Séance du 29 juin 1998
ALLÉGEMENT DES CHARGES
SUR LES BAS SALAIRES
Adoption des conclusions
du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 500,
1997-1998) de M. Alain Gournac, fait au nom de la commission des affaires
sociales, sur la proposition de loi (n° 372 rectifié, 1997-1998) de MM.
Christian Poncelet, Jean-Pierre Fourcade, Josselin de Rohan, Maurice Blin et
Henri de Raincourt, tendant à alléger les charges sur les bas salaires.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui la
proposition de loi n° 372 rectifié, tendant à alléger les charges sur les bas
salaires, telle qu'elle a été déposée par MM. Christian Poncelet,
Jean-PierreFourcade, Josselin de Rohan, Maurice Blin et Henri de Raincourt.
Cette proposition reprend les termes de la proposition de loi n° 628,
présentée le 14 janvier 1998 à l'Assemblée nationale par MM. François Bayrou,
Jean-Louis Debré, Jacques Barrot, Franck Borotra, Robert Galley, Yves Nicolin
et les membres des groupes UDF et RPR.
Cette proposition de loi avait été rapportée par M. Yves Nicolin, le 28
janvier 1998, devant la commission des affaires culturelles, familiales et
sociales de l'Assemblée nationale.
Le rapporteur avait alors constaté les premiers bénéfices de l'allégement des
charges sur les bas salaires et la nécessité de les amplifier et de les étendre
progressivement tout en conservant la maîtrise financière du dispositif. Il
insistait par ailleurs sur l'intérêt de prévoir des garanties en termes
d'emplois.
Il proposait pour cela de « mettre en place, selon un système unifié à partir
du 1er janvier 2000, une réduction des cotisations patronales d'un champ plus
large et d'un niveau supérieur par rapport à celle qui avait été mise en place
à titre temporaire par l'article 113 de la loi de finances pour 1996 et dont la
portée a été réduite par la dernière loi de finances ».
Cette mesure devait permettre aux entreprises concernées, sous réserve de la
signature de conventions au niveau des branches professionnelles, de bénéficier
d'un allégement de leurs charges sociales.
La commission des affaires culturelles, après avoir débattu du contenu de la
proposition de loi, avait alors décidé de suspendre ses travaux avant la
discussion des articles ; elle n'a donc pas présenté de conclusions avant le
passage en séance publique.
Le débat en séance publique a eu lieu le vendredi 30 janvier 1998, au moment
même où l'Assemblée nationale examinait le projet de loi d'orientation et
d'incitation relatif à la réduction du temps de travail. A cette occasion, le
Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale ont fait part de leur
opposition à la proposition de loi et de leur préférence pour la poursuite du
plan emplois-jeunes et la réduction du temps de travail accompagnée de la
baisse de la durée légale. A l'issue de la discussion générale, l'Assemblée
nationale a décidé de ne pas passer à la discussion des articles ; la
proposition de loi n'a donc pas été adoptée.
Pourquoi, dans ces conditions, devrions-nous examiner à nouveau ce texte ?
Je remarque tout d'abord que les articles n'ont été étudiés ni en commission
ni en séance publique. Je crois que la question du chômage justifie pleinement
l'examen de manière approfondie de toutes les solutions qui peuvent permettre
de créer des emplois. C'est là une première raison qui justifie, à mon sens, un
nouvel examen de cette proposition de loi par le Parlement.
Par ailleurs, je ne partage pas l'opinion du Gouvernement qui consiste à
considérer que la loi sur les 35 heures doit constituer l'alpha et l'oméga des
politiques de l'emploi. Cette loi a été promulguée ; je ne proposerai pas son
abrogation.
M. Guy Fischer.
Heureusement !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Le débat démocratique a eu lieu au Parlement, le Sénat a fait
part de ses réserves et de ses oppositions. Il a longuement développé ses
propres propositions ; il ne lui revient pas maintenant de pratiquer une
politique d'obstruction.
Je remarque simplement que les critiques ne se sont pas tues, qu'elles
abondent de tous côtés, de nos partenaires européens, des partenaires sociaux.
Chacun a bien conscience que le Gouvernement s'y est mal pris et que les
résultats ne seront pas à la hauteur de ses attentes. Comme le déclare Pierre
Larrouturou dans son dernier ouvrage, « plus personne, ou presque, ne pense que
la loi-cadre sur les 35 heures sera efficace contre le chômage de masse.
"Trente-cinq heures sans perte de salaire", le slogan des législatives, se
révèle être un piège dangereux ».
La deuxième loi à venir en 1999 sera l'occasion pour nous de demander des
modifications et de préciser nos propositions en matière de réduction du temps
de travail. Cela ne veut pas dire que la promulgation de la loi sur les 35
heures doit mettre un terme au débat sur l'allégement des charges sociales.
Celui-ci ne doit pas être considéré comme une simple alternative aux 35
heures.
La réduction des charges prévue par le texte du Gouvernement sous la forme
d'une majoration de 4 000 francs de l'aide forfaitaire est en effet très
insatisfaisante parce qu'elle est temporaire et conditionnée à la réduction du
temps de travail.
M. Christian Poncelet.
C'est bien vrai !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
En tant que président de la commission d'enquête chargée de
recueillir des éléments d'information sur les conséquences financières,
économiques et sociales de la décision de réduire à 35 heures la durée
hebdomadaire du travail, et après avoir souligné le travail de notre collègue
Louis Souvet, qui a rapporté excellemment cette proposition de loi au nom de
notre commission, je souhaite rappeler que le Sénat ne s'est jamais opposé au
principe de la réduction du temps de travail.
Il a seulement refusé le principe de l'abaissement de la durée légale du
travail de manière autoritaire. Pour ce qui est du dispositif d'incitation
financière, chacun a pu constater que le reprofilage de la loi Robien défendu
par le Sénat et le dispositif du Gouvernement avaient beaucoup de points
communs.
A cet égard, je souscris au propos de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi,
lorsqu'elle déclarait, le 30 janvier à l'Assemblée nationale, que la réduction
du temps de travail et celle des charges sociales sur les bas salaires ne
constituaient pas des politiques antagonistes.
Je ferai simplement quelques observations qui mettront en évidence des
contradictions d'un Gouvernement qui affirme soutenir l'allégement des charges
sociales alors que, dans le même temps, il réduit les crédits qui y sont
consacrés, et cela au moment même où les résultats commencent pleinement à se
faire sentir.
Sur l'efficacité des allégements de charges sociales, tout d'abord, les faits
parlent d'eux-mêmes. Il est en effet très difficile de refuser tout lien entre
la politique menée depuis plusieurs années et la reprise des créations
d'emplois observée depuis un an.
Je rappellerai que la « ristourne unique dégressive » mise en place en octobre
1996 représentait une exonération des cotisations équivalente à 18,2 % du
salaire au niveau du SMIC, s'annulant à 1,33 SMIC et d'un montant maximal de 1
213 francs.
Comme le précise d'ailleurs très justement M. Yves Nicolin, rapporteur de la
commission des affaires culturelles, « depuis 1993, ces différentes mesures ont
permis d'abaisser le coût du travail peu qualifié et celui du travail à temps
partiel et expliquent l'essentiel des 240 000 emplois qui ont pu être créés en
France depuis cette date malgré la faible croissance économique qu'a connue
l'ensemble de l'Europe ».
On ne peut, dans ces conditions, que s'étonner des décisions ambiguës prises
par le Gouvernement à l'occasion de la loi de finances pour 1998. D'une part,
il a pérennisé un dispositif temporaire, consacrant ainsi son utilité et son
caractère indispensable à la survie et à la compétitivité de certaines
entreprises, alors que, d'autre part, il restreint la portée de l'exonération
pour des raisons financières, entravant par là même son efficacité.
Depuis le mois de janvier, le montant maximum du salaire ouvrant droit à
l'exonération a été abaissé de 1,33 à 1,3 SMIC, le montant maximal de la
réduction a été gelé à 1 213 francs et l'exonération est désormais calculée au
prorata du nombre d'heures rémunérées en cas de travail à temps partiel.
Il convient de rappeler que, suite à une décision de la Commission de
Bruxelles, les entreprises des secteurs du textile, de l'habillement, du cuir
et de la chaussure ne pourront plus bénéficier du dispositif mis en place par
la loi du 12 avril 1996, à moins que lesdites entreprises n'aient pas reçu plus
de 100 000 écus d'aides publiques sur les trois dernières années ; c'est la «
règle des minimis » fixée par la Commission européenne.
Le dispositif mis en place par le Gouvernement pour prolonger le plan textile
apparaît comme très insuffisant. Il pourrait remettre en question, à terme, les
effets structurels sur l'emploi de l'allégement des charges.
Dans ces conditions et pour préserver la dynamique mise en oeuvre depuis
plusieurs années, il convient de généraliser les allégements massifs de charges
sociales sur les bas salaires. Cette généralisation est tout à fait conforme au
droit européen, puisque c'est le caractère sectoriel de l'aide qui avait été
dénoncé par les instances européennes. Cette généralisation devrait, selon
toute vraisemblance, donner un coup de fouet aux créations d'emplois, même si
la montée en puissance du dispositif ne pourra être que progressive.
Tous les économistes s'accordent, en effet, pour considérer qu'un délai de
trois à cinq ans est nécessaire pour observer pleinement l'efficacité des
baisses de charges sociales.
La loi sur les 35 heures ayant été promulguée la semaine dernière et le plan
emplois-jeunes ayant toujours du mal à trouver son public en dehors du secteur
public, c'est l'enrichissement de la croissance en emplois qui doit être
considéré comme le vecteur principal des créations d'emplois observées depuis
plusieurs mois.
Nous ne pouvons que nous réjouir que le nombre de demandeurs d'emploi ait
baissé de 3,4 % entre avril 1997 et avril 1998. Cependant, le taux de chômage
reste encore trop élevé dans notre pays. Il se situe autour de 12 %, alors que
des pays aussi différents que les Pays-Bas, l'Autriche, la Suède et la
Grande-Bretagne ont des taux compris entre 5 % et 7 %.
Chacun sait que le taux de chômage français trouve son origine dans des
rigidités structurelles propres au fonctionnement du marché du travail. Le coût
élevé du travail de main-d'oeuvre constitue une partie du problème ; le coût
horaire de la main-d'oeuvre française serait supérieur de 28 % à la
main-d'oeuvre italienne et de 38 % à la main-d'oeuvre anglaise.
Dans ces conditions, le passage à la monnaie unique pourrait donner lieu, si
aucune précaution n'était prise, à une concurrence sociale entre les pays qui
pourrait se traduire par un supplément de chômage en France.
Pour prévenir ce risque, certains économistes préconisent une remise en
question du SMIC ; techniquement, le raisonnement est valable, mais je ne pense
pas que cette solution puisse constituer un projet d'espoir pour les salariés ;
je considère que le problème réside dans le poids excessif des charges sociales
que supportent les salariés payés autour du SMIC.
M. Christian Poncelet.
Eh oui !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
En fait, je crois que l'allégement des charges sur les bas
salaires constitue l'unique alternative à une remise en cause de la
réglementation sur le salaire minimal.
J'ai la conviction que le travail doit en effet être convenablement rémunéré
pour pouvoir constituer un facteur d'intégration et de reconnaissance sociale.
A cet égard, une réflexion sur un salaire minimal européen aurait tout son
sens, il conviendrait simplement de le fixer à un niveau tel qu'il ne constitue
pas un obstacle à l'entrée sur le marché du travail pour les travailleurs les
plus fragilisés.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
La mise en place d'un salaire minimal en Grande-Bretagne
constitue un bon exemple de cette convergence sociale que nous appelons de nos
voeux.
Dans cette attente, la présente proposition de loi a pour objet de faire
franchir une nouvelle étape à la politique d'allégement des charges et de
consolider l'application de cette politique dans le secteur du textile, du cuir
et de l'habillement,...
M. Jean Chérioux.
Très bien ! Il en a besoin !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
... secteur dans lequel l'expérience conduite depuis 1996 a
particulièrement bien réussi.
M. Marcel Debarge
Elle n'a pas été appréciée !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Il faut en parler aux patrons, leur demander leur sentiment
!
M. Marcel Debarge.
Je parlais des salariés !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Elle prévoit une généralisation progressive des baisses de
charges en fonction de la proportion des bas salaires et des travailleurs
manuels dans chaque entreprise, selon un calendrier précis.
Les emplois les plus sensibles au coût du travail se trouvent dans les
entreprises dans lesquelles la part de la main-d'oeuvre dont la rémunération
est proche du SMIC et la part de la main-d'oeuvre ouvrière - au sens de la
classification de l'INSEE - sont les plus importantes.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales vous propose, mes chers
collègues, de prendre en compte ces deux critères en calculant le produit du
nombre de salariés recevant jusqu'à 1,33 SMIC par le nombre de travailleurs
manuels, rapporté au nombre total d'employés. Ce produit peut être considéré
comme un bon indicateur des entreprises à aider en priorité plus il est élevé,
plus la réduction de charges sociales serait importante dès l'entrée en vigueur
du présent texte.
L'article 1er de la proposition de loi prévoit que, dans un premier temps, les
baisses des charges seront modulées en retenant trois modalités de calcul
différentes à partir du 1er janvier 1999.
Bénéficieront d'une réduction de charges équivalente à 26 % du SMIC au niveau
du SMIC, soit 1 730 francs, réduction dégressive qui s'annule à 1,4 SMIC, les
entreprises ayant le plus fort taux de travailleurs manuels et à bas salaire,
entreprises dont le produit P est supérieur à 0,36. Ces entreprises sont
particulièrement nombreuses dans les secteurs de l'agriculture, du
textile-habillement-cuir-chaussure, des services aux personnes, de
l'agroalimentaire, du bois et des équipements du foyer, qui emploient 18 % des
bas salaires français et 23 % des ouvriers.
Bénéficieront d'une réduction de charges équivalente à 22 % du SMIC au niveau
du SMIC, soit 1 470 francs, réduction dégressive qui s'annule à 1,36 SMIC, les
entreprises, qui sont particulièrement nombreuses dans les secteurs du bâtiment
et des travaux publics, du commerce, de la réparation automobile et des
minéraux, dont le produit P est compris entre 0,20 et 0,36. Elles emploient 13
% des bas salaires français et 21 % des ouvriers.
Bénéficieront d'une réduction de charges équivalente à 18,2 % du SMIC au
niveau du SMIC, soit 1 213 francs, réduction dégressive qui s'annule à 1,33
SMIC, les autres entreprises, celles dont le produit P est inférieur à 0,20.
Au 1er janvier 2000, puis au 1er janvier 2001, on appliquera progressivement à
l'ensemble de l'économie une réduction de charges équivalant à 26 % du SMIC,
soit 1 730 francs, ce qui aboutira à la suppression de toute complexité : c'est
l'objet des articles 2 et 3 de la présente proposition de loi.
Bien entendu, on pourra considérer que la montée en puissance du dispositif
impose la mise en oeuvre de revenus techniques assez compliqué, mais je ferai
simplement remarquer que les chefs d'entreprise sont maintenant assez familiers
des mesures d'allégement de charges et que le déploiement de l'aide se fait
naturellement, sans qu'il soit besoin de procéder au moindre calcul. C'est la
situation de l'entreprise, diagnostiquée au départ, qui détermine le calendrier
des allégements qui est applicable à celle-ci.
Le coût de ce dispositif, ainsi que les modalités de son financement, ont pu
être considérés comme des obstacles à sa mise en oeuvre.
Ainsi, lors du débat à l'Assemblée nationale, Mme le ministre de l'emploi et
de la solidarité a fait état d'une estimation selon laquelle ce coût atteignait
30 milliards de francs par an, ce qui, compte tenu des 40 milliards de francs
que représente déjà la ristourne dégressive, porterait à 70 milliards de francs
le coût des allégements de charges sur les bas salaires.
Il ne peut être question de s'engager ici dans une bataille de chiffres, car
les estimations sont très difficiles lorsque l'on cherche à évaluer le coût de
ce genre de dispositif. Je rappellerai seulement que M. Yves Nicolin,
rapporteur de l'Assemblée nationale, estimait celui-ci à 21 milliards de francs
et le comparait au coût, estimé à 75 milliards de francs, de la généralisation
de la réduction du temps de travail.
En fait, comme c'était le cas pour la réduction du temps de travail dans le
dispositif Robien, ces allégements généreront des recettes publiques grâce aux
emplois créés ; ils s'autofinanceront donc avec le léger décalage nécessaire
pour créer ces emplois, même si l'exemple du textile montre que l'impact sur
l'emploi peut être immédiat et l'autofinancement largement assuré.
Cependant, pour des raisons évidentes, la proposition de loi est gagée - c'est
l'objet de l'article 4 - par une taxe additionnelle aux taxes prévues aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. Il s'agit de la taxe sur les
tabacs.
De toute façon, une réforme des différents dispositifs d'aide à l'emploi
permettrait d'éviter, le cas échéant, que le coût lié à la montée en puissance
du dispositif ne se répercute sur les finances publiques.
Enfin, je tiens à faire part de mon étonnement quand je constate que l'on met
en avant son coût pour justifier le rejet d'un dispositif de lutte contre le
chômage. Lorsque plusieurs millions de personnes sont confrontées chaque jour à
la détresse de l'inactivité et de l'insuffisance de revenu, lorsque le risque
de l'exclusion pointe, avec son cortège de souffrances, le seul critère valable
doit être celui de l'efficacité.
M. Christian Poncelet.
Eh oui !
M. Jean Chérioux.
Tout à fait exact !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Quels pourraient être les résultats, en termes d'emploi, d'un
allégement massif des charges sociales sur les bas salaires ? Il est, bien
entendu, très difficile de faire des estimations. Je préfère m'appuyer sur un
exemple, celui de la région Auvergne, qui a décidé de compléter les dispositifs
d'allégement existants pour ramener à 10 % du coût du SMIC le total des
cotisations sociales pour toute nouvelle embauche de salariés, peu ou
moyennement qualifiés, dans les entreprises de moins de cinq cents salariés. La
mesure a d'ores et déjà permis la création de près de 2 500 emplois en huit
mois.
La commission des affaires sociales considère, dans ces conditions, qu'une
extension massive de l'allégement des charges sociales à l'ensemble du pays et
à tous les salariés qui reçoivent une rémunération inférieure ou égale à 1,4
SMIC, et non seulement aux nouveaux embauchés comme c'est le cas dans l'exemple
auvergnat, pourrait créer plusieurs centaines de milliers d'emplois en peu de
temps.
C'est pourquoi elle vous propose d'adopter ses conclusions, qui reprennent le
texte initial de la proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Poncelet.
M. Christian Poncelet.
Monsieur le président, madame « la » secrétaire d'Etat - puisque telle est,
paraît-il, la nouvelle formule, je me dois d'y souscrire
(Sourires)
...
MM. Guy Fischer et Marcel Debarge.
Très bien !
M. Robert Pagès.
Il y a du progrès !
M. Christian Poncelet.
... mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui, dans le cadre de l'ordre
du jour réservé au Sénat, en application de l'article 48, alinéa 3, de la
Constitution, d'une proposition de loi tendant à alléger les charges sur les
bas salaires, que j'ai eu l'honneur de déposer avec mes collègues M.
Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales, que je
salue, M. Josselin de Rohan, président du groupe du Rassemblement pour la
République, M. Maurice Blin, président du groupe de l'Union centriste, et M.
Henri de Raincourt, président du groupe des Républicains et Indépendants.
Il m'apparaît d'autant plus symbolique que cette discussion prenne place dans
notre ordre du jour réservé qu'il s'agit d'un texte à la fois plus libéral et
plus ambitieux que la loi relative à la réduction du temps de travail à
trente-cinq heures. En effet, cette proposition de loi vise à donner aux
entreprises les moyens de privilégier l'emploi productif sans leur imposer des
contraintes qui seraient incompatibles avec les règles de la concurrence
internationale.
Je ne reviendrai pas sur le dispositif technique que nous préconisons, le
rapporteur, M. Alain Gournac, l'ayant excellemment et fort complètement
exposé.
Je dirai simplement qu'il s'agit d'un dispositif simple et efficace - du
moins, j'ai la faiblesse de le penser - consistant à mettre en place un
allégement généralisé des charges sociales, sur trois ans, en fonction de la
proportion de bas salaires et de travailleurs manuels dans l'entreprise. Cela
supprime toute référence à un critère sectoriel et rend donc ce dispositif
compatible avec le droit communautaire.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Exactement !
M. Christian Poncelet.
Le système que nous vous proposons, mes chers collègues, est tout à la fois
efficace - il a déjà fait ses preuves - et indispensable pour notre pays, celui
qui connaît le plus fort taux de chômage au sein du G7.
Je n'insisterai pas sur cette fameuse « exception française » dont il a déjà
été beaucoup question, la semaine dernière, à l'occasion du débat d'orientation
budgétaire et à propos de laquelle j'ai interrogé M. le ministre de l'économie
et des finances.
Afin de lutter contre cette bien triste particularité française qu'est le
chômage, nous souhaitons rénover le dispositif d'allégement des charges
sociales dit de la « ristourne dégressive fusionnée ».
Ce dispositif, je l'ai dit, a déjà fait ses preuves, mais il nous faut
maintenant impérativement en accroître significativement la portée puisque le
gouvernement actuel l'a singulièrement réduite l'année dernière.
Ce dispositif d'allégement des charges a pourtant montré toutes ses qualités
en 1996 et en 1997, non seulement dans le secteur du textile, mais aussi dans
l'habillement, le cuir et la chaussure, où une ristourne spécifique s'est
appliquée à hauteur d'une fois et demie le SMIC, et ce n'est pas M. Fischer,
élu d'une région textile, qui me contredira sur les effets favorables de ce
dispositif.
Comme l'a souligné M. Maurice Ligot dans son rapport d'information sur « le
droit communautaire et le dispositif d'allégement des charges sociales dans
l'industrie du textile », fait au nom de la délégation pour l'Union européenne
de l'Assemblée nationale, « ce plan d'aide a permis de freiner les suppressions
d'emplois, de les stabiliser, voire d'augmenter légèrement les effectifs ».
Ainsi, alors que le secteur du textile allait subir une hémorragie de ses
effectifs de l'ordre de 12 % en 1996, ce plan d'aide a permis de stabiliser les
emplois au cours du second semestre de 1996, puis de les accroître légèrement
au cours du premier semestre de 1997, et cela pour la première fois depuis
quinze ans.
Parallèlement, les conventions conclues avec les branches concernées ont
permis l'embauche - et une vraie embauche ! - de près de 10 000 jeunes en
dix-huit mois.
Aussi, je regrette que ce plan spécifique d'allégement des charges sociales
ait été déclaré non conforme aux règles de la concurrence communautaire par la
Commission de Bruxelles et que son application n'ait pu être reconduite en
1998.
De ce fait, si nous ne prenons aujourd'hui aucune disposition nouvelle, si
nous laissons les choses en l'état, la France pourrait perdre 100 000 emplois
en trois ans dans les secteurs que j'ai mentionnés. C'est la raison pour
laquelle, au Sénat, nous avons cru devoir intervenir en soumettant cette
proposition à l'appréciation du Parlement.
M. Robert Pagès.
Ce n'est pas une bonne proposition !
M. Christian Poncelet.
Nous n'avons pas le même jugement, mon cher collègue, mais je vous convaincrai
!
(Sourires.)
Je déplore d'autant plus cette décision de non-reconduction que, en 1996
et 1997, ce plan avait porté ses fruits ; je le répète, car, les professeurs le
savent bien, la répétition a un pouvoir pédagogique : en me répétant, j'espère
augmenter mes chances d'être entendu !
Au demeurant, grâce au succès qu'elle a rencontré dans le secteur du textile,
cette politique d'allégement des charges sur les bas salaires fait désormais
l'objet d'un consensus général. L'abaissement du coût du travail, et plus
particulièrement du coût du travail faiblement qualifié, est en effet presque
unanimement considéré comme une mesure favorable à l'emploi, tant par certains
syndicats ouvriers que par les fédérations professionnelles.
Qu'on étudie les sondages réalisés auprès de la population française ou le
plan d'action des institutions communautaires, le consensus apparaît comme de
plus en plus fort. Ainsi, au printemps de 1998, la Commission européenne, dans
son rapport sur la convergence, estimait que « les marges budgétaires
retrouvées doivent être consacrées à la réduction des charges sociales pesant
sur les salaires et en particulier sur les bas salaires ». La Commission
ajoutait : « En diminuant le coût du travail, les entreprises seront incitées à
embaucher. »
De même, tous les experts des différents instituts de prévision économique
partagent ce point de vue et l'ont relevé dans leurs travaux ; je pense
notamment à ceux du Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts, de
l'Organisation pour la coopération et le développement économiques, de
Rexecode, ainsi qu'à l'étude réalisée par M. Thomas Piketty pour la fondation
Saint-Simon, une institution chère au coeur de la gauche plurielle !
(Sourires.)
Cette approche vient, en outre, d'être confirmée par l'Observatoire
français des conjonctures économiques, qui, dans une étude publiée la semaine
dernière, conclue à l'efficacité d'une telle politique et en chiffre même les
effets. On y explique qu'une baisse de un point de PIB des cotisations sociales
ciblée sur les bas salaires permettrait de réduire de 0,4 à 1,2 point le taux
de chômage à l'horizon de trois ans.
Ce jugement si positif émane d'un organisme dont personne ne met en doute la
neutralité et l'objectivité. Comment, dès lors, pourrait-on ne pas retenir ses
conclusions ?
Mais j'ai un argument qui devrait emporter l'adhésion de nos collègues de
gauche : même le Gouvernement de M. Lionel Jospin semble s'être rallié à cette
idée. Dans le plan national d'action pour l'emploi qu'il a présenté le 17 avril
dernier, celui-ci soulignait que « l'allégement de charges sociales sur les bas
salaires permet de baisser le coût relatif du travail peu qualifié et
d'enrichir le contenu de la croissance en emplois ».
Ceux qui ne seraient pas encore convaincus ne pourront que l'être après cette
citation !
M. Robert Pagès.
C'est la pensée unique !
(Sourires.)
M. Christian Poncelet.
Mieux encore, M. Laurent Fabius, président de l'Assemblée nationale,...
M. Guy Fischer.
Que M. Pagès connaît !
(Nouveaux sourires.)
M. Christian Poncelet.
Peut-être est-ce même un ami !
(Nouveaux sourires.)
M. Robert Pagès.
C'est un proche !
(Nouveaux sourires.)
M. Christian Poncelet.
En tout cas, vous le constatez, je n'ai pas relevé que les déclarations de
ceux qui soutiennent ce dispositif ; je me suis efforcé de citer aussi certains
de vos amis, afin de trouver un consensus.
M. Laurent Fabius, donc, voilà dix jours, s'est déclaré favorable au nom de la
lutte contre le chômage, à une baisse des charges sociales sur les bas
salaires.
Cette préférence affichée pour une baisse des charges me semble constituer un
aveu implicite de la part du président de l'Assemblée nationale de la faible
efficacité de la politique suivie par le Gouvernement et visant, au nom de la
lutte contre le chômage, à porter d'une manière un peu autoritaire la durée du
travail à 35 heures. En tout cas, M. Fabius cherche, lui aussi, un relais ou un
complément.
Je me félicite tout particulièrement, madame la secrétaire d'Etat, du
ralliement du Gouvernement et d'une partie de la gauche plurielle à notre
proposition. Je regrette seulement que ce ralliement soit si tardif - mais
mieux vaut tard que jamais ! - et surtout qu'il n'ait pas encore été suivi
d'effets.
Je rappelle que, dans la dernière loi de finances, le Gouvernement a restreint
la portée et l'ampleur du mouvement de réduction des charges malgré les mises
en garde et les avertissements de notre commission des affaires sociales et de
notre commission des finances, ainsi que du Sénat tout entier. En effet, la
ristourne dégressive ne s'applique plus, depuis le 1er janvier 1998, qu'aux
salaires inférieurs à 1,3 fois le SMIC, et son montant est plafonné à 1 213
francs.
Par le présent texte, nous proposons de traduire en acte cette volonté si
largement partagée en portant respectivement ces montants à 1,4 fois le SMIC et
à 1 730 francs.
Ainsi est souligné notre souhait de ne pas nous contenter, en matière de lutte
contre le chômage, de mesures d'affichage, d'effets d'annonces, de déclarations
d'intention, aussi bonne l'intention soit-elle.
En effet, à travers cette proposition de loi, ce que nous voulons promouvoir,
c'est une autre politique de lutte contre le chômage, reposant sur la création
de véritables emplois productifs et non sur la réduction uniforme et
autoritaire de la durée du travail. C'est ainsi que nous lutterons durablement
contre le chômage structurel, que l'amélioration de la conjoncture - dont nous
nous réjouissons tous - ne peut seule réduire.
Notre démarche repose sur un constat. Si le coût du travail en France est
globalement proche de celui de nos principaux partenaires, nous ne devons pas
oublier que le travail peu qualifié reste, chez nous, d'un coût bien
supérieur.
Tout cela, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, est excellemment
expliqué dans un livre fort intéressant, dont je vous recommande la lecture :
Le Compte à rebours,
de François de Closets. A la page 225, on y lit : «
Que cela plaise ou non - et cela ne peut que heurter nos préjugés -, il faut
absolument faire baisser le coût du travail non qualifié. Est-ce à dire que le
SMIC va être supprimé ou ramené à 3 000 francs ? Laissons cela aux Américains,
restons Français. Il ne peut être question ni de réduire les plus basses
rémunérations ni de priver les smicards de leur couverture sociale pour faire
baisser le coût du travail sans plonger ceux-ci dans la pauvreté. Il faut jouer
sur les charges. »
Abaisser ce coût nous paraît non seulement nécessaire, mais indispensable. En
effet, la diminution des charges sur les bas salaires doit constituer le socle
de toute politique efficace de lutte contre le chômage, quelle que soit la
sensibilité de ceux qui sont aux affaires.
M. Lucien Neuwirth.
C'est évident !
M. Christian Poncelet.
Notre démarche s'insère donc dans la continuité de la politique d'allégement
des charges sur les bas salaires instituée par la loi quinquennale sur l'emploi
du 20 décembre 1993 et qui a été progressivement amplifiée jusqu'à la mise en
place, par la loi de finances pour 1996, de la « ristourne dégressive fusionnée
sur les bas salaires », qui a eu, je ne me lasserai pas de le répéter, des
effets bénéfiques en matière d'emploi. Au moment où l'on a tendance, ici et là,
à dénigrer ce qui a été fait hier, ou à en réduire la portée, ce rappel me
paraissait justifié.
Cette politique d'allégement des charges explique en effet l'essentiel des 240
000 emplois qui ont pu être créés en France entre 1993 et 1997, et cela malgré
la faible croissance économique que l'ensemble de l'Europe a connue pendant la
même période.
Notre proposition de loi vise également à pérenniser un dispositif apprécié
des entrepreneurs par sa simplicité et son efficacité. En effet, la force de
toute politique d'allégement des charges réside fondamentalement dans la durée
et la lisibilité. En matière de lutte contre le chômage, mes chers collègues,
il nous faut en effet adopter une politique qui soit, si je puis m'exprimer
ainsi, corrigée des « variations politiques saisonnières ».
Il faut éviter - et cela vaut pour tous les gouvernements ; il ne s'agit pas
de faire de particularisme en la matière car le problème est trop grave - que
des mesures prises la veille ne soient remises en cause le lendemain, sinon il
n'est pas possible d'adopter une démarche raisonnable dans la conduite des
affaires.
Nous devons donc poursuivre la réforme structurelle du coût du travail peu
qualifié, car celui-ci constitue, comme tous les experts économiques le
soulignent, un handicap majeur pour l'emploi en France.
L'étude qui a été publiée par l'OFCE, et que j'ai déjà citée, met bien en
valeur cet aspect. Les effets bénéfiques de la réduction des charges ne se
feront pleinement ressentir qu'à l'horizon de trois ans. Il est donc impératif
d'ancrer une telle politique dans la durée et de ne pas la faire évoluer au gré
des aléas budgétaires de l'Etat ou des modifications politiques.
Enfin, me direz-vous et c'est normal, notre démarche a un coût. Permettez-moi
cependant de vous préciser qu'elle est totalement recevable, tout au moins au
plan juridique, car elle est gagée conformément aux règles applicables en ce
domaine.
Il s'agit d'une perte de recettes qui, conformément aux dispositions de
l'article 40 de la Constitution, peut être compensée au profit du régime
général de la sécurité sociale par la création, à due concurrence, d'une
nouvelle recette. Celle-ci sera constituée par une taxe additionnelle aux taxes
prévues aux articles 575 et 575 A du code général des impôts, c'est-à-dire les
taxes applicables sur le tabac.
Permettez-moi de vous rappeler que le produit de ces taxes, qui existent déjà,
s'élèvera, en 1998, à 41 milliards de francs. La compensation que nous
instaurons est donc bien réelle puisqu'il s'agit de compenser une perte de
recettes avoisinant 7 milliards de francs. Telle était d'ailleurs la position
qu'avait retenue, en janvier dernier, la commission des finances de l'Assemblée
nationale à propos de ce même texte. Sur ce point, vous pouvez donc le
constater, nous sommes en plein accord avec nos collègues de l'Assemblée
nationale.
Le coût du dispositif que nous proposons est en effet bien éloigné des 30
milliards de francs, au terme de trois ans, évoqués sans plus de précision par
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité, lors des débats à l'Assemblée
nationale. Je souhaite, à ce sujet, non pas engager une querelle inutile, mais
rappeler simplement quelques chiffres.
M. Yves Nicolin, déjà cité par notre excellent rapporteur de la commission des
affaires sociales, estimait le coût de notre dispositif à 21 milliards de
francs sur trois ans, soit de l'ordre de 7 milliards de francs pour sa première
année d'application. Permettez-moi, mes chers collègues, de rapprocher ce coût
des 75 milliards de francs consacrés à la mise en place de la loi sur les 35
heures, dont l'efficacité reste à prouver, comme le relevait, voilà peu de
temps encore, M. Laurent Fabius, président de l'Assemblée nationale.
M. Guy Fischer.
Décidément !
M. Christian Poncelet.
J'ai de bonnes lectures !
M. Robert Pagès.
M. Fabius ne siège pas au sein de notre groupe !
M. Guy Fischer.
A vouloir trop prouver...
M. Claude Estier.
Quelle bonne référence !
M. Christian Poncelet.
Effectivement ! M. Laurent Fabius ayant été Premier ministre, il sait de quoi
il parle et je peux donc m'y référer !
Ces 7 milliards de francs sont aussi très éloignés des 35 milliards de francs
par an pendant trois ans consacrés à la création, au bénéfice des jeunes,
d'emplois bien souvent peu qualifiés et, surtout, précaires.
M. Guy Fischer.
Les entreprises ne les embauchent pas !
M. Christian Poncelet.
En outre, le coût budgétaire final de notre proposition de loi sera limité. En
effet, l'allégement des charges que nous mettons ainsi en place sera
progressivement autofinancé par les recettes liées aux emplois créés, mais
également par les économies réalisées par ailleurs sur les aides à l'emploi. Je
vous rappelle que le montant total de celles-ci - et c'est ce à quoi faisait
allusion M. Laurent Fabius - s'est élevé, en 1997, à 149 milliards de francs.
Compte tenu de leur montant, je pense qu'une meilleure utilisation et une
affectation plus rationnelle de ces aides - c'est d'ailleurs ce qui est demandé
- sont non seulement possibles, mais également souhaitables.
C'est d'ailleurs ce qu'indiquait, lors du débat d'orientation budgétaire, M.
le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. « Nous allons »,
disait-il, « essayer de jouer à francs constants mais nous allons redéployer
les crédits au bénéfice de l'emploi. » Je n'ai pas obtenu de précision à ce
sujet.
Enfin, je tenais à vous indiquer que notre dispositif s'inspire directement
des résultats de négociations menées avec la Commission de Bruxelles. Sur cet
aspect, il est donc pleinement compatible avec le droit communautaire.
Mes chers collègues, le choix que nous vous proposons d'effectuer aujourd'hui
est un choix réaliste et tout à fait réalisable. L'expérience passée l'a
amplement démontré puisque des dizaines de milliers d'emplois ont déjà pu être
sauvés.
Nous souhaitons aujourd'hui aller, si vous me permettez cette métaphore
sportive, qui est d'actualité en cette période de Coupe du monde, « plus haut,
plus loin et plus fort ».
Nous adresserons ainsi aux entreprises un signal clair et puissant, qui
traduira notre volonté de lutter plus efficacement contre le chômage en
favorisant la création d'emplois productifs au sein de l'entreprise,
c'est-à-dire d'emplois générateurs de richesses indispensables qui permettront
aux pouvoirs publics de définir et de soutenir une véritable politique de
solidarité à laquelle nous sommes tant attachés.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
proposition de loi que nous devons examiner aujourd'hui a déjà fait l'objet
d'un débat à l'Assemblée nationale le 30 janvier dernier. A l'époque, elle
avait été utilisée à des fins directement politiques, puisqu'elle s'intercalait
dans le débat relatif à la réduction du temps de travail et se voulait
l'alternative au projet de loi instaurant les 35 heures.
Je souhaite, tout d'abord, souligner qu'il ne peut en être de même
aujourd'hui, puisque la polémique ne fait plus rage et que la réduction du
temps de travail se met progressivement en place dans les entreprises.
Selon un récent sondage paru dans le quotidien
La Tribune,
55 % des entreprises de dix à cinq cents salariés se
préparent déjà à ouvrir des négociations sur la loi Aubry ; 70 % des
entreprises de cent à cinq cents salariés sont même prêtes à le faire.
Cela prouve que, malgré les oiseaux de mauvais augure, c'est toute une
dynamique qui est en train de se mettre en place, et qui va d'ailleurs au-delà
des 35 heures. Les entreprises ont, en effet, très vite perçu l'opportunité de
procéder à une réorganisation interne pour obtenir une meilleure productivité
et de reprendre le dialogue sur les diverses composantes de la politique
sociale.
Dès 1997, on a pu observer une forte progression de la négociation sur le
temps de travail et l'emploi au niveau de l'entreprise. Les accords Robien,
signés en 1997, ont concerné 1 670 000 salariés, soit 30 % de plus qu'en 1996,
et la moitié de ces accords prévoient déjà le passage aux 35 heures.
Dans le même temps, les PME et les PMI continuent d'embaucher, avec un solde
positif passant de 9 % en mai à 12 % en juin, et l'indice des investissements
se maintient à un bon niveau.
Il est bien entendu trop tôt pour affirmer le caractère durable de cette
croissance. Les facteurs extérieurs, il est honnête de le dire, y contribuent
puissamment. Cependant, l'économie française a retrouvé le chemin de
l'expansion et la dynamique de réduction du temps de travail en fait partie.
Pour notre part, nous estimons que la réduction du temps de travail et la
baisse des charges sur les bas salaires ne sont pas forcément antinomiques.
Mais la réduction du temps de travail permet d'associer progrès social et
modernisation économique. Elle est directement créatrice d'emplois, puisque
l'octroi des aides financières est soumis à cette condition, ou, à défaut, elle
contribue au maintien d'emplois dans des entreprises en difficulté. Elle est
peu coûteuse dans la mesure où cette condition d'emploi génère des cotisations
pour notre sécurité sociale. Il n'y a donc pas de perte à compenser à moyen
terme.
En revanche, l'exonération des charges sur les bas salaires doit être utilisée
avec une grande prudence et être assortie d'une obligation de créations nettes
d'emplois si l'on veut parvenir à limiter les effets d'aubaine.
Malheureusement, le dispositif que vous proposez ne comporte pas de garantie
réelle en la matière.
Vous ne parlez en effet que de conventions-cadres avec les branches
professionnelles relatives au maintien et au développement de l'emploi. Cette
formule est d'une totale imprécision et permet d'envisager toutes les
hypothèses à partir de la notion de maintien de l'emploi.
De plus, un dispositif fondé sur des conventions entre l'Etat et des branches
professionnelles, qui bénéficieraient donc d'un traitement sectoriel
préférentiel, est de nature à nous attirer les remontrances justifiées de la
Commission européenne. Les difficultés qu'a rencontrées Mme Aubry pour obtenir
la prolongation du plan textile sont encore dans les mémoires. Il est donc
inutile de recommencer les mêmes erreurs.
De manière générale, c'est d'ailleurs l'ensemble du système des aides qui
comporte les effets pervers que nous connaissons tous : changement de l'ordre
de la file d'attente plutôt que créations nettes d'emplois, effets d'aubaine
et, surtout, effet de tirage de l'ensemble des salaires vers le bas, ce qui est
un signal négatif pour la reprise de la consommation et la croissance.
Les effets positifs, notamment en ce qui concerne les exonérations de
cotisations sociales, sont, en revanche, plus difficiles à apprécier.
J'observe, si je me réfère à la page 45 du rapport de notre collègue, M. Alain
Gournac, que vous semblez vous-mêmes assez proches de ce point de vue.
Permettez-moi de le citer : « ... le groupe de travail constitué sous la
précédente législature avait conclu à un effet positif sur l'emploi à moyen
terme, à condition que la baisse soit importante, durable et ciblée sur les bas
salaires des industries de main-d'oeuvre. Il a estimé qu'il conviendrait d'y
ajouter un engagement ferme des entreprises à créer des emplois, de manière
contractuelle ».
Malheureusement, la présente proposition de loi ne parvient pas à remplir les
conditions dont vous reconnaissez en même temps le caractère indispensable. Ce
faisant, elle s'apparente à un véritable chèque en blanc aux entreprises. Vous
indiquez d'ailleurs également, mon cher collègue, à la page 52 de votre rapport
: « Quels pourraient être les résultats en termes d'emplois d'un allégement
massif des charges sociales sur les bas salaires ? Il est bien entendu très
difficile de faire des estimations. »
L'exemple de la région Auvergne fait de votre part l'objet d'une documentation
abondamment diffusée et d'une extrapolation à l'ensemble de notre économie. Il
permet surtout, par une extension des chiffres de cette région, d'obtenir une
estimation, quant à elle claire et précise, du coût de la mesure : 30 milliards
de francs par an, auxquels s'ajoutent les 40 milliards de francs de la
ristourne dégressive déjà acquise sur les bas salaires, soit un total de 70
milliards de francs par an.
Votre proposition de loi est donc beaucoup trop floue pour que nous y
souscrivions. Les risques juridiques, l'absence de condition de créations
nettes d'emplois et le coût important pour les finances publiques sont des
facteurs qui nous conduiraient, en toute hypothèse, à voter contre cette
proposition de loi.
Nous estimons nettement préférable de favoriser le développement de la
réduction du temps de travail assortie d'aides, mais exigeant aussi un effort
de modernisation de la part des entreprises. C'est également un effet pervers
de la distribution d'aides publiques sans condition que de voir les entreprises
profiter de ces aides, sans réaliser les efforts d'investissement et de
modernisation qui leur permettraient de retrouver durablement la compétitivité,
tant sur le plan des quantités produites que sur le plan qualitatif.
L'éventuelle généralisation du plan textile contenue en filigrane dans votre
proposition de loi ne constitue donc pas forcément, à terme, un service pour
les entreprises qui en bénéficieraient.
Enfin, un simple dispositif d'exonération de cotisations sociales patronales,
en l'état actuel du débat sur les charges, tant fiscales que sociales, payées
par les entreprises, nous paraît beaucoup trop partiel.
Nous attendons dans les tout prochains jours le rapport du professeur
Malinvaud sur l'assiette des cotisations patronales. Ce rapport fait suite au
rapport Chadelat qui avait déjà proposé des pistes de réflexion. Il s'agit
notamment d'une meilleure prise en compte de la valeur ajoutée dans l'assiette
des cotisations, dont chacun s'accorde à dire qu'elle est trop assise sur la
masse salariale, ce qui pénalise l'emploi.
Il nous faut donc attendre encore quelques jours les conclusions de ce
rapport, en vue d'un rééquilibrage prochain, après discussion avec les
partenaires sociaux, des charges payées par les entreprises. Cela ne peut
consister en une réduction des charges payées par les entreprises, qui
aboutirait à un simple transfert vers ces autres financeurs de la protection
sociale que sont notamment les ménages.
Un tel débat s'inscrit dans la problématique globale du financement de la
protection sociale et ne peut donc être organisé de manière hâtive et
parcellaire à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi. L'ensemble des
partenaires sociaux ne manqueraient sans doute pas de voir là une manière
d'étouffer le débat au départ. Cela serait tout à fait préjudiciable au climat
social et à l'avenir de la protection sociale dans notre pays.
En tant que gardiens de l'intérêt général, nous devons prendre garde à
l'impact de nos initiatives sur ce plan et rester particulièrement vigilants
s'agissant du financement de la protection sociale à un niveau correct pour
tous nos concitoyens.
Pour l'ensemble des raisons que je viens d'exposer, le groupe socialiste
votera contre la proposition de loi qui nous est présentée aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
question récurrente de la réduction du temps de travail est, une fois encore,
posée, puisque nous devons, cet après-midi, débattre de la proposition de loi
cosignée, notamment, par MM. Christian Poncelet et Jean-Pierre Fourcade, et
tendant à alléger les charges sur les bas salaires.
Farouchement opposée à la politique volontariste décidée et conduite par le
gouvernement de la gauche plurielle, notamment aux emplois-jeunes et à la
réduction du temps de travail qui, selon les allégations de l'opposition,
aboutit simplement à subventionner des emplois publics et a pour seul effet de
brider la croissance, la droite, lors des débats qui ont eu lieu à l'Assemblée
nationale sur la réduction du temps de travail, ripostait en présentant une
proposition de loi Barrot-Bayrou prévoyant de poursuivre sur le chemin de la
réduction de cotisations sociales ciblée sur les bas salaires.
Réplique ni plus ni moins de cette dernière, la présente proposition de loi
sénatoriale entend, d'une part, préserver le dispositif existant en faveur des
entreprises du secteur du textile et de l'habillement, et, d'autre part,
amplifier les allégements de charges sur les bas salaires en les généralisant
progressivement à l'ensemble de l'économie française, à l'issue d'une période
de trois ans et en fonction de la proportion de bas salaires et de travailleurs
manuels dans l'entreprise.
Partant du principe que le coût élevé du travail, de la main-d'oeuvre en
particulier, serait le principal obstacle à l'embauche et serait responsable,
en partie, du taux élevé du chômage que connaît la France, la droite, relayant
ainsi la volonté des dirigeants du CNPF, choisit la solution, selon nous
éculée,...
M. Robert Pagès.
Très bien !
M. Guy Fischer.
... de la diminution du coût du travail non qualifié.
Nous sommes peu convaincus du fait que le niveau des charges sociales en
France soit un handicap relatif pour nos entreprises vis-à-vis du reste du
monde. D'ailleurs, le diagnostic dressé juste avant la conférence sur l'emploi
du 10 octobre dernier témoigne du contraire, puisqu'elle a souligné que notre
économie bénéficie d'un rapport compétitivité-coût satisfaisant.
Doutant de l'opportunité d'un tel choix, le groupe communiste républicain et
citoyen ainsi que moi-même sommes, sur le fond, opposés - et cela ne vous
surprendra pas - à la démarche quasi obsessionnelle qui sous-tend cette
proposition de loi.
M. Robert Pagès.
La pensée unique !
M. Guy Fischer.
Ce n'est pas la première fois que vous nous l'entendez dire !
Evidemment, au regard des chiffres du chômage, qui, bien qu'ils aient baissé,
demeurent très préoccupants, il est impérieux d'explorer diverses solutions
potentiellement créatrices d'emplois et, sur ce point seulement, je rejoins
votre analyse, monsieur le rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Ça, on l'a entendu plus d'une fois !
M. Guy Fischer.
Mais lorsqu'une voie, celle de la réduction des charges sociales, a déjà été
expérimentée sans s'être traduite en contrepartie par des effets positifs sur
l'emploi,...
M. Christian Poncelet.
Ce n'est pas vrai !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
C'est une contrevérité, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer.
... pourquoi persister et vouloir à nouveau la suivre ?
Fer de lance de la politique de l'emploi des gouvernements Balladur et Juppé,
ces divers allégements de charges et exonérations de cotisations sociales,
consentis pour maintenir ou créer des emplois, n'ont cessé de monter en
puissance pour atteindre, l'an dernier, le montant inégalé de 73,2 milliards de
francs sur les 149 milliards de francs d'aides à l'emploi. Ces aides, qui se
sont superposées au fil des ans, mériteraient d'ailleurs d'être remises à
plat.
Il est à noter que, au hit-parade de ces dispositifs, c'est la réduction
générale sur les bas salaires, à savoir la ristourne unique dégressive
instituée par la loi de finances pour 1996, qui détient la première place.
Ce mécanisme, qui est issu de la fusion de deux dispositifs antérieurs et qui
a porté le plafond des rémunérations ouvrant droit à une exonération à 1,33 %
SMIC, plafond élevé à 1,5 SMIC pour le textile, coûte 44,6 milliards de
francs.
La majorité sénatoriale nous propose d'étendre, et donc d'appliquer plus
massivement encore, cette politique de réduction des charges sociales, alors
qu'elle touche déjà la quasi-totalité des entreprises privées : 6,7 millions
d'emplois salariés sur 20 millions.
Certains secteurs sont effectivement plus particulièrement concernés,
notamment le textile et l'habillement.
M. Christian Poncelet.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Fischer ?
M. Guy Fischer.
Je vous en prie, monsieur Poncelet.
M. le président.
La parole est à M. Poncelet, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Christian Poncelet.
Je vous remercie, monsieur Fischer, de m'avoir autorisé à vous interrompre.
Comme vous l'avez dit des dispositifs de réduction des charges sociales ont
été mis en place ; nous avons été plusieurs, dans cette enceinte, à nous battre
pour que le plafond soit porté à 1,5 SMIC.
Pouvez-vous garantir que sans ces dispositifs les licenciements annoncés
n'auraient pas eu lieu ?
Non seulement il n'y a pas eu de licenciements, mais il a été procédé à des
embauches au cours du premier semestre 1997. Cela a été reconnu par les
organisations syndicales de cette branche : les organisations syndicales
ouvrières et les représentants des fédérations professionnelles.
Vous le voyez bien, l'abaissement des charges sur les bas salaires a comme
conséquence de stabiliser l'emploi et même de permettre de recruter par la
suite. C'est un dispositif extrêmement efficace, reconnu par les instances
européennes et par tous les instituts de prévisions économiques, tant en France
qu'à l'étranger. Vous avez cité, tout à l'heure, la déclaration de M. le
Premier ministre lors de la conférence sur l'emploi. Il a lui-même souscrit à
ce dispositif.
Aussi, ne dites pas de contrevérité. Que cette disposition ne vous plaise pas,
certes, mais vous ne devez pour autant affirmer qu'elle est inefficace !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer.
Nous, nous pensons que, globalement, il faut en mesurer les conséquences
qualitatives et quantitatives. Or, en l'occurrence - et cela vaut également
pour la loi Robien - nous avons des exemples où, compte tenu des effets
d'aubaine, on n'a enregistré que peu de véritables créations d'emploi. Au
contraire, cela a conduit à un tassement sur les salaires et à un développement
en marge du travail intérimaire.
M. Robert Pagès.
Effectivement !
M. Guy Fischer.
L'exemple de Moulinex illustre bien cette réalité.
Par conséquent, nous considérons que le coût de l'allégement des charges
sociales est excessif pour les finances publiques.
Nous avons d'ailleurs déjà eu cette discussion lors du vote du projet de
budget pour 1998, monsieur Poncelet.
Le chiffre de 45 000 emplois créés grâce à la ristourne dégressive rapporté au
poids supporté par l'Etat qui finance cette mesure, révélateur du coût unitaire
très élevé de tels emplois, avait conduit le Gouvernement à s'interroger sur le
bien-fondé des allégements de charges sociales sur les bas salaires.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Il en a laissé !
M. Guy Fischer.
Effectivement, il a maintenu un niveau, mais, vous, vous en proposez trois.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
S'il en a laissé un, c'est parce qu'il s'agit d'un bon
dispositif !
M. Guy Fischer.
Ainsi, sans aller jusqu'à remettre franchement en cause cette option - ce que
je regrette -, le Gouvernement a décidé de freiner les allégements de charges
en abaissant le seuil à 1,3 SMIC - soit 1 213 francs par salarié - en gelant la
base de calcul des exonérations au niveau de 1997 et, enfin, en reproratisant
la ristourne dégressive au temps de travail.
Aujourd'hui, par la présente proposition de loi, il nous est proposé de
franchir une nouvelle étape dans la politique d'allégement des charges, et
notamment de mettre fin à ses effets sectoriels.
Nous la refusons, eu égard au bilan, au rapport coût-avantage, le coût étant
exorbitant au regard de l'efficacité incertaine du dispositif présenté.
A long terme, rien ne permet d'affirmer que l'effet sur l'emploi de ces
réductions de charges sera positif. Certes, vous invoquez l'étude récente de
l'OFCE - l'Observatoire français des conjonctures économiques - qui penche pour
un impact positif sur le coût du travail et, indirectement, sur l'emploi. Mais,
à charge, vous oubliez la nuance du rapport qui préconise de coupler cette
mesure avec d'autres réformes que le CNPF et vous-mêmes refusez. Je fais
référence, ici, à votre hostilité à l'élargissement de l'assiette des
cotisations patronales à d'autres éléments que les salaires.
De plus, à court terme, cette compression des coûts salariaux, facteur
d'amélioration de la rentabilité des entreprises de main-d'oeuvre favorable à
la seule croissance financière, induit inévitablement des effets d'aubaine et
tire inexorablement les salaires vers le bas, générant ainsi encore plus de
précarité.
Depuis leur mise en place, ces dispositifs d'aide, destinés aux employeurs
refusant d'embaucher certaines catégories de demandeurs d'emploi au motif
qu'ils leur coûteraient trop cher, n'ont eu aucun effet structurel sur l'emploi
des personnes les moins qualifiées, si ce n'est que, actuellement, on embauche
sur de tels postes des titulaires de bac + 2 ; là est le problème !
Très justement, l'instance d'évaluation de la loi quinquennale relative au
travail, à l'emploi et à la formation professionnelle notait, dans son rapport,
que « l'abaissement du coût du travail pour les salariés les moins qualifiés ne
saurait résoudre durablement les difficultés de ceux-ci sur le marché du
travail en raison, notamment, du fait que le niveau de qualification exigé est
de plus en plus important », la priorité devant être donnée à la formation
professionnelle.
Ce dont nous avons besoin pour dynamiser le marché de l'emploi, pour
développer telle ou telle activité, c'est d'une réforme de la fiscalité : de
l'impôt sur les sociétés, de la taxe professionnelle, des cotisations
patronales... modulables en fonction de l'attitude des entreprises en matière
de création d'emplois, de formation professionnelle et de salaires.
Loin de nous satisfaire, faute de nous projeter dans l'avenir, la solution
proposée, assortie d'aucune garantie ni contrepartie, déstabiliserait encore
plus notre système de protection sociale et conforterait les stratégies
financières des entreprises.
Votre volonté de baisser toujours plus le coût du travail peu qualifié n'est
pas mobilisatrice pour l'emploi.
Le soutien particulier apporté au secteur du textile a, certes, sauvé des
emplois...
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Ah !
M. Guy Fischer.
... mais, vous le savez fort bien, monsieur Poncelet, n'a pas réussi à enrayer
le phénomène des délocalisations, ni à promouvoir une meilleure adéquation
entre la formation et les besoins en qualification des salariés.
Aussi, je ne vous surprendrai pas en disant que ces différentes objections
nous conduiront inévitablement à voter contre la présente proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur celles du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commision des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pourquoi la France a-t-elle
le triste privilège d'avoir un taux de chômage supérieur au taux moyen de
l'Union européenne, qui compte pourtant en son sein l'Irlande, la Grèce, le
Portugal et un certain nombre d'autres pays dont le développement n'est pas
aussi avancé que le nôtre ?
Première raison : le coût du travail non qualifié est plus élevé en France.
Cela ressort de toutes les statistiques. De nombreuses citations ont été
faites. Or nul n'a mentionné M. Michel Rocard, qui, lorsqu'il était Premier
ministre, avait expliqué devant la commission des affaires sociales du Sénat
pour quelles raisons le coût exagéré des charges sociales pesait sur les bas
salaires et empêchait toute création d'emploi. Je l'ajoute donc à la longue
liste de ceux qui ont été cités cet après-midi.
J'en viens à la seconde raison d'un taux de chômage en France supérieur au
taux moyen de l'Union européenne : le gouvernement actuel, comme les précédents
gouvernements - nous sommes en effet tous fautifs, et il ne faut pas donner de
brevets aux uns ou aux autres - ont toujours essayé de lutter contre le chômage
en créant des emplois publics, tels les contrats emploi-solidarité et les
emplois-jeunes.
Comme nous détenons également le record du poids des emplois publics sur le
produit intérieur brut par rapport à tous nos autres partenaires européens,
l'addition de ces deux causes conduit à ce que, si le taux de chômage baisse
certes puisque la conjoncture est bonne, il ne diminue pas suffisamment et ne
répond pas à ce qui serait nécessaire pour notre pays.
Depuis vingt ans, on a cherché nombre de remèdes. D'aucuns, tels les experts
de l'organisation de coopération économique européenne, ont dit qu'il fallait
supprimer la notion de salaire minimum qui bloquait l'embauche des jeunes.
D'autres ont soutenu qu'il fallait asseoir les charges sociales sur une autre
assiette que le salaire. D'innombrables experts ont planché sur ce point.
J'attends avec intérêt le rapport de M. Malinvaud. Mais je ne crois pas qu'il
nous apportera la lumière.
D'autres encore ont dit qu'il fallait essayer de modifier les mécanismes de
négociations collectives, considérant que les accords interprofessionnels
nationaux, les accords de branches et les accords d'entreprises constituaient
un système trop compliqué et qu'il fallait au contraire aller vers les accords
d'entreprises. M. Auroux est allé dans cette voie. Mais personne n'a trouvé la
solution. J'ai d'ailleurs noté avec plaisir que le Premier ministre avait
publiquement déclaré que l'espèce de critique permanente des intellectuels
français contre les petits boulots aux Etats-Unis avait occulté le fait que
l'économie américaine créait beaucoup d'emplois - trois ou quatre fois plus que
nous -...
MM. Christian Poncelet et Alain Gournac,
rapporteur.
Dans les services !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
... notamment pour les personnes non
qualifiées et dans le secteur des services.
Par conséquent, après de nombreuses tentatives dans tous les sens, voici
aujourd'hui une proposition de loi, déposée par M. Poncelet, que la commission
des affaires sociales, dans sa majorité, a approuvée et à laquelle je vois,
pour ma part, six avantages.
Premier avantage, ce n'est pas une proposition alternative qui combat la loi
sur les 35 heures. Tout le monde a toujours dit que la réduction du temps de
travail pouvait être une voie de création d'emplois supplémentaires. Je l'ai
affirmé moi-même voilà très longtemps, sans d'ailleurs être très suivi à
l'époque dans cette assemblée
(M. Poncelet rit) ;
mais les gens s'y sont ralliés progressivement. Nous
avons voté la loi Robien, et je constate que, en 1997, contrairement à toute
attente et opposant ainsi un démenti à ceux qui considéraient que cela n'avait
aucun intérêt, les accords Robien ont intéressé plus de 1 500 entreprises et
plusieurs centaines de milliers de salariés. Il est donc vrai que la réduction
du temps de travail peut avoir, en obligeant à une modification des structures
de l'entreprise et de son organisation, un effet sur l'emploi.
Malheureusement, il n'y a pas qu'une piste. Ainsi, les directives européennes
concernant la lutte contre le chômage évoquent quatorze ou quinze pistes,
telles la formation professionnelle - M. Fischer y a fait allusion - ou la
réduction du temps de travail, mais aussi la réduction des charges sociales sur
le travail non qualifié, objet de cette proposition de loi.
Par conséquent, cette proposition de loi a pour premier avantage d'organiser
de manière globale et dynamique une réduction des charges sociales sur le
travail non qualifié en tenant compte du nombre de bas salaires dans une
entreprise ou dans une branche donnée. Elle avantage les secteurs industriels
très exposés à la concurrence des pays asiatiques ou des pays en développement
qui emploient encore une main-d'oeuvre importante.
Il s'agit donc d'un système global qui, à mon avis, est complémentaire de la
réduction de la durée du travail, des emplois-jeunes ou d'autres formules
telles que les contrats emploi-solidarité. C'est donc une piste qu'il serait à
mon sens absurde, sur le plan intellectuel comme sur le plan pragmatique, de
négliger.
J'en viens au deuxième avantage. On est revenu, après expérimentation, sur
l'exonération totale des charges sociales. On a en effet essayé pendant
quelques années - souvenez-vous du CIE, le contrat initiative-emploi - de
soutenir que l'exonération totale des charges sociales patronales favoriserait
la création d'emplois. Mais une telle exonération se traduisait par un manque à
gagner s'agissant des régimes de protection sociale.
Par conséquent, cette proposition de loi présente, à mes yeux, le second
avantage d'une réduction dégressive des charges, intéressant les branches les
unes après les autres, mais n'allant que jusqu'à 28 % du total des charges
sociales patronales. Ainsi, contrairement aux déclarations des experts,
l'application de ce dispositif à toute personne au chômage entraînerait des
ressources nouvelles pour le régime de sécurité sociale.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
En effet, entre 0 et 72 % de charges
sociales, il y a un monde, et, par conséquent, cette proposition de loi se
traduirait par une amélioration des comptes de nos régimes sociaux.
C'est un élément important qu'il faut garder en mémoire au lieu d'évoquer
continuellement des chiffres énormes dont personne n'est capable de mesurer
l'exactitude.
Le troisième avantage de cette proposition de loi - c'est, je crois, un point
particulièrement important - réside dans le fait qu'elle prévoit un dispositif
permanent.
M. Christian Poncelet.
C'est essentiel !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
En effet, depuis plusieurs années, chaque
projet de loi de finances voit la modification des cliquets, des pourcentages,
des conditions, etc. Il faut donc mettre en place un système permanent et le
garder pendant un certain nombre d'années afin qu'il puisse descendre au niveau
de l'entreprise.
Cette proposition de loi prévoit un système permanent étalé sur trois ans.
Incontestablement de meilleure qualité que le dispositif adopté dans le projet
de loi de finances pour 1998, ce système repose sur un mécanisme de ristourne
dégressive plafonnée. La ristourne dégressive plafonnée constitue le meilleur
exemple de ce qu'il ne faut pas faire ! En effet, chaque augmentation de
salaire entraînant une diminution de l'avantage, c'est finalement le système de
la carotte à l'envers, si vous me permettez cette expression, madame le
secrétaire d'Etat ; c'est le prototype de la mesure qui veut condamner un
système !
Cette proposition de loi vise donc à mettre en place un dispositif permanent
pour trois ans au moins, dispositif qui va porter la baisse des charges
sociales à des niveaux raisonnables.
Permettez-moi de citer deux chiffres, mes chers collègues, pour dissiper toute
confusion dans un domaine où l'on entend un peu tout et son contraire : à
l'heure actuelle, et jusqu'à après-demain, le SMIC brut payé par l'entreprise
se monte par mois, pour 169 heures, à 6 663,67 francs auxquels s'ajoutent 2 976
francs de cotisations sociales patronales.
Cela signifie que le recrutement d'un salarié payé au SMIC revient
aujourd'hui, pour l'entreprise, à 9 639,67 francs.
Après-demain, cela fera quelque 9 800 francs... pour dépasser allègrement 10
000 francs quand la loi sur les 35 heures s'appliquera. Tels sont les
chiffres.
La proposition de loi prévoit trois systèmes définis en fonction du nombre de
salariés ayant de faibles rémunérations dans une branche professionnelle,
systèmes assortis d'une réduction des charges sociales patronales située entre
1 213 francs et 1 730 francs, soit d'un peu plus de 20 % à un peu moins de 30
%.
Par conséquent, le coût pour une entreprise embauchant quelqu'un au SMIC sera,
dans les meilleures conditions, de quelque 8 000 francs, soit une diminution de
2 000 francs par rapport au système actuel. C'est dire que la proposition est
tout à fait digne d'intérêt.
J'en viens au quatrième avantage : le dispositif présenté par la proposition
de loi est particulièrement adapté à tout le tissu des petites et moyennes
entreprises, que ne saurait concerner le dispositif relatif à la réduction du
temps de travail.
En effet, comment appliquer le système de réduction du temps de travail à
quatre ou cinq employés ? En revanche, le fait, dès lors que les carnets de
commandes se remplissent, d'embaucher un nouveau collaborateur grâce à cet
avantage, à condition qu'il soit pérenne - il faut qu'il soit valable au moins
cinq ans, sinon il n'y aura pas d'embauche, ou alors il y aura uniquement
recours au travail temporaire - paraît tout à fait possible. Or nous savons
tous que ce sont non pas les grandes entreprises qui créeront des emplois dans
les dix années à venir, sinon dans les secteurs de haute technologie de
l'audiovisuel, du numérique et de la télévision, mais l'artisanat, le commerce
et les prestations de services.
Le dispositif proposé est donc particulièrement adapté à ce type d'entreprise,
et c'est, je crois, à celui-ci qu'il s'applique le mieux.
Cette proposition de loi a pour cinquième avantage de ne pas mettre en cause
les problèmes globaux de la négociation, puisque son article 1er - personne ne
l'a dit, et si M. le rapporteur l'a écrit dans son rapport, il ne l'a pas
répété à la tribune - précise que c'est l'Etat qui déclenche le mécanisme : «
l'Etat peut... conclure avec toutes les branches professionnelles des
conventions-cadres relatives au maintien et au développement de l'emploi. » Il
y a 144 branches professionnelles. La commission, après examen, estime qu'il
est possible de démarrer avec une dizaine de branches professionnelles et de
monter très rapidement à 30 ou à 40. Sur ce tissu dans lequel nombre de
salariés sont payés faiblement - en dessous de la moyenne nationale - dont
beaucoup au SMIC, on peut donc mettre en place des conventions-cadres dans une
quarantaine de branches professionnelles en trois ans, Nous aurons ainsi un
dispositif plus concret.
Je le dis aux orateurs de la gauche plurielle : par ce mécanisme des
conventions de branches discutées par les organisations syndicales et les
organisations professionnelles, on peut parfaitement réguler le dispositif et
voir comment à la fois associer l'effort de formation et l'effort de
recrutement et doser l'effet sur l'emploi par un système de mise en place
d'observateurs dans le cadre de cet allégement des charges sociales. Si nous
avions proposé que toute entreprise recrutant du personnel ait droit à une
réduction, je comprends les reproches que vous auriez pu faire. Mais s'agissant
de conventions-cadres passées au niveau des branches avec la participation des
organisations syndicales, il faudra revoir votre argumentation ou en trouver
une autre !
Enfin, j'en viens au sixième avantage, qui n'est pas le moindre : ce
dispositif ne viole pas nos engagements européens.
Lorsque l'on veut réserver une exonération fiscale ou sociale à un secteur
déterminé de l'économie, on crée un problème de concurrence. A partir du moment
où, dans un pays comme le nôtre, le total du poids des prélèvements sociaux
représente 21,6 % du produit intérieur brut - nous l'avons vu la semaine
dernière lors du débat d'orientation budgétaire - il est parfaitement normal -
c'est une conséquence du principe de subsidiarité - que nous décidions de
modifier le poids de cette charge en fonction des branches professionnelles et
des problèmes d'emplois qui sont les nôtres.
L'expérience du textile a été intéressante - tout le monde, en particulier M.
Poncelet, l'a dit. Mais il est certain que le dispositif nouveau est tout à
fait satisfaisant du point de vue de nos engagements européens. Ce n'est pas
une nouvelle affaire de la chasse.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Pas du tout !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
C'est un système qui permet de moduler, comme
nous en avons le droit, la répartition des cotisations sociales sur l'ensemble
de notre territoire et pour l'ensemble des entreprises.
Je récapitulerai donc, en conclusion, les six points sur lesquels ce
dispositif me paraît bon.
C'est un dispositif qui est complémentaire de la loi d'orientation et
d'incitation relative à la réduction du temps de travail.
C'est un dispositif qui n'exonère pas totalement de charges les entreprises et
qui, par conséquent, s'il fonctionne bien, alimentera nos caisses de sécurité
sociale, ce que tout le monde oublie. En effet, à l'heure actuelle, le chômage
exclut l'alimentation de ces caisses.
C'est un dispositif permanent, qui permettra donc à toute une série
d'entreprises, une fois qu'elles seront informées et qu'elles verront les
conséquences de ces mesures sur leurs comptes d'exploitation et sur leurs plans
de charge, d'entrer dans le mécanisme.
C'est un dispositif particulièrement adapté aux petites et moyennes
entreprises et au secteur de l'artisanat, qui est fortement créateur d'emplois
et qui le sera de plus en plus compte tenu de l'évolution de notre société.
C'est un dispositif qui se met en place par des conventions-cadres, l'Etat
ayant le déclic pour refuser ou non la convention-cadre qui est discutée avec
les organisations représentatives des travailleurs. Enfin, c'est un dispositif
convenable du point de vue européen. S'il est efficace, c'est-à-dire s'il
entraîne un certain nombre de créations d'emplois, il sera, à terme, gagé par
la diminution de nos dépenses passives de chômage, diminution qui constitue un
objectif général que j'ai entendu évoquer sur toutes les travées de cette
assemblée. Par conséquent, il ne coûtera rien, et il faut donc, à mon avis,
l'expérimenter.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission, dans sa majorité,
soutient cette proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat à la formation professionnelle.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieur les sénateurs, il me revient, en
l'absence de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, d'intervenir au
nom du Gouvernement sur la proposition de loi déposée par MM. Christian
Poncelet, Jean-Pierre Fourcade, Josselin de Rohan, Maurice Blin et Henri de
Raincourt, qui est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.
Cette proposition de loi tend à alléger les charges sur les bas salaires et
reprend en des termes quasiment identiques - vous l'avez rappelé, monsieur le
rapporteur - la proposition de loi n° 628 de MM. Bayrou, Debré, Barrot,
Borotra, Galley, Nicolin et les membres des groupes de l'UDF et du RPR,
proposition de loi qui a été discutée en séance publique à l'Assemblée
nationale le vendredi 30 janvier 1998.
L'Assemblée nationale, après en avoir largement débattu, a rejeté ce texte par
une très forte majorité : 158 voix contre, sur 196 suffrages exprimés.
M. Jean Chérioux.
Elle a eu tort !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Votre rapporteur estime que, malgré ce vote sans
appel, un nouvel examen du texte par le Parlement est justifié,...
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Oui !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
... parce que l'Assemblée nationale n'a pas procédé à
un examen article par article du texte en séance publique.
Je ne dirai pas, comme M. Fischer, qu'il s'agit là d'une attitude «
obsessionnelle ». Néanmoins, il me semble que c'est un argument de
circonstance, le débat ayant largement eu lieu à l'occation de la discussion
générale.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Pas ici !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Vous le savez, la discussion des articles de ce texte
n'aurait rien apporté de plus. J'en veux pour preuve le fait que votre
commission, qui s'est livrée à cet exercice, n'a déposé aucun amendement sur la
proposition de loi qui lui était soumise.
M. Christian Poncelet.
Parce qu'elle était bien rédigée !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Néanmoins, le Gouvernement comprend que vous ayez
souhaité débattre à votre tour de la question des allégements de charges sur
les bas salaires : toutes les pistes susceptibles de faire reculer le chômage
dans notre pays doivent être examinées avec la plus grande attention et
largement discutées.
M. Jean Chérioux.
Je ne vous le fais pas dire !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
A l'Assemblée nationale, l'opposition a fait de cette
proposition de loi - je cite M. Nicolin - « non seulement une politique
économique alternative aux 35 heures », mais également la proposition majeure
pour lutter contre le chômage dans notre pays.
N'oublions pas qu'il s'agissait, en fait, d'une tentative pour sortir de la
situation difficile dans laquelle le plan Borotra, condamné par Bruxelles,
avait placé les entreprises du textile, du cuir et de l'habillement.
M. Jean Chérioux.
C'est pour cela qu'il faut les sauver !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement a, pour sa part, la conviction qu'il
ne faut négliger aucune piste et qu'il faut s'attaquer au chômage par une
croissance dynamique, par une croissance qui ne laisse personne de côté et par
une croissance plus créatrice d'emplois.
Il faut, tout d'abord, une croissance plus dynamique. Notre pays souffrait en
effet d'un déficit de croissance lié à une consommation des ménages atone. Nous
l'avons relancée, notamment par un soutien actif des bas revenus, sur lequel je
ne reviens pas : hausse du SMIC, basculement des cotisations maladie sur la
CSG, revalorisation de l'allocation de solidarité spécifique et des aides au
logement, allocation de rentrée scolaire, allocation spécifique d'attente pour
les chômeurs ayant cotisé quarante ans.
Cette redynamisation de la croissance sera confortée par notre politique en
faveur de l'innovation, du développement des compétences et de la formation
professionnelle, du développement des petites et moyennes entreprises, et par
la maîtrise des dépenses publiques.
La lutte contre le chômage exige ensuite que la croissance profite à tous.
C'est le sens du vaste programme de prévention et de lutte contre les
exclusions, rendu public en mars, et du projet de loi relatif à la lutte contre
les exclusions, qui fait actuellement l'objet d'ultimes navettes au
Parlement.
Ce programme vise à redonner à chacun un accès effectif aux droits
fondamentaux, qu'il s'agisse du droit à l'emploi, à la santé, au logement, à la
culture, mais aussi aux sports et aux loisirs. Il vise aussi à prévenir les
exclusions en traitant les problèmes le plus en amont possible, mais également
à faire face à l'urgence lorsqu'elle n'a pu être évitée.
Pour faire reculer durablement le chômage, nous devrons enfin parvenir à ce
que notre croissance génère plus d'emplois. C'est une des conclusions fortes de
la conférence du 10 octobre 1997.
Nous sommes là au coeur du débat qui nous réunit aujourd'hui dans cet
hémicycle : comment enrichir le contenu en emplois de la croissance ?
Il faut pour cela anticiper tout d'abord sur les métiers de demain en
développant les nouvelles technologies, mais également en contribuant à la
création de nouvelles activités répondant à des besoins non satisfaits par le
marché.
M. Lucien Neuwirth.
Tout le monde est d'accord !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Le programme « nouveaux services-nouveaux emplois »
est d'ores et déjà à l'origine de plus de 110 000 emplois nouveaux - dont près
de 70 % ont déjà été pourvus - dans les domaines les plus variés : éducation,
famille, santé, solidarité, culture, sport, environnement, protection du
patrimoine, logement et cadre de vie, autant d'emplois qui n'auraient pu
exister sans une intervention résolue des pouvoirs publics.
Un autre levier pour une croissance plus favorable à l'emploi est la réduction
du temps de travail, qui fait l'objet d'un grand débat démocratique.
L'expérience de nombreux accords conclus tant en France qu'à l'étranger montre
que de nombreuses entreprises ont su tirer parti de la réduction du temps de
travail en négociant des solutions adaptées à leur situation, inventives et
toujours favorables à l'emploi.
Pour accélérer le mouvement, il fallait fixer un cap, les 35 heures à
l'horizon 2000 pour les entreprises de plus de vingt salariés et en 2002 pour
les autres, et une méthode, la négociation au plus près du terrain.
C'est ce que nous avons fait avec la loi d'orientation et d'incitation
relative à la réduction du temps de travail, qui a été promulguée le 13 juin
1998 et dont tous les textes d'application sont désormais publiés.
Qu'en est-il des allégements de charges sociales ?
Je voudrais redire ici ce qu'a dit avec force Mme Martine Aubry à l'Assemblée
nationale, comme vous l'avez rappelé, M. le rapporteur : ces deux mesures
voulues par les Français et mises en oeuvre par le Gouvernement dans les plus
brefs délais ne s'opposent pas à l'allégement des charges sur les bas salaires,
bien au contraire.
Il est, en effet, indéniable qu'il y a dans notre pays un problème de charges
sociales pesant sur les bas salaires.
M. Christian Poncelet.
Très bien ! Je suis heureux de vous l'entendre dire !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Peut-être ! Permettez-moi cependant de m'interroger
sur le mot de « ralliement » que vous avez utilisé. Pour le Gouvernement, en
effet, c'est un constat...
M. Christian Poncelet.
Alors ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
... et nous associons à cette réflexion des réponses
dynamiques.
M. Christian Poncelet.
Merci beaucoup !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Certes, sur ces réponses, nous pouvons avoir une
confrontation démocratique, pour savoir s'il faut lier allégements, réformes de
structures et formation.
M. Christian Poncelet.
Vous approuvez donc la proposition de loi !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Nous nous battons depuis des années pour imposer des
clauses sociales et pour faire en sorte que les pays qui ne tiendraient pas
compte des normes minimales en matière sociale, qu'il s'agisse du travail des
enfants ou du salaire minimum, soient pénalisés.
Nous nous attaquons à ce problème spécifique des bas salaires dans le cadre
de la loi d'incitation et d'orientation relative à la réduction du temps de
travail en faisant, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le choix
d'un abattement forfaitaire de 9 000 à 13 000 francs quel que soit le niveau de
rémunération.
L'exonération sera, de plus, majorée de 4 000 francs dans les entreprises qui
comptent au moins 60 % d'ouvriers et dont 70 % des salariés gagnent au plus une
fois et demie le SMIC.
Ce dispositif offre aux branches du textile et de l'habillement ainsi qu'à la
branche « cuirs et peaux » l'opportunité de sortir de l'impasse dans laquelle -
il faut bien le reconnaître - les a placées le plan Borotra, mais également à
d'autres secteurs comme le bâtiment, les transports, le nettoyage, les
industries agro-alimentaires, qui bénéficieront largement de la majoration,
l'opportunité de trouver des solutions durables à leurs difficultés en
repensant leur organisation du travail et, au-delà, en valorisant mieux leurs
ressources humaines par la formation et la gestion des compétences.
C'est également parce que nous sommes conscients que le coût du travail peu
qualifié est élevé que le Gouvernement n'a pas remis en cause le système de la
ristourne dégressive : les moyens financiers mobilisés pour la ristourne ont
été reconduits dans la loi de finances pour 1998 à leur niveau de 1997, soit 40
milliards de francs.
Certains paramètres ont, certes, été ajustés pour corriger les dérives que
nous avions constatées. Je pense, en particulier, à l'avantage excessif donné à
l'embauche de salariés à temps partiel, qu'il a fallu corriger.
Le
statu quo
en 1998 sur les exonérations de charges patronales ne
signifie pas pour autant une interruption du mouvement d'allégement des charges
qui pèsent sur les salaires. Bien au contraire, puisque nous avons décidé, dans
le même temps, le basculement intégral des cotisations salariales maladie sur
la CSG.
Nous n'avons néanmoins pas fait de la poursuite de l'allégement des charges
patronales une priorité, pour trois raisons principales.
La première raison - mais ce n'est pas là le plus important - est que nous ne
sommes pas certains que le niveau des charges patronales soit l'obstacle majeur
à l'emploi.
Nous le savons, les prix ne sont plus l'élément essentiel de la compétitivité.
Selon une enquête du CREDOC, le Centre de recherche pour l'étude et
l'observation des conditions de vie, plus de 90 % des chefs d'entreprise
estiment que leur principal atout face à la concurrence est la qualité de leur
produit ; ils ne sont que 30 % à citer les prix !
Cette enquête est confirmée par le fait que 75 % des chefs d'entreprise
considèrent que les ristournes dégressives de ces dernières années n'ont pas eu
d'influence sur les effectifs.
Si le problème des charges patronales constituait une difficulté majeure, nous
ne serions pas aujourd'hui le troisième pays du monde où les investissements
étrangers viennent s'implanter.
M. Guy Fischer.
Voilà la vérité !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Il est une deuxième raison, plus importante :
l'efficacité des allégements de charges patronales semble relative, notamment
au regard d'autres politiques telles que la réduction du temps de travail.
Les études, dont les résultats doivent être maniés avec précaution de l'aveu
même de leurs auteurs, sont relativement convergentes. Elles aboutissent à deux
conclusions fortes : d'une part, les effets des allégements de charges
patronales sont très lents à se manifester - la plupart parlent d'au moins cinq
ans - et, d'autre part, le coût par emploi créé est élevé.
Si l'on en croit ces estimations, la ristourne telle qu'elle existe
aujourd'hui, pour une dépense de 40 milliards de francs par an, serait à
l'origine de 40 000 à 50 000 emplois par an sur la période 1995-1999, l'effet
se tarissant ensuite. Ce sont d'ailleurs les chiffres que vous citez dans votre
rapport, monsieur Gournac.
Nous nous étonnons, en revanche, que vous n'ayez pas approfondi davantage
l'analyse de l'expérience de la région Auvergne, qui vous sert de référence
pour avancer que le dispositif proposé pourrait « créer des centaines de
milliers d'emplois en peu de temps ».
Vous le savez, il ne suffit pas de comptabiliser le nombre d'emplois
subventionnés ; il faut faire la part des emplois qui auraient été créés en
l'absence d'une intervention des pouvoirs publics - les fameux effets d'aubaine
et de substitution.
Le Gouvernement s'étonne encore de ne pas trouver une étude plus approfondie
sur l'expérience du plan textile, que vous érigez également en exemple,
reprenant à votre compte les propos de M. Barre, rapportés le 12 janvier 1998
par un grand quotidien du matin et selon lesquels : « l'expérience menée dans
le secteur textile a été d'une aveuglante efficacité ».
Le plan textile a permis de sauvegarder non pas 35 000 emplois, mais,
semble-t-il, 6 000 à 8 000. C'est ce qui résulte du bilan contradictoire auquel
nous avons procédé avec les trois fédérations concernées, bilan qui repose sur
les déclarations que les entreprises elles-mêmes ont faites à l'administration
du travail pour pouvoir bénéficier de ce plan.
Le Gouvernement en convient avec vous, monsieur le rapporteur : « le seul coût
d'un dispositif ne peut justifier à lui seul son rejet... le seul critère
devrait être celui de l'efficacité ». Or, la réalité, quelle est-elle ?
Sur la base des chiffres qui font l'objet d'un relatif consensus, et que je
viens de rappeler - 40 000 emplois par an pendant cinq ans pour 40 milliards de
francs d'allégement de charges - il apparaît que le coût de l'emploi créé est
très important : 200 milliards de francs dépensés sur cinq ans, pour 100 000
emplois supplémentaire créés en moyenne sur la période, soit 500 000 francs par
emploi créé.
A long terme, c'est-à-dire au mieux à partir de la sixième année, la facture,
si je peux m'exprimer ainsi, est plus raisonnable : environ 200 000 francs par
emploi créé. Mais on est encore loin des effets positifs induits sur les
finances publiques, qui sont de l'ordre de 100 000 francs par chômeur évité, si
l'on s'en tient, bien sûr, à une simple approche financière, qui, c'est vrai,
n'est pas la seule possible, monsieur le rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Je l'espère !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Cette différence forte tient, notamment, à ce que,
contrairement à la réduction du temps de travail, les abattements de charges
qui reposent sur un mécanisme du type de la ristourne sont accordés sans
contreparties d'embauches.
La proposition de loi fait, certes, habilement référence à la conclusion de «
conventions-cadres relatives au maintien et au développement de l'emploi » au
niveau des branches, mais encore faudrait-il dire ce que cela recouvre !
Enfin, troisième et dernière raison, et c'est là la difficulté majeure : le
financement d'une telle mesure.
Vous admettrez avec moi qu'il n'est pas possible de gager une dépense nouvelle
de 30 milliards de francs - c'est du moins l'évaluation qu'ont faite mes
services du dispositif proposé - par un relèvement des taxes sur les tabacs,
briquets et allumettes.
Le Gouvernement ne peut pas non plus se satisfaire d'un simple renvoi à « une
réforme des aides à l'emploi », sans plus de précision. Quelles sont les aides
que vous souhaiteriez supprimer : les dispositifs de lutte contre le chômage de
longue durée, que vous avez largement approuvés par votre vote sur les articles
du projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, les contrats en
alternance, l'apprentissage ?
Au-delà du problème de la recevabilité financière, on ne peut pas envisager
une extension forte des allégements sur les bas salaires, qui exige la
mobilisation de moyens très importants pour obtenir un résultat sensible sur
l'emploi, sans traiter de façon très précise la question du financement.
M. Christian Poncelet.
Me permettez-vous de vous interrompre, madame le secrétaire d'Etat ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Je vous en prie, monsieur le sénateur.
M. le président.
La parole est à M. Poncelet, avec l'autorisation de Mme le secrétaire
d'Etat.
M. Christian Poncelet.
Madame le secrétaire d'Etat, vous cherchez une source de financement.
Lorsque vous nous avez présenté le projet de loi relatif aux emplois-jeunes,
dont nous avons discuté ici dans le détail, vous avez indiqué qu'il en
coûterait 35 milliards de francs par an. Or, dans le budget de 1998, en cours
d'application, 8 milliards de francs ont été inscrits à cet effet. D'après les
indications que j'ai pu recueillir, vous n'inscrirez pas, cette année, les 35
milliards de francs. On peut déjà en conclure que l'opération emploi-jeunes
n'est pas une réussite ; mais je n'en discuterai pas !
Puisque vous n'inscrivez pas les 35 milliards de francs, vous disposez d'une
réserve financière importante.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Vous les avez prévus, ces 35 milliards de francs !
M. Christian Poncelet.
Nul doute que vous avez étudié sérieusement le projet et que vous avez donc
prévu d'alimenter les 35 milliards de francs initialement décidés. Puisque
cette somme, prévue au départ, est, pour sa plus grand part, disponible et non
utilisée, préleve sur elle l'argent nécessaire, à savoir 7 milliards de francs,
pour lancer l'abaissement des charges sur les bas salaires !
Tout à l'heure, vous avez parlé des emplois créés ; il faudrait aussi parler
de ceux qui ont été maintenus. J'ai dit, en effet, que l'on maintiendrait des
emplois et que l'on en créerait d'autres. Si plus de 40 000 emplois ont été
créés - je ne discuterai pas ce chiffre - plus de 100 000 ont été maintenus. Ce
fait, extrêmement important, a été reconnu par les organisations syndicales
ouvrières elles-mêmes.
M. Jean Chérioux.
Cela, c'est du bon redéploiement !
M. le président.
Veuillez poursuivre, madame le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Je vous répondrai avec conviction, monsieur
Poncelet.
L'argument financier est, certes, mis en avant, mais il n'est pas le seul,
même si - je l'ai dit clairement - l'allégement des charges sur les bas
salaires a été reconduit - nous avons reparlé de ces 40 milliards de francs.
L'effort de la puissance publique doit porter non seulement sur les
allégements mais aussi sur les réformes structurelles. Voilà pourquoi nous
mobilisons tous les fonds dont nous pouvons disposer dans le budget pour mener
un ensemble de politiques plus globales et plus dynamiques. Le financement, je
le répète, n'est qu'un élément parmi d'autres.
J'en reviens à mon propos.
Le rapport Chadelat, que vous citez, monsieur le rapporteur, avait déjà
souligné que le financement posait problème ; une étude récente de l'OFCE, que
vous avez vous-même mentionnée, et dont a parlé la presse la semaine dernière,
vient de le confirmer.
Vous auriez pourtant dû tirer les leçons de l'expérience malheureuse de 1995.
L'allégement massif des charges patronales décidé cette année-là a été financé
- je me permets de le rappeler - par un prélèvement sans précédent sur les
ménages - je pense notamment à la hausse de la TVA et de la CSG - qui a eu pour
effet de casser la croissance, avec les conséquences que l'on sait sur le
chômage.
Nous avons pu éviter cet écueil en réduisant les charges sociales salariales
et en les transférant en partie vers la CSG. Cette opération a permis, au
passage, une hausse du pouvoir d'achat des salariés de 1,1 % qui a stimulé la
demande dont nos entreprises ont besoin pour embaucher.
Il est aujourd'hui difficile d'aller plus loin dans cette direction,
l'intégralité de la cotisation maladie ayant été transférée.
Nous ne renonçons pas, pour autant, à la poursuite de l'allégement des charges
sur les bas salaires. Mais nous l'envisageons comme une vraie réforme de la
structure et de l'assiette des cotisations sociales employeurs, et non comme
une dépense nouvelle financée par l'impôt.
Dans le même temps, M. le ministre de l'économie et des finances réfléchit sur
une réforme de la fiscalité locale visant le même objectif d'un prélèvement
fiscal et social plus favorable à l'emploi.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les
sénateurs, vous l'aurez compris, et j'en terminerai par là, le Gouvernement
considère que la proposition de loi qui est soumise aujourd'hui au Sénat n'est
pas suffisamment aboutie.
Il nous faut encore travailler. C'est le sens de la mission que le Premier
ministre a confié à M. Malinvaud. Monsieur le président de la commission, j'ai
noté votre attente mesurée !
Il faut travailler, d'abord, sur le financement. Je n'y reviens pas, je me
suis longuement expliquée sur ce sujet.
Il faut travailler, ensuite, sur le mécanisme d'exonération. Le Gouvernement
n'est pas convaincu par celui que vous proposez. Je n'ai pas besoin d'entrer
dans le détail sur ce point. Je vous épargne la lecture de l'exposé des motifs
et vous renvoie à la page 49 du rapport pour en juger. Vous l'admettez
vous-même, monsieur le rapporteur, il est « assez compliqué ». Quoi qu'il en
soit, nous devons être vigilants aux effets pervers d'une trop forte
dégressivité des exonérations sur les politiques de rémunération des
entreprises, afin d'éviter les trappes à bas salaires.
Pour toutes ces raisons, tout en réaffirmant sa volonté de poursuivre les
allégements de charges sociales, le Gouvernement émettra un avis défavorable
sur cette proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er