m'a confirmé qu'il partageait mon analyse
et m'a autorisé à en faire état.
Il devait le faire parce que l'avenir de la région est en jeu.
Il devait le faire aussi pour une question de principe : votre article 26
représente, en effet, une forme de renationalisation de l'aménagement du
territoire francilien, à laquelle ne peuvent évidemment que s'opposer la grande
majorité des élus de la région, quelle que soit leur sensibilité politique.
Si le débat n'est pas classique, c'est donc que la disposition proposée n'est
tout simplement pas bonne. C'est pourquoi je souhaite, monsieur le secrétaire
d'Etat, que vous y renonciez.
M. Jean-Jacques Hyest.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon
collègue Bertrand Delanoë aurait souhaité s'exprimer sur ce sujet qui lui tient
particulièrement à coeur. Le retard pris dans le déroulement de nos travaux
l'en a empêché. Bien entendu, je l'associe à mon intervention.
Il me faut tout d'abord rappeler rapidement le fondement de cet article.
Jusqu'en 1994, la région d'Ile-de-France recevait une dotation globale de
fonctionnement. Depuis 1995, à la suite du vote d'une disposition figurant dans
la loi sur l'aménagement et le développement du territoire, cette DGF, qui
atteignait alors 1,2 milliard de francs, est réduite chaque année de 120
millions de francs.
Cependant, parallèlement, les moyens du fonds pour l'aménagement de la région
d'Ile-de-France, le FARIF, sont affectés à la région à concurrence de la
réduction de la DGF pour qu'elle finance, jusqu'en 1998, les projets arrêtés
par l'Etat et, à partir de 1998, ses propres projets.
Or ce fonds est financé par la taxe annuelle sur les bureaux en Ile-de-France.
Le produit, tant actuel que prévisionnel, de cette taxe ne permettra pas
d'assurer le versement prévu.
Il est pourtant nécessaire que les moyens d'intervention de FARIF soient
maintenus, car ce fonds permet de financer la construction de logements
sociaux, des investissements en matière de transports en commun et des
infrastructures routières. Le choix opéré en 1995 était donc très discutable.
Je rappelle d'ailleurs que le groupe socialiste l'avait combattu à l'époque.
Aujourd'hui, il faut trouver une recette de substitution afin que le
financement de nombreux investissements en Ile-de-France puisse se poursuivre.
Le Gouvernement propose d'étendre à d'autres secteurs l'assiette de la taxe
annuelle sur les bureaux. C'est une solution simple, susceptible d'apporter les
financements nécessaires et, j'insiste sur ce point, ciblée sur les
bénéficiaires des investissements.
Il n'est tout de même pas anormal que ce soient les utilisateurs des
infrastructures publiques de la région qui contribuent en partie à leur
financement, surtout quand ils bénéficient par ailleurs de la baisse de la taxe
professionnelle.
La position de la majorité sénatoriale, qui refuse l'extension sans préconiser
de solution de remplacement, est donc peu logique et contraire aux besoins de
développement de la région d'Ile-de-France.
Toutefois, la disposition qui nous est proposée pose de réels problèmes.
(Ah ? sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Denis Badré.
C'est un peu ce que je viens de dire !
M. Bernard Angels.
Mais, mes chers collègues, il faut savoir être logique ! Vous l'avez sans
doute remarqué, je suis quelqu'un qui dit les choses telles qu'elles sont.
(Exclamations sur les mêmes travées.)
Nous verrons qui rira le dernier !
L'extension est trop large, trop rapide et, dans certains cas, contraire à des
priorités par ailleurs défendues par le Gouvernement et auxquelles nous sommes
très sensibles. Je pense, en particulier, à l'extension aux restaurants et
cafés de quartier et aux hôtels de faible et moyenne catégorie. Nous avons la
volonté, pour développer l'animation et l'emploi dans nos quartiers et dans nos
villes, de contribuer à leur maintien et à leur développement. Les taxer
apparaîtrait comme contradictoire et, de plus, cela irait à l'encontre de notre
priorité principale : l'emploi.
Cette appréciation est également valable pour les commerces construits
accessoirement aux logements sociaux par les organismes d'HLM.
Plus généralement, il faut s'assurer que l'augmentation de la taxe ne viendra
pas aggraver au-delà de la baisse de la taxe professionnelle les charges des
entreprises. Cela pourrait alors être néfaste, en particulier pour les ports et
aéroports de la région, qui pourraient perdre une partie de leur compétitivité
face à leurs concurrents. En outre, cela risquerait d'entraîner des
délocalisations d'entrepôts, ce qui aurait pour conséquence indirecte
d'accroître les transferts routiers en Ile-de-France, ce qui, là encore, serait
en contradiction avec notre volonté d'améliorer l'environnement et la qualité
de l'air de notre région.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, il est indispensable de
remettre la mesure sur le métier, et c'est ce que nous demandons au
Gouvernement. Nous ferons d'ailleurs des propositions en ce sens.
M. le président.
La parole est à M. de La Malène.
M. Christian de La Malène.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, sur
ce malheureux article 26, tout a été dit ou va être dit. Tout a été écrit, ou
va être écrit... sauf les compliments ! Je me rangerai dans l'orthodoxie, ne
soyez pas inquiet monsieur le secrétaire d'Etat.
(Sourires).
Le Gouvernement craint que la région n'utilise mal les fonds qu'elle
reçoit, en tout cas qu'elle ne les utilise pas pour l'équipement.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est tout à fait ça !
M. Christian de La Malène.
Je crois qu'il se trompe ! Le Gouvernement craint que les crédits du fonds
pour l'aménagement de la région d'Ile-de-France, le FARIF, destinés à abonder
les crédits de la région, ne soient pas suffisants pour faire face aux charges
d'équipement de l'Etat. Par conséquent, le Gouvernement souhaite trouver,
localement, une recette de 1,2 milliard de francs.
Et pour y parvenir, il a inventé une taxe ! C'est un mauvais moyen. Monsieur
le secrétaire d'Etat, j'ai toujours appris, sur les bancs de l'école, puis au
cours d'une trop longue carrière politique, que multiplier les taxes c'était
une façon déplorable d'agir. D'ailleurs, de temps en temps, nous en
supprimons,...
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est rare !
M. Christian de La Malène.
... ce qui montre bien que cette manière de faire est loin d'être
judicieuse.
Par ailleurs, cette taxe est - pardonnez la trivialité de l'expression - une
extraordinaire « usine à gaz » ! Vous inventez un système avec trois zones et
deux tarifs. Ces tarifs sont fixés de façon prospective jusqu'en 2004. Surtout,
l'assiette sur laquelle repose cette taxe est arbitraire : il est tout à fait
arbitraire de retenir comme seul critère de taxation les surfaces.
Autre inconvénient de cette mesure : vous déterminez le rendement que vous
voulez obtenir en 2004 et, à partir de l'objectif ainsi défini, vous indiquez
les tarifs que vous appliquerez ici ou là de façon à obtenir 1,2 milliard de
francs en 2004. Il s'agit là d'une curieuse façon de procéder !
Vous dites avoir retenu ces contribuables - les commerçants et les zones
d'activité qui se situent au-dessus d'un certain niveau - parce qu'ils
bénéficient plus que d'autres de la logistique qui est réalisée grâce aux
investissements du FARIF. Pour quelle raison un commerçant hôtelier
bénéficierait-il davantage que les autres citoyens des investissements réalisés
dans le métro ou en matière d'autoroute ?
L'argument de la logistique ne me paraît donc pas pouvoir être retenu.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, il est peut-être normal de transférer
des ressources de la région parisienne à la province. Nous n'y sommes pas
hostiles. En revanche, nous sommes hostiles à ce que seuls les commerçants et
les gestionnaires d'aires de stockage supportent ces transferts de charges de
1,2 milliard de francs. Pourquoi avoir choisi ces contribuables-là ?
M. Denis Badré.
Très juste !
M. Christian de La Malène.
N'est-ce pas illogique, anormal et arbitraire ?
Tout le monde vous l'a dit, monsieur le secrétaire d'Etat ! Je ne suis pas
original en vous tenant ces propos. Vous ne reconnaîtrez certainement pas que
votre copie est mauvaise mais, au fond de votre coeur, vous le pensez. Alors,
monsieur le secrétaire d'Etat, refaites-la !
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je partage, bien entendu, ce qui a été dit par mon ami Denis Badré et par M.
de La Malène, ainsi que la seconde partie des propos tenus par M. Angels au nom
de M. Delanoë.
Monsieur le secrétaire d'Etat, à l'époque, la taxe sur les bureaux a été
instituée afin d'éviter une trop grande concentration de bureaux en
Ile-de-France. Tel était l'objectif poursuivi, et il avait une logique.
Par la suite, ce fonds n'a servi que partiellement, car l'Etat n'a pas
toujours été capable d'inscrire les crédits nécessaires pour réaliser des
opérations.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est de l'argent qui dort !
M. Jean-Jacques Hyest.
Effectivement ! A l'instar des fonds européens, ces crédits ne sont pas
consommés ! D'ailleurs, lors de la discussion de la loi d'orientation pour
l'aménagement et le développement du territoire, cela a été rappelé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je me permettrai d'illustrer mon propos.
Cette taxe doit s'appliquer aux coopératives agricoles - il y en a en
Ile-de-France ! - au stockage des agriculteurs. Or, il est bien difficile de
maintenir des agriculteurs en Ile-de-France. Ces derniers ont payé de lourdes
taxes, notamment en raison de la réalisation de grandes infrastructures.
Va-t-on encore les taxer ? Une coopérative importante de Seine-et-Marne va
payer, à terme, 9 millions de francs de taxe. C'est insupportable ! Ces mesures
n'ont pas fait l'objet d'une réflexion suffisante. Tout le monde se plaint,
mais le Gouvernement continue !
J'ai lu les débats de l'Assemblée nationale : sur tous les bancs, les députés
ont dit que cette taxe était absurde. Néanmoins, on continue de la défendre. Je
crois vraiment que cela débouche sur un non-sens total.
Ainsi, en dehors des grandes plates-formes notamment aéroportuaires, la
création de plates-formes multimodales est prévue, en particulier dans le
secteur de Roissy. Mais elles ne seront pas installées en Ile-de-France, à
cause de cette taxe ; elles seront implantées en Belgique, ou ailleurs.
Nous perdrons donc un peu de compétitivité. Ce n'est certainement pas
l'intérêt de la France de voir disparaître des entreprises !
On parle d'allégements de taxe professionnelle, mais, d'un autre côté, la
politique que vous menez aura des effets redoutables pour un certain nombre
d'entreprises. Il s'agit notamment, monsieur le secrétaire d'Etat, d'un mauvais
coup porté à l'agriculture d'Ile-de-France.
M. Daniel Hoeffel.
Donc à l'Ile-de-France !
M. Jean-Jacques Hyest.
Effectivement !
Si vous voulez y maintenir une agriculture et empêcher que cette région ne
compte que des terrains urbanisés, il ne faut certainement pas persévérer dans
la voie que vous avez choisie. C'est mauvais pour l'aménagement du territoire
!
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne pouvez pas oublier vos responsabilités
passées. Vous avez été un grand préfet de la région d'Ile-de-France. Alors,
n'oubliez pas ce que vous avez été !
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Calméjane.
M. Robert Calméjane.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
tout ce qui a été dit va être redit par mes soins, mais tous ces propos n'en
auront que plus de poids !
Nous nous trouvons, une fois de plus, devant un mélange d'arbitraire
technocratique du ministère des finances, souvent dénoncé, et de méconnaissance
de la réalité économique. Cette mesure, qui n'a fait l'objet d'aucune
concertation préalable, aggraverait, si elle était adoptée, les inconvénients
fort pénalisants de la taxe sur les surfaces de bureaux.
Unanimement dénoncé par la chambre de commerce et d'industrie de Paris, la
fédération régionale de l'industrie hôtelière, la chambre de l'immobilier, de
la construction et du bâtiment et même la fédération régionale des coopératives
agricoles d'Ile-de-France - M. Hyest le disait à l'instant - cet élargissement
de l'assiette de la taxe est un dur coup porté à des milliers d'entreprises de
notre région.
Ce projet menace tout particulièrement les activités commerciales, de
transport et de soutien logistique qui conditionnent le dynamisme
économique.
A ne pas vouloir réduire son train de vie, l'Etat se trouve obligé de
ponctionner tous azimuts. Cela ne nous étonne pas, mais les expédients
budgétaires ne constituent pas une politique économique.
Frapper ainsi toutes les exploitations commerciales de plus de 300 mètres
carrés et les entrepôts de plus de 500 mètres carrés, c'est étouffer l'activité
en Ile-de-France, du café-restaurant au hangar agricole, car il faut cesser de
penser aux prestigieuses surfaces de bureaux parisiens ou aux magasins des
Champs-Elysées. Le problème est ailleurs, dans nos villes de banlieues comme
dans les villages ruraux de Seine-et-Marne, ou les entrepôts de toutes les
zones industrielles qui se sont, grâce à la volonté de développement des élus
locaux, multipliés en Ile-de-France.
Non seulement notre région est frappée de manière discriminatoire - M. Huchon
lui-même, président socialiste du conseil régional, a demandé la suppression de
cette mesure - mais encore les critères de taxation retenus sont
intrinsèquement mauvais. L'assiette adoptée, c'est-à-dire le mètre carré,
indépendamment de son rendement financier et de la valeur ajoutée de ses
aménagements, est, de surcroît, économiquement injustifiable.
Pour que l'Etat, selon ses dires, préserve ses moyens d'intervention en
Ile-de-France - à quelles fins ? nous le demandons - le Gouvernement s'apprête
ainsi à prélever, dès 1999, plus de 500 millions de francs supplémentaires sur
l'économie francilienne. En 2004, la ponction nouvelle dépasserait ainsi 1,2
milliard de francs, soit une augmentation de un à dix en six ans.
C'est une véritable fiscalité de l'aménagement du territoire, sans cadre
légal, qui s'instaure désormais. Dans toutes les régions où apparaîtront des
déséquilibres en matière de logement, de transports et de routes, les Français
vont-ils être ainsi rançonnés par une imposition rampante à géométrie variable
?
Faisant preuve de sagesse, mes collègues de la commission des finances ont
rejeté cette extension de l'assiette de la taxe, considérant que cette réforme
est contradictoire avec l'allégement de la taxe professionnelle, dont elle
annulerait les effets sur tout un secteur d'activités. Dans certains cas, la
ponction est deux fois supérieure à la part de taxe professionnelle fondée sur
les salaires. En outre, cette réforme est susceptible d'encourager des
délocalisations d'activités, précarisant un peu plus le niveau d'emplois.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de voter l'abandon de cette
extension de la taxe.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, j'ai senti quelques doutes...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce sont plus que des doutes !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
... de la part des orateurs, pour la plupart
d'Ile-de-France, à propos de la disposition que vous propose le
Gouvernement.
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Elle est sévère !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je vais donc vous répondre.
M. de La Malène a parlé, à juste titre, d'un « malheureux article ». Ces
mesures tirent leur origine - cela a été très bien dit par M. Angels, au nom de
M. Delanoë - surtout de la réalité et remontent à 1995.
M. Christian de La Malène.
On vous demande d'abroger cette mesure ! Si vous la trouvez mauvaise,
abrogez-la ! Vous n'avez pas le courage de l'abroger !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur de La Malène, je vous ai écouté sans vous
interrompre, laissez-moi donc vous répondre.
M. Christian de La Malène.
Il ne faut pas dire de contre-vérités !
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat, et à lui seul.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Badré, je vois l'origine de ce malheur dans
une disposition que le gouvernement de l'époque - c'était en 1995, je le répète
- avait fait adopter et qui transférait de l'Etat à la région d'Ile-de-France
des sommes inscrites au fonds d'aménagement de la région d'Ile-de-France.
M. Christian de La Malène.
Abrogez !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je ne citerai pas de nom. Ce malheur a été programmé,
puisqu'il a été prévu que le transfert porterait en effet, monsieur de La
Malène, sur 1,2 milliard de francs en 2004...
M. Christian de La Malène.
Abrogez !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
... et 600 millions de francs dès 1999.
M. Christian de La Malène.
Abrogez !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Or, mesdames, messieurs les sénateurs, chacun de vous
en conviendra, particulièrement ceux qui sont sur le terrain et qui utilisent
fréquemment les transports en commun, les besoins d'investissement dans les
transports en Ile-de-France sont importants.
Que ce soit en matière de transports en commun ou d'infrastructures routières,
il faut absolument continuer à équiper la région-capitale, et, je le dis très
clairement au nom du Gouvernement, l'Etat, dans le cadre du contrat de plan
Etat-région, doit être aux côtés de la région d'Ile-de-France à l'avenir, comme
il l'a été dans le passé. Cela suppose que l'Etat dispose des moyens financiers
nécessaires.
M. Christian de La Malène.
Et voilà !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Il est donc proposé par l'article 26 en débat - un
débat assez vif, si je comprends bien - un rattrapage programmé d'une perte
programmée de ressources pour l'Etat.
Précisément, monsieur Hyest, ce rattrapage, va-t-on le demander à la
collectivité nationale ou à la seule Ile-de-France ? Le Gouvernement, estimant
que la collectivité nationale, en payant 6,5 milliards de francs pour
équilibrer le budget des transports en commun de l'Ile-de-France, faisait déjà
un effort suffisant, a considéré que c'était à l'Ile-de-France de régler ce
problème francilien. Il s'agit là d'un principe que certains peuvent juger
critiquable mais que, personnellement, je trouve correct.
Sur le principe, donc, pas de problème.
En pratique, le Gouvernement a imaginé un dispositif que je qualifierai non
pas de novateur, mais de nouveau puisque, pour rattrapercette somme de 1,2
milliard de francs qui manquera en 2004, l'effort programmé - je rappelle qu'on
programme une recette pour remplacer une perte programmée elle aussi - est,
d'abord demandé, à raison d'un gros tiers, aux bureaux par le biais de la
majoration de la taxe sur les bureaux, soit 450 millions de francs à échéance
2004, puis, à hauteur de 400 millions de francs, aux locaux commerciaux. Le
Gouvernement a veillé à ce que les petits locaux commerciaux, c'est-à-dire ceux
dont la surface est inférieure à 300 mètres carrés ne soient pas touchés.
Peut-être peut-on discuter du seuil : j'y reviendrai.
Un effort est également demandé aux activités de stockage - 350 millions de
francs - là aussi en prévoyant une surface de stockage minimale. A ce propos,
j'ai bien entendu la remarque de M. Hyest concernant les aires de stockage
agricoles.
Telle était la proposition du Gouvernement. Pour préparer cette discussion,
nous avons procédé à des consultations de professionnels - parce que le
Gouvernement est, lui aussi, à l'écoute des professionnels et des acteurs de la
vie économique ; il n'y a pas que les sénateurs. Nous en avons tiré la
conclusion - la plupart d'entre vous semblent d'accord - que le principe de ce
rattrapage était bon et nécessaire, afin que l'Etat puisse accompagner la
région d'Ile-de-France, qui a donc désormais des moyens accrus. Je fais toute
confiance à la région d'Ile-de-France pour utiliser au mieux cet argent.
Il est clair que la répartition de l'effort nécessaire demandé à l'économie
francilienne est perfectible. Je peux vous annoncer que le Gouvernement va
réfléchir avec les professionnels et avec les élus pour vous proposer un
aménagement de la répartition de ce prélèvement d'ici à la fin de la discussion
budgétaire.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il aurait été préférable d'aller plus vite !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je tenais à justifier un dispositif dont le « fait
générateur » n'est pas de la responsabilité du Gouvernement, mais date de 1995.
Le Gouvernement, à condition que le produit reste, est tout à fait ouvert à la
discussion.
M. Christian de La Malène.
Etes-vous contre « le fait générateur » ?
M. le président.
Sur cet article, je suis saisi de douze amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° I-45 est présenté par M. Jean-Jacques Robert.
L'amendement n° I-64 est présenté par MM. Badré, Hyest et Poirier.
Tous deux tendent à supprimer l'article 26.
Par amendement n° I-19, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose de rédiger comme suit cet article :
« L'article 231
ter
du code général des impôts est ainsi rédigé :
«
Art. 231
ter. - I. - Une taxe annuelle sur les locaux à usage de
bureaux est perçue dans les limites territoriales de la région d'Ile-de-France,
composée de Paris et des départements de l'Essonne, des Hauts-de-Seine, de la
Seine-et-Marne, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, du Val-d'Oise et des
Yvelines.
« II. - La taxe est due par les personnes privées ou publiques qui sont
propriétaires de locaux imposables ou titulaires d'un droit réel sur de tels
locaux.
« La taxe est acquittée par le propriétaire, l'usufruitier, le preneur à bail
à construction, l'emphytéote ou le titulaire d'une autorisation d'occupation
temporaire du domaine public constitutive d'un droit réel qui dispose, au 1er
janvier de l'année d'imposition, d'un local taxable.
« III. - Les locaux à usage de bureaux, pour lesquels la taxe est due,
s'entendent, d'une part, des bureaux proprement dits et de leurs dépendances
immédiates et indispensables destinés à l'exercice d'une activité, de quelque
nature que ce soit, par des personnes physiques ou morales privées, ou utilisés
par l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements ou organismes
publics et les organismes professionnels, et, d'autre part, des locaux
professionnels destinés à l'exercice d'activités libérales ou utilisés par des
associations ou organismes privés poursuivant ou non un but lucratif.
« IV. - Pour le calcul des surfaces visées au 3° du V et au VI, il est tenu
compte de tous les locaux de même nature, hors parties communes, qu'une
personne privée ou publique possède à une même adresse ou, en cas de pluralité
d'adresses, dans un même groupement topographique.
« V. - Sont exonérés de la taxe :
« 1° Les locaux à usage de bureaux situés dans une zone franche urbaine telle
que définie par le B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995
d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ;
« 2° Les locaux appartenant aux fondations et aux associations, reconnues
d'utilité publique, dans lesquels elles exercent leur activité, ainsi que les
locaux spécialement aménagés pour l'archivage administratif et pour l'exercice
d'activités de recherche ou à caractère sanitaire, social, éducatif ou culturel
;
« 3° Les locaux à usage de bureaux d'une superficie inférieure à 100 mètres
carrés.
« VI. - Les tarifs sont applicables dans les conditions suivantes :
« 1. Pour les locaux à usage de bureaux, un tarif distinct au mètre carré est
appliqué par circonscription, telle que définie ci-après :
« - première circonscription : 1er, 2e, 3e, 4e, 6e, 7e, 8e, 9e, 14e, 15e, 16e,
17e arrondissements de Paris et arrondissements de Nanterre et
Boulogne-Billancourt du département des Hauts-de-Seine ;
« - deuxième circonscription : 5e, 10e, 11e, 12e, 13e, 18e, 19e, 20e
arrondissements de Paris et arrondissement d'Antony du département des
Hauts-de-Seine ainsi que les départements de Seine-Saint-Denis et du
Val-de-Marne ;
« - troisième circonscription : départements de Seine-et-Marne, des Yvelines,
de l'Essonne et du Val-d'Oise.
« Dans chaque circonscription, ce tarif est réduit pour les locaux possédés
par l'Etat, les collectivités territoriales, les organismes ou les
établissements publics sans caractère industriel ou commercial, les organismes
professionnels ainsi que les associations ou organismes privés sans but
lucratif à caractère sanitaire, social, éducatif, sportif ou culturel et dans
lesquels ils exercent leur activité.
« 2. Au titre des années 1999 à 2004, les tarifs au mètre carré sont fixés à
:
1re CIRCONSCRIPTION |
2e CIRCONSCRIPTION |
3e CIRCONSCRIPTION
|
||||
---|---|---|---|---|---|---|
Année |
Tarif normal |
Tarif réduit |
Tarif normal |
Tarif réduit |
Tarif normal |
Tarif réduit |
1999 | 70 | 35 | 42 | 25 | 20 | 18 |
2000 | 72 | 36 | 43 | 26 | 21 | 19 |
2001 | 74 | 37 | 44 | 27 | 22 | 20 |
2002 | 76 | 38 | 45 | 28 | 23 | 21 |
2003 | 78 | 39 | 46 | 29 | 24 | 22 |
2004 | 80 | 40 | 47 | 30 | 25 | 23 |
« 3. A compter de l'année 2005, les tarifs de la taxe sont révisés annuellement en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction.
« VII. - Les redevables sont tenus de déposer une déclaration accompagnée du paiement de la taxe, avant le 1er mars de chaque année, auprès du comptable du Trésor du lieu de situation des locaux imposables.
« VIII. - 1. Le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à la taxe sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires.
« 2. Le privilège prévu au 1° du 2 de l'article 1920 peut être exercé pour le recouvrement de la taxe. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° I-69 rectifié bis , présenté par M. Chérioux et tendant :
I. - A compléter in fine le V du texte proposé par l'amendement n° I-19 pour l'article 231 ter du code général des impôts par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Les locaux vacants depuis au moins deux années consécutives au 1er janvier de l'année d'imposition, en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus, à compléter in fine l'amendement n° I-19 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes résultant de l'exonération des locaux vacants est composée par un relèvement à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
III. - En conséquence, à faire précéder le début du texte proposé par l'amendement n° I-19 pour l'article 26 de la mention : « I ».
Les quatre amendements suivants sont présentés par MM. Schosteck, Gerbaud, Le Grand, Oudin et les membres du groupe du RPR.
L'amendement n° I-192 a pour objet :
A. - Dans le I, premier alinéa du texte proposé par l'article 26 pour l'article 231 ter du code général des impôts, de supprimer les mots : « , les locaux commerciaux et les locaux de stockage » ;
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant de l'application du A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la suppression de la taxe sur les locaux commerciaux sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-195 vise :
A. - 1° A supprimer les troisième et quatrième alinéas (2° et 3°) du III du texte proposé par l'article 26 pour l'article 231 ter du code général des impôts.
2° En conséquence, à supprimer le b du I et les 2° et 3° du 2 du VI du texte proposé par cet article pour l'article 231 ter du code général des impôts.
B. - Pour compenser des pertes de recettes résultant de l'application du A ci-dessus, à compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la suppression de la taxe sur les locaux commerciaux de plus de 300 mètres carrés sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-193 tend :
A. - Dans le deuxième alinéa (1°) du V du texte proposé par l'article 26 pour l'article 231 ter du code général des impôts, à supprimer les mots : « les locaux commerciaux et les locaux de stockage » ;
B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant de l'application du A ci-dessus, à compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la suppression de la taxe sur les locaux commerciaux de plus de 300 mètres carrés sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-194 a pour objet :
A. - Après les mots : « ... 100 mètres carrés », de supprimer la fin du dernier alinéas du V du texte proposé par le I de l'article 26 pour l'article 231 ter du code général des impôts.
B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la suppression de la taxe sur les locaux commerciaux de plus de 300 mètres carrés sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-239 rectifié bis , MM. Delanoë, Angels, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le V du texte présenté par le I de l'article 26 pour l'article 231 ter du code général des impôts par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Pour les locaux commerciaux et les locaux de stockage construits en application de l'article L. 411-1 du code de la construction et de l'habitation ;
« Pour les salles de spectacle et de théâtre privé ;
« Pour les hôtels une étoile, deux étoiles et trois étoiles ;
« Pour les locaux commerciaux des cafés et restaurants d'une superficie inférieure à 500 mètres carrés ;
« Pour les locaux des exploitations agricoles et de ceux destinés à stocker des produits agro-alimentaires ou agro-industriels d'une superficie inférieure à 1 000 mètres carrés. »
Par amendement n° I-119, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
I. - De rédiger comme suit le 2 du VI du texte présenté par l'article 26 pour l'article 231 ter du code général des impôts :
« 2. Au titre des années 1999 à 2004, les tarifs au mètre carré sont fixés à :
« 1. Pour les locaux à usage de bureaux :
ANNÉE |
1re CIRCONSCRIPTION |
2e CIRCONSCRIPTION |
3e CIRCONSCRIPTION
|
|||
---|---|---|---|---|---|---|
|
Tarif normal |
Tarif réduit |
Tarif normal |
Tarif réduit |
Tarif normal |
Tarif réduit |
1999 | 74 | 37 | 44 | 25 | 20 | 18 |
2000 | 76 | 38 | 46 | 26 | 21 | 19 |
2001 | 78 | 39 | 48 | 27 | 22 | 20 |
2002 | 80 | 40 | 50 | 28 | 23 | 21 |
2003 | 82 | 41 | 52 | 29 | 24 | 22 |
2004 | 84 | 42 | 54 | 30 | 25 | 23 |
« 2. Pour les locaux commerciaux :
ANNÉE |
SURFACE TOTALE COMPRISE entre 300 et 2 500 m² |
TARIF REDUIT (APPLICABLE aux 2 et 3 circonscriptions) |
SURFACE TOTALE ÉGALE ou supérieure à 2 500 m² |
TARIF RÉDUIT |
---|---|---|---|---|
1999 | 12 | 6 | 30 | 15 |
2000 | 15 | 8 | 36 | 18 |
2001 | 18 | 9 | 42 | 21 |
2002 | 21 | 11 | 48 | 24 |
2003 | 24 | 12 | 54 | 27 |
2004 | 27 | 14 | 60 | 30 |
« 3. Pour les locaux de stockage :
ANNÉE |
SURFACE TOTALE COMPRISE entre 500 et 5 000 m² |
TARIF REDUIT (APPLICABLE aux 2e et 3e circonscriptions) |
SURFACE TOTALE ÉGALE ou supérieure à 5 000 m² |
TARIF RÉDUIT |
---|---|---|---|---|
1999 | 7 | 4 | 14 | 7 |
2000 | 9 | 5 | 17 | 9 |
2001 | 11 | 6 | 20 | 10 |
2002 | 13 | 7 | 23 | 12 |
2003 | 15 | 8 | 26 | 13 |
2004 | 17 | 9 | 28 | 14 |
II. - En conséquence, de compléter cet article par un paragraphe additionnel
ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant de l'instauration de nouveaux tarifs
modulés sur les locaux à usage de buraux, les locaux commerciaux et les locaux
de stockage par le I du présent article sont compensées par un relèvement à due
concurrence du taux prévu à l'article 978 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-240, MM. Delanoë, Angels et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent de rédiger ainsi la 2e colonne du tableau du
2° du 2 du VI du texte présenté par le I de l'article 26 pour l'article 231
ter
du code général des impôts :
SURFACE TOTALE COMPRISE ENTRE 300 ET 2 500 m² |
---|
10 |
12 |
15 |
18 |
22 |
27 |
Par amendement n° I-241, MM. Delanoë, Angels et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent de rédiger ainsi la deuxième et troisième
colonne du tableau du 3° du 2 du VI du texte présenté par le I de l'article 26
pour l'article 231
ter
du code général des impôts :
SURFACE TOTALE COMPRISE entre 500 et 5 000 m² |
SURFACE TOTALE égale ou supérieure à 5 000 m² |
---|---|
5 | 10 |
7 | 12 |
9 | 15 |
11 | 18 |
13 | 22 |
15 | 27 |
Par amendement n° I-196, MM. Schosteck, Gerbaud, Le Grand,
Oudin et les membres du groupe du RPR proposent :
A. - De supprimer le II de l'article 26.
B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus, de
compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la suppression de la
taxe sur les locaux commerciaux de plus de 300 mètres carrés sont compensées
par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-45 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Badré, pour présenter l'amendement n° I-64.
M. Denis Badré.
Ma proposition radicale de suppression ne vous surprendra pas, compte tenu de
la présentation générale que j'ai faite de l'article 26. Par cet amendement, je
tiens surtout à marquer ma totale opposition à l'extension de cette taxe aux
locaux commerciaux et aux entrepôts.
Vous nous disiez à l'instant fort justement, monsieur le secrétaire d'Etat,
qu'il fallait accentuer l'effort en faveur des transports en commun. Mais alors
pourquoi les crédits des chapitres réservés à l'équipement dans ce domaine
sont-ils réduits ? J'y vois une première incohérence. Vous nous dites qu'il
faut les augmenter alors qu'ils sont en diminution dans le budget : je ne vois
pas comment nous allons sortir de l'impasse.
Comme l'Etat diminue ses crédits réservés aux transports en commun, la région,
elle, augmente les siens ; mais quand elle augmente ses crédits réservés aux
transports en commun, et parce qu'elle ne peut pas tout faire, elle diminue
d'autant ses crédits routiers ! Et que se passe-t-il quand elle diminue ses
crédits routiers ? Nous débouchons sur une nouvelle incohérence : le
déménagement des entrepôts doit précisément augmenter le trafic routier donc la
demande de moyens routiers dans la région. Vous sembliez pourtant être d'accord
avec nous sur ce point ! Seconde incohérence !
Tout cela démontre à l'évidence qu'il faut travailler encore cette mesure,
comme vous nous avez indiqué que vous étiez prêt à le faire. En l'état, elle
est franchement mauvaise. Il faut donc la supprimer. Si l'amendement n'est pas
adopté, à tout le moins, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande de
revoir radicalement votre copie.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n°
I-19.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Avant de présenter cet amendement, je voudrais
revenir quelques instants sur le principe même de cette disposition. M. le
secrétaire d'Etat a fait une présentation de l'origine de l'affaire qui me
paraît quelque peu simplifiée...
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
C'est vrai, mais j'ai voulu faire court !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... sinon tronquée.
Je ne voudrais pas lasser la patience de la Haute Assemblée, mais je dois
rappeler que le texte d'origine, à savoir la loi d'orientation pour
l'aménagement et le développement du territoire, en son article 73, prévoyait
un régime transitoire. Je le cite : « Jusqu'en 1998 la région prendra en
charge, à due concurrence des sommes transférées, les engagements de l'Etat
financés par le fonds. » A la vérité, monsieur le secrétaire d'Etat, que se
passe-t-il entre le 31 décembre 1998 et le 1er janvier 1999 qui vous contraigne
tout d'un coup à trouver une assiette fiscale et une recette supplémentaire ?
Pourquoi vous faut-il trouver 1 200 millions de francs en 2004, sinon, tout
simplement, du fait de la fin de cette période transitoire ? Mais n'aurait-il
pas été possible de la prolonger ? N'aurait-il pas été possible de répartir
différemment les efforts entre l'Etat et la région ? En fait, monsieur le
secrétaire d'Etat, le Gouvernement, dans cette affaire, fait payer aux
commerçants, aux hôteliers, aux professions du stockage, aux agriculteurs, bref
à toutes les professions concernées sa propre faiblesse vis-à-vis du conseil
régional d'Ile-de-France !
M. Christian de La Malène.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
A qui ferez-vous croire, monsieur le secrétaire
d'Etat, qu'il est impossible de trouver par redéploiement, dans un budget
d'investissement de 9,5 milliards de francs - celui de la région
d'Ile-de-France - la modique somme de 350 millions de francs en 1999 ? Car
c'est bien cela, mes chers collègues, l'objet du débat, une discussion purement
francilienne entre l'Etat et la région d'Ile-de-France, et une discussion que
l'Etat n'a pas le courage d'arbitrer ! Et, n'ayant pas ce courage, il fait
appel aux contribuables. C'est tellement plus simple ! Heureusement, monsieur
le secrétaire d'Etat, qu'il y a des professionnels qui s'expriment, qu'il y a
des élus qui se font l'écho des préoccupations qu'ils entendent s'élever autour
d'eux, et qu'il y a des assemblées parlementaires pour réfléchir et pour
délibérer.
D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous imaginer un seul
instant mettre en vigueur une telle taxe ? M. Christian de La Malène, tout à
l'heure, vous disait, à la fin de sa remarquable intervention : « Au fond de
votre coeur, vous n'y croyez pas. » Or j'en suis également persuadé, monsieur
le secrétaire d'Etat, vous ne pouvez pas imaginer mettre en vigueur pareille
mesure.
Arrêtons-nous un instant sur les dépenses puis sur les ressources.
Les dépenses, d'abord. En vérité, les infrastructures et donc les
investissements dans le transport, sont des compétences conjointes de l'Etat et
de la région.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Absolument !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous m'approuvez ? Je vous en remercie.
Jusqu'au 31 décembre 1998 - mais l'ancien préfet de région que vous êtes
connaît ces questions merveilleusement bien - la région était obligée
d'affecter les sommes reçues à titre de compensation de la perte de dotation
globale de fonctionnement à certains investissements au lieu et place de
l'Etat.
A partir du 1er janvier 1999, la région veut retrouver sa liberté de gestion
et sa liberté de manoeuvre.
Il eût été possible, me semble-t-il, de négocier différemment et de ne pas
faire ce cadeau à M. Huchon sur le dos des contribuables.
A présent, regardons les ressources.
Chacun peut le voir, les effets pervers sont nombreux. J'en parle avec
d'autant plus d'aise que, si votre réforme se réalise, qui va gagner ?
Un sénateur du RPR.
L'Oise !
Philippe Marini.
L'Oise, absolument ! Et l'Eure-et-Loir, le Loiret...
Henri de Raincourt.
... l'Yonne !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Oui, monsieur de Raincourt, l'Yonne. Bref, les
départements du grand Bassin parisien.
Or, sans doute est-il bon qu'on le dise, il est des activités qui peuvent se
délocaliser et d'autres qui ne le peuvent pas.
Vous allez créer un effet de surcoût important sur les plates-formes
logistiques, qui sont génératrices d'emplois. Vous allez les inciter à se
délocaliser et, effectivement, si elles le font, vous allez créer des flux de
transport supplémentaires, des nuisances supplémentaires et des besoins
d'investissements supplémentaires. Il faudra alors majorer le FARIF, les
crédits d'Etat et ceux de la région pour satisfaire ces nouveaux besoins
d'investissements collectifs...
Mais il y a aussi des activités qui ne peuvent pas se délocaliser.
L'hôtellerie parisienne nous fournit un nombre d'exemples absolument
remarquable. Dans Paris intra-muros, notamment - des exemples sont cités dans
le rapport de la commission des finances - certains hôtels traditionnels,
indépendants, occupent quelques milliers de mètres carrés et emploient quinze,
vingt ou vingt-cinq salariés. Nous avons fait le bilan : que vont gagner ces
gens-là avec votre prétendue baisse de la taxe professionnelle et que vont-ils
perdre avec votre véritable taxe sur les locaux commerciaux ? Il est clair que,
dans tous les cas de figure que nous avons examinés, les entreprises de cette
nature acquitteront un surcoût beaucoup plus important que ce qu'elles
pourraient gagner en économie aléatoire, et contestable, de taxe
professionnelle.
Autres activités qui ne peuvent pas se délocaliser, les commerces qui ont des
locaux de stockage, des réserves. Eh bien ! vous les piégez complètement. Il
leur suffit de dépasser le seuil de 300 mètres carrés et d'avoir des réserves
considérées comme locaux commerciaux pour se trouver assujettis à une taxe qui
serait fortement croissante jusqu'en 2004.
Enfin, dans la « fenêtre de tir », on trouve notamment - vous ne l'avez
peut-être pas voulu, mais le texte est ainsi rédigé - des stockages de
produits agricoles. Je n'ai pas intérêt à insister, mais je le dis tout de
même, car tous, ici, nous exerçons nos mandats dans l'intérêt national,
monsieur le secrétaire d'Etat : en vertu de quel principe les silos de
Seine-et-Marne seraient-ils surtaxés par rapport à ceux de l'Oise ? C'est
complètement absurde !
M. Jean-Jacques Hyest.
Voilà !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Manifestement, tous ces effets, monsieur le
secrétaire d'Etat, n'ont pas été sérieusement étudiés et anticipés.
Mais je ne vais pas poursuivre plus longuement, car la démonstration a été
largement faite. La commission des finances vous propose, en résumé, un
amendement tendant à refuser l'élargissement de la taxe aux locaux commerciaux
et de stockage.
Nous ne souhaitons pas la suppression de l'article 26, car la rédaction que
vous avez retenue pour la taxe sur les bureaux est techniquement meilleure que
la rédaction précédente. Par ailleurs, nous admettons une certaine progression
raisonnable de cette taxe, qui est un instrument de régulation économique
justifié, alors que la manière dont les locaux commerciaux et de stockage sont
traités dans cet article n'a pas de justification économique, j'espère avoir
contribué à le démontrer.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, la commission souhaite
véritablement que cette question soit complètement reprise.
Nous nous sommes demandé s'il suffisait de baisser le tarif de 50 %.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Non !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous avons procédé à une simulation, nous avons
écouté les professionnels, et il nous a semblé que ce n'était pas raisonnable :
mieux valait refuser franchement cette extension de l'assiette.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'espère que, dans cette affaire, l'avis de
votre collègue Mme Lebranchu sera plus suivi que pour la manufacture de Morlaix
!
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Oh !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
N'a-t-elle pas dit, en effet, que la superficie n'est
pas un critère pertinent car il conduit à frapper de manière indifférenciée les
entreprises sans tenir compte de leur chiffre d'affaires ?
M. Christian de La Malène.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'espère en tout cas, monsieur le secrétaire d'Etat,
que, au-delà du débat politique, qui est bien naturel et légitime ici, vous
accepterez d'entendre les préoccupations des nombreux professionnels et des
élus qui se sont exprimés et qui espèrent vous avoir prouvé que la mesure que
vous préconisez est véritablement une très mauvaise mesure.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, pour défendre le sous-amendement n° I-69 rectifié
bis
.
M. Jean Chérioux.
Bien évidemment, si j'ai déposé ce sous-amendement, c'est que je suis tout à
fait en accord avec la commission des finances et avec M. le rapporteur
général, qui a si brillamment exposé ce problème.
Je constate que le Gouvernement, sans doute soucieux, comme l'a dit tout à
l'heure M. le rapporteur général, d'améliorer la rédaction d'un texte qui date
de 1989, propose, avec cet article 26, une nouvelle rédaction de l'article 231
ter
du code général des impôts. Il aurait pu saisir cette occasion pour
tenir compte des évolutions de la jurisprudence du Conseil constitutionnel,
mais il ne l'a pas fait.
En effet, le 29 juillet 1998, le Conseil constitutionnel a rendu une décision
sur la loi relative à la lutte contre les exclusions, loi qui comportait une
disposition cousine germaine de celle-ci, sauf qu'elle concernait les
logements.
Au sujet de la fameuse taxe sur les logements inoccupés, figurant à l'article
51 de ladite loi, le Conseil constitutionnel a émis des réserves qui me
paraissent instructives en considérant que ces locaux ne sauraient être
assujettis : « pour les logements dont la vacance est imputable à une cause
étrangère à la volonté du bailleur, doivent notamment être exonérés les
logements mis en location ou en vente au prix du marché et ne trouvant pas
preneur ».
Et vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, que la
situation a beaucoup évolué depuis 1990, époque d'effervescence du marché qui a
justifié cette loi, ainsi que l'ont rappelé de nombreux orateurs : depuis, le
marché s'est effondré, provoquant la vacance de nombreux locaux de bureaux qui
portent dorénavant la mention : « A louer » ou « A vendre ». Il suffit de se
promener dans les rues de Paris pour le constater ! J'imagine que vous ne
restez pas enfermé toute la journée dans les bureaux de Bercy,...
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Nous venons ici !
M. Jean Chérioux.
... qu'il vous arrive, à vous et à vos collaborateurs, de vous promener dans
Paris !
M. Michel Charasse.
Heureusement !
M. Jean Chérioux.
Ces vacances sont une évidence, et il est non moins évident que la vacance
s'accompagne du gel des recettes. Cela pose un problème, comme l'a d'ailleurs
reconnu le Conseil constitutionnel.
Avec ce sous-amendement, je vous propose donc d'ajouter une exonération à
celles qui figurent dans votre texte, afin d'exonérer les locaux vacants
lorsqu'ils le sont depuis plus de deux ans et que cette vacance est
indépendante de la volonté du contribuable.
Voilà, transcrite exactement dans ce texte, la décision prise par le Conseil
constitutionnel le 29 juillet 1998. Je pense que ce point avait dû échapper à
vos services lorsque vous avez été conduit à rediger ce texte, car je sais que
vous êtes trop soucieux d'appliquer la jurisprudence du Conseil constitutionnel
pour ne pas en tenir compte.
(M. le rapporteur général applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-192.
M. Jacques Oudin.
Cet amendement vise à supprimer la taxe sur les locaux commerciaux de plus de
300 mètres carrés et les locaux de stockage de plus de 500 mètres carrés prévue
par cet article 26. En effet, cette mesure contribuerait à détériorer de
manière significative l'attractivité de la région parisienne et à inciter les
entreprises à se délocaliser.
Cet amendement vise à éviter de dégrader la situation des entreprises
franciliennes par rapport à leurs concurrentes étrangères directes. Et c'est un
provincial qui le dit !
M. le président.
Le provincial que vous êtes, monsieur Oudin, peut-il défendre également les
amendements n°s I-195, I-193 et I-194 ?
M. Jacques Oudin.
Ces amendements sont défendus, monsieur le président !
M. le président.
La parole est à M. Angels, pour présenter l'amendement n° I-239 rectifié
bis
.
M. Bernard Angels.
J'ai déjà expliqué notre position sur cet article.
L'extension proposée est trop large, trop rapide et, dans certains cas,
contraire à des priorités par ailleurs défendues par le Gouvernement - je pense
notamment à l'emploi - et auxquelles nous sommes très sensibles.
Il faut donc réajuster le dispositif et exclure - tel est l'objet de cet
amendement - plusieurs secteurs.
En conséquence, nous proposons d'exclure de l'extension les restaurants et les
cafés d'une surface inférieure à 500 mètres carrés, les hôtels une étoile, deux
étoiles et trois étoiles, et les salles de spectacle et de théâtre privé. En
effet, les entreprises concernées sont très créatrices d'emplois, notamment
d'emplois peu qualifiés.
Il nous semble également nécessaire d'exclure de l'extension les entrepôts
agricoles de taille moyenne. Le schéma directeur régional reconnaît, en effet,
le rôle primordial et irremplaçable de l'agriculture dans l'aménagement de la
région d'Ile-de-France. Là encore, leur taxation serait contradictoire.
Il nous faut donc modifier le texte proposé pour ne plus inclure ces secteurs
dans l'assiette de l'extension.
M. Roland du Luart.
C'est un amendement plein de bon sens, monsieur Angels !
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° I-119.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Après d'autres, je rappelle que la redevance sur les bureaux a été instituée
pour prendre en compte une partie de la spécificité de la région capitale.
La constitution effective de l'identité régionale francilienne, réalisée en
1976, a, entre autres caractères, d'avoir été conçue à l'origine en instaurant
des ressources particulières.
La dotation globale de fonctionnement en Ile-de-France, qui fait de la région
capitale la seule des régions du pays à percevoir une part de ladite dotation,
est une de ces spécificités. La loi Pasqua sur l'aménagement du territoire a
d'ailleurs prévu l'extinction progressive de cette dotation, mais sans prévoir
une ressource de remplacement clairement définie.
Dans le même temps, le fonds d'aménagement de la région d'Ile-de-France
présente la particularité d'intervenir sur des questions importantes pour les
équilibres régionaux. Le fonds est en effet sollicité pour la réalisation
d'infrastructures de transport, la construction de logements sociaux ou encore
- faut-il le rappeler - le bouclage de certaines opérations sur la voirie
intérieure à la région. Des besoins particulièrement forts continuent de se
manifester dans ces domaines. Ils justifient, je crois, un accroissement des
ressources du fonds.
On peut donc admettre qu'une extension éventuelle de l'assiette, et donc des
recettes du FARIF, soit mieux à même - avec, évidemment, une transparence
renforcée de sa gestion - de répondre à ces nouveaux besoins de financement.
On peut également admettre - et c'est sans doute le sens même de l'existence
de cet article - que cette extension des recettes du FARIF contrebalance la
réduction et l'extinction de la dotation globale de la région
d'Ile-de-France.
La question que je me pose, à l'instar de plusieurs de mes collègues, est la
suivante : le choix opéré est-il judicieux et satisfaisant ? Nous ne le pensons
pas. C'est ce qui nous a conduits à déposer cet amendement.
Un examen attentif de la quotité de la redevance sur les bureaux met en
évidence que des taux différenciés d'imposition sont appliqués auxdits bureaux
dès lors que leur situation géographique dans la région est différenciée.
On pourrait même en déduire,
a priori,
que l'existence de ces trois
circonscriptions caractérise les inégalités géographiques et les nécessités de
développement d'infrastructures auxquelles est à même de répondre le FARIF.
Nous pensons donc qu'il est nécessaire d'appliquer à l'extension de la taxe
cette règle de modulatioin.
Quant à la question de savoir si cette mesure peut nuire tant au développement
des activités commerciales qu'aux activités de location de bureaux, je voudrais
ici souligner que, bien souvent, les entreprises sont de façon générale les
principales bénéficiaires des aménagements réalisés avec le concours du FARIF
et que l'équilibre de la présente loi de finances est loin, selon moi, de leur
être défavorable.
Que pèse, en effet, l'extension de la taxe sur les bureaux devant la baisse de
la taxe professionnelle, la réduction progressive de la majoration de l'impôt
sur les sociétés ou encore l'extension du régime des micro-entreprises ?
Nous ne nions pas, contrairement à d'autres collègues, que des établissements
tels que les petits hôtels auront à souffrir de cette situation.
M. Jean-Jacques Hyest.
Et les coopératives !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
C'est donc en toute connaissance de cause que nous estimons préférable, plutôt
que de supprimer purement et simplement l'article 26, de retenir la solution
que nous vous proposons avec l'amendement n° I-119, qui vise à réduire
certaines redevances.
M. le président.
La parole est à M. Angels, pour défendre les amendements n°s I-240 et
I-241.
M. Bernard Angels.
Nous proposons, avec l'amendement n° I-240, la modification des tarifs prévus.
Nous sommes conscients que ceux que nous vous suggérons ne sont peut-être pas
calculés avec toute la rigueur qui serait nécessaire, mais adopter cet
amendement aurait le mérite d'indiquer une direction, la navette parlementaire
nous permettant ensuite de trouver le bon calibrage.
Quant à l'amendement n° I-241, il est défendu, monsieur le président.
M. le président.
La parole est à M. Oudin, pour présenter l'amendement n° I-196.
M. Jacques Oudin.
Cet amendement est lui aussi défendu.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-64, I-192 à I-196,
I-239 rectifié
bis,
I-119, I-240 et I-241 ainsi que sur le
sous-amendement n° I-69 rectifié
bis
?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
S'agissant de l'amendement n° I-64, je souhaite que
ses auteurs acceptent de le retirer au bénéfice de celui de la commission, car
nous poursuivons le même objectif.
S'agissant du sous-amendement n° 69 rectifié
bis,
défendu par M.
Chérioux, la commission des finances y est tout à fait favorable pour les
raisons que son auteur a lui-même fort bien exposées.
S'agissant des amendements n°s I-192, I-193, I-195, I-194 et I-196 de M.
Schosteck et de ses collègues du groupe du RPR, ils sont d'effets identiques à
celui de la commission. Ils seront donc satisfaits si ce dernier est adopté.
S'agissant de l'amendement n° I-239 rectifié
bis,
de MM. Delanoë,
Angels et des membres du groupe socialiste, il s'agit, mes chers collègues,
d'un effort méritoire de rectification du dispositif...
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Très bien écrit !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... qui, à notre sens, ne va pas tout à fait assez
loin, mais qui témoigne du fait que nos collègues ont bien analysé, comme nous
tous ici je pense, les effets pervers du dispositif tel qu'il est présenté.
Mais la commission préfère son amendement.
S'agissant enfin de l'amendement n° I-119, défendu par Mme Beaudeau, la
commission préfère également le dispositif qu'elle préconise. Plutôt que de
restreindre l'extension de la taxe, il tend à reduire les tarifs de l'ensemble
des rubriques. J'avais moi-même exploré cette piste, mais elle ne m'a pas paru
pouvoir aboutir. L'avis est donc défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements à l'article 26
?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, s'agissant des amendements de
suppression de l'article proposé par le Gouvernement, je réponds sans aucun
état d'âme que, dans la région d'Ile-de-France, les besoins de modernisation
des transports en commun et de sécurisation des gares et des trains sont
criants.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ça, c'est vrai !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Si vous le reconnaissez, monsieur Hyest, c'est déjà un
point positif.
M. Jean-Jacques Hyest.
Mais le mode de financement n'est pas bon !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Il existe aussi, monsieur Hyest, et Mme Beaudeau l'a
fort bien rappelé, des besoins criants dans le domaine du logement social, et
je souligne que le fonds pour l'aménagement de la région d'Ile-de-France
consacre 36 % de ses moyens au financement du logement social.
Par ailleurs, dans l'intérêt non seulement des quartiers en difficulté mais
aussi de l'ensemble de la région, il est nécessaire de mettre en oeuvre une
politique de la ville ambitieuse. Le fonds pour l'aménagement de la région
d'Ile-de-France consacre à celle-ci 10 % de ses crédits, et il pourrait faire
davantage encore sans aucune difficulté.
Je crois donc que toute la région d'Ile-de-France - et même tout le pays,
puisqu'il s'agit de la région capitale - a intérêt à ce qu'il règne, dans Paris
et autour de Paris, une meilleure qualité de vie, une plus grande sécurité et
une plus grande prospérité économique.
Après ce commentaire général, je relèverai un certain nombre de points
positifs.
Le premier, c'est de constater que certains orateurs ont estimé que
l'extension de la taxe sur les bureaux proposée dans cet article 26 pourrait
contrarier les effets bénéfiques de la baisse de la taxe professionnelle.
Je me réjouis de voir que, tardivement certes dans notre débat, ils
reconnaissent que la baisse de la taxe professionnelle peut avoir un effet
bénéfique sur le développement de l'activité.
(Protestations sur les travées
du RPR.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est très insuffisant ! Cette baisse est plus que «
mangée » !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Le deuxième point positif, c'est que, dans
l'amendement qu'il a déposé, M. Marini admet, avec un grand sens des
responsabilités, que la taxe sur les bureaux pourrait, dans un objectif
d'aménagement du territoire, être légèrement relevée. En ce sens, cet
amendement est différent des amendements de suppression pure et simple que M.
Badré notamment a soutenus.
Un troisième point positif réside dans les efforts - méritoires, a estimé M.
le rapporteur général, et je partage tout à fait son avis - qu'a fournis M.
Angels au nom de M. Delanoë pour contribuer à la réflexion que le Gouvernement
a promis d'engager d'ici à l'adoption définitive du budget en vue d'améliorer
l'assiette du prélèvement défini par l'article 26. Il a ouvert un certain
nombre de pistes qui méritent d'être étudiées, et je dois transmettre le même
compliment à Mme Beaudeau, qui a elle aussi orienté la réflexion dans un
certain nombre de directions qui pourraient être éventuellement suivies, après
étude, afin de perfectionner le dispositif.
M. Dominique Braye.
Si ça peut rassembler la gauche !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Voilà pour les points positifs. Ils sont importants,
mais ils sont peu nombreux.
Les autres points sont, soit entièrement négatifs - ce sont les amendements de
suppression de l'article - soit en partie négatifs - ce sont les amendements de
suppression de certains paragraphes ou alinéas. Sur ces amendements, l'avis du
Gouvernement est bien entendu défavorable.
Je ferai un sort particulier au sous-amendement n° I-69 rectifié
bis
de
M. Chérioux, qui s'appuie sur un raisonnement que je respecte mais que je ne
partage pas dans sa totalité.
Vous avez dit, monsieur Chérioux, que le Conseil constitutionnel, cet été,
avait considéré que les logements inhabités ne pouvaient être taxés au titre du
prélèvement instauré par le Gouvernement dans le cadre de la loi de lutte
contre les exclusions.
M. Jean-Jacques Hyest.
Instauré par le Parlement, monsieur le secrétaire d'Etat ! C'est le Parlement
qui vote la loi !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Effectivement, et je vous prie de m'excuser, ... dans
le cadre de la loi qui a été proposée par le Gouvernement et votée par le
Parlement. Je remercie au passage la Haute Assemblée d'avoir soutenu ce
programme gouvernemental de lutte contre les exclusions.
Mais le parallèle, monsieur Chérioux, n'est pas fondé. L'impôt dont nous
débattons ce soir est un impôt patrimonial, assimilable à l'impôt foncier. Or
vous savez que ce dernier est prélevé - peut-être avons-nous une analyse
différente, mais j'essaie d'échanger des arguments avec vous - que le bien
immobilier soit occupé ou non.
Je ferai une autre remarque qui, peut-être, vous réconfortera : d'après les
professionnels, l'immobilier parisien est en train de repartir ; j'espère donc
que ces bureaux, qui sont vacants depuis quelque temps, vont trouver
prochainement des preneurs.
Je conclus en demandant le retrait, sinon le rejet, de tous les amendements à
l'article 26 : certains parce qu'ils apportent une réflexion constructive dont
le Gouvernement s'efforcera de tenir compte d'ici à l'adoption définitive du
budget ; d'autres parce qu'ils sapent le principe même d'une contribution de la
région d'Ile-de-France à son propre aménagement.
M. le président.
Monsieur Badré, votre amendement fait l'objet de deux demandes de retrait : de
M. le rapporteur général et de M. le secrétaire d'Etat.
M. Denis Badré.
Je suis plus sensible à la première qu'à la seconde, monsieur le président.
(Sourires.)
M. le président.
Je m'en serais douté, monsieur Badré mais que leur répondez-vous ?
M. Denis Badré.
J'ai proposé de supprimer purement et simplement l'article 26 pour bien
marquer le caractère radical de mon opposition à l'extension de la taxe sur les
bureaux. Etant donné que la commission des finances reprend à son compte cette
opposition, à travers son amendement, je me rallie à celui-ci et je retire le
mien.
M. le président.
L'amendement n° I-64 est retiré.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 69 rectifié
bis.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
M. le secrétaire d'Etat met en avant le fait que cette taxe sur les bureaux
s'apparente plus ou moins à la taxe foncière ; c'est possible. Mais je ne sais
pas si c'est sous cet angle-là que le Conseil constitutionnel, qui en tout état
de cause sera certainement saisi, sera amené à prendre sa décision. En effet,
l'important, pour le Conseil constitutionnel, vous le constaterez à la lecture
des considérants de la décision de cet été, est que l'on ne porte pas une
atteinte indirecte au droit de propriété.
Or faire payer une taxe aux propriétaires de locaux vacants depuis deux ans
est à l'évidence une atteinte au droit de la propriété !
Le considérant du Conseil constitutionnel est très clair : il fait état de «
logements mis en location ou en vente au prix du marché et ne trouvant pas de
preneur ». C'est exactement le cas des bureaux. Je vous ferai remarquer qu'il
faut, bien entendu, qu'il s'agisse de locaux vacants, mais depuis deux ans.
A l'évidence cette extension de la taxe porte atteinte au droit de propriété
et c'est sous cet angle-là qu'il faut poser le problème au Conseil
constitutionnel.
Quant à votre optimisme concernant l'évolution du marché des bureaux, je
voudrais pouvoir le partager. Cela va en tout cas dans le sens de mon
sous-amendement : en définitive, vous pourriez très bien l'accepter puisque,
par définition, il ne devrait y avoir que très peu de cas où mon texte
s'appliquerait. Mais, dans la mesure où il peut y avoir des victimes, il n'y a
pas de raison qu'elles soient surimposées.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Quel talent !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° I-69 rectifié
bis,
accepté par
la commission et repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-19.
M. Christian de La Malène.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de La Malène.
M. Christian de La Malène.
En dépit de ma grande expérience, hélas ! je suis un peu déçu par ce débat, et
pour beaucoup à cause de vous, monsieur le secrétaire d'Etat !
(Rires.)
Je suis déçu car vous n'avez pas défendu votre enfant !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Oh !
M. Christian de La Malène.
Vous avez dit : « Acceptez le principe et on verra ensuite. »
Vous avez consacré pas mal de temps à nous dire que ce n'était pas votre
faute, mais la nôtre, parce que nous avions voulu faire de l'aménagement du
territoire, que cela coûtait cher et qu'il fallait maintenant payer.
Telle a été votre réponse essentielle, monsieur le secrétaire d'Etat. J'en
suis étonné. Je suis étonné qu'un membre du Gouvernement, responsable, comme
tout le Gouvernement, de l'aménagement du territoire, vienne reprocher leur
geste aux élus de la région parisienne, qui ont accepté de faire un effort pour
la province.
Vous n'avez eu de cesse de nous le reprocher, disant : « Je suis contraint de
créer ce nouvel impôt parce que vous avez pris cette décision en 1995. » Oui,
vous avez dit cela, monsieur le secrétaire d'Etat, et cela m'a profondément
choqué !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur de La Malène, me permettez-vous de vous
interrompre ?
M. Christian de La Malène.
Je vous en prie : je serai heureux de vous entendre.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, ce qui a été décidé en 1995, ce
n'est pas de transférer une somme de l'Etat aux régions qui en ont le plus
besoin, mais de transférer une somme de l'Etat à la région d'Ile-de-France. Les
considérations d'aménagement du territoire, en la matière, me paraissent donc
difficiles à faire valoir. Je n'ai jamais reproché quoi que ce soit en la
matière.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur de La Malène.
M. Christian de La Malène.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai été heureux de vous entendre dire que vous
abandonniez la position que vous avez soutenue tout à l'heure et qui consistait
à nous faire porter le poids de décisions que vous étiez obligé de corriger.
Vous êtes donc d'accord : nous avons bien fait de transférer ces sommes.
Il nous faut maintenant trouver un moyen. Mais, sur ce point, j'ai été déçu,
car je n'ai rien entendu. Je vous ai simplement entendu dire que vous étiez
ouvert à une discussion. En revanche, vous ne nous avez pas dit pourquoi cette
taxe, pourquoi une telle assiette, pourquoi ces taux, pourquoi ces
contribuables. Vous n'avez pas expliqué pourquoi ces surfaces, pourquoi ces
commerces, pourquoi ces aires. Il s'agit pourtant d'éléments essentiels de
l'impôt.
Votons-nous un principe d'impôt ou bien un impôt ? Je souhaiterais le savoir.
Comme je ne le sais pas, je me ralliera à la position de la commission des
finances.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Quand une nouvelle taxe est détestable, il faut la supprimer. J'étais donc
favorable à l'amendement n° I-64 tendant à supprimer l'article 26. Si je suis
maintenant favorable à l'amendement n° I-19 de la commission des finances,
c'est parce qu'il intègre implicitement la suppression de l'extension de cette
taxe aux locaux commerciaux et aux locaux de stockage.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il y a un problème de procédure, voire un
problème politique, comme vient de le dire M. de La Malène.
La Haute Assemblée peut-elle accepter que les modalités, la quotité, la
localisation de la taxe, soient débattus non pas maintenant, devant le Sénat,
mais dans une phase ultérieure de la procédure budgétaire, éventuellement sans
les sénateurs ?
C'est un débat fantôme ! Nous ne savons pas sur quoi nous votons. Nous ne
connaissons pas le texte qui sera finalement élaboré par le Gouvernement et par
ses services et que nous retrouverons plus tard, sans pouvoir le modifier ou le
contrer.
Nous ne pouvons pas accepter de débattre d'un texte dont nous ne connaissons
pas les modalités précises. Plus concrètement, à propos d'une taxe, il nous
faut savoir où on la paie, qui paie et combien, Or nous ne le savons pas.
Quant au FARIF, monsieur le secrétaire d'Etat, en tant qu'ancien préfet de la
région d'Ile-de-France, vous connaissez parfaitement les mécanismes qui le
régissent. Or, lors de la dernière discussion du contrat de plan, l'utilisation
du FARIF a été intégrée dans celui-ci. C'est ainsi que la région
d'Ile-de-France - je demande aux provinciaux d'écouter cet argument d'un
Francilien, car nous avons été sensibles aux arguments qu'ils ont présentés - a
financé à concurrence de 70 % les efforts engagés en matière de transports en
commun et de transports routiers.
Comme l'a dit tout à l'heure M. Badré, il vous faudra, monsieur le secrétaire
d'Etat, engager la discussion sur ce point avec le président de la région
d'Ile-de-France au moment de la préparation du prochain contrat de plan. On
verra alors si le rapport est de 70/30, si le FARIF est intégré ou pas et si ce
fonds est doté d'un milliard ou de deux milliards de francs. Nous avons en
effet cru comprendre que le président de la région d'Ile-de-France ne
partageait pas votre point de vue à propos de la majoration du FARIF.
A cela s'ajoute le fait que, dans le Val-d'Oise, le FARIF, je n'en ai jamais
vu la couleur, car il n'y a aucune transparence.
Le minimum, ce serait une cogestion entre l'Etat et les responsables de la
région. Le minimum, ce serait une transparence autre que l'envoi d'un compte
rendu, en général illisible, que nous ne recevons qu'après le déroulement des
opérations, ce qui ne présente aucun intérêt.
J'en viens maintenant à l'aspect économique.
J'approuve les efforts de mes collègues du Val-d'Oise pour bricoler des
dispositions quant à la localisation, la quotité ou l'assiette, et ce sans
avoir d'engagement du Gouvernement et alors que la meilleure solution serait
peut-être une majoration éventuelle de la taxe sur les bureaux.
Mais, mes chers collègues, vous travaillez ainsi contre votre secteur
géographique. Je pourrais à cet égard citer - mais le respect de la
confidentialité s'y oppose - un nombre extrêmement important d'entreprises
situées dans ces zones particulièrement déprimées, au taux de chômage élevé,
des entreprises de logistique, de stockage, des entreprises dont les activités
sont liées, de manière lointaine d'ailleurs, à l'aéroport de Roissy, et qui
envisagent de délocaliser leurs activités.
Mes chers collègues, vous allez vous engager dans un dialogue avec le
Gouvernement, et, je vous le dis, vous serez « roulés dans la farine ». En
effet, au total, une nouvelle taxe sera créée, mais elle portera sur des
activités qui se délocaliseront, parfois même à l'étranger.
Je pourrais ainsi citer le cas d'une grande entreprise qui a hésité entre une
implantation dans l'est du Val-d'Oise ou en dehors du territoire national...
M. Dominique Braye.
C'est la même chose dans les Yvelines !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
On pourrait aussi parler de l'aéroport de Roissy !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Je ne vous comprends donc vraiment pas, mes chers collègues. Mais peut-être
avez-vous reçu des assurances secrètes de la part du Gouvernement sur une bonne
issue de ce débat !
Franchement, la meilleure solution, c'est l'amendement de la commission des
finances, et je le voterai.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Le grand mérite de l'amendement n° I-19 de la commission des finances, c'est
de faire apparaître deux aspects de ce texte, qu'il faut distinguer.
Le premier aspect concerne les bureaux, et je ne me refuse pas le moins du
monde à voir dans les mesures concernant les bureaux des motivations qui
peuvent avoir un impact en matière d'aménagement du territoire. Je n'y crois
pour ma part que médiocrement, non pas seulement parce que je suis un élu
parisien, mais parce que je ne sache pas que la taxation spécifique des bureaux
en région parisienne ait jamais joué un rôle fort important dans l'implantation
de ces bureaux dans d'autres régions. Ce sont en effet d'autres motivations,
d'autres incitations qui ont joué.
Je ne peux empêcher certains de nos collègues d'autres régions ni de nombreux
maires d'y croire eux aussi, et il est normal qu'ils ne soient pas frustrés
dans leur conviction, une conviction de bonne foi, je le reconnais en tant
qu'élu parisien.
J'adhère donc à la convention de la commission des finances qui consiste à
dire : « Nous payons notre tribut à ce que d'aucuns considèrent comme
indispensable à l'aménagement du territoire. » Je ne la conteste pas.
En revanche, monsieur le secrétaire d'Etat, s'agissant des commerces et des
surfaces de stockage, il n'existe aucune justification touchant à l'aménagement
du territoire.
Dans d'autres circonstances, le Gouvernement a pu dire : « Je déshabille
Pierre, cela va faire plaisir à Paul », ou : « Le malheur des uns va faire le
bonheur des autres ». Mais, cette fois-ci, vous n'avez même pas cette trouble
satisfaction, monsieur le secrétaire d'Etat. Vous ne pouvez pas soutenir un
seul instant que la mesure concernant les commerces contribue à l'aménagement
du territoire.
Voilà pourquoi j'approuve entièrement la distinction faite par la commission
des finances.
Comment pourriez-vous soutenir qu'une charge supplémentaire pesant sur les
locaux commerciaux ou sur l'hôtellerie dans la région parisienne est en quoi
que ce soit favorable aux autres régions, peut en quoi que ce soit inciter ces
commerces ou ces hôtels à s'installer autre part qu'à Paris ? C'est
complètement absurde.
Il s'agit de commerces d'environnement, liés pour une grande part à la
présence de la population ; vous ne les inciterez pas à se déplacer de cette
façon.
Pour ce qui concerne l'hôtellerie, monsieur le secrétaire d'Etat, je considère
vos mesures comme franchement contre-productives. On n'a pas le droit, quand on
est le Gouvernement d'un pays qui vient de traverser et qui traverse encore une
crise économique grave, de surtaxer certaines de ses activités les plus
essentielles à sa prospérité.
C'est bien le cas du tourisme. Or vous ne pouvez pas séparer le tourisme à
Paris du tourisme dans le reste de la France. C'est absurde, puisqu'il y a un
effet d'attraction : les touristes viennent à Paris et, ensuite, ils vont
visiter le reste de la France.
Franchement, monsieur le secrétaire d'Etat, cette disposition est malfaisante
sur le plan économique. Personne ne peut soutenir le contraire.
Vous n'aboutirez qu'à diminuer la part de résultats que ces activités peuvent
affecter à leur modernisation. Or il n'est pas digne d'un gouvernement de
prodiguer ainsi des contre-incitations à la modernisation du secteur commecial
et du secteur hôtelier. Je ne comprends pas comment une telle idée peut venir à
l'esprit d'un gouvernement.
J'ajoute, et j'en terminerai par là, monsieur le secrétaire d'Etat, que je
partage entièrement les considérations de forme qu'a développées M. Lachenaud.
Il n'est en effet pas très convenable de proclamer ouvertement que le Sénat n'a
aucune vocation à bénéficier du relatif désir de concertation du Gouvernement,
que ce dernier ne s'adressera qu'à l'autre assemblée.
C'est à proprement parler inadmissible. Comme il est inadmissible que, vous
adressant à M. le rapporteur général, vous lui disiez : « Vous coupez la poire
en deux : moi, j'empoche la moitié et, l'autre moitié, je vais la faire couper
en deux par l'Assemblée nationale. » C'est exactement votre façon de procéder
!
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait !
M. Michel Caldaguès.
Ce n'est pas normal. Aussi bien sur la forme que sur le fond, je désapprouve
totalement votre position consistant à refuser pêle-mêle tous les amendements.
Pour ma part, je voterai l'amendement de la commission des finances.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je dois dire que j'ai écouté ces échanges avec quelque curiosité et je pense
qu'on permettra à un provincial un peu ahuri par cette discussion de
s'introduire dans un débat qui devrait normalement rester confiné à des élus
parisiens ou de la région parisienne.
(Murmures sur diverses travées.)
A l'origine - je m'en souviens puisque je devais être au banc du
Gouvernement lorsque la taxe a été instituée, en 1990... ou 1991... - il
s'agissait de taxer ce que la région parisienne avait de particulier et
d'excessif par rapport aux autres villes, agglomérations ou régions, en matière
d'activités privées ; il s'agissait de taxer un empilement coûteux pour la
collectivité nationale d'entreprises et de bureaux, qui déséquilibrait
l'économie française.
Puis, très vite, on a dérapé en taxant Paris - capitale, en imposant la taxe
sur les institutions de la République : la présidence de la République,
Matignon, le Parlement, les ministères, la Cour de cassation, le Conseil
d'Etat, etc.
Il faut bien que les bureaux de ces institutions soient quelque part et, aller
dans cette voie, revenait presque à dire : « Il faut les décentraliser en
Lozère, ou ailleurs en province ; les affaires étrangères pourraient être dans
les Hautes-Alpes, l'équipement autre part, cela faciliterait sûrement les
choses pour le fonctionnement de l'Etat ! »
On sait pourtant ce qu'il en est dans les Etats qui ont une double capitale,
comme l'Afrique du Sud, avec une partie au Cap, notamment le Parlement, et le
reste même pas à Johannesburg mais à Pretoria...
Dans la foulée, on a taxé les mairies ; il y en a dans toutes les villes de
France. Mais, avec ce raisonnement tordu, on a fini par dire : « Ce n'est pas
normal que les mairies de Paris ne soient pas taxées. »
M. Denis Badré.
Des mairies, il y en a même dans les banlieues !
M. Michel Charasse.
Et on a abouti à une situation où on a fait payer au contribuable national,
parmi lequel il y a certes le Parisien, mais aussi tous les autres, ainsi qu'au
contribuable local une deuxième taxe, c'est-à-dire qu'en dehors de la TVA qui,
jusqu'à présent, était la seule taxe sur la taxe, on en a créé une : c'est
l'impôt qui finance une deuxième taxe !
On finira, en suivant le même raisonnement, par demander demain aux capitales
régionales de payer des taxes analogues pour irradier sur l'ensemble des
régions. On est bien parti pour cela !
M. Michel Caldaguès.
Ça, c'est sûr !
M. Michel Charasse.
Et on poursuit aujourd'hui, mes chers collègues, en taxant d'une manière que
je considère comme quelque peu aveugle - mon ami M. Angels l'a bien expliqué
tout à l'heure ; il n'a pas été le seul, mais son raisonnement était très clair
- non pas ce que la région parisienne peut avoir d'excessif, mais ce qu'elle a
de normal. Il faut bien qu'elle ait des hôtels, il faut bien qu'elle ait des
commerces, il faut bien, pour ces commerces, qu'il y ait des entrepôts... !
Voilà que, là, on taxe d'une manière telle qu'on peut considérer qu'on fait de
Paris un cas particulier alors que, dans toutes les grandes villes de France,
il y a des commerces, des entrepôts, des hôtels.
Qu'est-ce qui nous restera après cela ? Je vais le dire à ceux qui ont inventé
cette extension, ou qui y pensent : selon moi, vous finirez par nous demander
de rétablir l'impôt sur les portes et fenêtres, parce que, figurez-vous, à
Paris, il y en a plus que partout ailleurs !
(Sourires.)
M. Gérard Braun.
Et sur les chiens !
M. Michel Charasse.
Je ne suis pas sûr, mes chers collègues, que le Conseil constitutionnel ne
finira pas par considérer, à un moment ou à un autre, qu'on ne peut pas trop
s'éloigner du droit commun, en tout cas à n'importe quelles conditions, ni
taxer ce qu'on trouve également un peu partout en France, c'est-à-dire une
mairie, des commerces, des hôtels-restaurants...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. Michel Charasse.
En tout cas, du seul point de vue de l'unité de la République, je ne suis pas
sûr que nous ne prenions pas des risques. Mes amis et moi-même ne les
assumerons pas en votant même le rafistolage de l'article 26 que nous propose
la commission des finances.
Je crois que mieux vaudrait réfléchir - et ce sera peut-être la navette qui le
permettra - à une solution consistant à taxer le « plus » que rapporte, plus
que partout ailleurs, si je puis dire, au secteur des affaires le fait d'être
installé dans la région parisienne !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Le débat a pris un ton un peu vif, mais cette vivacité
ne me dérange pas.
Je voudrais répondre à un certain nombre d'orateurs que, si je suis ici, c'est
bien pour débattre avec la Haute Assemblée de ce projet du Gouvernement !
Toutefois, certains le comprendront, j'écoute avec plus d'attention les
explications relatives aux amendements qui tendent à améliorer le texte que
celles qui portent sur les amendements de suppression. D'ailleurs, dans le cas
d'un amendement de suppression, le message est suffisamment simple, monsieur
Caldaguès, et clair, monsieur Badré !
Sachez que j'écoute, et que le débat que nous avons ce soir aidera le
Gouvernement à améliorer le prélèvement qui est suggéré.
Certains pensent - mais je crois qu'ils prennent des craintes que je
qualifierai non pas d'ancestrales, mais de traditionnelles, pour des réalités -
que, par cette taxe, le Gouvernement a en quelque sorte l'intention de punir la
région d'Ile-de-France de son dynamisme dans les domaines touristique,
commercial, etc. Ce n'est absolument pas le raisonnement du Gouvernement.
M. Dominique Braye.
Si ce n'est pas l'intention, c'est en tout cas le résultat !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
A titre personnel et en tant que membre du
Gouvernement, je ne pense pas en tout cas que le fait de taxer des commerces,
des hôtels et des activités de stockage favorisera le départ de ces activités
vers d'autres départements ou régions périphériques.
La justification est claire - je l'ai déjà exposée, mais peut-être dois-je la
répéter ! -, elle consiste à faire en sorte que les bénéficiaires des
infrastructures de transport participent au financement de celles-ci. Il est
évident que les commerces, les bureaux et d'autres activités bénéficient des
facilités de circulation tant des biens que des personnes.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Croyez-vous qu'ils ne paient pas d'impôt ?
M. Michel Caldaguès.
Ils paient déjà des impôts !
M. le président.
Mes chers collègues, laissez parler M. le secrétaire d'Etat !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
J'en ai bientôt terminé, monsieur le président.
M. le président.
Vous avez tout le temps, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Mais je sens que certains sont impatients de parler,
et je ne voudrais pas les contrarier !
J'estime simplement normal - il s'agit d'un argument qui a été cité, je crois,
par Mme Beaudeau et par M. Angels au nom de M. Delanoë et qui me paraît
raisonnable - qu'en Ile-de-France chacun contribue, à raison de ses facultés,
au bon fonctionnement de cette région.
M. Michel Charasse.
Y compris les usagers !
M. Jean Chérioux.
« En fonction de ses facultés » !
M. Michel Charasse.
Les transports, à Paris, sont moins chers qu'ailleurs !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Charasse, chacun sait que l'usager des
transports parisiens paie moins que l'usager des transports collectifs lyonnais
ou marseillais.
M. Jean Chérioux.
C'est l'Etat qui fixe les tarifs de la RATP !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Cela fait quelque temps, monsieur Chérioux ! Vous
aurez certainement l'occasion d'en débattre avec M. le ministre des
transports.
Je voulais vous donner très calmement ces explications. Ce débat est utile et
il vaut, du point de vue du Gouvernement, autant que celui qui a eu lieu, ou
qui aura lieu, à l'Assemblée nationale. Je ne fais en effet absolument aucune
différence au sein du processus démocratique.
M. Dominique Braye.
Il ne suffit pas de le dire !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
L'objectif du Gouvernement n'est pas de frapper la
région d'Ile-de-France. Il est de parvenir à une juste contribution de ses
activités économiques à la modernisation de ses transports.
M. Christian de La Malène.
C'est pire que ce que j'imaginais !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° I-19, repoussé par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 26 est ainsi rédigé et les amendements n°s I-192 à
I-196, I-239 rectifié
bis,
I-119, I-240, I-241 et I-196 n'ont plus
d'objet.
Les articles 27 et 27
bis
ont été examinés en priorité le mardi 24
novembre.
Article 28
M. le président.
« Art. 28. - I. - L'article 158
bis
du code général des impôts est
ainsi modifié :
« 1. Les dispositions de cet article sont regroupées sous un I.
« 2. Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. - Par exception aux dispositions prévues au I, ce crédit d'impôt est
égal à 45 % des sommes effectivement versées par la société lorsque la personne
susceptible d'utiliser ce crédit n'est pas une personne physique. Cette
disposition ne s'applique pas lorsque le crédit d'impôt est susceptible d'être
utilisé dans les conditions prévues au 2 de l'article 146. »
« II. - Le premier alinéa du 1 de l'article 223
sexies
du code général
des impôts est ainsi modifié :
« 1. A la première phrase, les mots : "montant du crédit prévu à l'article 158
bis
et attaché à ces distributions" sont remplacés par les mots :
"crédit d'impôt calculé dans les conditions prévues au I de l'article 158
bis
". »
« 2. Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, le précompte est égal au crédit d'impôt calculé dans les
conditions prévues au II de l'article 158
bis
lorsque la société
justifie qu'il est susceptible d'être utilisé. »
« 3. La dernière phrase est ainsi rédigée :
« Le précompte est dû au titre des distributions ouvrant droit au crédit
d'impôt prévu à l'article 158
bis
quels qu'en soient les bénéficiaires.
»
« III. - 1. Les dispositions du I s'appliquent aux crédits d'impôt utilisés à
compter du ler janvier 1999.
« 2. Les dispositions du II s'appliquent aux distributions mises en paiement à
compter du ler janvier 1999. »
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-263, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose de supprimer cet article.
Par amendement n° I-66, MM. Badré et Fréville proposent :
I. - De compléter le texte présenté par le 2 du I de l'article 28 pour le II
de l'article 158
bis
du code général des impôts par une phrase ainsi
rédigée :
« Lorsque les dividendes ont donné lieu au versement du précompte visé au 1 de
l'article 223
sexies
et que les produits distribués correspondant à ces
dividendes n'ont pas été prélevés sur la réserve spéciale des plus-values à
long terme, le crédit d'impôt de 45 % est complété par un crédit d'impôt
compensatoire égal à 10 % dudit précompte. »
II. - En conséquence, de supprimer le 2 du II de cet article.
Par amendement n° I-85, MM. Deneux et Fréville proposent de compléter le texte
présenté par le 2 du paragraphe I de l'article 28 pour le II de l'article 158
bis
du code général des impôts par un alinéa ainsi rédigé :
« Le crédit d'impôt est égal à 50 % des sommes effectivement versées
lorsqu'elles résultent de la détention de parts de sociétés coopératives, à
l'exclusion du recours aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 16 de
la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. »
Par amendement n° I-138, M. Loridant propose de compléter le texte présenté
par le 2 du II de l'article 28 pour insérer une phrase après la première phrase
du premier alinéa du I de l'article 223
sexies
du code général des
impôts par les mots suivants : « ... par des personnes autres que des personnes
physiques ou dans les conditions du 2 de l'article 146 du code général des
impôts, éventuellement par voie de restitution. »
Par amendement n° I-137, M. Loridant propose, après le II de l'article 28,
d'insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Après le troisième alinéa de l'article 223
sexies
du code
général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'impôt sur les sociétés restant dû après imputation de l'avoir fiscal visé
au II de l'article 158
bis
est réputé constituer un bénéfice soumis à
l'impôt sur les sociétés au taux normal au sens du premier alinéa. »
La parole est M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n°
I-263.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission propose, cette fois-ci, la suppression
de l'article 28, et je vais brièvement vous expliquer ses motivations.
Par cet article, le Gouvernement prévoit de réduire le montant de l'avoir
fiscal de 50 % à 45 % du montant des produits distribués aux actionnaires
personnes morales.
Pour mesurer l'effet de la mesure, il convient de rappeler que l'avoir fiscal
n'élimine totalement la double imposition qui pèse sur les bénéfices distribués
que lorsque deux conditions sont remplies simultanément : un avoir fiscal égal
à la moitié des sommes distribuées, et un taux d'imposition des bénéfices des
sociétés de 33,33 %. C'est en quelque sorte le point d'équilibre.
Aujourd'hui, la seconde de ces deux conditions n'est plus remplie. En effet, à
la suite de la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier,
dite MUFF, votée à l'automne 1997, le taux de l'impôt sur les sociétés a été
porté à 41,66 %. L'avoir fiscal de 50 % n'efface donc plus totalement l'impôt
sur les sociétés subi par les bénéfices distribués, et les dividendes font donc
l'objet d'une taxation supplémentaire au taux de 7,3 % entre les mains des
actionnaires, ce qui doit naturellement réjouir Mme Beaudeau et les membres de
son groupe.
Conformément aux dispositions de la loi dite MUFF, le taux de l'impôt sur les
sociétés sera ramené à 40 % en 1999. C'est une promesse tenue.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Merci !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mais mieux aurait valu ne pas augmenter ce taux à
41,66 %.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Nous avons été à bonne école !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela va réduire de 7,3 % à 6 % l'impôt supplémentaire
payé par les actionnaires.
Loin de se satisfaire d'un tel allégement d'impôts, le Gouvernement nous
propose aujourd'hui de diminuer, en contre-partie, le montant de l'avoir fiscal
pour les seuls actionnaires personnes morales, ce qui devrait conduire à
péréniser le prélèvement supplémentaire qu'ils doivent acquitter.
C'est donc, en quelque sorte, je le souligne, une sorte de manquement à la
parole donnée lorsque le Gouvernement avait présenté l'augmentation du taux de
l'impôt sur les sociétés comme une mesure temporaire. En effet, il en reprend,
dans une situation certes particulière,...
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Vous parlez du gouvernement de M. Juppé ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Non, je parle de celui de M. Jospin !
Vous aviez bien indiqué que le prélèvement sur les sociétés prévu dans la loi
dite MUFF serait modéré.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
On l'a fait pour 1999, vous le reconnaissez
vous-même.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait, mais ce que je veux dire, monsieur le
secrétaire d'Etat, c'est que, dans ce cas particulier, vous reprenez d'une main
une partie de ce que vous avez donné de l'autre, en ce qui concerne les
actionnaires personnes morales.
Je pense avoir montré par ces quelques chiffres qu'en accroissant la double
imposition qui touche les revenus distribués cet article aura pour conséquence
d'annuler en partie la baisse de l'impôt sur les sociétés, ce que la commission
des finances ne peut pas admettre.
Le Gouvernement oublie en outre que les PME qui réalisent moins de 50 millions
de francs de chiffre d'affaires n'ont pas été touchées...
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Eh oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... par les contributions exceptionnelles à l'impôt
sur les sociétés de 15 %, puis de 10 %. Mais cette mesure de faveur, que vous
leur avez consentie en 1997, se retourne maintenant contre elles avec l'article
28. Elles seront directement pénalisées par la baisse de l'avoir fiscal sans
compensation d'aucune sorte.
Il s'agit d'une petite mesure anti-PME, certes, mais d'une mesure anti-PME
tout de même ! Par ailleurs, elle institue un traitement différencié entre les
actionnaires, selon qu'ils sont personnes morales ou personnes physiques, et
une distorsion avec le précompte qu'il est proposé dans le texte, sous réserve
d'ajustements difficiles à mettre en oeuvre, de calculer toujours au taux de 50
%.
Le Gouvernement rend ainsi encore plus complexes, mes chers collègues, un
mécanisme qui ne se distinguait déjà pas par sa simplicité. Il m'a fallu une
analyse approfondie pour en décrypter, avec l'aide précieuse des services de la
commission, les détours quelque peu confus.
Enfin, la mesure proposée, qui a vraiment tout pour nous plaire, est
rétroactive, puisqu'elle s'appliquerait à des distributions qui ont eu lieu en
1998 et qui ont été assorties d'un avoir fiscal à 50 %. Certaines d'entre elles
ont pu déjà donner lieu au versement d'un précompte à 50 %.
On le voit bien, mes chers collègues, à partir de tous ces éléments que j'ai
égrenés avec tristesse, la commission des finances ne peut que proposer la
suppression de l'article.
M. le président.
La parole est à M. Badré, pour défendre l'amendement n° I-66.
M. Denis Badré.
Cet amendement vise à annuler, par un crédit d'impôt compensatoire de
l'excédent du précompte, l'effet de la réduction de 50 % à 45 % du taux de
l'avoir fiscal attaché aux dividendes distribués à des actionnaires autres que
des personnes physiques. Il est donc motivé par le souci de respecter
scrupuleusement le principe de l'égalité devant l'impôt.
La solution que je propose s'inspire d'ailleurs, pour atteindre cet objectif,
du dispositif de remboursement du précompte prélevé sur les dividendes servis
aux actionnaires non-résidents n'ayant pas droit au transfert de l'avoir
fiscal. Elle ferait donc coup double en rétablissant aussi l'égalité entre
résidents et non-résidents sur ce point.
M. le président.
La parole est à M. Deneux, pour défendre l'amendement n° I-85.
M. Marcel Deneux.
L'article 28 du projet de loi de finances prévoit de réduire de 50 % à 45 %
des sommes nettes distribuées le montant de l'avoir fiscal attaché aux
dividendes reçus par les sociétés, directement ou par l'intermédiaire de
sociétés de personnes ou d'organismes de placement collectif en valeurs
mobilières, et utilisés à compter du 1er janvier 1999.
Dans sa présentation, le 22 juillet 1998, des grandes orientations des
finances publiques pour 1999, le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie a déclaré avoir proposé cette réduction du taux de l'avoir fiscal
des entreprises « afin que la fiscalité ne favorise pas les placements
financiers spéculatifs des entreprises ». Or, les coopératives ne sont pas
visées par cette proposition, car les personnes morales porteuses de parts
sociales d'entreprises coopératives ne peuvent en aucune façon être concernées
par de telles motivations.
En effet, d'une part, le fait d'être sociétaire d'une société coopérative
implique par nature, l'existence d'un lien avec l'activité économique de cette
société ; d'autre part, le capital des sociétés coopératives est composé
presque exclusivement de parts sociales dont les caractéristiques sont
fondalement différentes de celles des actions.
La combinaison de ces caractéristiques fait que le porteur de parts sociales
d'une coopérative ne peut jamais espérer de profit spéculatif de sa
souscription au capital social.
Il recevra au mieux un intérêt annuel limité, et il ne pourra céder ses parts
qu'au prix où il les a achetées. En aucun cas il ne peut donc réaliser une
plus-value sur ses parts sociales. Il ne peut pas non plus acquérir le contrôle
de l'entreprise.
Dans ces conditions, il est légitime que les personnes morales détentrices de
parts sociales d'entreprises coopératives non revalorisables continuent de
bénéficier d'un avoir fiscal de 50 %.
M. le président.
La parole est à M. Loridant, pour présenter les amendements n°s I-138 et
I-137.
M. Paul Loridant.
Je tiens d'abord à dire que je présente ces deux amendements à titre
personnel, et qu'ils ne sauraient engager le groupe auquel j'appartiens.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce sont plutôt de bons amendements !
M. Paul Loridant.
Ces amendements techniques portent, il faut le reconnaître, sur un sujet
particulièrement difficile.
L'amendement n° I-138 est un simple amendement de précision destiné à éviter
des difficultés d'interprétation de l'article 28.
Quant à l'amendement n° I-137, je voudrais apporter les précisions
suivantes.
L'article 28 de ce projet de loi de finances prévoit de réduire le taux de
l'avoir fiscal attaché à certains dividendes : l'avoir fiscal passerait ainsi
de 50 % du dividende à 45 %, afin d'alourdir la taxation de certains gains
spéculatifs réalisés non pas par des personnes physiques, mais par des
personnes morales, par des entreprises.
Cette disposition, dont je comprends tout à fait la motivation, pose toutefois
des difficultés d'application. En effet, l'abaissement de l'avoir fiscal à 45 %
du dividende conduit l'entreprise à payer un impôt complémentaire et donc à
réduire le montant du dividende effectivement mis en distribution, quelle que
soit la personne qui bénéficie de cette distribution.
Si l'objet est bien d'atteindre les sociétés qui procèdent à des placements
que l'on peut qualifier de « spéculatifs », il convient, en revanche, de ne pas
réduire en chaîne les sommes effectivement distribuées. C'est pourquoi une
mesure de correction serait souhaitable. D'apparence complexe, elle est au fond
très simple : il s'agit, non pas de revenir sur le dispositif proposé qui, à
mes yeux, va dans le bon sens puisque l'entreprise reste redevable d'un impôt
complémentaire sur le dividende perçu, mais de prévoir que cet impôt
supplémentaire ne viendra pas en diminution de la masse distribuable aux
actionnaires de cette société.
Il reste que, si le bénéficiaire de la nouvelle distribution est une personne
morale, cette dernière ne bénéficiera que d'un avoir fiscal de 45 %. La
pénalisation est donc maintenue, monsieur le secrétaire d'Etat, mais elle est
mieux ciblée sur les seules sociétés réalisant des gains spéculatifs sur le
marché boursier, et non pas sur des personnes physiques.
Enfin, cette mesure de correction a pour effet supplémentaire de faire entrer
des recettes dans les caisses du Trésor puisque les actionnaires bénéficiaires
d'un dividende non réduit du montant de l'impôt payé acquitteront alors un
impôt sur le revenu supérieur.
Telles sont les considérations techniques qui me font proposer cet amendement
I-137, qui, à mon sens, vient améliorer la rédaction du texte initial et qui,
vous l'avez compris, monsieur le secrétaire d'Etat, vient conforter le texte
contrairement à l'amendement de la commission des finances qui, lui, tend à
supprimer l'article.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur Badré, nous nous trouvons dans la situation
inverse de celle que nous avons connue à l'article précédent, puisque c'est
maintenant la commission qui propose la suppression et vous qui proposez
l'aménagement.
M. Denis Badré.
C'est précisément ce que je me disais !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Au demeurant, nos aspirations sont tout à fait
identiques.
M. Deneux a formulé une remarque tout à fait justifiée, mais son amendement
sera satisfait par le vote de l'amendement de suppression.
Les deux amendements présentés par Paul Loridant sont extrêmement judicieux :
ils soulèvent des problèmes tout à fait pertinents avec une grande finesse
technique. Je regrette donc que, dans l'hypothèse où l'amendement de
suppression serait voté, il subirait un sort défavorable...
M. Paul Loridant.
L'Assemblée nationale y remédiera.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cher collègue, nous sommes au Sénat. Mais peut-être y
aura-t-il effectivement un député qui exprimera les mêmes préoccupations que
vous !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-263, I-66, I-85,
I-138 et I-137 ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est défavorable, on le comprendra, à
l'amendement de suppression totale, présenté par M. Marini, comme à
l'amendement de suppression partielle, défendu par M. Badré.
Je ne vais pas reprendre l'explication du bien-fondé de l'article 28 ; je
dirai simplement que le Gouvernement estime, avec la majorité plurielle qui le
soutient, qu'il faut encourager les entreprises à se tourner - ce qu'elles font
spontanément - vers des investissements productifs plutôt que vers des
investissements financiers ; la création de 300 000 emplois intervenue cette
année le montre à l'évidence. Mais, pour réduire certaines tentations
exceptionnelles, la diminution de l'avoir fiscal rend un peu moins attractif
l'investissement financier des entreprises non financières.
Je ferai deux remarques constructives à l'intention de M. le rapporteur
général.
Tout d'abord, les PME distribuent des dividendes, c'est vrai, mais la plupart
du temps elles le font à des personnes physiques et elles bénéficient, alors,
de l'avoir fiscal inchangé de 50 %.
Ensuite, vous avez émis des critiques à l'encontre d'une légère rétroactivité.
Bien qu'ayant été privé de la possibilité de participer à un certain débat qui
s'est déroulé à l'Assemblée nationale, je peux vous dire que M. Sarkozy
acceptait, lui, une petite rétroactivité ; vous pourrez donc dialoguer avec lui
sur ce point.
A M. Deneux, je dirai en toute cordialité que, du point de vue fiscal, les
sociétés coopératives sont exactement placées sur le même plan que les autres
formes de sociétés. L'exception qu'il suggère ne paraît donc pas opportune au
Gouvernement.
M. Loridant s'est placé dans un état d'esprit complètement différent. Il a, à
titre personnel, proposé de très subtiles améliorations techniques. Je vais lui
répondre rapidement ; un dialogue ultérieur pourra être engagé avec les
spécialistes.
Je crois avoir compris l'intention de l'amendement n° I-138 : il s'agit
d'abaisser le taux du précompte à 45 % lorsque l'avoir correspondant
susceptible d'être utilisé par l'actionnaire ne s'élève plus qu'à 45 %.
L'article 28 tel qu'il est rédigé répond déjà à votre préoccupation, monsieur
le sénateur.
A propos du même amendement, je vous indique que, dans la situation où la
société distributrice aurait acquitté un excédent de précompte, cas qui peut se
produire, elle serait en droit d'en demander la restitution, comme il en va de
tout impôt payé à tort, dans les conditions prévues aux articles bien connus R.
196-1 et suivants du livre des procédures fiscales.
Il me semble donc, monsieur Loridant, que votre amendement n° I-138 est déjà
exaucé.
Quant à l'amendement n° I-137, il me semble moins justifié que le précédent
car, du fait de la réduction de 50 % à 45 % du taux de l'avoir fiscal, les
sociétés devront acquitter un impôt supplémentaire qui devrait logiquement
venir diminuer leur capacité de distribution.
La solution que vous préconisez par votre amendement autoriserait en réalité
des sociétés à distribuer sans précompte d'autres bénéfices que ceux qui
proviennent de dividendes perçus.
Au surplus, votre amendement conduirait le Trésor à octroyer aux actionnaires
personnes physiques de la société un avoir fiscal dont une partie ne
correspondrait au versement d'aucun impôt, ce qui serait inacceptable.
Telles sont les quelques remarques assez techniques, mais qui rendent hommage
à la qualité de votre réflexion, que je souhaitais faire sur vos deux
amendements. Il me semble qu'après ces commentaires vous pourriez les
retirer.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-263.
M. Thierry Foucaud.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
majorité de la commission des finances a décidé de remettre en question la
réduction à 45 % de l'avoir fiscal des personnes morales.
Outre que l'application de cette proposition coûterait à peu près 1 milliard
de francs, qu'il faudrait bien retrouver quelque part, elle ne nous paraît pas
justifiée.
En effet, le taux de l'impôt sur les sociétés est, depuis 1993, fixé à 33,33
%.
Même lorsque l'on prend en compte les majorations exceptionnelles, on parvient
pour 1999 à un taux d'environ 40 % pour les entreprises réalisant un chiffre
d'affaires supérieur à 50 millions de francs et de 36,67 % pour les autres.
Rien donc, dans les faits, si l'on considère l'avoir fiscal comme la
récupération d'une double imposition, ne justifie le maintien du taux de cet
avoir fiscal à 50 %, taux d'imposition historique de l'impôt sur les
sociétés.
Pour notre part, nous considérons l'article 28 comme un premier pas dans
l'application réaliste du dispositif de l'avoir fiscal.
C'est d'autant plus vrai qu'il ne s'est produit qu'un accroissement du montant
des dividendes versés dans la foulée du processus de réduction du taux de
l'impôt sur les sociétés.
Rappelons que l'existence de l'avoir fiscal obère singulièrement l'efficacité
économique et sociale de l'impôt sur le revenu comme celle de l'impôt sur les
sociétés, d'autant que les dividendes versés par les entreprises privées ont
atteint, en 1997, le montant historique de 500 milliards de francs.
Nous ne voterons donc pas l'amendement n° I-263 de la commission des
finances.
M. le rapporteur général s'inquiétait tout à l'heure du désordre qui régnait
au sein de la majorité dite « plurielle ». Je lui répondrai simplement que les
amendements que je dépose visent à enrichir et non à affadir le texte.
En ce qui me concerne, je veux affirmer haut et fort que j'approuve et
soutiens un gouvernement qui s'engage à créer des centaines de milliers
d'emplois-jeunes, à instaurer les 35 heures et à augmenter les minima sociaux.
Vous aurez bien évidemment compris, mes chers collègues, que je ne puis
soutenir le contraire.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Le dispositif proposé par l'article 28 est sans conteste compliqué et son
application n'ira pas sans poser de problèmes, s'agissant notamment des
non-résidents mais aussi de la mesure prévue en matière de précompte. Ce n'est
pourtant pas une raison pour rejeter cet article, bien au contraire.
Le Gouvernement, en présentant ce dispositif, a un double objectif : d'une
part, celui de taxer les gains spéculatifs réalisés sur les marchés boursiers
et, d'autre part, celui d'inciter les entreprises à orienter leurs ressources
vers des investissements créateurs d'emplois. C'est la raison pour laquelle il
a choisi de ne viser que les personnes morales. Nous ne pouvons que souscrire à
ces deux motivations.
Au demeurant, en analysant l'évolution du prélèvement fiscal dans le cadre de
l'impôt sur les sociétés intervenue depuis les trente dernières années, force
est de constater que l'avoir fiscal a eu un impact disproportionné.
En effet, il a contribué non seulement à atténuer la double imposition
résultant de l'application de l'impôt sur les bénéfices, ensuite sur les
dividendes, mais aussi à effacer en quasi-totalité, voire en totalité, la
taxation au titre de l'impôt sur les sociétés.
Je rappelle qu'il n'existe dans le droit communautaire aucun principe
impliquant cette neutralisation. Il n'y a aucune raison de poursuivre dans ce
sens. Il est donc tout à fait positif, sachant par ailleurs que l'impact de
l'article 28 est limité, de réduire la portée de l'avoir fiscal. Le groupe
socialiste ne peut que se féliciter du fait que le Gouvernement l'ait inséré
dans le projet de loi de finances.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-263, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 28 est supprimé et les amendements n°s I-66, I-85,
I-138 et I-137 n'ont plus d'objet.
Article 28
bis
M. le président.
« Art. 28
bis
. - I. - L'article 209 du code général des impôts est
complété par un
IV
ainsi rédigé :
«
IV.
- 1. Pour la détermination du résultat imposable des sociétés
d'assurance mutuelles, le droit d'adhésion versé par un sociétaire au cours de
l'exercice de son adhésion et inscrit en comptabilité au compte "fonds
d'établissement" est considéré comme un apport à hauteur d'un montant égal au
rapport entre le montant minimal de la marge de solvabilité exigée par la
réglementation et le nombre de sociétaires, constaté à la clôture de l'exercice
précédent. Lorsque la marge de solvabilité effectivement constituée est
inférieure au montant minimal réglementaire, le premier terme de ce rapport est
majoré du montant de cette insuffisance.
« 2. Les sommes prélevées sur le compte "fonds d'établissement" sont
rapportées au résultat imposable de l'exercice en cours à la date de ce
prélèvement, dans la limite de celles ayant bénéficié des dispositions du 1.
« 3. La disposition du 2 n'est pas applicable en cas d'imputation de pertes
sur le compte "fonds d'établissement" ; les pertes ainsi annulées cessent
d'être reportables. » -
(Adopté.)
Article 28
ter
M. le président.
« Art. 28
ter
. - I. - Le I de l'article 216 du code général des impôts
est complété par les mots et un alinéa ainsi rédigés : ", défalcation faite
d'une quote-part de frais et charges".
« La quote-part de frais et charges visée à l'alinéa précédent est fixée
uniformément à 2,5 % du produit total des participations, crédit d'impôt
compris. Cette quote-part ne peut toutefois excéder, pour chaque période
d'imposition, le montant total des frais et charges de toute nature exposés par
la société participante au cours de la même période. »
« II. - Dans le deuxième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts,
après les mots : "ouverts avant le 1er janvier 1993", sont insérés les mots :
"ou clos à compter du 31 décembre 1998". »
Par amendement n° I-25, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous allons poursuivre notre travail de
simplification de cette loi de finances, si vous le voulez bien, mes chers
collègues.
L'article 28
ter
a été introduit à l'Assemblée nationale pour financer
notamment l'exonération de la TVA sur les terrains à bâtir.
Nous avons discuté hier matin très longuement de cette mesure, qui méritait
quelques utiles correctifs. Il y aurait également beaucoup à dire de la
ressource qui a été dégagée pour l'accompagner.
L'article 28
ter
vise à rétablir un dispositif qui avait été supprimé
par la loi de finances pour 1993 et qui obligeait les sociétés mères, dans le
cadre du régime mère-fille, a augmenter leur bénéfice imposable d'une
quote-part des frais et charges afférents aux dividendes versés par leurs
filiales. Cette quote-part serait fixée dorénavant à 2,5 % du produit total des
participations, crédit d'impôt compris, contre 5 % dans le régime antérieur à
1993.
Cet article opère clairement une régression par rapport à l'état atteint par
le droit fiscal applicable aux entreprises en ce qu'il contribue à rétablir une
double taxation sur les dividendes versés par une filiale à sa mère.
En outre, il vise des investissements qui, par nature, ne peuvent pas être
spéculatifs, pour utiliser la terminologie de certains de nos collègues,
puisqu'ils excèdent 10 % du capital : ce sont des participations stables dans
des entreprises sur lesquelles une maison mère exerce une influence ou un
contrôle.
Il convient de rappeler enfin que le régime mère-fille a pour objet d'éviter
toute double taxation. Il est anti-économique de rétablir un impôt sur les
dividendes versés par une filiale à sa mère.
Tels sont les éléments qui ont conduit la commission des finances à proposer
la suppression de l'article 28
ter
.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car
il tend à supprimer une disposition qui est susceptible de rapporter une somme
de 1 550 millions de francs et qui n'a rien de choquant puisqu'on en trouve de
semblables dans la plupart des pays européens.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-25.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Notre groupe tient beaucoup à cet article 28
ter
, qui remet en
question, de manière intéressante, l'incroyable dispositif fiscal des sociétés
mères et les processus de consolidation des résultats de groupe.
L'imposition des sociétés placées sous le régime des articles 223 A à 223 U du
code généal des impôts a créé une importante distorsion de traitement entre les
sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés.
On rappellera en particulier que la dépense fiscale engendrée par l'ensemble
des dispositions concernées est aujourd'hui supérieure à 30 milliards de
francs, constituant donc une importante perversion du traitement fiscal des
entreprises dans notre pays.
On peut, en fait, aujourd'hui, y distinguer trois catégories d'entreprises.
La première regroupe les exploitants individuels dont le revenu est soumis à
l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux, dont
le taux marginal, on le sait, est supérieur à 50 %.
La deuxième comprend les sociétés qui ne sont pas intégrées dans un groupe et
qui peuvent donc être imposées au taux de 36,67 % ou de 40 %, selon le niveau
de leur chiffre d'affaires.
La troisième est constituée par les sociétés membres d'un groupe, qui
bénéficient d'allégements sensibles de ce taux et qui peuvent avoir, même avec
un chiffre d'affaires particulièrement élevé, une faible cotisation à
acquitter.
Cet article 28
ter
vise en particulier les sociétés mères de ces
groupes, en inscrivant dans le cadre de l'article 223 B le pourcentage
forfaitaire de prise en compte des frais et charges de gestion des sociétés
mères au titre de leurs participations dans leurs filiales.
Le problème, bien entendu, pour notre commission des finances, est que la
rédaction de l'article 28
ter
fait référence à une quote-part de 2,5 %,
dont le niveau, soit dit en passant, est assez proche de la réalité des charges
considérées, alors que l'ancien article 216 du code général des impôts
prévoyait une quote-part de 5 %.
Cette évolution paraît relativement faible en pratique, mais on mesure mieux
la portée de l'article 28
ter
quand on sait que ce dispositif concerne
des groupes qui gèrent parfois plus de 10 milliards de francs d'immobilisations
financières, notamment Vivendi ou Pinault-Printemps-La Redoute, que nous avons
évoqués hier au sujet de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Ce qui est sûr, c'est que la majorité de la commission des finances et le
rapporteur général, se montrent une fois de plus très sensibles aux
préoccupations des plus grandes entreprises.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-25, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 28
ter
est supprimé.
Articles additionnels après l'article 28
ter
M. le président.
Par amendement n° I-199, M. César et les membres du groupe du Rassemblement
pour la République proposent d'insérer, après l'article 28
ter
, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 72 du code général des impôts, il est inséré un article
ainsi rédigé :
«
Art...
. - En cas de transmission ou de rachat des droits d'un
associé, personne physique, dans une société mentionnée à l'article 8, qui
exerce une activité relevant du champ d'application de l'article 63 et qui est
soumise à un régime réel d'imposition, l'impôt sur le revenu peut être établi
au nom de cet associé pour sa quote-part dans les résultats, déterminés dans
les conditions prévues aux articles 72 à 75, réalisés depuis la fin de la
dernière période d'imposition jusqu'à la date de cet événement. Cette mesure
s'applique sur demande conjointe de l'associé dont les titres sont transmis ou
rachetés ou de ses ayants cause et du bénéficiaire de la transmission ou, en
cas de rachat, des associés présents dans la société à la date du rachat. Le
bénéficiaire de la transmission des titres est alors imposable à raison de la
quote-part correspondant à ses droits dans le bénéfice réalisé par la société
au cours de l'exercice, diminué de la part du résultat imposé dans les
conditions prévues au premier alinéa. En cas de rachat des titres par la
société, les associés présents dans la société à la clôture de l'exercice sont
imposables à raison du résultat réalisé par la société au cours de l'exercice,
sous déduction de la part du résultat imposé dans les conditions prévues au
premier alinéa, au nom de l'associé dont les titres ont été rachetés.
« Un décret fixe les modalités d'application du présent article, notamment les
obligations déclaratives des contribuables.
« Ces dispositions s'appliquent aux transmissions et rachats de parts
intervenues à compter du 1er janvier 1999. »
La parole et à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Lorsque la commission des finances a eu à examiner les amendements n°s I-199,
I-200, I-202 et I-201 présentés par notre collègue M. César et les membres du
groupe du RPR, elle a très sagement estimé qu'ils trouveraient mieux leur place
dans le projet de loi d'orientation agricole et en a préconisé le retrait.
Je retire donc ces quatre amendements.
M. le président.
L'amendement n° I-199 est retiré, ainsi que les amendements n°s I-200, I-202
et I-201.
Par amendement n° I-88, MM. Arnaud, Doublet, Bécot, Huchon, Branger, Belot,
Souplet, de Richemont et Raffarin proposent d'insérer, après l'article 28
ter,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré, après l'article 72 B
bis
du code général des
impôts, un article ainsi rédigé :
« ... : Sur option de l'exploitant, les stocks d'eaux-de-vie et de spiritueux
peuvent être comptabilisés en immobilisation à compter de leur sixième année de
détention.
« II. - Les pertes de recettes résultant, pour l'Etat, de l'application du I
sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon.
Cet amendement concerne les stocks à rotation lente.
Nous le présentons alors que des négociations sont en cours entre les pouvoirs
publics et les responsables du secteur du cognac et des eaux-de-vie, qui
connaît depuis plusieurs années une crise très profonde, et que des mesures
fiscales sont en préparation.
Le vieillissement des eaux-de-vie est une étape indispensable du processus
d'élaboration et de commercialisation. Il nécessite un stockage prolongé.
Or la fiscalité agricole, malgré des aménagements successifs, n'est pas à même
d'appréhender la réalité des ventes de stocks à rotation très lente. Il est
anormal d'appliquer une fiscalité permanente à un produit vendu de façon
exceptionnelle.
Toutefois, comme M. Oudin, je pense que cet amendement trouvera mieux sa place
dans la discussion du projet de loi d'orientation agricole. En conséquence, je
le retire.
M. le président.
L'amendement n° I-88 est retiré.
Je rappelle que l'article 29 a été examiné le mardi 24 novembre.
Article 30
M. le président.
« Art. 30. - I. - Après l'article 266
quinquies
du code des douanes, il
est inséré les articles 266
sexies
à 266
undecies
ainsi rédigés
:
«
Art. 266
sexies
. - I. - Il est institué à compter du 1er
janvier 1999 une taxe générale sur les activités polluantes qui est due par les
personnes physiques ou morales suivantes :
« 1. Tout exploitant d'une installation de stockage de déchets ménagers et
assimilés ou tout exploitant d'une installation d'élimination de déchets
industriels spéciaux par incinération, coïncinération, stockage, traitement
physico-chimique ou biologique non exclusivement utilisées pour les déchets que
l'entreprise produit ;
« 2. Tout exploitant d'une installation soumise à autorisation au titre de la
loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la
protection de l'environnement dont la puissance thermique maximale lorsqu'il
s'agit d'installations de combustion, la capacité lorsqu'il s'agit
d'installations d'incinération d'ordures ménagères, ou le poids des substances
mentionnées au 2 de l'article 266
septies
émises en une année lorsque
l'installation n'entre pas dans les catégories précédentes, dépassent certains
seuils fixés par décret en Conseil d'Etat ;
« 3. Tout exploitant d'aéronefs ou, à défaut, leur propriétaire ;
« 4.
a)
Toute personne qui effectue une première livraison après
fabrication nationale ou qui livre sur le marché intérieur en cas d'acquisition
intracommunautaire ou qui met à la consommation des lubrifiants susceptibles de
produire des huiles usagées ;
«
b)
Tout utilisateur d'huiles et préparations lubrifiantes, autres que
celles visées au
a
produisant des huiles usagées dont le rejet dans le
milieu naturel est interdit.
« II. - La taxe ne s'applique pas :
« 1. Aux installations d'élimination de déchets industriels spéciaux
exclusivement affectées à la valorisation comme matière ;
« 2.
a)
Aux aéronefs de masse maximale au décollage inférieure à deux
tonnes ;
«
b)
Aux aéronefs appartenant à l'Etat ou participant à des missions de
protection civile ou de lutte contre l'incendie.
«
Art. 266
septies
. - Le fait générateur de la taxe mentionnée à
l'article 266
sexies
est constitué par :
« 1. La réception de déchets par les exploitants mentionnés au 1 du I de
l'article 266
sexies
;
« 2. L'émission dans l'atmosphère par les installations mentionnées au 2 du I
de l'article 266
sexies
, d'oxydes de soufre et autres composés soufrés,
d'oxydes d'azote et autres composés oxygénés de l'azote, d'acide chlorhydrique,
d'hydrocarbures non méthaniques, solvants et autres composés organiques
volatils ;
« 3. Le décollage d'aéronefs sur les aérodromes recevant du trafic public pour
lesquels le nombre annuel des mouvements d'aéronefs de masse maximale au
décollage supérieure ou égale à 20 tonnes est supérieur à 20 000 ;
« 4.
a)
La première livraison après fabrication nationale, la livraison
sur le marché intérieur en cas d'acquisition intracommunautaire ou la mise à la
consommation des lubrifiants mentionnés au
a
du 4 du I de l'article 266
sexies ;
«
b)
L'utilisation des huiles et préparations lubrifiantes mentionnées
au
b
du 4 du I de l'article 266
sexies
.
«
Art. 266
octies
. - La taxe mentionnée à l'article 266
sexies
est assise sur :
« l. Le poids des déchets reçus par les exploitants mentionnés au 1 du I de
l'article 266
sexies ;
« 2. Le poids des substances émises dans l'atmosphère par les installations
mentionnées au 2 du I de l'article 266
sexies ;
« 3. Le logarithme décimal de la masse maximale au décollage des aéronefs
mentionnés au 3 de l'article 266
septies
. Des coefficients de modulation
prennent en compte, dans un rapport de un à cinquante, l'heure du décollage et
les caractéristiques acoustiques de l'appareil ;
« 4. Le poids net des lubrifiants, huiles et préparations lubrifiantes
mentionnés au 4 du I de l'article 266
sexies
.
«
Art. 266
nonies
. - 1. Le montant de la taxe mentionnée à
l'article 266
sexies
est fixé comme suit :
DÉSIGNATION DES MATIÈRES ou opérations imposables |
UNITÉ de perception |
QUOTITÉ (en francs) |
---|---|---|
Déchets |
||
Déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés | . | 60 |
Déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés de provenance extérieure au périmètre du plan d'élimination des déchets, élaboré en vertu de l'article 10-2 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975, dans lequel est située l'installation de stockage | . | 90 |
Déchets réceptionnés dans une installation d'élimination de déchets industriels spéciaux | . | 60 |
Déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets industriels spéciaux | . | 120 |
Substances émises dans l'atmosphère |
||
Oxydes de soufre et autres composés soufrés | . | 180 |
Acide chlorhydrique | . | 180 |
Oxydes d'azote et autres composés oxygénés de l'azote | . | 250 |
Hydrocarbures non méthaniques, solvants et autres composés organiques volatils | . | 250 |
Décollages d'aéronefs |
||
Aérodromes du groupe 1 | . | 68 |
Aérodromes du groupe 2 | . | 25 |
Aérodromes du groupe 3 | . | 5 |
Lubrifiants, huiles et préparations
génère des huiles usagées |
||
Lubrifiants, huiles et préparations lubrifiantes | . | 200 |
« 2. Le montant minimal annuel de la taxe relative aux déchets
est de 3 000 francs par installation.
« 3. La majoration applicable aux déchets réceptionnés dans une installation
de stockage de déchets industriels spéciaux ne s'applique pas aux résidus de
traitement des installations d'élimination de déchets assujetties à la taxe.
« 4. Le poids des oxydes d'azote et autres composés oxygénés de l'azote est
exprimé en équivalent dioxyde d'azote hormis pour le protoxyde d'azote.
« 5. Les aérodromes où la taxe générale sur les activités polluantes est
perçue en application du 3 de l'article 266
septies
sont répartis dans
les trois groupes affectés d'un taux unitaire spécifique mentionnés dans le
tableau ci-dessus en fonction de la gêne sonore réelle subie par les riverains,
telle qu'elle est constatée dans les plans de gêne sonore prévus au I de
l'article 19 de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la lutte
contre le bruit.
« 6. La masse des aéronefs est prise en compte par son logarithme décimal.
«
Art. 266
decies
. - 1. Les lubrifiants mentionnés au a du 4 du
I de l'article 266
sexies
donnent lieu sur demande des redevables à
remboursement de la taxe afférente lorsque l'utilisation particulière des
lubrifiants ne produit pas d'huiles usagées ou lorsque ces lubrifiants sont
expédiés à destination d'un Etat membre de la Communauté européenne, exportés
ou livrés à l'avitaillement.
« 2. Les personnes mentionnées au 2 du I de l'article 266
sexies
,
membres des organismes de surveillance de la qualité de l'air prévus par
l'article 3 de la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation
rationnelle de l'énergie, sont autorisées à déduire des cotisations de taxe
dues par elles au titre de leurs installations situées dans la zone surveillée
par le réseau de mesure de ces organismes les contributions ou dons de toute
nature qu'elles ont versés à ceux-ci au titre de l'année civile précédente.
Cette déduction s'exerce dans la limite de 1 million de francs ou à concurrence
de 25 % des cotisations de taxe dues.
«
Art. 266
undecies. - La taxe visée à l'article 266
sexies
est
déclarée, contrôlée et recouvrée selon les règles, garanties et sanctions
prévues en matière de douanes. »
« II. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application des
articles 266
sexies
à 266
undecies
du code des douanes.
« III. - L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie est
habilitée à contrôler et à recouvrer la part de la taxe générale sur les
activités polluantes assise sur les déchets mentionnés au 1 de l'article 266
octies
, sur les substances émises dans l'atmosphère mentionnées au 2 du
même article et sur le décollage d'aéronefs mentionnés au 3 du même article.
« IV. 1. Les articles 22-1 à 22-3 de la loi n° 75-663 du 15 juillet 1975
relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux ne
s'appliquent plus aux déchets mentionnés à l'article 266
octies
du code
des douanes reçus à compter du 1er janvier 1999.
« 2. L'article 16 de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la lutte
contre le bruit est ainsi rédigé :
«
Art. 16
. - L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie
contribue aux dépenses engagées par les riverains des aérodromes pour la mise
en oeuvre des dispositions nécessaires à l'atténuation des nuisances sonores
dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »
« 3. Au I de l'article 19 de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 précitée,
les mots : "visé aux articles 16 et 17 de la présente loi" sont remplacés par
les mots : "mentionné au 3 de l'article 266
septies
du code des
douanes".
« 4. Au II de l'article 19 de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 précitée,
les mots : "l'utilisation du produit de la taxe destinée" sont remplacés par
les mots : "l'affectation des crédits budgétaires destinés".
« 5. Les articles 17, 18 et 20 de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992
précitée ne s'appliquent plus aux décollages d'aéronefs mentionnés au 3 de
l'article 266
septies
du code des douanes postérieurs au 31 décembre
1998.
« V. - A compter du 1er janvier 1999, les recettes et dépenses résultant de la
perception et de l'utilisation de la taxe instituée par l'article 22-1 de la
loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 précitée, et de la taxe instituée par
l'article 16 de la loi n° 92-1444 du 31 décembre 1992 précitée sont
comptabilisées dans la comptabilité générale de l'Agence de l'environnement et
de la maîtrise de l'énergie.
« VI. - L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie reverse au
Trésor public les sommes perçues par elle à compter du 1er janvier 1999 au
titre des deux taxes mentionnées au V dès lors que ces sommes se rapportent à
des déclarations portant sur l'année 1998 et sont exigibles en 1999. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, par
cet article, il nous est proposé de procéder à une modification sensible de la
législation en matière de fiscalité environnementale.
Il s'agit, en effet, de mettre en place une taxe générale sur les activités
polluantes, la TGAP, destinée à permettre de financer le budget de l'Agence de
l'environnement et pour la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, au travers d'une
dotation budgétaire et non plus au travers de la perception de taxes affectées,
instituées au fil des différentes lois « environnementales » dont nous avons
débattu ces dernières années.
Cet article tend donc notamment à mettre en place une fiscalité proche de ce
qu'elle devrait être dans quelques années, dans le cadre de l'harmonisation des
fiscalités de différents pays de l'Union européenne.
Sur le fond, la TGAP présente cependant la particularité d'être une stricte
application du principe pollueur-payeur, qui a, entre autres, pour conséquences
celle de reporter sur le consommateur final le poids réel de la taxe ; il
s'agit là du mécanisme que nous connaissons avec la TVA.
On peut concevoir que la lutte contre la pollution et pour la protection de
l'environnement et des sites naturels aient besoin de moyens financiers
adaptés, eu égard aux enjeux. Pour autant, les seules voies à retenir
doivent-elles être celles de la fiscalité indirecte, qui tend à dédouaner de
leurs responsabilités les véritables pollueurs ?
Il est d'ailleurs préoccupant, de notre point de vue, que la mise en place de
la TGAP ouvre la voie à une rebudgétisation massive d'un certain nombre de
recettes destinées à la protection de l'environnement, et singulièrement celles
qui permettent le fonctionnement des agences de l'eau.
Les documents budgétaires font apparaître que le produit attendu de la taxe
générale se révèle supérieur au montant de la dotation versée à l'ADEME, ce qui
n'est pas tout à fait rassurant au regard des perspectives réelles de
financement des actions à venir en faveur de la protection de
l'environnement.
Le développement de l'action publique pour la protection de l'environnement
impose manifestement d'autres mesures que celle qui consiste à unifier le
régime fiscal des ressources de l'ADEME.
Les débats sur le taux de TVA affectant la collecte et le traitement des
déchets ou encore les réseaux de chaleur ont été très révélateurs à cet
égard.
Nous ne voterons donc pas cet article du projet de loi, mais nous nous
abstiendrons, pour des raisons que chacun comprendra, sur les amendements de
suppression.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
J'ai l'impression que nous serons nombreux à être du même avis sur cet
article, car la création de cette TGAP n'est pas une bonne chose.
Quatre grands principes se trouvent véritablement bafoués, et d'abord un
principe de droit.
Pour lutter contre les pollutions, le Parlement a voté un certain nombre de
lois : concernant l'ADEME, trois lois, auxquelles s'ajoutent deux décrets ;
s'agissant de la politique de l'eau, deux lois, qui ont été votées à la
quasi-unanimité, en 1964 et en 1992.
Et voilà que, par ce simple article d'une loi de finances, la totalité de la
structure du dispositif que le Parlement a mis des mois à élaborer va
disparaître ! Je tenais à le souligner.
Deuxième principe également foulé au pied : le principe pollueur-payeur. Le
système des taxes est tel que le pollueur paie à concurrence des quantités
qu'il pollue. Quoi qu'on en dise, la taxe générale des activités polluantes
entraîne une rupture de ce lien.
Troisième principe mis à mal : le principe d'efficacité. En effet, notre droit
actuel permet d'affecter des recettes à un organisme. de désigner un organe de
décision chargé de l'affectation de ces recettes en vue d'actions déterminées.
C'est cela qu'a voulu le Parlement.
Enfin, quatrième principe mis en cause : celui de l'affectation des ressources
collectées à un objectif précis.
Quels objectifs vise, en l'occurrence, le Gouvernement ?
Il s'agit d'abord, comme l'a dit fort justement Mme Beaudeau, d'une
budgétisation de l'ensemble des ressources. Celle-ci se traduira par une
centralisation, alors que, depuis trente ans, nous affirmons la plus grande
efficacité de la décentralisation.
Mais le Gouvernement a un deuxième objectif encore plus dangereux : la
dilution des ressources.
Auparavant, on collectait 100 pour affecter 100 à la lutte contre les
pollutions. Désormais, on va collecter 150, mais on n'affectera pas 150 à la
lutte contre les pollutions. Il s'agit de la mise en oeuvre de la théorie,
totalement absurde à mes yeux, du deuxième dividende. On prend sur ceux qui
polluent pour affecter à des actions qui n'ont plus rien à voir ou qui n'ont
qu'un lointain rapport avec la pollution. On dilue les ressources dans la
dilution des actions.
Le troisième objectif est de surtaxer. D'ailleurs, Mme Beaudeau l'a bien dit :
l'ADEME aura plus de ressources. Mais ce n'est pas tout ! Avec une taxe
générale sur les activités polluantes - lisez l'excellent rapport établi par M.
le rapporteur général, au nom de la commission des finances - il y a là, comme
on dit, un gisement potentiel de taxation considérable. Je me demande comment
nous allons pouvoir respecter les critères de Maastricht.
Le Gouvernement nous dit que nous aurons des garanties en contrepartie. Aucune
des garanties qu'il nous propose n'est sérieuse. Elles sont toutes illusoires
!
On nous dit qu'une loi de programmation sera votée par le Parlement. Nous
connaissons le sort qui est réservé aux lois de programmation, n'est-ce pas,
monsieur le spécialiste des lois de programmation militaire !
(M. Jacques
Oudin s'adresse à M. Serge Pinçon).
On nous dit qu'il y aura un compte spécial du Trésor. Bien entendu, aucun des
organismes spécialisés dans la lutte contre la pollution n'aura un droit de
regard sur la gestion de ce compte spécial du Trésor, pas plus d'ailleurs que
le Parlement, alors que nous pouvions, au contraire, contrôler l'efficacité et
la réalité de l'action des organismes.
Enfin, on nous dit que nous aurons des contrats pluriannuels. Au moment où
nous négocions des contrats entre l'Etat et la région, cette référence ne peut
que nous faire sourire.
Bref, au-delà de la mise à mal du système de l'ADEME, c'est toute la politique
de l'eau qui sera remise en cause, ce qui est encore plus grave.
Cette politique de l'eau est fondée sur trois principes essentiels : une
gestion par bassin, une gestion autonome et l'affectation des ressources à des
dépenses.
Il n'y aura plus ni autonomie ni affectation. Il n'y aura bientôt plus que des
services extérieurs du ministère de l'environnement qui seront les agences de
bassin vidées de leur structure et de leurs possibilités d'actions.
Bref, nous nous dirigeons vers une boulimie financière de l'Etat face à tous
les secteurs qui peuvent encore fonctionner parce qu'ils s'autofinancent.
En France, deux secteurs investissent efficacement des milliards de francs :
il s'agit du secteur des autoroutes et de celui de l'eau. Pour mettre la main
sur ce que j'appelle ces deux grands « magots », l'année dernière, l'Etat avait
inventé « Routes de France ». Cet organisme était chargé de collecter
l'ensemble des recettes des péages des autoroutes pour les affecter à un compte
plus important, où les recettes budgétaires - au demeurant en diminution -
auraient été regroupées pour mener une vaste politique routière, laquelle
aurait tué la politique autoroutière.
Nous assistons là au même phénomène. On met la main sur les 12 milliards de
francs des redevances des agences de bassin, non pas pour conduire la politique
de l'eau mise en place par le Parlement au travers des lois de 1964 et 1992,
mais pour mener une politique de l'environnement dite durable qui, en fait,
n'aura pour effet que de mettre à mal l'ensemble de l'action que nous avons
voulu engager depuis trente ans pour lutter contre les pollutions et pour mener
une bonne politique de l'eau.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon
analyse est identique à celle des deux précédents intervenants.
Conformément au souhait de la commission des affaires économiques et du Plan,
émis le 12 novembre dernier, j'interviens aujourd'hui pour faire état de son
avis défavorable sur la création de la taxe générale sur les activités
polluantes.
En effet, trop d'incertitudes et d'inquiétudes sont liées à la mise en oeuvre
de cette taxe.
Tout d'abord, à l'inverse de la plupart des taxes environnementales
existantes, le calcul de cette taxe est totalement déconnecté du coût de la
prévention ou des réparations des atteintes à l'environnement. Cette
déconnexion voulue par le Gouvernement remet en cause la pérennité des crédits
affectés à la lutte contre la pollution.
Ensuite, cette taxe remet en question le processus de gestion décentralisée de
l'environnement. S'agissant de l'eau en particulier, cette taxe met fin à un
dispositif partenarial et autonome qui associe les élus, les usagers et les
acteurs économiques responsables des pollutions émises et qui sert, en fait, de
modèle pour le projet de directive cadre de l'eau.
Enfin, la théorie du « double dividende » de cette taxe est peu pertinente,
puisque l'obtention du premier dividende, à savoir dissuader les pollueurs au
travers d'un « signal prix fort » pour reprendre les termes mêmes de Mme la
ministre, empêche l'obtention du second, à savoir l'allégement du volet fiscal
qui pèse sur le travail grâce aux recettes engendrées par les écotaxes.
En effet, notamment dans le domaine de l'eau, cette taxe, pour remplir son
rôle dissuasif, va se traduire par une hausse du prix à la consommation, en
particulier sur les produits de base. De surcroît, si des hausses salariales
viennent compenser cette perte de pouvoir d'achat, cela annulera alors les
effets espérés du second dividende, à savoir la baisse des charges fiscales et
sociales sur le travail.
M. Jacques Oudin.
Et cela n'a rien à voir avec la pollution !
M. Jean Bizet.
Tout à fait !
Pour toutes ces raisons et parce que trop de taxes écologiques tuent la
protection de l'environnement, je soutiens, au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan, l'amendement de suppression de la commission
des finances.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Calméjane.
M. Robert Calméjane.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
France s'est dotée, par deux lois fondamentales votées en 1964 et en 1992,
d'une politique de l'eau cohérente et efficace. Les finalités de cette
politique sont la préservation durable des ressources, la protection des
milieux naturels, la mise en valeur hydraulique au bénéfice de tous les usagers
et la résorption des pollutions que ceux-ci occasionnent.
Il est fait application de plusieurs principes.
Tout d'abord, le principe de responsabilité fait supporter à l'auteur d'une
pollution ou d'un prélèvement une charge financière l'incitant à corriger son
comportement, tout en le rapprochant des exigences réglementaires.
Ensuite, le principe de solidarité et d'autonomie affecte, sous le contrôle de
l'Etat, les sommes perçues au titre de la taxe au financement d'ouvrages
hydrauliques : assainissement et épuration des eaux usées, traitement et
distribution d'eau potable, entretien et protection des cours d'eau, protection
et captage des eaux souterraines.
Enfin, le principe d'unité d'action territoriale décentralisée et d'unité
d'action temporelle est mis en oeuvre par les comités de bassins de manière
concertée.
L'article 30 marque un changement de politique fondamental : le produit des
taxes et redevances actuelles n'est plus affecté. A terme, non seulement les
taxes actuellement perçues par l'ADEME, mais aussi, dès l'an 2000, l'ensemble
des redevances pollution des six agences de l'eau seraient intégrées à la
TGAP.
Cette façon de procéder, mise au point, encore une fois, sans concertation,
sous couvert de l'instauration d'une future taxe européenne, dont on ne sait
rien aujourd'hui, tend à supprimer l'effort de décentralisation réalisé par les
gouvernements précédents. Le fait même d'utiliser la loi de finances pour
engager cette réforme fondamentale permet d'éviter un débat sur le fond avec
les élus de la nation.
L'adoption de cet article 30 aurait pour résultat d'annuler non seulement le
travail patient ainsi mené depuis trente ans, mais aussi de placer les
collectivités locales dans l'incertitude quant au financement des mises en
conformité de leurs équipements selon les normes européennes d'ici à 2005.
La logique unificatrice, et donc centralisatrice, qui est à l'origine de la
création de la TGAP, c'est que l'eau serait traitée de la même façon d'ici à
l'an 2000. Or, ce qui fait la force du système actuel, c'est justement son
action permanente en faveur de l'environnement, en impliquant, par la
concertation, tous les acteurs concernés, et en permettant à la fois une grande
efficacité financière et une meilleure rentabilité sociale.
Demain, si l'article 30 est voté, les produits des taxes seront reversés à
l'Etat, qui en disposera selon ses besoins du moment.
Ne remettons pas en cause, mes chers collègues, ce modèle de bonne gestion qui
est cité dans le monde entier comme la référence d'organisation citoyenne et
qui est proposé comme modèle de gestion de l'eau à l'échelon communautaire.
Refusons donc, comme le propose M. le rapporteur général, dont je salue
l'excellent travail, de nous engager dans cette voie aventureuse.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
taxe générale sur les activités polluantes constitue l'une des innovations
majeures de cette loi de finances. La TGAP rompt avec la logique qui prévalait
jusqu'alors en matière de fiscalité environnementale. En effet, la fiscalité
actuellement en vigueur est fondée sur des taxes fiscales ou parafiscales
affectées. Selon le principe pollueur-payeur, les pollueurs doivent participer
au financement de la réparation des dommages occasionnés par les pollutions
qu'ils ont émises.
Ce système de l'affectation de la taxe est, en apparence, un bon système.
Néanmoins, il comporte des effets pervers : il dénature quelque peu le principe
de pollueur-payeur, en permettant au pollueur d'assimiler le paiement de cette
taxe à un « droit à polluer ». En un mot, il n'encourage pas les comportements
« vertueux ».
La taxe générale sur les activités polluantes vise à éviter cette dérive et à
redonner toute sa force au principe de pollueur-payeur, en déconnectant le
niveau de la taxe des montants nécessaires à la réparation des dommages. Bref,
il s'agit d'en faire une taxe incitative.
Le premier dividende de cette taxe est donc écologique : la taxe doit agir
comme un signal-prix renchérissant les comportements jugés à risque pour
l'environnement.
Cette taxe est amenée à évoluer. Elle est universelle. Elle s'appliquera, à
terme, à l'ensemble des activités polluantes. J'ai, à ce propos, un regret à
formuler. L'instauration de la TGAP est l'occasion de revoir la taxe sur les
déchets. Compte tenu des nouvelles orientations du Gouvernement en ce domaine,
il m'aurait semblé utile de taxer le stockage interne des déchets industriels
et, en revanche, de ne pas augmenter le taux du stockage des déchets ultimes.
Cette mesure aurait été moins pénalisante pour les collectivités locales qui
accomplissent des efforts en ce domaine. J'aimerais, sur ce point, avoir l'avis
du Gouvernement.
En dépit de nombreux avantages, la création de cette taxe est contestée par la
commission des finances. La commission craint une mainmise de l'Etat sur le
produit de la TGAP, une banalisation de cette taxe qui, traitée comme une
recette ordinaire, servirait à financer non plus les actions en faveur de
l'environnement, mais simplement à abonder le budget de l'Etat.
Cette crainte n'est pas infondée. Néanmoins, le Gouvernement s'est engagé à
mettre en place des garde-fous : d'une part, les produits de la TGAP seront
encaissés sur un compte d'affectation spéciale ; d'autre part, l'Etat s'engage
à pérenniser le financement des agences qui interviennent dans les domaines de
l'environnement - agences de l'eau, ADEME - par la signature d'un contrat
d'objectifs pluriannuel.
Enfin, je dirai que, le meilleur garde-fou, c'est la volonté du Gouvernement
de prendre à bras le corps les questions environnementales, pour promouvoir un
développement durable, créateur d'emplois.
Sur ce point, le projet de loi de finances est exemplaire : en 1999, les
crédits en faveur de l'environnement augmenteront de 110 % grâce à la TGAP et
de 16 % hors TGAP ; 140 emplois et 8 000 emplois-jeunes seront créés au service
de l'environnement.
Dès lors, j'avoue ne pas comprendre la position de la commission qui, d'un
côté, craint, à terme, une perte de ressources globales pour l'environnement
et, de l'autre, propose de supprimer non seulement la TGAP, mais également les
crédits destinés à financer de nouveaux emplois dans le domaine de
l'environnement.
L'autre critique porte sur l'intégration des redevances de l'eau en 2000 dans
la TGAP. La majorité sénatoriale en fait une opposition de principe, subodorant
là une atteinte à la décentralisation.
Là encore, le Gouvernement a été clair. Il ne s'agit nullement de remettre en
cause les fondements du système français de l'eau : gestion décentralisée par
bassin versant et autonomie des acteurs de bassin. La ministre de
l'environnement l'a réaffirmé : « Je ne souhaite pas la recentralisation des
agences de l'eau. Je souhaite que, gérant des sommes très importantes - 12
milliards de francs -, les agences de l'eau soient le plus efficace possible.
»
Il lui paraît, en revanche, essentiel d'associer le Parlement à la définition
de la politique de l'eau, qu'il fixe le cadre dans lequel seront définies des
redevances, et qu'il valide les programmes pluriannuels d'action des
agences.
Quoi de plus normal, mes chers collègues ! N'est-ce pas au Parlement de voter
l'impôt et de contrôler l'usage qu'on en fait ? Or le système n'est pas exempt
de critiques : complexité, opacité des modes de calcul des redevances, manque
de qualité, pollutions persistantes, prix trop élevé... Le Commissariat général
du plan et la Cour des comptes ont mis en lumière ces dysfonctionnements.
L'eau est une ressource rare ; elle appartient à notre patrimoine national.
Justice et démocratie sont les maîtres mots qui guident l'action du
Gouvernement en ce domaine.
Le groupe socialiste ne votera pas l'amendement de suppression de la taxe
générale sur les activités polluantes.
M. le président.
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° I-38 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des
finances.
L'amendement n° I-68 est déposé par MM. Richert, Hérisson, Lorrain et les
membres du groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° I-205 est présenté par M. Bizet et les membres du groupe du
Rassemblement pour la République.
Tous trois tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° I-251, MM. Mauroy, Allouche, Mme Derycke et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le texte présenté par le
I de l'article 30 pour l'article 266
nonies
du code des douanes, par un
alinéa ainsi rédigé :
« La majoration prévue pour la taxe sur les déchets ménagers ne s'applique pas
pour les collectivités locales qui ayant fermé leur usine d'incinération pour
les mettre aux normes sont obligées temporairement de déposer leurs déchets en
décharge. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n°
I-38.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Après ces excellents exposés, ma tâche sera facile.
Je voudrais rappeler, en quelques mots, les différents risques que recèle le
dispositif qui nous est présenté.
Il s'agit, d'abord, du risque de pertes de ressources globales pour
l'environnement ; ensuite du risque de créer une nouvelle machine à taxer ;
enfin du risque de dilution du système des redevances de l'eau, auquel nous
sommes pourtant attachés.
Voyons d'abord le risque de pertes de ressources globales pour
l'environnement.
En premier lieu, des crédits spécifiques consacrés à l'environnement et
financés par les différentes taxes, risquent d'être absorbés par le budget de
l'Etat. Actuellement, les taxes sont affectées à l'ADEME, ce qui permet de
garantir le pérennité de son action.
Il est clair que nous allons assister à une banalisation, la TGAP devenant une
recette fiscale ordinaire. Certes, un mécanisme d'affectation au sein d'un
compte spécial du Trésor sera prévu - M. Loridant aura le plaisir d'en
rapporter un de plus ; il doit y en avoir déjà quarante-trois - mais il est
possible que les ressources tirées de taxes relatives à l'environnement servent
une autre cause. C'est le fameux « second dividende » qui a été évoqué, non pas
seulement par notre collègue M. Jacques Oudin, mais aussi par un certain nombre
de responsables proches du Gouvernement qui nous ont beaucoup inquiétés.
En deuxième lieu, compte tenu de la budgétisation du financement de l'ADEME,
ses crédits pourront subir, le cas échéant, les régulations budgétaires qui ne
s'appliquaient pas jusqu'ici aux ressources issues des différentes taxes.
En troisième lieu, il était un principe tout à fait responsabilisant et
mobilisateur, celui de l'implication des payeurs dans la gestion du système. Or
il semble bien que l'on veuille atténuer les effets de cette approche
judicieusement contractuelle.
Mais j'en viens au deuxième risque : la taxe générale sur les activités
polluantes pourrait devenir une véritable machine à taxer. Large assiette,
faible taux, c'est la porte ouverte à toutes les tentations des ministres du
budget. Pourront-ils y résister ? Au surplus, une hausse de la TGAP, impôt
qualifié d'écologique, sera favorablement perçue par l'opinion publique, alors
que l'objet de cette augmentation des taux ne sera pas forcément l'amélioration
de l'environnement mais peut-être plutôt l'amélioration des ressources
budgétaires de l'Etat !
Le même risque est encouru en matière d'élargissement de l'assiette de la taxe
générale sur les activités polluantes, la notion d'activités polluantes
pouvant, à la limite, être étendue à volonté. Dans ces conditions, la création
de la TGAP peut se traduire par une augmentation des dépenses que viendrait
financer la ressource ainsi facilement perçue et facilement majorée.
J'en viens, en troisième lieu, au risque de dilution. Nous sommes très
inquiets, monsieur le secrétaire d'Etat, quant au devenir du système de
financement des agences de l'eau. Un grand nombre de sénateurs, dont nous
sommes, sont opposés au principe d'une intégration des redevances de l'eau dans
une taxe générale, estimant qu'il s'agirait là d'une recentralisation. Or il
faut préserver l'originalité du système des agences de l'eau et des comités de
bassin. En conséquence, la création de la taxe générale sur les activités
polluantes donne un signal dans le mauvais sens et fait peser un risque grave
pour l'avenir.
Voilà pourquoi la commission, à partir de l'analyse qu'elle en a faite et
après avoir écouté un certain nombre de spécialistes, estime devoir proposer la
suppression de l'article 30.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Badré, pour défendre l'amendement n° I-68.
M. Denis Badré.
Je considère qu'il a été défendu.
M. le président.
La parole est à M. Bizet, pour défendre l'amendement n° I-205.
M. Jean Bizet.
Je considère également que cet amendement a été défendu.
M. le président.
la parole est à M. Miquel, pour défendre l'amendement n° I-251.
M. Gérard Miquel.
Cet amendement vise à ne pas appliquer l'augmentation de la taxe sur les
déchets ménagers aux collectivités locales qui ont été amenées à fermer leur
usine d'incinération pour les mettre aux normes et qui sont provisoirement
obligées de déposer leurs déchets en décharge. Afin de ne pas pénaliser ces
collectivités qui subissent des surcoûts de traitement liés à ce dispositif, il
est proposé de maintenir la taxe à 40 francs, au lieu de la passer à 60
francs.
M. Gérard Braun.
C'est moins cher en décharge !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission, qui a bien pris en compte la
suggestion du groupe socialiste, préfère toutefois son amendement de
suppression. Mais elle sera intéressée par l'avis du Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans la plupart de
vos interventions, vous avez formulé des craintes sur l'avenir des agences de
l'eau. Mais elles ne sont pas concernées par ce projet de loi de finances !
Notre responsabilité est de débattre de ce qui est dans la loi de finances et
non de ce qui pourrait y être.
Il n'est pas question, dans le projet de loi de finances qui vous est soumis,
de toucher en quoi que ce soit aux agences de l'eau.
M. Jacques Oudin.
Ne dites pas cela ! Ce n'est pas vrai !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Ce n'est pas dans le texte.
M. Jacques Oudin.
Mme Voynet a dit le contraire !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Mme Voynet, mon estimable collègue, ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement, a engagé une
concertation.
M. Jacques Oudin.
Justement !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Et parce que cette concertation commence, son résultat
ne peut pas figurer dans le projet de loi que vous êtes en train de
discuter.
M. Jacques Oudin.
On verra !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Pour imiter M. le rapporteur général des finances, je
dirai que, après le riche exposé de M. Miquel, ma tâche sera facile ! Il est
vrai que Mme Voynet entend réfléchir à l'avenir des agences de bassin, non pour
les remettre en cause en leur principe mais pour instituer en la matière plus
de transparence - en matière d'eau, c'est la moindre des choses -
(Sourires)
et aussi associer le Parlement à la définition des grandes
orientations des politiques de l'eau. Qu'y a-t-il à redire à cela ? Nous aurons
peut-être l'occasion d'en reparler d'ici un an. Mais, pour l'instant, le
Gouvernement est dans une phase de dialogue, d'écoute et pas du tout de
décision. Vous pouvez nourrir des craintes pour l'avenir, c'est votre droit,
c'est peut-être aussi votre tempérament, mais ce n'est pas l'objet du débat
d'aujourd'hui.
Monsieur le rapporteur général, il y avait des taxes affectées. Il y a
maintenant une seule taxe. Certes, le Gouvernement a supprimé cinq taxes, mais
cette simplification devrait vous réjouir, car ces taxes ne vont pas se
dissiper dans je ne sais quels sables administratifs. Elles vont être
entièrement affectées à l'ADEME dont le budget, ainsi que M. Miquel l'a dit,
passera de 1,3 milliard de francs à 1,9 milliard de francs, sans compter la
taxe générale sur les activités polluantes. Il est donc clair que le
Gouvernement entend consacrer à la dissuasion de la pollution et à la
réparation des dégâts qu'elle occasionne des moyens financiers accrus.
Quel est l'intérêt de la confluence de ces taxes ? Auparavant, une taxe sur le
bruit ne pouvait financer que des actions sur le bruit. De même, une taxe sur
l'eau polluée ne pouvait financer que des travaux de propreté dans le domaine
de l'eau. Désormais, dans le cadre d'un contrat pluriannuel passé entre l'Etat
et l'ADEME, contrat dont le Parlement sera évidemment informé, il y aura, à
partir d'une ressource globale, une stratégie d'ensemble de lutte contre la
pollution.
Monsieur le rapporteur général, vous dites : « large assiette, faible taux ».
Je vous ai entendu, antérieurement, énoncer ce principe presque avec des
sanglots dans la voix. Je pensais donc que vous auriez félicité le Gouvernement
mais, évidemment, avec votre tempérament pessimiste, vous y avez vu l'amorce de
je ne sais quelle machine à taxer. Il n'y a pas de « machination » dans le
projet gouvernemental !
En somme, pour faire simple, le projet du Gouvernement est un bon projet.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Cela n'apparaît pas !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Chacun y voit ce qu'il veut. Il est le début d'un
processus dans lequel la nation et le Parlement, évidemment, engageront une
action résolue contre la pollution pour que notre société évolue dans un
environnement plus propre.
Je ne parlerai pas de la pollution dans les grandes villes. En la matière, des
initiatives ont été prises avant ce gouvernement et d'autres le seront après.
Ce qui est proposé va tout à fait dans le bon sens.
L'amendement n° I-251 de M. Miquel revient à opérer une distinction entre les
centres d'incinération et les décharges.
Je comprends la motivation de cet amendement, mais son adoption serait source
de difficultés pratiques de contrôle et de recouvrement et constituerait,
malgré tout, une entorse au principe d'égalité.
Donc, tout en comprenant le message que vous voulez adresser, et que je
transmettrai à l'ensemble du Gouvernement, monsieur Miquel, je ne crois pas que
l'amendement tel qu'il est rédigé, soit le plus approprié, raison pour laquelle
je vous demande de le retirer.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s I-38, I-68 et I-205.
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Le Parlement a adopté trois lois : la loi du 13 février 1992 sur le stockage
des déchets ménagers et assimilés ; la loi du 2 février 1995 sur les déchets
industriels spéciaux ; la loi du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le
bruit, textes adoptés quelles que soient les majorités, vous l'aurez remarqué.
Et, chaque fois, le Parlement - il l'a fait dans d'autres domaines - a retenu
la solution de l'affectation des ressources à un organisme spécialisé dans la
lutte contre la nuisance ou la pollution considérée comme gage de la plus
grande efficacité.
C'est un principe qui a régi notre droit de l'environnement pendant trente
ans. De même que, pendant trente ans, nous avons construit des autoroutes.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Pas assez !
M. Jacques Oudin.
Maintenant, vous changez les principes et, de surcroît, vous voulez stopper la
construction des autoroutes. C'est votre droit, forcément. Comme l'a dit un
jour Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, la
nation a changé de majorité, c'est bien pour changer de politique. Dont acte !
Mais vous ne nous en voudrez pas de penser qu'une politique qui avait eu une
certaine efficacité pouvait bien continuer.
M. Marc Massion.
Ce sont les Français qui n'en veulent plus !
M. Jacques Oudin.
Quant à dire qu'il n'est pas question d'étendre cette taxe à l'eau, monsieur
le secrétaire d'Etat, vous pourriez témoigner plus de considération pour le
Parlement. Enfin, ce n'est pas possible ! Mme la ministre a elle-même annoncé
que cette taxe - « taxe générale » sur les activités polluantes - allait
s'appliquer à l'eau. Elle a commencé les consultations. Elle a d'ailleurs dû
reculer voilà deux jours.
J'ai moi-même réuni dans cette maison les représentants de la communauté
nationale de l'eau ; les représentants de toutes les agences et de tous les
organismes qui s'occupent de l'eau étaient présents. Eh bien ! à part les
quelques auteurs du projet, tout le monde était contre. En effet, les mesures
que vous nous proposez vont à l'encontre de tous les principes que nous avons
mis des années à mettre en oeuvre.
Quand je pense que vous souhaitez affecter à un budget de l'Etat qui supporte
236 milliards de francs de déficit des recettes à hauteur de quelques dizaines
de milliards de francs en espérant qu'elles repartiront toutes vers la même
destination, alors que le fondement même de la théorie du deuxième dividende
est qu'une partie des recettes doit être dissociée de l'objectif de lutte
contre les pollutions, je considère que vous prenez vraiment les parlementaires
pour des naïfs !
Dans ces conditions, je pense que notre devoir, en la matière, est de refuser
une orientation de cette nature, car elle va contre l'environnement, contre la
politique que nous avons menée depuis trente ans, et elle ne vous permettra
certainement pas d'atteindre les objectifs que vous dites vouloir atteindre.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants. - M. le président de la commission des finances
et M. le rapporteur général applaudissent également.)
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Il y a effectivement un mystère, monsieur le secrétaire d'Etat ! La semaine
dernière, nous avons lu - et nous croyions que le Gouvernement était unanime et
solidaire - que Mme Voynet commençait à comprendre qu'une TGAP intégrant des
redevances sur l'eau constituait une erreur.
C'est effectivement une erreur, une erreur qui a entraîné la protestation de
toutes les agences de bassin. Dois-je vous rappeler que le directeur de
l'agence de bassin Normandie - Région parisienne, l'une des plus importantes
agences, a démissionné ?
M. Jacques Oudin.
Il a été renvoyé !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
En effet, mon cher collègue !
Alors que le système des agences de bassin est un système décentralisé, on a
l'impression qu'à la différence d'Alexis de Tocqueville, qui disait qu'une
démocratie est riche de ses corps intermédiaires, vous êtes gêné, monsieur le
secrétaire d'Etat, par tous les corps intermédiaires décentralisés et dotés de
ressources autonomes. Il vous faut centraliser, il vous faut étatiser !
Lorsque nous l'avons auditionnée, Mme Voynet ne s'en est pas cachée, au
demeurant, en réclamant plus de fonctionnaires, plus de centralisation pour la
politique de l'eau et la politique de l'environnement. Ce n'est pas ainsi que
nous mènerons une politique de l'environnement efficace !
Nous sommes très déçus par la manière dont s'engage la réforme de la fiscalité
écologique. Franchement, je crois qu'il aurait mieux valu constituer un groupe
de travail, y faire participer des élus, des industriels, des membres du Sénat
et de l'Assemblée nationale, pour essayer de dégager les vraies pistes d'une
fiscalité écologique.
Vous ne nous avez en tout cas absolument pas convaincus en disant que les
redevances sur l'eau n'étaient pas intégrées. C'est la raison pour laquelle
nous voterons l'amendement de suppression présenté par M. le rapporteur
général.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste. - M. le président de la commission des finances et M. le
rapporteur général applaudissent également.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s I-38, I-68 et I-205, repoussés
par le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 30 est supprimé et l'amendement n° I-251 n'a plus
d'objet.
Articles additionnels après l'article 30
M. le président.
Par amendement n° I-160 rectifié, M. Adnot propose d'insérer, après l'article
30, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 22-1 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à
l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux est ainsi modifié
:
« I. - Dans le premier alinéa de cet article, les mots : "non exclusivement
utilisées pour les déchets que l'entreprise produit" sont supprimés.
« II. - Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa nouveau ainsi rédigé
:
« L'exploitant d'une installation exclusivement utilisée pour le stockage des
déchets que l'entreprise produit est exonéré de la taxe visée au premier alinéa
lorsque la quantité de déchets stockés dans cette installation est, au total,
en diminution. »
« III. - Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les modalités d'évaluation des quantités de déchets réceptionnés ou stockés
sont fixées par décret. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° I-161, M. Adnot propose d'insérer, après l'article 30, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article 22-1 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975
relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux est
ainsi rédigé :
« Lorsque l'installation de stockage dans laquelle sont réceptionnés les
déchets n'est pas la plus proche de leur provenance ou est située en dehors du
périmètre du plan correspondant d'élimination des déchets, élaboré en vertu de
l'article 20-2, le taux fixé à l'alinéa précédent est majoré de 50 %. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Article 31
M. le président.
« Art. 31. - I. - L'article 39 AC du code général des impôts est ainsi rédigé
:
«
Art. 39 AC
. - Les véhicules automobiles terrestres à moteur dont la
conduite nécessite la possession d'un permis de conduire mentionné à l'article
L. 11 du code de la route, ainsi que les cyclomoteurs, acquis à l'état neuf
avant le ler janvier 2003, et qui fonctionnent, exclusivement ou non, au moyen
de l'énergie électrique, du gaz naturel véhicules ou du gaz de pétrole
liquéfié, peuvent faire l'objet d'un amortissement exceptionnel sur douze mois
à compter de la date de leur première mise en circulation.
« Toutefois, pour les véhicules mentionnés au premier alinéa immatriculés dans
la catégorie des voitures particulières, cette disposition s'applique à la
fraction du prix d'acquisition qui n'excède pas la somme mentionnée au
troisième alinéa du 4 de l'article 39. »
« II. - Dans l'article 39 AD du code général des impôts, le mot :
"exclusivement" est remplacé par les mots : ", exclusivement ou non,".
« III. - Dans le B du II et dans le B du III de l'article 29 de la loi n°
96-1236 de la loi du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de
l'énergie, les mots : "entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 1999" sont
remplacés par les mots : "avant le 1er janvier 2003".
« IV. - Dans l'article 39 AF du code général des impôts, les mots : "entre le
1er janvier 1996 et le 31 décembre 1999" sont remplacés par les mots : "avant
le 1er janvier 2003". » -
(Adopté.)
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
9
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. Michel Barnier une proposition de résolution, présentée en
application de l'article 73
bis
du règlement, sur la communication de la
Commission : proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi
des Etats membres pour 1999 (E - 1171).
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 87, distribuée et
renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
10
RENVOI POUR AVIS
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 18, 1998-1999), dont la commission des affaires économiques et du Plan est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à leur demande et sur décision de la conférence des présidents, à la commission des affaires culturelles et à la commission des affaires sociales.
11
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. René-Georges Laurin un rapport, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale, sur la proposition de loi de M. Claude
Estier et des membres du groupe socialiste et apparentés, portant modification
de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans
les corps de sapeurs-pompiers (n° 19, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 85 et distribué.
J'ai reçu de M. Christian Bonnet un rapport, fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale, sur la proposition de loi de M. Christian Bonnet et
des membres du groupe des Républicains et Indépendants tendant à sanctionner de
peines aggravées les infractions commises sur les agents des compagnies de
transport collectif de voyageurs en contact avec le public (n° 24,
1998-1999).
Le rapport sera imprimé sour le n° 86 et distribué.
12
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au jeudi 26 novembre 1998 :
A dix heures :
1. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 65 et 66, 1998-1999).
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Première partie. - Conditions générales de l'équilibre financier :
Articles additionnels après les articles 31 à 43 et état A (à l'exception des
articles 40, 40
bis,
41, 41
bis
et des articles additionnels
après l'article 41
bis
et après l'article 42).
Aucun amendement aux articles de la première partie de ce projet de loi de
finances n'est plus recevable.
Eventuellement, seconde délibération.
Explications de vote.
Vote sur l'ensemble de la première partie.
En application de l'article 59, premier alinéa, du règlement, il sera procédé
à un scrutin public ordinaire.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Services du Premier ministre :
I. - Services généraux (à l'exclusion des crédits relatifs à la fonction
publique, à l'audiovisuel et à la presse) :
M. Roland du Luart, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 35).
II. - Secrétariat général de la défense nationale :
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 36).
III. - Conseil économique et social :
M. Claude Lise, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 37).
IV. - Plan :
M. Claude Haut, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 38).
Mme Janine Bardou, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 68, tome XII).
Budget annexe des
Journaux officiels
:
M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 39).
Fonction publique et réforme de l'Etat et article 79
bis
(appelé en
priorité) :
M. Gérard Braun, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 29).
Aménagement du territoire et environnement :
1. Aménagement du territoire :
M. Roger Besse, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 4).
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
et du Plan (avis n° 68, tome XI).
A quinze heures et le soir :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Suite de l'ordre du jour du matin.
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen des crédits
de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le projet de loi de finances pour 1999
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1999 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 1999
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour
1999, est fixé au vendredi 4 décembre 1998, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 26 novembre 1998, àzéro heure cinquante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES
M. Paul Masson a été nommé rapporteur du projet de loi n° 60 (1998-1999),
autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres portant
aménagements du titre Ier de la convention de voisinage entre la France et la
Principauté de Monaco du 18 mai 1963, dont la commission est saisie au fond.
M. Paul Masson a été nommé rapporteur du projet de loi n° 61 (1998-1999),
autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres relatif à
l'application de l'article 7 modifié de la convention de voisinage entre la
France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963, dont la commission est
saisie au fond.
M. André Dulait a été nommé rapporteur du projet de loi n° 62 (1998-1999),
autorisant l'adhésion de la République française à la convention sur les
privilèges et immunités des institutions spécialisées approuvée par l'assemblée
générale des Nations unies le 21 novembre 1947, dont la commission est saisie
au fond.
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
M. Dominique Leclerc a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 18 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence d'orientation agricole.
COMMUNICATION RELATIVE À LA CONSULTATION
DES ASSEMBLÉES TERRITORIALES
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication,
en date du 25 novembre 1998, relative à la consultation de l'assemblée
territoriale de la Polynésie française, sur les projets de loi portant
ratification des ordonnances prises en application de la loi n° 98-145 du 6
mars 1998.
Ce document a été transmis aux commissions compétentes.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Régime fiscal des établissements
d'enseignement supérieur privés
383.
- 25 novembre 1998. -
M. Jean-Paul Hugot
appelle l'attention de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur les conséquences de l'application de l'instruction fiscale du 15 septembre
1998 portant sur le régime fiscal des organismes sans but lucratif aux
établissements d'enseignement supérieur privé organisés en association et régis
par la loi du 1er juillet 1901. Il souhaite connaître les intentions du
Gouvernement pour contrecarrer la menace évidente contre la liberté
d'enseignement et donc contre l'équilibre de l'enseignement supérieur français
qu'entraînerait l'application de cette instruction à ces établissements.
Construction de l'autoroute A 89
Bordeaux - Clermont-Ferrand
384.
- 25 novembre 1998. -
M. Xavier Darcos
attire l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur le retard apporté à la réalisation de l'autoroute A 89 Bordeaux -
Clermont-Ferrand. Les travaux de cette autoroute, d'une longueur de 288 km -
dont 111 km affectant directement la Dordogne et traversant 90 communes -
devaient débuter selon un échéancier prévu entre le deuxième trimestre 1996 et
l'été 1998. Or, le dernier bulletin de septembre 1998 publié par la Société des
autoroutes du sud de la France et intitulé :
Le Journal de l'autoroute A 89
Bordeaux - Clermont-Ferrand
précise : « Il n'y a plus aucun calendrier de
retenu pour l'axe Mussidan - Brive, alors que celui-ci n'était déjà pas
respecté ». En conséquence, préoccupé par l'actuel enclavement de la Dordogne,
il souhaite connaître le détail des engagements financiers précis retenus par
le ministère afin que le retard constaté pour le financement de l'autoroute A
89 ne pénalise davantage les Périgourdins.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 25 novembre 1998
SCRUTIN (n° 13)
sur l'amendement n° I-238, présenté par M. Bernard Angels et les membres du
groupe socialiste et apparentés, tendant à modifier l'article 23 du projet de
loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale (augmentation des
taux de réduction de droits sur les donations).
Nombre de votants : | 318 |
Nombre de suffrages exprimés : | 317 |
Pour : | 98 |
Contre : | 219 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
4. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer et
Yvon Collin.
Contre :
17.
Abstention :
1. _ M. Jacques Pelletier.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Contre :
98.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Pour :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Contre :
51.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jean Faure, qui présidait la
séance.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Contre :
47.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Contre :
6.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Gérard Delfau.
Ont voté pour
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Abstention
M. Jacques Pelletier.
N'a pas pris part au vote
M. Gérard Delfau.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 314 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 158 |
Pour l'adoption : | 98 |
Contre : | 216 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.