Séance du 12 mai 1998
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Modification de l'ordre du jour
(p.
1
).
3.
Réduction du temps de travail.
- Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture (p.
2
).
Discussion générale : MM. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville ; Louis
Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme Marie-Madeleine
Dieulangard, MM. Charles Descours, Guy Fischer, Mme Anne Heinis.
Clôture de la discussion générale.
Question préalable (p. 3 )
Motion n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme Marie-Madeleine
Dieulangard, MM. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires
sociales ; le ministre délégué, Guy Fischer, Jean Chérioux. - Adoption de la
motion entraînant le rejet du projet de loi.
4.
Retrait de l'ordre du jour d'une question orale sans débat
(p.
4
).
5.
Communication de l'adoption définitive de propositions d'acte communautaire
(p.
5
).
6.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
6
).
7.
Dépôt de propositions d'acte communautaire
(p.
7
).
8.
Dépôt d'un rapport
(p.
8
).
9.
Ordre du jour
(p.
9
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre des relations avec le
Parlement une lettre en date de ce jour par laquelle il l'informe que, en
accord avec la commission des affaires économiques, le Gouvernement demande au
Sénat de poursuivre la discussion du projet de loi relatif aux animaux
dangereux le mardi 19 mai en séance du soir.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
En conséquence, la discussion du projet de loi relatif aux animaux dangereux
aura lieu le mardi 19 mai, à seize heures et le soir, et le mercredi 20 mai, à
quinze heures.
3
RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi
(n° 418, 1997-1998), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps
de travail. [Rapport n° 423 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Monsieur le président, mesdames, messieurs
les sénateurs, la Haute Assemblée est saisie aujourd'hui pour la troisième fois
du projet de loi d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps
de travail, qui traduit l'une des priorités essentielles de l'action du
Gouvernement dans la lutte pour l'emploi et contre le chômage. Je ne puis, à
cet égard, que déplorer l'insuccès de la commission mixte paritaire du 21 avril
dernier, qui a conduit ce texte à être une nouvelle fois examiné, puis voté par
l'Assemblée nationale le 29 avril et le 5 mai.
Je le regrette d'autant plus que les dernières discussions à l'Assemblée
nationale ont permis d'avancer sur des points qui avaient donné lieu ici même à
des discussions approfondies et de dégager des solutions qui auraient sans
doute pu être partagées.
Ainsi, en ce qui concerne la définition du temps de travail effectif,
l'Assemblée nationale a eu la volonté de transposer la directive européenne de
novembre 1993 en prenant en compte les avancées récentes de la jurisprudence,
notamment celle de la chambre sociale de la Cour de cassation.
A la suite du débat qui s'était développé sur la portée exacte de la rédaction
que l'Assemblée nationale avait retenue en première lecture, vous aviez
souhaité revenir au texte exact de cette directive et le Gouvernement avait
manifesté le souhait de réfléchir à une rédaction qui soit la plus claire et la
plus précise possible pour éviter d'induire des interrogations ou de
l'insécurité juridique pour les acteurs de la négociation.
Cette réflexion a été poursuivie par les députés en concertation étroite avec
le Gouvernement et a abouti à un amendement voté par l'Assemblée nationale, qui
introduit précisément et judicieusement dans la loi l'ensemble des acquis issus
de la jurisprudence.
La rédaction à laquelle l'Assemblée nationale est parvenue retient, à cet
égard, la qualification de temps de travail effectif lorsque le salarié est,
quel que soit le lieu où il se trouve physiquement placé, dans la situation de
ne pas pouvoir disposer librement de son temps et de devoir respecter les
directives qui lui ont été données pour les besoins du fonctionnement de
l'entreprise. Elle correspond à la distinction opérée depuis plusieurs années
par la jurisprudence entre le travail effectif et les astreintes, ainsi qu'aux
lignes de partage qu'elle a établies avec beaucoup de discernement en matière
de pauses et de trajets.
Nous pouvons nous en féliciter, et je regrette que votre commission continue à
émettre des doutes sur le nouvel article 4
bis
ainsi rédigé.
De même, en ce qui concerne les transports, vous aviez souhaité que soient
prises en compte les spécificités de ce secteur d'activité, qui sont liées à la
nécessité d'une continuité de service et aux déplacements que doivent effectuer
les salariés. C'est particulièrement vrai en matière de repos journaliers et de
pauses, qui donnent lieu à des dispositions particulières liées, notamment, à
l'application de règlements européens ou d'accords internationaux, par exemple
dans le domaine des transports aériens, fluviaux et routiers.
Pour prendre en compte ce souci, sans adopter une rédaction qui exclurait des
secteurs ou des personnels pour lesquels cela n'est pas indispensable, le
Gouvernement a proposé un amendement excluant de l'application de l'article 4
ter,
relatif au temps de repos journalier et aux pauses, les personnels
roulants et navigants du secteur des transports. Cela devrait, comme nous le
souhaitons tous, contribuer à créer les meilleures conditions pour les
discussions paritaires qui sont, par ailleurs, en cours à Bruxelles sur les
différents aspects de la durée du travail dans les transports.
Vous le voyez donc, des compromis et des rédactions satisfaisantes ont pu être
trouvés sur des points importants, qui rejoignent certaines de vos
préoccupations.
L'Assemblée nationale a, par ailleurs, rétabli les autres dispositions qu'elle
avait votées en deuxième lecture. Il s'agit, bien sûr, des articles 1er et 2 du
projet de loi, qui fixent un objectif et un cap à la négociation en programmant
la baisse de la durée légale, ainsi que de l'article 3, qui porte sur le
dispositif d'incitation financière, mais aussi des dispositions relatives aux
heures supplémentaires et au temps partiel, qui sont essentielles pour assurer
le développement, dans de bonnes conditions, d'un temps partiel choisi.
A la suite de ce vote de l'Assemblée nationale, votre commission vous propose
aujourd'hui de ne pas poursuivre la délibération sur le projet de loi en
déposant une motion tendant à lui opposer la question préalable. Je ne puis,
pour ma part, que le regretter, sachant que, lors des débats précédents, une
majorité d'entre vous avait exprimé le sentiment que la réduction du temps de
travail était une piste prometteuse, voire incontournable, pour l'emploi, et
qu'il convenait de la favoriser, même si nous ne convergions pas sur l'idée que
la loi fixe un objectif à travers l'abaissement de la durée légale.
Je ne puis, à cet égard, approuver les arguments évoqués dans la motion que
propose votre rapporteur, qui, malgré les discussions approfondies que nous
avons pu avoir au cours de la navette, en reviennent à des oppositions de
principe, que je déplore.
Pour nous, en effet, la baisse de la durée légale ne s'inscrit en rien dans
une démarche « autoritaire », qui, pour citer la motion, « fausse les termes de
la négociation entre les partenaires sociaux ».
Il suffit de constater le changement dans le ton du CNPF intervenu ces
derniers temps, y compris par la voix de son président, pour se rendre compte
que nous approchons maintenant d'un autre moment du débat, qui, dans des termes
plus sereins, verra les partenaires sociaux s'engager dans la discussion pour
appliquer ce texte dans un grand nombre d'entreprises.
M. Alain Gournac.
Ah ça !...
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
C'est justement pour relancer ce processus de
négociation qu'il nous est apparu indispensable, dans un pays comme le nôtre,
de fixer un cap par l'intermédiaire de la loi. En effet, malgré l'impulsion
donnée par l'accord interprofessionnel de 1995 et, surtout, par la loi du 11
juin 1996, ne sont aujourd'hui concernés par des accords de réduction du temps
de travail que 250 000 salariés environ, soit seulement 2 % des effectifs
salariés du secteur marchand !
On voit donc mal comment, en l'absence d'un tel objectif légal, ce processus
pourrait effectivement reprendre à la hauteur que rendent nécessaire les
problèmes d'emploi dans notre pays.
De même, c'est non pas pour « entretenir l'attentisme », mais pour tenir
compte du résultat des négociations, et procéder avec progressivité et
réalisme, que nous avons prévu une deuxième loi destinée à fixer les modalités
de la rémunération des heures supplémentaires et que nous voulons susciter une
concertation approfondie avec les partenaires sociaux pour examiner dans son
détail le nouveau régime du SMIC.
Par ailleurs, je ne puis comprendre que soit évoqué, à propos du projet de
loi, l'alourdissement du coût du travail non qualifié, alors que le dispositif
d'incitation financière que nous prévoyons, et que votre commission a contesté,
tient particulièrement compte de ce problème. En effet, contrairement au
dispositif alternatif que vous envisagiez, qui prévoyait une aide largement
inférieure au montant du SMIC, notre texte permet de prendre totalement en
charge, à ce niveau de rémunération, le coût correspondant à 7 % d'embauches
supplémentaires. Il prévoit, en outre, une majoration spécifique en faveur des
entreprises industrielles de main-d'oeuvre, justement destinée à alléger le
coût du travail non qualifié.
Quant aux petites entreprises, je considère que le mode de calcul de
l'obligation d'embauche, les majorations prévues pour celles qui font un effort
particulier en matière d'emploi et les possibilités ouvertes en termes de
mandatement permettent de tenir compte de leurs spécificités. J'ai toutes les
raisons de penser qu'elles seront nombreuses à conclure des accords, et ce
avant même l'échéance supplémentaire que la loi laisse, de façon très souple,
aux entreprises de moins de vingt salarirés.
Pour ce qui est de la fonction publique, que la motion de votre commission
évoque par ailleurs, le Gouvernement a également décidé de procéder de façon
progressive et pragmatique.
M. Louis Souvet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Si on vous en laisse
le temps !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
C'est à partir d'un état des lieux détaillé des
situations et des pratiques, qui, nous le savons, sont très diverses, que les
perspectives concernant la réduction du temps de travail seront fixées pour les
trois fonctions publiques. Elles le seront en concertation avec les partenaires
sociaux, et avec l'objectif d'améliorer l'organisation du travail et la qualité
du service rendu au public.
Je voudrais, enfin, revenir sur les arguments évoqués par la motion à propos
de la façon dont notre démarche est perçue à l'échelon européen, ou par les
organisations internationales.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Parlons-en !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Justement, parlons-en !
M. Alain Gournac.
On en parle !
(M. Gournac brandit la photocopie d'un article de
presse.)
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Les lignes directrices adoptées au sommet du Luxembourg
évoquent effectivement la réduction du temps de travail comme une façon de «
promouvoir la modernisation de l'organisation du travail » par la voie de la
négociation sociale et « afin de rendre les entreprises productives et
compétitives ».
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Avez-vous lu la presse d'aujourd'hui ?
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Je regarde ce qui se dit au niveau européen, puisque
c'est l'élément qui a été avancé par votre commission.
M. Alain Gournac.
Lisez la presse !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Cette optique et cette démarche sont entièrement les
nôtres et, à cet égard, le projet de loi d'orientation et d'incitation relatif
à la réduction du temps de travail ne contredit en rien les orientations au
niveau européen.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Eh bien, nous verrons !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Enfin, si le Fonds monétaire international avance, au
détour d'une phrase - une seule - dans son rapport sur les perspectives
mondiales, que la réduction autoritaire du temps de travail peut aggraver le
chômage structurel, je refuse de considérer que cela vise la démarche que nous
suivons,...
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Ah bon ?
M. Alain Gournac.
Il ne dit plus la même chose !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
... d'autant que, selon les prévisions de cet
organisme, la France devrait être le pays du G7 où la croissance sera la plus
forte en 1999.
M. André Jourdain.
Vous allez la casser !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Elle sera de 3 %, contre 2,2 % pour l'ensemble des pays
du G7,...
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Merci, monsieur le ministre !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
... ce qui montre que notre politique ne limite en rien
la confiance du FMI quant aux capacités de notre économie.
Je regrette donc fortement qu'une motion visant à opposer la question
préalable ait été adoptée par votre commission. Je souhaite, bien sûr, que
votre Haute Assemblée ne suive pas celle-ci sur ce point, en acceptant
d'avancer dans un sens que le Gouvernement estime indispensable pour l'emploi.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
(Applaudissements sur les travées du RPR
et de l'Union centriste.)
M. Louis Souvet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, après que le Sénat eut adopté, le 8
avril dernier, en deuxième lecture, le projet de loi d'orientation et
d'incitation relatif à la réduction du temps de travail, dans une version
profondément modifiée, j'en conviens, par rapport à celle qu'avait retenue
l'Assemblée nationale, une commission mixte paritaire s'est réunie le 21 avril
dernier pour tenter de rapprocher les points de vue des deux assemblées.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, ces derniers se sont révélés
inconciliables, notamment en raison de l'article 1er, qui abaisse la durée
légale du travail de façon autoritaire.
M. Alain Gournac.
De façon autoritaire, effectivement !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Un constat d'échec a donc été dressé à l'issue de la
réunion.
Auparavant, j'avais souhaité lancer un appel à la sagesse en matière de
définition du temps de travail effectif. J'avais considéré qu'il « serait
déraisonnable et dangereux que l'Assemblée nationale maintienne le texte
qu'elle avait adopté à deux reprises ».
L'Assemblée nationale a adopté solennellement le projet de loi le 5 mai
dernier, en nouvelle lecture. Afin de pouvoir apprécier les apports de ce
nouveau vote, il importe de faire une distinction entre les dispositions
relatives à la réduction du temps de travail et celles qui ont trait à la
définition de la durée du travail effectif.
Comme on pouvait s'y attendre, l'Assemblée nationale a rétabli son texte pour
l'ensemble des dispositions concernant la réduction du temps de travail.
Les députés ont rétabli, en nouvelle lecture, l'article 1er, qui prévoit
l'abaissement de la durée légale du travail à trente-cinq heures par semaine au
1er janvier 2002. Ils ont conservé un délai supplémentaire de deux ans pour les
entreprises de moins de vingt salariés.
Le Sénat s'était vigoureusement opposé, lors des deux précédents examens du
texte, au principe d'une réduction autoritaire de la durée légale du travail ;
il avait notamment estimé qu'il était contraire à l'esprit même de la réduction
du temps de travail, qui repose sur l'aménagement souple des rythmes de
travail, une redéfinition des tâches et des processus de production, et des
concessions réciproques et équilibrées entre employeurs et salariés. Il avait,
en conséquence, décidé à deux reprises de supprimer cet article 1er.
Nous sommes surpris, monsieur le ministre, de vous entendre dire aujourd'hui
qu'il ne s'agit pas d'une réduction autoritaire de la durée du travail.
M. Alain Gournac.
Si ce n'est pas une réduction autoritaire, alors, qu'est-ce que c'est ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Oui, vraiment, nous sommes très étonnés.
L'Assemblée nationale a rétabli son texte pour les articles 2 et 3, qui,
respectivement, appellent les partenaires sociaux à négocier et substituent une
nouvelle incitation financière à la réduction du temps de travail à celle qui
avait été introduite par la loi Robien de juin 1996.
Le Sénat avait profondément modifié la rédaction de ces deux articles. Le
principe d'une aide forfaitaire accompagnée de diverses majorations lui
semblait complexe et susceptible de pénaliser le développement de l'emploi
qualifié. Il avait, par conséquent, affirmé sa préférence pour un « reprofilage
» de la loi Robien, qui aurait réduit le coût de celle-ci tout en en préservant
le caractère fortement incitatif.
Un article écrit par le président de notre commission et que je lisais ce
matin montre bien qu'un grand nombre d'accords ont été signés au titre de la
loi Robien, qui est pourtant en vigueur depuis peu, et que nous étions donc
dans une phase ascendante.
L'Assemblée nationale a supprimé les articles additionnels introduits par le
Sénat. Je rappelle qu'ils étaient relatifs à un rapport qui établirait les
conséquences de la réduction du temps de travail sur la rémunération mensuelle
minimale, à la compensation intégrale par l'Etat des exonérations de charges
sociales et à l'application de la loi Robien aux entreprises du bâtiment et des
travaux publics.
L'Assemblée nationale a rétabli son texte pour les dispositions qui
contraignent les recours aux heures supplémentaires et au travail à temps
partiel. Elle a notamment rétabli l'abaissement du seuil de déclenchement du
repos compensateur, la modification du régime de l'abattement de cotisations
sociales patronales applicable au travail à temps partiel et la limitation des
possibilités pour l'entrepreneur de recourir au temps partiel.
L'Assemblée nationale a rétabli ses articles concernant le rapport demandé sur
l'application de la loi et celui qui est relatif à la réduction du temps de
travail dans la fonction publique.
Si l'Assemblée nationale a suivi sa commission, qui lui demandait de faire
preuve « d'obstination » à propos des dispositions relatives à la réduction du
temps de travail, elle s'est montrée plus encline à évoluer sur la délicate
question de la définition du travail effectif.
En effet, la définition du temps de travail effectif adoptée en nouvelle
lecture à l'Assemblée nationale se rapproche très sensiblement de celle
qu'avait proposée le Sénat, c'est-à-dire de la directive européenne.
La définition du travail effectif constituait le véritable enjeu de cette
nouvelle lecture, étant donné le peu de volonté de la majorité d'évoluer sur le
reste du texte.
La rédaction retenue prévoit que « la durée du travail effectif est le temps
pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se
conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations
personnelles. » Elle est très proche de la rédaction retenue par le Sénat, qui
reprenait littéralement les termes de la directive européenne du 23 novembre
1993, à tel point que l'on ne voit pas trop, en vérité, l'intérêt qu'a pu
trouver l'Assemblée nationale à s'en écarter.
La commission des affaires sociales considère en tout cas que cette rédaction
a le mérite de mettre un terme au débat qu'avait ouvert l'adoption en première
lecture à l'Assemblée nationale d'un amendement qui laissait craindre qu'une
réduction de la durée du travail effectif n'accompagne celle de la durée
légale.
L'Assemblée nationale a également repris partiellement un article additionnel
introduit par le Sénat, qui visait à exclure le secteur des transports routiers
du champ d'application des articles 4
bis
et 4
ter
. J'ai observé,
monsieur le ministre, que ces deux points ont constitué l'essentiel de votre
intervention à la tribune, ce qui tend à prouver que nous n'étions pas seuls à
être inquiets.
Cependant, la commission des affaires sociales considère que les avancées sur
les dispositions relatives à la transcription de la directive européenne, que
vous avez soulignées, monsieur le ministre, ne peuvent remettre en cause le
caractère globalement inacceptable du texte voté en nouvelle lecture à
l'Assemblée nationale. Ces avancées tendraient même à confirmer que, sur
l'ensemble des questions qui étaient en discussion, l'Assemblée nationale a dit
son dernier mot, consistant à réaffirmer sa conviction selon laquelle la
réduction autoritaire du temps de travail peut constituer une solution au
problème du chômage.
Le Sénat, par deux fois, a condamné l'abaissement de la durée légale du
travail, en considérant, notamment, que cette décision allait isoler la France
en Europe. A cet égard, je me suis demandé, en vous écoutant, monsieur le
ministre, si vous aviez lu la presse d'hier. La Commission européenne - j'ai,
dans mon dossier, les articles qui le prouvent et que vous avez sans doute lus
; tous les parlementaires, à plus forte raison les ministres, lisent la presse
! - la Commission européenne, dis-je, vient de rendre publiques ses « grandes
orientations des politiques économiques des Etats membres ». Pour la première
fois, ce document, qui examine la coordination des politiques économiques,
comporte des recommandations pour les onze pays qui adopteront l'euro.
L'opinion de la Commission sur la politique des trente-cinq heures qui est
menée en France ne présente aucune ambiguïté.
M. Alain Gournac.
C'est clair !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
La Commission précise, en effet, qu'« une réduction
obligatoire...
M. Alain Gournac.
« Obligatoire », en effet !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
... et généralisée du temps de travail » - elle ne parle pas
d'autoritarisme ; c'est tout de même bien votre texte, on ne peut y échapper !
- motivée en partie par le souhait de relever le niveau de l'emploi, peut avoir
des conséquences défavorables et devrait dès lors être évitée. »
M. Alain Gournac.
Des « conséquences défavorables » !
M. Claude Estier.
Vous utilisez la Commission européenne quand ça vous arrange et vous la
dénoncez quand ça vous arrange !
M. Guy Fischer.
Quand le CAC 40 passe les 4 000 points, ils n'en parlent pas !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Puisque vous m'en donnez l'occasion, monsieur Estier, je
dirai que, à cette tribune, j'ai entendu nombre de ministres utiliser la
Commission européenne dans le sens que vous critiquez aujourd'hui !
Dans ces conditions, et pour marquer une nouvelle fois notre opposition à
cette méthode de réduction de la durée du temps de travail, la commission des
affaires sociales vous propose, mes chers collègues, d'adopter une motion
tendant à opposer la question préalable au présent projet de loi.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union
centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
commission mixte paritaire qui s'est réunie le 21 avril dernier n'a pu
qu'enregistrer les désaccords profonds qui demeuraient au terme de la navette
sur le projet de loi d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du
temps de travail.
Face à un chômage qui touche trois millions de nos concitoyens et qui est
devenu le problème majeur de notre société, nous sommes convaincus qu'une
démarche volontariste de l'Etat sur la réduction du temps de travail peut
contribuer à créer des emplois que la croissance seule ne pourra générer. Le
Premier ministre a rappelé dernièrement que, même à un taux de 3 %, la
croissance ne permettrait de créer que deux cent mille emplois dans le secteur
privé, ce qui ne signifie pas, chacun le sait, une réduction équivalente du
nombre des demandeurs d'emploi.
L'opposition, quand elle n'est pas franchement hostile au projet même de la
réduction de la durée du travail, comme M. Sarkozy, par exemple, entend la
cantonner dans le champ de l'expérimentation ; c'est la position défendue par
la majorité sénatoriale, qui considère qu'une négociation spontanée et
équilibrée peut s'engager à un niveau suffisamment important et généralisé pour
créer des emplois, et ce sans l'intervention d'aucune loi.
C'est faire l'impasse sur la nature des rapports de forces profondément
déséquilibrés qui caractérisent le monde de l'entreprise dans notre pays. C'est
faire l'impasse sur les conséquences de la précarité des contrats, de la peur
du chômage, qui paralysent précisément le développement du dialogue social.
A cet égard, on commence à peine à prendre la mesure de l'impact de telles
pressions sur les comportements au sein de l'entreprise, je pense notamment à
la volonté exprimée par un nombre toujours plus important de salariés de
bénéficier le plus rapidement possible des différentes mesures de départ
anticipé, tant les tensions sont fortes.
Il nous a été reproché de mener, au cours du débat de ce projet de loi, un
combat idéologique.
Si refuser la fatalité d'un partage sauvage du temps de travail entre ceux qui
ont un emploi et ceux qui n'en ont pas, c'est faire de l'idéologie, si vouloir
répartir les fruits de la croissance et les retombées des progrès
technologiques de façon plus équitable afin de permettre à tous, en particulier
aux chômeurs, d'avoir une place comme membres à part entière dans notre
société, c'est faire de l'idéologie, si juguler les excès et les dérives liés
trop souvent au recours abusif au temps partiel, c'est faire de l'idéologie,
enfin, si engager des réformes profondes qui, à terme, permettent à chacun
d'envisager l'avenir avec moins de précarité et donc moins d'angoisse, c'est
faire de l'idéologie, alors, nous revendiquons ce combat idéologique, et nous
considérons qu'il appartient aux politiques, parmi lesquels les parlementaires,
de le mener !
Monsieur le ministre, le Gouvernement auquel vous appartenez nous a proposé,
avec beaucoup de détermination et de responsabilité, de mener ce combat sur
plusieurs fronts.
Nous avons débattu et voté le soutien à la création d'activités nouvelles
liées à l'évolution de notre société à travers les emplois-jeunes. Nous sommes
intervenus pour améliorer le pouvoir d'achat des ménages afin de relancer la
consommation. A l'issue de l'examen de ce projet de loi dont nous débattons
aujourd'hui pour la dernière fois, nous entamerons les discussions sur le
projet de loi visant à prévenir et à lutter contre les exclusions, un an à peu
près jour pour jour après le changement de majorité voulu par les Français.
La navette législative, sur laquelle je ne m'étendrai pas, a permis de
préciser les dernières dispositions qui demeuraient incertaines et sur
lesquelles Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité s'était engagée lors
des précédentes lectures.
Il s'agit avant tout de la réactualisation du code du travail en ce qui
concerne la définition du travail effectif.
M. le rapporteur estime que la définition qui ressort des travaux de
l'Assemblée nationale est très proche de celle qui a été proposée par le Sénat
et qui se calquait sur la directive européenne de 1993.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
J'avais raison !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Ce n'est pas notre avis. En deuxième lecture, nous estimions en effet que
l'article 2 de la directive européenne était en quelque sorte un socle minimum,
qui reconnaissait, parallèlement, l'importance des pratiques nationales
modifiant, par voie conventionnelle ou juridictionnelle, le régime des
astreintes, des pauses et des trajets.
Si l'on avait dû se référer uniquement à la formule : « dans l'exercice de son
activité ou de ses fonctions », ainsi que la majorité sénatoriale nous le
proposait, certains aménagements conventionnels relatifs aux pauses et aux
trajets auraient pu, dès lors, être dénoncés, ce qui aurait été contestable et,
à n'en pas douter, contesté.
C'est la raison pour laquelle la définition qui ressort des débats à
l'Assemblée nationale, en cumulant les notions d'absence de liberté pour le
salarié et de respect par celui-ci des directives de l'employeur, correspond
mieux aux garanties obtenues par les salariés dans le cadre d'accords avec
leurs employeurs ou devant le juge.
Nous nous opposons également sur le sujet délicat du régime applicable aux
transports, qui font partie des secteurs dits « exclus » de la directive de
1993.
Des négociations sont en cours, tant au niveau européen - la Commission
européenne vient en effet de lancer des consultations avec les partenaires
sociaux - qu'au niveau national, dans le prolongement des accords intervenus en
1997.
Le Sénat a souhaité exclure l'ensemble des salariés de ce secteur - les
mobiles et les sédentaires - ce que nous réfutons.
Autant la nécessité de prévoir des régimes de protection spécifiques pour les
personnels mobiles en ce qui concerne les pauses, les repos journaliers et
hebdomadaires est parfaitement compréhensible, autant de telles dérogations ne
se justifient plus pour les personnels sédentaires en matière de temps de
travail.
D'ailleurs, la Commission européenne estime qu'il n'y a aucune raison de
traiter les travailleurs non mobiles des secteurs des transports...
différemment des autres travailleurs déjà couverts par la directive ».
Enfin, cette troisième lecture est l'occasion pour le Gouvernement de
communiquer la liste des entreprises qui, en raison d'une situation de monopole
ou de l'importance de la participation financière de l'Etat, ne pourront pas
bénéficier du dispositif d'incitation financière. Au nombre de celles-ci
figurent notamment la Banque de France, Electricité de France, Gaz de France,
La Poste.
Pour ces organismes, le projet de loi prévoit que la perspective de la
réduction du temps de travail fera l'objet de procédures spécifiques.
Mes chers collègues, compte tenu des divergences profondes qui se sont
exprimées très largement ici même au cours de ces derniers mois, il était
évident que nous ne parviendrions pas à un accord au terme de ce débat.
Il n'est donc pas surprenant que, partant de ce constat, la majorité
sénatoriale ait déposé une motion tendant à opposer la question préalable,
contre laquelle j'interviendrai par la suite.
Je déplore toutefois que soient apparus d'importants blocages au sein de notre
assemblée à propos de tels enjeux, blocages qui semblent au demeurant
progressivement s'estomper parmi les acteurs économiques considérés dans toute
leur diversité.
Il revient désormais aux partenaires sociaux de s'emparer de ce texte et
d'explorer les différentes pistes qu'il ouvre.
Il est de la responsabilité de l'Etat d'accompagner la mise en oeuvre des
différents dispositifs.
Il sera de notre responsabilité, en 1999, lors de l'élaboration de la seconde
loi, de tirer les enseignements de cette période de négociation qui s'ouvre.
Les socialistes seront attentifs et à l'écoute des acteurs de cette réforme, à
vos côtés, monsieur le ministre.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Le fait que l'examen d'un projet de loi se prolonge peut permettre à certains
parlementaires de franchir des pas importants et de passer du banc des
commissions à celui du Gouvernement !
(Sourires.)
C'est justement ce qui vous est arrivé, monsieur le ministre, puisque, alors
que vous siégiez au banc des commissions au début de l'examen de ce projet de
loi, vous voilà aujourd'hui au banc du Gouvernement pour le défendre ! Il se
peut d'ailleurs que, resté au banc des commissions, vous ayez été plus réceptif
aux problèmes dont nous saisissent les employeurs !
Puisque c'est vous qui défendez aujourd'hui ce texte de loi, ce dont je vous
félicite, tout en déplorant l'absence de Mme Aubry, qui a dû finir par se
lasser, je reprendrai sans polémique aucune devant vous, après M. le
rapporteur, ces questions que se posent les chefs d'entreprise, s'agissant
notamment du problème de transport et de la durée du temps de travail
effectif.
L'écoute des propos tenus en toute honnêteté tant par M. le rapporteur que par
Mme Dieulangard ou par vous-même, monsieur le ministre - vous avez fait une
explication de texte par rapport à la directive européenne et à la
jurisprudence de la Cour de cassation - prouve que nous ne parvenons pas à nous
mettre d'accord. Dans ces conditions, comment voulez-vous que les chefs
d'entreprise s'y retrouvent ? Je prendrai un exemple précis.
Un certain nombre d'entreprises organisent elles-mêmes le transport de leurs
salariés, quelquefois dans leurs propres cars. Quel est le statut du temps
passé dans ces cars ?
On a paraît-il répondu aux chefs d'entreprise se posant cette question que la
Cour de cassation en déciderait !
(Exclamations sur les travées du
RPR.)
M. Claude Estier.
Bien sûr !
M. Charles Descours.
Je vous déclare très sincèrement, fidèle en cela à ce qu'en a dit le président
de la commission des affaires sociales du Sénat, que, quand on doit s'en
référer aux juges, c'est que nous légiférons mal !
M. Alain Gournac.
Tout à fait, et c'est inadmissible !
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. Charles Descours.
Nous en avons d'ailleurs discuté assez vivement l'autre jour avec la
commission des lois au sujet des produits défectueux. Par conséquent, si nous
devons nous en remettre à la Cour de cassation, c'est que notre texte est
mauvais, comme l'a été - je le dis très sincèrement - l'embrouillamini, au
cours de la navette, sur la durée du temps de travail effectif. En effet, tous,
y compris les juges, se référeront, dans le
Journal officiel
, à telle ou
telle journée de débat, ce qui aboutira peut-être à des décisions
contradictoires. Des dispositions claires, comme le souhaitait la commission
des affaires sociales du Sénat, auraient été préférables.
J'en arrive à la question des transports en commun. Monsieur le ministre, vous
n'êtes pas conseiller général, car vous ne pouvez être partout !
(Sourires.)
Mais nombre de conseillers généraux siègent dans cet
hémicycle.
Les conseils généraux sont en charge des transports scolaires. Or, les
chauffeurs travaillent deux heures le matin, une heure à midi et deux heures le
soir. Le projet de loi prévoit que l'activité ne peut être interrompue plus
d'une fois et que l'interruption ne peut durer plus de deux heures. On dit
certes qu'il y aura un accord de branche ou un dialogue social.
M. Claude Estier.
Bien sûr !
M. Guy Fischer.
C'est la sagesse ! C'est le bon sens !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande donc aux présidents de conseil général, y compris
de gauche, s'ils vont accepter en toute sérénité cette augmentation du coût des
transports scolaires qui sera nécessairement engendrée ! S'ils sont d'accord
pour l'instant, nous verrons ce qu'il en sera dans l'avenir, quand l'addition
sera présentée aux conseils généraux !
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées du RPR.)
M. Claude Estier.
C'est vraiment de la grande politique !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Mais je ne suis pas un grand politique, monsieur Estier, je
suis un sénateur qui essaie d'être près du terrain ! Or, il nous faut être près
du terrain pour, nous dit-on, combler le fossé existant entre l'opinion et la
classe politique. Pour ma part, j'essaie de le faire.
M. Philippe Labeyrie.
Pas comme cela !
M. Charles Descours.
Je voudrais enfin évoquer un problème qui, à proprement parler, ne relève pas
du projet de loi en discussion aujourd'hui, à savoir l'application des 35
heures dans la fonction publique hospitalière.
La fonction publique, nous a-t-on dit - cela vient d'ailleurs d'être répété à
l'instant - n'est pas concernée par ce texte qui s'appliquera seulement au
secteur privé.
M. Jean Chérioux.
Dont les associations !
M. Charles Descours.
Tout cela, malheureusement, est bien théorique, car la boîte de Pandore est
ouverte et le Gouvernement a déjà bel et bien accepté le principe d'une
extension de la réduction du temps de travail aux fonctionnaires.
J'en veux pour preuve l'article 10 du projet de loi, ainsi que l'accord
salarial dans la fonction publique qui prévoit qu'un état des lieux sera dressé
avant la fin de l'année afin « d'analyser les implications de la perspective
des 35 heures ».
En clair, si le Gouvernement ne s'engage pas dès aujourd'hui à recruter en
compensation des 35 heures, il reconnaît aux agents de la fonction publique
l'application de la réduction de la durée du travail.
Pour ce qui concerne les hôpitaux, étant donné le poids de la charge salariale
dans le budget hospitalier - ce n'est pas à vous que je vais l'apprendre,
monsieur le ministre - cette décision va peser directement sur le budget
hospitalier, donc sur la sécurité sociale, donc sur l'ONDAM, l'objectif
national de dépenses d'assurance maladie. Or je ne suis pas sûr que tout cela
soit bien compris par les partenaires, notamment les partenaires médicaux.
Accepter aujourd'hui et analyser demain les conséquences : telle est bien la
méthode du Gouvernement.
Permettez-moi, monsieur le ministre, au risque de perturber le déroulement
harmonieux de cette méthode de travail, d'évoquer dès aujourd'hui les
conséquences de la réduction du temps de travail dans un secteur qui
m'intéresse particulièrement en tant que rapporteur des projets de loi de
financement de la sécurité sociale : je veux parler de la fonction publique
hospitalière.
Je voudrais, sans esprit polémique, vous poser trois questions.
Comment, tout d'abord, appliquera-t-on les 35 heures à ceux des personnels de
la fonction publique qui en bénéficient déjà ?
(Sourires sur les travées
socialistes.)
Je rappelle que la durée de travail d'un certain nombre de
personnels de la fonction publique est d'ores et déjà de 35 heures, quand elle
n'est pas inférieure.
(Protestations sur les travées socialistes.)
Quant
aux personnels de l'éducation nationale, M. Claude Allègre a considéré qu'ils
se mettraient en grève si on leur demandait de travailler 35 heures, car cela
reviendrait à augmenter leur temps de travail de trois heures !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Quel niveau, quand même !
M. Charles Descours.
Par ailleurs, la réduction de la durée du travail dans la fonction publique
hospitalière sera-t-elle suivie d'embauches ?
Enfin, le rapport Nicolas a proposé d'intégrer certaines gardes dans le temps
de travail des praticiens hospitaliers. La nouvelle définition de la notion de
travail effectif aura-t-elle des conséquences sur les gardes médicales ?
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que, sur l'ensemble des questions que
je vous ai posées, vous me donniez des réponses aussi claires et simples que
possible...
M. Alain Gournac.
Ce sera difficile !
M. Charles Descours.
... pour éclairer les acteurs du monde économique et du monde hospitalier,
ainsi que l'ensemble des parlementaires, qui sont appelés à se prononcer chaque
année sur les dépenses d'assurance maladie.
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Labeyrie.
Ce n'est pas brillant !
M. Jean Chérioux.
Heureusement que vous l'êtes, vous !
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, adopté
solennellement le 5 mai dernier en troisième lecture par l'Assemblée nationale,
le projet de loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de
travail fait l'objet, cet après-midi, d'un ultime passage devant la Haute
Assemblée.
Depuis le 10 octobre, date de la conférence sur l'emploi et les salaires, un
long chemin émaillé d'embûches a pu être parcouru pour que, aujourd'hui, la
réduction du temps de travail - promesse de campagne des composantes de la
gauche plurielle, revendication sociale ancienne partagée et voulue par de
nombreux Français - soit en passe d'être traduite légalement.
Permettez-moi de m'en réjouir et même d'oser espérer que cette tendance sera
suivie par d'autres Etats membres de la Communauté européenne.
Les élus communistes conçoivent la réduction du temps de travail non pas comme
une utopie, mais comme un formidable outil propre à enrayer le chômage et comme
une nouvelle conquête sociale pour les salariés.
C'est pourquoi nous voulions que les 35 heures s'appliquent rapidement à tous,
sans réduction de salaire, et qu'elles s'élèvent en rempart contre la
précarité.
Jusqu'alors, les politiques de l'emploi décidées par les divers gouvernements,
bien que très coûteuses, n'ont eu que peu d'effet sur le chômage.
Récemment encore, la Cour des comptes dressait un bilan négatif de
l'empilement des aides à l'emploi détournées de leur objectif premier, les
entreprises ne daignant bien souvent pas respecter leurs engagements.
Depuis son avènement, le gouvernement de la gauche plurielle s'est attaché à
soutenir la croissance, à définir une vraie politique de l'emploi en lançant
les emplois-jeunes et en se fixant comme deuxième échéance le passage aux 35
heures d'ici à l'an 2000, ou à 2002 pour les entreprises de plus de vingt
salariés.
Les prémices d'une amélioration de la situation économique et sociale
pointent. Les chiffres du chômage du mois de mars en témoignent : nous sommes
repassés sous la barre symbolique des trois millions de chômeurs. Jeunes,
chômeurs de longue durée, cadres, tout le monde bénéficie de cette embellie.
M. Alain Gournac.
Merci Juppé !
M. Guy Fischer.
Merci la gauche plurielle !
M. Alain Gournac.
Non : merci Juppé !
M. Guy Fischer.
Pourtant, au-delà des statistiques, au quotidien, concrètement, la situation
précaire d'un grand nombre, d'un trop grand nombre de nos concitoyens est
restée inchangée.
C'est probablement cet aspect qui a poussé le « très sage » Conseil économique
et social, dans son rapport sur le projet d'avis sur la conjoncture au premier
semestre 1998, à demander au Gouvernement de continuer à oeuvrer pour réduire
la fracture sociale en affectant une partie des fruits de la croissance à la
lutte contre le chômage et l'exclusion.
C'est aussi ce qui incite le parti communiste à s'engager et à agir pour que
le Gouvernement aille plus loin dans les réformes structurelles.
En conséquence, mon appréciation relative à la reprise et à la baisse sensible
du chômage reste prudente car, pour être réellement salutaires, celles-ci
devraient s'accompagner d'un recul des emplois précaires, donc de la création
de véritables emplois.
Or force est, malheureusement, de constater qu'il n'en est rien. En un an, le
travail intérimaire a enregistré un bond record de 40 %.
M. Charles Descours.
Bravo la gauche plurielle !
M. Guy Fischer.
C'est la réalité, et c'est vous qui aviez engagé cette politique, monsieur
Descours !
M. Charles Descours.
C'est Juppé ou la gauche plurielle ?
M. Guy Fischer.
C'est vous qui l'avez engagée ! Vous savez qu'en matière de macroéconomie les
résultats sont toujours longs à obtenir !
M. Alain Gournac.
La preuve, Juppé !
M. Philippe Labeyrie.
Pourquoi ne l'avez-vous pas gardé, s'il était si brillant ?
M. Guy Fischer.
En un an, le travail intérimaire a donc enregistré un bond record de 40 %, et
le nombre de demandeurs d'emploi exerçant une activité réduite de plus de
soixante-dix-huit heures dans le mois a, quant à lui, augmenté de 31,8 %.
Depuis longtemps déjà, les salariés, au sein de leurs entreprises, ont subi
l'intensification, le surtravail.
Stressés constamment par la menace du licenciement, sur fond de crise
économique, au nom de la compétitivité, les ouvriers, techniciens, cadres ont
été contraints d'accepter des horaires décalés débridés, des heures
supplémentaires gratuites, la modération de leurs revendications salariales. Le
temps partiel s'est imposé.
Bien souvent - et c'est sur ce point que nous sommes critiques - le travail
intérimaire appparaît comme le seul outil utilisé, notamment dans les
industries de main-d'oeuvre et plus particulièrement dans le secteur de
l'automobile.
Face à un tel constat, encore assombri par le fait que la politique
contractuelle fait défaut, le dialogue patronat-salariés étant en panne, seule
l'intervention du législateur pouvait impulser le processus de la réduction du
temps de travail.
Contrairement à une opinion largement répandue au sein tant de la droite
parlementaire que du CNPF, le choix affiché pour la voie législative, avec la
fixation d'une date butoir, est un choix judicieux du Gouvernement.
Les salariés, l'ensemble des personnes rassemblées lors des différentes
manifestations du 1er mai témoignent de cette volonté d'avancer vers les 35
heures pour l'emploi.
Evidemment, je ne peux le cacher ici, des doutes, des réticences, voire de la
méfiance émanent de certains salariés. Je les comprends aisément. En effet,
tous sont conscients que la conception des syndicats, que notre conception de
la réduction du temps de travail et celle du CNPF sont diamétralement
opposées.
L'opposition est palpable, criante. Les uns, animés par le seul souci de la
rentabilité, traduiront les 35 heures en aménagement du temps de travail,
combinant allègrement annualisation et baisse des salaires.
Les autres, désireux de mettre en balance la rentabilité avec le développement
de la main-d'oeuvre et la reconnaissance du salarié en tant qu'individu,
voudront une réduction effective du temps de travail avec son corollaire, la
création massive d'emplois stables.
C'est l'option que nous défendons.
Dès la première lecture du texte, les parlementaires communistes se sont
engagés pour que cette loi serve effectivement l'emploi et qu'elle ne puisse
aucunement être facteur de nouvelles inégalités.
Par leurs interventions et l'adoption d'amendements, les députés communistes
ont largement contribué à enrichir le projet de loi afin, d'une part, de
reconnaître des droits nouveaux aux salariés et d'accroître leur participation
et, d'autre part, de prévenir les dérives et de contenir les appétits des
grands dirigeants, tout en dénonçant les points importants tels que le niveau
du SMIC et la rémunération des heures supplémentaires, qui restent, à notre
sens, en suspens.
A l'issue de la deuxième lecture, je considérais que ce texte était équilibré
et prometteur.
Après son adoption en troisième lecture, mon appréciation demeure identique,
au regard même des précisions qui ont été apportées par certains amendements à
l'Assemblée nationale.
Evidemment, la définition du temps de travail effectif, retenue lors de la
première lecture, me satisfaisait pleinement.
Moins radicale, la dernière définition selon laquelle il y a temps de travail
effectif lorsque le salarié ne peut vaquer librement à ses occupations
personnelles, emporte tout de même mon aval, même si un doute persiste quant à
l'opportunité de sa juxtaposition avec les anciennes dispositions.
L'avancée est positive au regard de la jurisprudence, contrairement à ce que
la majorité sénatoriale voulait imposer.
Au sujet de la modification apportée au texte par l'amendement excluant des
dispositions relatives au repos quotidien et aux pauses les personnels roulants
sur grande distance ainsi que le personnel navigant, je me rallie à l'opinion
exprimée au nom du groupe communiste et apparenté à l'Assemblée nationale par
mon ami Jean-Claude Lefort.
D'ailleurs, devant vous, j'avais eu l'occasion de noter les spécificités
inhérentes au secteur des transports et les grandes diversités de situations à
l'intérieur de cette même profession entre, par exemple, les personnels
roulants et les autres.
Il faut noter, toutefois - et ce n'est pas sans importance - qu'en acceptant
cette démarche circonscrite à un secteur particulier nous n'entendons nullement
ouvrir la porte à d'autres aménagements ou dérogations, contrairement aux
intentions du CNPF et de la majorité de la commission des affaires sociales de
cette assemblée.
Un dernier point a contribué à rendre plus lisible ce projet de loi, je veux
parler de l'utile précision apportée par Mme Aubry au sujet des entreprises et
organismes publics éligibles aux aides à la réduction du temps de travail.
Je suis conscient qu'il soit difficile pour l'Etat de « s'inciter » lui-même,
si j'ose dire. Toutefois, il nous paraît indispensable que l'Etat soit le
premier à montrer l'exemple en appliquant correctement la logique du texte.
Pour conclure, je dirai - et j'aurai l'occasion d'y revenir tout à l'heure -
que les débats furent riches et passionnés. Passant outre l'opposition farouche
de la droite contre ce texte et l'attitude d'obstruction alarmiste du CNPF, les
avancées obtenues sont loin d'être négligeables.
Ce projet de loi globalement satisfaisant, que nous aurions voté si la droite
sénatoriale ne faisait pas d'opposition idéologique, devra maintenant entrer
dans sa phase active, l'heure étant à la dynamique des négociations.
Le groupe communiste républicain et citoyen attend des salariés et de tous
ceux qui vivent la précarité qu'ils se mobilisent, qu'ils abordent les
négociations avec la conviction que la réduction du temps de travail est
réalisable sans contreparties exorbitantes.
Le marché du travail est suffisamment destructuré, nous sommes déjà parvenus
assez loin dans les formes du travail atypique. Je souhaite que les chefs
d'entreprise prennent conscience de leurs responsabilités, qu'ils cessent de
dénoncer les conventions collectives et que, le plus tôt possible, un grand
nombre d'entreprises puissent accéder à ce dispositif.
(Applaudissements sur
les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi qui nous revient de l'Assemblée nationale est profondément modifié.
Notre groupe a déjà exprimé son hostilité à une réduction autoritaire,
uniforme et généralisée de la durée du travail telle que la prévoit l'article
1er, j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer devant vous sur ce sujet.
L'approche privilégiée par l'Assemblée nationale dans ce texte - et qui est
celle de Mme Aubry et, semble-t-il, la vôtre, monsieur le ministre - me paraît
beaucoup trop inspirée par une vision déterministe, voire mécanique des
réalités du monde actuel. Elle appartient à ce que l'on pourrait appeler une
vision « newtonienne » des choses. Elle ne me semble ni juste ni réaliste. «
Newton n'est pas mort », comme le prétend le titre volontairement provocateur
d'un petit livre, au demeurant fort intéressant, composé d'articles écrits par
des scientifiques et des penseurs parmi les plus grands de notre temps. Et les
lois physiques du monde « sensible » n'ont pas changé ; les pommes continuent
de tomber des arbres et, lorsqu'elles chutent, elles ne remontent pas
naturellement vers le ciel.
Mais cette même physique, en explorant le monde de l'atome et de l'infiniment
petit, a découvert que celui-ci était caractérisé, au niveau de chaque
particule, par des comportements aléatoires, désignés par Heisenberg sous le
nom de « principe d'indétermination ».
De son côté, la biologie a réhabilité la place du hasard dans les systèmes en
évolution.
Alors, me direz-vous, pourquoi cette introduction ?
Parce que ces découvertes nous confrontent à un autre type de modèle, dont le
monde qui se crée est beaucoup plus proche que la vision simplement « mécanique
». Il fait appel à un autre type de logique.
Nous ne sommes plus dans un monde « stable », son évolution est non pas
linéaire mais partiellement aléatoire.
Ce qui caractérise la vie des entreprises de notre époque, ce sont les forts
gains de productivité engendrés par les progrès technologiques, eux-mêmes
fruits de la créativité et de l'innovation.
Par ailleurs, nous ne sommes pas seuls au monde. Si nos concurrents utilisent
ces gains de productivité pour baisser leurs coûts alors que nous les utilisons
pour travailler moins, comment s'en sortir ?
« Nous assistons aujourd'hui - d'après l'ouvrage que j'ai évoqué tout à
l'heure - à l'évolution d'un monde aux aspects multiples, à travers des phases
d'organisations successives qui sont le résultat d'événements et d'individus
non moyens ». C'est, me semble-t-il, ce qu'il faut intégrer dans notre
réflexion. Mais cela ne va malheureusement pas dans le sens de notre tradition
intellectuelle trop cartésienne, manquant de pragmatisme et peu portée à
prendre en compte l'individu inventif, moteur de progrès.
Ce que nous reprochons à votre loi, monsieur le ministre, c'est justement de
créer de tels corsets qu'elle ne permettra pas l'émergence de ces événements et
de ces individus, voire de ces entreprises « non moyens » sur lesquels
s'appuient l'évolution et la création. Ce n'est pas de « l'élitisme », c'est la
simple identification d'un phénomène.
Or, si les structures et les fonctions restent nécessaires en termes
d'organisation de société, parce que c'est l'aspect « sensible », la charpente
de la société, en revanche, les changements technologiques et sociaux nous
permettant de nous adapter à l'évolution viendront - je cite toujours - de «
l'originalité », du penchant pour le risque, de la créativité de la population.
Cela postule une certaine liberté, que vous malmenez dans votre texte.
Ce dont la France a besoin - comme l'Europe, d'ailleurs - c'est d'emplois : la
France a besoin de créer plus d'emplois nouveaux qu'elle n'en perd, nous sommes
tous d'accord sur ce point. Des emplois « classiques », certes, que nous
connaissons aujourd'hui, mais aussi des emplois de demain, que nous ne
connaissons pas encore et qui sont à inventer, sans peser démesurément sur les
finances publiques. Et c'est là que nous divergeons.
C'est la raison pour laquelle nous sommes favorables à la possibilité d'une
réduction du temps de travail, à son incitation, à la condition que ce ne soit
pas sur le mode obligatoire et autoritaire que vous privilégiez.
On a jeté l'anathème, dans cet hémicycle, sur le temps partiel au motif -
réel, d'ailleurs - que l'on constatait de regrettables abus dans certaines
entreprises.
Certes, il faut sanctionner de tels abus, et sans doute mieux encadrer cette
activité dans ses conditions de mise en oeuvre. Mais quelle imprudence !
N'était-ce pas l'occasion rêvée d'y associer les femmes, en particulier pour
jeter les bases d'une véritable politique de la famille ?
Les femmes représentent 46 % des actifs, et c'est pour elles que se posent
avec le plus d'acuité le problème de l'articulation entre vie professionnelle,
vie familiale et désir d'enfants,...
M. Jean Chérioux.
Cela devient très courageux de le dire !
Mme Anne Heinis.
... ainsi que celui du partage entre le temps choisi et le temps « obligatoire
», c'est-à-dire le temps de la nécessité.
Comme le souligne très justement Mme d'Intignano dans son livre
L'Usine à
chômeurs,
qui témoigne par ailleurs d'une approche très originale : « Une
femme qui travaille et qui a des enfants suscite un besoin d'emplois familiaux,
de restaurants, de cantines, de garderies, de professionnels de l'entretien de
la maison, de livraison à domicile, etc. ». J'arrête là l'énumération, étant
entendu que bien d'autres professions sont concernées.
Il y a donc là matière à création. Et ce n'est qu'un exemple parmi beaucoup
d'autres !
En outre, monsieur le ministre, on constate que les femmes se dirigent
naturellement vers les professions les plus dynamiques et les plus créatrices
d'emplois - les services, l'éducation, la santé, la communication - contribuant
ainsi à la modernisation du marché du travail et à la flexibilité de l'emploi,
et donc à la bonne marche de l'économie de notre pays.
Quelle belle occasion manquée !
Le chômage n'est pas une fatalité et le travail n'est pas une ressource
épuisée, comme une mine de charbon que l'on ferme. A partir du moment où l'on
part de cette hypothèse, on condamne toute ouverture sur le futur.
C'est cette image du gâteau trop petit, qu'il faut partager entre des gens de
plus en plus nombreux, que nous récusons. C'est une solidarité de misère, alors
qu'il nous faut une solidarité constructive et créatrice de nouvelles
richesses.
Lorsque l'on institutionnalise les crises, on les fait perdurer, alors que, au
contraire, l'objectif est de sortir de la crise, en évoluant, en nous adaptant
au monde tel qu'il se présente et tel que nous pouvons en imaginer le futur,
sachant que l'important est d'être capable de réviser sans cesse cette vision
du futur.
L'Europe qui se construit, la mondialisation des échanges et l'émergence de
pays encore peu développés mais à forte démographie se chargeront de le faire
si nous n'y prenons pas garde.
Alors, où est notre chance ? Où est notre avenir ?
L'industrie lourde, avec ses bataillons de main-d'oeuvre, c'est désormais du
passé. Elle ne fournira plus des réservoirs d'emplois, mais sa lente
extinction, avec tous les drames sociaux et humains qu'elle entraîne, pèse
lourd sur les fonds publics.
M. Gérard Braun.
Eh oui !
Mme Anne Heinis.
Pour nous, l'avenir est dans des structures plus petites, plus souples, plus
proches des gens, plus à même de s'adapter et d'innover, car c'est là que la
créativité de l'individu peut s'épanouir.
En France, les PME fournissent la moitié des emplois, et ce sont les seules
qui en créent de nouveaux dans le domaine marchand. Les « 35 heures payées 39 »
à production égale, de l'avis général, risquent d'en faire disparaître un bon
nombre, surtout parmi les plus petites, incapables d'absorber ce surcoût.
Alors qu'il faudrait libérer l'initiative, débrider les contraintes,
encourager la création et l'innovation, avec ce texte, nous ligotons.
M. Jacques Machet.
Très bien !
Mme Anne Heinis.
Non, le travail n'est pas une ressource épuisée ; sinon le travail au noir ne
serait pas si florissant. C'est une ressource que les plus imaginatifs et les
plus audacieux d'entre nous ne demandent qu'à créer, à condition toutefois
qu'on ne leur brise pas les ailes, avec des coûts trops lourds par rapport à
nos concurrents étrangers, des calculs de boutiquiers sur le temps de travail
et une liberté d'entreprendre sans cesse paralysée par la lourdeur de nos
structures et de nos lois.
MM. Gérard Braun et Alain Gournac.
Très bien !
Mme Anne Heinis.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques réflexions que je souhaitais
vous livrer - elles ne sont pas exhaustives ! - tout en me permettant de
rappeler, comme cela a été fait plusieurs fois dans cet hémicycle, que le rôle
du Sénat est d'indiquer avec force et constance ce qu'est sa conception de
l'intérêt général.
En conséquence, pour toutes les raisons exposées par notre rapporteur et très
clairement énumérées dans les considérants, le groupe des Républicains et
Indépendants votera la question préalable présentée par la commission des
affaires sociales.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président.
Je suis saisi d'une motion n° 1, présentée par M. Souvet, au nom de la
commission, et tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« Considérant que, lors de l'examen du présent projet de loi, tant en première
qu'en seconde lecture, le Sénat a souhaité faire prévaloir le dialogue social
et une réduction négociée et équilibrée de la durée effective du travail ;
« Considérant que le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, comme le texte du projet de loi initial du Gouvernement, entend, au
contraire, procéder à un abaissement général et autoritaire de la durée légale
du travail ;
« Considérant que, ce faisant, le projet de loi fausse les termes de la
négociation entre les partenaires sociaux, dont dépend pourtant, selon le
Gouvernement lui-même, la réussite d'une politique de réduction du temps de
travail ;
« Considérant que les conséquences concrètes de cette décision ont été
renvoyées à une loi ultérieure, qu'il s'agisse du contingent autorisé des
heures supplémentaires, du taux exact de leur majoration ou encore d'une
question aussi fondamentale que la nature du SMIC et son évolution ; qu'en
conséquence les partenaires sociaux ignorent la teneur des contraintes qui
pèseront ainsi sur eux ;
« Considérant que la démarche adoptée par le Gouvernement a eu ainsi pour
premier effet de bloquer le dialogue social et d'entretenir l'attentisme ;
« Considérant qu'en dépit du dispositif d'incitation financière dont il est
assorti, et dont le coût pour les finances publiques n'a pas été chiffré, le
projet de loi compromet les effets escomptés sur l'emploi d'une politique de
réduction du temps de travail adaptée à la diversité des situations des
entreprises et des salariés, qu'il risque d'avoir un effet inverse en raison,
notamment, de l'alourdissement du coût du travail le moins qualifié qui
résulterait du principe des "35 heures payées 39 heures" ;
« Considérant que la réduction autoritaire de la durée du travail de même que
le dispositif d'incitation financière proposé sont particulièrement inadaptés à
la situation des petites et moyennes entreprises, dont chacun sait qu'elles
constituent le gisement des emplois de demain ;
« Considérant que, de surcroît, le seuil retenu de 20 salariés pour une entrée
en vigueur différée de la nouvelle durée légale du travail n'a pas de sens
alors même que la Commission européenne préconise le seuil de 50 salariés pour
définir la petite entreprise et le seuil de 250 salariés pour définir les
moyennes entreprises ;
« Considérant que le choix d'abaisser la durée légale du travail entraîne
l'extension de cette mesure, d'ores et déjà acceptée dans son principe, à
l'ensemble des fonctions publiques et est porteur à ce titre d'une
détérioration des comptes publics, notamment des collectivités territoriales et
de la sécurité sociale ;
« Considérant, en outre, que l'application de la nouvelle durée légale du
travail aux associations, notamment dans le secteur médico-social, grèvera une
nouvelle fois le budget des collectivités locales au titre des subventions
qu'elles devront leur accorder ;
« Considérant que la démarche dans laquelle s'est engagé le Gouvernement et
dans laquelle il engage notre pays se situe en marge des lignes directrices
pour l'emploi adoptées par les partenaires européens au sommet de Luxembourg,
lignes directrices qui n'évoquent la réduction du temps de travail que pour la
placer résolument dans le cadre de négociations entre les partenaires sociaux
visant à la "modernisation de l'organisation du travail" et "au soutien à la
capacité d'adaptation des entreprises" ;
« Considérant que cette démarche se situe à l'opposé des analyses économiques
tant de l'OCDE que du FMI, ce dernier estimant que la loi française sur les 35
heures "devrait aggraver le problème du chômage structurel plutôt que le
résorber" ;
« Considérant que l'Assemblée nationale a souhaité, de surcroît, ouvrir, de
façon confuse et précipitée, un débat sur la définition du temps de travail
effectif ; qu'en définitive le texte qu'elle a retenu en nouvelle lecture
s'écarte des termes de la directive européenne ;
« Considérant que, en dépit de l'ampleur des débats auxquels a donné lieu le
projet de loi, des incertitudes et des dangers qu'il comporte, de l'inquiétude
des agents économiques et des partenaires sociaux et des interrogations des
partenaires économiques de notre pays, l'Assemblée nationale a rétabli, en
nouvelle lecture, l'essentiel du texte initial proposé par le Gouvernement ;
que ce faisant elle a déjà dit son dernier mot ;
« En conséquence, en application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le
Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet
de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de
travail (n° 418, 1997-1998). »
Je rappelle qu'en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son
représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze
minutes également, le président ou le rapporteur de la Commission saisie au
fond et le Gouvernement.
La parole est à M. le rapporteur, auteur de la motion.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
J'ai, me semble-t-il, suffisamment explicité, au cours de la
discussion générale, les raisons qui ont motivé le dépôt de cette motion, dont
vous venez, au surplus, de lire les considérants, monsieur le président, pour
ne pas avoir à ajouter d'autres commentaires.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard, contre la motion.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de
l'examen du projet de loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps
de travail, la majorité des membres de la commission des affaires sociales et
la majorité sénatoriale ont souhaité clore notre débat par le dépôt d'une
motion tendant à opposer la question préalable, la discussion en commission
mixte paritaire s'étant soldée par un constat de désaccord.
Je reviendrai sur certains arguments étayant la motion afin de souligner
certaines contradictions qui caractérisent les griefs formulés à l'encontre de
ce projet de loi.
La majorité de cette assemblée reproche tout d'abord au Gouvernement et à la
majorité parlementaire de faire preuve d'autoritarisme en abaissant par voie
légale la durée hebdomadaire du temps de travail.
Nos discussions ont été l'occasion de rappeler que, en France, c'était à la
loi républicaine de définir ce repère essentiel qu'est la durée du temps de
travail et d'en encadrer les différentes modalités d'aménagement conventionnel
afin d'éviter les dérives.
La légitimité de l'intervention du législateur dans ce domaine ne peut donc
être remise en cause.
C'est d'autant plus vrai que la démarche du Gouvernement ouvre un vaste champ
aux négociations entre les partenaires sociaux, qui, sur le terrain, auront la
responsabilité de mettre en oeuvre l'objectif des 35 heures.
M. le Premier ministre rappelait devant les préfets, le 21 avril dernier, que
la « loi avait pour but non pas d'organiser elle même le temps de travail dans
l'entreprise, ... mais de susciter, dès à présent, un vaste mouvement de
négociations au niveau des entreprises pour une réduction rapide et importante
du temps de travail, créatrice d'emplois. Sans cette loi, ce mouvement... ne
s'engagerait pas spontanément. »
La réduction du temps de travail est donc une des piste que le Gouvernement
entend pleinement exploiter pour lutter contre un chômage qui frappe près de
12,7 % de nos concitoyens. Sa mise en oeuvre exige une mobilisation
d'envergure, une mobilisation générale.
On nous dit, par ailleurs, que le Sénat a « souhaité faire prévaloir le
dialogue social et une réduction négociée et équilibrée de la durée effective
du travail ».
Se contenter d'en appeler au dialogue social, mes chers collègues, ne suffit
pas, surtout dans notre pays. Chacun connaît, en effet, les pesanteurs, les
clivages qui caractérisent la négociation collective. Les bilans quantitatifs
de la loi quinquennale de 1993 et de la loi Robien en sont une illustration
probante.
Il est indispensable de se donner les moyens d'insuffler un nouvel élan à ce
dialogue social, en renforçant son champ d'intervention, en modernisant les
outils de la négociation à la disposition des partenaires sociaux.
La loi devrait permettre d'améliorer les procédures existantes, en
encourageant le recours au mandatement dans les entreprises dépourvues de
délégués du personnel, ou en organisant, pour les unités de moins de cinquante
salariés, les lieux de négociation au niveau local, départemental,
professionnel ou interprofessionnel.
Je relève que la majorité de cette assemblée s'est opposée à ces deux mesures
visant, précisément, à relancer le dialogue social dans les PME.
La commission des affaires sociales estime que l'attitude du Gouvernement a eu
pour conséquence de bloquer ce dialogue social. Or, que constatons-nous depuis
quelques semaines, depuis, en fait, que les principaux contours du texte sont
arrêtés ?
Les partenaires sociaux sont en train de se mobiliser afin d'engager le plus
rapidement possible le mouvement des négociations.
De plus, les organisations syndicales multiplient les rencontres visant à
former leurs responsables ; certaines éditent des guides, d'autres mettent en
place un numéro vert.
Les employeurs font appel à des cabinets de consultants afin de préparer la
signature d'accords, sachant qu'un accord type Robien nécessitait en moyenne
six mois de réflexion, de discussions et de négociations.
Au-delà des directions départementales du travail, de l'emploi et de la
formation professionnelle, le service public de l'emploi participera activement
à cette phase cruciale grâce à l'intervention, en amont, de l'Agence nationale
pour l'amélioration des conditions de travail.
On le voit donc, chaque acteur de la négociation se prépare à être
opérationnel dès l'entrée en vigueur de la loi et de ses textes
d'application.
Il est par ailleurs reproché au projet de loi son inadaptation à la diversité
des entreprises et des salariés.
Dans la motion, est évoquée la situation des emplois peu qualifiés. A cet
égard, je voudrais rappeler à la majorité de notre assemblée qu'elle a, dans
ses contre-propositions, substitué au dispositif d'abattement forfaitaire,
visant justement à favoriser l'emploi de salariés peu qualifiés, un dispositif
d'abattement calculé en pourcentage, plus favorable aux entreprises employant
des salariés hautement qualifiés.
Lorsque le Gouvernement propose des incitations financières majorées pour
encourager les entreprises de main-d'oeuvre à passer aux 35, ou aux 32 heures,
lorsque l'Assemblée nationale propose des majorations pour des publics en
grande difficulté, tels que les chômeurs de longue durée, la majorité du Sénat
vote contre ces aménagements.
Je ne reviendrai pas sur la possibilité de cumuler les incitations à la
réduction du temps de travail avec la ristourne dégressive sur les bas salaires
ou avec les CES.
Notre rapporteur estime également que le dispositif d'incitations financières
n'est pas adapté aux petites et moyennes entreprises.
Or le travail parlementaire a précisément contribué à enrichir les modalités
d'application de l'ensemble de la loi aux petites et moyennes entreprises : en
différant la date d'entrée en vigueur pour les entreprises qui franchiraient le
seuil de vingt salariés en 2000 et 2001 ; en renforçant l'intervention
financière de l'Etat dans les entreprises de main-d'oeuvre et en octroyant une
aide à l'ingénierie qui devrait atteindre 208 millions de francs ; en adaptant
la contrepartie en embauches, qui pourra se réaliser sous forme de temps
partiel dans les petites unités ou dans le cadre de groupements d'employeurs
pour les petites et moyennes entreprises de moins de 300 salariés ; enfin, en
prévoyant des modalités de négociation spécifique dans les petites entreprises,
car chacun sait que c'est dans ces unités, où la représentation syndicale est
particulièrement faible, que se gagnera la bataille des créations d'emplois.
C'est dans ce milieu qu'il convient de donner de la vigueur à la démocratie
sociale. Le défi est d'importance pour notre pays. Il est aussi de notre
responsabilité de le relever.
La France isolée ! C'est un slogan que l'on a beaucoup entendu lors de ces
discussions, et encore aujourd'hui.
Au-delà des gouvernements belge ou italien, qui situent leur action dans une
démarche identique à la nôtre, je note que la puissante fédération IG Metal, en
Allemagne, souhaite engager de nouvelles négociations sur la base des 32
heures.
La démarche de la réduction du temps de travail se situerait, par ailleurs, en
marge des lignes directrices pour l'emploi adoptées lors du sommet de
Luxembourg.
Les conclusions de ce sommet évoquent la réduction du temps de travail dans la
perspective de « la modernisation du travail et du soutien à la capacité
d'adaptation des entreprises ».
J'avoue ne pas comprendre en quoi cette orientation serait en contradiction
avec le texte de loi. Précisément, nous n'avons eu de cesse d'affimer, durant
tout ce débat, que la remise à plat de l'organisation du travail dans
l'entreprise était une condition essentielle de la réussite du plan proposé
dans ce projet de loi.
Il s'agit, en effet, de lui permettre de mettre les entreprises en capacité
d'améliorer leur compétitivité afin de gagner des parts de marché et de dégager
des marges suffisantes, à la fois pour permettre l'investissement, créer de
l'emploi et améliorer les conditions de travail.
La modernisation des entreprises n'est pas une fin en soi ; elle n'a de sens
que si elle est mise au service de l'homme.
La question préalable que vous soumettez au vote de notre assemblée est pour
nous irrecevable tant est grave pour notre société le problème du chômage et
tant il est urgent de tout mettre en oeuvre pour le réduire le plus possible.
Il désagrège le lien social, il crée l'insécurité, il génère la souffrance chez
nos concitoyens.
Pour ce qui nous concerne, nous ne prendrons pas la responsabilité de renoncer
à la mise en oeuvre de mesures susceptibles de combattre ce mal, ni même de la
différer. Nous voterons donc contre cette question préalable.
(Très bien !
et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Monsieur le président, monsieur le ministre,
mes chers collègues, personne ne s'étonnera que je soutienne la question
préalable adoptée par la majorité de la commission des affaires sociales, et ce
bien que cette majorité soit favorable à la réduction du temps de travail ;
elle considère en effet que c'est une tendance lourde de toutes les économies
développées.
Elle a prouvé son attachement à cette réduction non pas par des discours, mais
en adoptant, parfois contre de fortes oppositions - même les vôtres, chers
collègues de l'opposition ! - la loi du 11 juin 1996, dite couramment « loi
Robien », qui s'est traduite par un certain nombre d'accords intéressant 250
000 salariés - excusez du peu, pour une si courte période ! - et qui créé dans
nombre d'entreprises, grandes ou moyennes, de nouveaux comportements de
partenariat entre les dirigeants et leurs salariés, visant à l'amélioration des
conditions de travail et à l'embauche de nouveaux salariés.
La majorité de la commission des affaires sociales a toujours estimé, comme,
d'ailleurs, tous nos partenaires européens - M. Souvet l'a rappelé tout à
l'heure - en particulier les experts de la Commission de Bruxelles, que la
réduction de la durée du travail ne pouvait se concevoir que si elle était
négociée, diversifiée, adaptée, car, dans notre monde moderne et face à la
mondialisation, toute référence uniforme, obligatoire, calendaire, a un
caractère obsolète qui détone et qui est incompatible avec les contraintes
auxquelles sont soumis les marchés.
A tous les arguments présentés par notre excellent rapporteur, Louis Souvet,
j'en ajouterai deux.
Le premier - il n'est pas de moi - est le constat d'un très grand bureau
d'études en matière de négociation sociale, dont, d'ailleurs, le directeur fait
plutôt partie de ceux qui soutiennent l'actuel gouvernement. Selon lui, le
délai d'un an et demi fixé par le présent projet de loi pour les entreprises de
plus de vingt salariés afin d'aboutir à une négociation globale sur
l'aménagement du temps de travail et sa réduction éventuelle, ainsi que sur
leur réorganisation, est un délai beaucoup trop court. Il estime qu'il eût été
nécessaire de prévoir un délai d'au moins trois ans - celui qui sera accordé
aux entreprises de moins de vingt salariés - et que cette précipitation risque
de compromettre l'objectif visé.
Je pense moi aussi qu'un délai d'un an et demi, qui aurait été possible pour
de très grandes entreprises déjà habituées à des négociations sociales et à la
réorganisation de leurs productions ou de leur commercialisation, est tout à
fait inadapté pour des entreprises de taille moyenne.
Je rappelle, monsieur le ministre, qu'aux termes des directives européennes
sont considérées comme petites et moyennes entreprises, celles qui emploient
jusqu'à deux cent cinquante salariés. Là, nous démarrons avec un nouveau seuil,
celui de vingt salariés. Les entreprises comptant de vingt à mille salariés
auront d'énormes difficultés à appliquer ce texte et les négociations seront
sans doute moins positives que ne le dit le Gouvernement.
J'en arrive à mon second argument.
Nous nous sommes placés, tout au long du débat, que ce soit au Sénat ou à
l'Assemblée nationale, dans une espèce de dialectique curieuse, qui m'étonne
toujours : la loi doit jouer un rôle moteur dans l'accélération des
négociations syndicales... à cause des caractéristiques du patronat français...
de son retard intellectuel, etc. Mais chaque fois qu'un problème difficile
surgit, il convient de s'en remette à la jurisprudence établie par la chambre
sociale de la Cour de cassation !
M. Gérard Braun.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Ainsi, pour la définition du travail
effectif, le législateur est renvoyé aux conclusions des travaux de la chambre
précitée !
Nous sommes dans une culture totalement juridique : le loi d'un côté, qui doit
déclencher, et la jurisprudence de l'autre, qui doit préciser.
Or nous sommes confrontés à une compétition économique, industrielle et de
services qui est aujourd'hui mondialisée. Le plus important, c'est l'offre et
la demande de produits et de services sur le marché, ce sont les coûts et la
possibilité de créer des emplois dans les technologies nouvelles, dans les
services marchands, dans les secteurs qui peuvent se développer, et l'on
raisonne toujours en termes de loi et de jurisprudence, pour des secteurs
anciens, comme si nous n'étions pas soumis à une accélération formidable du
développement et du changement des produits, des métiers, des entreprises et
des technologies.
Cette espèce de divorce qui a dominé tous les débats m'étonne. Cela risque de
se traduire, monsieur le ministre, avec le problème du temps réduit qui figure
dans le texte, par des insuffisances et des échecs des négociations qui vont
s'ouvrir.
Ces négociations - M. Souvet l'a rappelé - vont bloquer sur le problème du
SMIC. J'ai noté que certaines organisations syndicales, ou certains dirigeants
syndicaux, souhaitent que le SMIC soit immédiatement majoré de 11,2 % ;
d'autres, au contraire, estiment qu'il faudrait aller un peu moins vite. Quoi
qu'il en soit, c'est une contrainte formidable puiqu'elle va dominer l'ensemble
de la négociation.
S'agissant du contingent d'heures supplémentaires, c'est l'inconnu.
Quant au problème du temps partiel, le souci moralisateur - la protection des
catégories les plus fragiles, etc. - va se traduire par la réduction du recours
au temps partiel.
Ces trois éléments ne sont pas favorables à l'ouverture et, surtout, à la
bonne conclusion des négociations.
Il reste que le Gouvernement a tenu absolument à traduire dans un texte
l'engagement qu'il avait pris devant les électeurs. C'est bien du point de vue
de la morale politique, mais j'ai peur que cela ne soit inefficace du point de
vue des effets économiques.
Je pense que le texte qui nous arrive en troisième lecture est davantage le
ciment de la majorité plurielle que l'amorce d'une modification profonde des
rapports sociaux dans notre pays.
Monsieur le ministre, il reste au Gouvernement un an et demi pour proposer les
dispositifs d'ajustement qui seront nécessaires du fait des divergences de
positions au sein des organisations syndicales. Tous ceux qui ont participé aux
auditions auxquelles nous avons procédé ont parfaitement compris les
différences considérables qui pouvaient exister entre les positions de la CGT
et de FO, d'un côté, et celle de la CFDT, de l'autre. Les négociations seront
donc difficiles.
Il reste à espérer que, confronté à la modération salariale, qui est l'une des
conditions fondamentales de la création d'emplois, le Gouvernement, lorsqu'il
préparera le deuxième texte, celui qui permettra de mettre au point les
modalités d'application, reviendra à la réalité et s'écartera des mythes et de
l'idéologie.
Aujourd'hui, en troisième lecture, il nous appartient de prendre date et de
montrer que le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale n'a pas la
moindre chance de susciter des créations d'emplois tant il est mal « fagoté »,
tant il est étranger aux préoccupations des chefs d'entreprise.
Mes chers collègues, espérons qu'après un certain nombre de mois de
négociation le Gouvernement retrouvera le chemin du réalisme. Je l'espère pour
la baisse du chômage et le développement de notre pays.
(Applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur la motion n° 1 ?
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je me réjouis de ce débat qui, d'une certaine manière, a lieu dans
un climat plus apaisé que celui que l'on aurait pu connaître en 1993. En effet,
beaucoup de choses ont évolué depuis cette campagne des élections législatives
qui voyait les uns et les autres s'opposer d'une manière plus radicale sur
cette idée de réduction du temps de travail.
Depuis, c'est vrai, il y a eu la loi quinquennale et un certain amendement
Chamart.
Depuis, c'est vrai, il y a eu la campagne des élections présidentielles et un
fameux discours social tenu par Jacques Chirac, alors candidat à l'élection
présidentielle, à la porte de Versailles, qui évoquait la réduction du temps de
travail.
Depuis, c'est vrai, il y a eu la loi Robien, qui montrait que cet instrument
visant à permettre la création d'emplois n'était plus un argument d'opposition
farouche entre les uns et les autres, mais que celles et ceux qui avaient dénié
à la gauche l'idée de pouvoir se servir de cet instrument en revenaient à des
positions plus raisonnables sur ce sujet de la réduction du temps du
travail.
Aujourd'hui, à l'occasion de cette nouvelle lecture, nous constatons des
différences entre la droite et la gauche dans la manière d'appréhender la
réduction du temps de travail. C'est un bien pour la démocratie.
Mais je relève, monsieur le président de la commission, monsieur le
rapporteur, que vos arguments pourraient être présentés de manière tout à fait
différente.
Pour ce qui est de la position de la Commission européenne, je tiens à vous
donner lecture d'un extrait du rapport économique de 1998 qu'elle a adopté
récemment, le 25 février 1998 :
« Toutefois, la mise en oeuvre de mesures spécifiques de réduction du temps de
travail au niveau microéconomique ne doit pas être exclue pour autant, si cette
réduction est justifiée par les conditions locales et si elle est négociée par
les partenaires sociaux.
« Dans ce contexte, certaines initiatives suggèrent que des mesures qui
combinent, d'une part, une réduction du temps de travail accompagnée de
créations d'emplois avec, d'autre part, des avantages fiscaux donnent des
résultats positifs. »
Je ne demande pas à des technocrates d'émettre un autre jugement sur le texte
que nous vous proposons aujourd'hui. En outre, mesdames, messieurs les
sénateurs, comme d'autres, je dirai qu'en dehors de l'approche des membres de
la Commission et des décisions prises par un certain nombre de fonctionnaires à
Bruxelles, il faut que le politique existe.
Ainsi, suivant l'exemple de M. le Président de la République, qui a su faire
entendre la voix de la France pour s'opposer à un certain nombre de nominations
technocratiques à la Banque européenne, j'ai tendance à dire qu'à côté des
analyses ou des décisions des technocrates il est bon que les responsables
politiques occupent leur place et indiquent la direction qu'ils souhaitent
suivre.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai la faiblesse de penser que, dans ce
combat, le Gouvernement français n'est pas isolé.
Voilà quelques semaines, je me suis rendu en Italie, à l'invitation de M.
Romano Prodi. A cette occasion, je me suis rendu compte que, grâce à un climat
social différent, les organisations syndicales et patronales ayant l'habitude
de négocier ensemble, il a leur été possible de se rencontrer, de discuter et
d'aboutir à une approche commune sur la réduction du temps de travail.
Il convient également de relever la démarche des organisations syndicales
allemandes, qui ont inscrit à l'ordre du jour pour les années 2000 la réduction
du temps de travail à 32 heures et la semaine de quatre jours.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, dans ce grand et beau
combat, le Gouvernement français n'est pas isolé.
Je traiterai maintenant de la grande question, à savoir de la répercussion
d'une telle décision sur les entreprises françaises et sur les résultats
économiques.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il n'est guère dans mes habitudes d'appeler
la Bourse à la rescousse. Il n'en demeure pas moins que je ne pense pas que, si
les capitalistes de tous bords, les fonds de pension américains notamment,
avaient l'impression que l'économie française est sur le point de s'écrouler,
nous aurions, comme nous l'avons fait hier, enregistré un record historique du
CAC 40.
M. Jean Chérioux.
Il ne s'agit pas des PME, il s'agit là de grosses entreprises !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Je ne crois pas que ce soient simplement les grosses
entreprises. Il suffit de regarder ce qui se passe sur le second marché, où des
entreprises connaissent aujourd'hui des résultats également exceptionnels. Mais
laissons la Bourse, si vous le voulez bien, pour appeler à la rescousse, afin
de vous donner l'envie de soutenir ce texte, le rapport du FMI, un rapport qui
tient compte des 35 heures.
Les prévisions du FMI pour 1999 retiennent, pour l'ensemble des pays
industrialisés du G7, une croissance de 2,2 % et, pour la France, une
croissance de 3 %.
Croyez-vous réellement, mesdames, messieurs les sénateurs, que si les
prévisionnistes pensaient que le texte que j'ai l'honneur de défendre
aujourd'hui devait avoir les conséquences néfastes qu'un certain nombre d'entre
vous ont décrites, ils pronostiqueraient une croissance de 3 % pour la France,
qui correspond également à un record historique ?
Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne me flatte pas plus qu'il
ne le faudrait de ce record historique envisagé. En effet, malgré ces 3 % de
croissance, le chômage resterait à un niveau trop important. Nous savons
effectivement les uns et les autres que, si nous devions attendre les effets de
la seule croissance pour réduire le nombre de demandeurs d'emploi, cela
demanderait des dizaines d'années, ce qui n'est pas supportable dans un pays
qui compte entre 3 millions de chômeurs et 5 millions d'exclus. C'est pour
cette raison que le Gouvernement a déposé ce projet de loi, pour cette raison
essentielle, au-delà de la parole donnée ou des engagements pris dans le cadre
des accords de la majorité plurielle.
Donc,non seulement ce texte n'est pas condamné par les différents
observatoires internationaux, non seulement ce texte ne nous isole pas sur le
plan international, mais, parce qu'il va permettre de reprendre le chemin de la
négociation dans les entreprises, il sera un formidable outil de modernisation
de la démocratie sociale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, profitant de la célébration du trentième
anniversaire de mai 1968, je voudrais vous faire remarquer que, selon notre
tradition, hélas ! - c'est culturel, je ne pense pas que ce soit par manque
d'intelligence de la part du patronat - les grandes avancées sociales négociées
par les partenaires sociaux, les syndicats et le patronat, se réalisent à
l'occasion de grandes ruptures de la société française.
Depuis les accords de Grenelle et mai 1968, quels sont les grands textes
sociaux, quelles sont les grandes avancées sociales qui ont abouti par la
négociation ? On peut les compter sur les doigts d'une seule main. Il a dû y
avoir un ou deux textes sur la formation professionnelle !
C'est pour tenir compte de cette spécificité française que nous avons
souhaité, par ce projet de loi, donner une impulsion au débat qui doit avoir
lieu entre organisations syndicales et patronat.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, en tant qu'ancien membre de
la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée
nationale et, aujourd'hui, en tant que membre du Gouvernement, je fais partie
des élus de gauche qui se veulent pragmatiques.
Si le CNPF avait présenté une proposition de négociation, un calendrier de
négociations, un texte, aux organisations syndicales, je fais partie de ceux
qui auraient bien volontiers accepté de se passer de ces longues séances à
l'Assemblée nationale et au Sénat.
Mais, devant le blocage complet de la négociation salariale et sociale dans
notre pays, le législateur a dû prendre ses responsabilités.
Selon moi, avec ce texte, le Gouvernement commet un bel acte de relance de la
négociation dans les entreprises. Les négociations vont en effet devoir
reprendre entre le CNPF et les organisations syndicales !
Monsieur le président de la commission, tout à l'heure, vous avez fait
allusion au délai de mise en application de la loi. D'une certaine manière, ce
délai sera proche de deux ans. En effet, les chefs d'entreprise, les directeurs
des ressources humaines qui suivent les travaux de l'Assemblée nationale et du
Sénat les annonces du Gouvernement et savent, finalement, depuis le 10 décembre
dernier...
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Bien sûr !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
... à quelle sauce les relations sociales vont être
accommodées !
(Sourires.)
Et bon nombre d'entre eux ont d'ores et déjà
engagé cette réflexion. Ce délai de deux ans, en fait, devrait leur permettre
d'aboutir dans de bonnes conditions.
Monsieur Descours, vous avez évoqué la fonction hospitalière. Bien entendu, il
faudra que le Gouvernement fasse coïncider dans le temps la négociation qui
doit avoir lieu dans la fonction hospitalière publique avec celle qui
interviendra dans la fonction hospitalière privée.
Vous avez noté, comme moi, que les fédérations représentatives de ce secteur
ont publié un certain nombre de communiqués annonçant qu'elles allaient entamer
les négociations sur la réduction du temps de travail. Il faudra à la fois
suivre l'avancée de ces négociations d'une manière très précise et être en
mesure de faire face à cette nécessaire réduction du temps de travail dans la
fonction hospitalière publique, en en tirant toutes les conséquences
comptables.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je tenais à
apporter.
Avant d'achever mon propos, je tiens à dire quelques mots sur la
jurisprudence, pour répondre à M. le président de la commission.
Monsieur Fourcade, je ne suis pas de ceux qui estiment que les députés et les
sénateurs doivent mettre les pouces en ce qui concerne la rédaction de la loi.
Toutefois, lorsqu'une jurisprudence est acceptée par tous, lorsqu'une
jurisprudence a réussi à dégager des règles reconnues par tous, pourquoi se
priver du plaisir de dire : puisque chacun se reconnaît dans cette position,
cette position devient la loi ?
Je remercie les orateurs qui se sont exprimés à l'occasion des différentes
lectures pour la qualité de leurs interventions. Celles-ci ont en effet permis
- j'ai eu l'occasion de le faire remarquer dans mon intervention liminaire - de
faire progresser un certain nombre de positions, celles du Gouvernement comme
celles qui se sont dégagées à l'Assemblée nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi tient donc compte d'un
certain nombre de réflexions qui ont été émises par la Haute Assemblée, mais
aussi de la jurisprudence élaborée par les plus hautes instances et du débat
politique qui a eu lieu depuis 1993 dans ce pays. Nos travaux permettront au
patronat et aux organisations syndicales de disposer d'un outil de
modernisation du débat social dans les entreprises et d'un bel instrument en
faveur de l'emploi.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Je rappelle qu'en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement,
la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée
n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, interrogés
pour la CFDT par l'institut BVA, les Français, largement convaincus que les 35
heures sont une bonne chose, tant pour la qualité de vie, la création d'emplois
et les conditions de travail que pour les relations sociales dans l'entreprise,
qualifient tour à tour ce projet de loi d'ambitieux, pour 65 %, de nécessaire,
pour 64 %, de réaliste, pour 55 %, mais aussi d'efficace, pour 51 %.
Si la perspective des 35 heures soulève l'engouement dans l'opinion publique,
à l'opposé, l'annonce du projet de loi a soulevé une véritable guerre des
tranchées entre le Gouvernement et la droite parlementaire, véritable relais du
CNPF.
Ayant pour seule référence idéologique le dogme de la rentabilité, les
dirigeants du CNPF, dès le 10 octobre dernier, se sont véritablement « bloqués
», refusant par principe d'envisager la réduction du temps de travail. Selon
les propos de M. Seillières, son organisation a fait du « social défensif ».
Pour déstabiliser le Gouvernement et semer le doute dans l'esprit des
Français, le CNPF a mené une campagne alarmiste en usant d'arguments
fallacieux.
Dangereuses pour notre économie, selon M. Seillières, les 35 heures seraient
une aberration.
En fait, ce projet de loi dérange ces messieurs parce que, indirectement, il
pose la question cruciale de la répartition équitable des richesses au sein de
l'entreprise entre profits et salaires.
Pour l'année 1997, le retour à la croissance a d'abord profité aux
entreprises, la situation florissante de celles-ci induisant une augmentation
de la rémunération de leurs actionnaires. C'est cette part-là que le CNPF
entend préserver !
Je rappelle à ce propos que les cours de la Bourse ont explosé ces dernières
heures, le CAC 40 dépassant les 4 000 points.
Se servant des dénonciations en cascade de conventions collectives, le
patronat tente de peser, d'infléchir la volonté du Gouvernement. Il souhaite
des ouvertures afin de négocier au rabais la réduction du temps de travail en
faisant accepter aux salariés de nouvelles concessions empreintes de toujours
plus de précarité.
C'est contre ces multiples tentatives que les parlementaires communistes ont
entendu s'élever tout au long des débats.
Aujourd'hui encore, je tiens à dénoncer l'attitude de cette droite qui, après
avoir proposé un contre-projet de loi, « Robien
bis
», que le groupe
communiste républicain et citoyen avait rejeté tant en première qu'en deuxième
lecture, use d'artifices de procédure pour marquer son opposition à votre
texte, monsieur le ministre.
Les arguments développés au nom de la commission par M. le rapporteur
ressemblent à ceux qui ont déjà été avancés, et combattus avec force par notre
groupe, par MM. Arthuis et Gournac à propos de la constitution de la
pseudo-commission d'enquête.
Ils relèvent de la même logique que ceux qui ont été développés récemment par
les députés de l'UDF et du RPR soutenant leur motion de censure contre la
politique économique du Gouvernement.
Que ce soit pour la mise en place des emplois-jeunes ou la concrétisation des
35 heures, le clivage droite-gauche n'est pas nouveau.
Au nom du groupe communiste républicain et citoyen, je ne vais pas reprendre
toutes les objections que nous avons pu élever contre votre conception de
réduction-aménagement du temps de travail.
Souscrivant pleinement au dispositif innovant prévu par le projet
gouvernemental, nous sommes intimement convaincus qu'il existe une alternative
sérieuse au courant de pensée ultralibérale sous-tendant votre proposition.
Par conséquent, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre la
motion présentée au nom de la majorité des membres de la commission des
affaires sociales.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens de
nouveau à saluer, à l'occasion de cette nouvelle lecture, le travail effectué
par notre excellent collègue Louis Souvet, rapporteur, et par la commission des
affaires sociales. Il faut souligner la qualité du texte qui avait été élaboré,
qui faisait prévaloir le dialogue social et une réducation négociée et
équilibrée de la durée effective du temps de travail.
Dans ces conditions, comment ne pas regretter le peu d'écoute que l'Assemblée
nationale a réservé aux propositions du Sénat ? Certaines d'entre elles étaient
pourtant manifestement dictées par le bon sens ; je pense en particulier à la
rédaction de l'article 4
bis,
relatif à la définition du temps de
travail effectif, qui ne faisait d'ailleurs que reprendre les termes de la
directive européenne.
Pourquoi l'Assemblée nationale a-t-elle refusé absolument de se rallier à la
rédaction proposée par le Sénat ? On peut se le demander.
S'agissant du reste du projet de loi, je réaffirme, au nom de mon groupe,
notre hostilité totale à une réduction uniforme, généralisée et autoritaire de
la durée du travail. En effet, c'est bien de cela qu'il s'agit, monsieur le
ministre, et non pas de l'hypothétique consensus européen que vous avez évoqué
tout à l'heure. Il n'y a jamais eu consensus à l'extérieur de nos frontières
sur une réduction uniforme, généralisée et autoritaire du temps de travail.
Les conséquences d'une telle disposition sur notre économie sont réellement à
craindre, ainsi que l'illustrent plusieurs études émanant d'organismes dont la
réputation est incontestée.
Vous avez invoqué tout à l'heure le FMI. Mais le FMI a dit combien la mise en
place des 35 heures lui semblait dangereuse et risquait d'aggraver - j'insiste
sur ce mot - la situation de la France !
S'agissant de la Commission européenne, qui a été citée à de nombreuses
reprises, le texte auquel vous vous être référé n'est pas celui qui a été
évoqué par nos collègues, qui est un texte tout récent, sorti aujourd'hui
seulement dans la presse !
Je souhaiterais qu'au moins, monsieur le ministre, vous vous référiez aux
bonnes citations !
La Commission européenne a bien indiqué qu'elle n'était pas favorable au texte
issu des travaux de l'Assemblée nationale.
Les premiers effets de celui-ci se font d'ailleurs déjà sentir au regard de la
frilosité qui entoure les négociations salariales au sein des entreprises, et
c'est là que réside le grand problème : vous prétendez que le présent projet de
loi est de nature à provoquer la négociation salariale, nous, nous craignons
qu'au contraire il ne la freine, car nous sommes pour la négociation salariale
si nous ne sommes pas, je le répète, pour une solution autoritaire comme celle
que vous nous proposez !
Nous l'avons répété maintes et maintes fois : non seulement ce texte ne créera
pas, globalement, de nouveaux emplois pour les chômeurs - dans la meilleure des
hypothèses il n'en détruira pas plus qu'il n'en créera - mais encore il créera
une pression sur la qualié des conditions de travail des salariés dans la
mesure où les entreprises voudront préserver leur compétitivité, c'est-à-dire
leur survie, c'est-à-dire les emplois.
Ce texte mesure va également totalement à l'encontre des échéances de la
France dans la construction européenne, dans la mondialisation croissante, et
cela vous le savez très bien, malgré les déclarations que vous avez faites tout
à l'heure.
En outre, bien des incertitudes demeurent concernant l'existence d'un monstre
économique, le double SMIC, mais aussi quant à la pénalisation du travail à
temps partiel - donc de ceux qui avaient fait ce choix de vie, qui sera vite
insupportable - sur lequel Mme Heinis a fait un exposé particulièrement
intéressant.
Enfin, il n'est pas dit de quelle façon les entreprises vont pouvoir, dans
certains cas, supporter un surcoût de 11,40 % de leur masse salariale.
La lutte contre le chômage passe pour nous par la baisse du coût du travail
peu qualifié, ainsi que la majorité sénatoriale le suggère dans une proposition
de loi déposée récemment, mais également par l'amélioration de la formation
professionnelle, par la disparition des lourdeurs administratives et surtout
par la croissance.
Et heureusement - heureusement pour vous, monsieur le ministre, heureusement
pour la France ! - la croissance est au rendez-vous.
Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, le groupe du RPR votera la
motion visant à opposer la question préalable déposée par l'excellent
rapporteur de la commission des affaires sociales.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1 tendant à opposer la question préalable,
repoussée par le Gouvernement.
Je rappelle que l'adoption de cette motion aurait pour effet d'entraîner le
rejet du projet de loi.
(La motion est adoptée.)
M. le président.
En conséquence, le projet de loi est rejeté.
4
RETRAIT DE L'ORDRE DU JOUR
D'UNE QUESTION ORALE SANS DÉBAT
M. le président. J'informe le Sénat que la question orale sans débat n° 233 de M. Louis Minetti est retirée, à la demande de son auteur, de l'ordre du jour de la séance du mardi 19 mai 1998.
5
COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
DE PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication,
en date du 7 mai 1998, l'informant que :
- la proposition d'acte communautaire E 1001 - « Communication de la
Commission au Conseil et au Parlement européen relative au traitement des
anciens pays n'ayant pas une économie de marché dans les procédures antidumping
et proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement CE n° 384/96 du
Conseil. Proposition de règlement CE du Conseil portant modification du
règlement CE n° 384/96 du Conseil relatif à la défense contre les importations
qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté
européenne » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par
décision du Conseil du 27 avril 1998 ;
- la proposition d'acte communautaire E 1037 - « Proposition de règlement CE
du Conseil fixant les règles générales pour l'importation d'huile d'olive
originaire de Tunisie » a été adoptée définitivement par les instances
communautaires par décision du Conseil du 27 avril 1998 ;
- la proposition d'acte communautaire E 1056 - « Projet de règlement CE
concernant la réduction de certaines relations économiques avec la République
fédérale de Yougoslavie » a été adoptée définitivement par les instances
communautaires par décision du Conseil du 27 avril 1998.
6
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de MM. Charles de Cuttoli, Paul d'Ornano et Mme Paulette Brisepierre
une proposition de loi tendant à compléter la loi n° 86-1067 du 30 septembre
1986 en matière de communication audiovisuelle extérieure de la France.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 425, distribuée et renvoyée à
la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
7
DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice
1999 - volume 5, section IV - Cour de justice.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1062 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice
1999 volume 6, section V - Cour des comptes.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1063 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement CE du Conseil modifiant le règlement CE n° 2505/96
du Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires
communautaires autonomes pour certains produits industriels et agricoles.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1064 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement CE, CECA, Euratom du Conseil modifiant le règlement
financier du 21 décembre 1977 applicable au budget général des Communautés
européennes.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1065 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement CE du Conseil modifiant l'annexe du règlement CE n°
1255/96 du Conseil portant suspension temporaire des droits temporaires
autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels et
agricoles.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1066 et
distribuée.
8
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Claude Huriet, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au
nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au
renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des
produits destinés à l'homme.
Le rapport sera imprimé sous le n° 426 et distribué.
9
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 13 mai 1998, à quinze heures :
1. Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 404, 1997-1998), adopté
avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, instituant
une commission consultative du secret de la défense nationale.
Rapport (n° 422, 1997-1998) de M. Nicolas About, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Aucun amendement n'est plus recevable.
2. Discussion de la proposition de loi (n° 375, 1997-1998), adoptée par
l'Assemblée nationale, tendant à la détermination des conditions juridiques de
l'exercice de la profession d'artisan boulanger.
Rapport (n° 417, 1997-1998) de M. Jean-Pierre Raffarin, fait au nom de la
commission des affaires économiques et du plan.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus
recevable.
Aucun amendement n'est plus recevable.
Délais limites pour les inscriptions de parole
dans la discussion générale
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux animaux dangereux
et errants et à la protection des animaux (n° 409, 1997-1998) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 18 mai 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 18 mai 1998, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures cinquante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Préparation de la prochaine rentrée scolaire
dans les écoles élémentaires du département de la Somme
257 rectifiée.
- 11 mai 1998. -
M. Pierre Martin
souhaite interroger
Mme le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire
sur l'évolution des postes d'enseignants pour les classes élémentaires dans le
département de la Somme envisagée pour la future rentrée scolaire et sur les
répercussions de cette situation, qui risque d'altérer la qualité de
l'enseignement fourni aux enfants.
Statut des élus de l'assemblée de Wallis-et-Futuna
272.
- 11 mai 1998. -
M. Basile Tui
appelle l'attention de
M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer
sur la nécessité de réexaminer le statut des élus de l'assemblée territoriale
du territoire de Wallis-et-Futuna. Il lui rappelle notamment, qu'une vertu de
l'article 12 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961, conférant aux îles de
Wallis-et-Futuna le statut de territoire d'outre-mer, l'indemnité de fonction
allouée aux membres de cette assemblée ne peut se cumuler avec le traitement de
fonctionnaire ou d'agent des services publics en activité de service ou en
service détaché. Il lui indique que cette situation est difficilement
comparable à celle des conseillers généraux de métropole et des départements
d'outre-mer. Il lui demande, en conséquence, s'il ne serait par opportun
d'envisager de mettre un terme à cette différence de traitement entre élus du
territoire et élus de la métropole ou des départements d'outre-mer en ce qui
concerne l'établissement et le calcul de leurs indemnités.
Projets d'armement du Gouvernement
273.
- 11 mai 1998. -
M. Franck Sérusclat
souhaite interroger
M. le ministre de la défense
sur les projets du Gouvernement en matière d'armement. Récemment, le
Siroco
, bateau vitrine de la technologie française, est parti pour une
tournée de démonstration ayant des perspectives commerciales d'exportation de
l'armement français. Quelles sont les conséquences positives imaginables, sur
le plan de la paix, de la poursuite de ces projets d'armement ? Le ministre ne
considère-t-il pas que la sécurité des Etats aujourd'hui passe plus par des
réponses aux problèmes d'inégalités de développement, d'atteintes à la
démocratie ou à la dignité humaine ?
Forces de sécurité publique dans le département de l'Hérault
274.
- 11 mai 1998. -
M. Gérard Delfau
attire l'attention de
M. le ministre de l'intérieur
sur l'inquiétude suscitée par le rapport au Premier ministre sur « une
meilleure répartition des effectifs de la police et de la gendarmerie pour une
meilleure répartition des effectifs de la police et de la gendarmerie pour une
meilleure sécurité publique ». S'agissant de l'Hérault, elle s'est cristallisée
sur le devenir du commissariat de police de Pézenas et, dans une moindre
mesure, de celui de Frontignan, même si beaucoup d'autres questions au fond
sont posées par ce département, au 6e rang en termes de délinquance et au 66e
rang pour la dotation en forces de sécurité (gendarmerie et police nationale).
Le contraste est saisissant. Pour en revenir à Pézenas, il rappelle que le
ministre lui-même vient d'annoncer au maire, par un courrier du 31 mars 1998, «
l'arrivée d'un officier de police » au 1er juin prochain, avec ce commentaire :
« le taux élevé de délinquance justifie qu'une attention particulière soit
portée à la situation de cette circonscription de sécurité publique ».
Simultanément, l'annonce par voie de presse d'une possible disparition du
commissariat et de son transfert à la gendarmerie a plongé les élus dans la
stupéfaction, d'autant que la discussion en cours d'un contrat local de
sécurité a fait apparaître une flambée de la délinquance en 1996 après dix ans
de croissance et une légère diminution en 1997 (- 0,84 %). Faut-il casser
l'outil qui fait reculer la violence et les petits délits ? Faut-il appliquer
aveuglément des critères purement démographiques dans le répartition entre
police et gendarmerie sur le territoire ? La connaissance du terrain des
policiers, la culture spécifique d'une commune très touristique dotée de quatre
lycées (4 000 scolaires, en tout) ne sont-ils pas à prendre en compte ? Aussi
il lui demande quelle procédure il compte mettre en oeuvre pour engager une
discussion loyale avec les élus avant toute décision prématurée.
Avenir des écoles de puériculture
275.
- 11 mai 1998. -
Mme Nicole Borvo
attire l'attention de
M. le secrétaire d'Etat à la santé
sur la situation des écoles de puéricultrices. La baisse constante des
financements gouvernementaux qui leur sont attribués (de 8 003 francs constants
de subvention par élève en 1983 à 6 000 francs constants en 1996) les met en
danger et a pour conséquence une inégalité d'accès à la formation ainsi qu'une
diminution du nombre des candidates. En effet, de nombreuses écoles sont dans
l'obligation soit de demander des frais de scolarité à leurs étudiants, soit à
en transférer la charge financière sur les organismes gestionnaires dont elles
dépendent. Rompre avec cette logique ce serait remplir les objectifs ambitieux
du Gouvernement en matière de santé publique, et notamment de prévention. Pour
toutes ces raisons elle lui demande ce qu'il compte faire afin d'assurer la
gratuité des études de puériculture et créer des postes supplémentaires de
puéricultrices.
Concours d'accès aux écoles vétérinaires
276. - 12 mai 1998. - M. Philippe Madrelle appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conséquences de l'arrêté du 6 février 1998 portant ouverture en 1998 de concours pour l'admission de candidats aux écoles vétérinaires. Cet arrêté a fixé le 31 mars 1998, soit un mois avant le début des épreuves, des quotas de places réservées aux élèves de chaque catégorie. Outre cette modification soudaine de règles, qui intervient à un mois des épreuves, cet arrêté crée une inégalité d'accès au concours entre les élèves qui se présentent pour la première fois au terme de deux années de préparation et ceux qui se présentent pour la seconde fois. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser s'il n'envisage pas de supprimer ces quotas.