M. le président. « Art. 5. _ Après l'article 12 bis de la même ordonnance, il est inséré un article 12 ter ainsi rédigé :
« Art. 12 ter . _ Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue à l'article 12 bis est délivrée de plein droit :
« 1° à 3° Supprimés ;
« 4° A l'étranger qui a obtenu l'asile territorial en application de l'article 13 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 précitée ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants mineurs, ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire, lorsque le mariage est antérieur à la date de cette obtention ou, à défaut, lorsqu'il a été célébré depuis au moins un an, sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux.
« La carte délivrée au titre du présent article donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. »
Sur cet article, je suis saisi de trois amendements qui pourront faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 7, M. Masson, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 91, MM. Duffour, Pagès, Dérian, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mmes Bidard-Reydet, Borvo, MM. Fischer, Lefebvre, Mme Luc, MM. Minetti, Ralite, Renar, Mme Terrade et M. Vergès proposent de rédiger ainsi l'article 5 :
« Après le 10° de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, il est inséré un alinéa nouveau ainsi rédigé :
« ... à l'étranger qui a obtenu l'asile territorial en application de l'article 13 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 précitée ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants mineurs ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire, lorsque le mariage est antérieur à la date de cette obtention ou à défaut, lorsqu'il a été célébré depuis au moins un an, sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux. »
Par amendement n° 55, Mme Dusseau propose de rédiger comme suit le début du premier alinéa du texte présenté par l'article 5 pour l'article 12 ter à insérer dans l'ordonnance n° 45-2568 du 2 novembre 1945 :
« Sous réserve que des considérations tenant à la sûreté de l'Etat ne s'y opposent pas, la carte de séjour... »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 7.
M. Paul Masson, rapporteur. L'article 5 a trait à l'attribution de plein droit de la carte de séjour aux bénéficiaires de l'asile territorial.
Lorsque nous examinerons l'article 31, nous exposerons les raisons pour lesquelles nous nous opposons à l'asile territorial. Dès maintenant, nous pouvons dire que nous ne pouvons qu'être contre l'article 5. C'est pourquoi la commission des lois demande au Sénat d'en voter la suppression.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 91.
M. Robert Pagès. Par cet amendement, nous proposons que les personnes concernées par l'asile territorial obtiennent une carte de résident, alors que le projet de loi, dans cet article 5, n'envisage pour eux que l'octroi d'une carte de séjour temporaire, d'une durée d'un an. S'il était adopté en l'état, les bénéficiaires de l'asile territorial seraient placés dans une situation de précarité.
Par cette proposition, nous rejoignons le souhait de la commission consultative des droits de l'homme, qui indiquait le 1er octobre dernier : « Le statut des personnes bénéficiant de l'asile doit garantir un séjour stable tant que durent les causes qui ont justifié la reconnaissance du droit à l'asile. »
L'étranger concerné est une personne qui a établi « que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme » qui sont, comme vous le rappelez dans votre rapport écrit, monsieur le rapporteur, la torture, les peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Nous estimons que ces personnes ont droit à une certaine stabilité, conformément à notre tradition en matière de droit d'asile.
Je profite d'ailleurs de la défense de cet amendement pour m'étonner que, face à des situations de toute évidence dramatiques - qui ne songe, en cet instant, à la tragédie algérienne ? - M. le rapporteur adopte une position de repli, de rejet.
En effet, monsieur Masson, à la page 77 de votre rapport écrit, vous indiquez que la commission « s'interroge sur l'opportunité d'inscrire dans la loi une pratique administrative déjà admise et sur le risque d'encouragement à la demande d'asile que cette proposition comporterait ».
A la page 146, vous évoquez un phénomène d'« appel d'air ».
Pourtant, vous citez vous-même le rapport de M. Weil, qui préconisait l'adoption de cette mesure, chiffrant à quelques centaines le nombre de personnes concernées.
Vous craignez, enfin, un surcroît de travail pour la justice administrative. Cette remarque confirme en tout cas que les moyens de la justice administrative doivent être sensiblement améliorés.
Il nous paraît regrettable de brader l'une des valeurs qui sont à l'origine du rayonnement de notre pays dans le monde, à savoir le droit d'asile, au nom de la crainte de la venue d'un certain nombre, au demeurant fort restreint, de personnes traquées, torturées, menacées, ou au nom d'une faiblesse budgétaire.
Par cet amendement, nous proposons que le Sénat s'appuie sur l'avancée permise par ce texte pour apporter la garantie d'un séjour stable au bénéficiaire de l'asile territorial.
M. le président. L'amendement n° 55 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 91 ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 7 et 91 ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Pour exprimer cet avis, je défendrai essentiellement le texte du Gouvernement.
Dans l'article 12 ter , ne reste plus que la catégorie de l'asile territorial : c'est volontairement que nous avons fait remonter dans l'article 12 bis toutes les autres catégories visées. L'asile territorial sera soumis à des conditions qui seront précisées ultérieurement, mais ces conditions devront être compatibles avec l'intérêt national.
Je rappelle que la jurisprudence actuelle des tribunaux administratifs est telle qu'un certain nombre d'arrêtés préfectoraux sont d'ores et déjà annulés.
Récemment, l'un d'entre vous, M. Balarello, je crois, avait fait allusion à une décision du tribunal administratif de Nice concernant un Algérien de Relizane. Tout cela mérite d'être plus soigneusement encadré. C'est l'objet de cette disposition sur l'asile territorial, qui est déjà entrée en vigueur de facto , mais qui doit être précisée.
Il nous faut évidemment prendre en compte les liens historiques qui nous unissent à certains pays et faire en sorte que, au-delà de l'asile constitutionnel réservé aux combattants de la liberté, qu'ils soient persécutés par des autorités étatiques ou non étatiques, il y ait place aussi pour des personnes qui pourraient apporter la preuve qu'elles sont menacées dans leur vie.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7.
M. François Gerbaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Aux termes de cet article 5, une carte de séjour temporaire est attribuée de plein droit aux bénéficiaires de l'asile territorial.
Jusqu'à présent, l'asile territorial constituait une pratique administrative qui a fait la preuve de sa souplesse et de son humanité bien qu'elle ne reposât sur aucun texte spécifique. Or le projet tel qu'il nous est présenté modifie considérablement cette pratique en l'inscrivant dans la loi et en précisant que l'asile territorial pourra être accordé si l'étranger établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements qui sont contraires à la convention de Genève.
Ainsi, à l'évidence, l'extension massive de la qualité de réfugié ne manquera pas d'ouvrir notre territoire à tous les ressortissants des pays - et il en est, hélas ! beaucoup trop - en proie à des troubles graves, qui se verront attribuer de plein droit une carte de séjour temporaire, ce que naturellement nous ne pouvons accepter.
C'est pourquoi, le groupe du RPR votera l'amendement de suppression de l'article 5, défendu par M. le rapporteur de la commission des lois.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 est supprimé et l'amendement n° 91 n'a plus d'objet.
Article 5
bis
et article additionnel
avant ou après l'article 8