Séance du 13 mai 1998
PROFESSION D'ARTISAN BOULANGER
Adoption d'une proposition de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 375,
1997-1998), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à la détermination des
conditions juridiques de l'exercice de la profession d'artisan boulanger.
[Rapport n° 417 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à
l'artisanat.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, le pain, incontestable élément de l'identité
française, nous réunit aujourd'hui autour d'un texte d'initiative
parlementaire. Au demeurant, la représentation nationale a multiplié les
initiatives sur ce sujet dans chacune des deux assemblées.
La boulangerie française est l'une des activités qui font partie de cette
culture que beaucoup de pays du monde nous envient.
L'image du pain atteste de la place privilégiée qu'occupe ce produit : tous
ceux qui apprécient l'authentique qualité du bon pain fabriqué dans les règles
de l'art sont prêts à faire un détour pour se le procurer.
Le pain est un produit simple qui s'inscrit dans le quotidien et la tradition
: 94 % des familles achètent du pain de consommation courante, et 62 % le font
tous les jours. Ces chiffres montrent à quel point les boulangeries de ce pays
sont des endroits importants dans la vie quotidienne, des lieux de rencontre et
de convivialité.
La journée du 16 mai est symbolique pour les professionnels de la boulangerie,
puisque c'est le jour de la Saint-Honoré, patron des boulangers. M. Raffarin en
a fait le jour de la « fête du pain », que nous célébrons et que nous
continuerons à célébrer sur tout le territoire à l'avenir.
A la veille de cette journée et du début de la troisième édition de la « fête
du pain », je souhaite que la proposition de loi relative à la détermination
des conditions juridiques de l'exercice de la profession d'artisan boulanger,
dont nous allons débattre aujourd'hui, illustre l'importance de cette activité
pour notre pays.
Le pain doit garder sa force symbolique, qui est issue d'une longue histoire
dont les artisans boulangers sont aujourd'hui les dépositaires : les 35 000
boulangers artisans de notre pays, avec 110 000 emplois, détiennent près des
trois quarts du marché.
La situation économique de la boulangerie artisanale a changé. En quelques
années, cette profession s'est trouvée confrontée à une remise en cause de son
activité, liée aux modes alimentaires mais aussi à l'émergence de nouvelles
méthodes de fabrication et de distribution du pain.
Mon prédécesseur a pris, le 12 décembre 1995, un arrêté définissant les
conditions d'emploi de l'appellation de boulanger, mais cet arrêté a été annulé
par le Conseil d'Etat pour absence de base légale, ce qui a avivé l'inquiétude
des professionnels.
La sauvegarde de la boulangerie artisanale - et, au-delà, son installation
définitive - passe d'abord par la fabrication d'un produit de qualité, et
ensuite par l'identification des établissements qui vendent ce produit. Il faut
que le consommateur trouve dans les boulangeries un produit frais, entièrement
fabriqué sur place. Là doit être la différence essentielle entre une
boulangerie et un simple dépôt de pain ou un terminal de cuisson.
La présente proposition de loi vise à permettre au consommateur d'être
clairement informé sur le type de fabrication du pain qu'il achète lorsqu'il
pénètre dans une boulangerie. Elle répond à l'exigence de qualité et de
qualification de la boulangerie artisanale.
Je salue les différentes initiatives parlementaires dont j'ai parlé à
l'instant, notamment celle de MM. Crépeau et Sarre, à l'Assemblée nationale,
qui a permis d'aboutir au texte que vous allez examiner.
Ce texte a fait l'objet d'un vote quasi unanime à l'Assemblée nationale, et
j'espère que le même consensus se dégagera aujourd'hui lors du vote au Sénat ;
j'espère d'ailleurs que nous irons le plus vite possible pour rendre leur
qualification aux boulangers, qui l'attendent.
Après l'adoption de ce texte, le consommateur saura qu'il achète dans une
boulangerie du pain frais fabriqué totalement sur le lieu de vente et, surtout,
préparé sans aucune technique de congélation ou de surgélation. C'est la raison
essentielle pour laquelle le Gouvernement a donné son accord à la
proposition.
La boulangerie sera clairement identifiée comme le lieu où l'on trouve du pain
frais sans risque non pas d'être trompé, mais de trouver un produit différent,
comme on peut en trouver dans les terminaux de cuisson.
Les dispositions de cette proposition de loi ne traduisent pas un refus de la
modernité ; comme on a pu le lire ici ou là. Les techniques de fabrication ont
évolué et les procédés permettent déjà à la plupart des boulangeries de ne plus
faire appel à la surgélation ou à la congélation. Les boulangers ont démontré
leur capacité d'adaptation et leur vitalité et, dès l'ouverture du débat sur
l'innovation, le CNRS a d'ailleurs rappelé avec quel plaisir il avait travaillé
avec les représentants de la boulangerie française.
Le pointage retardé de la pousse contrôlée lente ou la pousse contrôlée
bloquée, qui permettent une cuisson plus échelonnée dans le temps et une offre
variée, ont donné aux boulangers une plus grande latitude dans leur
fabrication.
Non, il ne s'agit pas ici de refermer le métier de boulanger sur lui-même,
mais de défendre son image et son avenir, et ce dans l'intérêt, essentiel, du
consommateur !
Il convient également de ne pas être discrimatoire. Actuellement, les nombreux
dépôts-ventes de pains fabriqués à partir de pâtes surgelées d'origine
industrielle entraînent une confusion - j'en parlais tout à l'heure - dans
l'esprit des consommateurs et des visiteurs. A cet égard, alors que va se
dérouler en France une manifestation d'importance mondiale, le pain sera, à
l'évidence, l'un des éléments essentiels de l'accueil.
Protéger les boulangers, c'est aussi promouvoir la qualité, servir le
consommateur. Il convient de ne pas céder au corporatisme, en autorisant les
dépôts de pain dépendant d'un boulanger à porter cette dénomination, et ce,
quel qu'en soit le nombre. En effet, si nous disions oui à une ouverture
plurielle - sans jeu de mots et avec le sourire - nous aurions du mal à faire
respecter le texte tel que nous voulons l'écrire aujourd'hui.
Aux yeux du consommateur, entre ces dépôts et ceux d''une boulangerie
industrielle, quelle différence y aurait-il, alors que la recherche de
l'authenticité devient pour lui une impérieuse nécessité ? Mais je sais pouvoir
compter sur l'imagination de nos boulangers, qui fabriquent dans de bonnes
conditions ce pain artisanal que nous aimons tant, pour informer le
consommateur que le pain est en vente ici ou là. Je ne me fais pas de souci sur
ce point.
Cette proposition de loi est une bonne réponse à l'évolution de la
boulangerie. Il s'agit non pas de créer de nouvelles contraintes, mais de
garantir, comme cela a été fait par d'autres textes du code de la consommation,
la bonne information et la juste protection du consommateur.
La proposition vise à valoriser la qualité, l'authenticité, mais aussi à
inscrire la boulangerie à la fois dans l'histoire de la France et dans son
avenir.
Cela n'empêchera d'ailleurs en rien, contrairement à ce que j'ai pu également
lire ici ou là, les exportations de pain produits vers d'autres pays.
L'article 21 de la loi du 5 juillet 1996, présentée par M. Raffarin, prévoit
qu'un cahier des charges par profession peut être homologué par décret, ce qui
permet de définir l'appellation de boulangerie artisanale.
Nous sommes en train de préparer, avec la Confédération nationale de la
boulangerie, un cahier des charges qui définira les conditions de fabrication
artisanale d'un pain, de telle sorte que la dénomination artisanale vienne
compléter le dispositif prévu par cette loi. On voit donc bien la démarche : le
boulanger, la qualité, la spécificité.
Je sais aussi que, sous la pression de la concurrence, certains responsables
de points de vente de pain tendent à ne pas respecter l'obligation du repos
hebdomadaire tel qu'il est pratiqué par les artisans boulangers.
Je rappelle, à cet égard, que la réglementation, à savoir l'article L. 221-2
du code de travail, interdit d'occuper un salarié plus de six jours par
semaine. C'est sur cette base juridique qu'est fondée l'obligation de fermeture
un jour par semaine des magasins alimentaires.
Cette disposition pose, certes, quelques problèmes. Mais en éditant un certain
nombre de règlements de ce type, on pourra évoluer collectivement, car le
détournement de la législation est d'autant plus préoccupant que les
boulangeries sont concurrencées par des points de vente en petite ou en grande
surface où l'on ne vend du pain qu'à titre accessoire pour essayer de vendre
autre chose.
Pour les départements, peu nombreux, où subsistent des difficultés
d'application de la réglementation, je donnerai des instructions très précises
aux préfets pour qu'ils s'assurent que l'obligation de repos hebdomadaire est
respectée dans tous les points de vente de pain et pour qu'ils fassent procéder
à des contrôles.
Je prépare, en liaison avec Mme Aubry, Mme Guigou et M. Chevènement, une
circulaire interministérielle dans laquelle la volonté du Gouvernement de voir
respecter strictement la législation existante sera très fermement
réaffirmée.
Depuis des années, de nombreux artisans ont pris le parti de la qualité. Les
consommateurs les soutiendront, naturellement, parce qu'ils sauront qu'en
poussant la porte d'une boulangerie ils trouveront un pain frais de qualité
fabriqué par un artisan reconnu et qualifié.
Je ne me lasse pas de répéter que, après la compétitivité par les coûts qu'a
connue notre pays, il est temps que nous fassions tout pour que la
compétitivité soit assise sur la qualité.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Raffarin,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, aujourd'hui, le
débat est d'importance pour la Haute Assemblée, et je suis heureux de voir que
nos collègues sont très motivés par ce dossier significatif des problèmes posés
aux petites et moyennes entreprises de notre pays.
Le débat est d'importance, tout d'abord, parce que la boulangerie - Mme le
secrétaire d'Etat l'a dit - est un secteur qui est essentiel sur le plan
territorial, avec encore 34 500 boulangeries, c'est-à-dire une boulangerie par
commune - hélas ! ce n'est pas tout à fait vrai ! - et majeur sur le plan
économique par l'oxygène qu'il donne à tout le pays.
Le débat est également d'importance parce que, depuis quelques années, la
profession a été victime d'une triple attaque sous forme de concurrence
déloyale.
La première attaque, c'est la pratique de prix anormalement bas par des formes
de distribution, dites modernes mais, en fait, surtout déloyales, qui vendent
la baguette à un franc. A cet égard, je garde à la disposition de ceux qui
prétendent que cette dernière est introuvable les nombreuses publicités de
certaines grandes structures commerciales qui pratiquent des prix inaccessibles
à des artisans fabriquant la baguette de 200 grammes ou de 250 grammes de façon
artisanale.
Cette première forme de concurrence constituant une agression forte contre la
boulangerie, les pouvoirs publics ont décidé de protéger cette dernière,
notamment en mettant à jour les ordonnances de 1986 et en prenant des
dispositions visant à lutter contre les prix « prédateurs », les prix
anormalement bas.
La deuxième attaque - deuxième forme de concurrence déloyale - c'est le
non-respect par certains du repos hebdomadaire. L'artisan, qui, lui, doit
fermer boutique une journée par semaine, se trouve confronté, parfois à
quelques dizaines de mètres de son magasin, à des professionnels qui, eux, se
targuent d'être ouverts sept jours sur sept. C'est là une concurrence difficile
à supporter pour des petites entreprises dont les comptes d'exploitation sont
déjà, bien souvent, difficiles à équilibrer.
C'est un point très important, madame le secrétaire d'Etat. J'ai noté avec
beaucoup d'intérêt, dans votre intervention, l'affirmation de votre volonté
d'obtenir, au moyen d'une circulaire « plurielle » - j'espère que cette qualité
lui permettra d'être encore plus efficace ! - que, notamment dans les
départements où l'on relève encore des insuffisances, les résultats soient ceux
que nous souhaitons.
Je suis prêt à débattre avec vous de ce sujet, madame le secrétaire d'Etat,
lors de l'examen des amendements. Mais, si vous acceptiez qu'un bilan soit
dressé après un certain nombre de mois d'application de cette circulaire, nous
pourrions vous faire confiance et tirer ensemble les leçons de cette nouvelle
orientation que vos collègues et vous-même donnerez à l'action
gouvernementale.
En tout cas, le respect du repos hebdomadaire est un élément essentiel de
l'équilibre, et donc de la lutte contre la concurrence déloyale.
La troisième attaque contre la boulangerie a été de nature professionnelle et
a porté sur l'identité même du boulanger. Si elle n'a pas été la plus
importante sur le plan économique, elle a été la plus blessante sur les plans
culturel et professionnel. Elle tient au fait qu'un certain nombre de personnes
qui vendent du pain se font passer pour des boulangers, au fait que l'on peut
confondre, dans notre pays, le pain chaud et le pain frais, au fait qu'un dépôt
de pain peut être perçu par le consommateur comme un lieu de fabrication du
pain. Voilà qui est préoccupant pour la profession, bien sûr, mais aussi et
surtout pour le consommateur, soucieux de voir s'appliquer des règles
transparentes afin qu'un pain industriel fabriqué de manière industrielle
s'appelle industriel et qu'un pain élaboré conformément aux différentes phases
de la fabrication artisanale puisse être identifié comme étant de fabrication
artisanale !
C'est culturellement nécessaire pour l'identité du boulanger ; c'est
économiquement nécessaire pour l'information du consommateur.
Nous avons découvert des procédés étonnants qui nous montrent que l'habileté
est sans limite. Certains utilisent des diffuseurs, des bombes aérosols pour
donner l'illusion aux chalands qui passent devant la boulangerie que le pain y
est fabriqué de façon artisanale, alors que ce n'est pas le cas.
Qui est boulanger fabrique son pain de manière artisanale et doit être
identifié comme tel. Cet élément est très important et j'ai beaucoup apprécié
l'engagement des professionnels sur ce point. La confédération se doit de faire
respecter la réglementation pour protéger l'identité d'artisan boulanger de
ceux qui ont choisi de fabriquer le pain de manière artisanale.
Nous avons donc souhaité protéger l'identité des boulangers contre la
concurrence déloyale dont ils sont les victimes, et nous avons pris, en
décembre 1995, un arrêté dont nous connaissions - je peux le dire ici - les
fragilités juridiques. Mais le volontarisme politique existe aussi
(Mme le
secrétaire d'Etat sourit)
et ce n'est pas parce que des fonctionnaires et
d'autres disent « non » qu'il faut renoncer. Nous avons persévéré.
Naturellement, il y a eu des recours devant le Conseil d'Etat.
Nous savions que nous avions deux ans devant nous pour l'arrêté, pas pour le
Gouvernement, hélas !
(Sourires.)
Notre réponse juridique, nous l'avons
apportée dans un texte, adopté par le conseil des ministres, après consultation
du Conseil d'Etat, intégré dans un projet de loi portant DDOEF, car notre
arrêté manquait de bases juridiques. Il fallait donner une dimension
législative à cette disposition.
L'arrêté avait donné le signal, avait lancé la campagne pour l'identité de la
boulangerie - il fallait un engagement politique - puis un texte devait
conforter la procédure.
Mais le changement de gouvernement, imprévisible évidemment, a fait que
l'arrêté a été annulé avant que ce texte soit déposé.
C'est ainsi que MM. Ostermann et Grignon ont déposé un texte de qualité et que
moi-même ainsi qu'un certain nombre d'entre vous en avons déposé un autre pour
apporter une réponse législative au problème de l'identité du boulanger.
Nous avons apprécié que nos collègues députés engagent une démarche identique,
et je salue la solidarité picto-charentaise entre toutes de M. Michel Crépeau
qui, à l'Assemblée nationale, a déposé un texte similaire à celui que nous
avions déposé au Sénat.
Profitant de l'opportunité qui a été offerte au groupe politique qu'il
préside, sa proposition de loi a été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée
nationale.
Je me réjouis de cette coopération entre le Sénat et l'Assemblée nationale.
Cela montre aux députés qu'ils ont aussi besoin d'un Sénat !
(Sourires.)
Il convient de relever cette convergence dans un combat commun pour défendre
l'identification de la boulangerie.
Cette proposition de loi, après avoir été examinée par l'Assemblée nationale,
nous est aujourd'hui soumise, et le rapport que je présente fait donc la
synthèse entre la proposition de MM. Michel Crépeau, Georges Sarre et autres,
et notamment les propositions que nous avions déposées au Sénat.
J'ai évidemment porté une grande attention au texte de M. Crépeau ainsi qu'au
débat auquel il a donné lieu à l'Assemblée nationale. Madame le secrétaire
d'Etat, la position de la commission des affaires économiques est tout à fait
dans la ligne du débat tel qu'il s'est déroulé à l'Assemblée nationale.
Nous voyons deux défauts à ce texte, qui présente néanmoins plus d'avantages
que de défauts.
Le premier défaut tient à la définition limitée à une seule boulangerie. Elle
élimine un certain nombre de cas de boulangers qui ont un fournil, une
boulangerie, et qui ont, à côté, la boulangerie du fils ou du grand-père, la
boulangerie familiale, donc deux établissements avec le même fournil et la même
qualité artisanale.
Dans notre proposition de loi, nous avions prévu un ou deux établissements
secondaires. Nous ouvrions un peu la porte aux quelques artisans qui fabriquent
encore par méthode artisanale mais qui, dans un même village, peuvent avoir
deux boulangeries. Nous pensions que c'était une ouverture importante. Les
députés n'ont pas retenu cette position, ce que nous regrettons.
Le second défaut concerne le repos hebdomadaire. En effet, je crois qu'une
nouvelle loi « boulangerie » n'est pas près de voir le jour et si l'on avait
pu, dans ce texte, mettre l'accent sur le respect du repos hebdomadaire pour
tous ceux qui distribuent du pain, c'eût été un grand progrès.
J'ai entendu vos propositions, madame le secrétaire d'Etat, et, pour ma part,
je suis prêt à revoir, avec nos collègues, la position de la commission au
cours de la discussion des deux amendements que nous avons déposés sur ces
sujets de façon à aboutir le plus vite possible.
En effet, j'attire l'attention du Sénat sur une situation législative un peu
particulière : le texte qui nous est soumis aujourd'hui est certes important,
mais il est soumis dans le calendrier législatif à une concurrence de textes
très importants également. Or, si une bataille d'amendements nous conduisait à
une navette, nous risquerions de retarder l'adoption de ce texte, ce qui, non
seulement décevrait les boulangers, mais grèverait ce texte de certaines
incertitudes. Il existe aujourd'hui un consensus. Mais l'expérience m'a
enseigné que, dans ces métiers, lorsqu'il y a consensus, il faut en profiter
parce qu'il risque de ne pas durer !
Je suis donc partisan, madame le secrétaire d'Etat, si la discussion est
constructive, de faire tout notre possible, ici au Sénat, pour émettre un vote
conforme ; ainsi le texte serait définitivement adopté et les boulangers
verraient leur identité reconnue. Nous pouvons avancer dans cette
perspective.
En conclusion, je dirai que ce combat pour la boulangerie est très important
mais il dépasse le cadre de la boulangerie. Je crois vraiment qu'il s'agit là
d'un combat essentiel pour l'ensemble de l'économie artisanale.
M. Bernard Barraux.
Oui !
M. Jean-Pierre Raffarin,
rapporteur.
Nous avons besoin d'un artisanat fort dans notre pays. Les
pouvoirs publics, d'une manière générale, et tous pouvoirs confondus, ne
portent pas suffisamment d'attention à l'économie artisanale, qu'on veut trop
enfermer dans l'économie du passé.
Nous qui sommes ici dans cette assemblée des gens de terrain, nous savons bien
que c'est l'artisanat qui souvent fait l'emploi ; c'est l'artisanat qui fait
l'aménagement du territoire ; c'est l'artisanat qui, aujourd'hui, assure très
souvent la promotion de nos territoires.
M. Bernard Barraux.
C'est vrai !
M. Jean-Pierre Raffarin,
rapporteur.
L'apprentissage et l'ensemble de ces activités ont pour nous
un caractère essentiel.
Ce qui est intéressant dans ce combat de la boulangerie, c'est qu'il est
populaire. Les boulangers ont su avoir le soutien de l'opinion publique et nous
faisons en sorte que ce soutien à la boulangerie soit aussi un soutien à
l'artisanat.
Je suis heureux de lire dans de très nombreuses études que les consommateurs
qui se précipitent dans les grandes surfaces ont conscience de trouver des
produits de qualité chez leur artisan, professionnel qui s'est engagé dans sa
formation et dans ses démarches pour assurer une qualité que l'on ne trouve pas
forcément ailleurs.
Il me semble que l'enjeu capital de la bataille actuelle autour de l'économie
artisanale consiste à convaincre les artisans que leur avenir passe par la
qualité. C'est elle qui leur donne leur légitimité : qualité du produit,
qualification du professionnel. C'est à la demande du gouvernement de M. Alain
Juppé que vous avez voté cette qualification préalable. L'article 21 de la loi
de 1996 qu'évoquait tout à l'heure Mme le secrétaire d'Etat nous permet d'aider
l'artisanat à jouer la carte de la qualité. Grâce à ce texte, l'artisan est
aujourd'hui un professionnel reconnu.
Si nous nous investissons dans la bataille des boulangers, ce n'est pas pour
défendre une corporation, mais pour promouvoir la qualité artisanale, et par là
même défendre l'ensemble de notre économie et notre société. C'est pour cela
que ce combat est aussi symbolique et aussi important.
C'est aujourd'hui au tour du Sénat de bien montrer toute l'importance qu'il
attache à cette économie artisanale qui fait souvent honneur aux métiers, aux
métiers manuels, à cette capacité, aujourd'hui encore, de faire la
démonstration que c'est la main qui donne la force à l'idée.
Je suis très heureux, madame le secrétaire d'Etat, que le calendrier
législatif nous permette de discuter de ce sujet aujourd'hui, 13 mai. Ce n'est
pas un putsch
(Sourires),
c'est simplement le Sénat qui s'invite à la
fête du pain.
(Applaudissements.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 21 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous
sommes amenés à débattre aujourd'hui d'un texte qui peut paraître anodin à
certains, et qui pourtant à mes yeux - et à vos yeux, j'en suis sûr - revêt une
importance réelle : je n'en veux pour preuve que les propos de Mme le
secrétaire d'Etat et de M. le rapporteur.
Cette proposition de loi tend à préciser les « conditions juridiques de
l'exercice de la profession d'artisan boulanger ».
Toutefois, je tiens à souligner la nécessité d'adopter au plus vite un
dispositif visant à encadrer l'appellation de boulanger et à protéger l'artisan
boulanger.
Sans esprit de polémique, je me permets quand même de rappeler qu'en 1995
l'arrêté interministériel de M. Raffarin avait, certes, introduit une avancée
réelle en la matière mais en préférant la voie réglementaire à la voie
législative, alors qu'en octobre 1993 un député avait déjà déposé une
proposition de loi sur ce même thème.
Aujourd'hui, donc, la même initiative est prise, certes quelque peu dans
l'urgence, pour préserver le plus vite possible les intérêts de cette
profession. Elle recueille, madame le secrétaire d'Etat, votre assentiment et
je crois celui de la quasi-totalité de mes collègues de toute sensibilité.
Au sein de la profession, il en est de même, et cela se comprend aisément.
Madame le secrétaire d'Etat, vous avez largement consulté les organisations
nationales représentatives de la boulangerie. Elles sont globalement favorables
à ce texte, même si, ici ou là, elles requièrent, à juste titre, des précisions
que je vais aborder.
Dans mon département, j'ai également consulté l'organisation syndicale
représentative des boulangers. Nous avons repris dans le détail les
dispositions du texte qui, dans son ensemble, les satisfait.
Ainsi, ne seront qualifiés de boulangers que les professionnels qui assurent
eux-mêmes, à partir de matières premières choisies, le pétrissage de la pâte,
sa fermentation, sa mise en forme ainsi que la cuisson du pain sur le lieu de
vente au consommateur final.
Le critère de l'unité de lieu a été étendu, notamment lorsque le pain est
vendu de façon itinérante par un professionnel ou sous sa responsabilité.
Ainsi, la profession est-elle mieux protégée.
Très récemment, un décret du 2 avril 1998 relatif à la qualification
professionnelle exigée pour l'exercice de certaines activités avait déjà
précisé les conditions de qualification requises, à savoir la détention d'un
certificat d'aptitude professionnelle, un CAP, ou la justification de trois
années d'expérience professionnelle.
Mais les conditions d'exercice de la profession nécessitaient un cadrage. Il
est d'ailleurs judicieux d'aller plus loin dans le décret d'application que
vous serez amenée à prendre, madame le secrétaire d'Etat, notamment en ce qui
concerne le nombre d'établissements secondaires autorisés par entreprise
susceptible de recueillir l'appellation « boulangerie ».
Nos informations nous conduisent à accepter les propositions de M. le
rapporteur tendant à aller quelque peu au-delà des dispositions adoptées par
l'Assemblée nationale.
En tout état de cause, l'accent devra être mis, lors de l'élaboration du
décret d'application, sur la définition la plus précise possible de la
profession de « boulanger artisan ».
J'insiste volontairement sur le mot « artisan » - je me fais ainsi l'écho des
attentes, somme toute légitimes, des artisans boulangers - parce qu'il sera
nécessaire de différencier, avec des moyens qui restent à préciser, la
boulangerie artisanale et la fabrication industrielle.
Par cette proposition de loi, nous assurons un véritable cadrage de
l'aménagement du territoire, faisant de ce service privé un service d'utilité
publique, mutation que le petit commerce n'a pas su réaliser quand, voilà une
trentaine d'années, les grandes surfaces ont commencé à faire disparaître les
échoppes de nos campagnes et de nos quartiers.
Notre pays a besoin de protéger la boulangerie, tant sur le plan culturel que
sur le plan économique. C'est la raison pour laquelle, madame le secrétaire
d'Etat, je me réjouis de votre initiative tendant à l'élaboration d'un cahier
des charges qui précisera, comme vous l'avez évoqué, les méthodes de
fabrication du pain artisanal et qui reprendra le détail de la filière depuis
les matières premières d'origine, pourquoi pas depuis le blé.
A cette occasion, tout devra être mis en oeuvre pour renforcer l'information
du consommateur, de sorte qu'il soit, en toute connaissance de cause, en mesure
de choisir le pain qu'il veut consommer.
Si cette proposition de loi est une avancée pour la profession de boulanger,
elle doit aussi en être une pour le consommateur. Voilà un raisonnement qui
ressemble fort à celui que je défends avec conviction pour la traçabilité des
produits dans la filière bovine.
C'est pour répondre à cette attente qu'un étiquetage clair quant à la qualité
du produit vendu et à ses conditions de fabrication devra, me semble-t-il, être
envisagé dans le cahier des charges. Sur cette question, je vous saurais gré,
madame le secrétaire d'Etat, de nous faire part de votre position.
Je souhaite évoquer également, parce que cela répond à une forte attente des
artisans boulangers, la fermeture hebdomadaire des points de vente.
Certes, une circulaire ministérielle du 19 février 1995 spécifie déjà cette
obligation. Mais vous n'ignorez pas qu'elle est très mal appliquée et très peu
respectée dans la quasi-totalité des départements.
Madame le secrétaire d'Etat, vous vous êtes engagée, à l'Assemblée nationale,
à envoyer des circulaires à tous les préfets pour que le droit soit respecté
partout. Il nous serait agréable que vous puissiez réitérer aujourd'hui devant
nous cet engagement et que vous précisiez les sanctions que vous envisagez pour
les éventuels contrevenants.
En fait - et j'en viens maintenant à des remarques plus générales - nous
débattons aujourd'hui d'un sujet qui pourrait paraître anodin à plus d'un titre
et, somme toute, très corporatiste, la profession d'artisan boulanger. Pourtant
cette proposition de loi me semble tout à fait d'actualité.
A l'heure où nous entrons concrètement dans l'Europe, au moment où nous
renégocions la PAC pour les années 2000-2006 et où la mondialisation de
l'économie est incontournable, il serait paradoxal de légiférer sur la
profession d'artisan boulanger dans l'Hexagone et lui seul et d'en défendre les
spécificités. Je ne partage pas ce point de vue. Nous savons, en effet, depuis
longtemps, et cela se concrétise chaque jour un peu plus, qu'il est nécessaire
et urgent, sans tomber dans un nationalisme étriqué et sectaire, de défendre
certaines spécificités françaises.
A cet égard, la profession d'artisan boulanger est une composante majeure de
notre identité nationale. Elle fait partie intégrante de l'image que les
Français véhiculent à l'étranger.
En outre, et c'est de loin la notion la plus importantte qui justifierait à
elle seule l'intérêt que nous portons tous à cette profession, il s'agit d'un
des piliers de notre commerce de proximité en milieu urbain et surtout - nous
le savons bien, nous qui représentons les collectivités territoriales - en
milieu rural.
Le boulanger concourt à l'animation du quartier et du village. J'irai même
plus loin, dans ce siècle qui nous conduit inexorablement vers la
désertification rurale, malgré nos choix et nos efforts, l'artisan boulanger
reste le lien privilégié qui maintient le contact entre des personnes de plus
en plus isolées, malgré Internet et les satellites.
Chacun défend son boulanger comme il défend son école, sa poste, bref son
patrimoine local, en d'autres termes tout ce qui fait la force de la cohésion
sociale, dont on parle beaucoup aujourd'hui.
Les 35 000 artisans boulangers, qui emploient 110 000 personnes et qui
représentent 71 % du marché du pain, ont donc été choqués par la décision du
Conseil d'Etat d'annuler l'arrêté les concernant, car cet arrêté visait à
empêcher les boulangeries industrielles et les terminaux de cuisson de se
prévaloir de l'appellation « boulangerie ».
Il était donc urgent, je l'ai déjà dit, de légiférer afin de prémunir ces
artisans boulangers d'une concurrence trop souvent déloyale et faisant naître
chez le consommateur un doute quant à la qualité finale du pain acheté et de
son mode de fabrication artisanal ou non.
Ce texte est important car il est en discussion à un moment où le consommateur
est en pleine crise de confiance du fait de la maladie de la vache folle, de
l'introduction d'organismes génétiquement modifiés dans notre alimentation et
des déchets toxiques nucléaires qui empoisonnent notre environnement,
notamment.
Il est donc important que le consommateur sache qu'en pénétrant dans un lieu
dont l'enseigne porte le nom boulangerie, il trouvera un produit fabriqué selon
une méthode qui correspond à l'idée qu'il s'en fait et, surtout, qui lui
garantira un produit de qualité.
Les années qui se profilent à l'horizon de l'an 2000 sont celles d'une
véritable prise de conscience par chaque individu de la nécessité de prendre en
compte une plus grande qualité de vie, ce qui passe par un environnement plus
sain et par une alimentation de qualité.
Ce texte, qui sera voté, je l'espère, par l'ensemble de nos collègues,
contribuera à la construction, à l'aube de l'an 2000, de l'édifice nécessaire
au maintien de multiples traditions artisanales de qualité, malgré la
concurrence sévère infligée par la loi du marché, donc du profit, au détriment
bien souvent du consommateur.
Permettez-moi, madame le secrétaire d'Etat, d'en terminer par une simple
anecdote.
A l'époque de la banalisation, de l'informatisation et de la mondialisation,
si l'on vous conduit, les yeux fermés, dans une de ces chaînes hôtelières
présentes un peu partout dans le monde, vous aurez du mal, à partir de
l'aliment que l'on vous présentera, à identifier le pays où vous vous trouvez.
En revanche, si, toujours les yeux fermés, on vous conduit en Alsace, en
Périgord, dans les Pyrénées ou en Provence, je suis convaincu que vous
réussirez à reconnaître la région concernée. En effet, ce que vous aurez dans
votre assiette sera non pas un simple aliment, mais le produit de
l'intelligence de ces hommes qui, de génération en génération, ont su se
transmettre ce savoir-faire et cette qualité que nous retrouvons dans le pain
qui est fabriqué dans les boulangeries artisanales.
Faisons en sorte que cette identité française, que cette culture française
soient protégées. Nous en avons aujourd'hui la possibilité, dans la mesure où,
tous ensemble et d'un commun accord, le plus rapidement possible et sans
ambiguïté, comme l'a dit tout à l'heure M. le rapporteur, nous voterons ce
texte. Nous attendons des engagements de votre part, madame le secrétaire
d'Etat, concernant ce repos hebdomadaire, auquel nous tenons beaucoup, car il
fait partie des règles bien françaises du travail.
Avec la possibilité de faire la différence entre l'activité artisanale et
l'activité industrielle, oui, nous continuerons à identifier nos territoires et
nos terroirs grâce à cette loi, qui est une véritable loi sur l'aménagement du
territoire.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette
proposition de loi est salutaire, car elle répond à un problème qui va
croissant, la concurrence inégale faite aux artisans boulangers par les
boulangeries industrielles, qui n'assurent pas la fabrication du pain sur place
et qui recourent le plus souvent à de la pâte surgelée.
Cette concurrence a conduit à une crise qui s'est développée depuis le début
des années quatre-vingt, une crise qui va croissant, nombre de boulangeries
artisanales ayant fermé depuis l'annulation par le Conseil d'Etat de l'arrêté
du 12 septembre 1995.
En 1997, pour la première fois, les artisans boulangers ont vendu moins de 70
% du pain produit en France, et ce à consommation constante.
Ce recul des artisans boulangers au profit des « points chauds » a deux
conséquences dont les pouvoirs publics et le législateur ne peuvent se
désintéresser.
D'abord, on assiste à une perte de la qualité : un pain fabriqué à partir de
pâte surgelée n'a pas la saveur d'un pain artisanal. L'évolution s'effectue
donc au détriment des consommateurs.
Ensuite, on assiste à un développement des « points chauds », qui sont souvent
installés - mais pas toujours - dans les grandes surfaces, ce qui ne peut que
déstabiliser le commerce de proximité et de centre-ville dont on connaît
pourtant l'importance quant au maintien du tissu social.
L'arrêté pris par notre collègue M. Raffarin au mois de septembre 1995 allait
donc dans le bon sens. Il est regrettable que l'erreur juridique qui
l'entachait ait entraîné son annulation par le Conseil d'Etat.
Le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier
du mois d'avril 1997 légalisant, entre autres, cet arrêté a été stoppé dans sa
course par une dissolution que certains ont pu qualifier de « hasardeuse ». Et
la décision du Conseil d'Etat est intervenue le 29 décembre 1997.
Face à ce vide juridique, M. Michel Crépeau, président radical de gauche du
groupe Radical, Citoyen et Vert à l'Assemblée nationale, a déposé et fait voter
la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui. Je ne peux que me
féliciter de cette initiative, qui s'inspire des dispositions de l'arrêté
Raffarin et fait l'objet d'un très large accord. Cela a été le cas à
l'Assemblée nationale, ce sera sans nul doute le cas dans nos rangs.
M. Paul Blanc.
Merci, monsieur Raffarin !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Je l'ai moi-même remercié trois fois.
Mme Joëlle Dusseau.
M. Le rapporteur vient de nous en rappeler l'essentiel. Il protège
efficacement les artisans boulangers sans nuire aux intérêts des boulangers
industriels.
En effet, le dispositif exclut à juste titre de son champ d'application les
documents commerciaux qui lient un boulanger industriel à ses clients -
consommateurs ou industriels - ce qui protège les fournisseurs des
collectivités et les exportateurs.
J'exprimerai toutefois un regret : le Gouvernement a fait supprimer, par
amendement, la version proposée par la commission de la production et des
échanges de l'Assemblée nationale et tendant à insérer un article L. 121-82
dans le code de la consommation. Cet article portait en effet sur la nécessité
d'informer le consommateur dans le lieu de vente si le pain a été fabriqué à
partir de pâte surgelée et d'imposer que les documents publicitaires relatifs à
ces produits mentionnent cette information.
A l'Assemblée nationale, les radicaux de gauche ont soutenu cette proposition
de la commission, car elle visait à renforcer la protection du consommateur.
Dans le même esprit, j'ai déposé un amendement tendant à en revenir au texte
initial de la commission.
Personnellement, j'ai également trouvé intéressant les deux amendements
présentés par la commission des affaires économiques du Sénat tant en ce qui
concerne la possibilité pour l'artisan d'avoir un autre magasin que s'agissant
de l'obligation de la fermeture hebdomadaire. A cet égard, je partage le souci
que M. Pastor vient d'exprimer voilà un instant.
La nécessité d'agir rapidement justifie-t-elle que l'on retire ces amendements
? Je suis quelque peu réservée sur la démarche, mais je suis toutefois prête à
accueillir favorablement cette demande si Mme le secrétaire d'Etat apporte un
certain nombre d'apaisements à nos interrogations.
M. Paul Blanc.
Très bien !
Mme Joëlle Dusseau.
Dans l'affirmative, je pourrais éventuellement rejoindre la préoccupation du
rapporteur, si j'ai bien entendu ce qu'il a dit.
A l'Assemblée nationale, les radicaux de gauche ont soutenu cette proposition
de loi. Au Sénat, ils la soutiennent par ma voix comme l'ensemble du groupe du
RDSE, et pensent, sans beaucoup s'avancer, que le Sénat exprimera un vote
unanime.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
proposition de loi qu'il nous revient d'examiner aujourd'hui vise à assurer une
reconnaissance juridique au métier d'artisan boulanger.
En effet, depuis l'annulation par le Conseil d'Etat, le 29 décembre 1997, du
décret Raffarin du 12 décembre 1995, la profession se trouvait dans un vide
juridique que seul le législateur pouvait combler.
Souhaitons, au passage, que cette décision du Conseil d'Etat n'ait pas fait
naître la confusion dans l'esprit des consommateurs.
Depuis, une myriade de propositions de lois émanant de l'Assemblée nationale
et du Sénat ont été déposées en vue de répondre aux inquiétudes légitimes des
artisans boulangers.
C'est finalement la proposition de notre collègue député Michel Crépeau qui a
été reprise dans le cadre du droit d'initiative parlementaire.
Il n'en demeure pas moins que ce texte est le bienvenu, tant la place de nos
artisans boulangers reste essentielle dans notre société et la défense des
consommateurs importante.
Notre intérêt mutuel pour ce secteur de la boulangerie artisanale s'explique
par son impact économique, social, culturel, mais aussi, cela a été dit, en
matière d'aménagement du territoire.
Ce sont environ 34 500 boulangers qui réalisent 70 % des parts de marché,
emploient 100 000 salariés, dont 14 000 apprentis formés chaque année, pour un
chiffre d'affaires de 55 milliards de francs. Ce secteur contribue donc pour
une large part à la création de valeur ajoutée et à la création d'emplois dans
notre pays.
Je profite de l'examen de cette proposition de loi pour attirer l'attention du
Sénat sur la question du développement de l'artisanat en général, de la
boulangerie en particulier. Il ne peut se réduire à la mise en place de règles
strictement juridiques. C'est l'aspect économique dans son ensemble qu'il faut
considérer.
Une politique plus ambitieuse est souhaitable en matière de conditions d'offre
de crédit, d'installation des jeunes, d'un meilleur accès à la formation de
boulanger...
Ne peut-on envisager que tous les services publics - hôpitaux, restaurants
scolaires - se fournissent auprès de la boulangerie artisanale ?
Depuis plus d'une dizaine d'années, l'artisanat de la boulangerie doit faire
face à la concurrence sauvage du secteur industriel, des grandes et moyennes
surfaces et autres « terminaux de cuisson », si bien que la boulangerie
artisanale perd, chaque année, environ un point de parts de marché.
Certes, la profession de boulanger n'est pas la plus menacée du secteur de
l'artisanat puisque à elle seule, elle assure 7 % du chiffre d'affaires des
entreprises artisanales ; mais, si nous n'y prenons garde, dès aujourd'hui,
c'est l'identité même de cette profession qui pourrait disparaître.
Bien entendu, ce n'est, en aucune façon, une quelconque forme de corporatisme
ou de cloisonnement de la profession. Il s'agit de permettre au consommateur de
connaître l'origine et le mode de fabrication du pain qu'il achète.
Cette proposition de loi, en apportant une définition juridique de
l'appellation de « boulanger », peut permettre de protéger les artisans
boulangers ou, tout au moins, d'opérer la distinction entre les méthodes de
panification. A l'avenir, grâce à ce texte, tout professionnel qui assure
lui-même les différentes étapes de fabrication de pain sur le lieu de vente
pourra se prévaloir de cette appellation.
Ce sont bien les modalités de fabrication et non la seule aptitude
professionnelle ou le seul lieu de vente qui déterminent la qualité et le
statut de « boulanger ».
La boulangerie, de même que l'école ou le bureau de poste, est souvent l'un
des derniers remparts contre la désertification de nos villages ou des bourgs
ruraux. Elle constitue, pour de nombreuses personnes, un espace de dialogue,
d'échange et de vie qui ne peut se résumer à une simple activité
commerciale.
La dimension culturelle du pain est évidente. Notre langage témoigne de cette
symbolique à travers notre histoire.
Cette proposition de loi, à juste titre, prend en compte et reconnaît la vente
itinérante de pain. On imagine difficilement, en effet, la vie dans nos
campagnes sans l'existence de ces « relais » quotidiens entre les bourgs où
sont implantés les artisans et les villages plus éloignés. Au-delà d'un moyen
de communication entre les habitants, on pourrait parler - et le terme est
approprié s'agissant du pain - de « communion » là où la grande distribution ne
peut que standardiser l'offre, centraliser les demandes des consommateurs et
uniformiser les besoins.
Le groupe communiste républicain et citoyen considère que cette proposition de
loi contribue à la préservation de l'identité de la boulangerie artisanale,
d'une part, et à une meilleure information des consommateurs sur la qualité des
produits, d'autre part.
Nous nous félicitons, en outre, de la publication, le 2 avril dernier, de deux
décrets relatifs à la qualification professionnelle des artisans et aux règles
d'immatriculation et de fonctionnement des répertoires des métiers ; l'ensemble
de ces textes contribueront à l'édification d'un statut de l'artisan.
En effet, une réflexion plus large est nécessaire sur la place du petit
commerce dans notre économie et sur les moyens de contenir la progression de
zones commerciales démesurées qui déstructurent notre territoire et la
convivialité de nos villes.
Il est temps, selon nous, de créer les conditions d'un développement mutuel et
complémentaire des activités commerciales, quelles soient artisanales ou
industrielles.
Aussi, cette proposition de loi ne doit pas être interprétée comme la revanche
des artisans boulangers sur la boulangerie industrielle. Il s'agit plutôt
d'assainir les conditions d'exercice de la profession dans le respect des
identités de chacun.
A la lueur de ces arguments, les sénateurs du groupe communiste républicain et
citoyen émettront un vote positif.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Barraux.
M. Bernard Barraux.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
est-il vraiment nécessaire d'insister sur l'importance de la boulangerie
artisanale, au sein de l'artisanat, en termes d'activité économique, d'emploi
et d'aménagement du territoire ?
Permettez-moi de m'appesantir tout d'abord sur ce qui constitue la première
caractéristique de ce secteur : la tradition alliée à la qualité.
Maire d'une commune rurale, à l'instar de beaucoup de collègues ici présents,
j'ai toujours pu apprécier le savoir-faire et le grand mérite des artisans
boulangers, qui font un travail pénible, difficile, et qui sont presque
toujours levés bien avant nous le matin.
La qualité très spécifique de leurs produits est incontestable, elle est
appréciée au-delà de nos frontières, puisque le pain constitue l'un des
symboles de notre gastronomie et d'un art de vivre inégalés dans le reste du
monde.
Le pain est réllement au coeur de la culture française comme, d'ailleurs, de
notre tradition judéo-chrétienne.
Je citerai à cet égard le poète François Villon : « Qu'il vente, qu'il grêle,
qu'il gèle, j'ai mon pain cuit. »
En outre, ce n'est pas un hasard si la baguette de pain, attribut traditionnel
de nos compatriotes, est l'un des legs de la présence française dans ce qui fut
la France d'outre-mer, du Vietnam à la Côte d'Ivoire !
Or, voilà que ce produit alimentaire de base fait l'objet - hélas ! comme tant
d'autres - d'une fabrication industrielle : 30 % du pain est vendu actuellement
en France par ces industriels.
Quand je dis pain, il n'a de commun que le nom, d'ailleurs... Enfin, il en
faut pour tous les goûts !
A une époque où rentabilité rime avec mécanisation, cela n'est guère étonnant
et correspond à une évolution du mode de vie et, hélas ! du développement de
cette urbanisation un peu excessive.
L'objet de mon propos n'est bien évidemment pas de mettre en accusation des
fabricants dont l'activité, dans certaines régions, permet d'apporter
ressources et emplois. Ce n'est pas l'existence de telle ou telle activité qui
est en cause, c'est l'utilisation de la dénomination du terme de « boulanger »
par des industriels qui n'en sont pas. Ils usurpent un nom.
Le métier de boulanger est un métier particulier, il ne s'improvise pas. N'est
pas boulanger qui veut. Sortir un bon pain, sortir un beau pain, bien
développé, bien croustillant, avec cette magnifique couleur qui le caractérise,
c'est tout un art ! Il faut connaître la farine, qui est un produit vivant, qui
change sans cesse. Le pain n'est pas le résultat de quelque ratio issu de
quelque logiciel. Non ! C'est le résultat de tout un art. Cela vient du blé,
cela vient du temps, cela vient d'une foule de paramètres.
Le métier de boulanger, si contraignant, si exigeant, remonte à l'Antiquité
et, à ce titre, il a quand même un droit minimum, c'est celui de la
préservation de son nom ; ce n'est rien d'autre. Les propositions de loi
présentées par le Sénat et l'Assemblée nationale vont dans ce sens, et nous
nous en félicitons tous.
Je n'entrerai pas dans le débat, quelque peu dépassé à mon avis, de l'atteinte
ou non à la libre concurrence qui serait causée par tel ou tel texte de loi. La
libre concurrence est, de fait, déjà remise en cause par les grandes surfaces
et centres commerciaux, qui disposent, en grande majorité, de ces sortes
d'officines qui répondent à la douce et poétique appellation de « terminal de
cuisson » où le pain... est d'ailleurs bien souvent vendu à perte. Il est vrai
que l'on ne parle pas du même produit.
Il n'est pas étonnant, dans ce contexte, que le nombre des
boulangeries-pâtisseries artisanales soit passé de 54 000 en 1960 à 34 500 en
1997. De plus, ne sont pas seulement l'honneur et la pérennité d'une profession
qui sont en jeu, c'est l'avenir même du monde rural puisque plus de 30 % des
entreprises artisanales y sont implantées.
En particulier, est en jeu l'avenir de toutes ces boulangeries qui, comme cela
a été dit de nombreuses fois cet après-midi, sont présentes dans presque tous
les villages, avec leurs 110 000 salariés.
Préserver la spécificité de ces activités contribue à protéger un tissu
économique déjà si fragilisé par l'évolution de notre monde rural.
Il convient donc de saluer le courage et l'esprit d'initiative de ces
professionnels qui, malgré les obstacles de toutes sortes, maintiennent ou
créent des activités artisanales et commerciales dans des régions de notre pays
par ailleurs guère favorisées. Le devoir des pouvoirs publics est de leur
assurer, à défaut d'une aide matérielle, une certaine protection juridique.
C'est, je le pense, la philosophie qui a inspiré les auteurs des propositions
de loi dont nous sommes saisis. D'origine politique diverse, et je m'en
réjouis, ceux-ci souhaitent mettre fin à une situation injuste dont souffre
profondément toute une profession. Nul doute d'ailleurs que la Haute Assemblée
leur donnera raison tout à l'heure.
Le gouvernement Juppé avait pris plusieurs mesures afin de protéger les
artisans boulangers : je pense, bien sûr, à l'arrêté du 22 décembre 1995 dû à
notre collègue Jean-Pierre Raffarin, alors ministre, et annulé par le Conseil
d'Etat, ce qui explique notre présence ici aujourd'hui.
Je n'oublie pas également la loi relative au développement et à la promotion
du commerce et de l'artisanat.
Réjouissons-nous, à ce propos, de la sortie des décrets d'application de cette
loi s'agissant, en particulier, de la qualification professionnelle des
artisans et des conditions de fonctionnement du répertoire des métiers.
Je ne peux que regretter néanmoins le retard ainsi accumulé et le fait que le
Gouvernement n'ait pas directement repris à son compte les dispositions du
projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier
préparées par l'ancien gouvernement, qui renforçaient la protection des
artisans boulangers, en reprenant grosso modo les termes de l'arrêté de
1995.
Cela dit, la proposition de loi votée par l'Assemblée nationale me paraît
relativement équilibrée, protégeant à la fois le consommateur et l'artisan. Par
ailleurs, il serait bon que l'ouverture des boulangeries soit réglementée dans
tout le pays, comme c'est déjà le cas en Alsace. Un amendement de la commission
des affaires économiques va dans ce sens en obligeant chaque point de vente à
fermer un jour par semaine, ce qui nous paraît une excellente mesure.
Sous réserve de ces observations, je voterai donc ce texte avec l'ensemble de
mes collègues du groupe de l'Union centriste.
En guise de conclusion, je rappellerai simplement qu'il y a, à mon avis,
exactement la même différence entre une vraie, une saine boulangerie et un
terminal de cuisson en grande surface, qu'entre un restaurant trois étoiles et
un fast-food. A moins d'imaginer de les appeler du même nom !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Arzel.
M. Alphonse Arzel.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au
mois de février dernier, lors de l'une de nos séances de questions d'actualité,
je m'étais fait l'écho des inquiétudes des artisans boulangers après
l'annulation, par le Conseil d'Etat, de l'arrêté du 22 décembre 1995, pris par
notre collègue M. Jean-Pierre Raffarin.
Le contenu de cet arrêté n'était pas seulement symbolique : réserver
l'appellation de boulanger aux seuls professionnels qui assurent sur le lieu de
vente toutes les phases de fabrication du pain c'était, en quelque sorte,
consacrer la qualification de ces artisans dont le savoir-faire est si ancien
et si précieux !
L'émotion de la profession à l'annonce de la décision du Conseil d'Etat était
donc aisément compréhensible.
Mais l'absence de base légale invoquée par les conseillers d'Etat dans leur
arrêt n'est heureusement pas irréversible !
C'est au Parlement de réparer cette lacune, et ce sera chose faite dans
quelques instants.
L'avantage d'une telle situation a été de susciter une saine et unanime
réaction de la part de la représentation nationale. Au-delà des clivages
politiques, chacun de nous, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, a pris
conscience de l'insécurité de la situation dans laquelle sont plongés depuis
plusieurs années les artisans boulangers, obligés de lutter contre une
concurrence accrue des grandes surfaces et d'officines industrielles tout en
étant menacés de perdre leur identité.
Certes, on pourra nous répliquer qu'il s'agit là d'une évolution normale dans
une économie libérale, dirigée par la loi de l'offre et de la demande. Mais ce
que demandent les artisans boulangers, ce n'est pas le retour à quelques
privilèges corporatistes, c'est au contraire le respect de règles du jeu
claires et équitables, l'inverse du libéralisme sauvage.
La vente à perte est inadmissible. A ce propos, qu'en est-il, madame la
secrétaire d'Etat, de l'application de la loi Galland à l'égard de certains
points de vente de pain dans les centres commerciaux ? Par ailleurs, le
consommateur doit pouvoir effectuer son choix en toute connaissance de cause :
ces dernières années, la qualité a été promue, à juste titre, par les
gouvernements successifs et par les organisations professionnelles dans des
secteurs de l'agroalimentaire comme la viande ou le vin grâce aux labels et aux
appellations contrôlées. Consommateurs et producteurs ont été gagnants, les uns
et les autres, dans une telle politique.
Il en est de même pour le pain, pour lequel les appellations ont été définies
précisément par un décret du 13 septembre 1993.
Néanmoins, la logique voudrait que l'utilisation de l'enseigne de boulanger
elle-même puisse être contrôlée plus strictement. En effet, qu'y a-t-il de plus
significatif qu'une enseigne pour un consommateur ? Tel est l'objet de la
proposition de loi votée par l'Assemblée nationale et de celles qu'ont
présentées mes collègues Raffarin et Grignon.
C'est au nom d'une certaine conception du libéralisme économique qu'a été
supprimé, en 1791, toute protection de l'appellation de boulanger. Deux cents
ans après, il est temps de mettre fin à cette situation d'incertitude
juridique, lourde de menace pour l'avenir même d'une profession artisanale qui
joue un rôle particulièrement important dans l'animation économique des zones
rurales.
Je conclurai en insistant sur ce dernier aspect.
Alors que le Gouvernement vient d'annoncer une profonde réforme de la
politique d'aménagement du territoire, il est important que le Sénat exprime
son attachement à un métier qui est l'un des pivots de la vie économique dans
nos campagnes. La disparition d'un boulanger signifie souvent celle d'un
village, et vice-versa. Veillons donc à préserver ce réseau particulièrement
dynamique et efficace que constituent nos artisans boulangers et
boulangers-pâtissiers.
Permettez-moi enfin de citer un proverbe suisse : « Tiens-toi à distance de
celui qui n'aime pas le pain ou la voix d'un enfant. » J'ajouterai : tiens-toi
à distance de celui qui n'aime pas le pain artisanal !
Vous avez compris, monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, que je voterai avec enthousiasme le texte qui nous est soumis
aujourd'hui.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique