Séance du 12 novembre 1998
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1999
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, mon intervention se situe dans le prolongement de celle de Mme
Marie-Madeleine Dieulangard et porte sur la branche famille.
Je ferai remarquer tout d'abord qu'il flotte à droite et au centre de
l'hémicycle comme un air d'amnésie.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est vrai !
M. Gilbert Chabroux.
Un an et demi à peine après le changement de majorité et la mise en place d'un
nouveau gouvernement, on peut noter une certaine tendance, une certaine
propension à oublier la situation dans laquelle était notre pays, situation que
le Président de la République avait pourtant jugée suffisamment grave pour
faire procéder à des élections anticipées.
M. Henri Weber.
Il a eu raison !
M. Gilbert Chabroux.
Je ne vous démentirai pas !
Tous les comptes de la nation étaient plongés dans le rouge, le déficit des
comptes publics avait été estimé entre 3,5 % et 3,7 % du produit intérieur
brut, le régime général de la sécurité sociale s'acheminait vers un déficit de
35 milliards de francs et la branche famille était elle-même gravement atteinte
puisque le déficit estimé pour l'année 1997 s'élevait à 13,2 milliards de
francs.
Comment cette branche, longtemps et traditionnellement excédentaire,
avait-elle pu en arriver là ?
Si, depuis 1994, les déficits n'ont cessé de se creuser, c'est sans doute
parce que la branche famille supporte des charges qui pourraient être prises en
compte sur le budget de l'Etat, comme la gestion du RMI ou celle de
l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, ou, dans une certaine mesure, celle
du fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leur famille, FAS,
mais c'est aussi, et pour une large part, parce qu'il lui a fallu faire face
aux dépenses engendrées par la loi relative à la famille du 25 juillet 1994,
dépenses qui n'avaient pas été financées. On pourrait citer aussi l'allocation
parentale d'éducation et l'allocation de garde d'enfant à domicile, l'AGED, qui
s'est envolée en raison des avantages disproportionnés qu'elle permettait
d'accorder.
Comment aurions-nous pu, il y a un an, lorsque nous avons débattu du projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, faire abstraction de ce
contexte ?
Nous savions bien que, si des mesures n'étaient pas prises en urgence pour
enrayer cette dérive, nous courrions le risque non seulement de voir le déficit
s'aggraver, mais aussi de mettre en faillite la branche famille avant l'an
2000. Le Gouvernement a pris des mesures courageuses - la mise sous condition
de ressources des allocations familiales, les restrictions apportées à l'AGED -
dans l'attente comme vous vous y étiez engagée, madame la ministre, d'une
réforme globale de la politique familiale en concertation avec les associations
familiales et les syndicats.
Aujourd'hui, nous mesurons les résultats de cette démarche. Le déficit de la
branche famille pour 1998 sera ramené à moins de 1 milliard de francs, et nous
pouvons discuter, comme l'a dit M. le rapporteur de la branche famille, M.
Jacques Machet, dans un climat apaisé, rasséréné, d'un nouveau projet de loi de
financement incluant des dispositions qui devraient permettre de réaliser un
très large consensus et, d'abord, de bien répondre aux besoins des familles.
Ces résultats de l'action d'une année, nous les devons largement au travail
que vous avez accompli, madame la ministre, et à la volonté que vous avez
manifestée. Les engagements que vous aviez pris ont été tenus et les
orientations qui se sont dégagées lors de la conférence de la famille du 12
juin dernier ont été traduites dans le projet de loi.
Ce projet de loi devrait donc donner largement satisfaction à tous les
défenseurs de la famille. Le conseil d'administration de l'UNAF ne s'y est pas
trompé en en acceptant le principe à une très large majorité, et le conseil
d'administration de la CNAF a lui aussi donné un avis favorable.
Notons d'abord le retour à l'universalité des allocations familiales et la
réaffirmation que, bien sûr, toutes les familles sont utiles à la société.
Personne n'a jamais dit autre chose ! La famille - vous l'avez rappelé, madame
la ministre - est le premier lieu de solidarité et de construction de repères
pour l'enfant. Il en découle pour la collectivité la charge d'apporter aux
familles une aide qui corresponde à leurs besoins. Or une part importante de
cette aide se trouve dans le projet de loi dont nous discutons.
Mais il convient aussi de prendre en compte un souci de justice.
C'est ce souci qui préside au relèvement de l'âge limite d'ouverture du droit
aux prestations familiales pour les jeunes de dix-neuf à vingt ans à charge de
leur famille - cette nouvelle avancée touchera 600 000 familles
supplémentaires - comme aux majorations pour âge des allocations familiales,
qui seront cumulables avec le RMI à partir du 1er janvier 1999. Cette mesure
concernera des familles modestes, des personnes à faibles ressources et ainsi
sera mis fin à une injustice particulièrement choquante pour les enfants de ces
familles.
L'extension de l'allocation de rentrée scolaire à toutes les familles d'un
enfant qui remplissent les conditions de ressources va également dans le sens
d'une plus grande justice, 350 000 familles supplémentaires en bénéficeront.
C'est un signe très fort qui est ainsi adressé aux familles d'un enfant.
Il faut aussi mesurer toute l'importance de l'augmentation de l'aide au
logement familial, l'ALF, et ce que représentera l'alignement à terme de l'ALF
sur l'aide personnalisée au logement. Outre la simplification des règles, toute
poussée sur les aides personnelles au logement a un impact social fort, car ce
sont des familles modestes qui sont concernées.
C'est le même souci de justice qui devra nous conduire, dans le projet de loi
de finances, à l'abaissement du plafond du quotient familial, sachant que le
rôle de redistribution verticale appartient à la fiscalité. Cette mesure
amplifie la redistributivité mise en oeuvre l'année précédente et touche des
foyers à des niveaux de revenus bien supérieurs au seuil de mise sous condition
de ressources des allocations familiales. Il faut néanmoins constater que, par
rapport à celle qui est menée dans nombre de pays, notre politique fiscale
reste insuffisamment redistributive.
Je voudrais souligner également l'augmentation sensible - puisqu'elle est de 8
% - du budget de l'action sociale qui croît de un milliard de francs. Cette
augmentation correspond à la volonté d'aider les parents dans leur fonction
parentale grâce notamment au financement d'un réseau d'appui, d'écoute et de
soutien au financement et d'actions permettant une meilleure articulation entre
vie professionnelle et vie familiale. Il me semble d'ailleurs que, si des
excédents sont dégagés pour la branche famille - il a été beaucoup question de
ces excédents - ils devraient pouvoir venir renforcer ce budget et faire bouger
le curseur dans le sens d'un rapport plus favorable à l'action sociale.
Actuellement, le rapport prestations familiales - action sociale est très
proche de 95 à 5. Il devrait évoluer car bien des problèmes qui se posent
devraient trouver une solution dans le cadre d'une action sociale renforcée.
Reste le problème des jeunes adultes destructurés. Le temps libre des jeunes,
d'une façon générale, est devenu un enjeu social important. Alors qu'un effort
a déjà été accompli en faveur de la petite enfance et des différents modes de
garde des jeunes enfants, il faudrait maintenant se tourner vers le créneau des
grands enfants.
Il faudrait aussi pouvoir consacrer une partie des excédents à une
augmentation de l'aide aux familles démunies et procéder à une plus grande
redistribution en faveur des familles en grande difficulté, qui sont, pour la
plupart, des familles monoparentales, mais aussi en faveur des familles pauvres
et nombreuses. La moitié des familles monoparentales ayant deux enfants et plus
et la moitié des familles de quatre enfants et plus font partie des familles
les plus démunies ; il faut les aider à sortir d'une sorte de fatalité de la
pauvreté.
Au regard de ces problèmes et de bien d'autres, le rôle de la délégation
interministérielle à la famille, qui a été créée le 28 juillet dernier, me
paraît particulièrement intéressant et important, surtout si, outre la
réflexion qu'elle doit mener en amont sur la politique familiale, celle-ci
s'attache à apporter des améliorations à des situations bien concrètes, qu'il
s'agisse des procédures et de leur simplification, de la nécessaire
transversalité des réponses ou de la cohérence dont doivent faire preuve les
multiples intervenants publics sur le terrain.
Pour terminer, je reprendrai les propos que j'ai tenus au début de mon
intervention.
Celle-ci n'a porté que sur la branche famille, mais tout se tient, et nous
savons bien qu'il n'y a pas de politique familiale sans maîtrise des dépenses
de santé, ou alors il ne s'agit que de discours.
Mesurons bien les changements intervenus en un an et demi, et même en un an
depuis le précédent projet de loi de financement. Mesurons bien les efforts
accomplis par le Gouvernement et les résultats obtenus : le paysage s'est
transformé, assaini, éclairci, l'équilibre des comptes de la sécurité sociale
est à portée de main, et la politique familiale rénovée et ambitieuse que vous
avez su, madame la ministre, définir et mettre en oeuvre, en concertation avec
les associations familiales et les syndicats, fait l'objet d'une très large
approbation dans le pays. Il devrait en être de même ici.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, voilà trois ans déjà, le Sénat se réunissait pour débattre des
grandes orientations du plan Juppé. A ce jour, il apparaît que, malgré ses
dénégations, le Gouvernement entend reprendre à son compte la plupart des
réformes accomplies. Je pense en particulier ici à la mise en place de la
convention d'objectifs de gestion entre la CNAMTS, la Caisse nationale de
l'assurance maladie des travailleurs salariés, et l'Etat, à l'installation des
agences régionales d'hospitalisation et de l'Agence nationale d'accréditation
et d'évaluation en santé, l'ANAES, et à la réforme de l'organisation des
caisses.
En somme, le système de gestion paritaire instauré par l'ordonnance de 1945
avait besoin d'être rénové en profondeur, grâce notamment à un partage clair
des responsabilités entre, d'un côté, les partenaires sociaux, qui représentent
les assurés et le patronat, et, de l'autre, l'Etat, qui assure désormais un
tiers du financement du système, assisté en cela, évidemment, par la
représentation nationale.
Telle était donc la motivation du plan préparé par Alain Juppé et Jacques
Barrot.
La majorité sénatoriale peut être fière de ces avancées, même si des
ajustements sont sûrement nécessaires. En tout état de cause, on ne voit
toujours pas apparaître de projet de rechange crédible.
Sur le plan strictement financier, les gouvernements Balladur et Juppé auront
eu un premier mérite, celui d'apporter des réponses immédiates aux
déséquilibres du régime général d'assurance vieillesse, dont le déficit a été
ramené, il faut le dire, de 39,5 milliards de francs en 1993 à 7,9 milliards de
francs en 1996, et à la dérive des dépenses de médecine ambulatoire. En regard,
l'envolée des dépenses constatée au cours du premier trimestre de 1998 est à
mettre au compte, disons-le sans agressivité, de certaines hésitations et
ambiguïtés.
L'autre grand mérite de Jacques Barrot est d'avoir mis en place des
dispositifs essentiels dans la perspective d'une maîtrise durable des dépenses
d'assurance maladie.
A présent, derrière une rigueur de façade, les paradoxes et les contradictions
d'une certaine politique actuelle sont évidents. Nous voilà ainsi engagés dans
une politique particulièrement sévère de régulation des dépenses de santé. Je
reconnais qu'elle est nécessaire, car il faut adapter l'offre de soins aux
besoins et mener une réflexion prospective sur les besoins épidémiologiques
régionaux, sur le niveau de qualité de soins et sur la prise en charge des
précarités, ainsi que sur les efforts à mener en matière de formation et de
recherche médicales.
En outre, engager une concertation sur l'évolution des coûts, sur la base de
critères à définir, est indispensable pour que l'on puisse travailler dans la
transparence. Le rapport du Conseil d'analyse économique sur la régulation du
système de santé montre les asymétries existant, en matière d'information,
entre la demande et l'offre.
Mais une solution de rechange à la libéralisation du secteur de santé est
proposée : il s'agit de la mise en place d'un marché réglementé où l'assurance
maladie deviendrait « acheteuse de soins ». La mise en concurrence et
l'introduction optionnelle du médecin référent ne prendront bientôt toute leur
signification qu'accompagnées d'un mode de paiement à la capitation, avec
gestion des actes induits, notamment les examens de laboratoire, les
radiographies,... La situation est donc claire. Mais les obligations des 7 000
médecins référents sont rudes !
Sans doute la tenue du carnet de santé, l'évaluation des connaissances et des
pratiques et la participation à des actions de santé publique et à la formation
professionnelle conventionnelle ne sont-elles pas des tâches dénuées d'intérêt.
Mais on a pu parler de « formatage du généraliste », et l'engouement pour
l'indispensable informatisation amène à décrire une pratique idéale du médecin
: grâce à ses logiciels, celui-ci ne commettra plus de prescriptions abusives
ou d'erreurs de compatibilité. L'informatisation apporte aussi une aide au
diagnostic et une meilleure adéquation aux besoins. Cependant, et fort
heureusement pour nous, la pratique médicale va bien au-delà, grâce en fait à
la technique et aux syndicats, dont ceux qui sont privés de la manne de la
formation continue. Cela est aussi une réalité.
A la maladresse de la présentation du plan Juppé, il est possible de répondre
par la confiance accordée aux professionnels de santé, et non par un
encadrement rigoureux. M. Johanet reste partisan de la maîtrise médicalisée.
Nous aussi, car elle permet de répartir les ressources en fonction des besoins.
La restructuration de l'offre - c'est un préalable et nous sommes sur la bonne
voie - nous la vivons dans l'optique des opérations pilotes d'évaluation de
l'ANAES.
En revanche, M. Johanet se trompe quand il pense que les médecins revendiquent
le droit de tout faire, ce qui irait à l'encontre de toute démarche
qualitative. En effet, les pratiques médicales sont multiples, et qui pourrait
tout faire ? Qui pourrait faire par exemple de l'urologie sans formation ni
équipements spécialisés ?
Quant à la démocratie sanitaire, nous la souhaitons aussi, mais nous nous
interrogeons : quelle forme prendra-t-elle ? En matière d'impôts indirects, les
populations en situation de précarité sont toujours les plus taxées, et
l'aggravation de la fiscalité votée par l'Assemblée nationale gomme les effets
de la politique fiscale du Gouvernement favorables aux plus démunis. L'accès
aux soins, par conséquent, devient de plus en plus difficile.
Par ailleurs, alors que la branche vieillesse risque d'être durablement
déficitaire, diverses augmentations de dépenses sont annoncées sans qu'aucune
mesure sérieuse soit prise en vue de juguler la dérive des comptes des régimes
de retraite par répartition.
Parallèlement, la branche famille, qui sera apparemment excédentaire en 1999,
ne bénéficie d'aucune réforme significative, si ce n'est du rétablissement de
l'universalité des allocations familiales. Il s'agit là d'un retournement qui
témoigne des hésitations d'une politique pour laquelle la structure familiale
ne semble pas constituer une priorité.
Je ne reviendrai pas non plus sur l'abaissement du quotient familial, qui a
été dénoncé par mon collègue Jacques Machet.
Cette absence de politique familiale, je l'avais dénoncée, voilà un an, au
moment de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
1998. La mise sous condition de ressources des allocations familiales était un
projet ancien de la majorité actuelle, et sa justification tenait, à l'origine,
à l'attribution de prestations dès le premier enfant pour les familles
modestes. Il s'agissait en fait, pour le Gouvernement, de permettre le retour à
l'excédent des comptes d'une branche qui, jusqu'en 1994, avait régulièrement
financé les déficits des assurances vieillesse et maladie.
Plus encore que cette logique comptable, c'est la socialisation de la
politique familiale qui reste à nos yeux critiquable : la solidarité entre les
familles selon le revenu prend progressivement le pas sur la solidarité entre
les personnes sans enfant et les familles. A cet égard, la baisse du plafond du
quotient familial, prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999, s'inscrit dans la continuité de la malheureuse décision
prise l'année dernière à propos des allocations familiales.
Une vraie politique familiale est pourtant possible, et le plan Veil en est
l'illustration. Ainsi, améliorer l'accueil des jeunes enfants et étendre le
bénéfice de l'allocation parentale d'éducation correspondent toujours à de
vraies priorités, dans une économie en crise et dans une société où
l'urbanisation et le développement du travail féminin sont des faits durables.
Les 15 milliards de francs consacrés annuellement à l'obtention de réelles
avancées en matière de politique familiale sont à comparer aux économies que le
Gouvernement réalise cette année aux dépens des familles, au titre des
allocations familiales et de l'allocation de garde d'enfant à domicile. Les
priorités ne sont plus les mêmes depuis juin 1997. Et que dire de la dizaine de
milliards de francs qui risque d'être bientôt consacrée à la mise en place du
PACS ! Ce choix est d'autant plus irresponsable que le taux de natalité en
France se rapproche à présent du taux moyen européen, lequel est d'environ 1,5
%.
M. Henri Weber.
Aucun rapport !
M. Jean-Louis Lorrain.
A une certaine conception de la société d'inspiration libertaire et
individualiste incitant à l'irresponsabilité, nous souhaitons opposer la vision
d'une société à la fois solidaire et enracinée dans ses valeurs, et ainsi plus
apte à s'ouvrir au monde. En fait, telle est la vision commune des grandes
familles spirituelles de notre pays. Le désengagement de l'Etat à l'égard des
familles rompt avec la tradition d'une politique ambitieuse, d'autant plus
nécessaire que les attentes sont immenses. En revanche, nous notons avec
satisfaction l'exonération des charges sociales décidée en faveur des
associations d'aide à domicile. Envisagez vous, madame la ministre, d'étendre
le bénéfice de ces dispositions aux communes et aux centre communaux d'action
sociale, les CCAS ?
Le nouveau souffle dont la politique familiale a impérativement besoin passe,
sans doute, par une augmentation de l'effort financier, mais aussi par une
certaine responsabilisation des familles ! Dans un monde qui change, l'Etat ne
peut durablement répondre à l'ensemble des besoins de la société.
La priorité d'une réforme de la politique familiale devrait être, tout
d'abord, d'améliorer encore l'ensemble des dispositifs permettant aux parents
de mieux concilier l'exercice d'une activité professionnelle et la vie
familiale.
Ainsi, il conviendrait d'assouplir les règles relatives au travail à temps
partiel et au congé parental. De façon générale, le recours au temps partiel
reste encore insuffisant en France quand on observe ce qui se passe chez la
plupart de nos voisins européens.
J'ai d'ailleurs demandé au président de la commission des affaires sociales de
permettre la création d'un groupe de réflexion sur la famille, sur ses droits
et ses devoirs et sur la condition de parent.
Une autre proposition qui me semble intéressante est la création d'une épargne
famille. Il s'agirait d'une sorte de fonds de solidarité familiale, qui
pourrait ouvrir droit à une bonification de l'Etat. Nous pourrions ainsi
développer un pacte de prévoyance intergénérationnelle. Il faut répondre à tous
les besoins qui peuvent exister dans une famille, qu'ils soient liés à
l'éducation des enfants, bien sûr, mais aussi au chômage, au veuvage ou à la
dépendance. Deux priorités pourraient être retenues : la solidarité familiale,
comme nous l'avons vu, et la constitution d'un complément de retraite.
S'agissant de la retraite, tous les experts et l'ensemble des responsables
politiques reconnaissent que, dès les années 2005 à 2010, la situation
financière des régimes par répartition risque d'être intenable. Beaucoup
parlent d'un besoin de financement de 400 milliards de francs en 2015 ! Les
causes de cette situation sont connues : elles tiennent à la réduction de la
durée moyenne des carrières des salariés, à un chômage persistant, et, surtout,
à l'arrivée à la retraite des générations nombreuses nées après la Seconde
Guerre mondiale, alors que le taux de natalité est insuffisant depuis les
années soixante. En 2010, on comptera seulement deux personnes en âge de
cotiser pour un retraité.
Face à la gravité de la situation, la création d'un fonds de garantie doté de
deux milliards de francs, soit une journée seulement de paiement des retraites,
paraît une réponse bien dérisoire, même si c'est une réponse d'attente. En
outre, une augmentation des cotisations salariales ou patronales ne semble pas
envisageable, dans un pays qui se distingue déjà par un très fort taux de
prélèvements obligatoires.
Mais voilà que l'on nous annonce la mise en place d'un système d'épargne
retraite, avant même que la mission Charpin n'ait rendu ses conclusions. Après
la condamnation des fonds de pension, on nous promet la mise en place d'une
autre formule garantissant à la fois la pérennité des régimes de répartition et
le bénéfice d'un complément de retraite par capitalisation pour les futurs
pensionnés. Force est de constater, cependant, que l'unanimité n'est
qu'apparente : qui pourra bénéficier de ce nouveau produit d'épargne ? Les
seuls salariés concernés par des accords d'entreprise ou de branche ? C'est la
thèse du ministère des finances, mais serait-ce une solution vraiment équitable
?
En effet, notre système est déjà très injuste, car l'âge de la retraite varie
selon le statut, la durée de cotisation exigée lors de la liquidation de la
retraite est moins longue dans la fonction publique que dans le secteur privé
et les fonds de capitalisation existent d'ores et déjà dans certains secteurs
d'activité ou dans de grandes entreprises. Faudrait-il encore aggraver de
telles inégalités ? Si l'on retient le principe d'un système facultatif,
l'adhésion devra être collective, mais aussi individuelle, et ouverte à tous
les salariés, comme le prévoyait la loi sur les fonds de pension adoptée par le
Sénat en 1997. Les non-salariés et les Français établis hors de France ne
devront pas être oubliés.
S'agissant des régimes spéciaux, nous attendons des propositions concrètes de
la part de la mission Charpin en matière d'âge de départ à la retraite et de
niveau de cotisations et de pensions. Il reviendra alors au Gouvernement de
prendre ses responsabilités, avec pour seul objectif la recherche de l'intérêt
général, contre les égoïsmes catégoriels. Il est urgent d'agir, puisque le
rapport cotisants-retraités pourrait être, en 2015, de 1,4 chez les
fonctionnaires civils et de 0,7 seulement pour le régime de la SNCF.
Les parlementaires, en particulier les sénateurs, n'entendent pas être absents
de la réflexion engagée sur l'un des sujets essentiels pour l'avenir de leur
pays.
C'est pourquoi mon groupe parlementaire et moi-même avons pris l'initiative de
demander à M. le président de la commission des affaires sociales la création
d'une mission d'information sur l'avenir des retraites.
Enfin, une autre réforme s'impose, celle des règles de cumul emploi-retraite,
le système actuel s'avérant complexe et injuste.
Quant au mode d'indexation des retraites sur les prix, proposé dans le présent
projet de loi de financement, il reprend grosso-modo le dispositif adopté par
le gouvernement de M. Balladur, en 1993. A ce propos, il est amusant de relire
le compte rendu des débats de l'époque et les propos outrés de certains membres
de l'opposition socialiste à l'Assemblée nationale, lesquels parlaient de «
dégradation des pensions du régime général et d'appel à l'épargne individuelle
».
La question du maintien du pouvoir d'achat des retraites appelle une réponse
volontariste et innovante. Le groupe de l'Union centriste proposera par
amendement, au-delà des deux marches actuelles obligatoires fondées sur la
répartition entre retraites de base et retraites complémentaires, la création
d'une troisième marche facultative sous la forme d'un supplément de retraite
par capitalisation. Parmi les pays industrialisés, seule la France ne dispose
pas à ce jour d'un système de supplément de retraite par capitalisation.
Le nouveau plan aurait trois spécificités fondamentales : il fournirait un
supplément de retraite pour tous, il assurerait la sécurité des bénéficiaires
et il contribuerait directement au financement de l'économie.
En conclusion, madame la ministre, même s'il se situe dans la continuité de la
réforme de 1996, ce projet de loi ne répond que très imparfaitement aux
différents défis auxquels notre protection sociale est confrontée : la
dénatalité, le vieillissement de la population, un déficit structurel au niveau
de la branche vieillesse.
C'est pourquoi je voterai les divers amendements de la commission des affaires
sociales du Sénat, dont je tiens à féliciter le président, Jean Delaneau, ainsi
que les rapporteurs Jacques Machet, Charles Descours et Alain Vasselle, pour la
qualité du travail accompli.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont
nous poursuivons ce soir la discussion, est le troisième depuis la révision
constitutionnelle du 22 février 1996 décidée par Alain Juppé.
Cette révision, en lançant une réforme en profondeur, engageait une dynamique
pour sortir la protection sociale de l'enlisement.
Or, madame la ministre, ce plan Juppé, que vous avez décrié en son temps,
notamment en indiquant que toute réforme devait se faire en accord avec les
professionnels et sans sanctions, vous ne l'avez pas remis en cause ! Vous en
avez même conservé les réformes structurelles majeures.
Malgré tout, trois ans après, votre projet de loi ne répond pas à un objectif
découlant d'une politique de santé affirmée. Il ne comporte pas de proposition
originale sur des dossiers aussi importants que la politique familiale,
l'avenir des retraites ou la situation des hôpitaux. Surtout, il se contente
souvent d'établir une balance entre des recettes et des dépenses reposant sur
des données parfois discutées et discutables.
Par ailleurs, l'ONDAM que vous avez fixé pour 1999 est arbitraire. En effet,
le chiffre de 2,6 % que vous dites généreux s'applique en fait à un montant
voté en 1998 et non à celui qui sera effectivement constaté en fin d'année. Or,
la hausse prévue en 1999 est déjà absorbée par le dérapage constaté en 1998.
Ainsi, l'apparente souplesse de votre projet de loi se traduira en réalité par
un tour de vis pour les patients, qui, par ailleurs, ne sont à aucun moment
responsabilisés.
De plus, en 1999, au-delà de tous les transferts entre les différents
secteurs, viendront s'ajouter des dépenses dont vous ne tenez absolument pas
compte : il en est ainsi des dépenses occasionnées par la mise sur le marché de
molécules nouvelles non remboursées mais qui induiront des dépenses
remboursables - je pense aux prescriptions d'examens complémentaires
nécessaires au traitement - des dépenses liées au financement à 100 % du
dépistage des maladies aux conséquences mortelles évitables et des dépenses
relevant de la prise en charge par l'assurance maladie des centres d'hygiène
alimentaire et d'alcoologie.
Enfin, cette année encore, les comptes sur lesquels repose cet objectif ont
été reconnus par la Cour des comptes, dans son rapport sur la sécurité sociale,
comme non fiables. La Cour des comptes a en effet relevé, comme dans ses
précédents rapports, que « l'hétérogénéité des règles et des pratiques
comptables des organismes de sécurité sociale conférait par voie de conséquence
une portée réduite aux informations de synthèse fournies par ces comptabilités
».
Au-delà de cet objectif irréalisable, votre projet de loi est contestable
parce que vous faites abstraction de beaucoup trop de sujets tenant
particulièrement à coeur à nos concitoyens. Ces derniers s'inquiètent en
premier lieu, on le sait, de leur retraite.
Or, que proposez-vous dans ce domaine ? Bien peu de chose en réalité !
Certes, vous prévoyez une revalorisation de 1,2 % des pensions. Mais les
mesures fiscales que vous mettez en place frappent des milliers de retraités
aux revenus modestes qui, voilà encore peu, n'étaient pas imposables.
En outre, si le régime général est à peu près équilibré grâce aux mesures
courageuses prises par M. Balladur et Mme Veil, le problème majeur reste bien
celui des régimes spéciaux.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous avez raison de le rappeler !
M. Dominique Leclerc.
De nombreux rapports ont déjà été réalisés. Nous savons qu'il faudra débloquer
des sommes très importantes dès 2005. Cependant, vous nous demandez d'attendre
encore un rapport, et donc une année supplémentaire, pour agir, alors que vous
avez tous les éléments en mains.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Très bien !
M. Dominique Leclerc.
Face au vieillissement de la population, vous vous contentez d'une mesure
symbolique concernant l'avenir des retraites par répartition : la création d'un
fonds de réserve que vous envisagez de doter de deux milliards de francs. Une
telle mesure relève de la goutte d'eau ! Vous le savez, ce ne sont pas deux
milliards de francs qui seront nécessaires pour faire face aux pensions de la
génération du
baby boom
quand cette dernière quittera la vie active !
Vous auriez pu, au regard de ce constat inquiétant, reconnaître à la famille
toute son importance. Hélas ! cette année encore, vous avez fait preuve d'un
certain sectarisme à son égard.
M. Claude Domeizel.
Et le PACS ?
M. Dominique Leclerc.
Les familles attendaient le début d'une véritable politique familiale. Elles
n'en trouvent pas l'ébauche dans votre texte.
Au contraire, alors qu'il y a un an vous leur faisiez subir un véritable
matraquage fiscal en instituant la mise sous condition de ressources des
allocations familiales, vous allez aujourd'hui pénaliser 400 000 jeunes
familles de plus en réduisant brutalement l'avantage fiscal du quotient
familial.
Vous auriez pu vous intéresser au pouvoir d'achat et au logement des familles,
aux aides aux études des enfants, à la santé scolaire, à l'aide aux structures
périscolaires, au salaire social de la mère de famille, etc. De cela,
malheureusement, pas un mot !
J'aimerais à présent m'attarder sur la partie la plus conséquente du projet de
loi, celle qui traite de l'assurance maladie.
Vous voulez aligner la croissance des dépenses de santé sur la croissance du
produit intérieur brut.
Est-ce un objectif politique acceptable quand on sait l'importance que les
Français attachent à la qualité des soins qu'ils reçoivent ? Est-ce un objectif
réalisable sans déstabiliser totalement un secteur d'activité économique
positif dont l'importance sociale est évidente ? La santé des Français
reste-t-elle une priorité nationale ? Aligne-t-on la croissance des autres
budgets prioritaires de l'Etat sur l'évolution du produit intérieur brut ?
Quelle vision comptable vous avez de la santé des Français ! Néanmoins, il
existe une réelle volonté, partagée par l'ensemble des partenaires - c'est
essentiel - de dépenser moins tout en répondant au mieux aux besoins de la
population.
Il aurait été fondamental que vous nous proposiez dans ce texte des choix
politiques répondant à cette attente effective.
Malheureusement, nous y trouvons des mesures et des ajustements pour la
plupart comptables qui déstabilisent et démotivent les acteurs et les
partenaires du système de santé.
Je prendrai comme exemple de votre politique purement comptable de maîtrise
des dépenses de santé remboursées votre attitude à l'égard du médicament et de
l'industrie pharmaceutique.
En effet, encore une fois, pour réguler les dépenses de santé, vous vous
attaquez à l'industrie pharmaceutique : déjà mise à contribution en juillet
dernier à hauteur de 1,8 milliard de francs, elle va à nouveau être taxée si,
au regard des prescriptions de médicaments remboursés, l'ONDAM est dépassé.
Par ailleurs, l'article 25, en créant une clause de sauvegarde économique, met
en place un mécanisme pérenne de régulation qui se déclenchera dès que la
croissance du chiffre d'affaires de l'ensemble de l'industrie pharmaceutique
sera supérieure à celle de l'ONDAM.
De tels mécanismes - nous le savons - sont extrêmement dangereux.
En effet, si les grandes firmes internationales, aux chiffres d'affaires très
importants, réalisent des bénéfices leur permettant d'atténuer les conséquences
de ces mesures, il n'en est pas de même des industries françaises qui vont
subir de plein fouet ces taxations nouvelles.
Une telle politique ne manquera pas d'entraîner une délocalisation des
industries du médicament vers des pays où des règles du jeu stables favorisent
les investissements et le développement de nouvelles molécules.
Ainsi, non seulement les conséquences sur l'emploi seront désastreuses, mais,
à terme, la France pourrait bien dépendre entièrement de médicaments importés
dont les prix nous seront imposés ; il sera alors bien trop tard pour réagir
!
Par ailleurs, il est regrettable que les réformes du système de distribution
des soins en France ne résultent pas d'une politique de santé affirmée par le
Gouvernement ; tout du moins ne le dites-vous pas clairement, madame la
ministre.
Le système actuel, c'est vrai, est complexe et surtout non coordonné.
Ainsi, la coexistence public-privé, plus concurrentielle que complémentaire,
participe à cette confusion. Des missions précises devraient être définies pour
chaque système.
Nous sommes très attachés à un système libéral complémentaire travaillant en
réseau avec le système public, ce qui existe déjà, même si c'est de manière
imparfaite.
Les patients déambulent à leur guise, augmentant la demande de soins, sans
responsabilisation ni contrôle effectif. Or cette absence de définition d'une
politique claire de santé n'est pas favorable aux réformes en profondeur, les
différents acteurs n'étant pas incités à coopérer aux réformes et aux
évaluations.
Vous imposez essentiellement à ces acteurs de la santé cette maîtrise. Dès
lors, comment obtenir leur adhésion ?
Tout cela explique la rupture de la politique conventionnelle, le décalage et
les retards existant dans la mise en place de l'informatisation, le codage et
la tarification des actes, la télétransmission, la restructuration
hospitalière. Cela explique encore l'échec retentissant du carnet de santé - ni
les patients ni les praticiens n'ont adhéré à cette démarche - ou des délais de
mise en oeuvre de la carte Sésame Vitale 1 et 2 totalement anormaux.
Ces retards sont insupportables et, de ce fait, toutes ces réformes sont
finalement imposées aux différents partenaires.
En deuxième lieu, nous sommes confrontés à une offre de soins qui est
excessive, surtout au niveau hospitalier, qu'il soit public ou privé, mais
aussi en médecine ambulatoire ; cette offre est également souvent mal répartie
géographiquement. Là encore, aucune information claire, affichée et démontrée
n'existe.
En effet, même si les agences régionales de l'hospitalisation, les ARH, ont
déjà beaucoup fait en deux années, les perspectives restent floues. Si leurs
directeurs disposent d'instruments pour agir sur la recomposition de l'offre,
la cohérence d'ensemble de ces différents outils n'apparaît pas comme évidente.
Certains relèvent d'une logique d'incitation et de contractualisation, d'autres
d'une logique de coercition ou de pouvoir régalien, les différents secteurs
étant régulés séparément.
Enfin, j'insisterai sur le fait que, dans l'accroissement des dépenses de
santé, nous payons le retard de la médecine préventive totalement désorganisée
: certaines actions dépendent de l'Etat, d'autres des conseils généraux, des
hôpitaux publics, des associations caritatives, des communes, etc. Il est donc
indispensable de procéder à un très gros travail de réorganisation de la
médecine préventive dans notre pays.
Pendant longtemps, c'est vrai, il n'y a pas eu de véritable préoccupation de
santé publique.
En conclusion, je ne peux que réaffirmer ma totale adhésion à un contrôle du
Parlement sur les dépenses d'assurance maladie, mais à la condition que nous
ayons les moyens d'en évaluer les tenants et les aboutissants et qu'elles
correspondent aux besoins des Français.
Cela suppose une vraie transparence, et ce à tous les niveaux.
Or, à l'heure actuelle, tel n'est pas le cas : les chiffres sur lesquels nous
travaillons sont contestés. En effet, l'enveloppe de 1998 a été calculée sur la
base des données de 1997. La CNAM elle-même, après repérage d'erreurs
grossières, les reconnaît comme peu fiables.
Ce manque de fiabilité est tel que vous avez jugé utile...
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il est dommage que vous ne
l'ayez pas fait avant !
M. Dominique Leclerc.
... de demander à l'inspection générale des affaires sociales un audit sur la
méthodologie de ces statistiques ; c'est tout de même regrettable, puisque les
principales informations chiffrées dont nous disposons sont celles de la
CNAM.
C'est pourquoi j'adhère totalement à la proposition de notre collègues Charles
Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance
maladie, de constituer un groupe de travail au sein de la commission des
affaires sociales.
De plus, nous souhaitons une vraie transparence sur le mode de gestion et de
fonctionnement des caisses d'assurance maladie et des mutuelles
délégataires.
Enfin, au-delà de cette nécessaire transparence, je rappelerai l'attachement
des Français au système libéral. Les patients souhaitent, vous le savez,
choisir leurs acteurs de santé dans une offre de proximité. Comme les
professionnels de santé, ils doivent être responsabilisés individuellement ;
pour nous, les sanctions collectives ne sont pas admissibles.
La politique de santé est un choix politique et ne peut pas dépendre
essentiellement de critères économiques.
(Applaudissements sur les travées
du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, mon intervention s'inscrira dans le prolongement de celle de
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Les retraites sont à l'ordre du jour dans ce projet de loi de financement de
la sécurité sociale, et elles risquent fortement d'être sur le devant de la
scène pendant longtemps.
Nos systèmes de retraite ont réussi. Les missions qui leur avaient été
assignées en 1944 par le Conseil national de la Résistance ont été, pour
l'essentiel, atteintes.
Aujourd'hui, les Français vivent mieux et plus longtemps et ils sont tous
concernés, à un titre ou à un autre, par un régime obligatoire, l'assurance
vieillesse. Aujourd'hui, heureusement, la plupart des personnes âgées ne
souffrent plus de la grande pauvreté, le niveau de vie des nouveaux retraités
s'est sensiblement rapproché de celui des actifs. Ils peuvent aussi, plus que
par le passé, prendre dans notre vie sociale la place qui leur revient
légitimement. Tout cela n'est que justice à l'égard des générations qui, par
leur travail, ont puissamment contribué à la prospérité du pays.
Maintenir ces acquis collectifs, poursuivre le mouvement de réduction des
inégalités qui touchent les plus âgés d'entre nous, tel est notre objectif
prioritaire.
Nous avons également, vis-à-vis des générations futures, un devoir de lucidité
et un impératif de solidarité. Nous devons à nos enfants des choix pour
garantir leur avenir.
C'est ainsi que nous resterons fidèles aux principes fondateurs de notre
sécurité sociale.
Le système français s'est historiquement formé sur le principe de la
répartition. C'est là sa force. C'est là sa grandeur. Nous devons le renforcer.
Nous devons le consolider.
Les retraites servies ne sont pas en cause et les droits acquis par les
retraités d'aujourd'hui ne seront pas remis en question. Il s'agit de préparer
l'avenir des générations, des jeunes générations, pour que notre société,
demain, continue de reconnaître à ses anciens la place et le niveau de vie qui
leur revient.
Une démocratie comme la nôtre doit être capable de débattre à temps de ces
problèmes et d'en traiter sereinement.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Oui !
M. Claude Domeizel.
Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui ouvre le débat.
Le rapport du commissaire général au Plan, qui sera remis au Premier ministre
en avril prochain, le prolongera après une longue concertation avec les
partenaires sociaux.
Nous ne pouvons que nous féliciter de cette démarche qui montre la réelle
volonté du Gouvernement de prendre les décisions qui permettront de relever le
défi du financement des retraites face au choc démographique des années
2005-2010.
Mais, d'ores et déjà, ce texte nous engage dans deux voies.
La première est la pérennisation de nos régimes de retraite, avec la mise en
place d'un « fonds de réserve » afin de compléter les ressources des régimes de
retraite à partir de 2005. Nous nous en réjouissons.
Nous apprécions une telle approche, qui s'inscrit dans une orientation
totalement différente de celle de la droite qui, elle, préférait prôner des
systèmes alternatifs et individuels, profitant seulement aux couches les plus
favorisées de la population et portant atteinte aux régimes par répartition.
Je me réjouis, sur ce sujet, que le Gouvernement ait annoncé la prochaine
abrogation de la loi Thomas.
Je profite de l'occasion qui m'est donnée, aujourd'hui, pour vous rappeler, en
quelques mots, les principes que nous avons défendus en matière de fonds de
pension.
Les socialistes, tout particulièrement au Sénat - vous vous souvenez sans
doute que notre groupe avait déposé un recours devant le Conseil
constitutionnel sur la loi Thomas - ne sont pas des adversaires des systèmes
par capitalisation, en tout cas pas de tous.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ah !
M. Claude Domeizel.
La problématique, pour nous, en effet, n'est pas d'opposer ce système à celui
de la répartition,...
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Ce n'est pas non plus la nôtre !
M. Claude Domeizel.
... mais bien plutôt de définir ce qu'il convient de mettre en place comme
fonds de pension, afin d'apporter un complément de retraite aux assurés sans
toucher aux régimes par répartition.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Cela n'a jamais été notre cas !
M. Claude Domeizel.
Pour nous, les fonds de pension doivent donner aux Français, à tous les
Français, un complément de retraite. Ce ne peut être un système d'épargne.
C'est pourquoi j'insiste avec solennité sur le fait qu'il faut que ces fonds,
que l'on peut appeler comme on le voudra, soient paritaires, collectifs et
obligatoires.
Ce dernier élément est tout particulièrement capital. Tout système facultatif
ne pourra que laisser des pans entiers de la population sur le bord du chemin.
Qui, en effet, est prêt à s'investir sur du long terme ? Ceux qui le peuvent,
ceux qui en ont la capacité financière, et je dirai intellectuelle, de
raisonner sur le long terme.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Et que faites-vous de la responsabilité ?
M. Claude Domeizel.
L'expérience de tous les pays qui ont développé de tels outils montre que,
lorsque des fonds de pension sont individuels et facultatifs, ils ne sont
choisis que par 10 % au plus de la population.
Je tenais à rappeler ces quelques données qui, pour nous, sont fondamentales
et qui nous guideront dans l'approche que nous aurons du futur projet de loi
sur ce sujet.
Pour revenir au fonds de réserve, je voudrais, après m'être félicité de sa
mise en place, soulever quelques interrogations. Le dispositif prévu dans le
présent texte est assez réduit, aussi peut-il prêter à toutes sortes
d'interprétations.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Eh oui !
M. Claude Domeizel.
J'aurais aimé, tout d'abord, que son objet, libellé de manière générale, soit
explicité plus clairement : le fonds doit être destiné à participer au
financement des régimes de retraite, pas à autre chose.
Concernant son organisation, je note avec satisfaction que l'Assemblée
nationale a adopté un amendement qui répond à l'une de nos interrogations. Il
est en effet précisé, à l'article 2, que le fonds de réserve est assisté d'un
comité de surveillance composé notamment de parlementaires et de représentants
des assurés, des employeurs et des travailleurs indépendants. Reste maintenant
à préciser le rôle de ce comité, qui devra détenir un pouvoir réel.
Concernant la gestion des sommes qui seront versées, les actifs seront-ils
placés en titres de créances ou en actions ? Seront-ils gérés par le personnel
du fonds de réserve ou, par délégation, par des gestionnaires privés ? Qui
exercera le contrôle permanent du fonds ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Que de questions !
M. Claude Domeizel.
Par ailleurs, le fonds de réserve est rattaché au fonds de solidarité
vieillesse. Vous me permettrez, madame la ministre, de m'étonner de ce choix.
L'objet du FSV est de prendre en charge les avantages non contributifs relevant
de la solidarité nationale. Le fonds de réserve, quant à lui, doit participer
au financement des régimes de base de la sécurité sociale. N'y a-t-il pas là un
mélange des genres ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Bonne remarque !
M. Claude Domeizel.
Ne pourrait-on pas craindre qu'à l'avenir le fonds ne soit utilisé à d'autres
fins ?
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Eh oui !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est exact !
M. Claude Domeizel.
Ce dernier point est important. J'aimerais, pour ma part, que cette
affectation au FSV soit limitée dans le temps, dans l'attente d'un dispositif
qui, mis en place dès l'année prochaine, serait mieux élaboré en prévoyant un
fonds distinct et indépendant.
Enfin, on peut penser que le montant des actifs de ce fonds, même s'il peut
atteindre 50 milliards de francs, n'est pas à la hauteur des enjeux.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est évident !
M. Claude Domeizel.
Cependant, tout le monde doit avoir l'honnêteté de reconnaître qu'avec la
création de ce fonds le Gouvernement a choisi d'amorcer un virage et
d'abandonner une gestion à courte vue.
(M. Vasselle, rapporteur et M. Oudin, rapporteur pour avis,
s'exclament.)
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est bien vrai !
M. Claude Domeizel.
En dernier lieu, je souhaiterais connaître votre position, madame la ministre,
sur le principe selon lequel tout fonds de réserve doit aller de pair avec
l'existence d'une surcotisation. Celle-ci viendrait abonder le fonds d'autant,
et lui permettrait ainsi de répondre véritablement aux enjeux.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Les actifs paieront !
M. Claude Domeizel.
Un tel fonds ne peut pas être uniquement alimenté par des recettes de poche de
l'Etat.
Je vous disais au début de mon propos que ce projet de loi nous engageait dans
deux voies.
La première voie, je l'ai dit, est la pérennisation de nos régimes.
Quant à la seconde, c'est la participation des retraités aux fruits de la
croissance. C'est pourquoi les pensions seront revalorisées de 1,2 % au 1er
janvier 1999, alors que la loi n'imposait que 0,7 %.
Cette décision est complétée par le plan pluriannuel de revalorisation des
retraites agricoles, que le Gouvernement a lancé en 1997 et qui s'étendra sur
la durée de la législature. A cet égard, je suis sensible au souci du
Gouvernement, qui entend privilégier les retraités qui touchent les pensions
les plus faibles et qui ont une carrière complète en agriculture.
Enfin, comment ne pas évoquer la situation particulière de la CNRACL à l'heure
où nous débattons des modalités de financement de la sécurité sociale pour 1999
?
M. Jean Delaneau,
rapporteur.
Merci !
M. Claude Domeizel.
En effet, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999
reconduit, dans son article 36, les dispositions afférentes au recours aux
avances de trésorerie et inclut à nouveau la CNRACL dans la liste des régimes
autorisés à recourir à l'emprunt pour couvrir leurs besoins de trésorerie.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
C'est scandaleux !
M. Claude Domeizel.
Dès lors, nous ne pouvons nous désintéresser de ce régime qui, en dépit d'une
gestion administrative et financière remarquable, se trouve confronté à des
difficultés que vous avez, mes chers collègues, largement évoquées l'année
dernière à pareille époque au sein de cet hémicycle et qui demeurent
d'actualité.
Je rappellerai d'abord que, par le passé, la CNRACL a déjà fait face à des
besoins importants de trésorerie - sans autorisation de recourir à l'emprunt -
grâce au simple décalage du calendrier de versement des acomptes de
compensation et de surcompensation.
Je rappellerai ensuite que cet équilibre de trésorerie a été d'autant plus
facilement atteint que la CNRACL est un régime de retraite sain, qui bénéficie
encore - avec un ratio voisin de trois actifs pour un retraité - d'un bon
équilibre démographique. Cela lui permet d'assurer le versement des pensions de
ses ressortissants, et même de dégager un excédent. Ainsi, en 1997, cette
caisse a dégagé un excédent de 17 milliards de francs. Or la CNRACL est
paradoxalement confrontée, depuis 1991, à des difficultés financières dues
exclusivement, faut-il encore le souligner, à l'importance de l'effort de
solidarité qui est exigé d'elle dans le cadre des compensations.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Et au-delà du raisonnable !
M. Claude Domeizel.
De 1986 à 1997, c'est-à-dire pendant sept ans de droite et cinq ans de gauche,
et pour se limiter aux seuls versements opérés en faveur des régimes spéciaux
déficitaires, la CNRACL a contribué à hauteur de 83,5 milliards de francs au
rétablissement de leur équilibre, leur consacrant ainsi plus de 16 % de ses
ressources annuelles.
C'est donc bien le poids, désormais exorbitant, de ces transferts représentant
près de 20 milliards de francs par an, tout particulièrement celui de la
surcompensation, qui est à l'origine de ses besoins de trésorerie. En imposant
à la CNRACL de participer à la limite voire au-delà de ses capacités
contributives au financement de régimes spéciaux en déficit structurel, on lui
fait jouer clairement le rôle d'un fonds national de solidarité garantissant,
notamment, la survie de régimes dont l'effectif cotisant est en voie
d'extinction.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Claude Domeizel.
Comment, dans ces conditions, ne pas s'interroger sur la légitimité de cette
fonction alors même qu'elle devrait, par essence, relever de la solidarité
nationale ?
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Exactement !
M. Claude Domeizel.
Aussi le moment me semble-t-il venu pour l'Etat de donner, dans le règlement
de cette question, des marques de son engagement à traiter l'avenir de la
CNRACL et des régimes spéciaux dans un esprit d'équité et de solidarité, comme
le Gouvernement s'y est engagé.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de loi de financement de la sécurité sociale reçoit de notre part une
appréciation globale très favorable,...
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Oh !
M. Claude Domeizel.
... particulièrement pour ce volet « retraite », parce qu'il met avant tout en
marche une pérennisation et une consolidation du système de répartition et
parce qu'il a pris en compte l'attente des retraités, lesquels participeront un
peu plus aux fruits de la croissance.
Je vous remercie de votre attention.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par répondre à quelques
remarques d'ordre général de la commission des affaires sociales, et d'abord à
celle selon laquelle le présent projet de loi reposerait sur des prévisions
économiques trop optimistes.
Messieurs Delaneau et Oudin, s'il est vrai que les derniers chiffres de l'OCDE
situent la croissance économique à 2,6 %, il est non moins vrai que le FMI la
fixe à 2,8 %. Nous, nous nous fondons sur 2,7 %. Qui, aujourd'hui, peut dire où
est la vérité ? Ce qui est sûr, c'est que les organismes internationaux
confirment dans les grandes lignes nos prévisions, prévisions qui avaient
d'ailleurs été contestées l'année dernière et qui - certains l'ont reconnu - se
sont pourtant avérées fondées.
Monsieur Oudin, la réduction de la durée du travail n'a pas pour effet de
réduire la masse salariale : ou bien elle a un effet positif sur l'emploi, et
la masse salariale s'accroît,...
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Ce n'est pas vérifié !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... ou bien, comme vous le
croyez, elle n'a pas d'effet, et dans ce cas il n'y a pas de réduction de la
masse salariale. En tout cas, on ne peut pas prétendre une chose et son
contraire.
Au surplus, ces prévisions de recettes ne semblent pas être exagérément
optimistes aux yeux de la commission. Sinon, elle aurait proposé un amendement
fixant une prévision de recettes alternative, comme elle le fait pour les
dépenses.
Je précise qu'il n'y a pas, dans ce projet, 4,8 milliards de francs de
prélèvements supplémentaires. Les 4,8 milliards de francs de recettes
effectivement prévus viennent s'ajouter aux recettes tendancielles. Ce ne sont
pas des prélèvements nouveaux.
Il s'agit, pour 3,8 milliards de francs, d'un transfert du FSV vers le CNAV,
transfert permis par une attribution de la CSSS au FSV - nous pouvons nous en
réjouir, car c'est une réforme structurelle. La CSSS est un prélèvement déjà
existant dont ni le taux ni l'assiette ne sont modifiés.
Par ailleurs, 0,8 milliard de francs correspondent à une attribution du solde
de CSG à la CNAM. Là encore, ni le taux ni l'assiette de la CSG ne sont
modifiés.
En troisième lieu, 0,1 milliard de francs correspondent à des recettes perçues
sur des types de revenus qui échappent aux prélèvements sociaux du fait
d'imperfections de la législation ou des circuits d'information. Il s'agit de
mesures, destinées à lutter contre l'évasion, que la commission ne critique
d'ailleurs pas puisqu'elle n'a pas proposé non plus d'amendement sur l'article
5, qui contient ces dispositions.
Enfin, la baisse du taux de cotisation au titre des accidents du travail
représente une diminution de 1 milliard de francs.
Il y a donc, par rapport à 1998, avec les 0,3 milliard de francs de
suppression de la taxe sur les alcools industriels, une baisse des prélèvements
d'environ 1,2 milliard de francs, comme le confirme d'ailleurs le secrétaire de
la commission des comptes de la sécurité sociale.
Le retour à l'équilibre du régime général n'est pas obtenu de la même manière,
avec 157,5 milliards de francs de prélèvements supplémentaires de 1997 à 1999.
Les prélèvements supplémentaires, c'est 9 milliards de francs en 1997, pour
l'essentiel sur les alcools, les tabacs et sur EDF, 12 milliards de francs en
1998, pour l'essentiel sur les revenus des capitaux, et une baisse de 0,9
milliard de francs en 1999, comme en témoignent, là encore, les chiffres du
dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale.
Je ne comprends pas très bien la critique portant sur le fait qu'un déficit de
certaines branches entraînerait un équilibre général. C'est l'objectif même de
la sécurité sociale de considérer que c'est un tout.
Je souhaite rappeler, car j'ai cru comprendre qu'on disait autre chose dans le
rapport, que les 2 milliards de francs qui ont été affectés au fonds de réserve
auraient été en excédent des comptes de la sécurité sociale si nous ne les
avions pas affectés au fonds de réserve, ce qui ne veut pas dire que tous les
excédents de la sécurité sociale vont vers les fonds de réserve.
Je comprends assez mal le discours de la commission, qui déplore tout à la
fois que le redressement soit obtenu par des prélèvements supplémentaires -
d'ailleurs, je viens de le dire, largement imaginaires - et par l'effet de la
croissance sur les recettes - par ailleurs surestimé. La commission semble
vouloir un excédent plus élevé mais avec une prévision de recettes moins
élevées. Je ne vois pas très bien où est la cohérence de ces propositions.
Faut-il moins de prestations ? Mais, dans ce cas, lesquelles ? Faut-il des
sanctions plus dures contre les médecins ? Mais pourquoi alors ne pas les
proposer ? Faut-il baisser les prestations familiales ? Faut-il une moindre
revalorisation des pensions, comme certains, qui ont, eux, au moins une
certaine cohérence par rapport à leurs propositions, l'ont d'ailleurs dit ? A
moins que la commission ne souhaite le maintien du déficit ! Mais,
personnellement, je ne vois pas comment on peut souhaiter deux choses aussi
contradictoires.
S'agissant du système de santé, et plus précisément de la médecine de ville,
M. Oudin a prétendu que rien n'avait été fait en matière d'informatisation. Je
souhaite lui donner quelques informations à ce sujet qui devraient le rassurer.
Mme Dieulangard m'a par ailleurs interrogée sur le réseau de santé sociale.
Le réseau Vitale 1 serait expérimental. Il a été expérimental, mais il est
aujourd'hui en cours de déploiement puisque 10 millions de cartes d'assurés ont
été distribuées en Bretagne, Champagne-Ardenne, Lorraine, dans les Pays de la
Loire, le Nord - Pas-de-Calais, le Languedoc-Roussillon et en
Alsace-Moselle.
Vitale 2 est-il reporté ? Franchement, à qui la faute ? Le Conseil d'Etat a
censuré les dispositions de l'ordonnance Juppé et nous a contraints à revenir
devant le Parlement, ce que nous faisons aujourd'hui.
Les logiciels n'existeraient pas ! Monsieur Oudin, quarante-cinq logiciels
pour la télétransmission ont été agréés par la commission que nous avons mise
en place, et les premiers agréments à des applications du réseau de santé
sociale ont été donnés il y a quelques jours - serveurs du ministère, de
l'Agence du médicament, plates-formes de serveurs pour les hôpitaux, serveurs
de l'Union des médecins libéraux d'Ile-de-France. Vous le voyez, nous n'avons
pas perdu notre temps.
Alors qu'il y avait beaucoup de projets et peu de réalisations, nous, en moins
d'un an, en rendant cohérents les projets d'informatisation de l'Etat et ceux
de la CNAM, en travaillant avec les professionnels de santé, nous avons mis en
place un réseau de santé sociale qui va commencer à rendre des services aux
médecins, et je suis convaincue que, le bouche à oreille aidant, la proportion
de médecins informatisés, aujourd'hui de 50 %, va grandir dans les temps qui
viennent.
S'agissant toujours du système de santé, MM. Fourcade et Huriet, notamment,
ont dit que nous devions aller vers plus de régionalisation ou plus de
décentralisation. Je partage leur point de vue. Nous devrons y aller au fur et
à mesure que les outils nous permettront de le faire correctement, et j'ai été
amenée à dire dans mon propos introductif - c'est l'une des raisons pour
laquelle l'IGAS travaille sur les statistiques de l'assurance maladie - qu'il
serait hautement souhaitable que nous soyons capables de décliner par région,
par spécialité, entre les honoraires et les prescriptions, les différentes
statistiques, disons le 20 ou le 25 du mois suivant les dépenses, afin de
pouvoir réagir contre les mauvaises pratiques et afin que les médecins
eux-mêmes, dans les unions régionales de médecins, puisqu'ils le souhaitent,
puissent s'évaluer et réagir. C'est donc bien vers cela que nous allons, et je
souhaite que ce soit très vite, mais nous avons besoin, pour ce faire, de
statistiques crédibles.
De la même manière, les réseaux et les filières, lorsqu'ils existeront, nous
permettront d'aller encore plus loin dans la décentralisation qui se met en
place.
J'ajoute que le renforcement de la politique conventionnelle, puisque nous
étendons le champ possible des conventions entre la CNAM et les médecins à
plusieurs reprises dans le projet de loi, doit également concourir à une
décentralisation des décisions. Cela va, évidemment, complètement à l'encontre
d'une étatisation, que nous ne souhaitons pas.
A cet égard, si nous avons été amenés à prendre un certain nombre de mesures
au mois de juillet, c'est parce que les conventions ont été annulées.
Personnellement, je ne me félicite donc pas d'avoir eu à prendre ces mesures ;
il fallait que je les prenne. Ces conventions et une partie des ordonnances
Juppé d'ailleurs, ayant été annulées, il aurait été mal venu et même
irresponsable de rester les bras ballants en attendant que les mois passent,
sans prendre un certain nombre de décisions.
Pour ce qui est de certaines professions, comme les dentistes, que M. Delaneau
a particulièrement défendus, ou les radiologues, il faut savoir ce que nous
voulons : nous ne pouvons pas affirmer en permanence qu'il faut rechercher
l'équilibre et, chaque fois que cela touche une profession qui dérape, dire
qu'il ne faut pas toucher celle-là, d'autant que s'agissant, en tout cas, des
radiologues, je crois pouvoir dire que ce ne sont pas ceux qui connaissent le
plus de difficultés dans le corps médical.
En ce qui concerne les dentistes, je veux vous apporter une précision,
monsieur Delaneau : nous n'avons pas touché à des actes et à la valeur de ces
actes qui auraient figuré dans une convention.
La convention prévoyait des revalorisations de nomenclature. Or, je le
rappelle, la revalorisation de nomenclature - je ne fais là que me référer aux
ordonnances Juppé - ressortit aux compétences de l'Etat. D'ailleurs, deux
premières tranches de revalorisations de nomenclature avaient été accordées
depuis le début de l'année. La profession des dentistes avait ainsi bénéficié
de 600 millions de francs de revalorisation depuis juin 1997.
Si donc nous avons été amenés à repousser la troisième tranche de
revalorisations de nomenclature - encore une fois, c'est une compétence de
l'Etat - c'est bien parce qu'il y avait un dérapage tout à fait important et
qu'il n'était pas acceptable, dans ces conditions, que cette mesure puisse
entrer en application.
Je l'ai dit à plusieurs reprises, je souhaite vivement que l'évolution des
dépenses soit conciliable avec les objectifs généraux d'évolution des dépenses
d'assurance maladie.
Je pourrais répondre de la même manière en ce qui concerne, par exemple, les
radiologues, pour lesquels j'ai toujours dit que la porte était ouverte, que
nous étions tout à fait prêts à négocier avec eux, notamment les mesures
structurelles qui permettraient d'éviter les autoprescriptions.
M. Jean Delaneau,
rapporteur.
Madame le ministre, me permettez-vous de vous interrompre
?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de Mme le ministre.
M. Jean Delaneau,
rapporteur.
Dans mon intervention, je ne crois pas avoir défendu plus
particulièrement les chirurgiens-dentistes ou les radiologues.
Je demandais simplement si les mesures avaient été prises après consultation
de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, car, dans
une lettre qu'ils vous avaient adressée, les présidents de la CNAM, de la MSA
et de la CANAM vous rappelaient que ces mesures de revalorisation figuraient,
certes, dans la convention - on sait bien que l'Etat peut toujours passer outre
! - mais également que la convention elle-même avait été approuvée par arrêté
interministériel, et qu'elle avait donc quasiment force de loi.
Ma question portait donc plus sur la concertation avec les caisses que sur les
rapports avec les praticiens en question.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le rapporteur, dans le
paragraphe précédant celui que vous venez de rappeler - je vous ai écouté
attentivement - vous contestiez le fait que l'Etat puisse revenir sur une
disposition figurant dans une convention.
Je le répète, si ces mesures figurent effectivement dans une convention, elles
relèvent normalement des compétences de l'Etat. A tout moment, l'Etat se doit
donc d'agir en cas de dérapage. S'il ne l'avait pas fait, que n'auriez-vous dit
?
M. Jean Delaneau,
rapporteur.
A propos des radiologues, je vous ai posé deux questions,
l'une sur la récupération des 450 millions de francs et l'autre pour savoir
s'ils seraient éventuellement appelés à payer une seconde fois si l'objectif
global n'était pas respecté.
M. le président.
Veuillez poursuivre, madame le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si je veux pouvoir répondre à
toutes les questions, qui ont été fort nombreuses, monsieur Delaneau, je me
dois d'avancer dans mes réponses.
En quelques mots, s'agissant des radiologues, je viens de le dire, nous
récupérerons les 450 millions de francs de dérapage. Encore une fois, j'aurais
préféré que, comme avec les six autres professions, il y ait un protocole
d'accord pour nous éviter d'avoir à prendre des mesures unilatérales. Les
radiologues ne l'ont pas souhaité, et je le regrette. La porte, je le répète,
est toujours ouverte. En attendant, nous maintiendrons la lettre Z à son niveau
actuel jusqu'à ce que les 450 millions de francs soient récupérés, c'est-à-dire
très certainement jusqu'au début de l'année prochaine.
En ce qui concerne l'hôpital, je vois apparaître un certain nombre de
contradictions au sein de la majorité sénatoriale et même, au sein de cette
majorité, d'une année sur l'autre.
J'ai entendu MM. Jean Delaneau, Claude Huriet et Gérard Larcher contester le
projet gouvernemental pour trois raisons : il ne traiterait pas de l'hôpital,
il n'apporterait aucune garantie que les missions hospitalières sont assurées
correctement, il ne donnerait pas satisfaction au personnel hospitalier,
notamment aux praticiens hospitaliers, qui seraient, semble-t-il, extrêmement
agités actuellement.
J'observe, en préambule, que ces propos me paraissent tout à fait
contradictoires avec ceux que tenaient les mêmes personnes au Sénat, l'année
dernière, lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1998.
M. Delaneau s'est exprimé au nom de M. Descours.
M. Jean Delaneau,
rapporteur.
Et de la commission !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Certes !
M. Descours avait fait valoir, l'année dernière, que le taux de 2,2 % retenu
pour l'ONDAM n'était pas acceptable parce qu'il confirmait le gel des
restructurations en 1998 et parce que le secteur hospitalier progressait plus
que celui des médecins libéraux.
Il avait d'ailleurs déposé un amendement visant à encadrer ces dépenses, et
notamment les prescriptions faites par les médecins hospitaliers.
La commission des finances avait proposé, quant à elle, de limiter le taux de
l'ONDAM à celui de l'inflation et, dans ce cadre, M. Oudin, rapporteur pour
avis de la commission des finances, avait fait valoir que les hôpitaux étaient
le lieu d'un gaspillage dénoncé, selon lui, par de nombreux rapports.
D'ailleurs, cette année encore, vous jugez qu'il y a 1 milliard de francs de
trop pour l'hôpital !
Où est la cohérence quand vous nous dites que nous sommes trop sévères sur
l'hôpital, alors que, dans le même temps, vous proposez par amendement de
diminuer de 1 milliard de francs son budget ?
M. Henri Weber.
Il n'y en a pas !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais nous n'avons peut-être pas
la même conception de la cohérence, monsieur Delaneau ! On ne peut pas dire une
chose et son contraire, surtout quand il s'agit d'une politique aussi
importante que la politique hospitalière.
De même, vous parlez de restructurations nécessaires, en ajoutant qu'il ne
faut pas fermer un certain nombre d'établissements.
M. Jean Delaneau,
rapporteur.
Je n'ai pas dit cela !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je l'ai entendu, en tout cas
s'agissant de l'Ile-de-France.
Pour le Gouvernement, qui souhaite conduire une action vigoureuse de réduction
des inégalités et des ressources entre les régions, il est essentiel de réussir
dans la continuité et la cohérence des allocations différenciées entre les
régions selon qu'elles sont plus ou moins riches.
Cela ne signifie pas qu'il faille demander des efforts trop lourds à la région
d'Ile-de-France. Je voudrais rassurer Mme Borvo : elle sait très bien - je l'ai
dit tout à l'heure - qu'il existe au sein de la région d'Ile-de-France des
inégalités tout à fait importantes que nous entreprendrons de réduire cette
année, au sein même des départements et des hôpitaux.
A vous en croire, monsieur Delaneau, le texte ne parlerait pas de l'hôpital.
Je peux pourtant vous assurer que le Gouvernement, depuis dix-huit mois, mène
une politique hospitalière active qui, il est vrai, ne se traduit pas
exclusivement par le biais de nouveaux textes législatifs. Il arrive un moment
où il faut travailler, agir et, donc, cesser de légiférer.
Je l'ai dit tout à l'heure, notre politique hospitalière s'organise autour de
quatre axes.
Le premier axe est la révision des schémas régionaux d'organisation sanitaire
; la réflexion a largement été engagée sur le terrain. Les coopérations entre
établissements se développent. C'est ainsi qu'une organisation en réseau en
particulier a été définie pour les urgences, la cancérologie, la périnatalité,
et bientôt pour l'hépatite C.
Le deuxième axe est la recomposition du tissu. Je voudrais vous rassurer,
monsieur Delaneau : le fonds d'investissement pour la modernisation des
hôpitaux a été totalement utilisé. Vous avez employé un mauvais terme ; vous
vouliez sans doute parler d'autre chose.
M. Jean Delaneau,
rapporteur.
Du fonds d'accompagnement social !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous avons utilisé tous les
fonds du FIMHO, ce qui prouve bien que les restructurations ont eu lieu.
D'ailleurs, l'année dernière, vous ne vouliez pas de ce fonds.
M. Jean Delaneau,
rapporteur.
Les décrets d'application ne sont pas sortis !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Ils sont parus !
M. Jean Delaneau,
rapporteur.
Un seul !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Effectivement, ils sont
sortis.
Après l'adaptation de l'offre aux besoins, le troisième axe consiste à
promouvoir la qualité et la sécurité, et ce par l'accréditation.
J'ai entendu avec plaisir que tout le monde se référait à l'ANAES, que nous
n'avons pas trouvée en arrivant, mais que nous avons mise en place. Les
procédures d'accréditation commenceront dès le début de l'année 1999 puisque,
maintenant, l'ensemble des normes sont prévues.
Le quatrième axe est la réduction des inégalités dans l'accès aux soins.
J'ai déjà parlé de la péréquation entre régions et entre établissements. Je
suis totalement d'accord avec M. Fourcade : il faut, peu à peu, que nos outils
d'analyse soient suffisamment performants pour ne pas pénaliser les hôpitaux
qui ont un succès important parce qu'ils offrent une qualité de soins
supérieure à d'autres.
Nous poursuivrons cette année l'analyse de la qualité de ces hôpitaux afin
d'accorder une allocation de ressources qui réponde aux besoins de la
population et aux efforts qu'ils ont réalisés.
Nous essayons de conduire cette politique en concertation avec le personnel
hospitalier. Le dialogue a été instauré aussi bien avec les élus qu'avec les
organisations syndicales. Les praticiens hospitaliers ont été représentés dans
les groupes de travail qui se sont réunis d'octobre 1997 à mars 1998 et qui ont
abouti au rapport du professeur Nicolas.
Bernard Kouchner et moi-même annoncerons dans quelques jours un certain nombre
de décisions concernant les praticiens hospitaliers. Nous avons d'ores et déjà
réfléchi à la prise en compte des conditions de travail de certaines catégories
de praticiens, notamment les anesthésistes et les urgentistes. Nous avons en
outre pris un certain nombre de décisions visant à améliorer la carrière des
174 000 aides-soignantes.
J'ai pleinement conscience que ces efforts ne sont peut-être pas suffisants.
En tout cas, nous avons essayé de traiter les problèmes les plus urgents pour
que le personnel se sente soutenu dans le travail de qualité qu'il accomplit au
sein de l'hôpital.
Je ne m'inscris donc pas dans le défaitisme entendu ici ou là, qui consiste
parfois à plaider la politique du pire. Je ne dis pas pour autant que tout va
bien, que tout est facile à l'hôpital. Mais nous essayons d'avoir un dialogue
constant et de porter une attention soutenue aux personnels.
Aussi, permettez-moi de vous demander, sur ce sujet comme sur d'autres, quelle
est votre philosophie. Faut-il serrer les cordons de la bourse ou faut-il,
comme d'autres l'ont dit, faire preuve d'un laxisme plus grand en matière de
politique hospitalière ? Je dois dire que je n'ai pas très bien compris quelle
était la position de la majorité sénatoriale.
J'en viens maintenant à la famille.
Je crois que Gilbert Chabroux a bien résumé la situation actuelle qui, à
l'évidence, gêne certains. Les esprits sont apaisés ; la politique familiale,
semble-t-il, fait l'objet d'un large consensus. Ce n'est pas un hasard, et je
tiens à le dire à ceux qui en doutent : M. Leclerc voilà quelques instants et
M. Machet tout à l'heure, en des termes beaucoup plus pondérés.
La conférence de la famille a eu lieu un an après des mesures qui ont heurté,
nous le savons - je l'avais dit ici-même - des associations familiales et des
organisations syndicales.
Je m'étais engagée à rouvrir le débat pour vérifier s'il n'y avait pas,
effectivement, autour, par exemple, du quotient familial, des dispositions
techniques plus adaptées qui permettent de répondre au souci de justice que le
Gouvernement souhaitait promouvoir en matière de politique familiale.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ah !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous l'avons fait ! Alors, vous
pouvez regretter aujourd'hui la position unanime des organisations syndicales
et des associations familiales qui, au sortir de la conférence - je vous
renvoie à leurs déclarations ; elles valent tous les discours - ont reconnu,
monsieur Machet, cette nouvelle impulsion donnée à la politique de la
famille.
A plusieurs reprises, les intervenants de la majorité nationale ont rappelé
les mesures qui figurent dans ce projet de loi et qui reprennent des points sur
lesquels l'accord a été trouvé avec les associations concernées.
Je ne pense donc pas que la politique du Gouvernement soit une politique en
trompe-l'oeil. Nous sommes convaincus que la famille est au coeur de notre
société, que nous devons aider les parents à assumer leurs responsabilités,
d'où une partie de ce milliard de francs qui est actuellement consacrée à
l'action sociale.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Toutes les familles sont pourtant concernées !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non, pas toutes ! En général,
les parents assument correctement leurs responsabilités. Mais il convient
d'aider ceux qui éprouvent des difficultés à accomplir leur tâche.
Je ne pense pas, je le répète, que la politique du Gouvernement soit une
politique en trompe-l'oeil. Pour moi, une politique en trompe-l'oeil, c'est
laisser la branche famille en déficit, à hauteur de 12 milliards de francs,
comme vous l'avez fait. Pour moi, une politique en trompe-l'oeil, c'est faire
voter, sans la financer, la loi Balladur-Veil relative à la famille.
(Mme
Dieulangard applaudit.)
Le déficit aurait été accru de 10 milliards de
francs si nous avions appliqué cette loi !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Pourquoi la branche famille est-elle en excédent cette année
?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous le regrettez ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Pas du tout !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je vous en remercie.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Mais on ne peut pas dire que c'est la loi Veil qui a mis la
branche famille en déficit !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ecoutez : un déficit de 12
milliards de francs l'année dernière, 3 milliards de francs d'excédents cette
année, notamment grâce au quotient familial, à la réforme de l'AGED que vous
avez contestée ! C'était votre plus grand droit, mais on ne peut pas dire une
chose et son contraire.
Nous travaillons avec la délégation interministérielle à la famille autour
d'un certain nombre d'objectifs que Gilbert Chabroux a rappelés à juste
raison.
Il s'agit d'une meilleure transparence des aides données à la famille ; elle
est demandée par l'ensemble des associations familiales et par les groupes de
la majorité à l'Assemblée nationale.
Il s'agit également du problème des grands enfants qui restent aujourd'hui
dans la famille ; c'est là un problème majeur qu'il est nécessaire
d'examiner.
Il s'agit de la meilleure adéquation entre la vie familiale et la vie
professionnelle.
Tels sont les objectifs majeurs du travail que nous réalisons aujourd'hui avec
les aides à la garde des enfants pour préparer la conférence de la famille de
juin prochain. Je suis convaincue que nous parviendrons à trouver des solutions
satisfaisantes pour les associations et pour les syndicats avec lesquels nous
travaillons.
Je voudrais revenir un instant sur le quotient familial, pour dire que 230 000
familles vont gagner à ce dispositif par rapport à la mise sous condition de
ressources des allocations familiales. Les familles qui vont y perdre sont
celles qui, avec deux enfants, ont des revenus supérieurs à 48 300 francs par
mois et, avec trois enfants, à 61 700 francs par mois. Je peux, bien
évidemment, vous donner le détail de ces chiffres si vous le souhaitez.
J'en arrive aux retraites. Je crois, avec M. Domeizel, que nous avons dans ce
domaine un devoir à la fois de lucidité et de solidarité.
J'ai bien entendu ceux qui nous reprochent à la fois de ne rien faire et de
créer un fonds de réserve sans avoir encore pris de décision. Je vois là à
nouveau poindre une légère contradiction.
La vérité est que nous devons, me semble-t-il, aborder le problème des
retraites sans
a priori
. Il n'est pas correct de montrer telle ou telle
catégorie du doigt, sans avoir procédé au préalable à une analyse non seulement
des niveaux de retraite d'une manière générale, mais aussi des salaires, des
contributions qu'ont consenties les salariés et des contrats sociaux qui ont
été signés dans certaines entreprises. Il faut en effet savoir que, dans
certaines entreprises publiques, on a des salaires peu élevés, mais on
contribue fortement à la retraite. On ne peut pas ainsi montrer du doigt les
salariés sans prendre en compte ces années de discussion d'un contrat social.
Le Commissariat général du Plan prend en compte ces éléments dans les
propositions qu'il va nous présenter.
Monsieur Vasselle, lorsque vous avez déclaré que le Gouvernement remettait en
cause l'indexation des retraites sur les prix, je n'avais pas compris que vous
regrettiez que nous donnions 0,5 % de pouvoir d'achat supplémentaire aux
retraités.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous ne respectez pas la loi de 1993 !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
On a toujours le droit d'aller
au-delà d'une loi !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je n'ai rien dit d'autre !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous avez dit par ailleurs que
vous regrettiez cette augmentation, alors même que la branche était en
déficit.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Parce que cela va accroître le déficit de la branche !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous préconisez, par ailleurs,
des pans supplémentaires sur la famille, alors qu'un déficit de 12 milliards de
francs était enregistré. Là encore, vous ne faites pas preuve de cohérence !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
La branche famille est excédentaire cette année !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Grâce à nous et aux mesures que
nous avons prises !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous n'arrêtez pas de mettre en valeur vos contradictions
!
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les retraités apprécieront
qu'après 4,2 % de perte de pouvoir d'achat les quatre dernières années où la
droite était au pouvoir, vous souhaitez, cette année encore, qu'ils n'aient pas
de gain de pouvoir d'achat. Chacun ses choix ! C'est effectivement un choix
politique !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ce n'est pas ce que l'on a dit, madame le ministre ! Vous
interprétez à votre façon nos propos !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Pas du tout ! Vous avez dit
exactement que lorsqu'une branche est en déficit, on ne donne pas du pouvoir
d'achat qui va encore accroître ce déficit. Cela signifie - ou alors les mots
n'ont plus de sens - que vous regrettez que nous donnions 0,5 % de pouvoir
d'achat supplémentaire aux retraités. C'est votre droit. Ils apprécieront !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Nous avons fait un constat, un point c'est tout !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'en reviens au fonds de
réserve. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il est d'abord la volonté affichée
du Gouvernement - en cela, il est symbolique - de défendre les régimes de
retraite par répartition.
Il est clair, et M. Domeizel a eu raison de le dire, que l'argent ne viendra
pas uniquement de l'extérieur. J'espère que les scénarios sur lesquels nous
allons travailler dans quelque temps, avec, je le souhaite, le plus grand
nombre, nous permettront de trouver les moyens, à la fois par une réforme des
retraites et de leur mode de financement, d'éviter la catastrophe annoncée pour
l'année 2005. Mais nous savons aussi que nous devons trouver des ressources
pour combler une partie de la différence qui existe entre la situation prévue
pour 2005 et un véritable équilibre. C'est la raison pour laquelle nous avons
décidé de créer ce fonds dès cette année.
Pourquoi - M. Fischer a posé cette question, ainsi que M. Domeizel - l'avoir
inscrit au FSV ? Tout simplement parce que c'est pour nous une position
transitoire ; le fonds solidarité vieillesse nous a paru le lieu le plus
adéquat pour accueillir ce nouveau fonds en attendant de décider ensemble -
c'est mon souhait - de la façon dont nous le mettrons en place, dont il sera
géré et comment cet argent sera placé. Ce débat doit être public, non seulement
entre nous, mais aussi avec les Français.
Nous avons, à la demande de l'Assemblée nationale, accepté bien évidemment,
dans l'attente de la mise en place de ce fonds autonome, que le conseil de
surveillance du FSV puisse s'élargir aux organisations patronales et
syndicales. Mais, nous aurons à en débattre de façon plus approfondie. Bien
évidemment, la gestion de ce fonds ne peut qu'être transparente.
Cela dit, il nous semble peu raisonnable de proposer de ne pas augmenter le
pouvoir d'achat des retraités alors même qu'on nous reproche par ailleurs - y
compris dans cette branche-là - de plafonner les exonérations pour les
personnes âgées de plus de soixante-dix ans.
Là encore, que veut-on ? En tout cas, ceux qui connaissent ces problèmes de la
vieillesse, et qui se sont exprimés l'année dernière ici, ont dit avec juste
raison et un peu sur toutes les travées, que nous avons à réfléchir ensemble
sur ces métiers de la dépendance, que nous avons à les professionnaliser ; les
personnes âgées ne gagneraient rien à un système de gré à gré s'agissant des
personnes qui viennent les soigner à domicile.
Nous avons décidé cette année d'aider les associations d'aide à domicile en
leur octroyant cette exonération à 100 %.
Mais cette exonération, monsieur Vasselle, il nous faut bien la financer,
sinon vous auriez été le premier à me dire qu'elle n'était pas budgétée et
qu'elle contribuait donc à creuser encore le « trou » de la sécurité sociale
!
Nous la finançons - en partie, il est vrai - par le biais d'un plafonnement à
partir de quinze heures par semaine, ce qui ne touche que 10 % des
employeurs.
Bien évidemment, tous ceux dont le droit à l'aide à domicile est lié à des
prestations particulières, comme la PSD, l'AAH ou l'allocation d'éducation
spéciale, continueront à bénéficier de l'exonération à 100 % pour la totalité
des heures.
Le plafonnement vise les autres personnes. Ainsi, un foyer qui dispose de 20
000 francs de ressources brutes et qui emploie un salarié 25 heures par semaine
verra le coût horaire de l'aide à domicile passer de 32,70 francs à 38,10
francs, mais, dans le même temps, nous réduisons de manière considérable le
coût du passage par une association d'aide à domicile.
En fin de compte, en ce qui concerne les retraites, notre choix est bien celui
que nous avions annoncé : une consolidation des régimes de retraite par
répartition.
En ce qui concerne maintenant l'épargne retraite, il faut que l'on arrête de
jouer sur les mots. Fonds de subvention, épargne retraite, etc ! De quoi
s'agit-il ? Que voulons-nous ? Que ne voulons-nous pas ?
Nous voulons que tous les Français puissent bénéficier d'avantages fiscaux
leur permettant de s'assurer une épargne à long terme afin d'améliorer leurs
revenus au moment de la retraite. Je dis bien : « tous les Français ».
Monsieur Fourcade, si nous n'avons pas amendé la loi Thomas, c'est parce
qu'elle avait une tout autre philosophie, même s'il y avait un réel travail sur
le placement des fonds, notamment, qui servira sans doute à l'élaboration de la
prochaine loi.
La philosophie de la loi Thomas était en effet de permettre à ceux qui le
pouvaient de bénéficier d'avantages particuliers en matière fiscale, comme en
matière sociale.
Beaucoup avaient d'ailleurs relevé, y compris dans la majorité qui a votée
cette loi, un risque de « siphonnage », y compris des cotisations versées à la
sécurité sociale, puisqu'une partie des cotisations des cadres pouvait être
transférée vers des fonds de pension et vers des placements à long terme.
Par ailleurs, les entreprises pouvaient décider de manière unilatérale de
mettre en place, pour certaines catégories seulement, les fonds de pension
découlant de la loi Thomas.
Nous souhaitons quant à nous que les fonds d'épargne-retraite soient des fonds
d'épargne collectifs, négociés, et qu'ils puissent bénéficier à tout un
chacun.
Il n'y a pas de raison que des produits d'épargne à long terme rapportent
correctement à ceux qui ont beaucoup d'argent et que ceux qui ont peu d'argent
ne puissent avoir rien d'autre que l'épargne populaire. Il faut que chacun
puisse bénéficier du même régime favorable.
Je répondrai très brièvement à M. Domeizel en ce qui concerne la CNRACL.
Tout d'abord, le Gouvernement a mis en place, comme il s'y était engagé, un
groupe de travail, notamment sur les charges de surcompensation. Ce groupe de
travail, qui comprend des représentants des ministères, mais aussi des élus,
devra, après avoir établi un inventaire des caractéristiques du régime de la
CNRACL et de son implication dans les mécanismes de compensation, nous proposer
des éléments d'évolution.
En attendant, le Gouvernement a décidé de proposer la reconduction de l'avance
de trésorerie de 2,5 milliards de francs à laquelle, selon les prévisions
disponibles, la CNRACL serait contrainte d'avoir recours cette année.
Je précise qu'il s'agit essentiellement de répondre à un besoin de trésorerie
à un moment donné et non d'un financement pérenne. Cette année, il n'y aura pas
de besoin de financement, les réserves s'élevant à quelque 200 millions de
francs. Toutefois, à un moment donné de l'année, il y aura un problème de
trésorerie qui pourrait atteindre 2,2 milliards de francs.
C'est la raison pour laquelle nous avons décidé, dans l'attente de mesures qui
s'imposent, de maintenir cette avance de trésorerie. Toutefois, je voudrais
vous rassurer : il ne s'agit aucunement, par ce biais, de financer des dépenses
pérennes.
J'en viens maintenant à deux réformes importantes qui restent à faire. Vous
avez été nombreux à dire - Mme Dieulangard, Mme Borvo, M. Fourcade notamment -
combien elles étaient essentielles.
Il s'agit, d'abord, de la réforme concernant la couverture maladie
universelle.
La couverture maladie universelle - je l'avais d'ailleurs dit l'année dernière
- requiert un texte particulier, car il s'agit d'un système extrêmement
complexe qui a nécessité non seulement une réflexion, bien évidemment, mais
aussi une discussion avec les conseils généraux, les sociétés d'assurance, les
mutuelles, sans oublier les caisses d'assurance maladie.
Le Gouvernement doit rendre un certain nombre de décisions dans les jours qui
viennent visant à faire en sorte que toute personne, en France, puisse
bénéficier d'une carte de sécurité sociale et qu'environ 5 millions de
personnes qui, aujourd'hui, renoncent à se faire soigner, puissent avoir
effectivement recours à des soins qui seront, dans la quasi-totalité des cas,
gratuits.
Ce projet de loi sera déposé au Parlement avant la fin de l'année, du moins je
l'espère - si les consultations aboutissent - et devrait être voté au cours du
premier semestre de 1999.
S'agissant de l'autre réforme importante, à savoir celle des cotisations
patronales de sécurité sociale, moi aussi, je regrette que nous n'ayons pas pu
entamer une première étape dans le présent projet de loi.
Je l'ai dit tout à l'heure : la grande majorité des organisations patronales
et syndicales sont d'accord sur les priorités, mais nous n'avons pas réussi à
nous entendre sur les modalités.
Autant dire les choses très simplement : ceux qui, depuis des années,
souhaitent un changement de l'assiette de la sécurité sociale s'étaient pour
beaucoup référés à la valeur ajoutée. C'est vrai de la CGT, de la CFDT, mais
également de l'Union professionnelle artisanale ou de la confédération générale
des petites et moyennes entreprises.
Chacun est aujourd'hui convaincu qu'un transfert à 100 % pourrait avoir des
effets pervers et que c'est donc sans doute vers une autre formule qu'il faut
s'engager. Sachez cependant que notre souhait est bien évidemment que le
nouveau dispositif pèse moins sur les salaires et moins sur les emplois.
Mais il était difficile, pour certaines de ces organisations, de se prononcer
sur de nouvelles propositions dans les délais très brefs qui nous étaient
impartis. Aussi ont-elles demandé une période de réflexion complémentaire que
nous avons estimée utile de leur accorder. Il s'agit en effet d'une réforme
importante qui nécessitera un large consensus.
Les discussions vont se poursuivre et j'espère que, très rapidement, nous
aboutirons à un accord. En tout état de cause, nous nous sommes engagés à
déposer un projet de loi au premier semestre de l'année prochaine.
Je veux ajouter un dernier mot pour rassurer Mme Borvo. L'ensemble des textes
d'application concernant le projet de loi relatif à la lutte contre les
exclusions seront pris avant la fin du mois de novembre, et beaucoup sont déjà
parus.
J'ajoute que le programme TRACE est opérationnel depuis le 1er octobre, que le
nouveau départ mis en place par l'ANPE en ce qui concerne les chômeurs de
longue durée et les RMIstes a commencé et que 25 000 d'entre eux ont été reçus
dès ce mois-ci.
Par ailleurs, les commissions d'action sociale d'urgence sont mises en place
par les préfets et les présidents de conseils généraux, et j'espère que ceux
qui sont encore un peu à la traîne vont s'activer.
L'ensemble des textes d'application seront pris à la fin du mois de novembre,
les derniers devant être soumis au Conseil d'Etat le 24 novembre.
Seule l'insertion par l'économique ne s'appliquera qu'à partir du 1er janvier
1999, puisque les fonds sont liés au vote du budget pour 1999.
Je ne comprends pas très bien les reproches qui nous ont été adressés lors de
cette discussion générale ! M. Lorrain a dit que nous avons repris le plan
Juppé ; alors que M. Delaneau nous reproche de l'avoir mis à bas. M. Oudin nous
trouve trop laxistes alors que M. Machet pense que nous sommes trop coercitifs
dans certains domaines. Certains disent que nous n'avons rien fait, d'autres
ont la gentillesse de reconnaître que nous avons mis en place un certain nombre
d'outils et qu'ils fonctionnent aujourd'hui.
Après avoir entendu toutes ces remarques, je regrette l'absence de
propositions et de contre-propositions. On peut désapprouver ce que nous
faisons. Mais, quand j'entends des propos aussi divergents que ceux que j'ai
entendus sur la retraite ou l'hôpital, je ne sais pas quelles sont les
propositions ou quels sont les projets.
Certains nous disent que ce que nous avons entamé est totalement dépourvu
d'innovation. Personnellement, je cherche, non pas à être innovante, mais à
mettre en place des réformes structurelles à long terme qui portent leurs
fruits et rendent pérenne la sécurité sociale.
Mme Dieulangard a bien décrit notre objectif : nous voulons consolider les
fondements de la sécurité sociale dans la concertation en renforçant la
solidarité et la justice. C'est ce que nous faisons, grâce à ce projet de loi
qui vous est soumis.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, après
l'intervention de Mme la ministre, je serai bref. Pourtant, de multiples
questions nous ont été posées.
Finalement, je vous ai trouvés plutôt satisfaits, en particulier sur la
maladie !
Vous n'avez rien dit sur la substitution, donc cela va ! Vous n'avez rien dit
sur les départs à la retraite, sur le MICA, ni sur le fonds d'aide, donc cela
va ! Certains, même, qui s'étaient manifestés l'an dernier avec force, ont dit
que c'était une bonne idée.
Pour ce qui est des modes de rémunération, c'est un nouveau style, quand même,
puisqu'on ne paierait plus les médecins seulement à l'acte. Pourtant, vous nous
avez félicités pour cette réforme en profondeur.
Si, dans un réseau, on pouvait prendre en charge par pathologie, peut-être
même au forfait, la famille sur un an, voire la douleur, notre système serait
en train de changer et vous l'approuveriez.
Je vous félicite de cette évolution. Après tout, le ton a changé depuis l'an
dernier.
A propos de la clause de sauvegarde, certains sont, bien sûr, en parfait
désaccord mais, s'agissant des médecins, M. Oudin nous a fait savoir qu'après
tout ce n'était pas inintéressant.
Sur la prévention, le dépistage, l'évaluation, je n'ai rien entendu.
Malgré quelques irréductibles, je suis très content d'avancer avec vous.
Nous ne prétendons pas un seul instant, dans un système aussi complexe, compte
tenu des difficultés que vous connaissez, de l'équilibre incertain vers lequel
nous tendons, avoir trouvé ce que tout le monde cherche depuis des années.
Toutefois, des réponses partielles ont pu être apportées à des questions sans
doute pertinentes.
S'agissant des radiologues, on nous reproche de ne pas avoir récupéré ces
fameux 450 millions de francs. Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque
nous aurons récupéré, lorsque vous aurez récupéré ces 450 millions de francs
dont le régime général de sécurité sociale a besoin, je suis sûr que nous
reparlerons à nouveau avec les radiologues et que, en effet, la fameuse lettre
Z sera réévaluée.
Il était de notre devoir de récupérer cet argent, qui n'avait pas été perdu
pour tout le monde.
Notre système est original et il est difficile à appréhender, en tout cas par
les tenants d'autres systèmes, en Europe en particulier. Il repose en effet à
la fois sur les médecins, qui seraient libres de prescrire, au nom de la
fameuse nécessité de santé dont nous reparlerons, sans contrôle.
Soyons sérieux ! Chacun souhaite le contrôle car il s'agit de l'argent de la
société. Et comment le faire autrement, sinon en freinant ou en essayant de
maîtriser cette offre permanente, et en réfléchissant sur les besoins de santé
?
Bien sûr, tout le monde souhaite la maîtrise médicalisée des dépenses.
Qui doit réaliser cette maîtrise ? S'agira-t-il des médecins ? Si oui,
lesquels ? Chacun d'entre eux pour son propre malade, pour sa discipline ?
S'agira-t-il des conférences de consensus, des professeurs de médecin, des
médecins de santé publique, des économistes de la santé ?
Que deviennent les patients dans tout cela ? Ne soyez pas dupes de la maîtrise
dite médicalisée !
La maîtrise médicalisée, ce serait en effet que chacun d'entre nous accepte
une nouvelle manière de se conduire pour le mieux de la santé des uns et des
autres, dans un système qui permette de prescrire et d'être remboursé, sans
contrôle.
La maîtrise médicalisée est très difficile à réaliser. C'est pourtant le
meilleur système parce qu'il sous-entend un assentiment du corps médical.
Mais de quel corps médical s'agit-il. Des hospitaliers, qui ne prescrivent pas
comme les libéraux, des spécialistes, qui ne prescrivent pas comme les
généralistes ? La maîtrise médicalisée n'est pas chose aisée.
Tout le monde voudrait que la maîtrise soit médicalisée, certes, mais elle
revêt forcément un caractère également comptable.
Bien entendu, le mot « maîtrise » suscite l'opprobre. Mais avec l'expression «
maîtrise médicalisée », on se sent plus à l'aise...
Nous nous y sommes tous essayés ! Je faisais d'ailleurs partie d'un
gouvernement qui, avec M. Teulade, a été le premier, après Claude Evin, à
offrir la maîtrise médi-calisée. Cela a marché pendant un certain temps. Et
puis, on s'est aperçu que cela revenait au même.
Il faut que les débats, des états généraux par exemple, s'instaurent sur ce
sujet afin que la société prenne conscience de l'impossibilité de faire tout ce
que l'on veut dans ce domaine.
C'était le cas pour les radiologues. Personne ne songe à stigmatiser cette
profession. Tout le monde sait que les radiologues assument des charges
importantes et que le coût d'installation d'un radiologue est sans commune
mesure avec celui d'un dermatologue par exemple. Mais c'est la société qui
paie.
Les dépenses faites dans ce secteur avaient un caractère très particulier. En
effet, l'auto-prescription y est possible, contrairement à ce qui se passe à
travers le monde. L'ordonnance du médecin n'est pas la seule à déterminer
l'acte qui va être pratiqué. Il s'y ajoute la réflexion du radiologue sur
l'examen lui-même.
Confrontés à une telle situation, vous auriez fait strictement comme nous :
vous n'auriez pas accepté.
En dehors de ces polémiques que je comprends, si nous parvenons à un résultat,
ce ne sera finalement pas seulement ce Gouvernement, ce sera notre pays qui
parviendra, grâce à un système très particulier que le monde lui envie, à
garder l'équilibre de sa protection sociale sans avoir recours à l'assurance
privée.
S'agisant du médicament. MM. Delaneau, et Fourcade, Mme Dieulangard et M.
Leclerc, notamment, ont abordé le problème de l'avenir de la politique
conventionnelle et nous ont interrogés sur nos intentions quant à la clause de
sauvegarde et sur la manière dont les industriels étaient traités, en
particulier les industriels français, qui sont parfois pénalisés.
Nous croyons à la politique conventionnelle ; nous en sommes même des
partisans farouches. Mais ce n'est pas celle que nous avons trouvée en arrivant
qui nous a permis de dégager une solution cette année, je vous l'assure !
D'ailleurs, certains d'entre vous l'avaient critiquée en son temps.
Un encadrement global de la dépense de médicaments est d'autant plus
nécessaire que cette dernière représente environ 80 milliards de francs, 13,8 %
de la dépense totale du régime en 1997, près de 44 % des prescriptions de ville
! C'est le poste qui a le plus progressé cette année. Or, si la contribution de
l'industrie à la régulation des dépenses est légitime, c'est parce que cette
industrie a précisément bénéficié d'une forte croissance pendant cette
année-là, financée par l'assurance maladie, c'est-à-dire par vous tous.
Parlons de ces 44 % des médicaments qui font l'objet des prescriptions de
ville. Qui est capable de nous dire quels sont les médicaments utiles et les
médicaments inutiles, quand ceux-ci ne sont pas cause de maladies ? Car, vous
le savez, 13 % des entrées à l'hôpital sont dues à des interactions
médicamenteuses. Là aussi, il faudrait s'entendre !
La France est le seul pays dont le système autorise une prescription aussi
large. Quand cela va bien, on peut discuter ; mais quand cela va mal, il faut y
regarder de très près.
Savez-vous quel est le nombre des médicaments qui sont considérés comme
essentiels par l'Organisation mondiale de la santé ? Deux cents. Nous en avons
neuf mille ! Je pense qu'il n'est donc pas nécessaire de les employer tous.
Certes, j'exagère un peu, car la situation n'est pas la même, mais il s'agit
néanmoins à peine d'une caricature !
En réalité, monsieur Leclerc, pour répondre à votre question relative à
l'industrie pharmaceutique française, nous avons été coupables, les uns et les
autres, et pendant de longues années, de laisser cette industrie dans un marché
captif proposer un peu n'importe quoi à nos concitoyens. Nous savons très bien
que ces prescriptions médicales sont singulièrement françaises et qu'elles ne
sont reprises nulle part ailleurs.
Les molécules performantes qui arrivent sur le marché sont des molécules
onéreuses ayant nécessité de très lourds investissements. Qui plus est, dans de
nombreux cas - je dirais, en gros, la moitié, mais je n'ai pas fait de
statistiques -, elles ne servent pas à grand-chose pour l'amélioration de la
santé. Doit-on les accepter sous prétexte que ce sont des molécules françaises
? Vous savez très bien que vous auriez fait la même chose !
Nous avons voulu instituer le service médical rendu, c'est-à-dire que nous
allons revoir, avec des organisations complètement indépendantes comme le
Comité de transparence et le Comité économique du médicament, chacune de ces
classes thérapeutiques, cela pour le bien de tous, et pas seulement dans
l'optique de la dépense.
Il faudra s'interroger : à quoi cela sert-il ? Cela ne fait-il pas de mal ? On
s'apercevra que, dans notre pharmacopée immense, il y beaucoup à faire pour que
le service soit amélioré, se poursuive et continue à être remboursé.
Régulation des dépenses et financement de l'innovation ne sont pas
incompatibles ! C'est un sacrifice difficile, nous le savons, mais peut-être
que cela favorisera, au moins dans un premier temps, les laboratoires les plus
performants.
Conjointement avec Claude Allègre, nous avons fait de la recherche médicale le
premier secteur de recherche en France en investissement. Nous espérons que
cela débouchera sur des médicaments novateurs, qui, eux, feront le tour du
monde.
C'est la raison pour laquelle une clause de sauvegarde est prévue. En effet,
lorsqu'on dépense beaucoup parce que la progression de ces médicaments est
importante et lorsqu'on réalise de gros bénéfices, il est normal, à mon avis,
puisqu'il s'agit de l'argent de tous, que les industriels participent au
redressement sans pour autant être pénalisés.
Mme Borvo et Mme Dieulangard ont analysé les enjeux du système de demain. Je
les en remercie.
M. Claude Huriet.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. Huriet, avec l'autorisation de M. le secrétaire d'Etat.
M. Claude Huriet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois que vous allez quitter le sujet sur
lequel vous avez développé un certain nombre d'arguments dont nous aurons sans
doute plus tard l'occasion de débattre.
Or, pas plus que Mme la ministre, vous n'avez parlé de l'article 25, à propos
duquel des questions vous ont été posées. Par exemple, quelle est la position
du Gouvernement par rapport au texte initial du projet défendu par le
Gouvernement et tel que l'Assemblée nationale l'a amendé ? Il est important
qu'une clarification intervienne sur ce point.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je vous ai dit notre attachement à la politique
conventionnelle. C'est ce qui permettrait, nous l'espérons en tout cas, à
l'industrie pharmaceutique, comme c'est le cas pour les médecins, de rester
dans la progression nécessaire d'une année.
Lorsque les conventions seront respectées, cette sorte de serre-file qu'est la
clause de sauvegarde ne jouera pas. Le débat à l'Assemblée nationale a porté
sur un amendement qui vise à supprimer cette clause de sauvegarde lorsque les
conventions sont signées. Nous devons, me semble-t-il, la conserver dans la
mesure où nous ignorons où est le dérapage.
Cela vaut aussi pour les médecins. Nous l'avons exprimé à plusieurs reprises,
et c'est dans cet esprit que nous avons rédigé ce projet de loi.
Si nous avons institué un tel système, ce n'est pas parce que la maîtrise des
dépenses serait une nécessité psychologique. C'est pour que l'ensemble de la
profession, aussi bien l'industrie pharmaceutique que les médecins, comprenne
qu'il faut rester dans le cadre de ces conventions. Au-delà, nous ne pouvons
permettre aucun dérapage. Voilà tout le débat.
Une taxe sur l'industrie pharmaceutique a été instituée - que d'aucuns avaient
dénoncée en leur temps - qui a soudainement frappé cette industrie. Dans la
mesure où nous donnons le mode d'emploi, il me semble que nous pourrions éviter
la taxation et qu'il serait du coup plus juste et plus sage d'examiner ce
problème ensemble.
N'oubliez pas que les négociations que nous avons menées auprès des
laboratoires de produits pharmaceutiques ont été à 98 %, voire à 99 %,
couronnées de succès ! Tous ceux que nous avons reçus ont en effet accepté
d'entrer dans les clous. Nous espérons, monsieur le sénateur, que cela se
manifestera à nouveau.
J'en viens à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, à
laquelle certains d'entre vous ont fait allusion, en particulier vous-même,
monsieur Huriet.
Mme Aubry vous l'a dit, lorsque nous sommes arrivés, elle n'existait pas. Il y
avait seulement l'Agence pour le développement de l'évaluation médicale,
l'ANDEM. L'ANAES devait lui succéder, mais rien n'avait encore été fait. Il
nous a fallu mettre ce dispositif en place. Nous avons donc perdu quelques mois
par rapport aux prévisions. Il a fallu en effet nommer le président et attendre
les décrets d'application.
Comme vous le savez, l'ANAES a recruté depuis 78 personnes. Si aucun
financement particulier ne lui a été accordé cette année, c'est parce que celui
de l'an dernier permettait la création de 128 postes. Sa marge étant encore de
50 personnes, les recrutements se poursuivent.
Martine Aubry a dit tout à l'heure que l'Agence serait opérationnelle au début
de l'année prochaine, mais elle l'est déjà. La parution du guide constitue un
progrès considérable. Certes, il s'agit d'un guide provisoire des méthodes
d'accréditation des établissements, mais, à la fin de janvier 1999, il laissera
la place à un autre mode d'emploi plus perfectionné, à un guide plus abouti.
D'ores et déjà, quarante-cinq établissements sont inscrits sur les tablettes
de l'ANAES et sont actuellement en voie d'exploitation. Par conséquent, l'ANAES
est bien en place et fonctionne. A compter de janvier prochain, son mode
d'action sera plus abouti, mais les quarante-cinq établissements auront été
visités, du moins je l'espère.
Quant au secteur hospitalier, certes nous nous en sommes préoccupés. A juste
titre, M. Gérard Larcher a parlé de la pénurie dans certaines spécialités.
Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, comment peut-on régler en
quatorze mois un problème aussi vaste qui dure depuis vingt ou trente ans ?
C'est impossible ! La pénurie d'anesthésistes et d'obstétriciens ne peut pas se
résoudre en quelques jours.
Nous avons mis en place les groupes du professeur Nicolas. Ils ont rendu un
certain nombre de verdicts, si j'ose dire. Depuis, nous avons déjà modifié
l'internat, en créant trois filières spécifiques, en particulier pour les
anesthésistes, qui, bien entendu, fourniront des spécialistes, mais cela pas
avant quatre ou cinq ans.
Nous avons conscience de la pénurie et cela pose un problème par rapport au
numerus clausus
. En effet, certains pensent que cette pénurie des années
2003 ou 2005, qui sera sans doute une pénurie hospitalière, ne devrait pas
s'accompagner, maintenant, d'un recrutement spécial. Comme on craint qu'il n'y
ait trop de médecins en ville, on ne s'aperçoit pas qu'il n'y aura peut-être
pas de médecins dans les disciplines hospitalières ! Voilà pourquoi nous avons
consenti cet effort en psychiatrie, en radiologie, en anesthésie et en
gynéco-obstétrique.
Sur le fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, le FIMHO, je
répondrai à M. Delaneau qu'il y avait 46 projets. Il se trouve que 27 d'entre
eux concernent des villes tenues par l'opposition contre 19 pour la majorité.
Il y avait d'un côté 230 millions de francs, de l'autre, 270 millions de
francs, les 500 millions de francs ont été utilisés. Il y avait encore d'autres
projets, mais ils n'ont pas été retenus.
Je sais que ce n'est pas dans cet esprit que vous avez évoqué le FIMHO, mais
je tenais à en parler et à vous dire que ce fonds fonctionne bien !
Monsieur Fourcade, il existe une grande divergence d'appréciation entre nous !
Mme Aubry vous a répondu à propos des 35 heures et de la masse salariale.
Comme vous le savez, beaucoup de firmes pharmaceutiques sont déjà passées aux
35 heures. Il existe deux modèles : l'un où, le système de production étant
extrêmement automatisé, la loi sur les 35 heures, en effet, ne crée pas
d'emplois, et l'autre où elle crée des emplois qui correspondent à 10 % ou 8 %
de la masse salariale qui augmente d'ores et déjà. Tout dépend d'abord des
modes de fabrication, ensuite de l'automatisation des chaînes.
Nous pensons que les 35 heures augmenteront la masse salariale. Vous pensez le
contraire. J'espère que c'est nous qui aurons raison et vous qui aurez tort ;
mais c'est l'histoire qui nous le dira !
A propos de l'amiante, vous avez résumé, madame Borvo, les actions qui, à
partir du rapport du professeur Claude Got, sont maintenant en cours
d'application.
Sur les rémunérations différentes, nous sommes évidemment d'accord.
Nous sommes moins d'accord sur la suppression des lits.
Nous n'avons pas pour religion de supprimer des lits, cependant un lit inutile
a non seulement un coût financier mais également un coût en termes de qualité
des soins dans l'hôpital.
De même, il n'est pas question - éventualité qui a pu faire frémir certains -
de fermer des maternités utiles en appliquant aveuglément la référence au seuil
des 300 accouchements. Il s'agit en revanche de mettre en réseau des maternités
afin d'assurer une plus grande sécurité, ce qui est essentiel, mais aussi pour
permettre à certaines d'entre elles de survivre.
C'est bien là le sens de notre démarche.
Je vous remercie, madame Dieulangard, d'avoir insisté sur les autres formes de
paiement et sur les prises en charge globales, ce qui me paraît en effet très
novateur.
Quant à la régionalisation, monsieur Huriet, comme Martine Aubry, je pense
profondément qu'elle constitue la clé du système, mais nous sommes incapables -
et je dis cela aussi pour M. Fourcade - sur la base des données actuelles,
d'appliquer avec justesse la régionalisation. Sur ce point, je partage votre
sentiment. Au demeurant, si l'année prochaine nous pouvons déjà fournir des
données partiellement régionalisées dans l'ONDAM, nous aurons fait des progrès
considérables.
Monsieur Huriet, les besoins de santé régionaux ne seront-ils pas sélectionnés
par le négatif ?
Il est très difficile d'apprécier ces besoins de santé, vous le savez très
bien. En tout cas, il y a des différences considérables entre les régions,
qu'il ne faut pas accentuer. C'est vrai : être généraliste dans une région
difficile et pauvre, dans une ancienne ville minière, une ville où l'alcoolisme
est répandu, ce n'est pas exactement la même chose qu'exercer sur la Côte
d'Azur.
Vous m'avez provoqué sur les coûts liés au traitement de l'insuffisance
rénale. Certes, vous connaissez bien le domaine, mais vous n'avez pas trouvé le
moyen d'éviter véritablement les dépenses incriminées. C'est vrai que le
résultat global dans les trois exemples que vous avez pris est pénalisant pour
notre système.
Il en va de même pour les affections nosocomiales, mais comment diminuer les
coûts sans une pédagogie qui sera coûteuse pour l'hôpital et qui nécessitera
des années pour parvenir à un moindre coût alors qu'on souhaite une
amélioration immédiate ?
Monsieur le président, j'espère que vous n'allez pas trop m'en vouloir si je
dépasse minuit !
(Sourires.)
M. Fourcade s'est félicité de l'existence du fonds d'aide à la qualité
des soins de ville, je l'en remercie.
Pour ce qui est de l'hospitalisation, oui, monsieur Larcher, l'hospitalisation
publique emporte notre adhésion, je vous l'affirme. Il est même évident que
nous souhaitons renforcer l'hôpital public. Je vous ferai d'ailleurs remarquer
que le taux directeur attribué à l'hôpital public est plus élevé que celui des
cliniques.
Je vous avais promis, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas trop
dépasser minuit. Il est plus que temps que j'arrête mon propos, mais avec
regret car bien d'autres questions méritaient d'être abordées.
En conclusion, je dirai que cette discussion générale - nous verrons ce qui se
passera lors de la discussion des articles - fut plus détendue et moins
agressive que celle de l'an dernier, en tout cas sur la majorité des chapitres.
Bien sûr, sur d'autres, nous ne vous convaincrons pas, mesdames, messieurs les
sénateurs, et je me demande même si, pour certains, vous ne souhaitez pas que
nous échouions, mais cela concerne une minorité de cas. Pour le reste, je vous
remercie !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Demande de réserve