Séance du 18 juin 1998
M. le président. « Art. 19. - Il est inséré, après l'article 667 du code de procédure pénale, un article 667-1 ainsi rédigé :
« Art. 667-1 . - Si la juridiction normalement compétente ne peut être composée en raison de l'existence des incompatibilités prévues par la loi, le premier président de la cour d'appel peut ordonner le renvoi devant une juridiction limitrophe située dans le ressort de cette cour.
« La requête aux fins de renvoi est présentée par le procureur de la République de la juridiction saisie.
« Elle est signifiée à toutes les parties intéressées, qui ont un délai de dix jours pour présenter leurs observations auprès du premier président.
« Celui-ci statue dans les quinze jours de la requête. Sa décision constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours. »
Sur cet article, je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 22 est présenté par M. Fauchon, au nom de la commission.
L'amendement n° 46 est déposé par MM. Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux tendent à supprimer l'article 19.
La parole est à M. le rapporeur, pour défendre l'amendement n° 22.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Nous nous trouvons de nouveau dans une situation assez délicate, celle dans laquelle une juridiction, compte tenu des règles qui définissent la composition de la juridiction du jugement, n'est pas en état de siéger. Cela peut arriver surtout dans les juridictions à faibles effectifs.
Pour régler ce problème de gestion peu commode, le texte prévoit que le premier président de la cour d'appel, par une décision d'administration susceptible d'aucun recours, décide que telle autre juridiction de son ressort tranchera cette affaire. Il s'agit de faire face à la carence du juge dans certaines petites juridictions.
Sur le plan pratique, tout cela nous ramène - vous le savez bien, madame le garde des sceaux, et je vous remercie de ce que vous nous avez annoncé tout à l'heure sur ce point - au problème de la carte judiciaire.
Si des petites juridictions ne sont pas en état d'assumer leurs responsabilités, il faut alors procéder à des regroupements et organiser des audiences foraines.
Je signale d'ailleurs que, actuellement, bien des magistrats attachés à une juridiction n'habitent pas au siège de la juridiction de sorte que leur démarche relève de la notion d'audience foraine.
Quoi qu'il en soit, il faut, nous semble-t-il, donner la priorité au problème de la carte judiciaire et réorganiser le réseau de nos juridictions pour mettre fin à cette difficulté.
Puis-je me permettre de rappeler en toute modestie - mais nous sommes quelques-uns à être concernés - que l'on peut très bien demander à un avocat présent - il y en a toujours - de compléter le tribunal. Cela se fait, paraît-il, de moins en moins. Je ne sais pas pourquoi, car j'ai souvent vu cette pratique, que les magistrats et les avocats à qui nous en avons parlé trouvent, comme moi, très bonne. Par conséquent, ce type de solution existe.
De toute façon, le fait, en présence d'une telle situation, de laisser à un premier président le soin de décider tout seul devant qui va aller l'affaire nous paraît contraire aux principes généraux de l'organisation judiciaire et nous semble rejoindre, au fond, le débat que nous avons eu tout à l'heure sur la non-constitutionnalité du recours à la collégialité. Il s'agit toujours un peu du même problème : il faut que les attributions des affaires pénales résultent de règles fixes et ne soient pas laissées à l'appréciation de qui que ce soit, d'autant qu'il n'est jamais totalement exclu qu'une manipulation puisse intervenir.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles il ne nous a pas paru possible d'accepter l'article 19 du projet de loi, dont nous demandons la suppression.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 46.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons nous aussi pensé que les justiciables doivent être jugés par leur juge naturel. Certes, je sais bien que, actuellement, c'est le procureur de la République qui audience les affaires, et que celui-ci peut donc choisir que telle affaire vienne devant tel juge plutôt que devant tel autre. Mais c'est précisément une situation que nous critiquons, et nous demandons que ce soit le juge du siège qui audience.
En effet, des avocats peuvent compléter les tribunaux et ont toute qualité pour ce faire. Quand ils sont honoraires, comme c'est le cas de ceux qui sont présents dans cette enceinte, ils n'ont pas cette faculté, qui devrait en effet leur être donnée.
En outre, il me semble que l'on a créé des magistrats volants qui peuvent précisément se rendre dans les juridictions où l'effectif ne serait pas suffisant. (M. Jean-Jacques Hyest fait un signe d'acquiescement.)
L'article 19 ne nous paraît donc en l'état ni nécessaire ni acceptable, et nous demandons par conséquent nous aussi sa suppression.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 22 et 46 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements. En effet, l'article 19 du projet de loi revêt à mes yeux une importance particulière, et je suis donc opposée à sa suppression.
L'article 19 vise à simplifier les renvois d'un tribunal à un autre lorsqu'ils ont lieu au sein du ressort d'une même cour d'appel entre des tribunaux limitrophes et en raison des incompatibilités existant entre les magistrats du siège.
Cette disposition, qui éviterait la saisine de la chambre criminelle de la Cour de cassation, n'est pas liée aux autres réformes en cours d'élaboration, qu'il s'agisse de la création d'un juge spécialement chargé de la détention provisoire ou de la réforme de la carte judiciaire.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 22 et 46, repoussés par le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 19 est supprimé.
Article additionnel après l'article 19
M. le président.
Par amendement n° 31 rectifié
bis,
MM. Haenel et Pluchet proposent
d'insérer, après l'article 19, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 133-4 du code pénal, il est inséré un article additionnel
ainsi rédigé :
« ... Les peines d'amende en matière criminelle, correctionnelle et de police
se prescrivent respectivement par vingt années, cinq années et deux années
révolues à compter du premier acte de recouvrement. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Article 20