M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Vinçon, pour explication de vote.
M. Serge Vinçon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, moins d'un an après l'adoption de la loi du 24 avril 1997, nous sommes appelés aujourd'hui à expliquer notre vote sur un nouveau projet de loi relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France.
Cette vingt-cinquième réforme de l'ordonnance de 1945, engagée dans la précipitation, nous est imposée dans l'urgence quelques semaines avant une échéance électorale que sauront parfaitement exploiter les extrêmistes que, décidément, monsieur le ministre, le gouvernement auquel vous appartenez ne cesse d'encourager.
M. Alain Vasselle. Tout à fait !
M. Serge Vinçon. Rarement un texte aussi important sur le fond aura été dicté par des raisons aussi politiciennes. Il suffit pour en être persuadé de constater le décalage existant entre vos propos, monsieur le ministre, qui se veulent responsables et républicains, et le contenu de ce projet de loi, qui constitue la parfaite illustration des contradictions du gouvernement auquel vous appartenez.
Vous vous voulez rassurant pour l'opinion publique et, en même temps, vous faites sauter les verrous essentiels posés en 1993 et en 1997 pour endiguer l'immigration clandestine.
Une immigration non maîtrisée - c'est ce à quoi aboutit le texte transmis par l'Assemblée nationale - ne peut qu'aggraver le chômage, les tensions, les fractures de notre société, en même temps qu'elle constitue une hémorragie qui empêche le développement des pays d'origine.
Notre action devrait être double : aider les pays en voie de développement, décourager les candidats à l'immigration afin qu'ils sachent que « la France ne peut plus accueillir toutes les misères de la terre », pour citer Michel Rocard, même si elle se veut généreuse.
Or, c'est le message contraire que vous leur adressez, comme on l'a vu à travers les articles qui ont été examinés tout au long de la discussion.
M. René-Pierre Signé. C'est faux !
M. Serge Vinçon. En effet, les droits nouveaux que vous voulez accorder de manière automatique, auxquels s'ajoute une conception extensive du regroupement familial, constituent - c'est une évidence que vous semblez vouloir dissimuler - une incitation à l'immigration. (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Alain Vasselle. Bien sûr !
M. Serge Vinçon. Votre texte ne règle rien ; il va rendre encore plus complexe notre législation, il va rendre encore plus aléatoire l'intégration des étrangers à la communauté française, il va rendre encore plus difficile l'éloignement des étrangers en situation irrégulière.
Mais, pour le Gouvernement, peu importe ce que pensent les Français de ce projet ; son seul souci est de s'attaquer au symbole que sont les lois Pasqua-Debré même si, pour cela, il affaiblit l'action de l'Etat et compromet la cohésion du pays.
M. Alain Vasselle. Eh oui !
M. Serge Vinçon. Enfin - et ce n'est pas la moindre des critiques - je ne peux m'empêcher de souligner le caractère paradoxal de ce texte au regard de la procédure de révision constitutionnelle que le Gouvernement va devoir engager pour savoir si nous acceptons, par de nouvelles délégations de souveraineté, que notre politique en matière d'immigration soit supervisée par la Commission de Bruxelles. Si tel est le cas, quel sera le choix entre l'idéologie de gauche et l'harmonisation avec les autres Etats de l'Union européenne, dont les législations sont beaucoup plus restrictives ?
M. Alain Vasselle. Exercice difficile !
M. Serge Vinçon. C'est pour l'ensemble de ces raisons que le groupe du RPR votera le projet de loi tel qu'il a été amendé par le Sénat.
Pour conclure, je voudrais rendre hommage à nos deux excellents rapporteurs, M. Alain Vasselle, que Mme Dusseau a jugé astucieux et compétent, et M. Paul Masson, qui a accompli une fois de plus - mais nous connaissons sa compétence, sa disponibilité et sa précision - dans un domaine aussi sensible et complexe un travail remarquable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 1993, puis en 1997, le groupe socialiste du Sénat s'est opposé aux projets de loi déposés par MM. Pasqua et Debré.
M. René-Pierre Signé. Il a eu raison !
M. Guy Allouche. Rien ne le dispose aujourd'hui à approuver le texte issu des travaux du Sénat.
Notre discussion touche à sa fin. C'est à dessein que je n'emploie pas le terme de « débat », car nous avons assisté à un dialogue de malentendants.
M. Alain Vasselle. La faute à qui ?
M. Guy Allouche. Le débat parlementaire a pour fonction d'échanger positivement, de mieux comprendre les idées de l'autre à défaut de les faire siennes, de trouver un compromis. Il n'en fut rien, et pour cause.
D'emblée, la droite sénatoriale, par la voix de son rapporteur, a déclaré qu'elle n'entendait pas se déjuger une nouvelle fois. Démonstration est faite que la majorité sénatoriale s'enferme, se mure dans ses certitudes, se déconnecte de la réalité,...
M. Christian Bonnet. Oh !
M. Guy Allouche. ... rejette d'un « revers de texte », oserai-je dire, l'expression du peuple souverain,...
M. Alain Vasselle. Faites un référendum auprès des Français : vous verrez le résultat !
M. Guy Allouche. ... clairement et démocratiquement affirmée le 1er juin 1997.
M. Alain Vasselle. Vous avez peur du référendum !
M. Claude Estier. Il y a eu des élections et vous les avez perdues, ne l'oubliez pas !
M. le président. Voulez-vous laisser parler l'orateur, s'il vous plaît !
M. Guy Allouche. Enfermée dans ses certitudes, la droite sénatoriale l'était déjà lors du vote de la loi de 1993, alors que nous prédisions déjà que cette loi portait en elle les germes de l'inefficacité et de la déstabilisation des étrangers, surtout de ceux qui sont en situation régulière.
Je n'insisterai pas davantage sur la lutte pour l'immigration zéro, qui a fait long feu.
C'est si vrai que la loi de 1997 avait pour objet premier de corriger celle de 1993. Chacun se souvient du succès populaire et du succès législatif de cette loi de 1997 !
Qu'importe ! la droite sénatoriale persiste dans l'erreur, oubliant qu'il n'est pas dans son pouvoir de figer le temps, et encore moins la réalité.
M. René-Pierre Signé. C'est cela être conservateur !
M. Guy Allouche. Nous approuvons le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, parce que nous considérons qu'il est au service de la dignité humaine. En facilitant la vie familiale reconnue à tout être humain, en l'occurrence à tout étranger régulièrement installé sur notre sol, la France s'honore et se conforme à la Convention européenne des droits de l'homme, respectant ainsi sa signature.
Le Président de la République veut - et il a raison - que la France « redevienne le centre culturel du monde » ; l'ennui, c'est qu'il oublie de prévenir ses amis, qui décident du contraire. Il invite les jeunes Français à s'expatrier, à aller parcourir le monde, à aller semer « les graines du savoir français ». Il a raison, mais ses conseils ne parviennent pas aux oreilles et à l'esprit de ses amis, qui ne cessent de multiplier les obstacles dressés sur la route de ceux qui aspirent à venir en France pour y puiser une partie de l'intelligence française et être demain les meilleurs ambassadeurs du rayonnement de la France.
Bref, peut-on s'ouvrir sur l'international de manière unilatérale ? Nous ne le pensons pas.
La liste des contradictions serait trop longue à dresser. Nous avons constaté, pour le déplorer une nouvelle fois, que nos collègues de la droite sénatoriale voyaient en chaque étranger originaire de certaines régions du monde un fraudeur, un délinquant...
M. Jacques Habert. Mais non !
M. Christian Bonnet. Allons donc !
M. Guy Allouche. ... un dévoreur de l'identité nationale. Ouvrez les yeux, et vous verrez que la France d'aujourd'hui est différente de celle qui demeure imprimée dans certains de vos esprits. Ouvrez vos oreilles, et vous entendrez les clameurs d'une jeunesse française qui dialogue, qui accueille, qui chante, qui danse, qui voyage et pour qui les barrières terrestres, douanières, économiques, culturelles, linguistiques, artistiques, sont tombées dès l'âge scolaire.
En quoi l'étranger que l'on rencontre dans son pays lors d'un voyage d'agrément, qui nous accueille avec le sourire, que l'on côtoie, que l'on trouve sympathique, charmant, serviable, travailleur, diffère-t-il de celui - c'est parfois le même - qui frappe à notre porte, qui souhaite vivre temporairement et dignement dans notre pays ? Est-il si gênant que cela ? Qui a changé ? Lui, l'étranger, ou tout simplement le regard, notre regard ?
Un système qui se ferme est un système qui se meurt. La France que nous aimons est non pas celle qui élève des murs, des barrières, qui se barricade, mais plutôt celle qui lance des ponts, des passerelles, qui sait tendre la main à celles et à ceux qui souffrent tout en tenant compte de ses propres intérêts, qui sont loin d'être incompatibles avec ceux de pays que nous pouvons et devons aider.
La France n'est jamais aussi belle que lorsqu'elle rayonne, lorsqu'elle éclaire et guide le reste du monde, lorsqu'elle porte à l'extérieur son message millénaire.
M. Dominique Braye. C'est beau, la poésie !
M. Guy Allouche. L'actualité aidant, qu'il était beau, hier, ce Stade de France !
M. Dominique Braye. Quel poète !
M. Guy Allouche. Oui : la France entière était fière et a vibré en voyant évoluer onze des siens, à la couleur de peau différente, mais tous portant les couleurs nationales et entonnant La Marseillaise.
Et quelles clameurs lors du but victorieux marqué par Djorkaeff et Zidane, deux des nôtres dont on connaît les origines et la filiation.
Mme Hélène Luc. C'était beau !
M. Guy Allouche. Suivre aujourd'hui la droite sénatoriale, c'est se priver demain de nouveaux et nombreux talents, et ce dans tous les domaines. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je respecte infiniment - car je le connais de longue date - la vision idyllique de l'immigration que vient de nous présenter notre excellent collègue M. Allouche.
M. Claude Estier. Elle est plus sympathique que la vôtre !
M. Christian Bonnet. Merci, monsieur Estier !
M. Dominique Braye. Elle est irréaliste !
M. Alain Gournac. Elle est utopiste, c'est tout !
M. Christian Bonnet. Pour ma part, je me référerai à une phrase que vous avez prononcée ce matin, monsieur le ministre : vous avez dit, à juste titre, que nous vivions l'ère de l'image. Or l'immigration, qu'on le veuille ou non, marche à l'image.
A cet égard, le projet gouvernemental, aggravé notamment à l'Assemblée nationale par l'amendement d'un député qui souhaite faire participer les associations à certaines mesures antirépublicaines - disons-le, puisqu'il s'agit du mépris de la loi -...
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Christian Bonnet. ... ainsi que l'opération publique de régularisation et l'annonce de Bamako ne peuvent que susciter de fols espoirs chez des dizaines, des centaines de milliers de pauvres gens de par le monde.
M. Dominique Braye. C'est vrai !
M. Christian Bonnet. Et c'est parce qu'il pense que le projet gouvernemental exercera, hélas ! ce que Mme Martine Aubry - nous l'avons appris à l'instant de la bouche de M. Vassellle - a appelé un « effet d'attraction » sur le tiers monde et le quart monde que le groupe des Républicains et Indépendants votera le texte tel qu'amendé par la commission des lois, ...
M. Claude Estier. Il n'y a plus de texte !
M. Christian Bonnet. ... après que M. le rapporteur aura une fois encore démontré sa maîtrise de ces problèmes si délicats. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le président, je m'efforcerai d'être plus bref que M. Allouche.
Mes chers collègues, de façon préliminaire, je tiens à saluer l'excellent travail de mes collègues Paul Masson, Alain Vasselle et Charles Pasqua sur ce texte qui touche à un sujet sur lequel il n'y avait vraiment pas lieu de légiférer, puisque nous l'avions déjà fait l'an dernier.
Il y a quand même un gigantesque paradoxe derrière tout ce débat !
Tout d'abord, personne ne nie que nous soyons aujourd'hui en face d'un vrai problème - le contrôle de l'immigration - auquel il est impératif de trouver une solution. Or votre texte, monsieur le ministre, ainsi que les dispositions que vous voulez imposer - je dis bien « imposer », car nous savons que 76 % de nos compatriotes sont opposés à ces mesures - ne feront qu'aggraver ce problème.
Le Sénat a voulu résoudre ce paradoxe en revenant aux solutions à la fois pragmatiques et généreuses que nous avions mises en oeuvre.
Il y va non seulement de l'avenir de notre pays, mais aussi de la vie quotidienne de milliers d'hommes et de femmes, les plus modestes de notre pays, qui ont l'espoir de voir leurs conditions de vie s'améliorer.
La France est un pays généreux. Elle n'a, de ce point de vue, de leçon à recevoir de personne. La France accueille actuellement 4,2 millions d'immigrés sur son sol, ce qui représente 8 % de sa population totale.
Voilà les chiffres. Certains peuvent penser que c'est peu. (Murmures sur les travées socialistes), que notre pays pourrait faire plus et mieux. Mais la question de fond est celle-ci : avons-nous réussi l'intégration des immigrés qui sont chez nous ? (Exclamations sur les mêmes travées.) La réponse est à l'évidence non. Après des années de séjour en France, ils sont trop souvent encore des étrangers, qui se vivent comme tels et qui sont perçus commes tels, ...
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Dominique Braye. ... quand bien même ils ont acquis, d'ailleurs, la nationalité française.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. René-Pierre Signé. C'est faux !
M. Dominique Braye. La France peut-elle être fière de cette situation ? Non, je ne le crois pas. La réalité, c'est que les conditions d'intégration de milliers de familles supplémentaires ne sont manifestement pas réunies quand il existe un sentiment si répandu que le seuil de tolérance a été dépassé. Des dizaines de nationalités différentes, monsieur Allouche - quatre-vingt-cinq nationalités dans le seul Val-Fourré ! - sont concentrées dans ces quartiers difficiles, qui sont devenus, de fait, de véritables ghettos aux portes de nos grandes agglomérations.
Le consensus qui se dégage, c'est qu'il est urgent de remédier d'abord à nos problèmes, de remédier au chômage des jeunes et des moins jeunes, de remédier à la violence, de remédier à un urbanisme criminel qui isole les gens au lieu de les unir.
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Dominique Braye. L'urgence des Français, mais aussi l'urgence des immigrés qui peinent à s'intégrer, c'est celle-là, il n'y a aucune autre urgence valable pour tout responsable politique ou pour tout homme politique responsable ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
Favoriser aujourd'hui l'entrée de nouveaux immigrants, c'est affaiblir les chances de l'intégration, c'est hypothéquer l'avenir de notre pays, c'est mettre en péril les institutions républicaines et faire le lit du Front national. (Protestations sur les travées socialistes.)
Or que fait votre texte, sinon affaiblir le dispositif en vigueur, sinon supprimer les moyens de lutte contre l'immigration irrégulière et laisser dériver de façon inconsidérée le droit d'asile ?
Vous allez remettre en cause les résultats obtenus depuis 1993 et rompre l'équilibre fragile atteint avec l'aide des élus locaux, au prix d'un patient travail de terrain, en faisant sauter tous les verrous. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
L'ouverture de nos frontières à l'immigration est certainement, dans le monde idéal et éthéré rêvé par M. Allouche, une idée généreuse. Le problème, c'est que ce monde idéal ne correspond absolument pas à la réalité de la France de 1998.
M. Alain Vasselle. Eh oui !
M. Dominique Braye. L'arrivée de nouveaux immigrants rendra encore plus difficile, si cela est possible, leur intégration. Monsieur le ministre, aucun Français de bon sens n'est en mesure de comprendre cette volonté d'augmenter le nombre de personnes en difficulté dans notre pays.
Pourquoi permettre un nouvel afflux d'étrangers sur notre territoire - car ce sera la conséquence inéluctable de votre texte s'il est adopté sans les modifications apportées par le Sénat - alors même que près de sept millions de personnes, Français comme immigrés, vivent dans des conditions dramatiques et que tous, à droite comme à gauche, nous peinons à trouver des solutions pour améliorer leur vie, pour lutter contre les phénomènes d'exclusion et ramener la paix sociale ?
En agissant de la sorte, vous allez à l'encontre de la vraie générosité, qui consisterait à rendre possible l'intégration et l'épanouissement dans notre société des plus faibles de nos concitoyens. Vous allez ainsi faire payer aux plus faibles vos conceptions utopistes.
En effet, monsieur le ministre - et vous en conviendrez - il n'y a pas à sortir de cette voie, la seule réaliste et, de ce fait, la seule réellement généreuse, qui est celle de l'intégration et du co-développement.
M. le président. Mon cher collègue, vous avez dépassé de très loin le temps de parole de M. Allouche, et c'est la deuxième fois aujourd'hui que le président de séance est obligé de vous rappeler à l'ordre à ce sujet.
Je vous demande donc de conclure.
M. Dominique Braye. Je termine donc, en moins de trente secondes.
L'immigration est loin d'être un droit universel de l'individu ; elle doit aussi être considérée du point de vue de l'intérêt des pays. Or l'immigration dont vous vantez la générosité est d'abord une gigantesque hémorragie de populations, de main-d'oeuvre et de compétences.
Au-delà du désir légitime d'amélioration de leur sort individuel, les candidats à l'immigration ont d'abord des devoirs envers leur pays. Pourquoi ces ingénieurs, ces médecins, ces chercheurs ne retournent-ils pas mettre leurs savoirs et leurs compétences à la disposition de leur pays ?
M. le président. Cela fait six minutes et demie que vous parlez, monsieur Braye ! Or la présidence a demandé à tout le monde de faire un effort.
M. Dominique Braye. J'indique donc... (M. le président coupe le micro de l'orateur.)
M. le président. Non ! Vous avez terminé !
M. Dominique Braye. Les trois dernières lignes, monsieur le président !
M. le président. Bon, trois lignes.
M. Claude Estier. Pour ce qu'il dit !
M. Dominique Braye. Je voterai donc, aujourd'hui, le texte élaboré par la Haute Assemblée...
M. Claude Estier. Il n'y a plus de texte !
M. Dominique Braye. ... et je demande instamment à nos collègues députés de prendre en considération ce travail ainsi que l'opinion des Français en la matière, et de ne pas aggraver les conditions de vie des immigrés qui vivent sur notre territoire.
S'ils ne le font pas, lourde sera leur responsabilité devant l'histoire. Qu'ils ne comptent pas sur nous, en tout cas, pour en être les complices. ( Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. )
M. Claude Estier. Des mots !
M. le président. Vous avez parlé sept minutes, monsieur Braye.
La parole est à M. Ceccaldi-Raynaud.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ça va être bien !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Monsieur le président, vous me rappellerez à l'ordre si je dépasse mon temps de parole, car j'improvise et je ne sais donc pas combien de temps je vais parler. (Sourires.)
M. Claude Estier. Ce soir on improvise !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Monsieur le ministre, vous avez parlé, il y a quelque temps, d'un « débat pourri », disant il fallait y mettre fin et que, pour cela, un consensus était nécessaire dans l'arc républicain.
M. Charles Pasqua, avec son talent, vous a expliqué que vous eussiez été le mieux placé pour l'obtenir. Nous avons en commun avec vous une certaine vision de la patrie et de l'identité de la France. Après quoi tout - beaucoup, en tout cas ! - nous sépare.
Monsieur le ministre, vous n'avez rien fait pour obtenir ce consensus ; il n'y a eu aucun entretien préalable. Vous avez, ensuite, cédé à votre majorité plurielle. Vous avez résisté, c'est vrai, le mieux que vous avez pu, mais vous avez tout de même dû céder le minimum, et ce n'est pas parce qu'un texte n'est pas pire qu'il est acceptable.
En effet, mesdames, messieurs, ce texte, vrai ou faux, aggravera - car la manière dont est perçu un texte compte plus que son contenu - le fantasme d'invasion qui existe dans le pays. ( Oh ! sur les travées socialistes. )
M. Jean-Pierre Schosteck. Il a dit « fantasme » !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Oui, j'ai dit « fantasme » parce que c'est un mot qu'a employé M. le ministre à l'Assemblée nationale ! Renseignez-vous, mesdames, messieurs, lisez ce qu'ont dit ceux qui sont de votre bord !
Comme l'a fait remarquer la presse, ce projet de loi est celui que le parti socialiste avait élaboré - peut-être ai-je mal lu ! - au mois d'avril dernier. Mesdames, messieurs, si ce projet est celui du parti socialiste, il ne peut pas être le nôtre. Je comprends qu'il soit celui de M. Chevènement, qui a déclaré, avec la plus grande modestie : « Là où je suis, là se trouve le socialisme. » ( M. le ministre rit. ) Par conséquent, vous ne pouvez pas nous trouver là où se trouve le socialisme.
Le projet du Gouvernement n'est pas conforme aux intérêts de la France et, pour nous, là où se trouve le gaullisme, là se trouve la France. ( Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Rires sur les travées socialistes. )
M. René-Pierre Signé. Vous avez changé d'avis ! Vous avez été socialiste !
M. Charles Pasqua. Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis !
M. Guy Allouche. On est nombreux !
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet adopté par l'Assemblée nationale a donc été profondément amendé par la majorité sénatoriale, avec une logique qui est aux antipodes de la nôtre. Le terme « amendé » est d'ailleurs un euphémisme.
Si cette majorité était en dernière instance - heureusement, il n'en sera rien ! - il ne resterait en effet rien du travail d'élaboration de M. Weil, du Gouvernement et de nos collègues députés.
Notre vote sur un tel texte sera donc, bien évidemment, négatif.
Vous ne vouliez pas, monsieur le ministre, une diabolisation des débats. Vous aviez raison. Vous n'avez certes pas subi, dans cet hémicycle, les tirades souvent grossières de députés RPR et UDF qui vous ont été infligées à l'Assemblée nationale, mais vous y avez rencontré, comme nous, une attitude profondément conservatrice.
L'expérience des dernières années n'a manifestement pas conduit nos collègues de la majorité à réfléchir puisqu'ils nous proposent simplement un retour à la case départ.
Certains orateurs de la majorité ont prétendu aborder le débat avec pragmatisme. Eh bien, nous avons reçu l'essentiel des arguments énoncés ici comme des a priori idéologiques ! ( M. Alain Gournac s'exclame. )
Vos décisions, mesdames, messieurs de la majorité, s'inscrivent dans la logique de la législation mise en place en 1993 et en 1997. Mais cette politique a-t-elle réussi ? Elle n'a pas fait cesser l'immigration clandestine, et pour cause : le libéralisme, que vous défendez, facteur de déséquilibre, provoque des migrations.
Durant quatre ans, de nombreux thèmes, qui ont flirté parfois avec la xénophobie, ont été développés pour couper l'herbe sous le pied du Front national. Mais, comme je l'ai déclaré dans mon intervention générale, tout cela a contribué à entretenir une atmosphère malsaine dont l'extrême droite fait son miel.
Enfin, des mesures très sécuritaires ont été distillées. C'était la philosophie essentielle des réformes. Nombre de jeunes, à force d'être montrés du doigt, en ont eu de l'amertume. Cela a été un handicap profond pour tous les efforts d'intégration.
En donnant la victoire à la gauche, au mois de juin dernier, le pays, sur cette question comme sur d'autres, s'est prononcé pour une autre politique,...
M. Dominique Braye. Vous n'avez pas honte de mentir comme cela ?
M. Michel Duffour. ... pour plus de justice, pour plus de respect de la personne humaine.
Vous êtes mal placé pour m'interrompre, monsieur Braye, après ce que vous avez dit. Oser parler d'intégration après les diatribes que vous avez lancées, c'est tout de même étonnant !
M. Lionel Jospin, qui l'avait fort bien vu, en avait fait un thème de sa campagne.
J'espère, monsieur le ministre, que le contexte sénatorial ne vous a pas empêché d'entendre et notre soutien et nos critiques.
M. Alain Gournac. Ah !
M. Michel Duffour. Nous pensons, en agissant ainsi, défendre des souhaits largement présents au sein de la gauche plurielle.
Serions-nous irréalistes, comme cela a pu être dit par la droite dans cette assemblée ? Non, il n'y a chez nous ni belle âme ni âme noire. Nous ne sommes partisans ni d'un effacement des frontières, ni d'une disparition de tout contrôle, ni de l'acceptation de l'immigration clandestine.
Nous savons surtout que l'ancienne politique a échoué et qu'il faut écrire une nouvelle page de l'histoire de l'entrée et du séjour des étrangers en France.
Nombre de vos réflexions, monsieur le ministre, sont stimulantes. La vie des familles étrangères sera facilitée. La délivrance des visas gagnera en transparence. Vous faites preuve de courage en matière de droit d'asile. L'image de la France devrait s'améliorer, et je vous remercie de votre soutien à notre proposition faisant du Parlement un des co-acteurs de la politique de codéveloppement.
Nous avons toutefois quelques réserves à émettre sur d'autres aspects.
M. Alain Gournac. Ah !
M. Michel Duffour. Nous souhaitons une législation fondée davantage sur les droits que sur les interdictions. Par ailleurs, votre démarche vis-à-vis des associations, des partenaires, n'est pas suffisamment marquée, selon nous, par la confiance.
Nous aurons l'occasion de débattre de nouveau de ces grands problèmes lors de l'examen des projets de loi du Gouvernement visant à favoriser l'intégration et la coopération, et nous sommes bien décidés, à cette occasion, à contribuer à faire avancer la réflexion.
Enfin, soyez assurés, chers collègues de la majorité, que nous ne cesserons de mettre en garde contre toutes vos propositions qui mettent en cause la cohésion du pays. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Gournac. C'était la leçon communiste !
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée, par une pratique maintenant régulière et durablement établie, a démantelé, article après article, le projet de loi sur l'entrée et le séjour des étrangers en France. Faisant cela, elle en revient, à un point près, aux lois Pasqua-Debré, de même que, sur la nationalité, elle en est revenue à la loi Méhaignerie.
J'ai eu l'occasion de dire à quel point j'étais hostile à ces deux lois. Je me suis battue, ici même, contre la loi Debré et je tiens à redire ici, monsieur le ministre, que j'aurais préféré qu'on les abroge.
Tel n'a pas été le choix du Gouvernement, et je le regrette. Cette suppression aurait évité, par exemple, de laisser subsister des éléments pour le moins discutables. Parmi ceux-ci, le fichier centralisé et automatisé des empreintes digitales pour les demandeurs de carte de séjour, qui plaque sur chaque immigré l'image d'un clandestin et d'un délinquant potentiel. J'y suis totalement hostile, de même qu'à l'utilisation, aussi floue qu'arbitraite, de la notion d'ordre public, dont ont été truffés - il n'y a pas d'autre mot - les textes des lois Pasqua-Debré.
Aussi floue qu'arbitraire, ai-je dit. J'en veux pour preuve - si besoin était ! - un article paru aujourd'hui dans une quotidien, et qui présente un bilan de la situation d'un pays d'Europe centrale. On y salue « le maintien de l'ordre public », en faisant valoir à l'appui que « grèves et manifestations sont pratiquement inconnues ».
Il s'agit, certes, d'un article de presse, mais je ne suis pas sûre que l'administration n'ait pas, dans le passé, ou ne puisse avoir, dans l'avenir, de telles conceptions de l'ordre public.
Je crains donc, pour ma part, que les dérives de langage dans le texte de loi ne fassent qu'entraîner ou coroborer des dérives dans la pratique.
Lors du vote de la loi sur la nationalité, extrêmement déçus par la position du Gouvernement, qui a refusé de revenir à la loi de 1973, les sénateurs radicaux de gauche, que je représente ici, ont tenu à exprimer leur distance par une abstention.
Je n'adopterai pas, aujourd'hui, la même position, monsieur le ministre. En effet, en dépit d'un certain nombre de réserves que j'ai pu exprimer dans le débat, ce projet de loi présente un certain nombre d'avancées positives.
C'est pourquoi je veux, au nom des radicaux de gauche, dire mon soutien à votre projet de loi et annoncer, bien entendu, que nous voterons contre le texte élaboré par notre assemblée.
M. Guy Allouche. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France est un pays généreux, nous le savons. Sa réputation d'accueil est bien établie dans le monde. De tout temps, elle a été exemplaire.
Je ne parlerai pas de tous ces étrangers qui ont servi sous nos rois au plus haut niveau, tel Mazarin, ni d'autres hommes d'Etat d'origine étrangère, devenus célèbres.
Je dirai, moi aussi, que nous sommes très heureux d'avoir eu, il y a quelques années, dans notre équipe nationale de football, des Platini et de compter aujourd'hui des Djorkaeff et des Zidane. J'y ajouterai, parce qu'on ne l'a pas mentionnée, la petite Roxana, arrivée de Roumanie à l'âge de dix ans et qui est la première française à devenir championne du monde de natation. Elle s'est exprimée hier à la télévison, dans un excellent programme, de façon charmante.
Donc, nous sommes généreux et nos lois ont permis à toutes ces personnes de venir chez nous. Etait-il absolument nécessaire d'en rajouter ?
Je n'ai pas apprécié certains propos de M. Allouche, bien qu'il fût poétique à souhait, voire lyrique. En effet, pourquoi, alors que nous manifestons notre amour de l'étranger, notre désir de recevoir des étrangers chez nous - nous, Français de l'étranger, les côtoyons plus que quiconque ici ! - saisir l'occasion de cette explication de vote pour taper sur la droite sénatoriale, qui serait « ringarde » ? C'était tout à fait inutile et navrant.
A cette poésie, on peut, bien sûr, opposer un certain réalisme dont il faut tenir compte. Ce que nous ne voudrions pas, c'est que, par cette générosité, sans doute excessive, on fasse de notre pays un véritable miroir aux alouettes où les gens veulent venir parfois de très loin, parfois au péril de leur vie, pensant que, s'ils réussissent à pénétrer en France, eh bien ! ils se débrouilleront, on les y laissera et ils pourront y vivre dans des conditions plus avantageuses que chez eux.
Avons-nous le droit de faire cela ? Ce miroir aux alouettes, à bien des égards, n'est bien souvent qu'un leurre. Certains réussiront, d'autres s'y brûleront les ailes, et cela fera des déçus, des révoltés. Il faut voir les choses avec plus de réalisme et de sérieux.
Un grand nombre des amendements que nous avons votés contiennent de bonnes choses, monsieur le ministre. Je vous conjure - en particulier s'agissant de l'article 36, lequel me semble tout à fait typique à cet égard - d'étudier certaines des dispositions que nous vous avons suggérées, de les approfondir devant l'Assemblée nationale et de ne pas revenir devant nous avec le texte initial du projet de loi, excluant notre amendement.
Pour conclure, après avoir remercié MM. Paul Masson et Vasselle de leurs excellents rapports, j'indique que, naturellement, nous voterons ce texte tel qu'il ressort des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Guy Allouche. Il n'y a plus de texte !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous remercier au terme de ce débat non pas tant du résultat auquel nous sommes parvenus que du ton toujours courtois qui a marqué nos échanges. Cela contraste heureusement avec certains propos franchement déplacés que j'ai entendus à l'Assemblée nationale.
Ce débat fut courtois même s'il a pris trop souvent l'apparence d'un dialogue de sourds. J'ai répondu à beaucoup d'arguments qui ont encore été évoqués à l'instant.
Les associations de défense des immigrés en situation irrégulière ne sont rien d'autres que des avocats commis d'office qui peuvent les défendre comme elles peuvent défendre par ailleurs des criminels. Elles ne se situent donc pas dans l'illégalité. Elles sont même subventionnées pour remplir leur rôle. Par conséquent, n'exagérons pas !
M. le Premier ministre n'a pas dit, à Bamako, autre chose que ce que je déclare, à savoir que je me débrouille avec les moyens du bord, sans céder à la gesticulation inutile.
Le Sénat aurait pu améliorer, je le crois, le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, dont j'étais d'ailleurs satisfait. J'ai abordé cette question - je vous le dis franchement - avec humilité, car il s'agit d'un problème très difficile qui n'est que la partie émergée d'un immense iceberg touchant aux rapports internationaux, à l'histoire du monde, et pas seulement à l'histoire de notre pays.
Je l'ai abordé dans un esprit d'humilité, je le répète, en essayant d'avoir la vue la plus exhaustive et la plus prospective possible, en tenant toujours compte des intérêts du pays et avec le souci de ne pas exciter inutilement les passions.
Le projet de loi avait trois objectifs - je les ai déjà rappelés - dont le premier était de stabiliser et d'intégrer les étrangers établis sur notre sol. C'est là un rude défi, mais je crois que nous serons capables de le relever au fil du temps.
Je me trouvais effectivement hier - M. Allouche l'a évoqué - au Stade de France et je veux dire que c'est la première fois que j'ai entendu jaillir une aussi puissante Marseillaise . J'ai eu beaucoup de peine, en 1984, à expliquer aux enseignants qu'ils devaient introduire la Marseillaise dans le répertoire scolaire - certains l'ont fait, de très bon coeur d'ailleurs. Je dois dire qu'une foule de 80 000 personnes - même si tous ne chantaient pas, il y en avait des dizaines de milliers qui chantaient - c'est vraiment impressionnant ; je me suis dit qu'il était tout de même curieux qu'il n'y ait que dans les stades aujourd'hui que s'exprimait vraiment le sentiment d'appartenance.
J'ai entendu le même chant au moment où Zinedine Zidane a marqué le but pour l'équipe de France ; à ce moment-là, on ne sentait pas de différence entre les joueurs qui composaient l'équipe de France, quelle que soit la couleur de leur peau. Je pense que c'est cela la République, d'une certaine manière.
Le deuxième objectif que nous poursuivons est celui du rayonnement de la France. C'est une nécessité, nous allons y pourvoir, le Président de la République lui-même le souhaite.
M. Pasqua a eu des mots, que j'ai cités, qui étaient d'ailleurs très justes : nous avons une histoire, nous devons l'assumer.
J'ai également précisé que la maîtrise des flux migratoires devait se faire dans le respect des droits des étrangers, mais efficacement, et le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures aussi bien pour sanctionner les filières illégales agissant en bandes organisées que pour assurer de manière plus efficace que ce n'était le cas jusqu'alors les mesures d'éloignement. L'équilibre sur lequel repose le projet de loi est celui d'une entrée plus libérale mais aussi d'une reconduite plus vigoureusement effectuée que ce n'est le cas aujourd'hui.
On ne peut pas imaginer que dans les sciences humaines et dans les choses de la société ne s'applique pas également le principe de Carnot qui est celui de la déperdition d'énergie. Vous le savez très bien, un moteur ne transforme pas toute l'énergie qu'il consomme en travail. Ainsi en va-t-il de la législation sur les étrangers dont on pourrait peut-être faire en sorte qu'elle s'applique mieux sans prétendre, toutefois, parvenir à un résultat absolument parfait.
En ce domaine, nous agissons par approximations successives. Le Gouvernement n'a pas voulu abroger, quoi qu'en dise M. Pasqua, les lois dites improprement « Pasqua-Debré ». Il a préféré procéder avec méthode, de manière pragmatique. Il m'est arrivé de conserver certaines dispositions - je m'en suis expliqué ici - parce que je les jugeais finalement utiles.
L'objectif sera atteint par l'assouplissement des conditions du regroupement familial. J'ai entendu des cris d'orfraie à ce sujet. Pourtant, moins de 1 400 personnes par an sont concernées et j'ai expliqué que ce mouvement s'amortissait de lui-même. De même, 3 854 personnes seulement ont été éligibles au droit d'asile en 1996. Allez voir dans quelques pays qui nous entourent : vous constaterez que la situation y est quand même extrêment différente.
J'en viens à un important sujet qui a été fort peu débattu ici et qui concerne le traité d'Amsterdam. Que serait la législation européenne si le traité d'Amsterdam devait entrer en vigueur ? Serait-elle plus restrictive, comme ont semblé l'indiquer MM. Pasqua et Bonnet ? M. Pasqua parlait de « l'emprisonnement allemand »...
M. Charles Pasqua. Et du droit de rétention britannique sans limite de durée !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Mais on pourrait également imaginer que cette législation européenne évolue vers la pratique méditerranéenne...
M. Christian Bonnet. Qui est en train de changer !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Dans les textes ! Mais nous savons très bien que tout cela risque de prêter à quelques malentendus.
Je dois dire que je ne vois pas cela sans appréhension, parce que je suis profondément européen, mais je pense que certaines réglementations peuvent dresser les uns contre les autres des peuples qui ne voient pas les choses de la même façon car chacun a son histoire et sa culture.
On peut aussi avancer une troisième hypothèse selon laquelle cette législation serait inapplicable pour la raison que je viens d'évoquer. Voilà qui aurait pu donner matière à débats.
Dans l'état actuel des choses, nous sommes dans le domaine de la souveraineté française. Nous légiférons en France, pour la France, et vous prenez vos responsabilités en tant que législateurs. De nombreuses contradictions sont apparues sur ces travées parce que le bond qui serait fait - j'emploie à dessein le conditionnel - aboutirait peut-être à inverser totalement les positions dans la mesure où les causes qui sont défendues dans cet hémicycle se trouveraient en quelque sorte elles-mêmes inversées. Je ne sais pas si vous avez bien compris ce que j'ai voulu vous dire... (Mais si ! sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Je regrette que le Sénat ait, en quelque sorte, éradiqué les principales dispositions concernant le regroupement familial, le droit d'asile qui fait partie de la meilleure tradition républicaine, l'égalité des droits sociaux entre les Français et les étrangers en situation régulière.
Ce débat, grâce en particulier à la technicité et à la compétence du rapporteur - je ne suis pas d'accord avec lui sur la plupart des sujets, mais je dois rendre hommage à son travail - a donné à nos travaux une grande qualité et il n'a pas troublé profondément notre pays. Au fond, n'est-ce pas l'objectif que tous ensemble nous devons rechercher ? (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Mme Joëlle Dusseau applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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