Séance du 4 juin 1998
PRÉVENTION ET RÉPRESSION
DES INFRACTIONS SEXUELLES
Adoption des conclusions modifiées
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 435,
1997-1998) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la prévention
et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des
mineurs.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Monsieur le
président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, nous voici donc au
terme de l'examen du projet de loi relatif à la prévention et à la répression
des infractions sexuelles. C'est un texte d'une grande importance, et chacun,
indépendamment de ses convictions politiques, a été sensible à la nécessité de
protéger les mineurs et de prévenir les infractions sexuelles dont ils peuvent
être victimes.
Le Parlement ne pouvait pas donner l'image de la désunion sur un sujet où les
clivages politiques ne devaient pas et ne pouvaient pas non plus l'emporter.
La commission mixte paritaire, qui s'est réunie le 14 mai dernier, est
parvenue à un accord, souhaité par nombre d'entre nous. Elle a élaboré un texte
qui constituera, je crois, un progrès très important dans ce domaine et qui
prend largement en considération les propositions formulées par le Sénat au
cours des deux lectures ayant précédé la réunion de la commission mixte.
Le texte que nous allons, je l'espère, adopter permettra la création d'une
peine complémentaire du suivi socio-judiciaire qui sera encourue par les
auteurs d'infractions sexuelles, que la victime soit mineure ou non.
Il tend, en outre, à renforcer l'efficacité du dispositif répressif en créant
de nouvelles infractions, en aggravant les peines encourues pour certains
faits, en créant un fichier des empreintes génétiques et en modifiant les
règles de prescription.
Enfin, il prévoit - c'est nouveau - la mise en place d'un statut du mineur
victime afin de renforcer la défense de ses intérêts dans le cadre d'une
procédure pénale. A ce titre, il prévoit l'enregistrement de l'audition de
l'enfant victime d'une infraction sexuelle afin d'éviter, autant que possible,
la multiplication des dépositions, qui peuvent revêtir, pour cet enfant, un
caractère traumatisant.
Avant la réunion de la commission mixte paritaire, le Sénat et l'Assemblée
nationale, qui étaient d'accord sur les principes posés par le texte,
s'opposaient encore sur un nombre important de dispositions. Pour aboutir à un
accord, chacun a, naturellement, dû faire quelques pas dans la direction de
l'autre.
Nous avons ainsi accepté que certaines dispositions figurent dans ce texte,
alors que nous avions estimé qu'elles n'avaient aucune utilité. Il s'agit des
dispositions sur le bizutage et sur le harcèlement sexuel. Nous avons cependant
obtenu que le délit de bizutage soit limité aux milieux scolaire et
socio-éducatif, ce qui paraît être un progrès par rapport au texte trop général
qui était proposé. De cette façon, ce texte, qui me semblait inutile et
dangereux, ne me paraît plus qu'inutile.
De la même manière, nous avons obtenu, s'agissant du harcèlement sexuel, la
disparition des termes « pressions de toute nature », extrêmement imprécis dans
toute définition d'un texte de droit pénal. Ces termes ont été remplacés par
ceux de « pressions graves », qui, tout de même, ne laissent pas la même
latitude au juge.
J'en viens maintenant aux dispositions qui entraient véritablement dans le
champ d'application du projet de loi et sur lesquelles le Sénat a naturellement
concentré son attention. Nous avons été entendus sur de nombreux points.
Ainsi, la durée du suivi socio-judiciaire pourra atteindre dix ans en cas de
délit et vingt ans en cas de crime. En revanche, la peine qui pourra être
prononcée en cas de non-respect du suivi socio-judiciaire sera de deux ans en
cas de délit et de cinq ans en cas de crime, comme le souhaitait l'Assemblée
nationale.
Comme nous le souhaitions, la commission mixte paritaire a décidé de supprimer
l'exigence d'une double expertise avant l'injonction de soins « lorsque les
circonstances de l'affaire ou la personnalité de la personne » le
justifient.
Conformément à la position de l'Assemblée nationale, le juge de l'application
des peines devra rappeler tous les six mois aux personnes emprisonnées la
faculté d'entreprendre un traitement médical. Nous souhaitions que la
périodicité du rappel soit d'un an pour éviter de surcharger le juge de
l'application des peines ; mais le rappel de la possibilité d'entreprendre un
traitement pourra sans doute se faire, je l'espère, selon une procédure peu
contraignante pour ce magistrat.
En ce qui concerne le suivi qui pourrait être imposé à un mineur, la
commission mixte paritaire a décidé, à la suite des observations du Sénat, que
le juge des enfants resterait compétent jusqu'à la fin du suivi, sauf s'il se
dessaisit au profit du juge de l'application des peines. Ce dispositif évitera
un changement brutal du juge chargé de suivre la personne.
De même, nous avons obtenu que la liste sur laquelle sera choisi le médecin
coordonnateur soit établie par le procureur de la République et non par le
représentant de l'Etat. En cas de désaccord persistant entre la personne
condamnée à un suivi et le médecin coordonnateur, le médecin traitant sera
choisi par le juge de l'application des peines, comme nous le demandions pour
éviter de donner en pratique le pouvoir de décision au médecin
coordonnateur.
La commission mixte paritaire a par ailleurs décidé, conformément à la
position de l'Assemblée nationale, que le fait que la victime ait été mise en
contact avec son agresseur par l'intermédiaire d'un réseau de
télécommunications constituerait une circonstance aggravante, que la victime
soit mineure ou non. Sur ce point, le Sénat se montrait moins répressif que
l'Assemblée nationale puisqu'il souhaitait n'appliquer la circonstance
aggravante qu'aux mineurs victimes.
En ce qui concerne les règles relatives aux classements sans suite, le Sénat
était très hostile à ce qu'une réforme globale de ces règles soit entreprise
dans le cadre d'un texte sur les infractions sexuelles concernant les mineurs.
La commission mixte paritaire n'a retenu la motivation et la notification par
écrit des classements sans suite que pour certaines infractions sexuelles
commises sur les mineurs. Nous avons ainsi écarté toute mesure générale, dès
lors qu'une modification des règles de classement ne peut être envisagée qu'en
lien avec la réforme du parquet.
Le Sénat a pu convaincre l'Assemblée nationale à de nombreux égards en ce qui
concerne les enregistrements des dépositions des mineurs victimes. Cet
enregistrement revêtira un caractère automatique, sous réserve de l'amendement
que nous présentera, je crois, le Gouvernement. Conformément à notre souhait,
cet enregistrement ne fera pas l'objet d'une transcription. Surtout, il ne
pourra pas être utilisé devant la juridiction de jugement, ce qui nous
paraissait fondamental pour éviter de déséquilibrer gravement le procès au
détriment de la défense. Il convenait en outre d'éviter de porter atteinte au
principe de l'oralité des débats, clé de voûte de la procédure criminelle. A
notre demande encore, cet enregistrement ne pourra être consulté par les
parties et les avocats qu'en présence du juge d'instruction ou d'un greffier et
sera détruit après cinq ans.
En ce qui concerne les autres dispositions du projet de loi qui demeuraient en
discussion, nous sommes parvenus à convaincre nos collègues députés qu'il
n'était pas souhaitable qu'on puisse apporter la preuve d'un fait diffamatoire
prescrit, amnistié ou ayant fait l'objet d'une révision. La prescription, ainsi
que j'ai déjà eu l'occasion de le dire, est indispensable à la paix publique,
dans cette matière comme dans les autres, et le projet de loi contient déjà
nombre de dispositions qui doivent permettre de libérer la parole. De même,
l'amnistie perdrait l'un de ses effets les plus importants si la preuve d'un
fait diffamatoire devenait possible par les faits amnistiés.
Enfin, la commission mixte paritaire a décidé, conformément à notre position,
de ne pas modifier les règles relatives aux conditions de sortie d'un
établissement psychiatrique de l'auteur d'une infraction déclaré pénalement
irresponsable en raison de son état de démence.
Au total, mes chers collègues, je crois que ce projet de loi, grâce au travail
important et à la volonté d'aboutir des deux assemblées et du Gouvernement,
permettra un véritable progrès dans une matière très sensible. La commission
mixte paritaire est parvenue à des solutions que je pense équilibrées sur
l'ensemble des dispositions qui restaient en discussion, et je ne crois pas que
Mme le garde des sceaux me démentira si je dis que cette commission mixte
paritaire paraît, dans le cas présent, fournir un très bon exemple de travail
parlementaire efficace accompli par un Parlement composé de deux chambres.
C'est avec l'espoir que ce texte améliorera la situation des mineurs victimes
et favorisera la prévention de la récidive en matière d'infractions sexuelles
que je vous demande, au nom de la commission des lois, mes chers collègues,
d'adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire.
(Applaudissements.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif à la prévention et
à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs
vous est à nouveau soumis. Il pourrait être aujourd'hui, si vous le votez, la
loi de la République.
Cela fait maintenant une année que je suis en charge du ministère de la
justice, et je mesure combien le texte que vous vous apprêtez à adopter a
nécessité de tous un travail considérable, qui revêt d'ailleurs une importance
symbolique sans précédent.
Ce texte met en place un dispositif novateur pour lutter contre la délinquance
sexuelle, prévenir la récidive et mieux traiter les victimes. Il a emporté dans
son principe votre adhésion unanime, et a fédéré, au sein de votre Haute
Assemblée, comme à l'Assemblée nationale, de nombreuses initiatives, toujours
exprimées, je dois le dire, avec la mesure et la dignité qu'exigeait la gravité
de notre tâche.
Ce texte était nécessaire. Mon prédécesseur, et je veux lui rendre cet
hommage, l'avait compris. J'ai donc décidé à mon arrivée de reprendre le texte,
en le modifiant - pour tenir compte des objections qui avaient pu s'élever au
cours du premier débat - et en le complétant.
Cette tâche, que nous avons menée ensemble, était particulièrement difficile.
Il convenait de prendre des options touchant aux bases mêmes de notre société,
de nous pencher sur le sens de la transgression absolue, c'est-à-dire sur la
genèse de la violence contre l'enfant, et sur les limites que la société doit
assigner à la sexualité et au droit à l'intimité.
Or, dans le contexte que nous connaissons, et dans un domaine où s'expriment
si facilement les peurs et les passions les plus violentes, il manquait sans
doute pour ce faire le recul et le temps d'une certaine réflexion.
En effet, la réponse qui était attendue devait être rapide, aussi rapide que
la prise de conscience de la délinquance sexuelle avait été subite dans notre
société. Gardons à l'esprit qu'il y a seulement dix ans personne ou presque
n'avait vraiment réalisé l'importance du phénomène des violences sexuelles et
qu'aujourd'hui encore nous n'en connaissons peut-être pas tout.
Il n'était pas facile d'entendre certaines réalités qui sont aujourd'hui,
hélas, devenues banales.
Le tabou universel, celui de l'inceste, était aussi celui qui était le plus
universellement ignoré ; la majorité des infractions sexuelles était, depuis
toujours probablement, commises sur de tout jeunes enfants ; enfin, c'est au
coeur même des institutions censées les protéger - la famille, l'école - que
les enfants étaient, statistiquement au moins, le plus en danger sur ce
plan-là.
Cette prise de conscience, aussi rapide que tardive, nous a permis de faire
évoluer le droit, ce droit qui, jusqu'à présent, n'appréhendait le phénomène
que sous le jour de la répression.
Bien sûr, il est important que, depuis dix ans environ, les peines pour les
crimes sexuels les plus graves aient été accrues. C'était nécessaire.
Mais, dans le même temps, nous n'avions pas vraiment de réponse à apporter au
lot quotidien des délits, juridiquement mineurs, aux atteintes ou aux
exhibitions sexuelles, aux corruptions de toutes sortes. Il faut bien remarquer
que, avant ce projet de loi, ces faits n'entraînaient la plupart du temps pour
leurs auteurs que des peines que l'on serait tenté de qualifier de
dérisoires.
La question s'est donc posée de savoir quelles assurances nous pouvions donner
contre la récidive. Nous ne pouvions plus différer longtemps encore la réponse.
C'est l'institution de la mesure de suivi socio-judiciaire qui, au-delà de la
répression pénale, offre au condamné le moyen de rompre avec la récidive, qui
rend justice à la victime de la pathologie de son agresseur, et qui exige de la
société une responsabilité dans la prise en compte des causes profondes de la
violence sexuelle.
Ont aussi été adoptées de très nombreuses mesures nouvelles, dans toutes les
disciplines.
En droit pénal, il s'agit bien sûr de l'extraterritorialité de la loi
française, qui a été étendue à un certain nombre de faits et, surtout, à
certaines personnes ; il s'agit encore de la responsabilité pénale des
personnes morales en matière de tourisme sexuel ; ou encore de la création
d'une circonstance aggravante d'utilisation de réseaux de télécommunications
pour commettre certains crimes ou délits.
En matière de procédure surtout, l'élaboration d'un corpus de règles
protectrices des victimes et la consécration de la primauté de la réparation du
préjudice subi me paraissent représenter une avancée considérable dans notre
système juridique.
Ce corpus de règles s'accompagne, en matière sanitaire, d'une prise en charge
à 100 % par l'assurance maladie des soins dispensés aux mineurs victimes ;
c'est d'ailleurs sur l'initiative du Sénat que cette mesure a été étendue aux
mineurs de plus de quinze ans.
En matière de prévention, le régime de contrôle administratif des cassettes
vidéo vient combler une lacune de notre ordre juridique dans un secteur
particulièrement déréglementé.
La commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur l'ensemble des
dispositions qui restaient en lecture, et je me félicite de cette volonté
affirmée avec force par tous pour arriver à une solution consensuelle.
Je remercie ainsi en premier lieu le président de votre commission des lois,
M. Jacques Larché.
Je voudrais également dire ma reconnaissance à votre rapporteur, M. Jolibois,
qui s'est attaché à mener à bien l'élaboration de ce texte, avec tempérament,
enthousiasme et courtoisie.
Enfin, je remercie les autres parlementaires qui ont participé à cette
commission mixte paritaire, à la réussite de laquelle ils ont contribué.
Je dois dire à M. Jolibois que j'ai noté que ce sont très souvent ses
propositions qui ont été retenues en définitive.
Il en est ainsi de la durée de la mesure de suivi socio-judiciaire, qui sera,
à son instigation, de dix et vingt ans, ou encore de l'établissement des listes
des médecins coordonnateurs, qui reviendra au procureur de la République.
C'est également le cas de la suppression de plusieurs dispositions, qui
n'avaient d'ailleurs pas obtenu un avis favorable du Gouvernement.
Ainsi, la possibilité d'obtenir l'accord des mineurs de treize à dix-huit ans
à la constitution de partie civile d'une association, la nécessité de recourir
à une transcription intégrale de l'enregistrement des auditions du mineur, ou
encore la création d'un article 388-3 du code civil sur l'appréciation du
dommage.
Je voudrais aussi rendre hommage au travail exemplaire de votre commission des
affaires sociales, qui a su notamment s'élever, avec une grande conviction,
contre l'institution d'une nouvelle commission de levée des hospitalisations
d'office, sur le principe de laquelle je ne reviendrai pas, mais dont je crois
avoir suffisamment dit qu'elle méritait des développements dans un autre
contexte que celui du présent projet de loi.
Le texte issu de la commission mixte paritaire est, à mon sens, équilibré et
réaliste. Il est l'outil moderne dont il était nécessaire de doter nos
juridictions. J'ai la conviction que cet outil sera efficace.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le
groupe socialiste se félicite du travail qui a été accompli par le
Parlement.
Il a été procédé à deux lectures devant chacune des assemblées. Bien que le
Sénat n'ait pas les moyens de s'opposer en quoi que ce soit à l'adoption en
dernière lecture d'un texte comme celui-ci, les deux assemblées ont collaboré
et la commission mixte paritaire, après des discussions approfondies, est
parvenue à un accord.
Cela démontre que le bicamérisme, que nous n'avons jamais mis en cause, est
une excellente chose, même s'il y a des « anomalies » et même si le Sénat a,
dans certains cas, un pouvoir de blocage. En l'occurrence, nous sommes arrivés
à un excellent résultat.
Madame le garde des sceaux, vous pouvez, à juste titre, vous enorgueillir de
voir aboutir ce texte, qui met en place un suivi socio-judiciaire.
Il ne sert à rien de condamner les coupables si on ne les soigne pas. C'est
leur intérêt, c'est surtout celui de la société. Nous avons fait un pas
important dans cette direction.
Sans doute viendra une époque où l'on traitera ainsi, grâce à des progrès de
la médecine que nous espérons tous, la plupart des délinquants, voire des
criminels.
La vérité m'oblige à dire que je reconnais dans bien des dispositions adoptées
dans chacune des assemblées, puis en commission mixte paritaire, un certain
nombre de mes enfants.
C'est ainsi - vous l'avez noté, madame le garde des sceaux, et vous aussi,
monsieur le rapporteur - que l'on a laissé au procureur et non au préfet la
responsabilité d'arrêter la liste des médecins coordinateurs.
Nous avons ouvert au médecin traitant la possibilité de se faire communiquer,
outre celles qui sont énumérées limitativement, « s'il y a lieu, toute autre
pièce du dossier ».
Nous avons assorti de précautions utiles l'utilisation de l'enregistrement des
dépositions des mineurs victimes ou supposés victimes d'une infraction
sexuelle. Il convient en effet non seulement de prendre de grandes précautions
envers les enfants, mais aussi de ne pas oublier de respecter les droits de la
défense : tant qu'une décision de justice définitive n'est pas rendue, la
présomption d'innocence doit être respectée et, en tout cas, il doit être
possible, pour les uns comme pour les autres, de contribuer à la recherche de
la vérité.
Concernant le harcèlement sexuel, à l'usage d'ordres, de menaces ou de
contrainte, il était proposé d'ajouter les « pressions de toute nature ».
L'article 222-33 du code pénal aurait ainsi été calqué sur le code du
travail.
Nous nous sommes alors permis de faire remarquer le danger d'une telle
identité de rédaction, qui jouerait au détriment des victimes du harcèlement
sexuel. En effet, devant les conseils de prud'hommes, les défendeurs auraient à
coup sûr excipé du principe : « Le criminel tient le civil en état » pour faire
renvoyer les affaires jusqu'à ce qu'il ait été statué au pénal. Or nous savons
bien, les uns et les autres, que les dossiers ne sont pas traités aussi vite
que les victimes le souhaitent.
En définitive, après une suspension de séance en commission mixte paritaire,
un accord a pu intervenir sur la notion de « pressions graves », que vous avez
vantée, monsieur le rapporteur - ce dont je me félicite parce que vous ne vous
y étiez pas rallié immédiatement.
Je n'insisterai pas en ce qui concerne le bizutage, car chacun a pu étudier le
texte tel qu'il ressort des travaux de la commission mixte paritaire, et chacun
aura reconnu qu'il coïncide, à peu de chose près, avec celui que nous avions
défendu devant le Sénat en première lecture. Il permet de prendre en compte des
manifestations qui, autrement, ne tomberaient sans doute pas sous le coup de la
loi. Nous étudierons avec attention la jurisprudence qui résultera de
l'inscription de ce texte dans la loi.
De même, au sein de la commission mixte paritaire - et je dois dire qu'il n'y
avait pas de clivage politique, ou plus exactement que des membres de la
majorité nationale et des membres de la majorité sénatoriale étaient présents
dans chacun des deux camps - le bon sens l'a emporté, après des discussions
approfondies, pour considérer que, dès lors que le délai de prescription était
prolongé de dix ans en matière d'infractions sexuelles, il n'était pas pensable
de permettre la preuve en diffamation de faits prescrits, amnistiés ou
révisés.
Enfin, j'en terminerai par la même disposition que vous-même, madame le garde
des sceaux.
S'agissant de la libération des délinquants ou criminels reconnus
irresponsables et hospitalisés d'office, il était proposé que la commission
soit composée non pas seulement d'un médecin de l'établissement et d'un autre
médecin psychiatre, mais aussi d'un magistrat.
J'ai combattu cette formule de toutes mes forces. Je suis sinon le seul à
avoir demandé, du moins de ceux qui, jadis, avaient demandé que figurent dans
le code pénal des précautions particulières afin que ce ne soit pas le médecin
psychiatre de l'établissement qui puisse, seul, brusquement, faire sortir la
personne reconnue irresponsable, mais qu'au contraire la décision soit prise au
vu des rapports concordants de deux médecins spécialistes choisis sur une liste
arrêtée par le procureur de la République et ayant travaillé de manière
séparée.
Cette procédure offre la garantie qu'au moment d'être libéré l'intéressé n'est
plus dangereux.
La proposition d'introduire un magistrat dans la commission avait quelque
chose d'extraordinaire, car la justice en tant que telle n'est plus intéressée
dès lors que le délinquant ou le criminel a été reconnu irresponsable.
Ainsi, un médecin s'abstenant parce qu'il aurait eu un doute et l'autre
médecin demandant le maintien de l'intéressé dans un hôpital psychiatrique -
nous n'aurions donc plus la garantie de deux avis concordants de psychiatres -
ce serait le magistrat qui les départagerait, par exemple en décidant la sortie
de l'intéressé. Ce n'est évidemment pas pensable.
Je me permets tous ces développements, madame le garde des sceaux, pour
essayer d'ores et déjà de vous convaincre que, contrairement à ce que vous
venez de nous dire, il n'y a pas un intérêt évident à rouvrir par la suite ce
débat.
En ce qui me concerne, j'avoue que je préférerais - et je suis tout à fait
d'accord, n'est-il pas vrai, mon cher collègue ? avec la commission des
affaires sociales - que l'on puisse considérer ce problème-là comme réglé pour
l'instant. Mais c'est une autre histoire...
Bien entendu, le groupe socialiste, qui a pris, je le répète, une part
importante à l'élaboration de ce texte, le votera à l'unanimité.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen - M. Bimbenet applaudit
également.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement,
lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la
commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur
l'ensemble du texte, en ne retenant que les amendements ayant reçu l'accord du
Gouvernement.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :
TITRE Ier