SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Candidatures à des délégations parlementaires
(p.
1
).
3.
Réduction du temps de travail.
- Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture (p.
2
).
Discussion générale : Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité ; M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales
; Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Jacques Bimbenet, Guy Fischer, Alain
Gournac, Henri Weber, Jean-Michel Baylet, Philippe Marini, Jean-Pierre
Fourcade, président de la commission des affaires sociales.
Mme le ministre, M. le président de la commission.
Clôture de la discussion générale.
4.
Nomination de membres de délégations parlementaires
(p.
3
).
5.
Réduction du temps de travail.
- Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi en deuxième lecture
(p.
4
).
M. le président.
Article 1er (p. 5 )
Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le ministre, Marie-Madeleine Dieulangard, M. Guy Fischer. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article additionnel après l'article 1er (p. 6 )
Amendement n° 2 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le ministre, Dinah Derycke, Nicole Borvo, M. le président de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 2 (p. 7 )
Amendement n° 3 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, M. Guy Fischer, Mme Dinah Derycke. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 3 (p. 8 )
Amendements n°s 4 de la commission et 17 de M. Fischer. - MM. le rapporteur, Guy Fischer, Mmes le ministre, Marie-Madeleine Dieulangard, M. le président de la commission. - Adoption de l'amendement n° 4 rédigeant l'article, l'amendement n° 17 devenant sans objet.
Article 3 bis (p. 9 )
Amendement n° 5 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Article 3 ter (p. 10 )
Amendement n° 6 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Article 4 bis (p. 11 )
Amendement n° 7 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le ministre, Nicole Borvo. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article additionnel après l'article 4 ter (p. 12 )
Amendement n° 8 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, M. Guy Fischer. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 5 (p. 13 )
Amendement n° 9 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le ministre, Marie-Madeleine Dieulangard. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 6 (p. 14 )
Amendement n° 10 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le ministre, Dinah
Derycke, M. le président de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 7 (p. 15 )
Amendements n°s 11 à 13 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le ministre,
Marie-Madeleine Dieulangard. - Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 9 (p. 16 )
Amendement n° 14 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 10 (p. 17 )
Amendement n° 15 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, M. le président de la commission. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Vote sur l'ensemble (p. 18 )
M. Guy Fischer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Joseph Ostermann, Jacques
Machet, Mme Anne Heinis.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
6.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
19
).
7.
Dépôt de projets de loi
(p.
20
).
8.
Transmission d'un projet de loi
(p.
21
).
9.
Renvoi pour avis
(p.
22
).
10.
Dépôt de résolutions
(p.
23
).
11.
Dépôt de rapports
(p.
24
).
12.
Ordre du jour
(p.
25
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
CANDIDATURES
À DES DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES
M. le président.
L'ordre du jour appelle la nomination de membres de délégations
parlementaires.
J'informe le Sénat que :
- le groupe des Républicains et Indépendants propose la candidature de M. Joël
Bourdin pour siéger au sein de la délégation du Sénat pour la planification, en
remplacement de M. Bernard Barbier, décédé ;
- le groupe de l'Union centriste propose la candidature de M. Daniel Hoeffel
et le groupe communiste républicain et citoyen propose la candidature de Mme
Marie-Claude Beaudeau pour siéger au sein de la délégation du Sénat pour
l'Union européenne, en remplacement, respectivement, de M. Pierre Lagourgue,
décédé, et de M. Paul Loridant, démissionnaire.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées s'il n'y a pas
d'opposition dans le délai d'une heure.
3
RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Discussion d'un projet de loi
en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi
(n° 363, 1997-1998), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en
deuxième lecture, d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps
de travail. [Rapport n° 365 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, vous allez donc aujourd'hui examiner pour la
deuxième fois le projet de loi d'orientation et d'incitation relatif à la
réduction du temps de travail, qui traduit l'une des priorités essentielles de
l'action du Gouvernement dans la lutte contre le chômage.
Même si la croissance est de retour, un processus rapide de réduction du temps
de travail apparaît indispensable pour apporter des solutions au problème du
chômage dans notre pays. L'ampleur du phénomène nécessite en effet que nous
nous y attaquions sur tous les terrains et par toutes les voies possibles.
Les débats que nous avons eus en première lecture ont montré que, sur le fond,
cette orientation était loin d'être récusée par l'ensemble de la majorité
sénatoriale.
Certains parmi vous ont certes remis en cause l'idée que la réduction de la
durée du travail puisse avoir un impact favorable sur l'emploi et se sont
opposés à toute incitation émanant des pouvoirs publics, y compris par la voie
d'aides financières.
Il n'en demeure pas moins qu'une majorité d'entre vous a, au contraire, estimé
que la réduction du temps de travail est une piste prometteuse - parfois même
incontournable pour l'emploi, a-t-on entendu - et qu'il convient de la
favoriser par des incitations financières appropriées, même si certains ne
partagent pas notre point de vue selon lequel un objectif clair doit être fixé
par la loi afin d'impulser un véritable et important mouvement de réduction de
la durée du travail.
Enfin, certains sénateurs de la majorité sénatoriale, comme M. Cabanel, ont
déclaré que la réduction du temps de travail constituait un mouvement
inéluctable et souhaitaient voir la Haute Assemblée lui apporter un appui
significatif.
Aussi, c'est avec regret que j'ai constaté que le texte adopté au Sénat en
première lecture et transmis à l'Assemblée nationale pour un second examen
comportait des remises en cause tellement importantes que le Gouvernement et la
majorité des députés n'ont pu les accepter et ont estimé indispensable de
réaffirmer les objectifs qui sont les leurs.
C'est donc un texte proche du projet de loi initial qui vous est soumis
aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, enrichi d'une série
d'améliorations que j'estime pour ma part judicieuses.
Le point le plus important concerne, bien sûr, les articles 1er et 2 du projet
de loi, que l'Assemblée nationale a à la fois rétablis et complétés et qui
programment une baisse de la durée légale du travail au 1er janvier 2000 dans
les entreprises de plus de vingt salariés en appelant les partenaires sociaux à
en négocier les modalités. Sans un tel objectif, les négociations avanceront à
un rythme trop lent pour que soient perceptibles sur l'emploi les effets que
l'on peut escompter d'un tel mouvement.
Je souscris donc, bien sûr, au rétablissement de ces articles, dans la mesure
où ils sont essentiels pour fixer le cap et parvenir à un développement majeur
de la négociation sociale.
L'Assemblée nationale les a enrichis en prenant en compte la situation des
entreprises qui franchiront le seuil des vingt salariés entre 2000 et 2002 -
votre rapporteur avait évoqué cette question dans le débat - et en prévoyant
une possibilité de négociation dans le cadre de commissions paritaires
locales.
Je ne puis donc que regretter que votre commission propose de nouveau la
suppression de l'article 1er, ainsi que des modifications qui, à mon sens,
affaiblissent l'article 2.
De même, l'Assemblée nationale a rétabli en deuxième lecture, à travers
l'article 3, le principe d'une incitation financière à la réduction du temps de
travail. J'avais noté avec satisfaction, lors de nos premiers débats - j'en ai
d'ailleurs fait part à l'Assemblée nationale - que, tout en reconnaissant les
effets positifs de la loi du 11 juin 1996 pour le lancement de la négociation,
nous partagions certaines critiques à son égard, notamment quant aux conditions
trop sélectives d'accès au dispositif, à la nécessité de mettre en place un
processus dégressif pour mieux en gérer la sortie et au taux trop élevé de
l'aide accordée pour les hauts salaires.
Toutefois, votre volonté de conserver une incitation proportionnelle au
salaire et non forfaitaire, qui est confirmée par les amendements présentés par
votre commission, aboutit à la fixation de montants d'aides trop réduits pour
les bas salaires. Ainsi, au niveau du SMIC, l'aide que vous proposez
n'atteindrait que 60 % de celle qui était prévue dans le projet de loi initial,
et seulement la moitié lors de la cinquième année.
L'Assemblée nationale a, par ailleurs, rétabli les dispositions de l'article 3
concernant le mandatement, que nous avons voulu entourer des meilleures
garanties pour favoriser la négociation dans les petites entreprises dépourvues
de délégués syndicaux, ainsi que les dispositions relatives au contenu des
accords de réduction du temps de travail et au suivi paritaire de leur
application, qui me paraît essentiel pour garantir la réalité de la réduction
du temps de travail et le bon usage des fonds publics.
Elle a enfin utilement complété le texte en prévoyant d'ouvrir l'accès à
l'incitation financière aux entreprises d'armement maritime, en offrant aux
petites et moyennes entreprises la possibilité d'embaucher dans le cadre de
groupement d'employeurs et en proposant que l'Etat soutienne les efforts
qu'entreprendront les organisations syndicales pour former des salariés
mandatés à la négociation dans les petites entreprises. Ce point me paraît
important car le développement de la négociation dans les petites entreprises
est une condition essentielle du succès de la loi et cette négociation
nécessite un savoir-faire, des connaissances et une compréhension du
fonctionnement de l'entreprise mais aussi des règles juridiques qui doivent
être acquis par les salariés mandatés pour garantir des accords équilibrés.
Par conséquent, je regrette que l'amendement proposé par la commission
s'oppose à la mise en place d'un nouveau dispositif comportant ces
enrichissements et s'en tienne à une simple modification de la loi du 11 juin
1996.
J'en viens à la définition du travail effectif, qui fait l'objet de l'article
4
bis,
lequel s'inscrit, avec l'article relatif aux pauses et aux repos
quotidiens, dans le cadre de la transposition de la directive européenne de
novembre 1993 portant sur l'aménagement du temps de travail.
La volonté de l'Assemblée nationale de transposer la directive en prenant en
compte en même temps les avancées récentes de la jurisprudence, notamment
celles de la chambre sociale de la Cour de Cassation, peut être partagée, me
semble-t-il. A la suite du débat qui s'est développé sur la portée exacte de la
rédaction de l'Assemblée nationale, du moins sur celle qu'elle avait retenue en
première lecture et sur laquelle elle est revenue en deuxième lecture, vous
avez souhaité vous en tenir au texte exact de la directive européenne, et c'est
de nouveau ce qui est envisagé dans l'amendement présenté par la commission.
J'ai, quant à moi, manifesté le souhait que l'on réfléchisse à une rédaction
qui, sans remettre en cause les usages et les pratiques conventionnels qu'ont
mis en place les partenaires sociaux, en examinant au plus près la nature de
chacune des activités concernées, permette de prendre en compte les avancées
liées à l'évolution de la jurisprudence.
Je pense en outre que la rédaction qui sera finalement retenue doit être la
plus claire et la plus précise possible et ne laisser que peu de possibilités
d'interprétation susceptibles d'interrogation et d'insécurité juridique, à la
fois pour les chefs d'entreprise et pour les organisations syndicales. C'est ce
qui a conduit le Gouvernement à manifester sa préférence en deuxième lecture à
l'Assemblée nationale pour une rédaction qui était issue des travaux de la
commission des affaires culturelles, familiales et sociales et qui reprenait,
dans l'article 4
bis,
les critères issus des avancées
jurisprudentielles.
Je souhaite à cet égard que les approfondissements nécessaires soient
poursuivis avec l'ensemble des parlementaires, afin que nous parvenions à un
texte définitif qui soit, je le répète, le plus clair et le plus transparent
possible.
Disons les choses différemment : si la rédaction de notre code du travail n'a
pas été revue depuis 1942, notre jurisprudence a, je crois, réussi à très bien
« coller » à la réalité, en prenant en compte à la fois les sujétions imposées
aux salariés et les conditions de travail inhérentes aux différentes
entreprises.
La transposition de la directive constitue certes un progrès par rapport au
texte de 1942 - je tiens à le souligner - mais elle nous semble en retrait sur
certains points par rapport à la jurisprudence. Si nous adoptions le texte de
cette directive, comme on nous le propose, il serait à craindre que la
jurisprudence ne revienne en arrière sur certains points, alors qu'elle n'est
contestée aujourd'hui ni par les chefs d'entreprise ni par les organisations
syndicales. Certes, ce n'est pas facile, mais nous devons faire en sorte que le
texte qui sortira des travaux du Parlement permette de prendre en compte les
avancées les plus récentes de la jurisprudence, sans créer d'incertitude
juridique ni pour les salariés ni pour les entreprises. La notion de travail
effectif étant à la base même du calcul de la durée du travail, elle ne peut
laisser place à aucune incertitude ni à aucun doute. Il n'y a rien de pire dans
une réglementation que l'absence de transparence et l'insécurité juridique. Ce
n'est favorable ni aux uns ni aux autres.
Je ne doute pas que nous parvenions
in fine
puisque, si j'ai bien
compris, nous recherchons tous les mêmes objectifs, à trouver la solution la
plus appropriée.
L'Assemblée nationale est par ailleurs revenue aux dispositions initiales du
projet de loi concernant les repos compensateurs pour les heures
supplémentaires effectuées au-delà de trente-neuf heures, d'une part, et la
régulation des pratiques abusives en matière de travail à temps partiel,
d'autre part.
J'avais, pour ma part, apprécié que le Sénat reconnaisse le bien-fondé de
l'encadrement, par le biais d'accords de branches, des interruptions d'activité
longues ou multiples qui détériorent les conditions de vie des salariés et
qu'il complète l'article 8 du projet de loi pour prendre en compte le cas des
marins.
Je pense en outre que les restrictions rétablies par l'Assemblée nationale
concernant l'abattement en faveur des emplois à temps partiel sont tout à fait
légitimes. Je veux, à cet égard, réaffirmer que seul un meilleur encadrement
des pratiques du travail à temps partiel, rendant ce travail plus choisi et
moins subi qu'il ne l'est actuellement, permettra de réconcilier les Français
avec cette forme de travail, ce qui est mon souhait, mais à condition, je le
répète, que des garanties soient apportées et que les abus soient
sanctionnés.
Enfin, l'article 9, qui concerne la préparation de la seconde loi que nous
aurons à élaborer ensemble à l'automne 1999, a été rétabli par l'Assemblée
nationale dans une rédaction cohérente avec les articles 1er et 2 du projet de
loi.
Je souhaite, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'aujourd'hui le débat ne se
limite pas à une opposition de principe à la plupart des dispositions qui
figurent dans le texte qui revient de l'Assemblée nationale, mais que le Sénat
accepte d'avancer dans un sens que nous estimons essentiel pour l'emploi, en ne
se bornant pas à revenir aux amendements de première lecture.
Je pense que nous pouvons encore avancer. Si j'ai peu d'espoir de faire
revenir la majorité de la Haute Assemblée sur l'article 1er du projet de loi,
je pense que, au moins, nous devrions être d'accord pour considérer que le
système d'aides financières doit être plus favorable aux entreprises à bas
salaires qu'il ne l'est actuellement, que la négociation doit être le plus
large possible et que le champ donné aux partenaires ne doit pas être
réduit.
Tel est en tout cas mon état d'esprit au moment d'aborder cette deuxième
lecture.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen, et sur certaines travées du RDSE. -
M. le président de la commission des affaires sociales applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la ministre, mes chers collègues, notre assemblée examine aujourd'hui en
deuxième lecture le projet de loi d'orientation et d'incitation relatif à la
réduction du temps de travail.
C'est un texte profondément remanié que le Sénat avait adopté en première
lecture le 4 mars dernier. Il avait souhaité faire prévaloir le dialogue social
et une réduction négociée et équilibrée de la durée effective du travail sur
une baisse générale et autoritaire, ou imposée, de la durée du travail.
Cette dernière démarche lui semble, en effet, néfaste pour la compétitivité
des entreprises et, par conséquent, pour l'emploi, dangereuse eu égard à ses
conséquences sur le SMIC, porteuse enfin de dérives coûteuses du fait de son
extension probable à l'ensemble des fonctions publiques.
Tout en renonçant à demander l'urgence sur le projet de loi, le Gouvernement a
souhaité hâter le déroulement du débat du 24 mars puisqu'il a inscrit à l'ordre
du jour de l'Assemblée nationale l'examen du texte en deuxième lecture.
Dans ce contexte d'urgence de fait, l'Assemblée nationale a choisi de revenir,
pour l'essentiel, au texte adopté par elle en première lecture, y compris
s'agissant de la définition du temps de travail effectif, alors même que cette
disposition, introduite par l'Assemblée nationale en première lecture et
maintenue sans modifications en deuxième lecture, laisse planer, de l'aveu même
du Gouvernement et de la commission saisie au fond, bien des incertitudes et
emporte, du point de vue de la commission des affaires sociales du Sénat, des
effets graves et non maîtrisés.
Notre débat d'aujourd'hui sera l'occasion de mettre à nouveau en évidence
toutes les conséquences, selon nous, néfastes de ce projet de loi, lesquelles
sont chaque jour un peu plus manifestes aux yeux de nos concitoyens.
Face à ce constat, la commission des affaires sociales vous proposera, mes
chers collègues, de rétablir le texte que vous aviez voté en première lecture,
à l'issue d'un débat qui avait permis d'enrichir et de compléter les
propositions qu'elle vous avait faites.
Les débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale ont mis en évidence la
cohérence du texte sénatorial et le refus,
a contrario,
de se rapprocher
d'une logique d'abaissement de la durée du travail fondé sur le volontariat, la
souplesse et la progressivité.
L'ensemble des intervenants ont reconnu que l'abaissement de la durée du
travail pouvait permettre, dans certains cas, la création d'emplois. Toutefois,
la majorité en a fait la principale mesure de sa politique de l'emploi, en
insistant sur les vertus de la contrainte et de l'obligation - je ferai un pas
dans votre direction, madame la ministre, en reconnaissant que ce n'est pas
toujours faux - mais sans afficher d'objectifs chiffrés, alors que l'opposition
mettait en avant l'impact limité de ce dispositif, son coût et ses effets
pervers s'il devait reposer sur la contrainte.
A cet égard, le rétablissement de l'article 1er a concentré les critiques, que
n'a pas atténuées l'introduction d'un report de la date d'application de la
nouvelle durée légale aux entreprises dont l'effectif aurait atteint vingt
salariés entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2001. L'ensemble des
amendements d'assouplissement, pourtant très mesurés, déposés par l'opposition
ont été repoussés par le Gouvernement et la majorité. C'est donc une attitude
intransigeante qui l'a emporté.
Le principe d'un abaissement de la durée légale du travail effectif à 35
heures à compter du 1er janvier 2002 et à compter du 1er janvier 2000 pour les
entreprises de plus de vingt salariés est donc maintenu, et ce malgré toutes
les réserves qui ont été émises par les différents intervenants.
Le Gouvernement a insisté sur la portée politique de cet article dans sa
réponse aux critiques qui ont pu lui être opposées.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a rétabli quasiment à l'identique les
articles 2 et 3, se contentant d'ajouter quelques précisions ou de réparer des
oublis.
L'article 3, qui définit le dispositif financier incitatif, conserve par
conséquent les défauts que lui a reconnus le Sénat : une aide forfaitaire qui
pénalise l'emploi qualifié ; un dispositif permanent qui institue durablement
des distorsions de concurrence ; des incertitudes budgétaires sur le coût du
dispositif ; des incertitudes juridiques sur l'avenir des contrats de travail
individuels ; une complexité importante du fait de la multiplicité des
majorations.
L'Assemblée nationale a décidé de supprimer l'article 3
bis,
introduit
par le Sénat, qui posait le principe d'une compensation intégrale par l'Etat,
au bénéfice de la sécurité sociale, des exonérations de charges, conformément à
l'article 5 de la loi du 25 juillet 1994. Cette suppression, si elle était
maintenue, constituerait une grave menace pour l'avenir des finances
sociales.
L'Assemblée nationale a également supprimé l'article 3
ter,
introduit
par le Sénat, relatif à l'application de la loi Robien aux entreprises du
bâtiment et des travaux publics.
L'Assemblée nationale a rétabli intégralement son texte concernant les
dispositions relatives, à l'article 5, au durcissement des conditions de
recours aux heures supplémentaires et, aux articles 6 et 7, au travail à temps
partiel.
Dans ces conditions, le dispositif relatif à l'abaissement de la durée du
travail conserve ses principaux défauts, et l'Assemblée nationale n'a pas voulu
saisir l'opportunité de la deuxième lecture pour le rendre plus compatible avec
le fonctionnement d'une économie de marché moderne.
L'essentiel du débat porte désormais sur la définition de la durée du travail
effectif, et la place que ce sujet a occupée dans votre propos, madame le
ministre, en témoigne.
La chronique de l'article 4
bis
du projet de loi laisse penser que le
Gouvernement a ouvert une boîte de Pandore. En effet, le projet de loi associe
maintenant deux démarches : la réduction de la durée légale et l'extension des
activités ou des périodes considérées comme temps de travail, c'est-à-dire la
réduction de la durée du travail productif.
Le Gouvernement a été désavoué par l'Assemblée nationale sur la définition du
travail effectif et sur le champ d'application des dispositions de la directive
93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de
l'aménagement du temps de travail, dispositions qui sont reprises dans le
projet de loi.
L'article 4
bis,
qui complète la définition de la durée du travail
effectif de l'article L. 212-4 du code du travail, a été au coeur du débat lors
de la deuxième lecture du projet de loi à l'Assemblée nationale. Cet article
est la conséquence de l'adoption, en première lecture, d'un amendement de M.
Yves Cochet qui visait à légaliser les dernières avancées de la jurisprudence
de la chambre sociale de la Cour de cassation sur cette question.
Comme je le remarquais dans mon rapport de première lecture, cet article pose
un véritable problème, car il reprend une définition très extensive de la durée
du travail effectif et, qui plus est, une définition qui est encore susceptible
d'évoluer étant donné son caractère général : « La durée du travail effectif
est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur.
»
Cette rédaction est une source d'insécurité juridique, elle constitue une
menace pour l'emploi et elle pourrait fragiliser les contrats de travail. C'est
d'ailleurs, peu ou prou, l'avis du Gouvernement. Lors du débat à l'Assemblée
nationale, le ministre a déclaré à sa majorité : « La rédaction que vous avez
adoptée a suscité de nombreuses réactions : elle est trop floue et semble de
nature à bouleverser certains usages. Nous ne devons pas laisser se développer
l'insécurité juridique, cela nuirait à l'ouverture de négociations sur la
réduction du temps de travail. »
Le ministre terminait par cette phrase : « J'en appelle à votre clairvoyance.
» Force est de constater que l'appel de M. Bernard Kouchner n'a pas été entendu
puisque la majorité de l'Assemblée nationale a voté, contre l'avis du
Gouvernement, l'amendement déposé par M. Jean Le Garrec et les membres du
groupe socialiste de préférence à celui de la commission.
Pourtant, certains membres de la majorité ont fait part de leur réserve.
M. Gérard Gouzes a confessé son trouble, déclarant que revenir au texte adopté
par l'Assemblée nationale en première lecture porterait atteinte à l'emploi en
zone rurale et irait à l'encontre de la politique de la majorité.
M. Claude Bartolone, à l'époque président de la commission des affaires
culturelles, familiales et sociales, a déclaré quant à lui qu'après avoir
entendu les interventions sur chacun des amendements « il ne savait plus lequel
des amendements apportait la meilleure solution ».
C'est donc dans la plus grande confusion qu'a été adopté l'amendement qui
revient à la définition adoptée en première lecture, sans que le Gouvernement
ait pu précisément expliquer la portée d'une telle rédaction, tandis que le
rapporteur émettait le souhait de « poursuivre la réflexion ».
La commission des affaires sociales du Sénat s'étonne que, sur un sujet aussi
important, au coeur du code du travail et des garanties que sont en droit
d'attendre les salariés comme les employeurs, Assemblée nationale et
Gouvernement fassent preuve de tant d'indécision, ne cessant de renvoyer,
depuis le 10 février, la réflexion à une lecture ultérieure. Il importe, sur un
sujet aussi grave, de faire preuve à la fois de prudence et de décision.
D'ores et déjà, le secteur du bâtiment et des travaux publics nourrit les plus
vives inquiétudes sur le sort des trajets du siège au chantier que les
entreprises prennent en charge pour leurs employés. Cette facilité devra-t-elle
être comprise dans le temps de travail ? Dans ces conditions, les entreprises
risqueraient de renoncer à transporter leurs salariés, et l'on ne voit pas ce
que ces derniers auraient à y gagner. J'ai encore reçu ce matin même deux
courriers attirant notre attention sur ce sujet.
C'est pour éviter ce genre de problème que la commission des affaires sociales
vous propose, mes chers collègues, de rétablir sa propre rédaction de l'article
4
bis,
qui reprend littéralement la définition de l'article 2 de la
directive européenne du 23 novembre 1993 : « La durée du travail effectif est
le temps pendant lequel le salarié est au travail, à la disposition de
l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions. »
M. Jean Le Garrec, rapporteur à l'Assemblée nationale, avait défendu en
commission un amendement qui limitait le champ d'application des articles 4
bis
et 4
ter
à celui de la directive du 23 novembre 1993. Or cet
excellent amendement, qui avait pour objet de tenir compte de la situation
spécifique du secteur des transports routiers, n'a pas été appelé en séance
publique ; l'Assemblée nationale n'a donc pas pu se prononcer sur cet apport
important. Pour réparer cet « oubli », la commission des affaires sociales a
déposé un amendement identique à celui, fort opportun, de la commission des
affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, le texte voté par l'Assemblée nationale ne répond pas aux
objections mises en évidence par le Sénat.
Loin de lever les inquiétudes qui ont surgi lors de la première lecture, le
débat de deuxième lecture à l'Assemblée nationale les a confirmées, voire
amplifiées, de telle manière qu'aujourd'hui nombre des acteurs intéressés par
cette question, comme les syndicats, semblent prendre leurs distances et
attendre une clarification.
Vous-même, madame la ministre, avez reconnu dimanche dernier « qu'il n'y avait
pas de grand mouvement de soutien aux 35 heures ». Cela n'est pas très étonnant
! Nos concitoyens prennent conscience que la voie choisie par le Gouvernement
conduit à une impasse. Ils s'inquiètent de l'isolement de la démarche française
et des références idéologiques qui la sous-tendent.
Or, comme le déclarait M. Tony Blair, Premier ministre de Grande-Bretagne,
devant l'Assemblée nationale le 24 mars dernier, « l'idéologie peut être
mortelle... ce qui compte c'est ce qui marche », car, comme vous le savez,
madame la ministre, pour citer encore Tony Blair, que vous avez sûrement
beaucoup entendu ces derniers temps, « la gestion de l'économie n'est ni de
gauche ni de droite : elle est bonne ou mauvaise ».
Eh bien, notre commission considère que l'abaissement de la durée légale
hebdomadaire du travail constitue une mauvaise politique, et peu importe que
cette décision ait été prise par un gouvernement de gauche.
Les incertitudes restent importantes concernant l'impact du projet de loi sur
l'emploi. L'article 1er, qui pose le principe d'un abaissement de la durée
légale du travail, continue à préoccuper les entrepreneurs. En outre, les
différentes simulations relatives au nombre d'emplois créés du fait de ce
texte, qui ont été contestées lors du débat en première lecture, n'ont pas fait
l'objet d'un affinement.
De même, les incertitudes sur le coût budgétaire global de l'incitation
financière demeurent.
Quant aux incertitudes juridiques concernant l'effet d'une baisse du salaire
consécutive à une réduction de la durée du travail sur les contrats de travail
individuels, elles ont fait naître un trouble dans l'esprit des employeurs. Les
entrepreneurs sont en train d'intégrer le fait qu'ils pourraient être amenés à
devoir licencier des salariés qui n'accepteraient pas une remise en cause de
leur salaire, avant de pouvoir embaucher dans le cadre du nouveau
dispositif.
Enfin, les incertitudes tenant à la multiplicité des SMIC se sont transformées
en méfiance de la part des entrepreneurs, comme le montrent le ralentissement
des négociations salariales observé ces derniers mois et le très fort recours
au travail temporaire, qui enregistre une hausse de plus de 40 %. Ce constat
peut être dressé dans toutes les régions, notamment dans celle où je travaille
et dont je suis l'élu.
Le Gouvernement continue d'affirmer vouloir conjuguer un SMIC horaire en
l'état et une rémunération mensuelle minimale correspondant à l'actuel SMIC
mensualisé. Il résulterait de cette décision que les salariés payés au SMIC qui
passeraient à 35 heures seraient payés 39 heures, ce qui signifie que leur
rémunération horaire progresserait de 11,4 %, et ce alors que les salariés qui
resteraient à 39 heures percevraient un salaire sur 40 heures.
Comme le remarquait le président Fourcade, lors du débat en séance publique,
on peut douter « que l'on puisse faire coexister durablement des salariés
travaillant 35 heures payées 39 et d'autres travaillant 39 heures qui seraient
payés 40 heures ».
Dans ces conditions, le président Fourcade a pu déclarer qu'on pouvait
craindre que ce texte « n'engendre inéluctablement, sous une forme ou sous une
autre, une forte majoration du SMIC ». La commission des affaires sociales
proposera donc un amendement permettant, à travers un rapport demandé au
Gouvernement, de faire le point sur les conséquences de l'abaissement de la
durée légale du travail sur le SMIC, les grilles salariales et la rémunération
des heures supplémentaires.
Les inquiétudes des entreprises sur la compatibilité des 35 heures avec le
marché unique et l'euro n'ont pas été levées par le Gouvernement. Les
entreprises françaises pourraient avoir à supporter une détérioration de leur
compétitivité qui aurait un impact négatif sur leurs parts de marché et sur
l'emploi.
La question d'une extension des 35 heures à la fonction publique n'a pas reçu
de réponse très claire. Pourtant, cette extension aurait des conséquences
budgétaires considérables, d'autant plus que pourrait se poser la question de
la nécessité de procéder à des recrutements complémentaires afin de compenser
la baisse de la durée du travail, or vous savez comme moi que nous ne trouvons
ni infirmières ni médecins spécialisés.
Pour que la réduction du temps de travail puisse continuer à constituer une
chance pour l'emploi, la commission considère qu'il est fondamental qu'elle
conserve son caractère volontaire, souple et progressif.
Dans ces conditions, elle vous propose, de rétablir le texte que vous avez
adopté en première lecture, mes chers collègues, en intégrant les apports
importants constitués par les amendements adoptés en première lecture au Sénat
et un amendement inspiré par les débats qui ont eu lieu à l'Assemblée
nationale.
La commission vous suggère donc, de nouveau, de supprimer l'article 1er, qui
prévoit l'abaissement de la durée légale hebdomadaire du travail.
J'ai déjà évoqué l'article additionnel après l'article 1er, qui prévoit un
rapport sur les conséquences de l'abaissement de la durée légale du travail sur
le SMIC, que la commission vous propose d'adopter au travers de l'amendement n°
2.
La commission vous propose également de rétablir l'article 2 voté par le
Sénat, qui invite à la négociation et prévoit le principe d'une aide pour les
entreprises et certaines associations qui réduiraient la durée du travail
calculée en moyenne sur tout ou partie de l'année et procéderaient à des
embauches ou préserveraient des emplois. Les entreprises de plus de cinquante
salariés pourront bénéficier de cette aide à condition de signer un accord
avant le 1er janvier 2000 ; celles de moins de cinquante salariés et certaines
associations pourront signer cet accord jusqu'au 1er janvier 2002.
La commission vous propose ensuite le rétablissement de l'article 3 voté par
notre assemblée, qui « reprofile » la loi Robien. Le dispositif prévu retient
le principe d'une aide non pas forfaitaire mais proportionnelle aux salaires,
afin de ne pas pénaliser l'emploi qualifié. Il tient compte des principales
propositions d'améliorations émises à l'occasion des premiers bilans de la loi
notamment de l'évaluation de la commission des finances de l'Assemblée
nationale du mois d'avril 1997.
L'exonération sera ainsi plafonnée dans la limite d'une fois le plafond de la
sécurité sociale, lissée quant à ses taux afin de faciliter la sortie du
dispositif, limitée à cinq ans au lieu de sept dans le dispositif offensif,
plus incitative grâce à l'introduction d'une date limite - les entreprises
peuvent signer un accord jusqu'au 1er janvier 2000 ou jusqu'au 1er janvier 2002
pour les entreprises de moins de cinquante salariés - enfin, plus facilement
accessible quant aux conditions posées pour les embauches.
L'aide financière proposée par la commission est globalement moins coûteuse
pour les finances publiques que celle qui est prévue par le Gouvernement. Ce
dispositif s'inscrit, rappelons-le, dans une logique différente.
En premier lieu, le dispositif du Gouvernement s'inscrit dans un contexte de
baisse de la durée légale du travail au 1er janvier 2000 ou au 1er janvier
2002.
L'impact du projet de loi sur l'emploi repose sur une négociation généralisée
avant ces échéances. Le défaut de négociations conduirait, en effet à un «
scénario catastrophe » pour l'emploi.
Il est compréhensible, dans ces conditions, que le texte du Gouvernement
comporte une incitation financière forte à négocier.
En second lieu, la baisse de la durée légale du travail conduira à une
aggravation du coût du travail peu qualifié dès lors que le principe « 35
heures payées 39 heures » a été retenu pour les salariés payés au SMIC. Il est
compréhensible, là encore, que le Gouvernement tente de compenser cet effet par
une aide forfaitaire, voire majorée.
Le dispositif proposé par la commission, qui repose sur une négociation
librement consentie d'une réduction effective de la durée du travail, n'a pas à
répondre aux mêmes effets pervers et évite de confondre deux objectifs qui se
contredisent dans le système du Gouvernement : la création d'emplois dans le
cadre de la réduction du temps de travail et l'abaissement des charges sur les
bas salaires.
Par ailleurs, la commission vous suggère à nouveau de réaffirmer le principe
de la compensation intégrale des exonérations de charges sociales et de
reprendre également l'amendement de M. Arthuis, qui permet une application
complète de la loi Robien aux entreprises du bâtiment et des travaux
publics.
En ce qui concerne l'important article 4
bis,
relatif à la durée du
travail effectif, elle vous propose de revenir à l'article 2 de la directive du
23 novembre 1993, qui, semble-t-il, est beaucoup plus équilibré que les
différents textes envisagés par l'Assemblée nationale.
Dans un article additionnel après l'article 4, elle vous suggère de limiter,
comme le proposait M. Le Garrec, le champ d'application des articles 4
bis
et 4
ter
à celui de la directive.
La commission vous propose également de supprimer l'article 5, qui contraint
le recours aux heures supplémentaires, et de revenir à nouveau sur l'ensemble
des dispositions qui limitent le recours au travail à temps partiel ; tel est
l'objet des articles 6 et 7.
S'agissant des bilans - ce sont les articles 9 et 10 - elle vous suggère de
tirer à nouveau les conséquences de la suppression de l'article 1er et de son
refus d'envisager le développement des 35 heures dans la fonction publique.
En résumé, les propositions que je viens de vous présenter au nom de la
majorité de la commission des affaires sociales visent à nouveau à faire en
sorte que le projet de loi ne compromette ni le dialogue social ni l'équilibre
des comptes publics, mais parvienne à la fois à une réduction progressive du
temps de travail effectif et à une amélioration durable de l'emploi. La
commission vous demande, bien évidemment, de les adopter.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, trente minutes ;
Groupe socialiste, vingt-cinq minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, onze minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, neuf minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons
aujourd'hui, en deuxième lecture, la discussion du projet de loi d'orientation
et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail. Il vise à instaurer
progressivement la durée légale hebdomadaire à 35 heures.
Nos débats, en première lecture, ont déjà permis d'éclairer des divergences
sur nos conceptions de la durée du travail, sur la nature et l'objet des
aménagements que l'on peut y apporter. Mais, surtout, ils ont permis de mieux
cerner nos désaccords sur la place de la réduction du temps de travail dans une
politique globale et cohérente de lutte contre le chômage.
Cette réforme intervient, en effet, parallèlement aux mesures tendant à
améliorer le pouvoir d'achat de nos concitoyens et à encourager l'émergence
d'activités nouvelles liées à l'évolution de notre société, notamment au
travers des emplois-jeunes, pour augmenter le taux de croissance, mais surtout
pour améliorer son contenu en emplois.
La majorité sénatoriale nous a affirmé - M. le rapporteur vient de le
réaffirmer - ne pas vouloir condamner toute expérience dans le domaine de la
réduction du temps de travail. C'est ainsi qu'elle nous propose un dispositif
s'inspirant de la loi Robien.
« Reprofiler à la baisse », selon vos propres termes, monsieur le rapporteur,
un système qui, en deux ans, ne s'est finalement appliqué qu'à 1 % des 13
millions de salariés, c'est à l'évidence avoir une conception particulièrement
restrictive de l'expérimentation. C'est, par ailleurs, au moins faire preuve de
scepticisme quant à l'efficacité de la réduction du temps de travail en termes
de création d'emplois.
S'opposer à l'introduction de modalités innovantes de négociation
décentralisée, en particulier au sein des petites entreprises, c'est avoir une
approche singulièrement frileuse de l'encouragement au dialogue social et de la
« réduction négociée et équilibrée de la durée du travail », que vous appelez
de vos voeux, monsieur le rapporteur.
Pour les parlementaires socialistes, le mouvement de la réduction de la durée
du travail fait appel à un nouveau « contrat social » qui doit permettre
d'amarrer solidement à notre société nos concitoyens privés d'emploi et qui, de
ce fait, pensent avoir perdu leur place dans notre collectivité. L'urgence est
là, mes chers collègues !
Ce contrat social doit également se nouer au sein de l'entreprise puisque ce
sont les partenaires de la négociation qui vont devoir organiser une réduction
du temps de travail dégageant suffisamment de marges pour à la fois maintenir
la compétitivité des entreprises, permettre la création d'emplois et améliorer
les conditions de travail des salariés.
A cet égard, les premiers échos que nous avons des renégociations de certaines
conventions collectives sont particulièrement inquiétants. En effet, certains
responsables du patronat font feu de tout bois et utilisent les 35 heures comme
alibi.
Dans certains secteurs, de sérieuses menaces planent. Je pense, par exemple,
au chantage que tentent les représentants du secteur du grand commerce de
centre ville, qui mettent en balance la réduction du temps de travail et un
repos essentiel hebdomadaire de deux jours, ou la multiplication des opérations
de « nocturnes ». Hier, les salariés étaient dans la rue pour exprimer leurs
légitimes inquiétudes.
Ces tentatives qui, je l'espère, sont vouées à l'échec, nous démontrent de
façon flagrante que l'intervention des pouvoirs publics, et du législateur en
premier lieu, est fondamentale pour fixer les garanties indispensables au
déroulement équitable de la négociation. Il leur revient, en effet, de poser
les limites à ne pas franchir.
Aujourd'hui, nous constatons cependant sur le terrain que les employeurs
s'organisent, notamment au sein des chambres de commerce et d'industrie, les
CCI, et réfléchissent aux modalités d'application de cette loi. Nous sommes
donc loin des déclarations de guerre du mois d'octobre dernier ! Je crois,
madame la ministre, qu'il convient d'examiner certaines des questions qu'ils se
posent et qu'ils nous font connaître.
J'en viens maintenant aux termes de ce débat en deuxième lecture ; ils sont
sans surprise puisque M. le rapporteur nous propose de confirmer sa position
initiale ; il vient de nous le dire.
Les propositions de la commission des affaires sociales reviennent à un
dispositif strictement optionnel et limitatif, qui offre des incitations
financières revues à la baisse.
Elles suppriment les nouveaux aménagements apportés par nos collègues députés,
qui mettent en place des mécanismes mieux adaptés en particulier à la réalité
des petites et moyennes entreprises, où se trouvent, nous le savons tous, de
véritables gisements d'emplois.
Ainsi, l'Assemblée nationale a prévu que soit différée en 2002 l'obligation du
passage aux 35 heures pour les entreprises de moins de vingt salariés qui
franchiraient ce seuil en 2000 ou 2001. Ce délai supplémentaire devrait
permettre d'éviter un effet dissuasif et que celles-ci reportent leur projet
d'embauche.
Les députés ont également voulu faciliter le déroulement des négociations,
souvent techniques et complexes, en ouvrant aux petites unités de moins de
cinquante salariés la possibilité de se regrouper au niveau local,
départemental, professionnel ou interprofessionnel.
Cette mesure devrait permettre de répondre à la nécessité de coller au plus
près du terrain, tout en facilitant un regroupement des moyens, notamment en
termes d'expertise technique. Ce regroupement peut aussi présenter un intérêt
supplémentaire en matière de régulation de la concurrence sur des marchés
similaires ou proches.
Là encore, la commission s'oppose à cette meilleure prise en compte de la
spécificité des petites entreprises, tout comme elle a réfuté, en première
lecture, le recours au mandatement dans les entreprises dépourvues de délégués
syndicaux.
L'Assemblée nationale a également prévu que les PME de moins de trois cents
salariés puissent effectuer leurs embauches dans le cadre de groupements
d'employeurs.
Cette mesure, qui nécessitera un suivi et un encadrement précis, complète la
possibilité, déjà ouverte en première lecture aux petites unités, de percevoir
la totalité de l'incitation financière pour l'embauche d'une personne à temps
partiel.
Je regrette vivement que la commission ait décidé de s'opposer à l'ensemble de
ces dispositions qui visent, en fait, à étendre à un maximum d'entreprises le
champ de la négociation et, surtout, à la faciliter.
Mais il est vrai que c'est une ligne que vous prônez depuis le début, en
particulier dans votre contre-projet, en limitant par exemple aux entreprises
de cinquante salariés le champ d'application d'une version allégée de la loi
Robien.
Les députés de la majorité ont, par ailleurs, relayé la proposition que nous
vous avions soumise, sans succès, tendant à renforcer les moyens des
organisations syndicales qui auront en charge la responsabilité de former les
salariés mandatés appelés à négocier dans les petites entreprises. Cette
formation nous paraît, en effet, indispensable pour déboucher sur des compromis
équilibrés entre les besoins de l'entreprise, les aspirations des salariés et
l'objectif de création d'emplois.
Le domaine d'application de cette loi a, par ailleurs, été complété lors du
débat à l'Assemblée nationale par l'intégration dans son champ des personnels
des entreprises d'armement maritime et par d'indispensables précisions
concernant les institutions médico-sociales, dont les accords obéiront à des
procédures spécifiques.
J'aborderai maintenant ce qui domine nos débats depuis les travaux de la
deuxième lecture, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat : la question aussi
délicate que fondamentale du temps de travail effectif. Elle représente une
donnée de base de toute démarche vers une réduction du temps de travail ; elle
est liée au concept même de salariat. Il est évident que c'est en fonction du
décompte de ce travail effectif que sera appréciée la diminution réelle de la
durée du temps de travail.
Ce débat a pris un relief particulier entre les deux lectures, notamment en
raison des réactions de certains employeurs qui se demandent s'il ne serait pas
judicieux de commencer par « ratisser », selon l'expression consacrée, sur
certains temps de pause ou certains temps de trajet, reconnus comme du travail
effectif par les conventions collectives.
Permettez-moi ici de faire une remarque préliminaire. Avant même de
restreindre au maximum ce concept et de revenir sur des accords collectifs ou
des usages, certains ne devraient-ils pas avant tout commencer par
comptabiliser réellement les heures supplémentaires qui, elles, ne sont pas
toujours décomptées ?
Les cadres ne sont pas les seuls concernés ; cette réalité touche, nous le
savons tous, un grand nombre d'entreprises.
M. le rapporteur nous suggère de calquer la définition du temps de travail non
pas sur la définition jurisprudentielle de la Cour de cassation, qui fait
référence à la notion de permanence, mais sur la directive européenne du 23
novembre 1993.
C'est ainsi que le temps de travail effectif serait « toute période durant
laquelle le salarié est au travail, à la disposition de l'employeur et dans
l'exercice de son activité ou de ses fonctions ».
La directive poursuit et précise - et cela est fondamental - « conformément
aux législations et aux pratiques nationales ».
Nous mesurons parfaitement l'importance d'une définition claire et précise,
qui puisse être une référence, notamment dans le cadre de la qualification par
voie conventionnelle, ou de la requalification par le juge de certains trajets,
de certaines pauses ou astreintes.
Ainsi, la Cour de cassation a considéré que les heures d'astreinte effectuées
par un veilleur de nuit dans une maison de retraite étaient bien un travail
effectif, de même que l'astreinte assurée par un gardien demeurant à son
domicile mais accomplissant régulièrement des rondes.
Dans l'exercice de travaux pénibles, lorsque la diminution des temps de pause
est liée à la réduction du temps de travail, la Cour de cassation fonde son
appréciation sur l'existence ou non d'une amélioration des conditions de
travail. Si une telle amélioration n'est pas démontrée, les heures de pause
demeurent payées comme temps de travail.
Monsieur le rapporteur, que pensez-vous de la compatibilité entre cette ligne
jurisprudentielle et la définition de la directive européenne, du moins telle
que vous la présentez. En effet, je le répète, la référence aux législations et
aux pratiques nationales me semble essentielle.
Chacun en est conscient, mes chers collègues, les spécificités de chaque
profession et grand secteur d'activités, qui trouvent leur expression dans les
conventions collectives, sont particulièrement importantes.
Les sénateurs socialistes estiment donc que la définition du travail effectif
telle qu'elle résulte des discussions à l'Assemblée nationale, en l'état actuel
des réflexions, correspond mieux à la diversité et à la réalité des usages en
vigueur. Elle semble offrir de meilleures garanties d'équité pour les salariés
dans le cadre des négociations qui vont s'ouvrir.
C'est pourquoi nous voterons contre l'amendement qui nous est soumis.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Madame Dieulangard, me permettez-vous de vous interrompre
?
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Madame Dieulangard, l'article sur lequel vous faites porter
l'essentiel de votre propos, comme Mme le ministre et comme moi-même, est
effectivement au coeur du débat. A son propos, je vous renvoie à ce qu'a dit M.
Kouchner, qui est tout de même un membre du Gouvernement : il a insisté sur le
fait qu'il existait des risques importants. J'ai lu ce qu'il a dit à
l'Assemblée nationale, je ne l'ai pas inventé !
Dans ces conditions, ne me demandez pas quelle est ma définition de la durée
légale du travail, car vous le savez : il suffit de se reporter à ce qui a été
dit et au texte des amendements qui ont été déposés.
Je ne crois pas que l'on puisse dire qu'il s'agit de quelque chose d'anodin.
Cela constitue, au contraire, l'essentiel du débat.
Comme je l'ai dit voilà quelques instant, il est tout à fait anormal que le
Gouvernement n'ait pas encore pris position de manière définitive sur un sujet
aussi grave et aussi important.
Je profite du fait que j'ai la parole pour évoquer la formation des salariés
mandatés, dont vous avez parlé à l'instant. Je rappellerai simplement que vous
n'aviez pas déposé l'amendement que vous nous aviez suggéré, parce qu'il
portait sur l'article 3, sur lequel vous ne pouviez bien évidemment pas émettre
un vote positif. Par conséquent, cet amendement n'avait pas été présenté au
Sénat lors de la première lecture !
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. le président.
Veuillez poursuivre, madame Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Cet amendement a été repris par l'Assemblée nationale,...
M. Henri Weber.
Et voté !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
... et c'est l'essentiel.
Monsieur le rapporteur, je vous demandais en fait ce que vous pensiez de la
compatibilité de l'extrait de la directive européenne que vous citiez - et non
pas de l'intégralité de celle-ci - avec la jurisprudence de la Cour de
cassation.
Mme Dinah Derycke.
Très bien !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Le Gouvernement a introduit, dans un deuxième volet, des dispositions visant à
moraliser la gestion des temps partiels et tendant, par ailleurs, à adapter le
régime d'abattement dans les entreprises qui s'engagent en faveur de la
diminution de la durée du travail.
A l'exception des dispositions relatives à l'amplitude de la journée et à la
réglementation des pauses et des interruptions dans l'optique de temps
partiels, la majorité sénatoriale défend sa propre conception du développement
du temps partiel et remet en cause les garanties mises en place dans ce projet
de loi, qu'il s'agisse, par exemple, de mieux encadrer les dépassements
manifestement excessifs de l'horaire fixé par le contrat de travail ou de
requalifier le contrat de travail en cas de recours abusif et répété à des
heures complémentaires.
En supprimant ces dispositions, en ne prenant pas les moyens pour combattre
ces dérapages, la majorité sénatoriale nous confirme qu'elle n'entend pas
lutter contre ces variations anarchiques d'horaires, au nom d'une flexibilité
accrue, dont les femmes, il faut bien le dire, sont les premières
victimes,...
M. Henri Weber.
Très juste !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
... flexibilité sans cesse réclamée par les employeurs.
Nous le voyons, la ligne de fracture qui sépare nos positions respectives au
sein de cette assemblée est claire.
La majorité sénatoriale semble développer une vision singulièrement optimiste
des temps partiels et ne souhaite pas s'associer à l'assainissement de
certaines pratiques qui se sont développées en corrélation avec la
multiplication des incitations financières qui y sont attachées.
Dans un pays qui compte plus de trois millions de chômeurs, chers collègues,
vous ne pensez pas que la réduction négociée du temps de travail soit une
politique à part entière de lutte pour l'emploi.
Les amendements que vous défendez le prouvent, qui tendent à maintenir la
réduction du temps de travail dans le champ de l'expérimentation et à en
différer l'application.
Vous récusez la plupart des mécanismes innovants mis en place à l'intention
des partenaires sociaux pour faciliter les négociations et en garantir
l'équilibre.
Par ce projet de loi volontariste, le Gouvernement, que vous représentez,
madame la ministre, s'engage résolument pour redonner l'espoir aux jeunes qui
ne parviennent pas à franchir les portes des entreprises, pour redonner
l'espoir à leur aînés, à leurs parents, souvent sans emploi, qui vivent dans la
hantise d'une plongée inexorable dans le chômage de longue durée.
En associant pleinement les partenaires sociaux, ce texte représente un pari
audacieux sur le renouveau de la démocratie sociale dans notre pays.
C'est pourquoi le groupe socialiste défendra le projet de loi tel qu'il
ressort des débats de l'Assemblée nationale et regrette vivement qu'un
consensus sur de telles urgences ne puisse se réaliser au Sénat.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de
loi que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture s'inscrit dans le cadre
de la politique sociale menée par le Gouvernement. Ce débat, qui déchaîne les
passions depuis des mois, est malheureusement au coeur de l'actualité. Tout le
monde l'a dit, le chômage est un véritable fléau pour notre société. Il est
urgent de le combattre, nous en sommes tous d'accord.
Le désespoir de nos concitoyens rend nécessaire l'intervention de la
solidarité nationale. Il est donc évident que nul ne contestera la nécessité de
mettre en oeuvre une politique tendant à créer des emplois.
Toutefois, permettez-moi, madame la ministre, d'émettre une certaine
inquiétude quant à la méthode employée. En effet, le projet de loi que vous
nous soumettez, et qui a été adopté par l'Assemblée nationale, impose un cadre
rigide.
Je ne suis pas opposé à la réduction de la durée du travail : je suis opposé à
son caractère obligatoire et autoritaire.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Jacques Bimbenet.
Je suis même favorable à la réduction, dès lors qu'elle est volontaire.
En première lecture, le président de notre groupe, M. Cabanel, et M. Barnier
avaient déposé un sous-amendement tendant à favoriser la baisse de la durée du
travail jusqu'à 32 heures pour les entreprises qui pratiquent actuellement les
39 heures.
Je suis heureux que cette disposition ait été adoptée par le Sénat le 4 mars
dernier et qu'elle soit aujourd'hui reprise par la commission des affaires
sociales.
La semaine de quatre jours, largement plébiscitée tant par les salariés que
par les entreprises, a effectivement déjà fait ses preuves. Cette formule
constitue un progrès social, en améliorant la qualité de vie de ceux qui
travaillent, et, surtout, permet de créer des emplois.
Mais cette mesure nécessite une certaine adaptation de la réduction de la
durée du travail au profil des entreprises. Elle doit donc être souple,
volontaire et progressive.
C'est l'une des raisons pour lesquelles je ne peux souscrire au texte adopté
par l'Assemblée nationale.
La réduction de la durée du travail doit en effet tenir compte de la
spécificité de chaque entreprise, de la diversité du tissu économique, si l'on
veut favoriser la création d'emplois.
Je pense notamment aux petites et moyennes entreprises. Votre projet de loi,
madame la ministre, me semble dangereux pour leur activité. Les répercussions
risquent d'être catastrophiques : augmentation de leurs coûts, réduction de
leur capacité de production et affaiblissement de leur compétitivité.
M. Emmanuel Hamel.
Hélas !
M. Jacques Bimbenet.
Il me paraît préférable de favoriser le dialogue social, la négociation
collective, plutôt que de mettre en place un dispositif obligatoire,
inévitablement néfaste.
La seconde raison pour laquelle je suis défavorable au dispositif adopté par
l'Assemblée nationale concerne la définition de la notion de temps de travail
effectif.
La définition choisie par notre assemblée reprend, en termes identiques, la
rédaction de la directive européenne du 23 novembre 1993.
A l'heure où les Etats membres de l'Union européenne s'engagent dans une
véritable harmonisation des législations, il est inconcevable, me semble-t-il,
de s'éloigner de la définition européenne, qui, comme M. le rapporteur l'a
rappelé précédemment, est plus précise et présente toutes les garanties propres
à rassurer les salariés et les entreprises.
Le dispositif préconisé par notre excellent rapporteur, M. Louis Souvet, dont
je tiens à saluer ici le travail, permettra, j'en suis sûr, à la réduction de
la durée du travail de favoriser la création d'emplois. C'est la raison pour
laquelle je soutiens les propositions de la commission.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après le vote
solennel du 31 mars dernier à l'Assemblée nationale, nous devons, pour la
seconde fois, débattre du projet de loi d'orientation et d'incitation relatif à
la réduction du temps de travail.
Taxé par les dirigeants du patronat d'aberration anti-économique, qualifié
tour à tour de projet nocif, autoritaire, par les parlementaires de la majorité
sénatoriale, ce texte capital du Gouvernement de la gauche plurielle, empreint
d'une démarche innovante et volontariste, est attendu par l'ensemble des
salariés, des sans-emploi, par tous ceux qui font de la lutte contre le chômage
une priorité.
Au nom du groupe communiste républicain et citoyen, j'entends réaffirmer ici
toute l'importance du projet de loi relatif aux 35 heures.
Dans un pays comptant toujours plus de trois millions de chômeurs, se servir
de la réduction du temps de travail comme d'un levier pour favoriser l'emploi
est une nécessité économique.
C'est aussi répondre aux besoins des Français qui, selon un récent sondage
Louis Harris, préfèrent à 45 % travailler moins et gagner moins, aspirant à
travailler tous, et à travailler mieux tout en gardant la maîtrise de leur
temps de travail, mais aussi de leur temps de loisir.
Les résultats des élections tant régionales que cantonales ont confirmé l'aval
des Français à la politique menée jusqu'alors par le Gouvernement et qui était
au coeur de la campagne électorale. Nous devons tous en tirer les enseignements
et maintenir fermement le cap.
Impatients, parfois mécontents, les Français, demandeurs de réformes
structurelles, désirent que celles-ci soient menées à leur terme, que la
réduction du temps de travail soit effectivement créatrice d'emplois et qu'elle
permette de rééquilibrer les pouvoirs au sein de l'entreprise. Que ce soit au
Sénat ou à l'Assemblée nationale, les parlementaires communistes ont largement
contribué à enrichir le texte, à l'amender, notamment pour qu'il soit le plus
protecteur possible des droits des salariés.
Avant de porter une appréciation globale sur le texte tel qu'il a été rétabli
par l'Assemblée nationale et d'examiner les intentions de la majorité de la
commission des affaires sociales du Sénat, qui préfère le travail d'amendements
aux artifices de procédure pour refuser votre projet de loi, madame la
ministre, je m'efforcerai de dresser le tableau des événements ayant émaillé la
période qui a suivi l'adoption du texte reprofilé en première lecture par le
Sénat. Mon objectif est de démontrer, s'il en était encore besoin, que les
capacités de la droite et du CNPF à formuler des propositions alternatives pour
l'emploi sont faibles et que tous les arguments avancés contre la réalisation
du projet de loi sont fallacieux !
De l'opposition de principe au texte sur les 35 heures, de la volonté
clairement affichée du CNPF de déstabiliser le gouvernement de M. Jospin à une
attitude apparente de dialogue, le pas a été franchi par Ernest-Antoine
Seillière.
Conscient du fait qu'au sein même de son organisation des voix discordantes
commençaient à se faire entendre et que les risques d'isolement du CNPF
allaient s'accroître, compte tenu de la situation politique actuelle, M.
Seillière a été contraint à changer de tactique.
Dans une lettre ouverte au chef du Gouvernement, le patron des patrons, dans
l'attente d'une entrevue qui, depuis, a eu lieu, demandait un délai
supplémentaire de deux ans avant la mise en oeuvre des 35 heures pour les
entreprises de plus de vingt salariés, d'une part, et des éclaircissements sur
divers points du texte, d'autre part.
Soucieux en apparence de « rendre moins inacceptable » le projet de loi, en
s'affranchissant du SMIC, en imposant comme contrepartie l'annualisation ou en
balayant les freins au développement du temps partiel et des heures
supplémentaires, M. Ernest-Antoine Seillière essayait simplement de gagner du
temps, misant à terme sur l'abandon du projet en 2002, date des prochaines
échéances électorales.
Les syndicats, l'ensemble de la classe politique et le Gouvernement ne se sont
pas trompés en refusant cette requête dont le seul objectif était de mettre à
mal la logique du projet.
Comme proposition alternative de nature à appréhender le grave problème du
chômage, le CNPF n'a été capable de formuler, depuis la conférence sur
l'emploi, qu'une ébauche « de projet pour l'espoir ». Et quel projet ambitieux
d'avenir ! « Des emplois de service rémunérés à 4 000 francs par mois, niveau
où la clientèle peut les payer », l'Etat, la solidarité nationale complétant la
rémunération si nécessaire.
Attaque en règle contre le SMIC, cette proposition n'apporte en rien une
solution ou un dynamisme au marché de l'emploi.
Refusant d'envisager une éventuelle réforme de l'assiette des cotisations
patronales, opposé à négocier sans contreparties exorbitantes une réduction du
temps de travail, le grand patronat a brandi l'arme de la dénonciation, ultime
moyen de pression sur le Gouvernement.
En février, à la veille de l'ouverture des débats à l'Assemblée nationale,
l'Association française des banques dénonçait sa convention collective, suivie
par les fabricants de sucre puis par la branche des grands magasins.
En tout, 260 000 salariés seront touchés et renvoyés, si aucun autre accord
n'intervient aux seules garanties offertes par le droit du travail.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Guy Fischer.
Fort du rapport de force en échange des 35 heures, le patronat tentera
d'obtenir un maximum de concessions dans des secteurs déjà très fortement
marqués par la flexibilité du travail !
M. Jean Chérioux.
Heureusement !
M. Guy Fischer.
Ces démonstrations de force, cette inadaptation à répondre aux attentes de
chacun me conduisent à vouloir que la loi relative aux 35 heures s'applique
rapidement, effectivement, et que les salariés mobilisés soient correctement «
armés » pour participer aux négociations très décentralisées.
Enfin, comment continuer à croire que la réduction du temps de travail, avec
le panel d'aides prévues, mettrait en péril la compétitivité des entreprises à
l'heure où celles-ci affichent avec fierté d'excellents résultats financiers et
s'apprêtent à distribuer aux actionnaires de confortables dividendes, et où, à
la Bourse, l'indice CAC 40 a gagné environ 20 % depuis le début de l'année ?
Paradoxalement, les grands groupes tels que Renault, Peugeot, Michelin,
Alcatel, Moulinex, le Crédit Lyonnais et Air France ne cessent d'annoncer de
nouveaux plans sociaux et empochent allègrement les aides de l'Etat -
chèques-départ, pré-retraites, aide de la loi Robien - et parviennent ainsi à
se restructurer à moindre coût !
Ainsi, il faudrait, d'un côté, que l'Etat s'engage pour créer de nouveaux
emplois et que, de l'autre, on accepte que les entreprises rentables
contrebalancent ces efforts en anticipant des licenciements : 22 000
licenciements pour cause économique en février et ce, pour être sûr de gagner
la course à la compétitivité.
En raison de l'actualité, la proposition faite par Robert Hue d'instaurer un
moratoire sur l'ensemble des plans de licenciements revêt une acuité
particulière. Pourquoi, en effet, ne pas mettre un frein à ces hémorragies
d'emplois ? Pourquoi ne pas commencer par appliquer les 35 heures ?
Je me félicite qu'en deuxième lecture les députés de gauche aient rétabli,
pour l'essentiel, le texte voté en première lecture le 10 février dernier,
refusant ainsi de céder aux appels du patronat et aux modifications introduites
par le Sénat.
Je pense ici particulièrement à l'article définissant le temps de travail
effectif « comme le temps durant lequel le salarié est à la disposition de
l'employeur », article important sur lequel j'aurai l'occasion de revenir
ultérieurement.
Trois atouts principaux méritent d'être notés : tout d'abord, le report en
2002 de l'horaire légal pour les entreprises franchissant entre le 1er janvier
2000 et le 31 décembre 2001 le seuil de vingt salariés afin de dissuader les
embauches programmées ; par ailleurs, l'aide financière attribuée aux
organisations syndicales représentatives pour développer la formation des
salariés mandatés, sur proposition du groupe communiste ; enfin, la possibilité
pour les entreprises de réaliser la contrepartie en embauches de la réduction
du temps de travail dans le cadre de groupements d'employeurs.
Sur ce dernier point, nous avons déposé un amendement témoignant de
l'importance que les embauches se fassent là où la réduction du temps de
travail est effective, cette idée fondamentale risquant d'être dénaturée par la
disposition incriminée.
Quelques incertitudes demeurent, notamment sur les questions salariales, les
heures supplémentaires et les modes de travail atypique. Toutefois, la version
retenue par l'Assemblée nationale emporte notre accord.
En revanche, comme en première lecture, nous nous opposerons farouchement aux
réécritures du texte proposées par la majorité de la commission des affaires
sociales du Sénat. Celle-ci remet en selle, encore une fois, la loi Robien et -
c'est plus nouveau mais non moins surprenant - entend exclure du champ de la
définition légale du temps de travail et des principes sur le repos
compensateur et les pauses un certain nombre de secteurs, dont ceux des
transports et du tourisme.
Ce n'est pas sans rappeler la demande identique formulée par le patronat des
services, demande que nous jugeons inacceptable.
Nous pensons qu'une autre utilisation de l'argent est possible, qu'une
alternative existe à la baisse des charges sociales.
Le volet défensif de la loi Robien est pernicieux. Il est primordial de cibler
et de contrôler l'utilisation des aides à l'emploi pour la réduction du temps
de travail, ces aides devant nécessairement servir l'emploi stable et décemment
rémunéré.
L'étude récente du centre des études et de l'emploi révèle que, depuis 1997,
l'intérim a littéralement explosé, constituant, dans l'automobile, « l'unique
canal de recrutement des personnels de production ».
Mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, vous nous proposez d'aller
encore plus loin sur la voie de la déréglementation, de la flexibilité. Pour
toutes ces raisons, et bien d'autres encore, les sénateurs du groupe communiste
républicain et citoyen rejettent vos propositions en matière de réduction et
d'aménagement du temps de travail.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous revoici
donc à la case départ puisque l'Assemblée nationale a choisi, à quelques
détails près, de revenir au texte qu'elle avait adopté en première lecture.
C'est dommage, mais c'était malheureusement prévisible.
La Haute Assemblée - permettez-moi de le préciser - a soutenu et soutient la
réduction du temps de travail. Elle ne peut en revanche soutenir votre projet
de loi, madame le ministre. Nous nous opposons en effet au caractère
autoritaire et unilatéral des mesures que votre texte vise à mettre en
place.
La majorité sénatoriale vous a proposé de réserver toute sa place au dialogue
social afin de donner toute sa chance à une réduction négociée et équilibrée de
la durée effective du travail, sans risquer de compromettre la santé de nos
entreprises.
M. Emmanuel Hamel.
C'est cela qui est fondamental !
M. Alain Gournac.
Nous en connaissons tous qui ont déjà réduit le temps de travail de leurs
salariés. Elles l'ont fait sans y être contraintes, si ce n'est par la loi du
marché qui, peu ou prou, leur fait obligation de se moderniser et d'inscrire
cette modernisation dans une vision renouvelée des méthodes et des modes de
travail.
La loi Robien, dont nous proposions le reprofilage, avait pour vocation de les
y aider.
J'ai lu dans une revue du ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie - vous voyez que j'ai de bonnes lectures et que je fais grand cas
des textes qui me sont transmis par cette administration - qu'un patron d'une
PME, déjà dans la dynamique de la réduction du temps de travail, espérait «
susciter d'autres vocations » parmi les chefs d'entreprise de sa région.
La motivation par l'exemple, la persuasion par le succès des entreprises et
l'incitation par une aide appropriée de l'Etat, voilà la méthode que nous
préconisons dans ce domaine.
De ces expériences dont cette revue fait état, fallait-il tirer une loi ou un
enseignement ?
La majorité sénatoriale, quant à elle, préfère tirer des enseignements, car
elle est persuadée que le pragmatisme en ce domaine est préférable à tout
dogmatisme.
C'est être, il est vrai, plus modeste. Or, je sais que la modestie et la
prudence sont rarement appelées à nourrir l'imaginaire collectif. Là est
peut-être le secret d'un certain entêtement à vouloir coûte que coûte imposer
autoritairement les 35 heures.
Il est vrai que c'était une promesse électorale et que le Premier ministre
souhaite la tenir : c'est, à ses yeux, une question de morale politique. J'y
souscris pleinement, mais je me demande s'il ne faudrait pas en étendre un peu
le champ.
Pourquoi, en effet, la morale politique ne serait-elle pas invoquée déjà en
amont des promesses ? Cela éviterait bien des déceptions quand elles ne sont
pas tenues, et bien des déboires quand elles le sont.
« Ce qui compte, c'est ce qui marche ». Ainsi parlait Tony Blair à la tribune
de l'Assemblée nationale, le 24 mars dernier, madame le ministre. Or, en
matière de réduction du temps de travail, ce qui marche aujourd'hui, c'est ce
qui a été librement négocié par des partenaires sociaux libres d'apprécier ce
que l'entreprise et les salariés avaient à gagner à une telle démarche.
Le consensus suppose le consentement, qui engage mieux les partenaires que la
loi. Celle-ci risque en effet d'indisposer les partenaires quand il convient
qu'ils soient de part et d'autre bien disposés.
C'est la capacité des hommes et des femmes à innover ensemble au sein de
l'entreprise qui est porteuse d'avenir et d'espoir. C'est la libre négociation
qui est source de justice, de paix sociale et d'efficacité économique. Ce sont
la liberté et la confiance réciproque qu'elle suppose qui sont modernes.
J'en suis profondément persuadé,...
M. Emmanuel Hamel.
Nous aussi !
M. Alain Gournac.
... comme je suis persuadé que la modernité de Tony Blair tient à sa liberté
de parole et d'action.
Quel socialiste français oserait en effet déclarer : « La gestion de
l'économie n'est ni de gauche ni de droite, elle est bonne ou mauvaise » ?
M. Jean Chérioux.
C'est vrai !
M. Claude Estier.
C'est votre ami Tony Blair !
M. Alain Gournac.
Eh oui ! Et il vous a bien gênés en disant cela : nous avons bien vu que les
applaudissements n'étaient pas toujours de votre côté !
M. Claude Estier.
Vous oubliez votre soutien à Margareth Thatcher et à John Major !
M. Alain Gournac.
Moi, je vous parle de Tony Blair.
Mme Joëlle Dusseau.
Et la suite ?
La gestion de M. Jospin est bonne !
M. Alain Gournac.
On ne créera pas des emplois durables et on ne fera pas reculer le chômage par
la contrainte. Contraindre, c'est braquer les partenaires sociaux.
S'il est logiquement vrai de penser que le partage du travail induira une
baisse du taux du chômage, il est psychologiquement faux de croire que les
salariés sont prêts à gagner moins.
Au regard des chiffres de la pauvreté en France, publiés récemment par
l'INSEE, on ne peut que partager le refus des salariés de voir leur pouvoir
d'achat diminuer.
Il serait d'ailleurs inconsidéré de vouloir traiter le problème du chômage
indépendamment de celui de la pauvreté. Et les interrogations de l'INSEE
relatives aux modèles britannique et néerlandais doivent être entendues comme
des mises en garde.
Il est économiquement aberrant de penser que les entreprises pourraient
maintenir les salaires des personnels en place tout en embauchant de nouveaux
salariés pour compenser les quatre heures non travaillées. Les gains de
productivité, nous le savons, sont incertains, et à tout le moins impossibles à
évaluer.
Les entreprises se demandent d'ailleurs - permettez-moi de le signaler au
passage - si les aides de l'Etat dont elles pourront bénéficier seront
assujetties à la TVA ou non. C'est une question importante, puisqu'elle
détermine le coût du passage aux 35 heures à la fois pour les entreprises et
pour l'Etat.
Madame le ministre, vous avez, avec vos amis politiques, choisi la méthode
autoritaire.
La majorité sénatoriale, par la voix de notre excellent rapporteur, M. Souvet,
vous a proposé et vous propose à nouveau une autre méthode : l'incitation et la
libre négociation. Car, au fond, nous sommes tous d'accord sur le principe, qui
n'est autre que celui de la loi Robien.
« Ce qui compte, c'est ce qui marche ». Or, ce qui marche, en l'occurrence,
marche parce qu'il marche librement. Qui peut le nier ?
Et comment le Gouvernement peut-il, dans ses publications, défendre un projet
qui substitue la voie autoritaire à l'incitation et à la libre négociation,
dont la pertinence a été vérifiée ?
Comment peut-il défendre son projet en s'appuyant sur des exemples de
réduction du temps de travail pour lesquels la libre négociation est au coeur
du dispositif ?
Comment peut-il illustrer un projet étatique par des exemples libéraux ?
La réduction du temps de travail est un élément de la solution au problème du
chômage, elle n'est pas « la » solution. L'imposer de manière autoritaire,
c'est tourner le dos à la modestie que vous préconisez, madame le ministre.
« Face au chômage, nous avons tous échoué », disiez-vous à juste titre dans
cette enceinte. Or faire une loi qui contraint, c'est prendre la partie pour le
tout, c'est prendre un élément de la solution pour la solution elle-même.
Votre loi, madame le ministre, risque d'empêcher les PME de profiter de la
dynamique de croissance qui semble se dessiner. Elle risque de porter préjudice
à l'emploi, dont celles-ci ont été, plus que d'autres, créatrices.
Notre rapporteur vous proposait un reprofilage de la loi Robien. Conjugué avec
d'autres éléments de solution qu'il faudra bien un jour examiner, comme la
baisse du coût du travail, il faisait évoluer les choses positivement, avec
efficacité et prudence, et donc avec réalisme.
Voilà pourquoi, madame le ministre, je reste en désaccord avec vous.
C'est au nom du dialogue social, en la vertu duquel je crois, c'est au nom de
la confiance que je mets dans la capacité des hommes et des femmes d'inventer
librement l'entreprise de demain que je ne voterai pas en l'état le projet de
loi de réduction autoritaire du temps de travail que vous nous proposez.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un mois après
avoir examiné en première lecture le projet de loi sur l'aménagement et la
réduction du temps de travail, je suis heureux de pouvoir reprendre ce débat
dont les enjeux ont été clarifiés ces dernières semaines.
Il y a un mois, nos collègues de la majorité sénatoriale avaient purement et
simplement vidé ce texte de sa substance. Ils lui avaient substitué un prétendu
contreprojet pour l'emploi : il s'agissait, en réalité, d'un retour à la
politique mise en oeuvre pendant quatre ans avant les providentielles élections
législatives anticipées de juin 1997, politique qui n'a pas, c'est le moins que
l'on puisse dire, obtenu les résultats escomptés en matière de lutte contre le
chômage.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que, entre 1993 et 1997, le chômage a
malheureusement augmenté dans notre pays de 450 000 unités.
M. Emmanuel Hamel.
C'est moins qu'avant !
M. Henri Weber.
Les mêmes causes, je le crains, auraient produit les mêmes effets. Je me
félicite donc que l'Assemblée nationale ait rendu à votre texte, madame la
ministre, son contenu, et à nos concitoyens le projet pour lequel ils avaient
voté.
Plusieurs facteurs viennent aujourd'hui conforter le Gouvernement dans ses
choix.
Le premier est le bon résultat obtenu par les candidats de la majorité
plurielle aux dernières élections cantonales et régionales, et ce malgré le
caractère généralement défavorable, pour le Gouvernement en place, de ce type
de consultation intermédiaire. La gauche plurielle a gagné 431 sièges sur les 1
396 détenus avant le scrutin par la droite,...
M. Emmanuel Hamel.
Grâce au Front national !
M. Alain Gournac.
Ah oui !
M. Henri Weber.
... ce qui constitue le plus grand succès remporté par elle dans les scrutins
locaux en France depuis les victoires, d'une exceptionnelle ampleur, de 1976 et
de 1977, soit depuis vingt-deux ans.
Aux élections régionales, la gauche plurielle a obtenu la majorité dans douze
régions sur vingt-deux, même si, pour des raisons que je préfère ne pas évoquer
ici, elle n'en dirige finalement que huit à ce jour.
Ces succès prouvent, s'il en était besoin, qu'un Gouvernement qui tient ses
engagements et obtient de bons résultats conserve la confiance des Français.
Ils prouvent également que ceux-ci se reconnaissent dans les grandes mesures
décidées par le Gouvernement, l'une des plus symboliques étant la loi sur les
35 heures.
La poussée électorale de l'extrême gauche, notamment dans les circonscriptions
les plus populaires, nous incite même à penser que, en matière de réformes,
nombre de nos concitoyens nous reprochent non pas d'en faire trop, mais de ne
pas en faire assez.
Le second facteur qui nous permet d'envisager la mise en oeuvre de votre texte
avec confiance, c'est la bonne tenue actuelle de notre économie. En favorisant
l'essor de la consommation populaire, nous avons aidé la conjoncture, et la
conjoncture, bonne fille, nous aide en retour : la croissance dépasse
aujourd'hui les 3 % ; surtout, elle est tirée désormais autant par la reprise
de l'investissement et de la demande intérieure que par l'exportation. Tout
indique qu'elle sera durable.
Les entreprises, grandes et petites, réalisent des profits égaux et supérieurs
à ceux qu'elles enregistraient durant les mythiques « Trente glorieuses ».
Elles recommencent à embaucher, certes prudemment, en privilégiant d'abord
l'emploi intérimaire - M. Guy Fischer le faisait remarquer - mais le chômage a
commencé une lente décrue, qui peut s'accélérer si chacun y met du sien.
Frappés par la publication des bilans flatteurs des entreprises et par les
records répétés de la Bourse, les salariés réclament, par la voie de leurs
syndicats, leur part légitime des fruits de la croissance.
M. Emmanuel Hamel.
Ils ont raison !
M. Henri Weber.
Ils ont tout à fait raison !
Parallèlement, cette croissance retrouvée permet aux entreprises d'envisager
plus sereinement la réorganisation du travail que votre loi appelle et permet.
Nous voyons donc se mettre en place les conditions de ce grand mouvement que
vous nous proposez et dont les clés sont : plus d'emplois pour les chômeurs,
plus de temps libre pour les salariés, une meilleure organisation pour les
entreprises. C'est, en somme, le véritable partage des « fruits de la
croissance » !
Le troisième élément qui autorise aujourd'hui à être raisonnablement
optimiste, c'est ce qui se passe dans de nombreuses entreprises, sur le
terrain. Le but proclamé de votre projet de loi, madame la ministre, était de
relancer la négociation collective, passablement atone dans notre pays depuis
de nombreuses années. C'est même précisément, je voudrais le faire remarquer à
M. Gournac, à cause de cette atonie, qui est due, dans une large mesure, au
refus des organisations patronales de négocier, en raison d'un rapport de force
à elles favorables - qui les incitait à imposer leur volonté aux salariés
plutôt qu'à rechercher avec les syndicats des compromis mutuellement favorables
- que vous avez dû recourir, madame la ministre, à la loi pour impulser
l'aménagement et la réduction du temps de travail.
Tout le monde ici se souvient que la loi Robien de 1996 n'a abouti qu'à 1 500
contrats, concernant 300 000 salariés seulement, et ce malgré son caractère
très avantageux pour les chefs d'entreprise. Et encore, elle doit une partie
notable de ce résultat à la pression qu'a exercée votre projet de loi lui-même,
plus de 200 entreprises ayant conclu des accords au cours du dernier trimestre
de 1997, afin de profiter du dispositif Robien avant qu'il ne disparaisse et
pour prendre part à ce mouvement général que, grâce à votre loi, nous voyons
peu à peu apparaître.
M. Claude Estier.
Très bien !
M. Henri Weber.
Dès aujourd'hui, en effet, avant même que votre loi n'ait été définitivement
votée par le Parlement, les négociations se multiplient. Dans la tension
souvent, dans le conflit ouvert parfois, comme cela a été rappelé à cette
tribune, mais comment pourrait-il en être autrement ?
L'essentiel, madame la ministre, c'est bien qu'à nouveau on se retrouve autour
du tapis vert et qu'on discute ensemble des modalités concrètes de
l'organisation du travail, que représentants des salariés et chefs d'entreprise
recherchent ensemble les voies et les moyens du compromis dynamique que votre
loi propose : réduction du temps de travail, maintien du pouvoir d'achat des
salariés, création de nouveaux emplois.
Même le président du CNPF, M. Ernest-Antoine Seillière a retrouvé, et c'est
heureux, le chemin de Matignon. Décidément, la phase de l'attentisme prend fin,
celle des négociations commence !
La presse a relaté abondamment l'exemple d'Eurocopter, cette filiale des
groupes Aérospatiale et Dasa qui emploie 6 000 salariés en France, dans ses
établissements de Marignane et de La Courneuve. Dans cette entreprise,
direction et syndicats se sont mis d'accord pour le passage aux 35 heures dès
1999, sans aide de l'Etat, en misant sur une nouvelle organisation du travail.
La semaine de quatre jours sera la règle, avec un long week-end de trois jours
pour 85 % du personnel. Les 15 % restant travailleront trois jours et demi, sur
la base du volontariat, mercredi, jeudi, vendredi et samedi matin. Des pertes
de rémunérations inférieures à 2 %, épargnant les bas salaires, ont été
acceptées par les syndicats en échange de 360 embauches nouvelles, soit 6 % des
effectifs. Les 1 300 cadres bénéficieront, comme l'ensemble des salariés, de la
baisse des horaires, selon des modalités particulières. L'ensemble du personnel
pourra dès l'an prochain comptabiliser les dépassements d'horaires sur un
compte épargne-temps, géré sur plusieurs années.
Et il ne s'agit pas là du cas isolé d'une multinationale : la même chose vaut
pour les petites entreprises. A deux pas de chez moi, la société Véranda
Confort de Tôtes, trois salariés en 1993, trente aujourd'hui, a décidé de
passer aux 35 heures sans perte de salaire, avec embauche de cinq salariés
supplémentaires et recours aux aides de l'Etat. Les salariés travailleront cinq
jours une semaine et quatre jours la semaine suivante, récupérant un lundi ou
un vendredi sur deux.
L'accord prévoit qu'en période de pleine activité le personnel pourra être
amené à travailler six jours certaines semaines et à récupérer ces heures-là
sur d'autres périodes. « Les horaires sont plus souples et adaptés aux besoins
de l'entreprise, a déclaré son fondateur, M. Lionel Dorthé. C'est du
donnant-donnant. » Pour toutes ces raisons, ce patron de PME dynamique, d'une
ce ces PME dont certains ici se prétendent porte-parole, ne songe pas à
délocaliser, non : il considère - je le cite - la loi sur les 35 heures comme
une « bonne chose » !
Et l'on pourrait multiplier les exemples. Dans mon seul département, la
Seine-Maritime, plus de soixante entreprises ont d'ores et déjà commencé à
réduire leur temps de travail, créant ou préservant plus de 650 emplois.
Et, s'il nous est permis de regarder au-delà de nos frontières, on voit bien
que votre orientation, madame la ministre, n'est pas isolée. La majorité
sénatoriale nous donne souvent en exemple notre excellent camarade Tony Blair,
mais également les syndicats allemands, réputés sérieux, pragmatiques et
réalistes, tout le contraire de nos syndicats français, politisés et
fantasques. Ainsi, M. Klaus Zwickel, président du plus puissant syndicat
ouvrier d'Europe, l'IG Metall, que vous avez d'ailleurs reçu voilà peu, madame
la ministre, s'est non seulement félicité du passage aux 35 heures dans son
pays depuis de longues années déjà, mais a déclaré que l'objectif de son
organisation était désormais les 32 heures pour l'an 2000.
Quant au plus grand syndicat allemand, la DGB, il se prononce, pour sa part,
pour la semaine de 30 heures à cette date ! Où est l'isolement ?
Je ne parle même pas des décisions prises par nos amis italiens, que vous
récusez !
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas généralisé, cela se fait dans le cadre d'accords collectifs !
M. Alain Gournac.
Ce n'est pas la même chose !
M. Henri Weber.
Ce n'est pas généralisé en Allemagne, mais la DGB est une confédération
interprofessionnelle nationale.
Je ne reviendrai pas sur les arguments qu'a excellemment exposés ma collègue
Marie-Madeleine Dieulangard en réponse aux critiques de M. le rapporteur, qui,
une fois de plus, comme l'a d'ailleurs fait tout juste avant moi à cette
tribune notre collègue blairiste M. Gournac,...
M. Alain Gournac.
Cela vous gêne, hein !
M. Henri Weber.
... a déploré le recours à la loi.
Mais, sachant ce que sont les relations contractuelles en France,
pouviez-vous, madame la ministre, faire autrement que recourir à la loi ?
Probablement, si nous avions l'éternité devant nous ! Mais nous avons trois
millions de chômeurs et autant de salariés précaires qui ne peuvent attendre
que nous ayons, les uns et les autres, régénéré les relations professionnelles
dans ce pays. Il y a urgence ; les gens ne peuvent pas attendre, car ils sont
dans la difficulté. Nous avons besoin de résultats immédiats et non pas étalés
sur plusieurs décennies.
Certains ont souligné que l'aide forfaitaire à la création d'emplois - et non
plus l'aide proportionnelle aux salaires que prévoyait la loi Robien - allait «
pénaliser le travail qualifié ». On pourrait dire aussi - ce serait plus juste
- qu'elle va favoriser le travail non qualifié.
En effet, si le coût du travail dans notre pays pose un problème par rapport à
celui de nos principaux concurrents, ce n'est pas le coût du travail qualifié,
ni même celui du travail moyen, mais bien celui du travail non qualifié, qui
est en effet trop élevé et induit des effets pervers.
Votre décision de favoriser la main-d'oeuvre et les bas salaires est donc
sage, madame la ministre, et répond aux recommandations de la plupart des
économistes.
S'agissant du SMIC, notre rapporteur a rappelé la remarque de M. Jean-Pierre
Fourcade, président de la commission des affaires sociales, doutant « que l'on
puisse faire coexister durablement des salariés travaillant 35 heures payées 39
et d'autres, 39 heures payées 40. » Dans cette observation de bon sens, le mot
important est l'adverbe « durablement ».
Votre loi, madame la ministre, n'institue pas un système durable de double
SMIC. Elle crée un nouveau SMIC et prévoit des mesures transitoires en
attendant que le SMIC horaire rattrape le SMIC mensuel et que les deux
coïncident.
Pour le reste, notamment pour l'épineuse question de la définition du temps de
travail effectif, je m'en rapporte, là encore, aux arguments qu'a développés ma
collègue Marie-Madeleine Dieulangard.
Madame la ministre, avec votre loi, vous proposez au pays, pour lutter contre
le chômage et l'exclusion, un nouveau contrat social en trois termes :
réduction et aménagement du temps de travail ; maintien du pouvoir d'achat et
des droits des salariés ; création d'emplois dans les entreprises pour renouer
durablement avec le cercle vertueux de la croissance.
Le succès dépend maintenant de la bonne volonté et de la détermination des
partenaires sociaux. Les chefs d'entreprise peuvent s'en saisir - j'en ai donné
deux exemples, j'aurais pu en donner des dizaines d'autres - pour accroître la
réactivité et la productivité de leur firme tout en améliorant son climat
social, c'est-à-dire, finalement, la motivation et la mobilisation des salariés
de tous les niveaux.
Les salariés peuvent s'en saisir pour contribuer à la création d'emplois
nouveaux - qui, parmi eux, n'a pas au moins un chômeur dans sa famille ou dans
son entourage ? - et renforcer ainsi la croissance.
Nous ne doutons pas, madame la ministre, que vous saurez communiquer votre
enthousiasme et votre énergie aux partenaires sociaux, dont tout dépend
désormais. C'est pourquoi nous voterons chaleureusement votre projet de loi,
rétabli dans son esprit et dans sa lettre par l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Baylet.
M. Jean-Michel Baylet.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis sa
présentation officielle, en décembre dernier, le projet de loi d'orientation et
d'incitation relatif à la réduction du temps de travail a fait couler beaucoup
d'encre et beaucoup de salive, c'est le moins qu'on puisse dire.
En marge des hémicycles, on a pu mesurer l'intensité de l'affrontement entre
les partisans d'une réduction négociée et encadrée du temps de travail, et
l'aile ultra-libérale refusant en bloc, conformément à son idéologie, l'idée du
passage aux 35 heures.
En ce qui concerne les radicaux - nous l'avons déjà dit à l'occasion de la
première lecture par la voix de notre excellente collègue Joëlle Dusseau -
c'est, bien entendu, la première tendance qui recueille notre adhésion, et ce
pour deux raisons essentielles.
D'une part, la réduction du temps de travail correspond à un engagement fort
pris par le Premier ministre, Lionel Jospin, pendant la campagne des élections
législatives ; une majorité d'électeurs nous ont accordé leur confiance sur la
base d'un programme particulièrement volontariste et novateur dans le domaine
de la lutte contre le chômage. Dans le droit-fil de la loi sur l'emploi des
jeunes, le Gouvernement répond une nouvelle fois avec fidélité aux attentes des
Français.
D'autre part, nous sommes simplement convaincus que la baisse du temps de
travail est une réponse majeure au problème du chômage. Eh oui, mes chers
collègues, il existe des réalités que l'on ne peut nier !
Les progrès techniques, fort heureusement, poursuivent leur mouvement, et si
ceux-ci induisent de nouveaux emplois, il faut globalement de moins en moins de
temps pour produire toujours plus de marchandises et de services. Il suffit
donc de constater l'existence des gains de productivité pour savoir que la
baisse du temps de travail est possible.
Elle est même souhaitable, sous peine de voir le marché être l'unique
régulateur du partage du travail, avec les effets que l'on connaît, à savoir un
taux d'inactivité de 12 % et l'émiettement du travail par le développement de
contrats précaires. Dans notre pays - et, hélas ! dans beaucoup d'autres - le
partage du travail s'opère mécaniquement entre ceux qui ont tout, ceux qui ont
un peu et ceux qui n'ont rien.
Le partage du travail, pourtant, existe bel et bien ; un peu plus de
vingt-quatre millions d'individus sont actifs, tandis qu'environ quatre
millions de personnes en âge de travailler ont pour seul horizon l'attente d'un
hypothétique emploi.
En proposant un projet de loi d'orientation et d'incitation relatif à la
réduction du temps de travail, le Gouvernement souhaite inverser la tendance,
qui consiste à accepter le chômage comme irrémédiable.
Avec votre projet, et l'audace qui le caractérise, madame la ministre, vous
avez décidé de ne pas laisser le chômage perdurer dans son rôle de variable
d'ajustement au marché de l'emploi. Vous avez, au contraire, choisi d'ajuster
le temps de travail aux besoins d'activité des individus.
Certes, dans cette assemblée, nombreux - trop nombreux à mon goût ! - sont
ceux qui expriment des réticences face à cette idée. L'analyse du texte adopté
ici même en première lecture suffit pour s'en convaincre. En transformant le
projet du Gouvernement en une prolongation et une révision de la loi Robien, la
commission des affaires sociales a tenté de faire croire qu'elle était
favorable sur le principe à une baisse du temps de travail.
Vous savez très bien, mes chers collègues, que le caractère incitatif de la
version du 4 mars dernier revient à laisser la durée légale du temps de travail
en son état actuel. Si l'on veut faire baisser sérieusement le chômage, on ne
doit pas se contenter de demi-mesures : on est pour ou contre la baisse du
temps de travail ; on ne peut pas faire croire que l'on est pour en faisant
tout pour que cela n'arrive pas.
Mme Joëlle Dusseau.
Très bien !
M. Jean-Michel Baylet.
En tout cas, madame la ministre, soyez assurée une nouvelle fois que, pour
leur part, les radicaux approuvent le texte récrit dans sa version initiale par
l'Assemblée nationale.
Nous vous soutenons pour les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure et parce
que nous sommes favorables à la reprise d'un mouvement séculaire bloqué - nous
le regrettons - depuis 1982.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Par qui ? Par M. Mauroy
! Dont acte !
M. Jean-Michel Baylet.
Toutefois, nous avons un regret, et je vais me permettre de vous l'exposer
brièvement.
Nous aurions souhaité, madame la ministre, que votre détermination et votre
sens du combat vous poussent à aller plus loin pour proposer dès aujourd'hui
les 32 heures et la semaine de quatre jours.
M. Philippe Marini.
Pourquoi pas zéro !
M. Jean-Michel Baylet.
Le débat s'est focalisé sur les 35 heures - à juste titre puisque l'article
1er les décrète - et les entreprises vont donc adopter assez systématiquement
ce qu'elles considèrent comme un moindre mal, à savoir les 35 heures. De ce
fait, la voie vers des baisses plus importantes, à peine entrouverte, risque de
n'attirer personne, en tout cas pas ceux qui ont le pouvoir de décision.
Or, le choix de la semaine de quatre jours, dans le cadre, naturellement, de
l'annualisation, permettrait, à mon sens, de diminuer les chiffres du chômage
de façon plus importante.
Expérimenté avec réussite dans nombre d'entreprises, ce système - que je
connais, pour ma part, très bien - présente plusieurs avantages.
Réparties sur quatre jours ou annualisées, les 32 heures résument mieux que
les 35 heures les besoins de temps dans l'entreprise et hors de l'entreprise.
Elles créeraient ainsi de nouvelles possibilités de vie civile et citoyenne.
Dans l'entreprise, elles seraient, enfin, l'occasion de mettre en place de
nouveaux modes d'organisation et de relations entre les salariés.
Puisque nous sommes aujourd'hui dans une période de croissance, qui
permettrait de « digérer » d'éventuelles déconvenues, et puisque les autres
politiques ont jusque-là échoué, pourquoi ne pas dépasser les résistances pour
avancer ensemble vers un nouveau choix de société où l'activité serait mieux
partagée au bénéfice de tous ?
En tout cas, en redonnant du travail à ceux qui en sont privés et en accordant
plus de temps libre aux autres, on créerait une nouvelle richesse commune
appelée bien-être social.
Voilà, madame la ministre, en vous assurant encore une fois de notre soutien,
la contribution, trop brièvement évoquée, des radicaux de gauche à la lutte
pour l'emploi !
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je limiterai
mon intervention à des considérations plus techniques que celles des précédents
intervenants, me référant, bien entendu, sur le plan général, aux propos tout à
fait excellents, et auxquels je souscris complètement, qui ont été tenus par
notre collègue Alain Gournac au nom de notre groupe.
Je veux en effet concentrer cette intervention sur un point particulier qui
fait l'objet de l'article 4
bis,
à savoir la définition de la durée
effective du travail.
Ce débat était inévitable pour un certain nombre de raisons.
D'abord, le droit existant, l'article L. 212-4 du code du travail, qui se
réfère à la notion de temps de travail effectif, reflète un concept qui
nécessite une interprétation plus qu'il ne traduit un contenu juridique
précis.
En effet, les tribunaux, sous le contrôle de la Cour de cassation, ont
développé, notamment ces dernières années, toute une jurisprudence
interprétative. Celle-ci se réfère le plus souvent à deux notions : en premier
lieu, la notion de travail commandé, qui a été d'une réelle utilité pour
déterminer la qualification des temps de présence au-delà de l'horaire
collectif, celui par lequel est versé le salaire mensuel contractuel ; en
second lieu, la notion, retenue par la Cour de cassation, de disposition
permanente à l'égard de l'employeur, qui a une utilité pour définir la
qualification de certains temps de présence à l'intérieur de l'horaire
collectif ou contractuel. Il s'agit des temps qui sont des temps de
disposition, temps que recouvre le salaire mensuel, mais qui ne sont pas pour
autant consacrés à l'accomplissement d'une tâche précise.
Enfin, autre élément qui nous conduit tout naturellement à ce débat : la
directive européenne du 23 novembre 1993, dont il ne faut pas oublier qu'elle a
été incorporée dans notre droit interne à la date du 23 novembre 1996. Cette
directive s'impose donc au législateur français.
Je rappelle qu'elle définit la durée effective de travail par référence à «
toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition
de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions,
conformément aux législations et/ou pratique nationales. »
Cette notion de « à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son
activité ou de ses fonctions » est, en définitive, proche de celle qui a déjà
été dégagée par la jurisprudence française.
Par rapport à cela, il est tout à fait clair que le texte voté en première
lecture par l'Assemblée nationale, sur l'initiative de l'extrême gauche, tente
de donner une portée exagérément large à ladite notion.
Non seulement on va plus loin que la Cour de cassation, qui réglait des
problèmes difficiles, telles les questions d'astreinte ou de temps de veille,
mais encore on introduit dans le champ de la notion de durée effective du
travail des temps de présence que la Cour de cassation avait exclus, tels les
temps de repos.
Lorsque nous avons abordé ce sujet en première lecture, madame le ministre,
vous nous avez opposé, en particulier, la pratique de certaines professions, et
vous vous êtes référée, je crois, à l'accord du secteur du bâtiment sur les
grands déplacements.
En effet, une partie du temps de déplacement, lorsque le nombre de kilomètres
dépasse un certain seuil, est assimilée à du travail effectif par les
partenaires sociaux : s'ils en ont ainsi décidé contractuellement, c'est bien
parce qu'une telle interprétation n'aurait pas été permise par le droit commun.
Un arrêt de la Cour de cassation de 1995 a assimilé de tels temps à du travail
effectif, par référence à la notion de disposition à un cas d'espèce,
matérialisé par l'obligation faite au salarié de venir au siège social afin de
se faire transporter sur le chantier.
Je répète donc que la référence que vous avez prise est une référence très
spécifique, qui va,
a contrario,
dans le sens des thèses défendues par la majorité
sénatoriale.
Or la rédaction proposée en première lecture par l'Assemblée nationale, sur
l'initiative, je le répète, de l'extrême gauche, et qui fait disparaître
l'adjectif « permanent » - il ne s'agit plus de la « disposition permanente » -
est incohérente, me semble-t-il, avec le premier alinéa de l'article L. 212-4
du code du travail, qui exclut le temps d'habillage, de casse-croûte et de
repas, ainsi que les temps d'inaction tels qu'ils sont définis par les
différentes normes en vigueur.
En outre, et surtout, cette notion ne fait plus la différence entre les heures
incluses dans l'horaire collectif de travail, pour lesquelles existe une
présomption de qualification de temps de travail, et les heures effectuées
au-delà, dont on voit mal ce qui pourrait justifier qu'elles soient
systématiquement considérées comme du temps de travail effectif.
Bien sûr, les heures effectuées au-delà de l'horaire collectif sont des heures
commandées lorsque la charge de travail est telle que celle-ci ne peut être
réalisée qu'avec un temps supérieur. Mais de là à généraliser une telle
approche, il me semble qu'il y a une distance qu'il serait tout à fait
déraisonnable de franchir.
Je prends l'exemple des cadres qui disposent de temps d'autonomie. Si l'on
appliquait la notion retenue par l'Assemblée nationale en première lecture,
nous nous trouverions dans des situations tout à fait surprenantes.
En effet, si le texte voté en première lecture par l'Assemblée nationale était
définitivement retenu, il faudrait, pour éviter à l'employeur de payer toutes
les heures de présence d'un cadre, qu'il le sanctionne disciplinairement chaque
fois qu'il resterait au bureau au-delà de l'horaire collectif ! Autant dire que
la qualification de cadre serait remise en cause dans son principe et que l'on
se trouverait dans des situations de désorganisation des entreprises.
Pour l'ensemble de ces raisons, et en vertu de cette analyse, il me semblerait
sage d'en revenir au texte que le Sénat avait adopté en première lecture.
Je crois que la démonstration a été abondamment faite à ce sujet, et ce
d'autant plus, je le répète, qu'il existe un texte communautaire, la directive
du 23 novembre 1993, qui ouvre la voie à des évolutions pour le futur en
définissant le temps de repos minimum, dans une optique de protection de la
santé et de la sécurité.
Pour terminer sur ce sujet, je crois qu'il faudrait que l'on réfléchisse pour
l'avenir à une définition du temps de travail qui se réfère de manière négative
au temps de repos. En effet, avec les évolutions technologiques que nous
connaissons, l'autonomie sera de plus en plus grande pour un nombre croissant
de travailleurs, les organisations hiérarchiques céderont de plus en plus
souvent le pas à des organisations modulaires, et l'entreprise se matérialisera
de moins en moins par une unité de temps, de lieu et d'action. Le rapport au
temps et à la distance sera complètement différent, sinon dissous, ce qui
rendra obsolète la référence à la notion de disposition. Dans l'avenir, il
conviendrait d'anticiper sur les évolutions de l'organisation du travail.
Je rappellerai en conclusion que le texte que vous nous proposez, madame le
ministre, est en retrait sur certaines évolutions conceptuelles qui figurent
déjà dans notre droit, notamment depuis l'ordonnance qui a fixé la durée
hebdomadaire du travail à 39 heures.
Cette législation a déjà fait passer notre situation juridique, en ce qui
concerne les heures supplémentaires, d'un régime d'autorisation par
l'inspecteur du travail à un régime de simple déclaration. La durée légale, de
ce fait, n'est plus impérative, elle n'est qu'un seuil à partir duquel se
déclenchent des droits et des obligations.
En outre, la semaine comme module quasi universel a été abandonnée, ce qui
permet de se placer dans le cadre d'autres cycles, celui de l'année notamment,
et de jouer au maximum des gains de productivité dans les entreprises.
Enfin, la remise en cause de l'horaire collectif comme mode d'organisation des
temps de travail a été acquise pour en faire un simple horaire de référence,
auquel on peut aisément déroger du fait de l'organisation spécifique d'une
entreprise.
Madame le ministre, le texte que vous nous proposez est en retrait par rapport
à bien des acquis de la législation antérieure, c'est un texte de contraintes,
on l'a dit. C'est un texte qui rigidifie notre économie et l'organisation des
entreprises. C'est un texte qui recèle d'importants dangers et de graves
illusions. C'est donc un texte qui, assurément, ne peut pas recevoir l'accord
de la majorité de la Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la ministre, mes chers collègues, avant que s'achève notre deuxième
discussion générale sur ce projet de loi relatif à la réduction du temps de
travail, je souhaiterais formuler trois brèves remarques et prendre date.
En observant ce qui se passe dans les pays qui nous entourent, non seulement
la Grande-Bretagne et l'Allemagne mais aussi l'Espagne et l'Italie, je constate
que les projets du Gouvernement portent des messages qui ne vont pas dans le
sens du dynamisme de notre économie et de la capacité de notre pays à profiter
de la reprise qui s'amorce et à franchir le cap de l'euro dans quelques
semaines dans de bonnes conditions.
En effet, du projet précédent sur les emplois-jeunes, les Français ont
essentiellement compris que leurs enfants se verraient offrir une chance
nouvelle d'entrer dans la fonction publique. De fait, les « nouveaux services »
annoncés, les « emplois émergents », ne se sont traduits pour l'instant que par
des emplois dans l'éducation nationale et dans la police.
De votre projet de loi sur les 35 heures, et malgré ce qu'en ont dit les
orateurs qui m'ont précédé, les Français retiendront qu'ils peuvent travailler
moins. Les votes intervenus en première et en deuxième lecture à l'Assemblée
nationale sont, à cet égard, significatifs. Comme l'ont fait observer notre
excellent rapporteur Louis Souvet, et, à l'instant, M. Marini, non seulement le
projet de loi tend à abaisser la durée légale du travail, mais en outre, par
l'article 4
bis,
il vise à donner une définition extensive des activités
ou périodes considérées comme temps de travail ; les effets de l'abaissement de
la durée légale du travail se cumulent ainsi avec une réduction supplémentaire
du temps de travail productif.
Si l'on s'était placé, madame la ministre, dans une optique d'expansion et
d'avenir, il aurait mieux valu intégrer dans le temps de travail le temps de
formation ; cela aurait été en effet beaucoup plus utile en vue de l'adaptation
des travailleurs aux métiers de demain que la prise en compte d'un certain
nombre d'astreintes, de congés ou de repos. Mais c'est encore une question
d'idéologie qui nous sépare !
Puisque vous aviez émis un avis favorable en première lecture, puis
défavorable en deuxième lecture, sur le texte de l'Assemblée nationale, je vous
suggère, madame la ministre, de vous rallier aux propositions de la commission
des affaires sociales, qui se tiennent au plus près de la définition européenne
et pour lesquelles vous vous en étiez remise à la sagesse du Sénat en première
lecture.
J'ai en effet entendu l'argument avancé par certains, selon lequel il existe
une interprétation de la Cour de cassation - qu'il convient bien entendu de
retenir - et une directive européenne.
Mais où sommes-nous et à quelle époque ?
Nous allons le mois prochain décider d'instaurer une monnaie commune avec des
taux de change fixes : nous allons créer l'euro. Et nous disons ici que la
jurisprudence de la Cour de cassation est bien préférable aux directives
européennes ?
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Oui !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Mais on croit rêver ! Cessons de travailler
de cette manière et de rester les yeux fixés sur le rétroviseur !
Ma deuxième observation concerne l'impact du projet de loi sur l'emploi.
Vous le savez, mes chers collègues, sur le fondement des différentes
simulations macroéconomiques dont nous avons longuement parlé en première
lecture, les experts du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
ont prévu deux scénarios.
Il y a, d'un côté, le scénario optimiste, que la direction de la prévision
qualifie de véritable « pacte pour l'emploi » : des négociations généralisées
entre les partenaires sociaux et une « modération salariale prononcée ». Quand
on sait le sens de l'euphémisme des fonctionnaires de Bercy, on voit ce que
cela veut dire !
Il y a, de l'autre côté, le scénario pessimiste : peu de négociations
préalables à l'entrée en vigueur de la nouvelle durée légale du travail, pas
d'accord de modération salariale, un effet mécanique de la baisse de la durée
légale du travail sur le niveau du SMIC.
Madame la ministre, je crains, pour ma part, que votre projet de loi, compte
tenu du contexte dans lequel il s'inscrit, ne contienne davantage les germes du
scénario pessimiste que les prémices d'un pacte pour l'emploi.
Dans mon intervention lors de la première lecture, j'avais beaucoup insisté
sur la question du SMIC et sur l'aggravation du coût du travail, notamment du
travail peu qualifié, qu'entraînera la baisse de la durée légale du travail.
Nous savons tous l'importance de cette question au regard du chômage. Or les
observations que vient de présenter à l'instant M. Weber confirment mes
craintes : nous sommes bien partis pour une augmentation de 11,4 % du SMIC et
il est clair que nombre de nos entreprises ne résisteront pas à cette
augmentation massive du coût du travail non qualifié.
J'observe également - et cette remarque vaut pour tout le Gouvernement, madame
la ministre - qu'il vous sera difficile de demander aux salariés du secteur
privé, au nom de l'emploi, de consentir des sacrifices en matière salariale
tout en accordant des hausses de pouvoir d'achat substantielles aux agents
publics, qui, eux, bénéficient de la garantie de l'emploi.
Les engagements pris par votre collègue Emile Zuccarelli à l'égard de
l'ensemble des fonctions publiques - Etat, collectivités territoriales,
hôpitaux - se traduiront par une augmentation assez sensible des rémunérations.
Il sera difficile d'éviter la contamination du secteur privé !
J'ajouterai enfin que les mesures contenues dans le présent projet de loi, qui
visent à freiner le développement du temps partiel, ne vont pas dans le bon
sens.
Bien sûr, comme Mme Dieulangard, je reconnais que, dans certains cas, il y a
eu exagération. Mais si nous avons tellement d'institutions de contrôle et de
vérification opérant des visites sur place dans les entreprises, c'est
justement pour tenter de réduire encore les quelques infractions et les
quelques facilités que s'autorisent certains chefs d'entreprise.
Cependant, je crois que si vous pouvez aujourd'hui vous glorifier, tout au
moins vous féliciter, de l'enrichissement en emplois par la croissance - avec
une croissance de 3 %, la proportion d'emplois créés est beaucoup plus forte
qu'il y a quelques années - c'est bien aux mesures tendant à favoriser le temps
partiel que vous le devez.
Aussi, les limites que vous apportez dans le recours au temps partiel dans le
projet de loi dont nous discutons me paraissent dangereuses et risquent de vous
faire revenir dans un système où la richesse en emplois en fonction du taux de
croissance retrouvera son niveau de 1993.
Enfin, ma troisième observation, et c'est la plus importante, est que votre
projet de loi est particulièrement inadapté à la situation des petites et
moyennes entreprises.
Tout le monde a bien compris qu'en fonction d'un schéma dans lequel une grande
négociation sociale au niveau des grandes entreprises est organisée pour
réduire la durée du travail, on pourrait aboutir à la création de quelques
emplois - je dis bien de quelques emplois - compte tenu de l'évolution
technologique et de l'aggravation de la compétition internationale. Mais tout
le monde a bien compris aussi que c'est au niveau des petites et moyennes
entreprises, et grâce à leur développement, à leur dynamisme et à leur
créativité que nous pourrons créer beaucoup d'emplois.
Or la réduction légale de la durée hebdomadaire du travail est tout à fait
dangereuse pour les petites entreprises, d'autant plus que vous avez retenu un
seuil très bas : vingt salariés.
Comme je l'ai dit hier lors de votre audition par la commission des affaires
sociales, la Commission des Communautés européenne considère, dans les
recommandations qu'elle adresse aux Etats membres, comme des petites
entreprises celles qui emploient moins de 250 personnes. J'ai retenu cette
référence parce que, sur ce sujet non plus, je n'ai pas trouvé de décision de
la Cour de cassation !
Je ne dis pas qu'il aurait fallu retenir le seuil de 250 salariés, je dis
seulement que le seuil de 20 personnes est particulièrement mal choisi et qu'il
aurait fallu accepter la proposition du Sénat qui visait à réserver un sort
particulier aux entreprises employant moins de 50 salariés.
Le Gouvernement, dans son projet de loi, malgré les qualifications flatteuses
dont il vient d'être l'objet, cultive donc l'exception française dans la
définition des petites entreprises, comme dans la définition du travail
effectif. Il cultive l'exception française en plaçant la réduction de la durée
légale du travail au coeur même de notre politique de l'emploi et en mobilisant
pour ce faire des crédits publics considérables.
Mais cette exception française, hélas ! fait davantage penser aux délices de
la période Ming dans la Chine ancienne qu'à la réalité de notre position
actuelle face à nos partenaires européens !
En fait, les lignes directrices pour l'emploi adoptées par le Conseil européen
de décembre 1997 n'évoquent la réduction du temps de travail qu'au détour d'un
des dix-neuf points énumérés et en plaçant résolument cette démarche dans le
cadre de négociations entre les partenaires sociaux, destinées « à promouvoir
la modernisation de l'organisation du travail et des formes de travail ». J'ai
donc été très étonné de la condamnation sans ambages de la loi Robien, loi que
nous avons votée dans cette enceinte en 1996 et qui n'a eu qu'une application
très partielle.
Mes chers collègues, si vous rencontriez aujourd'hui des représentants
syndicaux ou des dirigeants des entreprises qui ont passé des accords aux
termes de la loi Robien, vous constateriez le nouveau climat qui est né de la
mise en oeuvre d'une négociation ouverte sur la réduction du temps de travail,
sur la modération salariale et sur la réorganisation de l'entreprise. Vous
seriez - par ailleurs - frappés de la différence qui peut exister entre ces
personnes-là, avec qui l'on peut parler, et l'ensemble des autres.
En supprimant la loi Robien, en revenant à une définition de la durée légale
du travail, vous revenez aux formes très anciennes du dialogue social. Il sera
difficile de faire croire à nos concitoyens que c'est un progrès !
Face à ce constat et sur la proposition de notre excellent rapporteur, M.
Louis Souvet, la commission a proposé de rétablir le texte que vous aviez voté
en première lecture, mes chers collègues.
L'expérience de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale, qui n'a même pas
examiné nos amendements, qui n'a accepté aucune discussion tellement, dans
cette affaire, il faut - ainsi que l'a dit M. Baylet - appliquer ce que l'on a
dit pendant la campagne électorale...
M. Philippe Marini.
Voire faire plus !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
... sans tenir compte de la réalité
économique et sociale du pays.
Mme Joëlle Dusseau.
M. Baylet n'a jamais dit cela !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Comme l'a déclaré M. Baylet : j'ai peu
d'espoir que le Gouvernement et sa majorité acceptent de modifier
substantiellement le texte initial,...
Mme Joëlle Dusseau.
Vous extrapolez les propos de M. Baylet.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
... excepté la définition du temps de
travail, car vous ne pouvez pas, madame le ministre, laisser appliquer le texte
voté contre votre avis à l'Assemblée nationale.
Comme l'a très justement souligné notre collègue Philippe Marini, il s'agit
d'un texte très dangereux pour les cadres et pour le fonctionnement de
l'entreprise.
M. Philippe Marini.
C'est un texte de régression !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Mais il était bon que le Sénat dise ce qu'il
avait à dire. Un jour, selon moi très prochain, le Gouvernement et sa majorité
prendront conscience du bien-fondé des propositions de la Haute Assemblée tant
sur les emplois-jeunes que sur les 35 heures.
Ce qui nous différencie en fait de l'opposition sénatoriale et de la majorité
nationale, c'est que, nous, nous voulons réduire effectivement le chômage,
alors que, vous, vous voulez maintenir toutes les garanties dont disposent nos
concitoyens qui occupent un emploi. Nos approches sont différentes et les
résultats ne seront pas les mêmes. Seul l'avenir nous départagera.
Le fait de reprofiler la loi Robien, de revenir à une négociation ouverte et
libre, comme l'a dit M. Gournac, de ne pas porter atteinte aux mesures prises
depuis quelques années en matière de travail à temps partiel et de vouloir
mettre en oeuvre des directives européennes qui finiront par s'imposer à toutes
les entreprises de l'Union européenne va, madame le ministre, dans le sens du
progrès et non dans celui du conservatisme !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaiterais répondre brièvement mais
fermement à certaines questions qui ont été abordées.
Monsieur le rapporteur, le Gouvernement croit non pas à la vertu de la
contrainte et de l'obligation, mais à l'engagement résolu dans le combat vers
l'emploi.
Nous estimons, comme M. Weber l'a indiqué, que, lorsque notre pays compte plus
de 3 millions de chômeurs et plus de 5 millions de personnes qui cherchent un
emploi, nous n'avons pas le droit de laisser de côté une piste qui, comme
beaucoup dans cette enceinte le reconnaissent, est un élément parmi d'autres de
la lutte contre le chômage. Et nous n'avons jamais soutenu qu'il s'agissait
d'une voie unique.
Nous n'avons pas eu non plus une attitude intransigeante vis-à-vis du Sénat.
Mais, vous l'avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, vous suivez une autre
logique, qui est celle de la négociation. Il était par conséquent bien naturel
que, sur un texte ferme, par lequel le Gouvernement veut fixer un cap qui
lancera un grand mouvement de négociation, nous ne puissions nous mettre
d'accord.
Diverses références ont été faites à M. Blair. Je ne sais pas très bien ce que
signifie la formule : « Il n'y a pas une politique de droite et une politique
de gauche, il n'y a qu'une bonne ou une mauvaise politique ». Selon moi, tout
dépend des objectifs fixés.
Une bonne politique de droite, pour la droite, c'est une politique qui
consiste à faire en sorte que ceux qui sont sur la voie soient toujours plus
forts. Une mauvaise politique de gauche, c'est, selon moi, une politique qui
laisse les exclus sur le bord de la route.
Notre pays a besoin non pas d'idéologies dogmatiques, mais de débats d'idées
sur des valeurs qui s'opposent. Pour ma part, je ne crois à l'idéologie que
lorsqu'elle est porteuse de sens et de valeurs pour nos concitoyens.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, et sur certaines travées du RDSE.)
Voilà ce que, dans une démocratie, nous avons intérêt à rechercher.
Par ailleurs je remarque que M. Blair, aujourd'hui, met en place un salaire
minimum ; je remarque qu'il a taxé les entreprises privatisées pour financer un
plan pour l'emploi des jeunes ; je remarque enfin qu'il vient de demander aux
entreprises de faire un effort complémentaire en matière de formation
professionnelle.
Je ne sais pas comment il qualifie une telle politique. Mais, pour moi, il
s'agit d'une bonne politique que je qualifierai de politique de gauche.
J'en viens maintenant à quelques points précis, le premier d'entre eux étant
le travail effectif.
Monsieur le rapporteur, j'ai été quelque peu étonnée que vous ayez pu dire,
successivement, d'abord que le Gouvernement avait été battu par sa majorité,
puis qu'il n'avait pas pris parti. En effet, on ne peut pas être battu si l'on
n'a pas pris parti !
En fait, nous avons pris parti dans le débat avec la majorité à l'Assemblée
nationale, qui n'est pas un débat idéologique ou dogmatique. Nous partageons en
effet les uns et les autres le même souhait : trouver une définition du travail
effectif qui prenne en compte non seulement la réalité du fonctionnement des
entreprises, mais aussi la réalité du travail ou du non-travail des
salariés.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, ce n'est peut-être pas par hasard si, depuis
1942, on n'a pas revu la définition du travail effectif. Il est en effet très
difficile de réunir dans une formule unique l'ensemble des conditions concrètes
de travail dans les entreprises.
Je ne prendrai qu'un seul exemple, monsieur le rapporteur, pour vous montrer
que la majorité actuelle recherche la meilleure solution technique et ne
s'oppose pas sur les principes : celui de la restauration, du « casse-croûte »,
comme il est écrit dans le code du travail.
Le casse-croûte est expressément exclu du travail effectif dans le code du
travail. Cela n'a pas empêché la jurisprudence de considérer qu'à chaque fois
qu'un salarié est obligé de prendre son casse-croûte sur son lieu de travail,
en ayant un oeil sur sa machine, ou qu'il est obligé de rester à proximité de
son lieu de travail et qu'il peut être appelé à agir effectivement sur sa
machine, ce temps de restauration est du travail effectif.
S'agissant du temps de trajet, pas plus que dans les rédactions antérieures du
code du travail, il n'a jamais été question, pour l'Assemblée nationale, de
prendre en compte le temps de trajet dans le temps de travail. Cela dit, cela
n'a pas empêché la jurisprudence, parce qu'elle se fonde sur des situations
concrètes, de décider, par exemple, que le fait pour un salarié du bâtiment
d'être obligé de passer par le siège de l'entreprise avant de se rendre sur un
chantier, au lieu d'aller directement sur ce chantier, doit entraîner une prise
en compte dans le travail effectif du temps de trajet entre le siège social et
le chantier.
Ces exemples extrêmement simples montrent la complexité des situations que
nous devons regrouper dans une formule unique. Mais nous sommes tous d'accord
pour reconnaître qu'il faut s'efforcer de prendre en compte la réalité tout en
retenant les avancées d'une jurisprudence qui, au gré des années, depuis 1942,
est allée dans le sens de la garantie des salariés - et c'est heureux. Cela, je
n'entends aucune voix pour le critiquer...
M. Philippe Marini.
Il faut laisser faire la jurisprudence !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Fourcade vient de
s'inquiéter que l'on ne reprenne pas une directive européenne !
M. Philippe Marini.
Ce n'est pas incompatible !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'en arrive à cette fameuse
directive européenne, monsieur Fourcade.
Pour certains, ne pas reprendre la directive européenne, c'est bizarre,
étonnant, voire peut-être plus, à l'aube de l'euro. Pourtant, les directives
européennes se bornent à fixer des bases.
Ainsi, des durées maximales au niveau européen sont bien supérieures à la
durée maximale française. Les directives européennes peuvent être un progrès
dans certains pays et un recul dans d'autres, particulièrement dans le
nôtre.
Le problème qui se pose à nous, c'est de prendre en compte la réalité. Ou bien
- et c'est ce que prévoit la jurisprudence - le salarié est à disposition
permanente de l'employeur pendant certaines périodes de sa vie durant
lesquelles il ne peut pas vaquer librement à ses occupations, et c'est du temps
de travail effectif, ou bien il n'est pas dans ces conditions, et ce n'est pas
du temps de travail effectif.
Il nous faut donc trouver une formulation. Je suis convaincue que nous allons
la trouver dans les jours qui viennent. Mais ce n'est pas facile, d'autant que
nous ne voulons pas que la formulation soit source d'instabilité juridique ni
pour les entreprises ni pour les salariés.
Il convient de travailler sur cette nouvelle définition puisque le Parlement a
souhaité remettre la question du travail effectif dans le champ législatif, ce
que le Gouvernement n'avait pas fait dans sa version initiale du projet de loi,
je vous le rappelle. Je suis convaincue que le travail que nous entreprenons va
nous permettre de trouver une solution.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Puis-je vous interrompre, madame le ministre
?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je vous en prie, monsieur le
président.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de
l'orateur.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Sur ce point technique - puisque c'est un
problème purement technique - qui n'a rien de politique je suis pour ma part
choqué qu'au Parlement de la République on nous explique que la source du droit
c'est la jurisprudence de la Cour de cassation ! Pour moi, ce n'est pas vrai.
La source du droit, c'est le Parlement !
La source du droit, c'est même la directive européenne, retranscrite en droit
français avec des adaptations. Je n'accepte donc pas qu'on nous dise ici, au
Parlement, que la source du droit c'est la jurisprudence de la Cour de
cassation.
En effet, vous le savez aussi bien que moi, madame le ministre, cette
jurisprudence est essentiellement mobile, et elle peut changer demain. Par
conséquent, la solution doit être trouvée devant le Parlement.
Je comprends votre recherche dans le sens de la simplicité. Mais, pour moi, la
directive européenne doit être transcrite en droit français et faire l'objet
d'un certain nombre d'ajouts.
Nous ne pouvons pas nous fier aveuglément à la jurisprudence de la Cour de
cassation, sinon il n'y a plus de séparation des pouvoirs.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Veuillez poursuivre, madame le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est la raison pour laquelle,
monsieur le président, il nous faut trouver une formule qui prenne en compte
les avancées de la jurisprudence car, je le répète, sans l'évolution de la
jurisprudence, dans tous les cas, le temps de casse-croûte et le temps de
trajet ne seraient pas considérés aujourd'hui comme du temps de travail
effectif.
Je souhaite, moi aussi, que nous aboutissions à une définition. Mais il y a
des millions d'entreprises, des millions de réalités concrètes, et il n'est pas
facile de les englober dans une seule formule.
Nous éprouvons quelques difficultés, mais, dès lors que nous sommes d'accord
sur le fond, je crois que nous arriverons à trouver une solution.
Mme Dieulangard a insisté sur les enjeux de la négociation.
M. Fischer a insisté sur la nécessité de l'encadrer et de contrôler le
mouvement de négociation qui va s'engager. Il a souligné - et je le fais avec
lui - les effets positifs des amendements que le groupe communiste a déposés à
l'Assemblée nationale. Ils visent, en effet, à contrôler et évaluer les
résultats des accords signés et, éventuellement, à sanctionner des sortes de
contrefaçons par rapport à la réalité des engagements.
MM. Bimbenet et Baylet se sont intéressés aux 32 heures. Je le redis ici : le
Gouvernement ne considère pas que les 35 heures représentent un objectif final.
Il est d'ailleurs significatif qu'il ait accordé une aide financière beaucoup
plus importante aux entreprises qui descendent à 32 heures. Ces 32 heures
peuvent au demeurant revêtir plusieurs formes, parmi lesquelles la semaine de
quatre jours. Je crois que nous pouvons être d'accord sur ce sujet.
J'en arrive à la négociation.
Je crois, avec M. Weber, que le temps de la négociation est arrivé.
On m'a fait observer dimanche que les 35 heures ne suscitaient pas de grands
mouvements de soutien dans les rues. Je le reconnais.
Je reconnais aussi que des inquiétudes se manifestent, car ce n'est pas
facile. Si c'était facile, on aurait fait cette réforme depuis longtemps. Je
n'ai d'ailleurs jamais dit que la réduction du temps de travail se ferait avec
une grande facilité. Existe-t-il aujourd'hui une réponse facile au chômage ? Je
ne le crois pas.
Puisque vous avez été nombreux à en parler - notamment vous, monsieur le
président Fourcade - je tiens à revenir sur le contexte salarial actuel et sur
la signification exacte de la réduction de la durée du travail.
A en croire aujourd'hui quelques membres de la majorité sénatoriale, le
Gouvernement s'apprêterait à réduire le pouvoir d'achat des salariés dans des
proportions inédites et profondément scandaleuses. Certains vont même jusqu'à
prétendre que nous nous attaquons au SMIC, qui risquerait de baisser.
Je voudrais m'expliquer très clairement, tout d'abord sur le contexte
salarial.
Il faut rappeler qu'en 1996 le pouvoir d'achat des salariés a baissé de 1,3 %
dans ce pays, en raison d'une politique d'augmentation salariale faible et de
prélèvements fiscaux et sociaux importants. Je n'ai pas entendu de voix
s'élever alors contre ce qui était non pas une modération salariale, mais une
baisse du pouvoir d'achat des salariés !
M. Henri Weber.
Si, la mienne !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je répondais à l'argument de la
majorité sénatoriale, bien évidemment.
En 1997, le pouvoir d'achat aura augmenté d'environ 1 %. En 1998, la
croissance reviendra. Je voudrais redire à M. Fourcade ce que j'ai dit devant
la commission : bien évidemment, le contexte international est important, mais
l'ensemble des actions que le Gouvernement a réalisées pour que la consommation
redémarre, pour que la confiance revienne, est un élément majeur de cette
relance de la croissance.
Je me réjouis que, pour la première fois depuis quatre ans, la France ait un
taux de croissance supérieur de 0,5 point à la moyenne européenne, alors que,
au cours de ces quatre ans, il s'est situé entre 0,5 et 1 point en dessous.
Voilà la réalité des choses !
Une augmentation de la consommation de 5,9 % en janvier février par rapport à
l'année dernière, cela ne se fait pas tout seul ! Cela se fait grâce à une
politique rééquilibrée de prélèvements sur les salaires et sur les autres
revenus, et à une aide sur les bas salaires, qui a pris, vous le savez,
diverses formes. C'est l'une des raisons qui font que, aujourd'hui, la
croissance est là, et fortement là. Nous en sommes évidemment tous heureux.
Je vois arriver les premiers accords salariaux ; dans le contexte que je viens
de décrire, les entreprises envisagent aujourd'hui des augmentations salariales
générales de l'ordre de 2 %, de 2,5 %, voire de 3 % cette année, et une masse
salariale qui, en règle générale, - c'est d'ailleurs ce que prévoient tous les
chiffres - s'accroîtra de 4 %.
Que demandons-nous, comme le confirment toutes les études que nous avons mises
sur la table, aux salariés moyens et supérieurs ? Je ne parle pas des bas
salaires : pour eux, je le redis, le SMIC est garanti et les aides apportées
par le Gouvernement couvrent totalement la contrepartie salariale. Par
conséquent, il n'y a pas de problème.
Nous demandons aux salariés moyens et supérieurs de se mettre autour d'une
table et d'être capables d'apprécier, en fonction de ce qu'ils vont gagner en
termes d'organisation de leur vie et de moindre temps de travail, ainsi que de
créations d'emplois, s'ils sont prêts à laisser sur cette table 0,5 % ou 1 % de
leur salaire pendant un an ou deux ans - cela dépend des gains de productivité
et de la situation de l'entreprise - pour créer effectivement des emplois et
vivre mieux. Voilà le schéma tel qu'il se présente.
Eh bien ! je prends les paris que, malgré un mouvement de la négociation
collective qui pourrait être important, la hausse du pouvoir d'achat des
salariés dans notre pays sera beaucoup plus importante en 1998 qu'en 1997 et,
évidemment, sans commune mesure avec 1996 !
Par conséquent, je crois qu'il faut arrêter de nous faire des procès
d'intention. Le pouvoir d'achat des salariés a baissé pendant plusieurs années.
Il redémarre actuellement, et l'enjeu qui est devant nous est effectivement une
modération salariale, c'est-à-dire une moindre augmentation pour certaines
catégories par rapport à d'autres.
De la même manière, nous avons pris en compte la situation des petites et
moyennes entreprises par le délai, par les aides apportées à ces entreprises et
qui peuvent être plus importantes, mais aussi par les aides financières qui
sont favorables aux bas salaires et qui touchent d'abord les petites et
moyennes entreprises.
D'ailleurs - je rejoins là M. Fischer - l'Union professionnelle artisanale, la
Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles et la Confédération
générale des petites et moyennes entreprises participent avec nous à des
groupes de travail pour étudier comment certaines branches pourraient aller
vers les 35 heures. Et je me réjouis que le président Seillières, comme il l'a
dit lui-même, ait accepté de « rebrancher les fils ».
Les fils sont donc rebranchés. Je pense que le mouvement qui s'engage sur le
terrain n'y est pas pour rien. Je m'en réjouis. Cela veut dire que l'on va
retrouver des relations normales et j'espère que la négociation sera portée de
manière forte.
En ce qui concerne les cadres, disons les choses telles qu'elles sont. J'ai
les mêmes lectures que vous, monsieur Marini, et je lis aussi des juristes qui
sont les seuls à développer cette thèse dans leur profession.
La situation des cadres est assez claire.
En 1936, lorsque la durée du temps de travail a été créée, elle ne
s'appliquait pas aux cadres. Ils représentaient alors 2 % des travailleurs. Ils
sont aujourd'hui 20 % !
Il n'y a pas de raison de penser que ces cadres devraient rester à l'écart du
grand mouvement de réduction de la durée du temps de travail. D'ailleurs,
beaucoup sont intégrés dans des équipes de travail et appliquent dès maintenant
l'horaire collectif. Ils doivent être contrôlés dès maintenant, ni plus ni
moins que d'autres catégories de salariés.
Il y a d'autres catégories de cadres : les cadres dirigeants, auxquels, bien
évidemment, on ne va pas appliquer la réduction du temps de travail. Ils sont
d'ailleurs liés à l'entreprise par des contrats spécifiques.
Il y a aussi des formes de travail - le commerce ou la finance entre autres -
qui ne peuvent pas s'intégrer dans le temps de travail collectif, et c'est là
que la négociation a sa place. L'objet de la négociation est de trouver des
formes adaptées à ce type de cas.
Nous sommes l'un des rares pays où les cadres supérieurs considèrent qu'ils ne
peuvent pas quitter leur travail avant 21 heures le soir. Je ne suis pas
persuadée que nos entreprises soient pour autant plus performantes que les
entreprises allemandes ou américaines. Je vois toujours avec plaisir les
grandes tours dans les coeurs des villes américaines éteintes à 18 heures le
soir. Pourquoi avons-nous, nous, besoin de travailler plus longtemps ?
M. Philippe Marini.
Pourquoi voulez-vous les contraindre ? Laissez-les disposer de leur temps !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les cadres ne disposent pas
plus de leur temps que les autres catégories de salariés. Quand on regarde les
sondages, on se rend compte que ce sont eux qui aspirent le plus à une
réduction du temps de travail !
M. Philippe Marini.
Pas tous !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Pas tous, peut-être, mais en
tout cas ceux qui souhaitent avoir une vie familiale et sociale normale. Et je
crois qu'ils sont nombreux dans notre pays ! Donc, pour la plupart des cadres,
le temps de travail collectif s'applique pour les autres, nous allons trouver,
à l'occasion de la négociation, des formules ouvertes.
Voilà où nous en sommes.
Je terminerai en disant, me référant aux propos de M. le président Fourcade,
qui l'a d'ailleurs très bien dit lui-même, que l'avenir nous départagera.
Monsieur le président Fourcade, selon vous, il faut voir la mine - réjouie je
pense de ceux qui ont, par la négociation, transformé l'organisation du travail
dans leur entreprise et chargé la durée du temps de travail. Ils sont
aujourd'hui 200 000 dans le cadre des accords Robien.
Je pense qu'avec ce projet de loi ils seront plusieurs millions.
Eh bien, donnons-nous rendez-vous pour voir effectivement la mine réjouie de
ceux qui travailleront moins, mais surtout celle des chômeurs qui auront réussi
à entrer dans les entreprises !
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?..
La discussion générale est close.
4
NOMINATION DE MEMBRES
DE DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES
M. le président.
Je rappelle au Sénat que le groupe des Républicains et Indépendants a présenté
une candidature pour la délégation du Sénat pour la planification, et que les
groupes de l'Union centriste et communiste républicain et citoyen ont présenté
chacun une candidature pour la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Ces candidatures n'ont fait l'objet d'aucune opposition.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- M. Joël Bourdin membre de la délégation du Sénat pour la planification ;
- M. Daniel Hoeffel et Mme Marie-Claude Beaudeau membres de la délégation du
Sénat pour l'Union européenne.
5
RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Suite de la discussion et adoption
d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président.
Nous reprenons la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi
d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail.
J'informe le Sénat que la commission des affaires sociales m'a fait connaître
qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle
présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte
paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion sur le projet de loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai
réglementaire.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Après l'article L. 212-1 du code du travail, il est inséré un
article L. 212-1
bis
ainsi rédigé :
«
Art. L. 212-1
bis. - Dans les établissements ou les professions
mentionnés à l'article L. 200-1 ainsi que dans les établissements agricoles,
artisanaux et coopératifs et leurs dépendances, la durée légale du travail
effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine à compter du 1er
janvier 2002. Elle est fixée à 35 heures par semaine à compter du 1er janvier
2000 pour les entreprises dont l'effectif est de plus de 20 salariés ainsi que
pour les unités économiques et sociales de plus de 20 salariés reconnues par
convention ou décidées par le juge, sauf si cet effectif est atteint entre le
1er janvier 2000 et le 31 décembre 2001. L'effectif est apprécié dans les
conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 421-1. »
Par amendement n° 1, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
L'article 1er est, bien sûr, le plus important du projet de
loi, puisqu'il prévoit l'abaissement de la durée légale du travail
hebdomadaire.
Son aspect autoritaire ou imposé concentre les critiques des acteurs de la vie
économique. La commission considère qu'il pourrait avoir un impact négatif sur
l'emploi et vous demande donc, mes chers collègues, d'adopter cet amendement de
suppression.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Nous voterons bien évidemment pour la seconde fois contre l'amendement de la
commission, et pour les mêmes raisons.
Contrairement à la majorité du Sénat, nous estimons indispensable de fixer une
date butoir, un objectif dans le temps pour la réduction du temps de
travail.
L'expérience que nous avons tous du peu de résultats ayant découlé de l'accord
interprofessionnel de 1995 justifie cette prise de position.
Quant à la loi Robien, quel que soit son intérêt, elle ne demeure, avec les 2
000 accords conclus sur cette base, qu'une expérience.
Rien de déterminant ne se fera sans une impulsion législative forte.
Dans le même temps, ce projet de loi est un texte d'orientation et
d'incitation qui préserve l'équilibre entre la nécessité d'avancer de manière
déterminée et les modalités de négociation, qui sont établies de manière fort
souple, décentralisées et financièrement intéressantes pour les entreprises qui
agiront rapidement.
C'est ainsi que dans la nouvelle rédaction de cet article 1er a été introduite
une modification relative aux entreprises qui atteindront le seuil de vingt
salariés entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2001.
Nous observons d'ailleurs que le langage outrancier de certains représentants
du patronat s'est fait considérablement plus nuancé depuis l'examen de ce
projet de loi en première lecture par notre assemblée.
Faut-il y voir un effet de la volonté du Gouvernement ? Ne serait-ce pas
plutôt que la mobilisation massive, espérée et annoncée des entrepreneurs à
travers tout le pays a fait long feu et n'a pas dépassé les appareils
patronaux, plus politisés ?
Dans la réalité que nous constatons chaque jour dans nos départements, les
acteurs du tissu économique apparaissent décidés à se saisir de ce projet de
loi, et ce pour plusieurs raisons, dont, me semble-t-il, deux principales.
D'une part, le chômage est devenu pour notre économie un tel handicap, un tel
frein à l'investissement et à la consommation que les patrons, surtout les
patrons de petites et moyennes entreprises, sont décidés à participer aux
moyens nouveaux mis en oeuvre pour le combattre et faire redémarrer notre
économie. D'autre part, ce texte réalise un équilibre entre un objectif clair
et une grande liberté de négociation, soutenue par les moyens de l'Etat. C'est
une double opportunité que les employeurs, éloignés de la réalité virtuelle des
officines parisiennes, veulent saisir rapidement.
D'ores et déjà, la presse spécialisée se fait l'écho d'accords de méthode
signés dans des entreprises aussi intéressantes et significatives - M. Weber en
parlait tout à l'heure - qu'Eurocopter, filiale d'Aérospatiale et de Dasa et
Photo Service, établissement du groupe GPS, qui compte 1 400 salariés.
Les dirigeants de la SNECMA ont également fait part de leur intérêt pour les
35 heures. S'agissant d'entreprises comme la SNECMA ou Eurocopter, nous
attirons l'attention sur le fait qu'elles sont fortement exposées à la
concurrence internationale et que l'argument - éculé - du coût trop élevé du
travail en France dans un monde livré à une concurrence féroce ne tient pas ici
et ne semble d'ailleurs pas avoir un effet dissuasif.
Nous devons au contraire observer avec attention l'attitude de ces entreprises
qui optent pour une gestion de leur personnel et de leur pyramide des âges
fondée sur la prévision à long terme et non sur le court terme.
Devrions-nous préférer, dans ce domaine de l'aéronautique, la méthode Boeing,
la méthode libérale dure, qui consiste à embaucher puis à débaucher brutalement
les salariés par dizaines de milliers ?
Il n'est certainement pas rationnel de gérer ainsi son personnel, pour se
trouver ensuite dépourvu de main-d'oeuvre compétente lorsque les commandes
reviennent. L'intérêt de l'entreprise n'est pas dans cette gestion par à-coups,
qui lui fait perdre un capital précieux d'expérience et aussi de motivation.
Les employeurs européens semblent bien le comprendre, puisque les plus
performants d'entre eux optent pour une gestion prévisionnelle et négociée des
temps et des effectifs. Cette politique permet de ne pas rompre le fil qui
relie durablement les salariés aux entreprises. Elle préserve le climat social
et constitue un puissant facteur de motivation et de développement économique
durable.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Comme de juste et comme en première lecture, la majorité de la commission des
affaires sociales de notre Haute Assemblée nous propose de procéder à la
suppression de l'article 1er du présent projet de loi.
S'il est vrai que la qualité première d'une opposition est de s'opposer, vous
ne pourrez m'empêcher de penser que la proposition qui nous est faite est
quelque peu vaine, attendu que, à la suite de l'échec prévisible de la
commission mixte paritaire, c'est finalement le texte de l'Assemblée nationale
qui deviendra celui de la loi.
Qu'est-ce qui peut donc légitimer la position de la commission des affaires
sociales ?
Sa volonté de ne fixer aucun cadre contraignant à la négociation sur la
réduction du temps de travail, comme si les contraintes de l'organisation
actuelle du travail, que l'on nous a présentées en 1993 lors de la discussion
de la loi quinquennale comme garantie d'une plus grande souplesse dans la
gestion des temps d'activité, n'étaient pas d'abord vécues par les salariés et,
par voie de conséquence, par leurs familles ?
Ou serait-ce sa volonté de suivre, dans le cadre de ce texte, les
préoccupations des « entreprises » ou plutôt - nous l'avons dit - celles du
patronat, qui veut aujourd'hui se servir de la réduction du temps de travail
pour peser encore sur les salaires et remettre en cause - c'est le problème de
la déréglementation - les garanties collectives des salariés, comme cela se
produit déjà dans le secteur bancaire, dans le commerce de grande distribution
ou dans le secteur du sucre, ce dernier ne souffrant pas, pour peu qu'il m'en
souvienne, d'une crise de rentabilité, puisque ses résultats sont en
progression ?
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que nous soyons clairement opposés
à cet amendement de suppression de l'article 1er, qui porte la marque du CNPF,
dont la représentativité est d'ailleurs aujourd'hui sujette à caution.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er est supprimé.
Article additionnel après l'article 1er
M. le président.
Par amendement n° 2, M. Souvet, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Au plus tard trois mois après la promulgation de la présente loi, le
gouvernement présentera au parlement un rapport établissant les conséquences de
la réduction du temps de travail sur la rémunération mensuelle minimale des
salariés. Ce rapport envisagera les conséquences d'un abaissement de la durée
hebdomadaire légale du travail sur la rémunération des salariés payés au SMIC,
les grilles salariales et la rémunération des heures supplémentaires. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
L'abaissement de la durée légale hebdomadaire du travail pose
un problème particulier relativement au SMIC, dans la mesure où le Gouvernement
a annoncé la création d'une rémunération mensuelle minimale sur la base de 39
heures pour les salariés dont la durée de travail serait réduite à 35
heures.
Pour apprécier l'ensemble des conséquences d'une réduction autoritaire de la
durée du travail sur le SMIC, la commission des affaires sociales demande au
Sénat d'adopter cet amendement, qui prévoit que le Gouvernement présentera au
Parlement, dans les plus brefs délais, un rapport relatif aux conséquences de
la réduction du temps de travail sur le SMIC.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement est défavorable
à cet amendement, que, d'ailleurs, je ne comprends pas très bien. La
rémunération mensuelle minimale garantie sera en effet fixée après consultation
des organisations patronales et syndicales - consultation qui a déjà commencé -
et après avis de la commission nationale de la négociation collective.
Il n'y aura donc pas de conséquences de la réduction du temps de travail sur
la rémunération mensuelle, mais fixation d'une rémunération minimale garantie,
dont le montant sera rendu public dès que le Gouvernement aura pris la
décision, après consultation de la commission nationale.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
La rédaction de l'amendement n° 2 n'est pas sans rappeler les travaux de la
commission d'enquête relative aux conséquences des 35 heures.
Comment peut-on prétendre réaliser un rapport dans un délai de trois mois,
c'est-à-dire en réalité sur le champ, sur les conséquences de la réduction du
temps de travail sur la rémunération des salariés ? A l'évidence, ce dont il
s'agit ici relève plus de l'étude préalable que du rapport sur des événements
passés.
Je n'ose envisager que cet amendement puisse être dicté par le souhait
d'effrayer les salariés sur les conséquences éventuelles de l'aménagement et de
la réduction du temps de travail sur leur rémunération. Je n'ose envisager non
plus qu'il réponde à quelque demande patronale et que l'on compte sur des
conclusions aux termes desquelles l'application des 35 heures devrait
s'accompagner d'une baisse du SMIC de 11,4 % et - pourquoi pas ? -
proportionnellement, des autres rémunérations.
A cet égard, il me semble essentiel de rappeler que, hormis le niveau du SMIC
horaire et de la rémunération mensuelle minimale, les rémunérations du secteur
privé relèvent directement de la négociation entre les partenaires sociaux
ainsi qu'entre les employeurs et leurs salariés.
Cette négociation devra se poursuivre durant les deux prochaines années pour
tous ceux qui décideront de devancer la date du changement légal de la durée du
travail. Il ne sera donc possible d'établir un bilan que lorsque l'on disposera
de données en nombre suffisant. Encore un tel bilan devrait-il envisager toutes
les données et pas seulement l'aspect salarial : l'amélioration des conditions
de travail, la qualité des embauches réalisées, l'amélioration des services
offerts...
Il nous paraît donc préférable de revenir au texte de l'article 9 du projet de
loi, qui prévoit le dépôt devant le Parlement, dans un délai réaliste, d'un
rapport portant sur les négociations qui auront alors été réalisées.
J'observe d'ailleurs que mon propos n'est pas très éloigné de ce qui figure
dans l'amendement de la commission à l'article 9, même si nous ne sommes pas
d'accord sur cette nouvelle rédaction.
L'amendement que nous examinons présentement est donc bien de nature
strictement politicienne et n'apporte pas d'élément juridique nouveau au texte
du projet de loi. Nous voterons donc contre.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Cet amendement apparaît en effet comme un raccourci des propositions de la
commission parlementaire mise en place par le Sénat, à l'instigation de MM.
Arthuis, Marini et Gournac.
Il s'agit d'apprécier en trois mois le résultat de la réduction du temps de
travail au seul regard de la rémunération des salariés. Il est évident que ce
n'est pas acceptable.
Une lecture un peu attentive des données que nous fournit l'INSEE, par
exemple, nous permet de dire que ce n'est certainement pas d'un niveau trop
élevé des rémunérations des salariés que souffrirait notre pays.
La part des salaires dans la richesse produite est en effet aujourd'hui à
peine équivalente à ce qu'elle était en 1970, époque où notre pays ne comptait
pas un nombre aussi élevé de chômeurs et de salariés précaires.
D'autres données également disponibles indiquent que la productivité apparente
du travail a fortement augmenté dans notre pays, où elle dépasse de très loin
celle qui est observée dans de nombreux pays dits concurrents, y compris les
Etats-Unis ou l'Allemagne, ou dans les nouveaux pays industrialisés d'Asie du
Sud-Est.
Comme le disait le secrétaire général de la CGT, d'une certaine façon les
salariés ont déjà payé la réduction du temps de travail ; on peut juste
regretter qu'elle n'ait pas été mise en oeuvre plus tôt et de façon plus
massive.
S'agissant du SMIC, force est de constater qu'il nous semble important que la
commission nationale de la négociation collective soit, lors de ses
délibérations relatives à la fixation au 1er juillet du nouveau taux horaire,
en situation de pouvoir prendre en compte la réduction du temps de travail dans
le cadre de la revalorisation du SMIC.
L'économie générale du dispositif SMIC - on ne doit jamais oublier que le C
signifie croissance - nous semble en effet tout à fait positive et, de notre
point de vue, il serait difficile d'expliquer aux salariés que la baisse du
temps de travail conduit à une réduction du niveau des rémunérations.
Le SMIC a été conçu pour permettre aux salariés les plus mal rémunérés de
toucher une partie des fruits de la croissance, elle-même conditionnée par leur
travail ; il nous semble indispensable de maintenir cette orientation, qui
permet, bien entendu, en même temps, de relancer la consommation, ce dont notre
pays a grand besoin.
Dans ces conditions, nous ne voterons évidemment pas cet amendement de la
commission, dont on sent, à la simple lecture, qu'il procède d'une volonté de
compenser la réduction du coût du travail, dont on connaît l'inefficacité en
matière de création d'emplois.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Je crois que nos collègues de gauche n'ont
pas du tout compris le sens de notre amendement, qui a pour objet de vous
faciliter le travail, madame le ministre.
(Mme le ministre remercie.)
Nous pensons en effet qu'aucune négociation n'aura lieu dans le secteur
des petites entreprises ou des associations, secteur qui compte des centaines
de milliers de salariés, si on ne sait pas par avance ce qui va advenir du
SMIC.
Il existe, en effet, trois possibilités.
Ou bien est appliquée l'augmentation de 11,4 % réclamée par la CGT, ou bien on
en reste à 39 heures et, dans ce cas, comme le déclarait M. Strauss-Kahn, les
entreprises devront payer une majoration de 25 % sur les quatre heures
comprises entre 35 et 39 heures et de ce fait rémunéreront leurs salariés sur
la base de 40 heures, ou bien - c'est la solution que vous avez vous-même
avancée, madame le ministre - cohabiteront deux systèmes : un système horaire
et un système de garantie mensuelle.
Aucune négociation sérieuse de branche n'aura lieu au niveau des petites et
moyennes entreprises si les intéressés ne savent pas ce qui va se passer pour
le SMIC.
Ce que nous demandons est très simple : nous souhaitons que, trois mois après
la publication de la présente loi, le Gouvernement nous informe, après
consultation de la commission supérieure des conventions collectives bien
évidemment, des décisions qui seront prises à l'égard du SMIC. A défaut d'une
telle information, la négociation sera bloquée et nous nous dirigerons vers le
scénario pessimiste des experts du ministère de l'économie.
Cet amendement n° 2 est donc important à nos yeux. C'est la raison pour
laquelle je demande à nos collègues de bien vouloir le voter.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 1er.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Les organisations syndicales d'employeurs, groupements
d'employeurs ou employeurs ainsi que les organisations syndicales de salariés
reconnues représentatives sont appelés à négocier d'ici les échéances fixées à
l'article 1er les modalités de réduction effective de la durée du travail
adaptées aux situations des branches et des entreprises et, le cas échéant, aux
situations de plusieurs entreprises regroupées au plan local ou départemental
dans les conditions prévues par l'article L. 132-30 du code du travail. »
Par amendement n° 3, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« Les organisations syndicales d'employeurs, groupements d'employeurs ou
employeurs ainsi que les organisations syndicales de salariés reconnues
représentatives sont invités à négocier les modalités d'une organisation du
temps de travail assorties d'une réduction de la durée hebdomadaire du travail
calculée en moyenne sur tout ou partie de l'année.
« Les entreprises ou établissements qui concluent un accord d'aménagement et
de réduction du temps de travail avant le 1er janvier 2000 ou, pour les
entreprises de moins de cinquante salariés et les associations bénéficiant de
concours publics dont la liste est fixée par décret, avant le 1er janvier 2002
et qui, en contrepartie, procèdent à des embauches ou préservent des emplois,
peuvent bénéficier d'une aide financière dans les conditions prévues à
l'article 3. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
La commission vous demande de rétablir la rédaction qu'elle
avait adoptée en première lecture, qui invite les partenaires sociaux à
négocier la réduction de la durée hebdomadaire du travail calculée en moyenne
sur tout ou partie de l'année et assortie d'une aide financière.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec cet
amendement n° 3, la majorité de la commission des affaires sociales ne nous
surprend pas : elle nous invite à autoriser l'ouverture de négociations sur la
réduction du temps de travail à condition d'ouvrir les vannes de
l'annualisation des horaires de travail.
Nous avons dénoncé en première lecture cette « répugnante » méthode, qui
consiste à gérer le travail comme un stock de marchandises qu'il conviendrait
d'utiliser au plus près des seuls impératifs de la rentabilité financière de
l'entreprise, comme si la seule variable d'ajustement était, pour une
entreprise donnée, le niveau des salaires qu'elle est amenée à verser.
Pour être encore plus précis, il nous semble qu'en réalité l'annualisation
vise non pas, dans l'esprit de la commission, à réduire la durée du travail
mais bien plutôt à réduire autant que faire se peut le niveau de la
rémunération du travail.
Une fois admise cette situation, on ne peut considérer l'amendement de la
commission que comme l'illustration des demandes pressantes de certaines
organisations patronales, qui cherchent tous les moyens de traduire les gains
de productivité obtenus sur le dos des salariés en baisse de la rémunération
nette, tant mensuelle qu'annuelle d'ailleurs.
En effet, cette demande de recours à l'annualisation n'est rien d'autre que
l'écho des manoeuvres de l'Association française des banques - on observera que
celle-ci est aujourd'hui essentiellement dirigée par des banques privées - de
l'Union du commerce de centre-ville - dont l'un des plus beaux fleurons est le
groupe Pinault-Printemps-Redoute - ou du patronat sucrier, qui tous tendent à
tirer parti de la réduction globale du temps de travail pour imposer
l'annualisation.
Toutes ces démarches seraient motivées par l'adaptation de ces secteurs aux
données nouvelles des pratiques de consommation. Ainsi, les consommateurs
seraient désireux de passer une partie de leur samedi dans une agence bancaire
ou de leur dimanche à courir les grands magasins ! Et que fait-on de la vie de
famille des salariés des banques et des grands magasins qui seraient de l'autre
côté du guichet ou de la caisse ?
La réalité, c'est que le patronat, dans ces secteurs, est habité en permanence
par l'obsession de la rentabilité financière, ou de la rentabilité sur fonds
propres, comme l'on dit parfois.
A en juger par la situation patrimoniale des dirigeants de ces groupes, je ne
crois pas que la rentabilité du secteur de la grande distribution soit en cause
!
Nous ne volerons pas à leur secours et voterons donc sans hésiter contre cet
amendement n° 3.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Nous entrons, avec cet amendement, dans la partie du projet de loi que la
majorité du Sénat veut consacrer au reprofilage de la loi Robien. Nous avons
déjà examiné cet amendement en première lecture et nous avons déjà fait
connaître notre opposition. Je ne reviendrai pas sur les arguments développés à
cette occasion. Je voudrais cependant insister sur deux motifs essentiels de
notre rejet de cet amendement.
D'une part, nous ne voulons pas d'une rédaction qui enjoint aux entreprises de
négocier une réduction du temps de travail annualisée. Nous faisons davantage
confiance aux partenaires sociaux pour, là où cela sera nécessaire, aller dans
ce sens. Là où cela ne s'imposera pas, parce que la saisonnalité est absente du
travail concerné, les partenaires sociaux ne doivent pas se voir imposer un
mode de calcul qui ne leur conviendrait pas. Or le texte de l'amendement est
beaucoup trop directif.
D'autre part, nous sommes opposés à l'introduction du seuil de 50 salariés
dans le dispositif d'aide financière aux entreprises. Puisqu'il s'agit d'un
dispositif transitoire, le seuil doit être fixé en fonction de ce qui est
réalisable et nécessaire pour la mise en oeuvre du projet de loi, et en
fonction de cela seulement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - Les entreprises ou établissements qui réduisent la durée du
travail avant le 1er janvier 2000 ou pour les entreprises de vingt salariés ou
moins avant le 1er janvier 2002 en application d'un accord collectif et qui
procèdent en contrepartie à des embauches ou préservent des emplois peuvent
bénéficier d'une aide dans les conditions définies ci-après :
« I. - Peuvent bénéficier de cette aide les entreprises, y compris celles dont
l'effectif est inférieur ou égal à vingt salariés, relevant des catégories
mentionnées à l'article L. 212-1
bis
du code du travail issu de
l'article 1er de la présente loi, ainsi que les sociétés ou organismes de droit
privé, les sociétés d'économie mixte et établissements publics industriels et
commerciaux locaux de transport public urbain de voyageurs et les entreprises
d'armement maritime. Toutefois, ne peuvent bénéficier de cette aide, eu égard
au caractère de monopole de certaines de leurs activités ou à l'importance des
concours de l'Etat dans leurs produits d'exploitation, certains organismes
publics dépendant de l'Etat, dont la liste est fixée par décret. Pour ces
organismes, les modalités d'accompagnement de la réduction du temps de travail
seront déterminées dans le cadre des procédures régissant leurs relations avec
l'Etat.
« La réduction du temps de travail doit être d'au moins 10 % de la durée
initiale et porter le nouvel horaire collectif au plus au niveau de la durée
légale fixée par l'article L. 212-1
bis
du code du travail. L'ampleur de
la réduction est appréciée à partir d'un mode constant de décompte des éléments
de l'horaire collectif.
« II. - La réduction du temps de travail doit être organisée par un accord
d'entreprise ou d'établissement. Elle peut être également organisée en
application d'une convention collective ou d'un accord de branche étendu ou
agréé en application de l'article 16 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975
relative aux institutions sociales et médico-sociales, soit, dans les
entreprises de cinquante salariés ou plus, sous réserve d'un accord
complémentaire d'entreprise, soit, dans les entreprises de moins de cinquante
salariés, selon des modalités de mise en oeuvre prévues par la convention ou
l'accord de branche. Elle peut aussi être organisée par un accord conclu dans
les conditions prévues par les deux premiers alinéas de l'article L. 132-30 du
code du travail.
« Outre les dispositions prévues au IV et au V du présent article, l'accord
collectif détermine les échéances de la réduction du temps de travail
applicables dans la ou les entreprises intéressées en référence à la durée
initiale du travail, ainsi que les modalités d'organisation du temps de travail
et de décompte de ce temps applicables aux salariés de l'entreprise, y compris
celles relatives aux personnels d'encadrement lorsque ces modalités sont
spécifiques, et les modalités et délais selon lesquels les salariés doivent
être prévenus en cas de modification de l'horaire. Il détermine aussi, sans
préjudice de l'application des dispositions du livre IV du code du travail
organisant la consultation des représentants du personnel, les dispositions
relatives au suivi de sa mise en oeuvre au sein de l'entreprise et, le cas
échéant, de la branche. Ce suivi peut être assuré par une instance paritaire
spécifiquement créée à cet effet. L'accord prévoit les conséquences
susceptibles d'être tirées de la réduction du temps de travail sur les contrats
de travail à temps partiel ainsi que sur la situation des salariés travaillant
de façon permanente en équipes successives et selon un cycle continu,
mentionnés à l'article 26 de l'ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982 relative
à la durée du travail et aux congés payés. Il peut également prévoir les
conditions particulières selon lesquelles la réduction s'applique aux
personnels d'encadrement ainsi que des modalités spécifiques de décompte de
leur temps de travail tenant compte des exigences propres à leur activité.
« Cet accord est déposé à la direction départementale du travail, de l'emploi
et de la formation professionnelle ou au service départemental de l'inspection
du travail, de l'emploi et de la protection sociale agricoles en ce qui
concerne les professions agricoles, remis aux représentants du personnel et
affiché dans l'entreprise.
« Une organisation syndicale ou son représentant dans l'entreprise peut saisir
l'autorité administrative en cas de difficultés d'application d'un accord
d'entreprise signé dans le cadre du présent dispositif.
III. - Dans les entreprises ou établissements dépourvus de délégué syndical ou
de délégué du personnel désigné comme délégué syndical, à défaut d'un accord de
branche mettant en oeuvre les dispositions de l'article 6 de la loi n° 96-985
du 12 novembre 1996 relative à l'information et à la consultation des salariés
dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire,
ainsi qu'au développement de la négociation collective, un accord collectif
peut être conclu par un ou plusieurs salariés expressément mandatés par une ou
plusieurs organisations syndicales reconnues représentatives sur le plan
national ou départemental pour ce qui concerne les départements d'outre-mer.
« Ne peuvent être mandatés les salariés qui, en raison des pouvoirs qu'ils
détiennent, peuvent être assimilés au chef d'entreprise, ainsi que les salariés
apparentés au chef d'entreprise mentionnés au premier alinéa des articles L
423-8 et L. 433-5 du code du travail.
« Le mandat ainsi assigné doit préciser les modalités selon lesquelles le
salarié a été désigné et fixer précisément les termes de la négociation et les
obligations d'information pesant sur le mandataire, notamment les conditions
selon lesquelles le projet d'accord est soumis au syndicat mandant au terme de
la négociation, ainsi que les conditions dans lesquelles le mandant peut, à
tout moment, mettre fin au mandat. Le salarié mandaté peut être accompagné lors
des séances de négociation par un salarié de l'entreprise choisi par lui.
L'accord prévoit les modalités selon lesquelles les salariés de l'entreprise et
l'organisation syndicale mandante sont informés des conditions de sa mise en
oeuvre et de son application. Cet accord est communiqué au comité départemental
de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi.
« Le temps passé par les salariés mandatés à la négociation de l'accord ainsi
qu'aux réunions nécessaires pour son suivi est payé comme temps de travail.
Les salariés mandatés au titre du présent article bénéficient de la protection
prévue par les dispositions de l'article L. 412-18 du code du travail dès que
l'employeur aura eu connaissance de l'imminence de leur désignation. La
procédure d'autorisation est applicable au licenciement des anciens salariés
mandatés pendant six mois après la signature de l'accord ou, à défaut, la fin
du mandat ou la fin de la négociation.
« IV. - Dans le cas où l'entreprise s'engage à procéder à des embauches en
conséquence de la réduction du temps de travail, l'accord détermine leur nombre
par catégories professionnelles ainsi que le calendrier prévisionnel des
embauches.
« L'entreprise doit s'engager à ce que ces embauches correspondent à 6 % au
moins de l'effectif concerné par la réduction du temps de travail. Si
l'entreprise réduit de 15 % la durée du travail et s'engage à procéder à des
embauches correspondant à 9 % au moins de l'effectif concerné par la réduction
du temps de travail, elle bénéficie d'une aide majorée. Ces embauches peuvent,
le cas échéant, être réalisées dans le cadre d'un groupement constitué en
application des dispositions prévues à l'article L. 127-1 du code du travail
dont l'entreprise est membre.
« La majoration bénéficie également aux entreprises qui, après avoir bénéficié
de l'aide octroyée pour une réduction du temps de travail de 10 %, réduisent
une nouvelle fois le temps de travail avant le 1er janvier 2003, pour porter
l'ampleur totale de la réduction à au moins 15 % de l'horaire initial. Elles
devront alors avoir procédé à des embauches correspondant à au moins 9 % de
l'effectif concerné par la première étape de réduction du temps de travail.
« L'entreprise doit s'engager à maintenir l'effectif augmenté des nouvelles
embauches de l'entreprise ou du ou des établissements concernés par cette
réduction, pour une durée fixée par l'accord et qui ne peut être inférieure à
deux ans à compter de la dernière des embauches effectuées en application du
premier alinéa du présent paragraphe. Ces embauches devront être réalisées dans
les entreprises ou les établissements où s'applique la réduction du temps de
travail dans un délai d'un an à compter de la réduction effective du temps de
travail.
« Le chef d'entreprise doit fournir au comité d'entreprise ou, à défaut, aux
délégués du personnel, les informations sur les embauches réalisées en
application du présent paragraphe.
« L'aide est attribuée par convention entre l'entreprise et l'Etat pour une
durée de cinq ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la réduction du
temps de travail prévue par l'accord, après vérification de la conformité de
l'accord collectif aux dispositions légales.
« V. - Dans le cas où la réduction du temps de travail permet d'éviter des
licenciements prévus dans le cadre d'une procédure collective de licenciement
pour motif économique, l'accord d'entreprise ou d'établissement détermine le
nombre d'emplois que la réduction du temps de travail permet de préserver. Ce
dernier doit être équivalent à 6 % au moins de l'effectif auquel s'applique la
réduction du temps de travail. Si l'entreprise réduit de 15 % la durée du
travail, et s'engage à préserver un volume d'emplois équivalent à 9 % au moins
de l'effectif auquel s'applique la réduction du temps de travail, elle
bénéficie d'une aide majorée.
« L'accord d'entreprise ou d'établissement précise également la période
pendant laquelle l'employeur s'engage à maintenir l'effectif de l'entreprise ou
du ou des établissements concernés par cette réduction. Sa durée est au minimum
de deux ans.
« L'aide est attribuée par convention entre l'entreprise et l'Etat après
vérification de la conformité de l'accord d'entreprise aux dispositions légales
et compte tenu de l'équilibre économique du projet et des mesures de prévention
et d'accompagnement des licenciements.
« L'aide est attribuée pour une durée initiale de trois ans à compter de la
date d'entrée en vigueur de la réduction du temps de travail prévue par
l'accord. Elle peut être prolongée pour deux ans par avenant à la convention
conclue entre l'Etat et l'entreprise, au vu de l'état de l'emploi dans
l'entreprise et de la situation économique de celle-ci.
« VI. - L'aide est attribuée pour chacun des salariés auxquels s'applique la
réduction du temps de travail, ainsi que pour ceux embauchés dans le cadre du
dispositif prévu au IV du présent article. Elle vient en déduction du montant
global des cotisations à la charge de l'employeur pour la période considérée au
titre des assurances sociales, accidents du travail et maladies
professionnelles et allocations familiales assises sur les gains et
rémunérations des salariés de l'entreprise ou de l'établissement concerné.
« Le montant de l'aide peut être majoré si l'entreprise prend des engagements
en termes d'emploi supérieurs au minimum obligatoire, en particulier s'il
s'agit d'une petite entreprise, ou si l'entreprise procède à la totalité des
embauches prévues en application du IV du présent article dans le cadre de
contrats de travail à durée indéterminée. Il peut être aussi majoré si
l'entreprise prend des engagements spécifiques en faveur de l'emploi de jeunes,
de personnes reconnues handicapées en application de l'article L. 323-10 du
code du travail ou de publics rencontrant des difficultés particulières d'accès
à l'emploi, en particulier les chômeurs de longue durée.
« Des majorations spécifiques peuvent être accordées, dans des conditions
fixées par décret, aux entreprises dont l'effectif est constitué d'une
proportion importante d'ouvriers au sens des conventions collectives et de
salariés dont les rémunérations sont proches du salaire minimum de
croissance.
« Le bénéfice de l'aide ne peut être cumulé avec celui d'une exonération
totale ou partielle de cotisations patronales de sécurité sociale, ou avec
l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de
cotisations, à l'exception de la réduction prévue à l'article L. 241-13 et à
l'article L. 711-13 du code de la sécurité sociale ainsi que des aides prévues
aux articles L. 322-4-2 et L. 832-2 du code du travail.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de contrôle de
l'exécution de la convention avec l'Etat et les conditions de dénonciation et
de suspension de la convention, assorties le cas échéant d'un remboursement de
l'aide, dans le cas où l'entreprise n'a pas mis en oeuvre ses engagements en
matière d'emploi et de réduction du temps de travail.
« Un décret détermine les autres conditions d'application du présent article,
notamment les montants de l'aide, ainsi que les dispositions relatives aux
majorations.
« VII. - Les branches ou les entreprises, notamment les plus petites d'entre
elles, qui engagent une démarche de réduction du temps de travail et de
réorganisation pourront bénéficier d'un dispositif d'appui et d'accompagnement
auquel les régions pourront, le cas échéant, participer. Celui-ci permettra la
prise en charge par l'Etat d'une partie des frais liés aux études préalables à
la réduction du temps de travail.
« VIII. - Les organisations syndicales reconnues représentatives au plan
national pourront bénéficier d'une aide de l'Etat destinée à soutenir les
actions de formation des salariés qu'elles mandatent pour la négociation des
accords visés au II du présent article.
« IX. - Les articles 4, 5 et 6 de la loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant à
favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnels du temps de
travail sont abrogés. Les articles 39 et 39-1 de la loi n° 93-1313 du 20
décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation
professionnelle sont abrogés. Toutefois, ces derniers, ainsi que les
dispositions de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale applicables
avant l'entrée en vigueur de la présente loi, demeurent applicables aux
conventions conclues avant la date de publication de celle-ci.
« X. - A l'avant-dernier alinéa de l'article L. 241-13 du code de la sécurité
sociale, les mots : "par les articles 7, 39 et 39-1" sont remplacés
par les mots : "par l'article 7". »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 4, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« I. - Le paragraphe II de l'article 39 de la loi quinquennale n° 93-1313 du
20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation
professionnelle est ainsi modifié :
« 1° La première phrase est complétée par les mots : "dans la limite
d'une fois le plafond prévu à l'article L. 241-3 du code de la sécurité
sociale."
« 2° La deuxième phrase est ainsi rédigée : "Son montant est égal à 30 %
des cotisations la première année, à 20 % les deuxième et troisième années et à
10 % les quatrième et cinquième années".
« 3° Dans la cinquième phrase, les mots : "sept ans" sont remplacés
par les mots : "cinq ans" et le pourcentage : "10 %" est
remplacé par le pourcentage : "6 %".
« 4° La sixième phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
"Le montant de l'allégement est porté à 40 % des cotisations la première
année, à 30 % les deuxième et troisième années et à 20 % les années suivantes
lorsque la réduction de l'horaire collectif prévu au I est de 15 % et qu'elle
s'accompagne d'embauches correspondant au moins à 9 % de l'effectif annuel
moyen de l'entreprise ou de l'établissement concerné. Il est porté à 50 % des
cotisations la première année, à 40 % les deuxième et troisième années et à 30
% les deux années suivantes lorsque la réduction de l'horaire collectif prévu
au I est au moins égale à 18 % et qu'elle s'accompagne d'embauches
correspondant au moins à 12 % de l'effectif annuel moyen de l'entreprise ou de
l'établissement concerné."
« II. - Le deuxième alinéa de l'article 39-1 de la loi quinquennale n° 93-1313
du 20 décembre 1993 précitée est ainsi modifié :
« 1° Dans la première phrase, après les mots : "l'accord mentionné
ci-dessus", sont insérés les mots : "dans la limite d'une fois le
plafond prévu à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale".
« 2° La deuxième phrase est ainsi rédigée : "Le montant de l'allégement
est égal à 30 % des cotisations la première année, à 20 % les deuxième et
troisième années et à 10 % les quatrième et cinquième années."
« 3° La troisième phrase est ainsi rédigée : "Il est porté à 40 % la
première année, à 30 % les deuxième et troisième années, et à 20 % les années
suivantes lorsque la réduction de l'horaire de travail est au moins égale à 15
% de l'horaire collectif antérieur."
« III. - Un décret précisera les conditions dans lesquelles les petites et
moyennes entreprises pourront bénéficier d'une aide financière spécifique à
l'ingénierie dans le cadre de l'application du présent article. »
Par amendement n° 16, M. Motroni propose, dans le premier alinéa du paragraphe
III de l'article 3, après les mots : « sur le plan national », d'insérer les
mots : « , régional pour ce qui concerne la Corse ».
Par amendement n° 17, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent de supprimer la dernière phrase du
deuxième alinéa du paragraphe IV de l'article 3.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
La commission vous demande simplement de rétablir son texte
concernant le dispositif d'aides financières, qui reprofile la loi Robien.
M. le président.
L'amendement n° 16 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 17.
M. Guy Fischer.
Cet amendement n'a évidemment de sens que par rapport au texte voté par
l'Assemblée nationale, texte dont on peut prévoir sans prendre trop de risques
qu'il sera assez proche de celui de la loi qui sera finalement adoptée. La
réécriture de l'article 3 par la commission des affaires sociales lui confère
au moins une vertu pédagogique.
C'est par la voie d'un amendement de la commission des affaires sociales qu'a
été ouverte la possibilité de recourir, dans le cadre défini par le présent
texte, à des embauches par le biais d'un groupement d'employeurs constitué en
application des dispositions de l'article L. 127-1 du code du travail.
Nous ne sommes pas favorables à cette option, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, le recours à la constitution d'un groupement d'employeurs
concerne des entreprises pouvant compter jusqu'à 300 salariés, c'est-à-dire des
entreprises aux situations éventuellement tout à fait diverses.
D'ailleurs, cela pose de nouveau la question de savoir s'il est réellement
possible, dans les faits, de définir ce que l'on appelle une PME, eu égard à la
grande diversité des situations juridiques et surtout économiques que recouvre
cette notion.
Si l'on peut concevoir que des entreprises de petite taille, ayant moins de
vingt salariés, par exemple, mettent en commun un certain nombre de fonctions -
je pense, en particulier, au suivi comptable ou au secrétariat administratif -
on doit se demander si une même opportunité peut être offerte à des entreprises
bien plus importantes et qui font souvent partie d'un groupe plus vaste
encore.
Par ailleurs, s'agissant de la qualité des emplois que proposent les
groupements d'employeurs, si les entreprises adhérentes du groupement n'ont pas
la même activité économique et, par voie de conséquence, n'obéissent pas aux
mêmes règles en matière de garanties collectives des salariés, le groupement
d'employeurs constitué est autorisé à s'appuyer sur la convention collective
qui sera jugée la plus favorable aux adhérents.
Or, en pratique, le développement des groupements a facilité le développement
d'une précarisation des emplois. Dès lors, nous sommes conduits à nous
interroger
a priori
sur le « détournement » de l'efficacité du texte
dont nous débattons pour les salariés eux-mêmes.
Nous ne devons pas faire une loi de réduction du temps de travail qui serait
une loi « peau de chagrin », selon l'expression de Pierre Bourdieu ; il doit
s'agir d'une véritable loi de réduction du temps de travail, porteuse d'emplois
à la hauteur des attentes du monde du travail.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 17 ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Cet amendement vise à exclure les groupements d'employeurs du
champ d'application de la loi. Or on ne peut ignorer l'existence de ces
groupements. La commission a donc émis un avis défavorable.
De toute façon, elle propose une réécriture de l'article 3, et si son
amendement est adopté, celui-ci deviendra sans objet.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 4 et 17 ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement est défavorable
à l'amendement n° 4. En effet, si un certain nombre d'améliorations du
dispositif de la loi Robien sont clairement définis dans cet amendement, l'aide
apportée aux entreprises à bas salaires demeure moins importante que celle que
prévoit le projet gouvernemental.
S'agissant de l'amendement n° 17, nous souhaitions, en intégrant les
groupements d'employeurs dans ce projet de loi sur la durée du travail, essayer
de faire en sorte que, notamment dans les zones rurales ou dans les zones de
montagne, des salariés puissent, soit être occupés à différentes activités se
succédant au fil des saisons, soit se constituer un temps plein en
accomplissant chaque semaine plusieurs activités.
Cela dit, monsieur Fischer, j'ai été sensible à ce que vous avez déclaré
concernant le seuil. Je vais demander que soit dressé un bilan des groupements
d'employeurs, qui existent surtout en zone rurale. Au vu de ce bilan, nous
pourrons éventuellement envisager de réduire le seuil, car il est vrai que
c'est plutôt pour les petites entreprises que le groupement d'employeurs a un
sens.
Pour l'heure, je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur votre
amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
On nous propose, à l'occasion de cette réécriture de l'article 3, article
central du projet de loi puisqu'il détermine les conditions d'attribution des
aides publiques et celles de la négociation de la réduction du temps de
travail, de procéder à un « reprofilage » prorogation de la loi Robien au
travers d'une pérennisation « ajustée » de ses dispositions essentielles.
Depuis longtemps favorable à la réduction du coût du travail pour créer des
emplois - voir la discussion de la loi quinquennale ou celle de la loi de
juillet 1995 portant mesures d'urgence pour l'emploi et la protection sociale,
qui a gagé cette réduction du coût du travail sur la hausse du taux normal de
la TVA - la commission des affaires sociales nous invite donc à réécrire
l'article 3, comme en première lecture, dans le sens de la rentabilité des
capitaux et au détriment du travail.
Le problème est qu'il n'y a que peu de chances que le dispositif proposé soit
celui qui sera finalement retenu, d'autant que la seule conclusion tangible
qu'on puisse tirer de cette politique de réduction du temps de travail telle
qu'elle a été induite par la loi Robien est qu'elle n'a pas permis une création
massive d'emplois ; il en est bien plutôt résulté une hausse importante des
dividendes versés aux actionnaires : l'exemple de Moulinex est significatif à
cet égard.
La bonne santé des marchés financiers et la vigueur du CAC 40, qui bat tout
les jours de nouveaux records, est une illustration parmi d'autres de cette
situation de plus en plus intolérable pour le plus grand nombre, notamment pour
le monde du travail.
Tous les effets pervers de la réduction dite « ciblée » du coût du travail
sont connus, notamment ceux qui tiennent à une sorte d'effet d'aubaine à
l'envers, qui tire vers le bas l'ensemble des rémunérations, au mépris des
qualifications réelles des salariés.
Dans le schéma proposé par la commission, on propose aux salariés de ce pays
d'accepter l'annualisation, la modération salariale et, dans le même temps, la
détérioration de la protection sociale, les charges de compensation imputées au
budget de l'Etat conduisant immanquablement à pérenniser la hausse de la TVA ou
à favoriser de nouvelles poussées de fièvre de la fiscalité indirecte, sans
parler de la remise en question de dépenses socialement utiles.
Nous voterons donc contre l'amendement n° 4.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Comme nous l'avons déjà indiqué en première lecture, nous sommes opposés à ce
« reprofilage » en ce qu'il ne change rien à ce qui demeure, au-delà de son
coût, le défaut fondamental de la loi Robien, même si celle-ci n'est pas
exempte de mérites : elle est une formidable usine à effets d'aubaine, l'aide
étant calculée en proportion du salaire.
Si nous ne modifions pas le dispositif sur ce point, nous continuerons à aider
des embauches de personnels qualifiés qui auraient de toute façon eu lieu.
Il est donc nécessaire d'orienter les aides en direction de publics moins
qualifiés, qui ne parviennent vraiment pas à trouver un emploi. En retenant
cette option, le projet de loi peut jouer un rôle efficace en amont et prévenir
certaines formes d'exclusion.
Cet effet doit être renforcé par les dispositions en faveur des entreprises de
main-d'oeuvre et de celles qui offriront des emplois stables à travers des
contrats à durée indéterminée, ainsi que par la moralisation des emplois à
temps partiel.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Mme la ministre a reconnu que nous avions
fait un travail sérieux en vue de réduire le coût de la loi Robien, et je
prends acte avec satisfaction de cette déclaration.
Depuis 1975, beaucoup de gouvernements ont cherché un système favorisant la
création d'emplois. Or, avec la loi Robien, nous avons effectivement mis en
place un système qui a fonctionné et qui a permis la création de 15 000 à 25
000 emplois, selon les décomptes que l'on peut faire.
Ce système était fondé sur la libre négociation et sur un financement
proportionnel à la valeur du salaire.
Par rapport au dispositif proposé par le Gouvernement à l'article 3, celui que
nous proposons, nous, est moins cher pour les entreprises de main-d'oeuvre à
rémunérations basses, il est à peu près du même coût pour les entreprises à
rémunérations moyennes et il est, je le reconnais, plus cher pour les
entreprises de haute technologie, où l'on trouve beaucoup de cadres et qui
offrent des perspectives d'importantes créations d'emplois. Je peux constater
dans ma commune, par exemple, que les entreprises de haute technologie créent
chaque jour des emplois, et des emplois bien rémunérés.
Il est dommage de casser un système qui a tout de même fait ses preuves pour
revenir à la vieille recette de la réglementation de la durée hebdomadaire. Dès
lors, la commission est fondée à proposer au Sénat le rétablissement du texte
qu'il a voté en première lecture.
On avait enfin trouvé, après une longue expérimentation, un système permettant
aux partenaires sociaux de discuter une réduction du temps de travail et de la
mettre en place, de protéger des emplois menacés par des restructurations ou
exposés du fait de la concurrence internationale et de créer des emplois dans
les technologies nouvelles ! Il serait donc vraiment dommage, au regard de
l'avenir de nos jeunes et de l'emploi en France, de mettre fin à cette
expérience, pour en revenir à la vieille méthode de la réduction par la loi de
la durée hebdomadaire du travail ! D'autant que, nous le savons, dans les
années qui viennent, cette notion de durée hebdomadaire de travail va
progressivement disparaître du « vécu » de nos entreprises, au profit de celles
de durée annuelle ou, mieux, de durée de la vie au travail.
Pour ce qui est de la durée annuelle du travail, nous nous situons aujourd'hui
à un niveau légèrement inférieur à celui de nos partenaires européens et, en ce
qui concerne la durée de la vie au travail, nous sommes nettement en dessous de
l'ensemble de nos partenaires.
Aussi, madame la ministre, alors que nous avions accompli l'effort de «
reprofiler » la loi pour éviter de faire supporter des dépenses trop
importantes par la sécurité sociale - vous avez bien voulu en convenir - il me
paraît regrettable de supprimer cet outil, qui avait prouvé son efficacité : il
a eu de nombreux effets en matière de création d'emplois dans ce pays depuis
vingt ans. Par conséquent, il est tout à fait dommage que l'actuelle majorité
s'apprête à supprimer d'un revers de main un système qui fonctionne.
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé et l'amendement n° 17 n'a plus
d'objet.
Article 3
bis
M. le président.
L'article 3
bis
a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 5, M. Souvet, au nom de la commission, propose de
rétablir comme suit cet article :
« Conformément à l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, les
exonérations de cotisations de sécurité sociale prévues à l'article 3 donnent
lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'Etat
pendant toute la durée de son application.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
La commission vous demande, mes chers collègues, de rétablir
l'article 3
bis,
qui rappelle le principe d'une compensation intégrale
par l'Etat des exonérations de charges sociales et maintient donc les
ressources de la sécurité sociale.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3
bis
est rétabli dans cette rédaction.
Article 3
ter
M. le président.
L'article 3
ter
a été supprimé par l'assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 6, M. Souvet, au nom de la commission, propose de
rétablir comme suit cet article :
« I. -
a)
Dans la première phrase du II de l'article 39 de la loi
quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 précitée, après les mots : "de
l'employeur" sont insérés les mots : "ou, par délégation, des caisses
des congés payés mentionnées à l'article L. 731-9 du code du travail".
«
b)
Dans la troisième phrase du même paragraphe, après les mots :
"L'employeur" sont insérés les mots : "ou la caisse mentionnée
ci-dessus". »
« II. -
a)
Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 39-1
de la même loi, après les mots : "de l'employeur" sont insérés les
mots : "ou, par délégation, des caisses des congés payés mentionnées à
l'article L. 731-9 du code du travail".
«
b)
Dans la quatrième phrase du même alinéa, après les mots : "de
l'employeur" sont insérés les mots : "ou de la caisse mentionnée
ci-dessus". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
La commission vous propose, mes chers collègues, de rétablir
l'article 3
ter
, qui est relatif à l'application de la loi Robien aux
entreprises du bâtiment et des travaux publics. En effet, celles-ci sont
souvent régies par des caisses particulières. Nous souhaitons qu'elles soient
traitées de la même manière que les autres.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?..
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3
ter
est rétabli dans cette rédaction.
Article 4
bis
M. le président.
« Art. 4
bis.
- Au début de l'article L. 212-4 du code du travail, il
est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la
disposition de l'employeur. »
Par amendement n° 7, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« Avant le premier alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail, il est
inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est au
travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou
de ses fonctions. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
L'article 4
bis,
relatif à la définition de la durée
du travail effectif, est aujourd'hui au centre de notre débat.
La définition adoptée par l'Assemblée nationale est, chacun en convient,
source d'insécurité juridique ; je ne fais que reprendre les termes de M.
Bernard Kouchner. L'adjonction de l'expression : « en permanence » est donc
très probablement insuffisante.
C'est pourquoi la commission vous demande de rétablir à l'identique le texte
qui a été voté par le Sénat en première lecture, pour l'article 4
bis
lequel reprend littéralement l'article 2 de la directive européenne du 23
novembre 1993.
Le Gouvernement s'en était alors remis à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'ai déjà répondu longuement
sur ce sujet. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Nous avons déjà abordé cette question. Je constate que, avec cet amendement,
la commission des affaires sociales entend revenir sur la définition du temps
de travail effectif.
De ce point de vue, la définition de la directive européenne à laquelle il est
fait référence est tout à fait restrictive puisque, avec sa notion de « salarié
au travail », elle exclut les astreintes du travail effectif « collant » ainsi,
il faut bien le dire, à la volonté du patronat.
Personne ici ne se méprendra sur les réelles motivations de la droite, qui,
faisant écho aux inquiétudes des dirigeants d'entreprise, se livre à une
véritable chasse au temps.
L'enjeu est de taille, au moment où l'on discute de réduction de la durée
légale à 35 heures. En effet, si l'on permet de revenir sur la notion même de
temps de travail en excluant ce que des dispositions conventionnelles - accords
d'entreprise ou décisions de justice - permettent de compter en heures de
travail et de payer en conséquence, la réduction du temps de travail, vidée de
sa substance, risquerait bien de n'être que virtuelle.
A l'Assemblée nationale, les débats en deuxième lecture se sont focalisés sur
cette question cruciale.
La majorité des députés de la gauche plurielle, soucieux de compléter les
dispositions actuelles du code du travail, qui, à l'article L. 212-4, se
contentent d'exclure du temps de travail effectif « les temps nécessaires à
l'habillage, au casse-croûte », ont intégré les avancées jurisprudentielles et
proposé une définition très satisfaisante. Mme la ministre en pris acte. La
durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la
disposition de l'employeur, ce qui est facile à comprendre.
Permettant plus de transparence et de maîtrise des horaires en tout lieu,
cette formulation responsabilisante pour les entreprises a aussi le mérite de
restreindre les diverses formes de flexibilité, telles que l'astreinte et le
travail à domicile.
Favorable au maintien de l'« amendement Cochet-Gremetz » et à la logique qui
le soutend, je ne peux que refuser catégoriquement les propositions de la
commission.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 4
bis
est ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 4
ter
M. le président.
Par amendement n° 8, M. Souvet, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 4
ter,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions des articles 4
bis
et 4
ter
s'appliquent aux
salariés de droit privé entrant dans le champ d'application de la directive
93/104/CE du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du
temps de travail. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Cet amendement, qui a été adopté par la commission des
affaires culturelles de l'Assemblée nationale, n'a pas été appelé en séance
publique. Il a pour objet d'exclure le secteur des transports routiers du champ
d'application de l'article 4
bis
relatif à la définition de la durée du
travail effectif et de l'article 4
ter
concernant le repos quotidien.
Comme le déclarait hier soir encore Mme le ministre lors de son audition par
la commission des affaires sociales pour la présentation du plan national pour
l'emploi, les conditions de travail des transporteurs routiers doivent être
fixées à l'échelon européen.
La commission vous demande donc, mes chers collègues, d'adopter cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il est vrai que la Commission
et le Conseil se sont engagés, lors de l'adoption de la directive de 1993, à
examiner les conditions dans lesquelles les salariés des transports pourraient
bénéficier des mesures mises en place par la directive.
Actuellement, un certain nombre de règlements relatifs aux repos et aux pauses
dans les transports routiers sont déjà applicables. Des négociations sont
également en cours pour aboutir à des définitions spécifiques.
On peut effectivement se poser la question de savoir si les transports
routiers ne devraient pas être définis à l'échelon européen, notamment par une
négociation collective, ce qui permettrait une meilleure application de la
durée du travail dans ce secteur. Chacun sait que les camions traversent
l'ensemble de nos pays.
Aussi, sur cet amendement, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du
Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
L'amendement présenté par M. le rapporteur, au nom de la commission des
affaires sociales, introduit une restriction non négligeable à la portée des
articles 4
bis
et 4
ter
.
Concrètement, il nous est proposé d'exclure du champ d'application de la
définition du temps de travail et des principes qui régissent les repos
compensatoires et les temps de pause les salariés visés à l'article 17 de la
directive européenne de 1993 relative au temps de travail.
Que l'on se comprenne bien ! Les salariés du secteur des transports ne sont
pas les seuls visés. Je suis persuadé que ce détail n'avait pas échappé à M. le
rapporteur, qui justifiait pourtant son amendement par la prise en compte
nécessaire de la spécificité du secteur des transports routiers.
Sont aussi exclus, les cadres, les salariés du tourisme, de l'agriculture, les
personnels soignants, soit des millions de salariés.
Nous refusons catégoriquement de souscrire à une telle démarche, qui, de
dérogation en dérogation, viderait votre loi, madame la ministre, de toute sa
substance.
De plus, je trouve que cet amendement ressemble fort à une proposition du
CNPF, qui, pour rendre la loi sur les 35 heures « moins inacceptable »,
demandait au Gouvernement d'exclure du champ d'application de la loi les
secteurs de l'hôtellerie - restauration et des transports.
A l'Assemblée nationale, les députés du groupe communiste se sont félicités du
retrait d'un amendement similaire. A mon tour, au sein de la Haute Assemblée,
je tiens à réaffirmer notre opposition à toute tentative d'adoption d'une telle
disposition.
Le groupe communiste républicain et citoyen est tout à fait conscient des
contraintes et des spécificités attachées à chaque profession et des
différences à l'intérieur d'un même secteur, par exemple entre les travailleurs
mobiles et non mobiles des transports routiers.
Mais nous sommes également attachés à procurer toujours plus de protection aux
salariés, l'harmonisation des normes européennes devant se faire, à notre sens,
vers le haut.
Pour information, je vous indique que, le 26 mars dernier, le Comité
économique et social européen a adopté un avis sur le Livre blanc des secteurs
et activités exclus de la directive sur le temps de travail, directive à
laquelle vous faites référence et qui risque d'être frappée de caducité !
Le comité constate que, en 1993, un certain nombre de travailleurs, notamment
non mobiles, avaient été exclus sans aucune raison objective et il préconise
leur intégration dans le champ d'application de la directive.
Pour toutes les raisons évoquées précédemment, le groupe communiste
républicain et citoyen votera contre l'amendement de la commission.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je souhaite apporter à M.
Fischer quelques précisions.
Si l'amendement se réfère au champ d'application de la directive du 23
novembre 1993, il n'est pas dans l'intention de son auteur - du moins ne
l'ai-je pas compris ainsi - d'exclure l'ensemble des secteurs qui figurent à
l'article 17 de la directive, lequel prévoit des dérogations pour toutes sortes
de domaines, tels l'agriculture, le tourisme, les services postaux, la presse,
la radio et même les communautés religieuses.
Il s'agit, me semble-t-il, d'exclure essentiellement les transports aériens,
ferroviaires, routiers, maritimes, fluviaux et lacustres, qui figurent à
l'article 1er parce qu'il y a substitution de règlements.
Il est donc question non pas d'exclure définitivement ces secteurs de la
réglementation sur la durée du travail, mais de leur appliquer des
réglementations spécifiques. Il ne s'agit en aucun cas - mais peut-être faut-il
le préciser si cela donne lieu à une telle interprétation - de toucher
l'ensemble des secteurs cités à l'article 17 et qui, je le répète, n'existent
pas à l'article 1er.
Peut-être devrions-nous étudier une rédaction qui corresponde mieux à votre
souci, qui est d'ailleurs le nôtre.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?..
Je mets aux voix l'amendement n° 8, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 4
ter
.
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - I. - Le premier alinéa de l'article L. 212-5-1 du code du travail
est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce seuil est fixé à quarante et une heures à compter du 1er janvier 1999.
« II. - Il est inséré, après le quatrième alinéa du même article, un alinéa
ainsi rédigé :
« Le repos compensateur doit obligatoirement être pris dans un délai maximum
de deux mois suivant l'ouverture du droit sous réserve des cas de report
définis par décret. L'absence de demande de prise du repos par le salarié ne
peut entraîner la perte de son droit au repos. Dans ce cas, l'employeur est
tenu de lui demander de prendre effectivement ses repos dans un délai maximal
d'un an.
« III. - Le huitième alinéa du même article est supprimé.
« IV. - Le deuxième alinéa de l'article 993 du code rural est complété par une
phrase ainsi rédigée :
« Ce seuil est fixé à quarante et une heures à compter du 1er janvier 1999.
« V. - Après la première phrase du quatrième alinéa du même article, il est
inséré une phrase ainsi rédigée :
« Cette moyenne est fixée à quarante et une heures à compter du 1er janvier
1999.
« VI. - Il est inséré, après le premier alinéa de l'article 993-1 du code
rural, un alinéa ainsi rédigé :
« Le repos compensateur doit obligatoirement être pris dans un délai maximum
de deux mois suivant l'ouverture du droit sous réserve des cas de report
définis par décret. L'absence de demande de prise du repos par le salarié ne
peut entraîner la perte de son droit au repos. Dans ce cas, l'employeur est
tenu de lui demander de prendre effectivement ses repos dans un délai maximal
d'un an.
« VII. - Le cinquième alinéa du même article est supprimé. »
Par amendement n° 9, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
L'article 5 concerne le seuil de quarante et une heures fixé
pour le déclenchement du repos compensateur.
La commission vous propose à nouveau de supprimer cet article 5.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
La réduction du temps de travail ne sera pleinement efficace en matière de
création d'emplois et d'amélioration de la qualité de vie des salariés que si
l'on a le courage de s'attaquer simultanément au recours excessif aux heures
supplémentaires.
L'ensemble des experts s'accordent à dire que la limitation des heures
supplémentaires permettrait, à elle seule, la création de centaines de milliers
d'emplois à temps plein ou partiel. Sachant cela, il devient fautif de ne pas
utiliser ce levier simple en faveur de la création d'emplois.
Le Gouvernement nous propose ici de faire un premier pas par l'abaissement
d'une heure du seuil de déclenchement du repos compensateur. C'est une mesure
encore modeste, mais nécessaire pour freiner un recours excessif et non
justifié aux heures supplémentaires.
Il est, en effet, évident qu'une entreprise qui atteint, dans les conditions
prévues par la législation, le seuil de déclenchement du repos compensateur,
c'est-à-dire dépasse le contingent annuel, utilise déjà ses salariés avec la
plus grande souplesse. On peut donc raisonnablement estimer que cette
entreprise, dans le contexte actuel, trouvera de nouveaux gisements de
productivité non pas dans la surexploitation des salariés, mais dans l'embauche
de jeunes, de demandeurs d'emploi, qui lui permettront aussi d'améliorer sa
pyramide des âges. De plus, les conditions de travail et de vie de l'ensemble
des salariés en seront améliorées.
Il est donc nécessaire d'insérer progressivement la réduction des heures
supplémentaires dans la diminution du temps de travail, particulièrement si
celle-ci est réalisée dans le cadre d'un accord d'annualisation.
Nous voterons donc contre l'amendement n° 9.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 5 est supprimé.
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - I A. - Après les mots : "contrats transformés", la fin
de la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 322-12 du code du
travail est supprimée.
« I. - Le troisième alinéa du même article est ainsi rédigé :
« Pour ouvrir le bénéfice de cet abattement, le contrat doit prévoir une durée
hebdomadaire de travail qui peut être calculée, le cas échéant, sur le mois,
comprise entre dix-huit heures, heures complémentaires non comprises, et
trente-deux heures, heures complémentaires ou supplémentaires comprises. »
« II. - Le quatrième alinéa du même article est ainsi rédigé :
« Il n'est toutefois ouvert, dans ce cas, que lorsque le temps partiel calculé
sur une base annuelle résulte de l'application dans l'entreprise d'un accord
collectif définissant les modalités et les garanties suivant lesquelles le
travail à temps partiel est pratiqué à la demande du salarié. »
« III. -
Non modifié.
« III
bis.
- Dans l'avant-dernier alinéa du même article, les mots :
"six mois" sont remplacés par les mots : "douze mois". »
« IV. -
Non modifié
.
« V. - Par dérogation aux I et II du présent article, l'abattement continue à
s'appliquer aux salariés dont le contrat de travail en a ouvert le bénéfice en
application des dispositions en vigueur avant la date de publication de la
présente loi. »
Par amendement n° 10, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer
les paragraphes I A, I, II, III
bis
et V de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
L'article 6 a pour objet la modification du régime de
l'abattement de cotisations sociales patronales applicable au travail à temps
partiel.
L'amendement n° 10 vise à supprimer à nouveau les dispositions de cet article,
qui constituent un obstacle au développement du travail à temps partiel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'ai déjà dit qu'il fallait, à
mon avis, « reproratiser » les cotisations pour le travail à temps partiel.
C'est une raison de justice qui l'impose.
Je suis donc défavorable à l'amendement n° 10.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 10.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Comme en première lecture, il nous est proposé de supprimer les dispositions
de moralisation du travail à temps partiel contenues dans le projet de loi.
Pour préparer ce débat en deuxième lecture, j'ai relu attentivement notre
discussion en première lecture. Je dois dire que, sur cet article 6, et donc
sur l'amendement de suppression de la commission, un point m'a particulièrement
frappée : c'est l'absence totale de motivation exprimée, ou exprimable, par la
majorité de la commission des affaires sociales pour justifier cet amendement
de suppression.
La commission propose de supprimer cet article parce qu'il durcit les
conditions d'attribution de l'aide de l'Etat aux employeurs, sans qu'il soit
besoin pour elle d'autres explications ou motivations. Elle ne fait aucune
allusion aux salariés.
Mme Terrade, sénateur du groupe communiste républicain et citoyen, et moi-même
avions plaidé, lors du débat en première lecture, pour le maintien de cet
article.
Je rappellerai brièvement pourquoi nous jugeons indispensable la moralisation
du travail à temps partiel, le plus souvent subi, et dont les femmes, surtout
les femmes non qualifiées, sont en majorité victimes.
Nous entendons maintenir la limitation à l'octroi de l'abattement de 30 % des
charges patronales en cas de passage de contrat à temps plein à contrats à
temps partiel pour un même volume horaire lorsqu'il n'y a pas création nette
d'emplois. C'est pourtant une mesure utile pour les finances publiques, qui
sont aujourd'hui utilisées pour financer le développement de la flexibilité et
non le développement de l'emploi.
La commission propose de supprimer le relèvement du seuil minimum de 16 heures
à 18 heures pour avoir droit à l'abattement de charges patronales. Je ferai la
même observation : 16 heures de travail hebdomadaires représentent une durée
inférieure à un emploi à mi-temps et ne permettent pas, loin de là, d'assurer
un revenu simplement acceptable. Seize heures par semaine, c'est un temps
partiel subi, et il est alors paradoxal de voir le salarié - c'est d'ailleurs
souvent une salariée - réduit à cette condition alors que son employeur
bénéficie pour ce temps partiel de la sollicitude des finances publiques. Là
aussi, le relèvement à 18 heures est une mesure indispensable de moralisation
et d'équité.
La commission souhaite supprimer la disposition selon laquelle l'abattement ne
serait ouvert en cas d'annualisation - et nous parlons ici de temps partiel
annualisé - que lorsque celle-ci résulte d'un accord collectif d'entreprise.
Cette disposition est l'exemple même d'une mesure de moralisation, d'une
mesure qui prône le respect des personnes, de leur vie familiale, plutôt que la
contrainte à l'égard de salariés considérés comme de la main-d'oeuvre.
La commission veut enfin supprimer la mesure qui étend de six à douze mois le
délai pendant lequel une entreprise qui a licencié des salariés doit demander
l'autorisation de l'administration avant d'embaucher à temps partiel et de
bénéficier ainsi de l'abattement. En quoi pourtant cette mesure vient-elle
heurter le développement du temps partiel qu'elle souhaite ? C'est une simple
mesure de précaution à l'encontre des abus constatés et de prudence à l'égard
de l'usage des aides financières de l'Etat.
En réalité, la commission entend accélérer le développement du passage au
temps partiel, le plus souvent subi, et au bénéfice exclusif des employeurs,
sans tenir compte des exigences d'une vie normale pour les salariés. Les
emplois dont nous entendons favoriser la création doivent être de vrais
emplois, encadrés par des règles justes et acceptables par tous. Les emplois à
temps partiel, dans cette perspective, doivent bénéficier d'une attention
particulière. Ils sont en général tenus par des personnes faiblement
qualifiées, et notre devoir est d'assurer à ces dernières une protection
particulière compte tenu de la situation de nécessité dans laquelle elles se
trouvent le plus souvent.
Nous voterons donc contre cet amendement, néfaste tant pour les finances
publiques que pour les conditions de vie et de travail des salariés.
M. Hilaire Flandre.
C'est une vue de l'esprit !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
M. Weber a rappelé les conditions de la
victoire électorale de la gauche, l'année dernière. Je voudrais, pour ma part,
rappeler les conditions de la victoire électorale de la gauche en 1993, après
une gestion socialiste qui s'était traduite par une aggravation formidable du
chômage.
Lorsque nous avions étudié, en 1993, le projet de loi quinquennale sur le
travail, l'emploi et la formation professionnelle, nous nous étions demandés
pourquoi, s'agissant du travail à temps partiel, la société française
connaissait un tel retard par rapport à toutes les autres sociétés
européennes.
Nous étant rendus en Suède, au Danemark, en Grande-Bretagne et en Allemagne,
nous avions constaté que le travail à temps partiel y était beaucoup plus
développé qu'en France.
Par conséquent, la loi de 1993 avait abaissé un certain nombre de charges
sociales et avait mis en place un dispositif incitatif.
L'article 6 du projet de loi dont nous discutons aujourd'hui serait, à mon
avis, s'il était adopté en l'état à la fin du débat, dangereux pour l'emploi ;
en effet, il marquerait le retour à la situation antérieure à 1993 et, par
conséquent, il empêcherait les entreprises de recourir au temps partiel.
Je dirai à ma charmante collègue Dinah Derycke qu'il faut savoir ce que l'on
veut : ou l'on veut diminuer le chômage, et, comme l'ont fait tous les pays
européens, on commence par développer le travail à temps partiel, ou l'on veut
accroître les garanties offertes aux salariés, et l'on garde alors trois
millions de chômeurs.
(Mme Bergé-Lavigne s'exclame.)
Il faut savoir à quoi l'on joue et ce que l'on veut !
Voilà pourquoi nous ne souhaitons pas le maintien de l'article 6, qui se
traduirait, en période de reprise de l'emploi, par un certain nombre de
non-embauches, de pertes d'emplois potentiels, ce qui serait dommageable dans
la situation actuelle. A certains moments, il faut choisir entre l'angélisme et
l'efficacité. C'est précisément ce qu'il nous faut faire, s'agissant de
l'article 6 !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Emmanuel Hamel.
Nous sommes des anges efficaces !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - I. - Au sixième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail,
les mots : "ou une convention ou un accord d'entreprise ou
d'établissement" sont supprimés.
« I
bis
. - Avant le dernier alinéa du même article, il est inséré un
alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives, l'horaire moyen
réellement effectué par un salarié a dépassé de deux heures au moins par
semaine, ou de l'équivalent mensuel ou annuel de cette durée, l'horaire prévu
dans son contrat, celui-ci est modifié, sous réserve d'un préavis de sept jours
et sauf opposition du salarié intéressé, en ajoutant à l'horaire antérieurement
fixé la différence entre cet horaire et l'horaire moyen réellement effectué.
»
« I
ter
. - Dans le dernier alinéa du même article, les mots : ",
ou convention ou accord d'entreprise ou d'établissement" sont
supprimés.
« II. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les horaires de travail des salariés à temps partiel ne peuvent comporter,
au cours d'une même journée, plus d'une interruption d'activité ou une
interruption supérieure à deux heures, que si une convention ou un accord
collectif de branche étendu ou agréé en application de l'article 16 de la loi
n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales
le prévoit soit expressément, soit en définissant les plages horaires pendant
lesquelles les salariés doivent exercer leur activité et leur répartition dans
la journée de travail, moyennant des contreparties spécifiques et en tenant
compte des exigences propres à l'activité exercée. »
« III. - Les dispositions du II sont applicables à compter du 1er janvier
1999.
« IV. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les sanctions dont sont assorties les
infractions aux articles L. 212-4-2 à L. 212-4-7 du code du travail. »
Sur cet article, je suis saisi de trois amendements, présentés par M. Souvet,
au nom de la commission.
L'amendement n° 11 tend à supprimer les paragraphes I, I
bis
et I
ter
de l'article 7.
L'amendement n° 12 a pour objet, dans le paragraphe III de l'article 7, de
remplacer les mots : « 1er janvier » par les mots : « 30 juin ».
L'amendement n° 13 vise à supprimer le paragraphe IV de l'article 7.
La parole est à M. Souvet, pour présenter ces trois amendements.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
L'article 7 porte sur la limitation des possibilités pour
l'entrepreneur de recourir au temps partiel.
La commission propose au Sénat, comme en première lecture, de supprimer les
paragraphes I, I
bis,
I
ter
et IV, et de modifier le paragraphe
III.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 11, 12 et 13 ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement émet un avis
défavorable sur ces trois amendements, et ce pour des raisons identiques à
celles qui l'ont amené à s'opposer à l'amendement n° 10.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Comme lors de la première lecture, nous voterons contre ces amendements de
suppression déposés à l'article 7. Il n'y a en effet pas lieu de reporter de
six mois l'application de la mesure de limitation du nombre et des temps de
pause alors que des personnes - il s'agit le plus souvent de femmes peu
qualifiées et démunies - sont victimes d'une véritable situation
d'exploitation.
S'agissant du secteur du commerce, dont la convention collective fait l'objet
d'une dénonciation de la part de la partie patronale, il est particulièrement
important que le législateur envoie à ce patronat un signal fort de sa volonté
de mettre fin sans tarder à des situations inacceptables. Là où la négociation
fait défaut, le législateur doit intervenir pour protéger des relations du
travail équilibrées, ou pour les rétablir.
Par ailleurs, la requalification de contrats de travail à temps partiel dont
la durée réelle excède durablement la durée déclarée est une mesure
d'assainissement indispensable.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 9
M. le président.
« Art. 9. - Au plus tard le 30 septembre 1999, et après concertation avec les
partenaires sociaux, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport
établissant le bilan de l'application de la présente loi. Ce bilan portera sur
le déroulement et les conclusions des négociations prévues à l'article 2 ainsi
que sur l'évolution de la durée conventionnelle et effective du travail et
l'impact des dispositions de l'article 3 sur le développement de l'emploi et
sur l'organisation des entreprises.
« Le rapport présentera les enseignements et orientations à tirer de ce bilan
pour la mise en oeuvre de la réduction de la durée légale du travail prévue à
l'article 1er, en ce qui concerne notamment le régime des heures
supplémentaires, les règles relatives à l'organisation et à la modulation du
travail, les moyens de favoriser le temps partiel choisi, la place prise par la
formation professionnelle dans les négociations et les modalités particulières
applicables au personnel d'encadrement.
« Ce rapport précisera également les conditions et les effets de la réduction
du temps de travail compte tenu de la taille des entreprises. Il analysera plus
particulièrement les moyens de développer l'emploi dans les petites et moyennes
entreprises et les incidences des relations entre les entreprises donneurs
d'ordre et les entreprises sous-traitantes. »
Par amendement n° 14, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« Au plus tard le 31 décembre 2000, et après consultation des partenaires
sociaux, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport établissant le
bilan d'application de la présente loi. Ce bilan portera sur le déroulement et
les conclusions des négociations prévues à l'article 2 ainsi que sur
l'évolution de la durée conventionnelle et effective du travail, le montant des
rémunérations des salariés concernés, et l'impact des dispositions de l'article
3 sur le développement de l'emploi et l'organisation des entreprises ainsi que
sur l'équilibre des comptes publics. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
La commission vous propose de revenir au texte adopté par le
Sénat en première lecture, texte qui prévoit un rapport du Gouvernement au
Parlement, au plus tard le 31 décembre 2000, sur l'application de la loi et le
déroulement des négociations.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 9 est ainsi rédigé.
Article 10
M. le président.
« Art. 10. - Dans les douze mois suivant la publication de la présente loi, et
après consultation des partenaires sociaux, le Gouvernement présentera au
Parlement un rapport sur le bilan et les perspectives de la réduction du temps
de travail pour les agents de la fonction publique. »
Par amendement n° 15, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« Au plus tard le 30 juin 1999, le Gouvernement présentera au Parlement un
rapport établissant un bilan du temps de travail effectif dans l'ensemble de la
fonction publique. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
La commission vous propose de rétablir le texte voté par le
Sénat en première lecture, texte qui demande au Gouvernement un rapport
établissant un bilan du temps de travail effectif dans l'ensemble de la
fonction publique.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
La commission tient beaucoup à cet
amendement. En effet, si l'Assemblée nationale revient à ses errements
habituels, nous risquons d'aboutir à une situation paradoxale dans
l'application du texte : d'un côté, on réduira le temps de travail dans la
fonction publique et pour les emplois protégés et, de l'autre, on assistera à
des négociations très difficiles dans le secteur privé, où se poseront des
problèmes de concurrence et de compétitivité.
Par conséquent, il nous semble que, à titre de précaution et compte tenu de ce
qui a déjà été décidé par le Gouvernement en matière de revalorisation des
salaires dans les fonctions publiques, mieux vaut, avant de s'engager dans la
réduction programmée de la durée du temps de travail dans le secteur public,
dresser un constat : il convient en effet de mesurer réellement quelles y sont
les durées effectives du travail. Je ne citerai que les cas de la RATP et de la
police, où les horaires de travail sont inférieurs à 30 heures par semaine.
Si nous n'agissions pas ainsi, nous devrions assumer une double dépense :
d'une part, l'Etat, les collectivités territoriales et la sécurité sociale
devraient financer une réduction de la durée du travail dans le secteur public
et, d'autre part, l'Etat et la sécurité sociale devraient supporter la charge
de la réduction du temps de travail dans le secteur privé. Ce serait,
avouons-le, paradoxal.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale sent le soufre puisqu'il prévoit
d'étendre à la fonction publique la réduction de la durée du travail. Mieux
vaut, à notre avis, séparer les choses : travaillons sur les 15 millions
d'emplois du secteur privé - 14 millions d'emplois dans le secteur marchand et
1 million d'emplois dans le secteur associatif - et établissons un constat sur
la durée effective du travail dans le secteur public, qui représente six
millions d'emplois.
Cela me paraît une solution sage et prudente pour éviter ce paradoxe d'une
réduction de la durée du travail de ceux qui travaillent moins que les autres
et dont l'emploi est garanti.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Emmanuel Hamel.
C'est le bon sens !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 10 est ainsi rédigé.
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième
lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Fischer pour explication de vote.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'issue de
nos travaux, une question me vient à l'esprit : sommes-nous vraiment en seconde
lecture de ce projet de loi, sommes-nous vraiment le 8 avril ?
Au-delà de cette question, chacun conviendra que nous devons nous interroger
pour savoir pourquoi la majorité sénatoriale a jugé utile de procéder, en gros,
à une réécriture du texte du présent projet de loi ressemblant comme une soeur
à celle qui était issue de nos travaux des 3 et 4 mars dernier.
Entre-temps, nous avons connu un ensemble de consultations électorales qui ont
conduit les partis composant l'actuelle majorité sénatoriale à connaître un
échec des plus retentissants, que seules quelques manoeuvres de couloir sont
venues corriger.
Nous sommes donc en droit de nous demander, comme nous l'avons fait
aujourd'hui encore dans le cadre de la discussion, ce qui légitime la position
de la majorité sénatoriale.
On pourra nous répondre que c'est le souci de la santé de nos entreprises,
confrontées au défi de la réduction du temps de travail, qui guide la démarche
de la majorité.
M. Emmanuel Hamel.
C'est tout à fait cela !
M. Guy Fischer.
Mais l'examen de la réalité de la situation de nos entreprises ne nous permet
pas de conclure qu'elles sont particulièrement en danger, eu égard à la santé
florissante des marchés financiers, à l'état des marges brutes d'exploitation
et des capacités d'autofinancement.
M. Hilaire Flandre.
Vous avez dirigé beaucoup d'entreprises ?
M. Guy Fischer.
Est-ce la gravité de la situation de l'emploi ? Si tel était le cas, il y a
longtemps que les solutions que l'on nous propose encore aujourd'hui auraient
fait la démonstration de leur efficacité.
Je pense, pour ma part, que, contrairement aux intentions affichées, le
mouvement de soutien à la création d'emplois sous-payés et sous-qualifiés a
constitué et constitue encore aujourd'hui l'une des sources essentielles de
dégradation de la situation économique et sociale et l'un des vecteurs du
développement du chômage.
Non, sur le fond, comme le dirait M. Fourcade, deux philosophies s'opposent
(Sourires),
et la position de la majorité de la commission des affaires
sociales - et probablement de la majorité du Sénat - est une position purement
idéologique.
Elle l'est en ce qu'elle tend à prendre en compte une aspiration assez
largement partagée par les salariés de ce pays pour tenter de la retourner en
faveur des entreprises et de la rentabilité des capitaux propres, qui, on le
sait, est continuellement menacée par une ancienne tendance à la baisse.
Elle l'est alors même que la représentativité du CNPF, organisation qui
inspire directement cette position, est aujourd'hui singulièrement remise en
cause, à en juger par le nombre particulièrement réduit d'employeurs qui ont
jugé utile de voter dernièrement tant aux élections consulaires qu'aux
élections prud'homales. Et quand on constate le taux d'abstention aux dernières
élections régionales et cantonales, on ne peut que s'inquiéter pour la
citoyenneté et la démocratie !
Elle l'est, enfin, parce qu'elle n'aura de toute façon que fort peu d'écho
dans le texte final du projet de loi.
A ce propos, vous me permettrez de souligner une fois de plus que le texte
issu en deuxième lecture des travaux de l'Assemblée nationale était équilibré
et positif et qu'il fixait un cadre acceptable à l'ouverture de la négociation
collective.
Tout n'est pas écrit, toutefois, et il importe, à notre sens, de laisser
effectivement à la négociation collective le soin de régler quelques questions
en suspens. Je pense notamment au problème de l'application de la notion de
temps de travail effectif dans certains secteurs d'activité.
Il importe aussi de faire vivre la réduction du temps de travail dans la vie
même du pays et dans les conditions de travail des salariés.
Tout n'est pas fini, et nous pensons même, d'une certaine façon, que tout
commence désormais.
En tout état de cause, nous ne voterons pas le texte issu des travaux du
Sénat, texte qui, je n'en doute pas, n'aura que peu de rapport avec le texte
final de la loi.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel.
Hélas pour l'emploi !
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la
deuxième fois, nous sommes contraints de voter contre un projet de loi que nous
soutenions pourtant avec conviction dans sa rédaction initiale.
Il a été dit à plusieurs reprises que c'était d'abord l'idéologie qui nous
séparait. Nous avons l'impression que ce qui nous sépare aujourd'hui est
beaucoup plus en rapport avec la vie quotidienne des salariés !
S'agissant de la réduction du temps de travail, nous observons que
l'expérience de la loi Robien a montré qu'il existe un espace de négociation
sur ce point, et qu'il ne demande qu'à être développé.
On ne peut ici nous taxer d'idéologie, puisque nous reconnaissons ce fait et
que nous voulons développer plus largement la réduction du temps de travail,
mais en éliminant les effets pervers de la loi Robien. Je veux parler des
effets d'aubaine qu'elle a générés et de son coût prohibitif pour les finances
publiques.
A l'inverse, la majorité sénatoriale s'arrête au milieu du gué et entend figer
la législation à cette expérience, certes intéressante mais insuffisante.
Mais nous sommes opposés également aux dispositions que la majorité du Sénat a
adoptées sur des questions telles que la définition du temps de travail
effectif, le refus de la moralisation du temps partiel, de la pénalisation des
heures supplémentaires excessives et de la requalification des contrats à temps
partiel.
C'est sur des points aussi concrets qu'apparaît entre nous un clivage, que
l'on peut qualifier d'idéologique mais qui, pour des millions de salariés, est
extrêmement concret. Un clivage qui se mesure en heures de présence non
rémunérées, en difficultés pour assurer la vie quotidienne.
Contrairement à ce qui a été dit, nous ne méconnaissons pas la nécessité de
maintenir nos entreprises au niveau de la compétitivité internationale. Nous
trouvons dans la réduction du temps de travail des motifs d'inciter nos
entreprises à réaliser, pour nombre d'entre elles, un indispensable effort de
réorganisation et d'amélioration de la productivité. Nous parions également,
parce que c'est un facteur humain indispensable, sur la réussite du dialogue
social dans l'entreprise et sur la capacité de la société à se saisir sur le
terrain des moyens que nous lui offrons pour faire reculer le chômage.
Le retour de la croissance ne sera qu'un feu de paille si cette croissance ne
profite qu'à une petite minorité d'actionnaires et de catégories de salariés ou
de professions privilégiées, tandis que la majorité serait confinée dans la
précarité.
Il est indispensable de préserver une cohésion sociale suffisante et de
prévenir la montée de la précarité. Nous en reparlerons bientôt : les
différents projets de loi que nous présente le Gouvernement, en matière sociale
notamment, visent tous cet objectif d'une société plus juste. Nous ne pouvons
donc souscrire à ce qui les dénature.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ce projet de
loi, élaboré sous le signe de l'idéologie, a été examiné par l'Assemblée
nationale dans le même esprit. Aucune des nombreuses propositions et
améliorations proposées par le Sénat n'a été retenue, et ce contre toute
logique économique, mais également en contradiction avec la nécessaire sécurité
juridique qui doit présider à l'élaboration du droit du travail.
Les économistes sont très partagés quant au nombre de créations d'emplois qui
peuvent être attendues d'une réduction du temps de travail. En revanche, c'est
sans ambiguïté que l'on peut affirmer que notre économie souffrira d'une baisse
autoritaire et généralisée de sa compétitivité.
La seule garantie de création d'emplois dans nos PME reste la réduction des
charges et l'accroissement de la flexibilité au sein des entreprises. En effet,
les entreprises, dans leur grande majorité - et plus particulièrement les PME -
verront augmenter fortement leurs charges ainsi que leurs contraintes en termes
d'organisation de leur production à un moment où elles doivent faire face à la
mise en place de l'euro.
La diminution de leur compétitivité, entraînant la baisse des commandes,
aboutira inévitablement à des pertes d'emplois. L'effet sera d'autant plus
néfaste que la France sera isolée parmi ses partenaires européens. Cela risque
d'entraîner des distorsions de concurrence et des délocalisations massives.
De même, les dispositions entravant désormais le recours au temps partiel qui
doivent prétendument « moraliser » cette forme d'organisation du travail sont à
double tranchant. Certes, ces nouvelles mesures limiteront sans doute certains
abus. Mais il existe des secteurs, comme ceux de la propreté ou de la
restauration, dans lesquels les nouvelles contraintes d'horaires sont
inapplicables, ou alors seront applicables, mais au détriment du salarié.
Concernant le « double SMIC », innovation sociale de l'année, la situation
sera rapidement inextricable.
Comment faire cohabiter un salarié travaillant 35 heures payées 39 et un autre
travaillant 39 heures payées 40 ?
De plus, n'est-il pas contradictoire de réduire l'accès au temps partiel alors
que le nouveau SMIC va rendre cette organisation du temps de travail attrayante
du point de vue du coût du travail ? Ainsi, il est aisé de calculer que les
salariés bénéficiant d'une réduction du temps de travail à 35 heures payées 39
auront un coût horaire supérieur aux salariés travaillant à temps partiel et
rémunérés au SMIC horaire.
Vos choix sont donc bien peu lisibles, madame le ministre.
Quant à l'aspect juridique de votre texte, je prendrai le désormais célèbre
article 4
bis
en exemple pour en illustrer les faiblesses.
Je crois savoir, madame le ministre, que vous êtes en désaccord avec la
majorité de l'Assemblée nationale, qui a choisi d'adopter un texte extrême,
riche d'incertitudes, réduisant encore davantage le temps de travail effectif
des salariés.
Ne craignez-vous pas qu'une jurisprudence fluctuante ne se mette en place au
détriment de tous, y compris des salariés, ainsi que l'a brillamment exposé
notre collègue Louis Souvet, que je tiens à saluer pour la qualité de son
travail sur ce projet de loi ?
En outre, la rédaction de l'Assemblée nationale ne correspond pas à la
directive européenne.
Ce projet de loi est dangereux. Les premiers effets en sont désormais connus,
à savoir : rupture du dialogue social au sein des entreprises, dénonciation de
plusieurs conventions collectives, effets d'aubaine annoncés pour des emplois
qui, en tout état de cause, auraient été créés, crainte d'une perte de pouvoir
d'achat, durcissement anticipé des conditions de travail afin d'absorber le
choc.
La majorité sénatoriale insiste et propose de nouveau, par l'intermédiaire de
son rapporteur, une voie réaliste, sans contrainte inutile.
Le groupe du RPR votera le texte tel qu'il a été amendé par notre Haute
Assemblée, en espérant qu'à l'avenir l'Assemblée nationale tiendra davantage
compte des propositions du Sénat.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. Emmanuel Hamel.
Puisse-t-elle le faire !
M. le président.
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet.
La majorité sénatoriale n'a pas voulu rejeter de manière abrupte votre projet
de loi, madame le ministre, même si elle était en profond désaccord avec vos
propositions en raison de leur caractère abstrait et normatif.
La réduction de la durée du temps de travail n'est concevable que dans la
mesure, d'une part, où elle respecte la diversité du tissu économique français
et, d'autre part, où elle renforce la capacité compétitive de nos entreprises.
Sinon, il n'interviendra pas de son fait de créations d'emplois.
Il est inconcevable que l'on puisse appliquer le même schéma aux entreprises
quelles que soient leurs tâches, qu'elles appartiennent à l'industrie, aux
services, au secteur privé, à la fonction publique ou au monde associatif.
Chaque branche économique, chaque entreprise a ses contraintes propres, ses
impératifs, liés en particulier à sa place sur le marché.
La commission des affaires sociales, dont je suis membre, a eu la volonté de
réaliser un travail considérable et de qualité pour que le débat soit
constructif et pour que le Sénat puisse adopter des principes qui nous
paraissent essentiels.
Avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, je voudrais rendre hommage
à notre rapporteur, notre collègue Louis Souvet, ainsi qu'au président de la
commission, M. Fourcade, ce pédagogue né, qui a su, tout au long de ces débats,
nous mettre en confiance, mais aussi à la commission d'enquête, à son président
et à son rapporteur, M. Arthuis, qui ont su, de la manière la plus objective
possible, exprimer notre volonté d'améliorer le projet de loi, de le réorienter
et de lui donner une tournure plus réaliste.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Je vous avais fait part, madame le ministre, lors de la première lecture de ce
texte par notre Haute Assemblée, des réticences profondes que j'éprouvais
vis-à-vis des 35 heures obligatoires.
Je rappelle que je ne suis pas du tout hostile au principe des 35 heures : des
négociations peuvent être menées à ce sujet, à condition que ce ne soit pas une
obligation.
Le problème que nous aurons à résoudre à l'avenir, c'est celui de la création
d'emplois. Cela suppose la libération des initiatives et des responsabilités.
Or, outre la nature obligatoire du texte, ce qui me choque profondément, c'est
le côté figé de la solution retenue : on ne crée pas d'emplois, on se contente
de dire que l'on va partager l'emploi existant et qu'ainsi l'on dégagera des
postes.
Madame le ministre, je connais beaucoup de personnes - je vous l'assure - qui
accepteraient de créer des emplois, mais à deux conditions : d'abord, bien sûr,
qu'elles puissent vendre ce qu'elles fabriquent et surtout, si la première
condition est remplie - et elle pourrait l'être dans bien des cas - que ne se
dresse pas devant elles une montagne de difficultés telle qu'elles en soient
découragées.
Ce qu'il faut, dans notre pays, c'est créer l'enthousiasme pour le travail.
Or, je crains que ce texte n'accrédite l'idée qu'en définitive moins il y a de
travail, mieux cela vaut, qu'il faut essayer d'en faire le moins possible,
qu'on peut justifier son refus de faire un effort en se disant que ce que l'on
ne fera pas d'autres le feront et qu'ainsi l'on participera à la création
d'emplois.
Ce raisonnement est faux. Il se saurait en aucun cas susciter un réflexe
créateur, et c'est peut-être l'une des raisons majeures pour lesquelles,
personnellement, je ne pourrai pas voter ce texte.
Deux autres points me chagrinent plus particulièrement : la définition du
temps de travail effectif, qui a donné lieu à de longs débats et à propos de
laquelle je me rallie, bien sûr, à la position de la commission, et
l'utilisation du terme « moralisation » en matière de temps partiel. Le choix
de ce terme me paraît en effet assez peu judicieux, car on mélange des idées
qui, prises isolément, ne sont pas fausses, pour aboutir à des
contradictions.
Il est vrai qu'il y a plus de femmes que d'hommes qui travaillent à temps
partiel, et il est tout aussi vrai qu'il y a des métiers dans lesquels on
exploite les femmes. Mais ce qu'il faut, c'est lutter contre les excès et non
pas faire une loi qui généralise dès que l'on constate un abus.
Il est faux de dire que toutes les femmes qui travaillent à temps partiel le
font parce qu'elles y sont obligées.
Toutes les femmes que j'emploie travaillent à temps partiel parce qu'elles
l'ont demandé et que, bien évidemment, même si cela ne m'arrangeait pas
toujours, je l'ai accepté.
Plutôt que de « moraliser » comme vous voulez le faire - encore une fois, le
terme est mal choisi - mieux vaudrait poursuivre sans pitié les excès. Il n'est
pas judicieux de prendre des mesures générales, d'autant que les femmes, en
particulier, ne le demandent pas et que cela ne va pas dans le sens des
expériences positives qui sont menées dans les pays voisins.
Pour toutes les raisons qui ont été avancées par les intervenants de la
majorité sénatoriale, le groupe des Républicains et Indépendants, au nom duquel
je m'exprime maintenant, suivra l'avis de la commission, en remerciant son
rapporteur et son président de leur contribution, contribution dont je
regrette, madame le ministre, que vous ne teniez pas un compte suffisant.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
83:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Majorité absolue des suffrages | 156 |
Pour l'adoption | 212 |
Contre | 98 |
M. Emmanuel Hamel. Voilà un bon vote !
6
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de
constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons
d'adopter. Il va être procédé immédiatement à la nomination de sept membres
titulaires et de sept membres suppléants de cette commission mixte
paritaire.
La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été
affichée conformément à l'article 12 du règlement. Je n'ai reçu aucune
opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du
Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Fourcade, Souvet, Gournac, Franchis, Machet, Mme
Dieulangard, M. Fischer.
Suppléants : M. Bimbenet, Mme Borvo, M. Louis Boyer, Mme Derycke, MM.
Descours, Jourdain, Jean-Louis Lorrain.
7
DÉPÔT DE PROJETS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la
ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la
République de Hongrie.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 384, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la
ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la
République de Pologne.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 385, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la
ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la
République tchèque.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 386, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
8
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, modifiant le statut de la
Banque de France en vue de sa participation au système européen de banques
centrales.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 383, distribué et renvoyé à la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale
dans les conditions prévues par le règlement.
9
RENVOI POUR AVIS
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'ordre économique et financier (n° 373, 1997-1998) dont la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires sociales.
10
DÉPÔT DE RÉSOLUTIONS
M. le président.
J'ai reçu, en application de l'article 73
bis
, alinéa 8, du règlement,
une résolution, adoptée par la commission des affaires culturelles, sur la
proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les
directives 89/48/CEE et 92/51/CEE concernant le système général de
reconnaissance des qualifications professionnelles et complétant les directives
concernant les professions d'infirmier responsable de soins généraux, de
praticien de l'art dentaire, de vétérinaire, de sage-femme, d'architecte, de
pharmacien et de médecin (n° E 994).
Cette résolution sera imprimée sous le numéro 379 et distribuée.
J'ai reçu, en application de l'article 73
bis
, alinéa 8, du règlement,
une résolution, adoptée par la commission des affaires économiques et du Plan,
sur :
- la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen
relative au traitement des anciens pays n'ayant pas une économie de marché dans
les procédures anti-dumping ;
- la proposition de règlement (CE) du Conseil portant modification du
règlement (CE) n° 384/96 du Conseil relatif à la défense contre les
importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la
Communauté européenne (n° E 1001).
Cette résolution sera imprimée sous le numéro 380 et distribuée.
11
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Alain Pluchet un rapport, fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan, sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée
nationale, relatif à la partie Législative du livre VI (nouveau) du code rural
(n° 332, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 381 et distribué.
J'ai reçu de M. Alain Lambert un rapport, fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sur
les propositions de résolution, présentées en application de l'article 73
bis
du règlement :
- par M. Claude Estier et les membres du groupe socialiste et apparentés (n°
362, 1997-1998) ;
- par M. Xavier de Villepin (n° 370, 1997-1998) ;
- par Mmes Hélène Luc, Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes
Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Jean Dérian, Michel Duffour, Guy
Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Louis Minetti, Robert Pagès, Jack
Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade (n° 378, 1997-1998).
Sur EURO 1999 - 25 mars 1998 - Rapport sur l'état de la convergence et
recommandation associée en vue du passage à la troisième phase de l'Union
économique et monétaire (Partie 1 : Recommandation - Partie 2 : Rapport) (n° E
1045).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 382 et distribué.
12
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au jeudi 9 avril 1998 :
A dix heures :
1° Discussion en deuxième lecture de la proposition de loi (n° 341,
1997-1998), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture, tendant à ouvrir le droit à une allocation spécifique aux chômeurs
âgés de moins de soixante ans ayant quarante annuités de cotisations
d'assurance vieillesse.
Rapport (n° 366, 1997-1998) de M. Jean Madelain, fait au nom de la commission
des affaires sociales.
Aucun amendement à cette proposition de loi n'est plus recevable.
2° Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 296, 1996-1997),
modifié par l'Assemblée nationale, portant extension partielle et adaptation du
code minier aux départements d'outre-mer.
Rapport (n° 367, 1997-1998) de M. Jean Huchon, fait au nom de la commission
des affaires économiques et du Plan.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
A quinze heures :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
4° Discussion de la question orale avec débat n° 5 de M. Christian Poncelet à
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les
incertitudes liées au financement de la liaison à grande vitesse entre Paris et
Strasbourg.
M. Poncelet lui demande notamment pourquoi le Gouvernement a estimé la
participation de l'Union européenne à 10 %, alors que la Commission avait
décidé, dès mai 1997, de ne pas accorder de subvention à cette hauteur. Dès
lors se pose la question, si cette participation était limitée à 2 %, de savoir
qui financera le différentiel de près de 1,5 milliard de francs.
Il lui demande par ailleurs, outre de confirmer l'engagement financier du
grand-duché du Luxembourg, de lui indiquer quelle est la participation attendue
des régions et des autres collectivités locales concernées.
Il lui demande de préciser si l'engagement financier de l'Etat, porté de 3,6 à
8 milliards de francs, est ferme ou conditionné aux autres participations. De
la même manière, il aimerait connaître la façon dont sera financée cette
participation. Il souhaiterait également savoir si le Gouvernement, comme il en
a le pouvoir, a demandé à la Caisse des dépôts et consignations de consentir -
sur la section des fonds d'épargne - des prêts à long terme et à taux
privilégié pour financer des travaux d'infrastructures de transports. La Caisse
des dépôts est en effet techniquement prête à assurer ce type de financement
long, mais elle s'est vu confier comme seule mission nouvelle celle de financer
des projets de restructuration urbaine.
Enfin, les travaux d'électrification des lignes vosgiennes faisaient partie
intégrante du projet de TGV et ont été déclarés d'utilité publique par l'arrêté
du 14 mai 1996. Le protocole relatif aux études d'avant-projet détaillé précise
en effet que « les aménagements du réseau existant », lesquels comprennent
entre autres l'électrification des lignes vosgiennes, font partie de ces
études. Or, le communiqué du Gouvernement, semble-t-il en contradiction avec le
décret et avec le protocole, renvoie ces investissements connexes aux
négociations préparatoires au futur contrat de plan Etat-région. En d'autre
termes, les lignes vosgiennes ne feraient plus partie du programme TGV, ce qui
serait contraire aux dispositions du décret d'utilité publique. Reporter les
lignes vosgiennes dans le futur contrat de plan serait revenir sur les
délibérations des collectivités locales lorraines, lesquelles se sont
prononcées sur leur participation de 1 milliard de francs pour l'ensemble du
projet TGV, y compris les lignes vosgiennes.
Il lui demande donc de bien vouloir dissiper les ambiguïtés relatives au
calendrier et au financement de l'électrification de ces lignes (n° 5).
Aucune inscription de parole dans le débat n'est plus recevable.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures cinquante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
M. André Jourdain a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 373
(1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions
d'ordre économique et financier.
M. Louis Souvet a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 211
(1997-1998) de MM. Jean-Paul Delevoye et Louis Souvet, tendant à mieux
réglementer les pratiques du merchandisage afin d'éviter certaines pratiques
abusives constatées dans le secteur de la grande distribution.
M. Claude Huriet a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 347
(1997-1998) de M. Edouard Le Jeune visant à organiser de grandes campagnes
nationales d'information en faveur du don bénévole de sang.
COMMISSION DES FINANCES
M. Alain Lambert a été nommé rapporteur :
- de la proposition de résolution n° 362 (1997-1998) de M. Claude Estier et
des membres du groupe socialiste et apparentés ;
- de la proposition de résolution n° 370 (1997-1998) de M. Xavier de Villepin
;
- de la proposition de résolution n° 378 (1997-1998) de Mme Hélène Luc et des
membres du groupe communiste, républicain et citoyen sur Euro 1999, 25 mars
1998. - Rapport sur l'état de la convergence et recommandation associée en vue
du passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire (partie 1 :
recommandation ; partie 2 : rapport) (n° E 1045).
DÉLAI LIMITE POUR LE DÉPÔT DES AMENDEMENTS
SUR UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Au cours de sa réunion du mercredi 8 avril 1998, la commission des finances a décidé de fixer au lundi 20 avril 1998, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à la proposition de résolution qu'elle a adoptée, sur la recommandation de la Commission, en vue d'une recommandation du Conseil relative au rapport sur l'état de convergence et à la recommandation associée en vue du passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire (n° E 1045).
DÉLÉGATION DU SÉNAT
POUR LA PLANIFICATION
(Loi n° 82-653 du 29 juillet 1982
portant réforme de la planification)
Lors de sa séance du mercredi 8 avril 1998, le Sénat a nommé M. Joël Bourdin membre de la délégation du Sénat pour la planification, en remplacement de M. Bernard Barbier, décédé.
DÉLÉGATION DU SÉNAT
POUR L'UNION EUROPÉENNE
(En application de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au
fonctionnement des assemblées parlementaires)
Dans sa séance du mercredi 8 avril 1998, le Sénat a nommé M. Daniel Hoeffel
membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, en remplacement de M.
Pierre Lagourgue, décédé.
Dans sa séance du mercredi 8 avril 1998, le Sénat a nommé Mme Marie-Claude
Beaudeau membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, en
remplacement de M. Paul Loridant, démissionnaire.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Disparition de la musique
du 43e régiment d'infanterie de Lille
236.
- 8 avril 1998. -
M. Ivan Renar
attire l'attention de
M. le ministre de la défense
sur l'annonce de la disparition de la musique du 43e régiment d'infanterie de
Lille et son remplacement par une simple fanfare. En effet, la réforme des
armées se traduit par deux dispositions essentielles : la fin de la
conscription et le redécoupage des régions militaires. Ces deux éléments
conjugués entraînent la disparition d'un ensemble musical réputé, enraciné dans
l'histoire du Nord - Pas-de-Calais : le 43e RI. Principalement composé
d'appelés, cet ensemble est touché par la professionnalisation. De plus, le
redécoupage militaire limite les formations d'envergure à une par région, celle
de Metz suppléant donc celle de Lille. Or, le Nord - Pas-de-Calais est une
région de quatre millions d'habitants et la musique du 43e RI a toujours été un
élément important du lien entre la nation et son armée. L'attachement des
habitants du Nord - Pas-de-Calais au 43e RI et à sa musique en est la plus
éclatante démonstration. Il y a, derrière ce qui pourrait passer pour une
conséquence anodine de la réforme des armées, tout un symbole et la qualité
d'une institution enracinée dans la culture régionale qui est en péril. En
conséquence, il lui demande de bien vouloir revoir cette décision afin de
perpétuer la musique du 43e dans son intégralité.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 8 avril 1998
SCRUTIN (n° 83)
sur l'ensemble du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée
nationale, en deuxième lecture, d'orientation et d'incitation relatif à la
réduction du temps de travail.
Nombre de votants : | 316 |
Nombre de suffrages exprimés : | 309 |
Pour : | 211 |
Contre : | 98 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
9.
Contre :
7. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau, MM. Lylian Payet et Robert-Paul Vigouroux.
Abstentions :
7. _ MM. Guy Cabanel, Fernand Demilly, Pierre Jeambrun,
François Lesein, Georges Othily, Jean-Marie Rausch et André Vallet.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (93) :
Pour :
93.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Contre :
75.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (57) :
Pour :
55.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. René Monory, président du Sénat,
et Jean Faure, qui présidait la séance.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
45.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :
Pour :
9.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Basile Tui.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
André Gaspard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Abstentions
MM. Guy Cabanel, Fernand Demilly, Pierre Jeambrun, François Lesein, Georges
Othily, Jean-Marie Rausch et André Vallet.
N'a pas pris part au vote
M. Basile Tui.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 310 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 156 |
Pour l'adoption : | 212 |
Contre : | 98 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.