Séance du 18 juin 1998







« II. - L'article 398-2 du même code est complété par l'alinéa suivant :
« Le tribunal correctionnel siégeant dans sa composition prévue par le troisième alinéa de l'article 398 peut, si la complexité des faits le justifie, décider, d'office ou à la demande des parties ou du ministère public, de renvoyer l'affaire devant le tribunal correctionnel siégeant dans les conditions prévues au premier alinéa du même article. Les dispositions de l'alinéa qui précède ne sont alors pas applicables. Cette décision constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours. »
Par amendement n° 12, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans le I de cet article, de remplacer les mots : « sauf si ces délits ont été commis par une personne se trouvant en état de récidive légale » par les mots : « sauf si la peine encourue, compte tenu de l'état de récidive légale du prévenu, est supérieure à cinq ans d'emprisonnement ».
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Nous abordons le problème de la compétence du juge unique en matière correctionnelle.
La question est de savoir si les délits énumérés comme relevant du juge unique doivent sortir de sa compétence dès lors qu'il y a récidive.
Nous pensons que le principe contenu dans le texte est valable, mais nous proposons de l'améliorer pour le limiter à l'hypothèse où la peine encourue, compte tenu de l'état de récidive légale du prévenu, est supérieure à cinq ans d'emprisonnement. Dans certains cas, en effet, la peine encourue est inférieure à cinq ans, même dans l'hypothèse d'une récidive ; il n'y a donc pas de raison que ces cas échappent au juge unique.
J'indique au passage que certains délits, tels que la conduite en état alcoolique, font malheureusement souvent l'objet de récidive. Le renvoi au juge collégial de ce type d'affaires pourrait être tout à fait contraire aux raisons qui nous ont conduits à étendre le champ de compétence du juge unique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par le Gouvernement.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 13, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de supprimer le II de l'article 3.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la possibilité accordée au juge unique, par le paragraphe II de l'article, de renvoyer, par une décision qui lui serait personnelle, une affaire à la collégialité lorsque la complexité des faits le justifie.
Si l'idée semble juste du point de vue du bon sens, elle peut être dangereuse et, surtout, elle est anticonstitutionnelle.
En effet, la disposition tombe sous le coup d'une décision prise en 1975 par le Conseil constitutionnel qui ne permet pas que la juridiction ayant à connaître d'un délit résulte du choix d'une personne, aussi respectable soit-elle.
Il ne me semble pas utile de développer plus avant cet argument ; il sera peut-être repris par d'autres orateurs.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je suis défavorable à cet amendement.
En premier lieu, je ne crois pas que cette disposition soit contraire à la décision du Conseil constitutionnel de 1975.
La situation est différente de celle qui résultait des textes de 1972. En effet, en 1972, le principe était la collégialité et le président du tribunal pouvait, par exception à ce principe, décider qu'une affaire serait jugée à juge unique.
La disposition envisagée permet au contraire qu'une affaire qui relève en principe du juge unique soit examinée par une formation collégiale. On est donc dans un mouvement inverse par rapport au mouvement envisagé en 1972. C'est une garantie supplémentaire qui est offerte : le passage à la collégialité. Ce n'est pas une garantie qui est supprimée, comme c'était le cas en 1972.
En deuxième lieu, la décision est prise non par le président du tribunal en l'absence de tout débat, mais par le juge unique lui-même devant qui l'affaire a été initialement appelée et qui statue au vu du dossier à l'issue d'un débat public et contradictoire.
Enfin, en troisième lieu, la loi fixe un critère justifiant le renvoi à la collégialité, celui de la complexité de l'affaire, alors que le texte de 1972 ne fixait aucun critère.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement considère que ce texte n'est pas contraire à la Constitution et vous demande de bien vouloir en rester aux dispositions initiales.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Nous comprenons très bien l'argument de Mme le garde des sceaux et, sur le plan du bon sens, nous y souscrivons. Effectivement, cela permettrait de garantir une meilleure justice. De ce point de vue, on peut effectivement considérer que le dispositif est acceptable.
Cependant, je suis obligé de rappeler le texte de la décision du Conseil constitutionnel du 23 juillet 1975 :
« Considérant... le principe d'égalité devant la justice » - c'est un principe fondamental - « qui est inclus dans le principe d'égalité devant la loi proclamé dans la Déclaration des droits de l'homme de 1789 et solennellement réaffirmé par le préambule de la Constitution ;
« Considérant, en effet, que le respect de ce principe fait obstacle à ce que des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des juridictions composées selon des règles différentes ;
« Considérant, enfin, que l'article 34 de la Constitution, qui réserve à la loi le soin de fixer les règles concernant la procédure pénale, s'oppose à ce que le législateur, s'agissant d'une matière aussi fondamentale que celle des droits et libertés des citoyens, confie à une autre autorité l'exercice, dans les conditions ci-dessus rappelées, des attributions définies par les dispositions en cause de l'article 6 de la loi déférée au Conseil constitutionnel. »
Par conséquent, quel que soit le sens dans lequel le choix est effectué, c'est le principe même d'un choix délégué à un particulier, en l'occurrence du choix de la juridiction délégué à un juge, qui a été manifestement condamné par le Conseil constitutionnel.
C'est la raison pour laquelle il ne nous paraît pas possible de voter cette disposition.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 13.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La collégialité est la règle, en particulier parce que de la discussion jaillit la lumière. Elle permet aussi de ne pas exposer un magistrat à je ne sais quelle vengeance.
Hélas ! On a multiplié les exceptions. Le Gouvernement propose que, si l'affaire est complexe, le magistrat puisse demander le recours à la règle, c'est-à-dire à la collégialité. La commission nous oppose des arguments qui, s'ils sont fondés, devraient faire disparaître l'indication que le juge peut en décider ainsi d'office. Mais si les parties sont d'accord pour demander au juge et que le juge est d'accord pour ordonner qu'on renvoie devant la collégialité, au moins, dans ce cas-là, il ne devrait pas y avoir de problème !
La solution aurait peut-être été de modifier l'amendement en ce sens. Mais nous n'en avons pas le pouvoir. Nous ne pouvons pas, en effet, sous-amender un amendement de suppression. Le Gouvernement, lui, pourrait déposer un amendement et préciser que, si la complexité des faits le justifie, le juge peut ou même doit décider, à la demande des parties de renvoyer l'affaire devant le tribunal correctionnel, etc.
Je demande donc au Gouvernement de déposer un amendement en ce sens. Cela me paraîtrait une solution de sagesse.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il faudrait préciser à la demande des parties et du ministère public.
M. le président. Il me faudrait un ammendement...
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 49, MM. Pagès, Duffour et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter l'article 3 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Le troisième alinéa de l'article 398 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette dernière disposition ne s'applique pas si l'une des parties demande la collégialité. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Cet amendement n'a plus d'objet, monsieur le président, et je le retire.
M. le président. L'amendement n° 49 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Chapitre III

Dispositions relatives au jugement
des contraventions

Article 4