SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Centres de soins infirmiers gérés par la Mutualité sociale agricole.
- Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission (p.
1
).
Discussion générale : MM. Bernard Seillier, en remplacement de M. Jacques
Bimbenet, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche ; Georges Mouly, Guy Fischer.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 2 )
Amendement n° 1 de M. Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. -
Retrait.
Adoption de l'article.
Article 2 (p. 3 )
MM. le rapporteur, le ministre.
Retrait de l'article.
Intitulé (p.
4
)
Vote sur l'ensemble (p.
5
)
MM. William Chervy, Guy Cabanel, Philippe de Bourgoing, Jacques Habert, Jean
Madelain, André Jourdain.
Adoption de la proposition de loi.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
3.
Utilisation des crédits obligatoires d'insertion des départements.
- Adoption des conclusions du rapport d'une commission (p.
6
).
Discussion générale : M. Bernard Seillier, rapporteur de la commission des
affaires sociales.
PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Mme Dinah Derycke, MM. Guy
Fischer, Jean Delaneau, Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des
affaires sociales.
M. le secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale.
Article unique (p. 7 )
Amendement n° 1 rectifié de M. Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le
secrétaire d'Etat. - Rejet.
MM. André Jourdain, James Bordas, Jean Madelain.
Adoption de l'article unique de la proposition de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 8 )
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
4.
Démission d'un membre d'une commission et candidature
(p.
9
).
5.
Questions d'actualité au Gouvernement
(p.
10
).
DÉFENSE DE L'AGRICULTURE FRANÇAISE (p. 11 )
MM. Aubert Garcia, Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche.
DÉTECTION DES INCENDIES (p. 12 )
MM. André Dulait, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.
FONCTION PUBLIQUE (p. 13 )
MM. Jean-Claude Carle, Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
INFORMATISATION DU SECTEUR DE LA SANTÉ (p. 14 )
M. Pierre Laffitte, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
EMPLOI DES JEUNES (p. 15 )
Mmes Nicole Borvo, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
POLITIQUE DE L'IMMIGRATION (p. 16 )
MM. Alain Dufaut, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.
MAINTIEN D'UN PARC LOCATIF INTERMÉDIAIRE À PARIS (p. 17 )
Mme Danièle Pourtaud, M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.
SOUTIEN AU SECTEUR TEXTILE (p. 18 )
MM. Pierre Hérisson, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
RESPECT DE L'AUTORITÉ DE L'ÉTAT (p.
19
)
MM. Dominique Leclerc, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.
RÉSEAU FERRÉ À GRANDE VITESSE (p. 20 )
MM. Alain Gérard, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.
TGV LANGUEDOC-ROUSSILLON (p. 21 )
MM. Roland Courteau, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des
transports et du logement.
6.
Nomination d'un membre d'une commission
(p.
22
).
7.
Transmission d'un projet de loi
(p.
23
).
8.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
24
).
9.
Transmission d'une proposition de loi
(p.
25
).
10.
Dépôt de propositions de résolution
(p.
26
).
11.
Dépôt d'une proposition d'acte communautaire
(p.
27
).
12.
Dépôt de rapports
(p.
28
).
13.
Ordre du jour
(p.
29
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
CENTRES DE SOINS INFIRMIERS GÉRÉS
PAR LA MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE
Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de M. Jacques
Bimbenet, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 257 rectifié)
:
- sur la proposition de loi de MM. Michel Moreigne, William Chervy, Germain
Authié, Marcel Bony, Jean Besson, Roland Courteau, Gérard Delfau, Jean-Pierre
Demerliat, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Aubert Garcia, Claude
Haut, Roland Huguet,
Jean-Pierre Masseret,
Gérard Miquel, Jean-Marc
Pastor, Jean Peyrafitte, Bernard Piras, Paul Raoult, René Régnault, Gérard
Roujas, André Rouvière, Fernand Tardy, Marcel Vidal et les membres du groupe
socialiste et apparentés visant à étendre aux centres de santé gérés par la
Mutualité sociale agricole la subvention prévue à l'article L. 162-32 du code
de la sécurité sociale (n° 43, 1996-1997) ;
- et sur la proposition de loi de MM. Georges Mouly, Nicolas About, Michel
Alloncle, Louis Althapé, Alphonse Arzel, José Balarello, Bernard Barraux,
Bernard Barbier,
Henri Belcour, Jean Besson, Jacques Bimbenet, Christian
Bonnet, James Bordas, André Boyer, Jean Boyer, Louis Boyer, Mme Paulette
Brisepierre, MM. Guy Cabanel, Jean-Claude Carle, Charles-Henri de
Cossé-Brissac, Marcel-Pierre Cléach, Jean Delaneau, Ambroise Dupont, Daniel
Eckenspieller, Jean-Paul Emorine, François Gerbaud, Paul Girod, Daniel Goulet,
Emmanuel Hamel, Claude Huriet, Roger Husson, Pierre Jeambrun, Bernard Joly,
André Jourdain, Alain Joyandet, Jean-François Le Grand, Edouard Le Jeune,
François Lesein, Roland du Luart, Serge Mathieu, Louis Mercier, Philippe
Nachbar, Jacques Oudin, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte,
Régis Ploton
,
Alain Pluchet, Henri de Raincourt, Roger Rigaudière, Guy Robert, Jean-Jacques
Robert, Jacques Rocca Serra,
Maurice Schumann
, Bernard Seillier, Raymond
Soucaret, Louis Souvet et Alain Vasselle visant à étendre aux centres de soins
infirmiers gérés par la Mutualité sociale agricole la subvention prévue à
l'article L. 162-32 du code de la sécurité sociale (n° 377, 1996-1997).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier,
en remplacement de M. Jacques Bimbenet, rapporteur de la commission des
affaires sociales.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, les centres de santé, dont le rôle dans la prise en charge sanitaire
de proximité n'est pas à démontrer, ont vu leurs conditions d'activité
profondément modifiées au cours des dernières décennies.
Après avoir fonctionné pendant longtemps grâce au bénévolat, ils ont en effet
désormais recours au salariat, ce qui induit des charges, notamment des charges
sociales, supplémentaires.
Jusqu'à l'intervention de la loi du 18 janvier 1991, les centres de santé
employeurs ont acquitté ces charges sociales dans leur intégralité : ils ne
bénéficiaient pas, comme les libéraux, de la prise en charge partielle de
cotisations que leur avait accordée l'assurance maladie dans le cadre du
développement des relations conventionnelles entre les professionnels de santé
libéraux et la sécurité sociale.
Par souci d'équité, cette loi du 18 janvier 1991 a harmonisé les conditions
d'exercice du secteur libéral et des centres de santé : elle a prévu que ces
derniers bénéficieraient d'une subvention correspondant à une prise en charge
partielle des cotisations salariales dues pour les professionnels de santé.
Toutefois, les dispositions de cette loi, figurant à l'article L. 162-32 du
code de la sécurité sociale, ne s'appliquent pas à tous les centres de santé de
tous les régimes : ainsi, elles ne concernent pas les centres de soins
infirmiers de la Mutualité sociale agricole, qui emploient des professionnels
de santé salariés relevant du régime agricole.
Les deux propositions de loi que nous examinons aujourd'hui, la proposition de
loi n° 377, présentée par M. Georges Mouly, et la proposition de loi n° 43 de
M. Michel Moreigne ont le même objet : elles tendent à mettre un terme à cetre
différence de situation qui pénalise les centres de soins infirmiers de la
Mutualité sociale agricole.
Les dispositions de ces propositions de loi permettront aux centres de soins
infirmiers créés par la Mutualité sociale agricole de fonctionner dans de
meilleures conditions. C'est important, car ces centres assument des missions
que l'on peut qualifier de service public en facilitant le maintien à domicile
de personnes âgées vivant en zone rurale.
Si l'objectif des deux propositions de loi est commun, leur rédaction n'est
pas tout à fait identique. La commission des affaires sociales s'est plutôt
inspirée, dans ses conclusions, de la proposition de loi de M. Mouly, non pour
des raisons politiques, mais parce que nous avons estimé qu'en opportunité
comme en droit elle atteignait mieux son objectif que celle de M. Moreigne.
En effet, en opportunité, la proposition de loi de M. Mouly assure l'égalité
de traitement sans entraîner de dérive inflationniste pour les dépenses
d'assurance maladie. Elle ne concerne, en effet, que les centres de soins
infirmiers de la Mutualité sociale agricole alors que la proposition de loi de
M. Moreigne fait référence à tous les centres de santé du régime agricole.
Même si, à ce jour, ces centres de santé ne sont pas très nombreux, une telle
disposition pourrait encourager la création de nouveaux centres de santé dans
des conditions financières avantageuses.
Compte tenu de la nécessité de ne pas augmenter les dépenses publiques, la
commission a choisi, dans ses conclusions, de viser les seuls centres de soins
infirmiers. Aucune dérive inflationniste n'est donc à craindre.
En droit, la commission des affaires sociales a préféré aussi s'inspirer de la
rédaction de la proposition de loi présentée par M. Mouly.
En effet, sur le plan technique, les deux propositions de loi diffèrent
quelque peu. La solution retenue par M. Michel Moreigne, qui consiste à
décalquer les règles existant pour le régime général pour les appliquer au
régime agricole plutôt que de les transposer en les adaptant, compromet la
satisfaction du but recherché.
L'article 1er de la proposition de loi de M. Michel Moreigne prévoit ainsi
que, lorsque le personnel des centres de santé est affilié aux assurances
agricoles, « les caisses de mutualité sociale agricole sont substituées aux
caisses primaires d'assurance maladie ».
Ce texte n'atteint donc pas parfaitement son objectif pour deux raisons.
En premier lieu, il fait référence aux cotisations dues par les centres de
santé en application de l'article L. 241 qui sont exigées par le régime général
et non par les assurances sociales agricoles. Il aurait fallu se fonder sur les
dispositions de l'article 1031 du code rural.
En second lieu, il décalque, pour le régime agricole, les modalités du
financement de la subvention versée aux centres de santé par le régime général
alors qu'elles ne lui sont pas transposables. Cette subvention est en effet
attribuée sur la dotation de gestion des caisses primaires, ce qui ne serait
pas possible pour la Mutualité sociale agricole.
La commission des affaires sociales a donc choisi, dans ses conclusions, de
faire référence à l'article 1031 du code rural. Elle a également prévu que la
subvention versée aux centres de soins infirmiers sera financée sur le risque,
puisqu'elle sera imputée sur les dépenses d'assurance maladie.
S'il est adopté, ce texte permettra aux centres de soins infirmiers de la
Mutualité sociale agricole de fonctionner dans des conditions comparables à
celles des autres centres de santé.
Ce ne sera que justice, car il me semble que la priorité, en matière sociale,
doit être de rechercher, autant que possible, l'égalité de traitement : les
zones rurales et les personnes âgées qui y vivent ne sauraient faire les frais
d'un oubli du législateur dans la rédaction de la loi du 18 janvier 1991.
Le coût de cette proposition de loi ne saurait lui être opposé.
D'une part, en effet, la commission des affaires sociales a retenu une
rédaction qui n'est pas « inflationniste ».
D'autre part, il convient de mettre en balance deux dépenses : d'un côté, le
montant des subventions versées aux centres de soins infirmiers, coût qui n'est
pas excessif, et, de l'autre, celui qui serait induit, pour les finances
sociales, par l'hébergement en institution ou en établissement de santé de
nombreuses personnes âgées ne pouvant plus vivre à domicile en l'absence de
centre de soins infirmiers de proximité.
C'est pourquoi j'espère que non seulement l'ensemble du Sénat mais aussi le
Gouvernement réserveront à ce texte un accueil favorable.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le président, monsieur
le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est soumis
est issu de deux propositions de loi dont les premiers signataires étaient MM.
Moreigne et Mouly.
Ces deux propositions de loi ayant le même objet, la commission des affaires
sociales a adopté à juste titre un texte unique qui vise à établir entre les
centres de soins infirmiers relevant des régimes agricoles et les centres
similaires relevant du régime général une égalité de traitement qui fait
aujourd'hui défaut. En effet, les premiers sont financés exclusivement par le
budget de fonctionnement des organismes de mutualité sociale agricole, donc par
les cotisations complémentaires qui pèsent sur les seuls ressortissants des
régimes agricoles, alors que les seconds, dès lors qu'ils ont passé une
convention avec les caisses primaires d'assurance maladie, bénéficient d'une
subvention sous la forme d'une rétrocession d'une partie des cotisations
patronales versées par les centres de santé pour les personnels soignants.
En milieu rural, l'évolution démographique conduisant à un vieillissement de
la population, combinée à une grande dispersion de l'habitat, a entraîné un
déficit de gestion croissant des centres non subventionnés. Le centre de soins
infirmiers de la Corrèze, par exemple, a connu, en 1997, un déficit de
fonctionnement de deux millions de francs. Or les centres de soins infirmiers,
dont le personnel soignant est salarié de la mutualité sociale agricole,
assument incontestablement une mission de service public. En effet, ils se
substituent, dans certaines zones géographiques, à une offre de soins
infirmiers d'exercice libéral inexistante ou très limitée.
Chacun d'entre nous connaît l'importance du maintien à domicile des personnes
âgées, et la Haute Assemblée a souvent montré son intérêt pour cette question.
L'activité des centres de soins infirmiers, grâce à l'efficacité de leurs
personnels, contribue à ce maintien, évitant ainsi les hospitalisations qui ne
sont pas absolument indispensables, mais sont coûteuses pour la collectivité
et, surtout, mal vécues par les personnes concernées. Ces dernières peuvent
ainsi recevoir les soins nécessaires sans quitter leur cadre habituel de
vie.
Rechercher des solutions de nature à rétablir une situation saine de ces
institutions, qui rendent un vrai service à la population, me paraît donc tout
à fait légitime.
La proposition de loi impute le financement de la subvention sur les dépenses
d'assurance maladie, donc sur le BAPSA et sur l'état évaluatif. C'est une
innovation qui méritait de la part du Gouvernement un examen attentif.
Il est inhabituel de financer des dépenses de fonctionnement sur le risque
maladie.
Cependant, comme je l'ai rappelé voilà un instant, les personnels soignants
des centres de soins infirmiers concernés par la proposition de loi sont des
salariés de la Mutualité sociale agricole. Leurs salaires, ainsi que leurs
charges sociales, sont donc prélevés sur le budget de fonctionnement de la
MSA.
Dès lors, la MSA ne peut se verser à elle-même une subvention sur son propre
budget, ce qui, je l'avoue, serait plutôt absurde. Le financement sur les fonds
d'action sanitaire et sociale pouvait être envisagé, même si cette solution
présente l'inconvénient de réduire les moyens d'action des caisses, dans un
domaine particulièrement utile. Le financement sur le risque maladie, malgré
son caractère hétérodoxe, est la solution qui présente le moins
d'inconvénients.
La proposition de loi impute le financement de la subvention sur les dépenses
d'assurance maladie, c'est-à-dire sur le BAPSA.
Je suis donc favorable, vous l'aurez compris, monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, à l'adoption de la proposition de loi présentée par la
commission des affaires sociales.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly.
Dans la réponse que vous me faisiez le 2 décembre 1997, monsieur le ministre,
lors de la discussion du BAPSA, vous mentionniez le texte aujourd'hui en
discussion, indiquant que son objectif était de permettre à la MSA de faire
bénéficier les centres infirmiers qui dépendent d'elle de l'avantage dont
bénéficient les centres de santé du régime général.
La disparité qui existe est d'autant plus choquante qu'en milieu rural, ainsi
que vous l'avez dit, monsieur le ministre, la population est plutôt
vieillissante et toujours plus ou moins dispersée. Elle devrait bénéficier,
pour ce qui concerne les divers aspects de la politique sociale, d'un régime
plutôt « bienveillant ». Il ne s'agit pas d'établir une concurrence entre la
ville et la campagne, bien évidemment, mais seulement d'être attentif aux
conditions de vie de chacun, y compris en milieu rural.
Or plusieurs volets de la politique sociale conduite par les caisses de MSA
connaissent, ici ou là, des difficultés. Il en va ainsi, par exemple, de l'aide
à l'amélioration de l'habitat des personnes âgées - des caisses de MSA, dans
bien des endroits, on ne peut rien espérer à cet égard - ou des aides
ménagères.
Nous sommes là au coeur de la politique de maintien à domicile, politique à la
mise en oeuvre de laquelle peut contribuer le texte en discussion puisqu'il
concerne les soins infirmiers, dont nul, me semble-t-il, ne saurait contester
l'importance.
Nous avions volontairement limité l'objet de notre proposition de loi aux
centres de soins infirmiers pour deux raisons.
Tout d'abord, dans ces centres, ne sont effectués que des actes précis,
ponctuels, qui favorisent le maintien à domicile dans les meilleurs conditions
et permettent de retarder l'hébergement en établissement.
La seconde raison tient au souci d'éviter une dérive inflationniste des
dépenses d'assurance maladie.
En restreignant le champ de la mesure nouvelle, on répond mieux au souci de
maîtrise des dépenses de santé, qui est évidemment un objectif prioritaire du
Gouvernement.
La légitimité de la mission des centres de soins infirmiers en milieu rural ne
saurait, me semble-t-il, être contestée par quiconque. Ces centres
accomplissement un service au plus près de la population, ce qui a pour elle un
effet sécurisant.
Aux yeux de certains, ce serait sans doute forcer le trait que de dire qu'il
s'agit aussi d'un élément de la politique d'aménagement du territoire. Ces
centres ne ressortissent-ils pas à ces services publics dont chacun souhaite le
maintien, voire le développement en zone rurale, où ils sont notamment
présents.
Quoi qu'il en soit, le bon fonctionnement de ces centres exige que la MSA
soit, en ce domaine, traitée de la même manière que les caisses primaires
d'assurance maladie.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte
soumis ce matin à la Haute Assemblée vise à régler une disparité de traitement
entre les centres de santé gérés par les caisses primaires d'assurance maladie
et les centres de soins infirmiers relevant du régime agricole.
Une telle inégalité est, selon nous, injustifiée.
Les auteurs des deux propositions de loi ainsi que le rapporteur de la
commission des affaires sociales ont eu raison de souligner le rôle essentiel
rempli par les centres de santé gérés par la Mutualité sociale agricole. Si
ceux-ci sont peu nombreux, ils n'en contribuent pas moins, à leur niveau, à
entretenir le lien social dans les zones rurales.
Par les soins qu'ils apportent aux personnes âgées, souvent isolées, ou aux
plus démunis, ces centres de santé assument véritablement des missions de
service public, que les irrégularités observées à une certaine époque dans la
gestion de la MSA ne sauraient occulter. De ce fait, ils participent à
l'aménagement du territoire, au même titre que le bureau de poste, l'école ou
les petits commerces.
Lors des débats consacrés au budget annexe des prestations sociales agricoles,
mon collègue Louis Minetti avait justement insisté sur la situation de
précarité de nombreux Français vivant en milieu rural, particulièrement des
retraités agricoles et leurs conjoints.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez fait de la revalorisation des
retraites agricoles votre priorité. Des mesures ont d'ores et déjà été prises,
qui vont dans le bon sens. Il convient cependant de poursuivre cet effort pour
tendre à terme vers l'objectif de 75 % du SMIC brut, comme le propose le parti
communiste.
Dans ce contexte, on comprend mieux l'intérêt que portent les populations
rurales à des centres de santé de proximité, de qualité et accessibles à
tous.
J'ajouterai que les difficultés rencontrées par les centres de santé peuvent
être observées en zone rurale, certes, mais aussi, ne l'oublions pas, en milieu
urbain.
C'est pourquoi nous sommes tout à fait favorables à ce que ces centres, qu'ils
relèvent du régime général ou du régime agricole, soient traités de la même
façon, sans que soient pour autant remises en cause, bien entendu, les
spécificités des uns et des autres.
Les conclusions du rapport fait au nom de la commission des affaires sociales
reprennent, pour l'essentiel, les dispositions de la proposition de notre
collègue Georges Mouly. Dans la mesure où celles-ci nous paraissent, sur le
plan juridique, plus affinées et plus adaptées, le groupe communiste
républicain et citoyen se ralliera aux conclusions de la commission.
Toutefois, la proposition de notre collègue Michel Moreigne nous paraissait
meilleure en ce qu'elle visait à étendre l'application de l'article L. 162-32
du code de la sécurité sociale aux centres de santé gérés par la MSA. Le texte
de la commission apparaît comme plus restrictif dans la mesure où il ne vise
que les centres de soins infirmiers.
Selon le rapporteur, il s'agirait de ne pas encourager la création de nouveaux
centres de santé dans une perspective de maîtrise globale des dépenses
d'assurance maladie. Cet argument nous semble contestable. Pour notre part,
nous estimons qu'une gestion strictement comptable de la protection sociale est
dangereuse : c'est davantage du côté des recettes qu'il faut regarder.
La volonté qui nous anime tous ici d'assurer l'égalité de traitement entre
centres de santé, quel que soit le régime, doit s'appliquer complètement.
Pourquoi créer une distorsion là où nous voulions initialement en réparer une
autre ? Soyons égalitaristes jusqu'au bout, mes chers collègues !
C'est pourquoi, en vue d'harmoniser la nouvelle rédaction de l'article L.
162-32 du code de la sécurité sociale, notre groupe a déposé un amendement que
je serais tenté de qualifier de rédactionnel.
Cela dit, quel que soit le sort qui sera réservé à cet amendement, le groupe
communiste républicain et citoyen votera les conclusions de la commission,
considérant qu'elles constituent de toute façon un progrès pour les centres de
santé qui relèvent du régime agricole.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Le deuxième alinéa de l'article L. 162-32 du code de la sécurité
sociale est complété par la phrase suivante :
« Lorsque le personnel des centres de soins infirmiers est affilié aux
assurances sociales agricoles, la partie, déterminée dans les conditions fixées
à l'alinéa précédent des cotisations d'assurances maladie versées en
application de l'article 1031 du code rural, est prise en charge par la caisse
de mutualité sociale agricole compétente et imputée sur les dépenses
d'assurance maladie. »
Par amendement n° 1, M. Guy Fischer et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent, dans la phrase présentée par cet article pour
compléter le deuxième alinéa de l'article L. 162-32 du code de la sécurité
sociale, de remplacer les mots : « soins infirmiers » par le mot : « santé
».
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Ainsi que je viens de l'expliquer, il s'agit de répondre à un souci de
cohérence et d'égalité de traitement entre tous les centres de santé, qu'ils
relèvent du régime général ou du régime agricole.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier,
rapporteur.
La commission a émis un avis défavorable puisqu'elle a choisi
de ne viser, dans cette proposition de loi, que les centres de soins infirmiers
eu égard à la nécessité de préserver les finances publiques, étant entendu que,
en milieu rural, on trouve essentiellement des centres de soins infirmiers.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
J'ai écouté avec attention
l'intervention de M. Fischer et j'ai pris bonne note des remarques qu'il a
formulées. Je souscris à une grande part des motifs qui justifient son soutien
au texte en discussion.
Il reste que, à mes yeux, la portée de son amendement va au-delà du
rédactionnel, et le Gouvernement ne peut y être favorable car il étendrait
considérablement, s'il était adopté, le champ de la mesure envisagée en visant
l'ensemble des centres de santé, ce qui la rendrait, à l'évidence, infiniment
plus coûteuse.
Eu égard à l'impératif de maîtrise des dépenses de santé, je demande donc à M.
Fischer de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président.
Monsieur Fischer, maintenez-vous l'amendement n° 1 ?
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, je vais retirer cet amendement mais il me paraissait
essentiel que le débat sur le problème des centres de santé, que ce soit en
milieu rural ou en milieu urbain, puisse avoir lieu, notamment au lendemain de
la présentation au conseil des ministres du projet de loi sur la prévention et
la lutte contre les exclusions.
Chacun perçoit bien le rôle fondamental joué par ces centres de santé sur
l'ensemble du territoire de notre pays, notamment en matière de prévention et
d'accès aux soins. C'est pourquoi nous tenions à poser ce problème.
M. le président.
L'amendement n° 1 est retiré.
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je remercie M. Fischer d'avoir
bien voulu accéder au souhait du Gouvernement, créant ainsi les conditions
d'une approbation par l'ensemble de la Haute Assemblée des conclusions du
rapport de la commission des affaires sociales sur les deux propositions de
loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Les dépenses éventuellement occasionnées par l'adoption des
dispositions de l'article 1er ci-dessus sont compensées à due concurrence par
une cotisation additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du
code général des impôts. »
M. Bernard Seillier,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier,
rapporteur.
Cet article gage la mesure contenue dans l'article 1er. Or
j'ai cru comprendre que M. le ministre était prêt à lever ce gage.
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Absolument !
M. Bernard Seillier,
rapporteur.
Nous vous en remercions, monsieur le ministre, et nous
retirons, par conséquent, cet article.
M. le président.
L'article 2 est donc retiré.
Intitulé
M. le président.
La commission des affaires sociales propose de rédiger comme suit l'intitulé
de la proposition de loi : « Proposition de loi visant à étendre aux centres de
soins infirmiers gérés par la Mutualité sociale agricole la subvention prévue à
l'article L. 162-32 du code de la sécurité sociale. »
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'intitulé est ainsi rédigé.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la
parole à M. Chervy, pour explication de vote.
M. William Chervy.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les deux
propositions de loi dont nous avons eu à débattre ce matin, notamment celle de
mon ami Michel Moreigne, tendaient à mettre un terme à une différence de
situation qui pénalisait la Mutualité sociale agricole.
Les centres de soins infirmiers qui dépendent d'elle vont désormais pouvoir
bénéficier, comme les centres de santé du régime général, d'une subvention
égale à une partie des cotisations sociales dues pour le personnel médical.
En effet, l'article L. 162-32 du code de la sécurité sociale, relatif aux
centres de santé, dispose : « Les caisses d'assurance maladie versent, dans des
conditions fixées par décret, une subvention égale à une partie des cotisations
dues par les centres de santé en application de l'article L. 242-1 pour les
personnels qu'ils emploient », qu'il s'agisse des praticiens ou des auxiliaires
médicaux.
Cette extension nous paraît tout à fait légitime. Elle permettra
d'institutionnaliser une égalité de traitement entre les personnels et elle
aura des conséquences bénéfiques sur le fonctionnement des centres de soins
infirmiers créés par la Mutualité sociale agricole. Ceux-ci pourront assumer
dans de meilleures conditions financières les missions qui sont les leurs,
missions tout à fait indispensables compte tenu du vieillissement de la
population et du maintien des personnes âgées à domicile.
On ne rappellera jamais assez que ces centres de soins infirmiers représentent
l'un des maillons essentiels de la lutte contre la désertification rurale. Il
est donc de notre responsabilité de répondre à leur attente, afin qu'ils
remplissent leur mission de service public le mieux possible.
Le groupe socialiste votera, par conséquent, les conclusions de la commission
des affaires sociales.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi
que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Je me réjouis par avance du vote unanime que le Sénat s'apprête à émettre.
Cette proposition de loi est due à l'initiative de M. Georges Mouly, sénateur
de la Corrèze.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et à celle de M. Moreigne !
M. Guy Cabanel.
Pour être cosignataire de la proposition de loi, je le sais, mon cher
collègue, et je vais y revenir dans instant.
M. Mouly avait constaté des difficultés dans son département, et a réagi en
conséquence.
Cette proposition a été reprise par M. Moreigne, dans un libellé un peu
différent visant les centres de santé.
La formule que nous avons trouvée aujourd'hui est sage à deux titres.
D'une part, il était indispensable de conforter les centres de soins
infirmiers, comme cela a été très bien dit, en particulier par M. le ministre
de l'agriculture. Ces centres jouent un rôle fondamental dans le maintien à
domicile et dans l'assistance des populations rurales, qui reçoivent ainsi des
soins qu'elles auraient beaucoup de difficultés à obtenir si elles ne
dépendaient que du système libéral de distribution. En revanche, les centres de
santé, en général, posent un autre problème d'équilibre entre les différentes
formes de distribution des diagnostics et des soins.
D'autre part, grâce à la bonne volonté de M. le ministre de l'agriculture,
nous avons l'espoir d'un financement par le BAPSA, et je m'en réjouis. Un tel
financement est préférable au gage qui avait été envisagé ; mais il s'agissait,
il est vrai, d'un gage provisoire, en quelque sorte, destiné précisément à
permettre la discussion.
Ce débat est heureux, nous en sommes tous d'accord, car nous savons que la
mutualité sociale agricole est un moyen puissant de protection sociale. Proche
du terrain, proche des ruraux, la Mutualité sociale agricole présente l'extrême
avantage d'organiser un dialogue permanent avec ceux qui reçoivent des soins.
Si la sécurité sociale disposait des mêmes structures de dialogue, d'échanges
et d'information avec l'ensemble de ses assujettis, bien des problèmes seraient
plus faciles à résoudre. Nous allons donc faire tous ensemble une bonne action.
Merci, monsieur le ministre !
M. le président.
La parole est à M. de Bourgoing.
M. Philippe de Bourgoing.
Grâce aux propositions de loi de MM. Mouly et Moreigne, grâce à la position
favorable de la commission des affaires sociales, grâce aussi à l'intervention
de M. le ministre, nous allons résoudre ce matin un problème qui se pose à la
mutualité sociale agricole depuis longtemps et dont nous étions bien
conscients.
C'est donc sans hésitation que le groupe des Républicains et Indépendants
votera la proposition de loi, qui met un terme à une situation anormale et qui
marque un progrès pour les ruraux de notre pays.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Nous aimerions avoir à débattre plus souvent de propositions de loi comme
celle qui nous est soumise ce matin. Le nombre de ses signataires montre à quel
point il était nécessaire de prendre des dispositions nouvelles pour étendre
aux centres de soins infirmiers gérés par la Mutualité sociale agricole les
subventions prévues dans le code de la sécurité sociale.
En conséquence, je tiens à remercier MM. Georges Mouly et Michel Moreigne et
leurs collègues cosignataires, notre rapporteur, M. Seillier, et vous-même,
monsieur le ministre, qui êtes allé dans le sens souhaité par le Sénat.
Est-il besoin de le préciser, les non-inscrits s'associeront à cette
remarquable unanimité.
M. le président.
La parole est à M. Madelain.
M. Jean Madelain.
Pour que ses voix ne manquent pas à cette belle unanimité, je précise que le
groupe de l'Union centriste votera, et avec grand plaisir, cette proposition de
loi.
M. le président.
La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain.
Il ne manquait plus qu'une voix à ce choeur unanime, et je tiens, en tant que
cosignataire de la proposition de loi de M. Georges Mouly, à apporter la
mienne, à titre personnel, mais aussi au nom du groupe du RPR.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
(M. Jean Delaneau remplace M. Michel Dreyfus-Schmidt au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président
3
UTILISATION DES CRÉDITS OBLIGATOIRESD'INSERTION DES DÉPARTEMENTS
Adoption
des conclusions du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 303,
1997-1998) de M. Bernard Seillier, fait au nom de la commission des affaires
sociales, sur la proposition de loi (n° 250, 1997-1998) de MM. Jean Delaneau,
Nicolas About, José Balarello,
Bernard Barbier
, Mme Janine Bardou, MM.
Christian Bonnet, James Bordas, Philippe de Bourgoing, Louis Boyer, Jean-Claude
Carle, Marcel-Pierre Cléach, Jean Clouet, Charles-Henri de Cossé-Brissac,
Ambroise Dupont, Jean-Paul Emorine, Hubert Falco, Jean-Pierre Fourcade, Mme
Anne Heinis, MM. Charles Jolibois, Jean-Philippe Lachenaud, Roland du Luart,
Serge Mathieu, Philippe Nachbar, Michel Pelchat, Guy Poirieux, Jean Puech,
Henri de Raincourt, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Bernard Seillier, Henri
Torre et François Trucy visant à élargir les possibilités d'utilisation des
crédits obligatoires d'insertion des départements.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi que
nous examinons, déposée sur l'initiative de notre collègue Jean Delaneau, vise
à élargir les conditions dans lesquelles les départements peuvent utiliser les
crédits d'insertion, qu'ils doivent obligatoirement inscrire à leur budget en
vertu de la loi du 1er décembre 1988 instituant le revenu minimum d'insertion,
le RMI.
En effet, le RMI tend non seulement à garantir un niveau minimal de
subsistance, mais également à assurer l'insertion des personnes confrontées à
de graves difficultés sociales, en particulier grâce à l'action des
collectivités locales, sous l'égide de l'Etat et du département.
Dix ans après sa création, le RMI appelle deux sortes de critiques. Les
premières portent sur le niveau de rémunération auquel il ouvre droit, et cette
question a été au coeur des problèmes soulevés par les mouvements de chômeurs
du début de l'année. Les secondes portent sur les insuffisances du volet «
insertion ».
Comme la commission des affaires sociales l'avait souligné au cours de la
discussion budgétaire, le volet « insertion » du RMI est aujourd'hui celui qui
soulève le plus de problèmes de fonctionnement.
Le taux de contractualisation des bénéficiaires du RMI, même s'il a progressé
au cours de ces dernières années, n'est encore que de 53 %. Près d'un titulaire
du RMI sur deux ne signe donc pas de contrat d'insertion, ce qui conduit
d'ailleurs à s'interroger sur l'utilité qu'il y aurait à rétablir un lien plus
étroit entre le versement du RMI et l'obligation d'accomplir une activité
professionnelle ou d'intérêt général.
De plus, 50 % des bénéficiaires du RMI sont installés dans le dispositif
depuis plus de deux ans. Environ 100 000 d'entre eux, soit 10 %, sont
bénéficiaires de l'allocation depuis 1989, c'est-à-dire depuis l'origine du
dispositif. Ces personnes échappent à la philosophie initiale du RMI et sont
entrées dans une simple logique d'assistance, qui dénature l'objectif généreux
du législateur de 1988.
Il est difficile de juger des raisons qui conduisent à cet échec et qui ne
procèdent sans doute pas du seul choix des personnes concernées.
Cela témoigne de la difficulté, pour les départements, de mettre en place des
parcours personnalisés d'insertion durable pour des personnes qui ont, depuis
longtemps, perdu de vue les contraintes du monde du travail au cours de ces
années de crise.
Depuis le débat budgétaire, Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité a
fait avancer ce dossier, ce dont nous nous félicitons, puisque, le 31 décembre
1997, elle a demandé par circulaire que la dynamique d'insertion du RMI soit
activement relancée par les préfets. Il a été demandé à ces derniers de faire
en sorte qu'au moins 25 % des bénéficiaires du RMI entrent, en 1998, dans une
mesure d'emploi aidé de type contrat emploi-solidarité, CES, ou contrat
initiative-emploi, CIE.
Par ailleurs, les 100 900 personnes qui bénéficient du RMI depuis 1989 auront
dû être rencontrées au moins une fois, au cours de ce premier trimestre de
1998, pour faire un bilan personnalisé de leur situation.
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité a également demandé que les
bénéficiaires du RMI de moins de trente ans soient pris en compte, dans de
bonnes conditions, dans le dispositif « emploi-jeunes » et a souhaité que les
programmes départementaux d'insertion soient améliorés en 1998.
Nous avons pris acte de ces objectifs. Il nous est apparu néanmoins qu'il
était possible de franchir une nouvelle étape en donnant une impulsion
financière à la politique de lutte contre les exclusions dans le cadre de la
cogestion déjà mise en place en faveur de l'insertion des bénéficiaires du
RMI.
En effet, le volet « insertion » du RMI - le fameux « I » - est placé sous le
signe de la cogestion entre le président du conseil général et le préfet.
Il s'agit d'une cogestion institutionnelle, tout d'abord, puisque le préfet et
le président du conseil général président conjointement le conseil
départemental d'insertion, qui se réunit en principe au moins deux fois par an
et qui rassemble, au niveau de chaque département, les différents intervenants
et les personnalités les plus qualifiées en matière de lutte contre
l'exclusion.
Le conseil est chargé d'une mission d'étude, d'enquête et d'évaluation sur les
besoins en matière d'insertion sociale et professionnelle dans le département
mais, surtout, il a pour mission d'élaborer et d'adopter le programme
départemental d'insertion.
A partir de l'évaluation des besoins à satisfaire et des actions existantes,
ce programme définit les différentes actions et initiatives à conduire en
matière d'insertion des bénéficiaires du RMI en recensant les moyens financiers
mis en oeuvre par l'Etat et par le département.
On notera que la loi de 1988 dispose que le champ du programme peut être
étendu « à l'ensemble de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion et à
l'ensemble des actions en faveur de l'insertion, notamment économique ».
Cependant, il est précisé tout aussitôt que les dépenses d'insertion, dont
l'inscription est obligatoire pour les départements, doivent être affectées «
exclusivement aux bénéficiaires du RMI ».
La cogestion a, en effet, des implications financières rigoureuses. Ainsi, le
département est tenu d'inscrire annuellement dans un chapitre individualisé de
son budget, le chapitre 959, un crédit au moins égal à 20 % des sommes versées
l'année précédente par l'Etat au titre du RMI dans le département. Ces crédits
d'insertion ont représenté 4 milliards de francs en 1996.
Lorsque les départements n'ont pas consommé les crédits ainsi affectés, ils
doivent les reporter intégralement sur les crédits de l'année suivante, sans
limitation de durée.
La consommation des départements sur le flux annuel de crédits d'insertion
inscrits au budget s'est constamment améliorée ces dernières années, pour
atteindre 97 % en 1995. Reste que certains départements conservent un stock de
crédits reportés non négligeable du fait des délais de montée en puissance du
dispositif de 1988, de l'ordre de 2 milliards de francs, y compris
l'outre-mer.
Ces reports de crédits doivent être attribués, comme le rappelle M. Delaneau
dans son exposé des motifs, non pas à la mauvaise volonté des conseils
généraux, mais à un déficit de l'offre d'insertion, notamment en emplois aidés,
ainsi qu'à la difficulté de mettre en place des parcours d'insertion efficaces
pour les personnes les plus en difficulté et qui sont depuis longtemps dans le
dispositif.
Malgré l'avancée que constituent les engagements pris dans la circulaire du 31
décembre 1997, l'efficacité des politiques d'insertion départementales est
toujours conditionnée, en dernier recours, par le volume total des contrats
aidés d'accès à un emploi non marchand mis en place dans le département ou par
la capacité d'accueil des structures d'insertion par l'activité économique,
telles que les associations intermédiaires et les entreprises d'insertion.
La future loi contre les exclusions devrait comporter des dispositions
favorables en ce sens. Cela ne nous dispense cependant pas d'une réflexion sur
la possibilité de mieux reconnaître et de faciliter l'action des départements
en faveur de la lutte contre l'exclusion entendue au sens large.
Les dispositifs mis en place au cours de ces dernières années pourraient
certainement jouer un rôle plus utile en prenant en charge un certain nombre
d'exclus qui ne relèvent pas strictement du RMI. Aujourd'hui, l'utilisation des
crédits départementaux est, au contraire, rigoureusement encadrée puisque
ceux-ci doivent être uniquement consacrés aux dépenses d'insertion des
bénéficiaires du RMI.
Le département peut toutefois imputer les frais de structure, c'est-à-dire les
dépenses concernant les frais de secrétariat des conseils départementaux
d'insertion, les CDI, des commissions locales d'insertion, les CLI, et des
cellules d'appui aux titulaires du RMI, ce qui est très utile.
De plus, il faut noter que, dans la loi du 16 octobre 1997 relative au
développement d'activités pour l'emploi des jeunes, les départements ont été
autorisés à imputer sur les crédits d'insertion la contribution apportée au
financement d'un poste de travail en emploi-jeune sous réserve que le titulaire
bénéficie du revenu minimum d'insertion. L'imputation est limitée à un an et ne
peut excéder le cinquième de l'aide forfaitaire versée par l'Etat.
Cette dernière disposition semble être relativement efficace et permettre un
soutien important de la part des départements. Il serait important que la
mesure d'imputation ne soit pas limitée à une seule année mais qu'elle puisse
être reconduite au-delà de 1998 pour favoriser l'engagement des départements.
J'aimerais connaître votre avis, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le principe
de la prolongation au-delà d'un an de la mesure d'imputation sur les crédits
d'insertion d'une fraction de la contribution départementale aux
emplois-jeunes, car il pourrait s'agir d'une mesure de soutien utile.
Il reste que c'est un problème plus général qui se pose aujourd'hui.
La situation est paradoxale : les départements reportent d'année en année des
crédits qu'ils ne peuvent utiliser parce qu'ils se heurtent aux limites
structurelles de l'appareil d'insertion dans une économie où le taux de chômage
est de 12 %.
Simultanément, les départements ne sont pas habilités par la loi à utiliser
pour la lutte contre la pauvreté les crédits réservés dans leur budget. Ainsi,
ils ne peuvent concourir aux mécanismes d'insertion des jeunes de moins de
vingt-cinq ans qui n'ont pas d'enfants à charge et qui n'ont donc pas droit au
RMI. Ils ne peuvent également agir sur les crédits d'insertion en faveur des
chômeurs de longue durée qui bénéficient de l'allocation de solidarité
spécifique. Au moment où les problèmes d'exclusion n'ont jamais été aussi aigus
et où le phénomène dépasse, et de loin, le seul cadre du RMI, il doit être
possible de mobiliser toutes les énergies au profit de ceux dont la situation
sociale est la plus difficile. Tel est l'objet de la proposition de loi de M.
Delaneau, qui tend essentiellement à faciliter le financement, sur les crédits
départementaux d'insertion, des actions de lutte contre l'exclusion, quel que
soit le public visé.
Après réflexion et consultation des partenaires intéressés, la commission a
validé l'objectif que cherche à atteindre M. Delaneau, tout en aménageant
quelque peu les modalités qu'il avait retenues.
Le texte initial de la proposition de loi confirmait la vocation, déjà
envisagée dans la loi du 1er décembre 1988, du programme départemental
d'insertion à s'appliquer à l'ensemble de la lutte contre la pauvreté et
l'exclusion, tout en reprenant l'ensemble des rubriques qui avaient été visées
pour définir le contenu du plan départemental d'insertion de lutte contre
l'exclusion créé dans le projet de loi Barrot-Emmanuelli de l'année
dernière.
Les départements seraient évidemment autorisés à financer de manière très
souple ces programmes élargis.
Le texte initial de la proposition de loi prévoyait, en outre, que les crédits
départementaux d'insertion reportés et non consommés pourraient, sur
proposition du président du conseil général, être affectés à des actions
d'urgence sociale, afin d'apporter des réponses immédiates aux personnes et aux
familles en situation de détresse grave, reprenant ainsi exactement la formule
employée dans la circulaire du 19 janvier dernier pour définir le rôle des
fonds d'urgence sociale, qui ont été mis en place dans chaque département.
La commission a constaté qu'il était difficile de faire référence à une seule
partie de l'ensemble du dispositif institutionnel qui avait été conçu par MM.
Barrot et Emmanuelli sans courir le risque d'en dénaturer l'esprit.
En particulier, il lui a semblé que les conditions d'un dialogue constructif
entre les parties prenantes sur le terrain ne seraient pas réunies si l'on
devait seulement élargir le champ des rubriques du programme départemental
d'insertion. Il ne faudrait pas que la mutualisation des moyens débouche sur la
confusion des responsabilités.
Par ailleurs, il faut souligner un point essentiel : les départements, de
manière volontaire, interviennent d'ores et déjà, un niveau significatif pour
aider les personnes en grande difficulté.
Selon les données fournies par l'assemblée des présidents de conseils
généraux, à partir d'une enquête réalisée auprès de quarante-cinq départements,
640 millions de francs ont été inscrits sur les budgets primitifs pour 1998 au
titre de l'aide aux personnes en difficulté.
On peut raisonnablement penser que la dépense prévue à ce titre sera total de
l'ordre de 1 à 1,2 milliard de francs pour l'ensemble des cent départements.
Il s'agit, notamment, d'aides consenties en faveur des secours d'urgence et du
logement, d'aide en cas d'impayés sur des fournitures d'énergie et
d'interventions pour les jeunes.
C'est pourquoi, dans l'attente du projet de loi contre les exclusions, qui
sera adopté mercredi 25 mars prochain en conseil des ministres, la commission a
adopté un texte moins ambitieux que celui de M. Jean Delaneau et qui, le moment
venu, sera susceptible d'être transformé en amendement.
Il s'agirait d'adopter, sans bouleverser le dispositif d'ensemble de la loi du
1er décembre 1988, une disposition exceptionnelle à caractère temporaire sur
cinq ans qui permettrait aux départements d'affecter à l'ensemble de la lutte
contre l'exclusion 10 % du montant des crédits départementaux d'insertion dont
l'inscription annuelle est obligatoire.
Les actions de lutte contre l'exclusion qui seraient ainsi prises en charge
sont celles qui sont déjà visées dans la loi de 1988 et qui ont déjà été
inscrites dans les programmes départementaux d'insertion dans près des deux
tiers des départements, selon le rapport d'évaluation de 1996.
Les crédits d'insertion départementaux s'élèvent à 4 milliards de francs au
minimum en 1996 ; 10 % de cette somme, cela représente donc 400 millions de
francs, montant qui doit être comparé aux 2 milliards de francs de reports de
crédits constatés à la fin de 1996 en métropole et dans les départements
d'outre-mer.
La mesure proposée devrait donc permettre de résorber en cinq ans les reports
de crédits au profit de la lutte contre l'exclusion entendue au sens large.
Les départements consommant aujourd'hui, à 97 % en moyenne, les crédits
départementaux d'insertion, trois cas de figure sont possibles.
Ou bien les départements consomment l'ensemble de leurs crédits d'insertion et
ne disposent pas de crédits reportés : ces départements ne sont pas
a priori
concernés par le dispositif temporaire et continueront à financer
l'insertion comme ils le faisaient auparavant.
Ou bien les départements consomment leurs crédits d'insertion annuels et font
apparaître un montant cumulé de reports important sur les exercices précédents
: grâce au dispositif proposé, ces départements pourront, dans la limite de 10
% des crédits annuels d'insertion, résorber en cinq ans leurs reports sans
porter atteinte aux moyens qu'ils consacrent à l'insertion.
Ou bien, enfin, indépendamment de l'existence ou non de crédits reportés, les
départements pourront éventuellement affecter temporairement à la lutte contre
l'exclusion une fraction des crédits non consommés au titre de l'insertion tout
en veillant, sur une période de cinq ans, à assurer une consommation complète
de ces crédits au profit des bénéficiaires du RMI.
Au demeurant, dans un contexte où les interprétations de la réglementation
peuvent présenter une certaine diversité, le mécanisme proposé mettra les
départements dans une situation plus claire vis-à-vis des services
préfectoraux.
Au total le dispositif que la commission vous propose d'adopter, mes chers
collègues, ne remet donc pas en cause le niveau des crédits destinés aux
bénéficiaires du revenu minimum d'insertion. Il ne crée pas de dépenses
supplémentaires : il permet seulement, dans l'esprit du texte de M. Jean
Delaneau, de dépenser mieux des crédits qui ne sont pas utilisés aujourd'hui et
qui pourraient utilement être mis au service de la lutte contre l'exclusion au
cours des cinq prochaines années.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
(M. Michel Dreyfus-Schmidt remplace M. JeanDelaneau au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l'ordre du jour fixé par votre
assemblée appelle la discussion d'une proposition de loi de M. Delaneau et des
membres du groupe des Républicains et Indépendants, visant à élargir les
possibilités d'utilisation des crédits obligatoires d'insertion des
départements.
Comme les auteurs de cette proposition de loi et votre commission des affaires
sociales, dont je salue le président, j'observe que, à l'usage, le dispositif
institutionnel créé par la loi du 1er décembre 1988 instituant le revenu
minimum d'insertion n'a pas produit tous les effets que l'on était en droit
d'attendre.
Comme chacun des membres de cette assemblée, j'ai lu avec attention, dans le
rapport de la commission, les interventions de Mme Derycke et de M. Fischer et
je suis sensible au fait que, chaque année, des crédits obligatoires
d'insertion sont reportés sur le budget de l'année suivante.
Toutefois, ce constat appelle de ma part certains commentaires.
D'abord, la consommation des crédits, qui représenteront en 1998 près de 5
milliards de francs au niveau national, s'était très sensiblement améliorée de
1992 à 1995, certains départements allant au-delà de leurs obligations légales
de l'année. Depuis, la situation s'est légèrement dégradée. Au total, il reste,
comme l'a souligné M. le rapporteur, des reports importants, de l'ordre de 2
milliards de francs. Ces reports correspondent à une sous-consommation ancienne
de crédits et sont concentrés, pour l'essentiel, sur une vingtaine de
départements.
Ensuite, on nous explique, et c'est également l'opinion de M. le rapporteur,
que cette sous-consommation de crédits tiendrait, notamment, à un déficit de
l'offre d'insertion ; c'est effectivement le cas et c'est tout le problème.
J'observe cependant que ce déficit n'atteint pas de la même manière tous le
départements, et c'est là, en particulier, que le bât blesse. En effet,
certains départements semblent plus vertueux que d'autres.
Le problème du RMI est bien là : ce que l'on peut reprocher au RMI, c'est que
le fameux « I » ne fonctionne pas suffisamment. Je me souviens des débats de
1988 et de l'apport, considérable à nos yeux, que représentait ce « I »,
l'insertion devant être le moteur du retour de l'emploi. Il s'agissait non pas
d'échanger, en termes d'obligation, ce revenu contre une démarche allant vers
le travail, mais de faire le lien entre la prestation et l'action
d'insertion.
Ceux qui sortent du dispositif du RMI sont de plus en plus nombreux. En 1997,
grâce à l'insertion, on a dénombré 368 000 sorties du RMI, soit 11 % de plus
que l'année précédente. Cela n'est pas négligeable. Ces résultats, pour
méritoires qu'ils soient, restent insuffisants, je l'ai dit voilà un
instant.
Cette proposition de loi dessert les départements vertueux. Il nous revient,
en conséquence, de travailler concrètement ensemble pour améliorer l'offre
d'insertion, et pas seulement, même si je comprends ce souci, sur la question
de l'utilisation des fonds.
Votre proposition de loi correspond à une démarche politique, sociale, mais il
ne s'agit pas d'une proposition comptable. La comptabilité existe ! Nous
pourrions éventuellement y venir. En attendant, il faut accentuer le côté
volontariste du volet « insertion ».
Dans cet esprit, nous sommes convenus, à la fin du mois de novembre dernier,
avec l'assemblée des présidents de conseils généraux, de remettre sur le métier
ces programmes départementaux d'insertion qui, je veux le croire, sont toujours
perfectibles, pour lesquels il est toujours possible d'innover et de mener une
action acharnée en direction de l'insertion, ce « I » que j'évoquais tout à
l'heure. Nous devons rencontrer à nouveau les présidents de conseils
généraux.
Je souhaite que, au moins, on n'abandonne pas cet espoir. En effet, ces
programmes départementaux d'insertion constituent le support technique et
financier sur lequel peut s'appuyer cette offre d'insertion, et qui devrait
faciliter son émergence.
Nous sommes également convenus, avec les présidents de conseils généraux,
d'une opération de contact systématique avec les 100 000 personnes qui
bénéficient du RMI depuis le début de son institution, c'est-à-dire depuis
1988, et qui n'ont donc pas pu sortir de ce dispositif. Ces rencontres
permettront de mieux définir les raisons pour lesquelles l'insertion n'a pas pu
jouer pour ces personnes et, sur cette base, d'établir avec chacune d'entre
elles - nous l'espérons - un contrat personnalisé d'insertion.
Parallèlement, l'Etat va mieux mobiliser le service public de l'emploi,
recentrer et développer un certain nombre de mesures, de contrats aidés - j'y
reviendrai - sur les personnes les plus éloignées de l'emploi, les plus en
difficulté par rapport à celui-ci, comme Mme Martine Aubry l'a annoncé hier en
présentant, avec d'autres ministres, le programme du Gouvernement pour prévenir
et pour lutter contre les exclusions.
Il s'agit de notre part d'une démarche volontariste et non d'un refus
systématique de cette proposition de loi. En effet, l'accompagnement vers
l'insertion constitue un objectif que le Gouvernement poursuit avec
acharnement. Je donnerai à cet égard deux exemples : tout d'abord, le
dispositif TRACE, trajectoire d'accès à l'emploi, devrait offrir à 60 000
jeunes par an un accompagnement très poussé sur dix-huit mois ; par ailleurs,
les contrats emploi-consolidé devraient, de façon très volontariste, viser, en
cinq ans, 200 000 personnes, payées à 80 % par l'Etat.
Face à cela, la proposition de loi soumise au Sénat représente plutôt, me
semble-t-il un recours à l'assistance et aux chèques d'assistance. Certes, un
tel recours est parfois nécessaire. Ainsi, lors du mouvement des chômeurs, le
Gouvernement, après en avoir admis la nécessité, a débloqué en urgence un
milliard de francs pour le Fonds d'urgence sociale. Mais cette somme résultait
d'un redéploiement de crédits et non, comme vous le proposez, d'économies
réalisées sur les crédits destinés à l'insertion.
Personne ne peut nous reprocher, je crois, de ne pas être persévérants dans
cette détermination, dans cet acharnement social vers l'insertion, et donc vers
l'emploi.
Par ailleurs, on ne peut accepter une croissance continue, même si elle est
fortement ralentie, du nombre des bénéficiaires du RMI et, au-delà, de celui
des bénéficiaires des minima sociaux. Nous ne pouvons nous contenter à cet
égard de dissimuler, par une politique d'assistance ou par l'octroi d'un
chèque, la condition douloureuse de nombreux citoyens de notre pays. La
situation existant dans un certain nombre de pays voisins et plus éloignés nous
montre en effet qu'il s'agirait là d'une dérive.
J'en viens à la proposition de loi qui, dans sa rédaction initiale, prévoyait
notamment que les crédits obligatoires visés à l'article 38 de la loi du 1er
décembre 1988, non consommés au titre d'exercices antérieurs, puissent être
affectés à des actions d'urgence sociale.
Vous comprendrez que je ne puisse souscrire à cela compte tenu des principes
devant guider notre action dans ce domaine. En effet, il nous faut nous
souvenir que, derrière les chiffres de l'exclusion et du chômage, il y a des
personnes qu'il nous faut prendre en charge une par une. Tel est d'ailleurs
l'objet du dispositif TRACE et des contrats emploi consolidé, dont j'ai parlé
précédemment.
Par conséquent, même si je conviens de la nécessité de réfléchir sur la
comptabilité et la bonne utilisation de l'argent public, je considère que les
principes guidant notre action d'insertion ne doivent pas être abandonnés.
Je répète d'ailleurs que l'Etat, en dotant le Fonds d'urgence sociale d'un
milliard de francs, a accompli cet effort exceptionnel sans toucher aux crédits
destinés à l'insertion.
On est dès lors en droit d'attendre des partenaires sollicités pour contribuer
à ce fonds qu'ils n'entament pas pour ce faire les crédits devant être
consacrés à cet effort déterminé des départements et de l'Etat.
Enfin, la proposition de loi, en visant les compétences du conseil
départemental d'insertion, anticipe sur le débat que le Gouvernement entend
ouvrir sur l'amélioration de l'ensemble du dispositif. Comme je vous l'ai dit,
nous devons revoir très vite, après les élections régionales et après la
discussion du projet de loi d'orientation de prévention et de lutte contre les
exclusions, les présidents des conseils généraux. A ce titre, l'adoption de
cette proposition de loi avant cette rencontre - comprenez bien, mesdames,
messieurs les sénateurs, l'esprit qui nous anime - serait prématurée.
La commission des affaires sociales l'a bien compris. Elle a estimé, en
définitive, qu'il n'y avait pas lieu, à ce stade, de proposer un bouleversement
du dispositif institutionnel créé par la loi du 1er décembre 1988.
Elle s'en est donc tenue à la proposition d'un rattrapage de la
sous-consommation des crédits d'insertion par les conseils généraux en
déspécialisant les crédits visés à l'article 38 de la loi du 1er décembre 1988
pendant cinq années.
Mais pourquoi entériner les inégalités de pratiques entre départements, entre
ceux, très majoritaires, qui ont su et voulu appliquer la loi et qui y
parviennent, et ceux, minoritaires, qui ne l'ont pas su ou ne l'ont pas
suffisamment voulu ? Encore une fois, je ne stigmatise personne et je
n'accroche aucune étiquette politique à l'un ou à l'autre de ces
départements.
Ceux qui présentent des reports de crédits importants pourraient certes les
résorber, mais ce serait alors au détriment de l'insertion des bénéficiaires du
RMI. Je souhaite du moins, si j'ose dire, qu'il s'agisse non pas d'un abandon
du système, mais du résultat d'une impossibilité liée à des raisons techniques,
psychologiques ou locales.
Nous devons au contraire, à mon avis, relancer l'insertion professionnelle des
bénéficiaires du RMI, et d'ores et déjà Mme la ministre de l'emploi et de la
solidarité a fixé comme objectif que 25 % d'entre eux aient accès dans l'année
aux dispositifs d'aide à l'accès à l'emploi ou à une formation.
Elle a donc décidé, comme je viens de vous l'indiquer, de recentrer des
contrats emploi-solidarité sur les populations les plus en difficulté.
Nous avons annoncé hier - je n'y reviendrai pas - des dispositions relatives à
la prévention et à la lutte contre les exclusions : il s'agit des contrats
emploi consolidé, instruments majeurs, à notre avis, et des TRACE. Ces nouveaux
contrats emploi consolidé, d'une durée minimale de trente heures, seront
directement accessibles aux publics que j'ai évoqués, sans que les
bénéficiaires aient à passer par le dispositif des contrats emploi-solidarité.
De plus, une augmentation importante est programmée, puisque le nombre total
des contrats emploi consolidé sera de 200 000.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons fait un autre
choix que celui d'une certaine résignation implicite, sous-entendue dans cette
proposition de loi.
Mon sentiment est qu'il nous faut essayer avec acharnement, en attendant la
réunion des présidents de conseils généraux, de continuer dans la voie que nous
avons tracée depuis près de dix mois, à savoir le retour à l'emploi. Cela
signifie, certes, le traitement des urgences lorsqu'elles s'imposent, car nous
ne pouvons laisser dans l'abandon et la souffrance des hommes et des femmes de
notre pays ; mais il convient de traiter cette souffrance en amont et de ne pas
se contenter d'un cautère sur une jambe de bois : il nous faut donc nous
efforcer d'y remédier et croire que chacun de ces hommes et de ces femmes, un
par un, qu'il soit titulaire du RMI ou qu'il n'y ait même pas accès, peut avoir
devant lui le chemin de l'emploi.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement ne peut, dans
l'immédiat, qu'émettre un avis défavorable sur la proposition de loi de M.
Delaneau amendée par la commission des affaires sociales du Sénat.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'actualité récente a mis en évidence le nombre important, dans notre pays, de
personnes et donc de familles vivant avec des minima sociaux, notamment avec le
revenu minimum d'insertion. Elle a éclairé l'ensemble de nos concitoyens sur
les drames humains et sur la souffrance, en général invisible, qui est
ressentie par toutes ces populations.
En instaurant, en 1988, le revenu minimum d'insertion, le législateur
poursuivait deux objectifs : d'une part, aider concrètement des personnes, des
familles en situation d'exclusion à se loger, voire à se nourrir - nous en
sommes d'ailleurs toujours là ! - et, d'autre part, les réinsérer, faciliter
leur retour dans le monde du travail et, plus largement, dans la vie sociale,
tant il est vrai que, si la pauvreté permet de conserver cette caractéristique
de l'être humain qu'est la dignité, la misère la fait disparaître.
Le législateur ne souhaitait pas maintenir indéfiniment ces personnes dans le
statut de l'assistanat. Si chacun affirmait le caractère impérieux de
l'insertion, force est néanmoins de constater le relatif échec à cet égard. Il
ne faut pas, bien sûr, nier les difficultés. En effet, il n'est pas évident,
surtout en période de crise économique, de réinsérer des personnes qui n'ont
pas travaillé depuis très longtemps, voire, quelquefois, n'ont jamais
travaillé. Ainsi, certaines femmes n'ayant jamais exercé d'activité
professionnelle éprouvent de grandes difficultés à accéder au marché du travail
lorsqu'elles se retrouvent seules avec des enfants à charge.
Il est difficile aussi, parfois, d'apprécier l'insertion économique. En effet,
pour un certain nombre de bénéficiaires du RMI, cette insertion est
pratiquement impossible dans un premier temps et doit être précédée d'une
remise à niveau sociale de l'individu, permettant aux personnes détruites par
la vie de se reconstruire.
Il fallait donc créer une offre d'insertion, qui n'existait pas partout, bien
que le mouvement associatif, notamment, ait su faire montre, dans ce domaine,
de beaucoup d'initiatives.
Si le volet de l'insertion n'a pas totalement réussi, c'est en raison de la
volonté politique qui a parfois manqué. Nous voyons bien que, aujourd'hui,
certains départements dépensent plus à cet égard que les crédits qu'ils doivent
inscrire. Par conséquent, si le démarrage a été lent en raison de la nécessité
de construire ces dispositifs, ces derniers, lorsqu'une volonté politique s'est
manifestée, sont maintenant en place et les crédits sont consommés.
M. le secrétaire d'Etat a raison de dire qu'il ne faudrait pas que les
départements qui ont été vertueux soient pénalisés, voire un peu écartés des
dispositifs que la loi d'orientation de prévention et de lutte contre les
exclusions va mettre en place.
J'ai fait allusion au manque de volonté politique ; ce dernier résulte parfois
d'un manque de savoir-faire et parfois aussi d'un manque de volonté. Je
connais, en effet, des organismes spécialisés dans l'insertion qui avaient un
savoir-faire mais qui ont disparu parce qu'on voulait évaluer leurs résultats à
je ne sais quelle aune et qu'on ne les a donc pas aidés. Leur disparition
dramatique est due à la vision comptable des résultats que ces organismes
d'insertion devaient produire.
Or s'il est facile de se rendre compte qu'une personne ayant un certain niveau
de formation a ou non, à la suite du stage qu'elle a effectué au sein d'un
organisme de formation, obtenu sa qualification, réussi un concours ou obtenu
son CAP, il est en revanche très difficile d'apprécier l'insertion de personnes
connaissant de grandes difficultés lorsqu'il faut simplement, comme c'est
parfois nécessaire, leur réapprendre à se lever, à se vêtir et à sortir de chez
elles.
Je connais, dans certains quartiers en difficulté, des femmes qui ne sortent
plus de chez elles, qui ne s'habillent plus et qui ne vont plus faire leurs
courses. Ce sont les enfants qui, en rentrant de l'école, vont chercher qui la
boîte de petits pois, qui les pommes de terre.
Il est difficile d'apprécier le travail des organismes d'insertion, d'autant
que, dans certains cas, l'offre d'insertion qui existait a été détruite. Je
maintiens en tout cas qu'il faut une volonté politique quand on veut réaliser
des actions d'insertion en direction des personnes en grande difficulté. Et
celles qui touchent le RMI en font partie !
Là où des dispositifs ont été mis en place, ils doivent aujourd'hui être
activés. Mais le projet de loi contre les exclusions va nous permettre de
passer à une vitesse supérieure. Il est imminent, et je donne acte à la
commission des affaires sociales et à son rapporteur d'en avoir tenu compte
pour aménager le dispositif qui nous est proposé. Toutefois, distraire
aujourd'hui les reliquats des fonds que les départements n'ont pas su ou pas
voulu employer pour les redistribuer à des publics en difficulté me paraît non
seulement prématuré, mais risquerait, de surcroît, de ne pas permettre, dès
lors que le projet de loi contre les exclusions aura été adopté, de faire
passer ce dispositif à la vitesse supérieure.
Aujourd'hui, dans tous les départements, on est au courant de ce qui va être
réalisé avec le texte contre les exclusions. Chacun est à même d'anticiper et
de remettre à plat les dispositifs d'insertion, de mobiliser l'ensemble des
crédits reportés, lorsqu'ils existent, sur de tels dispositifs.
La commission a modulé ce texte et notre collègue M. Fischer nous proposera,
avec l'amendement n° 1, de limiter à un an la possibilité d'utilisation de ces
crédits. Nous en prenons acte.
Nous, nous faisons le choix de l'insertion. Nous pensons qu'il est grand temps
aujourd'hui d'inciter tous les acteurs à se mobiliser au maximum et à mobiliser
toutes les forces qui existent autour d'eux - parce qu'elles existent dans
notre pays - pour que l'insertion des RMIstes soit demain une réalité.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les
départements, de par leurs compétences, jouent un rôle très important dans la
vie sociale. Ils sont notamment chargés, en relation avec l'Etat, d'organiser
l'insertion des bénéficiaires de l'allocation du RMI.
Les départements ont l'obligation d'inscrire, dans un chapitre individualisé
de leur budget, un crédit au moins égal à 20 % des sommes versées l'année
précédente par l'Etat au titre de l'allocation du RMI.
Ces crédits sont utilisés au titre de l'insertion sociale, surtout dans les
domaines de la santé, de l'aide médicale ou du logement, mais aussi pour
l'insertion économique, les frais de structures étant prélevés sur ces mêmes 20
%.
C'est ce que l'on appelle le principe de l'affectation exclusive des crédits
départementaux d'insertion aux bénéficiaires du RMI. Ce principe aboutit à ce
que les crédits non consommés dans l'année soient reportés sur l'année suivante
sans autre affectation possible.
Force est de constater que, chaque année, la plupart des départements ne
consomment pas l'ensemble de leurs crédits alloués à l'insertion. Ainsi, en
1995, le taux des crédits consommés par l'ensemble des départements
métropolitains a plafonné à 62 %. Et, les reports se faisant d'année en année,
de nombreux départements ont accumulé des sommes importantes.
Le groupe communiste républicain et citoyen ne peut s'empêcher de revenir sur
la mission d'insertion attachée à l'allocation du RMI. Effectivement, ce
dispositif, institué par la loi du 1er décembre 1988 et modifié par la loi du
29 juillet 1992, a été conçu à la fois pour assurer un minimum social à nos
compatriotes durement touchés par les difficultés et, surtout, pour favoriser
ainsi leur insertion ou leur réinsertion. Il s'agissait, en fait, d'éviter le
piège de l'assistanat.
Ainsi, en théorie, chaque allocataire du RMI devrait bénéficier d'un contrat
d'insertion. Or, en pratique, nous ne pouvons nier qu'il existe un réel
problème de mise en place du volet « insertion ».
Bien souvent, les personnels chargés de ce dispositif d'insertion n'ont pas
reçu les formations adéquates, et ces missions sont remplies par des
assistantes sociales surchargées par l'explosion des besoins sociaux. Quand on
pense que certaines d'entre elles sont chargées en même temps de mettre en
oeuvre la prestation spécifique dépendance, on peut comprendre que des
difficultés objectives empêchent d'obtenir des résultats concrets.
Le groupe communiste républicain et citoyen et les communistes dans leur
ensemble ne sont pas adeptes de la philosophie du moindre mal. Nous préférons
régler les difficultés dans leur ensemble et nous pensons donc que le rôle
d'insertion attaché au RMI est primordial.
Nous ne concevons pas le revenu minimum d'insertion comme un palliatif à la
misère, comme une allocation d'assistanat. Au contraire, nous aimerions que le
RMI soit encore plus qu'il ne l'est actuellement le véritable moteur de la
réinsertion sociale.
Peut-être serait-il intéressant, d'ailleurs, qu'une étude soit faite sur les
difficultés de mise en place des contrats d'insertion et sur les raisons qui
conduisent les départements à ne pas consommer l'ensemble de leurs crédits.
Notre collègue Mme Dinah Derycke a procédé tout à l'heure à une excellente
analyse de la situation, je n'y reviendrai pas. Quoi qu'il en soit, le nombre
des personnes en difficulté est très important. Nous pensons que cela est
certainement dû, en partie - et comme le disent aussi les chômeurs eux-mêmes -
au trop faible niveau du RMI.
Je tiens à rappeler que le montant du RMI équivaut à la moitié du niveau du
seuil de pauvreté européen, qui est évalué à 5 500 francs environ. Comment
voulez-vous qu'une personne en difficulté, qu'un SDF remonte la pente avec 2
429 francs de revenu mensuel ? Cela nous paraît impossible.
Je ne vais pas développer davantage cette intervention, nous aurons l'occasion
d'y revenir lors du débat sur le projet de loi relatif à la prévention et à la
lutte contre les exclusions.
Concernant plus particulièrement la proposition de loi de M. Delaneau, si nous
n'y sommes pas
a priori
opposés, il nous semble important de souligner
quelques points.
Premièrement, nous sommes très attachés aux compétences sociales des
départements et nous ne voulons pas qu'il leur soit un jour permis de ne plus
exercer certaines de leurs prérogatives en faveur des familles en difficulté.
Tel n'est pas le cas avec la présente proposition de loi, qui permet une
réaffectation, mais seulement en faveur des victimes de l'exclusion et
uniquement à hauteur de 10 % des crédits alloués à l'insertion.
Deuxièmement, comme je l'ai dit voilà quelques instants, le RMI ne répond pas
toujours aux besoins des personnes en difficulté. Certes, les sommes qu'il est
proposé de redéployer dorment, mais, étant donné les difficultés qu'éprouvent
les intéressés pour s'en sortir, il nous faut non seulement réfléchir au moyen
d'augmenter le montant de l'allocation, mais aussi tout mettre en oeuvre pour
favoriser l'insertion des RMIstes. Sur ce dernier point, nous avons en partie
échoué. En effet, nous le savons, dans les contrats relative à l'insertion, la
partie ne correspond qu'à environ 10 %.
Troisièmement, comme l'a très justement souligné la commission des affaires
sociales, le projet de loi d'orientation de prévention et de lutte contre les
exclusions, qui sera discuté au printemps prochain - il devrait être adopté à
la mi-juillet - prendra en compte ce problème des crédits d'insertion
départementaux non consommés.
Le groupe communiste républicain et citoyen, soucieux de ne pas empiéter sur
les dispositifs futurs de la loi contre les exclusions, vous propose d'adopter
un amendement qui limite à l'année 1998 le report autorisé dans la présente
proposition de loi. Cette solution nous semble raisonnable. Toutefois, nous ne
pourrons échapper, au cours des prochaines semaines, à un débat de fond,
notamment sur le problème de l'emploi et de l'insertion des publics les plus en
difficulté.
M. le président.
La parole est à M. Delaneau.
M. Jean Delaneau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
ne pense pas que cette proposition de loi, même amendée par la commission des
affaires sociales, ait devant elle un grand avenir législatif compte tenu de la
position que nous a indiquée tout à l'heure le Gouvernement.
Toutefois, au lendemain de la présentation par Mme Aubry, ministre de l'emploi
et de la solidarité, du projet de loi d'orientation de prévention et de lutte
contre les exclusions, ce sera peut-être pour nous une façon d'ouvrir dès
maintenant le débat devant le Sénat.
Je ne voudrais pas qu'il subsiste d'ambiguïté ou que l'on interprète de
manière tendancieuse cette proposition de loi, qui est tout à fait modeste et
qui n'avait pas, en tout cas, pour objectif de couper l'herbe sous le pied du
Gouvernement alors que, nous le savions, un grand texte est en préparation.
Je crois utile de dire pourquoi j'ai été conduit à présenter cette
proposition.
D'abord, à la fin de l'année dernière, se sont produits les événements que
nous connaissons et auxquels nous avons été sensibilisés les uns et les autres,
aussi bien le Gouvernement que les élus locaux, en particulier les maires. En
outre, la mise en place du fonds d'urgence sociale a permis et permet encore
d'apporter une aide immédiate à certains de nos concitoyens qui se trouvent
dans des situations extrêmement difficiles.
Vous nous avez expliqué, monsieur le secrétaire d'Etat, que le financement de
ce fonds avait été assuré par des redéploiements de crédits, et je crois que
c'est une bonne chose. Cela dit, au moment où ce fonds a été mis en place, on
s'est aussi tourné vers les conseils généraux pour leur demander, le cas
échéant, de participer à ce financement. Or, dans certains départements, les
préfets ont aujourd'hui consommé l'intégralité des crédits qui leur avaient été
attribués. Ils vont donc se tourner à nouveau vers les conseils généraux, s'ils
ne l'ont pas déjà fait.
Mais, vous le savez comme moi, si l'Etat a la possibilité de réorienter
certains crédits et - ce n'est pas nouveau ! - de présenter un budget en
déséquilibre, ce n'est pas le cas des collectivités territoriales. Les budgets
des conseils généraux sont bouclés au mois de décembre et ces derniers ne
disposent plus alors d'aucune marge de manoeuvre, sauf à déplacer des crédits
d'une ligne à l'autre, donc à privilégier telle action sociale à telle autre.
En d'autres termes, nous sommes contraints de déshabiller les uns pour habiller
les autres.
Le maire que je suis est souvent désemparé lorsqu'il voit arriver des jeunes
de vingt-quatre ans qui ont tout essayé et à qui il n'a plus rien à proposer.
Certes, des aides existent mais leurs conditions d'accès sont souvent
compliquées, et les cas de refus sont nombreux. Elles ne peuvent, en
conséquence, constituer un moyen de soutien universel. Nous n'avons donc rien à
proposer à ces jeunes, sauf à demander au bureau d'aide sociale d'assurer le
paiement du loyer ou de telle ou telle facture.
Ces jeunes qui viennent nous voir, leur seul espoir, leur seule attente, c'est
de tenir encore six mois pour pouvoir bénéficier du RMI. Pour certains, le RMI
est ainsi devenu une espèce de bouée de sauvetage, sans que, pour autant, leurs
problèmes, notamment leurs problèmes d'existence, soient réellement réglés.
Face à cette situation, je me suis demandé, comme bien d'autres, ce que l'on
pouvait faire.
Certes, des projets sont en préparation, notamment le projet de loi de lutte
contre les exclusions, qui sera soumis à un prochain conseil des ministres,
puis au Parlement. Sur ce projet, un consensus devrait se dégager puisque le
précédent gouvernement avait lui-même déposé un texte, certes différent, mais
qui allait dans le même sens. Des propositions seront faites ; il sera fait
preuve d'imagination, puisque vous avez souhaité, monsieur le secrétaire
d'Etat, que l'on fasse appel à l'imagination dans le domaine de l'insertion.
Mais tout cela va demander encore un certain temps. Or, il y a urgence,
surtout quand on voit que certains fonds sont gelés - je dirai tout à l'heure
pourquoi ils le sont - alors que, en face, des demandes ne peuvent être
satisfaites, entre autres des demandes qui émanent de l'Etat et qui viennent
s'ajouter à celles que nous pouvons avoir directement.
Je note d'ailleurs que, dans le projet de loi de lutte contre les exclusions,
l'appel au concours des collectivités locales est envisagé. Ces dernières
devront donc, là encore, dégager des moyens supplémentaires sur leur budget,
notamment pour alimenter le fonds d'urgence puisque, quelles que soient les
mesures positives qui pourront être prises, on aura encore besoin d'un tel
fonds pendant de nombreuses années.
Les départements seront ainsi sollicités pour faire face aux problèmes
d'insertion - nous y sommes - mais également pour assurer la couverture de
l'assurance maladie universelle.
Je relève surtout que, dans ce même projet, on parle de réactivation des
dépenses passives de certaines allocations, notamment le revenu minimum
d'insertion. Qu'entend-on par « dépenses passives » ? Il s'agit des dépenses
qui ne sont pas engagées, qui ne servent à rien, qui sont imputées sur un
budget obligatoire - les 20 % - et qu'il faut activer.
A cet égard, la présente proposition n'est-elle pas, certes par anticipation,
une manière de réactiver ces dépenses passives, notamment le RMI ?
S'agissant des échecs en matière d'insertion, échecs que tout le monde a
soulignés - tant Mme Derycke, M. Fischer, M. le secrétaire d'Etat que M. le
rapporteur - je crois qu'il ne faut pas faire de procès d'intention.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il n'y a pas des départements vertueux et
d'autres qui ne le seraient pas. Tous les départements sont vertueux. Ils sont
également attentifs à la bonne utilisation des crédits dont ils disposent et
qui proviennent soit de dotations de l'Etat, soit des impôts payés par nos
concitoyens. Ils ne font preuve d'aucune mauvaise volonté, qu'ils appartiennent
à la majorité ou à l'opposition - d'autant que les majorités changent ! -
qu'ils soient donc en phase ou non avec le Gouvernement, et on ne voit vraiment
pas pourquoi des bonnes volontés momentanées se transformeraient d'un coup en
mauvaises volontés.
Simplement, à l'expérience, on peut faire le constat qu'un certain nombre
d'actions dites d'insertion - actions très difficiles, Mme Derycke l'a dit -
sont validées au départ en tant que telles par des associations qui s'orientent
vers l'insertion, mais qu'il est difficile de juger sur pièces parce qu'elles
n'ont pas encore commencé à oeuvrer.
Des échecs manifestes tiennent donc parfois à une mauvaise orientation, à de
mauvais choix, voire à l'insuffisance d'un certain nombre de gestionnaires de
ces associations.
Ce que l'on voit aussi, ce sont des associations qui s'« autoalimentent ».
Elles comptent beaucoup d'entrées parce qu'elles offrent une activité
d'occupation. C'est vrai, cela fait aussi partie de l'insertion ; donner à
quelqu'un qui ne se lève même plus le matin au moins une raison de se lever,
donner à quelqu'un qui n'ose plus rentrer chez lui parce qu'il a passé sa
journée à traîner l'occasion de dire, lorsqu'il rentre chez lui un peu fatigué,
qu'il a travaillé, c'est aussi de l'insertion. Cela permet à l'intéressé de
retrouver auprès de sa famille, auprès de ses voisins, une certaine dignité.
Mais, j'y reviens, ces afflux d'entrées font que certaines associations
s'enflent peu à peu parce que, à l'autre bout, elles n'ont pratiquement pas de
sorties vers une insertion plus affirmée, même s'il ne s'agit pas d'emplois
effectifs et durables, tant l'offre d'insertion est faible.
Nous sommes très attentifs à ce problème. Il ne saurait être question de faire
ce que - disent certains - on faisait dans l'armée à une certaine époque, à
savoir dépenser l'argent parce qu'il y en avait, faire tourner les camions pour
ne pas voir son contingent d'essence réduit l'année suivante.
Mais il se trouve que, peu à peu, faute d'offres d'insertion, faute aussi
d'avoir des organismes d'insertion performants, on en arrive à des reports de
crédits.
J'ai donc proposé que l'on utilise ces crédits reportés, qui n'amputent en
rien les actions normales d'insertion que les départements, de par la loi,
doivent engager. Il y a des surplus qui se cumulent et qu'il faut pouvoir
utiliser au travers d'actions nouvelles, à imaginer peut-être, en explorant
d'autres voies.
Ce qu'il faut surtout, c'est engager une politique - j'espère que c'est celle
qui ressortira des projets du Gouvernement - de prévention du RMI. Le RMI est
utile, mais il ne doit pas devenir une institution, comme c'est actuellement le
cas.
Il faut absolument prévenir cette entrée dans le système du RMI. Savoir que
des jeunes n'ont d'autre objectif - peut-être parce que l'on n'a pas su leur
proposer autre chose - que d'entrer dans le système du RMI est
insupportable.
Si donc je souhaite que cette proposition de loi - dans le texte retenu par la
commission, mais même, à la limite, modifié par l'amendement de M. Fischer -
soit adoptée, c'est parce qu'il faut « faire la soudure » : les textes
gouvernementaux n'entreront en application au mieux qu'au mois d'octobre. D'ici
là, des difficultés vont surgir pour certains, vont continuer à s'aggraver pour
d'autres, difficultés auxquelles nous ne pouvons, en l'état, apporter de
remède.
Il faut se garder de tout perfectionnisme. Je me souviens avoir proposé, dans
cette enceinte, en tant que rapporteur pour avis de la loi Evin, que le taux
d'alcoolémie soit abaissé à 0,50 gramme. Votre prédécesseur, monsieur le
secrétaire d'Etat, s'y était opposé en disant que, comme on n'appliquait déjà
pas le taux de 0,80, il était inutile de prévoir un taux de 0,50. D'autres s'y
étaient opposés parce qu'ils voulaient non pas un taux de 0,50 mais un taux de
0.
Il faut savoir, au moment opportun, mettre en oeuvre un certain nombre de
mesures même si elles sont transitoires, même si elles doivent être remplacées
par des mesures plus larges et ayant peut-être une meilleure assise pour
assurer la pérennité des actions engagées.
Si, comme je le souhaite, cette proposition de loi recueille l'assentiment de
la majorité du Sénat, nous aurons montré que nous pouvons, nous aussi, faire
avancer les choses par la voie législative quand nous ne pouvons pas y arriver
par les voies ordinaires mises à notre disposition.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, la position du Gouvernement ne m'étonne pas outre
mesure, mais elle m'attriste.
Elle m'attriste parce qu'elle marque bien la rupture qui se creuse de plus en
plus entre, d'un côté, ceux qui sont pragmatiques, qui essaient de résoudre les
problèmes tels qu'ils se posent, et, d'autre part, ceux qui partent de Sirius
pour essayer, avec une doctrine générale déclinable à tous les niveaux, de
maintenir «
mordicus
» tout ce qui a été décidé en 1988, même si,
manifestement, cela ne colle pas sur le terrain.
De quoi s'agit-il, monsieur le secrétaire d'Etat ? Il ne s'agit pas de
supprimer l'obligation pour les départements d'inscrire dans leur budget un
crédit au moins égal à 20 % des sommes versées l'année précédente par l'Etat au
titre de l'allocation du RMI.
Il s'agit de permettre à un certain nombre de départements, qui pour des
raisons variées tenant d'ailleurs beaucoup plus à la composition de la
population RMIste qu'à la négligence ou à la carence n'utilisent pas la
totalité de ces crédits, de les employer à lutter plus efficacement contre
l'exclusion et la grande pauvreté.
Pourquoi, dans certains départements, n'arrive-t-on pas à consommer les
crédits d'insertion ? La commission s'est rendue dans les quatre départements
d'outre-mer, où le taux de consommation des crédits est le plus faible ; en
1995, il y atteignait 42 %, contre 80 % pour les quatre-vingt-seize
départements métropolitains. Voilà des chiffres qui devraient faire réfléchir
l'administration et le Gouvernement !
Pourquoi cet écart ? Parce que les RMIstes, dans les départements d'outre-mer,
voire dans certains départements métropolitains, sont essentiellement des
chômeurs âgés et des mères de famille monoparentale. Comment voulez-vous
trouver un système de contrat d'insertion pour ces catégories de population ?
C'est impossible.
Même dans un département comme le mien, où l'on a fait d'énormes efforts en
instituant des pôles d'insertion, en recrutant des travailleurs sociaux, etc.,
on arrive à un taux de contrats d'insertion de l'ordre de 60 % des inscrits au
RMI.
Il y a donc une masse de 2 milliards de francs de crédits qui sont reportés
d'année en année ; et, au nom des grands principes, au nom de ce mal français
qu'est le cloisonnement absolu entre les organisations, les administrations,
les partis, etc., on ne veut pas dépenser cet argent !
La proposition de M. Delaneau présentait l'inconvénient - je le lui dis
amicalement - de trop élargir le champ des attributaires de ces crédits. Cela
pouvait être dangereux dans la perspective du projet de loi de lutte contre les
exclusions.
La commission propose d'autoriser une utilisation partielle de ces fonds
gelés, à hauteur de 10 % par an, et ce pendant cinq ans. Est-ce trop long ? M.
Fischer, par amendement, proposera de réduire cette période à un an. C'est
certainement trop court. Peut-être aurions-nous pu nous accorder sur une
période de deux ou trois ans afin d'assurer la transition jusqu'à l'entrée en
vigueur du nouveau texte.
Cela dit, entendre clamer sur tous les médias que la pauvreté augmente, que
l'exclusion se développe, que tout cela est tragique... et constater que 2
milliards de francs sont bloqués dans les caisses des conseils généraux et
doivent rester bloqués sous prétexte qu'il faut respecter les grands principes,
c'est attristant, affligeant ! Cela montre bien que nous sommes gouvernés non
pas par des gens pragmatiques mais par des administrations attachées à leurs
prérogatives, à leurs privilèges, et qui ne tiennent aucun compte de la réalité
du terrain.
Monsieur le secrétaire d'Etat, voilà ce que je voulais vous dire, après mon
ami M. Delaneau, pour dénoncer cette situation particulièrement choquante.
Vous nous demandez d'attendre cette grande loi qui va permettre ... tant de
choses ! Voilà dix ans que l'on nous sert ce discours pour les personnes âgées
dépendantes !
Si nous pouvions, à titre provisoire, en attendant l'adoption et l'entrée en
vigueur du futur projet de loi de lutte contre les exclusions, utiliser une
partie de ces fonds qui sont bloqués pour soulager un certain nombres des
misères réelles que connaissent bien les présidents de conseils généraux, ce
serait déjà une bonne chose.
C'est la raison pour laquelle je suis attristé de constater que le
Gouvernement n'accepte même pas la position raisonnable de la commission.
Nous avons retenu la durée de cinq ans proposée par M. Seillier, mais nous
accepterions de la réduire à trois ans afin de faciliter l'opération.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous gérez la France comme ma grand-mère gérait
ses économies : elle mettait des billets dans différentes enveloppes qu'elle
utilisait à des fins très précises sans jamais globaliser l'ensemble de ses
fonds. Nous en sommes encore là, à la veille du xxie siècle. Je vous en
supplie, monsieur le secrétaire d'Etat, mettez à l'heure moderne ceux qui vous
soutiennent et les administrations dont vous avez la responsabilité ! A
l'époque d'Internet, ce cloisonnement de la gestion des crédits sociaux est
totalement révolu. Soyons modernes !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
MonsieurFourcade, la comparaison que vous faites entre
moi et votre grand-mère me va droit au coeur !
(Sourires.)
Vous nous avez au moins appris que, dans votre famille, on
avait ainsi accumulé bas de laine et enveloppes !
(Nouveaux sourires.)
Cela dit, je campe sur mes principes.
Depuis une dizaine d'années, dites-vous, on vous renvoie à un projet de loi
mirifique... que vous attendez toujours. Je remarque d'abord que, depuis dix
ans, d'autres que nous vous ont tenu de tels propos. J'ajoute ensuite que le
texte à venir est non seulement le fruit d'une longue réflexion mais également
l'expression d'une détermination financière. Cela devrait quand même vous
parler assez clairement, monsieur Fourcade, de même qu'à M. Delaneau.
J'aborderai maintenant, dans leur globalité, différents points qui ont été
soulevés par les orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale.
Les crédits d'insertion, monsieur Delaneau, n'ont jamais été considérés comme
des dépenses passives. La prestation, certes, peut être qualifée de dépense
passive, mais la volonté d'insertion est une démarche positive.
Quant aux jeunes dont vous avez parlé, monsieur Delaneau, ils peuvent
bénéficier des fonds départementaux d'aide aux jeunes, fonds cofinancés par
l'Etat et les conseils généraux, parfois même par les communes. Je vous indique
d'ailleurs que le Gouvernement va tripler sa contribution à ces fonds.
Vous avez dit tout à l'heure qu'un certain nombre de jeunes en situation
difficile venaient vous voir dans votre commune et que leur espérance était de
devenir attributaires du RMI. Je le comprends très bien. Mais il y a de quoi,
je crois, au moins les faire patienter, ce qui n'est pas mon voeu définitif,
puisque ce que je souhaite, c'est qu'ils trouvent du travail.
Le débat qui a animé notre opinion publique sur l'extension du bénéfice du RMI
aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, achoppe sur notre refus de nous
habituer à l'assistanat.
Très honnêtement, monsieur Fourcade, je m'étonne que vous, qui êtes un
partisan du libéralisme - je dis cela avec beaucoup de précaution - de
l'économie de marché, de moins d'intervention de l'Etat, de moins de
fonctionnaires et de moins de lourdeur, vous soyez favorable - car, peu ou
prou, c'est cela, même si, comptablement, vous avez raison - à ce type
d'assistanat.
La politique de la main tendue, de l'assistance, ne doit pas nous détourner de
notre priorité absolue : l'insertion par l'emploi.
Je prends le pari avec vous que la prochaine réunion de l'assemblée des
présidents de conseils généraux sera productrice. En particulier son président
et la majorité des présidents de conseils généraux sont d'accord avec le
dispositif proposé. Revoyons l'insertion, essayons de la mettre en marche de
manière plus efficace.
La croissance revenant - je suis très prudent - et la future loi de lutte
contre les exclusions, avec l'effort financier considérable qu'elle représente
pour notre nation, permettront de réduire le nombre de personnes dépendant du
RMI. Nous devons tous nous mobiliser pour sortir de ce dispositif.
Monsieur Fourcade, le taux de consommation des crédits d'insertion dans les
départements d'outre-mer - vous avez sans doute raison, sur les chiffres en
tout cas - peut être très sensiblement amélioré, je pense, par la création des
agences départementales d'insertion. En tout état de cause, c'est pour cela
qu'elles ont été créées.
Néanmoins, ce que vous dites des populations concernées est tout à fait juste.
Mais n'est-ce pas une raison supplémentaire pour accroître nos efforts, faire
preuve de davantage encore d'imagination, comme nous l'avons fait pour les
emplois-jeunes, au bénéfice de ces populations qui sont à la fois plus fragiles
et en position plus difficile pour accéder à l'emploi ?
Enfin, vous le savez, une partie de ces milliards - il n'y en a que deux, mais
cela justifie le pluriel - pourrait servir à régler d'autres dépenses, ce que
nous ne souhaitons pas.
Monsieur Fischer, proposer que le dispositif ne joue que pour un an seulement
est une façon d'avouer qu'il ne s'agit, en réalité, que de répondre à une
situation d'urgence et non pas de traiter le problème au fond.
Comme nous sommes déterminés, avec le projet de loi d'orientation de
prévention et de lutte contre les exclusions, à traiter au fond cette
nécessaire part d'assistance, il conviendrait, me semble-t-il, que vous
retiriez votre amendement.
En effet, je vous demande encore, comme je l'ai fait tout à l'heure, de
considérer que ce projet de loi d'orientation est non pas une promesse,
monsieur Fourcade, mais désormais une réalité, puisqu'il sera présenté au
conseil des ministres le 25 mars prochain. J'espère que, ensuite, son adoption
sera très rapide. Puis se réunira l'assemblée des présidents de conseils
généraux. Après, nous verrons !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique
. - Pendant une période de cinq ans à compter de
l'exercice 1998, les dépenses consacrées à la lutte contre la pauvreté et
l'exclusion et aux actions en faveur de l'insertion visées au douzième alinéa
de l'article 36 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au minimum
d'insertion peuvent être financées sur les crédits que les départements sont
tenus d'inscrire annuellement à leur budget en application de l'article 38 de
ladite loi dans la limite de 10 % de ces crédits. »
Par amendement n° 1 rectifié, M. Fischer et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent, dans le texte de cet article, de remplacer
les mots : « de cinq ans », par les mots : « d'un an ».
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Comme je l'ai annoncé lors de mon intervention dans la discussion générale,
notre groupe propose un amendement tendant à permettre aux conseils généraux
d'utiliser 10 % des crédits d'insertion pour la lutte contre la pauvreté et
l'exclusion uniquement pour l'exercice 1998.
Si nous avons déposé cet amendement, soyez certains que c'est après mûre
réflexion, confrontés et nourris par l'expérience que nous avons pu avoir,
notamment lors des contacts avec les conseils généraux, et conscients que cette
proposition répond aux attentes des élus.
Un problème se pose, il faut ouvrir le débat, et non pas se cacher la tête
sous l'oreiller en disant : « Attendons ! »
Si nous proposons de réduire de cinq ans à un an la durée d'application du
dispositif, c'est parce que nous savons que le Gouvernement prépare
actuellement le projet de loi d'orientation, de prévention et de lutte contre
les exclusions. Nous avons d'ailleurs participé à son élaboration par le biais
des propositions que nous avons faites.
Ce projet de loi, nous en avons maintenant la trame essentielle. Il vise à
prendre en compte les réalités, à tirer d'une manière indirecte le bilan du
revenu minimum d'insertion et à proposer des solutions pour résoudre les
difficultés qu'éprouvent les départements dans la mise en place des contrats
d'insertion.
La proposition de loi dont nous sommes saisis présente un intérêt certain.
Mais, avec une durée d'application de cinq ans, elle risque d'empiéter sur les
dispositions de la future loi de lutte contre les exclusions. C'est pourquoi
nous proposons qu'elle ne s'applique que dans l'attente de la loi d'orientation
de prévention et de lutte contre les exclusions.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier,
rapporteur.
La commission a émis un avis défavorable sur cet
amendement.
En effet, le projet de loi de lutte contre les exclusions doit être examiné en
conseil des ministres le 25 mars prochain. Selon les délais que l'on peut
estimer, il s'écoulera encore deux mois avant que l'Assemblée nationale n'en
commence l'examen. Par ailleurs, il se peut que le Sénat, lorsqu'il en sera
saisi, soit amené à modifier le dispositif proposé aujourd'hui. Rien n'est
certain à ce jour.
C'est pourquoi, reprenant l'argumentation développée par M. le président de la
commission, nous préférons nous en tenir aux conclusions de la commission des
affaires sociales.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
J'ai été sensible à l'exposé de M. Fischer et à celui
de Mme Derycke sur les difficultés réelles de mettre en place, au niveau local,
des dispositifs d'insertion.
Il m'apparaît néanmoins peu souhaitable, eu égard à l'importance du projet de
loi de lutte contre les exclusions et dans la perspective de la réunion de
l'assemblée des présidents de conseils généraux, d'ouvrir une brèche dans notre
détermination à réaliser le « I » du RMI.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié, repoussé par la commission et par
le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'article unique de la proposition de loi, je donne
la parole à M. Jourdain, pour explication de vote.
M. André Jourdain.
Tous les départements doivent respecter l'obligation légale d'inscrire dans
leur budget des crédits d'insertion à hauteur de 20 % des sommes versées
l'année précédente par l'Etat au titre du RMI.
Certains d'entre eux ne consomment pas en totalité ces crédits en raison de la
pénurie de projets, ou d'obstacles administratifs. Or, l'exclusion recouvre
aujourd'hui des situations très diverses, qui ne sont pas toujours liées à la
prestation du RMI, chacun ici en a bien conscience.
La règle de l'affectation stricte des crédits d'insertion paraît donc
anormale, d'autant plus que ces crédits non utilisés sont reportés d'année en
année.
Face à l'ampleur de l'exclusion, cela ne peut perdurer. Ne vaut-il pas mieux
prévenir celle-ci, comme l'indiquait M. Delaneau en citant un exemple précis
?
Grâce à cette proposition de loi, les reliquats, dans la limite de 10 % des
crédits obligatoirement inscrits, pourront désormais être utilisés par les
départements pour promouvoir des projets concernant d'autres formes
d'insertion. Il ne faut pas confondre insertion et RMI. Il faut « prévenir
l'exclusion », comme vous le souhaitez, monsieur le secrétaire d'Etat, et
éviter ainsi de futurs RMIstes.
Les auteurs de ce texte font donc confiance à l'imagination des collectivités
locales, plus proches des destinataires des aides, pour optimiser ces nouveaux
moyens de lutte contre toutes les formes d'exclusion.
Nous ne doutons pas que cette nouvelle faculté, qui sera ouverte pendant cinq
ans, sera utilisée à bon escient.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR du Sénat votera cette proposition de
loi.
(Applaudissements les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au
terme de ce débat, l'objectif que visait, à travers cette proposition de loi,
notre collègue M. Jean Delaneau, et qui était d'assouplir les conditions
d'utilisation des crédits départementaux d'insertion, est atteint.
Parallèlement, la vocation première de ces crédits est respectée.
L'accès à l'emploi devient de plus en plus difficile pour les personnes
défavorisées. L'aggravation du chômage de longue durée et l'augmentation du
nombre de bénéficiaires du RMI le démontrent quotidiennement. Si la création de
nouveaux emplois ne dépend pas des dispositifs d'insertion, ces derniers
donnent aux chômeurs en situation de grande précarité les moyens de trouver une
place dans la société.
Or, l'on constate que les dispositifs existants, que ce soit sur le plan
organisationnel ou sur celui de leur contenu, permettent difficilement de
remplir cette mission.
Néanmoins, l'urgence demeure. Dès lors, comment offrir à chaque chômeur en
situation d'exclusion la possibilité d'accéder à un parcours d'insertion ?
La présente proposition de loi, fidèle à l'esprit du projet de loi contre
l'exclusion préparé par le précédent gouvernement, permet l'emploi de crédits
non utilisés pour financer des actions dirigées non plus seulement vers les
bénéficiaires du RMI, mais plus largement vers les personnes en situation de
précarité.
L'objet de ce nouveau dispositif est de dépasser les approches traditionnelles
par catégories de populations pour prendre en compte l'ensemble des problèmes
d'insertion des personnes et des familles sur une base territoriale.
Le décloisonnement des différents dispositifs permet de mutualiser les efforts
des différentes institutions dans la lutte qu'elles mènent contre
l'exclusion.
Notre excellent rapporteur, M. Bernard Seillier, a cependant rappelé la
nécessité d'éviter deux écueils. Il s'agit, d'une part, du risque que le préfet
ait un droit de regard trop prépondérant sur les choix et les missions du
département en matière de lutte contre l'exclusion et, d'autre part, de
l'absence de limitation dans le redéploiement de ces crédits d'insertion,
d'autant que les départements interviennent d'ores et déjà, volontairement et
de manière significative, pour aider les personnes en grande difficulté.
Les amendements qu'il a proposés, au nom de la commission des affaires
sociales, ont permis de contourner ces obstacles grâce à la mise en place d'un
dispositif à caractère temporaire, qui permettra, sur cinq ans, aux
départements d'affecter à l'ensemble de la lutte contre l'exclusion 10 % au
plus du montant des crédits d'insertion.
Au lendemain de la présentation du futur projet de loi de lutte contre les
exclusions, cette proposition de loi apporte une utile contribution,
contrairement à ce que vous avez pu affirmer tout à l'heure, monsieur le
secrétaire d'Etat.
Nous vivons aujourd'hui une situation paradoxale. En effet, à l'heure où l'on
apprend que le nombre d'exclus a augmenté de 70 % en quinze ans et où un ménage
sur dix vit dans la précarité, le montant des transferts sociaux atteint 2 300
milliards de francs !
Les actions collectives d'insertion, pour être efficaces, doivent mobiliser
tous les partenaires et tous les moyens, où qu'ils se trouvent.
Les conclusions de la commission des affaires sociales répondent à cet
impératif.
Aussi le groupe des Républicains et Indépendants votera-t-il sans réserve ce
texte tel qu'il résulte des travaux de la Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Madelain.
M. Jean Madelain.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il
convient de saluer l'initiative de M. Delaneau et de ses collègues, qui élargit
et clarifie l'utilisation des crédits obligatoires d'insertion des
départements.
Ainsi que l'a souligné, avant M. Delaneau, notre rapporteur, M. Bernard
Seillier, il n'est pas sain que certains départements reportent d'année en
année des crédits dont l'utilisation est délicate, dans le cadre limité de la
législation actuelle, et pour des raisons pratiques indépendantes de la volonté
des conseils généraux concernés.
C'est pourquoi nous nous félicitons des conclusions du rapport de la
commission des affaires sociales.
Le groupe de l'Union centriste votera donc cette proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique.
M. Guy Fischer.
Le groupe communiste s'abstient.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures,
sous la présidence de M. René Monory.)
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président. La séance est reprise.
4
DÉMISSION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION ET CANDIDATURE
M. le président.
J'ai reçu avis de la démission de M. Jean Clouet comme membre de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
J'invite en conséquence le groupe intéressé à faire connaître à la présidence
le nom du candidat proposé en remplacement de M. Jean Clouet.
J'informe le Sénat que le groupe des Républicains et Indépendants a fait
connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation en remplacement de M. Bernard Barbier, décédé.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à
l'article 8 du règlement.
5
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président.
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je n'ai pas besoin, mes chers collègues, de vous rappeler la règle que nous
nous sommes fixée, car vous la connaissez par coeur. Vous l'avez d'ailleurs
bien respectée la semaine dernière.
DÉFENSE DE L'AGRICULTURE FRANÇAISE
M. le président.
La parole est à M. Garcia.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Aubert Garcia.
Monsieur le ministre, depuis le début de la semaine se déroule à Paris
l'événement annuel qui amène non pas, comme le préconisait Alphonse Allais, les
villes à la campagne, mais nos campagnes à la ville : le salon de
l'agriculture.
(Exclamations sur de nombreuses travées.)
M. Alain Gournac.
Très important !
M. Aubert Garcia.
A cette occasion unique, chaque année, les journaux et les écrans de
télévision se remplissent d'images de veaux, vaches, cochons, couvées... les
horizons de la porte de Versailles s'élargissent jusqu'aux plus lointaines de
nos campagnes, les allées retentissent des accents rocailleux des hommes et des
femmes de nos terroirs, fiers de leur travail, fiers de le montrer...
Fiers, sans doute, mais inquiets, comme chaque fois que se prépare à Bruxelles
une négociation qui les concerne, comme chaque fois que l'Organisation mondiale
du commerce, l'OMC, revient à la charge au nom d'une logique que leurs gènes de
paysans, non clonés, ne peuvent pas admettre et dont ils considèrent qu'elle ne
peut être, pour eux et pour leur avenir, qu'une nouvelle menace.
Il faut bien admettre d'ailleurs que la lecture du contenu du « paquet Santer
» n'est pas faite pour illuminer les lendemains pour certaines catégories
d'entre eux ; je pense en particulier aux éleveurs, mais d'autres secteurs
pourraient être évoqués avec leurs différences, des plaines du Nord aux
collines gersoises, des monts de l'Auvergne aux montagnes de l'Ariège et des
Hautes-Pyrénées.
M. Emmanuel Hamel.
La Commission ne peut que décevoir, et partout !
M. Aubert Garcia.
Il est donc très important pour eux et pour nous, parlementaires qui
représentons ces régions, profitant de cette actualité qui invite à la
communication, de vous demander avec quelles options et quelle détermination va
être menée par leurs représentants - et c'est sur vous, monsieur le ministre,
que leurs regards se fixent - la défense de l'agriculture européenne et,
surtout, celle des spécificités des agricultures françaises, que, compte tenu
de vos origines, vous connaissez bien.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le sénateur, je le
dirai d'emblée, mon ambition est très claire : il s'agit de définir une
politique agricole à la hauteur de la richesse et de la diversité de notre
agriculture, telles qu'elles s'expriment avec brio au salon de l'agriculture,
auquel vous avez fait allusion.
M. Jean Chérioux.
Ici, c'est au Sénat !
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Ce sera d'ailleurs l'objet du
projet de loi d'orientation que je soumettrai au Parlement au printemps.
Mais cette volonté s'étend à la politique agricole commune, qui est
confrontée, nous le savons, à des choix fondamentaux, dans la perspective non
seulement de l'élargissement de l'Union européenne, mais aussi de la
préparation des grandes conférences et négociations multilatérales à venir en
l'an 2000.
Monsieur le sénateur, la réponse à votre question peut difficilement être
précise dans la mesure où, s'agissant du « paquet Santer », nous ne sommes
face, au jour où je parle, qu'à des rumeurs, des informations officieuses, et
non à des règlements d'application. Mais, au fil des jours, ces rumeurs, ces
informations officieuses alimentent chez le ministre les appréhensions que vous
avez pu légitimement exprimer et qu'au demeurant nos producteurs expriment
fortement.
Il est un point sur lequel je peux vous rassurer : ma détermination à défendre
les intérêts de notre agriculture sera sans faille.
Lors du Conseil agricole de novembre, une très vigoureuse discussion a eu
lieu. J'avais l'ambition de faire que le Conseil des Quinze se positionne très
clairement sur le paquet Santer et exprime sans détour son appréciation
politique afin que les chefs d'Etat et de gouvernement, qui devaient se réunir
en décembre, soient pleinement informés. Je crois que nous avons été entendus
puisque le Conseil des Quinze a affirmé sa volonté de défendre la diversité,
l'identité de chaque agriculture, et de voir la politique agricole dotée des
moyens financiers nécessaires.
Il n'y aura, dans les négociations à venir, qu'une seule voix de la France.
C'est le souhait du Premier ministre ; c'est aussi le souhait du chef de
l'Etat. Cette voix s'exprimera le 31 mars, en Conseil agricole, et nous aurons
alors, à ce moment-là, connaissance officiellement des règlements
d'application.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
DÉTECTION DES INCENDIES
M. le président.
La parole est à M. Dulait.
M. André Dulait.
Monsieur le ministre, ma question porte sur un élément d'actualité tout à fait
particulier.
En effet, il n'est pas de semaine où les médias ne se fassent l'écho
d'accidents dus à des incendies, avec des morts, notamment parmi les
populations les plus faibles, à savoir les personnes âgées, les enfants et les
personnes handicapées.
Il semble que notre pays, en matière de détection d'incendies et de fumées,
ait accumulé un certain retard par rapport aux pays européens, en particulier
pour la mise en place de détecteurs normalisés de fumée.
Monsieur le ministre, après l'expérience que nous avons menée dans mon
département, à savoir la mise en place, d'un millier de ces détecteurs, en
particulier avec les constructeurs de logements locatifs que sont les sociétés
d'habitations à loyer modéré ou les offices publics d'aménagement et de
construction, d'un millier de ces détecteurs, une campagne de ce type
pourrait-elle être généralisée à l'ensemble du pays ?
Pourriez-vous ensuite nous dresser le bilan, tant en morts qu'en blessés, de
ces incendies et nous indiquer le coût de l'ensemble de ces sinistres pour la
nation ?
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le sénateur, je vous
prie d'excuser l'absence de M. Chevènement, qui est au Maroc. J'aurai donc à
répondre en lieu et place de M. le ministre de l'intérieur à trois
questions.
En qualité de président du centre européen de la prévention des risques, vous
avez mis en avant l'action pilote conduite dans les Deux-Sèvres pour équiper de
manière volontaire mille foyers de détecteurs-avertisseurs de fumée.
Le ministère de l'intérieur soutient financièrement cette action. Une
expérimentation similaire est actuellement menée dans le département
d'Ille-et-Vilaine.
Les objectifs de telles initiatives sont clairs : il s'agit de tester, avant
leur généralisation, la fiabilité de tels dispositifs et le comportement des
utilisateurs.
Les enjeux touchent à la protection des populations contre l'incendie des
habitations.
Les statistiques montrent en effet que 80 % des décès du fait d'incendies sont
recensés dans les bâtiments d'habitation, que 50 % des incendies concernent
l'habitat individuel, que 75 % des victimes sont localisées dans la cellule
même de l'habitation et que 68 % des incendies ont lieu la nuit.
La réglementation relative aux bâtiments d'habitation relève de la
responsabilité du ministère chargé de l'équipement. Toutefois, le ministère de
l'intérieur considère que la mise en place de détecteurs-avertisseurs de fumée
individuels dans les logements domestiques pourrait grandement contribuer à
réduire le nombre de victimes.
Pour autant, les produits actuellement disponibles ne font l'objet d'aucune
certification de nature à en garantir la fiabilité. Une telle procédure de
certification apparaît comme un préalable indispensable.
Initiée par le ministère de l'intérieur, validée par les constructeurs
concernés et le comité national du matériel d'incendie et de sécurité, cette
procédure permettra de certifier des détecteurs dans le cadre du label « NF »
avant la fin de l'année 1998.
Une campagne nationale visant à un emploi généralisé de ces matériels apparaît
prématurée tant que les résultats des expérimentations en cours n'auront pas
été évalués, notamment sur le plan du comportement des utilisateurs.
A l'issue de cette évaluation, une campagne incitative auprès du public pourra
être menée, en proposant des produits fiables et d'un coût abordable, et en
fixant des règles claires de conduite à tenir dans tous les cas de
déclenchement.
Ces deux conditions apparaissent indispensables pour soutenir une démarche
volontaire et responsable de nos compatriotes, tout en les incitant à maintenir
leur nécessaire vigilance.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
FONCTION PUBLIQUE
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
ma question s'adresse à M. le ministre de la fonction publique.
Monsieur le ministre, selon certaines informations, vous disposeriez d'un
rapport sur le temps de travail dans la fonction publique.
Ma question est simple et comporte trois volets.
Ce rapport existe-t-il ? Si oui, quelles en sont les grandes lignes ? Comment
va s'opérer l'aménagement du temps de travail dans la fonction publique ?
Si son existence est réelle, ce rapport, monsieur le ministre, ne devrait-il
pas, d'abord, être l'occasion de faire le point sur la réalité de la fonction
publique dans notre pays ? Le poids de cette dernière est en effet en France
bien plus important que dans tous les autres pays modernes. Je le dis avec
gravité à un moment où deux jeunes sur trois veulent y faire carrière. Comment
gérer une telle situation ?
Vous le savez mieux que quiconque, le secteur public n'a de réalité que celle
que lui donne le contribuable, qu'il soit personne physique ou personne morale.
Loin de moi l'idée de vouloir opposer secteur public et secteur privé. Cela
serait aussi stupide que d'opposer, en matière d'aménagement du territoire, la
ville à la campagne ou, en matière de formation, l'intelligence abstraite à
celle de la main.
Ensuite, monsieur le ministre, ce rapport ne devrait-il pas être l'occasion de
réconcilier nos concitoyens avec leur administration au sens le plus large et
de permettre à celle-ci d'assumer son rôle de conseil, de service, et non pas
seulement son rôle répressif ?
Nos concitoyens ne comprennent pas qu'on applique les mises aux normes
d'hygiène avec la même brutalité à un petit restaurateur qu'à une grande
entreprise alimentaire. Ils ne comprennent plus qu'un dirigeant de PME-PMI
puisse passer quarante jours par an à décrypter des formulaires d'embauche, de
législation du travail et autres formalités administratives, juridiques et
fiscales. Ils n'acceptent plus de devoir s'absenter de leur travail pour faire
établir leur carte grise ou leur passeport.
Ces services, à l'instar de ceux que fournissent les mairies de Haute-Savoie,
mais aussi d'autres départements, ne pourraient-ils pas être disponibles en
dehors des horaires de travail ?
Ces mesures simples, à l'heure où le Gouvernement décrète l'emploi,
permettraient à notre administration de faire respecter les lois et les règles
de la République, mais lui permettraient surtout d'assumer d'autant mieux sa
mission première, celle d'être au service de l'administré.
(Très bien et
applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Monsieur le sénateur, vous avez posé beaucoup de
questions en une seule, permettez-moi de vous le faire observer !
S'agissant du temps de travail, il n'y a pas encore de rapport. J'ai
simplement demandé à M. Jacques Roché de faire un état des lieux du temps de
travail dans la fonction publique.
Si la presse a pu faire état d'un mystérieux rapport, il s'agissait uniquement
des éléments communiqués à M. Roché, à l'aube de sa mission, qui va s'étendre
sur l'année 1998, éléments fragmentaires dont l'administration disposait déjà
par ministère.
A cette occasion, on a affirmé que 70 % des fonctionnaires d'Etat ne
travaillaient pas 39 heures par semaine. Pour ma part, je n'ai jamais dit que
70 % des fonctionnaires travaillaient moins que la norme ! J'ai fait simplement
observer que, pour eux, le temps ne se mesurait pas avec la même unité.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Quand on dit qu'un professeur ne travaille pas 39 heures par semaine, on ne
veut pas dire par là qu'il travaille moins que les autres ! On entend
simplement que son temps de travail est mesuré avec une unité différente. Cela
me paraît être une notion assez accessible !
Cela dit, nous sommes bien d'accord. La réforme de l'Etat, qui est notre
grande ambition et dont nous nous faisons une grande obligation, le
Gouvernement entend s'y employer rapidement et dans la durée.
Son objectif est non pas de faire un Etat plus modeste, comme cela a été dit
en d'autres temps, mais un Etat plus moderne et plus proche des citoyens.
Tout un ensemble de mesures va en découler. Vous avez évoqué, bien sûr, les
nécessités de rapprocher les services administratifs des citoyens. Cela
s'inscrit dans le mouvement que nous voulons engager des maisons de services
publics, dans lesquelles les usagers pourront résoudre un grand nombre de
problèmes sans être renvoyés d'un lieu à un autre.
C'est l'introduction, dans la pratique de l'administration, des moyens
modernes de gestion. Je pense, notamment, à Internet et à la possibilité donnée
aux usagers d'avoir accès à cette information administrative, voire, dans un
second temps, de remplir des formulaires à distance.
C'est également le projet de loi qui sera déposé au printemps prochain sur le
bureau du Parlement et qui est relatif aux droits des citoyens dans leurs
relations avec l'administration.
Ce texte reprendra une partie des mesures envisagées par le précédent
gouvernement, mais en les enrichissant et en les rendant plus ambitieuses.
Il s'agit des droits des citoyens : le droit de recevoir une réponse dans un
délai inférieur à deux mois ; le droit de ne pas recevoir de réponse anonyme ;
le droit d'être entendu avant une décision défavorable ; le droit que le cachet
de La Poste fasse foi dans toutes les relations avec l'administration ; l'accès
aux différents documents administratifs, dans le respect des droits de la
personne, qu'il s'agisse d'archives ou de documents « vivants », des supports
papier ou informatiques ; la possibilité, donnée à chacun...
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Emile Zuccarelli,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Je conclus, monsieur le président !
... la possibilité, dis-je, qui sera effective dans tous les guichets d'Etat
avant un an, d'effectuer tous ses paiements par carte bancaire.
Voilà un ensemble de mesures - je n'ai pu être exhaustif, vous voudrez bien
m'en excuser - qui montrent bien notre détermination à faire progresser
l'administration, avec la participation effective des fonctionnaires, pour la
rendre plus proche des citoyens et plus conforme aux principes républicains.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
INFORMATISATION DU SECTEUR DE LA SANTÉ
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, que
je remercie d'être à nouveau présente dans notre assemblée.
L'informatisation du secteur de la santé engagée par les gouvernements
successifs est une nécessité, et je souscris pleinement aux objectifs affichés,
car il s'agit de moderniser un secteur essentiel, dont l'importance économique
et sociale est bien connue. Le thème est d'ailleurs d'actualité puisque, si mes
sources sont exactes, une importante convention est en cours de signature.
Permettez-moi à ce sujet de présenter deux remarques.
Premièrement, la formation et l'information nécessaires du corps médical
sont-elles suffisamment larges et précises ? Les médecins, en particulier les
médecins de ville, comprennent-ils ce qui leur sera demandé ? Savent-ils
comment s'équiper en matériel et en logiciels ? Ne conviendrait-il pas, compte
tenu de l'insuffisance de cette formation et de cette information, de retarder
jusqu'au 30 juin la date limite de dépôt des demandes d'aide à
l'informatisation ?
Deuxièmement, vous avez décidé de développer l'utilisation des cartes SESAME
VITALE 1 dans une partie du territoire d'abord puis sur l'ensemble du
territoire. Ne serait-il pas souhaitable en même temps d'expérimenter le
système SESAME VITALE 2, dont le contenu médical, simple mais évolutif,
intéresserait probablement beaucoup plus l'ensemble du corps médical ? Je
crains en effet que le système SESAME VITALE 1, qui contient essentiellement
des renseignements d'ordre administratif, certes utiles pour les caisses
primaires d'assurance maladie, soit ressenti comme moins positif par le corps
médical.
Je ne voudrais pas que, compte tenu de la modification des habitudes
qu'implique l'informatisation, le corps médical se sente un peu frustré. En
effet, ce qui l'intéresse vraiment, c'est le contenu médical. Or ce contenu me
semble trop complexe pour être prédéfini par une structure administrative,
aussi compétente soit-elle, sans expérimentation préalable.
M. le président.
Veuillez poser votre question, monsieur Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Le département des Alpes-Maritimes souhaiterait, compte tenu de son dynamisme
et de ses réalisations en matière d'informatique et de télécommunications,
conduire une telle expérimentation, en accord avec la caisse primaire
d'assurance maladie, les médecins hospitaliers et les médecins libéraux.
Accepteriez-vous que nous pratiquions un tel test, madame le ministre ?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur, votre
question me permet de faire le point sur l'informatisation du système de
santé.
J'ai eu à m'en occuper dès mon arrivée au ministère et j'ai eu alors le
sentiment, sentiment que vous semblez partager, que ce dossier avait été pris à
l'envers et qu'il accusait beaucoup de retard.
En effet, on a expliqué aux médecins qu'ils devaient s'informatiser pour
transmettre, par le système SESAME VITALE 1, leurs ordonnances à la Caisse
nationale de l'assurance maladie, laquelle pourrait ainsi contrôler les
prescriptions et les honoraires. Les médecins ont donc considéré
l'informatisation d'abord comme un outil de coercition et de contrôle, alors
qu'elle doit être beaucoup plus.
Elle doit d'abord - c'est l'objet de la carte SESAME VITALE 2 - offrir la
possibilité de suivre le malade. En effet, cette carte permettra, en toute
sécurité, de conserver la mention des examens de santé et des bilans
préalables, donc d'éviter les doubles examens, mais aussi de mieux comprendre
le passé médical du malade.
Elle donnera également la possibilité - c'est tout l'enjeu du réseau de santé
sociale que nous mettons en place - de transmettre aux médecins des éléments
d'aide au diagnostic, d'aide aux protocoles, pour les rendre à la fois moins
coûteux et plus efficaces, mais aussi elle facilitera la détection des
épidémies, pour y porter remède au plus vite. Voilà l'enjeu de
l'informatisation.
Quand nous sommes arrivés au Gouvernement, nous avons trouvé un corps médical
complètement bloqué contre l'informatisation, ce qui fait que l'aide décidée
par la CNAM de 9 000 francs par médecin, qui devait être versée avant le 31
décembre, n'avait donné lieu qu'à très peu de demandes de la part des médecins,
tant ils redoutaient cet outil de coercition.
Nous avons d'ores et déjà repoussé le délai à mars 1998. En outre, avec
Bernard Kouchner, nous avons décidé de charger une personnalité, M. Joël
Renaudin, de s'occuper de l'ensemble du dossier d'informatisation dans ses
volets médical, hospitalier et de liaison avec la caisse nationale de
l'assurance maladie.
Parallèlement, j'ai mis en place un groupe de médecins destiné à faire
comprendre à l'ensemble du corps médical que le partage de l'information doit
avant tout aider à l'amélioration de la politique de santé, que la maîtrise des
dépenses de santé n'est qu'un aspect second du problème et que, d'ailleurs,
elle sera favorisée plus par l'absence de doublon en termes d'examen ou par
l'établissement de protocoles plus fins et meilleurs pour les malades que par
l'utilisation d'un outil de coercition technocratique et centralisé, comme cela
avait été prévu.
(Protestations sur les travées du RPR.)
Si, il a été conçu comme cela, et il y a des centaines de milliers de médecins
dans ce pays...
M. Charles Descours.
Vous ne les avez pas encore convaincus !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... qui ne se sont pas
informatisés parce qu'ils ont eu peur des contrôles,...
M. Charles Descours.
Ils ont toujours peur !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... alors que l'informatisation
est un outil formidable d'amélioration du système de santé !
A force de vouloir faire peur, au lieu d'inciter l'ensemble des professionnels
de santé à participer à l'amélioration de ce système, on en arrive à des
blocages qui sont dignes du xixe siècle !
M. Charles Descours.
Tout à fait !
M. le président.
Veuillez conclure, madame le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les choses évoluent, et je m'en
réjouis : ainsi, SESAME VITALE 1 sera, comme prévu, expérimenté en Bretagne dès
le mois d'avril, mais je suis d'accord avec vous pour estimer que c'est SESAME
VITALE 2, déjà expérimenté à Nantes, qui constitue l'élément essentiel du
dispositif, grâce aux informations que nous pourrons soumettre aux médecins et
à la participation de ceux-ci aux programmes de santé, à la connaissance des
épidémies, par le biais du réseau « Santé sociale ». Nous négocions
actuellement un contrat avec un organisme qui mettra en place ce grand
réseau.
J'espère que les médecins comprendront l'enjeu de l'informatisation et qu'ils
s'équiperont dans un bref délai. Pour cela, il faut que la CNAM fixe très
rapidement les normes, afin que nous rattrapions notre retard et que nous
disposions d'un outil essentiel à la politique générale de santé.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
EMPLOI DES JEUNES
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
ma question s'adressait à M. le Premier ministre.
Le Gouvernement affirme que la priorité doit être donnée à l'emploi des
jeunes. Comme chacun sait, nous soutenons toutes les mesures qui vont dans ce
sens.
En effet, le quart de la population active, parmi les jeunes âgés de seize à
vingt-cinq ans, est sans emploi, et 120 000 jeunes sont au chômage depuis plus
d'un an. Par ailleurs, 18% des jeunes âgés de vingt à vingt-neuf ans vivent en
dessous du seuil de pauvreté, et ceux qui travaillent occupent plus souvent que
la moyenne des emplois à durée limitée, puisqu'un emploi à durée limitée sur
cinq est occupé par une personne âgée de moins de trente ans.
Enfin, 45 % des jeunes âgés de dix-huit à vingt-huit ans vivent chez leurs
parents, et seulement 11 % d'entre eux ont choisi cette solution.
Dans son rapport, légitimement salué par tous, Mme Join-Lambert a mis en
évidence la dégradation accélérée de la situation des jeunes par rapport à
l'emploi depuis le début des années quatre-vingt-dix.
Les propositions présentées hier par Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité, permettront sans doute, sur trois ans, de renforcer les dispositifs
d'insertion, ce qui est positif.
Mais les urgences sont immenses, et on ne peut laisser la situation se
dégrader. La société doit prendre un engagement fort à l'égard des jeunes pour
leur proposer un emploi ou une formation.
Nous ne pensons pas qu'il faille accorder aux jeunes un revenu d'assistance en
les confirmant dans leur situation ; il faut au contraire leur donner les
moyens de s'en sortir, les moyens d'entrer dans la vie active, à laquelle ils
aspirent.
Pour cela, ne serait-il pas possible de mettre en place en faveur des jeunes
de dix-huit à vingt-cinq ans une allocation liée à une formation et à des
mesures d'insertion, ce qui répondrait à l'une des préoccupations de Mme
Join-Lambert de prendre en compte les ruptures qui interviennent dans le
processus d'insertion de la vie active ?
M. Seillière, président du CNPF, a demandé de rencontrer M. le Premier
ministre afin de lui soumettre des propositions tendant notamment à offrir un
emploi aux chômeurs et aux jeunes. L'objectif est louable tant la
responsabilité des entreprises dans le chômage des jeunes est grande. C'est la
raison pour laquelle M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, vient de
proposer un moratoire sur tous les plans de licenciements actuels.
Dans le même ordre d'idées, n'y a-t-il pas à rechercher, dans le cadre de
l'assurance chômage, des pistes de financement afin de faire contribuer les
employeurs au paiement d'une allocation de recherche de premier emploi ?
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Madame le sénateur, vous venez
de poser la question de savoir s'il ne serait pas temps, dans notre pays, de
créer une allocation d'aide aux jeunes de moins de vingt-cinq ans qui éprouvent
des difficultés à vivre, tout simplement. Vous avez dit - comme Mme
Join-Lambert, et je partage ce point de vue - qu'il n'est pas souhaitable
d'instituer un RMI pour les jeunes ni un dispositif d'assistance en leur
faveur.
La réponse que le Gouvernement apporte sur ce problème est triple.
Premièrement, j'ai écrit hier à la présidente de l'UNEDIC, Mme Notat, qu'il
est souhaitable que les partenaires sociaux réfléchissent à l'indemnisation du
chômage alors que de nombreux jeunes entrent sur le marché du travail par une
succession de contrats précaires qui ne leur donnent pas droit à
l'indemnisation du chômage et alors même qu'on ne leur offre pas la possibilité
de bénéficier d'un contrat à durée indéterminée.
La diminution du nombre d'heures travaillées a entraîné le rejet de nombreux
jeunes qui, auparavant, avaient droit à une indemnité de chômage.
Deuxièmement, le Gouvernement a souhaité que tous les jeunes qui sont loin de
l'emploi, loin d'une qualification directe, soient suivis pendant dix-huit
mois, que leur soit proposé un parcours individualisé allant de certaines
mesures d'insertion jusqu'à la qualification et à l'emploi, période pendant
laquelle ils pourraient être rémunérés par le biais d'une procédure
d'insertion, d'un stage de préqualification, d'un stage d'obtention des acquis
de base ou d'un CES - pourquoi pas ? - voire d'une opération de qualification
in fine.
En outre, le fonds d'action « jeunes », qui passe de 25 millions de francs
à 200 millions de francs, permettra d'aider les jeunes en grande difficulté qui
ont besoin d'être soutenus entre les diverses solutions qui leur sont
proposées.
Enfin, troisièmement, nous souhaitons que 40 000 contrats supplémentaires de
qualification et 20 000 contrats d'orientation soient proposés aux jeunes dans
les trois ans qui viennent, notamment à ceux qui sont en difficulté, afin que
chacun puisse trouver sa voie en étant rémunéré pendant cette période.
Je crois vous avoir apporté, madame le sénateur, la meilleure réponse
possible : nous entendons dispenser un financement lié à l'insertion et à la
formation et non un financement d'assistance, que vous-même rejetez.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
POLITIQUE DE L'IMMIGRATION
M. le président.
La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut.
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues,
ma question s'adressait à M. le ministre de l'intérieur.
La politique du Gouvernement en matière d'immigration nous préoccupe au plus
haut point.
L'Assemblée nationale vient, en effet, en nouvelle lecture, d'adopter le
projet de loi relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France et n'a -
hélas ! - retenu aucune des propositions du Sénat.
M. Alain Gournac.
Hélas !
M. Alain Dufaut.
Par ce texte, le Gouvernement accorde de manière automatique des droits aux
étrangers, adopte une conception extensive du regroupement familial, bref,
incite en fait les ressortissants des pays les plus démunis à une immigration
massive en France.
Par ce texte, il rend, en outre, encore plus aléatoire l'intégration des
étrangers à la communauté française, et nous le déplorons.
Mais cela ne semble pas lui suffire.
Le Gouvernement a décidé, dès sa constitution, une nouvelle régularisation
massive des sans-papiers. Cela a entraîné 179 118 demandes de régularisation.
C'est le chiffre officiel annoncé, à la date du 31 janvier 1998, par le
ministère de l'intérieur.
Or 25 000 demandes de régularisation ont déjà été rejetées et, sur ce nombre,
seulement 32 étrangers déboutés de leur demande de régularisation ont
effectivement quitté le territoire national en application d'une procédure
d'aide au retour.
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Alain Dufaut.
Ce chiffre a été communiqué le 26 février dernier à la commission d'enquête
sénatoriale par le directeur de l'OMI, l'office des migrations internationales,
M. André Nutte. Il n'est donc sujet à aucune polémique, à aucune
contestation.
On me permettra de m'étonner de la faiblesse de ce nombre.
Ma question est donc simple. Le 22 février, à l'Assemblée nationale, M.
Chevènement répondait sur ce sujet à Jacques Kossowski : « L'ensemble des
dossiers aura été "éclusé"... le 30 avril 1998. » Comment va-t-on,
d'ici à la fin avril, c'est-à-dire dans un peu moins de deux mois, éloigner du
territoire national, selon la procédure précitée, les 24 968 étrangers déboutés
de leur demande ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le sénateur, les
étrangers qui ne sont pas régularisés sont invités à quitter la France et se
voient proposer l'aide à la réinsertion, qui, aux termes de la circulaire
interministérielle du 19 janvier 1998, comprend les prestations suivantes : un
ou plusieurs entretiens à l'OMI ; une allocation de 4 500 francs par adulte et
900 francs par enfant ; la prise en charge des bagages ; la prise en charge des
frais de voyage ; une assistance administrative pour les démarches à accomplir
; une aide aux personnes dans le pays de retour, pour la réinstallation ; une
aide d'urgence et un suivi social ; éventuellement, un soutien aux
micro-projets économiques.
Parmi les personnes concernées, celles qui acceptent d'entrer dans ce
dispositif disposent d'un délai de trois mois à compter de la notification du
refus ou de la publication de la circulaire précitée pour retourner dans leur
pays d'origine.
Celles qui n'opteront pas pour cette aide à la réinsertion feront l'objet d'un
arrêté préfectoral de reconduite à la frontière. Dès lors qu'ils feront l'objet
d'un contrôle, les intéressés pourront être placés en rétention administrative
et reconduits effectivement dans leur pays.
Cependant, il est évident que ces opérations de reconduite ne pourront qu'être
progressives. En effet, quelque 150 000 demandeurs étaient présents sur notre
territoire depuis plusieurs années, monsieur le sénateur, sans avoir fait
l'objet d'une reconduite effective, alors même que les ministres de l'intérieur
successifs multipliaient les déclarations, voire les gesticulations
(Applaudissements sur les travées socialistes)
, sans parvenir à
reconduire effectivement plus de 12 500 personnes par an.
Le Gouvernement s'est attelé à réunir les conditions d'une meilleure
application de la loi, c'est-à-dire plus efficace et plus humaine.
Le texte voté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale, dit « loi RESEDA
», et qui fera l'objet d'une nouvelle lecture au Sénat début avril, augmentera
la durée de la rétention administrative...
M. Jean Chérioux.
De deux jours !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Certes ; mais, avec vous,
c'était dix jours !
M. Jean Chérioux.
Ce n'était pas moi !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Si vous n'êtes pas solidaire du
gouvernement précédent, c'est votre problème, monsieur Chérioux !
La loi RESEDA, disais-je, augmentera la durée de la rétention administrative
tout en garantissant un meilleur respect des droits des retenus.
Elle assure, par ailleurs, les conditions d'une reconduite effective des
étrangers condamnés. Le ministre de l'intérieur vient de se voir remettre un
rapport de l'inspection générale de l'administration sur les centres de
rétention administrative et prendra prochainement des mesures destinées à
rendre ce dispositif plus efficace.
Enfin, comme vous le savez, le Premier ministre a affirmé, à Bamako, son refus
des opérations humiliantes de reconduite groupée du type « charter », sous
l'oeil des caméras de télévision.
Cette position, appréciée en Afrique, devrait faciliter la délivrance de
laissez-passer par les autorités des pays concernés et, donc, rendre la
reconduite plus effective.
Je vous donne une garantie : ce gouvernement sera, en cette matière, à la fois
plus efficace, plus ferme et plus humain que le gouvernement précédent.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du groupe communiste républicain et citoyen.)
MAINTIEN D'UN PARC LOCATIF INTERMÉDIAIRE À PARIS
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Ma question s'adresse à M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.
Le 15 mars est une échéance que nombre de locataires redoutent. Ce jour-là, en
effet, les procédures d'expulsion pourront reprendre.
Je voudrais à nouveau, monsieur le secrétaire d'Etat, attirer votre attention
sur le problème des « congés-ventes ». Vous le savez, depuis deux ans environ,
des propriétaires institutionnels comme les banques, les compagnies d'assurance
ou encore les sociétés d'investissement immobilier, telle la SEFIMEG, mettent
en vente, par immeubles entiers, les logements dont ils sont propriétaires.
Ce problème concerne, à Paris, au moins 10 000 logements ; mais ce n'est
malheureusement pas une exclusivité parisienne : plusieurs milliers de foyers
sont également touchés en banlieue parisienne et dans les grandes métropoles
régionales.
Les locataires n'ont d'autre choix que de partir ou d'acheter leur
appartement, ce qui est généralement très au-dessus de leurs moyens ; je pense
en particulier aux personnes âgées qui ne peuvent obtenir de prêts
immobiliers.
Il faut savoir que la plupart de ces logements ont été construits, voilà vingt
ou trente ans, grâce à différentes aides publiques ou au 1 % logement. En
contrepartie, leurs loyers étaient et sont encore inférieurs au prix du marché.
Ces logements sont ainsi devenus, en quelque sorte, des logements sociaux de
fait. Il est donc exclu que ces milliers de locataires trouvent à se reloger
ailleurs dans les mêmes conditions. C'est, en conséquence, un nouvel exode des
ménages à revenus modestes et moyens, comme Paris en a déjà trop souffert, qui
risque d'avoir lieu.
Or Paris manque de logements sociaux. Il s'en construit seulement 2 000 par
an, alors que quelque 60 000 demandes sont en attente.
Monsieur le secrétaire d'Etat, alerté par les associations, dont je tiens à
souligner ici le remarquable travail, vous avez confié une mission à un haut
fonctionnaire, M. Marc Prévost, pour trouver des solutions au problème des
congés-ventes. Ses travaux n'ont pas encore abouti et la date du 15 mars
approche.
Ma question est double, monsieur le secrétaire d'Etat.
Envisagez-vous, à court terme, un moratoire sur les procédures en cours pour
éviter les expulsions à partir du 15 mars ?
D'autre part, sur le fond du problème, quelles mesures comptez-vous prendre
pour maintenir ce parc locatif intermédiaire, garant de la mixité sociale dont
Paris a absolument besoin ? Envisagez-vous, par exemple, d'inciter des
bailleurs sociaux comme les organismes d'HLM à reprendre ces immeubles ?
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
Madame le sénateur, je n'ai pas oublié que
vous m'aviez déjà fait part des préoccupations que vous venez d'exprimer et
dont plusieurs élus de la capitale ont également eu l'occasion de faire
état.
Comme vous l'avez souligné, il s'agit d'un patrimoine immobilier dont l'âge a
dépassé la durée de validité des conventions signées entre l'Etat et les
investisseurs au moment où les constructions sont intervenues, c'est-à-dire,
généralement, dans les années soixante.
Ainsi que vous l'avez également rappelé, un haut fonctionnaire, M. Marc
Prévot, en accord avec M. Jean-Claude Gayssot, a été chargé de rencontrer les
associations de locataires, les propriétaires et les élus sensibilisés par ce
dossier, notamment pour prendre la mesure du problème social qu'il pose. M.
Prévot a eu l'occasion de démontrer sa très grande compétence, notamment
lorsqu'il a été placé à la tête de la mission interministérielle d'inspection
du logement social.
M. Prévot doit rendre compte de ce travail le 10 mars prochain. Mes
collaborateurs examineront alors avec lui les diverses solutions possibles.
Parmi celles-ci, figure celle, que vous suggérez, de l'acquisition de certains
logements par des bailleurs sociaux.
Nous devons traiter ce dossier en prenant en compte le problème des locataires
concernés qui n'ont pas les moyens d'acquérir un logement ni même de payer un
loyer plus élevé, et aussi dans le respect des engagements qui avaient été pris
par l'Etat et par les propriétaires au moment de la signature des conventions.
Il s'agit de savoir si l'on peut trouver une légitimité à une certaine forme de
droit de suite.
En ce qui concerne la fin de la trêve hivernale, dès le 15 octobre, M.
Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, et moi-même avions adressé à
Mmes et MM. les préfets une circulaire les informant de l'esprit dans lequel,
avec Mme Martine Aubry, nous travaillions à l'époque à la préparation de ce qui
est devenu le plan d'action pour la prévention et la lutte contre les
exclusions. Il s'agissait, en matière d'expulsion, de changer de logique en
prévoyant la possibilité d'une saisine dès l'assignation en justice, de manière
qu'un examen social de chaque situation soit possible et que les autorités ne
soient pas informées d'un litige seulement au moment où leur est demandé le
recours à la force publique. Nous demandions, dans cette perspective, aux
préfets de surseoir le plus possible à des mesures d'autorité et de faire
prévaloir la prévention.
Nous devons rencontrer Mmes et MM. les préfets le 9 mars prochain. Nous leur
rappellerons alors que ce qui était à l'époque intention est devenu orientation
décidée par le Gouvernement et nous les inviterons à prendre en compte le plus
possible cette nouvelle donnée.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
SOUTIEN AU SECTEUR TEXTILE
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Ma question reprend celle de mon collègue Michel Mercier, retenu à Lyon en ce
moment même par les obsèques de Mgr Balland, cardinal-archevêque de Lyon. Elle
s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons attiré votre attention à plusieurs
reprises sur les conséquences de l'expiration du « plan Borotra », relatif à
l'allégement des charges sociales pour l'industrie textile.
Aujourd'hui, la crise asiatique a de sérieuses répercussions sur ce secteur
où, vous le savez, la concurrence étrangère est rude depuis bien des années.
Désormais, les produits fabriqués en Asie sont de plus en plus compétitifs.
Or la pression fiscale pèse lourdement sur la compétitivité de nos
entreprises.
Parallèlement, à l'heure où le Parlement débat de la réduction uniforme du
temps de travail, les entreprises du secteur textile redoutent le surcoût que
cette mesure va enatraîner pour elles.
En octobre dernier, vous avez indiqué à notre collègue le président Poncelet
que le Gouvernement examinait un dispositif d'appui à l'emploi dans les
industries de main-d'oeuvre, dispositif qui devait être régionalisé pour
répondre aux problèmes spécifiques de certains bassin d'emploi.
Monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en est-il aujourd'hui ? Les entreprises du
textile et de l'habillement attendent votre réponse avec beaucoup
d'impatience.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le sénateur, les entreprises du
textile-habillement français sont effectivement confrontées à une concurrence
très âpre. Cette concurrence vient non seulement des pays en voie de
développement mais aussi et surtout des pays développés, notamment de nos
voisins européens.
Nous avons en effet évoqué devant la Haute Assemblée la possibilité de mettre
sur pied une aide régionalisée pour les industries du textile-habillement.
Cette aide devait obéir aux règles européennes visant à privilégier les
régions les plus pauvres. Cela signifie concrètement qu'une bonne partie des
entreprises textiles n'auraient pas été couvertes par un tel système. En
particulier, la région parisienne et la région lyonnaise, du fait de leur
prospérité relative, en auraient été exclues.
Par ailleurs, les règlements communautaires n'autorisant pas la mise en place
de mesures discriminatoires en faveur de tel ou tel secteur, la poursuite du
plan Borotra nous était interdite.
M. Emmanuel Hamel.
Pourquoi toujours céder à Bruxelles ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Nous avons donc décidé d'emprunter d'autres voies
d'action.
Avec ma collègue Mme Aubry, nous avons mis au point une incitation financière
majorée à la réduction du temps de travail pour nos entreprises industrielles
de main-d'oeuvre. Ce soutien-là est compatible avec les règles édictées par
Bruxelles, car il s'agit d'une disposition générale et non sectorielle.
Il devrait être largement profitable aux industries du textile, de
l'habillement, des cuirs et peaux, de la chaussure, mais aussi à toutes les
entreprises industrielles de main-d'oeuvre qui emploient plus de 60 %
d'ouvriers, au sens du code du travail, et dont les salaires sont à plus de 70
% compris entre une fois et une fois et demie le SMIC.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Il s'agit donc d'entreprises qui ont besoin d'une
incitation particulière pour avancer dans la création d'emplois à partir de la
réduction du temps de travail.
D'autres pistes sont suivies par le Gouvernement. Elles consistent à donner un
appui offensif à des stratégies nouvelles dans des entreprises du secteur du
textile, de l'habillement, des cuirs et peaux et de la chaussure.
Je suis très heureux de pouvoir vous annoncer, mesdames, messieurs les
sénateurs, qu'aujourd'hui même, dans le cadre de la procédure « technologies
clés » de mon département ministériel, un appel à proposition intitulé « Les
fibres à la conquête du marché » a pour but d'inciter et d'aider la filière
textile-habillement - incluant donc la distribution - à opter pour l'innovation
en vue de séduire le consommateur et d'abaisser les coûts. Cette dotation
budgétaire nouvelle, de 20 millions de francs, permettra de développer de
nouveaux matériaux textiles et de faire une application très innovante de
produits existants ou de mettre en oeuvre des procédés qui, jusque-là,
n'avaient pas été utilisés.
Je viens, par ailleurs, de récompenser seize jeunes créateurs dans les
industries de la mode et des accessoires de mode, pour permettre à de toutes
jeunes entreprises - la vraie source de créations d'emplois, chacun en
conviendra - de franchir un nouveau cap dans leur développement et de continuer
ainsi à exprimer leur talent de création, et donc leur capacité à créer des
emplois.
En même temps, ces récompenses manifestent notre commune conviction selon
laquelle le textile et l'habillement, les cuirs et peaux et la chaussure ont,
en France, un avenir. Elles montrent que le Gouvernement, comme, j'en suis
certain, la Haute Assemblée unanime, est là pour soutenir ces entreprises dans
leurs efforts et affirmer qu'il s'agit d'industries très performantes.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
(M. Jean Delaneau remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président
RESPECT DE L'AUTORITÉ DE L'ETAT
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Ma question s'adressait à M. le ministre de l'intérieur.
A la suite du tragique assassinat du préfet Erignac, qui a suscité de vives
réactions, nombreux sont ceux qui citent la Corse comme une zone de « non-droit
».
S'il est exact que l'autorité de l'Etat est bafouée en Corse depuis des
décennies, ces départements ne sont malheureusement pas les seuls concernés par
ce problème.
En tant qu'élu d'Indre-et-Loire, j'ai dû faire face à des poussées de violence
qui sont vécues par l'ensemble de nos administrés, notamment les commerçants,
comme de véritables violations de leurs droits de citoyen.
Cependant, face à ces situations explosives, et toujours latentes, jusqu'à ce
jour, aucune solution susceptible de leur apporter une amélioration n'a été
proposée.
Or, chaque fois que des atteintes aux personnes et aux biens restent impunies,
chaque fois que les forces de l'ordre ne peuvent pénétrer dans un quartier - ce
qui arrive - chaque fois que règnent la loi du plus fort, l'insécurité, la
violence, c'est l'autorité de l'Etat qui se trouve mise en cause. Et c'est
d'autant plus difficile à comprendre que notre pays est doté d'une législation
tout à fait appropriée pour lutter contre ces dérives.
En un mot, il suffirait que la loi soit appliquée.
Mais, faute de moyens dans certains cas ou par manque de volonté politique
dans d'autres, les Français ont l'impression d'être abandonnés à leur sort,
sans que la puissance publique remplisse les missions qui sont les siennes.
C'est en partie pour ces raisons que nos concitoyens sont de plus en plus
nombreux à exprimer non seulement leur amertume mais aussi leurs inquiétudes
par un désintérêt pour la vie publique et une réserve vis-à-vis de la classe
politique.
En conséquence, monsieur le ministre, ne semble-t-il pas urgent que le
Gouvernement prenne des dispositions afin que l'Etat républicain soit respecté
sur l'ensemble du territoire et que le non-droit ne puisse continuer à
s'installer impunément en certains endroits de notre pays ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le sénateur, la
détermination du Gouvernement à lutter contre la criminalité et la délinquance,
en Corse comme sur l'ensemble du territoire français, ne saurait être mise en
doute.
Cependant, le problème de la Corse n'est pas comparable à celui des banlieues.
La Corse ne connaît pas les problèmes sociaux que rencontrent certaines
banlieues du continent, et la délinquance financière ou le non-respect
d'obligations légales en matière d'impôt ou de code de la construction sont des
phénomènes qui lui sont propres.
Je vous rappelle à ce sujet que, en Corse, le Gouvernement a soutenu l'idée de
la création d'une commission d'enquête parlementaire, qui approfondira le
travail effectué précédemment par la commission conduite par M. Cuq, député.
Dans les documents publiés par cette commission, vous pourrez trouver, monsieur
le sénateur, des éléments d'information sur la spécificité de la criminalité en
Corse.
L'application rigoureuse de la loi en matière de sécurité publique à
l'encontre de ceux qui s'affranchissent du pacte républicain est l'une des
conditions de l'application, ou de la restauration de la règle de droit, en
Corse comme ailleurs.
Néanmoins, elle n'est pas suffisante, à elle seule, pour faire reculer
l'insécurité dans une société confrontée, comme bien d'autres sociétés
modernes, à une crise sociale, morale et économique qui met à mal repères,
valeurs et exemplarité des comportements.
Lors du colloque de Villepinte, le ministre de l'intérieur ainsi que le
Premier ministre ont réaffirmé l'importance du rappel des valeurs républicaines
à tous les niveaux de la société, l'importance du rôle des parents vis-à-vis
des mineurs, l'importance du rôle des élus vis-à-vis de tous nos
compatriotes.
Le projet de loi d'orientation, de prévention et de lutte contre les
exclusions, qui vient d'être présenté au conseil des ministres par Mme Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité, représente l'un des éléments de la
réponse.
En ce qui concerne la sécurité, des moyens supplémentaires sont mis en oeuvre
par le Gouvernement. Les redéploiements de crédits interviendront en faveur des
zones dans lesquelles les problèmes se posent avec le plus d'acuité, tant il
est vrai que, si la sécurité est indispensable pour tous et partout, il ne faut
cependant pas que les moyens soient répartis de manière égalitaire, au risque,
sinon, de susciter, pour nos concitoyens, de nouvelles inégalités en ce qui
concerne la sécurité.
Ainsi, 8 250 adjoints de sécurité seront présents dans les quartiers d'ici à
la fin de l'année. Déjà plus de mille d'entre eux sont en fonction sur le
terrain. Les agents locaux de médiation sociale participent également à cette
action.
Au total, ce sont 35 000 postes qui seront créés en deux ans.
Dans les villes et dans les agglomérations, sont conclus des contrats locaux
de sécurité qui fédèrent les énergies après un diagnostic exhaustif. Vingt-cinq
de ces contrats sont aujourd'hui signés, et trois cent quatre-vingt-neuf sont
en cours d'élaboration.
Enfin, il convient de le rappeler, l'ensemble des ministères sont totalement
impliqués dans cette lutte contre l'insécurité et pour la défense du pacte
républicain. Ce combat est une priorité affirmée par M. le Premier ministre et
trouve son application, au quotidien, sur le terrain.
J'ajoute que M. le Premier ministre a créé un Conseil de sécurité intérieure
regroupant tous les ministères concernés, afin qu'il y ait une véritable
reconquête pour la sécurité et la tranquillité de nos concitoyens.
M. Emmanuel Hamel.
N'abandonnez pas les zones rurales !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Le Conseil de sécurité
intérieure se réunira le 9 mars prochain et sera conduit à traiter de nouveau
de l'ensemble de ces questions.
Monsieur le sénateur, voilà l'expression de cette volonté politique à laquelle
vous faisiez référence et qui se traduit par des mesures concrètes au service
de nos compatriotes. Fort de cette volonté, ce gouvernement engagera les moyens
nécessaires afin qu'effectivement l'insécurité recule et que la sécurité
progresse.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
RÉSEAU FERRÉ À GRANDE VITESSE
M. le président.
La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports et du
logement.
Monsieur le ministre, le 4 février dernier, à l'occasion d'une réunion
interministérielle sur la politique de l'Etat en matière d'infrastructures
ferroviaires, le Gouvernement a, s'agissant des lignes à grande vitesse, d'une
part, confirmé l'engagement de l'Etat de réaliser une liaison à grande vitesse
entre Paris et Strasbourg, d'autre part, décidé de poursuivre des études et des
concertations sur la liaison Rhin-Rhône.
M. Emmanuel Hamel.
C'est important !
M. Alain Gérard.
Aucune décision n'est annoncée pour les autres projets de ligne à grande
vitesse, notamment pour le TGV Bretagne - Pays-de-la-Loire.
Sans méconnaître leur intérêt, on doit toutefois constater que les choix
effectués lors de la réunion interministérielle contribuent à accroître un peu
plus encore le déséquilibre du territoire national entre l'Est et l'Ouest,
déséquilibre que l'ouverture de l'Europe vers l'Est risque d'accentuer.
Face à ce silence, vous comprendrez que les Bretons et leurs élus
s'interrogent sur la volonté réelle du Gouvernement à l'égard du projet de TGV
Bretagne - Pays-de-la-Loire.
Sa réalisation constitue un enjeu majeur pour l'Ouest, et plus
particulièrement pour la Bretagne. Il est susceptible de répondre à trois
objectifs principaux : réduire de façon très sensible les temps de parcours
pour la partie occidentale de la Bretagne ; libérer la ligne actuelle pour
développer le transport combiné ; arrimer la Bretagne au réseau européen de
lignes à grande vitesse en cours de constitution.
En conséquence, un certain nombre de décisions doivent être prises
rapidement.
Elles concernent, tout d'abord, le choix d'un fuseau dans lequel s'inscrira le
tracé afin de lever les incertitudes qui pèsent sur les communes et sur les
personnes concernées par les fuseaux étudiés. Je me permets de vous rappeler
que les conclusions des études préliminaires et les avis recueillis lors de la
consultation permettent d'effectuer ce choix, le comité de pilotage des études
s'étant d'ailleurs très clairement prononcé sur ce sujet. Aucune raison majeure
ne saurait donc s'opposer à une décision rapide.
Il s'agit, ensuite, de décider le lancement des études d'avant-projet
sommaire, qui font suite au débat préalable engagé d'octobre 1994 à mars 1995
et aux études préliminaires, menées de mars 1996 à avril 1997, maintenant
achevées.
M. Raymond Courrière.
Et la question ?
M. le président.
Mon cher collègue, je vous prie de poser votre question.
M. Alain Gérard.
C'est une étape indispensable avant toute décision.
Par conséquent, je souhaiterais savoir, d'une part, quand les décisions
concernant le tracé à proprement parler seront prises, d'autre part, à quelle
date les études d'avant-projet sommaire seront engagées.
Seules des décisions rapides sur ces deux points convaincront les Bretons de
la volonté de l'Etat d'engager une réalisation essentielle pour leur avenir.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, nous sommes en période électorale, ma réponse ne sera donc pas
polémique.
J'ai déja dit ce qu'il y avait à dire des projets de TGV qui étaient annoncés
et du financement qui était proposé : il aurait fallu quatre siècles pour les
réaliser tous avec ce que nous avions en caisse quand nous sommes arrivés !
En fait, le niveau des financements consacrés au ferroviaire depuis plusieurs
années ne permettait pas de faire face à la totalité des projets inscrits au
schéma directeur national des lignes à grande vitesse.
Le Gouvernement a donc en effet décidé, le 4 février dernier, d'une part,
d'augmenter fortement la participation de l'Etat au financement des
infrastructures ferroviaires et, d'autre part, de chercher un meilleur
équilibre entre la réalisation d'infrastructures nouvelles - les lignes à
grande vitesse - et l'amélioration des lignes et services existants.
S'agissant du réseau classique, 500 millions de francs seront chaque année
engagés au titre des prochains contrats de plan Etat-région. Il a été décidé,
globalement, de porter la part de l'Etat dans le financement des
infrastructures à environ 2,3 milliards de francs par an au terme du prochain
contrat de plan, ce qui représente - pour vous donner un ordre d'idée - un
effort trois fois supérieur à celui qui était prévu avant notre arrivée au
Gouvernement !
Au-delà des décisions prises s'agissant du TGV-Est et du TGV-Rhin-Rhône, et
étant donné que l'est de la France ne possédait aucune relation à grande
vitesse avec la capitale ou d'autres métropoles, j'ai demandé à la SNCF et à
l'établissement Réseau ferré de France (RFF) de définir, dans le courant de
l'année 1998, les projets qui apparaîtront prioritaires, ainsi que les moyens
nécessaires pour les réaliser. Cette démarche a donc pour objet non pas
d'abandonner les projets, quels qu'ils soient, mais de les améliorer.
En ce qui concerne le TGV-Bretagne - Pays de la Loire que vous avez évoqué,
monsieur le sénateur, j'ai décidé, en 1997, de poursuivre les concertations qui
avaient été engagées, conformément au souhait du Gouvernement de ne pas
abandonner les projets inscrits au schéma directeur.
Je suis de votre avis, et je m'en suis expliqué à plusieurs reprises : l'Ouest
ne doit pas être et ne sera pas délaissé, ni en ce qui concerne les trains à
grande vitesse, ni en ce qui concerne le réseau classique. J'ajoute qu'il nous
faut également développer des corridors entre l'ouest et l'est de la France. Le
préfet coordonnateur vient de me faire parvenir les conclusions des études
lancées au début de 1996, ainsi que le bilan des consultations conduites auprès
des collectivités locales concernées.
Une analyse approfondie est en cours au sein des services de l'Etat pour que
l'ensemble des avis soient pris en compte, afin de préparer les décisions à
venir concernant la poursuite du projet que vous évoquez, monsieur le sénateur.
L'objectif est de resserrer le champ des solutions possibles d'ici à la fin de
l'année 1998 et non pas de les abandonner.
(Applaudissements sur les travées
du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées
socialistes.)
TGV LANGUEDOC-ROUSSILLON
M. le président.
La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau.
Le projet de TGV Languedoc-Roussillon sur l'axe stratégique
Londres-Paris-Barcelone-Séville devrait se réaliser en deux phases.
(Très
bien ! sur plusieurs travées socialistes.)
Sur la première, concernant le projet, essentiel, de section
Perpignan-Figueras. Mon ami Raymond Courrière et moi-même n'avons aucune
crainte : le verrou pyrénéen sautera dès lors que l'Etat remplira son
engagement international.
Je souhaite seulement insister de nouveau sur l'urgence qu'il y a, d'abord, à
mettre en place la commission intergouvernementale, puis à désigner le
concessionnaire - je souhaite qu'il soit public - enfin à lancer la procédure
conduisant à la déclaration d'utilité publique.
Au-delà de ces délais, que je souhaite rapprochés, monsieur le ministre, notre
préoccupation porte essentiellement sur la seconde phase du TGV
Languedoc-Roussillon, c'est-à-dire la liaison
Montpellier-Narbonne-Perpignan.
Pourquoi cette inquiétude ? Parce que, justement, l'annonce récente de la
réalisation des TGV Est et Rhin-Rhône a suscité - à tort ou à raison, vous
allez me le dire monsieur le ministre - nombre d'interprétations alarmantes
selon lesquelles le TGV Montpellier-Perpignan serait mis entre parenthèses.
Pour ma part, je ne peux y croire. Pour parler vrai, ce serait une faute.
D'abord, parce qu'il s'agit là du plus européen de tous les projets européens,
qui plus est, du plus rentable d'entre eux. Ensuite, parce que nous allons
atteindre plus vite que prévu la saturation des réseaux tant ferroviaire que
routier entre Montpellier et la frontière espagnole, du fait de l'explosion des
échanges transpyrénéens.
Par ailleurs, s'agissant du TGV Rhin-Rhône, que l'on cite comme un concurrent,
il ne sera rentable que si le TGV Montpellier-Barcelone est en exploitation. En
effet, un tiers des recettes de la liaison Rhin-Rhône proviendra du trafic
entre l'Allemagne, le Languedoc-Roussillon et l'Espagne. J'en tire la
conclusion que le TGV Languedoc-Roussillon devra être opérationnel avant le TGV
Rhin-Rhône.
Aussi la liaison Montpellier-Perpignan s'impose-t-elle. C'est une question de
cohérence. Ce sera ça ou le doublement de l'autoroute, avec toutes les
conséquences que l'on devine.
Enfin, ce TGV constituerait, grâce au tronçon Montpellier-Narbonne et à ses
raccordements, une partie de la relation transversale à grande vitesse
Grand-Sud, de l'Atlantique à l'Italie, et de la région Midi-Pyrénées à la
Catalogne.
Le Gouvernement est-il convaincu de l'importance stratégique du TGV Sud et,
dans l'affirmative, entend-il parachever le plus européen des projets
européens, de Londres à Séville par le Languedoc et la Catalogne, en passant
par les berges de l'Aude ou celles de l'Agly ?
(Applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, le Gouvernement est convaincu de la nécessité de cette liaison.
Je ne reviendrai pas sur les éléments que j'ai apportés en réponse à la
question précédente.
S'agissant de la politique intermodale des transports, le Gouvernement
considère que la part ferroviaire doit avoir la place qui lui revient, mais
qu'elle doit aussi bénéficier d'un effort particulier, car c'est, je crois, un
problème de société qui nous est posé. Cela vaut pour le transport des
voyageurs et pour le transport des marchandises.
Au-delà des décisions du 4 février dernier relatives à la réalisation des TGV,
le Gouvernement a confirmé ses engagements internationaux concernant les lignes
à grande vitesse inscrites au réseau transeuropéen. Parmi celles-ci figurent
notamment, la liaison Lyon-Turin et la section Perpignan-Figueras du TGV
Sud-européen.
La réalisation de ces liaisons à grande vitesse concerne, je le répète, non
seulement les voyageurs, mais aussi le fret. C'est même l'un des éléments
nouveaux importants des décisions intergouvernementales. En effet, le
gouvernement italien, pour la liaison Lyon-Turin, et le gouvernement espagnol,
pour la liaison Perpignan-Figueras, ont donné leur accord à ce principe.
Dès l'approbation de l'accord franco-espagnol, les démarches ont été
entreprises afin de mettre en place la commission intergouvernementale qui
pilotera, au nom des Etats, les études techniques, financières, économiques et
juridiques concernant la réalisation de ce projet. La constitution de cette
commission sera effective dans les prochaines semaines. Les études préalables à
l'enquête d'utilité publique du côté français, entre Perpignan et la frontière
espagnole, devraient être achevées dans les semaines à venir.
Par ailleurs, en ce qui concerne le TGV Méditerranée, le Gouvernement a
permis, dès sa prise de fonctions, la poursuite des travaux jusqu'à Nîmes, ce
qui n'était pas acquis car, là encore, les moyens financiers n'avaient pas été
prévus.
S'agissant de la liaison Montpellier, Narbonne-Perpignan que vous avez
évoquée, le Gouvernement va, bien entendu dans l'esprit de ce que j'ai dit tout
à l'heure, étudier avec la SNCF et RFF les décisions à prendre en priorité.
Bien évidemment, la liaison Perpignan-Figueras, les demandes espagnole et
française ainsi que les corridors que nous sommes en train de mettre en place
avec nos partenaires européens vont accroître l'exigence en matière de
réalisation. Dès à présent, pour aider à résoudre les difficultés que peuvent
rencontrer localement certains riverains ou des communes sur le tronçon
Montpellier-Perpignan, nous avons décidé de mettre en place, dans le cadre
d'une convention partenariale, un fonds d'intervention spécifique, qui devrait
permettre de lever ou, à tout le moins, de réduire autant qu'il est possible
ces difficultés.
Les collectivités ont donné leur accord de principe à ce dispositif, qui sera
mis en place sous la responsabilité du préfet du Languedoc-Roussillon dès
l'installation du prochain conseil régional et des prochains conseils généraux,
c'est-à-dire très bientôt.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
6
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION
M. le président.
Je rappelle au Sénat que le groupe des Républicains et Indépendants a présenté
une candidature pour la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Jean
Clouet membre de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation, en remplacement de M. Bernard Barbier, décédé.
7
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par
l'Assemblée nationale, portant transposition de la directive 94/47/CE du
Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 1994, concernant la protection
des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition
d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 335, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
8
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean-Jacques Hyest une proposition de loi tendant à unifier le
délai de prescription de l'action en responsabilité civile professionnelle des
avocats.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 338, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
9
TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la validation de certaines
admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation professionnelle
d'avocats.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 336, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale.
10
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. Jacques Genton une proposition de résolution, présentée en
application de l'article 73
bis
du règlement, sur la proposition de
règlement (CE) du Conseil instaurant un mécanisme d'intervention de la
Commission pour l'élimination de certaines entraves aux échanges (n° E-989).
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 333, distribuée et
renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. James Bordas une proposition de résolution, présentée en
application de l'article 73
bis
du règlement, sur :
- la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen
relative au traitement des anciens pays n'ayant pas une économie de marché dans
les procédures antidumping.
- la proposition de règlement (CE) du Conseil portant modification du
règlement (CE) n° 384-96 du Conseil relatif à la défense contre les
importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la
Communauté européenne (n° E-1001).
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 334, distribuée et
renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
11
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord entre la Communauté
européenne et la République kirghize (Kirghizistan) sur le commerce des
produits textiles.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1029 et
distribuée.
12
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Nicolas About un rapport, fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur le projet de loi
adopté par l'Assemblée nationale, instituant une commission consultative du
secret de la défense nationale (n° 297, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 337 et distribué.
J'ai reçu de M. Jacques Chaumont un rapport, fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sur
le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de
Namibie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la
fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (n° 202,
1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 339 et distribué.
J'ai reçu de M. Jacques Chaumont un rapport, fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sur
le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de
Russie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la
fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble
un protocole) (n° 233, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 340 et distribué.
13
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mardi 24 mars 1998, à seize heures :
Discussion du projet de loi (n° 297, 1997-1998), adopté par l'Assemblée
nationale, instituant une commission consultative du secret de la défense
nationale.
Rapport (n° 337, 1997-1998) de M. Nicolas About, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Avis (n° 327, 1997-1998) de M. Jean-Paul Amoudry, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 23 mars 1998, à dix-sept
heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements
Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant
réforme de la réglementation comptable et adaptation du régime de la publicité
foncière (n° 241, 1997-1998) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 24 mars 1998, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ERRATA
Au compte rendu intégral de la séance du 24 février 1998
AMÉLIORATION DE LA SANTÉ PUBLIQUE À MAYOTTE
Page 897, 1re colonne, dans le texte proposé pour l'article 1er
ter
, 2e
alinéa :
Au lieu de :
« Titre Ier
bis »,
Lire :
« Titre Ier
bis
« Dispositions applicables
à la collectivité territoriale de Mayotte ».
Au compte rendu intégral de la séance du 26 février 1998
Veille sanitaire et contrôle de la sécurité
des produits destinés à l'homme
Page 1009, 2e colonne, dans le texte proposé par l'amendement n° 46 rectifié
pour le 4°
bis
A de l'article L. 794-2 du code de la santé publique, 1er
alinéa, 1re ligne :
Au lieu de :
« Mème dans le respect »,
Lire :
« Mêne dans le respect ».
Page 1014, 1re colonne, dans le texte proposé pour l'article 5, II, 1°, 1er
alinéa, 1re ligne :
Au lieu de :
« article L. 241-1 »,
Lire :
« article L. 214-1 ».
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION PERMANENTE
Dans sa séance du jeudi 5 mars 1998, le Sénat a nommé M. Jean Clouet membre de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, en remplacement de M. Bernard Barbier, décédé.
NOMINATION D'UN RAPPORTEUR
COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES
M. François Lesein a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n°
317 (1997-1998) de M. Michel Barnier sur la proposition de directive du
Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 89/48/CEE et
95/51/CEE concernant le système général de reconnaissance des qualifications
professionnelles et complétant les directives concernant les professions
d'infirmier responsable de soins généraux, de praticien de l'art dentaire, de
vétérinaire, de sage-femme, d'architecte, de pharmacien et de médecin (n° E
994).
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Nuisances causées par le fonctionnement
de l'aéroport d'Orly
209. - 5 mars 1998. - M. Jean-Marie Poirier appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur le problème des nuisances sonores causées par les actuelles conditions de fonctionnement de l'aéroport d'Orly. Les relevés très sérieux effectués par une association locale regroupant sept communes voisines de l'aéroport, à partir du système SONATE, sur une période de cinq mois en 1997, font apparaître la fréquence des infractions aux procédures prévues par le code d'exploitation d'Orly. Les constats effectués établissent à l'évidence que nombre d'aéronefs quittent prématurément la zone de navigation obligatoire après le décollage d'Orly et accélèrent abusivement leur descente lors des atterrissages. Trop d'appareils anciens et bruyants continuent de circuler. Et le régime de couvre-feu applicable entre 23 h 30 et 6 heures fait l'objet de nombreuses dérogations. Par ailleurs, sur le plan normatif, il n'y a pas de correspondance exacte entre le découpage du plan de gêne sonore (PGS) et la zone de navigation obligatoire (ZNO). Un aéronef peut simultanément respecter la réglementation de circulation en se conformant à la ZNO et enfreindre celle de l'exposition au bruit en sortant de la zone du PGS. Face à ces nuisances, il faut ici souligner l'exaspération des populations qui ont de plus le sentiment que le dialogue environnemental est en panne et que les pouvoirs publics sont impuissants, voire négligents. Il souhaite savoir si l'administration a procédé à des contrôles, si le décret du 27 mai 1997 instituant des sanctions administratives pour la protection de l'environnement des aérodromes est appliqué et si des sanctions ont été prononcées. Il souhaite, d'autre part, connaître les mesures que le ministère compte prendre pour faire respecter la réglementation. Plus précisément, s'il est favorable au maintien de la fréquentation à 250 000 créneaux horaires, au maintien du couvre-feu dans les horaires actuels et à une éventuelle révision du plan de gêne sonore qui couvre la zone d'Orly.