M. le président. La parole est à M. Delevoye, auteur de la question n° 211, adressée à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Paul Delevoye. Madame le garde des sceaux, ayant souhaité que ce texte soit adopté rapidement, permettez-moi de me réjouir, avec mes collègues du Sénat et de l'Assemblée nationale de l'adoption du projet de loi organique permettant l'organisation de concours en vue de recruter cent magistrats en 1998 et cent autres en 1999. Cela correspond de votre part à une volonté et au souci de doter la justice de moyens supplémentaires.
C'est la raison pour laquelle, respectant cette volonté d'aller vite, je n'avais pas déposé d'amendement visant une situation un peu particulière qui découle de ces concours, situation au sujet de laquelle je me suis permis de vous écrire et de vous poser la présente question orale.
Parmi les magistrats qui ont été recrutés à l'occasion des concours exceptionnels de 1981, 1983 et 1991, on peut distinguer deux catégories professionnelles : d'un côté, les magistrats issus de la fonction publique, qui ne rencontrent pas de difficulté puisque le déroulement de leur carrière reste interne à celle-ci - ils changent simplement d'administration et de corps ; de l'autre côté, les magistrats issus du secteur privé, environ un tiers - soit 100 sur 300, au titre des quatre concours exceptionnels si on inclut les prévisions pour ceux de 1998 et 1999 - qui ne peuvent faire prendre en compte pour le calcul de leur pension les années d'activité accomplies antérieurement, même au prix du versement d'une contribution au titre de rachat.
Cette impossibilité découle directement du vide juridique créé par la loi organique du 29 octobre 1980, qui est muette sur ce point. Or, c'est sur le fondement de cette loi organique que furent organisés les concours de 1981, 1983 et 1991, et que seront probablement organisés ceux de 1998 et de 1999.
Dernièrement, le décret d'application du 24 septembre 1997 a permis aux avocats recrutés sur titre et sans concours, au titre de l'article 40 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, et aux personnes spécialement qualifiées, recrutées dans les mêmes conditions, en application des articles 22, 23 et 24 de ladite ordonnance, de procéder à la prise en compte des années d'activité profesionnelle antérieures à leur entrée dans la fonction publique judiciaire.
Ainsi, nous constatons une double inégalité : d'un côté, entre les magistrats recrutés par les mêmes concours, selon qu'ils proviennent ou non de la fonction publique ; de l'autre côté, entre des magistrats issus du secteur privé, selon qu'ils ont été recrutés par concours exceptionnel ou au titre de leur qualification professionnelle.
Madame le garde des sceaux, ma question a donc pour objet - et je mesure la difficulté de l'exercice - de vous saisir afin que vous mettiez un terme à cette inégalité.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous m'avez interrogée, et je le comprends, sur le régime de retraite des magistrats recrutés par concours exceptionnel. Je vous en remercie car il s'agit, en effet, d'un sujet très préoccupant pour les intéressés. Je tiens donc à vous apporter un certain nombre d'éléments de réponse.
La loi organique portant statut de la magistrature ouvre, dans ses articles 25-4 et 40, la possibilité pour les personnes intégrées directement dans la magistrature, originaires du secteur privé ou d'une profession libérale, d'obtenir la prise en compte des années d'activité professionnelle accomplies par elles avant leur nomination comme magistrat pour la constitution de leur droit à pension de retraite de l'Etat ou pour le rachat d'annuités supplémentaires.
Ce dispositif de rachat est très dérogatoire au régime général du code des pensions, selon lequel la pension rémunère des services effectifs rendus à l'Etat, ou assimilables.
Son champ actuel se limite, par conséquent, au recrutement sur titres dans la magistrature, par la voie de l'intégration.
Se pose bien évidemment la question de son éventuelle extension aux recrutements par voie de concours, qu'il s'agisse des concours exceptionnels organisés antérieurement ou de ceux qui seront ouverts en 1998 et en 1999, ou encore du « troisième concours » d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature, ouvert aux personnes issues du secteur privé. Cette question nécessite qu'une réflexion soit menée à l'échelon interministériel. Je ne peux pas préjuger le résultat de ces travaux, mais j'espère que nous aurons très prochainement l'occasion d'évoquer à nouveau ce sujet. Croyez bien, monsieur le sénateur, que je vous tiendrai informé de l'évolution de ce dossier, pour lequel vous venez de manifester un intérêt qui rejoint mes préoccupations.
M. Jean-Paul Delevoye. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Je vous remercie, madame le garde des sceaux, d'avoir bien voulu prendre en considération ce problème, qui préoccupe douloureusement celles et ceux qui souhaitent s'engager dans la fonction publique.
Nous attendrons donc les conclusions de la réflexion interministérielle.
PROFESSION D'ERGOTHÉRAPEUTE ET EMPLOIS-JEUNES