M. le président. La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
La France, au prix d'efforts importants, qu'elle devra d'ailleurs certainement pérenniser, remplit enfin les conditions nécessaires pour participer à la mise en place de l'euro à la date voulue. On notera, au passage, que cette nouvelle remplit de joie tous les courants de la gauche plurielle face à l'événement ! (Rires sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR. - Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Paul Raoult. Vous êtes mal placé pour en parler !
M. François Trucy. L'humour n'est pas interdit en séance !
M. Paul Raoult. Où est Charles Pasqua ?
M. François Trucy. Si les efforts politiques pour y parvenir sont toujours d'actualité, les efforts d'adaptation seront d'ici peu considérables, durables et coûteux pour les banques, les entreprises et les particuliers.
Mais, dans ce vaste et difficile chantier, il convient de ne pas oublier qu'au franç français, frappé d'obsolescence, est attaché le franc CFA.
Nul besoin de rappeler, dans cet hémicycle, l'histoire de l'économie et des finances de la zone franc, ni la nature des liens spécifiques entre la France et tous ces pays africains, ni les difficultés particulières que ceux-ci rencontrent encore dans leur lutte pour leur développement et leur indépendance économique.
Tous ici ont en mémoire la récente crise de la dévaluation du franc CFA, très diversement ressentie ou exploitée par nos partenaires africains.
Alors, à la mise en place de l'euro, que deviendront les monnaies africaines ? Où se situera le franc CFA ? Quel lien aura-t-il avec l'euro, s'il est prévu qu'il en ait un ?
Avec nos partenaires de la Communauté européenne, qui n'ont à l'égard du franc CFA aucune des obligations de la France, rencontrez-vous, monsieur le ministre, des difficultés particulières avec tel ou tel pays, notamment l'Allemagne, dans les discussions qui portent sur le sort du franc CFA ?
Si le cadre de cet hémicycle est mal adapté à l'importance de la réponse à ce problème, envisagez-vous, monsieur le ministre, d'informer le Parlement de manière plus complète et plus détaillée dans l'avenir ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que chaque intervenant dispose de deux minutes et demie. Cela favorise les interventions percutantes !
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, vous interrogez le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui est en route vers Libreville pour une réunion des ministres des finances de la zone franc, précisément sur la zone franc et ses futurs rapports avec l'euro.
Les mécanismes des accords de la zone franc reposent sur une double solidarité.
La première existe entre les pays africains eux-mêmes, au sein de leurs unions économiques et monétaires, à savoir l'Union économique et monétaire ouest africaine, l'UEMOA, pour l'Afrique de l'Ouest, et la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale, la CEMAC, pour l'Afrique centrale. Ces pays ont une monnaie unique, unie au franc français par une parité fixe et gérée par des banques centrales communes.
La seconde solidarité se situe entre ces unions et la France, qui garantit la convertibilité du franc CFA, avec la possibilité de concours budgétaires consentis par l'Etat français aux banques centrales, lorsque celles-ci ont épuisé leur réserve en devises.
Pour répondre directement à votre question, monsieur le sénateur, je dirai d'emblée que le passage du franc à l'euro ne modifie en rien ces mécanismes.
La coopération entre la France et les pays de la zone franc est compatible avec l'Union économique et monétaire européenne, l'UEM - c'est l'article 234 du traité de Maastricht - comme le sont les conventions conclues antérieurement au traité.
Au sein de l'Union, la France continuera à gérer seule les accords de la zone franc dans leur forme actuelle après le 1er janvier 1999. La question qui est en discussion avec nos partenaires, notamment allemands, c'est le mode de décision pour d'éventuels changements fondamentaux à ces accords, susceptibles d'affecter la politique monétaire de l'Union. Nous poursuivons sereinement nos discussions au sein de l'Union sur ce point.
Sur le plan technique, le franc CFA subsiste en l'état. Les pays de la zone franc CFA ne changent pas de monnaie. La convertibilité du franc CFA reste garantie par le Trésor français à un cours fixe vis-à-vis de l'euro. Celui-ci sera connu en même temps que la parité du franc français en euro, soit le 1er janvier 1999.
Rien ne justifie le fait que l'avènement de l'euro puisse servir de prétexte à une dévaluation du franc CFA. La situation économique de la zone franc est bonne et ses perspectives encourageantes. La croissance depuis trois ans est de 4 à 5 %. La compétitivité-prix des pays de la zone franc s'est améliorée de 33 % depuis décembre 1993 et ne connaît pas de dégradation. La balance des paiements courants de la zone CFA était déficitaire de 6 % du PIB en 1993 ; elle a atteint l'équilibre en 1997.
Enfin, les pays de la zone franc vont bénéficier de l'Union économique et monétaire. Plus d'Europe pour la France, c'est plus d'Europe pour l'Afrique. Les pays de la zone franc auront accès à un marché plus intégré et plus dynamique, celui de leur premier partenaire commercial, qui absorbe deux tiers de leurs exportations. Ils auront avec lui un lien monétaire stable, sans avoir à supporter de risque de change. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
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