Séance du 10 novembre 1998
ANIMAUX DANGEREUX ET ERRANTS
Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n°
509, 1997-1998), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection
des animaux. [Rapport n° 48 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que je présente aujoud'hui,
relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, avait
été déposé par mon prédécesseur et ami Louis Le Pensec.
Ce texte a été initialement motivé par les préoccupations croissantes du
public, des pouvoirs publics et des élus locaux face à l'augmentation des
risques lié à la dangerosité potentielle de certains chiens, mal maîtrisés par
leurs maîtres ou volontairement dressés à l'attaque ou au combat.
Le dispositif législatif envisagé couvre toutefois un champ d'application plus
étendu que celui des chiens réputés dangereux puisqu'il complète le code rural
en matière de protection des aimaux par des prescriptions plus spécifiques
s'attachant aux animaux de compagnie.
Ce projet de loi a par conséquent pour objet de redéfinir les fonctions de
l'animal familier dans notre société, sans occulter l'importance économique
incontestable résultant de l'ensemble des activités liées aux animaux de
compagnie.
Ce texte, qui avait été amendé par votre Haute Assemblée en première lecture
au mois de mai, a donc été examiné en deuxième lecture par l'Assemblée
nationale, qui a repris certains de vos amendements.
J'ai noté plus particulièrement parmi eux ceux qui se rapportent au
renforcement des pouvoirs des maires en matière de lutte contre les animaux
dangereux : l'article 211 prévoit désormais que les prescriptions du maire à
l'égard d'un propriétaire d'animal susceptible d'être dangereux peuvent aussi
être suscitées par la demande de toute personne concernée. Dans cet article
également, votre assemblée avait proposé que le devenir d'un animal dangereux
détenu en fourrière soit fixé après avis d'un vétérinaire.
Je constate donc qu'à l'issue de ces lectures dans les deux assemblées de
nombreux articles ont été définitivement adoptés, plus particulièrement dans le
domaine de la moralisation des activités liées aux animaux de compagnie, de la
responsabilisation des acquéreurs de ces animaux, des modifications du code
civil et de l'accroissement des possibilités d'action des services de contrôle
en matière de protection animale. Je ne reviens donc pas sur ces éléments du
texte.
Les divergences essentielles qui ont pu apparaître, à l'issue de ces premières
lectures, entre les deux assemblées s'attachent au chapitre des chiens
potentiellement dangereux, et plus particulièrement au système de prévention
qui avait été proposé par le Gouvernement.
En effet, ce dispositif prévoyait des mesures très fermes à l'égard des
maîtres de chiens utilisés à l'attaque de l'homme ou à des fins délictuelles de
combats, mais ce dans un contexte législatif souple et adaptable par la
création de deux catégories de chiens.
Il m'apparaît essentiel de souligner que de nombreuses propositions de loi et
de multiples arrêtés municipaux, souvent eux-mêmes sans véritable fondement
légal, avaient traduit cette préoccupation des élus locaux vis-à-vis de
l'utilisation de chiens potentiellement agressifs, dans les cités notamment.
Je souhaite revenir sur les points qui me paraissent essentiels à ce stade du
débat.
En premier lieu, dans la version adoptée en deuxième lecture par l'Assemblée
nationale, la distinction entre les deux catégories de chiens susceptibles
d'être dangereux a été rétablie, car elle seule permet de graduer les mesures
de prévention applicables à l'utilisation des chiens et les sanctions à
l'encontre de leurs maîtres.
En effet, si tout le monde admet que la dangerosité potentielle d'un chien est
largement déterminée par le mode d'élevage et de dressage par son ou ses
maîtres, il n'en demeure pas moins que certains chiens issus de croisements
posent des problèmes de sécurité intrinsèques et tout à fait spécifiques.
Je vise là, pour leur grande majorité, les pitbulls. Elevés la plupart du
temps clandestinement, ils font l'objet de modes de commercialisation souvent
douteux et sont eux-mêmes les premières victimes de l'engouement à leur
encontre : reproduction et élevage dans des conditions déplorables, mauvais
traitements pour l'entraînement aux combats - déjà illicites depuis longtemps -
et à l'agressivité. Ils paient là le tribut de leur morphologie particulière,
de leur insensibilité à la douleur, de leur comportement agressif vis-à-vis de
leurs congénères et de leur mordant particulier.
Il est donc inexact de dire, me semble-t-il, que ces croisements, inexistants
en France il y a dix ans, importés à l'origine de pays où les combats de chiens
ne sont pas interdits, ne seraient dangereux qu'entre des mains mal
intentionnées. C'est en raison de leur utilisation déviante, liée à un
phénomène de mode malsain, qu'il faut, en conséquence, éliminer les chiens dits
d'attaque, classés en première catégorie, par l'interdiction d'importation, de
cession et, en conséquence, de commercialisation et par la stérilisation.
M. Nicolas About.
Très bien !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
L'interdiction d'importation et
des échanges avec d'autres Etats membres se justifie d'autant plus que le
marché de ce type de chiens est largement alimenté par des filières ayant leur
source en dehors du territoire national.
Certains pays européens ont d'ailleurs déjà adopté des mesures similaires
d'interdiction, et d'autres encore nous ont contactés afin de s'inspirer du
présent texte.
Si dans cette première catégorie figureront essentiellement les pitbulls, il
est actuellement envisagé d'y placer éventuellement les croisements entre
chiens de race à forte potentialité, qui pourraient figurer dans la deuxième
catégorie.
Les spécialistes du monde de la cynophilie voient eux-mêmes avec une grande
inquiétude la prolifération de ces croisements, qui, par un effet secondaire,
risquent de dévaloriser aux yeux du public l'action rigoureuse d'amélioration
génétique qu'ils conduisent.
Pour répondre aux attentes des élus locaux, l'instauration d'un régime sévère
à l'égard des chiens d'attaque est donc, à mes yeux, la solution la plus
adaptée.
L'avantage d'un système à deux catégories avec des modalités d'application
fixées par arrêté, donc par un seul acte réglementaire, est double.
D'une part, par sa souplesse, il permettra une adaptation rapide aux
situations qui peuvent devenir préoccupantes.
Le classement en première catégorie de certains croisements apparaissant
nouvellement, en dehors de toute sélection canine officielle, sera aisé et
répondra dans des délais brefs au risque d'une prolifération telle que celle
que vous vivons pour les pitbulls actuellement.
Je rappelle que, voilà quelques années, les pitbulls se comptaient par
centaines et qu'actuellement ils sont plusieurs dizaines de milliers. Il peut
en être de même à l'avenir pour d'autres types de chiens.
Le dispositif législatif que nous envisageons aujourd'hui permettra de freiner
d'emblée l'usage incontrôlé de ces types de chiens.
Par ailleurs, il m'apparaît utile de définir les chiens de deuxième catégorie,
dénommés « chiens de garde et de défense ».
Il s'agit de chiens à fortes potentialités morphologiques et comportementales,
nécessitant de la part de leur propriétaire de bonnes connaissances et une
maîtrise excellente. Il est évident qu'une bonne maîtrise est favorisée par les
garanties généalogiques de cette catégorie de chiens, qui regroupera
probablement certaines races, dont une part font elles-mêmes l'objet de modes,
comme le rottweiler.
Le second avantage de ce système réside dans le fait qu'il permet une
harmonisation à l'échelon national des mesures applicables par les maires pour
assurer la sécurité dans leurs communes. L'abondance et la diversité des
arrêtés municipaux pris jusqu'à présent, et dont certains vont jusqu'à
l'interdiction, illégale au demeurant, de la détention ou de la circulation de
certains types de chiens, prouve la nécessité de cette harmonisation.
Enfin, pour terminer sur ce phénomène des catégories, un groupe de travail a
commencé à réfléchir sur les types de chiens qui devraient faire l'objet des
mesures particulières prévues par la loi. Les premiers débats de ce groupe
auquel participaient, outre les représentants du ministère de l'intérieur, les
organismes cynophiles, les représentants de la profession vétérinaire et les
spécialistes du comportement, aux côtés d'associations de protection animale,
ont fait ressortir la nécessité de traiter le problème de ces croisements
incontrôlés utilisés de façon déviante malgré l'apparente complexité de cette
nouvelle procédure.
J'ai noté par ailleurs avec satisfaction que vous proposez, au cours de cette
deuxième lecture, monsieur le rapporteur, de revenir au système déclaratif
plutôt qu'à la procédure d'autorisation évoquée en première lecture. Une
déclaration en mairie, des exigences simples telles que la vaccination,
l'identification de l'animal et la souscription à une assurance spécifique,
auxquelles s'ajoutent des conditions portant sur le maître, sont apparues comme
faciles à mettre en oeuvre et d'application immédiate. Ces contraintes, qui
sembleront naturelles aux propriétaires sérieux et responsables, seront de
nature dissuasive pour les autres. Or, c'est bien sur la responsabilisation des
maîtres que repose la prévention à l'égard des chiens potentiellement
dangereux.
A l'heure actuelle, face à l'urgence et à l'acuité des problèmes dans
certaines zones, nous avons besoin d'un dispositif efficient, aisé à mettre en
pratique et applicable par les services de contrôle.
De plus, les services chargés de la prévention de l'ordre et de la sécurité
publique sont de plus en plus sensibilisés à ce problème spécifique des chiens
potentiellement dangereux. Leurs représentants participent aux réunions
techniques de travail portant sur les types de chiens concernés et sur les
méthodes de vigilance particulière à appliquer.
Enfin, dans le chapitre ayant trait aux animaux dangereux et errants, votre
assemblée a proposé une prolongation à quinze jours des délais de garde des
animaux en fourrière, soit qu'ils aient été confisqués, soit qu'ils aient été
trouvés errants.
Les animaux potentiellement agressifs confisqués risqueraient, du fait de
l'allongement de leur séjour en fourrière, d'accuser un comportement
définitivement dangereux. Quant aux animaux errants, les délais de garde en
fourrière ont déjà été prolongés par rapport à la loi actuelle et portés de
quatre à huit jours pour les animaux non identifiés. En tout état de cause,
dans les cas d'animaux mordeurs, la surveillance sanitaire de quinze jours est
obligatoire du fait de l'application des articles 232 et suivants du code
rural. De ce fait, la prévention du risque rabique est dores et déjà
assurée.
Le deuxième chapitre du projet de loi portant sur les exigences prescrites
pour les activités qui sont liées aux animaux de compagnie et à leurs
conditions de vente n'a pas été fondamentalement modifié ; je ne reviendrai
donc pas sur ces dispositions, qui constituent une avancée importante, à mon
sens, dans le domaine de la protection des animaux.
N'oublions pas, en effet, que la France est au premier rang des pays européens
pour ce qui est de la possession d'animaux familiers et que les importations de
chiens et de chats, actuellement en augmentation, justifient pleinement la
rigueur des mesures découlant de ce projet, notamment en ce qui concerne les
conditions de vente des animaux.
Enfin, je souhaite souligner que nous avons accueilli très favorablement la
modification que votre assemblée avait apportée, lors de la première lecture,
visant à un renforcement de l'arsenal législatif général de protection des
animaux. Je relève tout particulièrement les pouvoirs conférés aux services
vétérinaires leur permettant désormais de faire procéder à l'ouverture d'un
véhicule dans lequel un animal est enfermé en plein soleil et le relèvement des
sanctions pénales applicables en cas de sévices graves ou d'actes de
cruauté.
En conclusion, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il
s'avère que ce texte est très attendu tant par les élus locaux, pour ce qui
concerne le premier chapitre et la mise en oeuvre de moyens administratifs
concrets et cohérents dans le domaine des animaux dangereux et errants, que par
l'ensemble du monde associatif et professionnel en relation avec l'animal de
compagnie, pour ce qui est du deuxième chapitre lié à la moralisation du
commerce et la structuration des activités qui y sont liées.
J'espère que les éléments que j'ai développés et que la discussion qui va
maintenant s'engager permettront de trouver le consensus qui aboutira à une
mise en application de cette loi dans des conditions qui seront propres à
satisfaire l'ensemble des citoyens, propriétaires ou non d'animaux de
compagnie.
(M. Nicolas About applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Dominique Braye,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voté le 22 avril 1998
par l'Assemblée nationale en première lecture, le projet de loi relatif aux
animaux dangereux et errants et à la protection des animaux a été
substantiellement modifié par notre Haute Assemblée lors de sa séance du 19 mai
dernier.
L'Assemblée nationale, lors de l'examen de ce texte, le 16 juin dernier, a
rétabli l'essentiel de la version qu'elle avait adoptée en première lecture.
Elle a, certes, retenu quelques menues améliorations adoptées par le Sénat,
comme vous l'avez rappelé à l'instant, monsieur le ministre. Elle a cependant
souhaité revenir globalement sur plusieurs points que le rapporteur et la
commission des affaires économiques et du Plan considèrent comme essentiels.
L'Assemblée nationale a par ailleurs introduit, en deuxième lecture, quelques
nouvelles dispositions portant sur des aménagements mineurs du texte qui nous
est soumis aujourd'hui.
La commission des affaires économiques et du Plan et son rapporteur ont estimé
que certaines modifications apportées par l'Assemblée nationale, soit que
celle-ci soit revenue à sa vision initiale, soit qu'elle ait introduit de
nouvelles dispositions, devaient être examinées positivement. Le rapporteur que
je suis recommandera donc de les adopter.
Concernant certaines autres modifications, la commission des affaires
économiques et du Plan, souvent à l'unanimité de ses membres, a souhaité les
voir rejeter pour en revenir à la version initiale du Sénat. Il s'agit le plus
souvent de points de désaccord portant sur des détails que je qualifierai de «
techniques » et sur lesquels, monsieur le ministre, j'espère que nous
trouverons un accord.
Il existe, en revanche, vous l'avez vous-même rappelé, une divergence plus
profonde qui concerne un dispositif essentiel du texte, à savoir la
classification en deux catégories des chiens susceptibles d'être dangereux.
L'Assemblée nationale a souhaité rétablir cette classification, qui implique
que les chiens classés en première catégorie seraient voués à l'éradication
progressive et à l'extinction définitive. Notre Haute Assemblée avait, au
contraire, estimé que cette classification n'était ni fondée ni pertinente et
que, de plus, sa mise en oeuvre serait au mieux inapplicable, au pire
particulièrement néfaste, mais de toute façon inefficace.
Le Sénat s'était prononcé en faveur d'une catégorie unique de chiens
susceptibles d'être dangereux, seul système, à mon avis, sérieux, cohérent,
équilibré et garantissant une bonne efficacité puisque réellement
applicable.
Il importe de souligner que cette opinion est celle de la quasi-totalité des
experts du monde canin, pour des raisons de fond et de forme que j'exposerai
ultérieurement.
La divergence entre la position de l'Assemblée nationale et celle du Sénat
provient d'une appréciation différente du problème des chiens dits dangereux.
L'Assemblée nationale a considéré, avec le Gouvernement - ou le Gouvernement
avec l'Assemblée nationale, je ne sais pas - que ce problème était avant tout
un problème de chiens qui concernait certaines races ou types de chiens plus
dangereux que d'autres, tels que le pitbull. La conclusion, dès lors, était
fort simple : éradiquons ces chiens, et le problème disparaîtra.
Le Sénat, suivant en ce sens les avis de la quasi-totalité des professionnels,
experts canins et autres vétérinaires, notamment - vous l'avez rappelé,
monsieur le ministre - ceux des spécialistes du comportement canin, mais aussi
suivant les recommandations d'un grand nombre d'experts et de praticiens des
phénomènes de violence et de délinquance, a considéré que la problématique des
chiens potentiellement dangereux ne devait pas être inversée par rapport à sa
réalité incontestable.
Pour le Sénat, avant d'être un problème de chiens dangereux, c'est bien un
problème de propriétaires dangereux auquel nous sommes confrontés
aujourd'hui.
M. Gérard Cornu.
Tout à fait !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
En effet, un chien ne devient ou n'est dangereux que si son
propriétaire est lui-même dangereux, par inconscience, irresponsabilité,
malveillance ou parce qu'il a décidé d'utiliser son animal à des fins
délinquantes.
Votre rapporteur avait résumé cette opinion par une formule imagée mais dont
il est persuadé, plus que jamais, qu'elle illustre une vérité incontournable.
Cette formule, était : « Prenons le problème par le bon bout de la laisse. »
C'est l'homme qui forge le caractère du chien, et non l'inverse. Le contester,
c'est contester une évidence.
M. Gérard Cornu.
Très bien !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
La Haute Assemblée avait approuvé, en première lecture, les
principes généraux qui inspirent le projet de loi : tout d'abord et bien
évidemment le souci du renforcement de la protection des animaux de compagnie
et le souci de la moralisation de leur commerce. Elle avait aussi approuvé la
nécessité de définir pour les pouvoirs publics un nouveau cadre d'intervention
permettant de régler les problèmes et les accidents en nombre croissant dus à
des chiens à fortes potentialités physiques.
Il est d'ailleurs à noter que nombre de dispositions législatives et
réglementaires existent déjà, qui répondent en grande partie à cet impératif
d'ordre public et qui permettraient, si elles étaient appliquées, de régler
tous les problèmes abordés aujourd'hui. Tous les juristes en sont d'accord,
c'est seulement l'absence de leur application qui a conduit à définir ce projet
de loi.
Mais alors, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons
immédiatement nous poser une question fondamentale : si, aujourd'hui, alors que
nous disposons déjà de toutes les armes légales adéquates, nous ne sommes pas
parvenus à régler ce problème des chiens dangereux, arriverons-nous, demain, à
le faire mieux avec l'arme supplémentaire que nous sommes en train d'élaborer
?
Au stade actuel de la navette parlementaire, il est permis d'en douter, car le
dispositif législatif issu de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale est
beaucoup moins lisible, beaucoup plus compliqué et sera donc considérablement
plus difficile à appliquer que les armes dont nous disposons aujourd'hui.
Avant de revenir à la divergence d'opinion majeure entre l'Assemblée nationale
et le Sénat, votre rapporteur souhaite résumer devant vous, mes chers
collègues, les divergences de moindre importance qui subsistent entre les deux
assemblées, ainsi que les points du texte sur lesquels un accord est intervenu
ou devrait intervenir.
Tout d'abord, certains articles du texte ont été adoptés conformes. Il s'agit
de l'article 4 portant sur les mesures visant à lutter contre la divagation
d'animaux d'espèces sauvages et de l'article 8 portant sur les mesures
conservatoires à l'égard des animaux en cas de protection judiciaire.
Certaines améliorations apportées en première lecture par le Sénat ont par
ailleurs été adoptées en deuxième lecture par l'Assemblée nationale.
Il s'agit notamment de l'article 7, qui prévoit désormais une peine
contraventionnelle à l'encontre du propriétaire qui ne paie pas les frais de
fourrière, et de deux amendements votés par le Sénat à l'article 10 qui font
référence aux conditions d'exercice des activités liées aux animaux, l'un
rédactionnel et l'autre de précision.
Un amendement de précision, voté par le Sénat, à l'article 13, concernant la
cession et la publication d'offres de cession d'animaux de compagnie a
également été adopté par l'Assemblée nationale. Elle a, enfin, adopté un
amendement rédactionnel à l'article 15, voté par le Sénat, concernant le champ
d'application des sanctions des infractions aux conditions requises pour
l'exercice d'activités liées aux animaux de compagnie.
L'Assemblée nationale a, par ailleurs, rétabli sur plusieurs points la version
initiale du texte qu'elle avait adopté en première lecture.
Pour certaines de ces dispositions, votre rapporteur et la commission des
affaires économiques vous recommandent, dans un souci d'ouverture et de
conciliation, de bien vouloir les adopter.
Votre rapporteur vous propose notamment d'adopter la principale modification,
qui concerne, à l'article 2, le rétablissement du régime de déclaration en
mairie pour les propriétaires de chiens potentiellement dangereux, au lieu de
l'autorisation de détention par le maire, que le Sénat lui avait substitué en
première lecture.
Votre rapporteur vous propose aussi de supprimer la création, instaurée en
première lecture, d'un fichier national des personnes auxquelles la garde d'un
animal a été retirée en application de l'article 211, suppression qui est le
corollaire de la suppression du régime d'autorisation.
A l'article 7, il vous est proposé de retenir la disposition prévoyant que la
désignation du vétérinaire chargé de la surveillance sanitaire de la fourrière
incombe au gestionnaire de cette fourrière, et non plus au préfet, sur
proposition du maire.
Trois amendements concernant les communautés de chats libres non identifiés,
rétablissant la position initiale de l'Assemblée nationale, sont aussi proposés
à votre approbation.
Les nouvelles mesures adoptées à l'article 8
bis
A, visant des mesures
conservatoires à l'égard des animaux, reçoivent aussi l'approbation de votre
rapporteur.
La suppression, à l'article 8
ter,
de l'instauration de comités
départementaux et d'un comité national d'orientation de la protection des
animaux et de lutte contre les animaux dangereux est également entérinée par la
commission des affaires économiques et du Plan.
La commission vous propose aussi d'adopter, à l'article 10, le critère de
définition d'un élevage de chiens ou de chats retenu par l'Assemblée nationale,
de même qu'à l'article 12 la suppression de certaines interdictions de vente de
chiens, chats et animaux de compagnie qui avaient été introduite par le Sénat
en première lecture.
Deux nouvelles dispositions, l'une concernant, à l'article 12, des dérogations
exceptionnelles pour des commerçants non sédentaires, et l'autre, à l'article
13, modifiant la définition des livres généalogiques officiels, sont approuvées
par la commission et par son rapporteur.
A ce même article 13 et à l'article 15, deux amendements rédactionnels sont
également approuvés par votre rapporteur.
Enfin, pour l'article 19 A, introduit par le Sénat, votre rapporteur et la
commission des affaires économiques acceptent sa suppression par l'Assemblée
nationale. Il s'agissait en l'occurrence de l'obligation pour les vétérinaires
d'aviser le maire de leur commune des suspicions de combats d'animaux qu'ils
auraient eues, à propos de chiens soignés par eux.
Vous constatez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que la commission
des affaires économiques et son rapporteur ont fait preuve d'une grande
compréhension et d'un grand esprit d'ouverture. Mais ils se voient obligés, en
revanche, de vous proposer de rejeter certaines modifications votées par
l'Assemblée nationale, visant à rétablir le texte qu'elle avait initialement
adopté.
Le délai de garde en fourrière, visé aux articles 1 et 7, a été rétabli à huit
jours ouvrés par l'Assemblée nationale. Le Sénat avait souhaité lui substituer
un délai de quinze jours à compter de la date de capture de l'animal, et ce
pour des raisons qui tiennent à la foit à la complexité de la notion de jours
ouvrés - huit jours ouvrés peuvent représenter onze, douze voire quatorze jours
réels ; délai qui n'est pas si éloigné de celui des quinze jours retenus par le
Sénat - et au principe de précaution sanitaire indispensable quant au risque de
contamination rabique.
Concernant l'article 2, outre le refus de la classification en deux catégories
qui sera ultérieurement et largement étayé, votre rapporteur vous recommande de
rétablir la position du Sénat, suivant laquelle, puisqu'il n'y a plus lieu
d'opérer une distinction entre chiens de première et deuxième catégorie, il
convient de faire tenir en laisse et muselés tous les chiens potentiellement
dangereux par une personnes ne pouvant notamment pas être un mineur, dans les
lieux publics, les locaux ouverts au public et dans les transports en
commun.
Un mineur serait en revanche autorisé à promener un chien classé «
potentiellement dangereux » sur la voie publique, s'il est tenu en laisse et
muselé. Cela est important, eu égard à la nécessité que l'animal puisse être
promené par un enfant de la famille en l'absence des parents qui travaillent,
par exemple.
Votre rapporteur vous suggère aussi de rétablir, à l'article 7, la position du
Sénat concernant le tatouage comme seul moyen d'identification fiable des
chiens et des chats par le gestionnaire de la fourrière, et donc de ne pas
retenir le collier comme moyen d'identification légale. Le tatouage étant
infalsifiable, il importe de tout faire pour promouvoir son extension.
Concernant l'obligation, aux articles 10 et 15, pour les non-professionnels
détenteurs d'au moins neuf chiens, de mettre en place et d'utiliser des
installations conformes aux règles sanitaires et de protection animale, il vous
est recommandé d'en revenir à la position initiale du Sénat qui veut que cette
obligation concerne les chiens de plus de six mois, et non les chiens
sevrés.
Une portée unique de bergers allemands, par exemple, atteignant très
fréquemment dix chiots, ceux-ci étant sevrés à six semaines, et la cession
onéreuse de chiots étant interdite dans ce projet avant l'âge de huit semaines,
la position de l'Assemblée nationale signifie que tout propriétaire souhaitant
que sa chienne ait des petits, même une seule fois dans sa vie, ce qui est
fréquent, devra procéder à de coûteux investissements. Vous conviendrez avec
moi qu'il s'agit là d'une disposition inapplicable.
Je souhaite également attirer votre attention, mes chers collègues, sur le
fait qu'en matière de cession de chiens et chats de moins de huit semaines
l'Assemblée nationale autorise la cession à titre gratuit. Le mode de cession
n'ayant rien à voir avec la nécessité impérative de laisser le chiot ou le
chaton en compagnie de sa mère jusqu'à l'âge de huit semaines, votre rapporteur
vous demande de rétablir là aussi la position initiale du Sénat.
J'en viens maintenant au dispositif qui constituait la principale divergence
entre l'Assemblée nationale et notre Haute Assemblée, et qui persiste toujours
puisque l'Assemblée nationale a rétabli en deuxième lecture sa position et que
votre rapporteur et la commission des affaires économiques vous recommandent de
vous en tenir au dispositif introduit par le Sénat.
Le coeur du problème est la volonté de votre prédécesseur, monsieur le
ministre, désormais l'un de nos collègues, de créer deux catégories de chiens
susceptibles d'être dangereux. Cette volonté a été faite sienne par l'Assemblée
nationale qui a entériné, par deux fois, cette classification. La principale
conséquence, je l'ai rappelé, en serait de vouer les chiens classés en première
catégorie à l'éradication progressive, puis à l'extinction définitive par
l'interdiction de leur acquisition, de leur cession, de leur importation ou de
leur introduction sur le territoire national et par leur stérilisation
obligatoire.
Le Sénat, en première lecture, avait souhaité supprimer cette classification
pour lui substituer une catégorie unique de chiens potentiellement dangereux.
En effet, la catégorie unique présente l'avantage de la simplicité et de la
lisibilité. Sa création s'appuie sur un raisonnement très simple et logique,
reposant sur une analyse faite par tous les experts et professionnels du monde
canin : tout chien est potentiellement dangereux dès lors qu'il dispose de
certaines potentialités physiques et donc d'un certain poids et d'une certaine
puissance de sa mâchoire, et il ne devient effectivement dangereux que
lorsqu'il tombe entre de mauvaises mains.
En première lecture, votre prédécesseur, monsieur le ministre, m'avait objecté
qu'avec ce raisonnement on allait classer le labrador en première catégorie,
chien pourtant réputé inoffensif en raison de son aspect sympathique et de sa
bonhomie et, j'ajouterai, chien très à la mode depuis que deux présidents de la
République ont contribué à sa renommée médiatique !
Eh bien ! parlons précisément du labrador : des spécialistes du comportement
canin, réunis jeudi dernier, ici-même au Sénat, dans le cadre d'un colloque sur
les chiens dangereux, se sont inquiétés du fait que les deux races pour
lesquelles ils étaient le plus souvent consultés pour des comportements
agressifs étaient le labrador et le golden retriever. La raison est très claire
pour ceux qui connaissent la question : c'est tout simplement parce qu'ils sont
à la mode et que, pour répondre à la demande, certains producteurs font
abstraction des bonnes conditions d'élevage. Pourtant, le labrador reste
encore, dans l'esprit du grand public - et même dans celui de votre
prédecesseur, monsieur le ministre - un chien sans danger, pouvant être confié
sans crainte à quiconque. On a d'ailleurs déjà observé ce même problème avec le
cocker golden dans les années 1970 et avec le briard dans les années 1980 - mes
confrères et les spécialistes ne diront pas le contraire.
Autre exemple, si vous le voulez bien, mes chers collègues : au cours de ce
même colloque, les spécialistes ont affirmé que les caniches, considérés
généralement comme de gentils petits toutous à leur maman, étaient pourtant les
chiens qui, avec le berger allemand, mordaient le plus souvent. Si on n'en
entend peu souvent parler, c'est tout simplement parce qu'ils sont petits, que
leurs morsures sont bénignes et qu'elles sont, si j'ose dire, réglées en
famille.
La conclusion est claire : tous les chiens, à part ceux qui sont de petit
format, sont potentiellement dangereux, mais ils ne le deviennent que
lorsqu'ils sont élevés et dressés par de mauvais maîtres, des maîtres
irresponsables ou inconscients au mieux, délinquants au pire.
Prévoir un dispositif législatif pour responsabiliser les propriétaires de ces
chiens potentiellement dangereux et pour encadrer leur élevage, leur commerce,
leur dressage, leur détention et leur usage est donc un impératif ; nous en
convenons tous.
Ce dispositif de la catégorie unique, de l'avis quasi unanime des experts et
professionnels du monde canin, serait préférable à celui de la double
catégorie. Ces mêmes experts, tout comme ceux qui le sont pour des problèmes
d'ordre public, de violences urbaines et de délinquance, sont nettement
hostiles à ce dispositif des deux catégories.
Pourquoi ? Parce qu'ils pensent tous qu'on se trompe de cible : ce n'est pas
en éradiquant certains chiens, en nombre d'ailleurs limité, que le problème de
l'usage déviant et délinquant des chiens sera réglé.
Il existe, à l'appui de cette opinion très majoritaire, de nombreux arguments
de fond, confortés de plus par le caractère inapplicable de ce dispositif, qui
sera, si nous l'adoptons totalement inefficace. C'est pour le rapporteur le
type même de la fausse bonne idée.
Examinons d'abord les raisons de fond.
Commençons par un détail, certes, mais un détail révélateur de l'ambiguïté de
ce dispositif, monsieur le ministre : ce projet de loi comporte, dans son
intitulé, le libellé « protection des animaux ». Singulière protection animale
que celle qui conduirait à l'extinction définitive et totale de certains
animaux ! Convenez-en !
La principale raison de fond réside cependant dans le fait que ce texte
incrimine certains chiens, mais pas suffisamment les propriétaires, qui sont
pourtant les seuls responsables des situations ayant conduit à l'élaboration de
ce projet de loi.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour ce qui concerne le cas des
quartiers dits « sensibles », les chiens ne sont ni coupables ni responsables
dans l'immense majorité des accidents. Ce sont les délinquants qui le sont.
C'est donc l'homme qui, instrumentalisant le chien, est le seul responsable. Il
a tout simplement choisi, pour commettre ses exactions, d'utiliser un chien
plutôt qu'un couteau ou un revolver.
Si, demain, il n'y avait plus de chiens, les délinquants se tourneraient vers
d'autres animaux utilisables comme armes par destination. J'ai d'ailleurs une
mauvaise nouvelle pour vous, monsieur le ministre, et pour nous tous, mes chers
collègues : c'est déjà fait.
(Ah ! sur les travées du RPR.)
Un professeur à l'Ecole nationale vétérinaire de Maisons-Alfort, de surcroît
commandant des sapeurs-pompiers, m'expliquait voilà moins d'une semaine qu'il
intervenait désormais plus souvent sur des cas de serpents utilisés, dans le
métro notamment, comme armes de racket que sur des cas de pitbulls ! Vous avez
bien entendu : des serpents !
Mes chers collègues, je vous le demande, devrons-nous classer demain le cobra
en première catégorie des serpents potentiellement dangereux et la vipère ou la
couleuvre à collier en seconde catégorie ? Plus sérieusement, je crois que la
seule solution est d'incriminer le délinquant, qu'il opère au moyen d'un
couteau, d'un pitbull, d'un revolver, d'un boa ou d'un bazooka.
Alors, quelle est la vraie nature du problème des chiens dits dangereux ? Il
relève avant tout, nous le savons tous, mes chers collègues, d'un phénomène de
mode, qui passera comme toutes les modes, mais qui crée de nombreux incidents
et quelques accidents dans ce qu'on dénomme pudiquement les « quartiers
sensibles ».
Nous avons affaire à un symptôme, certes préoccupant, mais révélateur d'une
vraie dérive morale, sociale, une dérive violente et délinquante de certains
quartiers urbains difficiles. Le « phénomène pitbull » est un symptôme de cette
maladie de notre société, mais il n'est sûrement pas la maladie elle-même !
Casser le thermomètre n'a jamais fait tomber la fièvre. Or c'est la fièvre
qu'il nous faut traiter ! Ne faisons donc pas, j'ose la formule, de certains
chiens les boucs émissaires de notre impuissance et de notre incapacité à faire
régner la paix sociale dans des quartiers urbains à la dérive.
(Sourires.)
J'en viens maintenant à un argument technique majeur contre le système
des deux catégories. Cette classification n'est fondée sur aucun critère
scientifique tel que la race. D'ailleurs, vous aurez remarqué que M. le
ministre n'a pas prononcé une seul fois dans son intervention le mot « race
».
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
C'est vrai !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
C'est très signifi catif !
M. Nicolas About.
Ce sont des croisements !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Il n'y a pas que les croisements ! Le pitbull est considéré
comme une race ; l'american staffordshire est une race. Or je vous signale, à
tout hasard, que même les spécialistes - et je mets au défi les vétérinaires
ici présents de me démentir - sont dans l'incapacité de faire la différence à
l'examen direct entre les deux. Je ne vous dit pas ce qui va se passer quand
nos forces de police auront affaire à ces chiens : je leur souhaite beaucoup de
chance !
Un autre argument technique s'oppose - et avec quelle force ! - à cette
classification : les deux catégories seraient censées distinguer les chiens «
d'attaque » des chiens « de garde et de défense ». Tous les spécialistes canins
et même tous ceux qui connaissent un tant soit peu le monde animal se demandent
toujours quel est le brillant esprit qui a inventé une telle distinction. Ils
se demandent aussi où il a pu trouver des chiens d'attaque qui ne soient pas de
bons chiens de garde ou de défense, ou, à l'inverse, des chiens de garde et de
défense qui n'attaquent pas !
(Rires.)
Monsieur le ministre, je compte
sur vous pour lever ce mystère !
Par ailleurs, pourquoi présentez-vous ce dispositif comme une réponse au
problème des accidents dus aux chiens ? Après de multiples auditions et
discussions avec de très nombreux experts, j'en suis arrivé à la conclusion
suivante : il s'agissait pour le Gouvernement d'apporter une réponse médiatique
forte à un problème qui, à l'époque où ce projet de loi a été conçu, était
médiatisé à outrance, ce qui a attisé les phobies d'une opinion publique abusée
par les médias et demandeuse de réactions fortes, et donc forcément
superficielles et simplistes.
Bien qu'oppposé à la conception suivant laquelle à un problème médiatisé à
l'excès il conviendrait d'apporter une réponse médiatique, je pouvais néanmoins
comprendre cette attitude de votre prédécesseur, et ce d'autant plus - je dois
le reconnaître - qu'elle était partagée par un certain nombre de mes amis élus
locaux qui sont confrontés à ces problèmes de banlieue et qui souhaitent lancer
un signal fort, même s'ils le savent inefficace, à une partie de leur
population exaspérée par ce problème.
Mais maintenant que la pression médiatique est retombée comme un soufflé,
monsieur le ministre - ce qui était prévisible, ainsi que je l'avais dit en
première lecture - pourquoi persister dans cette position, qui n'est d'ailleurs
peut-être pas spontanément la vôtre, puisque vous avez repris ce texte « en
marche », si je puis dire ?
Pourquoi faudrait-il nécessairement persister dans cette réponse purement
médiatique, qui ne traite pas le problème au fond ? Nous avons l'opportunité
d'apporter une bonne réponse à ce vrai problème, monsieur le ministre. Alors,
faisons-le ! On se grandit toujours à reconnaître qu'on s'est fourvoyé, surtout
quand ce n'est pas de son propre fait !
Cette solution de l'éradication des pitbulls est d'ailleurs bien une réponse
médiatique à un phénomène, certes inquiétant, mais dont il faut relativiser
l'ampleur réelle. Quel est, mes chers collègues, le chien auquel est imputable
l'écrasante majorité des accidents graves et des accidents mortels ? Dans plus
de 90 % des cas, c'est le berger allemand, ce sympathique Rintintinqui
évidemment, et heureusement pour lui, n'a pas la physionomie rebutante du
pitbull ou de la plupart des chiens molossoïdes.
Mais si votre souci est l'ordre public et la sécurité de nos concitoyens, il
faudra être logique, monsieur le ministre, en classant le berger allemand en
première catégorie et en l'éradiquant. Est-ce possible ? Evidemment, non - nous
le savons tous - et heureusement, car il y a en France des centaines de
milliers de bergers allemands qui ne demandent qu'à être les meilleurs
compagnons de l'homme.
Dès lors, votre dispositif ne serait-il donc applicable qu'aux races et types
de chiens peu nombreux, peu populaires et aux faciès peu sympathiques ?
Il s'agirait alors d'un dispositif qui aurait pour vertu l'exemplarité
médiatique, mais certainement pas l'efficacité réelle ! C'est donc un système à
géométrie très variable et très restreint dans l'espace ! Un système à la tête
du client, en somme... Et comme celle du pitbull n'est pas très esthétique...
le pitbull paiera pour les autres !
M. Gérard Cornu.
A la tête du chien !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
En ce qui concerne le pitbull, je souhaite rappeler
brièvement l'anecdote que j'ai déjà évoquée en première lecture et qui me
semble assez révélatrice.
Le centre d'instruction canine de la gendarmerie nationale avait acquis deux
pitbulls - parce que ses membres avaient, eux aussi, une conception, au début
de la polémique, issue de celle que leur avaient présentée les médias - pour
l'entraînement de ses équipes cynophiles à la capture des chiens dangereux. Mis
entre les mains de personnes équilibrées et responsables, ces deux chiens,
acquis jeunes, se sont révélés être incapables de jouer aux chiens agressifs et
ont donc connu une promotion dans leur carrière de chiens de gendarmerie : l'un
est devenu chien détecteur de stupéfiants et l'autre est désormais chien
d'avalanche.
Ce résultat me semble particulièrement édifiant, monsieur le ministre. Faut-il
toujours prévoir la stérilisation de ces deux compagnons de l'homme qui
contribuent maintenant à sauver des vies humaines ou, au contraire, faut-il
prendre toutes les dispositions pour qu'ils se reproduisent plus rapidement de
façon que l'on ait plus de chiens détecteurs de stupéfiants et plus de chiens
d'avalanche ? Non, mes chers collègues, je crois qu'il faut rester sérieux !
J'aurais encore une multitude d'autres arguments pour vous démontrer que ce
système de classification n'est pas fondé. Mais je suis bien obligé de limiter
mon propos et j'en viens donc maintenant aux arguments tenant au caractère
inapplicable de ce dispositif.
On nous a vanté le mérite de l'expérience britannique en cours depuis 1991,
avec le
Dangerous Dogs Act
, qui a instauré ce même dispositif
d'extinction progressive des pitbulls. Signalons au passage que le Royaume-Uni
est le seul pays anglo-saxon a avoir adopté ce système. Les autres pays -
Nouvelle-Zélande, Australie et bien d'autres - ont retenu le système de la
catégorie unique des chiens potentiellement dangereux, sur les propriétaires
desquels pèsent simplement des obligations spécifiques. Aucun autre pays au
monde n'a d'ailleurs retenu le dispositif légal britannique. Je suis persuadé
que la Grande-Bretagne ne le retiendrait plus aujourd'hui.
Or, quel est le résultat de cette expérience britannique ? Eh bien, mes chers
collègues, il est désastreux : prolifération des pitbulls, qui sont interdits,
et prolifération des contentieux judiciaires.
Prolifération des pitbulls tout d'abord, en raison du principe universel de
renchérissement du produit prohibé et du désir accru de transgression des
interdits, notamment pour une certaine population, à moins que l'on ne veuille
interdire la détention de pittbulls aux gens du XVIe - parce qu'il en existe -
en fermant les yeux sur la multiplication de ces chiens dans les banlieues ?
Cela a conduit au trafic illégal et à l'explosion de l'élevage et du commerce
clandestins des pitbulls.
Prolifération des contentieux judiciaires, ensuite, car nombre de chiens
saisis sont mal identifiés ou ne sont pas clairement identifiables au niveau de
leur race ou de leur type. Je vous rappelle que M. le ministre n'a parlé que de
« types ». Personne ne sait ce qu'est un « type ». Vous conviendrez avec moi
que c'est excessivement variable : rien ne ressemble plus à un pitbull qu'un
american staffordshire terrier - ou amstaff -, et pourtant ce n'est pas un
pitbull. Le pitbull n'est d'ailleurs pas une race selon certains experts, alors
qu'il en constitue bien une pour d'autres. Les Américains ont, sur ce point,
une opinion différente de celle des Français.
Si l'on considère les possibilités infinies de croisements entre races ou
types de chiens voisins, comment un policier de base, qu'il soit britannique ou
français, pourrait-il distinguer sans erreur un pitbull d'un american
staffordshire, comme vous l'avez rappelé tout à l'heure, alors que la
quasi-totalité des experts sont incapables de le faire à l'examen direct ?
Même une formation adaptée longue et coûteuse sera complètement inefficace et
inutile.
Il en résulte qu'au Royaume-Uni des chiens sont restés jusqu'à cinq ans en
fourrière - s'ils n'étaient pas dangereux en entrant, ils le sont devenus en
sortant - dans l'attente du procès de leur propriétaire. Après expertises et
contre-expertises multiples, les propriétaires ont souvent fini par obtenir
gain de cause, ce qui a coûté en vain beaucoup d'argent au contribuable
britannique. Sur un seul cas, l'Etat britannique a été condamné à 1,250 million
de francs de dommages et intérêts. Les seuls à se réjouir de tous ces
contentieux sont les avocats sujets de sa très gracieuse Majesté...
Est-ce ce même système que nous voulons adopter en France ? Je suggère, s'il
faut aller chercher nos modèles à l'étranger, d'en choisir de plus judicieux,
ayant, en outre, fait la preuve de leur efficacité, et surtout de ne pas
choisir ceux qui ont déjà fait la preuve de leur inefficacité !
Autre argument en faveur de l'inapplicabilité de ce dispositif : on nous vante
comme étant un avantage la souplesse de celui-ci. Dès que quelques accidents
mettant en cause telle race ou tel type de chiens surviendraient, on classerait
illico ceux-ci en seconde, voire en première catégorie, au gré des événements
et des besoins. On peut craindre quelques pressions médiatiques à venir sur les
pouvoirs publics responsables du classement, d'où un certain manque de
sérénité...
On peut constater, dans les réunions que vous avez évoquées tout à l'heure,
l'appréhension des responsables à parler de certaines races. Vous-même n'osez
pas en parler. Un animal présentant des caractères bien définis devrait
pourtant être qualifié du nom de sa race !
Mais c'est précisément la souplesse de ce système qui fera qu'il sera
inapplicable ou, pire, inopérant : une fois le pitbull classé en première
catégorie, que fera le délinquant, ce qu'il fait d'ailleurs déjà ? Il se
tournera vers un autre chien classé en seconde catégorie, comme l'amstaff, le
mastiff, le bull-dog, le dogue allemand, le dogue de Bordeaux, le mâtin de
Naples, le boerbull, le rottweiler, etc., dont beaucoup sont d'ailleurs
nettement plus puissants, et de loin, que le pitbull.
M. Gérard Cornu.
Eh oui ! c'est cela le problème !
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Si ces chiens sont classés à leur tour en première catégorie,
il restera toujours la ressource d'acquérir un doberman, un boxer, un malinois,
un berger allemand, chiens dont j'ai rappelé qu'ils étaient potentiellement
très dangereux. En tant que professionnel, je me fais fort de vous prouver que
l'on peut rendre très agressif le moindre chiot de quelque race qu'il soit si
on le prend avant l'âge de deux mois.
Le réservoir des races ou types de chiens potentiellement dangereux est
absolument inépuisable et tous ces chiens peuvent devenir réellement dangereux
s'ils sont mis entre de mauvaises mains. On en revient donc toujours au
problème de fond : le vrai danger, c'est le propriétaire dangereux. Celui-ci
aura toujours une longueur d'avance sur les pouvoirs publics et leur «
magnifique » classement en deux catégories, absolument inutile.
Je vois encore une autre raison pour laquelle ce dispositif serait
inapplicable : les limitations draconniennes liées à la détention des chiens de
première catégorie, particulièrement l'obligation de stérilisation, pèseraient
en priorité sur les propriétaires responsables, citoyens honnêtes, qui sont
bien évidemment plus facile à contrôler que les délinquants. J'ai pu en faire
la constatation tous les jours, en ma qualité de président du district urbain
de Mantes-la-Jolie.
En revanche, les délinquants pourraient continuer, sans être trop inquiétés,
l'élevage, le commerce et le dressage clandestins, puisque ce dernier est déjà
clandestin, je tiens à le dire. Dans les tours et les caves du Val-Fourré, il y
a déjà de nombreux élevages clandestins pour lesquels on n'intervient que très
rarement. On préfère intervenir dans le pavillon d'une commune voisine, où
c'est beaucoup plus facile !
Toutes ces raisons militent clairement, monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, en faveur de la suppression de la classification
des chiens potentiellement dangereux en deux catégories et de la suppression
corollaire de l'éradication des chiens classés en première catégorie.
Au risque de me répéter encore une fois, mais l'argument est fondamental,
cette opinion est à 95 % celle des professionnels et experts canins, au nombre
desquels figurent les membres de l'académie vétérinaire, qui m'ont communiqué
officiellement leur hostilité à ce dispositif.
Pourquoi le législateur élaborerait-il une loi qui va à l'encontre de l'avis
de tous les experts et professionnels du domaine que cette loi concerne ? Je ne
connais pour ma part aucun exemple d'une loi adoptée dans de telles
circonstances. Et quand bien même il en existerait un, cette loi serait
probablement l'une des plus mauvaises et l'une des moins applicables.
C'est pourquoi la commission des affaires économiques et du Plan et son
rapporteur vous mettent en garde, monsieur le ministre. Bien que saluant comme
bienvenu le volet « protection animale » du présent projet de loi et bien
qu'adoptant la plupart des dispositions relatives à son volet « animaux
dangereux et errants », nous ne pourrons néanmoins cautionner le dispositif de
la classification en deux catégories et de l'éradication des chiens classés en
première catégorie. Sur ce point, le texte qui est soumis à notre examen est
une réponse médiatique réchauffée, infondée, inutile et qui se révélerait, si
elle était adoptée, rapidement inefficace et inapplicable. Il s'agit donc d'une
mauvaise réponse à un véritable problème.
Comme en première lecture, le Sénat, et c'est à son honneur, n'avalisera pas,
en tout cas je le souhaite, cette erreur évidente.
Il est dangeureux, monsieur le ministre, plus dangereux encore que les chiens
ainsi qualifiés, d'aller contre l'évidence, surtout quand on est prévenu du
risque.
Monsieur le président, mes chers collègues, sous réserve du vote des
amendements qu'il vous présentera, au nom de la commission des affaires
économiques et du Plan, et particulièrement sous réserve du vote de
l'amendement relatif à la suppression du dispositif précédemment décrit, le
rapporteur vous proposera d'adopter le présent projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
Mes chers collègues, je vous rappelle que la cérémonie d'hommage aux sénateurs
et fonctionnaires du Sénat morts pour la France a lieu aujourd'hui, à douze
heures.
Je suspendrai donc la séance vers onze heures cinquante-cinq, de façon à
permettre à ceux d'entre vous qui le souhaitent de s'associer à la cérémonie.
La séance sera reprise vers douze heures quinze.
En conséquence, j'invite les deux orateurs inscrits dans la discussion
générale, mais également M. le rapporteur, qui vient de donner abondamment son
sentiment et qui a présenté par anticipation les amendements qu'il défendra
tout à l'heure, au maximum de concision de telle sorte que nous terminions
l'examen de ce texte à une heure raisonnable.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte
revient en deuxième lecture au Sénat après avoir été profondément remanié par
la majorité de l'Assemblée nationale.
Celle-ci est en fait revenue au premier texte en rétablissant le dispositif
initial, à savoir l'instauration de deux catégories de chiens susceptibles
d'être dangereux.
Il convient de rappeler que le classement en deux catégories de ces chiens
permet de graduer, en fonction de la dangerosité potentielle, les mesures
applicables aux chiens et les sanctions applicables à leurs maîtres, comme vous
l'avez justement rappelé, monsieur le ministre.
En fait à ce texte pourrait s'intituler : projet de loi relatif à la
protection de l'homme et à la protection des animaux, car c'est bien de cela
qu'il s'agit, monsieur le rapporteur.
Etant, de par ma profession, au contact des animaux, non pas certes
spécialement des chiens, j'ai pleinement conscience du rôle de l'homme en
contact avec l'animal, comme cela a été largement évoqué lors de la première
lecture et comme vous l'avez dit vous-même à l'instant dans votre plaidoyer,
monsieur le rapporteur ; il n'en reste pas moins que la race de l'animal le
prédispose également à tel ou tel comportement, indépendamment du milieu dans
lequel il évolue.
Un chien, quelle que soit sa race, se souviendra toujours de celui qui l'a
maltraité. S'il est d'une race domestique, il gardera une rancoeur par rapport
à l'auteur de ce méfait. En revanche, il risque de devenir définitivement
agressif s'il est d'une race affichant un caractère plus agressif
naturellement.
Par ailleurs, nous devons nous interroger sur l'évolution de notre société et
sur la volonté de puissance et de pouvoir éprouvée par certains de nos
compatriotes qui, faute d'avoir accès normalement à la reconnaissance d'autrui,
à la confiance que donne le métier ou l'activité en général, l'exclusion
aidant, recherchent, soit pour pallier leur faiblesse, soit pour aller dans le
sens de leur agressivité ou de leur violence, la présence à leur côté d'un
chien de combat.
La presse, malheureusement, nous relate régulièrement, dans la colonne des
faits divers, des incidents graves imputables à des pitbulls, dogues argentins
ou autres issus de croisement, dressés pour attaquer et mordre et qui
deviennent aujourd'hui de véritables armes.
C'est une grave préoccupation de la population, des pouvoirs publics et des
collectivités locales que ces nouveaux problèmes liés à l'insertion de l'animal
de compagnie, notamment en milieu urbain.
Nous pourrions peut-être profiter de ce temps fort de réflexion pour redéfinir
également la fonction de cet animal familier dans notre société. Jusqu'à
maintenant, aucune loi n'a fixé de cadre aux activités liées aux animaux de
compagnie ou à la détentation de certains d'entre eux, ce qui pose un problème
de sécurité publique, bien entendu.
L'augmentation du nombre de chiens potentiellement agressifs et leur
utilisation à des fins délinquantes dans les cités - vous l'avez rappelé,
monsieur le rapporteur - est malheureusement une réalité et pose clairement le
problème de la cohabitation entre l'homme et le chien dans certaines zones.
Mode peut-être, phénomène de société ou autre, il convient de réglementer ce
qui constitue un problème pour notre société. Faute de pouvoir éduquer tous les
propriétaires de chiens, il s'impose à nous d'élaborer une loi, la plus simple
possible, pour qu'elle soit réaliste et fonctionnelle.
Une définition des races et leur classement en deux catégories par arrêté
interministériel devraient voir le jour rapidement, monsieur le ministre. Un
classement clair et des déclarations en mairie permettraient, comme nous le
proposent l'Assemblée nationale et vous-même, monsieur le ministre, de répondre
à cette exigence de simplicité.
Enfin, plus de clarté entre les professionnels et les éleveurs amateurs serait
nécessaire, et la référence à deux portées par an pourrait être une bonne
moyenne.
Le renforcement du rôle des services vétérinaires et du maire dans ce domaine
ne peut que faciliter la maîtrise de la sécurité des populations, mais aussi la
protection des animaux.
Comme l'a dit mon ami Bernard Dussaut lors de la première lecture de ce texte,
nous adhérons à la démarche qui nous est proposée en distinguant clairement
deux catégories de chiens susceptibles d'être dangereux.
Il ne faudrait pas trop inverser les rôles : il n'y a pas de bons chiens et
quelques mauvais maîtres ; il y a aussi de très mauvais chiens qu'il convient
de maîtriser avec sévérité, la loi et la justice étant déjà prévues pour les
hommes.
Cette catégorie de chiens d'attaque devrait, grâce à l'interdiction de leur
commercialisation ou de leur acquisition, ainsi que par une mesure obligatoire
de stérilisation, s'éteindre progressivement en quelques années.
La deuxième catégorie, celle des chiens de garde et de défense, requiert des
mesures de responsabilisation des maîtres, sans pour autant que l'élimination
de ces types de chiens soit prévue.
Pour toutes ces raisons, et malgré les réelles difficultés d'application qu'il
ne manquera pas de susciter - j'en conviens -, tout en saluant le travail de
notre rapporteur, nous restons globalement favorables au texte qui nous est
proposé à la fois par l'Assemblée nationale et par vous-même, monsieur le
ministre.
En conséquence, je suis au regret de vous dire, monsieur le rapporteur, que,
malgré votre plaidoyer enflammé, nous ne pouvons vous suivre sur la totalité de
vos conclusions.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Le contraire m'aurait étonné !
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte
relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux nous
revient aujourd'hui pour un second examen.
En première lecture, le Sénat avait substantiellement modifié le dispositif
proposé par le Gouvernement, ce qui avait conduit mon groupe à s'abstenir.
Pour leur part, les députés ont, en deuxième lecture, rétabli le texte
qu'avait adopté à l'unanimité l'Assemblée nationale, tout en tenant compte dans
le même temps d'améliorations fort utiles apportées par le Sénat.
Dans ces conditions, un accord aurait pu intervenir entre les deux chambres,
le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale étant adopté conforme. Nous
aurions ainsi fait l'économie d'une commission mixte paritaire, voire d'une
dernière lecture à l'Assemblée nationale, en cas d'échec. En termes
d'efficacité et de lisibilité par la population, une telle démarche aurait été
plus constructive.
Telle n'est cependant pas la voie empruntée par la majorité sénatoriale de
droite, puisque M. le rapporteur de la commission des affaires économiques et
du Plan a déposé des amendements, dont le sort est sans surprise.
M. Dominique Braye,
rapporteur.
Qu'est-ce que la droite et la gauche ont à voir là-dedans
!
M. Gérard Le Cam.
Vous tenez donc, une fois n'est pas coutume, à marquer de votre empreinte, mes
chers collègues, un projet de loi gouvernemental.
Sur deux questions non négligeables, le Sénat s'est rallié avec raison à la
position de l'Assemblée nationale. Il s'agit : d'une part, du maintien de la
suppression du fichier institué par le Sénat, recensant les personnes
auxquelles la garde d'un animal a été retirée ; d'autre part, du retour au
dispositif de déclaration
a posteriori
à la place du régime
d'autorisation de détention
a priori.
Il demeure néanmoins d'autres sujets de discorde entre les deux chambres.
Je pense surtout, pour n'en citer qu'un, au classement, prévu à l'article 2 du
projet de loi, des chiens susceptibles d'être dangereux en deux catégories :
les chiens d'attaque d'une part, les chiens de garde et de défense d'autre
part.
Le Sénat, en première lecture, a supprimé ces deux catégories pour n'en
conserver qu'une : les types de chiens susceptibles d'être dangereux.
Or cette suppression annule les obligations qui pèsent sur les détenteurs de
chiens dangereux, à savoir : l'interdiction d'acquérir de tels chiens, de les
céder, de les importer, l'obligation de stériliser les chiens d'attaque et
l'interdiction pour ces mêmes chiens de circuler dans les transports en commun
et dans les locaux ouverts au public.
Malgré le rétablissement par l'Assemblée nationale de ces deux catégories de
chiens, la majorité sénatoriale campe sur sa position en maintenant une seule
catégorie.
Cette démarche est contraire à la philosophie générale du texte. Elle brise en
effet l'ossature du dispositif proposé et, par là même, l'efficacité
recherchée.
Les mesures proposées par le Gouvernement ont l'avantage de traiter le
problème créé par les chiens potentiellement agressifs sur le plan de la
prévention comme sur celui de la répression.
C'est pourquoi nous approuvons le projet modifié par l'Assemblée nationale, en
réitérant toutefois les réserves qu'avait émises Louis Minetti le 19 mai
dernier quant aux moyens afférents à la mise en oeuvre de ce texte ainsi qu'aux
nouvelles responsabilités qui incombent désormais aux maires en la matière.
Si le texte est amendé comme le proposera la commission, nous nous
abstiendrons, comme nous l'avions fait le 19 mai.
Mes chers collègues, je vous remercie de l'attention que vous avez bien voulu
porter à ma première intervention à cette tribune.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 1er