M. le président. « Art. 8. - L'autorité administrative notifie sa décision à la juridiction qui l'a saisie dans le délai de quinze jours francs à compter de la réception de l'avis de la commission. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 24 rectifié, M. About, au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense, propose de rédiger ainsi cet article :
« Dans le délai de quinze jours francs à compter de la réception de l'avis de la commission, ou à l'expiration du délai d'un mois mentionné à l'article 7, l'autorité administrative notifie sa décision, assortie du sens de l'avis, à la juridiction ou à la commission parlementaire ayant demandé la déclassification et la communication d'informations classifiées.
« Le sens de l'avis de la commission est publié au Journal officiel de la République française. »
Par amendement n° 12, M. Amoudry, au nom de la commission des lois, propose de compléter in fine l'article 8 par les mots : « ou de l'expiration du délai de deux mois mentionné à l'article 7. »
Par amendement n° 30, M. Bécart et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'autorité administrative prend une décision défavorable après un avis favorable ou favorable à une déclassification partielle, le président de la juridiction française qui a présenté la demande peut saisir le Premier ministre. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 24 rectifié.
M. Nicolas About, rapporteur. Comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, cet amendement tend à une nouvelle rédaction de l'article, en vue de définir une nouvelle procédure de publication du sens de l'avis de la commission consultative.
En effet, le projet de loi prévoit actuellement la publication du sens de l'avis au moment où celui-ci est transmis à l'autorité administrative, soit quinze jours au plus avant que celle-ci prenne sa décision finale. Cela signifie que, compte tenu de la médiatisation presque certaine qui sera faite de l'avis, il est clair que le ministre ne pourra pas préparer sa décision dans les conditions de sérénité pourtant indispensables eu égard aux intérêts en cause.
C'est pourquoi, sans revenir sur le principe de la publication du sens de l'avis, qui constitue un progrès dans la transparence, l'amendement n° 24 rectifié prévoit, d'une part, que le ministre assortit du sens de l'avis de la commission consultative la décision qu'il notifie au juge ou à la commission parlementaire et, d'autre part, que la publication du sens de l'avis n'intervient qu'au moment de la notification de la décision ou immédiatement après.
Pour la commission des affaires étrangères, cette disposition permettra de conserver, lors de la phase finale de la procédure, l'indépendance et la distance nécessaires à ce type de décision.
J'ajoute que l'amendement n° 24 rectifié prend en outre en compte le souci de la commission des lois, traduit dans l'amendement n° 12, de prévoir l'hypothèse d'un défaut d'avis de la commission ; dans ce cas, l'autorité administrative doit néanmoins pouvoir prendre une décision.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 12.
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur pour avis. Nous avons envisagé la situation dans laquelle aucun avis n'aurait été rendu dans un délai de deux mois. En pareille hypothèse, cet avis doit-il être réputé favorable ou défavorable ? Selon la commission des lois, l'esprit du projet de loi conduit à considérer que l'autorité administrative doit pouvoir se prononcer nonobstant l'absence d'avis. Dans le souci d'éviter toute ambiguïté, la commission des lois propose de préciser que, à défaut d'avis, l'autorité administrative statuera dans les quinze jours suivant l'expiration du délai de deux mois.
Bien sûr, cet amendement sera satisfait si l'amendement n° 24 rectifié est adopté.
M. le président. La parole est à M. Bécart, pour défendre l'amendement n° 30.
M. Jean-Luc Bécart. Cet amendement vise à introduire une procédure d'appel dans l'hypothèse où l'autorité administrative ne suit pas un avis favorable à une déclassification partielle ou totale émis par la commission du secret défense.
J'ai bien conscience que le rôle de la commission n'est que consultatif. L'avis de celle-ci ne peut donc s'imposer à l'autorité publique, qui conserve la totalité de ses prérogatives quant à la décision finale notifiée à la juridiction.
Cela dit, dans le cas précis où il y a contradiction entre la décision défavorable, par exemple, d'un ministre et l'avis de la commission - qui sera, je le rappelle, rendu public - il est nécessaire d'avoir un arbitrage, en l'occurence celui du Premier ministre, de manière à éviter toute spéculation sur les motivations profondes de la décision de non-déclassification d'informations.
Cette voie de recours nous paraît introduire plus de souplesse et de transparence dans le choix du Gouvernement et conforte l'autorité de la commission saisie d'une demande de levée du secret défense.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 12 et 30 ?
M. Nicolas About, rapporteur. L'amendement n° 12 est satisfait par l'amendement n° 24 rectifié.
S'agissant de l'amendement n° 30, je dirai que le mieux est l'ennemi du bien. La commission a émis un avis défavorable simplement parce que l'autorité administrative qui décidera, ce sera le ministre, et parfois même le Premier ministre dans les cas de « très secret défense ». On voit mal, compte tenu du principe de la collégialité gouvernementale, un Premier ministre se désavouer lui-même ou désavouer son ministre. Dans ces conditions, il n'est pas utile de prévoir une telle procédure d'appel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 24 rectifié, 12 et 30 ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. L'amendement n° 12 paraphrase en quelque sorte la sagesse administrative. En effet, lorsqu'une instance qui est chargée de donner un avis à une autorité laisse s'écouler le délai prévu sans donner ledit avis, l'autorité peut tout de même prendre sa décision. C'est l'usage que nous appelons, dans le jargon du métier, « la formalité impossible ». S'agissant d'une instance à laquelle on veut conférer autorité et solennité, il est aussi bien de le préciser dans le texte. Cet amendement paraît donc bienvenu et le Gouvernement émet un avis favorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 24 rectifié, tout irait bien s'il n'y avait la mention de la commission parlementaire, qui constitue un point de désaccord. Le maintien de cette mention serait un contresens par rapport à l'objet même du texte.
Cela étant, le reste du dispositif constitue un progrès par rapport à la rédaction initiale. C'est bien ainsi que doivent se passer les choses. En effet, au moment où le ministre ou le Premier ministre prend sa décision de déclassification ou de déclassification partielle, ou, au contraire, de maintien du secret défense, cette décision est publiée et l'avis, favorable ou défavorable, de la commission est publié en même temps. Cela évite une pression médiatique supplémentaire. Cela montre bien que la procédure dont on parle n'est pas adaptée au dialogue entre l'exécutif et une commission parlementaire. Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat.
L'amendement n° 30 introduirait sans doute un peu trop de droit à un moment où, finalement, l'appréciation est politique. Si un membre du Gouvernement maintient le secret défense que la commission lui a publiquement recommandé de lever, il ne le fait pas sans avoir recueilli l'opinion du Premier ministre et tout en sachant que cette décision sera très défavorablement commentée. Il se fonde sur des raisons impérieuses dont il ressent profondément la légitimité.
S'il s'agit de mauvaises raisons, notamment en cas de manoeuvre politicienne visant à protéger quelqu'un, à couvrir des agissements, il encourra bien sûr la sanction politique, c'est-à-dire la critique généralisée, voire la mise en cause de sa responsabilité.
En l'occurrence, il n'est pas efficace de solliciter l'avis d'un autre membre du même Gouvernement. Le climat psychologique de certaines des affaires qui ont conduit à proposer un tel projet de loi montre bien qu'une telle disposition sauf à se réjouir de la prolongation de la controverse, n'aurait pas eu d'effet sur le plan pratique. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 8 est ainsi rédigé et les amendements n°s 12 et 30 n'ont plus d'objet.
Nous en venons à l'article 7, qui a été précédemment réservé.
Article 7
(précédemment réservé)