SOMMAIRE
présidence de m. rené monory
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Décision du Conseil constitutionnel
(p.
1
).
3.
Diverses dispositions d'ordre économique et financier.
- Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
2
).
Discussion générale : MM. Alain Lambert, rapporteur de la commission des
finances ; Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances pour le
titre II ; André Jourdain, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales ; Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
présidence de m. jean faure
MM. Philippe Arnaud, Jean-Pierre Raffarin, René Régnault, François Lesein, Mme
Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Pierre Camoin.
4.
Souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires irakiens
(p.
3
).
5.
Diverses dispositions d'ordre économique et financier.
- Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
4
).
Discussion générale (
suite)
: MM. Jean-Pierre Camoin, Bernard Joly,
Albert Vecten, Pierre Lefebvre.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.
Clôture de la discussion générale.
6.
Modification de l'ordre du jour
(p.
5
).
MM. le président, Christian Poncelet, président de la commission des
finances.
7.
Diverses dispositions d'ordre économique et financier.
- Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
6
).
Article 1er. - Adoption (p.
7
)
Articles additionnels après l'article 1er (p.
8
)
Amendement n° 46 de M. Arthuis. - MM. Jean Arthuis, Alain Lambert, rapporteur
de la commission des finances ; Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.
- Retrait.
Amendements identiques n°s 62 de M. Hoeffel et 83 de M. Seillier ; amendement
n° 144 rectifié de M. Courtois. - MM. Daniel Hoeffel, Bernard Seillier,
Philippe Marini, Alain Lambert, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Retrait
des amendements n°s 83 et 144 rectifié ; adoption de l'amendement n° 62
insérant un article additionnel.
Amendement n° 169 rectifié de Mme Dieulangard. - Mme Marie-Madeleine
Dieulangard, MM. Alain Lambert, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. -
Retrait.
Reprise de l'amendement n° 169 rectifié
bis
par M. Marini. - M. Philippe
Marini. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles 2, 3, 3
bis
et 4. - Adoption (p.
9
)
Article additionnel après l'article 4 (p.
10
)
Amendement n° 203 de la commission. - MM. Alain Lambert, rapporteur ; le secrétaire d'Etat, Philippe Marini. - Retrait.
Article 5 (p. 11 )
Amendements n°s 134, 135 de M. Ostermann, 188 de Mme Derycke, 96 de Mme Beaudeau et 38 de M. Jourdain, rapporteur pour avis. - MM. Joseph Ostermann, René Régnault, Guy Fischer, le rapporteur pour avis, Alain Lambert, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement n° 134 rédigeant l'article, les amendements n°s 188, 96, 135 et 38 devenant sans objet.
Suspension et reprise de la séance (p. 12 )
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
M. le président.
Article additionnel après l'article 5 (p. 13 )
Amendement n° 72 de M. Richert. - MM. Philippe Richert, Alain Lambert, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Article 6. - Adoption (p.
14
)
Article 7 (p.
15
)
Amendement n° 39 de M. Jourdain, rapporteur pour avis. - M. le rapporteur pour
avis, Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes
entreprises, au commerce et à l'artisanat ; M. Alain Lambert, rapporteur. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 8. - Adoption (p.
16
)
Article additionnel après l'article 8 (p.
17
)
Amendement n° 57 de M. Pourchet. - MM. Philippe Arnaud, Alain Lambert, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Articles 9 à 11. - Adoption (p.
18
)
Articles additionnels après l'article 11 (p.
19
)
Amendement n° 7 de la commission. - MM. Alain Lambert, rapporteur ; le
secrétaire d'Etat, René Régnault. - Adoption de l'amendement insérant un
article additionnel.
Amendement n° 8 de la commission. - MM. Alain Lambert, rapporteur ; le
secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendements identiques n°s 40 de M. Jourdain, rapporteur pour avis, et 56 de M.
Richert ; amendements identiques n°s 69 de M. Adnot, 85 de M. Girod et 138 de
M. Le Grand ; amendement n° 160 de M. Charasse. - MM. le rapporteur pour avis,
Philippe Richert, Philippe Adnot, Paul Girod, Philippe Marini, René Régnault,
Alain Lambert, rapporteur ; Mme le secrétaire d'Etat. - Retrait des amendements
n°s 85 et 138 ; adoption des amendements n°s 40 et 56 insérant un article
additionnel, les amendements n°s 69 et 160 devenant sans objet.
Amendement n° 50 rectifié de M. Ostermann. - MM. Joseph Ostermann, Alain
Lambert, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° 119 de Mme Beaudeau. - MM. Paul Loridant, Alain Lambert,
rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Article 11 bis (p. 20 )
Mme Odette Terrade.
Amendements n°s 80 rectifié
bis
de Mme Bardou et 204 de la commission. -
MM. José Balarello, Alain Lambert, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Retrait
de l'amendement n° 80 rectifié
bis ;
adoption de l'amendement n° 204.
Adoption de l'article modifié.
Article 11
ter.
- Adoption (p.
21
)
Articles additionnels après l'article 11
ter
(p.
22
)
Amendement n° 126 rectifié
bis
de Mme Beaudeau. - MM. Pierre Lefebvre,
Alain Lambert, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendements n°s 136 et 137 de M. Ostermann. - MM. Joseph Ostermann, Alain
Lambert, rapporteur ; le secrétaire d'Etat, Daniel Hoeffel, François Lesein,
Bernard Joly. - Retrait des deux amendements.
Article 12 (p. 23 )
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Adoption de l'article.
Article 13. - Adoption (p.
24
)
Article 14 (p.
25
)
Amendement n° 9 de la commission. - MM. Philippe Marini, rapporteur de la
commission des finances pour le titre II ; le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 10 de la commission. - MM. Philippe Marini, rapporteur ; le
secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 15 (p. 26 )
Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Paul Loridant, le secrétaire d'Etat.
Amendement n° 197 de la commission. - MM. Philippe Marini, rapporteur ; le
secrétaire d'Etat. - Retrait.
M. Paul Loridant.
Adoption de l'article.
Articles 16 et 17. - Adoption (p.
27
)
Article 18 (p.
28
)
Amendement n° 11 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 12 de la commission. - MM. Philippe Marini, rapporteur ; le
secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 13 de la commission. - MM. Philippe Marini, rapporteur ; le
secrétaire d'Etat. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Articles 19 à 24. - Adoption (p.
29
)
Article additionnel après l'article 24 (p.
30
)
Amendement n° 41 de M. Jourdain, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour avis, Philippe Marini, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 25 (p. 31 )
Amendement n° 14 de la commission. - MM. Philippe Marini, rapporteur ; le
secrétaire d'Etat, Jean-Philippe Lachenaud. - Adoption.
Amendement n° 15 de la commission. - MM. Philippe Marini, rapporteur ; le
secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 131 de M. Loridant. - MM. Paul Loridant, Philippe Marini,
rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 26 et 27. - Adoption (p.
32
)
Article additionnel après l'article 27 (p.
33
)
Amendement n° 132 de M. Loridant. - MM. Paul Loridant, Philippe Marini, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles 28 et 29. - Adoption (p. 34 )
Renvoi de la suite de la discussion.
8.
Retrait d'une question orale avec débat
(p.
35
).
9.
Dépôt d'un projet de loi
(p.
36
).
10.
Transmission d'un projet de loi
(p.
37
).
11.
Dépôt de rapports
(p.
38
).
12.
Ordre du jour
(p.
39
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président.
J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du
5 mai 1998, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel qui
concerne la conformité à la Constitution de la loi relative à l'entrée et au
séjour des étrangers en France et au droit d'asile.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au
Journal officiel,
édition des lois et décrets.
3
DIVERSES DISPOSITIONS
D'ORDRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 373, 1997-1998),
adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier. [Rapport n° 413 (1997-1998) et
avis n° 408 (1997-1998).]
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus
recevable.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
Dans la discussion générale, en accord avec M. le secrétaire d'Etat, la parole
est à M. Lambert, rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ainsi qu'il est d'usage, ce projet de
loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier regroupe des
dispositifs qui pourraient faire l'objet de plusieurs textes différents.
Trois séries de dispositions peuvent être ainsi distinguées : celles qui sont
relatives à la simplification administrative, celles qui concernent le plan
français de passage à l'euro - elles sont accompagnées d'un perfectionnement de
notre législation sur les marchés financiers - celles enfin qui traitent de
sujets divers, dont l'autonomie se borne, le plus souvent, à un seul article et
qui ont donc toute leur place dans ce type de projet de loi. Le Gouvernement a
regroupé certaines de ces dispositions éparses en deux titres, à savoir le
titre III, relatif au secteur public et aux procédures publiques, et le titre
IV, relatif à la protection de l'environnement et à la santé publique.
Compte tenu de l'hétérogénéité inévitable de pareils textes, la commission des
finances n'a pas retenu de ligne directrice dans l'appréciation portée sur
l'ensemble du projet de loi, sinon celle de la fidélité aux positions qu'elle a
prises constamment sur les différents sujets traités, quel que soit le
gouvernement en place. C'est de cette façon que le Sénat joue un rôle utile.
La commission des finances a donc adopté des positions contrastées selon les
articles examinés.
Ainsi, elle n'a pas de remarques particulières à formuler sur le titre Ier,
relatif à la simplification administrative, qu'elle juge excellent d'une façon
générale.
Elle profitera du débat ouvert par l'article 11 sur la TVA pour rappeler son
attachement à deux mesures non prises à ce jour : la possibilité pour les
collectivités locales d'opter pour l'assujettissement de leurs déchetteries à
la TVA et l'engagement de négociations communautaires afin que le bois de
chauffage des réseaux de chaleur puisse bénéficier du taux réduit.
Le titre II constitue le troisième volet du débat européen de ce printemps, en
vue de permettre à la France d'adopter la monnaie unique dès le 1er janvier
1999.
Il vient ainsi compléter la loi modifiant le statut de la Banque de France en
vue de sa participation au Système européen de banques centrales, adoptée
définitivement par le Sénat le 29 avril, et la résolution de la commission des
finances que le Sénat a bien voulu adopter le 23 avril sur l'engagement de la
troisième phase de l'Union économique et monétaire.
Je rappelle que le titre II, qui sera traité en détail - et mieux que je ne
le ferais - par notre collègue Philippe Marini dans un instant, comporte deux
aspects : d'une part, le plan français de passage à l'euro, partie technique
qui ne semble guère poser de difficultés ; d'autre part, des dispositions de
modernisation des activités financières, dont la plupart sont autonomes par
rapport à l'adoption de la monnaie unique et sur lesquelles la commission
suggérera de nombreuses améliorations.
C'est à partir du titre III, relatif au secteur public et aux procédures
publiques, que des difficultés plus substantielles apparaissent.
L'article 35 est relatif au schéma directeur de desserte gazière. Il a pour
but de permettre la desserte des zones non desservies actuellement par Gaz de
France. Le dispositif prévu écorne le monopole de Gaz de France. L'Assemblée
nationale l'a modifié dans un sens plus protecteur du monopole. La commission
considère que la difficulté à faire jouer la concurrence pour les collectivités
ou leurs groupements est de nature à entraver la desserte du territoire. Elle
vous proposera donc d'élargir la concurrence à des opérateurs dont le capital
serait détenu à 30 % au moins par les collectivités locales ou leurs
groupements.
L'article 36 est relatif à l'ouverture du capital d'Air France. Il organise
notamment un échange d'actions contre des baisses de salaires. La commission ne
peut que rappeler son attachement à la privatisation intégrale de la compagnie,
toute solution intermédiaire lui paraissant devoir mener à une impasse.
Le titre IV est relatif à la protection de l'environnement et à la santé
publique. Deux de ses trois articles me paraissent devoir retenir
l'attention.
L'article 39 est relatif à une modification du calcul de la puissance fiscale
des véhicules particuliers. Il est consécutif à la remise au Parlement d'un
rapport gouvernemental demandé sur l'initiative de la commission. Celle-ci
s'est impliquée depuis plusieurs années dans le débat sur une fiscalité plus
rationnelle des carburants. Elle est favorable à ce dispositif, qui devrait
encourager l'utilisation des carburants les moins polluants. Toutefois,
conformément à une position constante, elle restera attentive à d'éventuels
transferts de recettes entre les départements, et je sais que notre président,
M. Christian Poncelet, fera preuve de la plus grande vigilance à ce sujet.
L'article 41 crée une taxe sur les achats de viande pour financer
l'élimination des farines animales non conformes aux normes communautaires.
Jugeant qu'il n'est pas équitable que cette charge repose sur la petite
distribution, la commission présentera un amendement tendant à éviter cet
effet.
Le titre V comprend six articles entre lesquels le Gouvernement n'a pu trouver
de point commun ; je ne reviens que sur certains d'entre eux.
L'article 43 est relatif au recensement, sur six mois, des porteurs de
créances sur la Russie tsariste. Un compte d'affectation spéciale a été créé et
doté à cette fin dans la loi de finances pour 1998.
L'article 44 a pour objet de valider une délibération de la Fondation
nationale des sciences politiques relative à son budget. Cette disposition
figurait déjà à l'article 72 du projet de loi portant DDOEF de 1997. La
commission ne s'oppose pas à cette validation, même si elle ne peut que
critiquer les dysfonctionnements qui l'ont rendue nécessaire.
L'artice 45 crée un nouveau prélèvement sur l'association de gestion du fonds
des formations en alternance. Le caractère récurrent de ce type de prélèvement
démontre à l'évidence que la cotisation demandée aux entreprises à ce titre est
trop élevée.
L'article 46 limite l'avantage fiscal tiré de l'amortissement des biens donnés
en location par une société de personnes. Cette limitation ne sera pas
applicable à certaines opérations agréées par le ministre du budget relatives à
des équipements amortissables sur une durée au moins égale à huit ans. Il
s'agit, notamment, d'épargner les navires de commerce. Je rappelle à ce sujet
que la commission des finances du Sénat s'est toujours montrée favorable à une
législation tendant à attirer l'épargne vers le financement des navires de
commerce français. Elle peut donc difficilement se satisfaire d'un dispositif
qui ne les avantage pas, mais qui se contente de ne pas les pénaliser. C'est
pourquoi elle vous proposera un amendement tendant à tenir compte du prix de
revient effectif des biens acquis pour le calcul de l'amortissement, afin de
permettre l'acquisition de navires d'occasion. Elle vous proposera en outre de
supprimer le plafond de 20 % du résultat imposable au-delà duquel les associés
ne sont plus autorisés à imputer les pertes dans la mesure où cette disposition
lui paraît inapplicable.
Enfin, cette présentation ne saurait être exhaustive si elle n'évoquait les
modifications apportées par l'Assemblée nationale.
L'Assemblée nationale a adopté de nombreux articles additionnels - vingt-huit,
me semble-t-il - ouvrant des débats sur des thèmes absents du projet
d'origine.
Quatre volets nouveaux ont ainsi été ouverts : un important volet «
collectivités locales » ; un volet relatif au logement ; un volet relatif aux
questions financières, mais ne concernant pas le titre II ; un volet concernant
à la fois l'aménagement du territoire et les questions agricoles ou
agro-alimentaires.
De nouvelles dispositions diverses ont, par ailleurs, été adoptées.
Les députés ont souhaité adopter un certain nombre de dispositions relatives
aux collectivité s locales, le plus souvent en dehors de l'initiative de leur
commission des finances, et parfois contre l'avis du Gouvernement. Il en a été
ainsi de la création d'une taxe communale sur les pylônes de téléphonie mobile
calquée sur la taxe sur les pylônes électriques acquittée par EDF.
Cette proposition offre une recette nouvelle aux communes concernées, qui,
d'après nos informations, pourrait être de l'ordre de 350 millions de
francs.
Toutefois, cette taxe n'est pas sans inconvénient. En effet, les opérateurs
hésiteront désormais à implanter des antennes ou pylônes dans les communes qui
en sont dépourvues pour le moment, en particulier lorsque la population à
desservir sera peu nombreuse.
C'est après un long débat que la commission a finalement décidé d'accepter la
proposition des députés ; mais de nombreux amendements ont été déposés.
L'avis du Gouvernement a également été négatif sur une proposition de la
commission des finances de l'Assemblée nationale créant une possibilité de
déroger à l'obligation d'établir un budget annexe pour les services de
distribution d'eau potable et d'assainissement des communes de moins de 500
habitants. La commission s'en remettra à la sagesse du Sénat sur ce point,
étant entendu que cette disposition est éventuellement susceptible de faciliter
la gestion de petites communes, mais qu'elle peut aussi nuire à la transparence
du prix de l'eau.
M. Jean-Jacques Hyest.
Très juste !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
D'autres dispositions significatives ont fait l'objet, à
l'Assemblée nationale, d'un débat moins polémique.
Ainsi, le Gouvernement a proposé l'assujettissement des poids lourds de plus
de 12 tonnes à la taxe à l'essieu, en application d'une directive européenne
que la France n'avait pas encore transposée. Ce dispositif, qui entraîne la
suppression de la vignette et du droit de timbre pour ces véhicules, fait
l'objet d'une compensation aux départements.
Par ailleurs, sur l'initiative de M. René Dosière, les députés ont voté un
dispositif de coordination entre la loi du 7 mars 1998 relative au
fonctionnement des conseils régionaux et le code général des impôts. Il s'agit
notamment de l'application de la procédure dite du « 49-3 régional ». J'ai le
sentiment que ce point donnera lieu à d'amples débat, lors de la discussion des
articles.
L'Assemblée nationale a également ouvert un volet « logement », ce qui est
devenu traditionnel dans les projets portant DDOEF. Je mentionnerai deux de ses
dispotions.
Il s'agit d'abord de la prolongation du régime de l'« amortissement Périssol »
applicable aux logements locatifs neufs à usage de résidence principale. La
commission approuve cette prolongation, en attendant - avec beaucoup
d'impatience, d'ailleurs - de pouvoir examiner le nouveau dispositif.
Toutefois, je demanderai au Gouvernement des engagements de calendrier précis
sur ce nouveau système. S'il était présenté trop tardivement, les opérations de
construction de logements locatifs privés pourraient être entravées.
Par ailleurs, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat voit sa
compétence étendue aux opérations de transformation de locaux agricoles en
logements dans les zones de revitalisation rurale, ce qui est également une
bonne idée, selon un dispositif voté à l'unanimité par le Sénat au cours du
débat sur la loi de finances pour 1998 mais annulé par le Conseil
constitutionnel comme étant un « cavalier budgétaire ».
L'Assemblée nationale a également adopté des dispositions disparates relatives
aux questions financières. Je relèverai deux sujets.
Le premier concerne la modification du régime des prélèvements sociaux sur les
options sur actions accordées dans le cadre de plans d'options de souscription
ou d'achat d'actions. Sur proposition de sa commission des finances,
l'Assemblée nationale est revenue sur un dispositif voté sur l'initiative de la
commission des affaires sociales du Sénat dans la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1997, qui soumet les plus-values sur options levées avant
cinq ans aux cotisations sociales. Elle a limité le prélèvement aux entreprises
de plus de quinze ans à la date de l'attribution des options.
La commission des finances approuve la démarche retenue par l'Assemblée
nationale mais juge inéquitable de réserver le traitement favorable aux
entreprises de moins de quinze ans. Elle vous proposera donc, mes chers
collègues, une extension à toutes les entreprises. Cependant, fidèle à une
démarche engagée dès 1995, elle vous proposera également d'accroître la
transparence des attributions d'options pour en limiter les abus.
Le second sujet est relatif à la validation des opérations de recapitalisation
de la Compagnie du bâtiment et des travaux publics. Sur ce dossier, qui
concerne à la fois le traitement des crises bancaires et l'octroi de la
garantie de l'Etat, la commission des finances ne peut que répéter, d'une part,
qu'elle considère que les faillites bancaires doivent être possibles, sauf à
encourager l'irresponsabilité de leurs dirigeants et, d'autre part, qu'il est
anormal - et je le dis avec gravité - dans un Etat de droit, que les services
d'un ministère puissent engager l'argent du contribuable sans aucune
information législative.
Enfin, deux autres dispositions adoptées par l'Assemblée nationale méritent
d'être signalées.
L'article 54 crée une fonction d'assistant spécialisé auprès des cours d'appel
et des tribunaux de grande instance. Voté à la demande du garde des sceaux, cet
amendement a pour objet de renforcer les services judiciaires en charge de la
grande délinquance financière. La commission ne peut qu'être favorable à ce
principe.
L'article 57 aligne les conditions de promotion et de nomination des agents
des douanes ayant accompli un acte de bravoure sur celles des fonctionnaires de
police placés dans la même situation. La commission a, bien sûr, jugé ce
dispositif excellent.
Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations très constructives,
comme vous pouvez le constater, et des amendements que Philippe Marini et
moi-même défendrons, je vous proposerai, au nom de la commission des finances,
d'adopter le présent projet de loi.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, du RPR et sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation, pour le titre II.
Monsieur le président,
monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les dispositions qui
constituent le titre II de ce projet de loi ont deux objets : d'une part,
faciliter le passage à l'euro et, d'autre part, poursuivre la modernisation des
activités financières.
Les dispositions visant à faciliter les mouvements financiers en euro dès 1999
sont des dispositions de nature technique que votre commission des finances
vous proposera, mes chers collègues, d'adopter sous le bénéfice de quelques
amendements de précision.
Les mesures relatives à la modernisation des activités financières participent
du processus continu d'adaptation, indispensable si nous voulons maintenir la
compétitivité juridique de la place financière de Paris par rapport aux autres
places européennes.
Bien que mêlées au dispositif de passage à l'euro au sein du titre II, ces
dispositions n'ont pas toutes des liens directs avec cet objet.
A quoi visent les dispositions en question ? A modifier le régime des
opérations de règlement-livraison de titres ; à définir dans la loi, pour la
première fois de façon générale, l'appel public à l'épargne, fixant la ligne de
partage entre le droit boursier et le droit commercial ; à définir de nouveaux
types d'OPCVM, pour permettre à nos professionnels de disposer d'une palette
complète ; à élargir les possibilités de rachat par une société de ses propres
actions ; à modifier le processus de décision au sein du conseil des marchés
financiers ; à étendre la procédure de retrait obligatoire aux détenteurs de
certificats d'investissement.
Toutes ces dispositions, autant le dire d'emblée, vont dans le bon sens, et le
Sénat, chambre de réflexion, aura d'autant moins de difficulté à vous suivre
sur ces différents points, monsieur le secrétaire d'Etat, que nombre de ces
mesures sont étudiées depuis longtemps avec le concours de nombreux
professionnels et ont atteint le stade du consensus. Je pense, en particulier,
au rachat par une société de ses propres actions et à la réforme de l'appel
public à l'épargne, qui sont des mesures tout à fait opportunes.
Toutefois, nous avons souhaité, au sein de la commission des finances, tirer
parti de l'opportunité qui nous est offerte de faire progresser le droit
financier et le droit des sociétés, afin d'apporter notre modeste contribution
à l'effort d'adaptation et de modernisation de notre édifice législatif. Notre
travail a été effectué après de nombreuses consultations : je me suis notamment
rapproché de collègues membres de la commission des lois et j'ai interrogé, sur
ces sujets, divers praticiens.
C'est ainsi que la commission des finances proposera, en vue notamment de
mettre en harmonie le droit boursier et le droit des sociétés, de mieux définir
la notion de contrôle de fait d'une société par une autre société. L'actualité
judiciaire récente nous a d'ailleurs incités à procéder à cette avancée.
Dans le même esprit, nous vous proposerons, mes chers collègues, d'apporter de
nouvelles solutions aux problèmes d'abus de majorité et d'abus de minorité, qui
empoisonnent la vie quotidienne des affaires et constituent un gisement
important de contentieux devant les tribunaux de commerce.
Dès lors que l'on réalise, s'agissant des sociétés cotées, avec le rachat
d'actions, une avancée dans le sens de la souplesse, nous avons estimé qu'il
fallait, par souci de symétrie, s'intéresser aux sociétés non cotées,
c'est-à-dire au monde immense et très divers de la petite et moyenne
entreprise.
La commission des finances vous demandera par ailleurs, mes chers collègues,
de mieux définir les contours du placement restreint, qui est l'un des concepts
importants mis en oeuvre dans la définition de l'appel public à l'épargne.
Il nous faut, sur ce point, rendre la loi encore plus claire et, surtout,
préserver la compétence du législateur par rapport à l'autorité publique
indépendante qu'est la Commission des opérations de bourse. Nous reconnaissons
à celle-ci toute sa place et tout son rôle, mais nous ne voulons pas qu'elle
définisse elle-même sa propre compétence.
La commission des finances vous proposera également, en matière de gestion
financière pour compte de tiers, d'aller au bout de la logique de la
construction de la loi de juillet 1996, c'est-à-dire d'instituer clairement le
conseil de la gestion financière qui doit résulter de la fusion du conseil de
discipline des OPCVM et du comité consultatif de la gestion financière.
Toutefois, nous proposerons de rattacher hiérarchiquement ce conseil de la
gestion financière, autorité professionnelle, à la Commission des opérations de
bourse, autorité publique, puisque nous nous situons bien dans le bloc de
compétences qui a déjà été confié par la loi à cette dernière.
Si nous adoptons cette réforme, ce sera une étape décisive dans la
transformation et dans la modernisation de la place financière de Paris,
processus que, au Sénat, nous nous efforçons d'encourager depuis de nombreuses
années, ainsi qu'en témoigne la loi financière de juillet 1996.
A cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais souligner que tous ces
apports de la commission des finances ne sont pas improvisés, bien au
contraire. Loin d'être des idées que nous sortirions, en quelque sorte, de
notre chapeau ; ce sont des suggestions qui résultent de notre propre capacité
d'expertise et que nous nous sommes attachés à mettre au point avec tous les
apports externes nécessaires.
De même que les réformes concernant le rachat d'actions et l'appel public à
l'épargne ont été initialement proposées par notre commission des finances et,
en particulier, par votre serviteur, en sa qualité de parlementaire en mission
en 1996, les ajouts que j'ai évoqués concernant un certain nombre de points ont
déjà fait l'objet de prises de position de notre part et ont constitué des
sujets d'échanges au sein des milieux professionnels.
Je crois, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en vous soumettant ces
contributions nous remplissons pleinement notre rôle de chambre de
réflexion.
Je me référerai, à cet égard, à un propos très juste qui figure dans le récent
rapport public d'information sur la fiscalité de l'épargne que notre excellent
collègue M. Alain Lambert a diffusé il y a quelques mois. On y lit en effet que
le rôle du Sénat est non de s'opposer au Gouvernement ou de le soutenir mais au
contraire de faire prévaloir, avec force et constance, les idées qui lui
semblent bonnes du point de vue de l'intérêt général.
Autrement dit, les relations d'opposition politique ou d'amitié politique dans
lesquelles nous pouvons nous trouver en fonction des différentes configurations
majoritaires ne doivent aucunement entrer en ligne de compte. C'est bien
l'autonomie de nos propositions par rapport aux orientations du Gouvernement en
place qui leur donne toute leur valeur et leur crédibilité.
Récemment, monsieur le secrétaire d'Etat, notre institution a été mise en
cause dans ses principes, dans ses fondements et même dans sa contribution à
l'oeuvre législative.
Pour offrir un contrepoint aux propos qui ont émaillé le débat public au cours
de ces dernières semaines, je voudrais évoquer quelques données d'expérience
concernant l'élaboration de la loi financière du 2 juillet 1996, que j'ai eu
l'honneur de rapporter au nom de la commission des finances de notre assemblée
et dont il sera beaucoup question dans le titre II du présent projet de loi.
Je rappelle que cette loi constitue le pendant de la loi bancaire de 1984 et
qu'elle régit les professions financières et les marchés financiers, comme la
loi de 1984 régit les banques et les établissements de crédit.
Lors de l'examen de ce texte, le Sénat a adopté, en première lecture, cent
cinquante-deux amendements, dont cent quarante-huit ont été retenus par
l'Assemblée nationale, puis, en deuxième lecture, trente-six, dont trente
figurent dans le texte définitif. Pour la seule première lecture, le Sénat
avait inséré quarante-sept articles nouveaux et en avait supprimé treize ! Tant
et si bien que, partant d'un texte initial de soixante-trois articles, dont
certains étaient très longs et, à mon avis, illisibles, le Sénat est parvenu,
au terme d'une refonte complète, à une oeuvre législative de cent six articles,
que je considère comme plus courts et plus précis que ceux qui nous avaient été
proposés à l'origine.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Et Portalis vous approuve !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
J'allais précisément le citer, monsieur le rapporteur.
Notre collègue Jean Arthuis pourrait ici témoigner que, même si nous étions
tout à fait en harmonie avec lui sur les idées et les principes généraux, nous
ne lui avons pas toujours rendu la vie facile durant l'élaboration de ce texte,
d'autant - mais est-il utile de le rappeler ? - que les amendements en question
n'avaient pas pour simple objet de changer la place des virgules !
Jugez-en : l'autonomie de l'intermédiation financière par rapport à la banque,
la reconnaissance des spécificités de la gestion financière, la clarification
du rôle et des missions des différentes autorités de contrôle, la
classification des instruments financiers, la disparition des maisons de
titres, le concept d'entreprise de marché. Telles sont les avancées
législatives qui ont été réalisées par le Sénat sur l'initiative du Sénat, sur
l'initiative de la commission des finances du Sénat ! Et tout cela, monsieur le
rapporteur général, sous le regard de Portalis, bien entendu !
(Sourires.)
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Qui vous approuve encore !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Mais qui ne dit mot !
(Nouveaux sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est donc en vertu des
nombreuses expériences passées - j'ai pris un exemple, mais on pourrait
assurément en citer bien d'autres - et conformément à la tradition sénatoriale
que nous sommes aujourd'hui en mesure de vous faire de nouveau un certain
nombre de propositions.
Forts de notre légitimité, sur des sujets de nature technique qui ne
passionnent peut-être pas le grand public ou qui ne font pas la une des
quotidiens ou des hebdomadaires, nous nous astreignons à travailler très en
amont des débats et des problèmes. Nous avons en effet conscience que tout cela
est essentiel pour le fonctionnement de notre économie, pour les entreprises,
pour l'emploi et pour la compétitivité de notre pays dans l'Europe qui se
dessine sous nos yeux.
Les propositions qui vous sont soumises, mes chers collègues, n'ont été
possibles que parce que nous nous sommes préparés de longue date, en
constituant des groupes de travail et en suscitant des missions de réflexion,
parce que nous avons consulté de nombreux praticiens, parce que nous sommes
allés étudier à l'étranger les systèmes comparables et les avancées réalisées
dans différentes législations, en un mot parce que nous avons inscrit notre
action de législateur, comme le veut l'esprit de notre institution et la nature
de nos mandats, dans la durée, dans la persévérance et dans la constance.
C'est cette même démarche, monsieur le secrétaire d'Etat, empreinte de
persévérance et de souci du long terme, qui nous conduit aujourd'hui, plus
modestement, en ce qui concerne cette fois le titre II du présent projet de
loi, à vous proposer une vingtaine d'amendements que la commission des finances
demandera au Sénat de bien vouloir adopter.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission
des affaires sociales a décidé de se saisir pour avis du projet de loi portant
diverses dispositions d'ordre économique et financier en raison de la présence,
d'une part, d'un certain nombre d'articles modifiant le code du travail et le
code de la sécurité sociale, d'autre part, de l'article 45 portant prélèvement
sur l'association de gestion du fonds des formations en alternance,
l'AGEFAL.
Il n'est pas d'usage qu'un projet de loi portant « diverses dispositions »
appelle un long exposé général. Aussi me contenterai-je de formuler trois
observations, avant d'évoquer dans leurs grandes lignes les amendements adoptés
par la commission des affaires sociales.
Premièrement, la majorité des articles dont la commission des affaires
sociales s'est saisie concerne la simplification des formalités administratives
et sociales incombant aux petites et moyennes entreprises. On ne peut que
souscrire à cette ambition lorsque l'on sait le coût financier de ces
formalités pour ces entreprises, qui est évalué à 60 milliards de francs par la
commission de simplification des formalités.
Le 19 août 1997, mission a été confiée par le Premier ministre à M. Dominique
Baert, député du Nord, de dresser le bilan des contraintes administratives
pesant sur les PME et d'identifier les solutions susceptibles d'alléger ces
contraintes. Une mission de plus, pourrait-on dire, tant la liste des rapports
sur le sujet est longue ! Mais M. Baert a tenu à prévenir cette critique en
présentant un dispositif opérationnel. C'est ainsi que les Cinquante-cinq
mesures concrètes pour changer l'environnement des PME ont été proposées,
organisées autour de douze thèmes distincts, dont deux ont retenu
particulièrement l'attention de la commission des affaires sociales : le thème
n° 2 : « Simplifier radicalement les formalités sociales », et le thème n° 5 :
« Rendre le droit du travail plus abordable ».
Deuxièmement, insérer des dispositions relatives à la simplification
administrative dans un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier ne me paraît pas très pertinent.
D'une part, j'aurais souhaité que le Gouvernement présente un projet de loi
sur cette seule question, en faisant preuve de plus d'ambition, c'est-à-dire en
incluant des dispositions relatives à la simplification des relations entre les
administrations et les usagers. La procédure d'urgence aurait pu ainsi être
évitée. Cette procédure, abrégeant la navette entre les deux assemblées, est en
effet probablement imputable aux dispositions concernant le passage à
l'euro.
D'autre part, je voudrais regretter l'absence de vue d'ensemble. Les
dispositions qui sont ici proposées apparaissent tout à la fois modestes et peu
lisibles au regard tant des travaux préparatoires, notamment le rapport de M.
Dominique Baert, que des mesures présentées par Mme Marylise Lebranchu.
En fait, plusieurs dispositions de nature réglementaire qui vont être prises
sont très importantes. Le bulletin de paie en trois lignes pour les très
petites entreprises, qui simplifiera non pas le calcul mais la présentation du
bulletin, est l'une des mesures-phares du rapport Baert. Cette mesure se
traduira par un ou plusieurs décrets. De surcroît, certaines dispositions
seront appliquées au cours de l'année 1998, d'autres en 1999.
En clair, nous examinons quelques dispositions, bien modestes par rapport aux
ambitions du rapport Baert, sans avoir ni la compréhension, ni la maîtrise du
dispositif d'ensemble. Bien évidemment, le Parlement n'examine par définition
que les mesures de nature législative, mais le Gouvernement aurait pu présenter
avec son projet de loi soit un exposé des motifs plus détaillé, soit une annexe
récapitulant l'ensemble des mesures envisagées.
Troisièmement, le projet de loi a été considérablement complété par
l'Assemblée nationale. En effet, quarante-sept articles étaient proposés dans
le projet de loi initial ; il y en a désormais soixante-deux, dont l'un -
l'article 55 nouveau - revient sur l'assujettissement aux cotisations sociales
des stock-options.
Les articles du titre Ier portant dispositions relatives à la simplification
administrative ont fait l'objet d'une discussion vive à l'Assemblée nationale.
Cependant, je ne suis pas sûr que les modifications proposées aillent toujours
dans le sens de la simplification.
En conséquence, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous
proposera deux amendements à l'article 5 et à l'article 7, afin de lever toutes
les ambiguïtés qui pourraient aller à l'encontre du souci de simplification. Le
premier, qui porte sur l'article 5, précise que l'extension du « guichet unique
» aux secteurs du bâtiment et des travaux publics, des hôtels, cafés et
restaurants et du tourisme devra avoir été précédée d'une consultation des
professionnels concernés. Le second, qui affecte l'article 7, prévoit un délai
de quatre jours pour la présentation des bulletins de paie lors d'un contrôle
de l'inspecteur du travail lorsque ces documents sont tenus à l'extérieur de
l'établissement.
La commission des affaires sociales vous proposera en outre deux amendements
tendant à insérer un article additionnel ; l'un, après l'article 11, visant à
exonérer de cotisations sociales les indemnités des élus des chambres
consulaires ; l'autre, après l'article 24, prévoyant d'étendre aux cotisations
et aux assiettes sociales la règle de l'arrondi à l'euro le plus proche posée
pour les impôts et les taxes à l'article 22.
S'agissant du prélèvement imposé à l'AGEFAL, à l'article 45, la commission des
affaires sociales réitérera sa position, qui est constante, et vous proposera
d'adopter un amendement de suppression de cet article, qui prévoit un
prélèvement de 500 millions de francs sur les fonds de la formation
professionnelle en alternance. La commission s'est étonnée que ce prélèvement
soit proposé au détour d'un projet de loi portant « diverses dispositions » et
non dans une loi de finances. Elle a constaté que cette contribution
exceptionnelle au budget de l'Etat ne faisait juridiquement l'objet d'aucune
affectation à une catégorie de dépenses particulières. En outre, ce prélèvement
lui est apparu contraire à la volonté affichée de relancer la formule du
contrat de qualification et à l'extension du dispositif à d'autres publics, qui
est prévue par le projet de loi de lutte contre les exclusions.
L'article 55 appelle, quant à lui, deux remarques, l'une de forme, l'autre de
fond.
Sur la forme, cet article revient sur l'article 11 de la loi de financement de
la sécurité sociale pour 1997. Il ne me paraît pas souhaitable de revenir, dans
un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier,
sur une disposition votée dans une loi de financement. Le parallélisme des
formes devrait s'imposer à l'avenir et il serait de bonne politique qu'une
disposition votée dans une loi de financement ne soit modifiée ou abrogée que
par une autre loi de financement.
Sur le fond, il faut noter que la fiscalité des stock-options a beaucoup
évolué depuis 1996, notamment en raison de l'augmentation du taux de CSG voté
pour 1998. La volonté de ne pas pénaliser les entreprises dynamiques me
conduira à vous proposer une adoption sans modification, d'autant que, si la
distinction opérée entre les entreprises créées depuis plus ou moins quinze ans
pouvait ne pas apparaître
a priori
comme une mesure de simplification,
M. le rapporteur général vient heureusement de lever toute ambiguïté à cet
égard.
Telles sont les quelques observations que je souhaitais formuler au nom de la
commission des affaires sociales, saisie pour avis du présent projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le président, monsieur le président
de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi
d'emblée d'exprimer la gratitude particulière que j'éprouve à l'égard des trois
rapporteurs, qui ont présenté des remarques claires dans un esprit
constructif.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie, aurait aimé défendre lui-même cet important projet de loi devant
la Haute Assemblée, pour laquelle il éprouve un grand respect ; mais il a dû
partir pour Avignon, où va se tenir un sommet franco-allemand dont chacun
d'entre vous saisit l'importance.
C'est donc à moi qu'incombe l'honneur de présenter ce projet de loi et
d'ébaucher de premières réponses aux propos des trois rapporteurs.
Le Gouvernement, par ce projet de loi, s'efforce en effet de rompre avec la
tradition des projets de loi portant diverses dispositions d'ordre économique
et financier.
Sur la forme, ce texte est relativement bref. On a vu, dans le passé, des
projets de loi longs de centaines d'articles. En outre, un effort a été fait
pour regrouper les articles autour d'un certain nombre de thèmes prioritaires -
mais il y avait là plus qu'un souci de forme.
Sur le fond, ce texte s'inscrit dans la volonté du Gouvernement de favoriser,
dans la durée, la croissance, l'investissement et l'emploi. Tel est notamment
l'objet des mesures relatives aux simplifications administratives, à la
préparation à l'euro ou à l'évolution du secteur public.
Ce projet de loi survient dans une conjoncture où notre économie repart, dans
une phase durable de croissance, de développement de l'emploi. Cet
environnement doit être soutenu par l'action publique.
Je ne ferai pas de longs commentaires sur la conjoncture. J'insisterai
simplement sur le fait que les entreprises privées ont retrouvé le chemin de la
création d'emplois : 160 000 emplois salariés ont été créés l'an dernier,
contre une diminution de 12 000 emplois en 1996. Cela devrait d'ailleurs se
poursuivre en 1998 puisque c'est la demande intérieure - demande de
consommation et demande d'investissement productif - qui entraîne désormais
notre industrie, notre agriculture et nos activités de services, alors que, en
1997, c'était l'exportation qui assurait l'essentiel du travail.
Nous sommes dans un contexte de cercle vertueux. Il importe de prendre un
certain nombre de mesures qui sont souvent, comme M. Lambert l'a souligné,
d'ordre technique, mais qui tendent à préparer notre pays à un avenir de
croissance durable, de chômage réduit et de solidarité renforcée.
J'examinerai rapidement les différentes parties de ce texte, en m'efforçant de
répondre aux remarques qui ont été formulées. Je commencerai par les
dispositions relatives à la simplification administrative, sur lesquelles M.
Jourdain a présenté de très utiles remarques.
Pour remettre ces quelques articles dans un cadre d'ensemble, je décrirai
brièvement, pour répondre à M. Jourdain, le programme que le Gouvernement
entend suivre sur plusieurs années en matière de simplification administrative,
à la suite - vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur pour avis - des
travaux de M. Dominique Baert, député du Nord, dont Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à
l'artisanat, a, au mois de décembre dernier, retenu au nom du Gouvernement
trente-sept mesures, qui devraient aller dans le sens souhaité.
Si nous faisons figurer certaines mesures dans le présent projet de loi, c'est
pour aller vite. Il est important de passer des principes au concret, et c'est
ce qui est proposé dans cette première partie du texte.
Je vous informe qu'une prochaine étape interviendra au mois de septembre. Un
nouveau comité interministériel proposera de nouvelles mesures de
simplification. Les chefs d'entreprise sont appelés à formuler leurs propres
suggestions ; le secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au
commerce et à l'artisanat a ouvert, depuis le 4 mai dernier, un site sur
Internet ; il comporte un forum « simplifications administratives » où toutes
les contributions sont bienvenues.
Comme vous l'avez dit, monsieur Jourdain, seules les mesures qui nécessitent
une intervention législative figurent dans le présent projet de loi. De
nombreuses dispositions sont d'ordre réglementaire, par exemple la possibilité
de créer une entreprise en un jour franc, la généralisation de la déclaration
unique d'embauche, la simplification des obligations comptables des petites
entreprises. Ce sont des sujets sur lesquels le travail est en cours. Vous le
savez, la fréquence des enquêtes statistiques auprès des entreprises de moins
de vingt salariés a été réduite.
Tout cela - vous l'avez très bien formulé - tend à favoriser la production, à
simplifier la vie des petites et moyennes entreprises, qui sont la source
principale de création d'emplois, et à alléger « l'impôt-papier » et, à cet
égard, vous avez cité une estimation tout à fait considérable.
La télétransmission des factures, l'harmonisation des dates de dépôt des
principales déclarations professionnelles, la suppression de la déclaration
d'embauche ou de licenciement qui devait être faite aux caisses d'assurance
maladie sont des propositions concrètes.
J'insisterai sur trois d'entre elles.
La première concerne la suppression de l'obligation de tenue du livre de paie
et la simplification du bulletin de paie. Le Gouvernement souhaite, pour les
très petites entreprises, aboutir à un bulletin de paie comportant trois
lignes. Cela nécessitera un effort difficile, mais il sera entrepris avec
obstination.
De même, l'allégement des démarches pour les emplois occasionnels devrait
lever d'importants freins à l'embauche dans le secteur du spectacle, dans le
bâtiment et les travaux publics, dans les hôtels, cafés et restaurants, ou
encore dans le tourisme.
Enfin, j'insiste sur la possibilité qui serait désormais ouverte de créer chez
soi son entreprise. Ainsi, on pourrait exercer une activité commerciale dans un
local d'habitation. Cela devrait inciter au développement du télétravail et du
commerce électronique.
La deuxième priorité de ce présent projet de loi concerne tout ce qui touche à
la préparation à l'euro. Sur ce thème, M. Marini a formulé de sages
observations, fruits d'une grande expertise et d'une longue méditation.
Notre pays est qualifié depuis le week-end dernier pour l'euro. Désormais, il
n'y aura plus de dévaluation compétitive à l'intérieur de l'Europe
continentale. Nous aurons là un espace de stabilité et de prospérité, où nos
entreprises doivent être armées pour développer leurs projets et pour accroître
leurs effectifs.
Nous ne reprendrons pas les débats généraux sur l'euro ; M. Lambert ne l'a pas
fait. Un débat général sur l'euro et un autre sur le statut de la Banque de
France ont eu lieu. Nous abordons un troisième aspect, qui est technique, qui
est loin d'être négligeable et qui revêt une importance particulière, notamment
pour le secteur financier. En effet, ce dernier devra s'adapter à ce nouvel
environnement et faire face à une concurrence accrue.
A cet égard, un certain nombre de dispositions sont proposées, de manière à
permettre à ce secteur de s'adapter, de sauvegarder ses emplois et d'être au
premier rang dans la compétition européenne. Des dispositions importantes sont
donc prévues en ce qui concerne la sécurité des systèmes de paiement, la
continuité des relations contractuelles et les règles d'arrondi.
J'insisterai sur deux aspects de ce deuxième chapitre.
Le premier a trait à la possibilité qui serait ouverte aux entreprises, si
vous en êtes d'accord, mesdames, messieurs les sénateurs, de tenir leur
comptabilité en euros dès le 1er janvier 1999 et, à partir de là, d'établir
leur déclaration fiscale en euros. Elles pourraient convertir leur capital
social en euros selon des modalités assouplies et la cotation des instruments
financiers en euros serait explicitement autorisée.
Le second aspect sur lequel je tiens à revenir concerne les propositions
tendant à améliorer notre dispositif de financement, dont M. Marini a bien
voulu reconnaître qu'elles allaient dans le bon sens. Le Gouvernement sera
particulièrement attentif aux amendements longuement réfléchis de la commission
des finances en général et de M. Marini en particulier.
La rénovation du régime d'appel public à l'épargne permettra bien évidemment
de concentrer l'action de la Commission des opérations de bourse à laquelle M.
Marini apporte une attention particulière sur la protection de l'épargne
populaire.
Selon la nouvelle définition, si vous en êtes d'accord, le placement
d'instruments financiers auprès d'investisseurs qualifiés ou dans un cercle
restreint d'investisseurs permettra d'exonérer les émetteurs des obligations
d'information qui sont liées à l'appel public à l'épargne.
Par ailleurs, une internationalisation des méthodes de collecte de l'épargne
aura lieu, notamment en ce qui concerne la gestion pour compte de tiers. Cet
avantage comparatif de notre industrie financière doit être renforcé.
Sans vouloir entrer dans le détail, puisque nous procéderons à un examen
article par article, je voudrais souligner deux points sur lesquels il y a eu
des ambiguïtés, qui n'ont pas été relevées par MM. les rapporteurs.
D'abord, le présent projet de loi entend clarifier, sans rien céder sur le
plan fiscal - c'est le point essentiel - les conditions dans lesquelles une
entreprise peut racheter ses propres actions. L'idée est très claire : il
s'agit, par ce biais, de réorienter des capitaux dormants vers
l'investissement, la croissance et l'emploi ; nous aurons l'occasion de revenir
sur ce point.
Ensuite, une mesure a pour objet de permettre à l'Etat d'émettre des
obligations indexées sur les prix. Elle répond à un souci d'économie. Des
obligations indexées, comme il en existe, par exemple, aux Etats-Unis,
permettent un taux d'intérêt plus faible que les taux pratiqués actuellement et
qui sont déjà très modestes. Pour vous donner un ordre de grandeur, sur un
encours d'endettement de 100 milliards de francs, l'Etat pourrait gagner 500
millions de francs, ce qui n'est pas négligeable.
Le troisième point concerne l'évolution du secteur public.
Je ne ferai pas un long discours sur le fait que le Gouvernement, depuis le
1er juin, a choisi de traiter le secteur public dans le souci de l'intérêt
national, des entreprises concernées et - cela est peut-être plus nouveau - des
salariés de ces entreprises. Les dispositifs qui vous sont proposés ont pour
objet à la fois d'améliorer le contenu des missions du secteur public et de
permettre les évolutions nécessaires de son statut. M. le Premier ministre
l'avait dit dès la déclaration de politique générale du Gouvernement, le 19
juin 1997 : il faut des adaptations pour garder notre rang parmi les nations du
monde les plus développées, pour nous rapprocher de nos partenaires européens
et pour assurer au service public, qui est une caractéristique de notre pays,
l'avenir qu'il mérite.
Ainsi - nous reviendrons sur ce point, M. Lambert ayant parlé de difficultés
substantielles - il est prévu d'organiser, sous forme d'un schéma directeur,
l'extension du service public du gaz dans les zones qui ne sont pas encore
desservies. De même, il est proposé de mieux prendre en compte le financement
d'un certain nombre de mesures permettant à des catégories sociales
défavorisées d'utiliser les transports publics en Ile-de-France. Enfin - nous
aurons certainement un débat sur ce point - le Gouvernement propose d'associer
les salariés à l'ouverture du capital d'Air France.
Le titre IV du projet de loi est consacré à la protection de l'environnement
et à la santé publique. La priorité donnée à la production par le Gouvernement
s'inscrit bien évidemment dans une volonté de développement durable. Cela
signifie concrètement que la croissance doit être à la fois soutenue sur une
longue période et supportable par l'environnement que nous voulons transmettre
à nos enfants.
Vous savez que le Gouvernement a engagé une réflexion sur la fiscalité
écologique. Nous aurons l'occasion de débattre de ce sujet lors de l'examen du
projet de loi de finances pour 1999. Toutefois, dans le texte qui vous est
soumis aujourd'hui, une modification des modalités d'évaluation de la puissance
administrative des véhicules est d'ores et déjà prévue. Elle constitue, me
semble-t-il, une première étape importante vers une fiscalité plus écologique.
Le dispositif qui est proposé par le Gouvernement est plus simple et, si je
puis dire, plus propre en termes d'environnement.
Je voudrais rassurer la Haute Assemblée, qui, par la voix de M. le rapporteur
général, s'est interrogée sur ce sujet, auquel M. Poncelet est particulièrement
sensible : cette réforme devrait se faire à prélèvement fiscal constant ;
compte tenu du fait que son entrée en vigueur sera progressive, puisqu'il
s'agit de l'immatriculation des nouveaux véhicules, elle ne devrait pas
perturber les ressources des collectivités. Le Gouvernement a transmis à la
commission des finances les éléments d'information permettant, je l'espère,
d'apaiser ses inquiétudes, mais peut-être celles-ci sont-elles encore vives.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Monsieur le secrétaire d'Etat,
me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances, avec
l'autorisation de M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Monsieur le secrétaire d'Etat,
nous avons bien sûr procédé à des études sur ce point. Si la modification de la
fiscalité dans ce domaine, par un changement d'assiette, devait pénaliser
certains départements, c'est-à-dire entraîner une réduction de leur produit
fiscal, le Gouvernement devra, en application du code des collectivités
territoriales, compenser la perte de recettes correspondante.
Nous rappellerons l'application de ce dispositif au moment du vote. En effet,
nous ne pouvons pas laisser le Gouvernement prendre une disposition qui
pourrait, si le Sénat n'était pas vigilant, pénaliser une collectivité
territoriale.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président de la commission des finances,
j'ai bien entendu votre remarque. Nous aurons l'occasion d'en débattre lorsque
cet article important viendra en discussion.
Toujours dans ce volet qui touche à la protection de l'environnement et de la
santé publique, figurent une disposition visant à adapter le régime de
responsabilité des propriétaires de pétrolier au titre des dommages qui
pourraient résulter de la pollution par les hydrocarbures et - M. le rapporteur
général y a fait allusion - la fixation des modalités de financement de
l'élimination des stocks de farines d'origine animale qui ne sont pas conformes
à la législation sanitaire communautaire. Ces propositions font suite à
l'annonce faite par le ministre de l'agriculture et de la pêche au mois de
février dernier.
J'indique que le relèvement par l'Assemblée nationale à 3 millions de francs
du seuil de chiffre d'affaires des bouchers et charcutiers concernés devrait
permettre d'exonérer de la taxe additionnelle au moins 90 % de cette
profession.
Je terminerai mon intervention par le titre V, qui regroupe quelques
dispositions diverses.
Je citerai notamment la satisfaction d'une promesse qui avait été faite par le
Gouvernement de remplacer le dispositif de financement des achats de navires de
commerce. Nous reviendrons sur ce dispositif, pour lequel, dans son principe
tout au moins, M. le rapporteur général a émis un accord. Mais nous aurons
l'occasion d'en reparler.
S'agissant des emprunts russes et des spoliations subies par nos compatriotes
en Russie, une disposition permettra un recensement de ces personnes durant une
période de six mois au terme de laquelle le Gouvernement arrêtera, en liaison
avec le Parlement, les modalités de répartition de la somme versée par la
Russie.
Conscients de votre impatience à entrer dans le vif de la discussion,
mesdames, messieurs les sénateurs, je passerai sur les différents amendements
adoptés par l'Assemblée nationale et introduisant de nouvelles dispositions
dans le projet de loi, qu'il s'agisse de la promulgation du dispositif Périssol
ou de la validation législative des engagements de l'Etat à l'égard de la
Compagnie du BTP.
Sur ce point, qui m'a paru susciter une ombre de critique, je préciserai que
le Gouvernement a effectivement découvert à partir de juin 1997 que l'Etat
était intervenu à plusieurs reprises à l'occasion de plans de sauvetage
d'établissements financiers. C'est le cas tant de la société en cause que du
Crédit Martiniquais.
M. Dominique Strauss-Kahn, en décembre 1997, a écrit à ce sujet à la
commission des finances du Sénat pour informer cette dernière des nouveaux
engagements qui pourraient être pris.
L'appel à la transparence qui a été formulé me semble avoir été entendu par le
Gouvernement, lequel, pour éviter que de nouveaux sinistres du même ordre ne se
reproduisent, s'est même engagé à vous soumettre un projet de loi portant
sécurité financière et prévoyant un fonds de garantie des dépôts. Je pense donc
que la démarche du Gouvernement rejoint le souhait de transparence exprimé par
M. le rapporteur général.
J'arrête là mon exposé introductif et mes premières réponses aux trois
rapporteurs qui ont bien voulu s'exprimer sur ce texte.
Au-delà des grands principes, le texte qui est soumis à votre discussion,
qu'il s'agisse de la simplification administrative, de la préparation au
passage à l'euro, de l'adaptation du secteur public ou de la modernisation de
nos règles financières, va dans le sens d'une volonté de réforme et de
modernisation au service de la croissance comme de l'emploi. Je suis sûr que
cette volonté est partagée par la Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'Union
centriste. - M. François Trucy applaudit également.)
(M. Jean Faure remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 44 minutes ;
Groupe socialiste, 37 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 31 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 26 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous examinons aujourd'hui le projet de loi portant diverses dispositions
d'ordre économique et financier.
Ce projet de loi ne déroge pas à la règle du catalogue fourre-tout. Il se
compose de cinq grands volets : dispositions relatives à la simplification
administrative, dispositions relatives à l'adaptation de la législation
française au passage à la monnaie unique, dispositions relatives au secteur
public, dispositions fiscales et financières relatives à la protection de
l'environnement et à la santé publique et, enfin, dispositions diverses.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis globalement satisfait des mesures de
simplification administrative que vous nous proposez, même si ces mesures
restent encore bien timides. J'espère d'ailleurs que les décrets, circulaires
et autres arrêtés qui seront pris ensuite ne compliqueront pas ce qui aura été
simplifié ici.
En ce domaine, il y a beaucoup à faire, et même de façon urgente. On ne mesure
sans doute pas assez combien la complexité administrative, sociale et fiscale
dans quasiment tous les domaines est un frein à l'initiative et au
développement des énergies, paralysant plus souvent qu'on ne le croit
l'activité. C'est donc un véritable frein à l'emploi.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez bien voulu reprendre ce qui avait été
engagé par notre collègue Jean-Pierre Raffarin, alors ministre des petites et
moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Continuez dans ce sens,
allez encore plus loin et le plus vite possible ! Et n'oubliez pas qu'il
convient d'accompagner ces simplifications par des réductions de charges pour
en obtenir les meilleurs effets sur l'emploi.
C'est aussi une bonne chose que d'autoriser l'exercice d'activité commerciale
dans un local d'habitation, ainsi que cela est prévu à l'article 10. Cette
mesure, qui ne paie pas de mine, est sans aucun doute susceptible de favoriser
quelques initiatives.
Je suis satisfait également du droit d'option au régime de la TVA pour les
collectivités locales qui gèrent des déchetteries, ainsi que du taux réduit de
TVA sur le bois-énergie. J'avais d'ailleurs, avec mes collègues MM. Egu,
Pourchet et Belot, déposé un amendement dans ce sens, lors de l'examen du
projet de loi de finances pour 1998. Je vous remercie d'avoir bien voulu le
prendre en compte, monsieur le secrétaire d'Etat.
L'article 35, qui prévoit d'accélérer la desserte par Gaz de France des
communes non encore desservies et de permettre, sous certaines conditions, à
d'autres opérateurs que Gaz de France d'intervenir pour assurer
l'approvisionnement des communes non desservies, est, à quelques points de
détail près, une bonne proposition.
Cette mesure permet en effet de préserver les intérêts non seulement de Gaz de
France, mais aussi des communes non desservies et qui ne l'auraient jamais été
si on ne leur avait pas permis de faire appel à d'autres opérateurs.
L'ouverture à la concurrence reste très encadrée et, en ce domaine, c'est une
bonne chose. A l'évidence, cette proposition sert l'intérêt général.
Pour rester sur les sujets qui emportent mon adhésion et qui me paraissent
importants, je citerai l'extension du champ de compétence de l'Agence nationale
pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, en zone de revitalisation rurale,
prévue à l'article 38
bis
, et les précisions apportées aux missions du
fonds de gestion de l'espace rural par l'article 41
bis
.
Je suis également favorable à l'article 56 résultant de l'adoption d'un
amendement de M. de Courson à l'Assemblée nationale, qui permettra le transfert
de propriété des édifices culturels aux établissements publics à caractère
industriel ou commercial, les EPIC, tels que les communautés de communes. En
effet, beaucoup de petites communes ne peuvent assurer seules les charges
financières qui leur incombent en ce domaine. Demain, elles le pourront au
travers de la solidarité intercommunale, et ce sans complication pour la
récupération de la TVA afférente à ces travaux. C'est une bonne mesure.
Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, je suis totalement opposé à l'article 41,
qui vise à instituer une taxe additionnelle à la taxe sur les achats de viande
instaurée par la loi du 26 décembre 1996. Déjà, à l'époque, j'étais opposé au
principe de l'institution de cette taxe.
Il s'agit de trouver de 250 millions de francs à 300 millions de francs pour
éliminer les farines animales non conformes à la réglementation européenne.
Je suis opposé à cet article parce que, une fois de plus, on a recours à la
méthode sans doute la plus facile, mais la plus injuste, qui consiste à taxer
l'extrémité de la filière - les bouchers-charcutiers - en adossant le
dispositif à une taxe déjà existante, elle-même injuste, qui, par ailleurs, est
juridiquement contestée. Cela ne peut pas être justifié.
Certes, ce sont toujours les consommateurs ou les contribuables qui paieront
en fin de compte. Mais, dans ce genre d'affaire, il est dangereux de donner
l'impression aux uns de payer pour les autres, surtout lorsque ceux qui sont
appelés à payer ne sont pas responsables et ne sont concernés en rien. Il est
vrai que ce problème est complexe et qu'il n'est pas simple de trouver des
solutions. Cependant, j'attire votre attention sur les conséquences qui
pourraient découler d'une telle disposition. Un fâcheux précédent - vous me le
direz sans doute - a été créé en 1996 ; ne confirmons pas cette erreur,
monsieur le secrétaire d'Etat. C'est au niveau de la chaîne où le maillon est
défaillant qu'il faut rechercher la solution. C'est un principe fondamental
d'exercice de la responsabilité. Il me paraît extrêmement grave de rechercher
la responsabilité là où tout le monde s'accorde à reconnaître qu'elle n'est
pas.
C'est pourquoi j'ai cosigné avec plusieurs collègues un amendement tendant à
supprimer l'article 41 et à mettre à contribution les fabricants de ces
farines, amendement que j'invite le Sénat à adopter.
Et puis, faute d'autre solution et puisqu'il n'est pas souhaitable de
maintenir cette disposition injuste, que l'Etat assume, monsieur le secrétaire
d'Etat !
M. Christian Poncelet
président de la commission des finances.
L'Etat, mais pas les
collectivités locales !
M. Alain Gournac.
Elles le font assez !
M. Philippe Arnaud.
Effectivement, monsieur le président de la commission des finances. J'ai
d'ailleurs bien pris soin de n'évoquer que l'Etat.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, j'attire votre attention sur
l'amendement déposé par Daniel Hoeffel, que, avec plusieurs de nos collègues,
j'ai cosigné. Cet amendement a pour objet d'insérer après l'article 1er un
article additionnel visant à porter le taux d'exonération des cotisations
patronales pour les organismes habilités au titre de l'aide sociale de 30 % à
60 %. Il en va de l'avenir de nos associations d'aide à domicile.
J'en viens à l'article 37, qui traite du régime des actifs de la Société
nationale des poudres et explosifs, la SNPE. L'élu charentais que je suis
refuse de voter cet article sans contrepartie.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Il a raison !
M. Philippe Arnaud.
En effet, si, sur le fond, je comprends l'intérêt qu'il y a à permettre des
alliances industrielles entre cette société nationale détenue à 100 % par
l'Etat et Royal Ordnance, filiale du groupe British Aerospace, je m'oppose
vigoureusement à ce que cette alliance s'opère sans que l'Etat, actionnaire
actuel, ne se soit engagé formellement à prévoir des mesures spécifiques
d'accompagnement et de reconversion des sites industriels mis en péril par
l'Etat.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Bravo !
M. Philippe Arnaud.
La Charente, monsieur le secrétaire d'Etat, est touchée de plein fouet par des
restructurations conduites par l'Etat industriel, l'Etat employeur ; elle court
à la faillite par la défaillance de l'Etat.
Je citerai quelques chiffres pris uniquement dans le domaine de la défense :
en 1984, la SNPE et la DCN, la direction des constructions navales, employaient
en Charente 3 105 salariés ; en 1998, la DCN et la SNPE, ce même département ne
comptent plus que 1 400 salariés. La perte sèche d'emplois directs est de 1 700
!
Quand on sait - et tout le monde le sait - que, dans ce domaine, un emploi
direct génère quatre emplois induits, ce sont plus de 6 000 emplois que la
Charente a perdus, et ce sans compensation.
Vous avez indiqué tout à l'heure à cette tribune, monsieur le secrétaire
d'Etat, que notre pays avait retrouvé le chemin de la croissance durable, du
chômage réduit et de la solidarité renforcée. Eh bien, j'en appelle à cette
solidarité renforcée pour vous demander des mesures de compensation, d'autant
que nous avons eu une promesse dans ce sens.
Cette promesse a été effectivement tenue : c'était la délocalisation du
CEDOCAR, le centre de documentation de l'armement, concernant 105 personnes, en
Charente. La délocalisation a bien été opérée, mais n'a concerné qu'un effectif
de 62 personnes, en contrepartie des 6 000 emplois perdus. Vous comprendrez,
monsieur le secrétaire d'Etat, que cela ne puisse nous satisfaire !
Nous ne cessons, élus de toutes tendances confondues, d'attirer l'attention de
l'Etat. Et, le 30 avril dernier, M. le Premier ministre m'a indiqué qu'il
demanderait à M. Alain Richard, ministre de la défense, de répondre à mes
interrogations. Mais, si M. Richard s'est adressé à moi, il ne m'a apporté
aucun élément nouveau. Or il est nécessaire, monsieur le secrétaire d'Etat, que
des engagements formels soient pris.
La situation est d'autant plus choquante que l'on peut lire, aussi bien dans
les rapports de l'Assemblée nationale que dans ceux du Sénat, qu'il est urgent
d'opérer ces rapprochements avec Royal Ordnance parce qu'il en va de la survie
de la SNPE. Il y est également précisé que, en 1999, l'usine d'Angoulême sera
privée d'une partie de son activité au profit de celles de Bergerac et de
Sorgues. C'est très bien pour ces deux villes, qui connaîtront une création
nette de 100 emplois, mais c'est inacceptable pour Angoulême.
Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'Etat - et j'en resterai là - que je
ne puisse accepter cette disposition tant qu'aucun engagement clair n'aura pas
été pris par l'Etat. En effet, je ne peux admettre la disparition de nos
industries et de nos emplois.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
ne peux qu'approuver les paroles de l'excellent avocat charentais qui vient de
me précéder à cette tribune : il faut mesurer, Philippe Arnaud a raison, les
difficultés créées par l'Etat entrepreneur pour le département de la
Charente.
Quant à moi, monsieur le secrétaire d'Etat, je centrerai mon intervention sur
l'important sujet de la simplification administrative.
A cet égard, j'ai noté avec satisfaction que, malgré son calendrier, le
présent projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et
financier - texte législatif, certes, « d'opportunité » - avait pu intégrer
certaines des mesures qu'avait annoncées le Gouvernement.
Il était en effet important de s'engager plus avant dans une voie déjà ouverte
dans le passé en arrêtant de nouvelles mesures techniques de nature à
simplifier les procédures administratives imposées aux entreprises.
Je trouve beaucoup d'intérêt, notamment, à l'alignement de l'assiette de la
taxe de formation continue. C'est un progrès notable !
Je suis aussi très sensible à la simplification du passage des très petites
entreprises au régime réel d'imposition. C'est un point important.
De même, la suppression de deux obligations, d'une part, celle qui consistait
à faire figurer le montant des charges patronales sur le bulletin de paie, ce
qui prolonge toutes les réformes que nous avons pu, les uns et les autres,
engager - mais il reste, évidemment, encore beaucoup à faire - en vue de
simplifier le bulletin de paie et, d'autre part, celle qui imposait de tenir un
livre de paie, constitue une avancée qui mérite d'être soulignée.
Je note aussi, car c'est important, notamment en cette période de
modernisation du management, la suppression de l'autorisation préalable en
matière de télétransmission des factures. C'est d'ailleurs un principe sur
lequel nous reviendrons : il y a sans doute trop d'autorisations préalables en
France et certaines, comme celle-ci, devraient être supprimées.
Je relève encore l'harmonisation des dates de dépôt des déclarations fiscales
professionnelles, qui est également un élément important.
On peut considérer que, en ce qui concerne la simplification administrative,
le Gouvernement fait, avec ce texte, sa « BA », sa bonne action.
Il y a encore beaucoup à faire, c'est vrai, et il est nécessaire de nous
mobiliser pour cela. Plusieurs de nos collègues ont ainsi souligné l'importance
de « l'impôt paperasse » qui pèse sur les PME et une récente enquête du
ministère de l'industrie a défini l'enveloppe, en termes de coût pour les PME,
de cet « impôt paperasse » : elle est à peu près de l'ordre de 100 000 francs
par an et par entreprise.
L'un de mes prédécesseurs à cette tribune a cité le chiffre de 60 milliards de
francs. Nous mesurons naturellement le poids que représente cet « impôt
paperasse » et toutes ses conséquences sur le dynamisme des entrepreneurs ! Il
a ainsi été démontré que, mis bout à bout, l'ensemble des formulaires qui sont
imposés à toute PME qui veut créer un établissement secondaire mesure six
mètres. Et encore faudrait-il ajouter les trois mètres de notices explicatives
nécessaires à la gestion de ces six mètres de paperasse !
Nous mesurons combien tout cela est, pour beaucoup d'entrepreneurs, tout à
fait polluant.
De plus, nos administrations, celles de l'Etat mais aussi celles des
collectivités territoriales, multiplient les questionnaires. Permettez-moi, à
cet égard, de faire une proposition : et si nous faisions de l'année 1999
l'année « zéro nouveau questionnaire » ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Très bonne idée !
M. Jean-Pierre Raffarin.
J'ai même vu récemment le ministère de l'industrie, qui est proche des
entreprises par définition, envoyer un questionnaire sur la simplification
administrative ! Comme nous étions alors en période de grève, les services en
ont même envoyé un deuxième exemplaire, pour être sûr que ce questionnaire
parviendrait bien à ses destinataires. N'y a-t-il pas là une obsession du
questionnaire ?
J'apprécie les efforts significatifs qu'a réalisés l'INSEE pour rationaliser
les enquêtes statistiques dont nous avons effectivement besoin. Mais, de grâce,
qu'on limite le nombre des interrogatoires qui sont adressés aux PME et, de
manière générale, qu'on essaie de limiter un peu cette obsession textuelle que
nous connaissons en France avec nos 10 000 lois et nos 400 000 circulaires,
auxquelles il faut ajouter les nouvelles règles communautaires qui représentent
aujourd'hui plus de 20 000 textes !
La République a déjà, sur le terrain de la simplification, fait un certain
nombre d'expériences et procédé à un certain nombre d'avancées.
A cet égard, je voudrais citer la loi Madelin, qui me paraît être un texte de
référence auquel il faut, je crois, faire appel pour souligner les progrès
réalisés, notamment en ce qui concerne la déclaration unique de cotisations
sociales - il ne faut pas oublier les engagements qui ont été pris sur ce sujet
- et la déclaration simplifiée d'embauche, qu'il faut généraliser.
Les onze formulaires qui existaient auparavant ont été réunis en un seul
formulaire, et je salue là aussi les URSSAF qui, souvent, ont accompli des
efforts importants dans la voie de la simplification, même s'il reste encore
beaucoup à faire. Ainsi, la loi Madelin, en son article 32, nous imposait un
certain nombre d'obligations qui ne sont pas encore à ce jour remplies, et il
faudrait, je crois, parvenir à l'appliquer réellement.
Il faudrait notamment essayer de convaincre - mais je sais combien c'est
difficile - les partenaires sociaux de la nécessité de mettre leur système
informatique en harmonie et en cohérence. Tout se passe, en effet, comme si le
pouvoir dépendait du formulaire, chaque employé étant assis dans son bureau
avec des frontières à droite et à gauche et son formulaire particulier : «
J'existe parce que je formule ! Et il faut surtout que le bureau d'à côté n'ait
pas le même ordinateur, le même formulaire, la même paperasse, sinon, mon
identité serait en cause ».
Cet esprit bloque souvent les administrations de l'Etat, mais c'est également
vrai des partenaires sociaux, chacun étant installé sur ses fichiers, sa
communication, gardant ainsi sa complexité comme preuve de son identité. C'est,
je crois, profondément regrettable.
De nombreuses initiatives ont été prises, notamment en ce qui concerne la
création d'entreprise. Le Gouvernement a ainsi insisté sur la possibilité
dorénavant offerte de créer une entreprise en un jour - c'était d'ailleurs
possible depuis un certain temps - mais il faut bien savoir que la difficulté
principale n'est pas la création de l'entreprise, mais son développement au
cours de ses cinq premières années d'existence : nous savons bien que, pendant
cette période, une entreprise sur deux disparaît. C'est donc l'accompagnement
de l'entreprise durant cette période qu'il nous faut essayer de réussir.
M. René Régnault.
C'est très vrai !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Il serait souhaitable, à cet égard, que chaque gouvernement établisse un bilan
simplification-complexité. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que le gouvernement
auquel j'ai eu l'honneur d'appartenir et qui s'est mobilisé beaucoup sur la
simplification - je pense notamment à la déclaration unique d'embauche - soit
exemplaire à cet égard. En effet, avec le RDS notamment, la complexité a elle
aussi progressé. Vous le voyez, je m'efforce d'être objectif !
Quoi qu'il en soit, je crains, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'avec les
trente-cinq heures vous ne développiez plus de complexité pour les entreprises
que vous n'apportez de simplification avec ce texte. Je crains notamment, du
fait des procédures auxquelles les entreprises de moins de dix salariés devront
se soumettre après 2002, qu'il n'y ait là une machine à complexité, une machine
à formulaires qui viendra anéantir tous les efforts que nous accomplissons par
ailleurs.
M. René Régnault.
A qui la faute ?
M. Jean-Pierre Raffarin.
Sur ce sujet, monsieur Régnault, les responsabilités me semblent pouvoir être
largement partagées !
Notre société, en fait, est grignotée de l'intérieur par une double aspiration
: d'un côté, une demande de simplification, parfois animée par un esprit
simpliste et sous-tendue de thématiques dangereuses ; de l'autre, un besoin de
complexité.
Méfions-nous cependant de certains appels à la simplification ! Ainsi, quand
j'étais député européen, la simplification consistait à supprimer tous les
traducteurs : si tout le monde pouvait parler anglais, le travail serait
simplifié ! La simplification entraîne donc parfois des réductions, mais nous
devons cependant nous méfier tout autant du grignotage de la complexité. Et,
puisque j'ai été invité par certains à me battre la coulpe, j'affirme, en tant
qu'élu local mais avec tous les autres élus locaux, que nous devons nous méfier
de notre aspiration à demander que nos territoires soient grillagés en
objectifs 2, en objectifs 5 B, en zones rurales à favoriser, en zones franches
urbaines à développer, en tous ces petits compartiments que nous installons et
qui font que nous instaurons des seuils et des frontières, car ce sont les
seuils et les frontières qui créent les complexités.
M. Roland du Luart.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Raffarin.
D'un côté, un formulaire rouge, de l'autre, un formulaire bleu. S'il y a deux
formulaires, c'est parce qu'il y a un seuil, une frontière !
Une prise de conscience collective doit nous amener à éviter d'être toujours
des militants de la complexité en même temps que nous sommes des militants de
la simplification.
Le monde entrepreneurial, à cet égard, progresse d'ailleurs de la même manière
que nous : ainsi, le textile souhaite son niveau de charges sociales
spécifiques, ce qui lui a d'ailleurs été très utile ; la restauration, elle,
souhaite un taux de TVA spécifique ; chaque secteur veut avoir son propre
statut fiscal ou social.
M. Alain Lambert
rapporteur.
On le verra à l'occasion de la discussion des articles !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Mais toutes ces dérogations participent de la complexification !
M. Alain Lambert
rapporteur.
Cent quatre-vingt-seize amendements ont été déposés !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Le combat en faveur de la simplification, qui doit être un combat pour la
démocratie, la transparence et le dynamisme, doit donc nous inciter à ne pas
créer un trop grand nombre de segmentations, de seuils et de frontières.
Prenons l'exemple de la taxe d'équarissage, visée à l'article 41 du présent
projet de loi.
Je me souviens très bien des engagements pris par l'excellent ministre de
l'époque ! Un plafond avait été défini à titre expérimental, 80 % des
entreprises concernées devant, d'après les analyses effectuées, se situer en
dessous du seuil de 2,5 millions de francs. Or, aux termes de l'enquête que
j'ai menée dans ma bonne région Poitou-Charentes, il faut monter jusqu'à un
seuil de 5 millions de francs pour mettre 80 % des petites entreprises,
notamment chez les artisans bouchers, à l'abri de cette taxe.
M. Christian Poncelet
président de la commission des finances.
C'est ce que vous proposera la
commission des finances !
M. Jean-Pierre Raffarin.
J'ai lu cette proposition : j'y vois là une nouvelle preuve de la sagesse de
la commission des finances, de son président et de son rapporteur.
J'approuve complètement cette mesure. Je crains en effet que l'on n'aille
chercher l'argent ailleurs. Je constate en effet que le Gouvernement emploie
souvent la formule « collectivités publiques », qui, selon lui, regroupe l'Etat
et les collectivités territoriales, lorsqu'il cherche de l'argent.
Le seuil de 5 millions de francs me paraît donc raisonnable. Il permettra de
mettre à l'abri les artisans bouchers, qui ne doivent pas être pénalisés, tout
comme les artisans boulangers, que nous aurons l'occasion de défendre dans
cette assemblée le 13 mai prochain. Nous avons en effet besoin d'un artisanat
vivant.
J'ajoute que ce seuil de 5 millions de francs existe déjà, s'agissant de
l'artisanat et du commerce, sur le plan fiscal, pour le paiement de la
contribution sociale de solidarité des sociétés, la C 3S, et qu'il convient,
précisément au titre des mesures de simplification, d'harmoniser les seuils.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, après ce diagnostic, d'où il ressort que
le combat pour la simplification doit rassembler l'ensemble des acteurs
économiques et sociaux je dirai qu'il nous faut réfléchir à une action encore
plus ambitieuse que celle qui a été menée jusqu'à ce jour.
La simplification c'est, en fait, une conquête de liberté, notamment pour les
entrepreneurs, car la complexité, le formulaire, sont des atteintes à la
liberté d'entreprendre. Or, pour protéger les libertés, il n'y a rien de mieux,
dans une démocratie, que d'affirmer des droits.
Aujourd'hui, donc, si l'on veut vraiment protéger la liberté d'entreprendre,
c'est-à-dire faire en sorte que l'entrepreneur ne soit pas dévoré par les
tracasseries, il faut approfondir la réflexion sur les droits de
l'entreprise.
Cette réflexion a déjà été menée dans un certain nombre de cercles ; l'idée
d'une charte législative des droits de l'entreprise a même été évoquée.
Aujourd'hui, il appartient aux pouvoirs publics de reprendre cette réflexion
pour définir de nouvelles relations entre les entreprises et les
administrations.
Comment protéger une entreprise contre les demandes intempestives de
formulaires, sinon en lui reconnaissant le droit, par exemple, de refuser à une
administration une information qu'elle a déjà donnée à une autre occasion à
cette même administration ou à une autre ? Le sujet est complexe, mais c'est
dans cette voie qu'il faut s'engager.
De même, ne pourrait-on pas reconnaître juridiquement le principe selon lequel
l'accord de l'administration est tacite quand celle-ci n'a pas répondu au bout
d'un certain délai ?
M. Claude Estier.
Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Nous avions trouvé quelques domaines d'application à ce principe.
Dans cette affaire, il faut avancer progressivement. Mais, quand
l'administration n'a pas répondu, la non-réponse devrait pouvoir être
considérée comme favorable à l'entreprise.
De même encore - j'ai noté des progrès à ce sujet - on pourrait remplacer de
nombreuses autorisations préalables par de simples déclarations, qui bien
souvent seraient largement suffisantes. Il faut renvoyer sur les
administrations la charge de leur propre complexité.
Une autre piste pourrait consister à renforcer le rôle d'un certain nombre de
professions, notamment les professions réglementées. Je pense, en particulier,
aux professions libérales, qui, souvent, dans notre société, dans notre
économie, se comportent comme des professionnels de la complexité.
Il ne faut pas faire croire aux entrepreneurs que le monde de demain sera un
monde simple ; il sera forcément complexe. Mais une grande partie de cette
complexité doit pouvoir être traitée à l'extérieure de l'entreprise, notamment
avec le concours d'un certain nombre de professions réglementées.
Dans l'avenir, on devrait pouvoir, comme c'est le cas dans certaines
démocraties, créer son entreprise chez son expert-comptable, chez son avocat,
ou, monsieur le rapporteur général, chez son notaire ! Il y a sans doute moyen,
ainsi, de développer un certain nombre de libertés en associant des
professionnels libéraux à la dynamique entrepreneuriale.
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, les quelques réflexions que je voulais
faire sur le texte que vous nous proposez. La démarche est utile ; il faut
maintenant un projet plus ambitieux.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
c'est avec une réelle satisfaction que j'interviens aujourd'hui dans ce débat
sur le DDOEF ; non pas que ce texte soit particulièrement attrayant - un texte
de cette nature n'a, par définition, pas une grande cohérence en soi - mais il
s'inscrit dans un contexte tant européen que national particulièrement porteur
et dont je veux ici féliciter le Gouvernement. Nous enregistrons en effet de
manière palpable les premiers fruits de l'action que ce dernier conduit depuis
bientôt un an.
Parlons tout d'abord de l'Europe. Elle a un rapport direct avec ce texte, qui
consacre d'ailleurs un titre entier aux adaptations nécessaires de notre
législation et à la modernisation des activités financières pour prendre en
compte la troisième phase de l'Union économique et monétaire.
Il est intéressant de remarquer que nous débattons aujourd'hui de dispositions
concernant l'Europe quelques jours seulement après des événements très
importants pour l'Union.
La France, répondant aux critères de Maastrischt, appartient désormais aux
onze pays qui vont, ensemble, substituer l'euro à leur monnaie nationale.
Ce week-end a concrétisé, vous le savez, le fait marquant dans l'histoire de
la construction européenne que constitue le lancement de l'euro. Celui-ci va -
en effet - permettre, en redonnant une dimension politique à l'Europe,
d'impulser une nouvelle dynamique.
Le lancement de cette monnaie unique n'est pas une fin en soi. C'est néanmoins
un moyen pour les onze de se mesurer à armes égales avec les Etats-Unis et le
Japon. C'est également le moyen pour nos pays de s'affranchir de l'emprise des
marchés financiers et des politiques de taux de change.
A cet égard, il est intéressant, de mon point de vue, de citer deux chiffres :
le PIB des Etats-Unis et celui de l'Europe des Onze ont été, en 1997,
respectivement de 41 000 milliards de francs et de 47 000 milliards de francs.
Je vous laisse le soin d'apprécier !
Il est tout à fait intéressant de pouvoir discuter des mesures concrètes
rendues nécessaires par le passage à l'euro et qui sont contenues dans ce
projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
Ces mesures s'imposent. Il y a nécessité mais aussi urgence.
Sur le dispositif lui-même, je suis frappé de voir que, même si une grande
majorité de PME déclarent disposer de suffisamment d'informations sur le
passage à l'euro, peu d'entre elles - moins de 30 % - ont établi leur plan de
passage à l'euro, et seulement 18 % d'entre elles sont prêtes à facturer en
euros dès 1999. Ces résultats, certes, issus de sondages, correspondent-ils à
la réalité ? Dans l'affirmative, n'est-il pas nécessaire que le Gouvernement
redouble d'efforts pour permettre aux entreprises, notamment les plus petites,
d'aborder cette échéance dans les meilleures conditions ?
Le DDOEF contient toute une panoplie de mesures techniques ayant vocation à
couvrir tous les cas de figure ou sous les problèmes posés par le passage à
l'euro. Le ministère des finances a prévu une large campagne d'information sur
le sujet. Des publications d'origines diverses fleurissent sur la question. Ne
serait-il pas intéressant, comme cela doit se faire prochainement dans un autre
domaine, celui des 35 heures, de prévoir un dispositif d'aide permettant aux
PME qui en ressentiraient le besoin, et qui en feraient la demande, d'être
conseillées et accompagnées dans leur gestion pour ce passage à l'euro ?
Ma satisfaction trouve également son origine dans les résultats qu'enregistre
notre pays en matière économique. On en parle peu. Que ne dirait-on si la
situation était différente ? Beaucoup d'indicateurs sont au vert, conduits par
un taux de croissance d'ailleurs plus soutenu en France qu'en Europe. Les
experts les plus autorisés s'accordent à considérer que cette situation va se
poursuivre dans les années qui viennent.
Mais, évidemment, le critère qui retient mon attention, comme celle de chacun,
c'est l'emploi.
A cet égard, même si nous nous devons d'être encore prudents, l'action qu'a
engagée le Gouvernement doit être poursuivie sans relâche. Nous ne pouvons
taire notre légitime satisfaction en constatant la réduction du nombre des
chômeurs dans notre pays. Passer en dessous de la barre des trois millions
n'est pas satisfaisant en soi, mais c'est un début encourageant, et ce d'autant
plus que cette baisse, qui s'est produite en mars, vient après d'autres,
constatées depuis septembre dernier. En six mois, le nombre des chômeurs a
ainsi diminué de 140 000.
Là encore, les experts, ceux de l'OCDE en particulier, considèrent que nous
devrions, dans les cinq ans à venir, enregistrer une diminution de l'ordre du
million.
J'en reviens au DDOEF, pour m'arrêter maintenant sur le volet des dispositions
relatives à la simplification administrative. Les mesures prises pour juguler
ce qu'on appelle parfois l'« impôt papier », sont bonnes ; je pense, qui plus
est, qu'elles pourraient faire l'objet d'un consensus dans cet hémicycle.
En effet, il est paradoxal de noyer sous des contraintes administratives les
entreprises qui se conforment à la règle et qui jouent le jeu, alors même que
d'autres se mettent souvent hors-la-loi et ne subissent donc pas ces
contraintes. Il est utile et nécessaire - il convient de le faire aussi en
matière de lutte contre le marché noir - d'alléger les dispositifs
administratifs, souvent obsolètes ou inutiles, qui ne pèsent que sur ceux qui
s'y conforment.
Néanmoins, les réformes à réaliser pour les PME ne doivent pas venir
uniquement d'« en haut », c'est-à-dire de l'Etat, sous forme d'aides ou de
mesures comme celles qui sont contenues dans le DDOEF.
Ces réformes doivent s'organiser au niveau du terrain ; c'était le sens de mon
interrogation à l'orateur qui m'a précédé à cette tribune.
Il me semble que n'a pas été encore suffisamment intégrée l'idée, au niveau
des pouvoirs publics, que les défaillances de PME, surtout dans les toutes
premières années de leur vie, viennent de ce que celles-ci sont insuffisamment
préparées pour affronter le marché dans lequel elles s'intègrent.
Il ne suffit donc pas de créer son entreprise, encore faut-il se donner les
moyens de la faire perdurer au-delà des premières années, durant lesquelles on
bénéficie d'aides fiscales ; encore faut-il qu'il y ait un projet et que le
chef d'entreprise soit suffisamment formé pour assurer les fonctions qui sont
les siennes ; à défaut, encore faut-il avoir la possibilité de se faire
accompagner dans sa gestion par des aides extérieures permettant d'assurer un
service de conseil en matières fiscale, comptable, stratégique, par exemple.
Alors que 1 200 000 entreprises n'ont aucun salarié, près d'un million
d'entreprises commerciales ou artisanales ne disposaient, il y a peu, ni de
conseil ni de comptable. Cette situation doit nous conforter dans l'idée qu'il
faut mettre en place des outils permettant aux entreprises, notamment aux plus
fragiles, c'est-à-dire bien souvent les PME, d'être accompagnées dans la
gestion globale de leurs affaires au travers de structures en lesquelles elles
se reconnaissent pour leur faire confiance et progresser dans leur adaptation.
Je pense aux structures associatives.
Face à ce constat, je n'ai pas l'impression que les pouvoirs publics s'y
prennent de la bonne manière, au vu des travaux menés par un inspecteur des
finances, à la demande du ministère des finances, sur la réforme des
professions comptables, travaux qui me laissent quelque peu amer.
Il est grand temps de comprendre que les PME ne sont pas un « marché » pour
certaines professions et qu'il convient de prendre en compte leurs
préoccupations. Le conflit qui existe depuis longtemps entre les
experts-comptables et les centres de gestion sur le champ de leurs compétences
me semble stérile. J'aimerais que l'on puisse avancer sur cette question de
manière positive, c'est-à-dire qu'on puisse dépasser la question. Il y va du
renforcement du réseau - toujours d'actualité - qui doit être encore mieux
développé et dont dépendent notamment la réussite de la lutte contre le chômage
et l'aménagement du territoire.
Je souhaite maintenant prendre date pour la prochaine loi de finances. Le
groupe socialiste s'est abstenu de faire, aujourd'hui, des propositions sur les
réformes fiscales que nous jugeons pourtant bon d'engager à l'avenir.
Néanmoins, notre réflexion s'est engagée depuis quelques semaines dans un
certain nombre de directions.
En matière de fiscalité du patrimoine, il nous semble incontournable de
s'orienter vers une imposition à l'ISF de l'outil de travail.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Ah !
M. René Régnault.
En matière de fiscalité écologique, il nous semble nécessaire d'encourager
fiscalement les produits pouvant être considérés comme propres ou les produits
ou services ayant une action sur l'environnement ou la qualité de vie. Mais
a contrario
nous encouragerions à mettre fin aux régimes fiscalement
trop favorables aux produits polluants.
En matière fiscale, notre groupe présentera des propositions concernant le
secteur associatif prenant en compte les conclusions du rapport qui a été
récemment déposé sur le bureau du Premier ministre. Nous sommes sensibles aux
préoccupations de ce secteur auquel nous avons toujours porté beaucoup
d'attention ; nous voulons lui réserver un sort particulier, sachant qu'il est
un élément important de notre démocratie.
Ce projet de loi portant DDOEF, comme c'est la loi du genre, permet d'aborder
de nombreuses questions, parfois sans grand lien entre elles.
S'agissant de la fonction publique territoriale, au-delà de l'amendement
qu'avec mon collègue Jacques Mahéas nous avons déposé et qui vise à légaliser
les avantages de rémunérations acquis collectivement avant le 26 janvier 1984,
dès lors qu'ils seront réintégrés dans les budgets des collectivités
territoriales ou leurs établissements publics, j'aurais aimé - j'attire
solennellement l'attention du Gouvernement sur ce point - que l'ensemble des
avantages de cette nature - il s'agit pour l'essentiel du treizième mois -
accordés au jour de la publication de ce DDOEF soient pris en compte dès lors
qu'ils seraient intégrés immédiatement dans les budgets, c'est-à-dire au plus
tard dans ceux de 1998.
Monsieur le secrétaire d'Etat, si nous pouvions progresser en ce sens, au
travers de ce débat, je crois que nous apporterions des apaisements attendus et
résoudrions ainsi un problème épineux que nous traînons depuis bientôt quinze
ans.
(M. Daniel Hoeffel acquiesce.)
Mon propos me conduit, en ma qualité de président du comité national d'action
sociale, le CNAS, gérant l'action sociale de plus de 204 000 agents appartenant
à plus de 7 400 collectivités, à me réjouir du développement de cette action
sociale et de sa reconnaissance de plus en plus affirmée par les uns et les
autres, notamment par les pouvoirs publics.
L'accord salarial bi-annuel signé le 10 février 1998 prévoit explicitement
qu'une mission d'inspection générale sera conduite - elle est en cours - et
visera à donner un cadre juridique à cette action sociale des territoriaux.
Je souhaite en effet que cette mission - pour ma part, je m'emploierai à
faciliter sa tâche - débouche au plus vite. Elle permettra au CNAS, organisme
paritaire et pluraliste, de poursuivre son développement.
Nous procédons actuellement à sa réorganisation en fonction d'objectifs fondés
sur d'importants développements à venir, voire la généralisation.
Cette réorganisation s'appuie sur quatre principes fondamentaux : la
souveraineté, l'autonomie, l'unité, et la spécificité. Ce cadre juridique doit
aussi apporter toutes réponses tranquillisantes aux élus comme aux agents
interpellés par les contrôles des chambres régionales des comptes. Il faut
clarifier les situations et lever toutes les inquiétudes liées aux risques de
qualification des gestionnaires de fait et autres.
Le débat à l'Assemblée nationale a permis de mettre à jour deux
préoccupations.
La première est liée aux budgets annexes et à leur multiplication, conséquence
de l'application de la M 14 notamment. Elle entraîne des lourdeurs, de la
paperasserie, dans les petites collectivités.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les sénateurs socialistes partagent cette
préoccupation. Nous vous demandons d'accueillir favorablement nos propositions
de simplifications, y compris pour le service public des pompes funèbres,
surtout, je le répète, pour les petites communes de moins de 3 000
habitants.
Je propose notamment que, dans le cadre de la réglementation relative à la
mise en place de la M 14, ces simplifications et assouplissements soient
retenus. Votre avis sur cette suggestion, auquel je serai attentif, sera
apprécié. Mais, déjà, il est très attendu.
J'en arrive à la seconde préoccupation : il s'agit de l'article 56, introduit
par l'Assemblée nationale. Un patrimoine important - églises, chapelles,
presbytères - servant à l'exercice du culte existe dans nos communes, alors
que, par ailleurs, l'usage en est moins fréquent, les prêtres et les missions
pastorales se faisant plus rares et étendant leur mission à plusieurs communes.
Mon département a profondément remanié son organisation pour déboucher, entre
autres, sur des paroisses à plusieurs clochers.
Ce patrimoine est souvent propriété publique et très souvent propriété
communale. Le problème de la conservation, de l'entretien et de la gestion de
ce patrimoine à des fins cultuelles mais aussi culturelles se pose. Le bon
niveau d'approche est très souvent intercommunal, en milieu rural au moins.
Vouloir qu'il en soit ainsi et l'encourager est une bonne idée, que, pour ma
part, je soutiendrai.
Le transfert de ce patrimoine à l'intercommunalité n'est pas indispensable
pour satisfaire l'objectif que je viens de fixer. C'est pourquoi cet article 56
me semble inopportun. Il ne manquerait pas de renvoyer à la loi de 1905
notamment et d'éveiller des passions.
Je plaide donc avec le groupe socialiste pour que cet article soit revu et
corrigé dans le sens que j'ai indiqué.
M. Claude Estier.
Très bien !
M. René Régnault.
Trois points ont également retenu notre attention.
Le premier concerne la taxe additionnelle à la taxe d'équarrissage.
Les maires sont responsables de la salubrité dans leur commune ; si, en 1996,
le Parlement s'est entendu sur la disposition que nous connaissons - un seul
groupe s'était abstenu - c'est parce que la solution que nous avons mise sur
pied est celle qui préserve le mieux l'ensemble des intérêts en présence. Nous
ne voulions pas que les maires des communes situées dans des zones d'élevage
soient confrontés à la présence de cadavres d'animaux sur leur territoire,
alors qu'il leur reviendrait de procéder à leurs frais à l'élimination de
ceux-ci, au nom de la responsabilité qui est la leur en matière de salubrité.
Nous n'avons pas voulu cela, et nous nous sommes mis d'accord sur le texte
instituant la taxe d'équarrissage et fixant son assiette, qui a été adopté.
Nous abordons aujourd'hui un point particulier, celui de l'élimination des
farines animales. Le Gouvernement nous indique qu'il s'agit d'un problème
momentané, qui se posera pour une durée déterminée, et il nous propose de
recourir à une taxe additionnelle. Le débat que nous avons engagé, y compris en
commission des finances
(M. le président de la commission des finances opine)
a abouti à
l'approbation d'un relèvement du seuil d'éligibilité à cette taxe
additionnelle. Cette solution nous paraît aujourd'hui la plus conforme à notre
histoire, celle que nous avons écrite voilà deux ans, et à la situation qui
s'impose à nous.
Voilà pourquoi nous nous sommes, en ce qui nous concerne, ralliés à la
proposition du Gouvernement, amendée par la commission des finances.
S'agissant de la desserte gazière et de la distribution du gaz, nous avons là
aussi accepté le dispositif qui nous est proposé, mais nous aimerions que des
modifications lui soient apportées. En effet, nous souhaiterions, d'une part,
que le plan de desserte gazière fasse l'objet d'une consultation préalable du
Conseil supérieur de l'électricité et du gaz, d'autre part, qu'un rapport
annuel sur le développement de cette desserte soit présenté au Parlement.
Dans le même temps, monsieur le secrétaire d'Etat, nous demandons au
Gouvernement, et en particulier au ministre de tutelle de GDF, d'inciter
l'entreprise publique à développer davantage la desserte gazière. Concrètement,
nous vous demandons de revoir encore un peu à la hausse le montant de
l'enveloppe que vous avez annoncé voilà déjà quelques semaines à nos collègues
de l'Assemblée nationale.
S'agissant des pylônes pour la téléphonie mobile, je dirai seulement que je ne
comprends pas l'argument selon lequel il y aurait sanction du milieu rural.
Je suis un usager. J'ai souvent dit aux vendeurs, aux distributeurs, aux
responsables de réseau : si disposer d'un téléphone mobile, c'est bien, je ne
téléphone pas de mon jardin à un interlocuteur situé dans un jardin de la même
zone urbaine ! Je téléphone de partout, y compris lorsque je suis dans le
milieu rural.
En conséquence, s'il n'y avait pas de pylône en milieu rural, pour les raisons
que j'ai entendues, notamment cet après-midi, j'en serais très étonné ; je sais
au moins une chose : ce sont les opérateurs qui seront les premiers sanctionnés
! Mais nous suivrons ce débat avec tout l'intérêt qu'il mérite.
J'en viens aux dispositions importantes de l'article 39, qui modifie les
modalités d'évaluation de la puissance administrative de certaines catégories
de véhicules. La formule était, il est vrai, complexe, et une autre formule a
été recherchée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez déposé le rapport que vous aviez
promis. Cela vous honore et nous vous en remercions.
Le dispositif que vous nous proposez, cela a été démontré, est de peu
d'effets. L'amendement de notre collègue M. Peyronnet visera à aller plus loin
dans le sens d'une politique d'amélioration de l'environnement, de la santé
publique, tout en introduisant un peu plus d'équité entre les usagers de
véhicules à moteur.
Notre groupe se réjouit aussi de la prise en compte du problème posé par
l'excessive localisation de la taxe différentielle dans un département que je
ne citerai pas, mais dont tout le monde a le nom à l'esprit.
Le Gouvernement fait des propositions ; nous en présenterons une relative au
lieu d'établissement du véhicule. Nous souhaitons que vous nous précisiez ce
que recouvre l'expression que vous avez retenue sur le plan juridique. Si elle
est satisfaisante, nous nous y rallierons.
Je dirai maintenant quelques mots des collectivités locales car vient le
moment de la sortie du pacte de stabilité, et nous savons que vous y
travaillez.
Vous savez quelles ont été les conséquences de ce pacte pour nos collectivités
territoriales, ce qu'elles y ont perdu - un pacte que, d'ailleurs, soit dit en
passant, elles n'avaient pas signé.
Ce qu'elles veulent, s'agissant des dispositions à venir, c'est, d'une part,
être associées au produit et au bénéfice de la croissance et, d'autre part, que
les demandes qui pourraient leur être faites en matière de charges nouvelles
soient intégralement compensées et que, par ailleurs, la péréquation retrouve
toute sa réalité.
Enfin, s'agissant de la justice et de la solidarité, elles attendent, comme le
groupe socialiste du Sénat attend, tout en y travaillant, une plus grande
justice en matière de fiscalité locale, et ce non seulement entre les divers
contribuables, mais aussi entre les différentes collectivités locales.
Nous attendons aussi, et nous travaillons en ce sens, le développement d'une
plus grande solidarité devant intégrer une péréquation renforcée en direction
de l'intercommunalité. Nous attendons en particulier que soit prise en compte
la taxe professionnelle, notamment la taxe professionnelle d'agglomération.
Quant à la taxe d'habitation, il nous semble, là aussi, qu'il n'est plus
possible de persister à faire supporter aux contribuables des inégalités telles
que celles que nous connaissons, et que vous connaissez. Pour notre part, nous
travaillons déjà dans cette voie, et nous espérons que le Gouvernement nous
présentera prochainement des dispositions corrigeant ces inégalités.
Si c'est bien le cas, il pourra compter sur la collaboration active - parfois
critique - du groupe socialiste du Sénat. Il en sera ainsi dès aujourd'hui avec
le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
cette année encore, le Gouvernement présente un projet de loi portant diverses
dispositions économiques et financières.
Ce texte, que l'on pourrait aisément qualifier de « fourre-tout », monsieur le
secrétaire d'Etat, contient des mesures variées allant de la simplification
administrative aux modifications relatives au secteur public, en passant par
l'adaptation de notre législation à l'euro.
On le comprend bien, ce projet de loi permet au Gouvernement de faire adopter
toutes sortes de dispositions que l'on n'a pas pu, que l'on n'a pas su ou que
l'on n'a pas voulu adopter à l'occasion du vote de la loi de finances
annuelle.
Mais le DDOEF de cette année traite de problèmes intéressants, et il est, à
mon avis, l'un des meilleurs de la décennie.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
C'est un bon cru !
M. François Lesein.
Tout d'abord, le Gouvernement a eu la judicieuse idée de présenter à
l'Assemblée nationale un texte remarquable par sa brièveté. Mais l'Assemblée
nationale y a ajouté quinze articles supplémentaires, ouvrant tout
naturellement la voie à une « inflation » sénatoriale, qui, en règle générale,
est de bon goût.
(Sourires.)
En outre, les dispositions relatives à la simplification administrative, à la
préparation à l'euro et à l'évolution du secteur public déterminent clairement
les orientations de la politique économique du Gouvernement.
Pour parvenir aux objectifs de croissance et d'emploi, ce dernier a choisi de
mettre l'accent sur des mesures techniques fondées sur une certaine vision de
la conjoncture économique dans nos entreprises et, plus généralement, en
Europe.
Par ailleurs, le Gouvernement a proposé des mesures permettant de simplifier
certaines formalités pour les entreprises.
L'intention est certes louable, mais elle n'est pas nouvelle : tous les
gouvernements l'ont manifestée, et ce depuis fort longemps.
Pour ma part, j'aurais préféré que le Gouvernement fasse preuve d'un peu plus
d'ambition, en incluant, comme l'a suggéré notre collègue M. André Jourdain,
des dispositions relatives à la simplification des relations entre
l'administration et ses usagers.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de vos déclarations sur ce
thème. Mais elles n'apaisent pas mes craintes. En effet, vos services, et de
nombreux autres, trop souvent, ne savent pas ou ne souhaitent pas faire simple,
alors qu'ils savent faire compliqué, on le sait.
Certaines dispositions n'ont pas manqué de soulever certains désaccords.
Tout d'abord, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez introduit un article
instaurant une taxe additionnelle à la taxe sur les achats de viande. Tout
comme mon collègue Bernard Joly, je m'étonne d'une telle mesure. En effet, je
vois mal comment on pourrait concilier la légitime volonté d'assouplir les
procédures administratives pour nos entreprises et l'intention clairement
exprimée d'augmenter arbitrairement les charges de certaines petites et
moyennes entreprises par le paiement d'une taxe supplémentaire.
Ce dispositif est d'autant plus injuste que les commerçants et les artisans
spécialisés dans la vente au détail de viande et ceux qui s'occupent de la
transformation et de la distribution ont toujours été opposés aux méthodes
industrielles, qui présentent des carences et qui ne sont pas suffisamment
contrôlées.
Chaque année, depuis dix ans, l'académie de médecine a alerté le Président de
la République, le Premier ministre et le ministre de la santé de l'époque sur
les ravages possibles de l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB. Pourtant,
à ma connaissace, il n'y a jamais eu de réponse.
Dans un autre domaine, le Gouvernement a souhaité modifier certaines
dispositions relatives au service public de la distribution de gaz.
L'Assemblée nationale a adopté un texte aux termes duquel seules pourront être
agréées comme opérateurs de distribution, dans les communes qui ne disposent
pas d'un réseau public de gaz naturel et qui ne figurent pas dans le plan de
desserte triennal, les sociétés dans lesquelles l'Etat détient une partie du
capital.
Monsieur le secrétaire d'Etat, une telle disposition favoriserait le monopole
de Gaz de France, ce qui serait contraire aux directives européennes.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas associer aux sociétés dans lesquelles
l'Etat détient une part du capital celles dont le capital serait en partie
détenu par des collectivités territoriales ou des groupements de communes ? Il
me semblerait normal d'autoriser les communes ou leurs groupements à entrer
dans le capital de sociétés de distribution desservant leur territoire. J'ai
donc déposé un amendement tendant à rétablir, pour les communes, la possibilité
de choisir entre Gaz de France et le secteur libre.
De plus, monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi ne pas copier le système des
syndicats de distribution d'énergie électrique, qui ont permis, depuis plus de
soixante-quinze ans maintenant, d'instaurer plus de justice, de réaliser nombre
de progrès pour la distribution d'électricité dans les zones rurales et qui ont
ainsi participé avec intelligence à l'aménagement du territoire ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, on le voit bien, le projet
gouvernemental sera l'occasion pour le Parlement d'enrichir et de modifier des
mesures souvent techniques afin de mieux préparer notre pays à affronter les
défis économiques du troisième millénaire. Il permettra notamment d'accompagner
au mieux l'euro que les onze Etats associés à sa naissance viennent de porter
sur les fonts baptismaux.
Ce DDOEF est en progrès par rapport à certains autres, c'est exact. Néanmoins,
il ne simplifie pas assez les relations entre les administrés, notamment les
maires et les services administratifs.
Depuis 1971, je suis maire, et je puis vous assurer que la courbe de
production des circulaires s'apparente sinon à une courbe du troisième degré,
du moins à une courbe logarithmique.
(Applaudissements sur les travées du
groupe du Rassemblement démocratique et social européen et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de loi qui nous est soumis suscite notre perplexité, des interrogations,
des inquiétudes, mais aussi des oppositions.
Notre perplexité est grande de voir une synthèse se dégager - c'est l'essence
même d'un projet de loi - entre des dispositifs qui pourraient faire l'objet de
textes autonomes. En effet, la simplification administrative est une chose, le
passage à l'euro en est une autre et la pratique de nouvelles privations une
troisième. Enfin, toute une série de mesures particulières, éclectiques, de
type parfois réglementaire, sont bien secondaires par rapport à ces trois
premiers types de dispositions.
Nous ne portons donc pas un jugement global sur les soixante-deux articles de
ce projet de loi. Nous en approuvons certains, mais nous sommes sévères pour
d'autres. Par ailleurs, nous proposons des dispositions qui ont déjà été
défendues par notre groupe à l'Assemblée nationale.
Nos amendements porteront principalement sur deux sujets.
En premier lieu, ils tendront à remédier à l'insuffisance des moyens de
l'éducation nationale pour remplir ses missions en Seine-Saint-Denis. Nous
proposerons donc la création des 800 postes budgétaires pour la rentrée de 1998
promis par M. le ministre de l'éducation nationale afin d'éviter toute
tentative de redéploiement. Des moyens nouveaux doivent clairement figurer dans
le budget.
En second lieu, ils viseront à éviter la ghettoïsation des cités HLM et à
conserver la mixité de l'habitat, à faire vivre ensemble des catégories
différentes d'habitants. Nous proposerons ainsi de revaloriser de 50 % les
plafonds catégoriels de ressources fixés pour l'attribution de logements
HLM.
Par ailleurs, nous nous interrogeons sur le caractère libéral de bien des
mesures qui sont en contraste, selon nous, avec le choix fait par le peuple
français voilà un an.
Ainsi M. Lambert écrit-il dans son rapport, concernant les dispositions
relatives à la simplification administrative, que les mesures sont libérales
puisqu'il s'agit de réduire les formalités qui frappent les entreprises.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
C'est un compliment ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Nous sommes peut-être d'accord sur le constat ; en revanche, nous sommes en
complet désaccord avec votre jugement qui vous conduit à considérer le «
dispositif comme excellent ». La raison en est fort simple : nous pensons en
effet que l'allégement de la gestion administrative sera favorable au
partenariat des PME et des PMI, aux services de l'Etat et aux organismes
sociaux, un point c'est tout.
Ainsi, à l'article 5, proposerons-nous de supprimer la mesure qui étend la
procédure des emplois occasionnels. Nous pensons en effet qu'il faut mettre fin
aux conditions précaires de travail que connaissent de plus en plus de salariés
et non pas les généraliser.
La réduction des charges sociales pour les plus grandes entreprises a des
effets pervers.
De plus, les dispositions particulières en matière de TVA sont trop
ponctuelles. Elles ne portent notamment ni sur la nécessité de revenir au taux
de 18,6 % ni sur celle de réduire le taux de la TVA sur les produits de
première nécessité.
La commission se donne bonne conscience en faisant resurgir le problème de la
TVA applicable au titre des déchetteries ou des réseaux de chaleur utilisant le
bois de chauffage.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Parce qu'il y a un problème !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Notre groupe considère que la réduction de taux de TVA sur les produits de
première nécessité serait un stimulant pour la consommation, donc pour
l'activité.
Nos interrogations portent également sur l'application de la loi sur les 35
heures, qu'il faut dynamiser.
Accélérer le processus de façon peut-être plus directive pourrait se traduire
- et j'espère que tel est l'objectif du Gouvernement - par la création de
milliers d'emplois et la progression du pouvoir d'achat des salariés.
Mais nos interrogations font place aux inquiétudes, du fait du passage à
l'euro. La réduction du déficit entraîne la réduction des dépenses et même le
transfert de tout ou partie de la croissance. Les lettres de cadrage
entraîneront, pour la plupart des budgets, des stabilisations, voire des
réductions de crédits.
Nous ne voterons pas le titre II du projet de loi, confirmant ainsi nos
positions contre la monnaie unique, mais aussi contre les nouveaux statuts de
la Banque de France.
Deux articles nous inquiètent principalement.
L'article 15, tout d'abord, qui porte sur l'émission des titres de dette
publique indexés sur l'inflation. C'est une innovation à examiner de près pour
en tirer toutes les conséquences.
L'article 30, ensuite, vise un dispositif de rachat-destruction de parts
sociales pour des entreprises où la réduction du capital ne proviendrait pas
d'une accumulation de pertes. Ce dispositif est destiné à valoriser le
rendement des fonds propres par une distribution plus importante de dividendes.
La majorité de la commission des finances est satisfaite par un tel dispositif
qui s'éloigne d'une politique de gauche pour retrouver les systèmes des
stock options
en attente de rentabilité.
Nos inquiétudes font place à des oppositions sur le titre III, relatif au
devenir du secteur public.
L'acharnement contre le secteur public s'amplifie avec le passage à l'euro.
Depuis plusieurs années, des mesures sont proposées, visant soi-disant à
améliorer le secteur public. Toutes visent, en fait, à le réduire, à le
démanteler, ouvertement ou insidieusement.
Tel est l'objet du titre III, que je laisse le soin à mon ami Pierre Lefebvre
d'analyser.
A ce sujet, je précise cependant que nous demanderons au Sénat d'abroger la
loi de privatisation du 19 juillet 1993 et de supprimer l'article 35 en
proposant de maintenir le monopole de distribution du gaz afin de pouvoir
répondre aux besoins de développement de la desserte en gaz sur tout le
territoire national.
Nous proposerons également de nationaliser le service de l'eau par la création
d'un grand service public et national. La Générale des eaux et la Lyonnaise des
eaux se disputent un secteur marqué par les insuffisances, la pollution, la
cherté du service. Rendre ce service cohérent, rationnel au service de l'homme
et de la nature implique la responsabilité de l'Etat et non la recherche des
profits.
Dans le même souci de l'intérêt national, nous défendrons des amendements de
non-privatisation du Crédit Lyonnais et de non-privatisation d'Air France.
D'autres amendements visent à mettre un terme au gâchis résultant du bradage du
secteur public depuis 1993, à favoriser le service public aérien, et
s'inscrivent, nous le disons clairement, contre les injonctions de la
Commission européenne.
Nous n'admettons pas, et c'est l'expression d'un désaccord, monsieur le
secrétaire d'Etat, le dispositif proposé de cessions d'actions au personnel
d'Air France en échange d'une baisse de leurs salaires, pas plus que nous
n'admettons une sanction quelconque contre un pilote de ligne trouvant dans
cette proposition un marché de dupes.
M. Lambert, qui ne s'y trompe pas, défend cette privatisation.
(M. Lambert
fait un signe d'approbation.)
Il écrit : « Le maintien d'Air France dans le
secteur public n'a pas fini de dévoiler ses conséquences financières néfastes.
Seule une privatisation est de nature à apporter une solution satisfaisante aux
difficultés financières suscitées par le maintien d'Air France dans le secteur
public. » Mais M. Lambert ajoute que « la privatisation représente une solution
aux problèmes de gestion ». Vous rejetez, monsieur le rapporteur, la
proposition du Gouvernement, la jugeant insuffisante en matière de
privatisation, mais vous l'approuvez dans son principe et son extension.
Dans le même esprit, nous nous opposons à la privatisation de la Société
nationale des poudres et explosifs, la SNPE, tout comme nous nous opposons à
celle de la Caisse nationale de prévoyance-Assurances, la CNP-Assurances. Nous
voulons le développement d'un outil public d'assurance des particuliers.
Le Gouvernement propose de prolonger de dix ans la période durant laquelle des
fonctionnaires de l'Etat en activité à la CNP-Assurances peuvent être mis à la
disposition de cette entreprise. M. le rapporteur est d'accord avec cette
proposition, bien entendu, et les personnels de la CNP y sont opposés, même si
leur lutte a permis d'obtenir ce délai de dix ans. Ils sont 1 000
fonctionnaires de la Caisse des dépôts et consignations, la CDC, travaillant à
la CNP, le souhaitant, et possédant une formation professionnelle de haut
niveau. Ils souhaitent rester en fonctions à la CNP. Pourquoi, monsieur le
secrétaire d'Etat, leur refusez-vous, à terme, ce droit ?
La France a besoin d'un service populaire et national de prévoyance, dont sept
millions de Français en situation de précarité ou en voie de précarisation sont
exclus. La CNP est investie d'une nouvelle mission de service public. En
voulant limiter la durée de travail des personnels de la CDC à la CNP, ne
va-t-on pas, par alignement sur les pratiques européennes de libre concurrence
entre les sociétés d'assurances, démanteler la CNP et priver l'intérêt national
de missions de prévoyance sociale ?
Au sujet des privatisations, une redéfinition de la politique du Gouvernement
s'impose, monsieur le secrétaire d'Etat. Comment envisagez-vous le rôle de
l'Etat dans le secteur public ? Il doit être redéfini, et nous ne pouvons pas
nous satisfaire d'une politique au coup par coup. Le parti socialiste le
reconnaît, qui envisage une convention nationale à l'automne sur cette
question.
Pour nous, le choix est clair : l'Etat doit conserver toutes ses
responsabilités dans le secteur public et un débat national doit s'ouvrir. Nous
espérons, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous nous retrouverons.
L'application de la monnaie unique laisse percevoir une diminution de 5 000 à
10 000 emplois tout de suite dans les services financiers, les banques, les
assurances. Votre projet de loi est peut-être la première étape - l'avenir le
dira - de cette nouvelle marche forcée vers l'Europe libérale et des
banques.
Ne serait-ce que pour cette raison, nous ne pouvons l'approuver, et je le
regrette, monsieur le secrétaire d'Etat.
(Applaudissements sur les travées
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Camoin.
M. Jean-Pierre Camoin.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
tout d'abord, laissez-moi exprimer le regret que le calendrier parlementaire
n'ait pas permis au Sénat et à l'Assemblée nationale de débattre de sujets
économiques et financiers depuis l'examen du projet de loi de finances pour
1998 et du projet de loi de finances rectificative pour 1997.
Mais nous nous réjouissons de l'annonce faite par le Gouvernement qu'un débat
d'orientation budgétaire se tiendra dans quelques semaines. Cette heureuse
pratique, dont la paternité doit être attribuée au président de la commission
des finances, M. Christian Poncelet, à notre rapporteur général, M. Alain
Lambert, et à notre collègue M. Jean Arthuis, alors ministre de l'économie et
des finances, doit être saluée comme une occasion pour le Sénat d'exercer
toutes ses prérogatives de contrôle du Gouvernement en matière budgétaire.
Sans vouloir lancer d'ores et déjà le débat sur le budget, force est de
constater que les analyses les plus récentes du Crédit local de France pour
l'année 1998 corroborent, en ce qui concerne l'évolution des prélèvements
obligatoires locaux, le scénario annoncé par le Sénat, plutôt que celui qui est
prévu par le Gouvernement.
Rappelons que, pour le Gouvernement, le taux des prélèvements obligatoires par
rapport au PIB devait baisser, grâce à une diminution des prélèvements
obligatoires des collectivités locales de 0,1 % par rapport au PIB.
Or le Crédit local de France vient d'annoncer une légère augmentation du poids
de la fiscalité locale dans le PIB en 1998, laquelle est due à une progression
de 4,5 % des recettes fiscales des collectivités locales.
A l'évidence, les prévisions du Gouvernement pour l'évolution des prélèvements
obligatoires par rapport au PIB sont en passe de ne pas se concrétiser et les
illusions dénoncées par le Sénat se révèlent exactes.
Dans le même ordre d'idées, bien d'autres choses sont à dire sur les
conséquences pour la France de l'excès d'optimisme budgétaire et les erreurs de
choix du Gouvernement, mais nous en reparlerons à l'occasion du débat
d'orientation budgétaire.
Le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier
qui nous est soumis aujourd'hui comprend cinq parties d'inégale longueur. Il
n'est pas question de reprendre ici chacun des soixante-deux articles du texte
adopté à l'Assemblée nationale, aussi intéressants soient-ils. M. Lambert,
rapporteur, l'a excellemment bien fait dans son rapport, dont je salue la
clarté et la qualité. Je remercie aussi le président de la commission des
finances, sous la bienveillance duquel nos débats en commission sont si
fructueux.
Pour ce qui concerne les mesures de simplification administrative du projet de
loi, il faut tout d'abord rappeler que le principe de la simplification
administrative va dans le sens des priorités exprimées par le Président de la
République et de l'intérêt des entreprises qui en font la demande.
Les gouvernements Balladur et Juppé ont emprunté les premiers les voies de la
simplification administrative par l'instauration de mesures telles que la
déclaration unique d'embauche, la déclaration sociale unique, le contrat unique
d'apprentissage, pour ne citer que les principales.
Les propositions du Gouvernement sont sympathiques, mais, le plus souvent,
elles sont soit insuffisantes soit source de complications supplémentaires, ce
qui peut sembler un peu paradoxal.
L'article 7 substitue une déclaration annuelle des cotisations patronales à la
mention mensuelle sur les bulletins de paie. Est-ce simplifier que de
transférer en fin d'année une tâche mensuelle ?
Peut-on parler de simplification, alors que la plupart des employeurs ont soit
informatisé soit externalisé leur système de paie ? Monsieur le secrétaire
d'Etat, une telle mesure ne permet-elle pas d'éviter que les salariés ne
puissent avoir connaissance de la réalité des cotisations patronales acquittées
par leurs employeurs ? C'est la question que l'on peut se poser !
La simplification administrative ne doit pas masquer la réalité de la
situation des PME françaises. Ce dont celles-ci ont besoin, c'est une baisse
urgente des charges sociales et fiscales qui pèsent de façon insupportable sur
leur gestion.
On observe là un paradoxe de la politique gouvernementale, qui souffle, d'un
côté, le chaud en présentant des « mesurettes » de simplification et, de
l'autre, le froid sur les mêmes entreprises en augmentant les impôts et en
remettant en cause les dispositifs de baisses de cotisations sur les bas
salaires initiés par le précédent gouvernement.
Souvenons-nous du budget pour 1998. Les effets sur les associations d'aide à
domicile de la diminution du plafond de la rémunération en deçà duquel
s'applique la ristourne dégressive sur les salaires sont dramatiques.
L'alourdissement du coût du travail qui en résulte est tel que de nombreux
licenciements sont à craindre dans ce secteur.
La majorité plurielle a alerté le Gouvernement sur l'urgence de la situation.
La réponse est décevante. Pendant que la mission des inspections générales des
affaires sociales et des finances dresse son bilan, les associations d'aide à
domicile continuent de s'enfoncer dans des situations inextricables.
C'est pourquoi de nombreux membres de notre groupe ont souhaité ne pas rester
inactifs et ont déposé un amendement qui compensera pour ces associations les
conséquences dramatiques du projet de loi de finances pour 1999.
Pour ce qui concerne le passage à l'euro, il faut souligner que les mesures
qui préparent les entreprises françaises à ce passage à l'euro sont nécessaires
et utiles en matières comptable, juridique et financière. M. Philippe Marini,
rapporteur du titre II, au nom de la commission des finances, a parfaitement
analysé ces dispositifs dans son rapport, et je tiens à le féliciter pour la
qualité de son travail.
Après le basculement de notre économie vers l'euro le 1er janvier prochain,
c'est dès le 4 janvier 1999 que la place financière de Paris passera à l'euro.
Les indices boursiers nationaux disparaîtront au profit d'indices européens.
M. le président.
Mon cher collègue, je vous prie de m'en excuser, mais je suis contraint de
vous interrompre quelques instants.
M. Jean-Pierre Camoin.
Je vous en prie, monsieur le président.
4
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION
DE PARLEMENTAIRES IRAKIENS
M. le président.
Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune
officielle d'une délégation de députés à l'Assemblée nationale irakienne,
composée de M. Harbi Abdul Rasool et de M. Al Alousi Munthir, en visite dans
notre assemblée sur l'initiative du groupe d'amitié France-Irak, présidé par M.
le questeur Serge Mathieu.
Au nom du Sénat, je leur souhaite la bienvenue et je forme des voeux pour le
succès de leur séjour.
(M. le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs
se lèvent et applaudissent.)
5
DIVERSES DISPOSITIONS
D'ORDRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi portant diverses dispositions
d'ordre économique et financier.
Je vous redonne la parole, monsieur Camoin.
M. Jean-Pierre Camoin.
Je vous remercie, monsieur le président.
Je salue, moi aussi, la présence de nos amis irakiens.
Les épargnants français seront parmi les premiers à ressentir dans notre pays
le passage à l'euro, puisque les actions et obligations seront désormais cotées
en euros.
A notre sens, le Gouvernement prépare mal la France à ce rendez-vous
historique. Ainsi l'absence de fonds de pension en France est un handicap
majeur par rapport à nos voisins.
Notre retard en matière de capitalisation vient à nouveau d'être stigmatisé
par la Commission des opérations de bourse, la COB, dans son rapport annuel
présenté la semaine dernière. La capitalisation boursière française représente
60 % du PIB contre 110 % aux Etats-Unis et 139 % en Grande-Bretagne en 1996. La
COB note, pour le regretter, le rôle encore insuffisant du marché dans le
financement de notre économie. Peut-être le temps est-il venu de doter la
France des moyens nécessaires à cette modernisation.
La conséquence majeure de ce retard est une sous-capitalisation de nos
entreprises. Si rien n'est fait rapidement, le risque existe de voir la place
financière de Paris se marginaliser par rapport à ses concurrentes
européennes.
Chacun sait que la mise en place de fonds de pension en France permettrait aux
entreprises de renforcer leurs fonds propres.
L'autre vertu bien connue des fonds de pension est d'ouvrir à nos concitoyens
un système d'épargne-retraite. Les systèmes de retraite par répartition
auxquels nous sommes très attachés ne pourront pas surmonter les conséquences
de l'évolution démographique d'ici à une quinzaine d'années. Il faut donc
prévoir à côté de ce système un dispositif de retraite par capitalisation.
Pourquoi les Français seraient-ils l'un des derniers peuples européens à ne
pas bénéficier de telles possibilités ? Le Gouvernement a assuré qu'une
modification du texte en vigueur interviendrait l'année prochaine, mais nous
pourrons, selon lui, aborder le sujet à l'occasion de l'examen du projet de loi
de finances pour 1999.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit non plus d'aborder le sujet, mais
d'agir, même si, sur cette question, il est à craindre que la vision du
Gouvernement sur les fonds de pension ne soit très éloignée de la réalité
économique et financière, ainsi que des besoins du pays ! Si nous continuons à
ne pas agir, une année va encore être perdue.
Vous vous félicitiez, monsieur le secrétaire d'Etat, du fait que les
entreprises allaient évoluer, avec l'achèvement de l'euro, dans un
environnement stable. Or les fonds de pension sont le complément indissociable
de cet environnement. Pour notre part, nous nous réjouissons des propositions
élaborées par la commission des finances en matière de droit des sociétés,
notamment à propos de la notion de contrôle de fait d'une société.
Enfin, il convient de revenir sur le contenu et sur les conséquences de
certaines dispositions techniques du texte.
L'article 39 met en place un schéma triennal de desserte gazière. Vouloir
améliorer cette desserte est une intention honorable, mais certainement pas
dans les conditions prévues dans le texte adopté par l'Assemblée nationale car
elles n'assurent pas la sécurité juridique de l'octroi de l'agrément, ce à quoi
vise la proposition de la commission des finances, dont nous nous
félicitons.
L'article 36 a pour objet d'ouvrir le capital de la société Air France en
proposant aux pilotes d'échanger une baisse de rémunération contre des actions
dans la société.
Notre position sur ce dossier n'a pas changé : nous avons voté en 1986 pour la
privatisation d'Air France et nous pensons toujours qu'il s'agit de la seule
solution susceptible de garantir l'avenir de cette société.
Par ailleurs, je constate, avec d'autres, que le Gouvernement n'envisage pas
l'abrogation des lois de 1986 et 1993 relatives aux privatisations
d'entreprises du secteur public. De même, il refuse, malgré la demande formulée
par des membres de sa majorité, d'inscrire dans la loi que l'Etat continuera de
détenir 50 % du capital d'Air France.
Malgré les déclarations du Gouvernement, je reste persuadé qu'il ne pourra pas
empêcher l'inéluctable. A l'évidence, ce sont les alliances politiques
composant la majorité dite plurielle et l'archaïsme idéologique de certaines de
ses composantes qui l'obligent à retarder encore l'échéance !
(Protestations
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
On ne sait pas qui est le plus archaïque.
M. Jean-Pierre Camoin.
Que préfère le Gouvernement ? Une France dotée d'une des compagnies aériennes
les plus modernes du monde disposant d'un statut d'entreprise privée lui
permettant de signer des alliances internationales ou une France dotée d'une
compagnie aérienne publique, isolée, appelée à disparaître à plus ou moins
court terme, car incapable de résister à la concurrence internationale ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Une entreprise peut être publique sans être isolée !
M. Jean-Pierre Camoin.
On ne peut plus dire aujourd'hui qu'Air France, entreprise publique, a encore
un avenir. De récents projets d'alliance avec d'autres compagnies ont avorté
pour la seule raison du statut public d'Air France. Cette situation ne durera
pas longtemps et l'avenir d'Air France est destiné à l'évidence à ce passage au
privé.
M. Henri de Raincourt.
Bien sûr !
M. Jean-Pierre Camoin.
Je voudrais également aborder le problème de l'indemnisation des porteurs
d'emprunts russes.
Il faut rendre hommage aux gourvernements d'Edouard Balladur et d'Alain Juppé,
qui ont conclu l'accord avec la Russie. Les premiers versements de la
Fédération de Russie ont eu lieu et il est maintenant indispensable que les
indemnisations des titulaires des créances soient effectuées le plus rapidement
possible.
M. Henri de Raincourt.
C'est une misère !
M. Jean-Pierre Camoin.
Ce texte prévoit le recensement des porteurs, et le Gouvernement a annoncé que
le Parlement serait associé à la définition des modalités d'indemnisation. Nous
resterons vigilants. Mais nous demandons au Gouvernement d'accélérer le rythme
de règlement de ce dossier.
La disposition créée par l'article 45 instituant un nouveau prélèvement sur
l'association de gestion du fonds des formations en alternance, pour un montant
de 500 millions de francs, est la marque d'une très mauvaise habitude prise par
les pouvoirs publics. Le prélèvement effectué par la loi de finances
rectificative pour 1996 avait un caractère exceptionnel et effectuer un
prélèvement aussi rapidement après donne à ce dispositif un caractère répétitif
choquant.
Il faut cesser de prendre comme justification à ces prélèvements la situation
financière excédentaire à l'AGEFAL, et plutôt réfléchir à d'autres
dispositions.
Pour éviter des excédents que le Gouvernement ne peut s'empêcher de prélever
pour financer ses dépenses, ne vaudrait-il pas mieux diminuer les recettes de
l'AGEFAL en abaissant le taux de la taxe payée par les entreprises et
alimentant cette structure ?
En outre, le Gouvernement devrait préciser quelles affectations il prévoit de
donner aux sommes prélevées. A cet égard, les précisions données à l'Assemblée
nationale sont, à l'évidence, insuffisantes.
L'article 46 a été présenté par le Gouvernement comme une solution alternative
au dispositif quirataire supprimé pour des raisons purement idéologiques à
l'occasion de la dernière discussion budgétaire, avant même la véritable montée
en puissance de cette mesure incitative.
Pendant l'examen des articles de la première partie du projet de loi de
finances, le Gouvernement s'était engagé devant le Parlement à remplacer les
quirats avant la fin de l'année 1997.
Or, au début du mois de mai, le Gouvernement présente cet article qui limite
l'amortissement des biens donnés en location par une société de personnes.
Ainsi, durant les cinq derniers mois, rien n'existait plus dans notre
législation pour aider notre construction navale.
Je tiens d'ailleurs à préciser que M. Philippe Marini, dans un rapport rendu
en mars dernier, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques
publiques, et relatif aux actions menées en faveur de la politique maritime et
littorale de la France, a souligné les effets positifs de la loi quirataire et
a dénoncé la gravité de cette politique d'abandon du secteur de l'activité
maritime, pourtant stratégique pour notre économie.
Non seulement le système mis en place par le Gouvernement ne concerne pas les
seuls navires armés au commerce, puisqu'il touche l'ensemble des équipements
lourds, mais, à l'évidence, il ne s'agira pas non plus d'un dispositif
fiscalement incitatif.
Bien sûr, le Gouvernement expliquera que les représentants des consommateurs
ont manifesté leur approbation face à cette proposition. Nous en prenons bonne
note et nous proposons qu'un bilan complet soit établi dans un an, en termes
tant de projets agréés, d'emplois créés ou sauvegardés que de sommes investies.
Il serait intéressant que le Gouvernement fasse connaître une estimation du
coût de ce dispositif pour les finances publiques, qui, nous dit-on seulement
aujourd'hui serait inférieur à celui des quirats. C'est, vous en conviendrez,
quelque peu insuffisant.
J'aborderai enfin le problème lié au dispositif Périssol, qui avait institué
un régime d'amortissement pour les biens locatifs neufs.
Le projet de DDOEF ne prévoyait aucune mesure transitoire à l'extinction du
dispositif prévue pour la fin de cette année.
Un amendement adopté à l'Assemblée nationale tend à proroger pour six mois le
régime de déduction au titre de l'amortissement des logements neufs donnés en
location.
Chacun sait que ce dispositif s'est avéré efficace pour la relance de la
construction de logements. Cette prorogation de six mois nous semble
insuffisante ; nous attendons d'autres mesures et nous resterons fort vigilants
quant à la politique du Gouvernement en matière de mesures incitatives en
faveur du logement locatif aidé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, après l'examen de ces diverses dispositions, je
constate que le présent texte manque de souffle, à l'image de la politique
économique et financière menée par le Gouvernement. Il ne contient pas les
mesures dont les entreprises ont besoin et que nos compatriotes attendent pour
voir baisser la pression fiscale et décroître les charges qui les étouffent.
Les propositions élaborées par la commission des finances améliorent
sensiblement le texte, et le groupe du RPR votera le projet de loi amendé en ce
sens.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'heure est venue de porter un jugement objectif sur l'ensemble des mesures
économiques, fiscales et financières proposées par le Gouvernement.
Comme il est d'usage pour ce type de projet, ces mesures sont extrêmement
variées. Néanmoins, on appréciera la dimension très large des dispositions qui
nous sont présentées. Certaines ont trait à la simplification administrative,
d'autres tendent à moderniser nos activités financières et à adapter notre
législation aux exigences communautaires. D'autres, enfin, concernent le
secteur public, l'environnement et la santé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, on peut, certes, louer
l'intention du Gouvernement de contribuer activement à une rationalisation de
la gestion des activités économiques du pays, mais on peut également
s'interroger sur l'efficacité de certaines mesures envisagées par le
Gouvernement et adoptées par l'Assemblée nationale.
C'est pourquoi je profiterai de mon temps de parole pour attirer votre
attention sur les difficultés soulevées par la disposition prévoyant d'ajouter
une taxe supplémentaire à la taxe d'équarrissage.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous proposez de faire payer aux artisans et
aux commerçants de notre pays le coût de l'élimination et du retraitement de
certains types de farines non conformes aux normes communautaires. A une époque
où bon nombre d'entre eux connaissent des difficultés financières une telle
mesure est-elle raisonnable ? Au moment où le Parlement adoptait la loi
relative à l'équarrissage, j'avais mis en garde contre les répercussions,
plutôt négatives, d'une telle politique.
Aujourd'hui, une telle disposition, monsieur le secrétaire d'Etat, risquerait,
j'en suis sûr, d'alourdir une fois de plus les charges pesant sur toute une
catégorie de travailleurs français. Il est vrai que l'Union européenne exige
toujours plus de qualité et de garanties dans la fabrication de nos produits.
Comment ne pas comprendre que ces exigences concernent en particulier les
produits issus de l'agriculture ?
Cependant, il est étonnant de constater que la nécessité de retraiter ou
d'incinérer des farines non conformes vient de ce que notre pays a tardé à
appliquer une règle communautaire. C'est pourquoi, trois éléments s'opposent à
l'établissement d'une telle taxe : son coût pour les entreprises payantes,
l'étroitesse de son assiette et l'inadaptation du niveau auquel elle est perçue
dans la filière.
De plus, le choix des entreprises concernées par la taxe laisse à penser que
seuls les distributeurs de produits dérivés de la viande sont responsables de
l'inadaptation de certaines farines aux normes européennes.
Dès lors, certains de mes collègues et moi-même suggérerons, lors du débat sur
la taxe additionnelle à la taxe sur l'équarrissage, soit de la supprimer, soit
de ne l'appliquer qu'aux surfaces de ventes inférieures à 300 mètres carrés, et
ce pour deux raisons : d'une part, cette taxe est contraire au droit
communautaire selon la décision du 25 mars 1998 de la Commission européenne ;
d'autre part, il est anormal de faire financer partiellement le service public
de l'équarrissage par une catégorie d'entreprises artisanales qui n'a aucune
responsabilité dans le processus.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Bernard Joly.
Par ailleurs, le quasi-monopole du secteur de l'équarrissage détenu par
quelques entités qui se partagent l'activité conduit à s'interroger sur les
rapports entretenus avec certains membres de la filière et sur les conditions
d'une véritable concurrence.
Lors de l'examen de l'amendement précité, je développerai plus avant mon
propos.
(Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Vecten.
M. Albert Vecten.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
depuis plus de quinze ans que je siège dans cette assemblée, je n'ai eu que
très rarement l'occasion d'intervenir pour évoquer la situation du département
de la Marne dans lequel je suis élu en qualité de sénateur et de président du
conseil général.
Et je ne serais pas intervenu aujourd'hui si, ces derniers temps, un certain
nombre de contre-vérités n'avaient circulé concernant justement la Marne, son
conseil général et, surtout, sa « vignette 51 ».
(Exclamations amusées sur diverses travées.)
Jusqu'alors, le chiffre 51 n'avait jamais provoqué d'émotion
particulière, dans nos rangs ou parmi nos concitoyens ; 51, c'était simplement,
pour les amateurs de boissons anisées, l'évocation d'un breuvage apéritif fort
réputé.
(Sourires.)
Seulement voilà, lorsque, le 4 juillet 1996, le quotidien
Le Monde
titrait en première page : « Une 51, sinon rien ! », c'était pour évoquer non
pas ladite boisson, mais, plus prosaïquement, la vignette marnaise, la
désormais fameuse « vignette 51 ».
Avec nettement moins d'humour, la presse a eu récemment l'occasion de
reprendre sa plume inspirée pour évoquer désormais « la troisième bataille de
la Marne ». Cette bataille aurait été déclarée par les députés Didier Mingaud
et Augustin Bonrepaux, qui ont déposé à l'Assemblée nationale, le 2 avril
dernier, un amendement au projet de loi portant diverses positions d'ordre
économique et financier.
Cet amendement avait en effet deux objectifs : premièrement, fixer un tarif
plancher pour la vignette et, deuxièmement, retenir le lieu d'utilisation
habituelle d'un véhicule comme critère d'immatriculation et donc de paiement de
la vignette.
A un jour près, on aurait pu croire à un amusant poisson d'avril ! Hélas ! ce
n'en était pas un. Mais je reviendrais tout à l'heure sur ces deux propositions
qui, semble-t-il, ont heureusement fait long feu, au moins pour la première
d'entre elles.
Avant d'entrer dans ces détails techniques, je tiens à vous dire que je n'ai
personnellement jamais eu l'intention d'engager une quelconque bataille. Je ne
suis pas d'un tempérament belliqueux et j'espère qu'il est encore possible, de
nos jours, de débattre des questions de fiscalité locale sans déclencher une
guerre, fût-elle féodale.
Je me souviens encore qu'en 1988, lorsque j'avais interrogé ici le ministre de
l'intérieur de l'époque, M. Pierre Joxe, sur la possibilité pour un département
de supprimer la vignette, celui-ci m'avait demandé de renoncer à mon « funeste
projet ». Certains collègues m'avaient, pour leur part, dans les couloirs de
cette maison, reproché de « gâcher le métier » en osant proposer ainsi la
suppression d'un impôt.
Le même ministre de l'intérieur m'avait, à mots à peine couverts, menacé de
représailles, évoquant notamment un réexamen de l'indexation de la dotation
globale de fonctionnement si je maintenais ma proposition devant l'assemblée
départementale.
Je vous avouerai que je n'en ai gardé aucune rancune. D'ailleurs, quatre jours
après cette admonestation, je présentais, lors de la séance d'ouverture de la
session d'orientation budgétaire du conseil général de la Marne, ma proposition
de supprimer la vignette dans notre département.
Quatre raisons, au moins, me semblaient alors justifier un tel choix.
En premier lieu, le conseil général, profitant d'une conjoncture favorable sur
les marchés financiers, venait de renégocier sa dette avec les organismes
bancaires. Il me semblait juste, dès lors, de faire profiter les contribuables
marnais des économies que nous parvenions ainsi à réaliser grâce à notre
gestion rigoureuse.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Albert Vecten.
En deuxième lieu, en milieu rural, particulièrement dans un département où les
distances sont très importantes, les familles sont souvent, aujourd'hui, dans
l'obligation de posséder au moins deux véhicules pour leurs déplacements
professionnels. La vignette, dans ce cas, apparaît comme un impôt injuste. La
mesure que je proposais allait donc dans le sens de la justice fiscale et de
l'aménagement rural.
En troisième lieu, il faut se rappeler qu'à l'origine la vignette était un
impôt provisoire, créé en 1956 par un certain Paul Ramadier et destiné à
financer les retraites minimales à travers le Fonds national de solidarité. En
proposant de supprimer un impôt « provisoire », je n'avais donc pas le
sentiment de faire une proposition révolutionnaire !
Enfin, en quatrième lieu, la vignette est le seul impôt dont le produit va en
totalité, depuis 1984, aux départements. En proposant de supprimer la vignette,
je souhaitais donc également contribuer à la simplification administrative.
Là encore, rien de révolutionnaire : cela a été dit cet après-midi, la
simplification administrative figure en bonne place dans le programme de tous
les partis politiques de l'Hexagone, et ce depuis des décennies.
La suite est connue. Il m'appartient cependant de rétablir quelques
vérités.
En 1988, l'assemblée départementale marnaise n'a pas suivi ma proposition de
supprimer la vignette mais elle a consenti deux baisses successives de 10 p.
100, l'une en 1989 et l'autre en 1990. Depuis lors, avec un tarif de base de
146 francs, la vignette marnaise est la moins chère de France.
MM. Philippe Marini et Jean Delaneau.
Bravo !
M. Albert Vecten.
Cette baisse de la vignette a privé le conseil général, entre 1990 et 1995, de
près de 20 millions de francs de recettes annuelles.
M. Jean Chérioux.
Mais c'était un bon placement !
M. Albert Vecten.
Nous avons pu nous le permettre, non pas parce que le département de la Marne
est plus riche que les autres...
M. Philippe Marini.
Parce qu'il est bien géré !
M. Albert Vecten.
... mais parce que nous avons fait, depuis la décentralisation, un effort de
gestion rigoureuse des fonds publics.
M. Jean Delaneau.
Qu'est-ce que ce devait être avant !
(Sourires.)
M. Albert Vecten.
Le département de la Marne n'est pas plus riche que les autres puisque son
potentiel fiscal par habitant était de 1 325 francs en 1997, soit 10 % de moins
que la moyenne nationale, qui s'élevait à 1 472 francs.
Le département de la Marne peut en effet se prévaloir de pratiquer la
fiscalité la plus légère de France : son taux de taxe professionnelle est
également le plus faible de France - il est de 3,72 %, contre un taux moyen
national de 6,77 % - et les prélèvements annuels par habitant sont les plus bas
de notre pays, avec 1 502 francs par habitant, contre une moyenne nationale de
2 127 francs.
Si le conseil général peut se prévaloir d'un tel niveau de fiscalité, sans
pour autant être plus riche que les autres, c'est tout simplement parce qu'il
est géré d'une manière très rigoureuse.
M. Jean Delaneau.
Merci pour les autres !
(Sourires.)
M. Albert Vecten.
Cependant, loin de moi d'idée de vouloir donner des leçons de bonne gestion.
Je n'ai jamais attendu qu'on me tresse des lauriers ! Et quand le quotidien
Libération
écrit que je gère le conseil général avec « un bon sens de
paysan », ou même avec « une philosophie de bougnat », ...
M. Philippe Marini.
C'est un beau compliment !
M. Henri de Raincourt.
Surtout venant de
Libération
!
M. Albert Vecten.
... je me contente fort bien de ces appréciations !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Très bien !
M. Albert Vecten.
Il convient aussi de souligner que les dépenses de fonctionnement du conseil
général sont, dans la Marne, les plus faibles de France : en 1997, elles
s'élevaient à 1 817 francs par habitant contre une moyenne nationale de 2 770
francs.
De même, les frais de personnel par habitant s'élèvent à 200 francs contre une
moyenne de 394 francs. Chacun peut trouver tous ces chiffres dans les
statistiques du ministère de l'intérieur ou dans celles qui sont rassemblées
par l'association des présidents de conseils généraux.
J'ajoute que, tout en maîtrisant ses charges de fonctionnement, la Marne
conduit une politique d'investissement ambitieuse.
C'est ainsi que, en 1997, les dépenses d'investissement représentaient 49,8 %
du total de notre budget, contre une moyenne nationale de 31,9 %. Cette même
année, le conseil général a consacré à l'investissement 1 801 francs par
habitant, contre une moyenne nationale de 1 298 francs. Il a notamment engagé
la réalisation de la première plate-forme européenne multimodale de fret,
Europort Vatry, qui représente à elle seule un investissement de 1,2 milliard
de francs.
Pour en finir avec les chiffres, je rappellerai qu'en 1997 le conseil général
de la Marne était toujours seize fois moins endetté que la moyenne des autres
départements, avec une dette par habitant de seulement 159 francs.
Que reproche-t-on vraiment au département de la Marne ?
Si, essentiellement à partir de 1996, le nombre d'immatriculations dans notre
département a fortement augmenté, c'est parce que les entreprises de location
et de transport ont elles-mêmes calculé les économies qu'elles pouvaient
réaliser en immatriculant leur parc de véhicules dans la Marne et en y
acquittant donc non seulement la vignette mais également la taxe sur les cartes
grises, dont le produit va au conseil régional.
La loi offrant une certaine possibilité de choix quant au lieu
d'immatriculation, pourquoi ces entreprises se seraient-elles privées de
réaliser des économies tout à fait légales ?
Face à ce phénomène, certains ont cependant jugé que le système de la
vignette, avec ses tarifs variables d'un département à l'autre, était injuste.
Mais n'en est-il pas de même pour les autres taux de fiscalité locale ?
Pensez-vous qu'il soit juste d'acquitter, selon son lieu de domiciliation, un
taux de taxe d'habitation qui peut varier du simple au double ? Pensez-vous
qu'il soit juste pour les entreprises d'acquitter un taux de taxe
professionnelle variant, pour sa part départementale, de 3,72 % dans la Marne à
6,77 % en moyenne dans les autres départements ?
En fait, je le dis bien haut, le département de la Marne n'a jamais eu
l'intention de pratiquer une quelconque politique de dumping fiscal ! Les
conseillers généraux marnais n'ont jamais eu, non plus, l'intention de
transformer leur territoire en paradis fiscal !
Notre seul péché a été de vouloir baisser les impôts. Est-ce vraiment
condamnable ?
M. Philippe Marini.
Certainement pas !
M. François Lesein.
C'est la liberté !
M. Albert Vecten.
Je ne le pense pas.
Pendant longtemps, la question de la fiscalité a été abordée de manière
totalement absurde et anti-économique dans notre pays : lors de l'élaboration
d'un budget, on prévoyait d'abord les dépenses et l'on ajustait les recettes en
conséquence, toujours en augmentant les impôts.
Aujourd'hui, nos concitoyens sont las de ce recours systématique et trop
facile à l'impôt. Ces derniers jours, devant les attaques contre la vignette
marnaise, le quotidien de notre région,
l'Union,
a lancé une grande
pétition citoyenne : « Touche pas à ma vignette ». Cette pétition a recueilli
plus de 12 000 signatures !
Loin de moi l'idée de tenir sur ce sujet un discours démagogique. Bien sûr, il
n'existe pas de démocratie sans impôt. Pour autant, nous savons aussi que trop
d'impôt finit par tuer l'impôt.
M. Henri de Raincourt.
C'est vrai !
M. Albert Vecten.
Pis, trop d'impôt peut finir aussi par tuer la vitalité d'une économie.
M. Henri de Raincourt.
C'est vrai aussi !
M. Albert Vecten.
Pour ma part, je ne défends pas le
statu quo.
Le problème actuel de la
vignette interpelle chacun d'entre nous. Et je serai très satisfait si cela
permet d'engager une véritable réflexion sur une profonde réforme de la
fiscalité locale de notre pays.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Très bien !
M. Albert Vecten.
Même si certains pensent actuellement que le Sénat est une « anomalie parmi
les démocraties », je m'en remets, pour ma part, à la sagesse de cette
assemblée pour refuser les bricolages de circonstance.
M. Hilaire Flandre.
Très bien !
M. Albert Vecten.
A l'Assemblée nationale, deux députés avaient déposé un amendement proposant
de fixer un tarif plancher national pour la vignette. Cette proposition portait
une grave atteinte à l'esprit même de la décentralisation, mettant en cause le
principe de libre administration des collectivités locales. Le Gouvernement
l'ayant lui-même rejeté, je n'insisterai pas.
Toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous êtes engagé à proposer par
la voie réglementaire une réforme du régime d'immatriculation des véhicules. Le
lieu d'immatriculation devrait désormais être le lieu de stationnement habituel
des véhicules.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Absolument !
M. Philippe Marini.
Qu'est-ce que cela veut dire ?
M. Albert Vecten.
Pour ma part, je m'opposerai à cette proposition, et ce pour au moins trois
raisons.
Tout d'abord, elle me paraît inapplicable. En effet, comment déterminer le
lieu de stationnement habituel d'un camion qui fait du transport international
ou d'un véhicule de location ?
M. Philippe Marini.
Un véhicule, ça bouge !
M. Albert Vecten.
Ensuite, je juge que cette proposition est un simple « bricolage » du code de
la route et je refuse de cautionner une telle pratique.
Enfin, cette proposition aura pour seul effet de revenir à la situation
antérieure, lorsque le département de Paris bénéficiait d'une véritable rente
de situation grâce à la vignette des grandes sociétés de location, au motif que
leurs sièges sociaux se trouvaient dans la capitale.
M. Jean Chérioux.
N'en profitez pas pour attaquer Paris !
M. Albert Vecten.
Etait-il juste que Paris, avec 3,6 % de la population concernée, ait perçu, en
1990, 7,2 % du produit national de la vignette, soit 836 millions de francs ?
Personne n'avait alors parlé d'injustice fiscale, et pourtant des départements
comme la Seine ou les Hauts-de-Seine...
M. Jean Chérioux.
Il n'y a plus de département de la Seine !
M. Albert Vecten.
... ne sont pas, à ma connaissance, parmi les plus pauvres de France : le
potentiel fiscal des Hauts-de-Seine, par exemple, est de 3 964 francs, soit
plus de deux fois supérieur à la moyenne nationale.
Mais je ne veux pas ajouter à la polémique stérile. Je demande seulement que
la question de la vignette soit étudiée dans le cadre d'une véritable réforme
de la fiscalité locale. N'ayant pas l'habitude de pratiquer la langue de bois,
je ne cache pas que je serai favorable à toute solution qui tendra à une
simplification du système actuel, cette simplification passant notamment, à mon
sens, par la suppression de la vignette.
M. François Lesein.
Très bien !
M. Albert Vecten.
J'attends avec impatience une proposition du Gouvernement dans ce sens, même
si je sais que celui qui engagera une telle réforme devra accepter à son tour
d'être accusé de « gâcher le métier ».
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, après l'intervention de ma collègue et amie
Marie-Claude Beaudeau, je souhaite évoquer plus particulièrement le titre III
de ce projet de loi.
Celui-ci se caractérise, comme de nombreux DDOEF qui l'ont précédé, par de
nouvelles atteintes au service public. Je veux parler ici, vous l'aurez
compris, des articles 35, 36 et 37 du projet, qui sont relatifs à Gaz de
France, à la compagnie nationale Air France et à la société nationale des
poudres et explosifs, la SNPE.
Le processus de privatisation, enclenché en 1986, puis relancé en 1993, n'est
pas interrompu, malgré le rejet de cette politique manifesté par les Français
lors des élections législatives de 1997.
Après France Télécom, Thomson, le GAN-CIC - et l'on entend maintenant parler
de l'Aérospatiale - l'engagement du gouvernement de la gauche plurielle de
cesser toute privatisation est aujourd'hui confronté au mécontentement et à la
frustration légitime des salariés du secteur public.
En fait, il nous semble bien que le souci de renflouer les caisses de l'Etat
pour satisfaire aux critères de Maastricht se conjugue avec l'adhésion à un
véritable projet politique de déstructuration et de déréglementation de notre
économie, au profit des marchés financiers, par le biais de la
privatisation.
Les propositions du Gouvernement, s'agissant de Gaz de France, d'Air France et
de la SNPE me conduisent à formuler trois observations.
D'abord, je m'interroge : l'apport de capitaux peut-il permettre au service
public de mieux assumer ses missions d'intérêt général ? Nous pensons que
non.
Les investisseurs privés n'acceptent de participer au capital d'une entreprise
que dans la mesure où la liquidité est assurée et la rentabilité immédiate et
maximale. Or, selon nous, les missions de service public exigent une politique
à long terme privilégiant les critères sociaux, humains et environnementaux et
non les seuls paramètres financiers.
Certes, une entreprise publique n'a pas pour seule vocation de demeurer
déficitaires, pour faire la preuve de sa fidélité à ses missions...
M. Alain Lambert.
rapporteur.
Ah, c'est rassurant !
M. Pierre Lefebvre.
... mais elle n'a pas non plus pour objectif de faire du profit comme toute
entreprise privée.
On me rétorquera que, si l'Etat reste majoritaire dans le capital, le
caractère public de la société est sauvegardé.
En vérité, nous le savons tous, le lien entre répartition du capital, d'une
part, mode de gestion, d'autre part, n'est pas purement quantitatif. Il est
aussi, et avant tout, qualitatif.
Le ou les opérateurs publics, présents à 51 % dans le capital d'une
entreprise, peuvent se retrouver totalement subordonnés aux fluctuations
boursières des actions des 49 % restants.
Les libéraux pourront prétendre que le secteur public sera ainsi ramené à la
réalité du marché. Cependant, l'évolution de la Bourse constitue-t-elle
véritablement un indicateur de la réalité de notre économie ? J'en doute
lorsque je compare l'explosion des marchés financiers depuis quinze ans à
l'atonie de notre système productif sur la même période.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Très bien !
M. Pierre Lefebvre.
La réponse, selon nous, réside au contraire dans la démocratisation de notre
service public par l'octroi aux salariés concernés des moyens de mieux
contrôler et de mieux intervenir dans le processus de production et dans la
gestion des investissements.
Il est tout aussi évident, en effet, au regard des expériences passées, qu'une
entreprise nationalisée n'est pas en elle-même nécessairement et
systématiquement acteur de progrès social.
La rénovation de notre service public passe aussi par le dialogue social au
sein des entreprises et par des pouvoirs accrus du personnel et des usagers.
D'autres solutions existent pour assurer le développement économique du
secteur public, à condition évidemment de sortir définitivement de la pensée
unique et libérale. On peut envisager, notamment, la création d'accords
industriels et commerciaux avec des entreprises dont les activités sont
complémentaires et les intérêts réciproques. La place des institutionnels
publics pourrait être revalorisée par l'apport de capitaux propres. De même, on
pourrait recourir aux institutions financières et de crédit dont le rôle serait
réorienté en faveur de l'emploi, de la relance économique et de l'efficacité
sociale.
Bien évidemment, cela implique une autre perspective que celle de la monnaie
unique et nous oblige à rompre radicalement avec l'entêtement libéral.
Je voudrais maintenant m'attarder sur une autre idée reçue relative aux
prétendus bienfaits de la concurrence.
Nous repoussons l'argument selon lequel l'ouverture à la concurrence d'un
monopole public permettrait un accès plus large des usagers à certains services
et éviterait de surcroît les abus de position dominante.
L'une des règles fondamentales du service public est la péréquation tarifaire
et l'égalité de traitement pour tous les usagers. En revanche, la concurrence,
par définition, engendre l'inégalité et l'exclusion, car l'offre de service
d'un opérateur privé est tributaire de la solvabilité du client et de la
rentabilité de ses capitaux.
La légitimité de tout monopole public repose sur sa capacité à satisfaire la
demande des usagers en minimisant les coûts. Tout manquement aux missions de
service public reflète, le plus souvent, une démission de la puissance
publique.
Imputer les faiblesses du secteur public à sa nature même est donc erroné et
pernicieux, car celles-ci résultent d'un désengagement de l'Etat, financier
mais aussi politique et démocratique.
Il serait trop simple, aujourd'hui, de critiquer l'incapacité du secteur
public à accomplir ses missions alors que les politiques n'ont pas créé les
conditions nécessaires pour mieux assurer leur fonction de contrôle et
d'orientation.
Les insuffisances des services publics, au lieu de donner raison aux libéraux
et aux « privatiseurs » de tout poil, les accablent et les accusent.
Enfin, on prétend que tout accord international est impossible quand il s'agit
d'une société d'Etat comme la SNPE.
Ainsi, une entreprise publique n'aurait aucune chance de négocier des
partenariats avec des sociétés étrangères, parce qu'elle serait publique ?
Des entreprises nationales ont pourtant montré au contraire qu'elles pouvaient
se développer sur les marchés mondiaux et conquérir des parts de marché au même
titre que des entreprises du secteur privé.
Ensuite, par la mise en valeur des compétences technologiques et industrielles
acquises dans le cadre de l'économie française, des groupes étrangers auraient
tout à gagner à s'associer avec un groupe public.
Il conviendra d'être vigilant sur la nature et la forme de ces accords afin
qu'ils ne tendent pas à satisfaire des stratégies de domination et
d'appropriation à long terme.
En conclusion, je sollicite le Gouvernement, au nom du groupe communiste
républicain et citoyen, pour que soit interrompu tout processus de
privatisation et, par la même occasion, je rappelle notre proposition en faveur
d'un grand service public de l'eau. Cela devient une exigence.
Face à ce que nous ressentons comme une offensive libérale, nous appelons à la
démocratisation et à la rénovation du service public et non à son abandon.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, au terme d'un échange de grande qualité, je relève la diversité des
propos échangés, mais quoi de plus normal dans notre France diverse ?
Au risque de paraître bien immodeste, je reprendrai le propos de M. Lesein,
qui voit dans ce texte l'un des meilleurs DDOEF de la décennie. Il s'agit, en
effet, d'un bon cru, monsieur Lesein, et le compliment est mérité car, si
j'ajoute aux quarante-sept articles du projet de loi initial les quinze qui ont
été insérés par l'Assemblée nationale, j'obtiens un total de soixante-deux
articles, c'est-à-dire moins que les soixante-dix-sept articles du texte de
1997, qui avait, à l'époque, suscité quelques critiques de la part du Président
de la République !
Heureusement, pour éviter que le Gouvernement ne s'endorme sous les
compliments, M. Camoin a eu la gentillesse de critiquer vigoureusement le
projet de loi et, ne trouvant peut-être pas suffisamment de prise sur ce
texte-là, s'est lancé dans une critique d'ensemble des budgets passés, présents
et à venir présentés par le Gouvernement.
Le débat d'orientation budgétaire vous montrera, je l'espère, que le
Gouvernement n'est pas optimiste, mais qu'il est résolu à renforcer la
croissance solidaire. Vous constaterez également, quand nous aurons l'occasion
d'en débattre, que les perspectives de croissance, de rentrées fiscales et de
baisse du chômage sont réalistes. A cet égard, je fais volontiers mien le
propos de M. Régnault, qui résume bien la situation économique actuelle : les
indicateurs sont au vert !
Je vais maintenant reprendre les différents volets sur lesquels les orateurs
ont fait porter leurs interventions, en commençant par la simplification.
M. Arnaud a exprimé sa « satisfaction ». M. Raffarin, orfèvre en la matière, a
parlé de « bonne action », avançant l'idée, au demeurant intéressante, d'un
bilan simplification-complexité. Dans quatre ans, nous aurons l'occasion, je
pense, de dresser ensemble ce bilan car, en matière de simplification, Mme
Lebranchu vous présentera des propositions tout à fait spectaculaires.
M. Raffarin a par ailleurs évoqué, à juste titre, les droits de l'entreprise.
Cependant, qu'il s'agisse des entreprises ou des simples particuliers, on ne
peut considérer les droits sans les devoirs, et l'on doit parfois insister sur
ceux qui pèsent sur l'entreprise dans les domaines économique et social afin
que l'équilibre entre les droits et les devoirs soit maintenu.
M. Régnault, parlant de consensus, a insisté, après M. Raffarin, sur le fait
qu'il ne suffit pas à une entreprise de naître : il lui faut encore, si je puis
dire, parvenir au stade du sevrage, c'est-à-dire dépasser l'âge difficile de
cinq ans.
Il y a là, selon moi, un dossier sur lequel, dans l'esprit de consensus qu'a
prôné M. Régnault, nous pourrions travailler - et quand je dis « nous », je
veux dire l'Etat, les collectivités locales, les chambres consulaires et les
banques - de façon que la mortalité infantile des PME diminue dans notre
pays.
Vous l'aurez remarqué, le Gouvernement a récemment tiré des recettes de la
vente d'une partie minoritaire du capital de France Télécom, soit une somme de
650 millions de francs, qui va permettre de compléter les efforts privés dans
le domaine du capital-risque, efforts qui, tout en étant non négligeables, sont
encore insuffisants.
J'en suis persuadé, une telle initiative permettra à de nombreuses jeunes
entreprises d'atteindre l'âge adulte, comme nous le souhaitons.
M. Régnault a aussi mentionné la simplification du système comptable pour les
très petites communes, ce que l'on appelle la M 14.
Cette comptabilité a été prévue, il est vrai, pour les communes de toute
taille et pose quelques problèmes aux plus modestes d'entre elles. Sachez,
monsieur Régnault, que le Gouvernement sera particulièrement attentif aux
travaux actuellement menés par les associations d'élus sur ce sujet.
Toujours sur le thème de la simplification, je rassure Mme Beaudeau, qui a
critiqué une disposition relative aux emplois occasionnels : le fait de
simplifier leur gestion n'a pas pour but de rendre ces emplois plus précaires
qu'ils ne le sont déjà ; au contraire, le Gouvernement souhaite que cette
gestion simplifiée soit conduite avec les partenaires et les organismes
sociaux, de façon que ces emplois occasionnels, qui sont répandus dans
certaines activités, notamment saisonnières, bénéficient à l'avenir d'une
meilleure protection sociale.
J'en viens maintenant aux questions relatives à l'euro et à certaines mesures
de modernisation financière.
Là encore, je relève la satisfaction de M. Régnault, sentiment qui est sans
doute partagé par d'autres de ses collègues. Notre pays fait en effet partie
des onze pays qualifiés pour la monnaie unique, ce qui n'était pas évident il y
a un an. Nous devons donc nous en réjouir collectivement.
M. Régnault a soulevé avec une grande sagacité le problème de l'adaptation des
entreprises petites et moyennes à l'euro. Il est vrai que certaines d'entre
elles ont attendu que la décision soit irréversible pour chercher à en mesurer
les conséquences sur leur propre activité.
Le Gouvernement est d'ores et déjà très attentif à la préparation des
entreprises au passage à l'euro, l'échéance étant fixée au 1er janvier 1999.
Une charte de préparation des PME à l'euro a été signée, voilà un mois, entre
l'Etat et vingt-deux organisations représentatives, la fédération nationale des
syndicats d'exploitants agricoles, les chambres de commerce et les banques,
notamment : des engagements ont été pris pour diffuser l'information nécessaire
et pour sensibiliser les PME à l'échéance du 1er janvier 1999. Les commissaires
aux comptes, qui ont un rôle particulièrement important, se sont engagés à
faire un effort d'information sur l'avenir auprès des entreprises au moment où
elles clôtureront leurs comptes de l'année 1997. Les banquiers se sont
également mobilisés sur ce point.
Il s'agit là d'un effort collectif pour aller dans le sens que vous souhaitez,
comme, d'ailleurs, l'ensemble de la Haute Assemblée.
Par ailleurs, un serveur Internet et des numéros verts gérés par le ministère
de l'économie, des finances et de l'industrie sont au service des PME.
La gestion de fait, que vous avez abordée, monsieur Régnault, est un sujet
très délicat d'un point de vue juridique. Il faut procéder, sur ce point, à une
expertise conjointe des ministères concernés, à savoir le ministère de
l'économie et des finances, le ministère de l'intérieur et le ministère de la
justice. J'ai pris bonne note de votre souhait en la matière.
Madame Beaudeau, vous avez déclaré que la réduction des déficits va à
l'encontre de la croissance. Cela était vrai, nous devons le reconnaître, en
1995, lorsqu'un coup de frein brutal à la consommation a arrêté net le
processus de reprise qui était en cours. Mais le Gouvernement - nous avons déjà
eu l'occasion d'en débattre - veut réduire les déficits sans aller à l'encontre
de la croissance mais grâce à celle-ci. Il s'agit d'affecter une partie des
ressources issues d'un retour à la croissance à la réduction des déficits.
Telle est la politique menée par le Gouvernement. Nous en reparlerons lors du
débat d'orientation budgétaire.
Puisque vous avez insisté sur un aspect particulier mais très important du
budget de l'éducation nationale, je vous rappelle que le montant des intérêts
de la dette dans le budget de l'Etat est égal au budget de l'éducation
nationale. Nous ne pouvons donc à la fois accroître les intérêts de la dette et
le budget de l'éducation nationale. Il est de l'intérêt de tous d'accroître
celui-ci - telle est bien l'orientation du Gouvernement - et de limiter
progressivement, d'ici à la fin du siècle, la progression de la dette publique,
qui mange, si je puis dire, des marges de manoeuvre.
Vous avez évoqué des créations d'emploi, dans le domaine de l'enseignement,
pour la Seine-Saint-Denis. Une telle mesure relève non pas du cadre juridique
d'un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et
financier mais, aux termes de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi
organique relative aux lois de finances, d'un projet de loi de finances. Nous
aurons donc l'occasion de revenir sur ce point lors des prochains débats
budgétaires.
En ce qui concerne le secteur public, la Haute Assemblée a été témoin d'un
débat en son sein. En la matière, la position du Gouvernement est assez claire.
La Société nationale des poudres et explosifs a été évoquée d'abord sous
l'angle de la Charente, par MM. Arnaud et Raffarin, puis sous un angle plus
général, par M. Lefebvre.
Dans le domaine des industries de l'espace et de la défense, nous sommes
confrontés à la formidable concurrence de géants américains. Rester immobile,
ce serait consentir à être dominé par cette industrie d'outre-Atlantique. Il me
semble important d'appliquer avec nombre de précautions, notamment dans le
domaine social, l'adage selon lequel l'union fait la force. En l'occurrence,
c'est la seule façon de ménager et même de retrouver le chemin de la création
d'emplois dans notre pays en général et en Charente en particulier.
Il a été question de Gaz de France. Nous aurons l'occasion d'y revenir. M.
Lesein a dit que l'on consolidait Gaz de France. C'est, me semble-t-il, une
réponse aux propos de Mme Beaudeau et de M. Lefebvre. M. Régnault a parlé de
l'attachement du Gouvernement et de la majorité qui le soutient à une desserte
plus vaste avec des garanties et des moyens amplifiés ; je vais y revenir dans
un instant. En la matière, la politique du Gouvernement est de préserver le
service public en lui permettant d'évoluer pour faire face à un nouveau
contexte.
Monsieur Régnault, vous avez proposé l'élaboration d'un rapport annuel sur
l'état de la distribution. Il s'agit d'un très bon amendement, qui sera retenu
par le Gouvernement. Vous avez suggéré que, sur le plan de desserte, le conseil
supérieur de l'électricité et du gaz soit consulté. Il est clair que ce souci
de concertation rejoint la volonté du Gouvernement. Vous avez même suggéré, ce
qui était plus difficile à accepter de la part du Gouvernement, de revoir
légèrement à la hausse l'enveloppe d'investissement afin que Gaz de France
puisse déployer ses activités vers des communes où la rentabilité n'est pas
avérée, mais où la volonté de service public du Gouvernement et de sa majorité
doit être affirmée. Je peux vous dire - nous aurons l'occasion d'en débattre -
que le Gouvernement est prêt à ce que 400 millions de francs supplémentaires
sur deux ans y soient consacrés. Ainsi, le périmètre de desserte par Gaz de
France serait étendu à 700 nouvelles communes, ce qui est significatif.
S'agissant de l'exemple particulier de Gaz de France, le respect que le
Gouvernement porte aux entreprises publiques est particulièrement affirmé.
J'en viens à Air France.
A l'évidence, il existe, je le dis en toute courtoisie, un fossé entre la
position de M. Lambert et plusieurs autres sénateurs, qui veulent la
privatisation, et celle du Gouvernement, qui considère que Air France doit
rester dans le secteur public. Comme M. Lefebvre l'a dit en termes excellents,
le fait d'appartenir au secteur public ne constitue pas un handicap dans la
compétition internationale. La France est fière de ses entreprises publiques,
qui comme Gaz de France et Electricité de France, travaillent à l'étranger.
Cela prouve bien que ces entreprises publiques ont une véritable efficacité
économique.
M. Michel Charasse.
En ce qui concerne la régularité des horaires d'Air France, parlons-en de
l'efficacité ! Il est des mots qu'il est préférable de ne pas employer !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Charasse, votre attachement au service public
d'Air France est bien connu !
M. Michel Charasse.
Surtout aux horaires !
(Sourires.)
M. Philippe Marini.
Air France a encore des progrès à faire !
M. Michel Charasse.
S'agissant de ses horaires, c'est scandaleux !
M. Philippe Marini.
Tout à fait !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Enfin, je voudrais rassurer Mme Beaudeau : il n'est
pas question, ni de près ni de loin, que la CNP quitte le secteur public. Ce
qui vous est proposé, c'est que le personnel fonctionnaire qui y travaille
actuellement soit mis à disposition pour dix ans de plus et que, ensuite, la
gestion par la Caisse des dépôts et consignations se fasse en totale
concertation avec le personnel. Très sincèrement, il n'y a aucune menace...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Alors, il faut retirer la CNP de la liste des entreprises privatisables !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
... et les éléments du dispositif doivent rassurer le
personnel de la CNP.
J'en viens au quatrième point, à savoir le volet santé et environnement, et
notamment à la fameuse taxe d'équarrissage.
M. Arnaud, avec l'honnêteté que chacun lui connaît, a dit qu'il ne fallait pas
répéter le fâcheux précédent de 1996. M. Régnault a rappelé que, à l'époque, ce
dispositif avait été pris pour ne pas imposer aux maires la charge d'éliminer
les carcasses abandonnées au hasard des terrains ruraux. Il est clair qu'il
importe de trouver une solution pour éliminer ces farines animales. Nous
examinerons les chiffres : 80 % ou 90 % ; quoi qu'il en soit, le seuil qui a
été fixé par le Gouvernement est suffisamment élevé pour épargner les artisans
importants du secteur de la boucherie et de la charcuterie. Nous reviendrons
sur ce point.
S'agissant de la vignette automobile, M. Vecten a fait un exposé remarquable
en ce qui concerne tant la conviction que l'argumentation. Il a souligné, et
c'est un fait, que dans le département de la Marne, le nombre
d'immatriculations avait augmenté. En effet, celui-ci est passé de 25 000
véhicules en 1989 à 165 000 en 1997.
Le problème, monsieur le sénateur, n'est pas la Marne ; personne n'en veut
particulièrement à ce département, qui a toute sa place au sein de notre
République. Le problème provient du fait que des contribuables trop habiles et
avisés ont profité de la disposition concernée pour localiser dans ce
département des véhicules qui n'y séjourneront jamais. Si 165 000 véhicules
parcouraient chaque année les routes de la Marne, les frais de fonctionnement
seraient considérables !
C'est pourquoi je vous confirme que le Gouvernement propose un dispositif
visant à interdire la localisation fictive des véhicules dans un quelconque
département français. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
M. Hilaire Flandre.
C'était vrai à Paris avant !
M. Philippe Marini.
On sanctionne la bonne gestion !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
J'ai dit : « un quelconque département » ! Donc, les
choses sont claires.
J'en viens aux dispositions diverses, mais importantes.
M. Régnault a ouvert un certain nombre de pistes en ce qui concerne les
réformes fiscales : fiscalité du patrimoine, fiscalité locale, fiscalité des
associations et fiscalité écologique. En la matière, le Gouvernement en est au
stade de la réflexion. Il écoute les idées qui sont émises dans notre pays et
il arrêtera ses choix le moment venu, et il reviendra bien évidemment au
Parlement de prendre les décisions ultimes.
S'agissant des collectivités locales, les idées développées avec insistance
par M. Régnault et qui concernent la péréquation renforcée ainsi que
l'intercommunalité constituent des pistes précieuses, sur lesquelles le
Gouvernement travaille avec une attention particulière et entend débattre
rapidement tant avec les parlementaires qu'avec les associations d'élus.
A l'évidence, certaines communes ne disposent pas des ressources nécessaires
pour leur permettre de développer leur projet de développement et de résoudre
les difficultés générées par un taux de chômage particulièrement important dans
certains quartiers. La péréquation renforcée et l'intercommunalité constituent
incontestablement des pistes pour dégager des ressources supplémentaires en
faveur des communes les plus nécessiteuses.
Je ferai encore deux remarques pour répondre à M. Camoin, et j'en terminerai
là, monsieur le président.
Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, le dispositif Périssol.
Nous avons souhaité le prolonger pour qu'il n'y ait pas, entre l'application
de l'ancien dispositif et la mise en place, sur proposition du Gouvernement, du
futur dispositif, de hiatus qui pourrait porter un coup à l'industrie du
bâtiment, laquelle est importante en termes d'emplois.
Nous aurons l'occasion d'en reparler, mais je voudrais tout de même dire que
ce dispositif est onéreux - il coûtera plus de 2,5 milliards de francs en l'an
2000 - alors que son équité est plus que discutable puisqu'il bénéficie de
façon privilégiée à des ménages qui ne sont pas parmi les plus modestes dans
notre pays. Nous cherchons donc un dispositif, et la Haute Assemblée aura
l'occasion d'en débattre.
En ce qui concerne les quirats, le Gouvernement a décidé, l'an dernier, d'en
proposer la suppression. Le coût de ce dispositif s'élevait à 2 milliards de
francs par an, le coût par emploi sauvegardé ou créé étant de 5 millions de
francs. Ce dispositif n'était donc pas le plus performant. Nous nous étions
engagés à trouver un dispositif de substitution pour soutenir la flotte de
commerce. La mesure proposée va, je crois, dans le bon sens, et les armateurs,
qui ont été associés à cette réflexion, approuvent d'ailleurs le dispositif qui
vous est suggéré. Je crois que, en la matière, nous avons travaillé
correctement, c'est-à-dire dans le sens de l'emploi et de la justice
fiscale.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
réponses que je voulais apporter aux très intéressantes interventions qui se
sont succédé dans cette discussion générale.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du RDSE. - M. Vecten applaudit également.)
M. le président.
La discussion générale est close.
6
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre des relations avec le
Parlement une lettre en date de ce jour par laquelle le Gouvernement, en accord
avec la commission des finances, demande au Sénat de poursuivre la discussion
du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier
le jeudi 7 mai en séance du soir.
Monsieur Poncelet, la commission des finances confirme-t-elle son accord ?
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Monsieur le président, la commission des
finances confirme son accord. Elle saisit d'ailleurs cette opportunité pour
demander à chacun des intervenants de faire un effort de concision, tout en
restant précis, pour éviter que la discussion ne se prolonge trop tardivement
jeudi soir en raison de l'obligation de certains de nos collègues, le lendemain
8 mai, de présider des manifestations.
MM. Henri de Raincourt et Roland du Luart.
Manifestations patriotiques !
M. le président.
Sur cette demande de modification de l'ordre du jour, il n'y a pas
d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
En conséquence, l'ordre du jour de la séance de demain jeudi 7 mai s'établit
comme suit :
A neuf heures trente, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier.
7
DIVERSES DISPOSITIONS
D'ORDRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER
Suite de la discussion
d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi portant diverses dispositions
d'ordre économique et financier.
Nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES
À LA SIMPLIFICATION ADMINISTRATIVE
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - I. - Au premier alinéa de l'article L. 931-20 du code du
travail, les mots : "du montant, entendu au sens du 1 de l'article 231 du code
général des impôts, des salaires versés" sont remplacés par les mots : "du
montant, entendu au sens des règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV
du livre II du code de la sécurité sociale, ou aux chapitres II et III du titre
II du livre VII du code rural, pour les employeurs de salariés visés à
l'article 1144 dudit code, des rémunérations versées".
« II. - Au deuxième alinéa de l'article L. 954 du code du travail, les mots :
"du montant, entendu au sens du 1 de l'article 231 du code général des impôts,
des salaires payés pendant l'année en cours" sont remplacés par les mots : "du
montant, entendu au sens des règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV
du livre II du code de la sécurité sociale, des rémunérations versées pendant
l'année en cours".
« III. - Au premier alinéa de l'article L. 931-20-1, au premier alinéa et aux
troisième (1°) et septième (2°) alinéas de l'article L. 951-1, au premier
alinéa de l'article L. 952-1 et aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 954 du code du
travail, au premier alinéa du I
bis
et au premier alinéa du II de
l'article 30 de la loi de finances pour 1985 (n° 84-1208 du 29 décembre 1984),
ainsi qu'au premier alinéa de l'article 225 du code général des impôts, les
mots : "salaires versés" ou "salaires payés" sont remplacés par les mots :
"rémunérations versées" et le mot : "salaires" par le mot : "rémunérations".
« Au troisième alinéa de l'article 225 du code général des impôts, le mot :
"appointements" est remplacé par le mot : "rémunérations".
« III
bis.
- 1° Au premier alinéa de l'article L. 313-1 du code de la
construction et de l'habitation, les mots : "salaires payés" sont remplacés par
les mots : "rémunérations versées" ;
« 2° A l'article L. 313-5 du code de la construction et de l'habitation, les
mots : "salaires payés" et "paiement des salaires" sont respectivement
remplacés par les mots : "rémunérations versées" et "versement des
rémunérations".
« IV. - Les dispositions des I, II, III et III
bis
s'appliquent aux
rémunérations versées à compter du 1er janvier 1998". »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er
M. le président.
Par amendement n° 46, M. Arthuis et les membres du groupe de l'Union centriste
proposent d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé
:
« Après le premier alinéa de l'article 1473 du code général des impôts, il est
inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'application du présent article, les salaires versés sont rattachés à
l'établissement où les salariés reçoivent des instructions pour l'exécution de
leur travail et où ils rendent compte de leur activité. »
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
Cet amendement prolonge en quelque sorte la problématique sur la vignette
acquittée dans le département de la Marne, évoquée tout à l'heure excellemment
par M. Vecten, qui nous avait invités à une réflexion approfondie et globale
pour éviter de fausses fenêtres et de mauvaises réponses.
Il pose le problème des transferts de ressources liées à la vignette
proprement dite, transferts qui, dans certains cas, peuvent être jugés abusifs.
Mais au-delà, nombre de ces véhicules constituent des assiettes de taxe
professionnelle se déplaçant d'une commune française vers une commune de la
Marne et de tel département métropolitain vers le département de la Marne. Il
est donc bon que nous ayons une approche globale.
Comme chacun le sait, le poids de la taxe professionnelle doit baisser. Les
collectivités territoriales, notamment en Mayenne, s'engagent dans des pactes
de décrues fiscales. Il faut impérativement réduire les taux dans l'attente
d'une réforme providentielle qui assurerait des compensations de ressources.
La taxe professionnelle a essentiellement une double assiette : une quotité
d'investissement, d'une part, et une quotité de salaires, d'autre part.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais rendre le Gouvernement attentif à
la place que prend aujourd'hui le travail intérimaire dans notre société.
En 1997, le travail intérimaire a progressé de 33 %, et 122 000 emplois y ont
été créés, soit les deux tiers des emplois créés en 1997. Une telle situation
est sans doute liée aux textes relatifs au droit du travail et au caractère
excessif des contraintes pesant sur l'entreprise du fait du contrat de travail.
Il peut y avoir là une sorte de rente pour les sociétés de travail intérimaire.
Il est d'ailleurs impressionnant de constater que 81 % des personnes
interrogées travaillant dans l'intérim estiment que ce dernier est un moyen
très efficace de retrouver rapidement du travail.
L'intérim est donc incontestablement une voie d'avenir qui semble donner
satisfaction aussi bien aux entreprises qu'aux salariés, ce qui est
fondamental. J'observe d'ailleurs que, bien souvent, les sociétés faisant appel
au travail intérimaire développent des pratiques de formation professionnelle
tout à fait adaptées. Elles ont certainement un rôle infiniment plus efficace
que l'Agence nationale pour l'emploi !
M. Hilaire Flandre.
C'est vrai !
M. Jean Arthuis.
Il ne saurait donc être question de mettre en cause le travail intérimaire.
Toutefois, j'ai constaté récemment dans mon propre département que des
entreprises pouvaient être tentées de se livrer à des opérations d'optimisation
fiscale et de déplacer le lieu de la constatation des salaires, et donc de
l'assiette de la taxe professionnelle, dans des communes ou des départements
plus accueillants.
Plusieurs sénateurs du groupe des Républicains et Indépendants.
Dans la Marne !
M. Jean Arthuis.
La Marne représente certainement un lieu privilégié !
Mais j'attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que le titre
II de ce projet de loi portant DDOEF nous invite à mettre en harmonie notre
législation avec le passage à l'euro, qui est un événement fondamental. Or, à
brève échéance, on peut parfaitement imaginer que les sociétés de travail
intérimaire se localisent dans d'autres Etats que la France.
Ma préoccupation, monsieur le secrétaire d'Etat, est donc d'assurer une
certaine stabilité de ces assiettes fiscales, sans quoi nous risquons
d'assister, dans nos communes et dans nos départements, à une évaporation de
l'assiette fiscale qui rendrait plus difficile et périlleuse la démarche
d'abaissement systématique du taux de la taxe professionnelle. Nous devons
défendre celle-ci, mais cela suppose, je le répète, une stabilisation relative
des assiettes de la taxe professionnelle.
A la vérité, je n'ai pas trouvé de rédaction pleinement satisfaisante. L'idéal
serait bien sûr de pouvoir préciser que, si les salaires sont l'un des éléments
de l'assiette de la taxe professionnelle, en cas de travail intérimaire, une
quotité des facturations de travail intérimaire s'ajoute au salaire versé par
l'entreprise. Mais, sur le plan technique, il n'est pas démontré qu'une telle
disposition soit applicable, notamment en ce qui concerne le contrôle.
Ne voulant pas compliquer le dispositif fiscal, je propose donc un amendement
qui n'est que la consécration d'une jurisprudence, en vue de prévenir toute
tentation qui irait à l'encontre de notre volonté de donner de la stabilité à
ces assiettes. Il s'agit de respecter une règle d'équité, qui veut que les
collectivités territoriales bénéficiaires de la taxe professionnelle doivent
être celles qui constituent l'environnement des entreprises concernées et non
pas celles qui abriteraient le bureau, quelquefois virtuel, où sont signés ces
contrats d'intérim. C'est donc un amendement d'appel, invitant le Gouvernement
à nous faire des propositions si, comme nous, il est convaincu de leur
nécessité ; pour l'immédiat, c'est un amendement dont l'objet est de prévenir
les tentations de délocalisations d'assiette de la taxe professionnelle.
Mes chers collègues, je veux vous rendre attentifs à la place prépondérante
que le travail intérimaire prend aujourd'hui en France : en effet, l'essentiel
des emplois créés le sont dans ce cadre.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Il n'est pas simple d'inscrire dans la
loi les préoccupations parfaitement exprimées par Jean Arthuis, préoccupations
qui, je crois, sont partagées sur la plupart de ces travées.
L'enjeu sur lequel notre collègue vient de nous éclairer est capital :
l'assiette fiscale est en train de s'évaporer, disait-il ; en tout cas, elle se
déplace très rapidement, et ce manque de stabilité met en péril l'existence
même des missions que nous exerçons au sein de nos collectivités.
Dieu sait si la commission des finances considère qu'il ne faut intégrer dans
la loi que ce qui est indispensable ! Mais il est des moments où il ne paraît
pas mauvais d'introduire des dispositions stabilisées sur le plan
jurisprudentiel. Les intégrer dans la loi leur confère leur solennité et donne
au Parlement l'occasion, qui n'est pas mince, d'entendre le Gouvernement sur
une question aussi capitale, de mesurer la détermination qui est la sienne pour
faire en sorte que les objectifs qu'il vient d'exprimer puissent être
atteints.
C'est ce qui a conduit la commission des finances à émettre un avis favorable
sur l'amendement n° 46, qui constitue une sorte de validation législative des
principes jurisprudentiels clairement établis jusqu'alors.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur Arthuis, l'inquiétude des
collectivités locales que vous avez exprimée est parfaitement légitime, et
l'appel que vous adressez au Gouvernement en la matière est pleinement entendu.
Il est clair, en effet, qu'existe un risque de délocalisation de l'élément
salarial en matière de taxe professionnelle.
Je voudrais simplement vous rappeler ici - mais vous le savez déjà - que les
critères applicables en la matière ont été fixés par le juge de l'impôt, le
Conseil d'Etat, dans un arrêt du 6 juillet 1990 dont votre amendement reprend
les termes.
Cette jurisprudence est une source à part entière du droit. Elle s'impose à
l'administration comme aux contribuables et devrait normalement, me
semble-t-il, se suffire à elle-même.
Cela étant dit, j'ai entendu votre appel, et je rappellerai donc aux services
compétents, aux entreprises et aux collectivités concernées, par la voie d'une
réponse publiée au
Journal officiel
à une question dont j'ai été saisi
sur ce sujet, les critères applicables en la matière.
Je puis également, le cas échéant, m'engager à publier une instruction
d'application qui interviendrait dans des délais très brefs afin de lever les
ambiguïtés ou les inconnues qui pourraient subsister.
J'ajoute que le fait de procéder à une sorte de validation législative de la
jurisprudence, comme M. le rapporteur général l'a suggéré, aboutirait à
fragiliser quelque peu les décisions prises au nom de cette jurisprudence entre
1990 et 1998. Ce risque ne doit pas être négligé.
Dans ces conditions, une disposition législative ne me semble pas s'imposer à
cet égard, et je vous demande donc, monsieur Arthuis, de bien vouloir retirer
votre amendement afin de ne pas compliquer à l'excès le code général des
impôts, déjà qui est suffisamment complexe.
M. le président.
Monsieur Arthuis, l'amendement n° 46 est-il maintenu ?
M. Jean Arthuis.
Je remercie M. le rapporteur général de l'appréciation qu'il a formulée au nom
de la commission des finances et M. le secrétaire d'Etat de la réponse qu'il
vient d'exprimer devant la Haute Assemblée.
Ne voulant pas encombrer le code général des impôts, dont chacun sait qu'il
souffre de quelques excès rédactionnels, je suis tout à fait disposé à retirer
cet amendement.
Je voudrais simplement vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que la ligne
de résistance fondée sur cette jurisprudence n'a pas empêché le déroulement de
quelques opérations. Il va donc falloir sans doute réaliser dans les meilleurs
délais des redressements à cet égard pour nous apporter la stabilité
nécessaire, compte tenu du poids que prend aujourd'hui l'intérim.
Mais je vous rends attentif au fait qu'il ne faudra sans doute pas en rester
là, car les délocalisations peuvent maintenant se produire dans tous les Etats
membres de l'Union européenne. Il y a donc, me semble-t-il, quelque urgence à
conduire une réflexion de fond et à rechercher des textes législatifs nous
permettant de prévenir de telles tentations.
Vous remerciant des précisions que vous avez bien voulu m'apporter, je retire
mon amendement, sur la foi de votre engagement, monsieur le secrétaire
d'Etat.
M. le président.
L'amendement n° 46 est retiré.
Je suis maintenant saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Les deux premiers sont indentiques.
L'amendement n° 62 est présenté par MM. Hoeffel, Arnaud, Baudot, Bécot,
Bernadaux, Bohl, Dulait, Egu, Grignon, Huriet, Lorrain, Machet, Madelain,
Pourchet et Richert.
L'amendement n° 83 est déposé par MM. Seillier, Louis Boyer et du Luart.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Dans le dernier alinéa de l'article L. 241-10 du code de la sécurité
sociale, les mots : "30 %" sont remplacés par les mots : "60 %".
« II. - Les pertes de recettes résultant de l'application du I sont compensées
à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Les deux amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 95 est présenté par M. Paul Girod.
L'amendement n° 144 rectifié est déposé par MM. Courtois, Souvet, Ostermann,
François, Gélard, de Menou, Fayolle, Vasselle, Ginésy, Delong, Delevoye,
Jourdain et les membres du groupe du RPR.
Tous deux ont pour objet d'insérer, après l'article 1er, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Au dernier alinéa de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, le
pourcentage : "30 %" est remplacé par le pourcentage : "60 %". »
La parole est à M. Hoeffel, pour défendre l'amendement n° 62.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
politique d'aide aux personnes âgées comporte deux volets : un volet
hébergement et un volet aide à domicile. Le coût de ce dernier pour la
collectivité est d'ailleurs infiniment moins important que celui de
l'hébergement, et nous devons rendre hommage à cet égard aux associations
d'aide à domicile et à l'Union nationale des associations de soins et services
d'aides à domicile, l'UNASSAD.
Cependant, des menaces graves pèsent sur l'aide à domicile en raison de deux
facteurs : le blocage par le conseil d'administration de la caisse nationale
d'assurance vieillesse du taux horaire de remboursement de l'aide ménagère à
domicile pour la troisième année consécutive, et la modification de la mesure
de baisse des charges sociales la plus utilisée par les associations
prestataires, celle qui concerne les bas salaires, par la loi de finances pour
1998.
Depuis le 1er janvier 1998, le secteur prestataire d'aide à domicile est
devenu mécaniquement déficitaire du fait du cumul de ces deux mesures.
En janvier 1993, la loi n° 93-121 a instauré un abattement de 30 % des
cotisations patronales de sécurité sociale sur les rémunérations des aides à
domicile employées par les associations agréées au titre de l'article L. 129-1
du code du travail. Cette mesure avait été adoptée en raison d'un déséquilibre
entre l'exonération totale des charges patronales pour les particuliers
employeurs de plus de soixante-dix ans et la situation des associations d'aide
à domicile.
Les simulations faites sur l'augmentation de l'abattement prévu à l'article L.
241-10 du code de la sécurité sociale nécessaire pour compenser l'accroissement
des cotisations de l'URSSAF figurant à l'article 115 de la loi de finances pour
1998 montrent qu'il faudrait désormais un abattement de 60 %.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez déclaré à l'Assemblée nationale qu'il
s'agissait, en l'occurrence, d'un véritable problème auquel le Gouvernement
s'était attelé. Vous est-il possible, en conséquence, de prendre en compte
notre amendement ?
Je rappelle une nouvelle fois que l'aide à domicile revient moins cher à la
collectivité que l'hébergement et qu'il est donc de notre devoir de la soutenir
et de l'encourager en toutes circonstances, notamment à travers un amendement
tel que celui que nous avons déposé.
MM. Philippe Arnaud et François Lesein.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Seillier, pour défendre l'amendement n° 83.
M. Bernard Seillier.
Cet amendement, déposé avec mes collègues Louis Boyer et Roland du Luart, est
identique à celui que M. Hoeffel vient de défendre brillamment.
Je me rallie, par conséquent, à ce dernier et, pour répondre à votre souci de
ne pas allonger les débats, monsieur le président, je retire mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° 83 est retiré.
L'amendement n° 95 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Marini, pour présenter l'amendement n° 144 rectifié.
M. Philippe Marini.
Il s'agit d'un amendement dont l'esprit est identique à celui qui vient d'être
défendu par M. Hoeffel.
L'argumentation développée par notre collègue résume notre préoccupation à
tous. C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, nous souhaitons vivement
que vous puissiez nous apporter des réponses concrètes, car de nombreuses
associations qui ont un besoin légitime d'être rassurées font appel à nous.
Cela étant dit, je me rallie à l'amendement de M. Hoeffel et je retire mon
amendement.
M. le président.
L'amendement n° 144 rectifié est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 62 ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Quatre amendements ont été déposés sur ce même sujet, qui a
été remarquablement exposé par M. Daniel Hoeffel. Cela montre à quel point les
dispositions qui ont été récemment prises posent d'importants problèmes aux
associations prestataires de services auprès des personnes âgées.
Le maintien à domicile demeure le souhait des familles et répond à une
préoccupation humaine que nous partageons tous. Economiquement, c'est aussi la
meilleure solution.
Les associations permettant le maintien à domicile se trouvent cependant dans
une situation préoccupante. La solution qui est préconisée par les auteurs des
différents amendements qui ont été déposés sur ce sujet est donc apparue très
pertinente à la commission des finances, qui se tourne toutefois vers le
Gouvernement pour lui demander si les conséquences financières d'une telle
mesure sont possibles à supporter.
Cela étant - la remarque que je vais faire s'applique à l'ensemble des
amendements qui ont été déposés sur ce texte - dans la mesure où le délai
limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi a été fixé à dix-sept
heures hier soir, il n'a pas toujours été facile, pour la commission des
finances, de connaître le coût de chacune des propositions qui étaient
faites.
Je tiens en tout cas à dire au Gouvernement que la commission des finances a
considéré que les problèmes exposés par M. Hoeffel sont d'une telle acuité
qu'ils justifient un avis favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
A M. Hoeffel et à tous ceux qui se sont exprimés sur
ce sujet, je dirai que l'avis du Gouvernement n'a p
sur les sociétés, de TVA, de taxe professionnelle, de taxe d'apprentissage,
ou d'un certain nombre de soutiens fiscaux aux usagers de ces associations,
tels que le crédit d'impôt pour les ménages, l'exonération de charges sociales
sur la participation des entreprises et les comités d'entreprises qui
contribuent aux dépenses des ménages, l'allocation de garde d'enfants à
domicile, etc.
Le Gouvernement a décidé, pour clarifier la situation, de confier une mission
conjointe à l'inspection générale des affaires sociales et à l'inspection
générale des finances pour qu'un bilan du système d'aides actuel soit dressé.
Cette mission, qui est en cours, rendra prochainement son rapport et nous
pourrons alors effectivement étudier ce qu'il est possible de faire.
Par ailleurs, si nous procédions comme vous le souhaitez, c'est-à-dire si
l'abattement des cotisations sociales sur le travail à temps partiel passait de
30 % à 60 %, nous devrions alors faire face à une revendication immédiate des
entreprises qui exercent aussi cette activité de prestation de services à
domicile et qui demanderaient la même exonération de charges patronales.
Sans différencier trop les associations des entreprises, il me semble que les
associations qui font partiellement appel au bénévolat pour les services
personnels mériteraient d'être distinguées des entreprises qui remplissent la
même activité.
J'ajoute, pour répondre à M. le rapporteur, que le coût de cette mesure pour
les régimes de sécurité sociale serait non négligeable.
Si cet amendement a une bonne inspiration, son dépôt est cependant prématuré
tant que la mission conjointe n'aura pas rendu son rapport.
Dans ces conditions, je vous demande, monsieur Hoeffel, de bien vouloir
retirer cet amendement.
M. Hilaire Flandre.
Le Gouvernement a tort !
M. le président.
Monsieur Hoeffel, entendez-vous l'appel du Gouvernement ?
M. Daniel Hoeffel.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, des éléments de réponse que
vous avez bien voulu nous donner.
Vous avez pris l'initiative de diligenter une mission afin d'aboutir à des
propositions concrètes. Je crois que, en l'occurrence, ce serait plutôt rendre
service au Gouvernement...
M. Hilaire Flandre.
Voilà !
M. Daniel Hoeffel.
... et appuyer fortement son action que d'adopter cet amendement.
M. Hilaire Flandre.
Je suis d'accord !
M. Daniel Hoeffel.
Je ne méconnais pas les contraintes budgétaires qui sont les vôtres, mais
c'est pour mieux vous accompagner qu'il me paraît opportun de maintenir cet
amendement, en vous remerciant encore une fois de tous les éléments que vous
avez bien voulu nous donner et qui montrent que, par rapport à votre réponse à
l'Assemblée nationale, il y a déjà un progrès.
C'est pour vous permettre de mener jusqu'au bout votre action que, en adoptant
cet amendement, le Sénat vous appuiera.
(Rires et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 62, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
M. René Régnault.
Le groupe socialiste s'abstient.
M. Guy Fischer.
Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 1er.
Par amendement n° 169 rectifié, Mme Dieulangard, M. Régnault, Mme
Bergé-Lavigne, MM. Angels, Charasse, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne,
Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer,
après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 241-13 du code de
la sécurité sociale est complétée
in fine
par les mots : "sauf et
jusqu'au 31 décembre 1998, pour les associations agréées au titre de l'article
L. 129-1-1 du code du travail, les organismes habilités au titre de l'aide
sociale ou ayant passé convention avec un organisme de sécurité sociale."
« II. - Les pertes de recettes pour la sécurité sociale sont compensées par
l'institution d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575
et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
discussion d'un DDOEF est souvent l'occasion de braquer le projecteur sur des
dysfonctionnements, des effets pervers, même, qui surgissent de mesures
inspirées par les meilleures intentions.
C'est précisément l'objet de l'amendement que nous avons déposé, qui concerne
les associations d'aide à domicile, tout comme les amendements qui viennent
d'être défendus.
Nous sommes nombreux à avoir voté en faveur de la modification du régime
d'abattement des charges sur les bas salaires, qui instaure notamment une
proratisation de cet abattement pour le travail à temps partiel.
Trop d'abus ont été constatés, notamment dans le secteur du commerce de grande
distribution. Il convenait donc de remédier aux dérives d'un système visant à
encourager des embauches sur la base de salaires mensuels inférieurs à 1,33
SMIC, quelle que soit la durée du travail effectué.
Les associations d'aides à domicile appartiennent à cette catégorie
d'entreprises puisque près de 99 % de leurs salariés, le plus souvent des
femmes, sont employés à temps partiel.
Chacun s'accorde à reconnaître l'importance du rôle de ces associations, qui
garantissent une formation à leurs personnels - ce qui est fondamental,
notamment pour celles qui interviennent auprès des personnes âgées - mais aussi
un statut et une protection sociale moins précaires que dans le cadre de
l'emploi de gré à gré, tout en assurant, aux bénéficiaires de leurs services
une qualité de prestations.
Aujourd'hui, ces structures sont fragilisées par la conjonction de plusieurs
facteurs.
D'abord, la Caisse nationale d'assurance vieillesse, se fondant sur le régime
antérieur d'abattement des charges, a gelé pour la troisième année consécutive
le taux horaire de remboursement de l'aide ménagère à domicile à un niveau par
trop modeste.
Par ailleurs, les premiers mois de la mise en place de la prestation
spécifique dépendance ont montré des écarts d'intervention financière
considérable entre les départements : certains fixent des niveaux de prise en
charge particulièrement bas, alignés sur des coûts pratiqués dans le cadre de
l'emploi de gré à gré.
Il faut rappeler, en outre, que ces emplois de gré à gré bénéficient par
ailleurs d'une exonération totale des charges patronales dès lors que les
employeurs ont plus de soixante-dix ans.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'amendement que nous proposons vise à éviter,
grâce à une mesure transitoire, une trop grande fragilisation des associations
intervenant au domicile des particuliers. Nous souhaitons que ces associations
bénéficient d'un ballon d'oxygène jusqu'à la fin de cette année, en dérogeant à
la proratisation instaurée par l'article 115 de la loi de finances.
Le Gouvernement - vous venez de le rappeler - a demandé que soit établi un
rapport sur les modes de financement et de tarification de l'ensemble de ces
intervenants auprès des particuliers. Il aurait probablement été intéressant
que soit proposé, dans le cahier des charges de ce rapport, un examen plus
global du fonctionnement de ces services, prenant en considération la
formation, l'encadrement, le statut du personnel et la qualité des
prestations.
Cependant, nous ne pouvons que nous féliciter que le Gouvernement ait pris la
décision de commander ce rapport. Il montre ainsi sa volonté et sa
détermination à aider ce secteur.
Mais, en attendant l'exploitation des conclusions dudit rapport, il est urgent
qu'une solution transitoire soit adoptée, qui permette aux associations de
maintenir leur activité, car c'est bien de cela qu'il s'agit : aujourd'hui
elles enregistrent des déficits qui risquent de mettre en péril des emplois
précieux.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il est important que ce DDOEFF permette de
dégager des perspectives pour ces acteurs de la politique d'aide et de maintien
à domicile.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
La commission essaie de répondre à une exigence de cohérence
: compte tenu des explications que j'ai données tout à l'heure sur l'amendement
de M. Hoeffel et sur les suivants, je ne peux qu'émettre un avis favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Madame Dieulangard, vous avez exprimé une émotion
véritable du groupe socialiste, auquel vous appartenez, face au devenir des
associations d'emploi à domicile.
Il est clair que le Gouvernement - je l'ai déjà dit - partage tout à fait
votre souci en la matière. Vous avez d'ailleurs bien voulu reconnaître que le
rapport qui a été commandé sera, à cet égard, une contribution utile, et j'ai
bien noté votre suggestion que les questions de formation et de qualité
comparée des services y soient pleinement explorées.
Cela dit, il n'est pas possible d'accéder à vote souhait que soit mise en
oeuvre une dérogation jusqu'à la fin de l'année 1998.
D'abord, le risque de contagion aux entreprises qui font la même chose serait
très grand. Se pose, ensuite, un problème de coût, dont j'ai déjà parlé. Enfin,
même si l'argument n'est pas très fort, il serait paradoxal d'introduire dans
un DDOEF dont l'un des volets est consacré à la simplification administrative
une dérogation en cours d'année 1998 qui ne faciliterait pas la vie des URSSAF
en charge de sa mise en oeuvre.
Je ne peux donc que confirmer l'attention que le Gouvernement porte à cette
question. Le rapport devrait vous donner satisfaction, madame Dieulangard, dans
la mesure où il dégagera des moyens qui seront ciblés sur les associations
d'aide à domicile.
Cela étant dit, je me vois dans l'obligation de vous demander de bien vouloir
retirer votre amendement, faute de quoi je demanderai son rejet.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, madame Dieulangard ?
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
J'accepte de le retirer, non sans avoir souligné toute l'urgence qu'il y a à
ce que le rapport soit remis et exploité. Il y va manifestement de la survie
d'associations dont on se plaît à reconnaître la qualité du service rendu,
notamment auprès des personnes âgées. Il relève de notre responsabilité de ne
pas mettre la vie de ces associations en danger.
M. Roland du Luart.
Vous avez raison !
M. le président.
L'amendement n° 169 rectifié est retiré.
M. Philippe Marini.
Je le reprends.
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° 169 rectifié
bis.
La parole est à M. Marini, pour le défendre.
M. Philippe Marini.
Les explications qui ont été données tout à l'heure par Mme Dieulangard
étaient excellentes, et la commission des finances a émis un avis favorable.
Je pense que nombre de mes collègues approuvent l'initiative de Mme
Dieulangard, à laquelle je m'associe au nom de mon groupe.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 169 rectifié
bis,
accepté par la
commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 1er.
Articles 2, 3, 3
bis
et 4
M. le président.
« Art. 2. _ L'article 289
bis
du code général des impôts est ainsi
modifié :
« 1° Le II est ainsi rédigé :
« II. _ Les entreprises qui veulent télétransmettre leurs factures doivent
recourir à un système de télétransmission répondant à des normes fixées par
arrêté du ministre chargé du budget.
« En cas de mise en oeuvre d'un système nouveau ou substantiellement modifié,
elles doivent en faire la déclaration préalable auprès de l'autorité
administrative selon des modalités et un modèle de déclaration définis par
arrêté. »
« 2° Au III, après les mots : "sur support papier", sont insérés les mots :
"ou sur support informatique".
« 2°
bis
Au IV, dans le deuxième alinéa, les mots : "des impôts" sont
supprimés.
« 3° Au IV, les troisième, quatrième, cinquième et sixième alinéas sont
remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas d'impossibilité de procéder au contrôle du système ou de manquement
aux conditions posées par le présent article, les agents de l'administration
dressent un procès-verbal. Dans les trente jours de la notification de ce
procès-verbal, le contribuable peut formuler ses observations, apporter des
justifications ou procéder à la régularisation des conditions de fonctionnement
du système. Au-delà de ce délai et en l'absence de justification ou de
régularisation, les factures télétransmises ne sont plus considérées comme
documents tenant lieu de factures d'origine.
« L'intervention, opérée par des agents de l'administration ou sous leur
contrôle conformément au premier alinéa, ne relève pas des procédures de
contrôle de l'impôt régies par les articles L. 10 à L. 54 A du livre des
procédures fiscales. Les procès-verbaux établis en application du présent
article ne sont opposables au contribuable qu'au regard de la conformité de son
système de télétransmission aux principes et normes prévus aux I, II et III. »
-
(Adopté.)
« Art. 3. _ I. _ L'article 87 du code général des impôts est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, les déclarations prévues par les articles
240 et 241 peuvent être souscrites en même temps que la déclaration de
résultats. »
« II. _ Le premier alinéa de l'article 175 du même code est ainsi rédigé :
« Exception faite de la déclaration prévue à l'article 302
sexies,
qui
doit être souscrite au plus tard le 16 février, les déclarations doivent
parvenir à l'administration au plus tard le 1er mars. Ce délai est prolongé
jusqu'au 30 avril en ce qui concerne les commerçants et industriels, les
exploitants agricoles placés sous un régime réel d'imposition et les personnes
exerçant une activité non commerciale, placées sous le régime de la déclaration
contrôlée. »
« III. _ Au deuxième alinéa du 1 de l'article 223 du même code, les mots :
"avant le 1er avril" sont remplacés par les mots : "au plus tard le 30
avril".
« IV. _ A l'article 229, au premier alinéa de l'article 235
ter
GA
bis,
au premier alinéa du II de l'article 235
ter
J et au
deuxième alinéa de l'article 235
ter
KD du même code, ainsi qu'au
premier alinéa du II de l'article L. 951-12 et au deuxième alinéa de l'article
L. 952-4 du code du travail, les mots : "au plus tard le 5 avril" sont
remplacés par les mots : "au plus tard le 30 avril".
« V. _
Supprimé
. » -
(Adopté.)
« Art. 3
bis
. _ Le 4 de l'article 287 du code général des impôts est
complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, ce délai est porté à soixante jours pour les entreprises placées
sous le régime simplifié d'imposition. » -
(Adopté.)
« Art. 4. _ I. _ L'article 39
octodecies
du code général des impôts est
ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa du I, les mots : "l'option pour le régime simplifié
prévue à l'article 267
septies
A de l'annexe II au présent code" sont
remplacés par les mots : "une option pour un régime réel d'imposition" ;
« 2° Au deuxième alinéa du I, les mots : "au régime simplifié" sont remplacés
par les mots : "à un régime réel d'imposition".
« II. _ Il est inséré, dans l'article 302
ter
du même code, un 1
ter
ainsi rédigé :
« 1
ter.
Les entreprises normalement placées sous le régime du forfait
peuvent opter pour un régime réel d'imposition, selon des modalités fixées par
décret en Conseil d'Etat. »
« III. _ Le
a
du III de l'article 302
septies
A
bis
du
même code est ainsi rédigé :
«
a)
Sur option, aux entreprises normalement placées sous le régime du
forfait ; ».
« IV. _ Au troisième alinéa de l'article 302
septies
A
quater
du
même code, le mot : "simplifié" est supprimé.
« V. _ Après les mots : "aux redevables", la fin du premier alinéa de
l'article 282
bis
du même code est ainsi rédigée : "normalement placés
sous le régime du forfait et qui ont opté pour un régime réel d'imposition en
application des dispositions du 1
ter
de l'article 302
ter.
" » -
(Adopté.)
Article additionnel après l'article 4
M. le président.
Par amendement n° 203, MM. Lambert et Marini, au nom de la commission des
finances, proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Le cinquième alinéa du
b
du II de l'article 151
octies
du
code général des impôts est complété par le membre de phrase suivant : "si
l'état manquant ou les renseignements omis ne sont pas produits dans les trente
jours d'une mise en demeure".
« II. - La première phrase du deuxième alinéa du I de l'article 54
septies
du code général des impôts est complétée par le membre de phrase
suivant : "sauf, en ce qui concerne les opérations réalisées à compter du 1er
janvier 1992 sous l'un des régimes prévus par les articles 151
octies
,
210 A, 210 B et 210 D, si l'état est produit dans les trente jours d'une mise
en demeure". »
La parole est à M. Lambert, rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Cet amendement, que j'ai d'ailleurs cosigné avec mon collègue
et ami Philippe Marini, vise à assouplir les sanctions qui sont prévues en cas
de défaut de production de l'état de suivi de plus-value en report
d'imposition, dans la mesure où elles remettent quelque peu en cause la qualité
du dispositif qui a été adopté pour favoriser la mise en société des
exploitations individuelles de toute nature.
La loi fiscale autorise le report d'imposition des plus-values dégagées par
l'apport à la société des élements d'actif non amortissables si l'auteur de
l'apport s'engage à acquitter l'impôt correspondant au moment où il cédera ses
droits sociaux.
Mais, si le contribuable omet - et cela peut être dû à une erreur matérielle -
de joindre à sa déclaration de revenu de l'année de réalisation de l'opération
et des années ultérieures un état de suivi des plus-values dont l'imposition
est ainsi reportée, les plus-values en report d'imposition sont immédiatement
taxées, ce qui est une sanction extrêmement lourde.
De la même manière, si la société bénéficiaire de l'apport omet de souscrire
un état de suivi des éléments auxquels est attaché le report d'imposition, elle
est immédiatement taxée.
Il en est de même, enfin, en cas d'apport soumis au régime des fusions pour
les éléments d'actif non amortissables transférés.
Le présent amendement tend à limiter l'application de ces sanctions au cas où
l'état manquant n'aura pas été souscrit par l'apporteur ou par la société dans
les trente jours d'une mise en demeure.
Il s'agit donc non pas de favoriser une quelconque fraude, mais de permettre à
un redevable qui a commis une omission de la réparer dans le délai de trente
jours.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Le défaut de production de l'état de suivi des
plus-values placées en sursis d'imposition, conformément aux articles 151
octies,
210 A, 210 B et 210 D du code général des impôts, est
effectivement sanctionné, à l'heure actuelle, par l'imposition immédiate de ces
plus-values en sursis d'imposition.
Je ne pense pas que le mécanisme proposé par M. Marini et par vous-même,
monsieur Lambert, puisse véritablement apporter une réponse au problème posé,
qui est réel.
Une réflexion sur l'aménagement possible des conséquences du non-respect des
obligations déclaratives est en cours. Aussi, après avoir entendu votre appel ;
en quelque sorte, je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu ?
M. Philippe Marini.
J'ai bien entendu, comme nos collègues, les propos de M. le secrétaire
d'Etat.
L'objet de cet amendement est effectivement de rappeler à l'administration un
problème tout à fait réel et auquel ont à faire face - je m'empresse de le dire
- des contribuables de bonne foi - leurs services comptables ou les conseils de
gestion ont peut-être été quelque peu négligents - et qui se retrouvent frappés
par des sanctions manifestement disproportionnées.
D'où la proposition que nous faisons de faire appel à une mise en demeure si
l'administration constate que la formalité n'est pas remplie.
M. le secrétaire d'Etat nous dit que, sur le plan technique, cette mesure ne
lui semble pas être la meilleure possible. Je veux bien le croire.
J'ai par ailleurs entendu son engagement de traiter le problème. Mon voeu est
que cela aille vite et que, lors de l'examen d'un prochain texte financier,
cette question soit effectivement de nouveau posée, et surtout résolue.
Si tel n'était pas le cas, monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne seriez pas
surpris que cet amendement revienne en discussion.
Mais, à ce stade, avec l'accord de M. le rapporteur, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 203 est retiré.
Article 5
M. le président.
« Art. 5. _ I. _ Les personnes physiques ou morales exerçant occasionnellement
l'activité d'entrepreneur de spectacle vivant peuvent procéder auprès d'un
organisme habilité par arrêté des ministres chargés de l'emploi, de la sécurité
sociale et de la culture, d'une part, aux déclarations obligatoires liées à
l'embauche et à l'emploi sous contrat à durée déterminée d'artistes du
spectacle mentionnés à l'article L. 762-1 du code du travail ainsi que des
techniciens qui concourent au spectacle et, d'autre part, au versement de
l'ensemble des cotisations et contributions sociales, d'origine légale ou
d'origine conventionnelle imposées par la loi, s'y rapportant.
« II. _ L'organisme habilité recouvre ces cotisations et contributions pour le
compte des administrations et organismes parties à la convention prévue à
l'alinéa suivant. Toutefois, en ce qui concerne le recouvrement contentieux de
ces cotisations et contributions, les règles propres à chaque administration ou
organisme demeurent applicables.
« Une convention homologuée par les ministres chargés du travail et de la
sécurité sociale définit les relations de cet organisme avec les
administrations et organismes destinataires des déclarations au nom desquels
les cotisations et contributions sont recouvrées.
« Sans préjudice des missions et des pouvoirs des agents des organismes
signataires de la convention et des agents mentionnés à l'article L. 324-12 du
code du travail, cette convention peut prévoir que les organismes mentionnés à
l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale sont habilités à contrôler
l'application par les employeurs des dispositions du présent article.
« III. _ Les modalités d'application du présent article sont définies par
décret en Conseil d'Etat.
« IV. _ Les dispositions des I et II du présent article relatives au
regroupement des déclarations sociales ainsi que, le cas échéant, celles
relatives au regroupement du paiement des cotisations et contributions sociales
peuvent être rendues applicables, par décret en Conseil d'Etat, à d'autres
catégories d'employeurs recrutant des salariés pour effectuer des tâches
occasionnelles, dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics, des
hôtels, cafés et restaurants et du tourisme.
« Dans ce cas, l'arrêté visé au I est pris par les ministres chargés de
l'emploi et de la sécurité sociale et par les ministres compétents. »
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 134, M. Ostermann et les membres du groupe du Rassemblement
pour la République proposent de rédiger comme suit cet article :
« Après l'article L. 143-3 du code du travail, il est inséré un article L.
143-3-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 143-3-1.
- I. - Dans les branches où est passée à cet effet
une convention entre les organismes gérants des régimes de protection sociale
relevant du code de la sécurité sociale et du code rural ou visés aux articles
L. 223-16 et L. 351-21 du code du travail, un arrêté conjoint du ministre
chargé du travail, du ministre chargé de la sécurité sociale, et, le cas
échéant, du ministre chargé de l'agriculture ou du ministre chargé des
transports, autorise le recours à un instrument spécifique, dénommé "titre
emploi occasionnel", pour l'accomplissement de l'ensemble des formalités
d'embauche, de paie et de rupture du contrat de travail prévu par le présent
code.
« II. - Nonobstant toutes dispositions législatives, réglementaires ou
conventionnelles contraires, l'employeur se libère des obligations déclaratives
résultant du contrat de travail établi au moyen d'un titre emploi occasionnel
ainsi autorisé, par l'envoi dans les délais impartis des formulaires d'embauche
et de fin de contrat de travail à l'organisme de protection sociale désigné par
la convention susmentionnée, qui calcule et recouvre pour compte commun la
totalité des cotisations et contributions sociales dues à raison dudit contrat
de travail.
« III. - Un décret en Conseil d'Etat définit les conditions d'application du
présent article, notamment la nature et la durée maximale des emplois
concernés, ainsi que la liste des formalités que le titre emploi occasionnel
doit permettre d'accomplir pour pouvoir prétendre à l'autorisation prévue au
premier alinéa du présent article. »
Par amendement n° 188, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent de compléter le premier alinéa du II de l'article 5 par
les mots suivants : « sauf lorsque les cotisations et contributions en cause
peuvent être recouvrées par voie de contrainte, auquel cas les dispositions de
l'article L. 351-6 du code du travail s'appliquent. En outre, les
administrations et organismes ne bénéficiant pas de cette procédure peuvent
confier, par convention, le recouvrement contentieux de leurs propres
cotisations et contributions à l'organisme habilité ».
Par amendement n° 96, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le paragraphe IV de
l'article 5.
Par amendement n° 135, M. Ostermann et les membres du groupe du Rassemblement
pour la République proposent de rédiger comme suit le premier alinéa du
paragraphe IV de l'article 5 :
« Les dispositions des I et II du présent article relatives au regroupement
des déclarations sociales ainsi que celles relatives au regroupement du
paiement des cotisations et contributions sociales sont rendues applicables,
par décret en Conseil d'Etat, à d'autres catégories d'employeurs recrutant des
salariés pour effectuer des tâches occasionnelles dans les secteurs du bâtiment
et des travaux publics, des hôtels, cafés et restaurants et du tourisme. »
Par amendement n° 38, M. Jourdain, au nom de la commission des affaires
sociales, propose, au premier alinéa du paragraphe IV de l'article 5, après
les mots : « peuvent être rendues applicables, », d'insérer les mots : « après
la consultation préalable dans chaque secteur d'activité concerné des
organisations d'employeurs visées à l'article L. 132-2 du code du travail,
».
La parole est à M. Ostermann, pour défendre l'amendement n° 134.
M. Joseph Ostermann.
Avec votre permission, monsieur le président, je défendrai en même temps
l'amendement n° 135, afin de répondre au souhait de concision exprimé tout à
l'heure par M. le président de la commission des finances.
L'article 5 du projet de loi relève d'une démarche intéressante : simplifier
les formalités administratives relatives à la gestion des emplois occasionnels.
Malheureusement, tel qu'il est rédigé, il ne va pas assez loin. Il limite en
effet son champ d'application au secteur du spectacle et ne fait qu'évoquer
brièvement, et sans engagement de la part du Gouvernement, l'éventualité d'une
extension du système aux secteurs du BTP et de l'hôtellerie-restauration.
Or, ce sont précisément ces deux secteurs qui sont les plus touchés par le
fléau du travail illégal et qui doivent, par conséquent, être prioritaires.
En effet, sur l'ensemble des infractions de travail illégal relevées en 1994,
le BTP représente 27 %, l'hôtellerie-cafés-restauration 15 % et le commerce 18
%.
Le secteur du spectacle est donc bien marginal dans ce domaine.
En outre, les dernières statistiques disponibles sur le travail illégal
prouvent, si cela était nécessaire, qu'il est urgent de renforcer notre arsenal
législatif.
En effet, en 1997, le nombre d'infractions relevées en matière de travail
clandestin a progressé de 30 %, et 60 % des infractions constatées l'ont été
pour dissimulation de travailleurs.
Je crois savoir, par ailleurs, que la Commission européenne, lors du sommet de
Cardiff, a invité les Quinze à faire de la lutte contre le travail illégal «
l'une des priorités de la politique européenne de l'emploi ».
C'est pourquoi j'ai déposé deux amendements visant à étendre le champ
d'application du dispositif prévu à l'article 5.
Le premier, n° 134, vise à transposer à d'autres secteurs le titre « emploi
saisonnier agricole ».
Cet outil permet non seulement de simplifier l'établissement du bulletin de
paie et des déclarations de sécurité sociale, mais aussi de remplir les
formalités requises par le code du travail.
Six mois après sa mise en oeuvre, le titre « emploi saisonnier agricole »
présente un bilan très positif puisque, selon les témoignages recueillis par la
Mutualité sociale agricole, il est reconnu comme une incitation à l'embauche et
au respect des obligations liées aux emplois saisonniers. Il peut ainsi être
considéré comme un outil efficace de lutte contre le travail clandestin. Face à
un tel succès, il apparaît judicieux d'étendre ce titre à d'autres secteurs,
notamment le BTP et l'hôtellerie - restauration, en créant un titre « emploi
occasionnel ».
Le second amendement, quant à lui, vise à obtenir l'assurance que le
Gouvernement procédera au regroupement des déclarations sociales et du paiement
des cotisations et contributions sociales pour ces deux secteurs, le BTP et
l'hôtellerie-restauration, dans les plus brefs délais.
Il est en effet important que, dans ces secteurs, la simplification
administrative ne reste pas du domaine de l'éventualité, car l'enjeu, en
matière de lutte contre le travail illégal, est de tout premier ordre.
M. le président.
La parole est à M. Régnault, pour défendre l'amendement n° 188.
M. René Régnault.
L'article, tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale, laisse subsister
des procédures de recouvrement contentieux distinctes pour chacun des six
organismes de recouvrement.
L'objet du présent amendement est de regrouper ces procédures par nature et de
réduire ainsi, en simplifiant leur gestion, les frais à la charge des
employeurs.
Il permet à l'organisme habilité d'utiliser, pour les cotisations de sécurité
sociale et les contributions d'assurance chômage, une procédure unique de mise
en recouvrement à l'aide de la contrainte. En effet, les URSSAF, par l'article
L. 244-9 du code de la sécurité sociale, et les ASSEDIC, par l'article L. 351-6
du code du travail, sont les seules caisses concernées par la procédure visée
au paragraphe I à être autorisées à recouvrer leurs créances par voie de
contrainte.
Par ailleurs, il autorise les autres organismes à confier la gestion du
recouvrement forcé de leurs cotisations et contributions à l'organisme habilité
selon les modalités relatives aux procédures civiles.
Il s'agit, vous l'avez compris, de mesures d'équité et de simplification.
M. le président.
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 96.
M. Guy Fischer.
Aujourd'hui, tout le monde s'accorde sur les simplifications administratives
souhaitables pour les petites et moyennes entreprises et les très petites
entreprises.
Le groupe communiste républicain et citoyen et moi-même sommes nous aussi
favorables aux dispositions des trois premiers paragraphes de l'article 5,
étant observé qu'elles ont pour objet de réduire les contraintes
administratives liées à la gestion des emplois occasionnels.
Plus précisément, il nous est proposé d'utiliser, pour les organisateurs
occasionnels de spectacles vivants, un instrument qui s'inspire du TESA, le
titre emploi saisonnier agricole, et qui permettra, d'une part, de centraliser
en un seul lieu toutes les obligations déclaratives consécutives à l'embauche
ou préalables à celle-ci, toutes les cotisations et contributions sociales et,
d'autre part, de simplifier le bulletin de paie.
Le principe même du dispositif institué par cet articlea été posé après
négociation avec les employeurs et les salariés du secteur spécifique du
spectacle, de ce secteur « riche » en intermittents du spectacle qui goûtent
amèrement les effets pervers de la précarisation dans leur profession.
Au nom de la dynamique de l'emploi, de la lutte contre le travail au noir, la
tentation est forte de faire de cette expérimentation du guichet unique pour le
secteur spectacle, la règle applicable dans d'autres professions, notamment
dans le bâtiment, les travaux publics, l'hôtellerie-restauration et le
tourisme.
Nous sommes opposés à l'extension par décret d'une telle disposition, comme le
prévoit le paragraphe IV de l'article 5. Nous vous demandons donc d'approuver
notre amendement tendant à supprimer le paragraphe incriminé, et ce pour trois
raisons principales.
Tout d'abord, le principe de concertation et de négociation qui a prévalu dans
le domaine du spectacle doit être la règle pour tous les secteurs d'activités
potentiels concernés.
Ensuite, nous ne sommes pas convaincus de la pertinence de l'argument faisant
de la souplesse de gestion des emplois occasionnels un outil efficace de lutte
contre le travail illégal.
Enfin, nous sommes conscients que, sous couvert de simplifications
administratives, on entend déstructurer, déréglementer des secteurs déjà
touchés par la précarité.
Nous vous demandons donc, mes chers collègues, d'adopter notre amendement.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n°
38.
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Le
paragraphe IV de l'article 5 prévoit la possibilité d'une extension par décret
en Conseil d'Etat du dispositif du guichet unique pour le recouvrement des
cotisations et contributions sociales prévues au paragraphe I pour les
organisateurs occasionnels de spectacles vivants aux secteurs du bâtiment et
des travaux publics, des hôtels, cafés et restaurants et du tourisme.
Le Gouvernement entend délibérément donner un caractère expérimental à
l'établissement du guichet unique pour les organisateurs occasionnels de
spectacles vivants avant d'étendre éventuellement ce procédé.
La commission des affaires sociales, comme les professionnels des secteurs
concernés, n'est pas hostile à une telle extension. Elle souhaiterait toutefois
qu'elle soit, le cas échéant, précédée d'une large concertation avec les
organisations d'employeurs des secteurs concernés.
La commission des affaires sociales vous propose par conséquent d'adopter un
amendement qui prévoit une telle concertation préalable avant l'extension du
guichet unique aux trois secteurs mentionnés : bâtiment et travaux publics,
hôtels, cafés-restaurants et tourisme.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 134, 188, 96, 35 et
38 ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
S'agissant de l'amendement n° 134 de M. Ostermann, la
commission des finances - il le sait puisqu'elle a la chance de le compter dans
ses rangs - a estimé qu'il était sans doute préférable de laisser s'appliquer
le dispositif proposé au secteur du spectacle vivant avant de l'étendre à
d'autres secteurs.
C'est pourquoi elle lui demandera, après que le Gouvernement lui aura donné
toutes explications et tous encouragements sur sa volonté de poursuivre son
action dans ce sens, de bien vouloir retirer son amendement. A défaut, l'avis
de la commission serait défavorable.
Sur l'amendement n° 188, soutenu tout à l'heure par M. Régnault, et qui vise à
simplifier des procédures de recouvrement, la commission des finances, qui n'a
pas une capacité d'expertise aussi spontanée que M. Régnault, a souhaité
obtenir l'avis du Gouvernement. Il lui a cependant semblé que, peut-être, le
Gouvernement serait favorable à cet amendement et, dans cette hypothèse, elle a
décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat.
Pour ce qui est de l'amendement n° 96, la commission des finances a cru
percevoir une différence entre le point de vue de Mme Beaudeau et celui du
Gouvernement.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cela peut arriver !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
La solution du Gouvernement lui étant apparue préférable,
elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.
S'agissant de l'amendement n° 135 de M. Ostermann, il nous semble que la
proposition formulée par la commission des affaires sociales est préférable. Je
demande donc à M. Ostermann de bien vouloir retirer son amendement.
En revanche, la commission des finances est favorable à l'amendement n° 38 de
M. Jourdain, présenté au nom de la commission des affaires sociales, qui lui
est apparu tout à fait utile.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je vais essayer de rivaliser de clarté, ce qui sera
très difficile, avec M. le rapporteur général.
S'agissant de l'amendement n° 134 de M. Ostermann, je tiens à indiquer qu'en
la matière il est prévu un dispositif en deux temps.
Tout d'abord, une négociation a été organisée avec les professions du
spectacle. Cette négociation a abouti et elle fait l'objet de l'article 5.
Pour les autres secteurs, ensuite, qu'il s'agisse du bâtiment et travaux
publics, d'une part, de l'hôtellerie, de la restauration et du tourisme,
d'autre part, la négociation doit intervenir de façon à dégager les formes les
plus adaptées pour ces professions.
Je demande donc, comme M. le rapporteur, le retrait de l'amendement n° 134,
dont le dépôt me semble prématuré.
L'amendement n° 188 présenté par M. Régnault va dans le sens de la clarté et
de la simplification. Le Gouvernement ne peut donc qu'y être favorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 96 défendu par M. Fischer, il est très
important de souligner que le Gouvernement est animé comme vous l'avez
souhaité, par une volonté, d'organiser la concertation, la négociation avec les
professionnels, les organisations de salariés et les organismes sociaux, de
façon à mettre en place des dispositions qui soient à la fois simples et
sûres.
Le Gouvernement cherche à aller dans le sens de la protection des droits des
salariés occasionnels. Vous savez d'ailleurs peut-être que M. Anicet Le Pors a
été chargé de mettre au point les dispositifs adéquats dans le secteur du
tourisme.
Cet amendement me paraît donc prématuré. Je n'ai rien contre, mais il anticipe
sur une négociation qui va avoir lieu et qui doit se dérouler. Je vous demande
donc de le retirer.
Monsieur Ostermann, par souci de cohérence, je vous demande de retirer
également l'amendement n° 135. Il anticipe en effet sur des concertations qui
sont indispensables.
J'en viens à l'amendement n° 38.
Il est clair que le Gouvernement entend négocier au préalable avec les
intéressés et non procéder autoritairement par décrets. De ce fait,
l'amendement n'est pas nécessaire. Mais, si vous jugez utile de le maintenir,
le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président.
Monsieur Osterman, l'amendement n° 134 est-il maintenu ?
M. Joseph Ostermann.
Je pourrais éventuellement faire un effort sur l'amendement n° 135, mais ce
n'est pas le cas pour l'amendement n° 134.
Comme je l'ai déjà dit, le secteur du spectacle est marginal et il ne permet
pas de tester correctement un tel dispositif de simplification. Je souhaite
donc maintenir cet amendement n° 134. Il n'empêche que la négociation pourra
intervenir tant avec les professionnels du bâtiment et des travaux publics
qu'avec ceux de l'hôtellerie et de la restauration.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 134, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 5 est ainsi rédigé et les amendements n°s 188, 96,
135 et 38 n'ont plus d'objet.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une
heures trente, sous la présidence de M. Jacques Valade.)
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion du projet de loi portant diverses dispositions
d'ordre économique et financier.
J'informe le Sénat que la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation fait connaître qu'elle a d'ores et déjà
procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement
demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte
sur le projet de loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai
réglementaire.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 72,
tendant à insérer un article additionnel après l'article 5.
Article additionnel après l'article 5
M. le président.
Par amendement n° 72, MM. Richert, Hoeffel, Grignon et Ostermann proposent
d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le paragraphe III de l'article 13 de la loi n° 97-940 du 16
octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes les
mots : "à partir du 1er octobre 1997" sont remplacés par les mots : "à partir
du 1er septembre 1997".
« II. - L'augmentation des charges pour l'Etat résultant du paragraphe I est
compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés par les articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Voilà quelques années encore, rares étaient ceux qui considéraient
l'apprentissage comme une voie privilégiée de la formation professionnelle.
Aujourd'hui, parce qu'il est devenu l'interface entre le scolaire traditionnel
et l'entreprise, il constitue un réel espoir pour de nombreux jeunes qui font
ce choix et à qui il offre une meilleure adéquation avec les besoins du monde
économique et, par là même, une meilleure chance d'insertion
professionnelle.
Malheureusement, le nombre d'apprentis, bien qu'en augmentation, reste encore
en deçà du niveau escompté, et ce malgré les efforts déployés. C'est pourquoi
la loi n° 92-675 du 17 juillet 1992 a ouvert au secteur public la possibilité
d'embaucher des apprentis.
Cette mesure avait été accompagnée d'une aide financière à l'embauche, prévue
par la loi du 27 juillet 1993 relative au développement de l'emploi et de
l'apprentissage. L'application de cette disposition avait été limitée dans le
temps, jusqu'au 31 décembre 1995, mais avait été prorogée ultérieurement à deux
reprises pour six mois. Elle a donc pris fin le 31 décembre 1996.
La loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour
l'emploi des jeunes reconduit cette disposition par un article additionnel
proposé par la commission des affaires sociales, et ce à compter du 1er octobre
1997.
Or, dans la plupart des établissements d'apprentissage, la scolarité débute
non pas le 1er octobre, mais dans le courant du mois de septembre. Par
conséquent, de nombreuses collectivités ne peuvent bénéficier de cette prime à
l'embauche d'apprenti, puisque les contrats ont été ou sont nécessairement
passés dans le courant du mois de septembre, et non pas le 1er octobre.
Le texte voté visait pourtant à encourager les collectivités locales à
embaucher ces jeunes et à favoriser l'apprentissage. Mais il est évident que
l'on n'avait pas, à l'époque, prêté attention à ce problème de date.
Cet amendement n° 72 a donc tout simplement pour objet de substituer la date
du 1er septembre 1997 à celle du 1er octobre 1997, afin de faire bénéficier les
communes et les collectivités de l'avantage financier qui avait été mis en
place, comme cela était initialement prévu.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
M. Richert vient de souligner à quel point il eût été
préférable que les dispositions prévues concernant les contrats d'apprentissage
puissent s'appliquer à compter du 1er septembre 1997, et la commission des
finances comprend son souci.
Néanmoins, s'agissant de contrats signés, une modification législative n'est
pas la réponse adaptée à la préoccupation qui est la vôtre, monsieur Richert,
et n'aurait que peu de conséquences pratiques sur les contrats déjà signés.
Peut-être le Gouvernement pourra-t-il apporter des réponses susceptibles
d'apaiser les regrets légitimes qui sont les vôtres en raison du décalage d'un
mois ?
En tout état de cause, nous avons, à votre demande, et précisément parce que
votre préoccupation est légitime, tenté de trouver une solution pratique qui
vous convienne. Mais, si une modification pouvait vous être agréable
aujourd'hui, encore une fois, elle n'appporterait, hélas ! aucune solution pour
les contrats déjà signés.
C'est pourquoi la commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement, avis
qu'elle suivra.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
L'avis du Gouvernement est de suivre la sage position
de la commission et de reprendre ses arguments !
L'amendement n° 72 part d'une bonne intention, cela n'est pas niable, mais son
effet rétroactif, en dehors du coût supplémentaire qu'il générerait, lui
ôterait beaucoup d'impact.
Je vous rappelle cependant, monsieur Richert, que les entreprises qui ont
embauché des apprentis avant le 1er octobre 1997 ont bénéficié, dans le cadre
expérimental prévu par la loi du 17 juillet 1992, d'un certain nombre de
mesures d'accompagnement, telles que, par exemple, la prise en charge d'une
partie des coûts de formation des apprentis en centre de formation d'apprentis,
les CFA.
Par conséquent, je me joins à l'avis, me semble-t-il, implicite de M. le
rapporteur pour vous demander, monsieur Richert, de retirer cet amendement qui,
s'il part, certes, d'une bonne intention, aurait peu de portée réelle.
M. le président.
Votre amendement est-il maintenu, monsieur Richert ?
M. Philippe Richert.
Je voudrais d'abord remercier à la fois notre rapporteur et M. le ministre,
qui, par leurs propos, ont montré toute l'attention qu'ils portaient à la
préoccupation qui est la mienne concernant les communes qui ont embauché des
apprentis.
Cela étant dit, je ne souhaite pas, comme m'y invite le Gouvernement, retirer
cet amendement, qui n'aurait d'autre conséquence que de permettre aux communes
de percevoir l'aide à laquelle elles pensaient avoir droit.
Pour ma part, je pense qu'une commune, ou une collectivité publique, qui,
suivant les recommandations de l'Etat, embauche des apprentis mérite de
bénéficier en retour des avantages qui sont normalement liés à une telle
embauche.
Il est vrai que, dans la pratique, nous avions fixé la date du 1er octobre,
alors qu'il aurait été logique de retenir la date d'entrée en apprentissage.
Pour deux semaines de décalage seulement entre la date de signature du contrat
qui permet l'embauche d'un apprenti - laquelle répond à l'attente non seulement
du Gouvernement, mais aussi de ces jeunes - et le moment où la loi s'applique,
nous sommes dans l'impossibilité de pouvoir donner suite !
Le soutien aux communes mérite que cet amendement soit soumis au vote du Sénat
!
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lambert, rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Pardonnez-moi, monsieur le président, de demander à nouveau
la parole et de faire perdre du temps au Sénat, mais je ne voudrais pas que
nous connaissions une aventure comparable à celle de tout à l'heure, quand un
amendement dont j'avais suggéré le retrait à son auteur a finalement été adopté
et que, de ce fait, d'autres amendements sont devenus sans objet, ce qui
n'était pas, me semble-t-il, le souhait du Sénat.
Dans le cas de l'amendement de M. Philippe Richert, nous devons être
totalement responsables dans nos avis et dans nos actes.
Je le redis à Philippe Richert, qui sait l'estime que je lui porte : la
solution législative ne paraît pas être la meilleure dans le cas qu'il nous
soumet. Aussi, s'il maintenait son amendement, je ne pourrais qu'émettre un
avis défavorable.
M. Philippe Richert.
Je retire donc cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 72 est retiré.
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - L'article L. 312-1 du code de la sécurité sociale est abrogé. » -
(Adopté.)
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - I. - L'article L. 143-3 du code du travail est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« Les employeurs doivent conserver un double des bulletins de paie de leurs
salariés pendant cinq ans. »
« II. - L'article L. 143-5 du même code est abrogé.
« III. - Le dernier alinéa de l'article L. 611-9 du même code est supprimé.
« III
bis.
- Au deuxième alinéa de l'article L. 620-7 du même code,
après les mots : "peuvent déroger", sont insérés les mots : "à la conservation
des bulletins de paie et".
« III
ter.
- Dans la première phrase de l'article L. 243-12 du code de
la sécurité sociale, les mots : "du livre de paye mentionné à l'article L.
143-5" sont remplacés par les mots : "des doubles des bulletins de paie
mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 143-3".
« La dernière phrase du même article est ainsi rédigée :
« Ces doubles sont conservés par l'employeur pendant cinq ans. »
« IV. - L'article 10 de la loi n° 86-966 du 18 août 1986 portant diverses
mesures relatives au financement des retraites et pensions est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« La mention des cotisations patronales visée ci-dessus peut être remplacée
par un récapitulatif remis annuellement au salarié. »
« V. - Les dispositions du présent article sont applicables à compter du
premier jour du mois qui suit la publication de la présente loi. »
Par amendement n° 39, M. Jourdain, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de rédiger comme suit le paragraphe III de cet article :
« III. - Le dernier alinéa de l'article L. 611-9 du code du travail est ainsi
rédigé :
« Lorsque les bulletins de paie sont tenus par une personne extérieure à
l'établissement et ne peuvent pas être présentés à l'inspecteur du travail au
cours de sa visite, un délai, qui ne peut être inférieur à quatre jours, est
fixé par mise en demeure pour leur présentation au bureau de l'inspecteur du
travail. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. André Jourdain,
rapporteur.
La suppression du livre de paie est motivée par un souci de
simplification administrative.
Les employeurs disposaient d'un délai de quatre jours pour présenter ce
document lors d'un contrôle de l'inspecteur du travail lorsque ce document
était tenu par une personne extérieure à l'établissement.
Etant donné que l'obligation de conservation des bulletins de paie pendant
cinq ans se substitue à celle du livre de paie, la commission des affaires
sociales considère qu'un délai comparable pour la présentation des bulletins de
paie devrait être prévu lorsque ceux-ci sont établis et conservés à l'extérieur
de l'entreprise. A défaut, l'employeur serait obligé de conserver soixante
fiches de paie pour chaque employé dans son établissement.
Cette nouvelle obligation risquerait fort de réduire à néant la dimension
simplificatrice de cette nouvelle formalité administrative. C'est pourquoi la
commission des affaires sociales vous propose d'adopter cet amendement, qui
prévoit un délai de quatre jours pour la présentation des fiches de paie
lorsque celles-ci sont établies et conservées à l'extérieur de
l'établissement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à
l'artisanat.
Je comprends parfaitement votre souci de simplication,
monsieur le sénateur. Cependant, le Gouvernement rejette cet amendement parce
qu'il offre une possibilité de régularisation
ex post
de situations de
travail illégal, contre lesquelles, vous le savez, il nous a par ailleurs été
demandé de lutter vigoureusement.
Il serait extrêmement ennuyeux d'ajouter un délai pour la présentation des
bulletins de paie, alors même qu'au titre de l'égalité de droits et des
possibilités réelles de contrôle nous avions décidé que nous essayerions par
tous les moyens de lutter contre certaines pratiques qui sont, certes,
minoritaires dans notre pays, mais qui existent !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Monsieur Jourdain a parfaitement expliqué les motifs du dépôt
de son amendement, et la commission des finances les fait siens.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 39, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, ainsi modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - L'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale est complété par
un alinéa ainsi rédigé :
« Les pénalités de retard appliquées en cas de production tardive ou de défaut
de production des bordereaux récapitulatifs des cotisations et des déclarations
annuelles des données sociales doivent être mises en recouvrement par voie de
mise en demeure dans un délai de deux ans à compter de la date de production
desdits documents ou, à défaut, à compter selon le cas soit de la notification
de l'avertissement, soit de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2. » -
(Adopté.)
Article additionnel après l'article 8
M. le président.
Par amendement n° 57, MM. Pourchet, Arnaud, Deneux et Huchon proposent
d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 527-1 du code rural est complété
in fine
par un alinéa
ainsi rédigé :
« Le directeur des services fiscaux ou son représentant assiste, avec voix
consultative, aux délibérations des organes dirigeants des fédérations de
coopératives agricoles lorsqu'elles sont relatives au budget et aux conditions
de fonctionnement de celles-ci. A cet effet, les documents utiles lui sont
communiqués huit jours au moins avant la date de ces délibérations. »
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud.
Nous proposons de rendre obligatoire la présence du directeur des services
fiscaux ou de son représentant lors des délibérations des organes dirigeants
des fédérations de coopératives agricoles lorsqu'elles sont relatives au budget
et aux conditions de fonctionnement de celles-ci.
Les contrôles fiscaux opérés par l'administration à l'égard de la coopération
agricole laissent en effet apparaître une coordination manifestement
insuffisante.
Ainsi, telle coopérative sera exonérée de charge fiscale alors qu'elle ne
fonctionne que très partiellement selon les règles relatives au statut et telle
autre qui se conforme pourtant plus strictement aux critères de la loi se verra
refuser l'application du statut fiscal de coopérative en vertu d'une
instruction ministérielle relativement ancienne ou sous le prétexte de
divergences d'appréciation quant à la nature agricole de tel ou tel produit.
Chargées par la loi du 27 juin 1972 d'apporter des conseils en matière de
fiscalité et de décision aux coopérateurs, les fédérations de coopératives ne
peuvent voir leur autorité s'accommoder des interprétations variées, sans lien
apparent entre elles, des divers agents de l'administration.
C'est pourquoi il semblerait judicieux que les fédérations, à l'échelon
régional qui est le leur et pour l'ensemble de la coopération agricole,
puissent mener une concertation institutionnelle et obligatoire avec la
hiérarchie fiscale régionale, de façon que les applications de la loi fiscale
soient mieux connues et coordonnées ; ainsi l'ensemble de leurs adhérents
pourraient bénéficier de règles claires, à l'instar des adhérents des centres
de gestion agréés, dont les organes dirigeants comprennent un représentant de
l'administration fiscale.
Le présent amendement n'a donc pas d'incidence financière et tend à compléter
le texte instituant les fédérations de coopératives agricoles agréées pour la
révision, soit l'article L. 527-1 du code rural, en reprenant les dispositions
déjà applicables aux centres de gestion.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
L'enfer est pavé de bonnes intentions. Certes, ce n'est pas
l'enfer qui nous est ici proposé par M. Arnaud, mais l'intention est
indiscutablement bonne !
La commission des finances a examiné cette proposition mais elle a été
quasi-unanime pour émettre un avis défavorable.
En effet, il ne paraît guère possible d'assimiler une fédération de
coopératives agricoles aux organes dirigeants des centres de gestion.
Mon cher collègue, vous avez, fort justement, parlé de « concertation
institutionnelle ». Cependant, il est apparu difficile à la commission des
finances de faire siéger le directeur des services fiscaux au sein d'un
organisme fédératif de contribuables.
Encore une fois, votre intention est excellente, mais votre proposition est
difficilement applicable au regard du droit fiscal.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
J'émettrai également un avis défavorable, tout en
m'efforçant d'être constructif.
M. Arnaud avance l'idée selon laquelle les coopératives agricoles manquent
d'information fiscale. Je me permets de lui faire observer que, comme tout
contribuable, elles peuvent se renseigner auprès des services fiscaux et
obtenir les précisions qu'elles souhaitent quant aux exonérations dont elles
sont susceptibles de bénéficier. Elles peuvent aussi procéder à des
consultations informelles de l'administration fiscale. Ce sont des pratiques
assez courantes.
Ma deuxième objection rejoint celle qu'a opposée M. le rapporteur général.
Autant les représentants de l'administration des impôts peuvent être présents
dans les centres de gestion agréés dans la mesure où ils en exercent la
tutelle, autant cette participation ne se justifie pas s'agissant des
coopératives agricoles, qui ne sont pas, bien entendu, sous la tutelle de la
direction générale des impôts.
Ayant compris votre intention, monsieur le sénateur, je puis vous assurer que
l'administration fiscale est prête à répondre à toutes demandes d'information.
Il n'est donc pas nécessaire d'introduire le dispositif assez complexe que vous
suggérez.
M. le président.
Monsieur Arnaud, l'amendement n° 57 est-il maintenu ?
M. Philippe Arnaud.
Je prends acte des remarques qui ont été formulées par le M. le rapporteur et
par M. le secrétaire d'Etat.
Au-delà de la question de l'information - une information que les coopératives
doivent tout de même aller chercher - demeure le problème de la cohérence dans
l'interprétation des textes que fait l'administration fiscale dans ses
différentes composantes et sur les différents points du territoire.
Cela étant observé, je retire mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° 57 est retiré.
Articles 9 à 11
M. le président.
« Art. 9. _ Au premier alinéa de l'article L. 243-5 du code de la sécurité
sociale, les mots : "leur échéance" sont remplacés par les mots : "leur date
limite de paiement ou, le cas échéant, la date de notification de
l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2, lorsque
la créance est constatée lors d'un contrôle organisé en application des
dispositions de l'article L. 243-7". » -
(Adopté.)
« Art. 10. _ Il est inséré, dans le code de la construction et de
l'habitation, un article L. 631-7-3 ainsi rédigé :
«
Art. L. 631-7-3
. _ Par dérogation aux dispositions de l'article L.
631-7, l'exercice d'une activité professionnelle, y compris commerciale, est
autorisé dans une partie d'un local à usage d'habitation, dès lors que
l'activité considérée n'est exercée que par le ou les occupants ayant leur
résidence principale dans ce local et ne conduit à y recevoir ni clientèle, ni
marchandises. »
- (Adopté.)
« Art. 11. _ I. _ L'article L. 77 du livre des procédures fiscales est
ainsi modifié :
« 1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsque la taxe sur la valeur ajoutée rappelée est afférente à
une opération au titre de laquelle la taxe due peut être totalement ou
partiellement déduite par le redevable lui-même, les dispositions prévues à
l'alinéa précédent ne s'appliquent pas au montant de la taxe déductible. »
« 2° Aux quatrième et cinquième alinéas, les mots : "deuxième et troisième
alinéas" sont remplacés par les mots : "troisième et quatrième alinéas".
« II. _ Le premier alinéa du 4° du 1 de l'article 39 du code général des
impôts est complété par les mots : "et, pour les rappels de taxe sur la valeur
ajoutée afférents à des opérations au titre desquelles la taxe due peut être
totalement ou partiellement déduite par le redevable lui-même, du montant de la
taxe déductible".
« III. _ Les dispositions des I et II s'appliquent aux rappels de taxe sur la
valeur ajoutée notifiés à compter du 1er janvier 1998. »
- (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 11
M. le président.
Par amendement n° 7, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose
d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le sixième alinéa de l'article 260 A du code général des impôts,
il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Déchetteries. »
« II. - La perte de recettes résultant du I ci-dessus est compensée à due
concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du
code général des impôts. »
La parole est à M. Lambert, rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Il s'agit d'un sujet que le Gouvernement, notamment M. le
secrétaire d'Etat au budget, connaît parfaitement, ce qui nous permettra sans
doute d'obtenir plus facilement de sa part une appréciation positive sur cette
proposition de la commission des finances.
(Sourires.)
Ce sujet, c'est celui des déchetteries. C'est un problème
simple, monsieur le secrétaire d'Etat. Il y en a si peu, profitons-en !
(Nouveaux sourires.)
Pour financer le service de ramassage et de traitement des ordures
ménagères, les collectivités locales peuvent instaurer une taxe, auquel cas la
TVA afférente aux investissements du service est récupérable par la voie du
FCTVA.
Si le service est financé par une redevance, les collectivités territoriales
peuvent opter pour l'assujettissement à la TVA, qui est alors récupérée par la
voie fiscale.
Toutefois, les déchetteries ne sont pas expressément visées par l'article 260
A du code général des impôts, relatif au droit d'option à la TVA.
Dès lors, les collectivités locales qui ont choisi la taxation pour financer
l'enlèvement et le traitement des ordures ne peuvent plus opter pour la TVA au
titre de la déchetterie, qui se situe en bout de circuit.
Cet amendement tend donc à viser expressément les déchetteries dans le code
général des impôts, de façon que le droit d'option des collectivités locales
puisse s'exercer librement à leur égard, indépendamment du régime applicable au
service de ramassage et de traitement des ordures ménagères.
J'indique au Sénat, pour le rassurer, que le coût de l'amendement est
symbolique.
Monsieur le secrétaire d'Etat, sans doute me direz-vous que vous avez des
doutes quant à la compatibilité de ma proposition avec le droit communautaire.
Pour dissiper toute inquiétude à cet égard, je puis vous indiquer que,
vérification faite, cette compatibilité semble ne faire aucun doute.
Dès lors, rien ne paraît devoir s'opposer à ce que le Gouvernement accepte cet
amendement et à ce que le Sénat l'adopte.
M. le président.
Monsieur le secrétaire d'Etat, partagez-vous l'enthousiasme de M. le
rapporteur ?
(Sourires.)
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
En général oui, monsieur le président, mais pas sur ce
point particulier !
(Nouveaux sourires.)
M. le rapporteur général a repris un amendement qui a été présenté en
première lecture à l'Assemblée nationale. J'avais dit devant les députés que le
Gouvernement procéderait à un examen attentif de cette proposition. Cet examen
a été réalisé et il en ressort que deux cas de figure doivent être
distingués.
Dans le premier cas, la collectivité a choisi de financer le service par la
redevance générale pour enlèvement des ordures ménagères.
Elle peut alors opter pour l'assujettissement à la TVA. Dans cette hypothèse
ce que vous proposez, monsieur le rapporteur général, est sans objet, comme
vous l'avez certainement bien compris.
Dans le deuxième cas, le service est financé non par la redevance générale
mais par la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. La collectivité réalise
alors des opérations qui sont placées hors du champ d'application de la TVA.
Cependant, même dans cette hypothèse-là, certains dépôts, notamment ceux des
artisans et des commerçants, donnent lieu au paiement de redevances
spécifiques, et ces dernières sont d'ores et déjà soumises de plein droit à la
TVA.
Il existe donc déjà, au moins dans cette hypothèse, un droit à déduction au
titre de la TVA, même s'il s'agit évidemment d'un droit partiel.
C'est un sujet manifestement important puisque vous y revenez à chaque
occasion. Mais je tiens à vous préciser que le Gouvernement réfléchit à une
amélioration de la fiscalité écologique. Il est clair que la question des
ordures ménagères entre dans ce champ d'investigation. Dès que le Gouvernement
aura mené à terme cette réflexion, il vous proposera un ensemble de mesures
fiscales. Nous pourrons, à cette occasion, revenir sur votre proposition.
En attendant, je suis au regret, monsieur Lambert, de vous demander de bien
vouloir retirer votre amendement.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 7 est-il maintenu ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Monsieur le président, vous me permettrez de considérer que
cet amendement a au moins pour fonction de donner une dynamique à la réflexion
du Gouvernement. En le maintenant, nous favoriserons ce travail de réflexion
qui nous est promis depuis longtemps et dont nous attendons avec impatience et
espoir les résultats !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7.
M. René Régnault.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault.
Nous nous rallions tout à fait à l'analyse que vient d'exposer M. le
secrétaire d'Etat.
Je suis un peu surpris, mais nous ne sommes pas des enfants de choeur ni des
naïfs.
M. Emmanuel Hamel.
Les enfants de choeur ne sont pas des naïfs !
M. Philippe Marini.
Pas nécessairement !
M. René Régnault.
C'est bien pour cela, mon cher collègue, que j'ai pris la précaution de
présenter les deux hypothèses comme formant une alternative !
M. le président.
Je vous en prie, mes chers collègues, n'ouvrons pas un autre débat !
(Sourires.)
M. René Régnault.
Je me souviens que nous avons largement évoqué cette question lors de la
discussion de la dernière loi de finances.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Absolument !
M. René Régnault.
Vouloir réduire le problème aux seules déchetteries me paraît relever d'une
vue quelque peu étroite du problème que nous avons régulièrement soulevé
ici.
Nous attendons du Gouvernement qu'il y réfléchisse et qu'il nous fasse des
propositions globales. J'ai cru comprendre à l'instant qu'il allait bientôt
nous en soumettre.
Bien sûr, un ministre chargé du budget est toujours tenté de répondre : «
Combien cela va-t-il coûter ? » Mais il faut bien voir que nous sommes en face
d'une assiette nouvelle. Certes, l'abaissement de taux que nous proposons peut
entraîner, du point de vue budgétaire, une réduction des recettes. Cependant,
je veux croire que nous pourrons nous entendre sur une nouvelle fiscalité qui
englobera la totalité des déchets, domestiques ou industriels, et qui permettra
d'appréhender tous les problèmes liés à leur élimination.
Je compte sur le Gouvernement pour nous proposer effectivement des mesures
allant dans le sens qu'a esquissé M. le secrétaire d'Etat. Je veux bien
admettre que cet amendement constitue une sorte de « poussette », mais je ne la
crois pas vraiment nécessaire. Nous ne nous y associerons donc pas.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.
M. René Régnault.
Le groupe socialiste s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 11.
Par amendement n° 8, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose
d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa du 3°
bis
de l'article 278
bis
du
code général des impôts, les mots : "à usage domestique" sont supprimés.
« II. - Le 3°
bis
de l'article 278
bis
du code général des
impôts est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
«
d)
part de la prestation d'exploitation de chauffage représentative
du combustible bois, quand le combustible est l'un des trois mentionnés aux
alinéas
a
,
b
, et
c
;
«
e)
terme de la facture d'un réseau de distribution d'énergie
calorifique représentatif du combustible bois, quand le combustible est l'un
des trois mentionnés aux alinéas
a
,
b
et
c
,
« III. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence
par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général
des impôts. »
La parole est à M. Lambert, rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous vois sourire parce que
vous savez que je vais évoquer le bois de chauffage, encore un sujet dont vous
avez déjà entendu parler.
Nous attendons depuis maintenant deux ans une instruction fiscale qui devait
faire suite à un vote émis lors de la discussion du projet de loi de finances
pour 1997.
Notre ami M. Régnault expliquait tout à l'heure que, lorsqu'un problème est
aigu, il faut élargir la réflexion. De même, on peut dire que, lorsque nous
sommes devant un vaste problème, nous devons approfondir notre réflexion !
(Sourires.)
En tout état de cause, il faut trouver des solutions.
Monsieur le secrétaire d'Etat, peut-être me rassurerez-vous en m'indiquant que
cette instruction fiscale est déjà parue, et il me sera très agréable de
l'apprendre. En l'absence d'information à cet égard, il est apparu
indispensable à la commission des finances de présenter un amendement que je
veux bien, en cet instant, qualifier d'« amendement d'appel », afin de savoir
si la parution est imminente et de montrer avec force que le Parlement français
souhaite voir la Commission européenne présenter dans les meilleurs délais les
résultats de sa réflexion sur la fiscalité écologique de l'énergie.
Le Gouvernement qui en fait lui-même un de ses thèmes de réflexion - vous
venez de le rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat - en vue du prochain projet
de loi de finances devrait être dans le même état d'esprit.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je crois que, sur ce sujet lancinant, voire brûlant
(Sourires),
de l'application du taux réduit de TVA sur le bois de
chauffage, je vais être en mesure de faire plaisir à M. le rapporteur
général.
La loi de finances pour 1997 avait prévu l'application du taux réduit au bois
de chauffage ayant fait l'objet d'une transformation pourvu qu'il soit destiné
à un usage domestique. Je m'étais engagé, M. le rapporteur général s'en
souvient, à ce qu'une interprétation large de la notion d'usage domestique soit
retenue. J'ai le plaisir de vous apprendre que l'instruction administrative qui
confirme cet engagement est parue le 29 avril.
Peut-être cette instruction a-t-elle échappé à votre grande vigilance,
monsieur le rapporteur général. Je vous précise donc qu'elle vise à étendre la
notion d'usage domestique au chauffage de locaux à usage total ou principal
d'habitation ou de locaux affectés à un usage collectif autre que
professionnel, commercial ou industriel. Sont donc concernés les maisons de
retraite, les hôpitaux, les résidences universitaires, les foyers de
travailleurs, les bâtiments publics, les locaux abritant des établissements
d'enseignement.
Vous le voyez, en ce domaine comme en d'autres, le Gouvernement a tenu ses
engagements et il me semble, de ce fait, que votre amendement n'a plus raison
d'être. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, l'amendement est-il maintenu ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Ainsi donc, au moment même où la commission des finances se
réunissait, l'instruction paraissait... J'y vois une coïncidence historique qui
m'incline à retirer l'amendement !
(Sourires.)
M. le président.
L'amendement n° 8 est retiré.
Je suis maintenant saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 40 est présenté par M. Jourdain, au nom de la commission des
affaires sociales.
L'amendement n° 56 est déposé par MM. Richert, Egu, Madelain, Moinard et les
membres du groupe de l'Union centriste.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Les indemnités versées aux élus des chambres d'agiculture, des chambres
de métiers et des chambres de commerce et d'industrie, au titre de leur mandat,
n'ont pas le caractère d'un salaire ou d'un revenu professionnel non salarié,
ne sont pas prises en compte pour l'attribution des prestations sociales de
toute nature, notamment celles relevant du code de la sécurité sociale ou du
code de la famille ou de l'aide sociale, et ne sont pas assujetties aux
cotisations de sécurité sociale.
« II. - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale
résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création
d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code
général des impôts. »
Les trois amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 69 est présenté par M. Adnot.
L'amendement n° 85 est déposé par M. Paul Girod.
L'amendement n° 138 est présenté par MM. Le Grand, Goulet, Leclerc, Ostermann,
Courtois, Dufaut, Vinçon et les membres du groupe du Rassemblement pour la
République.
Tous trois tendent à insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Les indemnités versées aux membres des chambres de métiers, au titre de
leur mandat, n'ont pas le caractère d'un salaire ou d'un revenu professionnel
non salarié, ne sont pas prises en compte pour l'attribution des prestations
sociales de toute nature, notamment celles relevant du code de la sécurité
sociale ou du code de la famille ou de l'aide sociale, et ne sont pas
assujetties aux cotisations de sécurité sociale.
« II. - Les pertes de recettes, pour les organismes de sécurité sociale, sont
compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 160, MM. Charasse, Régnault et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 11, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Les indemnités versées aux élus des chambres de métiers sont traitées de la
même manière que celles versées aux élus des chambres d'agriculture et aux élus
des caisses de sécurité sociale, pour l'attribution des prestations sociales de
toute nature, notamment celles relevant du code de la sécurité sociale ou du
code de la famille ou de l'aide sociale, ainsi qu'au regard des cotisations
sociales. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n°
40.
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis.
La commission des affaires sociales a adopté un
amendement tendant à exonérer de cotisations sociales les indemnités perçues
par les élus des chambres consulaires.
Un amendement exonérant de cotisations sociales les seuls présidents des
chambres de métiers avait été retenu en commission à l'Assemblée nationale
avant d'être rejeté en séance publique, sur avis défavorable du
Gouvernement.
Au terme d'un rapide bilan, j'ai pu constater une situation juridique inégale
et peu satisfaisante, non seulement entre les organismes consulaires, mais
aussi entre les élus eux-mêmes. En effet, certains élus paient des cotisations
sociales sur leurs indemnités, d'autres non.
Dans la pratique, le problème se pose principalement pour les présidents des
chambres de métiers et les présidents des chambres de commerce et d'industrie.
Les URSSAF leur réclament des cotisations personnelles d'allocations familiales
et ont obtenu gain de cause, d'abord à la suite d'arrêts de la Cour de
cassation - en 1981, s'agissant des présidents des chambres de commerce et
d'industrie, en 1993, s'agissant des présidents des chambres de métiers - puis
par une lettre ministérielle de 1996.
La perte de recettes serait très faible : quelques centaines de milliers de
franc.
Il s'agit, de surcroît, d'une mesure de simplification administrative. Ce sont
ici les présidents et les vice-présidents des chambres de métiers qui sont
principalement concernés : lorsqu'ils sont gérants minoritaires de leur
entreprise, ils doivent se faire immatriculer en qualité de travailleur
indépendant non salarié non agricole au seul titre de leur activité au sein des
chambres de métiers.
Enfin, cette demande d'exonération de cotisations sociales se justifie
d'autant plus que les indemnités versées aux élus des chambres
professionnelles, qui sont déjà soumises à la CSG et au RDS, ne doivent pas
être assimilées à un revenu professionnel. Il s'agit ici d'une indemnisation au
titre d'une fonction qui participe de la démocratie professionnelle. Les
indemnités sont censées compenser le temps consacré par l'artisan ou le
commerçant à des fonctions collectives qui relèvent de l'intérêt général.
Telles sont les raisons qui ont conduit la commission des affaires sociales à
proposer au Sénat d'adopter cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. Richert, pour présenter l'amendement n° 56.
M. Philippe Richert.
Cet amendement étant identique au précédent, je fais mienne la position de la
commission des affaires sociales.
M. le président.
La parole est à M. Adnot, pour présenter l'amendement n° 69.
M. Philippe Adnot.
Il serait bienvenu de réparer aujourd'hui une injustice dont sont victimes les
élus des chambres de métiers, qui ont déjà beaucoup de mérite, compte tenu de
la faiblesse de leurs revenus, à se consacrer aux autres.
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod, pour présenter l'amendement n° 85.
M. Paul Girod.
Je sais écouter, et j'ai donc bien compris que nos collègues de la commission
des affaires sociales défendaient le même amendement. Je sais aussi lire, ce
qui m'a permis de voir que d'autres amendements émanant de la quasi-totalité
des groupes du Sénat étaient identiques à celui que j'ai moi-même déposé. Je
n'irai donc pas plus loin : je retire mon amendement, au profit de celui de la
commission des affaires sociales.
M. le président.
L'amendement n° 85 est retiré.
La parole est à M. Marini, pour défendre l'amendement n° 138.
M. Philippe Marini.
L'objet de cet amendement a déjà été fort bien exposé, notamment par le
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, dont l'amendement
va dans le même sens. Pour les mêmes raisons que M. Paul Girod, je retire donc
l'amendement n° 138.
M. le président.
L'amendement n° 138 est retiré.
La parole est à M. Régnault, pour défendre l'amendement n° 160.
M. René Régnault.
Cet amendement est presque identique à celui de la commission des affaires
sociales et procède du même esprit, mais il a le mérite d'être un peu plus
précis.
Il se fonde sur deux arrêts de la Cour de cassation de 1993, qui ont introduit
une exception au principe de non-assujettissement des indemnités perçues par
les élus des chambres de métiers.
L'assujettissement qui en résulte pose des problèmes pratiques pour les
personnes concernées, qui doivent solliciter une immatriculation comme
travailleurs indépendants au titre des seules indemnités qu'elles peuvent
percevoir comme élus de chambres de métiers.
Le présent amendement n'a d'autre ambition que d'étendre aux élus des chambres
de métiers le bénéfice de dispositions applicables aux élus des chambres
d'agriculture et des caisses de sécurité sociale ou aux élus locaux. Il n'y a
donc aucunement rupture de l'égalité avec d'autres élus. En outre, les
dispositions visées sont aujourd'hui connues, reconnues et n'ont fait l'objet,
tout au moins jusqu'à présent, d'aucune objection particulière.
Tel est le cadre strict et précis dans lequel s'inscrit notre amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 40, 56, 69 et 160
?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je suis rassuré par les différents arguments invoqués à
l'appui de ces amendements. En effet, ce matin, en commission, on m'a donné
mandat d'essayer de trouver une rédaction qui puisse satisfaire tout le monde,
ce que j'ai fait. Or il se trouve que je suis arrivé à la conclusion que la
meilleure rédaction était sans doute celle de la commission des affaires
sociales.
Monsieur Régnault, soit l'on veut clarifier les choses, et alors on le fait de
manière qui soit juridiquement imparable, soit l'on souhaite que tous les élus
des chambres consulaires soient traités de la même manière, et alors on rédige
effectivement l'amendement comme vous l'avez fait...
Pourquoi un tel préambule, me direz-vous ? Parce que si l'on vous suit,
c'est-à-dire si l'on aligne le sort des élus des chambres de métiers sur celui
des élus des chambres d'agriculture, on prend alors le risque de rendre la
situation des élus des chambres d'agriculture juridiquement moins solide que
vous ne le pensez, monsieur Régnault. C'est la raison pour laquelle la
rédaction proposée par la commission des affaires sociales me paraît plus
sûre.
Je vous recommanderai donc, monsieur Régnault, si vous souhaitez réellement -
mais je ne doute pas un instant que vous soyez sincère - que les élus des
chambres consulaires puissent bénéficier d'exonérations, de vous rallier
vous-même à la rédaction de l'amendement n° 40, car, au nom de la commission
des finances, il me semble que c'est la meilleure.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 40, 56, 69 et 160 ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes donc en
présence de deux textes différents, mais qui posent l'un et l'autre autant de
problèmes au Gouvernement.
Monsieur le rapporteur, vous avez relevé à juste titre que certaine rédaction
risquait de mettre en péril, juridiquement parlant, ce qui est consenti aux
élus des chambres d'agriculture. Nous aurions souhaité pouvoir, avec l'ensemble
de la représentation nationale, Sénat et Assemblée nationale, poser le problème
général de toutes les indemnités qui sont soumises non seulement à l'impôt sur
le revenu - toutefois, après un certain nombre d'abattements - mais aussi, au
titre de la solidarité, à la CSG ou au RDS, ce qui est logique. Elles sont
aussi soumises, pour les élus locaux, à l'IRCANTEC, l'Institution de retraite
complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités
publiques, et, pour les élus des chambres de commerce et des chambres de
métiers, à leurs cotisations sociales respectives.
Cette source possible d'inégalité, ajoutée au risque dont je parlais, conduit
le Gouvernement à s'en remettre à la sagesse du Sénat, car il ne saurait
choisir entre deux textes qui posent autant de problèmes l'un que l'autre.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 40 et 56, acceptés par la
commission et pour lesquels le Gouvernement s'en remet à la sagesse du
Sénat.
(Ces amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi après l'article 11, et les amendements n°s 69 et 160 n'ont plus
d'objet.
Par amendement n° 50 rectifié, MM. Ostermann, Haenel, Eckenspieller, Hoeffel,
Richert, Grignon proposent d'insérer, après l'article 11, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 278
sexies
du code général des impôts, il est
inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art.
... - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 %
sur les opérations individualisées de construction, reconstruction,
réhabilitation totale ou extension de casernements de gendarmerie réalisées par
les collectivités locales et déclarées prioritaires et urgentes par le ministre
de la défense mais ne faisant pas l'objet de subvention de la part de
l'Etat.
« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée par le
relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code
général des impôts ainsi que par la création d'une taxe additionnelle aux
droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Cet amendement concerne la construction de casernements de gendarmerie.
Selon la circulaire du 28 janvier 1993, les collectivités territoriales qui
assurent la maîtrise d'ouvrage d'un projet de construction de casernement de
gendarmerie reçoivent une subvention de l'Etat fixée à 18 % du coût plafond des
unités-logements ou à 20 % pour les communes de moins de 10 000 habitants qui
ne bénéficient pas du concours financier d'une ou plusieurs collectivités.
Or, actuellement, compte tenu des contraintes budgétaires imposées au
département de la défense, le montant de l'aide à l'investissement destinée aux
collectivités territoriales est limité, ce qui entraîne une importante
réduction du nombre d'opérations immobilières dont la réalisation peut être
autorisée.
Toutefois, le ministère a proposé aux collectivités qui le souhaitent, et pour
les seuls projets urgents et prioritaires, de conduire ces opérations sans
subvention de l'Etat.
Cette décision constituerait un transfert particulièrement inquiétant de
charges de l'Etat vers les collectivités locales.
Nous connaissons tous les conditions d'hébergement de nos gendarmes, qui sont
quelquefois précaires ou encore caractérisées par un éclatement sur de nombreux
sites.
Nous mesurons également tous leur rôle en zone rural, notamment, car -
rappelons-le - l'insécurité n'est plus un phénomène qui affecte exclusivement
les zones urbaines et périurbaines mais touche aussi, malheureusement, nos
villages.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Joseph Ostermann.
Toutes ces raisons contribuent à rendre la situation actuelle inacceptable.
N'oublions pas que la sécurité est une mission régalienne de l'Etat, les
collectivités locales ne faisant que le seconder dans ce domaine.
C'est pourquoi le présent amendement vise à introduire une réduction de la TVA
à 5,5 % sur ces opérations, à l'instar des dispositions qui ont été arrêtées au
bénéfice de certains types de logement.
J'ai déjà eu l'occasion de proposer cette solution à l'occasion d'une question
orale sans débat présentée en mars dernier.
M. Jean-Pierre Masseret, alors présent, m'avait répondu que l'application du
taux réduit de TVA à 5,5 % serait à l'évidence une bonne mesure.
Je ne puis que lui donner raison, et ce d'autant plus qu'une telle mesure
s'insérerait naturellement dans la logique qui a présidé jusqu'à présent au
financement de la construction des gendarmeries.
Je me permettrai d'ailleurs de vous en rappeler les principales étapes.
Dans un premier temps, le prix plafond était certes trop faible, mais les
collectivités avaient la possibilité de récupérer la TVA sur ces opérations.
Par la suite, le prix plafond de l'unité-logement a été relevé et la
récupération de la TVA supprimée. Cependant, à titre de compensation, l'Etat a
octroyé aux collectivités une subvention de 18 % ou de 20 % pour leur permettre
d'équilibrer leurs opérations.
Aujourd'hui, la TVA n'est toujours pas récupérable, le prix plafond de
l'unité-logement reste inchangé et la subvention de l'Etat n'est plus accordée
à tous les projets urgents et prioritaires, et ce sans aucune compensation de
quelque nature que ce soit, contrairement à ce qui se pratiquait auparavant.
Conclusion ? Les collectivités locales désireuses de répondre aux besoins de
leurs administrés en matière de sécurité sont contraintes de doubler ou presque
le montant de leur subvention d'équilibre afin de compenser le prélèvement de
TVA par l'Etat. Cette situation est inacceptable.
C'est pourquoi il me semblerait juste d'adopter l'amendement légitime que j'ai
l'honneur de vous présenter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Le problème est bien réel, et chacun le connaît. Cependant la
solution proposée paraît techniquement inacceptable, sauf à prévoir que les
collectivités locales concernées procèdent, comme en matière de logements
sociaux, selon la technique de la livraison à soi-même.
Par ailleurs, il n'est pas évident que l'extension du taux réduit de la TVA à
ce type d'opération soit possible.
Au surplus, résoudre par la voie fiscale le problème de l'insuffisance des
crédits consacrés aux casernements de gendarmerie, insuffisance que vous avez
signalée, n'est pas la bonne solution. Ne voyez pas dans mon propos une réponse
technocratique : je suis simplement contraint de m'en tenir aux règles de droit
qui sont les nôtres et de ne pas accepter une solution fiscale qui n'est pas
applicable.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Tout d'abord, cette mesure, qui, dans l'abstraction,
pourrait être bonne, est, hélas ! contraire à la directive européenne.
M. Emmanuel Hamel.
Libérez-vous des directives communautaires !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Hamel, nous vivons en Europe !
Cette directive prévoit que le taux réduit de la TVA est limité aux seuls
logements présentant un caractère social. A l'évidence, la construction de
casernements de gendarmerie n'entre pas dans cette catégorie.
Ensuite, puisque l'on a parlé d'insuffisance de crédits, les subventions
relatives à la construction par les collectivités territoriales de tels
casernements ont été sensiblement majorées dans le budget de 1998, bien que les
crédits militaires aient été fortement limités. Cette dotation, qui figure à
l'article 25 du chapitre 66-50 du budget de la défense, est passée de 30
millions de francs à 39,3 millions de francs en crédits de paiement, soit une
augmentation de plus de 30 %.
Vous le constatez, le Gouvernement est très sensible à la question des
casernements de gendarmerie en milieu rural et il a fait un effort budgétaire
substantiel. Mais il n'est pas possible d'emprunter la voie fiscale que vous
proposez, monsieur Ostermann. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir
retirer votre amendement.
M. le président.
Monsieur Ostermann, l'amendement n° 50 rectifié est-il maintenu ?
M. Joseph Ostermann.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 50 rectifié est retiré.
Par amendement n° 119, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 11, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A compter du 1er janvier 1998, les dépenses des collectivités
territoriales, de leurs groupements, de leurs régies, des organismes chargés de
la gestion des agglomérations nouvelles, des services départementaux d'incendie
et de secours, des centres communaux d'action sociale, des caisses des écoles,
des centres de formation des personnels communaux, du centre national et des
centres de gestion des personnels de la fonction publique territoriale,
comptabilisées à leur section de fonctionnement, qui ont été imposables à la
taxe sur la valeur ajoutée, auront droit à compensation du Fonds de
compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée.
« II. - Les collectivités territoriales et organismes visés à l'article 1er
bénéficient du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs
dépenses de fonctionnement sur présentation.
« III. - Pour compenser l'augmentation du prélèvement sur recettes résultant
de l'application du I et du II ci-dessus, les taux des quatre dernières
tranches du barème prévu à l'article 885 U du code général des impôts sont
relevés à due concurrence. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Cet amendement, modeste, permet le remboursement de la taxe sur la valeur
ajoutée acquittée par les collectivités locales sur l'ensemble de leurs
dépenses de fonctionnement.
Vous savez que les collectivités locales bénéficient, par l'intermédiaire du
fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée, du remboursement de la
TVA sur leurs dépenses réelles d'investissement.
A ce propos, je souhaiterais souligner de nouveau que, depuis 1996, le
remboursement de la TVA sur les dépenses d'investissement est redevenu partiel.
En effet, à la suite de la hausse, en juillet 1996, de deux points de la TVA,
le gouvernement Juppé avait fait le choix budgétaire de ne pas relever le taux
de remboursement aux collectivités locales.
M. René Régnault.
Il a même baissé !
M. Paul Loridant.
Pensez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, revenir un jour sur cette décision
discriminatoire qui pèse sur les collectivités territoriales ?
Le présent amendement prévoit une extension du remboursement de la TVA aux
dépenses sociales de fonctionnement des collectivités locales.
Chacun sait que les collectivités locales ont, d'année en année, beaucoup de
difficulté pour boucler leur budget. Voilà deux mois, dans son rapport annuel,
la banque principale des collectivités locales, le crédit local de France,
Dexia, faisait état de la situation financière des collectivités : elles ont
certes dégagé un excédent, mais elles ont été contraintes de réduire leurs
investissements, leurs dépenses et d'augmenter la pression fiscale.
Compte tenu de la situation sociale actuelle, cela devient de plus en plus
intolérable. D'un côté, on demande aux contribuables de payer plus d'impôts et,
de l'autre, les infrastructures mises à la disposition du public ne suivent
pas.
Aussi serait-il peut-être temps de dégager des ressources supplémentaires pour
les collectivités locales. Leur rembourser la TVA sur les dépenses de
fonctionnement semble être une bonne solution, d'autant que ces dépenses sont
avant tout des dépenses de nature sociale. Chacun a bien conscience que les
dépenses des services départementaux d'incendie et de secours, des centres
communaux d'action sociale, des caisses des écoles, notamment, sont autant de
dépenses qui viennent au secours des personnes qui subissent de plein fouet la
crise et ne voient pas encore les effets positifs de la reprise économique.
Le remboursement de la TVA sur les dépenses de fonctionnement des
collectivités locales aura donc forcément des répercussions sur la qualité et
la quantité des services rendus à la population.
C'est pourquoi nous proposons au Sénat d'adopter cet amendement, qui
apporterait en quelque sorte de nouveaux financements pour les dépenses de
fonctionnement des collectivités locales.
Nous avons bien conscience, monsieur le secrétaire d'Etat, que cet amendement
est lourd en termes de dépenses publiques. Il se veut néanmoins un amendement
d'appel pour que, aujourd'hui, à l'heure où le Gouvernement doit discuter avec
les collectivités locales de la sortie du pacte de stabilité, on ait à l'esprit
les grands enjeux de la gestion locale et le rôle éminent que les collectivités
locales jouent vis-à-vis de nos concitoyens.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
M. Loridant a commencé par qualifier sa proposition de
modeste, ce qui a naturellement suscité mon attention, puis il l'a reconnue
lourde, avant d'ajouter qu'elle devait être considérée comme un appel.
L'extension aux dépenses de fonctionnement est sympathique pour le FCTVA, mais
elle risque de mettre le principe même de ce fonds en difficulté. M. le
ministre dira dans un instant - c'est le souhait de la commission des finances
- quel serait le coût d'un tel amendement.
L'objectif de la commission des finances, et c'est pour moi l'occasion de le
rappeler, serait plutôt d'amener le Gouvernement à admettre une conception plus
ample du FCTVA en matière de dépenses d'investissement.
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Malgré le chaleureux plaidoyer de M. Loridant, l'avis
du Gouvernement est défavorable, pour deux raisons.
D'abord, à l'origine, et la Haute Assemblée s'en souvient, le FCTVA s'appelait
« fonds d'équipement des collectivités locales ». Il est clair que sa vocation
n'est pas de rembourser la TVA sur des dépenses de fonctionnement. Vous le
savez, il existe pour les dépenses de fonctionnement la dotation globale de
fonctionnement, qui, normalement, devrait permettre d'assurer dans de bonnes
conditions ces dépenses courantes. Donc, le FCTVA serait dénaturé par votre
proposition.
Ensuite, cette mesure coûterait 40 milliards de francs. Nous n'avons pas les
moyens budgétaires d'une telle ambition.
Aussi, je demande le retrait de cet amendement, sinon, son rejet.
M. le président.
Monsieur Loridant, l'amendement n° 119 est-il maintenu ?
M. Paul Loridant.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 119 est retiré.
Article 11
bis
M. le président.
« Art. 11
bis
. _ Le
f
du 1° du I de l'article 31 du code général
des impôts est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les dispositions du présent
f
s'appliquent, sous les mêmes
conditions, aux logements acquis neufs ou en l'état futur d'achèvement entre le
1er janvier 1999 et le 30 juin 1999 lorsque les conditions suivantes sont
réunies :
« 1. Le permis de construire prévu à l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme
doit avoir été délivré avant le 1er janvier 1999 ;
« 2. La construction des logements doit avoir été achevée dans les deux ans
suivant la délivrance du permis de construire.
« Pour l'application des dispositions des alinéas qui précèdent, les
contribuables doivent joindre à la déclaration des revenus mentionnée au
troisième alinéa une copie de la notification de l'arrêté délivrant le permis
de construire et de la déclaration d'achèvement des travaux accompagnée des
pièces attestant de sa réception en mairie. »
Sur l'article, la parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les
membres du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent attirer votre
attention sur la prolongation pour six mois de l'amortissement Périssol.
Nous ne voterons pas contre cet article 11
bis,
alors que, vous le
savez, nous sommes loin d'être des défenseurs de ce dispositif d'aide aux
bailleurs privés.
L'amortissement Périssol permet aux investisseurs immobiliers d'acquérir un
logement neuf en bénéficiant d'un remboursement de 80 % du coût de leur
investissement avec comme seule contrepartie l'obligation de louer
l'appartement pour une durée de neuf ans.
A l'échéance de ce délai de neuf années, le propriétaire privé, alors qu'il a
bénéficié d'une aide de l'Etat représentant 80 % du montant du bien immobilier,
peut de nouveau spéculer tranquillement.
Il ne s'agit en aucune manière de faire contribuer les bailleurs privés à
l'hébergement des personnes défavorisées, ni au logement locatif dans son
ensemble. C'est une mesure d'aide sans réciprocité.
Aussi, il est urgent de repenser ce dispositif et de réfléchir à la mise en
place de mesures qui permettraient réellement de mettre les bailleurs privés
devant leurs responsabilités face à l'important et croissant problème du
logement dans notre pays.
Nous savons, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous réfléchissez en ce moment
même à l'après-amortissement Périssol et à l'éventuel conventionnement qui
pourrait être mis en place entre l'Etat et les bailleurs privés.
Le groupe communiste républicain et citoyen, soucieux de rassembler l'ensemble
des acteurs du logement afin de mettre en oeuvre une politique efficace du
logement, souhaite que le débat national sur le logement, prévu pour le 5 juin
1998, soit l'occasion de discuter et de réfléchir ensemble au statut des
bailleurs privés, pour que ceux-ci jouent un rôle plus important au sein du
parc locatif. En effet, nous ne pouvons décemment continuer à attribuer des
aides aux investisseurs immobiliers sans contrepartie importante pour la
collectivité.
M. le président.
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 80 rectifié
bis,
Mme Bardou, MM. Balarello, Carle,
Clouet, Emin, Pépin et de Rocca Serra proposent :
I. - Dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 11
bis
pour
compléter le
f
du 1° de l'article 31 du code général des impôts, de
remplacer la date : « 30 juin 1999 » par la date : « 30 juin 2000 ».
II. - De rédiger ainsi le deuxième alinéa (1) du même texte :
« 1. Le permis de construire doit avoir été déposé avant le 1er janvier 1999.
»
III. - De rédiger ainsi le troisième alinéa (2) du même texte :
« 2. La construction doit être achevée avant le 31 décembre 2000. »
IV. - Dans le quatrième et dernier alinéa du même texte, de remplacer les mots
: « de la notification de l'arrêté délivrant le permis de construire » par les
mots : « du récépissé du dépôt du permis de construire ».
V. - Pour compenser les pertes de recettes résultant de l'application des
paragraphes ci-dessus, de compléter l'article 11
bis
par un paragraphe
additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes éventuelles résultant des modifications du
délai d'achèvement de la construction de logements sont compensées à due
concurrence par l'augmentation des droits prévus aux articles 575 et 575 A du
code général des impôts. »
Par amendement n° 204, M. Lambert, au nom de la commission des finances,
propose :
A. - De rédiger ainsi le troisième alinéa (2) du texte proposé par l'article
11
bis
pour compléter le
f
du 1° du I de l'article 31 du code
général des impôts :
« 2. La construction des logements doit avoir été achevée avant le 1er janvier
2001. »
B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant de l'application du A
ci-dessus, de compléter l'article 11
bis
par un paragraphe additionnel
ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes éventuelles résultant de la modification du
délai d'achèvement de la construction des logements sont compensées à due
concurrence par l'augmentation des droits prévus aux articles 575 et 575 A du
code général des impôts. »
C. - En conséquence, d'insérer au début de cet article la mention : « I. -
».
Par amendement n° 146, M. Le Grand propose de rédiger ainsi le troisième
alinéa (2) du texte présenté par l'article 11
bis
pour compléter le
f
du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts :
« 2. La construction des logements doit être achevée le 31 décembre 2000. »
Par amendement n° 151, MM. Baylet et Collin proposent, dans le troisième
alinéa (2) du texte présenté par l'article 11
bis
pour compléter le
f
du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, de remplacer
les mots : « dans les deux ans suivant la délivrance du permis de construire. »
par les mots : « dans un délai de deux ans à compter du 31 décembre 1998. »
La parole est à M. Balarello, pour présenter l'amendement n° 80 rectifié
bis.
M. José Balarello.
Compte tenu de la poursuite de la crise du bâtiment et des travaux publics, je
suis de ceux qui pensent qu'il convenait de pérenniser pendant encore quelques
années le dispositif Périssol.
Quoi qu'il en soit, afin de garantir aux professionnels la lisibilité
nécessaire pour leurs décisions d'investissement, il est proposé, par cet
amendement, de proroger de manière transitoire le régime de la déduction au
titre de l'amortissement, en tenant compte, d'une part, des délais qui sont
habituellement pratiqués par le secteur du BTP pour mener à bien une opération
et, d'autre part, des délais de mise en place du régime d'imposition appelé à
remplacer le régime actuel et dont les modalités d'application ne seront pas
connues avant le 1er semestre 1999.
Aussi, pour éviter que la production de logements neufs ne subisse un coup
d'arrêt, apparaît-il souhaitable que le dispositif transitoire concerne les
acquisitions réalisées entre le 1er janvier 1999 et le 30 juin 2000, sous la
double condition que le permis de construire ait été déposé avant le 1er
janvier 1999 et que la construction soit achevée avant le 31 décembre 2000.
Cette rédaction a également pour objet de prendre en compte les opérations de
construction par tranches qui sont déjà engagées.
J'ajoute, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il en résulterait pour l'Etat
d'importantes recettes au titre de la TVA.
M. le président.
La parole est à M. Lambert, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 204.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
L'article adopté par l'Assemblée nationale vise à soumettre
le bénéfice de la prorogation du régime d'amortissement au respect d'un délai
de deux ans entre la délivrance du permis de construire et l'achèvement des
travaux.
Or, certaines opérations de commercialisation, ou dont la commercialisation
pourrait intervenir entre le 1er janvier 1999 et le 30 juin 1999, bénéficient
actuellement de permis de construire déjà anciens. C'est notamment le cas des
opérations qui sont réalisées par tranches. Ces opérations pourraient
bénéficier de la prorogation de l'amortissement si la contrainte d'achèvement
dans les deux ans suivant la délivrance du permis de construire était remplacée
par la date fixe du 1er janvier 2001. C'est l'objet de cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 146 est-il soutenu ?...
L'amendement n° 151 est-il soutenu ?
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 80 rectifié
bis
?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Le paragraphe I de cet amendement vise à prolonger d'un an la
période pendant laquelle les logements pourront être commercialisés. Le
paragraphe III tend à retenir la date de réception du permis de construire,
plutôt que la date de délivrance.
Ces modifications ne sont peut-être pas les meilleures. En effet, lorsque les
logements seront commercialisés peu avant le 30 juin 2000, la condition
d'achèvement avant le 31 décembre 2000 sera en pratique difficile à tenir. Cela
pourrait entraîner, avant le 1er janvier 1999, un afflux de demandes de permis
de construire pour des réalisations éloignées dans le temps et pour lesquelles
de telles conditions de prorogation se justifieraient moins.
Quant au paragraphe II de l'amendement, il est satisfait, me semble-t-il, par
l'amendement de la commission.
C'est pourquoi, tout en mesurant que l'amendement de la commission ne recouvre
pas la totalité de vos préoccupations, je vous demande, monsieur Balarello, de
bien vouloir retirer votre amendement au profit de celui de la commission, qui
répond partiellement à vos préoccupations.
M. le président.
Monsieur Balarello, l'amendement n° 80 rectifié
bis
est-il maintenu
?
M. José Balarello.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 80 rectifié
bis
est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 204 ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Le débat se circonscrit donc à l'amendement qui a été
présenté par M. le rapporteur.
Je voudrais rappeler l'état d'esprit du Gouvernement.
L'amortissement qui a été institué à l'initiative du gouvernement précédent
était, de par la volonté même de ce dernier, expérimental et temporaire.
L'expérience a montré que ce dispositif constituait une véritable niche
fiscale, qui, dans l'esprit du Gouvernement, ne peut pas être reconduite en
l'état. C'est pourquoi nous travaillons à la mise au point d'un nouveau
dispositif qui soit véritablement ciblé sur l'investissement locatif durable,
équilibré et juste, avec la volonté, partagée avec la Haute Assemblée, de
l'impact sur l'emploi.
C'est précisément pour éviter une période transitoire, un risque de chute
brutale des mises en chantier et donc un problème d'emploi dans cette activité
que, à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a donné son accord à un
amendement visant à proroger de six mois le régime de la déduction au titre de
l'amortissement. Cela me paraît suffisant.
Je vous indique, par ailleurs, que l'activité du secteur du bâtiment est
heureusement repartie et que l'on escompte à cet égard une progression de 3 %
en 1998.
L'attribution d'une sorte de prime à des projets anciens dont la
commercialisation est difficile ne me paraît pas absolument prioritaire du
point de vue de l'emploi. C'est la raison essentielle, avec le souci de justice
sociale, qui me fait demander le retrait de cet amendement, sur lequel le
Gouvernement émet un avis défavorable.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lambert, rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Ce projet de loi portant DDOEF nous permet d'examiner des
articles sur lesquels nous sommes en accord avec le Gouvernement. Cependant,
monsieur le secrétaire d'Etat, s'agissant de la question évoquée en cet
instant, je me sens en désaccord total avec ce que vous venez de dire, comme
avec les propos que vous aviez tenus lors de la discussion générale.
Au fond, j'ai le sentiment - mais je ne voudrais pas vous soupçonner, car ce
ne serait pas moralement convenable - que vous éprouvez un doute quant à
l'opportunité d'accorder un avantage fiscal à celui qui investit dans un
logement en vue de le louer. Eh bien, monsieur le secrétaire d'Etat, il faut
avoir les idées claires : soit l'on juge qu'il faut construire des logements
pour les louer, et il ne faut alors pas regretter d'attribuer des avantages
fiscaux, soit l'on estime que ce n'est pas nécessaire. Mais il faut choisir.
Nous avons besoin, dans notre pays, de logements...
M. Paul Loridant.
Sociaux !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
... sociaux et aussi de logements locatifs.
Aujourd'hui, des locataires ne relevant pas du logement social demandent à y
être logés en raison de l'insuffisance de l'offre de logement locatif privé «
classique ».
M. Philippe Marini.
C'est clair !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Ayons donc une attitude claire, ce qui ne sous-entend pas de
ma part que l'attitude du Gouvernement est ambiguë : j'ai bien compris, en
effet, que nous avions des philosophies tout à fait différentes en cette
matière.
La position de la commission des finances du Sénat est en tout cas tout à fait
claire : le parc locatif privé en France est insuffisant. Les propriétaires
privés, qui jouent un rôle social évident pour loger les Français, se
découragent. Ils ont été maltraités,...
M. Paul Loridant.
Les pauvres gens !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
... et ce depuis des décennies. Je rappellerai à mes
collègues qui semblent être émus par mes propos que 85 % du parc locatif
français sont détenus par des propriétaires ne possédant pas plus de deux
logements. Vous pouvez penser ce que vous voulez du droit de propriété. Mais en
matière de logement, certains propriétaires ont des ressources moindres que
leurs locataires !
Un sénateur du RPR.
Bien sûr !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Considérer que, de toute façon, le propriétaire a les moyens
de payer et que les avantages fiscaux lui étant alloués sont exorbitants est à
mon avis un peu facile, et c'est bien souvent commettre une erreur en voulant
se donner bonne conscience.
Ayant bien compris votre état d'esprit, monsieur le secrétaire d'Etat, je vais
essayer de vous exprimer le nôtre, qui est différent.
La commission des finances considère que des dispositifs doivent encourager
l'acquisition de logements en vue de les louer.
Je n'ai pas entendu quel était le calendrier pour la réforme que vous
envisagez, et je dois dire qu'une réponse précise sur ce sujet apaiserait nos
craintes. En effet, la priorité de la commisssion des finances est précisément
d'éviter toute rupture dans le mécanisme de soutien à l'investissement locatif
- c'est ce qui lui paraît le plus dangereux - et d'obtenir le respect, en
matière immobilière, d'une certaine stabilité fiscale, nécessaire à la
visibilité des investisseurs immobiliers dont l'action s'inscrit sur le long
terme.
Par conséquent, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne veux pas être excessif
dans mes propos : la commission des finances du Sénat a, en ce domaine, je vous
l'assure, une vision très claire. Elle pense qu'il est bon de soutenir
l'investissement locatif en France, parce que c'est un bon investissement, y
compris pour les deniers de l'Etat.
Vous avez parlé du coût du dispositif existant. Or, sa prolongation sur six
mois, selon mes calculs, ne coûtera que 200 millions de francs répartis entre
2000 et 2001, ce qui, à mes yeux - et pourtant, Dieu sait si je suis économe !
- est peu, lorsque l'on sait que 85 % des 40 000 logements locatifs neufs
construits en 1997 auront bénéficié du régime de cet amortissement.
Il s'agit donc de soutenir l'activité - M. Balarello l'a dit clairement - et
d'offrir des logements locatifs, qui sont demandés par les Français. Or, les
constructions qui ne résulteront pas de l'initiative privée devront être
réalisées par l'initiative publique, laquelle, en général, coûte plus cher que
l'initiative privée !
M. Adrien Gouteyron.
Très bien !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Puisque notre débat est franc et loyal, je voudrais
préciser mon propos concernant l'amortissement Périssol.
Il se trouve que j'ai trouvé dans ma boîte à lettres une publicité, qui
n'était pas spécialement destinée aux propriétaires modestes que vous exaltez :
« Achetez un appartement dans une résidence de tourisme ; vous n'en paierez que
le tiers. Pour les deux autres tiers, d'autres s'en chargent ! », pouvait-on
lire.
Le débat entre nous ne porte pas du tout sur l'intérêt d'inciter des
propriétaires privés à investir dans des des logements locatifs à but social :
le Gouvernement, sur ce point, est entièrement d'accord. Le problème ne
concerne pas non plus l'activité du secteur du bâtiment et des travaux publics
puisque c'est précisément pour soutenir cette dernière que le Gouvernement a
proposé de prolonger pendant une période de six mois le dispositif Périssol.
Je reprendrai simplement une phrase que vous avez prononcée avant la
suspension de nos travaux, monsieur le rapporteur général : « L'enfer est pavé
de bonnes intentions », avez-vous dit. Je considère pour ma part que le
dispositif Périssol comporte des pavés trop dorés, et qu'il faut le recentrer
sur les logements locatifs privés à caractère social. Je vous promets que nous
vous ferons, des propositions à la fois justes du point de vue social et
dynamiques du point de vue économique.
Nous sommes donc dans un désaccord franc et loyal ; je l'accepte volontiers ;
mais je tenais à apporter ces précisions.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Vous ne nous avez pas communiqué le calendrier, monsieur le
secrétaire d'Etat !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 204, repoussé par le Gouvernement.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11
bis,
ainsi modifié.
(L'article 11
bis
est adopté.)
Article 11
ter
M. le président.
« Art. 11
ter
. _ Le 1 du I de l'article 278
sexies
du code
général des impôts est ainsi rédigé :
« 1. Les ventes et les apports en société de terrains à bâtir et de biens
assimilés à ces terrains par les 1° et 3° du I de l'article 691 consentis aux
organismes d'habitations à loyer modéré visés à l'article L. 411-2 du code de
la construction et de l'habitation ou aux personnes bénéficiaires, au moment de
la vente ou de l'apport, d'un prêt mentionné à l'article R. 331-1 du même code
pour la construction de logements visés au 3° de l'article L. 351-2 du même
code, ainsi qu'aux personnes bénéficiaires des aides de l'Etat mentionnées aux
articles L. 301-1 et suivants du même code pour la construction de logements
financés au moyen d'un prêt aidé par l'Etat destiné à l'accession à la
propriété prévu par l'article R. 331-32 du même code.
« Le taux réduit de 5,5 % s'applique également aux indemnités de toute nature
perçues par les personnes qui exercent sur ces immeubles un droit de propriété
ou de jouissance. » -
(Adopté.)
Articles additionnels après l'article 11
ter
M. le président.
Par amendement n° 126 rectifié
bis,
Mme Beaudeau, M. Lefebvre et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après
l'article 11
ter,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 278
bis
du code général des impôts est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« 7° Accessoires de sécurité routière (casques de moto, sièges pour
enfants...).
« II. - Les pertes de recettes sont compensées par une majoration à due
concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Le 7 avril 1998, en première lecture, le Sénat a adopté à l'unanimité le
projet de loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité routière,
qui s'inscrivait dans une politique globale de réduction sur cinq ans du nombre
des tués sur la route.
Notre groupe avait alors proposé de ramener le taux de TVA sur les accessoires
de sécurité, en particulier sur les casques de moto et les fauteuils d'enfants,
de 20,6 % à 5,5 %.
Le Gouvernement, par la voix de Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement,
des transports et du logement, avait indiqué que les moyens de lutte contre la
violence routière étaient divers, tant le problème est complexe et multiple.
La mesure que nous proposons est préventive et permettrait des résultats
immédiats.
De nombreux jeunes motards sont tués parce qu'ils sont mal équipés : soit ils
ne portent pas de casque, jugé trop coûteux au regard du budget disponible,
soit ils s'équipent d'accessoires de mauvaise qualité pour être en conformité
avec la réglementation.
De même, la réduction du coût des sièges pour enfants serait une mesure
bienvenue pour les familles nombreuses.
En baissant le taux de TVA sur ces accessoires, nous faciliterions l'accès des
conducteurs, notamment des plus démunis d'entre eux, au droit à la sécurité.
Ainsi, notre amendement pourrait contribuer à réduire de moitié le chiffre de
8 000 tués chaque année, objectif que nous nous sommes unanimement fixé.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Monsieur le président, il est apparu à la commission des
finances que le défaut de port de casque n'était pas toujours liée à une
question de prix.
M. Hilaire Flandre.
C'est évident !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Si la proposition faite par nos collègues est pleine de
bonnes intentions, il est à craindre que le champ de la mesure proposée ne soit
trop vague. L'expression « accessoires de sécurité routière » peut en effet
viser aussi bien les dispositifs de freinage ABS, les
airbags (Protestations
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen)
que les
rambardes de sécurité le long des routes. En tout état de cause, la proposition
ainsi formulée, dont l'objectif n'est pas critiquable,...
M. Emmanuel Hamel.
Il est même louable !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
... n'est sans doute pas réalisable. La commission des
finances émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 126 rectifié
bis.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
M. Lefebvre a eu raison d'insister sur la volonté du
Gouvernement, soutenu par l'ensemble des parlementaires, d'améliorer la
sécurité routière et de réduire le nombre d'accidents de la route.
Le projet de loi proposé par mon collègue M. Jean-Claude Gayssot, qui a été
adopté à l'unanimité, va tout à fait dans la bonne direction.
Cela dit, la proposition formulée par M. Lefebvre est sous-tendue par la
volonté, bien compréhensible, de renforcer la sécurité routière en abaissant le
prix des accessoires en ce domaine.
Néanmoins, comme l'a souligné M. le rapporteur - pour une fois, je suis
d'accord avec lui ! - ces accessoires recouvrent un champ relativement vaste et
imprécis qu'il serait assez difficile de délimiter.
En dépit de l'honnêteté de vos intentions, monsieur Lefebvre, je me vois donc
contraint de vous demander de bien vouloir retirer l'amendement n° 126 rectifié
bis.
M. le président.
Monsieur Lefebvre, l'amendement n° 126 rectifié
bis
est-il maintenu
?
M. Pierre Lefebvre.
Nous avions rectifié à deux reprises notre amendement en vue de viser
précisément les casques de moto et les sièges d'enfant. Néanmoins, répondant à
votre invitation, monsieur le secrétaire d'Etat, nous acceptons de retirer cet
amendement, qui visait à montrer la voie dans laquelle il nous faut aller.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
C'était un amendement d'appel.
M. le président.
L'amendement n° 126 rectifié
bis
est retiré.
Par amendement n° 136, M. Ostermann et les membres du groupe du Rassemblement
pour la République proposent d'insérer, après l'article 11
ter,
un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le a
quinquies
de l'article 279 du code général des
impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« a
sexies)
Les prestations de restauration.
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une
taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du code général des
impôts. »
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Monsieur le président, si vous me le permettez, je présenterai en même temps
l'amendement n° 137.
M. le président.
J'appelle donc également en discussion l'amendement n° 137, présenté par M.
Ostermann et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, et
tendant, après l'article 11
ter,
à insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Après l'article 281
nonies
du code général des impôts, il est
inséré un article 281
decies
ainsi rédigé :
«
Art. 281
decies. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux
de 14 % en ce qui concerne les ventes à emporter ou à consommer sur place et
les livraisons à domicile dans le secteur de la restauration. »
« II. - En conséquence, après le
d
du 2° de l'article 278
bis
du
code général des impôts, il est inséré un
e
ainsi rédigé :
«
e)
Les ventes à emporter et les livraisons à domicile dans le secteur
de la restauration. »
« III. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une
taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du code général des
impôts. »
Veuillez poursuivre, monsieur Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Le secteur de la restauration en France est soumis à deux taux de TVA
différents : l'un à 5,5 % pour la vente à emporter et la livraison de repas à
domicile, l'autre à 20,6 % pour la restauration à consommer sur place. Nous
savons, par ailleurs, que certains établissements de restauration rapide sont
assujettis à la TVA de 5,5 %.
Cette situation engendre de graves inégalités au sein de la profession et
entraîne de sensibles distorsions de concurrence. En outre, le taux de 20,6 %
met en difficulté un certain nombre de restaurants de taille moyenne ou très
petite, qui se voient trop lourdement taxés et ne peuvent assurer ainsi la
rentabilité de leurs équipements.
Enfin, la coexistence de ces deux taux provoque parfois, au sein d'une même
entreprise, des difficultés de comptabilité très difficilement gérables.
C'est pourquoi, mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter deux
amendements.
L'amendement n° 136 vise à assujettir le secteur de la restauration dit «
traditionnel » au même taux de TVA que le secteur de la vente à emporter, soit
5,5 %.
Une telle mesure serait de nature à développer et à soutenir le potentiel
touristique de notre pays et ne pourrait qu'être favorable à la création
d'emplois dans un secteur où la modernisation des établissements et les charges
salariales constituent l'essentiel des dépenses.
L'amendement n° 137 tend à harmoniser les taux de TVA en instituant, pour
l'ensemble de la profession, un taux à 14 %, et ce afin de répondre aux
préoccupations de nos entreprises de restauration sans peser de façon excessive
sur nos finances publiques.
L'adoption de l'une ou l'autre de ces deux propositions ne serait, en outre,
pas en contradiction, bien au contraire, avec la politique communautaire
d'harmonisation de la TVA.
En effet, sauf erreur de ma part, le 12 novembre 1997, la Commission
européenne a transmis un document final au Conseil tendant à offrir aux Etats
membres la possibilité d'appliquer un taux de TVA réduit sur les services à
forte intensité de main-d'oeuvre, à titre expérimental et sur base
optionnelle.
Ces services devront, en outre, être fournis directement au consommateur final
et être à prédominance locale.
Enfin, ces services devront être ceux pour lesquels le lien entre la réduction
des prix, d'une part, et l'augmentation de la demande et de l'emploi, d'autre
part, est le plus fort.
Cette expérimentation pourrait ainsi être mise en oeuvre à bon escient dans le
secteur de la restauration.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 136 ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Monsieur le président, nous sommes là dans une problématique
que nous commençons à bien connaître, car nous l'avons souvent évoquée au sein
de la Haute Assemblée.
Les considérations d'ordre communautaire - et je sais qu'elles peuvent agacer
- ainsi que les considérations budgétaires qui s'opposent à l'application du
taux réduit de TVA à l'ensemble des prestations de restauration sont et
demeurent ce qu'elles sont. Néanmoins, une solution pourrait peut-être se
dessiner, monsieur le secrétaire d'Etat, avec la proposition de la Commission
européenne d'autoriser, à titre expérimental, une extension du taux réduit de
TVA dans certains secteurs à forte intensité en emplois.
Peut-être le Gouvernement pourrait-il juger opportun de saisir la Commission
d'une demande en faveur de la restauration ? C'est une question que la
commission des finances m'a autorisé à poser, et elle m'a prié de recommander
au Sénat de s'en remettre à l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
M. Ostermann a posé avec talent une question bien
connue, concernant la distinction qu'il y a lieu d'opérer entre les deux
activités que sont, d'une part, la vente de produits alimentaire, élaborés à
emporter, assimilée à une activité de commerce alimentaire, et, d'autre part,
la restauration, qui est fondamentalement la vente sur place d'un service de
restauration qui, évidemment, dans les restaurants convenables, s'accompagne
également de produits alimentaires.
(Sourires.)
C'est sans doute ce qui explique que la Commission de Bruxelles, que n'aime
pas beaucoup M. Hamel...
M. Emmanuel Hamel.
Ah ! que non !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
... ait opéré un partage très clair entre les
activités de service, qui sont au taux normal, et les activités de vente de
produits alimentaires à emporter, qui sont au taux réduit.
M. Hilaire Flandre.
Et quand vous mangez chez McDonald's ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Si vous consommez sur place dans certains
établissements qui font aussi de la vente à emporter, indépendamment de la
question du contrôle, que vous avez raison de poser, la consommation sur place
doit être taxée à 20,6 %, il n'y a aucune ambiguïté dans le droit applicable en
la matière. Au demeurant, certains de ces magasins, que vous semblez fréquenter
comme moi
(Sourires),...
M. Hilaire Flandre.
Dieu m'en préserve !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
... affichent deux listes de prix, selon que leurs
produits sont à consommer sur place ou à emporter.
(Murmures dubitatifs sur
plusieurs travées.)
La proposition que vous faites, monsieur Ostermann, avec votre amendement n°
136, n'est donc absolument pas compatible avec les règles communautaires en
vigueur.
M. le rapporteur m'interroge sur l'intention - qui ne fait pas encore l'objet
d'une directive - qu'aurait la Commission de faire passer au taux réduit, à
titre expérimental, certaines activités de main-d'oeuvre.
Nous avons interrogé la Commission à plusieurs reprises à cet égard. Elle nous
a répondu que la restauration n'entrait pas dans le champ des activités de
service sur lesquelles elle tenterait des expérimentations.
M. Emmanuel Hamel.
Une fois de plus, la Commission se trompe !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
C'est pourquoi, en vous priant de m'excuser d'avoir
été un peu long dans ma réponse, monsieur Ostermann, et compte tenu du coût de
la mesure que vous proposez - même s'il est plus modeste que les 40 milliards
de francs que nous proposait M. Loridant tout à l'heure, il est quand même de
21 milliards de francs ! - le Gouvernement ne peut que conclure à
l'impossibilité d'accepter votre proposition.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 136.
M. Daniel Hoeffel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Notre collègue M. Ostermann a mis l'accent sur un problème qui existe
réellement. Il est souhaitable, que cet amendement soit adopté ou non, que le
Gouvernement puisse engager et intensifier une action visant à réduire ou à
supprimer cette double et difficilement admissible inégalité : inégalité,
d'abord, au sein d'une même profession, où des entreprises qui se livrent
sensiblement à la même activité se trouvent frappées de taux d'imposition
différents - ce qui, évidemment, ne joue pas en faveur d'une concurrence loyale
- mais inégalité aussi au sein d'une même entreprise, où l'on peut souvent
trouver deux taux d'imposition différents, ce qui est une source de
complication comptable.
Cet après-midi, tout au long du débat, il a souvent été question de la
nécessité de simplifier la vie des entreprises sur le plan administratif et
comptable. Puisse donc cette double inégalité, très frappante et très
choquante, être de nature, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous faire engager
des démarches au niveau adéquat pour répondre à l'argumentation présentée par
l'amendement de M. Ostermann !
M. François Lesein.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein.
Pour rester dans ce même registre de la simplification, je ne sais pas combien
de régimes de TVA nous avons, car nous allons de surprise en surprise en la
matière !
Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat - mais personne
ne l'ignore - que la Coupe du monde de football se déroulera prochainement en
France. Nous espérons tous que cette fête du sport sera une réussite ! Or, mes
chers collègues, vous avez tous reçu comme moi ce document
(L'orateur
brandit une affichette)
laissant entendre que McDonald's serait le
restaurateur officiel de la Coupe du monde en France !
Certes, si McDonald's ne paie que 5,5 % de TVA, c'est qu'on est censé y manger
debout... sans doute parce que cela facilite la digestion.
(Sourires.)
Quoi qu'il en soit, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais une réponse
: pensez-vous que McDonald's puisse valablement représenter la restauration
française lors d'une fête mondiale en France ? Je crois personnellement que
non.
Par conséquent, je voterai l'amendement qui nous est présenté, et je regrette
que, lors de la discussion de l'amendement n° 126 rectifié
bis
, ses
auteurs n'aient pas insisté, car je l'aurais voté également.
M. Bernard Joly.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Comme mon ami M. Lesein, je m'étonne du patronage de la Coupe du monde de
football par McDonald's.
Quant à l'amendement que nous examinons en cet instant, je l'ai déjà présenté,
mais il a été rejeté. Si nous voulions couler la petite hôtellerie en France,
je crois que nous ne nous y prendrions pas autrement !
M. Emmanuel Hamel.
Hélas !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Une question précise m'a été posée.
Pour ma part, je ne citerai pas de nom propre, car je ne tiens pas à faire de
la publicité à telle ou telle entreprise. Je souhaite en tout cas, comme vous,
monsieur Lesein, comme vous, monsieur Joly - et, je le pense, comme tous les
sénateurs présents ici ce soir - que la Coupe du monde de football soit un
grand succès.
Sachez néanmoins qu'il y a un partage des tâches entre la sphère privée et la
sphère publique. L'Etat a largement participé à la construction du Stade de
France et à la modernisation des autres stades. Il se charge aussi de la
sécurité, et c'est une tâche très importante. Le reste - y compris la question
que vous avez soulevée - relève de l'initiative privée, puisque nous sommes
dans un système d'économie mixte.
Soyez sûrs que le choix des « partenaires officiels » ne résulte pas
seulement, ni même principalement, des taux de TVA applicables : les
entreprises qui sponsorisent la Coupe du monde de football paient en espèces
sonnantes et trébuchantes !
M. François Lesein.
Oui, mais une différence de TVA de 15,5 % facilite les choses !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
En ce qui concerne l'entreprise que vous citez,
lorsqu'il y a consommation sur place, le taux de TVA est de 20,6 %. Lorsqu'il
s'agit de produits à emporter - et les papiers gras que nous pouvons tous voir
ici ou là le montrent bien - c'est le taux de 5,5 % qui s'applique. Je tenais
à vous apporter cette précision !
L'Etat n'est en tout cas évidemment pour rien dans le choix de cette
entreprise, ni dans celui des autres entreprises qui patronnent cette grande
manifestation, qui sera un grand succès.
M. le président.
Monsieur Ostermann, êtes-vous sensible à l'argumentation de M. le secrétaire
d'Etat ?
M. Joseph Ostermann.
Compte tenu des explications qui nous ont été données par M. le secrétaire
d'Etat et par M. le rapporteur, et après le débat qui vient d'avoir lieu, je ne
peux que retirer mes amendements.
Je souhaiterais cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce problème soit
évoqué, parce que nous ne pouvons pas sans arrêt affirmer que les directives
européennes sont contraires à telle ou telle avancée dans tel ou tel domaine -
encore que nous aurons l'occasion, lors de l'examen d'un autre amendement, de
nous rendre compte que certains pays voisins ne sont pas toujours aussi prompts
que nous à respecter les directives européennes - sans agir de notre côté.
Cela étant, je retire mes amendements.
M. le président.
Les amendements n°s 136 et 137 sont retirés.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À L'ADAPTATION DE LA LÉGISLATION FRANÇAISE ET À LA
MODERNISATION DES ACTIVITÉS FINANCIÈRES EN VUE DE LA TROISIÈME PHASE DE L'UNION
ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE
Section 1
Dispositions comptables
Article 12
M. le président.
« Art. 12. _ I. _ Par dérogation aux dispositions de l'article 16 du code de
commerce, les documents comptables peuvent être établis en unité euro. Ce choix
est irrévocable.
« II. _ Les différences d'arrondis de conversion résultant de l'application
des règles d'arrondissement propres à l'introduction de l'euro sont inscrites
en résultat pour leur montant net. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
On pourra être étonné
a priori
que nous intervenions sur cet article
12, qui ouvre le titre II du présent projet de loi en fixant les règles
comptables découlant de la mise en place de la monnaie unique et en spécifiant
notamment la possibilité pour les entreprises de recourir à la comptabilité
dans la nouvelle unité monétaire.
Chacun comprendra ici aisément qu'en réalité cette intervention est, pour
nous, l'opportunité de rappeler brièvement nos positions de fond quant à la
mise en oeuvre de la monnaie unique.
Nous avons eu l'occasion, lors du débat que notre Haute Assemblée a mené le 23
avril dernier sur la question, de souligner notre divergence fondamentale avec
les conditions de mise en place de l'euro. Nous tenons donc ici à les
rappeler.
Notre groupe n'a jamais été opposé, quoi qu'il ait pu se dire, à la
constitution par les différents pays de l'Union européenne d'un outil monétaire
commun - mais qui s'ajouterait aux monnaies nationales - facteur de coopération
économique, technologique ou scientifique, par exemple, et susceptible, donc,
de répondre à des exigences particulières en termes de développement et de
croissance économiques.
Le seul problème posé par les conditions actuelles de naissance de l'euro est
que les objectifs affichés sont quelque peu contradictoires.
En effet, il ne nous est proposé de retenir comme objectif pour la monnaie
unique que la stabilité des prix, qui conditionne par elle-même, et pour encore
quelques années, semble-t-il, les choix budgétaires que les différents
gouvernements des pays qualifiés pour l'euro vont opérer.
Rien, en effet, dans les orientations qui sont aujourd'hui annoncées par les
différents gouvernements, ne laisse apparaître d'autre philosophie, en matière
de politique budgétaire, que celle qui consiste à réduire les déficits en
jouant d'une progression des recettes fiscales et d'une progression moindre, et
naturellement limitée, des dépenses publiques.
Les orientations annoncées, par exemple, dans notre pays laissent apparaître
le choix d'une progression de la dépense publique très largement inférieure à
la croissance escomptée en 1999, attendu que l'on chercherait à atteindre un
objectif de déficit limité à 2,5 % du produit intérieur brut, soit une
variation de 40 milliards de francs à la baisse du montant absolu de ce
déficit.
Dans les faits, nous tendrions donc à avoir, en 1999, un solde budgétaire
primaire proche de l'équilibre global.
Cette politique est-elle effectivement parée de toutes les vertus ? Nous avons
déjà affirmé à de multiples reprises - et nous vous le répétons ce soir,
monsieur le secrétaire d'Etat - que nous ne sommes pas des forcenés de la
dépense publique et du déficit à tout crin.
Mais si l'on peut considérer comme vertueuse une orientation tendant à réduire
la pression exercée par la dette publique sur les comptes de l'Etat, on ne peut
pas oublier pour autant la nécessité de mener de front de profondes et
nécessaires réformes en matière de nature des prélèvements fiscaux et sociaux
visant à la fois à promouvoir des objectifs de justice sociale et d'efficacité
économique.
Le débat, on le voit, est donc loin d'être clos, d'autant qu'il se double de
la nécessaire réflexion sur le bien-fondé de la dépense publique, dont chacun
sait ici qu'elle doit aussi être appréhendée de façon critique.
Telles sont les observations que nous souhaitions produire au début de
l'examen du titre II, dont nous ne voterons pas les dispositions.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
Section 2
Dispositions relatives à la conversion du capital social des sociétés par
actions, des sociétés à responsabilité limitée et des sociétés
coopératives
Article 13
M. le président.
« Art. 13. - I. - 1° A l'article 268 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966
sur les sociétés commerciales, le mot : "est" est remplacé par les mots : "peut
être" ;
« 2° Le même article est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette option s'applique alors à toutes les émissions d'actions. » ;
« 3° Le 1° de l'article 434 de la même loi est abrogé.
« II. - Lorsque, en raison de la conversion du capital social en unité euro,
l'assemblée d'une société à responsabilité limitée décide d'une augmentation de
capital par incorporation de réserves ou de bénéfices, cette assemblée peut,
dans la limite d'un plafond qu'elle fixe, déléguer aux gérants les pouvoirs
nécessaires à l'effet de procéder à cette augmentation dans un délai de
vingt-six mois, en une ou plusieurs fois, d'en constater la réalisation et de
procéder à la modification corrélative des statuts.
« III. - Les sociétés par actions et les sociétés à responsabilité limitée qui
convertissent en unité euro leur capital social ou les actions ou parts qui le
composent en arrondissant ces montants au centième d'euro ou à l'euro près,
procèdent aux réductions de capital éventuellement nécessaires sur décision de
l'assemblée générale compétente pour modifier les statuts.
« Cette assemblée peut déléguer au conseil d'administration, au directoire ou
aux gérants, selon le cas, les pouvoirs nécessaires à l'effet de procéder à
cette réduction de capital dans un délai de vingt-six mois, d'en constater la
réalisation et de procéder à la modification corrélative des statuts.
« Les procédures prévues au troisième alinéa de l'article 63 et à l'article
216 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 précitée ne sont applicables ni en
cas de réduction du capital consécutive à sa conversion globale à l'euro près,
ni en cas de conversion des actions ou parts qui le composent lorsque le
montant de la réduction de capital est affecté à un compte de réserve
indisponible.
« IV. - Nonobstant toutes dispositions législatives contraires, les
coopératives régies par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut
de la coopération sont autorisées, pour la conversion de leur capital social en
unité euro, à procéder à une augmentation de capital par incorporation de
réserves, dans la limite du montant nécessaire à l'arrondissement de la valeur
nominale des parts sociales au centième d'euro supérieur ou à l'euro supérieur.
» -
(Adopté.)
Section 3
Dispositions relatives aux dettes publiques et privées
Article 14
M. le président.
« Art. 14. - I. - Le ministre chargé de l'économie peut, par arrêtés,
convertir en titres au nominal d'un euro les obligations du Trésor et en unité
euro les bons du Trésor en francs ou en écus.
« II. - Les personnes morales publiques et privées autres que l'Etat peuvent,
à compter de la date du premier arrêté mentionné au I, convertir en unité euro
les titres de créance mentionnés au 2° de l'article 1er de la loi n° 96-597 du
2 juillet 1996 de modernisation des activités financières, émis en francs ou en
écus et soumis au droit français.
« Dès la conversion en unité euro d'une partie de la dette publique d'un Etat
participant à la monnaie unique, ces personnes peuvent également convertir en
unité euro les titres de créance mentionnés au 2° de l'article 1er de la loi n°
96-597 du 2 juillet 1996 précitée émis dans la devise de cet Etat et soumis au
droit français.
« Ces conversions peuvent être faites sans réunion des porteurs des titres de
créance mentionnés ci-dessus ni, le cas échéant, de la masse prévue à l'article
293 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 précitée. Pour les personnes morales
de droit privé, elles peuvent être décidées par le conseil d'administration, le
directoire ou l'organe dirigeant. Elles doivent faire l'objet d'une publication
dans des conditions et selon des modalités fixées par décret.
« Lorsque l'émission est constituée de titres de même valeur nominale
unitaire, ces titres sont convertis en titres au nominal d'un euro.
« III. - La conversion est faite, pour chaque émission, par le teneur de
compte habilité, compte par compte. Lorsque la conversion n'aboutit pas à un
montant entier en euros, il est procédé à un versement en espèces correspondant
au montant rompu, sans que le porteur puisse faire valoir de droit autre que
celui de la perception de ce versement. Les modalités de conversion d'une
émission, de fixation du montant du versement en espèces et, pour les titres à
taux variable, de calcul des intérêts sont fixées par décret, ainsi que les
règles particulières aux titres démembrés.
« IV. - Sous réserve des dispositions du 5 de l'article 94 A du code général
des impôts et de l'article 238
septies
A du même code, les versements en
espèces mentionnés au III sont reçus en franchise d'impôt sur le revenu. »
Par amendement n° 9, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose
:
I. - Dans le dernier alinéa du II de cet article, après le mot : « unitaire »,
d'insérer les mots : « transmissibles exclusivement par inscription en compte
et relevant du seul 2° de l'article 1er de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996
précitée » ;
II. - Au début de la première phrase du III de l'article 14, de remplacer les
mots : « la conversion est faite » par les mots : « les conversions mentionnées
au I et à la dernière phrase du II sont faites ».
La parole est à M. Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation, pour le titre II.
Le I de cet amendement
de nature technique vise à prendre en compte des valeurs mobilières qui ne se
trouvent pas, me semble-t-il, dans le champ d'application de la disposition.
S'agissant des obligations convertibles et des titres non dématérialisés, le
II apporte une précision qui me paraît utile.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
C'est un amendement rédactionnel, qui précise
l'intention du Gouvernement. Je l'accepte volontiers.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 10, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose
:
« I. - De rédiger ainsi le début du IV de l'article 14 :
« IV. - Sous réserve des dispositions de l'article 38 du code général des
impôts, les versements... »
II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant de l'application des
dispositions du I ci-dessus, de compléter
in fine
cet article par un
paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant de la modification du régime fiscal de
la convension est compensée, à due concurrence, par une augmentation du droit
de consommation sur les tabacs prévu aux articles 575 et 575 A du code général
des impôts. »
La parole est à M. Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Les opérations de conversion vont aboutir à des résultats qui
ne tomberont pas nécessairement sur des chiffres ronds. Il y aura donc ce que
l'on peut appeler des rompus de conversion.
Ce qui nous préoccupe, c'est le régime fiscal de ces derniers. Pour des
raisons de simplicité, ou de simplification, nous souhaitons qu'ils soient
soumis au régime du sursis d'imposition.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Cette fois, le Gouvernement émet un avis
défavorable.
Cet amendement part, certes, d'une bonne intention, à savoir un souci de
simplification que l'on ne peut qu'approuver. Toutefois, je ne crois pas que
déduire la soulte des prix d'acquisition des titres soit hors de portée des
ordinateurs des établissements financiers, qui, bien souvent, notamment lors de
la définition des modalités d'entrée en vigueur des derniers textes fiscaux,
par exemple en matière d'assurance vie, ont su prouver pleinement leurs
capacités.
Si complexité il y a, elle pèsera plutôt sur les particuliers qui ont choisi
de ne pas recourir aux services de calcul des plus-values que les banques
proposent et facturent. Cela étant, la soulte qui serait d'un montant inférieur
à un euro disparaîtrait dans les arrondis qui seront effectués.
Il me paraît donc préférable, compte tenu du fait que l'enjeu financier est
nul pour les contribuables, de rester fidèle au principe traditionnel, que
connaît bien M. Marini, de calcul des plus-values imposables en cas de
conversion de titres avec soulte.
C'est pourquoi, espérant avoir convaincu M. Marini, je lui demande de bien
vouloir retirer l'amendement.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Monsieur le secrétaire d'Etat, cet amendement, vous le
constatez, ne coûte rien puisqu'il ne s'agit que d'un sursis d'imposition. Il
part du principe que l'euro va apporter bon nombre de complications pour toutes
sortes d'acteurs économiques...
M. Emmanuel Hamel.
Oh que oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur...
et qu'il vaut mieux dégager les solutions les plus simples
possible. Tel est notre souci.
Le débat est purement technique. Je rappelle que, tant pour les particuliers
que pour les entreprises, si la soulte reçue est bien reçue en franchise
d'impôt sur le revenu, cette franchise s'analyse comme un sursis d'imposition.
Or, ce régime de sursis d'imposition peut soulever des difficultés importantes
aussi bien pour les contribuables, pour les établissements teneurs de livres,
que pour l'administration de l'impôt.
Voilà pourquoi nous préférons, par cet amendement, apporter la simplification
nécessaire, tant pour les personnes physiques que pour les entreprises.
Je ne souscris pas pleinement à vos raisons, monsieur le secrétaire d'Etat et
la commission reste donc sur sa position.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 14, modifié.
(L'article 14 est adopté.)
Article 15
M. le président.
« Art. 15. - I. - Le 3 de l'article 79 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30
décembre 1958 portant loi de finances pour 1959 est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions ci-dessus et selon des modalités fixées par
décret, peuvent être indexés sur le niveau général des prix les titres de
créance et les instruments financiers à terme mentionnés au 2° et au 4° de
l'article 1er de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des
activités financières. »
« II. - Les
a
et
c
du IV de l'article 125 A du code général des
impôts sont complétés par une phrase ainsi rédigée :
« Cette condition n'est cependant pas exigée lorsque l'indexation est
autorisée en vertu des dispositions de l'article 79 de l'ordonnance n° 58-1374
du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
L'article 15 du projet de loi a une particularité : si l'essentiel des
dispositions du présent titre II ont un caractère, disons instrumental,
puisqu'elles tendent à balayer l'ensemble des domaines où peut se poser la
question de la conversion de nos francs en euros, il nous propose, lui, une
autre musique puiqu'il tend à prévoir expressément la mise sur le marché -
financier, en l'occurrence - de nouveaux produits obligataires.
On nous invite, en effet, à autoriser l'Etat à émettre sur les marchés, au
travers des procédures habituellement utilisées dans ces domaines, des
obligations assorties d'une sorte de garantie de rémunération, en les indexant
sur le niveau général des prix.
Il s'agit donc
a priori
de tranquilliser les éventuels investisseurs -
et ce ne sont sans doute pas les petits porteurs qui sont visés ! - sur le
potentiel de rémunération de leurs placements en titres obligataires dans notre
pays.
Peut être verrons-nous dans cet article 15 une sorte d'excroissance des
objectifs affichés au système européen de banques centrales, dont nous parlions
ici, voilà peu, notamment cet objectif primordial de stabilité des prix,
inscrit désormais dans nos lois après l'avoir été, noir sur blanc, dans le
traité de Maastricht, et tendant, en fait, à prouver ou à montrer que la clause
d'indexation n'est pas destinée à jouer dès lors que la politique économique
concertée que mènera notre pays permettra de tenir cet objectif.
Plus sûrement, nous y verrons la marque d'une acceptation d'une règle propre
aux marchés financiers, celle des garanties de rémunération.
Le marché obligataire a connu, ces dernières années, une évolution pour le
moins contrastée.
Il importe, ici, de se souvenir que le principal vecteur d'investissement sur
ces marchés a connu une sensible modification des règles fiscales qui le
favorisaient. Je parle, bien entendu - vous l'aurez compris - de l'assurance
vie.
Pour autant, compte tenu de la réduction très sensible du mouvement de hausse
des prix, la rémunération réelle des titres obligataires publics, même si les
émissions d'OAT ont connu une baisse de leur taux de rémunération, demeure, en
termes réels, très attractive, quand bien même les prélèvements sociaux
pourraient les affecter.
Quand on a des OAT à 5,5 % avec une inflation à 1,5 %, on garde tout de même
une rémunération nette de 4 % !
Assortir les nouvelles émissions de titres obligataires publics d'une clause
d'indexation occulte donc, de notre point de vue, le véritable débat, celui du
coût de la dette en termes de pression sur les dépenses publiques, le taux réel
de rémunération de cette dette demeurant supérieur à celui de la croissance et
a fortiori
au niveau de progression des recettes fiscales.
La clause d'indexation ne permet donc pas de rompre avec l'effet « boule de
neige » de la dette publique et de ses intérêts, alors même que se pose de
manière de plus en plus aiguë la question de la réduction des déficits.
Nous posons donc le problème : comment paiera-t-on les effets de cette clause
d'indexation ? Par quelles hausses de la fiscalité ou par quelles coupes
claires dans les dépenses gagera-t-on la mise en jeu éventuelle de la clause
d'indexation ?
De notre point de vue, il est aujourd'hui indispensable non pas de garantir
une rémunération donnée aux investisseurs et aux marchés financiers, mais
plutôt de mettre en place des outils moins coûteux de financement
extrabudgétaire de l'action de l'Etat.
Nous ne voterons donc pas cet article 15, qui consacre, d'une certaine façon,
l'assujettissement de notre pays à la loi des marchés financiers.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Mon intervention sur cet article n'aura ni la même portée ni peut-être le même
sens que celle de ma collègue Marie-Claude Beaudeau.
Pour ma part, je veux simplement attirer l'attention du Sénat, ainsi que la
vôtre, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le fait qu'en sortant aujourd'hui de
l'interdiction générale d'une indexation fondée sur l'inflation on revient sur
une disposition lourde, forte, instaurée au début de la Ve République, au
moment où l'on voulait combattre l'inflation.
Il s'agit là d'un tournant essentiel dans la conduite de la politique des taux
d'intérêt et de la politique financière que chacun doit avoir à l'esprit.
J'entends bien que cette disposition a pu être prise parce que, aujourd'hui,
l'inflation est vaincue, on l'espère durablement, et qu'il n'y aura pas de
dérapage des prix. Simplement, soyons tous conscients que, si nous connaissons
un jour une nouvelle période d'inflation, ce système d'indexation pourra avoir
des effets particulièrement coûteux pour les finances publiques.
Mais puisque l'on revient sur le principe de la non-indexation, je voudrais
que le Gouvernement prenne acte de deux choses.
En premier lieu, puisque l'indexation sur les prix n'est plus proscrite dans
le domaine financier, j'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il en sera de
même pour les salaires. Je ne voudrais pas, en effet, que ce Gouvernement, que
je soutiens par ailleurs, admette l'indexation d'instruments financiers sur
l'inflation et nous dise, un jour, que l'indexation des salaires sur
l'évolution des prix est, elle, inacceptable !
Donc, monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement, en nous proposant
aujourd'hui cette mesure pour les instruments financiers - c'est du moins comme
cela que je le comprends ! - accepte par principe et par avance que les
salaires puissent eux-mêmes être indexés sur les prix.
En second lieu, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous proposez d'indexer
des produits financiers, en l'espèce des émissions d'obligations, sur l'indice
des prix, il m'apparaît qu'il serait temps d'aborder le délicat sujet des taux
administrés, en particulier du taux du livret A.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat - je m'en suis entretenu
plusieurs fois avec vous - je suis de ceux qui pensent qu'il faut sortir d'un
système qui fait que, chaque fois que l'on touche au taux du livret A, c'est un
drame politique dans le pays, si bien que l'on n'ose pas le faire.
M. René Régnault.
Il a raison !
M. Paul Loridant.
Puisque vous ouvrez la voie, peut-être pourrait-on décider utilement
aujourd'hui - sinon dans ce texte, du moins dans un autre - que le taux du
livret A est lui-même indexé sur les prix. Ce pourrait être - je donne des
chiffres au hasard - l'inflation plus 1 %, 1,25 % ou 1,5 %, la modification
éventuelle intervenant tous les six mois. Ainsi, ce ne serait plus un drame.
Nos concitoyens se feraient à l'idée que le taux du livret A et les taux
administrés sont eux-mêmes fonction de l'évolution des prix, puisque le
principe de l'indexation ne serait plus tabou.
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce que je voulais
dire sur l'article 15, dont les effets seront plus importants dans le temps
qu'on ne semble l'imaginer.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je souhaite répondre brièvement à Mme Beaudeau et à M.
Loridant, qui ont argumenté sur cet article, c'est-à-dire sur la possibilité
d'émettre des obligations indexées sur l'inflation.
Madame Beaudeau, autoriser cette indexation diminue, en quelque sorte, la
prime de risque pour les investisseurs et permet donc d'obtenir des taux
d'intérêt plus faibles. On peut ainsi escompter, si la Haute Assemblée adopte
l'article 15, un gain de l'ordre d'un demi-point de taux d'intérêt.
Une augmentation d'un demi-point, cela ne paraît pas très significatif.
Pourtant, si elle porte sur 100 milliards de francs d'encours de dette, cela
représente 500 millions de francs qui ne sont pas donnés aux investisseurs
institutionnels.
J'estime donc, contrairement à ce que vous avez dit, madame Beaudeau, qu'il
s'agit non pas de donner quelque chose en plus à ces grands investisseurs, pour
reprendre l'exemple que j'ai cité, mais d'affecter 500 millions de francs de
moins au service de la rente, cette somme désormais disponible pouvant être
utilisée à d'autres fins, à une politique en faveur de la croissance, de
l'emploi, de la solidarité, par exemple. Cette argumentation se justifie, me
semble-t-il.
A M. Loridant, j'apporterai brièvement trois éléments de réponse.
Tout d'abord, dans l'hypothèse que vous évoquiez, monsieur le sénateur, d'un
redémarrage de l'inflation, qui est une hypothèse très improbable, il est clair
que les taux minimaux, c'est-à-dire les taux non indexés, suivraient exactement
la même évolution. Le danger que vous envisagiez est donc bien mince, me
semble-t-il.
Venons-en aux salaires. Le salaire minimum est indexé non seulement sur les
prix, mais en partie sur la croissance. Je rappelle que le gain de pouvoir
d'achat à ce titre a été de l'ordre de 2 % l'an dernier.
Par ailleurs, et cette remarque va tout à fait dans le sens de votre
intervention, monsieur Loridant, j'indique que le Gouvernement a une nouvelle
fois indexé les minima sociaux, qui avaient été laissés quelque peu en
déshérence au cours des années antérieures.
Enfin, avec le modification du taux du livret A, vous avez abordé une question
qui est importante du point de vue du logement social, du financement des
petites et moyennes entreprises et de la protection de l'épargne populaire.
J'ai bien compris votre préoccupation. Elle nourrira la réflexion du
Gouvernement.
M. le président.
Par amendement n° 197, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose de rédiger ainsi le texte présenté par le I de l'article 15 pour
compléter l'article 79 de l'ordonnance du 30 décembre 1958 :
« Par dérogation aux dispositions du présent paragraphe, les instruments
financiers mentionnés à l'article 1er de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de
modernisation des activités financières peuvent être indexés selon les
modalités fixées par un décret du ministre chargé de l'économie et des
finances. »
La parole est à M. Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Tout d'abord, je veux rappeler les trois principales
caractéristiques du dispositif de l'article 15, qui me semble aller dans le bon
sens.
En premier lieu, comme vous l'avez dit, l'Etat peut escompter une baisse du
coût de sa ressource.
En deuxième lieu, il s'agit, en contrepartie, c'est vrai, d'un instrument de
protection contre l'inflation, dont les souscripteurs, par définition,
bénéficieront.
En troisième lieu, c'est un signal - et c'est sans doute là l'essentiel - de
la détermination de l'Etat à poursuivre la lutte contre l'inflation.
Le dispositif est donc astucieux. Il va dans le sens de l'opportunité
budgétaire et de la modernité de la gestion technique de la dette publique, et
il n'y a aucune raison de s'y opposer, mes chers collègues, en arguant de
considérations qui n'ont plus cours aujourd'hui.
Néanmoins, j'ai relevé dans les propos de M. Paul Loridant un argument qui m'a
intéressé, parce qu'il recoupe des réflexions antérieures et continues de la
commission des finances, monsieur le secrétaire d'Etat, s'agissant des
modalités de fixation des taux de rémunération de l'épargne administrée.
Depuis plusieurs années, nous faisons des propositions, notamment sous l'égide
de notre rapporteur général, pour que l'on dédramatise les décisions
gouvernementales quant à la fixation des taux de l'épargne administrée.
M. René Régnault.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Même si, sur les modalités techniques, nous pouvons avoir des
idées ou faire des propositions légèrement différentes, il n'en reste pas moins
que le fait de soumettre ces décisions à un mécanisme économique en les
rattachant à une échelle de taux d'intérêts et de soumettre le fonctionnement
du dispositif à un organisme techniquement neutre - ce qui revient à dissocier
la fixation des taux de l'épargne administrée, notamment le taux de
rémunération du livret A, et la décision purement gouvernementale, ou politique
- me semblerait, à moi aussi, une bonne chose, et je crois pouvoir dire que
c'est un sentiment largement partagé au sein de la commission des finances.
Permettez-moi maintenant d'en venir à l'amendement n° 197.
A l'heure actuelle, sur nos marchés financiers, nous avons des instruments
financiers indexés. Or ces instruments financiers sont rattachés, par exemple,
à des indices boursiers en relation directe avec l'activité des établissements
financiers qui les émettent.
La crainte de certains professionnels, s'agissant en particulier d'instruments
financiers complexes comme les warrants, c'est que la précision que vous
apportez ici à l'ordonnance de 1958 ne vienne limiter la sécurité juridique,
voire la validité de telles opérations.
Il serait donc souhaitable, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez
confirmer que votre texte n'a pas pour effet d'interdire l'émission de titres
indexés, tels que les warrants, par les établissements financiers. C'est
essentiellement pour vous entendre sur ce point que la commission des finances
a déposé l'amendement que je viens de présenter.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
M. Marini a déposé un amendement d'appel à
précision.
Je peux très volontiers préciser que l'article 15 porte sur tous les
instruments financiers, ceux qui existaient en 1958 et ceux qui ont été créés
depuis.
L'ambiguïté apparente ayant été dissipée, rien ne s'oppose à ce que M. Marini
retire l'amendement.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez répondu en termes
généraux, mais je ne sais pas si votre réponse sera considérée comme suffisante
par les professionnels s'agissant d'instruments financiers complexes,
d'instruments d'intervention sur les marchés à terme.
Un dispositif précis a suscité une certaine inquiétude. Etes-vous en mesure de
la dissiper ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Marini, ce que j'ai dit vaut pour les
warrants et pour certaines obligations dites complexes. Il y a donc plus
d'ambiguïté !
M. le président.
L'amendement n° 197 est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Dans ces conditions, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 197 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'article 15.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, à propos de l'article 15, qui me semble avoir
une grande portée, vous avez indiqué que le Gouvernement avait procédé - et
nous en prenons acte - à l'indexation du SMIC, notamment. C'est bien le moins
que l'on pouvait attendre de ce gouvernement !
Toutefois, mon intervention a une portée plus générale, puisque l'ordonnance
de 1958 précise que, dans les nouvelles dispositions statutaires ou
conventionnelles, sont interdites toutes clauses prévoyant des indexations
fondées sur le niveau général des prix et que c'est sur ce texte que, à
l'occasion des négociations sur les conventions collectives, le patronat
s'appuie pour dire aux représentants des personnels qu'il est impossible de
rédiger des clauses prévoyant l'indexation des salaires sur les prix.
Dès lors, monsieur le secrétaire d'Etat, je persiste et signe : puisque ce
gouvernement autorise l'émission de produits financiers indexés sur les prix,
il serait pour le moins malheureux que, à l'avenir, dans les discussions entre
syndicats de salariés et représentants patronaux, l'on puisse encore s'appuyer
sur cette ordonnance de 1958 pour proscrire toute indexation des salaires sur
les prix.
J'invite donc le Gouvernement à bien préciser que si la voie est ouverte pour
les détenteurs de produits financiers et de placements financiers, il doit en
être de même pour les salariés.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 15.
(L'article 15 est adopté.)
Section 4
Utilisation de l'euro par les marchés financiers
Articles 16 et 17
M. le président.
« Art. 16. - I. - Pour l'application du présent article :
« - l'expression : "instrument financier" désigne un instrument financier
mentionné à l'article 1er de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 précitée ;
« - la contre-valeur en unité euro d'une valeur en unité franc est exprimée à
la cinquième décimale inférieure si la sixième décimale est comprise entre zéro
et quatre inclus et à la cinquième décimale supérieure si la sixième décimale
est comprise entre cinq et neuf inclus.
« II. - Un instrument financier qui est admis aux négociations sur un marché
géré par une entreprise de marché peut être coté par cette entreprise en unité
euro ou en pourcentage de la contre-valeur en unité euro de son montant nominal
en unité franc.
« III. - Un instrument financier qui n'est pas admis aux négociations sur un
marché géré par une entreprise de marché peut être valorisé dans les comptes où
il est inscrit à la contre-valeur en unité euro de sa valorisation en unité
franc.
« IV. - Les opérations sur instruments financiers peuvent être faites en
utilisant la contre-valeur en unité euro de la valorisation en unité franc de
leurs éléments. Un décret précise ces opérations et leurs modalités de
réalisation. » -
(Adopté.)
« Art. 17. - Une entreprise de marché peut prévoir que le règlement des
transactions sur un marché qu'elle gère est effectué en unité euro.
« Une chambre de compensation peut prévoir que le règlement des opérations
auxquelles elle participe sur des transactions effectuées sur les marchés où
sont négociés ou cédés, à titre habituel et selon des règles de place, des
instruments financiers visés à l'article 1er de la loi n° 96-597 du 2 juillet
1996 précitée, est effectué en unité euro.
« Les règlements, la convention-cadre ou la convention type régissant un
système mentionné à l'article 93-1 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984
relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit peuvent
prévoir que les paiements par l'intermédiaire de ce système sont effectués en
unité euro.
« Aucune contestation fondée sur le seul fait que les opérations réalisées
dans le cadre de ces marchés, chambres de compensation ou systèmes sont
exécutées en unité euro ne peut être accueillie. » -
(Adopté.)
Article 18
M. le président.
« Art. 18. - I. - L'article 93-1 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984
précitée est remplacé par deux articles ainsi rédigés :
«
Art. 93-1
. - Nonobstant toute disposition législative contraire, les
paiements et les livraisons d'instruments financiers effectués dans le cadre de
systèmes de règlements interbancaires ou dans le cadre de systèmes de règlement
et de livraison d'instruments financiers, jusqu'à l'expiration du jour où est
rendu un jugement d'ouverture de redressement ou de liquidation judiciaires à
l'encontre d'un établissement participant, directement ou indirectement, à un
tel système, ne peuvent être annulés, même au motif qu'est intervenu ce
jugement.
« Ces dispositions sont également applicables aux instructions de paiement
ainsi qu'aux instructions de livraison d'instruments financiers, dès lors
qu'elles ont acquis un caractère irrévocable dans l'un des systèmes mentionnés
à l'alinéa précédent. Le moment et les modalités selon lesquels une instruction
est considérée comme irrévocable dans un système sont définis par les règles de
fonctionnement de ce système.
« Un système de règlements interbancaires ou de règlement et de livraison
d'instruments financiers s'entend, au sens du présent article, d'une procédure
nationale ou internationale organisant les relations entre deux parties au
moins, ayant la qualité d'établissement de crédit, d'institution ou
d'entreprise visées à l'article 8 de la présente loi, d'entreprise
d'investissement ou d'adhérent à une chambre de compensation régis par la loi
n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières ou
d'établissement non résident ayant un statut comparable, permettant l'exécution
à titre habituel, par compensation ou non, de paiements ainsi que la livraison
de titres entre lesdits participants. Cette procédure doit soit avoir été
instituée par une autorité publique, soit être régie par une convention-cadre
respectant les principes généraux d'une convention-cadre de place ou par une
convention type. Pour ce qui concerne les systèmes de règlement et de livraison
d'instruments financiers, cette procédure doit en outre avoir été approuvée par
le Conseil des marchés financiers. »
«
Art. 93-2
. - Les règlements, la convention-cadre ou la convention
type régissant tout système de règlements interbancaires ou tout système de
règlement et de livraison d'instruments financiers mentionnés à l'article 93-1
peuvent, lorsqu'ils organisent les relations entre plus de deux parties, exiger
des établissements participant, directement ou indirectement, auxdits systèmes,
outre des comptes d'instruments financiers visés à l'article 29 de la loi n°
83-1 du 3 janvier 1983 sur le développement des investissements et la
protection de l'épargne, des remises de valeurs, titres, effets, créances ou
sommes d'argent pour satisfaire aux obligations de paiement découlant de la
participation à un tel système. Les remises susvisées sont effectuées en pleine
propriété, à titre de garantie, et sont opposables aux tiers sans
formalités.
« Les règlements, la convention-cadre ou la convention type visés à l'alinéa
précédent précisent les modalités de constitution, d'affectation, de
réalisation ou d'utilisation des comptes d'instruments financiers visés à
l'article 29 de la loi n° 83-1 du 3 janvier 1983 précitée, ou des remises,
lesquelles sont opposables aux créanciers saisissants.
« Les dispositions de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la
prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises, de la loi
n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation
judiciaires des entreprises ou celles régissant toutes procédures judiciaires
ou amiables ouvertes hors de France, équivalentes à celles prévues par ces
lois, ne font pas obstacle à l'application du présent article. »
« II. - Le II
bis
de l'article 38
bis
du code général des impôts
est ainsi rédigé :
«
II
bis. - Les dispositions du chapitre V de la loi n° 87-416 du 17
juin 1987 sur l'épargne s'appliquent sous les mêmes conditions aux remises en
pleine propriété, à titre de garantie, de valeurs, titres ou effets prévues au
quatrième alinéa de l'article 52 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de
modernisation des activités financières effectuées dans le cadre d'opérations à
terme d'instruments financiers réalisées de gré à gré, aux remises de titres
prévues au
c
de l'article 31 de la loi n° 87-416 du 17 juin 1987
précitée, ainsi qu'aux remises prévues à l'article 93-2 de la loi n° 84-46 du
24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de
crédit. »
« III. - La loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 précitée est ainsi modifiée :
« 1° Au 2° de l'article 32, les mots : "et les conditions d'habilitation, à
cet effet, des établissements mentionnés au II de l'article 94 de la loi de
finances pour 1982 (n° 81-1160 du 30 décembre 1981)" sont supprimés ;
« 2° L'article 32 est complété par un 14°, un 15° et un 16° ainsi rédigés :
« 14° Les conditions d'exercice des activités de conservation et
d'administration d'instruments financiers par les personnes morales qui
effectuent des opérations par appel public à l'épargne et les intermédiaires
habilités à ce titre par le Conseil des marchés financiers ;
« 15° Les conditions d'habilitation, par le Conseil des marchés financiers,
des dépositaires centraux ainsi que les conditions dans lesquelles le Conseil
approuve leurs règles de fonctionnement ;
« 16° Les principes généraux d'organisation et de fonctionnement des systèmes
de règlement et de livraison d'instruments financiers et les conditions dans
lesquelles le Conseil des marchés financiers approuve les règles de
fonctionnement de ces systèmes, sans préjudice des compétences conférées à la
Banque de France par l'article 4 de la loi n° 93-980 du 4 août 1993 relative au
statut de la Banque de France et à l'activité et au contrôle des établissements
de crédit ; »
« 3° Il est inséré, après l'article 69, un article 69-1 ainsi rédigé :
«
Art. 69-1
. - Les activités de conservation ou d'administration
d'instruments financiers ainsi que celle de dépositaire central sont soumises
aux dispositions des articles 67 à 69. »
Par amendement n° 11, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose, dans la première phrase du troisième alinéa du texte présenté par le I
de cet article pour l'article 93-1 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, après
les mots : « ainsi que », d'insérer les mots : « , pour ce qui concerne les
systèmes de règlement et de livraison d'instruments financiers, ».
La parole est à M. Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Cet amendement apporte une précision rédactionnelle, monsieur
le président.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 12, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose, dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par le I
de l'article 18 pour l'article 93-2 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984,
après les mots : « sommes d'argent », d'insérer les mots : « ou la constitution
de sûretés sur lesdites valeurs : titres, effets, créances ou sommes d'argent
».
La parole est à M. Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Nous souhaiterions inclure les sûretés dans le dispositif
proposé.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui
améliore la sécurité du dispositif.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 13, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose
de compléter
in fine
le I de l'article 18 par trois alinéas ainsi
rédigés :
«
Art. 93-3.
- Les dettes et créances afférentes aux crédits et dépôts
de fonds, régies par une convention-cadre respectant les principes généraux
d'une convention-cadre de place, nationale ou internationale, et organisant les
relations entre établissements de crédit, entreprises d'investissement,
institutions et services visés à l'article 8 de la présente loi ou
établissement non résidents ayant un statut comparable, lorsqu'ils procèdent à
des opérations de trésorerie dans des conditions précisées par décret, sont
compensables selon les modalités prévues par la convention-cadre.
« Lorsque l'une des parties fait l'objet d'une des procédures prévues par les
lois n° 84-148 du 1er mars 1984 et n° 85-98 du 25 janvier 1985 précitées,
ladite convention-cadre peut prévoir la résiliation de plein droit des
opérations mentionnées à l'alinéa précédent. Les modalités de résiliation et de
compensation prévues par la convention-cadre visées aux alinéas précédents sont
opposables aux créanciers saisissants. Toute opération de résiliation et de
compensation effectuée en raison d'une procédure civile d'exécution est réputée
être intervenue avant ladite procédure.
« Les dispositions des lois n° 84-148 du 1er mars 1984 et n° 85-98 du 25
janvier 1985 précitées ne font pas obstacle à l'application du présent article.
»
La parole est à M. Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
L'amendement n° 13 est un peu plus complexe que les
précédents.
Il s'agit, avec l'article 18, de prendre un certain nombre de dispositions qui
posent, me semble-t-il, la question de la compensation des dépôts
interbancaires croisés, c'est-à-dire des dépôts réciproques entre
établissements bancaires.
Le point essentiel est, je crois, de s'assurer que ces opérations bénéficient
en France de la réglementation la plus adaptée, car un problème de
compétitivité se pose pour la profession bancaire. Un cadre juridique existe
notamment, m'a-t-on dit, au Royaume-Uni, ce qui peut apporter un avantage
concurrentiel aux établissements situés dans ce pays.
Le problème est actuellement traité, au plan international, au sein du comité
de Bâle, qui réunit les banques centrales et différentes institutions
professionnelles. Sans doute les travaux de ce comité déboucheront-ils sur des
recommandations, à propos desquelles un accord devrait intervenir avant la fin
de l'année 1998.
L'objet de cet amendement, monsieur le secrétaire d'Etat, est de vous
interroger sur le fond de ce sujet, afin que vous nous disiez, au-delà du
dispositif technique de l'amendement, comment vous appréhendez ce problème de
compétitivité internationale des établissements bancaires français.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
M. Marini l'a fort bien dit, l'amendement n° 13 est
plus complexe que les deux précédents. Il soulève en effet des difficultés
juridiques importantes dans la mesure où son adoption reviendrait à rompre le
principe de l'égalité des créanciers. En clair, pour les non-spécialistes qui
participent à ce débat, on donnerait, en cas de difficulté d'un établissement
financier, une sorte de prééminence aux dépôts interbancaires sur les dépôts
des particuliers.
La question n'est donc pas mince !
Certes, un tel dispositif contribuerait à limiter ce que l'on appelle le «
risque systémique », c'est-à-dire les faillites en cascade, mais il pourrait
aussi porter préjudice aux intérêts des clients, des particuliers ou des
petites et moyennes entreprises ayant effectué des dépôts dans un établissement
en difficulté.
Monsieur le rapporteur, vous avez vous-même cité le comité de Bâle, l'instance
internationale qui étudie cette question extraordinairement complexe. Il me
semble, en bonne logique et en toute sagesse, qu'il faut attendre les
conclusions de cette expertise internationale pour prendre une position en la
matière. C'est ce qui me conduit à vous demander de bien vouloir retirer
l'amendement n° 13. Sinon, je demanderai son rejet, car la rupture d'équilibre
entre les créanciers est, me semble-t-il, un peu difficile à assumer sans
précaution suffisante.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je ne suis pas vraiment en désaccord avec ce que vous avez
dit, monsieur le secrétaire d'Etat, mais je veux insister sur un point.
Lorsque l'accord interviendra au comité de Bâle - avant la fin de l'année
1998, nous dit-on - il faudra que, en France, nous soyons prêts à en tirer les
conséquences juridiques indispensables en termes de droit financier.
Certes, nous aurons à traiter d'un problème complexe, et vous avez raison
d'évoquer notre principe traditionnel d'égalité des créanciers. Mais, quoi
qu'il en soit, il faudra bien trouver des solutions, et il faudra les trouver
vite, sinon il y aura des distorsions de concurrence au détriment du système
bancaire français. En effet, si d'autres s'adaptent plus vite que nous, il est
évident que les flux financiers risquent de se délocaliser.
Mon objectif était, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous sensibiliser à
cette question.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
C'est fait !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire
d'Etat !
Je souhaitais aussi vous demander de bien vouloir mettre en oeuvre les études
nécessaires pour que nous puissions, avant la fin de l'année 1998, être saisis
du bon dispositif, qui aura été pesé au trébuchet, je l'espère, avec l'aide de
toutes les personnes compétentes sur la place, et qui sont légion.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Ce sera fait !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je vous en remercie.
Puisque vous me confirmez que telle est votre intention, l'objet de cet
amendement est rempli et je puis alors retirer ce dernier.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
C'est parfait !
M. le président.
L'amendement n° 13 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18, modifié.
(L'article 18 est adopté.)
Article 19
M. le président.
« Art. 19. - I. - L'article 47
bis
de la loi n° 83-1 du 3 janvier 1983
sur le développement des investissements et la protection de l'épargne est
ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : "de titres" sont remplacés par les mots :
"d'instruments financiers mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l'article 1er de la
loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières," et
le mot : "titres" par les mots : "instruments financiers" ;
« 2° Au deuxième alinéa, les mots : "de titres" sont supprimés et le mot :
"titres" est remplacé par les mots : "instruments financiers" ;
« 3° L'article est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas d'opération réalisée hors d'un marché réglementé et portant sur des
instruments financiers inscrits en compte chez un intermédiaire habilité
participant à un système de règlement et de livraison d'instruments financiers
mentionné à l'article 93-1 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à
l'activité et au contrôle des établissements de crédit, le transfert de
propriété résulte du dénouement irrévocable de l'opération tel que les règles
de fonctionnement du système de règlement et de livraison mentionné ci-dessus
l'ont fixé.
« Le client acquiert la propriété des instruments financiers s'il en a réglé
le prix. Tant que le client n'a pas réglé le prix, l'intermédiaire qui a reçu
lesdits instruments financiers en est le propriétaire. »
« II. - L'article 47
ter
de la loi n° 83-1 du 3 janvier 1983 précitée
est ainsi modifié :
« 1° Les mots : "de titres" sont remplacés par les mots : "d'instruments
financiers mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l'article 1er de la loi n° 96-597 du
2 juillet 1996 de modernisation des activités financières" ;
« 2° Le mot : "titres" est remplacé par les mots : "instruments financiers". »
-
(Adopté.)
Section 5
Continuité des relations contractuelles
Articles 20 et 21
M. le président.
« Art. 20. - La modification, du fait de l'introduction de l'euro, de la
composition ou de la définition d'un taux variable ou d'un indice auquel il est
fait référence dans une convention est sans effet sur l'application de cette
convention.
« Lorsque ce taux variable ou cet indice disparaît du fait de l'introduction
de l'euro, le ministre chargé de l'économie peut désigner, par arrêté, le taux
variable ou l'indice qui s'y substitue.
« Toutefois, les parties à la convention peuvent déroger, d'un commun accord,
à l'application du taux ou de l'indice ainsi désigné. » -
(Adopté.)
« Art. 21. - Lorsque le montant d'une créance ou d'une dette donne lieu à une
conversion de l'unité franc à l'unité euro, puis de l'unité euro à l'unité
franc, faite conformément aux règles de conversion et d'arrondissement prévues
par les articles 4 et 5 du règlement n° 97/1103/CE du Conseil, du 17 juin 1997,
fixant certaines dispositions relatives à l'introduction de l'euro, aucune
contestation relative à l'écart pouvant résulter de cette double conversion ne
peut être accueillie. » -
(Adopté.)
Section 6
Dispositions fiscales
Articles 22 à 24
M. le président.
« Art. 22. - Les bases des impositions de toute nature sont arrondies au franc
ou à l'euro le plus proche. La fraction de franc ou d'euro égale à 0,50 est
comptée pour 1.
« Cette règle d'arrondissement s'applique également au résultat de la
liquidation desdites impositions.
« Toute disposition contraire est abrogée. » -
(Adopté.)
« Art. 23. - Les déclarations fiscales dont la liste est fixée par décret
peuvent être souscrites en unité euro.
« L'option pour les déclarations en unité euro est subordonnée à la tenue des
documents comptables dans cette même unité euro. Elle est irrévocable. » -
(Adopté.)
« Art. 24. - Le 4 de l'article 38 du code général des impôts est complété par
un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'exercice clos le 31 décembre 1998 ou la période d'imposition arrêtée
à la même date, les écarts de conversion afférents aux devises, créances,
dettes et titres mentionnés aux deux alinéas précédents et libellés en écus ou
en unités monétaires des Etats participant à la monnaie unique, sont déterminés
en fonction des taux de conversion définis à l'article 1er du règlement n°
97/1103/CE du Conseil, du 17 juin 1997, fixant certaines dispositions relatives
à l'introduction de l'euro. »
- (Adopté.)
Article additionnel après l'article 24
M. le président.
Par amendement n° 41, M. Jourdain, au nom de la commission des affaires
sociales, propose d'insérer, après l'article 24, un article additionnel ainsi
rédigé :
« Dans l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale, après le mot :
"franc" sont insérés les mots : "ou à l'euro". »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis.
Cet amendement tend à prévoir, pour le calcul des
assiettes et des cotisations sociales, la règle de l'arrondi à l'euro le plus
proche.
L'article 22 du projet de loi prévoit que les bases des impositions de toute
nature sont arrondies au franc, ou à l'euro le plus proche. Curieusement, il
n'est pas prévu dans le projet de loi que la règle de l'arrondi à l'euro le
plus proche s'applique également au calcul des cotisations et des assiettes de
sécurité sociale.
Ce calcul des cotisations et des assiettes, y compris celles qui s'appliquent
au plafond de la sécurité sociale, est actuellement arrondi au franc le plus
proche. Arrondir à l'euro le plus proche est une règle de bon sens, qui évitera
des complications inutiles, notamment de caractère informatique, pour les
organismes de recouvrement des cotisations. Elle facilitera le passage à l'euro
pour les entreprises, à moindre coût, pendant la période transitoire.
Telle sont les raisons qui ont conduit la commission des affaires sociales à
vous proposer l'adoption de cet amendement.
Je tiens à ajouter que, dans le cas où cet amendement serait adopté, il serait
nécessaire de prévoir la même date d'entrée en vigueur que pour les impôts et
taxes, à savoir le 1er janvier 1999, et d'adopter, si M. le rapporteur de la
commission des finances le veut bien, un amendement de coordination au premier
alinéa de l'article 34.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
La commission des finances a émis un avis favorable à
l'amendement présenté par M. Jourdain et, comme lui, je pense que, dans le cas
où cet amendement serait adopté, il conviendrait d'adopter, à l'article 34, un
amendement de coordination, dont le texte a été adopté auprès du service de la
séance.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement ne peut qu'être d'accord avec la
logique impeccable développée par M. Jourdain.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 41, accepté par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 24.
Section 7
Dispositions relatives à l'épargne et à l'investissement
Article 25
M. le président.
« Art. 25. - I. - L'article 6 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967
instituant une Commission des opérations de bourse est ainsi rédigé :
«
Art. 6
. - I. - L'appel public à l'épargne est constitué par :
« - l'admission d'un instrument financier mentionné à l'article 1er de la loi
n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières aux
négociations sur un marché réglementé ;
« - ou par l'émission ou la cession d'instruments financiers dans le public en
ayant recours soit à la publicité, soit au démarchage, soit à des
établissements de crédit ou à des prestataires de services d'investissement.
« Toutefois, l'émission ou la cession d'instruments financiers auprès
d'investisseurs qualifiés ou dans un cercle restreint d'investisseurs ne
constitue pas une opération par appel public à l'épargne, sous réserve que ces
investisseurs agissent pour compte propre.
« II. - Un investisseur qualifié est une personne morale disposant des
compétences et des moyens lui permettant de réaliser des transactions sur
instruments financiers sans bénéficier de la protection conférée par le régime
d'information prévu au III. Les organismes de placement collectif en valeurs
mobilières sont réputés agir en qualité d'investisseurs qualifiés.
« Un cercle restreint d'investisseurs est composé de personnes morales ou
physiques, dont le nombre est inférieur à un seuil fixé par un règlement de la
Commission des opérations de bourse, ou dont le nombre est plus important mais
qui sont liées à l'émetteur par des relations professionnelles, personnelles ou
familiales.
« Un règlement de la Commission des opérations de bourse définit, après avis
du Conseil des marchés financiers, la liste des catégories auxquelles doivent
appartenir les investisseurs qualifiés, ainsi que le cercle restreint
d'investisseurs.
« III. - Sans préjudice des autres dispositions qui leur sont applicables, les
personnes autres que l'Etat qui se livrent à une opération par appel public à
l'épargne doivent, au préalable, publier et tenir à la disposition de toute
personne intéressée un document destiné à l'information du public, portant sur
le contenu et les modalités de cette opération, ainsi que sur l'organisation,
la situation financière et l'évolution de l'activité de l'émetteur, dans des
conditions prévues par un règlement de la Commission des opérations de
bourse.
« Le règlement mentionné au premier alinéa du présent paragraphe fixe
également les conditions dans lesquelles l'émetteur dont les titres ont été
émis ou cédés dans le cadre d'une opération par appel public à l'épargne
procède à l'information du public.
« Ce règlement précise, par ailleurs, les modalités et les conditions dans
lesquelles une personne morale peut cesser de faire appel public à l'épargne.
»
« II. - A l'article 7 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 précitée,
les mots : "la société" sont remplacés par les mots : "l'émetteur".
« III. - L'article 7-1 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 précitée
est abrogé.
« IV. - L'article 72 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 précitée est
abrogé. »
Par amendement n° 14, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose
de rédiger ainsi le II du texte présenté par le I de cet article pour l'article
6 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 :
« II. - Les établissements de crédit, les entreprises d'investissement, y
compris celles exerçant l'activité visée au
d
de l'article 4 de la loi
n° 96-597 du 2 juillet 1996 précitée, les sociétés d'assurance régies par le
code des assurances, les organismes de placement collectif et les institutions
visées à l'article 8 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à
l'activité et au contrôle des établissements de crédit, sont des investisseurs
qualifiés.
« Sont également considérées comme des investisseurs qualifiés :
« - les personnes physiques qui se déclarent comme telles auprès de l'émetteur
et qui remplissent les conditions définies par un règlement de la Commission
des opérations de bourse, pris après avis du Conseil des marchés financiers
;
« - les personnes morales disposant des compétences et des moyens nécessaires
pour appréhender les risques inhérents aux opérations sur instruments
financiers et qui appartiennent à l'une des catégories définies par un
règlement de la Commission des opérations de bourse, pris après avis du Conseil
des marchés financiers.
« Un cercle restreint d'investisseurs est composé de personnes morales ou
physiques, autres que les investisseurs qualifiés, liées aux actionnaires ou
aux dirigeants de l'émetteur par des relations professionnelles, personnelles
ou familiales. Sont réputés constituer de tels cercles, ceux composés de moins
de trois cents personnes.
« Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret en
Conseil d'Etat. »
La parole est à M. Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Il s'agit de l'un des articles importants du texte, puisque
c'est celui qui définit pour la première fois l'appel public à l'épargne.
Je rappelle à nos collègues que cette notion sert de frontière entre le droit
boursier et le reste du droit commercial.
Lorsqu'il y a appel public à l'épargne, on applique les garanties de
transparence de l'information, en particulier, qui visent à sécuriser
l'ensemble des actionnaires investis sur des marchés réglementés ou sur
d'autres catégories de marchés financiers.
Le Gouvernement propose une définition de cet appel public à l'épargne. La
commission des finances, quant à elle, souhaiterait aller un peu plus loin que
le Gouvernement, c'est-à-dire préciser encore davantage cette définition.
Pour nous, la notion d'appel public à l'épargne se définit par référence aux
méthodes de placement des titres, mais aussi - sur ce point, nous sommes
d'accord avec le Gouvernement - par rapport à la nature des investisseurs. Il
faut voir qui achète les titres et s'interroger sur le niveau de compétence des
investisseurs concernés.
Les investisseurs « quelconques » ont plus besoin d'être protégés que les
professionnels, qui peuvent viser des opérations plus complexes, des produits
nécessitant des capacités d'analyse et, surtout, des prises de risques.
Pour cerner la notion d'appel public à l'épargne, il faut, selon nous, exclure
quatre catégories d'intervenants : les trois premières forment une rubrique
globale que nous appellerons « investisseurs qualifiés » et la quatrième
catégorie constitue une autre rubrique que nous appellerons « cercle restreint
d'investisseurs ».
Les investisseurs qualifiés doivent, selon nous, être constitués en trois
catégories. La première est composée de professionnels : ceux qui bénéficient
des autorisations ou des agréments nécessaires, comme les établissements de
crédit, les entreprises d'investissement, y compris les gérants de capitaux
dûment agréés, les sociétés d'assurance, les organismes de placement collectif
et les différentes institutions visées à l'article 8 de la loi bancaire.
La deuxième catégorie, nous semble-t-il - et sur ce point, monsieur le
secrétaire d'Etat, nous souhaitons apporter une innovation par rapport à ce que
vous nous proposez -, il doit comporter les personnes physiques qui peuvent
être considérées comme les investisseurs qualifiés. Il s'agit des personnes
physiques qui font une démarche volontaire, c'est-à-dire celles qui se
déclarent comme investisseurs avertis auprès de l'émetteur de valeurs
mobilières. Elles doivent remplir certaines conditions qu'il appartient, selon
nous, à la Commission des opérations de bourse, après avis de marchés
financiers, de définir.
Pourquoi ?
Lorsque quelqu'un gagne au loto, il peut se retrouver avec une somme d'argent
considérable à investir. Ce n'est pas pour autant qu'il sera un investisseur
averti. On risque de lui vendre tout et n'importe quoi.
S'il s'agit d'un ancien dirigeant d'une grande entreprise à la retraite, il
est averti de ce qui se passe sur les marchés financiers ; il dispose de
compétences et peut être considéré comme investisseur averti.
Pour nous, le critère n'est ni le montant des capitaux investis ni la richesse
de l'individu ; ce sont plutôt les compétences dont ce dernier peut faire usage
en intervenant en tant qu'acquéreur de titres sur un marché.
Une troisième catégorie d'investisseurs qualifiés est constituée par les
personnes morales qui disposent des compétences et des moyens nécessaires -
c'est toujours la même logique - comme, par exemple, une grande société
industrielle dont le trésorier intervient sur les marchés, ou une mutuelle
d'assurance qui a pour objet d'investir les fonds en représentation de réserves
techniques sur les différents marchés financiers.
Ces trois catégories professionnelles, à savoir les investisseurs avertis, les
personnes physiques et les personnes morales, représentent par conséquent les
investisseurs qualifiés.
Par ailleurs, il y a la notion de cercle restreint d'investisseurs, en
d'autres termes les investisseurs proches de l'entreprise. C'est une innovation
que vous apportez dans votre texte et qui me semble aller dans le bon sens, car
il s'agit des investisseurs en fonds propres qui vont accompagner le
développement de l'entreprise.
Comment définir ce cercle restreint d'investisseurs ? Il faut qu'il s'agisse
de personnes liées à l'entreprise, vous le dites, « par des relations
professionnelles, personnelles ou familiales ». Là se pose un autre problème -
qui a été assez longuement évoqué à l'Assemblée nationale, tant à la commission
des finances qu'en séance - c'est celui de savoir s'il faut fixer dans la loi
un seuil quantitatif et dire que, en deçà de ce seuil, on n'est jamais en appel
public à l'épargne, mais que, au-delà de ce seuil, on est en appel public à
l'épargne parce qu'il y a un nombre important d'actionnaires.
Il faut savoir que cette règle quantitative est appliquée par la Commission
des opérations de bourse en vertu de ses règlements depuis une vingtaine
d'années. C'est la règle des 300 actionnaires : à plus de 300 actionnaires, on
est en appel public à l'épargne ; à moins de 300 actionnaires, on n'y est pas.
Jusqu'ici, ce seuil quantitatif n'a pas été fixé par la loi. Il l'a été par le
pouvoir réglementaire en tant qu'il homologue les règlements de la Commission
des opérations de bourse.
Nous avons pensé, au sein de la commission des finances, qu'il fallait faire
figurer dans la loi le seuil quantitatif en le maintenant à 300 personnes. En
effet, si on ne le fait pas, sachant que nous nous efforçons ici de redéfinir
la notion et de clarifier les choses, on confie à la Commission des opérations
de bourse, institution très respectable, autorité indépendante, le soin de
définir elle-même son champ de compétence.
Qu'on lui demande de préciser un certain nombre de modalités d'application
dans son règlement, qui sera homologué par décret, c'est très bien, c'est même
indispensable. Mais permettre à cette autorité de définir son champ de
compétence et, ensuite, d'expliquer ce qu'elle compte faire dans ce champ de
compétence, eu égard à notre conception du rôle du législateur et de la place
de la loi, ne nous paraît pas satisfaisant.
Cela rejoint tout un débat, mes chers collègues, sur la place des autorités
administratives indépendantes, dont d'aucuns considèrent qu'elle a parfois été
un peu trop élargie par rapport à la norme de droit public posée par la loi et
par le règlement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai essayé d'exposer de façon synthétique les
divers éléments qui composent cet amendement n° 14. Pardonnez-moi d'avoir été
un peu long, mais ces dispositions nécessitaient véritablement d'être
décortiquées et bien comprises pour que nous puissions les voter en toute
connaissance de cause.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
M. Marini a détaillé avec beaucoup de précision des
propositions importantes assez complexes tendant à modifier le régime de
l'appel public à l'épargne.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour une série de raisons que
je vais m'efforcer dedétailler.
Tout d'abord, afin d'assurer la transparence du marché et la bonne information
des épargnants, le Gouvernement a souhaité limiter les catégories de personnes
pour lesquelles les entreprises émettrices pouvaient être dispensées des
informations prévues dans le cadre de l'appel public à l'épargne, qui doit
rester la règle.
Dans le texte du Gouvernement, ces investisseurs qualifiés sont exclusivement
des personnes morales qui interviennent pour leur propre compte ou, par
exception, des OPCVM.
Vous proposez, vous, monsieur le rapporteur, d'aller beaucoup plus loin. Or en
augmentant autant le nombre des investisseurs qualifiés, on risquerait de vider
le dispositif de son sens et de réintroduire une opacité qui ne me paraît pas
souhaitable.
En particulier, vous proposez que des personnes physiques puissent être
considérées comme des investisseurs qualifiés. Pour être en quelque sorte
homologué, il faudrait satisfaire à des conditions fixées par un règlement de
la COB, institution sur laquelle vous émettez par ailleurs des réserves. Or ces
conditions ne sont nullement précisées.
S'il s'agit de dire que la personne doit déjà détenir un portefeuille
financier important, il y a là une approche « censitaire » que le Gouvernement
ne peut approuver en ce qu'elle distingue les épargnants selon le volume de
leur fortune. Au demeurant, le fait d'être un particulier fortuné n'implique
pas automatiquement que l'on soit un professionnel de la finance.
Par ailleurs, vous incluez des gestionnaires individuels pour le compte de
tiers parmi les investisseurs qualifiés. Or ces gestionnaires sont, pour
employer un terme technique, « transparents » pour l'investisseur, c'est-à-dire
qu'ils ne lui apportent aucune possibilité de dispersion des risques, de
liquidité de l'investissement ; ils ne constituent pas un facteur de précaution
particulier. Il n'est donc pas souhaitable de considérer ces gestionnaires,
même si ce sont de grands professionnels, comme des investisseurs qualifiés.
Autre raison de m'opposer à cet amendement : en énumérant dans la loi
elle-même de nouvelles catégories d'investisseurs qualifiés, en plus de celles
que le Gouvernement y a inscrites, vous vous mettez dans l'obligation de
dresser une liste exhaustive. Or, malgré tout le respect que m'inspirent vos
propositions, car elles sont la marque de votre grande compétence, je constate
que vous avez oublié des organismes importants. Vous mentionnez les sociétés
d'assurance régies par le code des assurances, mais vous omettez de citer les
institutions de prévoyance qui sont régies par le code de la sécurité sociale,
ainsi que - et certains d'entre nous y seront très sensibles - les mutuelles
qui sont régies par le code de la mutualité.
S'agissant du cercle restreint d'investisseurs, vous voulez faire apparaître
un seuil quantitatif dans la loi. Je crois que, en l'espèce, vous faites preuve
d'un certain manque de souplesse. De plus, le seuil de 300 que vous proposez de
fixer est nettement plus élevé que celui auquel le Gouvernement pourrait penser
: M. Strauss-Kahn, à l'Assemblée nationale, avait évoqué le nombre de 100
investisseurs comme un seuil possible.
J'ai déjà fait allusion à la méfiance que paraît vous inspirer la Commission
des opérations de bourse, et c'est cette méfiance qui vous conduit à prévoir
que les conditions d'application de cet article seront précisées par un décret
en Conseil d'Etat. Autrement dit, vous proposez de superposer des strates
réglementaires, ce qui ne va guère dans le sens de la simplification.
La COB existe ; en la créant, le législateur en a fait une autorité
administrative indépendante chargée de veiller à la protection de l'épargne.
En outre, le législateur a autorisé la COB à proposer des règlements au
ministre chargé de l'économie et des finances, qui peut les homologuer par
arrêté. Cette délégation du pouvoir réglementaire est strictement encadrée par
les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat.
Il me semble que les règlements dont il est ici question répondent à ces
critères et qu'ils n'empiètent pas sur les principes fondamentaux, qui relèvent
strictement du législateur. Aussi le recours en Conseil d'Etat que vous
suggérez est-il inutile. Ces règlements de la COB, pour l'essentiel, existent
déjà, et cette redondance est superflue.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Monsieur le secrétaire d'Etat, si l'on retient le critère de
la compétence pour définir l'investisseur qualifié, je ne vois pas au nom de
quoi les gérants de capitaux, agréés en tant que tels en vertu de la loi du 2
juillet 1996, sur la base de programmes d'activité, avec un contrôle technique
et déontologique, ne seraient pas considérés comme des investisseurs
qualifiés.
S'agissant des personnes physiques, je pense avec vous que le critère du
montant quantitatif de capitaux - vous allez jusqu'à parler d'« approche
censitaire » - n'est pas pertinent. Je crois d'ailleurs l'avoir dit dans mon
intervention initiale.
Il faut toutefois rappeler que les investisseurs avertis sont ceux qui,
consciemment, se placeraient sous un régime leur donnant beaucoup moins
d'informations et de garanties que les autres : plus compétents et plus avertis
que les autres, ils auraient besoin de moins de protections et de moins de
garanties. Ils investissent à leurs risques et périls. Je crois qu'il faut
éviter les allusions à des faits qui sont étrangers à ce débat.
Par ailleurs, je n'éprouve pas de méfiance à l'égard de la Commission des
opérations de bourse. Je la respecte et j'apprécie énormément son travail.
Toutefois, je souhaite que cette commission soit, comme le CSA et un certain
nombre d'autorités administratives indépendantes, maintenue à sa place. Il faut
que ces institutions remplissent leur mission légale, toute leur mission
légale, mais rien que leur mission légale.
Or les règles générales qui sont appliquées ne peuvent l'être qu'en vertu du
pouvoir réglementaire. Une norme générale édictée par la Commission des
opérations de bourse n'a de valeur juridique que si elle est homologuée par le
pouvoir réglementaire.
Doit-il s'agir d'un décret en Conseil d'Etat ou d'un décret simple ? Sur ce
point, je suis prêt à rectifier l'amendement. Il reste que le décret pour
l'application de cet article est indispensable si l'on veut se conformer à
notre ordre constitutionnel.
S'agissant des organismes que j'aurais omis de viser dans mon énumération, je
crois avoir évoqué les mutuelles, et ce n'était qu'un exemple : j'aurais pu
aussi parler des institutions de prévoyance sociale au titre des personnes
morales disposant des compétences et des moyens nécessaires pour appréhender
les risques inhérents aux opérations sur les instruments financiers,
appartenant à l'une des catégories définies par un règlement de la Commission
des opérations de bourse. Il est tout à fait logique que la Commission des
opérations de bourse y fasse figurer, notamment, les mutuelles d'assurance
régies par le code de la mutualité et les institutions de prévoyance sociale,
tout comme d'autres établissements, organismes ou entreprises.
Je n'ai donc en aucun cas voulu les exclure. Au contraire, il est prévu
qu'elles figurent dans la liste, si la COB voit les choses comme il est
raisonnable de les voir.
Enfin, pour ce qui est du seuil des 300 personnes, il faut rappeler que c'est
la situation actuelle.
A l'Assemblée nationale, M. Strauss-Kahn a eu une controverse avec M. Migaud,
rapporteur général, qui était - il y a là une convergence peut-être un peu
étonnante - de l'avis que je viens d'exprimer, considérant que le seuil de 300
devait être inscrit dans la loi.
Selon M. Strauss-Kahn, il faudrait que ce soit très souple et que l'on confie
à la COB le soin, en quelque sorte, de « jeter la balle » en fixant un seuil de
100, après quoi on ajusterait si les circonstances devaient conduire à des
ajustements.
Sur cette question, je formule les plus expresses réserves. En effet, si l'on
veut que la distinction soit claire entre l'appel public à l'épargne et le
reste, il ne faut pas que le critère puisse changer de manière impromptue.
La distinction entraîne, d'un côté, plus d'informations, plus de garanties,
plus de contrôles, la possibilité de mettre en oeuvre toutes les procédures du
droit boursier - notamment en matière de recherche de délit d'initié - des
sanctions, bref, toute une série de conséquences précises. Si le critère est
flottant ou soumis à des variations un peu trop rapides, ce que laissait
entendre M. Strauss-Kahn, je crois que nos marchés financiers pécheront par
manque de sécurité.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai beaucoup apprécié que vous ayez tenu à me
répondre de manière détaillée, mais vous ne m'avez malheureusement pas
convaincu et, à ce stade, je ne peux que maintenir mon amendement.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sauttier,
secrétaire d'Etat.
Je veux seulement dire à M. Marini que je persiste à
penser que son amendement présente des risques et qu'il est discriminatoire.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
C'est à titre personnel que j'interviens ici puisque nous n'avons pu, au sein
de mon groupe, débattre de cet amendement.
Philippe Marini sait que, en commission des finances, cet amendement a soulevé
un certain nombre d'interrogations de notre part, et je dois dire que l'avis
qu'a présenté M. le secrétaire d'Etat a renforcé mon trouble.
Nous ne voudrions pas, en votant cet amendement, donner en quoi que ce soit le
sentiment que les conditions de l'appel à l'épargne publique sont
affaiblies.
C'est la raison pour laquelle je me permets d'exprimer le souhait de voir
Philippe Marini retirer son amendement, afin qu'une réflexion nouvelle s'engage
entre lui et le Gouvernement sur cette question difficile dont l'importance
politique est significative. S'il le maintient, je ne pourrai que
m'abstenir.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Mon cher collègue, en aucun cas cet amendement ne peut
affaiblir le régime de l'appel public à l'épargne. Il s'agit, au contraire,
d'en préciser les critères de la manière la plus concrète possible.
M. René Régnault.
C'est discriminant !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Forcément ! Dès lors qu'il existe une limite, il y a un
régime qui s'applique d'un côté et un autre régime qui s'applique de l'autre
côté ! Il s'agit bien d'établir une discrimination. Mais nous avons essayé
d'écrire cela de la façon la plus précise possible, s'agissant d'une matière
très technique et singulièrement complexe.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, rejeté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 15, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose
de compléter
in fine
l'article 25 par un paragraphe additionnel ainsi
rédigé :
« V. - Dans les deuxième et troisième alinéas de l'article 2 de la loi n° 72-6
du 3 janvier 1972 relative au démarchage financier et à des opérations de
placement et d'assurance, après les mots : "ou à la résidence des personnes,"
sont insérés les mots : "autres que des investisseurs qualifiés,". »
La parole est à M. Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Il s'agit d'exclure les investisseurs qualifiés, tels que
nous venons de les définir, du dispositif de la loi sur le démarchage
financier, ce qui, je crois, va de soi.
Toutefois, il convient d'insister, monsieur le secrétaire d'Etat, sur
l'urgence d'une réforme du démarchage financier, qui est régi par une loi de
1972 devenue aujourd'hui complètement obsolète.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui
tend à introduire la notion d'investisseur qualifié dans la législation sur le
démarchage.
Je rappelle que l'article 25, dans sa version gouvernementale, ne modifie ni
la définition ni les conditions d'exercice de l'activité de démarchage.
La Haute Assemblée a pris une décision que le Gouvernement condamne, et je lui
laisse le soin d'apprécier si sa proposition pose problème de ce point de
vue.
En la matière, il faut continuer à adopter une démarche prudente. Peut-être
convient-il de reprendre la loi de 1972, mais je pense que le moment est mal
choisi pour le faire.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 131, M. Loridant propose de compléter
in fine
l'article 25 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« Le dernier alinéa de l'article 274 de la loin° 66-537 du 24 juillet 1966 sur
les sociétés commerciales est complété par une phrase ainsi rédigée : "Toute
cession effectuée en violation des statuts est nulle." »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
L'amendement n° 131, de caractère technique, a cependant une portée bien
particulière pour un certain nombre de sociétés dites « fermées ». Il existe,
en effet, dans notre droit, des sociétés dont le nombre d'actionnaires est
limité et au sein desquels les tiers ne peuvent pas acheter de parts.
A l'occasion de cessions, d'héritages ou de tout événement survenant soit dans
la vie de la société, soit dans celle de ses actionnaires, certains détenteurs
sont amenés à vendre leurs parts à des tiers. Ce faisant, ils peuvent être
amenés à tomber sous le régime des sociétés faisant appel public à l'épargne
et, de ce fait, être soumis à certaines obligations lourdes, notamment
l'agrément de la Commission des opérations de bourse.
Il s'agit donc ici, pour des sociétés fermées qui ne voudraient en aucun cas
s'ouvrir et devoir assumer les contraintes liées à l'appel public à l'épargne,
de prévoir dans leurs statuts que toute cession de parts qui ne serait pas
agréée par les statuts serait nulle de plein droit.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je suis favorable au principe de la liberté contractuelle.
Les dispositions qui sont prises par les actionnaires, lorsqu'ils décident de
rédiger les statuts d'une société anonyme, sont à mes yeux comme la
Constitution de la société. M. Loridant propose qu'une violation de la
Constitution, en quelque sorte, entraîne la nullité de cessions de titres ainsi
effectuées en contravention avec les clauses d'agrément formellement prévues
par les statuts.
Je ne suis pas choqué de cette démarche, mais, bien entendu, avant de me
prononcer au nom de la commission, je souhaiterais, monsieur secrétaire d'Etat,
recueillir votre avis.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui
est, certes, technique, mais qui a pour vocation d'assurer une meilleure
sécurité du marché.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 131, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 25, modifié.
(L'article 25 est adopté.)
Articles 26 et 27
M. le président.
« Art. 26. - La société de gestion d'un fonds commun de placement ou d'un
fonds commun de créances dont le règlement prévoit que sa comptabilité est
tenue dans une unité monétaire d'un Etat participant à la monnaie unique peut
modifier seule ce règlement pour permettre que les documents comptables soient
établis en unité euro. » -
(Adopté.)
« Art. 27. - Après l'article 23 de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988
relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant
création des fonds communs de créances, il est inséré un chapitre V
bis
ainsi rédigé :
« Chapitre V bis
« Organismes de placement collectif
en valeurs mobilières à compartiments
«
Art. 23-1. -
I. - Un organisme de placement collectif en valeurs
mobilières peut comporter deux ou plusieurs compartiments si ses statuts ou son
règlement le prévoient. Chaque compartiment donne lieu à l'émission d'une
catégorie d'actions ou de parts représentative des actifs de l'organisme de
placement collectif en valeurs mobilières qui lui sont attribués.
« Lorsque des compartiments sont constitués au sein d'un fonds commun de
placement à risques, d'un fonds commun de placement dans l'innovation, d'un
fonds commun d'intervention sur les marchés à terme ou d'un organisme de
placement collectif bénéficiant d'une procédure allégée, ils sont tous soumis
individuellement aux dispositions de la présente loi qui régissent ce fonds ou
cet organisme.
« La Commission des opérations de bourse définit les conditions dans
lesquelles la constitution de chaque compartiment est soumise à son agrément,
ainsi que les conditions dans lesquelles est déterminée, en fonction de la
valeur nette des actifs attribués au compartiment correspondant, la valeur
liquidative de chaque catégorie d'actions ou de parts.
« II. - Chaque compartiment fait l'objet, au sein de la comptabilité de
l'organisme de placement collectif en valeurs mobilières, d'une comptabilité
distincte qui peut être tenue en toute unité monétaire dans les conditions
fixées par le décret prévu à l'article 32.
« III. - Par dérogation aux dispositions de l'article 25, un compartiment peut
être régi par les dispositions relatives aux organismes de placement collectif
en valeurs mobilières nourriciers prévues au chapitre V
quater
.
« IV. - La Commission des opérations de bourse agrée, dans des conditions
qu'elle définit, la transformation, la fusion, la scission et la liquidation
des compartiments. » -
(Adopté.)
Article additionnel après l'article 27
M. le président.
Par amendement n° 132, M. Loridant propose d'insérer, après l'article 27, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après le cinquième alinéa (3°) du paragraphe I de l'article
12 de la loi n° 93-1444 du 31 décembre 1993 portant diverses dispositions
relatives à la Banque de France, à l'assurance, au crédit et aux marchés
financiers, un alinéa ainsi rédigé :
« 3°
bis
Les parts de fonds communs de créances qui n'ont pas fait
l'objet d'une admission aux négociations sur un marché réglementé, ».
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Cet amendement a pour objet de modifier le système de mobilisation des fonds
communs de créances non cotées.
Afin de renforcer la sécurité juridique des opérations de mobilisation de
créances commerciales détenues par les établissements de crédit et réalisées
auprès de la Banque de France, il a été envisagé de recourir à la technique de
titrisation. L'objectif est d'autoriser la création de fonds communs de
créances dans lesquels seront regroupées des créances répondant aux critères
établis à l'heure actuelle par la Banque de France pour l'accès à la monnaie
centrale.
Les parts de ces fonds communs de créances seraient initialement souscrites en
totalité par l'établissement cédant puis mobilisables auprès de la Banque de
France par une mise en pension livrée.
La création de tels fonds communs de créances nécessite un aménagement du
titre V de la loi n° 93-1444 du 31 décembre 1993 relatif à la pension livrée.
En effet, si les parts émises par ces fonds communs de créances entrent bien
dans la catégorie des valeurs mobilières prévues à l'article 12-1 du titre V de
cette loi, elles n'ont pas toutefois vocation à être cotées sur le marché
réglementé, comme l'exige la loi. Elles sont destinées à être souscrites dans
leur intégralité par l'établissement cédant à l'origine et ne peuvent circuler
ensuite que sur le marché interbancaire.
L'objet du présent amendement est donc de permettre la mobilisation de parts
de fonds communs de créances non cotées auprès de la Banque de France ou
d'autres établissements bancaires.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 132, accepté par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 27.
Articles 28 et 29
M. le président.
« Art. 28. - Après l'article 23 de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988
précitée, il est inséré un chapitre V
ter
ainsi rédigé :
« Chapitre V ter
« Organismes de placement collectif en valeurs mobilières bénéficiant d'une procédure allégée
«
Art. 23-2
. - I. - La souscription et l'acquisition des parts ou
actions d'un organisme de placement collectif en valeurs mobilières bénéficiant
d'une procédure allégée sont réservées aux investisseurs mentionnés au II de
l'article 6 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 instituant une
Commission des opérations de bourse lorsque le montant initialement investi est
inférieur à un seuil fixé par un règlement de la Commission des opérations de
bourse. Le dépositaire ou la personne désignée à cet effet par le règlement ou
les statuts de l'organisme s'assure, selon le cas, que le souscripteur ou
l'acquéreur est un investisseur mentionné au II de l'article 6 de l'ordonnance
n° 67-833 du 28 septembre 1967 précitée, ou qu'il a investi initialement un
montant conforme au seuil fixé par le règlement de la Commission des opérations
de bourse. Il s'assure également que le souscripteur ou l'acquéreur a
effectivement déclaré avoir été informé que cet organisme était régi par les
dispositions du présent chapitre.
« II. - La constitution, la transformation, la fusion, la scission ou la
liquidation d'un organisme de placement collectif en valeurs mobilières défini
au I n'est pas soumise à l'agrément de la Commission des opérations de bourse
mais doit lui être déclarée, dans des conditions définies par un règlement de
la commission, dans le mois qui suit sa réalisation. Ce règlement fixe
également les conditions de souscription, de cession et de rachat des parts ou
des actions émises par un tel organisme.
« III. - Un organisme de placement collectif en valeurs mobilières défini au I
peut, dans des conditions et limites fixées par un décret en Conseil d'Etat,
déroger à l'article 25 et prévoir, dans ses statuts ou son règlement, la
possibilité de procéder à des opérations d'achat ou de vente à terme sur
d'autres marchés que ceux mentionnés à l'article 28. » -
(Adopté.)
« Art. 29. - Après l'article 23 de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988
précitée, il est inséré un chapitre V
quater
ainsi rédigé :
« Chapitre V quater
« Organismes de placement collectif en valeurs mobilières maîtres et nourriciers
«
Art. 23-3
. - I. - Les statuts ou le règlement d'un organisme de
placement collectif en valeurs mobilières dit nourricier peuvent prévoir, dans
des conditions fixées par un règlement de la Commission des opérations de
bourse, que son actif est investi en totalité en actions ou parts d'un seul
organisme de placement collectif en valeurs mobilières, dit maître, et, à titre
accessoire, en liquidités.
« II. - L'organisme de placement collectif en valeurs mobilières maître est
:
« - soit un organisme de placement collectif de droit commun régi par les
chapitres Ier, II, V
bis,
VI et IX ;
« - soit un fonds commun de placement à risques, un fonds commun de placement
dans l'innovation ou un fonds commun d'intervention sur les marchés à terme ;
les organismes de placement collectif nourriciers sont alors soumis aux règles
de détention, de commercialisation, de publicité et de démarchage applicables
au fonds maître ;
« - soit un organisme de placement collectif bénéficiant d'une procédure
allégée régi par le chapitre V
ter
; la souscription ou l'acquisition
d'actions ou de parts des organismes de placement collectif nourriciers sont
réservées aux investisseurs mentionnés au II de l'article 6 de l'ordonnance n°
67-833 du 28 septembre 1967 précitée lorsque le montant initialement investi
est inférieur au montant mentionné au II de l'article 23-2 ;
« - soit un organisme de placement collectif soumis à la législation d'un Etat
bénéficiant de la procédure de reconnaissance mutuelle des agréments définie
par la directive 85/611 du Conseil, du 20 décembre 1985, sous réserve que cette
législation comporte des dispositions qui permettent :
«
a)
La constitution et la commercialisation d'organismes de placement
collectif en valeurs mobilières nourriciers dont l'actif est composé de parts
ou actions d'un organisme de placement collectif en valeurs mobilières
constitué sur le territoire de la République française ;
«
b)
Les échanges d'informations mentionnés au III du présent article
;
«
c)
La conclusion avec l'autorité de contrôle compétente pour la
surveillance des organismes de placement collectif en valeurs mobilières d'une
convention d'échange d'informations et d'assistance.
« Un règlement de la Commission des opérations de bourse précise les
conditions d'application du présent II.
« III. - Les dépositaires et les commissaires aux comptes des organismes de
placement collectif nourriciers et de l'organisme de placement collectif maître
échangent les informations rendues nécessaires par l'accomplissement de leurs
missions respectives. » -
(Adopté.)
Mes chers collègues, nous allons interrompre là nos travaux.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
RETRAIT D'UNE QUESTION ORALE
AVEC DÉBAT
M. le président.
J'informe le Sénat que M. Franck Sérusclat a fait connaître qu'il retire la
question orale avec débat n° 4 qu'il avait posée à M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie.
Cette question avait été communiquée au Sénat le 3 mars 1998.
Acte est donné de ce retrait.
9
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la
ratification de la convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de
la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur
destruction.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 424, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
10
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec
modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, d'orientation et
d'incitation relatif à la réduction du temps de travail.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 418, distribué et renvoyé à la
commission des affaires sociales.
11
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean-Pierre Raffarin un rapport fait au nom de la commission
des affaires économiques et du Plan sur :
- la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à la
détermination des conditions juridiques de l'exercice de la profession
d'artisan boulanger (n° 375, 1997-1998) ;
- la proposition de loi de MM. Jean-Pierre Raffarin, Nicolas About, Michel
Alloncle, Louis Althapé, Jean-Paul Amoudry, Philippe Arnaud, Denis Badré,
Honoré Bailet, René Ballayer, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Jacques
Baudot, Michel Bécot, Henri Belcour, Claude Belot, Jean Bernard, Roger Besse,
Jean Bizet, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. Christian Bonnet, James Bordas,
Joël Bourdin, Yvon Bourges, Philippe de Bourgoing, Jean Boyer, Louis Boyer,
Gérard Braun, Mme Paulette Brisepierre, MM. Robert Calmejane, Jean-Pierre
Camoin, Jean-Claude Carle, Gérard César, Marcel-Pierre Cléach, Jean Clouet,
Jean Cluzel, Henri Collard, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Jean-Patrick
Courtois, Philippe Darniche, Luc Dejoie, Jean Delaneau, Jacques Delong, Fernand
Demilly, Charles Descours, André Diligent, Michel Doublet, André Dulait,
Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, André Egu, Jean-Paul Emin, Jean-Paul
Emorine, Hubert Falco, Hilaire Flandre, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier,
Philippe François, Yann Gaillard, Patrice Gélard, Alain Gérard, François
Gerbaud, Daniel Goulet, Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Francis Grignon,
Georges Gruillot, Hubert Haenel, Emmanuel Hamel, Mme Anne Heinis, MM. Rémi
Herment, Bernard Hugo, Jean-Paul Hugot, Claude Huriet, Roger Husson, Charles
Jolibois, André Jourdain, Jean-Philippe Lachenaud, Lucien Lanier, Jacques
Larché, René-Georges Laurin, Jean-François Le Grand, Edouard Le Jeune,
Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Roland du Luart, Serge Mathieu, Jacques de
Menou, Michel Mercier, Louis Moinard, Philippe Nachbar, Lucien Neuwirth, Michel
Pelchat, Jean Pépin, Bernard Plasait, Alain Pluchet, Jean Pourchet, André
Pourny, Henri de Raincourt, Charles Revet, Henri Revol, Philippe Richert, Roger
Rigaudière, Jacques Rocca Serra, Michel Rufin, Jean-Pierre Schosteck, Martial
Taugourdeau, François Trucy et Serge Vinçon pour la défense et la valorisation
de la profession d'artisan boulanger-pâtissier (n° 321, 1997-1998) ;
- la proposition de loi de MM. Joseph Ostermann et Francis Grignon relative à
la qualité d'artisan boulanger (n° 350, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 417 et distribué.
J'ai reçu de M. Bertrand Delanoë un rapport fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi
autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République tunisienne sur l'encouragement et
la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres)
(n° 348, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 419 et distribué.
J'ai reçu de M. André Dulait un rapport fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi
autorisant la ratification du traité d'amitié, d'entente et de coopération
entre la République française et la République d'Azerbaïdjan (n° 349,
1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 420 et distribué.
J'ai reçu de M. Claude Estier un rapport fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi
autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à la
coopération dans le domaine de l'exploration et de l'utilisation de l'espace à
des fins pacifiques (ensemble une annexe) (n° 398, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 421 et distribué.
J'ai reçu de M. Nicolas About un rapport fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi,
adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture,
instituant une commission consultative du secret de la défense nationale (n°
404, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 422 et distribué.
J'ai reçu de M. Louis Souvet un rapport fait au nom de la commission des
affaires sociales sur le projet de loi adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, d'orientation et d'incitation
relatif à la réduction du temps de travail (n° 418, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 423 et distribué.
12
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, jeudi 7 mai 1998, à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 373, 1997-1998), adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier.
Rapport (n° 413, 1997-1998) de MM. Alain Lambert et Philippe Marini, fait au
nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Avis (n° 408, 1997-1998) de M. André Jourdain, fait au nom de la commission
des affaires sociales.
Aucun amendement n'est plus recevable.
Délais limites pour les inscriptions de parole
dans la discussion générale
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, d'orientation et de réduction du temps de travail (n° 418,
1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 11 mai 1998, à dix-sept
heures.
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture, instituant une commission consultative du secret de la défense
nationale (n° 404, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 12 mai 1998, à dix-sept
heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à la
détermination des conditions juridiques de l'exercice de la profession
d'artisan boulanger (n° 375, 1997-1998).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 12 mai 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 12 mai 1998, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à zéro heure dix.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES
M. François Lesein a été nommé rapporteur du projet de loi n° 416 (1997-1998) relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage.
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES
M. André Boyer a été nommé rapporteur du projet de loi n° 399 (1997-1998)
autorisant la ratification du traité d'entente, d'amitié et de coopération
entre la République française et la République de Géorgie.
M. Daniel Goulet a été nommé rapporteur du projet de loi n° 424 (1997-1998)
autorisant la ratification de la convention sur l'interdiction de l'emploi, du
stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur
destruction.
M. Daniel Goulet a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 410
(1997-1998), adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, tendant à
l'élimination des mines antipersonnel.
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
M. Guy Fischer a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 389
(1997-1998) de M. Robert Pagès tendant à remplacer, dans le titre de la loi n°
51-538 du 14 mai 1951, les mots : « personnes contraintes au travail en pays
ennemi, en territoire étranger occupé par l'ennemi ou en territoire français
annexé par l'ennemi » par les mots : « victimes de la déportation du travail »
et à modifier, en conséquence, le code des pensions militaires d'invalidité et
des victimes de guerre.
M. Guy Fischer a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 390
(1997-1998) de M. Robert Pagès tendant à accorder la retraite anticipée pour
les anciens combattants chômeurs en fin de droits justifiant de quarante années
de cotisations diminuées du temps passé en Afrique du Nord.
DÉLÉGATION DU SÉNAT
POUR LA PLANIFICATION
Dans sa séance du mardi 5 mai 1998, la délégation a désigné M. Joël Bourdin
comme président.
Le reste du bureau est ainsi composé :
Vice-présidents :
M. Bernard Hugo ;
M. Marcel Lesbros ;
M. Georges Mouly ;
M. René Régnault.
Secrétaires :
M. Jacques Braconnier ;
M. Louis Minetti.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Levée de l'embargo à l'égard de l'Irak
262.
- 6 mai 1998. -
M. Franck Sérusclat
interroge
M. le ministre des affaires étrangères
sur la position actuelle du Gouvernement français à l'égard de l'embargo qui
frappe l'Irak. En 1991, le conseil de sécurité de l'Organisation des Nations
unies a voté une résolution frappant l'Irak d'un embargo économique, visant à
déstabiliser le régime de Sadam Hussein. Cette décision était consécutive à une
attitude inacceptable de ce pays à l'égard du Koweït, des Kurdes vivant sur son
territoire et du reste du monde. Elle s'inscrivait dans le contexte de la
guerre du Golfe menée contre l'Irak par les Etats-Unis au premier chef, et
leurs alliés. Or, cet embargo, après sept années de mise en oeuvre, n'a
toujours pas permis d'écarter Sadam Hussein du pouvoir, mais a, au contraire,
entraîné la mort de 600 000 enfants irakiens de moins de 5 ans, faute de vivres
et de médicaments. Sans compter tous les Irakiens souffrant de malnutrition,
maladies... Il l'interroge sur le bien-fondé du maintien de cet embargo qui n'a
pas atteint son objectif, puisqu'il ne déstabilise pas les dirigeants
dictatoriaux du pays, mais fait souffrir inutilement son peuple qui en est
devenu l'otage de fait.
Contrôle des installations d'assainissement non collectif
263.
- 6 mai 1998. -
M. Bernard Dussaut
appelle l'attention de
Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement
sur les difficultés engendrées par l'arrêté du 6 mai 1996 fixant les modalités
du contrôle technique exercé par les communes sur les systèmes d'assainissement
non collectif dont la mise en oeuvre a été précisée par la circulaire du 22 mai
1997. Le transfert de ces attributions de la direction départementale des
affaires sanitaires et sociales (DDASS) vers les communes depuis le 1er janvier
1998 pose un certain nombre de problèmes d'ordre financier, technique et
judiciaire : coût engendré, capacité d'appréciation technique, responsabilité
civile et pénale des maires sont autant de sources d'inquiétude pour les élux
locaux. Ainsi, il lui demande s'il lui est possible de lui donner des
indications susceptibles de rassurer les maires, notamment les maires des
petites communes pour lesquels ce transfert est très lourd. Il souhaiterait,
par ailleurs, qu'elle lui précise s'il lui semble envisageable que des
dispositions soient prises afin que les directions départementales de
l'équipement (DDE) se voient attribuer cette responsabilité par délégation dans
le cadre de l'instruction du permis de construire.
Création d'un revenu minimum à Wallis-et-Futuna
264.
- 6 mai 1998. -
M. Basile Tui
appelle l'attention de
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur les difficultés que rencontre actuellement la majeure partie de la
population du territoire de Wallis-et-Futuna. Il lui indique, en effet, que de
nombreux foyers - qui représentent environ 80 % des habitants du territoire -
n'ont aucune ressource financière et se trouvent donc réduits à vivre d'une
autosubsistance irrégulière et insuffisante. Il lui précise que les petits
producteurs ne peuvent commercialiser leur production et sont donc dans
l'impossibilité de faire face à des charges inhérentes à la vie quotidienne
telles que de simples factures d'eau ou d'électricité. En outre, les familles
connaissent de réelles difficultés pour faire face à tous les frais liés à la
scolarisation de leurs enfants. Il appelle donc son attention sur la fracture
sociale qui s'aggrave, dans ce territoire, d'année en année, opposant ces
foyers sans revenus à ceux qui perçoivent des salaires, et lui précise que
cette situation de paupérisation pourrait rapidement devenir explosive si
aucune mesure n'était prise à court terme pour y remédier. Il lui demande, en
conséquence, si le Gouvernement envisage prochainement la création d'un RMS -
revenu minimum de subsistance - spécifique, à l'instar du RMI existant en
métropole, ou du RMC - revenu minimum de croissance - mis en place en
Nouvelle-Calédonie.
Avenir de la politique des « Pays »
265. - 6 mai 1998. - M. Georges Mouly attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur la suite qui est appelée à être donnée dans le temps au projet de loi dit d'orientation et d'aménagement durable du territoire pour ce qui concerne les différents éléments du texte d'une façon générale et plus particulièrement la politique en faveur des zones de revitalisation rurale, la loi d'orientation agricole, la mise en oeuvre de la politique des pays et le sort réservé, de ce point de vue, à la politique de « territoires » ou de « pays » mise en place par des départements.