Séance du 12 novembre 1998






CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE
ET CONVENTION D'EXTRADITION
AVEC LE BRÉSIL

Adoption de deux projets de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion commune :
- du projet de loi (n° 552, 1997-1998) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil. [Rapport (n° 27, 1998-1999).]
- du projet de loi (n° 553, 1997-1998) autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil. [Rapport (n° 27, 1998-1999).].
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, deux textes, l'un relatif à une convention d'entraide judiciaire en matière pénale, l'autre à une convention d'extradition ont été signés le 28 mai 1996 à l'occasion de la visite du président de la République fédérative du Brésil en France.
La convention franco-brésilienne d'entraide judiciaire en matière pénale est presque parfaitement calquée sur la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 et les divergences que l'on peut relever entre les deux textes concernent des dispositions qui se retrouvent dans les conventions bilatérales signées par la France.
Ainsi, parmi les motifs de refus de l'entraide figure la référence à la double incrimination. De même, les dispositions relatives aux perquisitions et aux saisies apparaissent dans d'autres textes bilatéraux, tels que ceux qui ont été conclus avec le Paraguay, la Corée, Hong Kong et l'Inde.
Cette convention comporte toutefois des dispositions qui la singularisent.
Parmi les motifs de refus de l'entraide, la référence à la race, au sexe, à la religion, à la nationalité ou aux opinions politiques apparaît comme une disposition empruntée des conventions d'extradition.
Arguant des difficultés de surveillance liées à l'étendue de son territoire, la partie brésilienne a obtenu un allongement des délais : celui des citations à comparaître passe de cinquante jours, dans la convention européenne, à trois mois et celui de l'immunité prévue au troisième paragraphe de l'article 11, de quinze à trente jours.
Quant aux transmissions des demandes d'entraide, à côté de la voie directe entre les deux ministères de la justice, est maintenu le canal diplomatique qui, pour les autorités brésiliennes, reste auréolé de l'avantage de l'authenticité. Toutefois, les demandes relatives au casier judiciaire peuvent être adressées directement par l'autorité judiciaire requérante au service compétent de l'Etat requis.
Enfin, contrairement à la plupart des conventions de ce type, l'accord franco-brésilien ne comporte aucune disposition relative au transit sur le territoire de l'un des deux Etats de personnes condamnées, transférées à partir d'un Etat tiers.
La convention d'extradition, elle aussi, est largement inspirée de celle du Conseil de l'Europe, signée à Paris le 13 décembre 1957. Cependant, elle comporte certaines dispositions spécifiques qui ont été introduites à la demande de la partie brésilienne.
S'agissant du champ d'application, d'une part, la convention inclut parmi les infractions pouvant donner lieu à extradition celles qui ont un caractère fiscal, alors que la convention européenne, elle, ouvre seulement, sous certaines conditions, une possibilité en cette matière. D'autre part, les faits qui peuvent donner lieu à extradition doivent, en premier lieu, être punissables, au regard de la législation des deux Etats, d'une peine privative de liberté d'au moins deux ans et, en second lieu, avoir été sanctionnés par une peine dont le reliquat à purger est d'au moins neuf mois.
Dès lors, contrairement à la convention européenne d'extradition, ce n'est pas le quantum de la peine prononcée qui est pris le premier en considération, mais la durée de la peine restant à purger. La prise en compte de ce dernier critère privilégie l'efficacité des procédures pour des faits sanctionnés par des peines déjà pratiquement exécutées ou dont l'exécution est susceptible d'être couverte par la durée de la détention extraditionnelle.
L'extradition des nationaux n'est pas accordée et la nationalité est appréciée à la date de la commission des faits. Toutefois, dans cette hypothèse, l'Etat requérant pourra recourir à la procédure de dénonciation des faits auprès de l'Etat requis, qui appréciera, selon sa réglementation interne, la suite à lui donner.
La convention ne prévoit, pour la transmission des demandes d'extradition, que la voie diplomatique, qui, comme nous l'avons dit, présente seule pour les autorités brésiliennes l'avantage de bénéficier de la garantie de l'authenticité. Toutefois, en cas d'urgence, une demande d'arrestation provisoire peut être transmise par tout moyen laissant une trace écrite.
Enfin, cette convention se distingue, elle aussi, pour la même raison que celle qui a été avancée dans les négociations de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale, à savoir l'étendue du territoire brésilien, par un allongement de certains délais. Ainsi, le délai maximum d'arrestation provisoire est étendu de quarante jours dans la convention européenne à soixante jours, et le délai du bénéfice de l'immunité accordée en application du principe de la spécialité à la personne extradée pour quitter le territoire de l'Etat d'extradition passe de quarante-cinq jours à deux mois.
Quant au principe de la spécialité que j'ai déjà évoqué, les autorités brésiliennes ont finalement accepté, sur le fond, les dispositions de la convention européenne.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent les conventions d'entraide judiciaire en matière pénale et d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil, signées à Paris le 28 mai 1996, qui font l'objet des deux projets de loi soumis aujourd'hui à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Caldaguès, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la coopération judiciaire entre la France et le Brésil était jusqu'à présent demeurée extrêmement restreinte.
Une convention d'entraide en matière civile avait été conclue en 1981, mais elle s'était heurtée, dès son entrée en vigueur en 1985, à de multiples difficultés d'application. Par ailleurs, aucune convention n'existait en matière pénale et d'extradition.
Cette situation était gênante pour la résolution de contentieux impliquant des ressortissants des deux pays. Elle devenait surtout de moins en moins satisfaisante au moment où la mondialisation ou la globalisation touchent également les activités criminelles, qui non seulement ne connaissent plus de frontières, mais les utilisent volontiers pour faire obstacle aux poursuites judiciaires.
Il est donc nécessaire d'établir un cadre de coopération judiciaire avec un pays aussi important que le Brésil.
Les négociations ont porté successivement sur la rénovation de la convention de 1981 en matière civile et sur l'élaboration de deux textes nouveaux sur l'entraide en matière pénale et sur l'extradition.
Le Sénat a déjà approuvé, au mois de mars dernier, la nouvelle convention d'entraide judiciaire en matière civile. Nous examinons aujourd'hui les deux autres textes signés à Paris le 28 mai 1996.
Sachez tout d'abord que ces deux conventions présentent peu de caractères originaux, puisqu'elles s'inspirent des principes qui régissent toutes les conventions du même type déjà conclues par la France.
La convention d'entraide judiciaire en matière pénale reprend l'architecture de la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959.
Elle énumère les cas bien spécifiés dans lesquels chaque partie peut refuser d'exécuter une demande d'entraide et elle prévoit les différents domaines couverts par l'entraide : la recherche de preuves, le comparution de témoins ou d'experts.
Pour sa part, la convention d'extradition se conforme aux principes de la loi française de 1927 sur l'extradition des étrangers et de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957.
L'extradition ne sera possible qu'en cas d'infraction punissable d'au moins deux ans de prison. Lorsqu'il s'agit d'exécuter un jugement, la durée de la peine restant à exécuter devra être supérieure à neuf mois.
En dehors du fait que l'extradition ne sera pas accordée si la personne réclamée possède la nationalité de l'Etat requis, ce qui va de soi, il existe deux catégories de possibilités de refus d'extradition : les unes facultatives, les autres obligatoires. Ces dernières se réfèrent à des considérations qui peuvent être tout à fait unilatérales et, par conséquent, discrétionnaires, mais telle est la loi du genre.
En ce qui concerne les procédures d'extradition, enfin, la convention applique le principe dit « de spécialité », donnant au pays qui accepte d'extrader la garantie que l'extradition ne sera pas détournée de son objet.
Telles sont, mes chers collègues, les principales dispositions de ces deux conventions qui complètent un ensemble de plusieurs dizaines de conventions bilatérales similaires déjà signées par la France.
Elles établissent des bases juridiques solides pour la coopération judiciaire avec un grand pays comme le Brésil, dont la France souhaite désormais devenir un partenaire significatif en Amérique latine, comme en ont témoigné les visites du président Cardoso à Paris en mai 1996 et du président Chirac à Brasilia en 1997.
Pour cette raison, la commission des affaires étrangères vous demande d'adopter les deux projets de loi autorisant la ratification des conventions qui vous sont soumises.
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en intervenant sur ce sujet, je souhaite exprimer mon profond soutien à l'approbation des conventions d'entraide judiciaire et d'extradition entre la France et le Brésil, que le Gouvernement nous propose aujourd'hui d'autoriser.
Voilà à peu près cinq ans, j'avais attiré, sinon appelé, l'attention du Gouvernement sur l'urgente nécessité qu'il y avait à signer des conventions d'extradition entre la France et le Brésil, entre le Suriname et la France, enfin entre la Guyana et la France.
Je suis particulièrement favorable à tous les types d'accords propres à faire reculer la criminalité ou, plutôt, de nature à offrir à ceux qui luttent contre ce fléau les moyens de mener à bien leurs missions.
Je suis d'autant plus favorable à cette approbation que les deux conventions qui nous sont soumises aujourd'hui faisaient jusqu'à présent cruellement défaut, comme vient de le souligner M. le rapporteur.
Mes chers collègues, aurions-nous progressé avec autant d'efficacité en matière de lutte contre le terrorisme si la France n'était pas signataire de conventions d'entraide ou d'extradition avec des pays comme l'Italie, l'Allemagne ou encore le Royaume-Uni ?
Nous semblerait-il aujourd'hui concevable qu'un criminel français ne puisse être présenté à un juge d'instruction au motif qu'il aurait quitté nos frontières pour rejoindre la Belgique ou l'Espagne ?
La réponse à ces questions est assurément non.
La France n'est bien évidemment pas partie à de telles conventions avec l'ensemble des Etats composant la communauté internationale. Pourtant, il est une catégorie d'entre eux avec laquelle nous n'avons jamais manqué de passer ce type d'accords : il s'agit de nos voisins, c'est-à-dire des pays avec lesquels nous disposons d'une frontière commune.
Chacun comprendra en effet que la première des priorités consiste à faire échec aux possibilités de fuite immédiate dont disposeraient criminels ou délinquants en se réfugiant, ne serait-ce qu'à quelques kilomètres de notre sol, de l'autre côté des frontières.
Lorsque j'indique que entraide judiciaire et extradition sont autorisées avec tous nos voisins, je ne parle, hélas ! que du territoire métropolitain.
Or les frontières de la France ne se limitent pas à la métropole. Il est au moins deux pays, pourtant frontaliers, avec lesquels nous ne pouvons pas mener d'action conjointe en matière de lutte contre le crime : le Brésil et le Suriname, auxquels on peut ajouter la Guyana.
Les conséquences de cette absence d'accord sont particulièrement perceptibles en Guyane, où les frontières avec ces trois Etats sont extrêmement perméables et interpénétrables, notamment en raison de la densité de la forêt amazonienne, qui permet d'échapper à tout contrôle.
Il est donc fréquent que des criminels français, après la commission de leur méfaits, trouvent refuge dans l'un de ces pays, rendant quasiment inutile toute velléité de recherche.
A l'inverse, il n'est pas rare que d'autres criminels, originaires cette fois-ci du Brésil, du Suriname ou de la Guyana, tentent d'échapper à leur justice en pénétrant en Guyane. Ils ne manquent d'ailleurs pas d'y poursuivre leurs activités condamnables, comme l'a prouvé, hélas ! l'assassinat récent de deux gendarmes, perpétré le mois dernier dans la région d'Iracoubo par un ressortissant surinamais.
Pour ce qui concerne le Brésil, la Haute Assemblée remédie aujourd'hui à cette situation, et je m'en félicite très vivement. C'est en effet depuis le 28 mai 1996 que la convention d'extradition a été signée avec le Brésil, lors de la visite officielle du président Cardoso à Paris.
En revanche, des efforts diplomatiques doivent être entrepris ou poursuivis afin que l'évolution que nous approuvons aujourd'hui puisse être étendue à deux pays : le Suriname et la Guyana. Cela est d'une extrême urgence.
Monsieur le ministre, en répondant récemment à un courrier que je lui avais adressé sur ce thème précis, M. le ministre des affaires étrangères, m'a fait savoir que les autorités du Suriname et de la Guyana n'avaient pas encore été approchées pour sonder leur disponibilité à négocier de tels textes.
Je sais néanmoins la volonté du Gouvernement d'agir en ce sens, même si toute action diplomatique revêt bien souvent un caractère délicat et nécessite beaucoup de patience avant qu'on puisse en observer l'aboutissement.
Pour autant, je ne saurais que vous inciter à poursuivre dans la voie du développement de l'aide judiciaire internationale en apportant mes suffrages, ainsi que ceux de l'ensemble des membres de mon groupe, aux projets de loi que vous nous avez présentés aujourd'hui.
M. Charles Josselin, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué. M. Othily vient à nouveau d'attirer l'attention du Gouvernement sur l'intérêt que présenterait la négociation d'entraide judiciaire en matière pénale et d'extradition avec le Suriname et la Guyana, puisque aucune convention ne nous lie actuellement à ces deux pays dans ce domaine.
Nous savons l'importance que revêtiraient de tels accords pour la Guyane, à laquelle M. Othily est très attaché.
Les services compétents du département ont déjà été invités - mais nous allons insister sur ce point - à prendre attache avec les autorités du Suriname et de la Guyana pour connaître non seulement le sentiment de ces dernières sur la négociation d'accords bilatéraux d'entraide judiciaire en matière pénale et d'extradition avec la France, mais aussi leur intention sur l'adhésion aux conventions européennes qui existent en la matière.
D'autres pays d'Amérique latine y ont déjà procédé. Je crois qu'il serait bien, en effet, que la Guyana et le Suriname s'y emploient de leur côté.
Telle est la réponse que je voulais vous faire, monsieur Othily, à l'occasion de cette discussion.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.

CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 552 relatif à l'entraide judiciaire.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil, signée à Paris le 28 mai 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

CONVENTION D'EXTRADITION

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 553 relatif à l'extradition.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil, signée à Paris le 28 mai 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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