SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Eloge funèbre de Maurice Schumann, sénateur du Nord
(p.
1
).
MM. le président, Lionel Jospin, Premier ministre.
Suspension et reprise de la séance (p. 2 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
3.
Conférence des présidents
(p.
3
).
4.
Fin de mission d'un sénateur
(p.
4
).
5.
Retrait d'une question orale avec débat
(p.
5
).
6.
Responsabilité du fait des produits défectueux.
- Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture (p.
6
).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice ; MM. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois ; Claude
Huriet, Marcel Charmant, Guy Cabanel, Jacques Bimbenet, Robert Pagès, Charles
Descours.
Mme le garde des sceaux, MM. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission
des affaires sociales ; le rapporteur, Guy Cabanel.
Clôture de la discussion générale.
M. le président.
Article 6 (p. 7 )
Amendement n° 4 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux,
MM. Guy Cabanel, Marcel Charmant. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 7. - Adoption (p.
8
)
Article 12
bis
(p.
9
)
M. Claude Huriet.
Amendements identiques n°s 2 de M. Hyest et 3 de M. Fourcade. - MM.
Jean-Jacques Hyest, le président de la commission des affaires sociales, le
rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Charles
Descours. - Adoption des deux amendements.
Amendement n° 6 rectifié de M. Cabanel. - MM. Guy Cabanel, le rapporteur, Mme
le garde des sceaux, M. Jacques Chaumont, au nom de la commission des finances.
- Irrecevabilité.
Amendement n° 1 de M. Huchon. - MM. Jacques Machet, le rapporteur, Mme le garde
des sceaux. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 12 bis (p. 10 )
Amendement n° 5 de M. Charmant. - MM. François Autain, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Charles Descours. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Vote sur l'ensemble (p. 11 )
MM. Jean-Louis Lorrain, Robert Pagès, Guy Cabanel, Louis Boyer.
Adoption de la proposition de loi.
7.
Validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation
professionnelle d'avocats.
- Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture (p.
12
).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice ; MM. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois ; Robert
Pagès, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard.
Mme le garde des sceaux.
Clôture de la discussion générale.
Article 3 (p. 13 )
Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux,
MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Intitulé (p. 14 )
Amendement n° 2 de la commission. - M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme le garde des
sceaux, MM. Jean-Jacques Hyest, Guy Cabanel, Patrice Gélard, le rapporteur. -
Adoption de l'amendement modifiant l'intitulé.
Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.
PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
8.
Droit de vote des citoyens de l'Union européenne aux élections municipales.
- Discussion d'un projet de loi organique en troisième lecture (p.
15
).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice ; M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois.
9.
Souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires néo-zélandais
(p.
16
).
10.
Droit de vote des citoyens de l'Union européenne aux élections municipales.
- Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi organique (p.
17
).
Discussion générale
(suite)
: MM. Michel Duffour, Guy Allouche.
Clôture de la discussion générale.
Articles 1er et 2. - Adoption (p.
18
)
Article 12 (p.
19
)
Amendement n° 1 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des
sceaux, M. Guy Cabanel. - Rejet.
Adoption de l'article.
Adoption, par scrutin public, de l'ensemble du projet de loi organique.
11.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
20
).
12.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
21
).
13.
Dépôt d'une résolution
(p.
22
).
14.
Dépôt d'une proposition d'acte communautaire
(p.
23
).
15.
Dépôt d'un rapport
(p.
24
).
16.
Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 9 avril 1998
(p.
25
).
17.
Ordre du jour
(p.
26
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le procès-verbal de la séance du jeudi 9 avril 1998 a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.
2
ÉLOGE FUNÈBRE
DE MAURICE SCHUMANN,
SÉNATEUR DU NORD
M. le président.
« La vérité de la grandeur est toujours un supplément d'âme. » La voix qui
prononça ces mots s'est tue.
(M. le Premier ministre, Mmes et MM. les
ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Je crois l'entendre
encore, animée de ce feu que Maurice Schumann sut si bien nous transmettre.
L'idéal le hantait, l'idéal l'habitait.
C'est à Paris qu'est né Maurice Schumann, le 10 avril 1911.
La maladie, qui le frappa très jeune, eut des conséquences déterminantes sur
le cours de son destin.
Il trouva dans la foi chrétienne l'apaisement et le réconfort. Cette foi
exigeante, en perpétuel renouvellement, guida toute sa vie.
Parce qu'il ne put préparer les oraux de l'Ecole normale supérieure, dont il
promettait d'être l'un des plus brillants éléments, il s'orienta vers le
journalisme.
Ainsi entra-t-il comme correspondant à l'Agence Havas et aux
Nouvelles
littéraires.
Plus tard, il apporta aussi sa contribution à
Temps
Présent,
à
La Vie intellectuelle
et à
l'Aube,
dont il devint
rapidement directeur politique.
Sa lucidité, sa hauteur de vues révélèrent très tôt l'homme d'exception. En
toutes circonstances, Maurice Schumann eut la voix ferme et la plume sans
ambages.
Il fut naturellement de ceux - ils n'étaient pas si nombreux ! - qui
dénoncèrent les accords de Munich.
La guerre, qu'il voyait venir, n'allait pas tarder à éclater. Bien que
réformé, Maurice Schumann y participa aux côtés de l'armée britannique. Fait
prisonnier en mai 1940, il s'évada.
Par un singulier hasard, c'est une voix, celle du général de Gaulle, entendue
à Niort dans le désordre de la débâcle, qui lui fit rencontrer l'Histoire.
Il gagna alors la Grand-Bretagne, où il avait été autrefois correspondant de
presse. Dès le 26 juin 1940, il retrouvait à Londres les Forces françaises
libres.
« Il faut ramener du bon côté non pas les Français, mais la France », lui
avait dit le Général. Les termes de la mission de Maurice Schumann, désormais
porte-parole de la France libre, étaient posés : être ce qu'il appela « le lien
avec l'insubmersible ».
Ainsi, pendant quatre longues années, l'espoir, encore ténu, traversa la
Manche, et, au mépris des brouillages, défia le défaitisme et organisa la
Résistance.
Quand la défaite est consommée, que reste-t-il à une nation ? Son âme ! Ainsi,
il l'incarna, il l'exprima, il la porta par son verbe.
Chaque soir, cette voix sans visage, au timbre si particulier, fut, pour des
millions d'hommes et de femmes, une lueur dans une nuit d'encre.
Ce Français, qui parlait aux Français de sursaut et d'avenir, devint un
symbole. Mais cela ne lui suffit pas. Car tout son être vibrait du besoin
d'agir.
En 1944, le général de Gaulle, cédant à ses instances, l'autorisa à débarquer
avec les forces alliées. Son remarquable courage, lors de la campagne de
France, valut à Maurice Schumann la Croix de guerre avec trois citations, la
Légion d'honneur à titre militaire et la croix de la Libération.
Ce « compagnon par excellence » voua au Général une fidélité sans faille. Son
engagement à ses côtés rejoignait en effet sa passion de la France. Il ne
pouvait se résoudre à la voir autrement que debout, fière et combattante, avec
ceux qui allaient vaincre l'horreur et l'inacceptable.
En ce sens, le message qu'il nous laisse demeure d'une vivante actualité : ne
jamais se résigner à d'autres axiomes que ceux qui fondent nos convictions
spirituelles, morales et politiques les plus profondes. Les siennes puisaient à
la source de sa foi chrétienne.
C'est la conjugaison de ces exigences qui dirigea aussi la carrière politique
de Maurice Schumann.
Cofondateur et président du Mouvement républicain populaire, il en fit la
première force politique de la France libérée.
Du parti politique qui alliait la foi à l'engagement public, il fut l'une des
personnalités les plus marquantes et les plus influentes.
En ces années incertaines, il pensait qu'au-delà des querelles
institutionnelles la France avait une priorité : sa reconstruction.
Pour lui, seule la coopération des principales formations politiques
permettrait d'échapper aux aventures et rendrait à la France son rang et sa
sécurité dans le monde d'après-guerre, qu'il pressentait déjà très
tourmenté.
Au MRP, à l'Assemblée nationale, comme secrétaire d'Etat aux affaires
étrangères de 1951 à 1954, Maurice Schumann s'efforça de mettre en oeuvre sa
soif de toujours mieux servir sa patrie et ses compatriotes.
Après le déchirement fratricide de la guerre, il ne voyait d'issue que dans la
réconciliation franco-allemande. Très tôt, il y adjoignit la dimension
européenne, empirique mais exigeante.
Il fut des tout premiers Européens parce que ce projet pacifique et
visionnaire avait alors l'ampleur des grandes causes qui seyaient si bien à son
coeur généreux.
C'est pour cette idée européenne que, en 1962, avec ses collègues du MRP, il
quitta le gouvernement, alors qu'il venait d'être nommé ministre d'Etat, chargé
du très important portefeuille de la recherche et des questions atomiques et
spatiales.
Six ans plus tard, il fut nommé ministre des affaires sociales. Précurseur là
encore - c'était dans sa nature - il s'attacha particulièrement au financement
des allocations familiales et de la sécurité sociale, s'attelant aux dossiers
les plus complexes.
Mais c'est sans doute au Quai d'Orsay que Maurice Schumann laissa l'empreinte
la plus profonde. Dans ce ministère, qu'il dirigea de 1969 à 1973, et où il fut
pleinement heureux, il rétablit des liens parfois distendus ; il renforça les
alliances traditionnelles de la France, donna une impulsion nouvelle, et très
personnelle, aux relations avec l'URSS et avec la Chine.
Quel plus bel observatoire pour celui dont l'esprit aimait à vagabonder que
celui des affaires étrangères ! Il se consacra totalement à sa tâche, améliora
notre outil diplomatique et sut conforter la continuité d'une politique
étrangère qui avait marqué le monde.
Son plus grand bonheur fut sans doute de contribuer à l'entrée dans le Marché
commun de la Grande-Bretagne, à laquelle tant de liens affectifs
l'attachaient.
Homme d'Etat, résistant, combattant, homme de lettres, homme de foi, Maurice
Schumann fut aussi un très grand parlementaire.
Elu à l'assemblée consultative provisoire, puis à la constituante, il
représenta le département du Nord à l'Assemblée nationale, de 1945 à 1973.
Ses mandats ne furent interrompus que par l'exercice de ses responsabilités
ministérielles.
Défenseur de la liberté de l'enseignement, promoteur d'une vraie politique
familiale, dont la France ne devrait jamais oublier la nécessité, Maurice
Schumann fut plusieurs fois président de la commission des affaires étrangères
de l'Assemblée nationale, sous la IVe, puis sous la Ve République.
Il y travailla sans relâche à l'affirmation de la place de la France dans le
concert des nations. Le contexte de bipolarisation exigeait en effet une
dimension nouvelle de notre politique étrangère.
C'est ainsi qu'il prépara la première visite du général de Gaulle à l'est du
Rideau de fer, qui allait consacrer et symboliser la volonté française d'une
diplomatie indépendante.
En 1974, Maurice Schumann entra au Sénat, élu par le département du Nord. La
même année, il rejoignait ces autres sages que sont les Immortels, élu au
fauteuil de Wladimir d'Ormesson.
Académicien exemplaire, il rendait le plus talentueux des hommages à la langue
française dans ses écrits - il publia quinze ouvrages - comme dans le débat
public. Combien d'entre nous gardent présents en mémoire certains de ses
discours, modèles du genre, qui ravissaient l'hémicycle et éclairaient les
esprits !
Tous ceux qui l'ont connu ont toujours admiré la façon dont il mena ses deux
carrières, le plus harmonieusement du monde, mais avec une passion vivace :
passion de justice, de liberté, de respect de l'autre, de rigueur aussi, dans
sa manière d'assumer les mandats qui lui avaient été confiés.
L'académicien prestigieux n'aimait rien autant que son département et ses
administrés. Il vivait au milieu d'eux, simplement, et s'était fait une règle
de partager leur condition. Elu accessible, il avait l'élégance des grands
hommes lorsqu'il écoutait les plus modestes.
Toujours il refusa de faire prévaloir l'expertise sur le politique. Sa vision
de la France l'emportait, par sa force, sur les questions techniques les plus
complexes qu'il maîtrisait sans difficultés.
Il recherchait souvent ce qu'il appelait des « dénominateurs communs », parce
qu'il savait les Français guettés par les affres de la division et qu'il avait
choisi, une fois pour toutes, de préférer ce qui les rassemble, de privilégier
la France.
Chez l'intellectuel qu'est Maurice Schumann, l'action politique est
étroitement liée à son expérience d'élu du Nord.
Le spectacle du déclin de l'industrie textile, et avec elle la dissolution des
structures et de la culture ouvrière du Nord, affermit encore son engagement
contre ce qu'il dénonçait, déjà à cette époque, comme « le scandale du chômage
».
Au sein de la commission des affaires économiques, où il siégea de 1978 à
1986, il fut l'inlassable défenseur de l'industrie textile, française et
européenne.
Parlementaire d'un remarquable éclectisme, il maniait le verbe avec
virtuosité. Jamais, pourtant, il ne s'y complut. Il était tout entier au
service de la cause qu'il jugeait juste.
A la commission des affaires culturelles, qu'il présida de 1986 à 1995, il n'y
avait pas un aspect de la culture, de la communication et de la francophonie
qu'il ne maîtrisait totalement.
Maurice Schumann était tout particulièrement attentif à tout ce qui avait
trait à la liberté de la presse, à la libéralisation du secteur de
l'audiovisuel et à la politique des grands travaux, qu'il voulait encore bien
plus décentralisée.
Sensible à l'environnement matériel des activités de création, il se préoccupa
beaucoup de la protection sociale des auteurs.
Dans sa lutte prémonitoire contre toutes formes de violence au cinéma, dont il
proposa la pénalisation sur le plan fiscal, c'est à la fois ses conceptions sur
la famille et sur la culture qu'il faisait valoir avec force.
Lorsque l'identité de la France lui semblait menacée, de quelque façon que ce
soit, il ne désarmait pas. On le trouvait toujours en première ligne lorsqu'il
s'agissait de sauvegarder le patrimoine.
Maurice Schumann n'avait pas de tentation passéiste. Il était résolument de
son temps. Mieux encore, il s'offrait des échappées dans l'avenir. Aussi a-t-il
pressenti très tôt les conséquences, pour la démocratie, de la multiplication
des supports culturels.
Les sciences nouvelles - la bioéthique, l'informatique, les nouveaux moyens de
communication ou l'utilisation militaire de l'espace - lui inspirèrent des
réflexions visionnaires.
Je me souviens de sa rencontre avec Bill Gates, venu présenter au Sénat le
Codex
de Léonard de Vinci. Il était là, au premier rang, bousculé par
une foule de journalistes et d'invités, souriant, curieux de connaître ce jeune
homme de quarante ans que la France découvrait. Avide de connaissances,
l'esprit perpétuellement en alerte, tel était Maurice Schumann pour nous, ses
collègues, qui l'admirions et l'aimions de tout coeur.
Il est vrai qu'il fut un vice-président du Sénat dont nous étions fiers. De
1977 à 1983, il participa à la conduite de nos travaux. Il s'acquittait de
cette mission avec autorité, bienveillance et maestria.
Les aléas de la séance lui donnaient parfois l'occasion de saisissantes
improvisations dont nous gardons tous un souvenir ému.
Doyen d'âge de notre assemblée, il rappela récemment sa foi dans les missions
du Sénat de la République. « Un appel à la vigilance républicaine de la Haute
Assemblée ne reste jamais sans écho », déclarait-il en 1995, poursuivant : «
c'est à l'accomplissement de ce devoir que je souhaite, pour ma modeste part,
consacrer les restes d'une voix qui ne tombe pas encore et d'une ardeur qui ne
s'éteint pas ».
Jusqu'au bout, Maurice Schumann a servi son pays, honorant l'assemblée à
laquelle il appartenait par son courage, sa droiture et sa haute conscience
morale.
Intellectuel en politique, il nous a proposé, des années durant, une véritable
vision du monde : la culture comme condition de la liberté, l'Europe comme
facteur de la paix.
Ses paroles résonneront encore longtemps sur les bancs de notre assemblée
parce qu'elles avaient parfois un parfum d'éternité.
Au nom du Sénat, j'assure de notre émotion ses amis du Nord, ses collègues de
la commission des finances, de la commission des affaires culturelles et du
groupe du Rassemblement pour la République.
Sachez, madame, qu'aucun d'entre nous n'oubliera celui qui fut tout à la fois
« un sculpteur de l'Histoire », une mémoire de ce siècle et un sénateur
infiniment aimé.
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, madame, le souhait du Sénat, formulé à travers sa conférence des
présidents, de m'associer, en tant que chef du Gouvernement, à l'hommage rendu
aujourd'hui à Maurice Schumann m'a beaucoup touché.
Je connaissais personnellement Maurice Schumann, qui avait bien connu, dans sa
jeunesse, mon père, dont il me parlait souvent, presque à chacune de nos
rencontres. J'avais noué avec lui des relations chaleureuses, qui n'éludaient
pas les désaccords politiques, mais qui étaient marquées par le respect et
l'estime. Ce fut, je veux le dire ici, l'une des personnalités les plus fortes
avec qui j'aie eu le privilège de dialoguer au cours de ces dernières années,
notamment comme ministre de l'éducation nationale.
La vie publique est parfois marquée par des itinéraires individuels
exceptionnels. Vous avez, monsieur le président, retracé les grandes étapes de
la vie de Maurice Schumann. Cette vie s'est confondue avec toute l'histoire de
notre République pendant plus d'un demi-siècle, une histoire riche, tourmentée,
faite de ruptures, de drames, mais aussi de reconstruction et de grands
desseins : Maurice Schumann l'a marquée de son empreinte.
Dans les heures les plus sombres de notre histoire, chaque jour, une voix,
celle de Maurice Schumann, a appelé nos compatriotes à la résistance, au
courage et à l'espoir. Cette voix, celle d'un homme auquel je veux aujourd'hui,
au nom du Gouvernement de la France, rendre un hommage chaleureux, s'est
éteinte. Elle nous manquera.
Porté par l'admiration qu'il vouait au général de Gaulle, Maurice Schumann,
après une carrière de journaliste, s'engagea dans la vie publique et le combat
politique. Cofondateur du Mouvement républicain populaire, puis président de ce
même mouvement, il fut un Européen de coeur et de raison ; je dirai presque de
coeur d'abord, puis de raison. C'était, après le gaullisme, le second de ses
engagements fondamentaux. Maurice Schumann leur resta fidèle jusqu'au bout.
Il y a de très nombreuses façons de mettre sa passion, sa foi, son talent au
service de son pays : chef de parti, ministre, député, sénateur, romancier et
essayiste, académicien, Maurice Schumann n'en négligea aucune. Il fut, dans
l'exercice de ses responsabilités, un très grand serviteur de cette France
qu'il aimait et dont il avait une si haute idée. Cette exigence a guidé tous
ses engagements d'homme libre.
Maurice Schumann ne laissait personne indifférent. Sa vie évoque en chacun
d'entre nous, dans cette enceinte et au-delà, des souvenirs variés. Certains
nous sont communs, d'autres appartiennent à nos histoires personnelles, à nos
engagements, à nos fidélités.
Maurice Schumann fut, en tant que président de la commission des affaires
culturelles du Sénat, mon interlocuteur, toujours attentif à toutes les
réformes que, ministre de l'éducation nationale, je proposais au
législateur.
Cet homme de culture était doté d'une éloquence rare, qu'il mit toujours au
service de ses convictions.
J'ai, pendant ces quatre années, été frappé par la passion qui l'animait. A
toute heure du jour, et parfois de la nuit, il ne cessa d'être curieux,
exigeant, attentif, parce qu'il s'agissait du savoir et de sa transmission, de
la préparation de l'avenir, du rayonnement culturel de notre pays, pour lequel
il avait une si haute ambition.
Par sa personnalité, et par son intransigeance lorsque étaient en cause les
principes et les valeurs de notre République, Maurice Schumann a conquis le
respect de tous, quelles que fussent leurs opinions politiques.
Je suis fier d'être associé à l'hommage que votre assemblée lui rend
aujourd'hui.
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux en signe de deuil.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures
trente-cinq, sous la présidence de M. Jean Faure.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président.
La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des
prochaines séances du Sénat : A. -
Mercredi 22 avril 1998 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
modifiant le statut de la Banque de France en vue de sa participation au
Système européen de banques centrales (n° 383, 1997-1998) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 21 avril 1998, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 21 avril
1998.
B. -
Jeudi 23 avril 1998 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution
1° Question orale avec débat n° 2 de M. Adrien Gouteyron à M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences de l'Accord
multilatéral sur l'investissement ;
En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement,
la conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps
dont disposeront, dans le débat sur cette question, les orateurs des divers
groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 22
avril 1998 ;
2° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de MM.
Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Charasse, Guy Allouche, Robert Badinter et des
membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à préciser le mode de
calcul de la durée maximale de détention provisoire autorisée par le code de
procédure pénale (n° 312, 1997-1998) ;
La conférence des présidents a fixé au mercredi 22 avril 1998, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de
loi.
A 15 heures et, éventuellement, le soir :
3° Questions d'actualité au Gouvernement ;
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures ;
Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution
4° Résolution de la commission des finances sur la recommandation de la
Commission européenne relative au passage à la monnaie unique (n° E-1045).
La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 22 avril 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures le mercredi 22 avril
1998.
C. -
Mardi 28 avril 1998 :
A neuf heures trente :
1° Dix-sept questions orales sans débat ;
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 114 de M. François Lesein à Mme le ministre de la culture et de la
communication (taux de TVA sur les produits multimédia) ;
N° 193 de M. Jean-Louis Lorrain à Mme le ministre délégué chargé de
l'enseignement scolaire (enseignement du latin et du grec) ;
N° 209 de M. Jean-Marie Poirier à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (nuisances causées par le fonctionnement de
l'aéroport d'Orly) ;
N° 213 de M. Martial Taugourdeau à M. le secrétaire d'Etat au logement (avenir
du 1 % logement) ;
N° 216 de M. Georges Mouly à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(situation des employeurs publics vis-à-vis de l'assurance-chômage des
emplois-jeunes) ;
N° 217 de M. Philippe Richert à M. le ministre de la défense (situation des
personnels civils travaillant pour les forces françaises en Allemagne) ;
N° 222 de M. Jean Bizet à M. le ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation (création d'emplois dans la
fonction publique) ;
N° 225 de M. Franck Sérusclat à M. le ministre de l'éducation nationale, de la
recherche et de la technologie (organisation des remplacements dans
l'enseignement) ;
N° 226 de Mme Marie-Claude Beaudeau à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (répartition des trafics aériens entre Roissy et
Orly) ;
N° 228 de M. Alain Vasselle à M. le secrétaire d'Etat à la santé (amélioration
de la prise en charge des personnes atteintes de démence sénile et de la
maladie d'Alzheimer) ;
N° 230 de M. Germain Authié à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (aménagement de la RN 20 entre Tarascon-sur-Ariège et
Ax-les-Thermes) ;
N° 231 de M. Désiré Debavelaere à M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche (réglementation des constructions à proximité des bâtiments d'élevage)
;
N° 234 de M. Louis Minetti à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(mise en oeuvre des propositions de la délégation sénatoriale sur les fruits et
légumes) ;
N° 235 de M. Daniel Eckenspieller à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité (montant des cotisations d'accident du travail appliqué aux
aéro-clubs) ;
N° 237 de M. Gérard César à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(assurance-chômage des emplois-jeunes) ;
N° 242 de M. Jacques Oudin à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(réforme de la sécurité sociale) ;
N° 243 de M. Jean-Pierre Demerliat à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie
(situation de la Compagnie générale d'électrolyse du Palais-sur-Vienne (CGEP)
;
A seize heures :
2° Hommage solennel à Victor Schoelcher ;
A la suite de M. René Monory, président du Sénat, pourront intervenir M.
Gérard Larcher, président du comité de parrainage de la commémoration, pour dix
minutes, un orateur pour chaque groupe et la réunion administrative des
sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, pour dix minutes, et le
représentant du Gouvernement ;
A l'issue de la séance, la plaque à la mémoire du président Gaston Monnerville
sera dévoilée dans l'hémicycle.
D. -
Mercredi 29 avril 1998 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et le soir :
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant modification de
l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles (n° 343,
1997-1998) ;
La conférence des présidents a fixé au mardi 28 avril 1998, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant transposition dans
le code de la propriété intellectuelle de la directive 96/9/CE du Parlement
européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des
bases de données (n° 344, 1997-1998) ;
La conférence des présidents a fixé au mardi 28 avril 1998, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
3° Proposition de loi, adoptée par l'Assembée nationale, permettant à l'enfant
orphelin de participer au conseil de famille (n° 99, 1997-1998) ;
La conférence des présidents a fixé au mardi 28 avril 1998, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi ;
4° Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale,
relatif à la partie législative du Livre VI (nouveau) du code rural (n° 332,
1997-1998) ;
La conférence des présidents a fixé au mardi 28 avril 1998, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
5° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet
de loi modifiant le statut de la Banque de France en vue de sa participation au
Système européen de banques centrales.
E. -
Mardi 5 mai 1998 :
A neuf heures trente :
1° Dix questions orales sans débat ;
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 210 de M. Jean-Louis Lorrain à M. le ministre de l'intérieur (mode
d'élection des parlementaires européens) ;
N° 219 de M. Jean-Jacques Robert à M. le ministre de l'intérieur
(indemnisation des victimes propriétaires de véhicules saccagés ou détruits par
le feu) ;
N° 227 de Mme Marie-Claude Beaudeau à M. le ministre de l'intérieur
(conditions d'exercice de la profession de convoyeur de fonds) ;
N° 232 de Mme Janine Bardou à Mme le ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement (élimination des déchets plastiques à base de PEHD) ;
N° 236 de M. Ivan Renar à M. le ministre de la défense (disparition de la
musique du 43e régiment d'infanterie de Lille) ;
N° 238 de M. Alain Gournac à M. le ministre de l'intérieur (respect des droits
des enfants) ;
N° 239 de Mme Dinah Derycke à M. le secrétaire d'Etat à la santé (dangers
résultant de la vente de ballons gonflés au protoxyde d'azote) ;
N° 241 de M. Christian Demuynck à M. le ministre de l'éducation nationale, de
la recherche et de la technologie (avenir des classes technologiques) ;
N° 245 de M. Dominique Leclerc à M. le secrétaire d'Etat à la santé (politique
des médicaments génériques) ;
N° 246 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche (politique agricole commune et élevage extensif) ;
A seize heures :
2° Eloge funèbre de Pierre Lagourgue ;
Ordre du jour prioritaire
3° Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale,
portant transposition de la directive 94/47/CE du Parlement européen et du
Conseil, du 26 octobre 1994, concernant la protection des acquéreurs pour
certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit
d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers (n° 335, 1997-1998) ;
La conférence des présidents a fixé au lundi 4 mai 1998, à dix-sept heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
4° Eventuellement, conclusions de la commission mixte paritaire sur la
proposition de loi relative à la responsabilité du fait des produits
défectueux.
F. -
Mercredi 6 mai 1998 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et le soir :
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture après
déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'ordre économique et
financier (n° 373, 1997-1998) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 5 mai, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 5 mai.
G. -
Jeudi 7 mai 1998 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente et à quinze heures :
Suite de l'ordre du jour de la veille.
H. -
Mardi 12 mai 1998 :
Ordre du jour prioritaire
A seize heures :
Nouvelle lecture du projet de loi d'orientation et de réduction du temps de
travail (AN n° 829) ;
La conférence des présidents a fixé au lundi 11 mai 1998, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
I. -
Mercredi 13 mai 1998 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures :
1° Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi
instituant une commission consultative du secret de la défense nationale (AN n°
778) ;
La conférence des présidents a fixé au mardi 12 mai 1998, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
2° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à la
détermination des conditions juridiques de l'exercice de la profession
d'artisan boulanger (n° 375, 1997-1998) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 12 mai, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à cette proposition de loi ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion
générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 12 mai.
J. -
Jeudi 14 mai 1998 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille ;
A quinze heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement ;
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.
Par ailleurs, l'éloge funèbre de Bernard Barbier sera prononcé le mardi 26 mai
1998.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
4
FIN DE MISSION D'UN SÉNATEUR
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une lettre lui
annonçant la fin, le 10 avril 1998, de la mission temporaire confiée à M.
Jean-Jacques Hyest, sénateur de Seine-et-Marne, auprès du ministre de
l'intérieur et du ministre de la défense, dans le cadre des dispositions de
l'article L.O. 144 du code électoral.
Acte est donné de cette communication.
5
RETRAIT D'UNE QUESTION ORALE
AVEC DÉBAT
M. le président.
J'informe le Sénat que M. Daniel Hoeffel a fait connaître qu'il retire la
question orale avec débat n° 6 qu'il avait posée à M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement.
Cette question avait été communiquée au Sénat le 19 mars 1998.
Acte est donné de ce retrait.
6
RESPONSABILITÉ DU FAIT
DES PRODUITS DÉFECTUEUX
Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition
de loi (n° 360, 1997-1998), adoptée avec modifications par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture, relative à la responsabilité du fait des
produits défectueux. [Rapport n° 377 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez aujourd'hui à vous prononcer, en
deuxième lecture, sur la proposition de loi relative à la responsabilité du
fait des produits défectueux, que vous avez adoptée le 5 février dernier.
Je veux souligner, une fois encore, l'extrême urgence qui s'attache au vote de
cette proposition de loi, qui tend à transposer en France une directive
communautaire qui aurait dû l'être avant le 30 juillet 1988.
Je rappelle que notre pays est le seul Etat membre à n'avoir pas satisfait à
cette obligation et qu'il a été condamné, à ce titre, pour manquement par la
Cour de justice des communautés européennes, le 15 janvier 1993.
J'avais indiqué, en première lecture, qu'un recours en manquement sur
manquement était imminent.
Mes craintes se sont, hélas ! confirmées, puisque la Commission a fait
publiquement connaître, le 1er avril dernier, sa décision de saisir la Cour de
justice et de demander que des sanctions financières soient infligées à notre
pays au titre de l'article 171 du traité de Rome, en proposant de prononcer une
astreinte de 158 250 écus par jour, soit une somme d'environ 1 107 750
francs.
La Commission doit maintenant formaliser la requête qu'elle présentera à la
Cour.
Vous comprendrez aisément que, dans l'intervalle, il est impératif que la
proposition de loi soit définitivement adoptée. Ce n'est qu'à ce prix que la
Commission se désistera de sa demande contre la France.
Je ne reviendrai pas sur l'économie générale du texte que vous avez déjà eu à
connaître au mois de février et qui a été voté conforme par l'Assemblée
nationale, à l'exception de trois articles qui posent des difficultés d'inégale
importance.
Dans l'ordre des difficultés croissantes, je commencerai par l'article 7 de la
proposition de loi, relatif à la responsabilité des constructeurs.
La rédaction issue du vote de l'Assemblée nationale fait clairement apparaître
que les constructeurs n'échappent au régime prévu par la présente proposition
de loi que lorsque leur responsabilité peut être recherchée sur le fondement
des articles 1792 et suivants du code civil.
Le texte précise la situation des sous-traitants dont rien ne justifie
l'assimilation à celle des constructeurs au regard de la directive. En effet,
ces derniers ne sont pas soumis à la responsabilité prévue par les articles
1792 à 1792-6 du code civil, mais relèvent, à l'égard du maître de l'ouvrage,
de la responsabilité délictuelle de droit commun. En conséquence, il ne serait
pas justifié qu'ils soient exclus du champ d'application de la présente
proposition de loi.
La commission des lois s'est ralliée à ce point de vue puisqu'elle n'a pas
déposé d'amendement sur ce point, et je m'en félicite.
J'en viens maintenant à la question de la mise en circulation du produit.
Je m'étais opposée à la modification que vous aviez apportée à l'article 6 de
la proposition de loi, qui ne me paraissait pas garantir la sécurité juridique
puisqu'elle empêchait la fixation à un moment précis de la mise en
circulation.
L'Assemblée nationale, suivant à cet égard sa commission des lois, a
réintroduit, par voie d'amendement, la notion d'unicité de mise en circulation
du produit.
Je m'en suis alors remise à la sagesse des parlementaires, car les services de
la commission ont fait savoir que l'inscription dans la loi d'un principe de
mise en circulation unique leur paraissait constituer une mauvaise
transposition de la directive.
Je crois que cette divergence d'analyse repose sur un malentendu : chacun
s'accorde à considérer que la mise en circulation ne peut s'apprécier qu'à
l'égard d'un produit déterminé. Ainsi ne se produira-t-elle pas au même moment
selon que l'on envisage les parties composantes encore individualisables d'un
produit ou le produit fini lui-même.
Je ne pense donc pas qu'il y ait opposition de fond entre la commission et le
Gouvernement.
Dans ces conditions, je ne verrai pas d'objection à ce que le texte de
transposition s'en tienne à la formule générale du premier alinéa de l'article
6, en laissant aux tribunaux le soin d'apprécier la notion de mise en
circulation.
J'en arrive, enfin, au coeur de notre débat, c'est-à-dire au premier alinéa de
l'article 12
bis
relatif aux limitations, que je crois nécessaires, au
principe d'exonération pour risque de développement.
L'Assemblée nationale a adopté, en deuxième lecture, un amendement du
Gouvernement qui exclut que le producteur puisse s'exonérer de sa
responsabilité de plein droit en invoquant le risque de développement lorsque
sont en cause les catégories très particulières de produits que constituent les
éléments du corps humain, les produits qui sont issus de celui-ci, ainsi que
tout autre produit de santé.
Il est désormais acquis que le Parlement, dans le souci de trouver un
équilibre entre les droits des victimes et les obligations des industriels, a
posé le principe, à l'article 12 de la proposition de loi, de l'exonération
pour risque de développement.
Reste à déterminer si ce principe doit être absolu ou si, comme je le pense,
il doit comporter une exception. Je souhaite que la portée de celle-ci soit
bien comprise.
Elle ne modifie pas, sur le fond - cela doit être dit et répété - le droit
actuel. Il s'agit d'une affirmation de nature symbolique que la France, en
gardant présents à l'esprit les drames récents, doit formuler pour ces
catégories de produit, quel que soit le fondement de l'action entreprise par la
victime.
Le principe qui prévaut dans notre droit positif, celui d'une obligation de
sécurité absolue qui ne peut pas s'effacer, même lorsque peut être démontré le
caractère indécelable du défaut, ne doit en aucune manière perdre de sa force,
s'agissant de ce type de produits, dont il est acquis que l'innocuité absolue
ne pourra jamais être certaine et dont nous savons qu'ils peuvent générer des
dommages sériels.
Bien évidemment, toutes les victimes pourront continuer à bénéficier, pour
l'ensemble des produits, d'une garantie de sécurité absolue dès lors qu'elles
se placeront sur le terrain du droit national.
Mais, tirant les leçons de l'expérience, nous devons nous garder d'inscrire
dans les textes une cause générale d'exonération pour risque de développement,
qui inclurait l'utilisation des éléments du corps humain, des produits qui sont
issus de celui-ci, ainsi que des médicaments et des dispositifs médicaux.
Chacun sent bien qu'il s'agit d'un sujet qui dépasse les questions de
consommation pour toucher directement aux préoccupations de santé publique,
auxquelles l'opinion publique française est, à juste titre, très sensible.
Le principe de sécurité absolue ressort, jusqu'à présent, d'une construction
jurisprudentielle dont rien, il est vrai, ne permet de supposer qu'elle puisse
être remise en cause pour ces produits comme pour les autres. Mais, je le
souligne à nouveau, le Gouvernement n'entend prendre aucun risque.
Il ne s'agit pas de freiner le secteur de la recherche médicale dont les
progrès - parce qu'ils seraient mal maîtrisés - ne pourraient pas être
poursuivis.
Demain, comme ils le font aujourd'hui et comme ils l'ont fait hier, les
milieux professionnels assumeront les risques, même indécelables, liés à
l'utilisation de leurs produits.
Ne nous trompons pas de débat : il ne s'agit ni de revenir en arrière, ni de
bouleverser notre paysage juridique ; il s'agit d'ancrer dans notre législation
des solutions que nous appliquons depuis une dizaine d'années déjà.
Il ne s'agit pas davantage, en matière de produits de santé, d'occulter la
question de l'aléa thérapeutique, qui, je le sais, préoccupe, à juste titre,
plus d'un parmi vous.
Mais nous devons nous garder de faire un amalgame entre cette question de
l'aléa thérapeutique et celle de la responsabilité du fait des produits
défectueux.
Ces deux questions ne se posent pas, en effet, dans les mêmes termes : l'aléa
thérapeutique pose un problème d'indemnisation, et non de responsabilité, et a
trait avant tout à l'acte médical lui-même, même s'il n'exclut pas
l'utilisation des médicaments et des dispositifs médicaux.
C'est pourquoi la question de l'aléa thérapeutique doit trouver une solution
spécifique, et vous savez que le Gouvernement s'y emploie actuellement.
Pour l'heure, il s'agit de maintenir en ce domaine les règles du droit
positif.
La démarche me paraît raisonnable et je constate avec satisfaction que la
commission des lois du Sénat s'y rallie.
Je conclurai en rappelant que le vote d'aujourd'hui est trop grave pour que la
France diffère encore l'adoption d'une directive qui s'impose à nous depuis
bientôt treize ans.
Nos concitoyens ne comprendraient pas qu'il ne soit pas mis un terme à des
discussions qui relèvent plus de spéculations doctrinales que d'un véritable
enjeu national.
Le débat doit être définitivement tranché. Il nous appartient à tous, cet
après-midi, de donner une leçon de sagesse.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - M. Cabanel applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame la ministre, mes chers collègues, une nouvelle fois - je ne
les compte plus puisque nous avons commencé notre travail en 1992 ; c'est déjà
de l'histoire ancienne - nous sommes aux prises avec ce problème de la
responsabilité du fait des produits défectueux. Nous arrivons maintenant au
terme de nos travaux.
Voilà un instant, Mme la ministre a rappelé les données fondamentales du
problème. Je serai donc aussi concis que possible, d'autant que le texte que
nous avions voté en première lecture a été adopté par l'Assemblée nationale
dans la quasi-totalité de ses articles, à l'exception - je l'indique d'emblée -
de trois d'entre eux.
Il me paraît toutefois de mon devoir de faire un certain nombre de rappels.
Il s'agit d'une directive ancienne, puisqu'elle date de 1985. Elle s'applique
à l'ensemble des Etats de la Communauté européenne. Elle établit donc un
dénominateur commun qui peut se trouver tantôt au-dessus et tantôt au-dessous
des systèmes institués dans chaque Etat membre. Il faut bien trouver une
moyenne qui soit applicable par tous.
La principale caractéristique de cette directive consiste à créer ce que l'on
appelle, dans le jargon juridique, « un régime de responsabilité réputée de
plein droit du producteur en cas de dommages causés par un défaut de son
produit aux personnes ou aux biens autres que le produit lui-même, dès lors que
sont établis par la victime le dommage, le défaut du produit et le lien de
causalité entre le défaut et le dommage ». Encore faut-il préciser - cela est
très important pour la compréhension de l'ensemble du texte - que le défaut du
produit réside dans le fait que le produit, selon le texte lui-même, est
déclaré défectueux lorsqu'il ne répond pas à l'attente légitime de sécurité du
consommateur, compte tenu d'un certain nombre de circonstances. Parmi
celles-ci, le texte vise expressément la date de mise en circulation du
produit. Voilà ce qui constitue l'essentiel.
Le régime instauré concerne tout meuble, et donc uniquement les produits.
J'indique au passage - et cela tranche la question du risque thérapeutique de
manière tout à fait claire - que le risque thérapeutique est lié au service du
médecin ou de l'hôpital. Le texte ne concerne pas la responsabilité du fait des
services. On s'en est quelquefois plaint, mais la directive est ce qu'elle est
; il n'est pas question d'y ajouter sur ce point. En l'occurrence, il ne s'agit
donc que des produits. C'est pourquoi la notion de risque thérapeutique, tout
en étant voisine, sans doute - vous l'avez rappelé, madame la ministre - est
fondamentalement distincte du point de vue de l'analyse juridique.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Hélas, non !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La directive écarte toute différence entre les demandeurs
selon qu'ils ont été mis en relation avec un produit par un contrat ou pas,
distinction fondamentale dans le droit français.
Elle centre la responsabilité sur le producteur considéré comme le principal
agent de la production. Sont néanmoins assimilés au producteur l'importateur
et, à titre subsidiaire, le vendeur lorsque le producteur ou l'importateur ne
peut être identifié. Nous sommes d'ailleurs allés encore plus loin dans notre
texte.
Elle écarte la possibilité de prévoir dans les contrats des clauses
limitatives ou exonératoires de la responsabilité qu'elle institue. La mise en
oeuvre de la responsabilité du producteur est enfermée dans des délais qui sont
plus courts que ceux qui sont prévus dans notre droit. La directive comporte
d'ailleurs un délai général de responsabilité, ce qui n'est pas habituel dans
notre système juridique.
Enfin, elle offre trois options pour chacun des Etats membres.
Première option : inclure ou ne pas inclure les produits agricoles et les
produits de la chasse dans le champ d'application du nouveau dispositif.
Depuis, est en cours d'élaboration une nouvelle directive qui incite à
l'inclusion de ces produits. Nous avons devancé, avec l'Assemblée nationale,
cette nouvelle directive puisque nous avons inclus lesdits produits. Cette
option est donc réglée.
Deuxième option - c'est probablement le point qui reste le plus en débat
s'agissant uniquement des produits de santé - la directive laisse à chaque Etat
membre le soin de choisir d'exonérer ou non les producteurs pour ce qu'il est
convenu d'appeler « le risque de développement ».
Enfin, troisième option : la directive autorise les Etats membres à limiter la
responsabilité grâce à des systèmes forfaitaires ou à des maxima. Nous ne
sommes pas entrés dans cette voie. Aussi, la question ne se pose plus
aujourd'hui.
Comme cela a été rappelé - il n'est donc pas nécessaire d'y revenir - nous
avons en quelque sorte le couteau sous la gorge, en tout cas le portefeuille de
l'Etat est concerné, puisque la France est menacée de sanctions, d'ailleurs
très lourdes, si nous continuons à nous abstenir de transposer cette directive.
Par conséquent, l'urgence est incontestable.
Après Mme la ministre, je répète qu'il s'agit - et cela me paraît important -
d'un débat extrêmement relatif. Je crains que certains d'entre nous ne l'aient
pas réalisé.
Le débat est très relatif car la directive dispose, en son article 13, que la
transposition ne saurait aboutir à diminuer le niveau de protection des
consommateurs exposés à des produits défectueux. Par conséquent, elle ne peut
avoir pour effet d'abaisser le niveau de protection des
utilisateurs-consommateurs. Vous l'avez rappelé, madame la ministre, il s'agit
d'un problème non pas de consommation, mais de sécurité générale. L'article 19
de la proposition de loi, qui a été adopté conforme, reprend ce texte. Cette
disposition figure donc dans la directive et figurera dans notre droit
positif.
Quel que soit notre souhait, nous ne pouvons pas aboutir à un abaissement du
niveau de protection. D'ailleurs, cela me paraît assez compréhensible
s'agissant d'une directive européenne. En effet, il serait surprenant qu'elle
puisse provoquer une régression de l'état de droit dans tel ou tel Etat
membre.
Je n'énumérerai pas - cela figure dans le rapport écrit - les dispositions sur
lesquelles vous vous êtes prononcés, mes chers collègues, et qui ont toutes été
reprise par l'Assemblée nationale. Cependant, une divergence demeure entre la
commission des lois du Sénat et vous-mêmes sur la question du risque de
développement. La commission avait considéré qu'il n'y avait pas lieu
d'accepter ce principe d'exonération. En effet, tout en sachant que la
directive ne pouvait abaisser le niveau de protection, il lui semblait
souhaitable d'établir une certaine harmonisation entre la directive et le droit
français qui est actuellement en vigueur, notamment sur les points les plus
importants.
Sur cette question du risque de développement, à laquelle on attache une
importance un peu exagérée - mais elle a un effet emblématique que l'on ne peut
ignorer - il pouvait y avoir un divergence. En 1992, ce point avait fait
l'objet d'un débat avec votre prédécesseur, M. Vauzelle. Désormais, la
jurisprudence, qu'il s'agisse de l'ordre administratif ou de l'ordre judiciaire
classique, est importante. Une récente étude du Conseil d'Etat, qui fait le
point de la question, montre clairement que le risque de développement n'est
pas pris en compte comme cause d'irresponsabilité dans le droit français.
Il a paru raisonnable à la commission de ne pas le retenir lors de la
transposition de la directive, afin de ne pas déséquibrer le droit. Toutefois,
votre assemblée, dans sa grande sagesse, bien entendu, n'a pas suivi la
commission et a admis l'irresponsabilité, même si ce terme paraît gênant, pour
risque de développement. Elle a même refusé l'exception que proposait le
Gouvernement, et que nous avions d'ailleurs suggéré d'étendre à tous les
produits touchant au corps humain, notamment les produits alimentaires. Cette
exception n'avait donc pas été retenue par le Sénat. L'Assemblée nationale a
retenu cette exception, mais en la limitant aux produits de santé.
Encore une fois, le débat est théorique, car les victimes qui craindraient que
l'action qu'elles engagent ne risque de se heurter à l'invocation de
l'exonération pour risque de développement n'auront qu'à se référer au droit
français classique, tel qu'il résulte de la jurisprudence. En effet, le droit
dont elles disposaient jusqu'à présent est maintenu.
Madame la ministre, vous avez bien voulu le rappeler en maintes circonstances,
et encore tout à l'heure. Je lis l'une de vos déclarations : « En l'état actuel
de notre droit positif, les victimes bénéficient d'une garantie de sécurité
absolue, garantie qui n'est pas susceptible d'être battue en brèche par le
caractère indécelable du vice. Cette garantie continuera à s'appliquer dès lors
que la victime se placera sur le terrain du droit national. ».
Il est donc à prévoir que, dans les actions à venir, les justiciables
invoqueront tel article du code civil - ils commenceront par celui qu'ils
voudront - et, à titre subsidiaire, tel autre. En effet, s'ils se heurtent à
une difficulté, ils reviendront ainsi au droit classique.
J'ai tenu les même propos à cette tribune, au nom de la commission des lois. A
l'Assemblée nationale, M. Forni, au nom de la commission des lois, a tenu lui
aussi les mêmes propos. Il n'y a donc pas de divergence d'interprétation sur ce
maintien intégral de notre système juridique en matière de responsabilité du
fait des produits, tel qu'il existe actuellement et, je le répète, dans les
deux ordres de juridiction.
Il résulte de cette situation que toute victime sera en présence d'un choix
entre ces deux voies. Cette démarche est un peu archaïque et la commission des
lois aurait souhaité l'éviter. Cela nous ramène, pour les historiens du droit,
au système du droit romain dans lequel existaient des actions différentes,
chacune ouvrant certaines possibilités mais étant soumise à des procédures
particulières. On était à chaque fois dans des logiques différentes.
Coexisteront donc deux logiques différentes.
En premier lieu, il y aura la voie qui consiste à invoquer la directive : ce
sont les futurs articles 1386 et suivants de notre code civil. Elle présentera
l'avantage de la simplification puisque l'on ne distinguera pas entre le
contractuel et le non-contractuel. On aura une responsabilité de plein droit,
encore que cela ne me semble pas si évident que cela ; j'attends de voir quelle
sera la jurisprudence sur ce point. Mais on disposera de des délais plus courts
que dans le droit classique et on aura la possibilité d'invoquer l'exonération
pour le risque de développement, c'est-à-dire que le producteur pourra tenter
de faire la preuve qu'il ne pouvait pas savoir que le produit qu'il a mis sur
le marché présentait un danger en l'état des connaissances de l'époque.
En second lieu, il y aura l'action classique telle qu'elle existe
actuellement. Elle est plus compliquée puisqu'elle ne se présente pas de la
même façon selon que l'on est dans une relation contractuelle, que l'on est
l'acheteur ou la victime du produit sans l'avoir acheté : situations
délictuelles ou quasi délictuelles. Cela est assez compliqué, mais un juriste
rôdé à son métier n'y trouvera pas grande difficulté.
Dans ce cas, au travers de cette complication, la responsabilité sera
parfaitement établie, la jurisprudence consacrant non pas une obligation de
résultat - une telle obligation, en matière de santé, pourrait être
l'obligation de guérir, ce qui n'existe pas - mais une obligation de sécurité,
c'est-à-dire l'obligation de ne pas mettre en circulation des produits ne
présentant pas des conditions de sécurité satisfaisantes.
Quoi qu'il en soit de cette distinction que j'ai cru nécessaire de rappeler
pour montrer le caractère quelque peu relatif et peut-être symbolique de notre
débat, seuls trois articles de la proposition de loi restent en discussion,
puisque l'Assemblée nationale a confirmé la plupart des solutions retenues par
le Sénat : la question de la mise en circulation unique ou multiple, la
question de la prise en compte ou de la non-prise en compte des sous-traitants
dans le domaine du bâtiment et, enfin, la question de savoir si l'exonération
pour risques de développement bénéficiera ou non aux produits de santé.
S'agissant de la mise en circulation unique ou multiple, la question est tout
à fait simple, et j'avoue ne pas très bien comprendre la position de
l'Assemblée nationale.
L'idée est que des délais courent à partir de la mise en circulation. Ainsi,
le délai de la responsabilité est de dix ans, ce qui, pour certains produits,
peut paraître court ; mais, compte tenu de l'accélération de la production et
du flux tendu, cette durée paraît tout de même, dans la plupart des cas,
satisfaisante.
La question, comme toujours en matière de délai, est de savoir quel est le
point de départ. Les responsabilités cumulées des producteurs, des grossistes
et des vendeurs détaillants, que nous avions admises, aboutissent à la
nécessité de plusieurs points de départ. En effet, il serait tout à fait
curieux et, de plus, extrêmement injuste de réduire le délai accordé au dernier
acquéreur, c'est-à-dire l'utilisateur, sous prétexte que le produit aurait été
conservé pendant un certain nombre d'années chez le producteur ou chez le
grossiste. Cela ne correspondrait pas du tout, à mon avis, à l'esprit du
texte.
Il est évident que le délai court à compter du moment où le produit a été mis
réellement en circulation dans le public pour la dernière fois, et c'est la
raison pour laquelle nous vous demanderons, mes chers collègues, par un
amendement qui sera d'ailleurs le seul que j'aurai à présenter, de rétablir la
pluralité des mises en circulation.
Par ailleurs, une question assez obscure concerne le secteur de la
construction. Je rappelle que, d'une manière générale, la directive ne
s'applique pas aux immeubles. Cependant, elle peut s'appliquer aux meubles qui
sont incorporés à ceux-ci, ce qui crée un problème. On a admis que les
professionnels, ou plutôt, puisque l'Assemblée nationale a préféré cette
formule - les raisons de cette préférence me paraissent contestables, mais peu
importe, ce point ne me gêne pas - « les personnes » qui sont soumises aux
prescriptions des articles 1792 et suivants relatifs aux garanties biennale et
décennale échapperaient à ce système de responsabilité, et ce afin de ne pas
compliquer davantage leur situation.
Dans l'esprit du Sénat, à partir du moment où cette exception était admise en
faveur des constructeurs en général, elle devait jouer, qu'il s'agisse d'un
constructeur à titre principal ou d'un sous-traitant. En effet, ce qui explique
cette différence de traitement, ce sont les techniques mises en oeuvre. Or, que
l'on recoure à ces techniques de construction en qualité d'entrepreneur
principal ou en qualité de sous-traitant, le travail est le même. On ne voit
donc pas pourquoi il y aurait deux régimes différents.
Cela étant, il nous semble que l'Assemblée nationale, contrairement à ce
qu'elle a cru, n'exclut pas totalement les sous-traitants : elle a souhaité en
effet limiter cette exclusion aux personnes dont la responsabilité peut être
recherchée sur le fondement des articles 1792 à 1792-6 et 1646-1 du code civil.
Or les sous-traitants eux-mêmes, en vertu de l'article 1792-4 du même code,
peuvent être exposés aux alinéas de l'article 1792 et, dans ces conditions, ils
remplissent bien la condition nécessaire pour bénéficier de cette exclusion.
Telle est, en tout cas, notre interprétation. C'est la raison pour laquelle,
sur ce point, qui relève d'ailleurs plus d'une querelle d'école que d'une
querelle concrète, il nous a semblé raisonnable de ne pas modifier la rédaction
de l'Assemblée nationale, étant entendu, cependant, que nous croyons pouvoir
l'interpréter différemment.
Reste enfin la question des risques de développement. Mais, comme je pense que
nous en parlerons tout à l'heure, « au corps à corps »
(sourires),
si je
puis dire,...
M. Charles Descours.
C'est peut-être excessif !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
... même si ce sera naturellement avec toute la sérénité
voulue, je réserve mes explications sur ce point pour la suite de notre
discussion, soucieux de ne pas lasser votre attention, mes chers collègues,
surtout l'attention de ceux qui me seraient le moins favorables, à supposer
qu'il y en ait parmi vous - mais il faut tout craindre dans ce genre d'affaires
!
Je dirai simplement que la commission des lois a examiné les amendements avec
toute la considération qu'ils méritaient et en a longuement débattu.
Il lui a semblé que la nécessité de distinguer les produits de santé des
autres reposait tant sur une raison de fait, compte tenu de l'ampleur des
risques engendrés par les produits de santé, que sur une raison de droit, dont
je m'expliquerai tout à l'heure.
Compte tenu de ces deux raisons, la commission des lois, à une large majorité
- j'ai le regret de le dire à nos collègues et amis de la commission des
affaires sociales - n'a pas cru pouvoir retenir leur amendement.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Nous verrons si la même
majorité se retrouve tout à l'heure !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
C'est sous le bénéfice de ces observations, mes chers
collègues, que la commission des lois vous invite à adopter les articles
restant en suspens, sous réserve de l'adoption de l'amendement auquel j'ai fait
allusion et sur lequel je reviendrai dans un instant.
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, en deuxième
lecture, le Sénat est aujourd'hui appelé à confirmer son vote de première
lecture sur l'importante question de la responsabilité du fabricant en matière
de risques de développement.
En première lecture, l'Assemblée nationale avait adopté un texte qui nous
paraissait bon. Elle a cru devoir y renoncer - temporairement, je l'espère -
sur l'initiative du Gouvernement, qui a proposé que seuls les fabricants de
produits de santé soient responsables d'éventuels défauts que l'état des
connaissances ne permettait pas de prévoir au moment de la mise sur le
marché.
Je m'adresserai d'abord à M. le rapporteur pour lui confirmer qu'il n'est
question pour aucun d'entre nous d'abaisser le niveau de sécurité et de
protection du consommateur.
Le travail largement engagé ou soutenu par la commission des affaires sociales
du Sénat démontre, si nécessaire, le contraire. Voilà des années que, à travers
nos travaux parlementaires, nous avons pour objectif de renforcer la sécurité
sanitaire des consommateurs. Pourquoi, dans une opportunité pareille, serions
nous amenés à changer d'attitude ?
Le Gouvernement avait déjà proposé, sans succès, cet amendement en première
lecture. Je souhaite que nous confirmions aujourd'hui notre opposition à un
texte qui présente des inconvénients redoutables pour la santé de nos
concitoyens. En effet, il compromet, quoi que vous en disiez, la recherche et
l'innovation dont bénéficient les malades. En outre, il peut légitimement être
interprété comme un signe que le Gouvernement veut remettre à plus tard le
règlement de l'importante question de l'aléa thérapeutique.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. Claude Huriet.
Madame le ministre, vous venez de dire à l'instant - acte doit vous en être
donné - que le Gouvernement s'emploie à apporter une réponse à l'aléa
thérapeutique. C'est, à ma connaissance, un
scoop
car, jusqu'à présent,
malgré des initiatives parlementaires très diverses prises tout récemment
encore à l'Assemblée nationale, je n'avais pas acquis la conviction que le
Gouvernement cherchait enfin à apporter, dans les mois qui viennent, une
réponse à l'aléa thérapeutique.
A l'Assemblée nationale, la question des compétences de ces dispositions sur
la recherche et les progrès thérapeutiques a d'ailleurs été largement débattue,
notamment sur l'initiative de Mme Catala, auteur de la proposition de loi, et
de M. Forni, rapporteur de la commission des lois.
La réflexion sur ce point crucial est particulièrement importante, notamment
en matière de traitement de maladies graves telles que le sida ou les cancers,
où rien ne doit retarder ni compromettre l'accès des maladies aux nouvelles
possibilités thérapeutiques. Tel est l'objet de l'autorisation temporaire
d'utilisation, l'ATU.
Le code de la santé publique prévoit, en son article L. 601-2, que des
médicaments peuvent être utilisés à titre exceptionnel dès avant le stade de
l'autorisation de mise sur le marché, l'AMM, pour traiter des maladies graves
ou rares lorsqu'il n'existe pas de traitement approprié et que l'efficacité de
ces nouveaux médicaments est fortement présumée au vu des résultats d'essais
auxquels il a été procédé en vue de l'obtention de l'AMM.
Ces médicaments se voient délivrer une autorisation temporaire d'utilisation,
qui est accordée à condition qu'elle soit sollicitée dans le cadre d'un
protocole thérapeutique.
Cette procédure est très importante pour certains malades, qui bénéficient
ainsi des plus grandes innovations thérapeutiques dans les meilleurs délais. Ce
fut récemment le cas pour l'application de la trithérapie dans le traitement du
sida.
Vous avez indiqué à l'Assemblée nationale, madame le ministre, que le régime
de responsabilité applicable aux autorisations temporaires d'utilisation
n'était en aucun cas modifié par la transposition de la directive, et vous avez
fait référence à la loi du 20 décembre 1988 - mon collègue Franck Sérusclat et
moi-même avons quelques raisons de bien la connaître ! - qui prévoit un régime
de responsabilité sans faute du fabricant.
Permettez-moi de vous dire, madame le ministre, que tel n'est pas le cas. En
effet, les autorisations temporaires d'utilisation n'entrent pas dans le champ
d'application de cette loi sur la recherche biomédicale. Elles sont soumises
aux mêmes règles que celles qui s'appliquent aux médicaments ayant obtenu une
autorisation de mise sur le marché.
La loi du 20 décembre 1988 s'applique aux seules recherches biomédicales et
non aux médicaments sous ATU, tels que les trithérapies.
L'adoption par le Sénat du texte voté par l'Assemblée nationale à l'article 12
bis
aurait donc des conséquences très graves pour de nombreux malades
atteints de pathologies au pronostic redoutable en l'absence de nouvelle
thérapie.
Comment, en effet, l'Etat pourra-t-il demander à l'industrie de consentir à
mettre sur le marché, de façon anticipée, des médicaments innovants alors que
les fabricants seront déclarés responsables par avance de tout dommage ?
M. Charles Descours.
Evidemment !
M. Claude Huriet.
On ne peut pas à la fois souhaiter que l'industrie innove, exiger d'elle un «
comportement citoyen » en faveur de malades et la considérer comme responsable
de tout risque de développement.
Ma deuxième réflexion concerne la question lancinante de l'indemnisation de
l'aléa thérapeutique.
Les questions du risque de l'innovation et de l'aléa sont étroitement liées.
L'aléa médical est, à l'évidence, plus susceptible de résulter de
thérapeutiques innovantes que de thérapeutiques qui ne le sont pas, et nul ne
conteste que toute victime d'un dommage peut prétendre obtenir réparation.
En proposant cet amendement à l'Assemblée nationale, madame le ministre,
peut-être avez-vous souhaité rassurer les assocations de victimes d'aléas
thérapeutiques, notamment celles de l'hépatite C post-transfusionnelle.
A ce propos, permettez-moi de vous poser une question qui est essentielle à
mes yeux et qui ne laisse pas les victimes indifférentes : compte tenu de
l'ampleur de la dissémination du virus de l'hépatite C par voie
transfusionnelle, qui paiera, madame le ministre ?
M. Charles Descours.
Bonne question !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Excellente question !
M. Claude Huriet.
Les établissements de transfusion sanguine, qui sont désormais assurés
exclusivement pour les risques encourus par les donneurs et non plus par les
receveurs ?
M. Charles Descours.
Cinquante milliards !
M. Claude Huriet.
Ce qui importe aux personnes atteintes par le virus de l'hépatite C, ce n'est
pas de savoir que les centres de transfusion seront qualifiés de responsables,
alors même que, jusqu'en 1990, aucun test ne permettait de détecter la présence
du virus dans le sang et que les établissements n'auront pas les financements
nécessaires ; ce qui leur importe avant tout, c'est d'obtenir une juste
indemnisation pour les dommages subis.
On le voit, le risque de développement ne concerne pas la seule industrie
pharmaceutique - dont nul ne doit ignorer la contribution aux progrès de la
médecine - mais il concerne tous ceux qui, entreprises privées ou structures
publiques, y apportent une large part.
A ce titre, l'amendement du Gouvernement doit être combattu, au nom de la
santé publique et non pour défendre tels ou tels intérêts particuliers.
M. Charles Descours.
Exactement !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Très juste !
M. Claude Huriet.
Pour toutes ces raisons, je m'associe évidemment à l'amendement que M.
Jean-Pierre Fourcade défendra tout à l'heure au nom de notre commission des
affaires sociales.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste,
du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Charmant.
M. Marcel Charmant.
Monsieur le président, Madame le garde des sceaux, mes chers collègues, il
n'est pas utile de revenir sur l'historique de la transposition de la directive
européenne de 1985 instituant une nouvelle responsabilité du fait des produits
défectueux. Chacun ici sait le retard pris par la France en ce domaine : nous
sommes aujourd'hui le seul pays de la Communauté à ne pas avoir procédé à la
transposition, et nous sommes d'ailleurs menacés d'une très lourde
condamnation.
Il convient, à ce stade du débat, de rappeler plusieurs points.
D'abord, la transposition ne se substitue pas à notre propre régime de
responsabilité. Une fois la directive transposée, il sera toujours loisible à
une victime d'obtenir réparation sur la base des principes de notre droit
national. La présente proposition de loi ne peut dont être ressentie comme un
affaiblissement de la protection des consommateurs.
Ensuite, il convient de se souvenir que, lorsque la directive a été adoptée,
la règle de l'unanimité prévalait. Elle est donc le résultat d'un compromis non
seulement entre les Etats membres, mais aussi entre les intérêts de l'industrie
et des consommateurs.
Enfin, il est manifeste que cette directive visait les produits industriels de
consommation courante et non des produits plus spécifiques, notamment ceux qui
ont trait à la santé. Or le débat d'aujourd'hui porte principalement sur ce
point.
Lors de la première lecture, ici, au Sénat, nous avions engagé le débat sur le
lien existant entre ce texte et certaines dispositions législatives sur l'aléa
thérapeutique. C'est parce que nous avions perçu cette volonté dans votre
intervention, madame la ministre, que nous avions alors soutenu votre
amendement à l'article 12.
Nous ne saurions accepter le texte qui nous est proposé aujourd'hui sans
réflexion, sans débat et en l'absence d'assurances de votre part sur cette
question. C'est dans cet esprit que, fidèles à notre position, nous proposerons
un amendement précisant un calendrier de travail sur l'aléa thérapeutique et
sur son lien avec la présente proposition de loi. Mon ami François Autain aura
l'occasion de développer ce point.
Quoi qu'il en soit, je voudrais attirer votre attention sur le fait que, si le
texte qui nous est soumis était adopté en l'état, nous ferions bénéficier tous
les producteurs du principe de l'exonération pour risques de développement à
l'exception des professionnels des produits de santé, alors que, pour eux, la
mise sur le marché répond à des dispositions très précises et ne peut se faire
sans autorisation de l'Etat.
Par ailleurs, il convient de noter que les risques qui pèsent sur nos
concitoyens dans le domaine de la santé peuvent résulter de bien d'autres
produits que les produits médicaux. Cela doit nous conduire à une réflexion
plus large, dépassant le cadre de la présente proposition de loi. Si un régime
particulier de responsabilité doit être recherché, nous ne pouvons pas faire,
en effet, l'économie d'un débat sur le mode d'indemnisation des risques
sériels.
Un autre point reste en débat entre l'Assemblée nationale et le Sénat, au
sujet de la notion de mise en circulation.
Dans un souci de sécurité juridique, nous considérons qu'il ne peut y avoir
qu'une seule mise en circulation, correspondant au moment précis où le
producteur s'est dessaisi du produit. Aussi, nous ne partageons pas la solution
proposée par M. le rapporteur, qui estime qu'il doit y avoir autant de mises en
circulation que d'interventions des professionnels.
Nous arrivons au terme des délais qui nous ont été impartis pour transposer la
directive européenne. Depuis 1992, le Parlement et les gouvernements successifs
n'ont pas réglé les problèmes posés par la transposition de cette directive. Ne
serait-il pas sage d'en rester à la position adoptée par la quasi-totalité des
pays de la Communauté, c'est-à-dire au principe d'exonération de responsabilité
pour risques de développement, et de mettre en chantier la loi sur l'aléa
thérapeutique, si fortement réclamée ? On peut se poser légitimement la
question. Puisse notre débat d'aujourd'hui nous permettre d'y apporter la bonne
réponse. Vos propos, madame la ministre, seront déterminants.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la
proposition de loi qui parvient aujourd'hui en deuxième lecture devant le Sénat
a déjà une longue histoire, chacun la connaît ici.
Sur les détails du cheminement de ce texte, je ne souhaite pas revenir. Je
note cependant dès à présent que, tout au long des péripéties de la
transposition française de la directive de 1985, le problème de l'exonération
éventuelle des producteurs en cas de dommage causé par un risque de
développement a, à lui seul, donné lieu à l'essentiel des désaccords et à la
relative paralysie législative que nous connaissons.
Aujourd'hui, à nouveau, ce problème resurgit avec l'adoption, par l'Assemblée
nationale, d'un amendemeent du Gouvernement précédemment rejeté par le
Sénat.
Du texte initial, il ne reste plus véritablement en débat que le problème de
l'exonération des producteurs de produits dits de santé. C'est un point
délicat, lourd de conséquences pour l'industrie pharmaceutique et pour celle,
naissante, des biotechnologies, mais aussi pour les patients traités par ces
produits.
Ce débat témoigne d'un légitime souci de voir une indemnisation des préjudices
garantie par la loi. Ce souci est compréhensible, il explique à l'évidence la
démarche de l'Assemblée nationale, qui a adopté le nouvel article 12
bis
de la proposition de loi.
Selon cet article, le producteur ne peut invoquer la clause d'exonération pour
les risques de développement prévue par la directive européenne lorsque le
dommage a été causé par un élément du corps humain, par les produits qui sont
issus de celui-ci ou par tout autre produit de santé destiné à l'homme à
finalité préventive, diagnostique ou thérapeutique.
L'article ainsi rédigé est lourd de conséquences. Il appelle, de ma part,
plusieurs réflexions.
En premier lieu, il m'apparaît qu'il comporte des expressions susceptibles
d'engendrer des confusions : je veux parler de notions obscures telles que
celle de producteur d'un élément du corps humain ou des produits issus de
celui-ci. Qui veut-on ou qui peut-on désigner par ces expressions ? Le donneur
d'organes lui-même, le praticien qui procède à l'extraction de l'élément du
corps humain, ou encore celui qui le conditionne, le transporte, ou enfin le
chirurgien qui le transplantera chez le receveur ?
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
C'est vrai !
M. Guy Cabanel.
Qui sera responsable en cas de dommage indécelable lors de la mise en
circulation, mais révélé ultérieurement ?
Ce point me paraît fondamental et mériterait d'être éclairci dans le débat de
ce jour, ou peut-être à l'occasion d'un autre débat spécifique, si l'on retient
la proposition de nos collègues MM. Charmant et Autain. Cette question
essentielle appelle en tout cas des éclaircissements car, à défaut, c'est la
jurisprudence qui tranchera et non le législateur.
Par ailleurs, refuser l'exonération pour risques de développement aux
producteurs de la pharmacie place ce secteur industriel français en fâcheuse
position vis-à-vis de ses concurrents européens. Sur les quatorze Etats membres
qui ont transposé la directive dans leur législation nationale, seuls trois ont
choisi la responsabilité des producteurs pour risques de développement : le
Luxembourg, qui ne possède pas de force industrielle en ce domaine et ne prend
donc aucun risque, la Finlande, où existe un système d'indemnisation par l'Etat
- ce qui n'est pas le cas chez nous, et l'on ne peut que s'en féliciter, parce
que la notion de risque est étendue - et, enfin, l'Espagne pour les produits
alimentaires et pharmaceutiques, ce pays ayant cependant choisi de fixer
parallèlement un plafond d'indemnisation.
La France se trouverait donc, si le Sénat confirmait la voie choisie par
l'Assemblée nationale, en situation de faire planer le risque d'une sanction
indéfinie sur l'un de ses secteurs d'activité les plus performants, en le
soumettant à une responsabilité quasiment illimitée.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
C'est le cas actuellement !
M. Guy Cabanel.
Non, ce n'est pas le cas actuellement, cela se plaide !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
C'est plaidé, et même jugé !
M. Guy Cabanel.
Non, pas actuellement ! Vous renforcez la législation, monsieur le rapporteur
: placé à un carrefour, vous faites un choix particulier, et je le respecte,
mais permettez-moi de poursuivre mon exposé.
La France se trouverait donc amenée à supporter un tel risque. A titre de
référence, je rappellerai simplement un moment très douloureux de l'histoire
médicale française, celui de l'indemnisation des victimes du sida par
contamination sanguine. Dans ce cas, les montants d'indemnisation se sont
élevés, en moyenne, à 1,5 million de francs par dossier, et il est d'ores et
déjà admis que ces décisions font figure de précédent en matière
d'indemnisation pour produit défectueux. On peut donc se préparer à affronter
un risque difficile à couvrir, que - certainement - les compagnies d'assurance
refuseront de couvrir pour les producteurs.
Nous voici donc en passe de fragiliser une industrie qui travaille à
l'amélioration de notre santé à tous, dans la seule perspective - tout à fait
respectable au demeurant - d'indemniser certaines victimes. Je souligne en
effet qu'en matière scientifique, particulièrement dans le domaine de la santé,
le risque « zéro » n'existe pas ; il serait important d'en persuader nos
concitoyens, c'est le plus grand service que nous pourrions leur rendre. Dès
lors, il ne saurait être question, dans la proposition en discussion, de
favoriser une meilleure sécurité des produits pharmaceutiques. D'ailleurs, la
mise sur le marché de ces produits est rigoureusement encadrée et suivie sur le
plan de la pharmacovigilance.
Ainsi, l'esprit de l'article 12
bis
se borne à confirmer l'assurance
donnée aux victimes d'une indemnisation en cas de défaut de sécurité
pratiquement reconnu indécelable, compte tenu des obstacles que l'on met sur la
voie d'une autorisation de mise sur le marché, et ce désir d'indemnisation
expose à une menace bien réelle la poursuite de la recherche dans l'industrie
pharmaceutique française.
Nous allons créer une exception française supplémentaire : nous serons les
seuls à mettre l'industrie pharmaceutique en face de ce risque, alors que les
autres pays ont appliqué la directive dans des conditions de prudence tout à
fait différentes.
On m'objectera sans doute que les entreprises visées se borneront, pour
répondre aux risques d'indemnisation, à souscrire une assurance «
responsabilité civile produits » étendue aux risques de développement. C'est
faire abstraction d'une double expérience en ce domaine, je vous demande d'être
attentifs à cet égard : d'une part, en Allemagne, les primes d'assurance se
sont révélées extrêmement onéreuses, notamment pour les PME de l'industrie
pharmaceutique, qui s'en sont trouvées dangereusement pénalisées ; d'autre
part, les sociétés d'assurance peuvent refuser de couvrir un tel risque ;
semblable incident s'est déjà produit en France pour les centres de transfusion
sanguine, entraînant parfois des situations de quasi-faillite, au cours des
années passées.
Il est donc permis de s'interroger sur les conséquences de la transposition de
cette directive. Je comprends parfaitement qu'il soit temps de prendre une
décision, mais je voudrais quand même vous mettre en garde, mes chers
collègues, car cette décision n'est pas sans importance.
Aux Etats-Unis, le refus de ce type de couverture est de plus en plus
fréquemment rencontré et menace les entreprises les plus innovantes, car ce
sont les plus fragiles.
Il existe pourtant une parade à un tel obstacle : je veux parler de la
fixation d'un plafond d'indemnisation. Semblable solution, je le reconnais
d'emblée, ne fait pas partie de la tradition juridique française. Elle offre
pourtant l'avantage de répondre au problème de l'indemnisation tout en
l'insérant dans des limites raisonnables et connues par avance. Les compagnies
d'assurance ne peuvent ainsi se dégager au motif que le risque est trop
important.
Mais une autre solution est également envisageable. En France, par
l'autorisation de mise sur le marché délivrée aux produits pharmaceutiques et
par le rôle primordial de la pharmacovigilance et de l'Agence du médicament,
l'Etat intervient en amont et en aval de la commercialisation du médicament. Il
conviendrait de tirer les conséquences de son intervention sur le plan de
l'indemnisation en cas de dommage.
Les frais d'indemnisation des victimes devraient donc être répartis à parts
égales ou solidairement entre les deux intervenants que sont à la fois l'Etat
et la société productrice du médicament. Cette voie médiane présenterait
l'avantage de répondre à la double exigence d'offrir une réparation raisonnable
à la victime d'un produit de santé en cas de risque de développement, tout en
maintenant les chances de l'innovation indispensable dans l'industrie
pharmaceutique française.
On le voit, des solutions existent qui pourraient éviter de faire de
l'industrie pharmaceutique le bouc émissaire de la nouvelle législation. J'ai
donc déposé un amendement qui définit cette responsabilité partagée pour les
produits pharmaceutiques. La discussion sur ce point permettra de prendre date
pour l'avenir. En effet - et je rejoins là les propos qui ont été tenus tout à
l'heure par certains orateurs - il m'apparaît que le débat d'aujourd'hui sur le
sujet précis des produits de santé ne fait que révéler un besoin beaucoup plus
global de réparation des victimes d'accidents « médicaux ».
Contrairement à ce que certains peuvent penser, il est très difficile de
séparer le médicament lui-même et les risques intrinsèques à sa molécule des
conditions d'utilisation, des erreurs qui peuvent être commises, du non-respect
de certaines règles de pharmacovigilance. C'est pourquoi, madame la ministre,
j'incite le Gouvernement à étudier très attentivement ce problème de fond.
Je note que, quelle que soit l'issue des travaux parlementaires, ils auront un
mérite non négligeable, celui de mettre en évidence la nécessité de procéder
enfin à l'examen d'un projet de loi relatif à l'aléa thérapeutique, attendu
depuis si longtemps.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la
proposition de loi que nous avons à examiner aujourd'hui en deuxième lecture -
tout le monde le sait, maintenant - transpose une directive de 1985 qui -
faut-il le rappeler ? - a déjà fait l'objet d'un examen parlementaire entre
1990 et 1992. Mais, à cette époque, les conclusions de la commission mixte
paritaire n'avaient pas été reprises par le Gouvernement pour adoption
définitive par les deux chambres. Déjà, le problème de l'exonération des
producteurs pour risques de développement avait constitué l'obstacle à la
traduction du texte communautaire dans notre droit.
Et pourquoi ne pas rappeler également qu'au moment de l'élaboration de la
directive elle-même, soit à partir de 1974, aucun accord n'avait pu être
trouvé, à chacun des niveaux de décision des institutions communautaires, sur
le point de la responsabilité des producteurs pour risques de développement
?
Autant dire que la controverse ne date pas d'hier et qu'elle souligne la
difficulté du sujet. De cette impossibilité de s'accorder est né le principe de
l'option ouverte aux Etats membres, qu'il nous reste à examiner aujourd'hui.
Un amendement du Gouvernement, refusant l'exonération des producteurs de
produits de santé pour les dommages causés par ce qu'il est convenu d'appeler
les « risques de développement », a en effet été adopté par l'Assemblée
nationale. L'amendement avait, en première lecture, été rejeté par notre
assemblée. Il fait maintenant l'objet d'une divergence de positions entre la
commission des lois, qui le soutient, et la commission des affaires sociales,
qui voudrait le supprimer.
Cette situation appelle, de ma part, un certain nombre de réflexions.
En premier lieu, je voudrais souligner que la décision du Gouvernement d'opter
en faveur d'une responsabilité de certains producteurs pour risques de
développement doit répondre à des conditions de forme prévues à l'article 15 de
la directive. Celui-ci énonce en effet que : « l'Etat membre qui souhaite
introduire » - une telle mesure - « communique à la Commission le texte
envisagé. Celle-ci en informe les autres Etats membres. L'Etat membre concerné
surseoit à prendre la mesure envisagée pendant un délai de neuf mois ». En cas
de silence de la Commission pendant trois mois, l'Etat membre peut alors
prendre la mesure envisagée.
On le voit, il n'est donc pas prévu par les dispositions de la directive
qu'une semblable décision soit prise sur le champ. Le formalisme assez
inhabituel requis par la directive dans le cadre de cette disposition souligne
en lui-même son importance.
D'ailleurs, seule une petite minorité d'Etats membres de l'Union européenne
ont choisi de faire ainsi usage de l'option en faveur de la responsabilisation
des producteurs pour risques de développement. Il s'agit, je le répète après
d'autres, du Luxembourg, de la Finlande, et de l'Espagne pour certains produits
seulement. La France souhaiterait donc se joindre à ces quelques Etats.
D'ores et déjà se pose avec évidence le problème de la discrimination à
rebours pour les sociétés de l'industrie pharmaceutique française. En effet, si
nous adoptons une telle disposition, nous prenons le risque très réel d'exposer
ce secteur d'activité à une situation moins favorable que celle de ses
concurents européens. On le sait, les entreprises de la santé, très conscientes
de ce danger, envisagent dès à présent de délocaliser leurs unités dans des
lieux plus avantageux. Avouons que parvenir à une telle extrémité ne semble pas
très opportun !
Par ailleurs, nous savons également aujourd'hui que les sociétés d'assurance -
on l'a dit - refuseront d'assurer le risque de développement, au motif légitime
que celui-ci n'est pas quantifiable.
M. Pierre Fauchon.
rapporteur.
Cela fait quinze ans qu'elles le disent !
M. Jacques Bimbenet.
Nous allons donc au-devant d'une situation dans laquelle les firmes
pharmaceutiques seraient tenues de procéder personnellement à l'indemnisation
des victimes. Cette solution ne peut être considérée sérieusement. Aucune
entreprise ne résisterait économiquement à une demande de réparation d'un
risque sériel. Quant aux petites et moyennes firmes de l'industrie
pharmaceutique, leur solvabilité serait immédiatement mise en cause.
J'ajoute qu'étant donné la tendance actuelle à la « victimisation », dénoncée
par le Conseil d'Etat dans son dernier rapport, il est à craindre que la
position choisie par l'amendement du Gouvernement n'engendre un phénomène
d'incitation à la demande d'indemnisation.
Ne nous y trompons pas : en fin de compte, les victimes ne seraient pas
indemnisées dans leur totalité et bien des sociétés déposeraient rapidement
leur bilan.
Graves sont les dangers qui menacent donc, derrière les meilleures intentions
! Alors que nul ne conteste le besoin de procéder à l'élaboration d'un système
de réparation complet et homogène en cas d'accident thérapeutique, il apparaît
que la disposition hâtive du Gouvernement ne figure pas dans le contexte
législatif adéquat.
Madame le garde de sceaux, combien de parlementaires ont déjà réclamé un
projet, combien ont déjà rédigé une proposition de loi sur l'aléa thérapeutique
?
Aujourd'hui, il semble que la réflexion sur ce sujet soit suffisamment avancée
pour que se dégage un consensus : seule la création d'un fonds d'indemnisation
permettra de répondre à la demande de réparation des risques sériels ou
individuels de victimes d'accidents thérapeutiques.
Pour ma part, j'estime qu'un tel fonds devrait être alimenté de façon
tripartite par les industriels de la pharmacie, à l'origine du risque, les
assureurs, qui bénéficieront des assurances de base correspondant à la
responsabilité objective des producteurs, et l'Etat, qui est directement
impliqué de par la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché des
produits pharmaceutiques, mais aussi de par ses décisions en aval du système de
pharmacovigilance. La participation de l'Etat pourrait, par exemple, prendre la
forme d'une augmentation de la cotisation sociale généralisée.
Dans un tel système, on le voit, la charge de la réparation ne pèserait
lourdement sur aucun des secteurs considérés et les victimes verraient enfin
leur droit à réparation légalement reconnu.
Mes chers collègues, la directive de 1985 n'a pas été conçue pour régler
l'importante question de l'aléa thérapeutique. Ne nous laissons pas attirer
aujourd'hui par le miroir aux alouettes de l'indemnisation des risques de
développement par les seuls producteurs de l'industrie pharmaceutique;
réclamons sans plus attendre que s'engage, au sein de notre Parlement, sur
l'ensemble de l'aléa thérapeutique, un débat large et exhaustif, qui seul sera
à même de répondre de façon satisfaisante à un problème dont l'actualité se
fait chaque jour plus évidente.
(Très bien ! et applaudissement sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur
les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous
apprêtons aujourd'hui à transposer définitivement dans le droit français la
directive 85-374, et ainsi à régler un contentieux qui dure depuis près de dix
ans entre le Gouvernement français et l'Union européenne.
Le texte qu'il nous revient d'examiner en deuxième lecture est sensiblement le
même que celui qu'a adopté le Sénat, le 5 février dernier.
A l'époque, le groupe communiste républicain et citoyen avait été le seul à
s'être exprimé contre. Or, force est de constater que les raisons essentielles
qui avaient motivé ce vote sont toujours présentes après réexamen par
l'Assemblée nationale.
Tout d'abord, l'introduction des éléments et produits du corps humain dans le
champ d'application du régime de la responsabilité du fait des produits
défectueux nous paraissait de nature à en faire des produits commerciaux et
industriels sans que soit reconnue leur spécificité.
En outre, la possibilité donnée au producteur de s'exonérer de sa
responsabilité pour risques de développement dans le cas où le défaut n'a été
décelé qu'après la mise en circulation du produit contribuait, selon nous, à
affaiblir les droits du consommateur et se trouvait en contradiction avec la
jurisprudence française telle qu'elle a évolué jusqu'à présent.
A cet égard, je m'interroge, d'ailleurs, sur la coexistence de deux sources de
droit, l'une jurisprudentielle, l'autre communautaire, dès lors qu'elles sont
opposées.
Il est à craindre que la jurisprudence française ne se trouve, à terme,
fragilisée face au droit normatif, comme notre collègue Pierre Fauchon l'avait
exposé, en première lecture, au nom de la commission des lois.
Dans l'immédiat, la confusion dans l'application des textes risque de se faire
aux dépens des consommateurs et des victimes. La liberté de choix ne me paraît
pas présenter de progrès ; elle tend, au contraire, à rendre plus complexe une
législation qui l'était déjà trop.
Nous regrettons d'autant plus le maintien du cas d'exonération de la
responsabilité du producteur dans l'hypothèse où l'état des connaissances
scientifiques et techniques ne permet pas de déceler le défaut au moment de la
mise en circulation du produit que la directive européenne elle-même laisse
libre chaque Etat d'y déroger ou non.
L'argument principal en faveur de l'irresponsabilité du producteur,
c'est-à-dire la défense des intérêts économiques de nos entreprises et le souci
d'éviter des distortions de concurrences avec les autres pays de la Communauté,
semble avoir prévalu sur la protection renforcée des consommateurs. Or,
l'expérience le montre, notre économie peut être compétitive sans cette
exonération pour risques de développement.
Dans une économie moderne, d'autres critères de développement que les seuls
paramètres économiques et financiers devraient pouvoir être mis en avant. Il
est, selon nous, de la responsabilité de l'Etat de mettre les acteurs de la vie
économique devant leurs propres responsabilités. La course au profit est
aveugle, nous le savons tous. C'est pourquoi les pires dérives sont possibles
si nous n'y prenons garde.
Les parlementaires communistes ont visiblement échoué à faire passer ce
message ; cependant, nous appelons le Gouvernement à rester vigilant sur
l'application de l'article 12.
En revanche, nous nous réjouissons de voir que l'Assemblée nationale a
finalement choisi de soumettre les produits de santé au principe de
l'obligation complète de sécurité.
Sur un sujet si sensible, il est essentiel que les deux assemblées réussissent
à se retrouver sur un compromis qui reconnaisse, en outre, la spécificité des
produits de santé sans que soit remise en cause la structure globale du
texte.
Bien évidemment, nous aurions préféré, quant à nous, que la responsabilité du
producteur soit reconnue en toutes circonstances.
En tout cas, nous ne pourrons transiger dans le domaine de la santé. Les
victimes ne comprendraient pas que l'on sacrifie les exigences de santé
publique et d'indemnisation des victimes sur l'autel de la performance de nos
industries pharmaceutiques, dont les marges de manoeuvre sont d'ores et déjà
importantes. Je rappelle en effet que ces industries ont pu prospérer jusqu'ici
malgré la législation actuelle, qui admet la responsabilité du producteur.
Nous estimons que ces industries, plus que d'autres peut-être, doivent assumer
pleinement leur responsabilité sociale au même titre que leur responsabilité
économique.
Notre devoir de législateur est de garder à l'esprit les tragédies du passé
afin que, de nouveau, des personnes ne se trouvent désemparées au milieu d'une
nébuleuse juridique, comme le furent les premières victimes du sang contaminé
dans les années quatre-vingt.
M. Claude Huriet.
Il s'agissait de produits d'origine humaine !
M. Robert Pagès.
Cela dit, les raisons avancées pour défendre cet alinéa pourraient être
retenues, me semble-t-il, pour d'autres produits qui présentent des risques
tout aussi inquiétants. Je pense ici, par exemple, à l'amiante.
Enfin, je ne voudrais pas terminer mon propos, mes chers collègues, sans me
désoler devant vous de la situation dans laquelle nous nous trouvons.
La France est toujours sous la menace d'une sanction pouvant aller, m'a-t'on
dit, jusqu'à 4 millions de francs par jour. Peut-on légiférer en toute sérénité
lorsque nous savons, par ailleurs, qu'une épée de Damoclès est suspendue
au-dessus de nos têtes et menace de tomber si le Parlement ne vote pas ce texte
dans les plus brefs délais ?
Certains voudront utiliser cet argument pour presser le Parlement et éviter la
mise en place d'une commission mixte paritaire si le Sénat n'est pas d'accord
avec l'Assemblée nationale.
Pour sa part, le groupe communiste républicain et citoyen jugera le texte au
regard des enjeux qu'il contient et déterminera son vote en fonction du
résultat des travaux de la Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen. - M. le rapporteur
applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, si je
me permets d'intervenir à cette tribune, c'est parce que la commission des
affaires sociales se préoccupe depuis fort longtemps - au moins depuis huit ans
- de sécurité sanitaire et de santé publique, au travers de plusieurs textes de
loi portant sur le sang, l'Agence française du médicament, l'Etablissement
français public des greffes et, tout récemment, sous deux gouvernements
successifs, celui de M. Juppé et celui de M. Jospin, au travers d'une
proposition de loi portant sur la sécurité alimentaire et les produits de
santé.
Nous sommes donc fondés - je le dis à nos collègues de la commission des lois
- à nous exprimer, au moins autant que d'autres, sur ce sujet.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Oh oui !
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Charles Descours.
Je voudrais dire d'emblée ce que vous-même, madame le ministre, avez relevé, à
savoir que dans toute activité humaine le risque zéro n'existe pas, tout
particulièrement quand il s'agit de problèmes thérapeutiques.
Or, si le risque zéro n'existe pas, l'on voit bien que l'amendement du
Gouvernement supprimant, pour les seuls produits de santé, la cause
d'exonération dite des risques de développement pénalise particulièrement les
laboratoires pharmaceutiques français.
En effet, un producteur pharmaceutique sera considéré comme responsable, même
si « l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment où le
produit a été mis en circulation ne lui a pas permis de déceler l'existence de
défauts », aux termes de l'amendement du Gouvernement.
Excusez-moi, monsieur le rapporteur, de me placer sur le terrain du droit, ce
qui n'est pas mon métier, mais je voudrais tout de même rappeler à la
commission des lois que la faute, me semble-t-il, doit être distinguée de
l'aléa qui est inhérent à la notion même de médecine et de médicament. La
suppression de cette cause d'exonération ainsi envisagée reviendrait à ne pas
distinguer la faute, qui doit être punie, de l'aléa qui est inhérent à la
notion de médicament.
En effet, un médicament est essentiellement le résultat d'un équilibre entre
le bénéfice et le risque.
M. Claude Huriet.
Très bien !
M. Charles Descours.
Son existence est subordonnée à l'obtention d'une autorisation de mise sur le
marché - je reviendrai sur ce point - qui n'est accordée que lorsque le produit
présente un rapport bénéfice-risque favorable au patient en l'état des
connaissances scientifiques et techniques. Nous avons aujourd'hui abandonné des
thérapies qui avaient paru très importantes dans le passé, notamment en matière
de cancérologie.
Les médicaments ont, par nature, des effets indésirables. Chacun sait qu'un
antimitotique n'est efficace que s'il entraîne une chute des globules rouges -
leucopénie - importante qui, parfois, entraîne une aplasie, c'est-à-dire la
mort du malade. C'est parce qu'on prend le risque de cette mort que l'on a une
chance de sauver le malade. Si l'on ne prend pas le risque de cette mort, les
malades continueront à mourir du cancer.
L'autorisation de mise sur le marché et la pharmacovigilance aident à
apprécier le bon rapport bénéfice-risque, mais il ne faut pas aller au-delà et
confondre l'aléa thérapeutique avec la faute.
Cet amendement entraîne, en outre, des effets négatifs pour la santé publique
d'abord, pour la recherche hospitalo-universitaire ensuite, mais aussi, bien
sûr, pour la compétitivité de l'industrie pharmaceutique française.
Je veux dire un mot, après l'intervention de notre collègue M. Pagès, sur
l'industrie pharmaceutique française.
On peut peut-être le déplorer, mais cette industrie est désormais
multinationale, et le premier groupe français n'intervient qu'en dixième ou
douzième position. Aujourd'hui, les filiales françaises des groupes étrangers -
américains notamment, britanniques, voire allemands - réalisent un chiffre
d'affaires supérieur à celui du premier groupe français. Il nous faut donc
essayer de défendre les industries pharmaceutiques françaises - il n'y en a
plus beaucoup - dans un pays, où, mon cher collègue, la puissance publique
contingente et réglemente le prix du médicament, contrairement à ce qui se
pratique en Allemagne, où il est libre.
La suppression de l'exonération conduirait à pénaliser l'industrie
pharmaceutique française, en particulier, qui se verrait infliger sur son
marché principal des risques peut-être rarissimes, mais catastrophiques et
imprévisibles, alors que ses grands concurrents, surtout américains, sont
exonérés sur leur marché de toute responsabilité pour risque de développement.
C'est le
state of the art defense.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je conteste absolument cette interprétation, qui ne
correspond pas à la réalité. MM. Pagès et Cabanel l'ont dit tout à l'heure !
Monsieur Descours, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Charles Descours.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
M. le rapporteur sait
tout. C'est merveilleux !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Non, monsieur Fourcade ! Je me permets simplement de vous
renvoyer à un document publié par les services d'études du Sénat ; je ne crois
pas pouvoir trouver de meilleure source ! Vous constaterez à la lecture de ce
document, dont je ne suis pas l'auteur mais que j'ai pris la peine de lire - je
suis peut-être le seul - qu'il est inexact de soutenir que le risque de
développement est une cause d'exonération aux Etats-Unis. Je me permets de le
signaler à M. Descours.
Je vous invite les uns et les autres à lire ce document que je tiens à votre
disposition. Il est important car on invoque sans cesse cette référence aux
Etats-Unis, à tort sur ce point, selon moi.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Descours.
M. Charles Descours.
En tout cas, vous serez d'accord avec moi, monsieur le rapporteur, pour
reconnaître que l'éventuelle suppression de cette exonération pourrait
contraindre les laboratoires français à retarder ou à renoncer à lancer dans
notre pays certains produits de pointe à une époque caractérisée par
l'accélération du développement des produits actifs et innovants.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il n'y a pas de suppression puisque cela n'existe pas actuellement !
M. Charles Descours.
Nous sommes donc opposés au texte résultant de l'amendement du
Gouvernement.
Les laboratoires étrangers renonceraient également à ces lancements de
médicaments en France mais en seraient beaucoup moins pénalisés. Il en
résulterait donc un handicap réel pour l'industrie française, notamment pour
les PME - je répète que la plupart des laboratoires pharmaceutiques français, à
part un groupe peut-être, sont tous ou quasiment tous des PME - ainsi que des
risques de délocalisation. Rhône-Poulenc vient de racheter Rorer. Quel intérêt
aurait ce groupe à développer une molécule en France et à ne pas le faire aux
Etats-Unis, en Pennsylvanie ? Aucun. Evidemment, si l'on maintient ce texte,
Rhône-Poulenc ira développer cette molécule en Pennsylvanie !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
C'est évident !
M. Charles Descours.
L'article 12
bis
en l'état entraînerait, en outre, la non-assurabilité
des industries de santé. Or une activité économique fondée sur des risques non
assurables n'est pas viable.
Mais je voudrais, au-delà de l'industrie pharmaceutique qui a l'air de
passionner nos collègues, parler des effets négatifs pour les patients.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Que nous sommes tous...
M. Charles Descours.
Les consommateurs - excusez-moi de ce terme, mais nous sommes tous des
consommateurs potentiels - les patients français seraient dans l'impossibilité
de bénéficier aussi rapidement que leurs voisins des innovations thérapeutiques
majeures ou se trouveraient contraints de se faire soigner, dans certains cas,
à l'étranger.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous qui êtes voisin de la Suisse, vous auriez
peut-être la possibilité d'aller chercher en Suisse des produits qu'il ne
serait pas possible d'acheter en France. Cela s'est fait dans le passé ; je ne
suis pas pour que cela continue et que s'instaure ainsi une médecine de riches
qui pourraient se rendre en Suisse et une médecine de pauvres qui ne pourraient
pas y aller.
(Marques d'approbation sur les travées du RPR et de l'Union
centriste.)
On peut même redouter que certaines molécules innovantes ne soient jamais
disponibles en France. De nouvelles stratégies thérapeutiques ouvrent
d'immenses espoirs de progrès, telle que la thérapie génique. Claude Huriet,
que j'ai modestement aidé dans cette affaire, sait mieux que quiconque qu'elles
seraient particulièrement pénalisées. Quand nous allons nous lancer dans la
thérapie génique, nous allons avoir des risques terribles. Faut-il ne pas les
prendre ?
En outre, cela compromettrait sérieusement le développement des médicaments
dits orphelins pour les maladies rares. Avec Claude Huriet, nous participerons
ici-même, le 7 mai prochain, à un colloque sur les maladies dites orphelines.
Je ne vois pas très bien comment ces maladies, qui sont des maladies génétiques
frappant des enfants d'une manière dramatique - qui se plaignent d'ailleurs
d'être mal soignés - pourront être traitées si nous n'avons pas la possibilité
de prendre des risques thérapeutiques.
Enfin, il y a des effets négatifs pour la recherche
hospitalo-universitaire.
Je citerai une communication du Gouvernement sur la politique en matière de
médicament, en date du 18 février 1998 :
« La localisation des activités de développement d'une molécule est largement
tributaire du choix du pays d'enregistrement. » C'est vrai.
« La conduite des essais cliniques sur des molécules innovantes est
essentielle pour la recherche hospitalo-universitaire, tant pour l'acquisition
de connaissances scientifiques que pour son financement. Sur les 14 milliards
de francs investis en 1995, en recherche et développement, par l'industrie
pharmaceutique en France, près d'un tiers est versé à la recherche
hospitalo-universitaire pour le développement clinique des nouvelles molécules.
»
L'industrie pharmaceutique, malheureusement, se substitue à l'Etat ; sous tous
les gouvernements, la recherche dans les CHU est le parent pauvre. Les budgets
sont ridicules et il faut bien que l'industrie pharmaceutique se substitue à
l'Etat pour que nos chercheurs soient à la hauteur de leurs collègues
étrangers.
Enfin, et je m'adresse encore à la commission des lois, le risque sériel,
comme le recommande le Conseil d'Etat - vous voyez, monsieur le rapporteur, que
j'ai de bonnes lectures - doit être pris en charge au nom du principe de
solidarité.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Absolument !
M. Charles Descours.
Si le principe d'une indemnisation des victimes des aléas thérapeutiques est
légitime, il doit relever de la collectivité.
A ce propos, le Conseil d'Etat, dans son rapport de 1998, intitulé «
Réflexions sur le droit de la santé », affirme : « lorsqu'une infection frappe
un grand nombre de personnes - on parle alors de risques sériels, comme dans le
cas de l'hépatite C - sans qu'aucune faute soit imputable à quiconque, il est
souhaitable que l'indemnisation des dommages soit prise en charge au nom du
principe de solidarité qui est du ressort du législateur, de préférence au
principe de responsabilité qui est du ressort du juge ».
Cette indemnisation des risques sériels catastrophiques ne doit pas être
traitée dans le droit commun de la responsabilité des produits. A cet égard, je
partage tout à fait ce qui a été dit sur presque toutes les travées de notre
assemblée.
Nous devons prévoir une loi spécifique pour l'aléa thérapeutique qui entre
dans le cadre de la réflexion menée par le secrétaire d'Etat à la santé, ainsi
qu'il l'a dit lors du colloque que Jean-Pierre Fourcade, Claude Huriet et
moi-même avons organisé récemment au Sénat.
Le problème est que l'indemnisation des centaines de milliers de personnes
contaminées par l'hépatite C à cause des transfusions coûtera de 40 milliards à
50 milliards de francs. Je ne suis pas sûr que M. Kouchner parvienne à
convaincre M. Strauss-Kahn...
Enfin, l'amendement remet en cause l'autorité de l'Etat en matière de santé
publique. La sécurité des produits et la protection des consommateurs sont des
objectifs prioritaires et essentiels. Le Premier ministre l'a dit dans sa
déclaration de politique générale. Il a fait voter la loi sur la sécurité
sanitaire.
Ces objectifs sont à la base de la réglementation rigoureuse qui s'applique
aux produits de santé et des contrôles exécutés par l'Agence du médicament,
avant la délivrance par l'Etat d'une autorisation de mise sur le marché et
après cette mise sur le marché.
Je crois qu'aujourd'hui l'Agence du médicament, de même que celle que nous
sommes en train de mettre en place pour les produits de santé, est reconnue
dans le monde entier au point de vue sanitaire ; elle évite aux laboratoires de
demander une AMM au laboratoire de Londres.
Cette autorisation engage l'autorité de l'Etat et atteste que le produit
présente des garanties maximales de sécurité, condition
sine qua non
pour sa mise sur le marché, avec pour critère principal le rapport
bénéfice-risque pour le patient. L'Etat ne peut pas se dégager de la
responsabilité afférente à ses propres décisions.
Il me paraît inacceptable vis-à-vis de la population que l'Etat se dégage de
ses responsabilités en mettant exclusivement à la charge des industries de la
santé la responsabilité de risques imprévisibles associés à l'usage des
médicaments.
Je suis très sincèrement convaincu, monsieur le président, madame le garde des
sceaux, mes chers collègues, que nous devons voter la suppression de cet
amendement, compte tenu des problèmes de santé publique et de sécurité
sanitaire, comme vous le demandera tout à l'heure M. Jean-Pierre Fourcade en
présentant son amendement que je soutiendrai.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce n'est pas un amendement, c'est un article !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je ne répondrai pas maintenant à tous les intervenants ; je
reviendrai plus en détail, lors de la discussion des articles, sur un certain
nombre de questions qui ont été évoquées ici.
Cependant, je voudrais d'ores et déjà répondre à une question à laquelle vous
avez tous fait allusion ou que vous avez posée directement : qui paiera, en cas
de dommages en série affectant un grand nombre de victimes et résultant d'un
vice non décelable en l'état des connaissances scientifiques ? C'est une vraie
question que l'on ne peut évidemment pas éluder et que, je crois, il nous faut
aborder en regardant les choses en face.
Indépendamment du texte que nous examinons aujourd'hui, cette question se pose
déjà, et le texte que nous examinons n'est en aucune façon responsable de son
aggravation.
La Cour de cassation a une jurisprudence bien établie qui fait peser une
responsabilité objective sur le producteur. Ainsi, la responsabilité des
producteurs en matière de contamination par le virus de l'hépatite C est
reconnue, comme le confirme un arrêt du 9 juillet 1996. Nous sommes donc déjà
dans cette situation.
Par ailleurs, le Conseil d'Etat, lui aussi, a étendu aux dommages causés par
l'administration de produits issus du corps humain la notion de responsabilité
pour risque, si bien que les fabricants de produits sanguins sont, de fait,
soumis à une obligation de résultat en ce qui concerne la qualité de leurs
produits. Ainsi, indépendamment de la transposition de la directive, ce sont
actuellement les centres de transfusion sanguine qui indemnisent les victimes,
contrairement à ce que j'ai cru comprendre des propos de M. Huriet.
Selon moi, la réponse à la question « qui paiera ? », qui est une vraie
question, devra donc être apportée par un autre texte, après avoir engagé une
réflexion spécifique sur l'indemnisation des risques sériels.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est tout le problème !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Madame la ministre, je
ne voulais pas prendre la parole avant de présenter l'amendement n° 3, mais il
y a eu tellement d'arguments, tellement d'invocations à des arrêts de la Cour
de cassation que je me sens obligé d'intervenir dans la discussion générale.
Tout d'abord, en tant que président de la commission des affaires sociales, je
suis très choqué que le problème de l'aléa thérapeutique soit traité par le
biais d'une modification du code civil alors que, depuis huit ans, nous
travaillons avec les gouvernements successifs, au gré des alternances, pour
essayer d'aboutir à un texte. Mais l'élaboration d'un tel texte achoppe depuis
quelques années sur deux difficultés principales.
La première difficulté tient à la définition du concept de l'aléa
thérapeutique. Une définition est facile à trouver pour un médicament comme
l'aspirine, elle est en revanche très difficile à dégager pour les éléments du
corps humain et encore plus difficile à donner pour les produits résultant du
développement des technologies nouvelles, notamment des biotechnologies et des
thérapies géniques. La définition juridique du concept de l'aléa thérapeutique
suppose donc un approfondissement qu'en dépit de la science et de la
connaissance médicale parfaite des hauts magistrats de la Cour de cassation
nous ne sommes pas encore parvenus à bien cerner.
La seconde difficulté résulte de la bataille formidable que se livrent depuis
plusieurs années le ministre de l'économie et des finances, d'une part, et les
compagnies d'assurance, d'autre part, pour déterminer les critères selon
lesquels s'effectuera le partage de l'indemnisation.
Tout à l'heure, mon ami et collègue M. Jacques Bimbenet a parlé d'un fonds qui
serait alimenté de plusieurs façons. Mais voilà des années que nous discutons
de cette affaire avec des interlocuteurs successifs sans trouver de
solution.
Il est clair que, sur cette question, l'Etat a une tendance naturelle à «
refiler le bébé », si j'ose dire, aux compagnies d'assurance et, inversement,
les compagnies d'assurance ont une tendance naturelle à demander que l'Etat
prenne en charge la totalité de l'indemnisation, comme il a été contraint de le
faire à la suite de l'affaire de la transfusion sanguine - nous l'avons tous
regretté ici et nous en avons parlé bien longtemps - ou pour les problèmes liés
aux greffes de moelle. L'Etat a tendance à agir ainsi parce que la Cour de
cassation l'y incite, parce qu'il n'existe pas de texte sur l'aléa
thérapeutique.
Tels sont les deux problèmes.
Que l'on aborde ce sujet essentiel pour l'accroissement de nos activités en
matière de recherche et de développement scientifique et pharmaceutique par le
biais d'une modification du code civil, alors que la directive européenne
laisse la possibilité de le faire ou de ne pas le faire
(M. Charles Descours
fait un signe d'approbation),
me paraît sur le plan de la forme - comment
dirai-je pour ne pas offusquer mon éminent ami, M. le rapporteur de la
commission des lois ? - relever de l'apparence.
On en revient à Platon et au mythe de la caverne, on croit régler un problème
en insérant quelques dispositions dans le code civil, alors qu'il s'agit d'une
question de fond sur laquelle nous devons réfléchir encore. Il convient en
effet de dégager un accord entre l'Etat, qui autorise la mise sur le marché
dans notre pays, et les compagnies d'assurance, qui doivent financer un certain
nombre de conséquences.
Là est le vrai problème, le reste n'est qu'apparence ! C'est la raison pour
laquelle la commission des affaires sociales, dans sa majorité, a estimé qu'il
n'était pas convenable d'attaquer un tel problème par un si petit côté, par une
modification du code civil.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
C'est bien parce que je pense que ce n'est pas en
modifiant le code civil qu'on va régler le problème de l'indemnisation des
victimes qui se pose depuis si longtemps que j'estime que ce n'est ni le lieu
ni le moment de le traiter ! En l'occurrence, il s'agit de responsabilité et le
texte que je défends ne fait qu'inscrire dans la loi un dispositif que la
jurisprudence a déjà rendu intangible.
Monsieur Fourcade, en effet, ne confondons pas les débats !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
A mon tour, je voudrais dire à notre excellent et éminent
collègue M. Fourcade, en mon nom personnel et au nom de la commission des lois,
qu'il ne pose pas le problème dans ses termes réels, d'après le propos qu'il
vient de tenir.
Aujourd'hui, nous sommes obligés de transposer une directive qui règle la
question de la responsabilité des produits d'une manière générale et nous ne
prétendons nullement régler le problème de l'aléa thérapeutique pour lequel,
nous en sommes tout à fait d'accord avec vous, il faut trouver une solution
globale.
Cette question n'est pas de notre responsabilité en l'occurrence et je
reconnais bien volontiers que vous assumez très bien votre tâche. Je profite
d'ailleurs de l'occasion qui m'est offerte pour rendre hommage aux actions
incessantes que vous menez, les uns et les autres, à ce sujet.
Mais, monsieur Fourcade, ce qu'il ne faut pas nous dire, c'est : on modifie le
code civil pour régler le problème.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Mais si !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Mais non ! On ne modifie pas le code civil. Je vous prie
d'écouter un instant le juriste que je suis !
La jurisprudence actuelle n'admet pas l'exonération de la responsabilité pour
risques de développement sur ce problème qui se pose depuis une dizaine
d'années : ni la juridiction administrative ni la juridiction de la Cour de
cassation ne l'admettent.
On ne modifie donc pas le code civil sur le point qui vous intéresse, monsieur
Fourcade.
Je reconnais cependant avec vous, et je le redirai tout à l'heure, que le
développement de la science, des techniques et de la thérapeutique pose un
problème, mais sa solution ne réside pas dans le débat d'aujourd'hui.
(M.
Charles Descours s'exclame.)
Voilà vingt ans qu'il en est ainsi, monsieur Descours ! Ce n'est pas
nouveau.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Nos points de vue se
rapprochent et je m'en félicite, madame la ministre, monsieur le rapporteur,
mais je n'accepte pas que, devant le Sénat de la République, on m'explique que
le droit est fait par la Cour de cassation ou par le Conseil d'Etat et que le
Parlement n'a rien à faire !
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Je ne l'accepte pas, et c'est la raison pour laquelle je présenterai tout à
l'heure l'amendement n° 3.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est un autre argument !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
C'est un argument
important.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
C'est un autre débat !
M. Jean Chérioux.
Monsieur Fauchon, les arrêts de règlement, cela n'existe plus depuis la
Révolution !
M. Guy Cabanel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Je tiens à répondre à M. le rapporteur qui a dit qu'une étude du Sénat - et
Dieu sait si les conclusions de ces études sont sûres ! - a permis de montrer
qu'il ne s'agissait pas de résoudre le problème de l'aléa thérapeutique en
modifiant le code civil.
Il est vrai que le droit s'applique et qu'il a été arrêté par la Cour de
cassation, ce que je ne conteste pas. Mais aujourd'hui, alors qu'une directive
ouvre une possibilité et que le climat change dans dix Etats européens, nous
optons pour une exception française en confirmant notre droit. Voilà pourquoi
j'ai déposé un amendement.
En effet, si le premier alinéa du fameux article 12
bis
est supprimé,
il sera nécessaire de combler ce vide par un partage des responsabilités entre
l'Etat et les producteurs, ce qui est logique dans la tradition française où
l'Etat est très engagé dans le contrôle des médicaments, beaucoup plus que dans
d'autres pays, ce dont je me félicite. Puisque nous pouvons nous engager dans
cette voie, faisons-le.
Je ne critique pas les propos qui ont été tenus par les uns et par les autres.
Mes chers collègues, je vous mets en garde : dix Etats européens choisissent
une voie différente de la nôtre, ce qui présente des risques. Mais nous
devrions parvenir à dégager une solution raisonnable.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
J'informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale
m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des
candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une
commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur la proposition de
loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai
réglementaire.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des propositions de loi, la discussion des
articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont
pas encore adopté un texte identique.
Article 6
M. le président.
« Art. 6. _ Il est inséré, dans le même titre, un article 1386-5 ainsi rédigé
:
«
Art. 1386-5
. _ Un produit est mis en circulation lorsque le
producteur s'en est dessaisi volontairement.
« Un produit ne fait l'objet que d'une seule mise en circulation. »
Par amendement n° 4, M. Fauchon, au nom de la commission des lois, propose de
supprimer le second alinéa du texte présenté par cet article pour insérer un
article 1386-5 dans le code civil.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cet amendement nous ramène à une question beaucoup plus
simple qui relève, je crois, du bon sens : celle de la date de mise en
circulation du produit.
Je rappelle que ce texte comporte une disposition assez particulière. En
effet, la durée de responsabilité pour un produit est de dix ans, c'est-à-dire
que, passé ce délai, on ne peut, quoi qu'il arrive, engager l'action créée par
la directive.
C'est assez inhabituel dans notre droit. Cette disposition ressemble un peu à
ce que l'on appelle, en matière de construction, la garantie décennale, et
c'est d'ailleurs le seul élément que je trouve comparable.
Comme pour tous les délais, la question du point de départ est évidemment très
importante. A partir de quand les dix ans commencent-ils à courir ? A partir de
la mise en circulation. Selon le texte en effet, « un produit est mis en
circulation lorsque le producteur s'en est dessaisi volontairement ».
Nous pensons, pour notre part, que la mise en circulation - c'est ce que nous
avions voté précédemment - peut être multiple. En effet, le produit est mis en
circulation à la sortie de l'usine. Après cela, il peut être stocké pendant un
temps indéterminé, et on ne peut savoir quelle est la gestion des stocks.
Ensuite, le produit arrive chez le grossiste, qui lui aussi peut le stocker
sans que personne n'en sache rien. Puis, le produit parvient au détaillant, où
il peut rester encore un certain temps. Enfin il est réellement mis en
circulation, c'est-à-dire qu'il entre dans le public.
C'est à partir de ce moment que le délai de dix ans doit commencer à courir.
En effet, il est évident que celui qui acquiert le produit ne peut pas savoir
que celui-ci a déjà dormi dans tel ou tel entrepôt pendant deux ou trois ans,
voire davantage. Il ne peut voir défalquer de sa période de garantie la période
antérieure à l'achat, qu'il ne peut évidemment pas contrôler.
Il me paraît donc tout à fait illogique que le système de l'Assemblée
nationale n'admette que la première mise en circulation. Dans ces conditions,
en effet, le délai de dix ans d'extinction de la responsabilité sera réduit de
la période qui s'écoulera entre le moment où le produit sort de l'usine et
celui où il entre pour de bon en circulation dans le public.
Je pense que ce n'est pas ce que l'on a voulu. D'ailleurs, les autorités de
Bruxelles, vous l'avez rappelé à l'Assemblée nationale, madame la ministre,
n'ont pas du tout souscrit à l'idée d'une mise en circulation unique.
Vis-à-vis de celui qui va subir le dommage, cette période doit courir à partir
du moment où il dispose du produit. C'est évident et cohérent avec l'idée selon
laquelle la responsabilité peut être recherchée soit du chef du producteur,
soit du chef du distributeur final.
Une autre solution serait évidemment défavorable aux victimes, surtout pour le
cas des produits qui sont stockés assez longtemps avant d'être distribués. Je
sais bien que, dans le monde où nous vivons, ce sont peut-être des hypothèses
assez rares, puisque les produits fabriqués sont rapidement vendus, je le
reconnais, mais même si elle sont rares, elles peuvent se réaliser et il n'y a
pas de raison que celui qui a acheté un produit qui a « vieilli » dans
l'entrepôt du producteur ou du grossiste subisse une réduction de sa période de
garantie de dix ans. Cette période doit être la même pour tout le monde, et
elle part du jour de l'acquisition.
En plus, surgit une difficulté pratique : il est très difficile pour de
nombreux produits de savoir quand ils ont été mis en circulation par le
producteur. Quand telle cuisinière, tel mobilier audiovisuel sont-ils sortis de
l'usine ? Vous vous rendez compte de la difficulté d'en rechercher la date ? Il
n'y a pas de procès-verbal, ce n'est pas clair, la preuve est très difficile à
apporter. En revanche, la preuve du jour où l'on a acheté un produit est
évidemment facile. On dispose d'une facture, on sait très bien quand on a
acheté un produit, car il y a un bon de garantie qui date de ce jour-là. De
surcroît, c'est plus simple. C'est donc à la fois plus simple, plus juste et
plus cohérent.
Le délai d'extinction de la responsabilité doit toujours être de dix ans pour
le client, il ne doit pas être entamé. De plus, son point de départ doit être
facilement identifiable.
C'est la raison pour laquelle je vous demande d'accepter cet amendement, qui
tend à supprimer l'idée d'une mise en circulation unique,
ab initio
à la
sortie de l'usine du produit.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer lors de la
discussion générale, les services de la Commission européenne m'ont fait
connaître qu'ils estiment que l'unicité de mise en circulation, telle que
prévue par la présente proposition de loi, ne constitue pas une transposition
correcte de la directive parce qu'elle ne distinguerait pas entre les parties
composantes d'un produit et le produit lui-même.
Or il est clair que la mise en circulation s'opère distinctement pour les
éléments et le bien lui-même après incorporation.
Je constate en tout cas que le second alinéa du texte proposé par l'article 6
pour insérer un article 1386-5 dans le code civil est source d'ambiguïté. Je ne
suis donc pas hostile à sa suppression, en laissant ainsi le soin aux tribunaux
d'apprécier la notion de mise en circulation.
C'est la raison pour laquelle je m'en remets, sur l'amendement n° 4, à la
sagesse du Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Guy Cabanel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Mon explication de vote est en même temps une question.
Je constate très clairement que cela concerne de nombreux produits.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Tout produit !
M. Guy Cabanel.
Je prendrai le cas de l'industrie pharmaceutique.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce n'est pas la peine puisqu'elle va être exonérée !
(Sourires.)
M. Guy Cabanel.
Cela n'a rien à voir, ne plaisantez pas !
M. le président.
Veuillez poursuivre votre explication de vote, monsieur Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Je poursuis sans m'émouvoir, monsieur le président.
Le produit pharmaceutique a une date d'émission et il a même une date de
péremption. Dès lors il n'est pas visé par cet article.
Je ne saisis pas très bien la compatibilité qu'il peut y avoir entre un
produit sur lequel figure une date d'émission et une date de péremption - c'est
le cas du produit pharmaceutique - et les autres produits. Je veux bien
supprimer le second alinéa, mais j'ai un sentiment d'insatisfaction.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il est évident que si la date de péremption est expirée au
moment de la consommation, le consommateur est en faute.
Mais, encore une fois, vous pouvez acheter un produit qui a été fabriqué voilà
quelques années. Le pharmacien pourrait vous vendre un produit pour lequel le
délai de la responsabilité du producteur expirera dans un ou deux ans. Alors
vous n'auriez donc plus qu'un ou deux ans de garantie ? Avouez-le, ce n'est pas
normal !
Nous sommes tous acheteurs de produits et nous entendons bien que les
garanties courent à partir du moment de l'achat et non de la fabrication, qui
peut quelquefois remonter à trois ou quatre ans. Cela me paraît être le bon
sens !
M. Marcel Charmant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charmant.
M. Marcel Charmant.
L'argumentation de notre rapporteur ne peut être retenue. Un produit est mis
en circulation une fois, et une seule fois, le jour où le producteur - est
assimilé au producteur le professionnel qui commercialise le produit au nom du
producteur - s'en dessaisit volontairement, c'est-à-dire le jour où il le met
en vente.
Ce que M. Fauchon vient de dire supposerait que l'acte d'achat par le
pharmacien d'un produit auprès d'un laboratoire aurait déjà été considéré comme
une première mise en circulation. Non ! La loi est claire : il s'agit du
rapport entre les professionnels et les consommateurs. C'est à partir du moment
où il y a acquisition par un consommateur qu'il y a mise en circulation, et pas
avant.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
M. le président.
« Art. 7. _ Il est inséré, dans le même titre, un article 1386-6 ainsi rédigé
:
«
Art. 1386-6
. _ Est producteur, lorsqu'il agit à titre professionnel,
le fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière première, le
fabricant d'une partie composante.
« Est assimilée à un producteur pour l'application du présent titre toute
personne agissant à titre professionnel :
« 1° Qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa
marque ou un autre signe distinctif ;
« 2° Qui importe un produit dans la Communauté européenne en vue d'une vente,
d'une location, avec ou sans promesse de vente, ou de toute autre forme de
distribution.
« Ne sont pas considérées comme producteurs, au sens du présent titre, les
personnes dont la responsabilité peut être recherchée sur le fondement des
articles 1792 à 1792-6 et 1646-1. » -
(Adopté.)
Article 12
bis
M. le président.
« Art. 12
bis.
_ Il est inséré, dans le même titre, un article
1386-11-1 ainsi rédigé :
«
Art. 1386-11-1
. _ Le producteur ne peut invoquer la cause
d'exonération prévue au 4° de l'article 1386-11 lorsque le dommage a été causé
par un élément du corps humain, par les produits qui sont issus de celui-ci, ou
par tout autre produit de santé destiné à l'homme à finalité préventive,
diagnostique ou thérapeutique.
« Le producteur ne peut invoquer les causes d'exonération prévues aux 4° et 5°
de l'article 1386-11 si, en présence d'un défaut qui s'est révélé dans le délai
de dix ans après la mise en circulation du produit, il n'a pas pris les
dispositions propres à en prévenir les conséquences dommageables. »
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Je voudrais revenir sur une réflexion qui vient d'être faite à l'instant par
Mme le ministre et qui consiste à répondre à la question : « qui paiera ? » que
cette question se pose d'ores et déjà.
Mais, madame le ministre, si le texte est adopté et si l'amendement de la
commission des affaires sociales est rejeté, la question ne se posera plus !
Poussant à peine le raisonnement, je considère qu'il n'y aura plus matière à
légiférer sur l'aléa, puisque les dispositions qui seraient incluses dans la
transposition de l'ordonnance feraient que l'on connaîtrait tout de suite celui
à qui reviendrait l'obligation d'indemniser. Par conséquent, on ne peut faire
l'impasse sur cette réflexion.
La question se pose donc de savoir qui paiera. Or si les dispositions que vous
défendez sont adoptées, la question ne se posera plus, je le répète, et alors
que l'on tergiversait pour répondre à l'aléa médical, il y aura désormais
beaucoup moins de raisons de le faire.
On a beaucoup affirmé, au cours de ces débats, que le droit en vigueur ne
reconnaît pas l'exonération de responsabilité pour risques de développement
pour les produits de santé. Avec l'amendement présenté par la commission, nous
irions, a-t-on dit jusqu'à présent, à l'encontre d'une jurisprudence ancienne
et bien établie.
Bien que n'étant pas juriste, j'ai bien étudié cette jurisprudence, notamment
celle qui porte sur les produits sanguins, que l'on cite toujours comme
référence et qui vient d'être évoquée voilà quelques instants : il apparaît que
les choses ne sont pas si simples.
Premier point : la jurisprudence judiciaire et la jurisprudence administrative
concernant les produits sanguins et le VIH sont bien spécifiques.
La jurisprudence judiciaire repose sur l'appréciation de la nature
contractuelle de la relation entre les centres de transfusion et les malades
qui ont subi une transfusion. Or cette relation contractuelle
fournisseur-malade n'existe pas pour tous les produits de santé. Elle est même
expressément récusée, par exemple, pour les médicaments par le code de la santé
publique en son article R. 5115-1, qui prévoit que les établissements
pharmaceutiques ne sont pas autorisés à délivrer au public les produits entrant
dans le monopole pharmaceutique.
La jurisprudence administrative est, elle aussi, bien spécifique et résulte
des textes qui régissaient la situation de la transfusion sanguine dont on
parle encore. Le Conseil d'Etat a, en effet, justifié la responsabilité sans
faute des centres de transfusion par la combinaison de deux éléments.
Le premier résulte de la loi du 21 juillet 1952, qui a confié aux centres de
transfusion sanguine « le monopole des opérations de collecte du sang et la
mission d'assurer le contrôle médical des prélèvements ».
Le second élément est « le risque que présente la fourniture de produits
sanguins ».
Cette jurisprudence du Conseil d'Etat doit être comprise non comme une
innovation juridique, mais comme un exemple de la jurisprudence classique -
elle date de 1919 - des choses dangereuses. Elle applique, en effet, un régime
de responsabilité sans faute pour réparer les dommages qui « excèdent, par leur
gravité, les charges qui doivent être normalement supportées par les
particuliers en contrepartie des avantages résultant de l'existence du service
public ».
Je pense, madame le ministre, que vous reconnaîtrez avec moi que service
public et choses dangereuses ne constituent pas les caractéristiques de la
fabrication de tous les produits de santé !
Le second, et dernier point, de mon argumentation tient au fait que ces
jurisprudences sont beaucoup plus nuancées que ce que l'on entend parfois.
En ce qui concerne la jurisprudence judiciaire, des arrêts de la Cour de
cassation montrent que le risque de développement est admis comme cause
d'exonération.
Ainsi, dans l'arrêt Thorens, la première chambre civile de la Cour de
cassation énonce que « la loi ne met pas à la charge du laboratoire fabricant
l'obligation de prévoir tous les risques présentés par le médicament dans tous
les cas, l'obligation de renseignement ne pouvant s'appliquer qu'à ce qui est
connu au moment de l'introduction du médicament sur le marché et à ce qui a été
porté à la connaissance du laboratoire depuis cette date ».
Et si l'apport de l'arrêt Leo du 3 mars 1998 consiste en une référence au
texte de la directive que nous nous apprêtons à transposer, il ne concerne pas
le risque de développement ; il traite d'une affaire mettant en cause
l'enveloppe non digestible d'un médicament et non pas son principe actif.
En ce qui concerne la jurisprudence administrative, le commissaire du
gouvernement a apporté une sérieuse limite à la responsabilité sans faute des
centres de transfusion ; il a ainsi indiqué que, selon lui, cette
responsabilité sans faute n'aurait pas pu concerner « les effets indésirables
d'une substance saine ». Cette nuance n'est pas même reprise par le texte qu'a
introduit l'Assemblée nationale pour prévoir, dans tous les cas, la
responsabilité du fabricant. De fait, ce texte ferait peser sur le fabricant
les conséquences de tout effet secondaire non connu au moment de la délivrance
de l'autorisation de mise sur le marché.
Pour toutes ces raisons, je m'associe évidemment à l'amendement de la
commission des affaires sociales que le président Fourcade a bien voulu
défendre en notre nom.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est déposé par M. Hyest.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Fourcade, au nom de la commission des
affaires sociales.
Tous deux tendent à supprimer le premier alinéa du texte proposé par l'article
12
bis
pour l'article 1386-11-1 du code civil.
La parole est à M. Hyest, pour présenter l'amendement n° 2.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je ne savais pas que la commission des affaires sociales allait se saisir de
ce dossier important, sinon je me serais dispensé de déposer mon amendement. Je
me serais contenté de voter le texte que nous soumet ladite commission. Il a
d'ailleurs été très bien présenté par d'éminents spécialistes qui défendent le
droit de la santé et à la santé. Notons d'ailleurs qu'il existe des
spécialistes de la santé qui deviennent des spécialistes du droit, notamment
mon ami Claude Huriet, qui vient de faire une démonstration excellente.
Il faut rappeler qu'en première lecture l'exonération de responsabilité pour
risques de développement n'avait été admise par notre assemblée qu'avec
difficulté. En effet, certains prétendaient que nous ne devions rien faire et
qu'il fallait laisser la jurisprudence traiter le problème.
Le Gouvernement avait déposé un amendement identique à celui qu'il a fait
adopter par l'Assemblée nationale en ce qui concerne les produits issus du
corps humain et les produits de santé.
On nous a fait remarquer que l'on entrait dans le domaine de la symbolique.
Dans le même temps, on nous a rétorqué qu'il n'était pas convenable de ne pas
admettre de faire une exception pour ce qui touche à la santé. On nous
donnerait presque mauvaise conscience ! Mais comme la commission des affaires
sociales, dont c'est la responsabilité, l'a fait, j'ai d'autant moins mauvaise
conscience !
M. le président Fourcade a évoqué l'idéalisme platonicien. Je préfère le
réalisme aristotélicien, ayant été formé à la bonne culture thomiste !
(Sourires.)
Je me contenterai donc de vous faire part de quelques
éléments réalistes.
Madame le ministre, la nouvelle formulation de l'article 1386-11-1 me paraît à
la fois peu logique et dangereuse sur le plan juridique.
Elle est peu logique car le premier paragraphe semble indiquer que « les
éléments du corps humain » pourraient être considérés comme des « produits »
auxquels s'appliquerait la notion de risque de développement, c'est-à-dire de
progrès technique. Une telle assimilation me paraît excessive : qu'est-ce qu'un
« élément du corps humain » ? Quelle est la « sécurité à laquelle peut
légitimement s'attendre » la personne qui bénéficie d'une greffe par exemple ?
C'est un autre problème et on mélange tout.
Quant aux « produits issus du corps humain » et aux « produits de santé »,
qu'est-ce qui, sur le plan juridique, les différencie des autres produits
industriels ou manufacturés ? Rien.
On voit mal, en effet, pourquoi les producteurs de produits pharmaceutiques ou
de produits issus du corps humain devraient être soumis à un régime plus
rigoureux que les autres producteurs, alors que les produits qu'ils fabriquent
sont technologiquement plus complexes et sont soumis au contrôle et à
l'autorisation de l'Agence du médicament, ce qui constitue pour le consommateur
un indice fort de ce qu'ils présentent « la sécurité à laquelle on peut
légitimement s'attendre ».
Bien entendu, si on commence à ouvrir une brèche, d'autres seront ouvertes
pour d'autres produits. Par ailleurs, je crois que c'est une formulation
dangereuse.
Pour toutes ces raisons, il me semble préférable de revenir au texte que le
Sénat avait adopté en première lecture.
Bien entendu, comme l'ont souligné de nombreux d'orateurs, il ne faut pas
déplacer le problème. Tous les exemples qui ont été donnés pour faire exception
à l'exonération pour risques de développement ne sont pas pertinents puisqu'il
s'agit généralement de risques sériels. D'ailleurs, quand nous nous sommes
trouvés confrontés à ce problème, il a été traité dans un autre cadre, comme
l'a souligné encore récemment le Conseil d'Etat.
Pour tous ces motifs, je pense que le texte voté par le Sénat exonérant de
responsabilité pour risques de développement tous les producteurs s'inscrit
dans une logique à laquelle il ne doit pas y avoir de dérogation.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales pour
présenter l'amendement n° 3.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'Etat - je vous remercie
d'être venu participer à ce débat - l'amendement de suppression que je propose,
non pas en mon nom personnel, mais au nom de la commission des affaires
sociales, répond à trois motifs que je développerai brièvement, M. Hyest ayant
parfaitement éclairé le débat que MM. Huriet, Descours, Bimbenet et Cabanel
avaient tout à l'heure ouvert.
Tout d'abord, il me semble que le texte qui a été adopté par l'Assemblée
nationale, et dont le rapporteur de la commission des lois nous propose le
maintien, met en cause la cohérence de l'action des pouvoirs publics.
En effet, c'est l'Etat qui délivre les autorisations de mise sur le marché. Or
la proposition de loi dont nous discutons parallèlement avec M. Kouchner
réorganise l'ensemble du système de contrôle des produits de santé en créant
une agence aux compétences plus larges que celles de l'Agence du médicament,
prenant en compte l'ensemble des éléments du corps humain, ainsi que l'ensemble
des dispositifs médicaux et des médicaments.
La commission des affaires sociales tient, elle, à laisser à l'Etat sa
responsabilité, qui est de déterminer, en fonction de leur intérêt
thérapeutique, si une thérapie, un médicament ou un dispositif de santé
justifient ou non une autorisation de mise sur le marché. L'Etat doit engager
sa responsabilité ; pour nous, c'est un pouvoir régalien.
Aussi quel n'est pas notre étonnement de voir que, dans le texte adopté par
l'Assemblée nationale, l'Etat est déchargé de sa responsabilité, dans la mesure
où, quoi qu'il arrive, c'est le producteur qui paiera !
Cette disposition nous paraît à la fois trop rapidement libellée et n'avoir
pas été précédée d'études suffisantes : aucune étude d'impact, aucune étude de
coût n'ont été réalisées. Je l'ai dit tout à l'heure, c'est un sacrifice que
l'on fait à ce que l'on croit être l'opinion publique.
Par ailleurs, la rédaction proposée nous semble être une source de
discrimination. Madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'Etat,
comment pouvez-vous expliquer que le producteur d'aliments contenant des
organismes génétiquement modifiés bénéficie d'une exonération de responsabilité
et que le producteur d'aspirine soit exclu du bénéfice de cette exonération
?
Je ne sais pas ce que peut en penser le rapporteur de la commission des lois,
qui doit bien avoir présent à l'esprit le grand principe de l'égalité entre les
producteurs : comment peut-on, d'un côté, permettre d'invoquer le risque
développement et, de l'autre, l'interdire ?
Il y a là une discrimination abusive et, si j'osais m'aventurer sur le terrain
de mes collègues de la commission des lois, je dirais que cette disposition
relève de l'appréciation du Conseil constitutionnel, que, évidemment, nous
n'hésiterions pas à saisir au cas malheureux où, finalement, ce texte serait
adopté.
Enfin, madame la ministre, vous m'avez répondu tout à l'heure que vous étiez
en train de préparer avec votre collègue M. Kouchner un texte sur l'aléa
thérapeutique. Je vous en félicite, parce que nous en avons besoin dans notre
législation. L'indemnisation des victimes dans l'affaire du sang contaminé
n'aurait pas posé autant de problèmes si un tel texte avait existé.
Au demeurant, l'établissement d'un texte de ce genre se heurte à deux
difficultés - je les rappelle à l'intention de M. Kouchner même si je sais
qu'il les connaît : la première réside dans la définition de plus en plus
difficile du concept d'aléa thérapeutique, compte tenu des progrès de la
technologie ; la seconde tient dans le partage de la responsabilité entre le
secteur de l'assurance et le secteur de l'Etat, c'est-à-dire le budget.
Jusqu'à présent nous ne sommes pas parvenus à surmonter ces obstacles, quel
que soit le gouvernement en place. J'ai essayé de discuter du problème avec
trois gouvernements successifs, deux socialistes et un libéral, sans résultat.
MM. Cabanel et Bimbenet ont proposé des solutions. Il faut les étudier et les
chiffrer. S'agissant de l'hépatite C, comme l'a dit M. Descours, on atteint des
sommes qui se chiffrent en milliards de francs.
M. Charles Descours.
En dizaines de milliards de francs !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Tout à fait !
Finalement, nous ne sommes pas d'accord pour trois raisons.
Premièrement, nous pensons que l'Etat doit conserver la responsabilité de
l'ensemble de la sécurité sanitaire.
Le texte sur le renforcement de la sécurité sanitaire que nous élaborons avec
l'Assemblée nationale, avec l'accord bienveillant du Gouvernement, améliorera
notre dispositif de contrôle en matière sanitaire aussi bien pour les
médicaments et les produits de santé que pour les produits alimentaires, même
si subsistent encore quelques difficultés à propos de ces derniers.
Deuxièmement, nous sommes opposés à la discrimination qui résulterait du texte
qui nous est soumis : accepteriez-vous, monsieur le rapporteur, qu'un
producteur de jouets qui fabrique des radars, par exemple, puisse invoquer le
risque de développement alors que ce serait interdit à un producteur de
médicaments ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je vais vous répondre.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Ce serait absurde, vous
le reconnaîtrez ; cela prouve qu'en matière législative on peut faire n'importe
quoi.
Troisièmement, j'en viens au problème de fond qui est de savoir qui va payer.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que, dans la directive européenne, que
nous avons certes l'obligation d'appliquer, le choix nous est laissé entre
l'exonération ou la non-exonération.
La commission des affaires sociales, pour sa part, est favorable à
l'exonération pour risques de développement, ce qui est tout à fait possible,
je le répète, dans le cadre de nos engagements européens. La non-exonération
présenterait trop d'inconvénients pour la recherche, pour la mise au point de
thérapies nouvelles et, finalement, pour les malades.
Nous qui étudions cette affaire depuis huit ans, nous estimons qu'on n'a pas
le droit, à l'occasion du texte d'application d'une directive, de mettre le
doigt dans un mécanisme que l'on ne contrôle pas en disant : la Cour de
cassation a déjà tout prévu.
Nous sommes le Parlement de la République, c'est nous qui élaborons la loi.
Or, avant de la définir, on doit réfléchir, on doit en mesurer toutes les
implications tant technologiques, industrielles que financières.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et juridiques !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
C'est parce que nous
pensons que cela n'a pas été fait que nous vous demandons, mes chers collègues,
de supprimer le dispositif qui nous est proposé.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 2 et 3 ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission des lois n'est pas de l'avis de la commission
des affaires sociales, même si j'ai le sentiment que, d'une certaine façon,
nous ne sommes pas très éloignés les uns des autres sur un certain nombre de
préoccupations.
Je crois que nous admettons tous qu'il faut absolument indemniser les victimes
d'une manière ou d'une autre, que l'on ne peut pas tout exiger des producteurs
parce que l'on risque de paralyser la production et que l'Etat ne peut en la
matière se dégager totalement.
Seulement, nous sommes dans un mécanisme juridique assez complexe, et je
considère que les réflexions de la commission des lois sont meilleures que
celles de la commission des affaires sociales. En effet, cette dernière a pour
principale préoccupation la fabrication de médicaments, l'innovation, et bien
entendu le souci des victimes. En revanche, la préoccupation de la commission
des lois est de construire un système juridique cohérent, même s'il apparaît
comme un peu théorique.
Permettez-moi de faire un bref retour en arrière. Je vois certains d'entre
vous regarder leur montre, mais, mes chers collègues, nous sommes en train de
décider d'une disposition qui a une grande importance symbolique, je l'ai déjà
dit et je le répète. Sans cela, un tel nombre de personnalités ne seraient pas
présentes dans l'hémicycle. Nous n'y sommes pas habitués...
(Sourires.)
Par hommage pour elles, je me dois d'être aussi exhaustif que
possible.
Tout d'abord, le problème n'est pas nouveau. Il faut bien être conscient du
fait que l'on obscurcit singulièrement l'affaire si l'on y introduit des
ingrédients qui ne correspondent pas à la réalité. Il n'est pas très difficile
de les éliminer.
On n'a cessé depuis des siècles d'inventer des choses nouvelles, et les
risques de développement existent au moins depuis le début du machinisme.
Depuis le XIXe siècle, on invente des machines dont on ne sait pas quels
préjudices elles peuvent engendrer. Cela a commencé avec les machines à vapeur
qui explosaient sans que l'on sache très bien pourquoi. Ensuite, il y a eu le
moteur à explosion, il y eu l'électricité, tout cela est déjà ancien, de même
qu'il est ancien que notre système juridique cherche à concilier les principes
du droit et la nécessaire protection des victimes - car enfin vous admettrez
qu'il ne faut pas laisser les victimes sans protection -...
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Bien entendu !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
... en instituant la responsabilité non pas pour faute, mais
pour risque créé. Cela fait, en France, un siècle que l'on a inventé et que
l'on utilise cette notion.
La jurisprudence ne plaît peut-être pas à tout le monde, mais enfin il
faudrait changer substantiellement notre système pour la supprimer. Par
ailleurs, il y a des lois, la Cour de cassation, etc. Quoi qu'il en soit, nous
avons admis depuis très longtemps que, à chaque fois que se présente un risque
qui n'implique pas de faute, celui qui crée le risque en usant de la liberté de
créer et de produire doit en répondre.
Nous sommes donc sur le terrain de la notion du risque créé, qui est liée,
pour nous qui sommes partisans de la libre entreprise, à l'idée selon laquelle,
dès lors que l'on est libre d'entreprendre, on doit être entièrement
responsable de ce que l'on crée. C'est aussi une vérité profonde, j'attire sur
ce point l'attention de M. le président de la commission des affaires sociales,
qui a été ministre de l'économie ; dès lors que vous créez une distorsion entre
le droit de créer et de vendre librement et la responsabilité de ce que vous
créez et vendez apparaît un hiatus qui est gênant, qui n'est ni bon ni sain.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
C'est la discrimination
qui n'est pas saine !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Accordez-moi un instant, nous allons y venir !
Vous voyez bien qu'il y a là un principe qui n'est pas sain. Je rappelle que
la commission des lois était entièrement opposée à l'exonération pour risques
de développement ; je suis donc tout à fait à mon aise pour défendre sa
position.
Voilà d'où nous venons, voilà le principe sur lequel nous nous battons, celui
d'une responsabilité pour risques.
Sur ce point, cher collègue et ami Claude Huriet, permettez-moi de vous le
dire, il n'y a pas de doute sur l'état actuel de notre droit positif, loi et
jurisprudence intimement mêlées. Je ne peux pas entrer dans l'analyse des
arrêts que vous avez cités tout à l'heure mais je relève que l'un d'entre eux
conclut en ces termes : « Attendu que le fabricant est tenu de livrer un
produit exempt de tout défaut de nature à causer un danger pour les personnes
ou les biens, c'est-à-dire un produit qui offre la sécurité à laquelle on peut
légitimement s'attendre ». Je retrouve ici la citation que je faisais tout à
l'heure.
Si je prends un document auquel nous nous sommes tous référés et qui est
d'ailleurs très bien fait, je veux parler de cette étude du Conseil d'Etat qui
fait la synthèse de ce vaste problème du point de vue tant des juridictions de
l'ordre administratif que des juridictions de l'ordre judiciaire, et que
personne, je crois, ne récuse, je lis à la fin : « Le juge judiciaire et le
juge administratif ne sont, pour leur part, pas entrés dans cette logique qu'il
est désormais convenu d'appeler le "risque de développement", ainsi
qu'il a été dit par deux décisions quasi simultanées de 1995 (...) Cette
jurisprudence, conforme à la tradition jurisprudentielle civile sur le vice
caché de la chose et qui a été instituée à l'occasion de la contamination du
VIH, est appelée à s'étendre en raison de l'explosion attendue du contentieux
de l'hépatite C. »
J'en viens à la fin : « Le risque de développement n'étant pas considéré par
la jurisprudence comme hors champ de la responsabilité sans faute, son coût
financier paraît devoir se manifester ...» Vient ensuite un développement sur
le problème des coûts financiers.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Mais alors nous n'avons
rien à faire ici !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales,
n'abusez pas de votre autorité.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Laissez donc le Conseil
d'Etat et la Cour de cassation ! Arrêtez de parler de la jurisprudence !
M. Pierre Fauchon.
rapporteur.
Vous seriez gentil de ne pas abuser de votre autorité pour me
paralyser et m'inhiber dans mon explication !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission desaffaires sociales.
Je vous en prie, arrêtez
de parler de la jurisprudence !
M. le président.
Monsieur le rapporteur, terminez votre propos en donnant votre avis !
M. Pierre Fauchon.
rapporteur.
A condition que je ne sois pas interrompu tout le temps,
surtout par le président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas
de jeu !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Si !
M. Pierre Fauchon.
rapporteur.
Ce n'est pas de jeu. Le droit positif est ainsi.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
La jurisprudence !
M. Pierre Fauchon.
rapporteur.
Oui, mais c'est le droit positif ! Faisons d'autres lois pour
modifier notre système si vous le voulez mais, pour le moment, prenons-le comme
il est, sinon je ne vois pas à quoi nous allons aboutir.
Il en résulte, je le rappelle, que notre débat est symbolique puisque, quoi
que nous votions ce soir, tout plaideur, toute victime, demain ou après-demain,
pourra dire qu'il n'a rien à faire de cette directive et ne l'invoque pas mais
fonde son action sur les articles 1382 et suivants du code civil, articles en
vertu desquels on ne peut pas opposer les risques de développement.
Nous ne pouvons rien y changer ! On peut le déplorer, on peut le regretter, on
peut protester, mais c'est ainsi.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Absolument !
M. Pierre Fauchon.
rapporteur.
Alors, prenons les choses comme elles sont !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Donc, le débat est
inutile !
M. Pierre Fauchon.
rapporteur.
Il n'y a donc pas de quoi se mobiliser et il n'y a pas de
quoi invoquer toutes les démarches que vous faites, qui sont infiniment
respectables, et dont je souhaite qu'elles aboutissent à un statut en quelque
sorte spécifique de l'aléa thérapeutique.
Il ne faut pas dire non plus que nous allons créer une discrimination par
rapport aux Etats étrangers. Telle n'est pas du tout la situation.
D'abord, il faut considérer les Etats qui sont les principaux producteurs de
médicaments. Ceux qui n'en produisent pratiquement pas n'ont pas beaucoup
d'intérêt.
Ainsi, l'Allemagne n'admet pas le risque de développement et elle a créé -
cela va vous donner satisfaction - un système d'assurance qui est obligatoire
et qui, en définitive, coûte à tout le monde : le risque est mutualisé et il
coûte aux victimes puisque, naturellement, le prix de l'assurance est répercuté
dans le prix du médicament. Il ne faut donc pas raconter d'histoire !
M. Guy Cabanel.
Le prix du médicament y est libre. Ce n'est pas la même chose !
M. Pierre Fauchon.
rapporteur.
Oui, il est libre mais, comme il n'y a pas la sécurité
sociale, on en vend beaucoup moins, c'est peut-être encore une chose qu'il
faudrait prendre en considération.
Par ailleurs, les Etats-Unis d'Amérique n'admettent pas, eux non plus,
l'exonération pour risques de développement.
En conséquence, qu'on ne nous dise pas que la France va être toute seule : en
réalité, ses principaux concurrents n'admettent pas l'exonération pour risques
de développement. C'est un point de fait qui méritait d'être rappelé.
Au fond, nous devons concilier deux exigences qui, contrairement aux
apparences, me paraissent effectivement conciliables.
Il y a d'abord l'exigence de la productivité, et elle est infiniment
respectable : les producteurs de médicaments, qui financent des recherches, qui
prennent des risques en mettant des produits nouveaux sur le marché sont
effectivement tout à fait rescpectables. Cependant, cette exigence de
productivité les conduit à demander une irresponsabilité de principe que je
crois nocive.
Car, en face, il y a l'exigence de sécurité, qui est tout aussi respectable,
et qui suppose que soit maintenu un principe de responsabilité.
La loi ne peut pas prévoir qu'on ne sera pas responsable de ce qu'on ne savait
pas. Vous ne pouvez pas écrire cela ! Vous ne pouvez poser un tel principe dans
une société qui est à la fois humaniste et fondée sur la liberté de produire.
Vous ne pouvez pas autoriser un producteur à dire : « Je suis responsable de
tout ce que je sais mais, si je mets sur le marché un produit, et qu'on
s'aperçoit ensuite qu'il y a des problèmes, alors que je ne pouvais pas le
savoir, je ne suis pas responsable. » On ne peut poser un tel principe
d'irresponsabilité. Il y aurait là, permettez-moi de vous le dire, quelque
chose de profondément choquant. D'ailleurs, un adage latin disait déjà la même
chose, et c'est encore plus vrai à notre époque.
Mais, allez-vous me demander, que vont, alors, devenir les producteurs ?
Je vous répondrai que cela fait des dizaines d'années que c'est comme cela.
Or, jusqu'à nouvel ordre, les producteurs produisent et innovent.
Et ils sont assurés ! Ici même, j'ai demandé à l'un de nos collègues de
prouver qu'il n'y avait pas d'assurance, il en a été incapable ! Certes, les
assureurs disent que viendra un moment où ils ne pourront plus couvrir ; mais,
pour le moment, ils couvrent.
La solution, en vérité, monsieur Fourcade - et je m'adresse ici au responsable
de l'économie que vous avez été et que vous restez - réside dans un système
d'assurance à l'image de celui qui existe pour les accidents de la route ou
pour d'autres risques : on reste en principe responsable du risque que l'on a
créé mais ce risque est couvert par l'assurance.
Dès lors que le risque est couvert, on peut continuer d'innover tout en
conservant - ce qui est quand même souhaitable du point de vue pédagogique - ce
principe moral de responsabilité, qu'on ne saurait effacer. Simplement,
l'assurance fournit le moyen économique d'y faire face.
Autrement dit, il ne faut pas écarter ce principe de responsabilité, sachant
qu'il sera couvert par l'assurance.
Et, si les assureurs ne peuvent effectivement pas couvrir, eh bien, on fera ce
que l'on a tourjours fait en France : on rendra l'assurance obligatoire. On l'a
fait il y a un siècle et demi pour les accidents du travail : c'est la bonne
comparaison. Une entreprise est responsable des accidents du travail, mais elle
est couverte par l'assurance, sauf en cas de faute lourde. C'est exactement le
genre de système qui pourrait être appliqué aux médicaments.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Vous plaidez contre
l'article 12 que vous avez accepté, monsieur le rapporteur !
M. le président.
Monsieur Fourcade, je vous prie de ne pas interrompre M. le rapporteur, que
nous écoutons déjà depuis douze minutes, afin qu'il nous fasse connaître l'avis
de la commission.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Mais, monsieur Fourcade, nous ne sommes pas, avec l'article
12, dans un principe d'irresponsabilité !
Je conclus sur la discrimination pour indiquer que les produits de santé
présentent effectivement des différences de fait et de droit avec les autres
produits.
Dans les faits, leur consommation peut avoir des conséquences infiniment plus
graves. On aurait d'ailleurs pu dire la même chose à propos des produits
alimentaires, c'est vrai ; nous l'avions souhaité mais nous n'avons pas été
suivis.
Cela étant, les produits de santé créent des risques d'une nature totalement
différente des risques que peuvent engendrer une gazinière ou je ne sais quel
appareil de télévision !
En droit, il est normal que les obligations qui s'attachent à la santé soient
plus lourdes. En effet, que promet un hôpital ou un producteur de médicaments ?
Il promet la santé ! Il vous donne au moins à penser qu'il va améliorer votre
état de santé. Si, au contraire, il la compromet, il est évident que sa
responsabilité est plus aiguë. Promettre une amélioration de la santé, ce n'est
tout de même pas la même chose que de vendre n'importe quel produit !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
C'est une
discrimination !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Non, il s'agit d'une différence fondée sur des faits et sur
des principes moraux de responsabilité. Parce que, quand on promet la santé, il
faut tout de même éviter de la compromettre !
M. Charles Descours.
Heureusement que vous êtes juriste et que vous n'êtes pas médecin !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Mettez-vous à la place de la victime : elle a tout de même
plus spécialement confiance en celui qui vient la soigner qu'en quelqu'un qui
circule sur la route, par exemple. Il est donc assez normal que l'obligation de
précaution et de sécurité soit plus grande dans les activités dont la mission
est précisément de veiller à notre santé.
Encore une fois, je reconnais que, dans un certain nombre d'hypothèses, cela
peut se révéler trop lourd, voire insupportable. Dès lors, la seule solution,
ce sera l'assurance obligatoire, de type allemand, dans laquelle l'Etat devra
apporter sa contribution.
M. Guy Cabanel.
C'est mon amendement !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
C'est la conclusion que je souhaite voir donner à cette
affaire, mais à condition qu'il n'y ait pas exonération de responsabilité.
M. le président.
Dois-je déduire de vos explications, monsieur le rapporteur, que vous êtes
défavorable aux amendements n°s 2 et 3 ?
(Rires.)
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Excusez-moi d'avoir été si peu clair, monsieur le président
!
(Sourires.)
M. le président.
Vous admettrez que, après certain temps, on finit par ne plus très bien savoir
de quoi il est question.
D'ailleurs, je me permets de vous demander, si vous souhaitez que les trois
textes inscrits à l'ordre du jour soient examinés avant ce soir, de vous
efforcer de formuler vos avis de manière un peu plus concise.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 2 et 3 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je pense pouvoir être brève, car M. Fauchon vient, avec
une très grande éloquence, d'exposer des arguments que je partage.
En effet, les critiques de MM. Hyest et Fourcade ne me paraissent pas
fondées.
A les écouter, on a quelquefois le sentiment qu'il s'agirait là d'un texte à
la fois absurde, discriminatoire, incohérent, dangereux et injuste. Cela fait
beaucoup !
Je le répète, ce texte ne bouleverse en rien nos règles juridiques ; il vise
seulement à inscrire dans notre législation ce qui constitue déjà aujourd'hui
la réponse de notre droit. Personne ne comprendrait que ce texte marque une
régression par rapport à l'état actuel de ce droit.
Certes, monsieur Fourcade, il appartient au législateur de changer la
législation s'il l'estime nécessaire, mais, en l'occurrence, je ne le lui
conseille pas, s'agissant de garanties qui sont apportées depuis longtemps, qui
sont affirmées dans le code civil et confirmées par la jurisprudence, car il
s'agirait d'un retour en arrière.
Par ailleurs, l'état de notre droit n'a pas les conséquences néfastes que vous
semblez craindre : le secteur de la recherche médicale n'a pas été sacrifié,
les fabricants de médicaments et de dispositifs médicaux poursuivent leurs
activités dans des conditions de compétitivité que personne ne conteste et que
nous saluons.
Bien entendu, ce texte n'est pas absurde. En effet, au regard du droit
communautaire - la Commission a été très claire à ce sujet - les éléments du
corps humain et les produits qui en sont issus constituent des produits au sens
de la directive. C'est la raison pour laquelle la France a établi, en 1996, un
mémorandum demandant qu'ils soient exclus.
Il n'est pas non plus discriminatoire, car les produits du corps humain et les
produits de santé présentent une spécificité certaine par leur origine, leur
nature, leur destination et les risques sériels qu'ils peuvent générer. Nous en
avons malheureusement fait la triste expérience ces dernières années.
Pour ces produits, le risque zéro n'existe pas et l'ampleur des préjudices
auxquels ils peuvent donner lieu - qu'on songe aux drames que la France a
connus au cours de ces dernières années - donne une dimension sociale
particulière à la question que pose à leur égard l'exonération pour risque de
développement.
C'est pourquoi il y a lieu de les distinguer des autres produits
industrialisés destinés à la consommation courante.
Il est exact que, d'une part, les pouvoirs publics délivrent pour les
médicaments des autorisations de mise sur le marché et que, d'autre part, les
producteurs ne peuvent invoquer la cause d'exonération tirée du risque de
développement pour les produits de santé.
Mais c'est parce que, pour les produits de santé, le risque zéro n'existe pas,
comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, qu'il est nécessaire tout à la fois
de les soumettre à un mécanisme préventif et, pour le cas où un vice
indécelable viendrait à se révéler postérieurement à cette mise sur le marché,
à une obligation de sécurité totale.
J'ajoute que l'Etat n'entend nullement fuir ses responsabilités.
Je rappelle que la proposition de loi relative au renforcement de la veille
sanitaire, que le Gouvernement a approuvée, accroît encore le devoir de
vigilance des pouvoirs publics. Il n'y a aucune volonté de désengagement de
l'Etat sur ce point, pas plus qu'il n'y en a pour l'indemnisation de l'aléa
thérapeutique, sur laquelle - je tiens à le répéter devant M. le secrétaire
d'Etat à la santé, qui partage cette position - le Gouvernement réfléchit
actuellement en prenant en compte l'ensemble des éléments du problème, y
compris les difficultés d'une couverture assurantielle.
En résumé, ce texte ne met pas en danger la recherche, puisqu'il confirme un
état du droit qui n'a en rien empêché le développement de la recherche ni
entravé la compétitivité de nos entreprises ces dernières années.
Par ailleurs, le texte de la transposition concernera non pas l'indemnistion
mais bien la responsabilité.
Quant à la question de savoir qui paiera, c'est-à-dire la question de
l'indemnisation, elle devra en effet être posée. Il nous faut effectivement
engager, s'agissant des risques sériels et de l'aléa thérapeutique, une
réflexion relative à l'indemnisation.
Voilà pourquoi j'estime infondées les critiques qui ont été formulées et,
comme votre commission des lois vous y invite, je vous demande de rejeter les
amendements n°s 2 et 3.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 2 et 3.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole contre les amendements.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce débat a quelque chose de suréaliste dans la mesure où il ne s'agit, si
j'ose dire, que de la transcription d'une directive, le droit interne restant,
cela a été rappelé, le même pour les demandeurs qui se placeraient sur ce
terrain-là.
Mais il y a effectivement des questions de principe qui sont intéressantes et
qui sont posées par l'amendement de notre collègue Hyest ainsi que par celui,
non pas du président Fourcade, mais de la commission des affaires sociales,
laquelle, je le souligne au passage, n'était nullement saisie, fût-ce pour
avis. Je pense que la commission des lois se réserve d'adopter des amendements
dans des affaires qui relèveront de la seule commission des affaires
sociales...
Le président Fourcade nous dit que les magistrats de la Cour de cassation font
de la médecine et que, quand bien même ils seraient très savants, ce n'est pas
leur rôle. On a vu, aujourd'hui, suffisamment de médecins faire du droit pour
que cela n'ait rien de choquant !
En vérité, les uns et les autres font leur travail : les magistrats lorsqu'ils
tranchent les litiges qui leur sont soumis et les parlementaires lorsqu'ils
s'occupent, alors qu'ils sont juristes, de médecine ou, alors qu'ils sont
médecins, de droit.
Le président Fourcade nous dit aussi qu'il y aurait modification du code
civil. Vous savez bien, monsieur le président de la commission des affaires
sociales, que c'est inexact. Il y aurait, par l'article que vous combattez, une
modification d'un article du code civil qui n'existe pas actuellement mais qui
va y être introduit par l'article 12 de la proposition de loi, qui a été voté
conforme.
« Ce ne sont pas les juges qui doivent faire la loi », avez-vous répété deux
fois. Nous en sommes d'accord. Mais ce n'est pas, en tant que telle, la
jurisprudence qui est invoquée. Ce sont des principes de droit qui le sont, et
eux doivent être respectés non seulement par les juges mais également par le
législateur lorsque ce sont, ce qui est le cas ici, des principes
fondamentaux.
Ces principes fondamentaux, c'est la responsabilité de la faute, c'est la
responsabilité du fait des choses et c'est la responsabilité du risque créé.
C'est tout cela qui fait que le droit doit rester le même en ce qui concerne,
précisément, les médicaments et les produits du corps.
Vous nous objectez que, pour les autres produits, l'article 12 admet cette
exonération. Je le regrette et je déplore, pour dire le fond de ma pensée, que
le Gouvernement n'ait pas déposé un amendement à l'article 12 plutôt que de
proposer un article 12
bis.
Mais est-ce parce que nous avons fait une bêtise à moitié qu'il faut
aujourd'hui la faire entièrement ? Je ne le crois pas ! C'est pourquoi je pense
qu'il faut, en effet, ne pas voter les amendements n°s 2 et 3.
Cela étant, le problème de l'aléa thérapeutique est évidemment posé, et il est
dommage que la commission des affaires sociales, depuis qu'elle a connaissance
de ce problème, ne nous ait pas proposé quelque texte de loi ; nous l'aurions
examiné avec grand plaisir !
Sur ce point, nous aurons à examiner tout à l'heure deux amendements.
Celui de notre collègue Guy Cabanel vise à instaurer une responsabilité
partagée - il a bien voulu tenir compte de mon observation en évoquant
maintenant une responsabilité solidaire - entre l'Etat et le fabricant. Je
trouve que c'est une très bonne idée.
L'amendement de nos collègues Marcel Charmant et François Autain tend à ce
que, au moins, le Gouvernement présente un rapport sur cette question. Mme le
garde des sceaux nous a dit que le Gouvernement y travaillait, et cela nous
laisse espérer que le Gouvernement acceptera tout à l'heure cet amendement.
M. Charles Descours.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Monsieur le rapporteur, vous souhaitez une logique assurantielle. D'accord !
Mais il faut savoir que lorsqu'un médicament vaut 100 en France, il vaut 148 en
Allemagne ! Le rapporteur de la loi de financement de la sécurité sociale vous
dit donc ceci : aujourd'hui, nous ne pouvons pas avoir une logique
assurantielle et augmenter de 48 % le prix des médicaments.
(M. Jean
Chérioux applaudit.)
Autrement dit, cet argument ne tient pas.
Parce que, comme vous l'avez dit, madame le garde des sceaux, le risque zéro
n'existe pas, parce que nous avons proposé depuis longtemps et sous tous les
gouvernements des textes sur l'aléa thérapeutique qu'aucun gouvernement n'a
voulu suivre - non pas le ministre de la santé, mais le ministre des finances -
parce que - je suis médecin et je ferai de la médecine, et non du droit,
monsieur Dreyfus-Schmidt - des malades meurent actuellement du cancer et que
des séquences thérapeutiques nouvelles ainsi que de nouveaux médicaments seront
nécessaires, parce que des enfants naissent aujourd'hui avec des maladies
génétiques et qu'il faudra recourir à la thérapie génique pour les guérir,
parce qu'il faudra prendre, pour tous ces malades, des risques thérapeutiques
en ayant apprécié le rapport bénéfice-risque et parce que la grandeur du
thérapeute est de prendre des risques pour guérir un malade, je vous demande,
mes chers collègues, de voter les amendements de suppression.
(Très bien !
et applaudissements sur les travées du RPR. - M. Bimbenet applaudit
également.)
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je ferai trois
observations.
D'abord, je dirai à mes collègues socialistes que je voterai l'amendement qui
prévoit que le Gouvernement devra déposer un rapport sur l'aléa thérapeutique.
Je réponds au passage à M. Dreyfus-Schmidt que si la commission des affaires
sociales n'a jamais déposé de texte, c'est parce que nous n'avons obtenu
l'accord d'aucun gouvernement sur le problème du financement. Or, s'agissant
d'une affaire aussi importante, il est sérieux d'obtenir d'abord un accord sur
les mécanismes de financement avant de se lancer dans un grand texte sur le
problème de l'aléa thérapeutique.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vous inversez les choses !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
C'est ce qui
différencie le travail de commission. Il nous paraît important d'avoir des
arrières assurés, de savoir qui paiera et comment.
Ensuite, je dirai à Mme la ministre que son information est hélas ! un peu
insuffisante. En effet, il n'y a jamais eu de décision jurisprudentielle sur le
risque de développement concernant des médicaments.
Il y en a eu sur les produits sanguins, M. Huriet et vous-même les ont
rappelées. Par conséquent, affirmer aujourd'hui qu'il ne s'agit que de
transposer dans le code civil, sous forme d'un article additionnel, ce qui
existe dans la jurisprudence, s'agissant des médicaments, ce n'est pas exact,
madame la ministre. Il faut donc revenir à la réalité : il y a eu des décisions
jurisprudentielles pour les produits sanguins, il peut y en avoir pour les
produits du corps humain parce que, dans ce domaine, la technologie est un peu
balbutiante, mais il n'y en a jamais eu pour les médicaments.
Enfin, l'adoption par le Parlement de l'ensemble de l'article 12, qui permet
au producteur de s'exonérer de la responsabilité lorsqu'il peut prouver que
l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment où il a mis le
produit sur le marché ne permettait pas de déceler l'existence d'un défaut, est
un acte consensuel entre les deux assemblées. Aussi, cet ajout - M.
Dreyfus-Schmidt a parlé de bêtise - serait saugrenu.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
La bêtise, c'est l'article 12 !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
En effet, il serait
absurde d'ajouter un article visant à préciser que les produits de santé ne
seront pas concernés. En effet, les produits de santé sont les seuls - M.
Descours l'a dit et Mme la ministre vient de le confirmer - pour lesquels le
risque zéro n'existe pas. Si on devait prévoir un refus d'exonération, ce ne
serait sûrement pas pour les produits de santé puisque, dans ce domaine, le
risque zéro n'existe pas.
Un tel montage paraît étonnant eu égard à la situation actuelle. Aussi, je
vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir voter les amendements de
suppression.
(Très bien ! Et applaudissements sur les travées du
RPR).
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Perseverare diabolicum
!
M. Charles Descours.
Mieux vaut fabriquer des petits pois que des médicaments !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je dirai à M. Fourcade qu'un arrêt de la Cour de
cassation en date du 3 mars 1998 et concernant les médicaments confirme que
l'on ne peut se dégager de la responsabilité même lorsque le risque
thérapeutique n'est pas évident au départ. Il existe donc bien d'ores et déjà
une jurisprudence, y compris pour les médicaments.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Il faudra qu'on la
lise !
M. Claude Huriet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
J'ai fait référence, dans mon intervention, à l'arrêt Léo du 3 mars 1998. Or,
madame le ministre, je l'ai dit, et le confirme : cet arrêt ne concerne pas le
risque de développement. Il traite d'une affaire qui met en cause l'enveloppe
d'un médicament, et non pas son principe actif. Il ne s'agit pas d'une simple
nuance juridique, reconnaissez-le. Aussi, la référence à la jurisprudence dont
vous vous prévalez n'est pas fondée.
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Voilà pourquoi votre fille est muette !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 2 et 3, repoussés par la
commission et par le Gouvernement.
M. Robert Pagès.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(Les amendements sont adoptés.)
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Tant pis pour les victimes !
(Exclamations sur plusieurs
travées du RPR.)
M. Charles Descours.
Je vous souhaite de ne pas avoir un cancer !
M. le président.
Par amendement n° 6 rectifié, M. Cabanel propose d'insérer, après le dernier
alinéa du texte présenté par l'article 12
bis
pour l'article 1386-11-1
du code civil, un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le dommage a été causé par l'un des produits de santé, dont l'Etat a
autorisé la mise en circulation, la responsabilité est solidairement partagée
entre le producteur et l'Etat. »
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Cet amendement fait suite aux arguments que j'ai développés lors de mon
intervention dans la discussion générale.
Il s'agit de tenir compte de la situation française, qui est un peu
particulière de par un encadrement très fort de la mise sur le marché. En
effet, l'autorisation de mise sur le marché est accordée après un certain
nombre d'expertises qui se terminent par l'expertise clinique permettant de
juger des effets du médicament sur le malade. J'ai été amené à penser que, dans
le cas de l'apparition d'un phénomène secondaire fâcheux au cours du
développement, la responsabilité devait être partagée entre l'Etat, qui délivre
l'autorisation de mise sur le marché et qui contrôle le système de
pharmacovigilance, et le producteur.
Par conséquent, je propose, par mon amendement, d'insérer un alinéa ainsi
rédigé : « Lorsque le dommage a été causé par l'un des produits de santé, dont
l'Etat a autorisé la mise en circulation, la responsabilité est solidairement
partagée entre le producteur et l'Etat. » Dans la première version de mon
amendement, j'avais retenu le principe d'une responsabilité « à part égales »,
mais notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt m'a suggéré que l'adverbe «
solidairement » correspondait à une réalité juridique plus souple, ce qui
permettra d'engager une discussion et de laisser une place à la jurisprudence
quant aux responsabilités des uns et des autres. Il s'agit d'une formule
intermédiaire : elle est moins dangereuse que celle qui prévoyait précédemment
la non-exonération de responsabilité, mais elle engage à la fois l'Etat et le
producteur.
Je reconnais qu'il peut y avoir des objections...
M. Charles Descours.
Oui !
M. Guy Cabanel.
... mais cette voie me semble correspondre à la philosophie de la gestion du
médicament en France, régulièrement contrôlée pour ce qui est de l'autorisation
de mise sur le marché, régulièrement suivie pour ce qui est de la
pharmacovigilance et aussi contrôlée quant au prix, car notre système, qui n'a
pas la souplesse du système allemand, monsieur le rapporteur, ne nous permet
pas de répercuter le coût d'une assurance sur le prix du médicament.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission émet un avis défavorable. Certes, il y a là une
idée intéressante ; j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises.
Cependant, encore une fois, il s'agit de transposer une directive visant à
créer une voie spéciale de mise en cause de la responsabilité du fait des
produits. Aussi, on ne peut, à cette occasion, introduire une disposition
peut-être fondée, mais qui est tout à fait étrangère à la directive et qui, de
surcroît, heurte une disposition expresse du code de la santé publique ; je
veux parler de l'article L. 601, dont le dernier alinéa dispose : «
L'accomplissement des formalités prévues au présent article n'a pas pour effet
d'exonérer le fabricant ou, s'il est distinct, le titulaire de l'autorisation
de mise sur le marché de la responsabilité que l'un ou l'autre peut encourir
dans les conditions du droit commun en raison de la fabrication ou de la mise
sur le marché du médicament ou produit. »
Sauf à avoir deux dispositions contradictoires, il faudrait donc envisager la
modification de ce texte, mais c'est une tout autre démarche. La commission a
considéré que l'on ne pouvait, à l'occasion de la transposition d'une
directive, aborder une question dont la portée est aussi grande.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais cet amendement est hélas ! tombé, puisque l'article 1386-11-1 du code
civil a été supprimé.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je suis défavorable à cet amendement, pour plusieurs
raisons.
D'abord, il conduit, par le jeu des recours, à une exonération partielle du
producteur en raison du fait d'un tiers, en l'occurrence l'Etat qui autorise la
mise sur le marché du médicament. Or, l'article 8 de la directive, auquel il ne
saurait être dérogé sous peine de transposition inexacte, dispose expressément
que la responsabilité du producteur n'est pas réduite lorsque le dommage est
causé conjointement par un défaut du produit et par intervention d'un tiers.
Ensuite, toujours en méconnaissance des règles de la directive, cet amendement
introduit une ambiguïté sur la nature de l'autorisation de mise sur le
marché.
La directive dispose expressément, dans son article 7, que le producteur est
exonéré si le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles
impératives émanant des pouvoirs publics. Dès lors, de deux choses l'une : ou
bien l'Etat prescrit des règles impératives et l'exonération est totale, ou
celles-ci ne le sont pas et l'exonération est impossible.
Par ailleurs, cet amendement pourrait se voir opposer l'article 40 de la
Constitution.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est sûr !
M. le président.
L'article 40 de la Constitution est-il applicable, monsieur Chaumont ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais l'amendement n° 6 rectifié est tombé puisqu'il n'y a plus d'article
1386-11-1 du code civil !
M. Guy Cabanel.
Non ! Il reste la dernière phrase !
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, quand vous présiderez, vous ferez comme vous voudrez
! Pour l'instant, je demande à la commission des finances de se prononcer sur
l'applicabilité de l'article 40 de la Constitution.
M. Jacques Chaumont,
au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaires et des comptes
économiques de la nation.
L'article 40 est applicable, monsieur le
président.
M. le président.
L'article 40 étant applicable, l'amendement n° 6 rectifié n'est pas
recevable.
Par amendement n° 1, MM. Huchon, Machet, Moinard et Barraux proposent de
compléter
in fine
le texte présenté par l'article 12
bis
pour
l'article 1386-11-1 à insérer dans le code civil par un alinéa ainsi rédigé
:
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux producteurs
de matières agricoles rendues impropres à la consommation du fait des dommages
écologiques, environnementaux ou sanitaires causés par un tiers. »
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet.
Le Parlement a souhaité, lors du vote en première lecture de la proposition de
loi relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, inclure les
produits agricoles non transformés dans le champ d'application de la
responsabilité sans faute, à l'instar de la proposition de la Commission
européenne dans le cadre de la révision de la directive 85/374 prévue pour
1998.
Cette décision est étroitement liée à la perte de confiance des consommateurs
dans la sécurité des denrées alimentaires.
Les organisations professionnelles agricoles nationales et européennes ont, à
plusieurs reprises, souligné, au cours des dernières années, que la sécurité
des denrées alimentaires est un objectif prioritaire pour le secteur
agricole.
La sécurité des denrées alimentaires doit constituer la base du droit
alimentaire en France comme dans l'Union européenne. Par ailleurs,
l'hamonisation des dispositions en matière de responsabilité entre les
différents secteurs économiques et entre les différents pays d'Europe peut en
soi contribuer de façon positive à la prévention des risques encourus par les
consommateurs et créer des conditions de concurrence égales au sein de l'Union
européenne.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je ferai deux observations. D'abord, je le répète, il s'agit
de transposer une directive. Or cette directive ne prévoit pas ce type de
disposition. Il n'est donc pas possible, sauf à s'exposer à des procès en
manquement qui risquent de nous coûter très cher, d'introduire un tel
dispositif. J'ai rappelé qu'il y a trois options. On prend ou on ne prend pas
les produits agricoles, mais une fois qu'on les a pris on ne peut introduire
cette idée qui, en la circonstance, correspond, je le reconnais volontiers, à
un véritable problème. Mais lorsque le problème se posera - hélas ! ce n'est
pas une hypothèse gratuite - le cas de force majeure pourra être invoqué pour
éviter la responsabilité. C'est bien une circonstance de force majeure,
extérieure, imprévisible et irrésistible à laquelle pensent les auteurs de
l'amendement.
Une solution existe donc dans notre droit classique, jurisprudendentielle, je
l'avoue, mais qui est tout de même assez efficace et qui répondra à la
préoccupation des auteurs de l'amendement. D'ailleurs, peut-être ces derniers
pourraient-ils - car je regretterais qu'un vote négatif ne soit émis sur cet
amendement - retirer ce dernier. Cette solution serait préférable car,
incontestablement, cet amendement traite d'un véritable problème qui, je le
répète, s'il ne peut être résolu dans le cadre de la directive, pourra trouver
une solution dans les mécanismes de ce que l'on appelle la force majeure.
M. le président.
L'amendement n° 1 est-il maintenu, monsieur Machet ?
M. Jacques Machet.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt M. le rapporteur, et j'espère que, comme
il l'a laissé entendre, on pourra un jour répondre au souhait formulé dans cet
amendement. Je compte sur lui pour que nous avancions dans ce sens, et je
retire donc l'amendement n° 1.
M. le président.
L'amendement n° 1 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, l'article 12
bis
modifié.
(L'article 12
bis
est adopté.)
Article additionnel après l'article 12
bis
M. le président.
Par amendement n° 5, MM. Charmant et Autain, les membres du groupe socialiste
et apparentés proposent d'insérer, après l'article 12
bis
, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Un rapport sur le droit de la responsabilité et de l'indemnisation
applicable à l'aléa thérapeutique sera déposé par le Gouvernement sur les
bureaux des deux assemblées avant le 31 décembre 1998.
« Il aura notamment pour objet de préciser les conditions d'application de
l'article 12 aux produits issus du corps humain ou à tout autre produit de
santé destiné à l'homme à finalité préventive, diagnostique ou thérapeutique.
»
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Je voudrais, à titre personnel, me réjouir de l'adoption par le Sénat des deux
amendements de suppression présentés respectivement par M. Hyest et par M.
Fourcade.
Je regrette que mes obligations de questeur délégué ne m'aient pas permis de
participer à ce débat très enrichissant ; j'espère bien néanmoins le compléter
en défendant cet amendement n° 5, dont l'un des objets est de permettre à
l'opinion publique de bien comprendre les décisions prises aujourd'hui.
Toutes les raisons ayant conduit le Sénat à maintenir la cause d'exonération
pour risque de développement ont été parfaitement exposées par les uns et les
autres.
Il n'en reste pas moins que vous avez tous été d'accord pour considérer qu'il
y avait, au vu de la jurisprudence actuelle, de l'évolution des techniques de
production des produits de santé comme de celle de l'opinion publique, à
répondre définitivement à la question de savoir s'il convient ou non de doter
la France d'une législation particulière sur l'aléa thérapeutique.
On ne peut pas contester le lien entre l'aléa médical et le risque de
développement, comme plusieurs des intervenants l'ont fait remarquer. Mieux,
dirais-je, il s'est instauré un mécanisme d'indemnisation de l'aléa médical :
l'exonération du risque de développement devient de ce fait d'autant plus
envisageable.
S'il nous est donc apparu plus prudent pour la France de ne pas écarter la
cause sans avoir défini parallèlement un régime particulier de prise en charge
de l'aléa thérapeutique, il semble en revanche indispensable de réfléchir à
l'opportunité de la définition d'un tel régime. Il n'est pas sûr qu'une loi
soit absolument nécessaire.
Il convient donc d'engager sur ce point une réflexion très attentive. C'est à
cette dernière qu'invite l'amendement n° 5 que j'ai déposé conjointement avec
mon collègue et ami Marcel Charmant : nous demandons au Gouvernement de
présenter avant le 31 décembre prochain un rapport faisant le point sur cet
important sujet. Si loi il doit y avoir, ce rapport devra le dire, et le
Gouvernement devra alors nous proposer un texte dans les meilleurs délais.
Tel est donc, rapidement défendu, l'objet de l'amendement que je demande au
Sénat de bien vouloir adopter.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission a considéré que cet amendement présentait un
intérêt réel, sous réserve de la proximité de la date proposée. Mais le vote
intervenu tout à l'heure risquant d'être plutôt défavorable aux victimes, comme
je me suis permis de le dire, il devient encore plus urgent d'organiser les
choses de manière satisfaisante pour tout le monde. Néanmoins, la commission
souhaite, avant de se prononcer, connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je comprends tout à fait le souci des auteurs de
l'amendement.
Je l'ai dit tout à l'heure : la question de la responsabilité du fait des
produits défectueux ne se confond pas avec celle de l'aléa thérapeutique, et il
est certain que se pose, dans l'un et l'autre cas, la question de
l'indemnisation de dommages dus à ces médicaments et à des dispositifs
médicaux.
C'est une question particulièrement délicate sur laquelle l'opinion publique
est à juste titre sensibilisée.
Je l'ai indiqué et je le répète : le Gouvernement réfléchit actuellement à ce
problème et ne peut que partager le souhait des auteurs de l'amendement de voir
diffuser la plus large information en la matière.
Je ne suis donc nullement opposée à ce qu'un débat ait lieu devant le
Parlement, avec des échéances précises.
Cependant, j'observe que la disposition qu'introduirait cet amendement ne
présente aucun caractère normatif, et, sur ce point, la jurisprudence du
Conseil constitutionnel est sans ambiguïté. C'est la raison pour laquelle on
pourrait s'interroger sur l'utilité d'inscrire formellement dans la loi le
principe d'un débat, principe sur lequel le Gouvernement, comme vous l'avez
compris, est tout à fait prêt à s'engager.
Cette réserve juridique et formelle étant formulée, je m'en remets à la
sagesse de la Haute Assemblée.
(Très bien ! sur les travées
socialistes.)
M. le président.
Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5.
M. Charles Descours.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Madame le ministre, nous avons assez bataillé depuis un moment pour que nous
vous remerciions de l'ouverture d'esprit que vous manifestez sur ce point.
Les auteurs de l'amendement proposent qu'un rapport soit présenté par le
Gouvernement. Je suis prêt à voter ce texte, considérant néanmoins que le délai
fixé est très court. Je me demande si l'on ne pourrait pas retenir la date du
30 juin 1999.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vous êtes plus royaliste que le roi !
M. Charles Descours.
Très bien ! Je vous fais néanmoins remarquer que, d'ici au 31 décembre
prochain, le délai, compte tenu des vacances, est très court. Mais, puisque
tout le monde maintient la date, je voterai l'amendement en l'état.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Le Gouvernement ne prend pas de vancances !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 12
bis.
Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la
deuxième lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la
parole à M. Jean-Louis Lorrain, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si le
Parlement s'engageait dans la voie retenue par l'Assemblée nationale, il
contribuerait à décourager la recherche médicale. En faisant des industriels de
santé les seuls responsables des conséquences du progrès lorsqu'elles sont
dommageables, ce texte incite les investisseurs à orienter leurs financements
vers d'autres secteurs que celui de la santé, et les industriels de la santé à
adopter des attitudes attentistes face aux nouvelles maladies, aux maladies
graves,
a fortiori
si elles sont rares.
Cette approche, j'en conviens, n'aide pas à construire un droit théorique.
Mais, quelles innovations rencontrera-t-on demain pour soigner les maladies
rares ? Aucune. En effet, non seulement le marché est étroit, mais tous les
bénéfices peuvent être perdus en cas de dommage, même si ce dernier ne peut
être anticipé compte tenu des connaissances scientifiques.
Je ne crois pas que notre recherche pharmaceutique soit au beau fixe et
bénéficie des conditions les plus favorables. Notre position n'est pas des plus
enviables : même si nous sommes en dixième ou en douzième position mondiale, il
y a sans doute d'autres choses à faire.
Et quelle innovation rencontrera-t-on demain pour soigner des maladies très
répandues ? Aucune non plus, car, si les perspectives de gains sont massives
pour l'industrie dans un tel cas, on ne peut demander à un industriel de jouer
la survie de son entreprise à quitte ou double à chaque fois qu'il met un
médicament sur le marché. En effet, vous le savez bien, un industriel ne peut
s'assurer contre un risque qui est non prévisible et dont les conséquences
peuvent être aussi massives.
Nous pensons donc qu'il existe, en l'état, un frein à la recherche, de fausses
garanties pour les victimes. Ce texte, s'il est adopté par l'Assemblée
nationale, cumulera un certain nombre d'inconvénients.
Nous pensons tout de même que la position du Sénat sera largement défendue en
commission mixte paritaire. Simplement, nous n'aimerions pas que notre
exception française passe par une singularisation, qui semble quelquefois nous
autojustifier.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous avions,
en première lecture, voté contre cette proposition de loi, pour des raisons que
j'ai déjà rappelées dans mon intervention générale.
Le texte avait été, selon nous, amélioré par l'Assemblée nationale, mais le
Sénat vient de le ramener à son état précédent.
Logiquement, nous émettrons donc un vote négatif.
M. le président.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, à l'issue de
cette discussion, la situation est la suivante : nous sommes revenus au régime
d'exonération par l'adoption de deux amendements de suppression et le
dispositif a été complété par l'amendement de MM. Charmant et Autain, un
rapport gouvernemental présenté en fin d'année devant nous permettre de savoir
si nous allons vers un projet de loi sur l'aléa thérapeutique et peut-être de
déterminer plus clairement comment les produits de santé peuvent s'inscrire
dans cette démarche.
L'essentiel est donc fait. Nous avons essayé de traduire la directive dans la
législation française. Nous l'avons fait plus ou moins parfaitement, parce que
le texte n'est peut-être pas tel que certains d'entre nous l'auraient
souhaité.
Je voudrais souligner que le système du médicament en France est d'une telle
originalité que nous ne pouvons pas forcément répondre par oui ou par non à
certaines propositions de l'Union européenne. J'aimerais apporter quelques
explications à cet égard.
Je regrette que M. Kouchner ait dû quitter le Sénat, car j'aurais aimé
expliquer devant lui un problème qui est d'une brûlante actualité.
Le Gouvernement a eu le courage, dans l'affaire de la vaccination contre
l'hépatite B, malgré les rumeurs, malgré la constatation de certains cas de
troubles neurologiques dégénératifs, de décider de poursuivre la campagne de
vaccination, au nom d'un principe de santé publique, c'est-à-dire pour protéger
le plus grand nombre. Nous savons d'ailleurs que certaines vaccinations,
autrefois, ont entraîné quelques troubles. Nous l'acceptions. Les médecins, de
même, l'acceptaient, parce qu'ils n'ont jamais connu la sécurité du risque
zéro, contrairement à ce que l'on a pu dire. Aujourd'hui, les populations
l'acceptent moins.
Je souhaite soulever une question à cet égard.
Au cours des trois premières années, le vaccin contre l'hépatite B était
d'origine plasmatique : on aurait donc pu concevoir que quelques protéines
plasmatiques entraînent certains troubles. Aujourd'hui, le produit est fabriqué
par génie génétique, et nous avons donc la garantie presque absolue de
l'absence d'impuretés. Et M. Kouchner a proposé très justement que des enquêtes
épidémiologiques soient réalisées par les différents organismes dont l'Etat
dispose pour assurer, par des voies tout à fait légales, la pharmaco-vigilance
et le contrôle de l'évolution de l'utilisation des médicaments.
Toutefois, je pose la question. Nous avons aujourd'hui exonéré le producteur,
même si nous ne savons pas trop ce qui se passera dans l'avenir. Mais si,
demain, les études épidémiologiques, et je ne le souhaite pas, montraient qu'il
existe un réel trouble, si les cas de phénomènes dégénératifs nerveux constatés
devenaient plus nombreux qu'on ne l'imaginait, qui serait responsable ? La
firme de génie génétique productrice aurait-elle à répondre d'une décision qui
aura été prise par les instances de santé publique ? Je dis cela simplement
pour que l'on prenne conscience de la complexité du système du médicament.
On nous a proposé une politique du médicament. Nous serons heureux qu'elle
soit appliquée. Pour l'instant, elle vise à des accords de production,
d'encadrement des prix ; mais le débat d'aujourd'hui nous fait toucher du doigt
combien l'aléa médicamenteux, qui s'inscrit dans l'aléa thérapeutique, est
complexe.
Pour ma part, je me réjouis de l'adoption de l'amendement de mes collègues MM.
Autain et Charmant car, à la fin de l'année, il nous faudra avoir un vrai
débat. Aujourd'hui, nous n'avons malheureusement pas résolu le problème. Le
Sénat a procédé par soustraction, en supprimant une partie de l'article 12
bis
, mais rien n'est véritablement tranché.
Je voterai tout de même le texte tel que le Sénat a fini par l'élaborer.
M. le président.
La parole est à M. Louis Boyer.
M. Louis Boyer.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous savons
tous que la transposition en droit interne de la directive communautaire du 25
juillet 1985 est impérieuse, puisque la France est susceptible d'encourir des
astreintes quotidiennes dont le montant peut atteindre 4 millions de francs.
L'adoption de cette proposition de loi s'impose donc à nous.
L'Assemblée nationale a largement pris en compte ce paramètre, puisqu'elle a
adopté en deuxième lecture un grand nombre de dispositions conformes.
Le droit français est déjà très protecteur pour les consommateurs. En
conséquence, il est important que le Parlement veille à préserver un équilibre
entre les intérêts des professionnels et ceux des consommateurs.
C'est en ce sens que la directive institue une responsabilité sans faute du
producteur du fait des produits défectueux, mais prévoit un certain nombre de
causes d'exonération.
Afin de favoriser l'action de recherche, d'innovation et de mise à disposition
rapide des produits pharmaceutiques, d'éviter la flambée du coût des primes
d'assurance pour ces industries et, enfin, de ne pas pénaliser et isoler en
Europe les entreprises françaises en la matière, je me félicite de l'adoption
de l'amendement de suppression de l'alinéa premier de l'article 12
bis,
dans la mesure où cette disposition prévoyait un régime spécifique, une
exception aux causes d'exonération de responsabilité pour les produits de
santé.
Le texte tel qu'amendé par le Sénat poursuit ce but. C'est pourquoi le groupe
des Républicains et Indépendants le votera.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que notre ordre du jour comporte encore
l'examen de deux textes. Aussi vous demanderai-je d'être brefs lors de vos
futures interventions !
7
VALIDATION DE CERTAINES ADMISSIONS À L'EXAMEN D'ENTRÉE À UN CENTRE DE FORMATION
PROFESSIONNELLE D'AVOCATS
Adoption d'une proposition de loi
en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition
de loi (n° 336, 1997-1998), modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la
validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation
professionnelle d'avocats. [Rapport n° 369 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, le président Larché a
pris l'initiative de déposer une proposition de loi relative à la validation de
certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation
professionnelle d'avocats. Il convenait, en effet, de remédier aux conséquences
de l'annulation par le Conseil d'Etat des dispositions de l'arrêté du 17
février 1993 relatives aux dispenses accordées aux titulaires d'un diplôme
d'études approfondies en sciences juridiques ou politiques dans le cadre de
l'examen d'entrée dans un centre régional de formation professionnelle
d'avocats.
Le texte proposé par M. Larché, qui a remédié fort opportunément à
l'insécurité juridique pouvant affecter la situation et l'activité d'un certain
nombre de jeunes avocats ayant bénéficié de 1993 à 1995 d'une dispense accordée
au titre d'un diplôme d'études approfondies en sciences juridiques ou
politiques, a été voté à l'unanimité par le Sénat le 21 octobre 1997 et par
l'Assemblée nationale le 4 mars dernier.
Toutefois, l'Assemblée nationale, outre les deux articles de la proposition
initiale, a adopté, à la suite d'un amendement du Gouvernement, un article 3
relatif à une autre validation concernant la profession d'avocat. Il s'agissait
de valider la perception des droits mis à la charge des élèves avocats par
délibération des conseils d'administration des centres de formation
professionnelle.
En effet, la cour d'appel de Paris, par un arrêté du 5 janvier 1998, a annulé
la décision du conseil d'administration du centre de formation professionnelle
des barreaux de la cour d'appel de Paris, dénommé « Ecole de formation du
barreau », fixant à 15 000 francs le montant des droits pour l'année 1998.
Compte tenu de la motivation de cet arrêt, selon laquelle aucune base légale
ou réglementaire n'autorise les conseils d'administration des centres de
formation à demander aux élèves une participation aux frais afférents à leur
formation, les vingt et un centres de formation existants sont concernés dans
la mesure où, depuis 1992, ils ont perçu des droits.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Non, pas tous !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Presque tous !
La perception de tels droits étant considérée comme illégale, les élèves et
anciens élèves pourraient ainsi réclamer le remboursement des droits par eux
versés au cours de leur formation sur le fondement de la répétition de l'indu,
étant précisé que, en la matière, la prescription est de trente ans.
Les barreaux, compte tenu de leurs difficultés financières actuelles, ne
pourraient que très difficilement, voire pas du tout pour certains, faire face
à de tels remboursements s'ils venaient à être exigés.
Ces remboursements risqueraient également de compromettre gravement, comme le
souligne M. Fauchon dans son rapport, le fonctionnement des centres et, par
voie de conséquence, la qualité de la formation dispensée aux futurs
avocats.
Il est donc de l'intérêt général d'adopter cet article de validation qui, par
ailleurs, répond aux exigences définies par la jurisprudence du Conseil
constitutionnel en la matière.
Demeure toutefois en discussion la durée de la période couverte par la
validation.
Lors de la discussion à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a précisé qu'il
ne souhaitait pas valider la perception des droits pour l'année 1998, dans la
mesure où la somme de 15 000 francs demandée par l'école de formation du
barreau de Paris aux élèves avocats paraissait à l'évidence trop élevée. Je
vous rappelle que les droits pour l'année 1997 s'élevaient à 5 500 francs !
Depuis lors, par une nouvelle délibération du conseil d'administration de
cette école, intervenue le 19 mars 1996,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Toujours illégale !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... le montant des droits a été ramené à 5 800 francs
pour l'année 1998.
Dans ces conditions, le montant des droits étant plus raisonnable et les
élèves avocats représentés au conseil d'administration étant d'accord pour
acquitter ceux-ci, le Gouvernement ne voit plus d'inconvénient à ce que la
période concernée par la validité inclue l'année 1998. Seraient ainsi validées
les décisions des conseils d'administration des centres antérieures au 1er
avril 1998.
Pour l'avenir, il convient évidemment de trouver une solution durable et
acceptée par tous concernant le financement de la formation professionnelle
initiale des avocats. Je souhaite donc qu'une réflexion approfondie soit menée
sur l'organisation et le financement de cette formation, sur la base des
travaux faits, en ce domaine, par le Conseil national des barreaux et qu'elle
débouche très rapidement sur une réforme.
J'invite donc le Sénat à adopter l'article 3, tel que modifié par sa
commission des lois, ainsi que l'amendement tendant à rédiger l'intitulé de la
proposition de loi afin qu'il corresponde plus précisément à son contenu.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame la ministre, mes chers collègues, je peux être très bref,
puisque les données essentielles du problème qui nous réunit en cet instant
viennent de nous être exposées.
Vous vous en souvenez, nous avions voté ici un premier texte pour régulariser
une situation qui, semble-t-il, n'avait pas été très bien comprise par les
juridictions. Ce texte a été voté par l'Assemblée nationale et il n'est donc
plus question d'y revenir.
En revanche, il est apparu, au cours de la navette, un nouveau problème, celui
de la perception de droits par les centres régionaux de formation
professionnelle des avocats, perception qui, semble-t-il, en vertu d'une
récente décision d'une cour d'appel, ne serait pas régulière.
L'affaire peut paraître douteuse. Quoi qu'il en soit, si, comme l'a rappelé
Mme la ministre, cette perception a eu lieu dans la plupart des centres
régionaux de formation, le problème s'est posé principalement à Paris. Or, il
faut le rappeler, Paris connaît une situation très particulière dans la mesure
où la capitale compte un nombre d'élèves beaucoup plus important qu'ailleurs
par rapport aux avocats réellement inscrits au barreau de Paris. C'est
compréhensible et explicable, car bien des jeunes souhaitent venir suivre leur
formation à Paris pour quelquefois s'en retourner ensuite dans leur province,
tandis que d'autres suivent cette formation mais n'ont en réalité aucune
intention de devenir avocat, préférant travailler ensuite dans des services
contentieux, dans certaines administrations, voire préparer le concours de
l'Ecole nationale de la magistrature. Est-il normal que le barreau de Paris ait
à faire les frais de la formation de tous ces jeunes ? Ce n'est pas évident
!
Sans entrer dans le détail - mais je répondrai volontiers si l'on m'interroge
sur ce point - il convient aussi de rappeler, madame la ministre, que les
textes prévoyaient à l'origine une contribution de l'Etat, une contribution des
barreaux et une contribution de ce que l'on appelle communément les « fonds
CARPA », c'est-à-dire une contribution des ressources provenant des fonds
versés à la Caisse autonome des règlements pécuniaires des avocats. Or il se
trouve que ces fonds CARPA ont beaucoup diminué au cours de ces dernières
années et que la dotation de l'Etat est elle-même restée remarquablement
stable. En valeur relative, elle a même diminué du fait de l'augmentation du
nombre des élèves.
Le barreau de Paris est donc, dans cette affaire, dans une situation
particulièrement difficile.
La commission des lois n'a aucun goût pour les régularisations rétroactives,
mais il faut tout de même faire face à la situation existante. Dès lors qu'elle
n'est pas abusive et que le barreau de Paris est revenu à une somme acceptable
- 5 800 francs - pour les droits d'inscription, nous vous proposerons donc, non
sans réticence, d'approuver le texte qui a déjà été voté par l'Assemblée
nationale.
Pour ce qui est de l'année 1998, même si les cours n'ont pas encore eu lieu,
le budget a été adopté, les engagements ont été pris, les enseignants sont en
place. Le « train est donc parti », si je puis dire, et il me paraît
raisonnable, pour ne pas avoir à revenir dans six mois sur cette affaire,
d'étendre la portée de ce texte à la période allant de 1992 à 1998.
C'est pourquoi, par un amendement que j'expose immédiatement pour ne pas avoir
à y revenir, nous proposerons, dans le texte de l'article 3, de remplacer les
mots : « par délibération des conseils d'administration des centres régionaux
de formation professionnelle d'avocats pour les années 1992 à 1997 » par les
mots : « par délibérations des conseils d'administration des centres régionaux
de formation professionnelle d'avocats antérieures au 1er avril 1998, pour les
années 1992 à 1998 », en limitant donc le champ de la validation aux
délibérations antérieures au 1er avril 1998.
Je l'indique au passage, la formulation retenue par cet amendement nous paraît
répondre aux exigences posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel,
puisqu'elle préserve les décisions de justice devenues définitives et que la
portée de la validation est strictement limitée à l'hypothèse où l'irrégularité
de la perception des droits pourrait être mise en cause sur le fondement de
l'illégalité des délibérations des conseils d'administration.
J'en aurai terminé lorsque je vous aurai fait part d'une observation générale,
me faisant ainsi l'interprète des nombreux avocats et des professeurs de droit
qui, connaissant bien le fonctionnement de ces centres, se sont exprimés devant
la commission des lois...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le professeur Gélard !
(Sourires.)
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
... et nous ont fait savoir que le système n'était pas
satisfaisant, tant dans son financement que dans son organisation. Les avocats
eux-mêmes, la profession, en sont conscients.
Il est donc tout à fait souhaitable, madame la ministre, que, sous votre
autorité, s'engage, se poursuive et aboutisse une réflexion afin qu'à l'avenir
les modalités de la formation professionnelle des avocats soient améliorées.
C'est sous le bénéfice de ces observations que la commission des lois vous
propose, mes chers collègues, d'adopter, ainsi amendé, le texte de l'Assemblée
nationale.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, nous
examinons donc en deuxième lecture une proposition de loi relative à la
validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation
professionnelle d'avocats.
Si, en première lecture, ce texte ne nous avait pas posé de problèmes - il
avait du reste été adopté à l'unanimité par le Sénat - il n'en est plus de même
depuis son passage à l'Assemblée nationale, le 4 mars dernier.
En effet, sur l'initiative du Gouvernement, les députés ont introduit, en
deuxième lecture, un article additionnel qui reste seul en discussion et sur
lequel nous avons à nous prononcer.
Ce nouvel article 3 a pour objet de valider des droits d'inscription
illégalement perçus entre 1992 et 1997 par un certain nombre de centres
régionaux de formation professionnelle d'avocats.
Cette disposition fait suite à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5
janvier 1998, qui a annulé la délibération du conseil d'administration de
l'école de formation du barreau fixant, dans un premier temps, le montant des
droits mis à la charge des élèves avocats à 15 000 francs pour 1998.
Cet arrêt a remis en cause, par sa motivation, le principe même de la
perception de droits d'inscription mis à la charge des élèves avocats, et ce
indépendamment du niveau même de ces droits. Or, depuis 1992, tous les centres
régionaux de formation professionnelle des avocats ont perçu des droits
d'inscription. Et si, jusqu'en 1996, leur montant est resté raisonnable, il a
brusquement été porté de 1 500 francs à 5 000 francs en 1997 dans les centres
de Paris et Versailles, puis à 15 000 francs en 1998 pour Paris, avant que la
justice mette un terme à cette augmentation exponentielle.
Aussi, du fait de ce fameux arrêt de la cour d'appel, les élèves et anciens
élèves se trouvent désormais en droit de réclamer le remboursement de la
totalité des droits versés au cours de leur formation depuis 1992, sur le
fondement de la répétition de l'indu.
Les barreaux français se trouvent ainsi confrontés à des demandes de
remboursement dont les sommes élevées peuvent compromettre le fonctionnement et
la qualité de la formation qui devrait être dispensée aux élèves avocats.
Le Gouvernement, arguant des difficultés financières des barreaux, vient à
leur secours en proposant, par la voie législative, la validation de la
perception des droits mis à la charge des élèves avocats pour les années 1992 à
1997.
Faut-il préciser que l'adoption de la présente proposition de loi ne réglera
pas pour autant le problème du financement de la formation professionnelle pour
cette année, ni pour les années à venir ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Robert Pagès.
La profession a fait le choix, il y a plusieurs années, d'assurer elle-même sa
formation, avec une participation de l'Etat.
Or il se trouve que l'école de formation du barreau - l'EFB - accueille cette
année plus de 1 100 élèves, soit près de 50 % des élèves avocats de France,
alors qu'elle ne perçoit que 3,2 millions de francs, pour 1997, au titre de la
participation de l'Etat, soit 30 % seulement de son montant total.
Avec la baisse des recettes des CARPA, qui remet en cause le mode de
financement actuel de la formation, l'augmentation de la participation de
l'Etat à hauteur de 50 %, comme il s'y était engagé, est plus que jamais
indispensable, car ce n'est pas aux étudiants de pallier les lacunes de l'Etat
en la matière.
D'ailleurs, les textes n'autorisent ni les avocats ni les pouvoirs publics à
percevoir des étudiants une quelconque rémunération,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Absolument !
M. Robert Pagès.
... d'autant plus qu'aucune garantie ne leur est offerte pour trouver une
collaboration.
Selon nous, ce nouvel article 3 soulève bon nombre de questions.
Cette sélection par l'argent que le conseil de l'Ordre a tenté, nous
semble-t-il, de mettre en oeuvre ne s'apparente-t-elle pas plus, dans les
faits, à une volonté de limiter le nombre des avocats qu'à de réelles
difficultés financières ?
Que savons-nous, en effet, réellement de ces difficultés financières quand
règne l'opacité, la plus totale semble-t-il, autour des comptes de l'ordre ?
Que savons-nous de l'indemnité que percevrait, en l'absence de tout texte
légal, le bâtonnier de Paris ?
Que savons-nous de l'état réel du patrimoine de l'Ordre, qui - me dit-on -
reste inaccessible aux avocats ?
Que savons-nous de l'utilisation réelle des fonds de la CARPA, qui devraient
être affectés prioritairement au financement de la formation, comme l'exigent
les textes ?
En votant cette loi de validation, n'allons-nous pas encourager le conseil de
l'Ordre des avocats de Paris à ne pas respecter le cadre légal ?
L'intérêt général ainsi invoqué ne se heurte-t-il pas très rapidement à
l'intérêt financier de l'ordre des avocats, d'où la transparence semble absente
?
Toutes ces interrogations et ces doutes m'amèneront à émettre, au nom du
groupe communiste républicain et citoyen, un vote défavorable sur l'article
3.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Personne n'applaudit ?
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, il y
a, me semble-t-il, quelque anomalie à ce que la majorité sénatoriale suive le
Gouvernement tandis que la minorité sénatoriale, qui le soutient, n'est pas
favorable à ce texte.
Je reprendrai très exactement ce qui vient d'être dit par l'orateur qui m'a
précédé. M. le rapporteur a relevé que notre collègue M. Pagès n'a pas été
applaudi : j'étais en train de monter à la tribune sinon je l'eusse fait de
grand coeur.
En effet, le Gouvernement est mon ami, mais la vérité l'est plus encore. Le
barreau de Paris est mon ami même si, à la différence du rapporteur, je n'y
appartiens pas, mais la vérité l'est encore plus. J'ajoute que les parties qui
se sont jointes aux demandeurs dans l'affaire qui a fait l'objet de l'arrêt du
5 janvier 1998 sont également mes amis, c'est-à-dire l'UNEF-ID, la Fédération
nationale de l'union des jeunes avocats, l'Union des jeunes avocats de Paris et
enfin,
last but not least,
le syndicat des avocats de France. Les uns et
les autres se refusaient à ce que la loi soit violée par le barreau de Paris et
que soit demandée aux élèves avocats, non pas comme l'a dit ce matin en
commission M. le rapporteur, une somme de 15 000 francs, mais une
participation, quelle qu'elle soit.
Lorsque, madame le garde des sceaux, vous soutenez que, pour 1998, c'est
raisonnable puisque, dans une seconde délibération, le conseil d'administration
de l'EFB a fixé à 5 800 francs pour 1998 contre 5 500 francs l'année précédente
le montant des droits d'inscription, cela signifie qu'après l'arrêt de la cour
d'appel de Paris le conseil d'administration du centre de formation des
barreaux a décidé de violer une nouvelle fois la loi.
Je ne comprends pas que le Gouvernement ou la commission des lois ne nous
propose pas un texte législatif selon lequel, à partir de maintenant, les
centres de formation des barreaux pourraient exiger des élèves avocats le
paiement d'un droit d'inscription.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Déposez un amendement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Sinon, il est bien évident que, l'année prochaine, on nous redira que la
participation du Gouvernement et celle du barreau et de la CARPA ne suffisent
pas.
Il est vrai que, depuis plusieurs années, monsieur le rapporteur, le
gouvernement que vous souteniez, et que soutenait la majorité sénatoriale, n'a
pas réévalué sa participation.
Vous nous rappelez que les CARPA ont de moins en moins de moyens. C'est vrai,
je le sais. Mais la question posée est de savoir si ces barreaux ont ou non les
moyens de rembourser si cela leur est demandé.
Mme le garde des sceaux rappelle que la prescription est de trente ans.
Certes, mais elle ajoute aussi que c'est seulement depuis 1992 que des droits
d'inscription sont réclamés aux élèves. Cela fait donc six ans de risque de
rappel et non pas trente, en l'espèce, même si la prescription est en effet de
trente ans.
Vous nous avez dit, je me suis permis de vous interrompre car c'est inexact,
que tous les centres de formation ont demandé des droits d'inscription depuis
1992. Certes, en 1998, ils ont tous quasiment suivi le mauvais exemple de
Paris, excepté le centre d'Amiens. Mais jusqu'en 1997 il n'y avait pas de droit
d'inscription dans les centres d'Amiens, de Caen-Rouen, de
Dijon-Besançon-Reims, de Grenoble-Chambéry, de Limoges-Riom, de Nîmes et de
Poitiers-Angers-Bourges-Orléans. Au total, dans sept centres de formation aucun
droit d'inscription n'était demandé.
Comment faisaient-ils, avaient-ils de meilleurs CARPA ? A Caen-Rouen, notre
collègue Jean-Marie Giraud pourrait peut-être nous le dire. En réalité, ce sont
des avocats qui donnaient des cours bénévolement, des cours dont on nous a dit
ce matin qu'ils sont de trente heures par an.
Franchement, nous ne pouvons pas accepter cet article 3 - encore moins pour
1998, je l'ai dit, puisque la loi a été violée délibérément après l'arrêt de la
cour d'appel - en l'état actuel des choses, sans savoir si les barreaux
intéressés auraient les moyens ou non de rembourser, étant entendu que les
frais d'inscription des autres barreaux sont sans commune mesure avec ceux de
Paris.
Certes, on avance que de nombreux étudiants viennent faire leurs études à
Paris. Je veux bien, cela a toujours été. On nous dit aussi que certains
étudiants suivent les cours de l'école de formation du barreau sans avoir
l'intention de devenir avocats. Je m'inscris en faux. C'est vrai pour la
maîtrise en droit, mais ce n'est pas vrai pour la formation des barreaux.
Seuls, sauf quelques rares exceptions peut-être, ceux qui prétendent devenir
avocats - même si c'est de plus en plus difficile et même si en effet ils ne
trouvent pas forcément un maître de stage - suivent les cours du centre de
formation de Paris.
Je disais que, pour les autres centres, il s'agit de sommes beaucoup plus
modestes : 500 francs pour l'un, 1 500 francs pour cinq autres. Dans ces cas,
ils n'auraient sans doute pas de mal à rembourser. Mais, pour le barreau de
Paris, cela représente beaucoup plus : 5 800 francs pour 1 100 élèves, faites
le compte !
Notre collègue M. Pagès a raison de souhaiter un bénéfice d'inventaire et de
vouloir savoir si ceux dont on voudrait préserver la solvabilité en ont besoin
ou non.
En l'état actuel du texte, en attirant votre attention sur le fait que le
problème se reposera l'année prochaine, à moins que le Gouvernement ne se
déclare prêt, avec le barreau de Paris, à payer l'intégralité des frais en
1999, tout en le regrettant vivement - mais vous savez bien, madame la
ministre, que le Gouvernement propose et que le Parlement dispose - nous ne
pouvons pas voter cet article 3.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Robert Pagès.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le
texte dont nous discutons aujourd'hui pose un problème de fond qui n'est pas
résolu en l'état actuel de la législation : définir les modalités d'accession à
la profession d'avocat.
Le texte adopté voilà quelques années, sous l'autorité du ministre de
l'éducation nationale et avec le concours du garde des sceaux de l'époque,
prévoyait un certain nombre de points, mais n'envisageait pas le financement
des centres de formation professionnelle des avocats. Il ne prévoyait pas non
plus le contenu précis de la formation dispensée dans ces centres, ce qui a
abouti à des inégalités criantes d'un centre de formation à l'autre. Dans
certains centres, la formation est purement théorique ou formelle et se limite
- notre collègue Dreyfus-Schmidt l'a dit tout à l'heure - à une trentaine
d'heures de cours par an, ce qui représente à peine une heure de cours par
semaine.
Nous sommes donc confrontés à ce problème. Il va falloir le régler, par la
voie réglementaire, le plus rapidement possible. Sans cela, nous nous
trouverons dans la même situation l'année prochaine.
Il va donc falloir régler la question du financement de ces centres de
formation. Je vous rappelle que la solution a été trouvée pour les notaires,
avec qui nous n'avons plus de problème.
Comment le financement est-il effectué, puisque telle est la question qui a
été posée en fait ? Il était effectué par une ligne budgétaire donnée par la
Chancellerie. Dans nombre de cours d'appel, cette ligne budgétaire s'est
enlisée et a disparu, car elle était versée aux présidents des cours d'appel, à
charge pour eux de la reverser aux centres de formation des avocats. Dans
certains cas, il suffit que le centre de formation ne réclame pas au premier
président de la cour d'appel les sommes en question pour que plus personne n'y
voie clair.
Deuxième élément : les universités ont pris en charge une grande partie de la
formation à titre gratuit ; aujourd'hui, elles rechignent. Par exemple, les
universités de Caen, de Rouen et du Havre, qui ont en commun le même centre de
formation des avocats, ont assumé depuis 1992 la totalité des frais d'examen.
Les avocats n'ont rien versé, les cours d'appel n'ont rien donné. Heureusement,
les trois universités viennent de dénoncer la convention qui les liait aux
avocats, en arguant que cela n'était plus possible, qu'elles ne pouvaient pas
verser 70 000 ou 80 000 francs par an pour assurer uniquement la rémunération
de ceux qui participent à l'organisation des examens ou à la formation.
Il se pose donc un problème de fond, mais qui est lié au problème actuel, car
une incertitude gravissime règne chez les étudiants. D'abord, certains centres
de formation d'avocats menacent de ne pas organiser les examens cette année,
faute de moyens, car il ne faut pas oublier que les examens, soit à l'entrée,
soit à la sortie, comprennent un jury tripartite : magistrats, avocats,
professeurs d'université. Je ne connais pas de professeurs d'université qui
accepteront de consacrer trois semaines, voire un mois, si ce n'est plus, à un
examen extrêmement prenant s'ils ne sont pas rémunérés. Il en est de même pour
les magistrats et les avocats. Par conséquent, une menace réelle pèse dont il
faut prendre conscience.
Une incertitude pèse également sur la profession d'avocat depuis déjà de trop
nombreuses années, suite à l'arrêté pour l'accès à la profession d'avocat, qui
a placé toute une série d'étudiants dans une situation incertaine sur les
conditions de dispenses, sur les conditions d'accès à la profession, sur les
modalités de passage des examens.
Je crois qu'il faut, compte tenu de l'urgence, accepter la proposition de la
commission des lois. Nous ne nous en sortirons pas autrement. Si nous ne
validons pas les droits indûment perçus les années précédentes, nous risquons
d'aller vers une impasse totale et vers un blocage de l'ensemble de la
profession.
Je suis d'avis, bien que moralement je trouve cela répréhensible, de suivre la
position de notre rapporteur en ce qui concerne la validation des droits
indûment perçus les années précédentes.
Cela dit, il faut régler dans l'urgence ce qui va se passer les années
suivantes, car on ne peut pas continuer dans cette voie. Il est fort possible
que la cour d'appel déclare que les droits à nouveau perçus ne sont pas
conformes, pour d'autres raisons, à ce que nous avons décidé. Il nous faut donc
faire attention.
Je suggérerai qu'une mission d'études soit créée pour faire le point sur
toutes les questions que soulève la formation des avocats, en partenariat avec
le ministère de l'éducation nationale, avec le garde des sceaux et,
naturellement, avec les barreaux.
La création d'une telle mission me semble s'imposer. Ses travaux devraient
aboutir rapidement parce que nous disposons de toutes les données et, dans un
délai de six mois, nous pourrions donc faire le point sur la formation des
avocats et obtenir une situation aussi acceptable que celle que les notaires
ont su mettre sur pied depuis déjà plus de dix ans.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je veux dire aux différents intervenants que mon souci
est d'apurer une situation qui ne peut pas durer en ce qu'elle crée une
insécurité juridique fondamentale au détriment des jeunes élèves avocats.
Par conséquent, ce n'est pas parce que je propose d'apurer la situation telle
qu'elle existe aujourd'hui, y compris au début de l'année 1998, en vous
demandant de valider ces décisions, qu'il ne faut pas poser la question de
fond, d'abord, de la nature de la formation et, ensuite, de son financement.
Je me permets d'insister à nouveau. J'ai trouvé une situation que je ne peux
pas laisser perdurer. En raison des insuffisances des précédents gouvernements
- il faut bien le dire - l'Etat n'a pas fait son devoir. Nous avons donc besoin
d'apurer une situation pour partir sur de nouvelles bases et poser, en effet,
les questions très importantes qui ont été soulevées par M. Pagès, par M.
Dreyfus-Schmidt et par l'ensemble des intervenants.
Nous avons besoin de nous interroger et sur la qualité de la formation des
avocats et sur le financement de celle-ci. Tel est bien l'engagement que j'ai
pris tout à l'heure devant vous.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des propositions de loi, la discussion des
articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont
pas encore adopté un texte identique.
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - Sous réserve des décisions de justice devenues définitives, est
validée la perception des droits mis à la charge des élèves-avocats par
délibération des conseils d'administration des centres régionaux de formation
professionnelle d'avocats pour les années 1992 à 1997, en tant que la
régularité de cette perception pourrait être mise en cause sur le fondement de
l'illégalité des délibérations de ces conseils d'administration instaurant de
tels droits. »
Par amendement n° 1, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans cet
article, de remplacer les mots : « par délibération des conseils
d'administration des centres régionaux de formation professionnelle d'avocats
pour les années 1992 à 1997 », par les mots : « par délibérations des conseils
d'administration des centres régionaux de formation professionnelle d'avocats
antérieures au 1er avril 1998, pour les années 1992 à 1998 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
J'ai déjà exposé cet amendement, monsieur le président ; je
vais donc simplement répéter, après d'autres, que cette situation ne peut pas
durer et dire à mon collègue M. Michel Dreyfus-Schmidt qu'il n'est pas du tout
dans l'esprit de la commission des lois de voter à répétition des textes de
régularisation.
Nous sommes en présence d'une situation de fait, à l'égard de laquelle il nous
paraît convenable de témoigner d'une certaine compréhension, mais cela ne
signifie pas du tout que notre compréhension se manifestera à nouveau dans
l'avenir. Je tiens à ce que cela soit clair pour les intéressés.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Etant donné l'heure tardive, le groupe socialiste ne demandera pas de scrutin
public ni sur l'ensemble du texte, ni sur l'amendement. Cela étant, je tiens à
préciser que je me suis fait tout à l'heure son porte-parole.
Je voudrais ajouter que la commission des lois va plus loin que le
Gouvernement, qui avait proposé de valider des irrégularités jusqu'en 1997. Mme
la ministre a dit qu'elle avait cru devoir le faire parce qu'elle se trouvait
devant une situation dont elle n'était pas responsable, ce dont je lui donne
volontiers acte. Je le lui avais d'ailleurs dit tout à l'heure.
Cependant, valider les irrégularités liées à l'année 1998 alors que notre
collègue, M. Gélard, a précisé que les formations n'ont pas encore commencé me
paraît trop fort, car cela reviendrait à rembourser des sommes qui n'ont pas
encore été dépensées.
Voilà les raisons pour lesquelles nous voterons non seulement contre
l'ensemble du texte, mais également contre l'amendement de la commission.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
je veux répéter ce que j'ai indiqué dans mon
intervention liminaire : initialement, le Gouvernement n'avait pas demandé la
validation pour 1998, car la somme paraissait de toute façon beaucoup trop
élevée. A partir du moment où cette somme est diminuée - et encore une fois,
cela ne préjuge pas les décisions que nous prendrons pour l'avenir - il est
plus sage de valider également la décision prise pour 1998.
Je signale à M. Dreyfus-Schmidt que le Conseil national des barreaux, au sein
duquel les syndicats d'avocats, dont le syndicat des avocats de France, le SAF,
sont représentés, a donné son accord à cette validation.
Il semble donc qu'il y ait un accord de la profession, en tout cas pour le
passé et jusqu'à cette année incluse, pour que nous validions. Pour la suite,
nous repartirons sur de nouvelles bases.
Cette validation ne préjuge naturellement pas la réflexion que nous aurons à
mener sur les modalités futures et de la formation et de son financement,
réflexion qui devra déboucher sur des règles plus claires.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Je souhaite m'exprimer pour justifier mon vote en faveur du texte proposé par
la commission des lois.
Il faut savoir que les montants des droits d'inscription sont fixés l'année
précédente, c'est-à-dire que la somme dont nous discutons, les fameux 15 000
francs, a été fixée en 1997 pour ceux qui, en 1998, allaient passer l'examen
d'entrée dans les centres de formation.
En réalité, le texte de l'Assemblée nationale, qui visait les montants des
droits votés jusqu'en 1997, était cohérent. Cependant, la décision a été prise
d'annuler le montant de 15 000 francs et de le remplacer par un autre. En
réalité, on reste toujours dans la tranche de 1997 mais, pour être clair, il
faut bien aller jusqu'en 1998 !
Naturellement, il ne faut pas continuer dans ce sens, mais si nous ne validons
pas, ce sera alors la paralysie totale des centres de formation...
M. Jean-Jacques Hyest.
Oui !
M. Patrice Gélard.
... et une kyrielle d'étudiants « resteront sur le carreau » sans savoir ce
qu'ils vont devenir.
C'est la raison pour laquelle, bien que je considère que ce soit immoral, je
me rallie à la proposition de la commission et du Gouvernement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, ainsi modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Intitulé de la proposition de loi
M. le président.
Par amendement n° 2, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit l'intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi portant
diverses dispositions relatives à la formation professionnelle des avocats
».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
C'est un amendement de coordination.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il ne s'agit pas du tout de coordination !
D'abord, je voudrais demander à Mme le garde des sceaux, lorsqu'elle dit que
le Conseil national des barreaux est d'accord, si celui-ci a délibéré en corps
et s'il l'a fait à l'unanimité. En effet, ce n'est pas parce que le SAF, l'UJA
ou la FNUJA appartiendraient au Conseil national des barreaux qu'ils se
trouveraient engagés par une délibération adoptée à la majorité.
Je résume donc ma question : le Conseil national des barreaux a-t-il délibéré
en corps et était-il unanime ?
Par ailleurs, il en est, en tout cas j'en connais, qui ne sont pas du tout
d'accord pour une validation législative, ce sont ceux qui ont saisi la cour
d'appel de Paris et qui nous ont, aux uns et aux autres, exposé la situation.
Il s'agit des membres de l'APAPA, association que je ne connais nullement,
celle des personnes aptes à la profession d'avocat. Eux ne sont pas du tout
d'accord, et ils ont raison. En effet, à quoi cela leur servirait-il d'avoir
saisi la cour d'appel si est validé maintenant ce qu'ils ont fait annuler ?
Vous me direz : il leur était réclamé 15 000 francs, et ne leur sont plus
réclamés « que » 5 800 francs. Mais ce qu'ils ont fait juger, ce n'est pas que
15 000 francs étaient trop, c'est qu'aucun droit d'inscription ne pouvait être
exigé d'eux.
Je me souviens d'ailleurs d'une époque - le président du Sénat, alors ministre
de l'éducation nationale doit s'en rappeler et M. Devaquet aussi - où, nous qui
sommes assis sur ces travées, nous sommes descendus dans la rue parce que nous
ne voulions pas que l'on demande des droits d'inscription aux étudiants.
Nous sommes restés sur cette même base, nous persistons : nous demeurons
hostiles aux droits d'inscription.
J'en arrive à l'essentiel de mon propos. La proposition de loi avait le
mérite, telle qu'elle nous arrivait de l'Assemblée nationale, d'être « relative
à la validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de
formation professionnelle d'avocats ». Mais le titre qui nous est proposé
aujourd'hui ne fait plus du tout référence à une validation. C'est un peu : «
Cachez-moi ce sein que je ne saurais voir ! »
La proposition de loi « relative à la validation de certaines admissions à
l'examen d'entrée à un centre de formation professionnelle d'avocats », ce qui
était parfaitement exact, deviendrait une proposition de loi « portant diverses
dispositions relatives à la formation professionnelle des avocats ».
Franchement, quand on fait - je reprends ici l'expression de notre collègue M.
Gélard - quelque chose d'immoral à quoi nous sommes hostiles, il faut au moins
avoir le courage de le reconnaître et ne pas essayer de le cacher par un titre
qui ne correspond pas à la réalité du texte.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je voudrais quand même dire qu'il ne faut pas aller
trop loin. Je vous ai précisé, monsieur Dreyfus-Schmidt - c'est un engagement
de ma part - que nous mènerions une réflexion portant à la fois sur le mode de
formation et sur le financement de celle-ci.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Dont acte !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
N'allez donc pas trop loin sur cette question du titre
de la proposition de loi. Moi, je suis tout à fait d'accord pour que ce titre
soit : « Proposition de loi portant diverses dispositions de validation », si
vous y tenez. Mais un autre titre ne cache pas d'intention nocive.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je parle de l'amendement de la commission, madame le garde des sceaux, et non
pas votre intitulé !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je crois quand même qu'il y avait une certaine
ambiguïté dans vos propos.
Par conséquent, je pense, monsieur Dreyfus-Schmidt, que vos observations
étaient fondées sur le fond, ce dont je vous ai d'ailleurs donné acte, mais
qu'il ne faut tout de même pas insinuer certaines choses !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est à mon avis vous-même, permettez-moi de vous le dire, qui, pour reprendre
votre expression, allez trop loin !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Par ailleurs, je vous confirme que le Conseil national
des barreaux, par une lettre du bâtonnier Philippe Leleu, m'a donné son accord
sur le projet d'amendement pour la validation du droit d'inscription dans les
centres régionaux de formation à la profession d'avocat de 1992 à 1998. Il
s'agit là d'une décision du Conseil national des barreaux au sein duquel toutes
les organisations et tous les syndicats sont représentés.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il n'est pas dit que cette décision a été prise à l'unanimité !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je n'ai jamais prétendu que cela avait été voté à
l'unanimité, j'ai fait état d'une décision du Conseil national des barreaux.
Je crois donc que s'il est légitime de dire que se pose un vrai problème de
fond qu'il convient de traiter, il ne faut pas insinuer qu'à travers cela on
essaie de masquer les choses. En tout cas, telle n'est pas mon intention.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est, je le répète, l'amendement de la commission qui masque les choses, pas
votre intitulé, madame le garde des sceaux !
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je me suis intéressé, voilà quelques années, à la formation des avocats,
puisque, à la demande d'un Premier ministre, j'avais « commis » un rapport. Ce
texte est d'ailleurs resté dans les tiroirs, comme beaucoup de rapports
demandés à des parlementaires, mais il s'agit là d'un détail de peu
d'importance. Je viens cependant d'en rédiger un autre, et j'espère bien que
celui-là ne restera pas, lui aussi, dans les tiroirs !...
Mme le garde des sceaux l'a très bien dit : se pose un vrai problème, à la
fois sur le contenu de la formation - surtout du fait de la croissance
exponentielle du nombre des avocats-élèves au barreau de Paris - et sur le
financement.
Mais je ne peux pas accepter que l'on dise qu'il est immoral de voter des
validations. Si l'on procède à de telles validations, c'est pour empêcher que
la formation des avocats ne soit interrompue. Si un mal est fait, il faut
essayer de le réparer !
On a recouru de nombreuses fois à des validations législatives, notamment pour
des concours : quand les candidats reçus sont nommés depuis quelques années, on
ne peut pas remettre en cause leur nomination. Ces validations intervenaient
d'ailleurs toujours à la demande de requérants individuels qui n'étaient pas
satisfaits.
Ces validations législatives n'ont rien d'immoral. Au contraire, elles
concourent au rétablissement d'une situation qui a été compromise du fait d'une
certaine imprévision. Or, si j'ai bien compris, c'est à une telle imprévision
que Mme le garde des sceaux veut mettre fin.
Je voterai donc sans état d'âme le texte qui nous est proposé et cet
amendement.
M. Guy Cabanel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Je rejoins les propos de notre ami M. Jean-Jacques Hyest : les validations
sont fréquentes. Qu'il s'agisse de concours d'agrégation, de concours pour les
hôpitaux, par exemple, lorsque la situation devient insoluble, on se tourne
vers le législateur. Ces validations, le Parlement n'y procède pas de gaîté de
coeur, elles ne sont cependant pas porteuses d'immoralité.
Par ailleurs, j'estime que la commission des lois a le mérite de faire preuve
de franchise car, en modifiant l'intitulé de la proposition de loi, elle permet
au dispositif de courir jusqu'en 1998.
Certes, il conviendra de mettre de l'ordre dans la formation des avocats. Des
propositions ont été faites, une mission d'études a été mise en place et une
concertation aura certainement lieu entre le ministère de la justice et celui
de l'éducation nationale.
Il faudra désormais savoir comment donner cette formation, en déterminer le
caractère et le coût. A ce moment-là, les choses de dérouleront dans des
conditions normales. Si nous ne prenons pas une décision, à la fois de
validation pour le passé, jusqu'en 1997, et en même temps pour l'année 1998,
nous nous exposons à revenir dans quelques mois pour débattre de cette
situation.
Il n'y a pas lieu d'interrompre la formation des étudiants. Cahin-caha,
remettons la carriole sur le chemin. Promettons-nous simplement de lancer une
réforme de fond de l'organisation de cet enseignement.
Je voterai donc l'amendement de la commission, qui a la franchise de dire en
toute clarté ce que nous faisons.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
L'arrêté sur la profession d'avocat n'interdit pas la perception de droits.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est vrai !
M. Patrice Gélard.
Le problème, c'est que la cour d'appel n'a pas annulé parce que des droits
avaient été perçus.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Si !
M. Patrice Gélard.
Il est même prévu, dans cet arrêté, le financement des centres de formation
d'avocat et les frais d'inscription des étudiants.
La cour d'appel a annulé parce que, lors de la délibération du conseil
d'administration, aucun représentant des élèves n'était présent.
C'est la seule et unique cause !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais non !
M. Patrice Gélard.
La perception n'est pas interdite. Nous ne sommes pas dans le domaine de
l'éducation nationale et des droits fixés par le ministre ; nous sommes dans un
domaine flou, où l'on n'a pas fixé le montant des droits.
Je me rallie également au second amendement de notre rapporteur, parce que le
premier titre ne correspond plus à ce qu'est devenue la proposition de loi,
compte tenu de l'amendement que nous venons de voter. C'est tout naturellement
qu'il faut se rallier à la proposition formulée par M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il n'y a pas de quoi mêler la morale à tout cela, comme le
fait notre collègue M. Dreyfus-Schmidt !
Je tiens à souligner que la commission des lois a toujours le souci de
proposer des rédactions aussi brèves et élégantes que possible.
Dans ce texte, qui évolue au cours de la navette, puisque chaque assemblée
ajoute à chaque fois des éléments nouveaux - et ce n'est peut-être pas terminé
! - on finirait sans doute par avoir un titre descriptif qui pourrait faire
plusieurs lignes !
Il nous a paru plus raisonnable, plus sobre, plus élégant, de dire qu'il
s'agit - et c'est incontestablement le cas - d'une « proposition de loi portant
diverses dispositions relatives à la formation professionnelle des avocats ».
Je vous demande donc, au nom de la commission, de bien vouloir adopter ce
titre.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.
Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la
deuxième lecture.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
(M. Michel Dreyfus-Schmidt remplace M. Jean Faure au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE
DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président
8
DROIT DE VOTE
DES CITOYENS DE L'UNION EUROPÉENNE
AUX ÉLECTIONS MUNICIPALES
Discussion d'un projet de loi organique
en troisième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en troisième lecture, du projet de loi
organique (n° 208, 1997-1998), modifié par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture, déterminant les conditions d'application de l'article 88-3 de la
Constitution relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne
résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et
d'éligibilité aux élections municipales, et portant transposition de la
directive n° 94/80/CE du 19 décembre 1994. [Rapport n° 368 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, après deux lectures par chacune des deux
chambres, le texte qui vous revient aujourd'hui de l'Assemblée nationale ne
diffère plus que sur quatre points de celui que vous avez adopté le 23 octobre
dernier. Ces quatre divergences portent sur les conditions d'application du
principe de réciprocité, sur le fonctionnement du Conseil de Paris, sur le
champ d'application géographique de la loi et sur le titre même de la loi.
L'interprétation de la notion du principe de réciprocité affecte la rédaction
de deux des articles nouveaux proposés du code électoral : d'une part,
l'article L.O. 227-1, qui traite de l'inscription des étrangers communautaires
sur les listes électorales complémentaires et, d'autre part, l'article L.O.
228-1, qui est relatif à leurs conditions d'éligibilité en qualité de
conseiller municipal.
La thèse défendue jusqu'ici par le Sénat conduit à subordonner l'exercice du
droit de vote et d'éligibilité d'un citoyen de l'Union à la condition
préalable, appréciée Etat par Etat, que son pays d'origine ait effectivement
transposé dans son droit interne les mesures contenues dans la directive du 19
décembre 1994.
La thèse du Gouvernement, partagée par l'Assemblée nationale, est que la
réciprocité est réputée acquise, en droit communautaire, dès lors que le traité
de Maastricht lui-même a été ratifié par tous les Etats de l'Union. Cette
position s'appuie sur la jurisprudence constante de la Cour européenne.
Il importe à cet égard que les termes du débat soient bien clairs dans
l'esprit des sénateurs.
Dans sa forme, le texte que le Sénat a proposé pour la rédaction des articles
litigieux n'est pas contraire à notre Constitution, puisqu'il ne fait que
reprendre ce qui est déjà écrit dans son article 88-3.
Mais, en droit, ce dispositif est inopérant. En effet, si une commission
administrative s'opposait à l'inscription, par exemple, d'un Belge au motif que
la Belgique n'a pas encore pris les mesures d'application de la directive, le
candidat électeur, contestant ce refus d'inscription devant le juge du tribunal
d'instance, aurait à coup sûr gain de cause, car les tribunaux civils français
sont parfaitement au courant de la jurisprudence des instances européennes et
la font désormais prévaloir sur la lettre des dispositions législatives de
notre droit interne.
Au surplus, la rédaction préconisée par le Sénat, qui n'a pas de parallèle
dans la loi du 5 février 1994 prise pour transposer la directive relative à la
participation des citoyens communautaires à l'élection des représentants de la
France au Parlement européen, ne manquerait pas de susciter des réactions de la
part de nos partenaires, aucun d'entre eux n'ayant adopté de mesure
homologue.
Or il serait difficile d'expliquer aux autres gouvernements des Etats de
l'Union européenne, peu au fait de nos subtilités juridiques, que les réserves
ainsi mentionnées dans la loi resteraient dans la réalité sans conséquence par
le biais de l'éventuelle saisine du juge judiciaire compétent.
Il me paraît donc plus raisonnable de « jouer franc jeu » et de renoncer à
inscrire dans la loi des dispositions qui pourraient laisser croire à des
réticences ou à des arrière-pensées de la part de la France dans l'exécution
des mesures prescrites par la directive.
S'agissant en second lieu du problème du Conseil de Paris, l'Assemblée
nationale n'a pas adopté les dispositions spécifiques votées sur ce point par
le Sénat en première lecture et reprises en deuxième lecture.
La position du Gouvernement n'a pas varié sur le sujet.
On sait que, dans un arrêt Charbonnel et autres du 14 mars 1980, le Conseil
d'Etat a bien précisé que les conseillers de Paris n'étaient pas des
conseillers généraux. D'autre part, dans un avis d'assemblée rendu le 21
juillet 1977, la Haute Assemblée avait souligné que les conseillers de Paris
sont titulaires d'un seul et même mandat électoral et appartiennent à une même
assemblée, alors même que celle-ci exerce à la fois des attributions de conseil
municipal et de conseil général. Il semble en découler que pas plus le mandat
des élus que celui du Conseil de Paris tout entier ne soient divisibles en
fonction des attributions exercées.
Certes, M. Pandraud, devant l'Assemblée nationale, le 7 janvier dernier, a
fait remarquer que cet avis et cette jurisprudence étaient antérieurs aux lois
de décentralisation. Toutefois, sur le point précis des compétences du Conseil
de Paris, la loi dite PLM n'a apporté aucune modification. Le texte aujourd'hui
inséré sous l'article L. 3411-1 du code général des collectivités territoriales
est identique à celui qui était applicable avant les lois de 1982.
Quoi qu'il en soit, aucun des arguments développés de part et d'autre
n'apparaît déterminant et il serait hasardeux d'affirmer que la formule
recommandée par le Sénat est formellement contraire à la Constitution.
Au demeurant, la loi organique sera nécessairement soumise au contrôle du
Conseil constitutionnel avant sa promulgation, et la disposition litigieuse
peut en être disjointe sans répercussion sur le reste du texte.
En troisième lieu, une divergence persiste sur le champ d'application
géographique de la loi organique.
M. Daniel Millaud, sénateur de la Polynésie française, a plaidé devant vous
avec fougue et conviction pour que les étrangers communautaires ne soient pas
autorisés à participer aux élections municipales dans les territoires
d'outre-mer. Devant l'Assemblée nationale, M. Emile Vernaudon a fait de même.
Il n'a pourtant pas convaincu. M. Henri Plagnol, notamment, au nom du groupe
UDF de l'Assemblée nationale, a bien souligné les raisons juridiques qui
s'opposent à un traitement spécifique des territoires d'outre-mer en la
matière. Il a noté en particulier que le principe d'indivisibilité de la
République, s'agissant des conditions d'exercice du droit de suffrage, même
pour des élections locales, empêche qu'on puisse établir une distinction entre
les TOM et le reste du territoire français et l'emporte sur les considérations
- même très respectables - développées par les parlementaires dont j'ai cité
les noms.
Le Gouvernement est donc défavorable au retour au texte du Sénat pour
l'article 12 du projet de loi organique.
En quatrième et dernier lieu, la divergence qui sépare l'Assemblée nationale
et le Sénat sur le titre du projet de loi est purement rédactionnelle. Elle
devrait être surmontée sans conséquence pour le corps du dispositif sur lequel
le Sénat est appelé à se prononcer.
Au stade actuel du débat, le Gouvernement constate que, au fil des navettes,
les points de vue des deux chambres se sont désormais très largement
rapprochés. Le fait que votre Haute Assemblée ne soit plus aujourd'hui appelée
à se prononcer que sur un seul amendement en est le meilleur témoignage.
Il doit ainsi être possible de parvenir à bref délai à un texte conforme.
Tel est le souhait que forme le Gouvernement à l'ouverture de cette nouvelle
délibération. Ainsi, un progrès sensible se trouvera accompli dans
l'édification d'une citoyenneté de l'Union européenne qui s'enrichira d'une
nouvelle manifestation concrète.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur de la commission des lois constitutionnellees, de législation, du
suffrage universel, du réglement et d'administration générale.
Madame le
garde des sceaux, comme vous l'avez dit tout à l'heure, il est vrai que, dans
ce débat, le point de vue du Sénat rejoint celui du Gouvernement, ce qui arrive
finalement peut-être beaucoup plus souvent que ne semble l'imaginer l'auteur
d'un récent article paru dans la presse du soir.
Quoi qu'il en soit, nous devons revoir ce texte qui va autoriser les résidents
« européens » en France à participer aux éléctions municipales.
Je ne reviens pas sur ce débat, si ce n'est pour indiquer après vous, madame
le garde des sceaux, que nous nous sommes mis d'accord sur de nombreux
points.
Nous avons obtenu de l'Assemblée nationale des satisfactions importantes pour
nous, notamment en ce qui concerne les critères de résidence en France. Nous ne
voulions pas, au sein de cette assemblée, qu'il suffise de résider
épisodiquement dans notre pays pour devenir électeurs et éligibles dans nos
conseils municipaux. Nous avions demandé que ce soit une résidence à domicile
réel ou une résidence ayant un caractère continu. L'Assemblée nationale nous a
suivis sur ce point.
Nous souhaitions instaurer une incompatibilité entre un mandat de conseiller
municipal en France et un mandat dans un autre Etat de l'Union européenne, mais
pas en privation de la capacité de voter dans chaque pays. Il n'y a pas de
raisons de dépouiller un ressortissant étranger de sa capacité de voter, s'il
en a le droit, dans son pays d'origine, sous prétexte qu'il pourra voter en
France. Cela ne pourrait être un signe du respect du pluralisme qui caractérise
la construction européenne.
Nous avions imaginé d'autres dispositifs sur lesquels nous sommes obligés de
revenir parce que, à la réflexion, ils ne nous paraissent pas très
satisfaisants.
Nous avions exclu l'application de la loi dans les territoires d'outre-mer.
Nous devons nous prononcer, vous l'avez rappelé, madame la ministre, sur les
quelques dispositions qui restent en discussion. Il en est ainsi du principe de
réciprocité que nous avions cru devoir exiger parce qu'il figure dans la
réforme constitutionnelle adoptée en 1992.
Nous avions cru pouvoir imaginer une formule originale pour permettre aux
conseillers de Paris étrangers de ne pas siéger en formation de conseil
général, au bénéfice du suivant de liste Français.
Nous avions également, je le répète, exclu les territoires d'outre-mer du
champ d'application de la loi et nous avions, par ailleurs, modifié l'intitulé
du projet de loi.
Sur ces quatre points, après cette ultime réflexion, nous sommes, nous aussi,
animés du souci de comprendre le point de vue de nos collègues et amis de
l'Assemblée nationale, de nous rapprocher d'eux et de faciliter les choses.
L'essentiel a été dit et je rappelle qu'ici nous avons voté ce texte à
l'unanimité.
Nous sommes très satisfaits de voir qu'il s'agit d'une avancée de la
démocratie européenne et du développement de l'esprit démocratique en Europe,
et que c'est un élément constitutif important de la souveraineté européenne.
Nous sommes donc animés du désir d'aboutir le plus rapidement possible. C'est
dans cet esprit que je vous présente rapidement les conclusions de la
commission des lois.
Sur les conditions de réciprocité, il existe une contradiction entre ce qui
est écrit dans notre texte et le principe général en matière européenne qui
veut que la réciprocité soit acquise dès lors qu'un traité a été ratifié, même
si ces mesures n'ont pas été transposées, car cette non-transposition constitue
non pas un défaut de réciprocité, mais, du point de vue du système européen, un
manquement, et peut donc faire l'objet des procédures pour manquement.
Nous nous inclinons devant cette raison et compte tenu, d'une part, de la
portée limitée des inconvénients qui résulteraient éventuellement d'un défaut
d'inscription de la condition de réciprocité dans le projet de loi organique
qui, de toute façon, figure dans la Constitution - elle ne concerne en effet
que la Belgique et la Grèce - et, d'autre part, du caractère peu durable de
cette situation - car nous savons bien que si nos amis belges ont des problèmes
spécifiques, nous ne doutons pas qu'ils soient décidés à les surmonter et
qu'ils y parviendront assez rapidement - la commission des lois vous propose
sur ce point de ne pas rétablir cette condition de réciprocité.
Concernant la situation spécifique du Conseil de Paris, nous avions cru
trouver une situation originale et, en quelque sorte, au bon sens du terme, «
astucieuse », en appliquant au Conseil de Paris les dispositions relatives à
l'élection des sénateurs, que l'Assemblée nationale a d'ailleurs votées,
considérant que l'élection des sénateurs était une affaire qui concernait le
Sénat.
Je souhaite, nous souhaitons beaucoup que l'Assemblée nationale s'inspire
constamment de cette préoccupation dès lors qu'il s'agit du Sénat et qu'elle
laisse à ce dernier le soin d'assumer les responsabilités qui lui sont propres
le plus souvent possible. C'est là un bon principe qui mérite d'être rappelé de
temps à autre !
Mais, en ce qui concerne l'application de ce système à Paris, l'idée de faire
siéger au Conseil de Paris quand il siège en tant que conseil général les
suivants de listes français n'ayant pas été proclamés élus, nous avait paru
assez astucieuse. En réalité, elle ne tient pas la route ; à la réflexion, nous
devons le reconnaître. En effet, on aboutirait à un système qui créerait
pratiquement, au lendemain des élections municipales, trois catégories de
conseillers de Paris.
En premier lieu, certains d'entre eux siégeraient au Conseil de Paris aussi
bien quand celui-ci est réuni en formation municipale que quand il l'est en
formation départementale.
En deuxième lieu, les conseillers européens ne participeraient pas aux travaux
quand le Conseil de Paris siège en tant que conseil général.
En troisième lieu, les suivants de liste ne siégeraient que lorsque le Conseil
de Paris est réuni en tant que conseil général.
Il faut reconnaître que tout cela est assez saugrenu et n'a pas d'exemple dans
notre système électoral.
Compte tenu de cette identification très particulière à Paris, du conseiller
municipal et du conseiller général, qui fait qu'il n'existe pas en réalité de
conseillers généraux et que ce sont des conseillers municipaux - vous avez
rappelé cette jurisprudence, madame le ministre - qui assument les fonctions de
conseillers généraux, compte tenu également du souci de ne pas créer une
situation qui pourrait faire que les majorités ne seraient pas les mêmes dans
les deux assemblées, alors que la volonté du législateur est manifestement de
créer une identification complète entre les deux assemblées, la commission des
lois a pensé qu'il n'était pas opportun de distinguer particulièrement la
situation parisienne.
En ce qui concerne les territoires d'outre-mer, nous ne savons pas très bien
qui a raison. Nous nous arc-boutons sur le fait que le traité de Maastricht
n'est pas applicable aux territoires d'outre-mer et qu'il n'a pas modifié la
quatrième partie du traité de Rome, laquelle a défini limitativement les
dispositions applicables aux territoires d'outre-mer. Il aurait donc fallu, me
semble-t-il, que des traités visent expressément les territoires d'outre-mer.
Il aurait fallu aussi consulter ceux-ci. En l'occurrence, ils ne l'ont pas été.
L'Assemblée territoriale de la Polynésie française s'est elle-même saisie du
débat et a d'ailleurs émis un vote négatif. Voilà donc un ensemble d'éléments
qui dissuade d'appliquer ce texte aux territoires d'outre-mer.
Cela étant, il faut reconnaître que le texte vise tous les citoyens français,
et qu'il s'agit d'une loi de souveraineté qui devrait donc s'appliquer aux
territoires d'outre-mer. Hélas ! mais peut-être les conseillers du Gouvernement
le savent-ils et probablement sommes-nous moins doués qu'eux, nous n'arrivons
pas à savoir clairement ce qu'est un texte de souveraineté. Nous serions très
heureux de le savoir ; cela nous paraît tenir plus de la formule magique que
d'une catégorie juridique clairement définie. Or nous avons la faiblesse de
tenir à des définitions claires des catégories juridiques. Nous ne sommes donc
pas tout à fait convaincus. De toute façon, nous pensons qu'il s'agit
typiquement de questions qu'il appartient au Conseil constitutionnel de
trancher.
Nous proposons donc un amendement tendant à ôter les territoires d'outre-mer
du champ d'application de la loi. Le Conseil constitutionnel sera en quelque
sorte provoqué à se prononcer et à nous dire s'il considère que c'est la thèse
de la loi de souveraineté qui l'emporte, auquel cas il nous donnera une
définition des lois de souveraineté, ou si au contraire c'est l'autre
raisonnement, soutenu par notre collègue Daniel Millaud, qui est valable. C'est
donc le Conseil constitutionnel qui tranchera cette question puisqu'il s'agit
d'un projet de loi organique et qu'il sera naturellement amené à contrôler sa
conformité à la Constitution.
Enfin, en ce qui concerne l'intitulé du projet de loi organique, le Sénat
avait cru devoir reprendre les termes de l'article 88-3 de la Constitution et
se référer aux « seuls » citoyens de l'Union européenne. Cependant, animés du
même souci de sobriété et d'élégance dont je parlais tout à l'heure à propos
d'un autre texte, nous sommes prêts à renoncer au mot « seuls » et à reprendre
la rédaction de l'Assemblée nationale.
Ainsi, mes chers collègues, la commission des lois vous propose de voter le
texte de l'Assemblée nationale sous réserve de l'adoption de son amendement
visant à supprimer la mention de l'application de la loi organique dans les
territoires d'outre-mer, amendement qui a pour objet, je le rappelle, de
susciter l'arbitrage du Conseil constitutionnel.
(M. Machet applaudit.)
9
SOUHAITS DE BIENVENUE
A` UNE DÉLÉGATION
DE PARLEMENTAIRES NÉO-ZÉLANDAIS
M. le président. J'ai le plaisir de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation de députés néo-zélandais présidée par M. Douglas Kidd, speaker de la chambre des représentants néo-zélandais en visite à Paris, à l'invitation du groupe d'amitié France - Nouvelle-Zélande du Sénat présidé par M. Maurice Blin. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.) Au nom du Sénat, je lui souhaite la bienvenue et un excellent séjour dans notre pays.
10
DROIT DE VOTE DES CITOYENS EUROPÉENS AUX ÉLECTIONS MUNICIPALES
Suite de la discussion et adoption
d'un projet de loi organique
M. le président.
Nous reprenons la discussion, en troisième lecture, du projet de loi organique
(n° 208, 1997-1998), modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture,
déterminant les conditions d'application de l'article 88-3 de la Constitution,
relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France,
autres que les ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité aux
élections municipales, et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19
décembre 1994.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de la
discussion de ce projet de loi organique en première, puis en deuxième lecture,
j'ai eu l'occasion d'exposer les raisons de l'approbation du groupe communiste
républicain et citoyen.
Le contexte dans lequel se déroule cette troisième lecture m'amène à être un
peu plus précis pour rappeler que le consensus autour de ce projet de loi ne
doit pas faire oublier que nous ne donnons pas, les uns et les autres, je le
crois du moins, tout à fait le même sens à nos votes.
Aujourd'hui même, deux jours avant qu'il n'ait lieu au Sénat, se tient, à
l'Assemblée nationale, un débat de première importance relatif au passage de
notre pays à la monnaie unique.
Demain interviendra dans cet hémicycle, l'examen du projet de loi portant
modification des statuts de la Banque de France.
Je rappelle, que si nous avons salué, lors de notre première lecture, le pas
vers plus de citoyenneté, plus de démocratie en Europe, que constitue l'octroi
du droit de vote et d'éligibilité aux citoyens de l'Union européenne, lors des
élections municipales, nous avions regretté la discrimination, à nos yeux
injustifiée, faite à l'égard des étrangers non membres d'un Etat de l'Union.
Nos discussions passionnées depuis sur les conditions de résidence des
étrangers en France nous font plus que jamais penser que notre pays aurait tout
intérêt, pour une grande politique d'intégration, à permettre à ceux qui sont
en situation régulière sur notre sol de pouvoir exercer, au niveau local, un
droit de citoyenneté.
Nous ne sommes pas pour les repliements. Nous ne soutenons pas, par exemple,
quelles qu'en soient les raisons affichées, la volonté d'exclure les
territoires d'outre-mer du champ d'application de la loi.
Nous considérons, pour en revenir à l'Union européenne, que le caractère très
technocratique de la mise en place de l'euro montre le chemin qui reste à
parcourir pour rapprocher les citoyens des centres de décision.
Nos compatriotes sentent confusément que d'importantes décisions se prennent
loin, très loin d'eux. Le doute sur le fonctionnement de notre démocratie s'en
trouve renforcé.
Le fossé s'élargit et nul ne peut expliquer qui, demain, contrôlera réellement
l'action de la Banque centrale européenne.
Il y a donc un paradoxe que je tiens à souligner entre la volonté de ce projet
de loi organique, qui vise à renforcer les droits politiques des Européens, et
des dispositions telles que celles qui accompagnent la mise en place de l'euro,
qui contrarie la notion de citoyenneté.
Cette question nous angoisse. Nous sommes des euroconstructifs. La nécessaire
fraternité européenne passe par le développement de la richesse des nations. Le
vrai défi européen consiste à permettre à chacun de nos compatriotes de se
sentir partie prenante dans la maîtrise du nouvel ensemble en construction.
C'est le sens de nos appels à un large débat, à une consultation de notre
peuple.
Notre vote positif d'aujourd'hui ne signifie donc en rien un soutien à une
construction européenne qui oublierait les peuples, ce vote est, au contraire,
un appel à plus de citoyenneté, à plus d'intervention citoyenne.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de
loi organique vient en troisième lecture au Sénat, et je souhaite que ce soit
la dernière.
En effet, aux termes de l'article 88-3 de la Constitution, ce projet de loi
organique doit être adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées ; il
est donc grand temps de parvenir à un accord. A ce stade de la procédure, il
faut constater, pour s'en réjouir, que les points de vue des deux assemblées se
sont rapprochés très sensiblement. Nous le devons aux efforts de nos deux
rapporteurs que je félicite pour la qualité de leur travail.
Les quatre points restant en débat ne sont pas insurmontables. Notre
rapporteur, M. Fauchon, a d'ailleurs pris soin de préciser que ces dispositions
sont de nature « essentiellement techniques » et « de portée pratique assez
limitée ». Je ne partage pas entièrement cet avis car, sur la question du champ
d'application du présent projet de loi organique, une divergence importante
demeure, et je m'en explique.
Il s'agit de l'application du dispositif aux territoires d'outre-mer. C'est un
point fort de notre débat, c'est une question de fond. J'ai l'intime conviction
que la majorité de la commission des lois ne mesure pas la gravité et surtout
les conséquences de ce qu'elle demande au Sénat d'adopter.
Tout d'abord, je relève une certaine incohérence dans la position de la
commission des lois. Comment accepter que les dispositions de ce projet de loi
organique s'appliquent à Mayotte et non aux territoires d'outre-mer, alors que,
aux termes de notre Constitution, ils ont la même spécificité législative ? La
logique devrait également conduire à la suppression de cette référence à
Mayotte.
Est-il nécessaire de rappeler que le traité accorde le droit de vote et
d'éligibilité à « tout citoyen de l'Union résidant dans un Etat membre » ? Les
territoires d'outre-mer, c'est aussi la France !
En la circonstance, il s'agit bien d'une « loi de souveraineté ». Puisque rien
ne permet juridiquement d'en exclure les territoires d'outre-mer, la
participation des étrangers de l'Union européenne aux élections municipales
doit être effective sur l'ensemble du territoire national. Ai-je besoin
d'insister sur le caractère indivisible de la République et de la nation ?
J'en appelle maintenant à la responsabilité de la Haute Assemblée.
Mes chers collègues, nos départements et territoires d'outre-mer seront
appelés à connaître, dans les années qui viennent, une évolution juridique de
leur statut. Oserai-je dire que cela est inscrit dans les faits et dans
l'histoire ? Oui, le moment viendra où il faudra tenir compte de l'évolution
certaine des esprits, des nouveaux rapports avec nos compatriotes ultramarins,
de l'essor économique et culturel de ces collectivités territoriales au sein
des zones caraïbe et pacifique, ainsi que des relations qu'elles développeront
avec les pays de ces mêmes zones. Le nouveau statut de la Polynésie française
en est la première illustration, et l'avenir de la Nouvelle-Calédonie fait
actuellement l'objet de négociations délicates, difficiles, desquelles dépendra
le sort de ce territoire. Nous avons appris aujourd'hui qu'un accord était
intervenu à Nouméa. Nous devons suivre de très près ce qui se déroule en ce
moment, car le Parlement aura à en connaître, à en débattre et à se prononcer
dans peu de mois.
Qui n'a remarqué que le nouveau président de la région de Martinique est un «
partisan de l'indépendance de la Martinique » et que son mouvement politique a
obtenu un score significatif, notamment auprès des jeunes ? En Polynésie
française, depuis longtemps, M. Oscar Temaru fait campagne pour l'indépendance,
et ses idées gagnent peu à peu du terrain.
Croyez-le bien, je ne cherche absolument pas à dramatiser la situation, mais
nous ne pouvons rester sourds et aveugles face à ces évolutions. C'est pourquoi
je vous pose la question suivante : est-il responsable de conforter des thèses
séparatistes ? Avons-nous besoin d'adresser un signe de cette nature à nos
compatriotes d'outre-mer ?
Ainsi, pour ne pas déplaire à tel d'entre nous, ou par simple amitié politique
(M. le rapporteur proteste),
faut-il prendre le risque de donner à
l'histoire de notre République un cours nouveau ?
Je ne peux m'empêcher de porter à votre connaissance un extrait d'une
délibération adoptée à l'unanimité le 3 février 1998 - ce n'est pas vieux ! -
par le Conseil économique, social et culturel, le CESC, de Polynésie française,
dont les membres ne sont pas tous des « partisans de la révolution armée » ! Le
CESC souhaite « que la Constitution de la République soit aménagée de manière à
permettre aux TOM de bénéficier de dérogations explicites aux principes
républicains de liberté de circulation des personnes et des biens ». Pour ceux
qui savent comprendre ce qui se passe dans ce territoire, cela augure bien des
choses !
Mes chers collègues, je n'insisterai pas davantage. Vous l'avez compris, je
suis fermement opposé à l'amendement adopté par la commission des lois.
Croyez-vous qu'il soit opportun que nous approuvions une sorte de « mise à
l'écart » des territoires d'outre-mer d'un dispositif applicable à un Etat
membre de l'Union européenne ?
Puisque ce projet de loi organique sera nécessairement soumis au Conseil
constitutionnel, je préférerais que ce soit ce dernier qui indique que cette
disposition ne s'applique pas aux territoires d'outre-mer, explicitant
juridiquement sa décision, plutôt que de voir la majorité sénatoriale prendre
cette responsabilité. Il ne nous appartient pas de donner le moindre signe - et
quel signe ! - à des personnalités politiques qui interpréteront ce signe-là
comme un encouragement à persévérer dans une voie que nous n'approuvons pas.
Notre opposition à l'amendement que présente notre rapporteur ne nous
dispensera pas, cependant, d'approuver le reste du dispositif.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. _ Il est inséré, dans le chapitre 1er du titre IV du livre Ier du
code électoral, une section 1
bis
ainsi rédigée :
« Section 1 bis
« Dispositions spéciales à l'exercice par les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France du droit de vote pour l'élection des conseillers municipaux et des membres du Conseil de Paris.
«
Art. L. O. 227-1
. _ Les citoyens de l'Union européenne résidant en
France, autres que les citoyens français, peuvent participer à l'élection des
conseillers municipaux dans les mêmes conditions que les électeurs français,
sous réserve des dispositions de la présente section.
« Les personnes mentionnées au premier alinéa sont considérées comme résidant
en France si elles y ont leur domicile réel ou si leur résidence y a un
caractère continu.
« Pour l'application de la présente section, l'élection des membres du Conseil
de Paris est assimilée à celle des conseillers municipaux.
«
Art. L.O. 227-2 à L.O. 227-4
. _
Non modifiés
.
«
Art. L.O. 227-5 et L.O. 227-6
. _
Supprimés
.
«
Art. L.O. 227-7
. _
Non modifié
. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. _ Il est inséré, dans le code électoral, un article L.O. 228-1 ainsi
rédigé :
«
Art. L.O. 228-1
. _ Sont en outre éligibles au conseil municipal ou au
Conseil de Paris les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne
autres que la France qui :
«
a)
Soit sont inscrits sur la liste électorale complémentaire de la
commune ;
«
b)
Soit remplissent les conditions légales autres que la nationalité
française pour être électeurs et être inscrits sur une liste électorale
complémentaire en France et sont inscrits au rôle d'une des contributions
directes de la commune ou justifient qu'ils devaient y être inscrits au 1er
janvier de l'année de l'élection. » -
(Adopté.)
Article 12
M. le président.
« Art. 12. _ Les dispositions de la présente loi organique sont applicables
dans les territoires d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte.
»
Par amendement n° 1 rectifié, M. Fauchon, au nom de la commission, propose,
dans cet article, entre les mots : « sont applicables dans » et les mots : « la
collectivité territoriale de Mayotte », de supprimer les mots : « les
territoires d'outre-mer et ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon.
rapporteur.
Je rappelle simplement que, dans le texte que nous avions
voté, il était indiqué : « Les dispositions de la présente loi organique sont
applicables dans la collectivité territoriale de Mayotte. » L'Assemblée
nationale, elle, a écrit : « Les dispositions de la présente loi organique sont
applicables dans les territoires d'outre-mer et la collectivité territoriale de
Mayotte. »
Nous proposons de supprimer la mention : « les territoires d'outre-mer » afin
de montrer que nous avons, à tout le moins, un doute sur cette question et afin
d'amener le Conseil constitutionnel, qui sera automatiquement saisi, à la
trancher. Telle est la proposition de la commission des lois.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'ai déjà indiqué dans mon propos liminaire quelle
était, sur cette question, la position du Gouvernement. Nous avons une
interprétation, mais je comprends tout à fait le souci de la commission d'en
avoir le coeur net en laissant au Conseil constitutionnel le soin de trancher
ce point important.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
M. Guy Cabanel.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Très franchement, je crois que, au point où nous en sommes, il faut faire foin
des arguties et voter le texte le plus simple possible, au caractère le plus
général possible.
Mon groupe votera unanimement ce projet de loi organique, considérant qu'il
est temps d'appliquer la citoyenneté européenne.
En ce qui me concerne, après avoir entendu les arguments de M. Allouche, je ne
me sens pas le courage d'écarter les territoires d'outre-mer du champ
d'application de ce texte.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
M. le président.
Les autres dispositions du projet de loi organique ne font pas l'objet de la
troisième lecture.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de
droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
84:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 316 |
11
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de
constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la
responsabilité du fait des produits défectueux.
Il va être procédé immédiatement à la nomination de sept membres titulaires et
de sept membres suppléants de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée
conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame réprésentants du Sénat
à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jacques Larché, Pierre Fauchon, Luc Dejoie, Lucien Lanier,
Paul Girod, Marcel Charmant et Robert Pagès.
Suppléants : MM. Robert Badinter, François Blaizot, Michel Dreyfus-Schmidt,
Jean-Jacques Hyest, Charles Jolibois, René-Georges Laurin et Jean-Pierre
Schosteck.
12
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. André Jourdain une proposition de loi relative au
multisalariat en temps partagé.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 394, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires sociales sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
13
DÉPÔT D'UNE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu, en application de l'article 73
bis
, alinéa 8, du règlement,
une résolution, adoptée par la commission des finances, du contrôle budgétaire
et des comptes économiques de la nation, sur la recommandation au Conseil
relative au rapport sur l'état de la convergence et à la recommandation
associée en vue du passage à la troisième phase de l'Union économique et
monétaire (n° E-1045).
Cette résolution sera imprimée sous le numéro 393 et distribuée.
14
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement en application de l'article 88-4
de la Constitution : projet de règlement du Conceil concernant la réduction de
certaines relations économiques avec la République fédérale de Yougoslavie.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1056 et
distribuée.
15
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Louis Souvet, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom
de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation et
d'incitation relatif à la réduction du temps de travail.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 392 et distribué.
16
DÉPÔTS RATTACHÉS POUR ORDRE
AU PROCÈS-VERBAL
DE LA SÉANCE DU 9 AVRIL 1998
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu le 10 avril 1998 de MM. Robert Pagès, Guy
Fischer, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle
Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Jean Derian, Michel Duffour, Pierre Lefebvre,
Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Jack Ralite, Ivan Renar et
Mme Odette Terrade une proposition de loi tendant à remplacer, dans le titre de
la loi n° 51-538 du 14 mai 1951, les mots : « personnes contraintes au travail
en pays ennemi, en territoire étranger occupé par l'ennemi ou en territoire
français annexé par l'ennemi » par les mots : « victimes de la déportation du
travail » et à modifier en conséquence le code des pensions militaires
d'invalidité et des victimes de guerre.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le n° 389, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 10 avril 1998 de MM. Robert Pagès et Guy
Fischer une proposition de loi tendant à accorder la retraite anticipée pour
les anciens combattants chômeurs en fin de droit justifiant de quarante années
de cotisations diminuées du temps passé en Afrique du Nord.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le numéro 390, distribuée et
renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 17 avril 1998 de M. Edouard Le Jeune une
proposition de loi tendant à faciliter et à améliorer l'indemnisation des
victimes de violences urbaines.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le numéro 391, distribuée et
renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
DÉPÔT DE PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu le 9 avril 1998 de M. le Premier ministre la
proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement
en application de l'article 88-4 de la Constitution : proposition de décision
du Conseil sur les modalités relatives à la composition du Comité économique et
financier.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sour le numéro E-1053 et
distribuée.
M. le président du Sénat a reçu le 14 avril 1998 de M. le Premier ministre la
proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement
en application de l'article 88-4 de la Constitution : proposition de décision
du Conseil autorisant le Royaume d'Espagne à appliquer une mesure dérogatoire
aux articles 2 et 28
bis
$ 1 de la 6e directive (77/388/CEE) du Conseil
du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres
relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - matériaux usagés et déchets.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1054 et
distribuée.
M. le président du Sénat a reçu le 16 avril 1998 de M. le Premier ministre la
proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement
en application de l'article 88-4 de la Constitution : proposition de directive
du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 88/77 du Conseil
concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux
mesures à prendre contre les émissions de gaz polluants et de particules
polluantes provenant des moteurs diesel destinés à la propulsion des
véhicules.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1055 et
distribuée.
17
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 22 avril 1998 à quinze heures et, eventuellement, le soir
:
Discussion du projet de loi (n° 383, 1997-1998), adopté par l'Assemblée
nationale, après déclaration d'urgence, modifiant le statut de la Banque de
France en vue de sa participation au système européen de banques centrales.
Rapport (n° 388, 1997-1998) de M. Alain Lambert, fait au nom de la commission
des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la
nation.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale de ce projet de loi
n'est plus recevable.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
Délais limite pour les inscriptions de parole
dans la discussion générale
et pour le dépôt des amendements
Question orale avec débat n° 2 sur les conséquences de l'accord multilatéral
sur l'investissement.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 22 avril
1998, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de MM. Michel
Dreyfus-Schmidt, Michel Charasse, Guy Allouche, Robert Badinter et des membres
du groupe socialiste et apparentés, tendant à préciser le mode de calcul de la
durée maximale de détention provisoire autorisée par le code de procédure
pénale (n° 312, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 22 avril 1998, à
dix-sept heures.
Résolution de la commission des finances sur la monnaie unique européenne.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mercredi 22 avril 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 22 avril 1998, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinquante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 21 avril 1998
à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Mercredi 22 avril 1998, à 15 heures et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
modifiant le statut de la Banque de France en vue de sa participation au
Système européen de banques centrales (n° 383, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 21 avril 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à trois heures, la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 21 avril
1998.)
Jeudi 23 avril 1998 :
A
9 h 30 :
Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution
1° Question orale avec débat n° 2 de M. Adrien Gouteyron à M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences de l'Accord
multilatéral sur l'investissement.
(En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du
règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale
du temps dont disposeront, dans le débat sur cette question, les orateurs des
divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 22 avril
1998.)
2° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de MM.
Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Charasse, Guy Allouche, Robert Badinter et des
membres du groupe socialiste et apparentés tendant à préciser le mode de calcul
de la durée maximale de détention provisoire autorisée par le code de procédure
pénale (n° 312, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 22 avril 1998, à 17
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de
loi.)
A
15 heures
et, éventuellement, le soir :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution
4° Résolution de la commission des finances sur la recommandation de la
Commission européenne relative au passage à la monnaie unique (n° E 1045).
(
La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 22 avril 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 22 avril
1998.)
Mardi 28 avril 1998 :
A
9 h 30 :
1° Dix-sept questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions sera
fixé ultérieurement) :
- n° 114 de M. François Lesein à Mme le ministre de la culture et de la
communication (Taux de TVA sur les produits multimédia) ;
- n° 193 de M. Jean-Louis Lorrain à Mme le ministre délégué chargé de
l'enseignement scolaire (Enseignement du latin et du grec) ;
- n° 209 de M. Jean-Marie Poirier à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Nuisances causées par le fonctionnement de
l'aéroport d'Orly) ;
- n° 213 de M. Martial Taugourdeau à M. le secrétaire d'Etat au logement
(Avenir du 1 % logement) ;
- n° 216 de M. Georges Mouly à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(Situation des employeurs publics vis-à-vis de l'assurance chômage des
emplois-jeunes) ;
- n° 217 de M. Philippe Richert à M. le ministre de la défense (Situation des
personnels civils travaillant pour les forces françaises en Allemagne) ;
- n° 222 de M. Jean Bizet à M. le ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation (Création d'emplois dans la
fonction publique) ;
- n° 225 de M. Franck Sérusclat à M. le ministre de l'éducation nationale, de
la recherche et de la technologie (Organisation des remplacements dans
l'enseignement) ;
- n° 226 de Mme Marie-Claude Beaudeau à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Répartition des trafics aériens entre Roissy et
Orly) ;
- n° 228 de M. Alain Vasselle à M. le secrétaire d'Etat à la santé
(Amélioration de la prise en charge des personnes atteintes de démence sénile
et de la maladie d'Alzheimer) ;
- n° 230 de M. Germain Authié à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (Aménagement de la RN 20 entre Tarascon-sur-Ariège et
Ax-les-Thermes) ;
- n° 231 de M. Désiré Debavelaere à M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche (Réglementation des constructions à proximité des bâtiments d'élevage)
;
- n° 234 de M. Louis Minetti à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(Mise en oeuvre des propositions de la délégation sénatoriale sur les fruits et
légumes) ;
- n° 235 de M. Daniel Eckenspieller à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité (Montant des cotisations d'accident du travail appliqué aux
aéro-clubs) ;
- n° 237 de M. Gérard César à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(Assurance chômage des emplois-jeunes) ;
- n° 242 de M. Jacques Oudin à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(Réforme de la sécurité sociale) ;
- n° 243 de M. Jean-Pierre Demerliat à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie
(Situation de la Compagnie générale d'électrolyse du Palais-sur-Vienne
[CGEP]).
A
16 heures :
2° Hommage solennel à Victor Schoelcher.
(A la suite de M. René Monory, président du Sénat, pourront intervenir M.
Gérard Larcher, président du comité de parrainage de la commémoration [10
minutes], un orateur pour chaque groupe et la réunion administrative des
sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe [10 minutes] et le
représentant du Gouvernement ;
A l'issue de la séance, la plaque à la mémoire du président Gaston Monnerville
sera dévoilée dans l'hémicycle.)
Mercredi 29 avril 1998 :
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures
et le soir :
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant modification de
l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles (n° 343,
1997-1998) ;
(La conférence des présidents a fixé au mardi 28 avril 1998, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant transposition dans
le code de la propriété intellectuelle de la directive 96/9/CE du Parlement
européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des
bases de données (n° 344, 1997-1998) ;
(La conférence des présidents a fixé au mardi 28 avril 1998, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
3° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, permettant à
l'enfant orphelin de participer au conseil de famille (n° 99, 1997-1998) ;
(La conférence des présidents a fixé au mardi 28 avril 1998, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de
loi.)
4° Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale,
relatif à la partie Législative du livre VI (nouveau) du code rural (n° 332,
1997-1998) ;
(La conférence des présidents a fixé au mardi 28 avril 1998, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
5° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet
de loi modifiant le statut de la Banque de France en vue de sa participation au
Système européen de banques centrales.
Mardi 5 mai 1998 :
A
9 h 30 :
1° Dix questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions sera
fixé ultérieurement) :
- n° 210 de M. Jean-Louis Lorrain à M. le ministre de l'intérieur (Mode
d'élection des parlementaires européens) ;
- n° 219 de M. Jean-Jacques Robert à M. le ministre de l'intérieur
(Indemnisation des victimes propriétaires de véhicules saccagés ou détruits par
le feu) ;
- n° 227 de Mme Marie-Claude Beaudeau à M. le ministre de l'intérieur
(Conditions d'exercice de la profession de convoyeur de fonds) ;
- n° 232 de Mme Janine Bardou à Mme le ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement (Elimination des déchets plastiques à base de PEHD) ;
- n° 236 de M. Ivan Renar à M. le ministre de la défense (Disparition de la
musique du 43e régiment d'infanterie de Lille) ;
- n° 238 de M. Alain Gournac à M. le ministre de l'intérieur (Respect des
droits des enfants) ;
- n° 239 de Mme Dinah Derycke à M. le secrétaire d'Etat à la santé (Dangers
résultant de la vente de ballons gonflés au protoxyde d'azote) ;
- n° 241 de M. Christian Demuynck à M. le ministre de l'éducation nationale,
de la recherche et de la technologie (Avenir des classes technologiques) ;
- n° 245 de M. Dominique Leclerc à M. le secrétaire d'Etat à la santé
(Politique des médicaments génériques) ;
- n° 246 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche (Politique agricole commune et élevage extensif).
A
16 heures :
2° Eloge funèbre de Pierre Lagourge.
Ordre du jour prioritaire
3° Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale,
portant transposition de la directive 94/47/CE du Parlement européen et du
Conseil, du 26 octobre 1994, concernant la protection des acquéreurs pour
certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit
d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers (n° 335, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 4 mai 1998, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
4° Eventuellement, conclusions de la commision mixte paritaire sur la
proposition de loi relative à la responsabilité du fait des produits
défectueux.
Mercredi 6 mai 1998 :
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures
et le soir :
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture après
déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'ordre économique et
financier (n° 373, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 5 mai 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 5 mai
1998.)
Jeudi 7 mai 1998 :
Ordre du jour prioritaire
A
9 h 30
et à
15 heures :
Suite de l'ordre du jour de la veille.
Mardi 12 mai 1998 :
Ordre du jour prioritaire
A
16 heures :
Nouvelle lecture du projet de loi d'orientation et de réduction du temps
de travail (AN, n° 829) ;
(La conférence des présidents a fixé au lundi 11 mai 1998, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
Mercredi 13 mai 1998 :
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures :
1° Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi
instituant une commission consultative du secret de la défense nationale (AN,
n° 778).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 12 mai 1998, à 17 heures, le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
2° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à la
détermination des conditions juridiques de l'exercice de la profession
d'artisan boulanger (n° 375, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 12 mai 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à cette proposition de loi ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion
générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 12 mai
1998.)
Jeudi 14 mai 1998 :
Ordre du jour prioritaire
A
9 h 30 :
1° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
A
15 heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant 11 heures.)
Par ailleurs, l'éloge funèbre de Bernard Barbier sera prononcé le mardi 26 mai
1998.
A N N E X E
a)
Question orale avec débat
inscrite à l'ordre du jour du jeudi 23 avril 1998
M. Adrien Gouteyron attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la constance avec laquelle les instances de négociations économiques et commerciales internationales s'entêtent à ignorer la spécificité des biens, des industries ou des investissements culturels, qui ne sauraient être soumis aux seules lois du marché. Alors que les négociations du cycle d'Uruguay, qui ont abouti en avril 1994 à la signature des accords de Marrakech, n'avaient que très tardivement admis ce qu'il est convenu d'appeler « l'exception culturelle », on doit en effet constater aujourd'hui que le projet d'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI), négocié depuis 1995 dans le cadre de l'OCDE, remet en cause tant les principes du droit de propriété littéraire et artistique que les politiques nationale et européenne de soutien à la création, en particulier dans les domaines cinématographique et audiovisuel. Il attire également son attention sur le fait qu'une information complète de la représentation nationale sur les enjeux et le déroulement de telles négociations constitue sans doute, pour le Gouvernement, le meilleur moyen de s'assurer de son soutien et de celui de l'opinion dans la défense des intérêts nationaux, et il lui demande d'informer le Sénat sur la position du Gouvernement français dans la négociation de l'AMI, ainsi que sur les chances que cette négociation aboutisse à un accord acceptable par la France et par tous les pays soucieux de défendre l'avenir de leur langue et de leur culture.
b)
Questions orales sans débat inscrites à l'ordre du
jour
de la séance du mardi 28 avril 1998
M. François Lesein appelle l'attention de Mme le ministre de la culture et de
la communication sur la nature des suites qu'il convient de donner à la
divergence des opinions exprimées par M. le Président de la République et la
Commission européenne en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur les produits
multimédia. Il est aujourd'hui patent de constater que nombre de ces produits,
notamment les CD-ROM, poursuivent, dans le domaine de l'éducation, par exemple,
des objectifs similaires à ceux du livre pour lequel le taux de TVA est réduit.
De plus, on ne saurait considérer l'approche de la culture uniquement par le
biais de la littérature. Il convient bien au contraire d'encourager la
diffusion des autres modes d'expression culturelle qui, à l'instar de la
peinture, de la musique ou du cinéma, sont accessibles au plus grand nombre,
essentiellement grâce à l'essor des CD-ROM, des disques compacts ou des
vidéocassettes. Aussi, il lui demande quels aménagements pourraient être opérés
afin que le souhait du Président de la République, partagé par l'ensemble des
Français, puisse être exaucé.
M. Jean-Louis Lorrain appelle l'attention de Mme le ministre délégué chargé de
l'enseignement scolaire sur les études des latinistes, dans la filière des
lettres classiques. La trilogie français, latin et grec a toujours constitué
une grande tradition de la culture française et un élément non négligeable
d'unité de la culture européenne. Or, une décision récente allant à l'encontre
des dispositions antérieures, favorablement accueillies par les enseignants et
les parents d'élèves, contraint désormais les élèves de troisième à opter, au
choix, soit pour le latin, soit pour le grec. Les priver de ce double
enseignement fragilise la formation classique tout entière. Et cette dernière
est un moyen efficace pour lutter contre la baisse de niveau souvent observée
dans les collèges. Quelles motivations ont précédé une telle prise de position
et quelle sera la filière désormais pour ceux des élèves qui souhaitent étudier
simultanément grec et latin ?
M. Jean-Marie Poirier appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement,
des transports et du logement sur le problème des nuisances sonores causées par
les actuelles conditions de fonctionnement de l'aéroport d'Orly. Les relevés
très sérieux effectués par une association locale regroupant sept communes
voisines de l'aéroport, à partir du système SONATE, sur une période de cinq
mois en 1997, font apparaître la fréquence des infractions aux procédures
prévues par le code d'exploitation d'Orly. Les constats effectués établissent à
l'évidence que nombre d'aéronefs quittent prématurément la zone de navigation
obligatoire après le décollage d'Orly et accélèrent abusivement leur descente
lors des atterrissages. Trop d'appareils anciens et bruyants continuent de
circuler. Et le régime de couvre-feu applicable entre 23 h 30 et 6 heures fait
l'objet de nombreuses dérogations. Par ailleurs, sur le plan normatif, il n'y a
pas de correspondance exacte entre le découpage du plan de gêne sonore (PGS) et
la zone de navigation obligatoire (ZNO). Un aéronef peut simultanément
respecter la réglementation de circulation en se conformant à la ZNO et
enfreindre celle de l'exposition au bruit en sortant de la zone du PGS. Face à
ces nuisances, il faut ici souligner l'exaspération des populations qui ont de
plus le sentiment que le dialogue environnemental est en panne et que les
pouvoirs publics sont impuissants, voire négligents. Il souhaite savoir si
l'administration a procédé à des contrôles, si le décret du 27 mai 1997
instituant des sanctions administratives pour la protection de l'environnement
des aérodromes est appliqué et si des sanctions ont été prononcées. Il
souhaite, d'autre part, connaître les mesures que le ministère compte prendre
pour faire respecter la réglementation. Plus précisément, s'il est favorable au
maintien de la fréquentation à 250 000 créneaux horaires, au maintien du
couvre-feu dans les horaires actuels et à une éventuelle révision du plan de
gêne sonore qui couvre la zone d'Orly.
M. Martial Taugourdeau appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat au
logement sur l'avenir du 1 % logement. Il lui précise que l'article 45 de la
loi de finances pour 1998 - n° 97-1269 du 31 décembre 1997 - a donné un support
législatif au second prélèvement de 7 milliards de francs opéré sur le 1 %
logement, résultant de la convention d'objectifs en date du 17 septembre 1996,
et de la loi n° 96-1237 du 30 décembre 1996 relative à l'Union économique et
sociale du logement. Il lui rappelle que le Sénat n'a pas manqué, à l'occasion
de la discussion budgétaire en décembre dernier, de manifester son opposition
sur le changement d'affectation des sommes prélevées sur le 1 % logement qui, à
l'origine, devaient servir au financement exclusif du prêt à taux zéro. Il
précise qu'il s'agit maintenant de financer en plus les aides à la personne, ce
qui constitue une sérieuse entorse aux conventions d'objectifs passées avec les
collecteurs interprofessionnels du logement (CIL) et la manifestation pour
l'Etat du non-respect de la parole donnée. Il souligne que, pour 1998, le
Gouvernement ne semble pas décidé à élaborer la sécurisation, pourtant
nécessaire, tant pour l'avenir du 1 % logement que pour le financement futur du
prêt à taux zéro. En conséquence, il lui demande, d'une part, quelles
initiatives il compte prendre pour assurer une véritable pérennité au
dispositif du 1 % logement, et, d'autre part, quelles assurances il peut
apporter pour répondre aux légitimes inquiétudes exprimées par les CIL quant à
l'avenir du 1 % logement, et plus particulièrement pour ce qui est du taux de
collecte ? Enfin, il lui demande de bien vouloir lui préciser si ces fonds
seront à nouveau mis à contribution pour le financement des aides à la personne
en 1999, alors que rien de tel n'avait été négocié entre les CIL et les
pouvoirs publics.
M. Georges Mouly attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité sur le problème posé par la situation des employeurs publics
vis-à-vis de l'assurance chômage pour les salariés relevant du dispositif
emploi-jeunes. La loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 prévoit en effet que les
établissements publics administrés par l'Etat pourront adhérer à l'assurance
chômage pour les personnes recrutées en emploi-jeunes, dès que la convention
régissant ce dispositif sera conclue entre l'Etat et l'UNEDIC. La loi en
revanche n'a pas prévu cette possiblité pour les autres personnes morales de
droit public, à savoir les collectivités locales, pour les mêmes emplois. En
conséquence, celles-ci doivent, soit s'auto-assurer, soit adhérer à l'assurance
chômage pour l'ensemble de leurs agents, ce qui pose d'importants problèmes
auxquels il convient de trouver une solution dès maintenant, pour ne pas en
rencontrer de bien plus importants dans cinq ans. Voilà pourquoi il lui demande
ce qu'elle compte entreprendre pour régler au mieux ce problème qui commence à
inquiéter non seulement les employeurs, mais les employés eux-mêmes,
c'est-à-dire les bénéficiaires de contrats emploi-jeunes.
M. Philippe Richert attire l'attention de M. le ministre de la défense sur la
situation des personnels civils travaillant pour les forces françaises en
Allemagne, et plus particulièrement les agents de droit privé qui sont touchés
par les mesures de restructuration des armées. Contrairement à leurs collègues
engagés sous contrat de droit public, l'intégration de ces agents dans la
fonction publique territoriale n'a pas été retenue. Des mesures
d'accompagnement social ont en revanche été mises en place, telles qu'une
commission franco-allemande itinérante, chargée d'aider et de conseiller ces
personnes dans leur recherche d'un nouvel emploi. Il semblerait cependant,
selon les personnes concernées, que ces mesures n'aient pour l'instant que très
peu d'effets et que de nombreux agents n'aient pas encore trouvé de solution de
reclassement. Parallèlement à cette situation, il semblerait que, dans le cadre
de la professionnalisation des armées, l'embauche de plusieurs centaines de
personnels civils soit envisagée dans un proche avenir. Ne serait-il pas
concevable dans ce cas de proposer certains de ces futurs postes à des anciens
agents civils de nos forces armées, compte tenu des années qu'ils ont passées
au service de la défense nationale ? Par ailleurs, il souhaiterait être
informé, dans la mesure du possible, de l'état actuel des travaux de la
commission franco-allemande chargée du suivi de ces personnes, ainsi que du
bilan provisoire de son action, et notamment le nombre de personnes qui ont, à
la date d'aujourd'hui, retrouvé un emploi stable par ce biais.
M. Jean Bizet attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de
la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur la décision prise récemment
par le Gouvernement de revaloriser de 2,6 % sur les deux prochaines années le
traitement des fonctionnaires. Cette décision, lourde de conséquences pour le
budget de l'Etat, semble faire abstraction de l'augmentation du pouvoir d'achat
des salariés de la fonction publique de 11,1 % ces cinq dernières années quand,
dans le même temps, ce pouvoir d'achat ne progressait que de 6,3 % pour les
salariés du secteur privé. Cette décision, avec 5 millions et demi de
fonctionnaires, alourdira ainsi les dépenses publiques de plus de 15 milliards
de francs. Cette décision, s'ajoutant à la récente création des emplois-jeunes
qui constitueront à terme et pour la plupart d'entre eux autant d'emplois
publics supplémentaires, fera de notre pays le leader incontesté des pays
créateurs d'emplois publics avec 1,6 million de postes créés depuis 1979
pendant que 600 000 emplois privés étaient détruits. Cette décision s'intégrant
selon toute vraisemblance et dans un proche avenir à la politique de réduction
du temps de travail imposée par le Gouvernement, on comprendrait mal en effet
que l'Etat ne donne pas l'exemple et exclue dans cette mesure 25 % des actifs
de ce pays ; peut-on alors imaginer que l'application de cette politique
nécessitera la création de nouveaux emplois... publics. En clair, il lui
demande pourquoi cette augmentation et comment elle sera financée : par emprunt
ou par accroissement de la fiscalité. Entre rigueur budgétaire et augmentation
de la dépense publique, où se trouve, en cette affaire, la cohérence
gouvernementale !
M. Franck Sérusclat souhaite interroger M. le ministre de l'éducation
nationale, de la recherche et de la technologie sur la question des
remplacements des enseignants absents, dans l'enseignement scolaire, en
particulier en regard de la situation existant dans l'académie Rhône-Alpes.
Face à la question de l'absentéisme des enseignants, largement évoquée, des
élèves se trouvent privés de professeurs. Ceux-ci doivent donc être remplacés.
Cependant, les conditions actuelles de remplacement ne sont pas satisfaisantes,
en particulier dans l'académie Rhône-Alpes. Des exemples de ce
dysfonctionnement : enseignements non assurés dans certaines matières, lenteur
extrême du remplacement d'un professeur de français dans un collège situé dans
une zone classée sensible. Dans cette académie, les titulaires remplaçants
représentent moins de 1 % du total des enseignants et le nombre des maîtres
auxiliaires disponibles diminue du fait de leur intégration par concours. En
conséquence, le rectorat fait appel à des vacataires pour assurer les
remplacements, donc à des personnels dans une situation très précaire et ne
pouvant pas assurer une continuité pédagogique. Le remplacement est alors
fragmenté, ou plusieurs vacataires sont embauchés successivement. De plus, la
situation ne semble pas en mesure d'être améliorée l'année prochaine, le nombre
de postes mis au concours diminuant pour la troisième année consécutive et
aucun poste de titulaire-remplaçant n'étant prévu. Il souhaiterait connaître
ses intentions en la matière, sa volonté de lutter contre la précarité des
vacataires, ainsi que les moyens avec lesquels il entend assurer les
remplacements des personnels titulaires et qualifiés, dans un souci du service
public.
A la suite des déclarations de M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement, visant « à une meilleure répartition des trafics aériens entre
Orly et Roissy », Mme Marie-Claude Beaudeau lui demande de lui faire connaître
la nature, la programmation d'une telle répartition et s'il n'estime pas
qu'elle puisse compromettre à terme l'environnement, la qualité de vie dans la
région de Roissy-en-France et de l'emploi dans la région d'Orly.
M. Alain Vasselle appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé
sur la nécessité d'améliorer la prise en charge des personnes atteintes de
démence sénile et, en particulier, de la maladie d'Alzheimer. Pour l'essentiel,
c'est actuellement sur la famille et l'entourage que repose la prise en charge
du malade dont l'état se dégrade progressivement et inexorablement. Une
politique de prise en charge efficace et ambitieuse de la maladie d'Alzheimer
passe par des actions multiples en vue d'améliorer la connaissance de ces
maladies et la qualité de vie des malades et de leur entourage. Or, à ce jour,
la maladie d'Alzheimer ne figure pas, en tant que telle, parmi les 30 maladies
« comportant un traitement prolongé et une thérapie particulièrement coûteuse »
répertoriées par l'article D. 332-1 du code de la sécurité sociale, alors
qu'une affection comme la maladie de Parkinson en fait partie. Même si une
telle reconnaissance est de la compétence du pouvoir réglementaire, il ne peut
que l'inviter fortement à l'accomplir, dans la mesure où cela constituera un
signal fort pour la prise de conscience des conséquences douloureuses de cette
maladie sans coût pour la collectivité. Cette mesure permettra de prendre en
compte cet enjeu de santé publique et de politique sociale que sont la maladie
d'Alzheimer et les démences séniles en général, et d'améliorer la qualité de
prise en charge de personnes qui en sont atteintes. C'est pourquoi il lui
demande de lui préciser quelles actions il entend engager afin de faire face
aux conséquences particulièrement pénibles de cette « épidémie silencieuse
».
M. Germain Authié rappelle à M. le ministre de l'équipement, des transports et
du logement que la transformation en autoroute de la RN 20 entre Paris et
Toulouse va être prochainement achevée. Au sud de Toulouse, en direction de
l'Espagne et de l'Andorre, les travaux sont programmés jusqu'à Foix. La mise à
2 × 2 voies de la RN 20 doit être poursuivie vers le sud entre
Tarascon-sur-Ariège et Ax-les-Thermes. L'ouverture récente du tunnel du
Puymorens, l'accroissement des échanges entre la France, l'Espagne et l'Andorre
rendent indispensable dans les plus brefs délais cette mise à 2 × 2 voies dans
la vallée de la haute Ariège. Un flux de véhicules, et notamment de poids
lourds, en constante progression emprunte cet itinéraire et traverse chaque
jour les bourgs et les villages de montagne dans la vallée sinueuse et
encaissée de la rivière Ariège. La population de cette zone et les élus
constatent les multiples accidents de circulation et redoutent chaque jour
davantage que se produise une catastrophe comme celle survenue en Andorre. Il
lui indique que les services de la direction départementale de l'équipement ont
établi depuis plusieurs années un projet de mise à 2 × 2 voies de la RN 20 dans
le secteur concerné. Ce projet a recueilli à deux reprises au moins un accord
global des élus et des milieux socio-économiques. Il semble cependant que ce
projet fasse l'objet de multiples aller et retour entre Paris et la préfecture
de l'Ariège et que, de ce fait, la procédure de mise en oeuvre ne puisse
toujours pas être lancée. Il lui demande de bien vouloir lui faire connaître à
quelle date M. le préfet de l'Ariège sera autorisé à lancer la procédure
d'enquête publique concernant la mise à 2 × 2 voies de la RN 20 entre
Tarascon-sur-Ariège et Ax-les-Thermes et à quel moment les travaux pourront
alors être entrepris.
M. Désiré Debavelaere appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture
et de la pêche sur les difficultés que crée, à un certain nombre d'exploitants
agricoles d'établissements classés « élevages laitiers ou bovins à viande » de
plus de quarante ou cinquante vaches pour le second cas, l'obtention par des
particuliers ou des promoteurs de permis de construire des habitations à moins
de cent mètres de leurs bâtiments d'élevage. Alors que les éleveurs sont tenus
de respecter cette distance minimale vis-à-vis des immeubles occupés par des
tiers au titre de la réglementation des installations classées, aucune règle de
réciprocité ne figure en effet dans la loi n° 76-66 du 19 juillet 1976 et dans
le code de l'urbanisme.
M. Louis Minetti attire à nouveau l'attention de M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche sur le problème des fruits et légumes. En juillet
1997, M. le ministre a accepté comme base de travail ses propositions,
notamment la création d'un comité franco-espagnol sur ces questions. Depuis, il
est allé deux fois en Espagne, le comité franco-espagnol s'est réuni trois
fois. La délégation sénatoriale sur les fruits et légumes s'est rendue, elle
aussi, en Espagne et a présenté plusieurs propositions. Ces principales
propositions portent sur : la mise en place d'une action commune sur les fruits
et légumes qui pourrait devenir un front méditerranéen dans l'Europe et pour la
modification de la politique agricole commune ; la prise en compte commune du
fait que l'Europe ne produit que 40 % des fruits et légumes qu'elle consomme,
que les fruits et légumes représentent 25 % de la production européenne et ne
participent qu'à hauteur de 4 % du budget européen ; la mission confiée à la
commission franco-espagnole de prévoir et de moduler les productions dans
l'intérêt commun et de prévoir et gérer les crises ; la responsabilisation des
grands groupes, bancaires, commerciaux, de transports pour assurer un revenu
décent aux agriculteurs, y compris en rétablissant les coefficients
multiplicateurs ; la négociation avec le Gouvernement espagnol pour
l'égalisation des conditions salariales telles que sa signature à Luxembourg le
prévoit pour une Europe sociale. Il désire connaître quelles mesures concrètes
il compte prendre pour la mise en place de ces propositions et des
développements qu'elles supposent.
M. Daniel Eckenspieller attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et
de la solidarité sur les problèmes rencontrés par les aéro-clubs du fait de la
modification de la codification du taux des cotisations d'accident du travail.
La plupart de ces associations étaient affectées, jusque-là, au régime 80.4 AA
« Ecole de conduite » au taux de 1,9 %. En 1997, une reclassification de leurs
activités par la Caisse nationale d'assurance maladie en « Sports aéronautiques
» au régime 92.6 CB a porté le taux de leurs cotisations « accident du travail
» à 22,30 %. C'est la raison pour laquelle il lui demande d'intervenir auprès
de l'instance concernée, afin qu'elle accepte de reclasser, au regard du taux
de cotisation « accident du travail », l'ensemble des associations
aéronautiques, comme elles l'étaient précédemment, à savoir comme « Ecole de
conduite ». Il lui demande, par ailleurs, de bien vouloir lui indiquer quelles
sont ses intentions à cet égard.
M. Gérard César attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité sur les réactions de nombreux maires de son département concernant
le versement des indemnités de chômage relatives aux emplois-jeunes. En effet,
ce dispositif n'a pas été prévu et l'Union nationale pour l'emploi dans
l'industrie, le commerce et l'agriculture (UNEDIC) refuse aux communes
l'affiliation des contrats du programme « nouveaux emplois - nouveaux services
». Aussi, il souhaiterait connaître les dispositions envisagées par le
Gouvernement.
M. Jacques Oudin appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité sur l'urgence de certaines décisions relatives à la réforme en cours
de la sécurité sociale. En ce qui concerne la branche vieillesse, il est
indispensable de compléter les mesures d'ajustement qui ont été prises en 1993
pour le régime général de retraite et de prendre enfin des mesures comparables
pour les régimes spéciaux de retraite. A elle seule, la gravité de la situation
financière de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités
locales (CNRACL) justifie des mesures immédiates. En ce qui concerne la branche
famille, il est indispensable de clarifier les charges financières imputées à
la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Il est également urgent
de faire savoir aux Français si l'actuelle majorité a l'intention de pérenniser
la mise sous condition de ressources des allocations familiales. Cette mesure
votée l'an dernier, à titre provisoire selon la déclaration d'intention du
Gouvernement, est en effet manifestement contraire aux principes d'universalité
et de solidarité fondateurs de la sécurité sociale. En ce qui concerne la
branche maladie, il est urgent de mettre à jour la nomenclature des actes
professionnels, de publier le règlement conventionnel minimal des médecins,
d'adresser des directives claires aux directeurs des agences régionales de
l'hospitalisation et de donner à l'Agence nationale d'évaluation et
d'accréditation en santé (ANAES) les moyens de ses missions. Chacun des neuf
points précédents est particulièrement urgent et nécessite une prise de
position dépourvue d'ambiguïté de la part du Gouvernement. C'est pourquoi il
lui serait reconnaissant de bien vouloir éclairer le Sénat sur ces sujets qui
intéressent très directement tous les Français.
M. Jean-Pierre Demerliat attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à
l'industrie sur la situation de la Compagnie générale d'électrolyse du
Palais-sur-Vienne (CGEP), société du groupe Pechiney, dont celui-ci veut
supprimer les activités de raffinage, entraînant par là la suppression de 200
emplois sur les 250 que compte cette usine. La CGEP est à l'heure actuelle la
seule raffinerie de cuivre par électrolyse existant en France dont l'expérience
et le savoir-faire sont reconnus au niveau national et européen. Pour faire
face à ses difficultés d'approvisionnement, l'entreprise a réalisé en 1992 un
investissement de 60 MF, dont 10 MF de fonds publics, pour pouvoir traiter des
déchets cuivreux à basse teneur. Cet investissement devait permettre la
pérennisation de l'usine du Palais. Or, aujourd'hui, ce nouveau four est
arrêté, faute de rentabilité selon la direction. Cette entreprise possède des
atouts non négligeables méritant d'être développés, c'est pourquoi il importe
que toutes les études nécessaires soient menées à bien, que ce soit en matière
de recyclage au sens large ou concernant les approvisionnements en déchets
cuivreux. Il lui demande dont de veiller à ce qu'aucune piste ne soit négligée
pour permettre la pérennité de ce site industriel.
c)
Questions orales sans débat inscrites à l'ordre du
jour
de la séance du mardi 5 mai 1998
M. Jean-Louis Lorrain attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur
la nécessité de rapprocher les parlementaires européens de leurs électeurs en
modifiant leur mode d'élection. Il lui demande de préciser les intentions du
Gouvernement en cette matière, et notamment s'il envisage de proposer une
réforme du mode de scrutin pour les élections au Parlement européen, comportant
l'abandon de la circonscription nationale unique et son remplacement par
vingt-deux circonscriptions régionales ou par un nombre moins élevé de
circonscriptions régionales, fruit d'un nouveau découpage.
M. Jean-Jacques Robert attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur
le fait que, quotidiennement dans les zones urbaines et parfois en milieu
rural, la violence se traduit notamment par la détérioration ou la destruction
complète - le plus souvent par le feu - de voitures particulières. Or, les
propriétaires de ces véhicules se trouvent ainsi confrontés, sur le champ, à
une lourde charge financière, due à l'obligation de remise en état ou de
remplacement du véhicule. Il ne faut pas oublier les frais supplémentaires de
déplacement pour se rendre au travail, durant l'immobilisation ou dans
l'attente du remplacement du véhicule. Les compagnies d'assurance ne procèdent
à l'indemnisation que faiblement et après un laborieux examen, alors même que
la responsabilité de l'assuré n'est en aucun cas engagée. Le propriétaire du
véhicule détruit ou saccagé se voit ainsi doublement pénalisé devant
l'incapacité de l'Etat à prévenir ces délits. C'est pourquoi il lui demande
d'étudier rapidement une forme d'indemnisation particulière pour ces victimes
de faits de société qui soit à la seule charge de l'Etat. Cette indemnisation
pourrait être semblable à celle déjà pratiquée pour les cas de catastrophe
naturelle.
Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur
sur la situation d'insécurité des convoyeurs de fonds dans l'exercice de leur
profession. Les agressions se font plus nombreuses, de plus en plus souvent
mortelles. Elle lui fait remarquer que les statuts des sociétés privées ne
garantissent nullement la sécurité des personnels qu'elles emploient. Le
transport de fonds ne peut être assimilé à celui d'une marchandise ordinaire.
La circulation fiduciaire constitue un élément essentiel de notre économie.
Elle relève d'une mission de service public dont le Gouvernement ne doit plus
se désintéresser. Elle lui fait observer que le plan Trichet de fermeture de 92
caisses de la Banque de France ne pourrait qu'aggraver une telle situation,
entraînant l'éloignement des implantations et la multiplication de lâches
agressions de commandos qui n'hésitent pas à tuer. Elle lui demande de lui
exposer son analyse et les mesures prises par le Gouvernement pour protéger
tous les salariés de la profession fiduciaire : convoyeurs, salariés de banque.
Elle lui demande de lui faire connaître les mesures envisagées pour engager
sans attendre les négociations en vue de l'élaboration d'un véritable statut
commun à tous les personnels des entreprises de transport de fonds et garantir
tout à la fois la sécurité des personnels et la sécurité publique face aux
multiples attaques de fourgons blindés.
Mme Janine Bardou appelle l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement sur le problème de l'élimination des matériels
en plastique à base de PEHD (polyéthylène haute densité) à usage unique,
utilisés par tous les laboratoires départementaux et destinés principalement
aux contrôles d'eau potable. Si, pour les déchets chimiques et biologiques, une
filière d'élimination existe bien, ce n'est absolument pas le cas pour les
déchets à base de PEHD, qui sont actuellement considérés comme des déchets
ménagers et stockés dans les décharges. Pour le seul département de la Lozère,
ce sont environ 5 000 flacons par an qui se retrouvent en décharge. Cela
devient insupportable au moment où tant les villes que les départements font
tout leur possible pour mettre en place un système d'élimination des déchets
plus conforme à la loi et aux souhaits des usagers. C'est pourquoi elle lui
demande quelle mesure elle envisage de prendre pour créer une filière
d'élimination de ces déchets, et s'il ne serait pas possible d'obtenir des
fabricants de plastique à base de PEHD - qui sont peu nombreux en France -
qu'ils reprennent les emballages vides et en assurent la transformation.
M. Ivan Renar attire l'attention de M. le ministre de la défense sur l'annonce
de la disparition de la musique du 43e régiment d'infanterie de Lille et son
remplacement par une simple fanfare. En effet, la réforme des armées se traduit
par deux dispositions essentielles : la fin de la conscription et le
redécoupage des régions militaires. Ces deux éléments conjugués entraînent la
disparition d'un ensemble musical réputé, enraciné dans l'histoire de Nord -
Pas-de-Calais : le 43e RI. Principalement composé d'appelés, cet ensemble est
touché par la professionnalisation. De plus, le redécoupage militaire limite
les formations d'envergure à une par région, celle de Metz suppléant donc celle
de Lille. Or, le Nord - Pas-de-Calais est une région de 4 millions d'habitants
et la musique du 43e RI a toujours été un élément important du lien entre la
nation et son armée. L'attachement des habitants de Nord - Pas-de-Calais au 43e
RI et à sa musique en est la plus éclatante démonstration. Il y a, derrière ce
qui pourrait passer pour une conséquence anodine de la réforme des armées, tout
un symbole et la qualité d'une institution enracinée dans la culture régionale
qui est en péril. En conséquence, il lui demande de bien vouloir revoir cette
décision afin de perpétuer la musique du 43e dans son intégralité.
M. Alain Gournac attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la
situation inacceptable faite à des enfants obligés, semble-t-il, de mendier
tous les jours dans les rues de la capitale et dans le métro. La France est la
patrie des droits de l'homme. Elle a, par ailleurs, ratifié en 1990 la
Convention internationale des droits de l'enfant. Chaque année, le 20 novembre,
est célébrée la journée internationale des droits de l'enfant. Malgré ces
engagements qui, en aucun cas, ne peuvent être de simples engagements de
principe, des enfants de tout âge mendient quotidiennement sur la voie publique
et dans les transports en commun. Tous les jours, des jeunes femmes allaitant
des bébés mendient par tous les temps, assises par terre, entourées d'enfants
dont les plus âgés n'ont guère plus d'une dizaine d'années. La France étant le
deuxième pays au monde pour l'aide au développement, il est d'autant plus
choquant que sur notre propre territoire des enfants soient laissés dans le
plus extrême dénuement. Il lui rappelle, que suivant les articles 24 et 28 de
la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, les Etats parties
reconnaissent à l'enfant le droit de jouir du meilleur état de santé possible
et de bénéficier de services médicaux. Ils doivent de ce fait lui assurer
l'assistance médicale et les soins de santé nécessaires, l'accent devant être
mis sur le développement des soins de santé primaires. Par ailleurs, les Etats
signataires de cette convention s'engagent à rendre l'enseignement primaire
obligatoire et gratuit pour tous. Il lui demande donc de bien vouloir lui
donner des informations à ce sujet et lui préciser les actions qu'il envisage
de mettre en oeuvre pour que cesse ce qui apparaît bien comme une utilisation
des enfants. Il estime que le 150e anniversaire des décrets de Victor
Schoelcher abolissant l'esclavage devrait être l'occasion pour remédier à cette
situation dont il est immoral de s'accommoder.
Mme Dinah Derycke interroge M. le secrétaire d'Etat à la santé sur la vente,
lors de rave parties ou dans les discothèques, de ballons gonflés au protoxyde
d'azote. Ce gaz provient des bouteilles siphons destinées normalement à la
fabrication de la crème Chantilly ; en passant directement dans les ballons
baudruche, il garde intactes ses propriétés, à savoir : un effet hilarant ; des
sensations de grosses chaleurs et de vertiges allant jusqu'à la perte de
connaissance ; une distorsion de l'ouïe. Ces effets durent une minute. Le
ballon est vendu 10 francs. Ces faits ont été constatés dans la région de
Béziers où des enfants de classe de troisième se sont confiés à des gendarmes
lors d'une journée de prévention. Depuis, un gérant de discothèque pour
adolescents (14-16 ans) a été mis en examen pour mise en danger d'autrui,
administration de substances nuisibles à des mineurs, administration de
substances vénéneuses. Si les pouvoirs publics sont alertés dans cette région,
il est néanmoins fortement à craindre qu'une telle pratique se répande
rapidement sur le territoire. En effet, le bénéfice net réalisé lors de la
vente d'un ballon gonflé au protoxyde d'azote est de 8,50 francs (prix de vente
: 10 francs) pour le vendeur. Pour l'acheteur, c'est un plaisir artificiel bon
marché et dont il n'est pas averti des dangers. Les éléments sont donc réunis
pour que, la mode et le bouche à oreille aidant, les pouvoir publics se
retrouvent devant un grave problème de santé publique. En conséquence, elle lui
demande quelles mesures de prévention et de santé publique il entend prendre
contre ce qui pourrait devenir un phénomène d'une ampleur incontrôlable.
M. Christian Demuynck attire l'attention de M. le ministre de l'éducation
nationale, de la recherche et de la technologie sur les conséquences de la
suppression des classes de quatrième technologique des collèges à la fin de
l'année scolaire 1997-1998 et des troisièmes technologiques pour l'année
suivante. Ces classes sont une chance donnée aux jeunes qui veulent réussir
mais qui rencontrent des difficultés scolaires de suivre une formation ouverte
sur le monde du travail. Elles débouchent sur un brevet des collèges série
Technologie et permettent une orientation dans un lycée professionnel ou un
centre de formation d'apprentis. En les supprimant, ces jeunes collégiens vont
se retrouver dans des classes d'enseignement général, sans être en mesure de
suivre les cours. Une circulaire du ministère de l'éducation nationale engage
cependant les collèges qui le souhaitent à maintenir des classes de technologie
autour d'un projet pédagogique, mais sans que leur soient donnés les moyens ni
la dotation correspondante en heures. Dans ces conditions, il leur sera
difficile, voire impossible, de les mettre en place. Il lui demande s'il peut
revenir sur le principe de cette suppression et s'il peut redonner aux collèges
les moyens de remettre en place de véritables quatrièmes technologiques.
M. Dominique Leclerc souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire d'Etat à
la santé sur l'urgente nécessité de mettre en place une politique efficace des
médicaments génériques. A l'heure actuelle, ces derniers sont désignés par les
laboratoires par des noms de fantaisie ou des dénominations communes ou
spécifiques usuelles suivies du nom de la marque ou du nom de fabricant. Cette
pratique, purement française, entraîne des confusions graves pour la santé
publique. C'est pourquoi il lui demande s'il envisage de soumettre au Parlement
des mesures qui permettraient de modifier le code de santé publique et le code
de la propriété intellectuelle afin que les génériques ne puissent plus être
mis sur le marché que sous DCI associés au nom du fabricant ou à sa marque. En
effet, seules la transparence et la rigueur rendront possible le succès du «
générique ».
M. René-Pierre Signé interroge M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
sur l'évolution de la politique agricole commune (PAC) en ce qui concerne
l'élevage bovin extensif. Parmi les arguments qui militent en défaveur du
projet élaboré par la Commission de Bruxelles pour la réforme de la PAC, il
considère comme lui que, sans même évoquer la question du coût social, la
baisse des prix garantis n'est pas adaptée à l'agriculture européenne, car
notre ambition économique n'est pas d'exporter toujours plus de matière
première agricole à travers le vaste monde. Elle est, bien plus, de favoriser
la production de valeur ajoutée, au travers de produits transformés exprimant
le savoir-faire des hommes et des territoires. D'ailleurs, les chiffres de
notre balance commerciale parlent d'eux-mêmes à cet égard. Il lui rappelle que,
lors du conseil des ministres européens de l'agriculture, le 31 mars à
Bruxelles, il a fortement exprimé son opposition au paquet Santer, et a réitéré
la demande française d'un découplage entre les aides et la production. Cette
proposition permettrait de rémunérer enfin en tant que telles les contributions
non directement productives des agriculteurs à la société. Mais, au rang des
ambitions, une « politique permettant une meilleure valorisation des produits
de l'élevage bovin européen » a aussi été évoquée. En tant qu'élu d'une des
principales et plus prestigieuses zones d'élevage allaitant extensif, il a
particulièrement retenu cette phrase, cohérente avec la démonstration selon
laquelle la production de produits à forte valeur ajoutée doit être privilégiée
face à l'exportation simple de matières premières. Si la maîtrise de la
production de viande bovine apparaît comme inéluctable y compris pour les
éleveurs allaitants, il est d'autant plus nécessaire que cette maîtrise soit
envisagée dynamiquement, sans se contenter de réduire mécaniquement les aides
afin de réduire la production. Car maîtriser, cela veut dire aussi produire ce
que demande le consommateur. Et face à une demande aussi diversifiée que celle
que l'on peut observer dans le domaine de la viande bovine, face également à
une filière qui est parmi les moins organisées, la maîtrise de la production
pourrait d'abord consister à mettre le bon produit en relation avec le bon
consommateur. C'est le travail des filières. Mais l'importance des sommes
consacrées par la puissance publique à l'élevage lui donne le devoir d'orienter
plus efficacement ces filières. Il souhaite donc savoir si vos services ont
défini des propositions susceptibles d'être reprises par la Commission, afin
d'encourager les éleveurs bovins extensifs à mieux valoriser leur production ?
Il pense en particulier aux signes de qualité, mais aussi au renouvellement des
filières de distribution : la future PAC pourra-t-elle jouer un rôle quant à
ces enjeux.
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS SPÉCIAUX
Dans sa séance du mercredi 8 avril 1998, la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation a désigné :
M. Jean-Pierre Camoin, rapporteur spécial des crédits de la culture ;
M. Jean Clouet, rapporteur spécial des crédits de l'industrie.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Avenir des classes technologiques
241.
- 10 avril 1998. -
M. Christian Demuynck
attire l'attention de
M. le ministre de l'éducation nationale
sur les conséquences de la suppression des classes de quatrième technologie des
collèges à la fin de l'année scolaire 1997-1998 et des troisièmes
technologiques pour l'année suivante. Ces classes sont une chance donnée aux
jeunes qui veulent réussir, mais qui rencontrent des difficultés scolaires, de
suivre une formation ouverte sur le monde du travail. Elles débouchent sur un
brevet des collèges série technologie et permettent une orientation dans un
lycée professionnel ou un centre de formation d'apprentis. En les supprimant,
ces jeunes collégiens vont se retrouver dans des classes d'enseignement
général, sans être en mesure de suivre les cours. Une circulaire du ministère
de l'éducation nationale engage cependant les collèges qui le souhaitent à
maintenir des classes de technologie, autour d'un projet pédagogique, mais sans
que leur soient donnés les moyens, ni la dotation correspondante en heures.
Dans ces conditions, il leur sera difficile, voire impossible de les mettre en
place. Il lui demande s'il peut revenir sur le principe de cette suppression et
s'il peut redonner aux collèges les moyens de remettre en place de véritables
quatrièmes technologiques.
Réforme de la sécurité sociale
242.
- 10 avril 1998. -
M. Jacques Oudin
appelle l'attention de
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur l'urgence de certaines décisions relatives à la réforme en cours de la
sécurité sociale. En ce qui concerne la branche vieillesse, il est
indispensable de compléter les mesures d'ajustement qui ont été prises en 1993
pour le régime général de retraite, et de prendre enfin des mesures comparables
pour les régimes spéciaux de retraite. A elle seule, la gravité de la situation
financière de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités
locales (CNRACL) justifie des mesures immédiates. En ce qui concerne la branche
famille, il est indispensable de clarifier les charges financières imputées à
la caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Il est également urgent
de faire savoir aux Français si l'actuelle majorité a l'intention de pérenniser
la mise sous condition de ressources des allocations familiales. Cette mesure
votée l'an dernier, à titre provisoire selon la déclaration d'intention du
Gouvernement, est en effet manifestement contraire aux principes d'universalité
et de solidarité fondateurs de la sécurité sociale. En ce qui concerne la
branche maladie, il est urgent de mettre à jour la nomenclature des actes
professionnels, de publier le règlement conventionnel minimal des médecins,
d'adresser des directives claires aux directeurs des agences régionales de
l'hospitalisation, et de donner à l'agence nationale d'évaluation et
d'accréditation en santé (ANAES) les moyens de ses missions. Chacun des neuf
points précédents est particulièrement urgent et nécessite une prise de
position dépourvue d'ambiguïté de la part du Gouvernement. C'est pourquoi il
lui serait reconnaissant de bien vouloir éclairer le Sénat sur ces sujets qui
intéressent très directement tous les Français.
Situation de la compagnie générale d'électrolyse
du Palais-sur-Vienne (CGEP)
243.
- 10 avril 1998. -
M. Jean-Pierre Demerliat
attire l'attention de
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie
sur la situation de la Compagnie générale d'électrolyse du Palais-sur-Vienne
(CGEP), société du groupe Pechiney, dont celui-ci veut supprimer les activités
de raffinage, entraînant par là la suppression de 200 emplois sur les 250 que
compte cette usine. La CGEP est à l'heure actuelle la seule raffinerie de
cuivre par électrolyse existant en France dont l'expérience et le savoir-faire
sont reconnus au niveau national et européen. Pour faire face à ses difficultés
d'approvisionnement, l'entreprise a réalisé en 1992 un investissement de 60 MF,
dont 10 MF de fonds publics, pour pouvoir traiter des déchets cuivreux à basse
teneur. Cet investissement devait permettre la pérennisation de l'usine du
Palais. Or, aujourd'hui ce nouveau four est arrêté, faute de rentabilité selon
la direction. Cette entreprise possède des atouts non négligeables méritant
d'être développés, c'est pourquoi il importe que toutes les études nécessaires
soient menées à bien, que ce soit en matière de recyclage au sens large ou
concernant les approvisionnements en déchets cuivreux. Il lui demande donc de
veiller à ce qu'aucune piste ne soit négligée pour permettre la pérennité de ce
site industriel.
Dopage à la nandrolone
240.
- 20 avril 1998. -
M. Franck Sérusclat
souhaite interroger
M. le secrétaire d'Etat à la santé
sur les informations qui sont en sa possession concernant une possible
sécrétion endogène de la nandrolone par l'homme. Une controverse actuelle
concerne la nécessité, ou non, de réviser le seuil de nandrolone au-delà duquel
un sportif est puni, parce que jugé positif. Or, certains travaux scientifiques
tendent à montrer que l'organisme humain, dans certaines conditions de stress
particulières, ou en fonction de la saison climatique, pourrait sécréter ces
métabolites. Pour l'instant, on ne dispose pas encore de données scientifiques
suffisantes permettant de porter un jugement sur cette présence normale ou non
de nandrolone. Sa présence dans les urines du cheval ou d'autres animaux ne
permet pas une extrapolation de l'animal à l'homme. Il aimerait connaître son
avis sur la question.
Politique agricole commune et élevage extensif
246.
- 20 avril 1998. -
M. René-Pierre Signé
interroge
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
sur l'évolution de la politique agricole commune (PAC) en ce qui concerne
l'élevage bovin extensif. Parmi les arguments qui militent en défaveur du
projet élaboré par la Commission de Bruxelles pour la réforme de la PAC, il
considère comme lui que, sans même évoquer la question du coût social, la
baisse des prix garantis n'est pas adaptée à l'agriculture européenne, car
notre ambition économique n'est pas d'exporter toujours plus de matière
première agricole à travers le vaste monde. Elle est, bien plus, de favoriser
la production de valeur ajoutée, au travers de produits transformés exprimant
le savoir-faire des hommes et des territoires. D'ailleurs, les chiffres de
notre balance commerciale parlent d'eux-mêmes à cet égard. Il lui rappelle que,
lors du Conseil des ministres européens de l'agriculture, le 31 mars à
Bruxelles, il a fortement exprimé son opposition au paquet Santer, et a réitéré
la demande française d'un découplage entre les aides et la production. Cette
proposition permettrait de rémunérer enfin en tant que telles les contributions
non directement productives des agriculteurs à la société. Mais, au rang des
ambitions, une « politique permettant une meilleure valorisation des produits
de l'élevage bovin européen » a aussi été évoquée. En tant qu'élu d'une des
principales et plus prestigieuses zones d'élevage allaitant extensif, il a
particulièrement retenu cette phrase, cohérente avec la démonstration selon
laquelle la production de produits à forte valeur ajoutée doit être privilégiée
face à l'exportation simple de matières premières. Si la maîtrise de la
production de viande bovine apparaît comme inéluctable y compris pour les
éleveurs allaitants, il est d'autant plus nécessaire que cette maîtrise soit
envisagée dynamiquement, sans se contenter de réduire mécaniquement les aides
afin de réduire la production. Car maîtriser, cela veut dire aussi produire ce
que demande le consommateur. Et, face à une demande aussi diversifiée que celle
que l'on peut obverver dans le domaine de la viande bovine, face également à
une filière qui est parmi les moins organisées, la maîtrise de la production
pourrait d'abord consister à mettre le bon produit en relation avec le bon
consommateur. C'est le travail des filières. Mais l'importance des sommes
consacrées par la puissance publique à l'élevage lui donne le devoir d'orienter
plus efficacement ces filières. Il souhaite donc savoir si vos services ont
défini des propositions susceptibles d'être reprises par la Commission, afin
d'encourager les éleveurs bovins extensifs à mieux valoriser leur production.
Il pense en particulier aux signes de qualité, mais aussi au renouvellement des
filières de distribution : la future PAC pourrra-t-elle jouer un rôle quant à
ces enjeux ?
Politique des médicaments génériques
245.
- 20 avril 1998. -
M. Dominique Leclerc
souhaite attirer l'attention de
M. le secrétaire d'Etat à la santé
sur l'urgente nécessité de mettre en place une politique efficace des
médicaments génériques. A l'heure actuelle, ces derniers sont désignés par les
laboratoires par des noms de fantaisie ou des dénominations communes ou
spécifiques usuelles suivies du nom de la marque ou du nom de fabricant. Cette
pratique, purement française, entraîne des confusions graves pour la santé
publique. C'est pourquoi il lui demande s'il envisage de soumettre au Parlement
des mesures qui permettraient de modifier le code de santé publique et le code
de la propriété intellectuelle afin que les génériques ne puissent plus être
mis sur le marché que sous DCI associés au nom du fabricant ou à sa marque. En
effet seules la transparence et la rigueur rendront possible le succès du «
générique ».
Application des 35 heures
aux personnels de nuit dans les hôpitaux
247.
- 21 avril 1998. -
Mme Nicole Borvo
attire l'attention de
M. le secrétaire d'Etat à la santé
sur l'application des 35 heures pour les personnels de nuit hospitaliers. Dans
une note en date du 13 mars 1997, la direction de l'Assistance
publique-Hôpitaux de Paris (APHP) s'était engagée à appliquer le protocole
Durieux. Quelques semaines plus tard, le 5 mai 1997, une note annulait ces
engagements. Ce revirement, ainsi que le manque de moyens, sont au centre du
conflit aux hôpitaux Saint-Louis, Saint-Antoine, Bicêtre, Mondor, Rothschild,
Jean-Verdier, Corentin-Celton et Bichat notamment. Les personnels de Broca et
d'Emile-Roux ont, suite à des mouvements, obtenu des engagements sur les
effectifs. Il faudrait d'ailleurs étendre les créations de postes pour toutes
les équipes de nuit, afin d'avoir immédiatement les 35 heures sans
annualisation du temps de travail, et d'engager la préparation d'une nouvelle
baisse du temps de travail pour la nuit dans le cadre de l'extention des 35
heures annoncée par Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité le 30 mars
1998 à Hôpital-Expo. Pour toutes ces raisons, elle lui demande, à l'heure où la
réussite des 35 heures devrait traduire un progrès de civilisation, ce qu'il
compte faire afin de rétablir un véritable dialogue avec les personnels et
leurs organisations syndicales. Ce dialogue aurait pour objet d'appliquer enfin
les 35 heures pour ce personnel en contact permanent avec la population et de
mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour répondre aux besoins des
personnels et des patients.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 21 avril 1998
SCRUTIN (n° 84)
sur l'ensemble du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, déterminant les conditions d'application de l'article 88-3 de
la Constitution relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne
résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et
d'éligibilité aux élections municipales et portant transposition de la
directive 94/80/CE du 19 décembre 1994.
Nombre de votants : | 316 |
Nombre de suffrages exprimés : | 314 |
Pour : | 314 |
Contre : | 0 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (93) :
Pour :
92.
Abstention :
1. _ M. Philippe de Gaulle.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Pour :
74.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Michel Dreyfus-Schmidt, qui
présidait la séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (57) :
Pour :
55.
Abstention :
1. _ M. Daniel Millaud.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
45.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :
Pour :
9.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Basile Tui.
Ont voté pour
François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Henri Belcour
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
William Chervy
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Yvon Collin
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Jean Derian
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Michel Duffour
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Aubert Garcia
André Gaspard
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Serge Lagauche
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
Guy Lèguevaques
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Claude Lise
Maurice Lombard
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Jean Madelain
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
Michel Manet
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Louis Minetti
Gérard Miquel
Louis Moinard
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Robert Pagès
Charles Pasqua
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Bernard Plasait
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Roger Quilliot
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
René Régnault
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Roger Rinchet
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Fernand Tardy
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Henri Weber
Abstentions
MM. Philippe de Gaulle et Daniel Millaud.
N'a pas pris part au vote
M. Basile Tui.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Michel Dreyfus-Schmidt, qui présidait
la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 316 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 159 |
Pour l'adoption : | 316 |
Contre : | 0 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.