Séance du 19 mai 1998
DE L'ACCUEIL DES ÉTRANGERS EN FRANCE
M. le président.
La parole est à M. Madrelle, auteur de la question n° 258, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Philippe Madrelle.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, rassurez-vous,
mon propos de ce matin n'est pas d'ouvrir à nouveau le débat sur ce sujet
déchaînant les passions : les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en
France. M. Jean-Pierre Chevènement a eu le mérite, voilà quelques semaines, de
défendre à cette tribune un texte de clarification capable - du moins nous le
souhaitons - de mettre un terme à une législation devenue trop complexe, pour
ne pas dire incohérente, à la suite des modifications successives intervenues
sur l'ordonnance de 1945.
M. le ministre l'a rappelé lors des différentes lectures de ce texte, tant au
Sénat qu'à l'Assemblée nationale, la maîtrise des flux migratoires doit se
faire dans le respect des droits des étrangers, conformément à nos valeurs et,
plus précisément, à la tradition républicaine de la France, considérée comme
terre d'asile et avant tout symbole de la patrie des droits de l'homme.
Or, que ce soit dans les permanences des associations d'aide aux travailleurs
immigrés ou dans les permanences parlementaires, nous sommes confrontés de plus
en plus souvent à des situations très difficiles et particulièrement
douloureuses d'étrangers en butte à l'attitude humiliante de l'administration.
Cette situation est aux antipodes - je le sais - de ce que souhaite et veut le
Gouvernement.
Si l'étranger a des droits et des devoirs, il a d'abord le droit d'être
considéré comme un être humain dans toute sa dignité ! Lorsque l'étranger se
présente à ce fameux guichet que l'on pourrait appeler le « guichet-punition »,
il a déjà effectué une sorte de parcours du combattant et se voit alors opposer
des méthodes se situant parfois à la limite de la violation des droits de
l'homme.
N'oublions pas la profonde détresse dans laquelle se trouvent ces êtres
humains qui, contraints à l'exil, sont d'abord en quête du simple et
élémentaire droit de vivre dignement, conformément aux valeurs et à la
tradition républicaine de la France. Ce sont ces valeurs essentielles du
respect de l'individu, de la défense des libertés publiques qui devraient
animer et inspirer les fonctionnaires en charge de l'information et de
l'accueil des étrangers.
Souvent surchargée, l'administration ne peut faire face tant les procédures
sont lourdes, compliquées, excessives. D'un autre côté, il est impossible que
les étrangers puissent se retrouver dans le labyrinthe des différentes
dispositions qui leur sont applicables. Si à cette complexité des démarches et
de la législation, aux tracasseries administratives viennent s'ajouter les
brimades, l'arbitraire, les propos discriminatoires, toutes les conditions sont
réunies pour fabriquer des situations explosives. Ces dérives xénophobes sont
intolérables et constituent une grave menace pour notre démocratie.
Ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu'il serait opportun que, à l'instar
de ce que le Gouvernement a décidé pour chaque demandeur d'asile, l'étranger
qui vient déposer sa demande de régularisation ou de regroupement familial
puisse bénéficier d'un entretien personnalisé capable de l'aider et de
l'informer plus précisément des différentes pièces constituant son dossier.
Vous me permettrez de vous demander où en est la réalisation d'un document qui
recense l'ensemble des titres existants. Je crois que cette simplification des
procédures administratives est indispensable pour faciliter le dialogue et la
nécessaire compréhension entre les deux parties.
Conjugué à l'impératif absolu du respect des droits de l'homme, un effort de
formation des agents préfectoraux pourrait peut-être améliorer le
fonctionnement de ces rouages en y mettant un peu d'humanité, de fraternité et
de solidarité, ces valeurs que le Gouvernement et vous-même, madame la
ministre, défendez quotidiennement, je le sais, avec beaucoup de force et de
conviction.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Monsieur le sénateur,
M. le ministre de l'intérieur en déplacement m'a chargée de vous transmettre sa
réponse.
Il est excessif et injuste de qualifier de « déplorables » les conditions
d'accueil et d'écoute réservées aux étrangers dans les services concernés des
préfectures. Il convient, au contraire, de rendre hommage au dévouement, au
sens du service public et à l'efficacité des fonctionnaires de préfecture, qui,
conformément aux instructions données par le ministre de l'intérieur, ont fait
en sorte que les 145 000 étrangers ayant déposé une demande de régularisation
soient reçus au moins une fois.
Il n'en demeure pas moins exact que les efforts de formation des personnels
des bureaux des étrangers doivent être amplifiés, non seulement pour améliorer
la qualité de l'accueil des étrangers et les aider dans leurs démarches
administratives, mais aussi pour permettre une application homogène des textes
au moment où va entrer en vigueur la loi relative à l'entrée et au séjour des
étrangers en France et au droit d'asile.
Nombreux sont les fonctionnaires qui s'inscrivent aux sessions de formation
proposées par le Centre des hautes études sur l'Afrique et l'Asie moderne pour
parfaire leur connaissance des publics qu'ils ont à accueillir, aux fins
d'assurer une meilleure prise en compte de leurs préoccupations.
D'une manière plus générale, les fonctionnaires participent aux stages
d'adaptation à leurs fonctions et à l'accueil du public organisés à leur
intention dans les préfectures ou au centre national de formation de la
direction générale de l'administration du ministère de l'intérieur à Lognes.
En outre, pour accompagner la mise en application de la loi sur l'entrée en
vigueur et le séjour des étrangers et harmoniser les pratiques sur l'ensemble
du territoire, un dispositif de formation a été arrêté à l'intention des
personnels d'encadrement et des agents de guichet chargés de l'accueil et du
traitement des dossiers des étrangers.
Les stages réservés à l'encadrement - directeurs de préfecture, chefs de
bureau des étrangers et leurs adjoints, secrétaires généraux et secrétaires en
chef de sous-préfecture - ont commencé le 5 mai 1998 au centre national de
formation de la direction générale de l'administration du ministère de
l'intérieur à Lognes. Ils devraient se poursuivre jusqu'à la fin juin et
concerner plus de deux cents cadres.
Les actions délocalisées à destination de l'encadrement intermédiaire des
bureaux des étrangers et de l'ensemble des agents de guichet débuteront à
partir du mois de septembre de cette année.
Une bonne connaissance des textes, conjuguée aux formations à l'accueil du
public organisées par les préfectures, contribuera à garantir une meilleure
prise en compte des préoccupations des étrangers concernés et ainsi à répondre
positivement à la préoccupation que vous avez exprimée, monsieur le
sénateur.
M. Philippe Madrelle.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle.
Je comprends votre message, madame la ministre, et je vous en remercie, mais
si j'en crois les témoignages que j'ai reçus et les exemples qui m'ont été
cités, il reste vraiment beaucoup à faire.
En tout cas je remercie le Gouvernement, dont je connais la volonté.
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à seize heures
cinq, sous la présidence de M. Jacques Valade.)