M. le président. « Art. 2. _ Les organisations syndicales d'employeurs, groupements d'employeurs ou employeurs ainsi que les organisations syndicales de salariés reconnues représentatives sont appelés à négocier d'ici les échéances fixées à l'article 1er les modalités de réduction effective de la durée du travail adaptées aux situations des branches et des entreprises. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 2, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« Les organisations syndicales d'employeurs, groupements d'employeurs ou employeurs ainsi que les organisations syndicales de salariés reconnues représentatives sont appelés à négocier les modalités d'une organisation du temps de travail assorties d'une réduction de la durée hebdomadaire du travail calculée en moyenne sur tout ou partie de l'année.
« Les entreprises ou établissements qui concluent un accord d'aménagement et de réduction du temps de travail avant le 1er janvier 2000 ou, pour les entreprises de moins de cinquante salariés et les associations bénéficiant de concours publics dont la liste est fixée par décret, avant le 1er janvier 2002 et qui, en contrepartie, procèdent à des embauches ou préservent des emplois peuvent bénéficier d'une aide financière dans les conditions prévues à l'article 3. »
Cet amendement est assorti de trois sous-amendements.
Le sous-amendement n° 24, présenté par M. Gournac, vise, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 2, à remplacer le mot : « appelés » par le mot : « invités ».
Le sous-amendement n° 39, déposé par M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tend :
I. A la fin du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 2, après les mots : « réduction hebdomadaire du travail » à supprimer les mots : « calculée en moyenne sur tout ou partie de l'année ».
II. Dans le second alinéa du même texte, à remplacer les mots : « cinquante salariés » par les mots : « vingt salariés ».
Le sous-amendement n° 25, présenté par M. Gournac, a pour objet de compléter in fine le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 2 par les mots : « ainsi que les éventuelles contreparties salariales ».
Par amendement n° 11 rectifié, M. Marini propose, dans cet article, de supprimer les mots : « des branches et ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission propose une nouvelle rédaction de l'article 2, ce qui répond d'ailleurs au souci de M. Cabanel, en ouvrant à nouveau la porte que ce dernier avait cru fermée.
En effet, nous invitons les partenaires sociaux à négocier les modalités de la réduction effective de la durée du travail avant que ne tombe le couperet des échéances fixées à l'article 1er, soit le 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés et le 1er janvier 2002 pour les autres.
La commission vous propose de réécrire l'article 2 pour supprimer toute référence à l'article 1er, dont elle vous a demandé la suppression.
Dans un second temps, elle vous propose d'inviter les partenaires sociaux à négocier sur la réduction du temps de travail et également sur les modalités de l'organisation du temps de travail sur tout ou partie de l'année afin que réduction du temps de travail et modulation, notamment par le biais de l'annualisation, puissent constituer les termes d'un accord équilibré, volontairement négocié, dans l'intérêt des salariés et de l'entreprise.
Les partenaires sociaux peuvent, pour cela, recourir au dispositif de modulation des horaires de travail, notamment à la modulation dite de type 3, créée par la loi quinquennale.
La commission propose également de préciser que la signature d'un accord d'aménagement - réduction du temps de travail avant le 1er janvier 2000 pourra donner droit à une aide financière qui reprend le dispositif de la loi Robien, mais en le reprofilant, à l'article 3.
Les entreprises de moins de cinquante salariés et certaines associations bénéficiant d'aides publiques, notamment dans le secteur sanitaire et social, pourront, quant à elles, bénéficier de l'aide pour les accords signés avant le 1er janvier 2002. Il s'agit là d'une disposition défendue par M. Chérioux.
Je reviendrai plus longuement sur le dispositif que nous proposons pour l'article 3.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour présenter le sous-amendement n° 24.
M. Alain Gournac. La réduction du temps de travail doit être nécessairement adaptée à chaque entreprise dans l'intérêt, j'y insiste, des salariés et de la compétitivité des entreprises. Elle doit surtout être discutée et choisie.
Je réaffirme que nous sommes non pas contre la réduction du temps de travail, mais bien contre le caractère général et autoritaire du dispositif.
C'est cette idée qu'il m'apparaît important de souligner dans la loi en employant non pas le mot « appelés » - appelés au service militaire ; nous avons supprimé les contraintes en repoussant l'article 1er - mais en utilisant le mot « invités ».
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre le sous-amendement n° 39.
M. Guy Fischer. L'un des objectifs généraux de ce projet de loi est de faciliter la relance de la négociation collective dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle a connu ces dernières années quelques aléas notoires.
Tirant parti de la diversité du paysage syndical des salariés, le patronat français, même s'il est lui-même soumis à des pressions pour le moins contradictoires, a, ces derniers temps, fait valoir pour une part ses positions de fond dans le cadre de cette négociation collective.
L'un des meilleurs exemples en est l'évolution imprimée au système d'indemnisation du chômage, qui est victime, de notre point de vue, de la chimère de l'activation des dépenses passives, alors même que le dispositif existant tend aujourd'hui à exclure une majorité de personnes sans emploi qui devraient, en théorie, être soutenues par l'assurance chômage.
La relance de la négociation est donc l'un des objectifs visés à travers ce projet de loi, objectif dont nous avons pu souligner, au cours de la discussion générale, qu'il ne pourrait être atteint qu'au moyen d'une mobilisation des salariés, rien n'étant, si l'on peut dire, écrit s'agissant des résultats de cette négociation.
L'aspiration à travailler moins est réelle, chacun des salariés de ce pays sentant qu'il est possible de viser cet objectif - on accomplit plus vite aujourd'hui que hier certaines tâches - et que, de surcroît, il est socialement nécessaire, au regard du nombre très élevé de chômeurs et de salariés intermittents et précaires, de réduire le temps de travail.
C'est parce que cette aspiration est forte et réelle que même le patronat doit désormais en tenir compte.
En effet, au-delà d'effets de tribune qui ne visent en fait qu'à rendre plus acceptables les véritables objectifs du CNPF, on compte en réalité faire de la négociation collective un jeu en quelque sorte « pipé », un marchandage entre réduction du temps de travail et acceptation de la flexibilité.
Dans ces conditions, la proposition que nous fait la commission des affaires sociales par le biais de son amendement n° 2 ne doit pas beaucoup nous étonner.
Il s'agit ni plus ni moins, en réécrivant l'article, de tenter de fixer à la négociation collective un point de départ le plus favorable possible selon nous au patronat, en gageant la réduction du temps de travail sur l'acceptation du principe de l'annualisation des horaires de travail.
Cette attitude soulève plusieurs remarques.
Elle est directement inspirée des plus anciennes « lubies », si je puis dire, du CNPF. L'idée de l'annualisation a dû germer à l'époque où M. Ceyrac était encore le président de l'organisation patronale, et il a passé le relais à M. Gattaz.
Cette attitude a constitué l'une des réponses fondamentales du patronat aux enjeux de la crise économique dans les années soixante-dix.
Mais comment faire accepter aux salariés une remise en cause de leur vie familiale et, parfois, de leur pouvoir d'achat, l'annualisation banalisant les heures supplémentaires ou mettant en cause les jours fériés chômés, avec, pour une seule fin, le maintien et, si possible, l'accroissement de la rentabilité du capital et de l'investissement ?
Avec l'annualisation des horaires, on affirme la primauté du résultat économique mesurable financièrement sur le respect des conditions de vie des salariés, sur le développement et l'épanouissement de l'individu dans le travail.
Nous sommes désolés de le dire brutalement, mais c'est bel et bien la vérité : de nos jours, l'aliénation de l'homme au travail devient plus sophistiquée, plus « scientifique », et ce uniquement parce qu'elle se justifie économiquement.
Nous n'osons pas imaginer quelle pourrait être la vie d'une famille où les parents travailleraient dans deux secteurs d'activité différents et obéissant à des rythmes de production différenciés.
Permettez-moi de m'étonner, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, du hiatus entre votre attachement, sinon votre acharnement, à défendre les vertus de la famille et votre volonté, dans les faits, de remettre en cause l'équilibre de la cellule familiale !
Le travail des salariés, ce n'est pas, nous en sommes désolés pour vous, une sorte de stock de matière première.
Je pense donc que le choix biaisé que nous propose la commission des affaires sociales à travers cet amendement n° 2 ne peut qu'être corrigé, et c'est le sens du sous-amendement n° 39 que nous invitons le Sénat à adopter.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour défendre le sous-amendement n° 25.
M. Alain Gournac. La politique engagée par le Gouvernement risque d'aboutir à un gel, sinon à une baisse des salaires. Or, si certains Français se disent séduits - c'est bien normal - par la semaine de 35 heures, ils tiennent en majorité à conserver intact leur niveau de vie.
De plus, concernant le salaire minimum, vous avez successivement assuré, madame le ministre, que le salarié payé au SMIC, dont l'horaire hebdomadaire passe de 39 à 35 heures, doit garder intact son salaire dans un premier temps, puisqu'il n'apparaissait pas opportun que la rémunération d'un salaire restant à 39 heures et payé au SMIC s'accroisse mécaniquement de 11,4 %, auxquels s'ajoute la rémunération des heures supplémentaires.
Vous avez alors inventé la mystérieuse « rémunération mensuelle minimale » dont on ne voit pas vraiment en quoi elle évite aux entreprises de voir leurs coûts salariaux augmenter de 11,4 %. A cet égard, je dois dire que je vous ai écoutée attentivement en commission, madame le ministre, mais que vos réponses à vos questions posées ne nous ont pas du tout éclairés.
Enfin, de nombreuses distorsions vont apparaître, s'agissant des rémunérations, entre les salariés payés au SMIC qui travaillent 35 heures et ceux qui travaillent 39 heures, les salariés à temps partiel et les salariés à temps plein.
Il me paraît donc indispensable que, dès l'ouverture des négociations, il soit discuté du problème de la contrepartie salariale à la réduction du temps de travail.
M. le président. La parole est à M. Marini, pour défendre l'amendement n° 11 rectifié.
M. Philippe Marini. Cet amendement visait à braquer le projecteur sur l'enjeu de la négociation au niveau de l'entreprise ; mais il s'appliquait au projet de loi tel qu'il nous a été transmis par l'Assemblée nationale.
Ayant pris connaissance de l'amendement n° 2 de la commission des affaires sociales, je constate qu'il est satisfait, ce qui n'est pas surprenant, et je le retire.
M. le président. L'amendement n° 11 rectifié est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 24, 39 et 25 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Le terme « invités » est naturellement plus convivial que le terme « appelés », qui rappelle quelque peu le service militaire, et la commission est favorable au sous-amendement n° 24.
Par ailleurs, la commission ayant souhaité faire référence à la modulation sur tout ou partie de l'année et au seuil de cinquante salariés qui est déjà retenu dans le code du travail, elle a émis un avis défavorable sur le sous-amendement n° 39.
Le sous-amendement n° 25, présenté par M. Gournac, ajoute une condition qui ne figure pas dans la loi Robien, que nous reprenons en la reprofilant. Cette absence de référence au salaire est le résultat d'un compromis difficilement acquis en 1996 entre les deux assemblées. La commission n'a évidemment pas souhaité revenir sur ces difficultés. C'est la raison pour laquelle elle est défavorable à ce sous-amendement, et espère que son auteur voudra bien le retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2, ainsi que sur les sous-amendements n°s 24, 39 et 25 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 2, que, d'ailleurs, je ne comprends pas totalement, parce que ce texte prévoit un aménagement de la durée du travail avec une modulation annuelle obligatoire alors que toutes les entreprises ne sont pas obligées d'aller vers cette modulation annuelle, certaines pouvant préférer d'autres formes de souplesse.
Par ailleurs, cette modulation entraîne la fixation d'un seuil, y compris pour une démarche non volontariste, et exclut donc 45 % des salariés.
Quant au sous-amendement n° 24, il traduit - pour une fois, allais-je dire - le caractère sympathique de M. Gournac ! (Sourires et exclamations.)
M. Guy Fischer. Il ne faut pas se fier aux apparences !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je reconnais, en tout cas, que le terme « invités » traduit une bonne intention à l'égard des partenaires sociaux.
Si la négociation collective est non pas obligatoire mais volontaire, dans le code du travail, il est écrit que les partenaires sociaux sont « appelés » à négocier.
En revanche, si la négociation est obligatoire, il est inscrit que les partenaires sociaux sont « tenus d'engager ».
Je préfère m'en tenir au langage juridique même si, bien évidemment, il s'agit en l'occurrence d'une invitation à la négociation et non pas d'une obligation.
S'agissant du sous-amendement n° 39, si j'en approuve le fond, car il tend à revenir au texte proposé par le Gouvernement, je ne peux y être favorable dans la mesure où je suis opposée à l'amendement n° 2.
J'ajoute d'ailleurs, dans le même esprit, monsieur le rapporteur, que je ne peux pas être favorable au sous-amendement n° 25, car les salaires relèvent des partenaires sociaux et des chefs d'entreprise, à l'exception du SMIC. Il ne convient donc pas d'insérer dans le code du travail des dispositions qui pourraient laisser penser que tel ne serait pas le cas.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 24, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 39, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Gournac, maintenez-vous le sous-amendement n° 25 ?
M. Alain Gournac. Monsieur le président, les explications données par notre excellent rapporteur me permettent de le retirer.
M. le président. Le sous-amendement n° 25 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Cette explication de vote sur l'amendement n° 2 nous donne l'occasion de faire observer à notre rapporteur - et à la commission - qu'il existe une contradiction certaine dans son raisonnement et dans son propos.
En effet, nous ne cessons d'entendre, depuis que ce projet de loi est déposé, que la réduction du temps de travail doit être négociée librement et de façon décentralisée. Vous souhaitez laisser toute latitude aux partenaires sociaux dans l'entreprise et l'établissement pour négocier comme ils l'entendent, et selon les modalités les plus appropriées, une nouvelle organisation du temps de travail assortie d'une réduction de ce dernier.
Nous sommes d'ailleurs en accord au moins sur ce point : réduction et nouvelle organisation du temps de travail iront presque toujours de pair.
L'un des points les plus intéressants de ce projet de loi, même si l'on ne le relève pas assez, c'est de conduire les entreprises qui ne l'auraient pas déjà fait à moderniser leur organisation pour une meilleure productivité, une plus forte réactivité et de meilleures conditions de vie et de travail des salariés. Il leur appartiendra de le faire valoir.
Toutefois, monsieur le rapporteur, si vous faites confiance aux partenaires sociaux, pourquoi vous arrêter au milieu du gué ? Pour leur imposer un mode de calcul annualisé du temps de travail, par exemple ?
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le projet de loi, tel qu'il est rédigé, laisse la place à un calcul du temps de travail sur le mois, sur le trimestre ou même sur l'année. Mais il préserve les bornes - notamment les règles de la négociation - que fixe aujourd'hui le code du travail. La réussite de la réduction et de la réorganisation du temps de travail implique que l'éventuelle modulation des horaires se fasse dans le respect des garanties de chacun.
Il n'est donc pas souhaitable d'imposer un mode de calcul a priori et de façon unilatérale. S'il doit y avoir modification sur ce point, elle doit être laissée à l'initiative des négociateurs dans l'entreprise. Le texte de loi doit être un point d'appui, un guide pour les deux parties à la négociation, de façon équilibrée. Il ne doit pas contraindre l'une au bénéfice de l'autre.
J'ajouterai enfin, sur le choix du seuil de 50 salariés par votre amendement, que nous défendons pour notre part le seuil de 20 salariés, et cela pour deux raisons.
D'abord, l'essentiel du potentiel de création d'emplois dans notre pays se trouvant dans les petites entreprises, il est donc nécessaire que les petites puissent bénéficier pleinement du dispositif.
M. Philippe Marini. Bénéficier !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Ensuite, puisqu'il s'agit d'un seuil transitoire lié au dispositif d'aide au passage aux 35 heures, il est préférable qu'il soit déconnecté des seuils permanents de 10 et de 50 salariés du code du travail.
Pour ces raisons, nous voterons contre l'amendement n° 2.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. L'amendement n° 2 de la commission contient trois éléments : d'abord, une « invitation » à la négociation - pour reprendre le terme de M. Gournac - ensuite, un calendrie - 2000 pour les entreprises importantes, 2002 pour les entreprises moins importantes - et, enfin, une indication, à savoir que, pendant cette période, des incitations financières sont prévues - c'est l'article 3 - pour accélérer la négociation.
En effet, un appel à la négociation sans incitation risquerait, Mme la ministre l'a dit hier, de ne pas avoir d'effets très précis. Nous indiquons donc très clairement qu'il y aura des incitations si des accords sont conclus entre la date de promulgation de la loi et soit 2000 pour les entreprises importantes, soit 2002 pour les autres.
Il est un autre point sur lequel je me sépare de Mme Dieulangard et de M. Fischer, c'est celui du seuil. Tous ceux qui, depuis vingt ans, ont étudié notre législation du travail le savent : la création d'emplois en France est freinée par l'existence des seuils de dix et de cinquante salariés.
Quand nous avons auditionné les représentants de l'Union professionnelle artisanale, ceux de l'Union des professions libérales et ceux de la Fédération des syndicats d'exploitants agricoles, tous nous l'ont bien dit : ces deux seuils constituent des obstacles majeurs au développement des entreprises, au point que beaucoup restent à neuf ou à 49 salariés. L'idée d'ajouter un troisième seuil fixé à 20 salariés pour cette négociation sur le temps de travail est donc tout à fait dangereuse.
M. Alain Gournac. Mauvaise.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Au départ, le Gouvernement avait opté pour le seuil de 10. Puis il a changé d'avis pour monter à 20. Mais ce seuil de 20 ne correspond à rien, ni du côté des artisans, ni du côté des commerçants, ni du côté des professions libérales, qui emploient tout de même plus d'un million de salariés ! C'est pourquoi nous pensons qu'il faut garder le seuil de 50, qui détermine la constitution d'un comité d'entreprise.
Ainsi, toutes les entreprises en France qui disposent d'un comité d'entreprise sont invitées à une négociation entre la date de la promulgation de la loi et fin 1999. Les entreprises qui n'en disposent pas bénéficient d'un délai supplémentaire de deux ans. La commission attache beaucoup d'importance à ne pas créer un troisième seuil, mais à s'aligner sur le seuil le plus élevé existant.
Alors que, depuis vingt ans, d'innombrables rapports écrits par toute une série d'experts dénoncent notre système de seuils, nous sommes pratiquement le dernier pays d'Europe à avoir toujours un système qui bloque le développement naturel des entreprises ! Il faut vraiment repousser catégoriquement l'idée d'avoir un troisième seuil.
Je tiens beaucoup, pour ma part, au seuil de cinquante salariés, qui doit s'imposer dans le cadre de cette négociation.
M. Alain Gournac. Très bien ! Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je souhaite répondre au président Fourcade sur ce point.
J'ai beaucoup entendu parler des problèmes de seuils depuis 1975, date à laquelle je suis entrée dans ce ministère du travail, et j'ai lu tous les rapports qui ont été publiés sur ce sujet.
Ce qui est reproché aujourd'hui à la réglementation française, ce n'est pas d'avoir des seuils, c'est d'en avoir trop peu et, surtout, d'avoir trop d'obligations pour un même seuil ! En effet, au-delà du seuil de dix salariés, l'entreprise est brusquement assujettie à un certain nombre de taxes : logement, formation professionnelle, délégués du personnel, etc.
C'est l'une des raisons qui nous a amenés à créer un autre seuil, car plus vous avez de seuils et moins vous aurez d'effets de seuils ! (Sourires.)
M. Louis Souvet, rapporteur. C'est spécieux !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est en tout cas ce que j'ai retenu de tous les rapports que j'ai lus depuis vingt-ans ! Je pense, monsieur Fourcade, que nous avons lu les mêmes rapports, mais peut-être n'en avons-nous pas tiré les mêmes conclusions !
Enfin, je vous signale que le code du travail contient une quinzaine de seuils et non pas seulement deux. Nous n'avons donc pas intérêt à conforter ces deux seuils si nous voulons éviter les effets de seuil. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
M. Guy Allouche. C'est lumineux !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l'article 2