Séance du 3 juin 1998







M. le président. « Art. 7. _ La sous-section 1 de la section 5 du chapitre II du titre Ier du livre IV du code des communes est complétée par un article L. 412-51 ainsi rédigé :
« Art. L. 412-51 . _ Les agents de police municipale ne sont pas armés. Toutefois, lorsque la nature de leurs missions et des circonstances particulières le justifient, le représentant de l'Etat dans le département peut les autoriser nominativement, sur demande motivée du maire, à porter une arme de quatrième ou sixième catégorie sous réserve de l'existence d'un règlement de coordination mentionné à l'article L. 2212-6 du code général des collectivités territoriales.
« Un décret en Conseil d'Etat précise, par type de mission, les circonstances et les conditions dans lesquelles les agents de police municipale peuvent porter une arme. Il détermine, en outre, les types d'armes susceptibles d'être autorisés, leurs conditions d'acquisition et de conservation par la commune, les conditions de leur utilisation par les agents et les modalités de la formation que ces derniers reçoivent à cet effet. »
Je suis d'abord saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 28, M. Delevoye, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le premier alinéa du texte présenté par cet article pour insérer un article L. 412-51 dans le code des communes :
« Lorsque la nature de leurs interventions ou les circonstances le justifient, les agents de police municipale peuvent être autorisés nominativement par le représentant de l'Etat dans le département, sur demande motivée du maire, à porter une arme, sous réserve de l'existence d'une convention prévue par l'article L. 2212-6 du code général des collectivités territoriales. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 83, présenté par M. Othily, et qui a pour objet, dans le texte proposé par l'amendement n° 28 pour le premier alinéa de l'article L. 412-51 du code des communes, de supprimer les mots : « Lorsque la nature de leurs interventions ou les circonstances le justifient, ».
Par amendement n° 55, M. Gélard et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, dans le premier aliéna du texte présenté par l'article 7 pour l'article L. 412-51 du code des communes, de remplacer les mots : « représentant de l'Etat dans le département », par le mot : « préfet ».
Compte tenu des votes précédemment intervenus, l'amendement n° 55 n'a plus d'objet.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 28.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. La commission, compte tenu de l'équilibre qu'elle a voulu instaurer dès le départ entre le préfet et le maire, a souhaité, bien évidemment, que les moyens dont disposeraient les policiers municipaux soient conformes aux missions qui leur seraient confiées.
Cet amendement a quatre objets : premièrement, éviter de poser le principe du désarmement ; deuxièmement, lier de manière très pragmatique l'armement à la nature des interventions des polices municipales et aux circonstances ; troisièmement - nous l'avions évoqué lors de la discussion générale - supprimer la référence aux catégories d'armes, dont la classification actuelle est obsolète et doit être, selon nous, adaptée aux normes européennes ; quatrièmement, continuer à affirmer le principe qui figurait dans le projet initial, selon lequel, à défaut de convention de coordination, l'armement n'est pas possible.
M. le président. La parole est à M. Othily, pour défendre le sous-amendement n° 83.
M. Georges Othily. Les agents de police municipale pourront être autorisés nominativement par le représentant de l'Etat à porter une arme lorsque, bien évidemment, la nature de leur intervention ou les circonstances le justifieront. Mais il ne faut pas que cette condition soit posée, de prime abord, comme un principe.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 83 ?
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Dans la discussion générale, M. le ministre a indiqué que la marge entre la position de la commission des lois et la sienne était très faible, bien que le problème de la frontière entre non-armement et armement ait été largement médiatisé.
En effet, chacun se plaît à reconnaître qu'on ne pourra pas revenir sur les situations actuelles et qu'il convient donc de doter les policiers municipaux d'un matériel susceptible de leur permettre de faire face à leurs missions et aux dangers qu'elles comportent.
Notre amendement nous paraît correspondre à l'esprit de la convention de coordination et à la délivrance de l'accord par le représentant de l'Etat d'armer sur demande motivée du maire.
Je signale d'ailleurs, à cet égard, que le pourcentage, évoqué par M. le ministre, selon lequel 37 % seulement des polices municipales seraient armées est à relativiser. En effet, sur quelque 3 000 communes, 1 400 ont un seul agent. Ne sont donc concernées par l'armement qu'une catégorie de brigades de police, pour lesquelles le pourcentage est, dès lors, beaucoup plus élevé.
Quant au sous-amendement, il affiche un principe beaucoup plus large puisque les agents de police municipale pourraient être armés quelles que soient les circonstances et les interventions, c'est-à-dire en toute circonstance. Ce serait déséquilibré par rapport à notre position.
D'où un avis défavorable de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 28 et sur le sous-amendement n° 83 ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 83, qui vide complètement le texte de sa substance en posant le principe d'un armement sans condition.
Quant à la commission, par son amendement, elle renverse en quelque sorte le principe du non-armement, auquel il était immédiatement apporté la possibilité de déroger, sur demande du maire, dès lors que des missions particulières le justifiaient.
Le texte posait un principe et il définissait une responsabilité. Si je puis dire : il « tenait la route ».
L'amendement n° 28 ne tient pas compte de la réalité, qui est que, dans les deux tiers des cas, les polices municipales ne sont pas armées. Certains sénateurs-maires ont expliqué, à cette tribune les raisons pour lesquelles ils n'armaient pas leur police municipale. C'est toujours un risque que prend un maire que d'armer des policiers municipaux.
Il n'est qu'à voir ce qui s'est passé, hier, dans un département du sud-est que je ne nommerai pas. Un policier municipal est intervenu, en dehors de la commune où il avait été recruté, pour effectuer une interpellation. Peut-être parce qu'il se sentait en état de légitime défense - je veux bien le croire - il a, faisant usage de son arme, blessé un passager. Celui-ci n'était peut-être pas un saint, c'est fort possible, mais n'en est pas moins posé ainsi le problème de la responsabilité des maires.
La rédaction proposée initialement dans le projet tenait davantage compte de la réalité. Donc, même si l'on peut arriver à des résultats sans doute voisins, mieux vaut en rester au principe qui correspond le mieux à la réalité, en prévoyant la possibilité de dérogations.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 28.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. En l'état actuel de la législation, il est possible d'armer la police. Le fait que cette faculté soit utilisée dans une proportion de 37 %, est, à mes yeux, probant. On peut faire confiance à la sagesse des élus locaux, sagesse que la convention de coordination renforcera encore.
Telle est la raison pour laquelle nous maintenons l'amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 83, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 28.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. J'ai écouté avec une grande attention les propos de M. le rapporteur et la réponse de M. le ministre et j'avoue ne vraiment pas comprendre quel est le raisonnement suivi par le Gouvernement dans cette affaire.
Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que certaines polices municipales ne sont pas armées et que tel est le cas dans un très grand nombre de communes. Par conséquent - c'est le second terme de votre raisonnement - il faut poser le principe du non-armement des polices municipales. Voilà ce que j'ai entendu, et j'avoue que je ne comprends pas ce raisonnement.
Vous avez appuyé vos arguments par la relation d'un événement récent, extrêmement regrettable certes, mais que vous avez un peu monté en épingle à ce moment du débat.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Pas du tout !
M. Philippe Marini. Monsieur le ministre, alors qu'un certain nombre de polices municipales étaient armées, puisque vous avez dit que c'était le cas de 37 % d'entre elles - mais encore faudrait-il savoir quelle est cette proportion en milieu urbain - combien d'incidents de cette nature a-t-on dénombrés ces dix dernières années ?
Dieu merci, les polices municipales, dans l'infinie majorité des situations, sont bien encadrées, bien commandées et ne se livrent pas à ce type de débordements.
J'ajouterai encore qu'il serait souhaitable qu'une réflexion de fond soit menée avant que ne soient armés des personnels jeunes, dénommés auxiliaires de sécurité, qui seront affectés dans tous nos commissariats de police. En effet, on pourrait vous demander à quel titre ces auxiliaires de sécurité seraient nécessairement armés alors que le principe du non-armement des polices municipales serait inscrit dans la loi.
Pour ma part, je suis loin, vous le savez, d'être un jusqu'au-boutiste sur ce point. La ville dont je suis maire est d'ailleurs dotée d'une police municipale qui n'est pas armée, car cela ne me semble pas nécessaire eu égard aux circonstances locales. Néanmoins, je préfère infiniment la rédaction proposée par notre rapporteur. En effet, je souhaite que l'on ne pose pas le principe du non-armement avant d'énoncer qu'il pourra y être dérogé.
La démarche de la commission ne me semble pas, au fond, vraiment très éloignée de la vôtre, monsieur le ministre, mais sa rédaction est beaucoup plus claire, puisqu'elle précise : « Lorsque la nature de leurs interventions ou les circonstances le justifient, les agents de police municipale peuvent être autorisés... à porter une arme... ». Voilà une formulation législative très correcte. C'est un bon texte, ce qui ne m'étonne pas, car la commission des lois a une vision très cohérente du sujet et ce qui se conçoit bien s'énonce clairement.
En tout cas, la proposition qui nous est faite, très claire, va droit au but, contrairement au texte du Gouvernement.
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Jean-Claude Peyronnet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Ma position est tout à fait l'opposé de celle de M. Marini, et à pour des raisons qui tiennent également à la clarté de la rédaction. Prévoir que les polices municipales ne sont pas armées, c'est poser un principe tout aussi clair !
M. Marini nous dit, et on peut très bien le comprendre, qu'il a une police municipale, mais qu'elle n'est pas armée. La rédaction du Gouvernement est plus rigoureuse et freine la course à l'armement, ne serait-ce que parce que le Gouvernement au lieu de : « ou les circonstances » proposait : « et les circonstances », ce qui ajoute une condition supplémentaire.
Le texte du Gouvernement protège les maires. Si, en effet, dans une police municipale, un, deux ou trois agents poussent, par leur organisation, à l'armement, ils pourront s'appuyer plus facilement sur un texte qui pose en principe que l'armement est autorisé. Ils auront au contraire plus de mal à convaincre le maire de les armer si le droit commun est le non-armement, l'armement étant dérogatoire. C'est pourquoi je suis défavorable à l'amendement n° 28.
M. Michel Duffour. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. La position de M. le ministre me paraît aussi plus convaincante que celle de M. le rapporteur.
Nous disposons de données indiquant que près des deux tiers des polices municipales ne sont pas armées ; elles doivent constituer le point de départ de notre réflexion.
Si, dans une commune, le besoin d'armer la police municipale se fait sentir, le texte proposé par le Gouvernement, qui est un texte ouvert et d'apaisement, permettra une réflexion supplémentaire avant qu'il soit procédé à l'armement. Je crois donc que la voie de la sagesse est de suivre M. le ministre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 29, M. Delevoye, au nom de la commission, propose, dans la seconde phrase du second alinéa du texte présenté par l'article 7 pour insérer un article L. 412-51 dans le code des communes, après les mots : « en outre », d'insérer les mots : « les catégories et ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Il s'agit de rétablir le texte du projet de loi initial, qui renvoyait au décret la détermination des catégories d'armes autorisées.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Il faut être cohérent avec l'amendement n° 28. Or, introduire les catégories ne l'est pas. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 29.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 30, M. Delevoye, au nom de la commission, propose, après les mots : « conservation par la commune » de rédiger ainsi la fin de la seconde phrase du second alinéa du texte présenté par l'article 7 pour insérer un article L. 412-51 dans le code des communes : « et les conditions de leur utilisation par les agents ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Il s'agit d'un amendement formel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 31, M. Delevoye, au nom de la commission, propose de compléter in fine le second alinéa du texte présenté par l'article 7 pour insérer un article L. 412-51 dans le code des communes par une phrase ainsi rédigée : « Il précise les modalités de la formation que ces derniers reçoivent à cet effet. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de clarification rédactionnelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 31, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 8