SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Rappel au règlement
(p.
1
).
MM. Patrice Gélard, le président.
3.
Nationalité.
- Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
2
).
Article 1er A (p. 3 )
Amendements identiques n°s 2 de la commission et 45 de M. Hyest. - MM. Christian Bonnet, rapporteur de la commission des lois ; Jean-Jacques Hyest, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Michel Duffour, Mmes Joëlle Dusseau, Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Hubert Durand-Chastel, Michel Caldaguès, Jean Chérioux, Michel Dreyfus-Schmidt, Jacques Habert, Dominique Braye, Paul Girod. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Article additionnel avant l'article 1er (p. 4 )
Amendement n° 114 rectifié de M. Duffour. - MM. Michel Duffour, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Robert Badinter, Jacques Larché, président de la commission des lois ; Mmes Joëlle Dusseau, Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Philippe de Gaulle, Dominique Braye, Michel Dreyfus-Schmidt, Claude Estier.
Suspension et reprise de la séance (p. 5 )
M. Claude Estier. - Rejet, par scrutin public, de l'amendement n° 114 rectifié.
Article 1er (p. 6 )
M. Jean Chérioux, Mme Joëlle Dusseau, M. Paul Girod, Mme Monique Cerisier-ben
Guiga.
Amendements identiques n°s 3 de la commission, 46 de M. Hyest et 82 de M.
Plasait ; amendements n°s 83, 84 de M. Plasait, 37 de Mme Dusseau, 47, 48 de M.
Hyest et sous-amendement n° 127 de M. Chérioux ; amendements n°s 85 à 88 de M.
Plasait et 49 à 51 de M. Hyest. - MM. le rapporteur, Jean-Jacques Hyest,
Bernard Plasait, le président, Mme Joëlle Dusseau, M. Jean Chérioux, Mme le
garde des sceaux, MM. Michel Duffour, Michel Caldaguès. - Adoption des
amendements n°s 3, 46 et 82 supprimant l'article, les autres amendements et le
sous-amendement devenant sans objet.
M. le président.
Suspension et reprise de la séance (p. 7 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
4.
Recrutement exceptionnel de magistrats de l'ordre judiciaire.
- Adoption d'un projet de loi organique (p.
8
).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice ; MM. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois ; Paul
Girod, Michel Dreyfus-Schmidt, Robert Pagès.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 9 )
Amendement n° 3 de M. Lesein. - MM. François Lesein, le rapporteur, Mme le
garde des sceaux. - Retrait.
Amendement n° 2 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le
rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
MM. Patrice Gélard, Jacques Larché, président de la commission des lois.
Adoption de l'article modifié.
Articles 2 à 7. - Adoption (p.
10
)
Article additionnel après l'article 7 (p.
11
)
Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 8. - Adoption (p.
12
)
Vote sur l'ensemble (p.
13
)
M. Robert Badinter.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi organique.
5.
Organisme extraparlementaire
(p.
14
).
6.
Nationalité.
- Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
15
).
Mise au point au sujet d'un vote (p. 16 )
Mme Joëlle Dusseau, M. le président.
Articles additionnels après l'article 1er (p. 17 )
Amendements n°s 52 rectifié de M. Hyest, 44 rectifié de M. Gélard et sous-amendement n° 128 de M. Chérioux ; amendements n°s 53 rectifié, 54 rectifié de M. Hyest et 38 de Mme Dusseau. - MM. Jean-Jacques Hyest, Patrice Gélard, Jean Chérioux, Mme Joëlle Dusseau, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Michel Duffour, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Retrait des amendements n°s 53 rectifié et 54 rectifié ; rejet du sous-amendement n° 128 et de l'amendement n° 38 ; adoption des amendements n°s 52 rectifié et 44 rectifié insérant deux articles additionnels.
Article additionnel après l'article 1er
ou après l'article 5 (p.
18
)
Amendements n°s 39 de Mme Dusseau et 115 de M. Duffour. - Mme Joëlle Dusseau, MM. Robert Pagès, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet des deux amendements.
Article 2 (p. 19 )
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Amendements identiques n°s 4 de la commission et 55 de M. Hyest ; amendements
n°s 56 de M. Hyest, 76 et 77 de Mme Dusseau. - MM. le rapporteur, Jean-Jacques
Hyest, Mmes Joëlle Dusseau, le garde des sceaux, M. Michel Caldaguès. - Retrait
des amendements n°s 76 et 77 ; adoption des amendements n°s 4 et 55 supprimant
l'article, l'amendement n° 56 devenant sans objet.
Article additionnel après l'article 2 (p. 20 )
Amendement n° 35 de M. Gélard. - MM. Patrice Gélard, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait.
Article 3 (p. 21 )
Amendements identiques n°s 5 de la commission et 57 de M. Hyest ; amendement n° 78 de Mme Dusseau. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement n° 78 ; adoption des amendements n°s 5 et 57 supprimant l'article.
Article 4 (p. 22 )
Amendements identiques n°s 6 de la commission et 58 de M. Hyest. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Article 5 (p. 23 )
Mme Joëlle Dusseau.
Amendements identiques n°s 7 de la commission, 59 de M. Hyest et 97 de M.
Plasait ; amendements n°s 60, 61 de M. Hyest, 98, 99 de M. Plasait et 116 de M.
Duffour. - MM. le rapporteur, Jean-Jacques Hyest, Michel Duffour, Philippe de
Bourgoing, Mme le garde des sceaux. - Retrait des amendements n°s 60, 61, 98 et
99 ; adoption des amendements n°s 7, 59 et 97 supprimant l'article,
l'amendement n° 116 devenant sans objet.
Article 5 bis (p. 24 )
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Michel Caldaguès, Hubert Durand-Chastel.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 5 bis (p. 25 )
Amendements identiques n°s 40 de Mme Dusseau et 118 de M. Duffour. - Mme Joëlle
Dusseau, MM. Robert Pagès, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet des
amendements.
Amendement n° 41 de Mme Dusseau. - Mme Joëlle Dusseau. - Retrait.
Amendement n° 42 de Mme Dusseau. - Mme Joëlle Dusseau, M. le rapporteur, Mme le
garde des sceaux. - Rejet.
Amendements n°s 109 de Mme Cerisier-ben Guiga et 117 de M. Duffour. - Mme
Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Michel Duffour, le rapporteur, Mme le garde des
sceaux, M. Jean-Jacques Hyest. - Rejet des deux amendements.
Suspension et reprise de la séance
(p.
26
)
Articles additionnels après l'article 5
bis
ou avant l'article 15 A (p.
27
)
Amendements n°s 29 de M. de Gaulle et 111 de M. Durand-Chastel. - MM. Philippe de Gaulle, Hubert Durand-Chastel, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Michel Caldaguès, Jacques Larché, président de la commission des lois ; Jacques Habert, Jean-Jacques Hyest. - Retrait des deux amendements.
Article additionnel après l'article 5 bis (p. 28 )
Amendement n° 112 rectifié de M. Durand-Chastel et sous-amendement n° 126 de M.
Habert. - MM. Hubert Durand-Chastel, Jacques Habert, le rapporteur, Mmes le
garde des sceaux, Monique Cerisier-ben Guiga. - Adoption du sous-amendement et
de l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Amendement n° 119 de M. Duffour. - MM. Robert Pagès, le rapporteur, Mme le
garde des sceaux. - Retrait.
Article 6 (p. 29 )
Amendements identiques n°s 8 de la commission et 62 de M. Hyest. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Robert Badinter. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Article 6 bis (p. 30 )
Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, le garde des sceaux.
Adoption de l'article.
Article 7 (p. 31 )
Amendements identiques n°s 9 de la commission, 63 rectifié de M. Hyest et 100 de M. Plasait ; amendement n° 120 de M. Duffour. - MM. le rapporteur, Michel Duffour, Mme le garde des sceaux. - Adoption des amendements n°s 9, 63 rectifié et 100 supprimant l'article, l'amendement n° 120 devenant sans objet.
Article 8 (p. 32 )
Amendements n°s 10 de la commission, 121 de M. Duffour et 64 de M. Hyest. - MM. le rapporteur, Robert Pagès, Jean-Jacques Hyest, Mme le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement n° 64 ; adoption de l'amendement n° 10 rédigeant l'article, l'amendement n° 121 devenant sans objet.
Article 9 (p. 33 )
Amendements identiques n°s 11 de la commission, 65 de M. Hyest et 101 de M. Plasait. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption des trois amendements supprimant l'article.
Article additionnel après l'article 9 (p. 34 )
Amendement n° 122 de M. Duffour. - MM. Michel Duffour, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet.
Article 10 (p. 35 )
Amendement n° 79 de Mme Dusseau. - Retrait.
Adoption de l'article.
Article 11 (p. 36 )
Amendements identiques n°s 12 de la commission, 66 de M. Hyest et 102 de M. Plasait. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption des trois amendements supprimant l'article.
Article 11 bis (p. 37 )
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Amendements n°s 13 de la commission et 81 de Mme Dusseau. - M. le rapporteur,
Mmes Joëlle Dusseau, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement n° 13
supprimant l'article, l'amendement n° 81 devenant sans objet.
Article 12 (p. 38 )
Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, le garde des sceaux.
Adoption de l'article.
Article 13. - Adoption (p.
39
)
Articles additionnels après l'article 13 (p.
40
)
Amendements n°s 43 de Mme Dusseau et 124 de M. Duffour. - Mme Joëlle Dusseau,
MM. Robert Pagès, le rapporteur, Mmes le garde des sceaux, Monique Cerisier-ben
Guiga, M. Jacques Habert. - Rejet des deux amendements.
Amendement n° 113 de M. Durand-Chastel. - MM. Hubert Durand-Chastel, le
rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un
article additionnel.
Article 14 A (p. 41 )
Amendement n° 14 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Articles 14 B, 14, 14
bis
et 14
ter.
- Adoption (p.
42
)
Article 14
quater
(p.
43
)
Amendement n° 15 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Articles additionnels avant l'article 15 A (p. 44 )
Amendement n° 1 de M. Caldaguès. - MM. Michel Caldaguès, le rapporteur, Mmes le
garde des sceaux, Joëlle Dusseau. - Adoption de l'amendement insérant un
article additionnel.
Amendement n° 16 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux,
M. Jean-Jacques Hyest. - Adoption de l'amendement insérant un article
additionnel.
Amendement n° 103 de M. Plasait. - MM. Philippe de Bourgoing, le rapporteur. -
Retrait.
Article 15 A (p. 45 )
Amendements identiques n°s 17 de la commission et 68 de M. Hyest. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Article 15 B (p. 46 )
Amendement n° 18 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Jean-Jacques Hyest. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 15 C (p. 47 )
Amendement n° 19 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article additionnel avant l'article 15 (p. 48 )
Amendement n° 123 rectifié de M. Duffour. - Rejet.
Article 15 (p. 49 )
Amendements identiques n°s 20 de la commission, 69 de M. Hyest et 104 de M. Plasait. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption des trois amendements supprimant l'article.
Article 15 bis (p. 50 )
Amendements identiques n°s 21 de la commission et 72 de M. Hyest ; amendement n° 110 de Mme Cerisier-ben Guiga - M. le rapporteur, Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, le garde des sceaux. - Adoption des amendements n°s 21 et 72 supprimant l'article, l'amendement n° 110 devenant sans objet.
Article 15 ter (p. 51 )
Amendement n° 22 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 15 quater (p. 52 )
Amendement n° 23 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 16 (p. 53 )
Amendements identiques n°s 24 de la commission, 73 de M. Hyest et 105 de M. Plasait. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption des trois amendements supprimant l'article.
Article 17 (p. 54 )
Amendements identiques n°s 25 de la commission, 74 de M. Hyest et 106 de M. Plasait ; amendement n° 107 de M. Plasait. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption des amendements n°s 25, 74 et 106 supprimant l'article, l'amendement n° 107 devenant sans objet.
Article 18 (p. 55 )
Amendements identiques n°s 26 de la commission, 75 de M. Hyest et 108 de M. Plasait. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption des trois amendements supprimant l'article.
Article additionnel après l'article 18 (p. 56 )
Amendement n° 125 rectifié de M. Duffour. - MM. Robert Pagès, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet.
Article 19 (p. 57 )
Amendement n° 27 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 20 (p. 58 )
Amendement n° 28 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Vote sur l'ensemble (p. 59 )
MM. Robert Badinter, Michel Duffour, Mme Joëlle Dusseau, MM. Jean-Jacques
Hyest, Michel Caldaguès, Henri de Raincourt, Jacques Habert, Mme le garde des
sceaux.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
7.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
60
).
8.
Communication de l'adoption définitive de propositions d'actes
communautaires
(p.
61
).
9.
Transmission d'une proposition de loi
(p.
62
).
10.
Dépôt d'un rapport
(p.
63
).
11.
Ordre du jour
(p.
64
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, Mme le ministre est intervenue hier sur
l'interprétation de l'article 11 de la Constitution.
Au nom de la majorité sénatoriale à laquelle j'appartiens, je tiens à préciser
que cette interprétation est celle de Mme le ministre, et d'elle seule ; ce
n'est pas celle de la majorité du Sénat ! Or, dans ce domaine, ce n'est pas
parce que nous sommes dans l'opposition que nous avons juridiquement tort.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains
et Indépendants.)
M. le président.
Acte vous est donné de ce rappel au règlement, monsieur Gélard.
3
NATIONALITÉ
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 145,
1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif à la nationalité. [Rapport n° 162 (1997-1998).]
Je rappelle que la discussion générale est close.
Nous passons donc à la discussion des articles.
Chapitre Ier
Dispositions modifiant le code civil
Section 1
Dispositions modifiant les règles d'acquisition
de la nationalité française
Article additionnel avant l'article 1er A
M. le président.
Par amendement n° 80, MM. Cabanel, Laffitte, Lesein et Vallet proposent
d'insérer, avant l'article 1er A, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article 17 du code civil, un nouvel article ainsi
rédigé :
«
Art. ...
- Le maire ou son délégué organise, au moins une fois par
an, en mairie, une cérémonie au cours de laquelle sera remise la carte
d'électeur à toute personne résidant sur le territoire de la commune,
remplissant pour la première fois les conditions pour en être titulaire. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Article 1er A
M. le président.
« Art. 1er A. - I. - Dans le premier alinéa de l'article 21-2 du code civil,
les mots : "de deux ans" sont remplacés par les mots : "d'un
an".
« II. - Au début du deuxième alinéa du même article, les mots : "de deux
ans" sont remplacés par les mots : "d'un an". »
Sur cet article, je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 45 est déposé par M. Hyest.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Christian Bonnet,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Madame la
ministre - comme je vous l'ai dit hier, j'emploie cette formule plus par
courtoisie que par conviction - la commission des lois avait approuvé en 1993
l'allongement à deux ans du délai préalable à l'acquisition de la nationalité
française par mariage. Elle n'entend pas se déjuger, estimant que le
raccourcissement de ce délai pourrait faciliter les mariages de
complaisance.
Tel est le sens de cet amendement tendant à supprimer l'article 1er A.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 45.
M. Jean-Jacques Hyest.
Pour des raisons semblables à celles que vient d'exposer M. le rapporteur, cet
amendement tend à supprimer l'article 1er A introduit par l'Assemblée
nationale, alors que le Gouvernement n'avait pas envisagé cette
modification.
Qu'on le veuille ou non, il existe manifestement des filières destinées à
faciliter les mariages de complaisance ; il faut donc essayer de lutter contre
ce phénomène, ainsi que je le disais dans la discussion générale. Il n'est pas
opportun aujourd'hui de raccourcir ce délai, qui a d'ailleurs été
progressivement augmenté par les majorités successives, ce qui prouve bien
qu'un problème existe. Il ne faut pas modifier la législation dans ce
domaine.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président, le
Gouvernement est opposé à ces deux amendements. Il estime que la durée d'un an
est suffisante pour constater l'absence de fraude. Par ailleurs, il faut
veiller à ne pas porter atteinte à la vie privée de la grande majorité des
couples mixtes qui, en toute bonne foi, vivent sur notre territoire.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 2 et 45.
M. Michel Duffour.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, nous voterons contre ces amendements, car, chaque
année, sont célébrés 15 000 mariages mixtes, et vous prenez en compte des cas
marginaux pour remettre en cause une mesure que nous estimons progressiste.
M. Jean Chérioux.
Ultraprogressiste !
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Monsieur le président, il existe bien évidemment un certain nombre de filières
destinées à favoriser les mariages de complaisance. Ces filières ne concernent
qu'un petit nombre de personnes. Au nom de l'existence, au demeurant réelle, de
ces filières, très minoritaires, apporter une gêne et faire peser une suspicion
sur la très grande majorité des gens qui contractent des mariages mixtes en
France me paraît extrêmement grave.
Je voterai donc contre ces deux amendements.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Le groupe socialiste votera contre ces amendements parce qu'ils sont
révélateurs d'un climat de suspicion à l'égard des mariages mixtes en
général.
Je ferai remarquer que, jusqu'en 1927, l'étrangère qui épousait un Français
n'avait pas le choix : elle devenait française automatiquement.
A partir de 1945, l'acquisition de la nationalité française fut automatique
pour l'étrangère au moment du mariage si elle ne manifestait pas son
opposition.
En fait, ce qui est suspect aujourd'hui, c'est le mariage d'un étranger avec
une Française. C'est une attitude quasi archéologique. On en revient à l'époque
où l'enlèvement des Sabines par les Romains était considéré comme une victoire
: on prenait les femmes des autres. Aujourd'hui, nous ne voulons pas donner nos
femmes et nous nous opposons à leur mariage avec des étrangers.
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. Jean Delaneau.
Il y a longtemps que les femmes font ce qu'elles veulent !
M. Hubert Durand-Chastel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
J'approuve ces deux amendements dans la mesure où le mariage et la famille
sont des institutions très sérieuses : on voit bien ce qui se passe dans les
banlieues françaises à cause du manque de responsabilité de nombreuses familles
!
Alors que l'on envisage de simplifier les formalités du divorce - il est
peut-être bon de revoir cette question - ce serait une véritable mascarade si,
parallèlement, on pouvait devenir Français dans un délai court.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Je conviens que le délai de deux ans est une contrainte pour les couples de
bonne foi. Mais quelle autre solution adopter pour exercer, autant que faire se
peut, un effet dissuasif sur les mariages de complaisance ? Bien sûr, il serait
préférable d'être en mesure de s'opposer à de tels mariages en temps utile.
Je parle là en connaissance de cause : à Paris, il arrive relativement souvent
que nous soyons invités à célébrer des mariages dont nous avons l'intime
conviction qu'il s'agit de mariages de complaisance. Dès lors, nous nous
tournons vers le parquet - jusqu'à présent, je le faisais verbalement mais,
désormais, je le ferai systématiquement par écrit, et en demandant une réponse
écrite - pour savoir ce qu'il en pense. Ce dernier est presque toujours très
embarrassé. Nous sommes donc privés des moyens d'intervenir en temps utile pour
empêcher un mariage qui, de toute évidence, est une dérision.
J'ajoute que, parfois, cela s'accompagne de commentaires cyniques !
M. Jean-Jacques Hyest.
Tout à fait !
M. Michel Caldaguès.
On a vu des officiers d'état civil ridiculisés et l'instruction du mariage
elle-même bafouée à travers des commentaires cyniques succédant immédiatement à
la cérémonie, si je puis, en l'occurrence, employer ce terme.
Faute de pouvoir intervenir en temps utile, il faut instaurer un système qui
soit dissuasif et préventif, et je n'en vois pas de meilleur, ou en tout cas de
moins mauvais, que celui qui consiste à imposer ce délai de deux ans.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce n'est pas la loi de 1993 qui a institué un délai en la matière. Certes,
dans un premier temps, en 1984, on n'avait prévu que six mois, mais cela montre
de toute façon que le problème se posait déjà à l'époque.
Tout le monde sait - des études l'ont prouvé - que dans certaines zones, y
compris en France, ont pu se constituer des associations criminelles organisant
des mariages de complaisance. Il faut donc essayer de lutter contre de telles
pratiques.
Comme le disait M. Caldaguès, l'idéal serait qu'on puisse empêcher à temps la
célébration de ces mariages de complaisance. Mais on n'a pas trouvé le moyen
adéquat. C'est pourquoi j'estime qu'il faut maintenir ce délai de deux ans,
même si cela gêne, il faut le reconnaître, un certain nombre de couples. Cela
dit, je rappelle que ce délai n'est pas opposable lorsque le couple a un
enfant, ce qui limite, au regard des 15 000 mariages mixtes célébrés chaque
année, le nombre des couples qui sont gênés par cette disposition.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je voterai ces amendements parce que, à l'évidence - tout le monde le
reconnaît, même sur les travées de l'opposition - un problème se pose. Face à
ce problème, certains préfèrent le laxisme
(Protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen. - Mme Joëlle Dusseau proteste également),
d'autres
préfèrent que le mariage ne soit pas, comme on l'a dit tout à l'heure,
ridiculisé.
Mais ce qui me choque surtout, ce sont les arguments avancés par certains de
nos collègues. Ces arguments me paraissent relever essentiellement de fantasmes
: à les entendre, il y aurait nécessairement des arrière-pensées contre les
mariages mixtes. Il est ridicule et même scandaleux que des parlementaires
puissent s'exprimer ainsi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il faut louer la majorité sénatoriale pour sa modération : personne ne demande
l'allongement du délai de deux ans ! Or il n'y aurait pas de raison de
s'arrêter : pas de délai, six mois, un an, deux ans. Qui dit mieux ?
Qu'il y ait un certain délai pour tenir compte des inquiétudes de
quelques-uns, je veux bien l'admettre. Mais, en vérité, je regrette que nous
n'ayons pas demandé la suppression pure et simple de tout délai parce que,
chers collègues de la majorité sénatoriale, vous ne prenez aucunement en
considération les efforts qui sont faits par l'actuelle majorité nationale pour
tenir compte de vos sensibilités.
Quoi qu'il en soit, si un mariage est « blanc », il existe d'ores et déjà dans
la loi civile des moyens de le faire annuler. C'est à ces moyens qu'il faut
avoir recours.
Cela étant, je n'ai jamais compris que l'on inscrive dans la loi que les
jeunes époux pourront être réunis en France à l'issue d'un délai donné à la
condition que la vie commune ait été continue ! La continuité de la vie commune
est évidemment liée à la possibilité d'obtenir un visa ! Que la nationalité
puisse être acquise après six mois, un an ou deux ans, là n'est pas le
problème. Le problème, c'est qu'il faut la nationalité pour obtenir un visa.
M. Jean-Jacques Hyest.
Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais si, dans bien des cas !
M. Jean-Jacques Hyest.
Il n'y a pas besoin de visa quand on a la nationalité !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Bien sûr, quand on a la nationalité ! Mais quand on ne l'a pas ! Or,
précisément, si l'on admet le droit de s'aimer par-delà les frontières, il faut
reconnaître aux intéressés celui de vivre ensemble !
M. Jean Chérioux.
Personne ne dit le contraire !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je rends grâce à nos collègues MM. Caldaguès et Hyest d'avoir reconnu que ce
délai était gênant. C'est parce qu'il est gênant qu'il me paraît malgré tout
raisonnable de le ramener à un an. Cela reste excessif à mes yeux, mais c'est
un délai auquel on peut tout de même se rallier.
M. Jacques Habert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Le Sénat doit savoir que les consuls de France dans certains pays étrangers
ont souvent été amenés à signaler que, de toute évidence, la Française ou le
Français qui se présentait pour épouser une personne originaire du pays
considéré ne la connaissait pas auparavant, qu'il ou elle n'était venu que pour
se marier, que tout cela apparaissait, en fait, arrangé, organisé et qu'il
s'agissait probablement d'un mariage de complaisance.
(Protestations sur les travées socialistes.)
M. Guy Penne.
Ce n'est pas du tout le même problème !
M. Jacques Habert.
Les consuls demandaient alors l'autorisation de ne pas célébrer ce mariage, en
vertu des dispositions dont M. Dreyfus-Schmidt vient de rappeler le caractère
strict. En dépit de cela, les services parisiens leur ont le plus souvent
répondu que cela enclenchait une procédure compliquée qu'il fallait mieux
éviter, et donc qu'il était plus simple de procéder au mariage.
Il y a là, par conséquent, un problème réel. C'est pourquoi je crois sage de
maintenir le délai de deux ans que la loi de 1993 a fixé à un étranger pour lui
permettre d'acquérir la nationalité française. Il convient de rendre les choses
un peu plus difficiles pour ceux qui, en dehors de tout sentiment, détournent
l'institution du mariage, éventuellement dans un cadre organisé et moyennant
finances.
Je voterai donc les amendements de suppression de l'article 1er A.
M. Dominique Braye.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
Permettez au maire d'une toute petite commune de la région parisienne de faire
modestement part de son expérience : j'ai été confronté, au cours de ces
derniers mois, à trois mariages mixtes qui étaient manifestement des mariages
blancs.
Mme Joëlle Dusseau.
Sur combien de mariages ?
M. Dominique Braye.
Je tiens à préciser à mon collègue Michel Caldaguès que, chaque fois, j'ai
saisi le parquet.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
Mme Joëlle Dusseau.
Ce ne sont que des exceptions !
M. le président.
Je vous en prie, madame Dusseau, laissez M. Braye s'exprimer !
M. Dominique Braye.
Ayant non seulement l'intime conviction qu'il s'agissait de mariages blancs
mais disposant aussi de preuves, j'ai systématiquement saisi le parquet par
écrit.
Celui-ci ne m'a jamais répondu que oralement, en précisant que, en tant
qu'officier d'état civil, je n'avais pas à juger de la régularité de ce mariage
et que, si je n'assumais pas ma délégation d'Etat en la circonstance, j'étais
passible de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 francs d'amende. J'ai, bien
entendu, demandé que cela me soit confirmé par écrit, mais je n'ai jamais rien
reçu !
M. Dreyfus-Schmidt a évidemment raison d'affirmer que l'on a le droit de
s'aimer par-delà les frontières. Mais chacun sait que, actuellement, de plus en
plus de personnes, notamment parmi les jeunes - je ne les critique pas -
s'aiment en dehors des liens du mariage. Autrement dit, on peut parfaitement
s'aimer sans se marier.
Prolongeant ce que disait tout à l'heure M. Durand-Chastel, j'observe que, au
moment où l'on parle de faciliter à la fois l'union libre et le « démariage »,
on nous propose aussi de réduire le délai dont il est ici question. Cela
signifie qu'on veut rendre plus aisé l'accès à la nationalité française grâce à
un mariage qui pourra sans doute, demain, être beaucoup plus facilement
dissous.
Dans ces conditions, il faut absolument voter ces amendements : c'est une
question de survie tant pour le mariage que pour notre société.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, il est indispensable, sur cette très importante question, de
rappeler les dispositions existantes.
Certes, il y a des mariages blancs et des trafics de mariages blancs, mais il
ne faut pas en exagérer l'importance quantitative : ils ne représentent qu'une
toute petite minorité de l'ensemble des mariages mixtes, et la plupart de
ceux-ci répondent à des motifs tout à fait normaux.
Cela étant, bien sûr, il faut lutter contre les mariages blancs et les trafics
de nationalité.
Le délai d'un an pour estimer si tel mariage est ou non un mariage de
complaisance est suffisant dans la mesure où l'article 175-2 du code civil
permet à un officier d'état civil de saisir le procureur pour s'opposer à un
mariage de complaisance. Face à un projet de mariage que l'on estime de
complaisance, on peut soit empêcher qu'il soit contracté soit demander que sa
célébration soit différée. Si le mariage a déjà été célébré, on peut introduire
une action en annulation, étant entendu que l'annulation du mariage entraîne,
le cas échéant, celle de l'acquisition de la nationalité française.
Il peut arriver que des maires ne détectent pas ces mariages blancs, parce
qu'ils ne leur ont pas été signalés ou, tout simplement, parce qu'ils ne sont
pas spécialement mobilisés sur cette question. Il peut également apparaître une
divergence d'appréciation - c'est apparemment ce qui s'est produit dans le cas
que M. Braye a évoqué - entre le maire et le Parquet. Cela fait partie des
aléas normaux de toute vie en communauté.
Quoi qu'il en soit, le dispositif existant me paraît suffisant pour lutter
contre les mariages blancs, et je rappellerai aux procureurs la nécessité de
faire en sorte que les dispositions du code civil puissent être appliquées dans
toute leur rigueur.
M. Paul Girod.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Girod.
M. Paul Girod.
Je ne pensais pas intervenir dans ce débat, mais les propos de Mme la ministre
me conduisent à le faire.
Je me réjouis de constater que, au moins sur ce point-là, elle n'envisage pas
de rompre le lien entre la Chancellerie et le parquet !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'aurai l'occasion de m'exprimer ici plus complètement
sur ce sujet le 22 janvier prochain, mais je tiens à préciser dès à présent
qu'il n'a jamais été question de renoncer à la direction de la politique pénale
et de rompre le lien légitime - c'est-à-dire pour ce qui concerne l'application
de la politique générale - qui peut exister entre l'Etat, représenté par le
gouvernement en place, et le parquet. C'est sur des affaires particulières que
les instructions de la Chancellerie ne sont pas justifiées parce qu'elles
peuvent donner naissance à tous les soupçons.
En l'occurrence, je souhaite rappeler à tous les parquets que la politique du
Gouvernement vise à faire en sorte que les lois de la République ne soient pas
violées. Cela me semble relever pleinement de mon devoir.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Paul Girod.
Voilà une précision que je suis ravi d'avoir obtenue !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 2 et 45, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er A est supprimé.
Article additionnel avant l'article 1er
M. le président.
Par amendement n° 114, MM. Duffour, Pagès, Derian, Mme Beaudeau, M. Bécart,
Mmes Bidard-Reydet, Borvo, MM. Fischer, Lefebvre, Mme Luc, MM. Minetti, Ralite,
Renar, Mme Terrade et M. Vergès proposent d'insérer, avant l'article 1er, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Avant l'article 21-7 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé
:
«
Art... -
L'enfant mineur né en France de parents étrangers acquiert
la nationalité française par déclaration faite en son nom par son représentant
légal s'il a sa résidence en France et s'il a eu en France une résidence
continue ou discontinue d'au moins cinq années. »
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Lors de mon intervention dans la discussion générale, j'ai expliqué pourquoi
le groupe communiste républicain et citoyen tenait particulièrement à cet
amendement, et nous n'avons pas été les seuls, sur les travées de la gauche
plurielle, à nous exprimer dans ce sens.
Il me paraît en effet opportun d'aller au bout de la logique de la présente
loi en revenant à cette disposition de la loi de 1973.
Comme nous l'avons dit, l'intégration est une marque de confiance. C'est en
même temps un combat. Attendre jusqu'à dix-huit ans, ou même, puisque le projet
de loi le permet, jusqu'à seize ans, voire jusqu'à treize ans, est inutile
lorsque l'enfant a la chance d'être né dans une famille qui souhaite une
intégration pleine et entière et veut que son enfant devienne français.
Nous souhaitons donc que l'automaticité de l'acquisition de la nationalité à
dix-huit ans soit assortie, à titre complémentaire, de la possibilité pour les
parents résidant en France depuis cinq ans, de manière continue ou discontinue,
de faire une déclaration à la naissance de leur enfant. Mme la ministre l'a
rappelé, le choix de l'enfant doit - c'est évident - être pris en compte, mais
que sa famille puisse faire un choix dès le départ est fondamental.
Courrait-on ainsi le risque, évoqué par certains, de voir des parents faire
une telle déclaration avec une autre idée, un autre projet, à savoir contourner
la loi ? L'amendement n° 114 vise les parents, étrangers certes, mais résidant
en France, de manière continue ou discontinue, depuis au moins cinq années, ce
qui, me semble-t-il, fait tomber cet argument.
Nous espérons donc que l'avis de Mme la ministre sera favorable.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission a émis un avis défavorable, et ce pour trois
raisons.
Première raison, s'étant prononcée contre la possibilité d'acquérir la
nationalité à l'âge de treize ans, elle ne va pas admettre une telle
possibilité à la naissance.
Deuxième raison, que la demande soit formulée par le « représentant légal » ne
lui paraît pas convenir.
Enfin, troisième raison, admettre comme condition suffisante une résidence
discontinue lui convient moins encore.
Son avis est donc pleinement défavorable !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'ai déjà dit hier les raisons pour lesquelles le
Gouvernement n'avait pas adopté la façon de voir des auteurs de l'amendement n°
114, non s'en s'être longuement interrogé d'ailleurs, car il s'agit d'une
disposition essentielle de la loi de 1973.
J'ai évoqué la nécessité d'éviter les fraudes. M. Duffour estime que la
condition de la résidence en limite voire en supprime la possibilité.
Peut-être, mais j'ai évoqué aussi la nécessité de privilégier la manifestation
de la volonté de l'enfant, et c'est là une raison qui me paraît tout à fait
déterminante pour ne pas admettre l'acquisition de la nationalité à sa
naissance.
En outre, l'inconvénient de ne pas pouvoir être Français avant l'âge de treize
ans est, me semble-t-il, contrebalancé par ce titre d'identité que nous
souhaitons créer et qui manifestera de la façon la plus officielle la vocation
de l'enfant à être Français et fera, par conséquent, la preuve de sa situation
particulière.
J'ajoute enfin un argument que je n'ai pas développé hier : dans le système de
la loi de 1973, lorsque les parents demandaient dès sa naissance la nationalité
française pour leur enfant, celui-ci ne pouvait plus la récuser à sa majorité
en raison du temps écoulé.
Dès lors que nous ne souhaitons pas que des enfants deviennent Français sans
le vouloir, c'est là un élément très important, je dois le dire, pour écarter
la solution qui, en effet, avait été retenue dans la loi de 1973.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 114.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, il
s'agit là d'une question importante et sur laquelle nous sommes, à titre
individuel, nombreux au sein du groupe socialiste à ne pas partager le point de
vue du Gouvernement ; nous partageons encore moins, je dois le dire, celui qui
a été exposé il y a un instant par M. le rapporteur.
Nous sommes tous d'accord pour dire que l'objectif recherché dans la loi est
l'intégration, et ce dans les meilleures conditions possibles, de ces enfants
qui sont nés et ont grandi sur le sol français et qui sont voués, pour leur
quasi-totalité, à être Français.
Pendant des décennies, des parents étrangers, qui savaient que leurs enfants
seraient Français, avaient le droit - et ils l'ont largement exercé - de
déclarer dès leur naissance leurs enfants nés sur le territoire français,
eux-mêmes y étant établis, et régulièrement établis, comme Français.
L'avantage de cette procédure en termes d'intégration est considérable pour
une raison simple et décisive à mes yeux. En effet, elle permet à l'enfant, et
plus tard à l'adulte et au Français qu'il sera, d'avoir le sentiment d'avoir
été Français dès l'origine.
Il n'y a plus dès lors le moindre risque de dissociation entre deux
nationalités successives que nous évoquions hier, dissociation qui est vécue
parfois très difficilement par des personnes naturalisées, puisque, dès la
naissance, de par la volonté de ses parents étrangers établis sur le territoire
français et non encore naturalisés, l'enfant sera Français.
C'est cette faculté, qui a été exercée pendant des décennies par des
générations d'immigrés vivant notre territoire et sachant que leur enfant
demeurerait sur le sol français, qu'il faut rétablir, conformément, me
semble-t-il, à la vision républicaine.
Madame le ministre - vous connaissez d'ailleurs très bien mon sentiment sur ce
point - les objections que l'on invoque sont tout à fait mineures au regard de
cet impératif, qui appelle de notre part un choix décisif.
Je laisse de côté l'obsession de telle ou telle fraude. Qu'est-elle à côté de
l'intérêt pour nous tous d'avoir des enfants qui se sentent Français dès
l'origine ?
Mais je vais plus loin : même en ce qui concerne le droit de l'enfant à
choisir sa nationalité, rien n'est plus facile que de le respecter en
inscrivant dans la loi que, si par impossible il le désire, il pourra
parfaitement décliner la nationalité française à sa majorité. S'il veut aller
chercher son destin ailleurs, libre à lui de le faire !
Il me paraît donc très important que nous rétablissions le dispositif qui a si
longtemps été celui de la République. C'est l'intérêt de tous et, permettez-moi
de le dire d'une façon très forte, c'est d'abord l'intérêt de l'enfant.
C'est la raison pour laquelle, à titre personnel, je voterai l'amendement
présenté par le groupe communiste républicain et citoyen.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
La disposition extrêmement
importante qui nous occupe s'inscrit, je le reconnais, dans la logique de la
conception qu'ont certains de l'attribution de la nationalité.
Après vous, monsieur Badinter, je formulerai deux observations, l'une qui
constitue un retour en arrière, l'autre qui est liée à votre propos.
En premier lieu, jusqu'en 1973, date du premier choc pétrolier, le problème
des flux migratoires ne se posait pas dans les mêmes termes qu'aujourd'hui.
Nous n'avions pris aucune mesure restrictive tendant à freiner le mouvement de
l'immigration.
En second lieu - et je reviens maintenant à votre propos, mon cher collègue,
car je ne l'ai pas fait sur l'instant - vous avez présenté de manière un peu
outrancière la question que, selon vous, nous voudrions poser aux jeunes
immigrés au moment où il leur est possible de devenir français.
Nous ne leur disons pas : vous êtes des étrangers. Nous nous adressons à leur
dignité et à leur volonté, et nous leur demandons : voulez-vous être Français ?
C'est tout a fait différent et c'est parfaitement honorable !
Quoi qu'il en soit, mes chers collègues, l'amendement n° 114 nous offre une
expression extrêmement intéressante de la pluralité de la majorité, pluralité
qui est d'ailleurs tout à son honneur.
Nous, sénateurs de l'opposition, nous sommes tous hostiles à ce projet de loi.
Cependant il sera voté, nous le savons. Je me demande donc, mes chers
collègues, si compte tenu des divergences intellectuelles extrêmement
intéressantes au sein de la majorité, minoritaire ici - elle se plaint
d'ailleurs que, de par notre poids, nous empêchions souvent son expression - il
ne serait pas opportun que nous ne participions pas au vote sur l'amendement n°
114.
Nous sommes, bien sûr, contre cet amendement, mais laissons la « majorité
minoritaire » prendre la décision qui lui incombe, étant entendu, bien
évidemment, que, le moment venu, les choses seront rétablies.
C'est une suggestion que je me permets de formuler, car nous serons alors
parfaitement éclairés quant à la pluralité de la majorité, ce qui est un aspect
intéressant, et sur la volonté de certains d'aller jusqu'au bout d'une certaine
logique.
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voterai cet
amendement.
La loi de 1973 avait accentué la volonté républicaine d'intégration qui
caractérisait la législation de la France en matière de naturalisation et de
nationalité depuis cent ans.
En 1993, il y a eu une véritable rupture, mais, pendant la campagne électorale
qui a précédé les dernières élections législatives, des promesses ont été
faites, madame la ministre, et des personnes fortement attachées aux principes
des droits de l'homme les ont crues.
Je ne veux pas dire par là qu'il faut légiférer en fonction des promesses. Il
faut aussi légiférer en fonction de principes, et je crois justement que, sur
ce point, le Gouvernement renonce à des principes qui devraient être
fondamentalement les siens et à des idées qui devraient être fondamentalement
les siennes.
M. Jacques Larché nous a répété ce qu'avait déjà dit M. le rapporteur : en
1973, la crise n'était pas là, aujourd'hui elle s'est installée ; en 1973,
l'immigration était différente de celle d'aujourd'hui et je ne reprendrai pas
les propos qu'il a tenus à cet égard !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je n'ai pas dit qu'elle était
différente, j'ai dit qu'il y avait une immigration qui n'était pas
contrôlée.
Mme Joëlle Dusseau.
C'est vrai, veuillez m'excuser, monsieur le président de la commission. J'ai
fait l'amalgame entre vos propos et ceux de M. le rapporteur, et j'ai
inexactement cité les paroles de l'un ou de l'autre.
Néanmoins, je ne crois pas qu'il faille encore aggraver la situation, souvent
déjà très difficile, des enfants d'immigrés en France en leur faisant
connaître, pendant les dix-huit ans qu'ils passeront en France avant d'avoir
atteint l'âge de la majorité, une situation de non-nationalité.
Plus exactement, ils auront la nationalité de leurs parents, alors qu'elle ne
correspond pour eux à aucune réalité géographique et, souvent, à aucune réalité
linguistique ou culturelle. Ils ne sont plus du pays de leurs parents, ils sont
en fait de chez nous. Aussi, en refusant à leurs parents le droit de dire : «
oui, nos enfants sont nés en France, ils resteront en France, nous le savons
bien, et ils sont Français », nous frappons ces jeunes du sceau de l'altérité.
Cela me paraît constituer une erreur grave, d'autant plus grave au moment où
s'accentuent le racisme et l'exclusion.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je voterai, moi aussi, à titre personnel, cet amendement. En effet, je faisais
partie de ceux qui pensaient qu'il aurait été bon, en raison de ce que sont
aujourd'hui les populations étrangères installées en France, d'en revenir à une
disposition qui, contrairement à ce que vous disiez, monsieur le président
Larché, remonte non pas à 1973 mais à 1889, et qui a donc été en vigueur
pendant plus de cent ans.
En 1889, il s'agissait de permettre aux étrangers d'acquérir le plus
rapidement possible la nationalité française de manière à s'intégrer à titre
individuel au plus vite et d'éviter que ne se constituent « des nations
étrangères au sein de la nation », pour reprendre l'expression d'un
parlementaire de l'époque. Il s'agissait aussi de les amener à remplir tous
leurs devoirs, y compris au regard du service militaire. On sait, en effet,
que, dans les départements frontaliers, en particulier dans le nord de la
France, des étrangers installés depuis plusieurs générations bénéficiaient, de
fait, d'une exemption de service militaire, ce qui était mal perçu par la
population française, et on le comprend.
Aujourd'hui, il ne faut pas dire que ces jeunes n'ont pas de nationalité avant
d'obtenir la nationalité française. Pour leur malheur, ils ont des nationalités
qui suscitent le plus de réactions de rejet et de mépris de la partie de la
population française qui cède à des pulsions xénophobes. Cette partie de la
population française, qui n'est certes pas majoritaire, représente tout de
même, semble-t-il, plus de 30 %.
Pour ces enfants, ce n'est pas facile tous les jours. Ils ont une certaine
difficulté à reconnaître qu'ils sont étrangers et appartiennent à des
nationalités qu'on ne perçoit pas bien et qui subissent des ostracismes. Je
pense, par exemple, à une actrice, Isabelle Adjani. Celle-ci n'a dit son
origine algérienne que tardivement, ce qui signifie bien que cela lui posait un
problème personnel. Sans la mettre en cause, c'est significatif, puisqu'elle a
mis dix ans à le faire savoir.
M. Jean Chérioux.
C'est dramatique !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Il est dramatique que des jeunes d'origine étrangère soient dans une espèce de
clandestinité vis-à-vis de leur nationalité d'origine, non de leur propre chef,
mais parce que la société française telle qu'elle fonctionne aujourd'hui le
leur impose.
M. Michel Caldaguès.
C'est de la paranoïa !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
C'est pourquoi je considère que lorsque les parents conscients demandent que
leurs enfants soient français le plus tôt possible, c'est une bonne chose. Je
regrette qu'on ne l'ai pas fait. Aussi, je voterai l'amendement du groupe
communiste républicain et citoyen.
M. Philippe de Gaulle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais
simplement faire remarquer que la nationalité n'a pas seulement une valeur
nationale ; elle a aussi une valeur internationale.
Dernièrement, j'ai beaucoup entendu parler de 1945 et de 1973, mais nullement
de ce qui s'est passé entre-temps. Je tiens à faire observer que l'origine des
demandeurs de nationalité n'est pas indifférente. N'oublions pas que cela
ressortit d'un principe international de réciprocité.
Lors de l'entretien qui a eu lieu au château de Champs-sur-Marne, le 13 mars
1964 - des procès-verbaux en témoignent - soit à peu près deux ans après
l'indépendance de l'Algérie, entre le général de Gaulle et Ben Bella, ce
dernier a déclaré que les enfants nés en Algérie de parents étrangers pouvaient
devenir algériens par une demande de naturalisation, les parents étrangers
étant notamment les Français nés en Algérie avant l'indépendance. Cette
disposition est toujours en vigueur. Le général de Gaulle a répondu qu'il en
était de même pour les Algériens nés en France après l'évacuation de Mers
el-Kébir en 1965. Dans un cas comme dans l'autre, c'est la demande de
nationalité de l'intéressé, formulée à l'âge conscient, qui est déterminante
pour l'acquisition de celle-ci. Je ne peux donc voter l'amendement n° 114, qui
tend à conférer, dès la naissance, la nationalité française à un enfant né en
France de parents étrangers.
M. Dominique Braye.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
Je regrette que le débat ait quelque peu dévié.
Quelle que soit la travée sur laquelle nous siégeons, nous sommes imprégnés
d'un certain humanisme et très attachés à l'intégration. Cependant, nous
n'avons manifestement pas tous la même vision de cette question.
En l'occurrence, il existe deux approches : d'un côté, l'approche des penseurs
et des intellectuels, si j'ose dire, et, de l'autre, l'approche de ceux qui
vivent au quotidien ces problèmes sur le terrain.
(Protestations sur les
travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
En effet, en tant que président du district urbain de
Mantes-la-Jolie, je suis confronté à ces problèmes chaque jour.
Mes chers collègues, vous parlez de xénophobie et de racisme. J'ai le regret
de vous dire que cette xénophobie et ce racisme proviennent, en grande partie,
de ce que tous nos compatriotes nous reprochent, à savoir le laxisme, le manque
de fermeté et de détermination. C'est aussi cela qui fait monter la xénophobie,
le racisme et le parti que nous combattons tous. Sur le terrain, c'est ce que
nous ressentons.
La France est une terre d'accueil. Monsieur Badinter, il convient de dire à
ces personnes d'origine étrangère : « Vous êtes en France, dans un pays qui est
peut-être le seul à proposer l'acquisition de la nationalité dans des
conditions aussi faciles. Souhaitez-vous devenir français ? » Ne transformons
pas le débat !
(Protestations sur les travées socialistes.)
Non, nous ne les montrons pas du doigt comme des étrangers ! Nous sommes l'un
des seuls pays qui leur proposent de devenir français dans des conditions aussi
faciles.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le seul !
(Sourires.)
M. Michel Duffour.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Je voudrais rassurer M. le président Larché : la majorité plurielle dans le
pays, minorité au Sénat, se porte bien.
Malgré nos différences de vues avec Mme le garde des sceaux, nous partageons
ses soucis et notre démarche globale est identique. Nous avons simplement une
approche différente. Je considère qu'il faut aller jusqu'au bout d'une logique.
Cette marque de confiance est nécessaire, et elle place ce combat de
l'intégration sur un terrain offensif.
Je souhaiterais dire au précédent orateur qu'il n'est pas sérieux de parler de
ceux qui seraient sur le terrain et de ceux qui n'y seraient pas. Je suis
sénateur des Hauts-de-Seine, élu de la ville de Nanterre. Nous n'allons pas
comparer nos situations respectives. Les exemples sont suffisamment nombreux
pour montrer que certains, à gauche, ont une vision offensive et de combat pour
aboutir à une solution positive. Votre démarche paraît bien frileuse.
L'amendement que nous proposons est très précis. J'apprécie les arguments
forts qui ont été avancés par mon collègue Robert Badinter. Ils montrent que,
en l'occurrence, nous avons affaire à une situation grave, importante pour
l'avenir.
Pour éviter toute confusion éventuelle, et comme me l'a fait observer mon
collègue Dreyfus-Schmidt, il convient de modifier cet amendement afin de
préciser qu'il s'agit de l'enfant mineur né en France de parents étrangers «
établis régulièrement en France ».
M. Jean-Jacques Hyest.
Tout de même !
M. Michel Duffour.
Cela était déjà dit, mais nous le répétons afin que la rédaction ne donne pas
lieu à extrapolation. Nous vous demandons, mes chers collègues, de voter cet
amendement et nous espérons que Mme la ministre nous entendra.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 114 rectifié, présenté par MM. Duffour,
Pagès, Dérian, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mmes Bidard-Reydet, Borvo, MM. Fischer,
Lefebvre, Mme Luc, MM. Minetti, Ralite, Renar, Mme Terrade et M. Vergès, et
tendant, avant l'article 1er, à insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« Avant l'article 21-7 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé
:
«
Art.
... - L'enfant mineur, né en France de parents étrangers établis
régulièrement en France acquiert la nationalité française par déclaration faite
en son nom par son représentant légal, s'il a sa résidence en France et s'il a
eu en France une résidence continue ou discontinue d'au moins cinq années. »
Je vais mettre aux voix cet amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je voudrais louer la fertilité d'esprit, que chacun connaît, du président
Larché. Ce débat n'a pas fini de nous réserver des rebondissements. On se
souvient de ce qui s'est passé en décembre dernier. Un certain nombre d'entre
nous se rappellent même que M. Jacques Larché a proposé à M. le président
d'interrompre la séance parce qu'il avait entendu, à deux reprises, prononcer
le mot « forfaiture ».
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Moi, jamais !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Si, monsieur Jacques Larché, vous avez dit : « Voilà deux fois que j'entends
prononcer le mot "forfaiture" ». Je sollicite une suspension de
séance, afin que vous tiriez les conséquences de tels propos. » Voilà
exactement ce que vous avez dit !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Après tout, j'avais raison !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce n'était pas grave. Il s'agissait d'un rebondissement de plus, qui faisait
gagner un peu de temps...
Ensuite, la commission des lois a proposé la suppression de tous les articles
du texte. Maintenant, vous dites, avec votre machiavélisme habituel
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants),...
M. Jean Chérioux.
Respectez vos collègues, ils vous respectent !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est un compliment,...
M. Dominique Braye.
Ah bon !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... et je suis sûr que M. le président de la commission l'entend comme tel.
M. Michel Caldaguès.
De la part d'un vice-président du Sénat, ce n'est pas heureux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Si le terme vous choque, je peux vous en proposer un autre : par exemple, la
fertilité de son esprit, déjà évoquée tout à l'heure.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est mieux !
M. Henri de Raincourt.
Sa finesse !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Aujourd'hui, il se dit que, après tout, si le texte repartait du Sénat modifié
par de nombreux amendements proposés par les groupes de la majorité plurielle,
il faudrait voir ce que cela donnerait.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Eh oui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je dirai simplement que nous ne sommes pas dupes et que nous avons
parfaitement compris sa pensée.
M. Jean Delaneau.
Nous avons eu trois semaines pour réfléchir !
M. Claude Estier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Avant que le Sénat passe au vote de cet amendement, je demande, au nom de mon
groupe, une suspension de séance de quelques minutes.
(Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures trente, est reprise à onze heures.)
M. le président.
La séance est reprise.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 114 rectifié.
M. Claude Estier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Nous sommes de toute évidence en présence d'une manoeuvre qui a été rappelée
par mon collègue M. Dreyfus-Schmidt. Cette manoeuvre ne fait apparemment pas
l'unanimité sur les travées de la majorité sénatoriale, mais ce n'est pas notre
problème.
M. Jean Delaneau.
C'est M. Duffour qui a monté la manoeuvre !
M. Claude Estier.
Nous avons, quant à nous, une position très claire et très simple : devant ces
manoeuvres et cette espèce de contradiction qui se manifestent au sein de la
majorité sénatoriale
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants),
nous ne participerons pas au vote.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - Rires et exclamations sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. Jean Delaneau.
Courage, fuyons !
M. Dominique Braye.
C'est la meilleure !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 114 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
69:
Nombre de votants | 244 |
Nombre de suffrages exprimés | 243122 |
Pour l'adoption | 23 |
Contre | 220 |
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - L'article 21-7 du code civil est ainsi rédigé :
«
Art. 21-7. -
Tout enfant né en France de parents étrangers acquiert
la nationalité française à sa majorité si, à cette date, il a en France sa
résidence et s'il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période
continue ou discontinue d'au moins cinq ans, depuis l'âge de onze ans.
« Les tribunaux d'instance, les collectivités territoriales, les organismes et
services publics et notamment les établissements d'enseignement sont tenus
d'informer le public, et en particulier les personnes auxquelles s'applique le
premier alinéa, des dispositions en vigueur en matière de nationalité. Les
conditions de cette information sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Sur l'article, la parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la
plupart des dispositions du projet de loi que nous sommes en train d'examiner
concernent des articles du code civil et relèvent donc du droit des
personnes.
Cela explique l'orientation prise par nos débats, qui sont pratiquement
concentrés sur cet aspect du problème de la nationalité.
Il ne faut pas oublier que l'acquisition de la nationalité emporte celle de la
citoyenneté. Nous sommes ici non plus seulement dans le droit des personnes,
mais en plein domaine institutionnel. En effet, le citoyen n'est-il pas
collectivement détenteur de la souveraineté nationale, principe fondamental sur
lequel repose notre système constitutionnel ? De plus, pouvons-nous exclure de
ce débat la nation et ainsi perdre de vue le fait que les règles régissant
l'acquisition de la nationalité ont une incidence sur la nation elle-même à
travers les changements intervenant dans ses éléments constitutifs ?
On peut donc s'étonner que l'Assemblée nationale n'ait pas cru devoir donner
une suite favorable à l'initiative de notre assemblée de soumettre ce texte à
référendum.
Comment, en effet, refuser au peuple de décider lui-même de la composition de
la nation qu'il constitue ?
Bien entendu, je n'ai pas l'intention de rouvrir ce débat ; mais je tenais à
faire cette observation liminaire.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le premier alinéa de l'article 2 de
la Constitution stipule que « la langue de la République est le français ».
Cela, à mon sens, signifie que les citoyens français doivent parler le
français, ne serait-ce que pour exercer valablement leur droit de citoyen.
C'est pourquoi la connaissance de la langue française doit être, à mon avis,
une condition indispensable à l'acquisition de la nationalité. Cette
connaissance est bien entendu liée aux conditions de résidence.
Il va de soi qu'un enfant d'étrangers né en France et ayant vécu sans
interruption dans notre pays jusqu'à l'âge de seize ans est censé parler le
français, puisqu'il est soumis à l'obligation scolaire.
On peut donc s'étonner que le projet de loi que nous examinons, qui vise à
introduire une acquisition automatique de la nationalité, n'exige pas une
résidence ininterrompue depuis la naissance en France.
En effet, une durée de résidence de cinq ans, surtout lorsqu'elle est
discontinue, comme cela est proposé, ne donne aucune garantie quant à la
connaissance de notre langue par l'intéressé. De plus, il s'agit là - cela a
été maintes fois rappelé - d'un facteur essentiel de bonne intégration.
En effet, cette dernière résulte non pas seulement de l'acquisition de la
nationalité, mais également de tout un ensemble de conditions, notamment la
connaissance de la langue.
Si, comme le prévoit le projet de loi qui nous est transmis par l'Assemblée
nationale, une résidence ininterrompue n'est pas imposée, il est alors
indispensable que l'intéressé soit amené à exprimer sa volonté, comme le
disposait la loi de 1993. Il serait même souhaitable que, dans de telles
circonstances, l'intéressé puisse justifier d'une connaissance suffisante de la
langue française, soit en apportant la preuve qu'il a bien accompli sa
scolarité en France, soit en effectuant en français la lecture de textes
constitutionnels à l'occasion d'une cérémonie publique, telle que l'amendement
de notre excellent collègue Patrice Gélard le prévoit.
Exiger de telles conditions ne constitue pas une remise en cause du
jus
soli
qui, d'ailleurs, n'a jamais été supprimé, comme l'a reconnu hier M.
Robert Badinter, mais a simplement pour objet de tenir compte de l'évolution
intervenue au cours de ces dernières décennies. Nous ne sommes plus à l'époque
où les étrangers venaient tous s'installer en France pour ne plus quitter notre
pays et où leurs enfants s'intégraient, en quelque sorte.
Mme Joëlle Dusseau.
C'est l'inverse, mon cher collègue !
M. Jean Chérioux.
Les moyens de communication se sont développés de telle sorte qu'ils
permettent des aller et retour fréquents entre la France et le pays d'origine.
Il existe même de nombreux cas où des femmes de nationalité étrangère viennent
donner naissance à leur enfant en France et repartent chez elles après une
période plus ou moins longue qui peut couvrir la petite enfance.
Il suffirait alors de quelques séjours de l'enfant né dans notre pays pour que
celui-ci puisse acquérir automatiquement la nationalité française, sans qu'il y
ait un véritable lien du sol entre lui et la France.
M. Guy Allouche.
Il ne remplirait pas les conditions !
M. Jean Chérioux.
Je ne vous interromps pas lorsque vous intervenez, mon cher collègue, alors ne
m'interrompez pas !
Mme Joëlle Dusseau.
Vous ne faites que cela !
M. Jean Chérioux.
Une telle situation n'est-elle pas absolument contradictoire avec la volonté
affichée d'assurer l'intégration des étrangers sur notre sol ?
Je crois qu'il faut avoir une vision réaliste des choses. C'est pourquoi, me
semble-t-il, pour devenir français aujourd'hui, il faut en avoir la volonté et
manifester clairement cette dernière, ce qui, à défaut d'une résidence
ininterrompue de l'étranger depuis sa naissance, est difficile à évaluer.
C'est pourquoi, je le répète, il est indispensable que ceux qui veulent
devenir français en manifestent la volonté et connaissent notre langue afin de
pouvoir exercer pleinement leur droit de citoyen.
Il est bien évident que, dans ces conditions, je ne voterai pas l'article 1er
de ce texte, tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale.
M. Michel Caldaguès.
Très bien !
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 1er
vise à donner la nationalité française à l'enfant né en France de parents
étrangers à sa majorité, s'il a eu sa résidence en France pendant cinq ans, de
façon continue ou discontinue, depuis l'âge de onze ans.
Il vise donc à supprimer la manifestation de volonté entre seize ans et vingt
et un ans instituée en 1993, mais, bien entendu, il ne tend pas à la
suppression des démarches, notamment pas des preuves à apporter, et, en premier
lieu, de la preuve de sa présence en France pendant cinq ans. Par conséquent,
les démarches sont identiques, et la situation, en fait, n'est pas réellement
différente.
Il y a donc, par rapport à la loi de 1993, un changement de philosophie, de
symbole peut-être, mais peu de changements réels dans la pratique effective.
D'ailleurs, madame la ministre, vous avez souligné à plusieurs reprises, tant
à l'Assemblée nationale que lors de la journée d'auditions menées par la
commission des lois du Sénat, qu'il n'y avait, à vos yeux, pas de différence
fondamentale avec la loi de 1993.
Le discours du Gouvernement oscille donc entre la rupture et la continuité :
s'il y a une différence symbolique dans l'approche, il y a une quasi-identité
de la démarche dans la réalité. Mais ce qui me frappe, c'est qu'il y a plutôt
continuité que rupture. Or c'est la rupture qui m'aurait paru souhaitable, au
nom de ce qui avait été affirmé fortement pendant la campagne électorale et
pour rompre avec les sensibilités xénophobes et racistes d'une partie de
l'opinion.
M. Michel Caldaguès.
Ça, c'est de l'incitation à la haine entre Français, madame !
Mme Joëlle Dusseau.
Je rappellerai également ce qui a pu être dit par les élus de gauche, aussi
bien au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, lors du vote de la loi Debré.
Ce projet de loi constitue, par rapport à des principes que nous avons
rappelés, une dérive qui m'inquiète. Il fallait revenir au moins à la loi de
1973 - c'est le sens de l'amendement qui a été voté, et j'ai d'ailleurs
présenté à peu de choses près le même afin d'insérer un article additionnel -
d'abord sur le plan des principes. Or la position que le Gouvernement défend
est présentée comme médiane ou centriste. Elle serait donc médiane entre les
textes de 1973 et de 1993 si la loi de 1973 avait eu pour auteurs de dangereux
gauchistes. Mais cette loi était, elle, dans le droit-fil de la tradition
républicaine de notre pays.
A rester au milieu du gué, madame la ministre, à ne pas choisir entre un côté
et l'autre, on finit par se noyer !
M. René-Georges Laurin.
Ah !
Mme Joëlle Dusseau.
Ce recul du Gouvernement par rapport à ses promesses et aux principes
fondamentaux auxquels il est censé se référer me paraît dangereux politiquement
: en ne voulant choquer personne, il déçoit tout le monde.
Ce recul me paraît également dangereux sur le fond puisqu'il aboutit à refuser
la nationalité française dès la naissance à ces enfants nés en France de
parents étrangers, alors qu'ils vivront, qu'ils se marieront et qu'ils mourront
chez nous.
M. Dominique Braye.
Vous allez voter contre le texte !
Mme Joëlle Dusseau.
Je souhaite répondre sur ce point à M. Chérioux qui, avec la fougue qui le
caractérise, a bien montré à quel point le discours parlementaire n'a pas
grand-chose à voir avec les faits...
M. Jean Chérioux.
Il n'y a que vous qui les connaissez !
Mme Joëlle Dusseau.
... et témoigne d'une méconnaissance de la réalité historique...
M. Dominique Braye.
Parlons-en !
Mme Joëlle Dusseau.
... et sociologique...
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas sociologique !
Mme Joëlle Dusseau.
... de notre pays qui est assez extraordinaire.
M. Dominique Braye.
Parlons-en !
Mme Joëlle Dusseau.
M. Chérioux nous dit...
M. Philippe de Gaulle.
Vous n'avez pas à nous donner des leçons de morale !
Mme Joëlle Dusseau.
... que, avant la crise, les étrangers...
M. Dominique Braye.
Ne transformez pas tout !
M. le président.
Mes chers collègues, laissez Mme Dusseau s'exprimer ! Elle dispose encore
d'une minute pour achever son propos.
Mme Joëlle Dusseau.
Je vous remercie, monsieur le président. Je reconnais bien là une solidarité
girondine !
M. le président.
Aquitaine !
Mme Joëlle Dusseau.
M. Chérioux nous dit donc que, avant la crise, les étrangers
s'installaient...
M. Jean Chérioux.
Je n'ai pas parlé de la crise !
Mme Joëlle Dusseau.
... alors que, aujourd'hui, ils repartent. C'est exactement l'inverse ! Mais
c'est un « avant » un peu mythique.
M. Jean Chérioux.
Je n'ai pas du tout dit cela, j'ai dit que les moyens de communication avaient
changé !
Mme Joëlle Dusseau.
Evidemment, monsieur Chérioux : avant, on prenait le bateau ou le train ;
maintenant, on prend l'avion !
Je dispose toujours d'une minute pour m'exprimer, monsieur le président ?
M. le président.
Vous êtes en train de la consommer dangereusement !
(Brouhaha sur les travées du RPR.)
Mes chers collègues, laissez Mme Dusseau conclure !
M. Jean Chérioux.
Mme Dusseau déforme mes propos !
Mme Joëlle Dusseau.
M. Chérioux avance la connaissance de la langue. Il faut être sûr, dit-il, que
ces enfants nés en France, qui vont à l'école maternelle, qui sont soumis à
l'obligation scolaire, dont les copains sont français, parlent bien
français.
M. Jean Chérioux.
Je n'ai pas dit cela ! Relisez mon texte ! Vous êtes en train de tout déformer
!
Mme Joëlle Dusseau.
Or, monsieur Chérioux, actuellement, non seulement tous les enfants
d'étrangers parlent français
(Le brouhaha persiste et enfle sur les mêmes travées),...
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Oh !
M. Dominique Braye.
C'est faux ! Aujourd'hui, l'analphabétisme a augmenté de 20 % !
Mme Joëlle Dusseau.
L'analphabétisme ne touche pas que les fils d'étrangers !
... mais, de surcroît, plus de 80 % des enfants d'étrangers...
M. Dominique Braye.
C'est de la désinformation totale !
Mme Joëlle Dusseau.
... considèrent le français comme leur langue maternelle.
(Le brouhaba couvre la voix de l'orateur.)
M. Dominique Braye.
Je refuse que l'on puisse dire n'importe quoi dans cet hémicycle !
Mme Joëlle Dusseau.
Pour ce qui est de l'épreuve de lecture d'un texte constitutionnel, que
propose M. Chérioux au moment de la manifestation de volonté - puisqu'il veut
revenir à cette notion
(L'orateur poursuit son discours dans un brouhaha incessant)...
M. le président.
Veuillez conclure, madame Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
... permettez-moi de rappeler, mes chers collègues, que bien peu de jeunes ou
de moins jeunes,...
M. Dominique Braye.
Vous dites n'importe quoi !
M. le président.
Monsieur Braye, laissez Mme Dusseau achever son propos !
Mme Joëlle Dusseau.
... qu'ils soient français ou non, sont capables de lire sans bafouiller un
texte constitutionnel. Je serais ravie s'ils en étaient capables !
(Applaudissements sur certaines travées socialistes.)
M. Dominique Braye.
Monsieur le président, on ne peut pas laisser dire n'importe quoi !
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues...
(Le brouhaha consécutif à l'intervention de Mme Dusseau se poursuit.)
Mme Joëlle Dusseau.
Qu'est-ce qui vous gêne ?
M. Dominique Braye.
C'est faux ! Tout est faux dans ce que vous avez dit !
M. Paul Girod.
Puis-je poursuivre, mes chers collègues ?
M. le président.
Je vous en prie, mes chers collègues ! Seul M. Girod a la parole !
M. Paul Girod.
Je ne voudrais pas paraphraser avec trop d'orgueil l'Evangéliste, qui mettait
dans la bouche du Christ : « Avant qu'Abraham fut, je suis », mais, avant que
la majorité plurielle soit, le groupe du RDSE est, et le mot « pluriel » a été
inventé pour lui.
(Sourires.)
Si je prends la parole en cet instant, c'est pour que chacun sache bien
qu'au sein de ce groupe il peut y avoir des sensibilités différentes, et que
nous nous exprimons tous un peu, même inscrits au sein d'un groupe, comme des
non-inscrits : nous sommes totalement libres de notre parole et de nos
votes.
Cela revient à dire que je ne partage pas l'essentiel de ce qui vient d'être
dit par ma collègue de groupe et néanmoins amie.
M. Guy Allouche.
Le « pluriel » est positif !
M. Paul Girod.
Je suis de ceux qui pensent, madame le ministre, que l'interprétation des
textes législatifs, constitutionnels ou autres, est toujours une épreuve
difficile qui donne lieu à débat. D'ailleurs, entre nous, s'il n'y avait pas
nécessité de débat sur les textes juridiques, il n'y aurait pas de ministère de
la justice, et l'on n'aurait pas besoin en permanence de faire trancher les
tribunaux entre des interprétations différentes.
C'est d'ailleurs ce que j'ai eu l'occasion de dire lorsque nous avons examiné
la motion référendaire, malheureusement en votre absence, madame le ministre.
Et, si j'ai bien compris, cette absence était due à des raisons qui tenaient
non au fond de cette motion, mais à l'ordre du jour. C'est un comportement que,
pour ma part, j'ai regretté, car, sur un point qui était un point de détail,
nous avons été conduits à discuter du fond en l'absence du Gouvernement, ce qui
était bien dommage.
J'avais dit, à ce moment-là, que l'interprétation des textes constitutionnels
méritait débat. Personne n'est en effet unanime - en tout cas pas le corps des
experts - sur le point de savoir si l'on peut ou non organiser un référendum
sur un texte aussi fondamental par rapport à la composition même du corps
souverain qu'est le peuple. Ne pas le consulter sur ce point était tout de
même, au moins idéologiquement ou mentalement, quelque peu frustrant : ce
l'était sûrement pour lui, le peuple, et ce l'était en tout cas pour bon nombre
de démocrates.
Je regrette que l'Assemblée nationale ait interrompu un débat qui se serait
poursuivi ailleurs, puisqu'il y a un juge ultime dans cette affaire, à savoir
le Président de la République, qui peut s'entourer de tous les conseils qu'il
veut. Je trouve donc qu'il est dommage que l'on n'ait pas permis à nos
concitoyens de s'exprimer sur cette question. Ils se seraient certes prononcés
sur une question complexe par une réponse unique, mais cela n'aurait pas été la
première fois !
Sur le fond de cet article 1er, je voudrais dire à Mme le ministre - là aussi,
il y a débat : je ne sais plus s'il faut l'appeler Mme « la » ministre ou Mme «
le » garde des sceaux - ...
Mme Joëlle Dusseau.
Mme « la » ministre !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Mme « la » garde des sceaux !
M. Paul Girod.
Personnellement, je préfère Mme « le » ministre, mais c'est un autre
problème.
Revenons au fond de notre discussion. J'ai entendu hier une phrase qui m'a
beaucoup surpris. En substance, il a été dit que la démarche demandée aux
majeurs - et non pas aux adolescents - ne pouvait être vécue par eux que comme
un reniement de leurs parents.
M. Jean Chérioux.
Incroyable !
M. Paul Girod.
Je ne comprends pas très bien, dans la mesure où le dispositif actuel prévoit
éventuellement une démarche des parents au bénéfice d'un enfant de treize ans
et que, jusqu'à nouvel ordre, l'affirmation de la majorité, c'est l'affirmation
de la pleine responsabilité. Je ne vois pas en quoi le fait qu'un majeur
choisisse ouvertement d'être Français comporterait un reniement de ses origines
et de ses parents, surtout si ses parents vivent en France, et surtout s'il y a
eu débat au sein de la famille autour de cette démarche.
Je constate, au contraire, que cette démarche est vécue par les jeunes avec
beaucoup de solennité et beaucoup de sérieux, et que peut-être la loi de 1993
l'avait rendue un peu trop aisée.
Je crois que ce vers quoi nous devrions nous diriger en réalité, c'est plus
vers une adhésion au peuple français souverain pleine, entière, réfléchie et
solennelle que vers des procédés de substitution qui risquent d'avoir pour
conséquence que l'on se retrouve Français à dix-huit ans sans l'avoir demandé,
sans l'avoir rêvé, sans l'avoir accepté, et même quelquefois sans le savoir et
sans que le peuple ait eu l'occasion de manifester sa joie d'accueillir le
nouveau citoyen que devient cet étranger qui choisit de devenir Français
librement ou ce jeune qui, après dix-huit ans - ou cinq ans - passés chez nous,
arrive à l'âge de la responsabilité et choisit d'adhérer aux idéaux communs
dont il deviendra le porteur, y compris la tradition nationale. Ce n'est pas
rien, vis-à-vis de l'extérieur !
(Applaudissements sur les travées du RDSE ainsi que sur celles de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Le groupe socialiste soutient cet article parce qu'il a une préférence - nous
l'avons exprimée hier - pour l'acquisition de plein droit de la nationalité.
Elle suppose d'ailleurs, contrairement à ce que disent beaucoup d'orateurs, une
démarche tout à fait consciente des jeunes.
J'insisterai d'abord sur le fait que ces jeunes, comme leurs parents,
s'installent définitivement dans le pays, et c'est bien ce qui pose problème à
une partie de l'opinion publique.
M. Jean Chérioux.
C'est tout le problème ! Alors, pourquoi une résidence de cinq ans discontinue
?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Ces jeunes ne connaissent généralement que notre langue. J'ai pour ma part, en
tant que professeur français à l'étranger, accueilli dans ma classe des jeunes
qui revenaient à l'âge de dix, douze ou quinze ans avec leur famille dans leur
pays d'origine, mais qui ne parlaient pas un mot de la langue du pays. Leurs
camarades de classe les appelaient d'ailleurs « les Français », alors qu'ils
n'avaient pas la nationalité française.
Le cas de l'enfant qui ne vit pas en France est exceptionnel. Pour la plupart,
les enfants naissent en France et restent en France avec une famille qui y est
installée.
Si la durée de résidence a été limitée à cinq ans, c'est tout simplement parce
que c'est la durée qui est habituellement retenue pour faciliter la preuve de
la résidence en France. En effet, il est simple de prouver une telle résidence,
par exemple entre onze ans et seize ans, parce que, en raison de l'obligation
scolaire, on a fréquenté le collège et on a des certificats de scolarité. C'est
très simple !
La résidence discontinue s'explique par des faits dont j'ai eu personnellement
à connaître. Ainsi, certains enfants ont été envoyés dans leur pays d'origine
pour y suivre les cours du lycée français. Bien que ce pays appartienne à la
francophonie, mais parce que le français n'y est pas la langue officielle, ces
enfants n'ont pas pu manifester leur volonté pour obtenir la nationalité
française, alors qu'ils ont séjourné en France entre treize ans et dix-huit
ans. Certes, pendant un an, ils ont continué une scolarité française au lycée
français de Tunis, par exemple, où on les a envoyés « prendre l'air » en raison
de fréquentations qui ne plaisaient pas trop à leurs parents - c'était
l'occasion de les en éloigner un peu - mais ils ont continué des études
françaises dans une école française. Ils n'ont cependant pas eu droit à la
manifestation de volonté parce qu'ils avaient quitté la France pendant un
an.
Mes chers collègues, de plus en plus, aujourd'hui, au cours de sa scolarité,
on part à l'étranger pour y faire un an d'études, ce qui permet d'apprendre la
langue du pays étranger considéré. Et c'est le cas des jeunes étrangers comme
des jeunes Français !
Il me paraît donc très conforme à la réalité de ce qu'est aujourd'hui la vie
d'un adolescent de prévoir la possibilité d'une discontinuité. Elle est rare,
mais elle existe, et cela se produit d'ailleurs beaucoup plus dans les milieux
sociaux favorisés que dans les autres.
Enfin, je voudrais insister sur le gros effort d'information qui devra être
entrepris. A cet égard, nous approuvons le fait que cette information soit
prévue dans le texte de loi.
Cet effort sera nécessaire en direction des jeunes pour qu'ils accomplissent
leur demande de carte d'identité française avec célérité. En effet, plus le
temps passe et plus il devient difficile de prouver le séjour continu ou
discontinu en France.
Une information réelle et une formation doivent également être entreprises en
direction des mairies, des préfectures et des tribunaux d'instance. Or une
enquête du syndicat CFDT prouve que, depuis les lois de 1993, très peu d'agents
ont été formés dans ces différents services, et il y a une méconnaissance
terrifiante des textes.
Ajoutez à la méconnaissance des textes la prudence de personnels qui ouvrent
le parapluie du certificat de nationalité française de peur de faire un geste
de travers, ainsi que pas mal de malveillance, et vous aurez, au total, la
situation qui a prévalu pour la manifestation de volonté et que dénonce le
professeur Fulchiron dans son enquête.
Ni la lettre ni l'esprit de la loi ne sont vraiment respectés. Veillons à ce
que, pour l'acquisition de plein droit, l'esprit et la lettre du texte soient
respectés. Si nous n'accomplissons pas un effort considérable de formation des
personnels des guichets dans les mairies, dans les préfectures et dans les
tribunaux d'instance, nous continuerons à subir un perpétuel déni de droit pour
tous ces jeunes nés de parents étrangers en France.
M. le président.
Sur l'article 1er, je suis saisi de quinze amendements qui peuvent faire
l'objet d'une discussion commune. Pour la clarté du débat, je les appellerai
successivement.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 46 est déposé par M. Hyest et les membres du groupe de l'Union
centriste.
L'amendement n° 82 est présenté par M. Plasait et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants.
Tous trois tendent à supprimer l'article 1er.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission des lois, dans sa majorité, a adopté un
amendement de suppression de cet article 1er, qui constitue la disposition
majeure et centrale de ce projet de loi.
Cet article n'est apparu à la commission, comme j'ai eu l'occasion de le dire
lors de la présentation d'ensemble que j'en ai faite dans la discussion
générale, ni nécessaire ni opportun.
En ce qui concerne l'élément de discontinuité de la résidence, si le jeune
retourne souvent dans son pays d'origine, c'est bien la preuve qu'il n'est pas
réellement fixé ! En tout état de cause, la notion traditionnelle de résidence
en France se trouve affadie par cette proposition.
S'agissant de l'information du public, nous sommes tous d'accord, mais il
s'agit là d'une disposition de caractère réglementaire et non législatif.
Enfin, il apparaît curieux qu'au moment où l'on exalte la francophonie, au
Viêt Nam comme ailleurs, le Gouvernement mette fin à un avantage donné aux
francophones en supprimant la phrase : « La condition de résidence habituelle
en France pendant cinq ans n'est pas exigée pour l'étranger francophone au sens
des dispositions de l'article 21-20. » Ce texte de référence actuellement en
vigueur n'est, en effet, pas retenu dans le projet de loi.
Pour toutes ces raisons, la commission, dans sa majorité, demande la
suppression de l'article 1er.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 46.
M. Jean-Jacques Hyest.
L'article 1er est le point central de notre débat.
J'entends certains dire que, si l'on supprime la déclaration, il y a
automaticité, mais il y a tout de même une démarche. Cela prouve bien un manque
de cohérence puisque les jeunes doivent, en tout état de cause, demander un
certificat de nationalité.
La loi de 1993 était beaucoup plus souple qu'on ne l'a dit puisqu'elle ouvrait
la possibilité de formuler une demande entre seize et vingt et un ans. Et si
cette loi a été mal appliquée ou si elle n'a pas fait l'objet d'une promotion
suffisante on peut y remédier, surtout avec la réforme du service militaire et
l'inscription automatique sur les listes électorales, de façon à informer tous
les jeunes de dix-sept ans de la nécessité de faire cette déclaration.
Par ailleurs, on oublie un peu trop que la demande d'un certificat de
nationalité vaut déclaration.
Pour ces motifs, et faute d'une analyse sérieuse du nombre de jeunes qui n'ont
pas pu accéder à la nationalité française par déclaration, il convient d'en
rester à la loi de 1993. Cette loi a été votée après un long débat et après, je
le rappelle, les travaux, d'une qualité exceptionnelle, de la commission
Marceau Long, qui, que je sache, était composée de personnalités provenant
d'horizons divers et qui avait abouti à des conclusions presque unanimes.
Il faut en rester là et ne pas ouvrir un nouveau débat tout à fait inutile et
qui ne changera rien en ce qui concerne les obligations des jeunes issus de
l'immigration pour accéder à la nationalité française.
M. le président.
La parole est à M. Plasait, pour présenter l'amendement n° 82.
M. Bernard Plasait.
Comme la plupart de ceux qui siègent dans cet hémicycle, je crois que la
nationalité et la citoyenneté, qui lui est liée, sont des éléments fondamentaux
de la vie en société dans notre communauté nationale.
Aussi, j'ai la conviction qu'une citoyenneté octroyée par la collectivité,
alors qu'elle devrait être un acte de liberté individuelle, est une citoyenneté
bradée, donc affaiblie, dévaluée.
C'est la raison pour laquelle j'ai la conviction qu'il convient de maintenir
ce mécanisme de manifestation de volonté tel que la loi de 1993 l'avait
instauré à juste titre.
(M. René-Georges Laurin applaudit.)
M. le président.
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Plasait et les membres du
groupe des Républicains et Indépendants.
L'amendement n° 83 tend dans le premier alinéa du texte présenté par l'article
1er pour l'article 21-7 du code civil, après les mots : « parents étrangers »,
à insérer les mots : « titulaires d'un titre de séjour régulier d'une durée
minimale d'un an ».
L'amendement n° 84 vise dans le premier alinéa du texte présenté par l'article
1er pour l'article 21-7 du code civil, à remplacer le mot : « acquiert » par
les mots : « peut acquérir, à condition qu'il en manifeste la volonté, ».
La parole est à M. Plasait, pour défendre ces deux amendements.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. le président.
Mes chers collègues, je l'ai dit, les quinze amendements font l'objet d'une
discussion commune.
Conformément au règlement du Sénat, leurs auteurs respectifs vont donc les
présenter, après quoi je demanderai l'avis de la commission et du Gouvernement,
avant de mettre aux voix les trois premiers, qui sont identiques. J'espère que
personne ne voit d'inconvénient à ce que le président applique le règlement du
Sénat !
(Sourires.)
Vous avez la parole, monsieur Plasait.
M. Bernard Plasait.
L'amendement n° 83 tend à ouvrir aux mères qui souhaitent bénéficier de la
qualité des soins prodigués en France la possibilité d'accoucher dans notre
pays, sans pour autant permettre l'accès automatique à la nationalité française
et au bénéfice des droits qui en découlent
ipso facto
du fait que
l'enfant accède à la qualité de français.
Il s'agit de donner sa vraie valeur au droit du sol en interprétant son
acception dans le sens où tous ceux qui sont régulièrement en France peuvent
bénéficier des droits attachés à cette présence régulière.
Quant à l'amendement n° 84, il réaffirme la nécessité, pour acquérir la
nationalité française, d'en manifester la volonté. Pour compléter ce que je
disais tout à l'heure, j'ajouterai que la conception française de la nation est
l'élément fondamental qui assure la cohésion sociale, laquelle n'a jamais été
aussi indispensable qu'aujourd'hui. Il convient de valoriser l'idée de
nationalité et de citoyenneté et surtout de ne pas la dévaluer, ce que risque
de faire le texte du Gouvernement.
Il faut donc permettre aux jeunes d'accomplir un acte explicite d'adhésion à
la nation française ; en cela, l'amendement vise à maintenir les dispositions
de la loi de 1993.
M. le président.
Par amendement n° 37, Mme Dusseau, MM. Baylet et Collin proposent, après les
mots : « nationalité française », de rédiger comme suit la fin du premier
alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 21-7 du code civil :
« à sa naissance, sans distinction de la nationalité des parents, dès lors que
l'un de ceux-ci est titulaire d'une carte de résident. »
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Je viens d'entendre notre collègue M. Bernard Plasait parler d'un acte de
liberté pour les jeunes. Je l'ai entendu également évoquer une nationalité qui
serait bradée ou affaiblie si elle était automatique.
Cher collègue, acte de liberté, oui, mais pour qui ? Exclusivement pour un
certain nombre d'enfants d'étrangers nés sur le sol français ? Quitte à prévoir
un acte de liberté et de responsabilité, autant le prévoir pour tous, autant
mettre tout le monde sur le même plan ! A quoi cela ressemble-t-il de dire
qu'il faut absolument un acte, un choix, une déclaration pour les uns et d'en
exonérer les autres, qui, comme les premiers, d'ailleurs, sont nés en France
par hasard ?
Notre amendement tend à ce que la nationalité française soit accordée à la
naissance sans distinction de nationalité des parents, dès lors que l'un d'eux
est titulaire d'une carte de résident. Je vais donc au-delà de la loi de 1973,
qui exigeait une déclaration des parents.
Il faut évidemment aller au-delà et permettre aux enfants d'être français dès
leur naissance, à partir du moment où l'un des parents est titulaire d'une
carte de résident.
A ceux de nos collègues qui craignent toujours, face à ce type de
propositions, qu'il n'y ait là un moyen de régulariser des clandestins, je
dirai qu'il n'est pas question pour moi d'utiliser les enfants à cette fin.
Dans ce cas précis, je propose donc que les enfants puissent acquérir
directement la nationalité dès lors que l'un des deux parents est titulaire
d'une carte de résident.
M. le président.
Par amendement n° 47, M. Hyest et les membres du groupe de l'Union centriste
proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour
l'article 21-7 du code civil, après les mots : « il a en France sa résidence »,
d'insérer les mots : « , s'il a accompli sa scolarité obligatoire en France
».
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Il peut paraître curieux à certains que l'on dépose des amendements sur
l'article 1er alors que l'on souhaite sa suppression et que le Sénat, dans sa
majorité, votera vraisemblablement le maintien du principe de 1993.
Mais n'oublions pas que nos débats doivent aussi être entendus par une autre
majorité, dans une autre assemblée, qui prend parfois feu et flamme, afin que
soient pris en compte un certain nombre de problèmes. Il convient de signaler à
nos collègues députés que, même s'ils ne veulent pas de tout, il ne faut tout
de même pas qu'ils laissent passer n'importe quoi et qu'ils fassent attention,
notamment en ce qui concerne la discontinuité du séjour, dont je parlerai tout
à l'heure.
On nous a expliqué que les jeunes qui étaient nés en France, qui y avaient
suivi leur scolarité, qui y avaient leur résidence, étaient comme les autres et
qu'ils devaient devenir français le plus facilement possible. Je note au
passage que rendre plus difficile l'acquisition de la nationalité française n'a
jamais été notre objectif.
Si l'on veut aller jusqu'au bout de la logique, on peut donc prévoir aussi que
le jeune ait accompli sa scolarité obligatoire en France. D'ailleurs, la
plupart du temps, c'est l'accomplissement de la scolarité qui est la preuve
qu'on a eu sa résidence en France.
Dès lors, lier les deux me paraît être une bonne chose.
M. le président.
Par amendement n° 48, M. Hyest et les membres du groupe de l'Union centriste
proposent de rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte présenté par
l'article 1er pour l'article 21-7 du code civil : « ..., il a en France sa
résidence et qu'il justifie, pendant les cinq années qui précèdent sa majorité,
sa résidence habituelle en France. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 127, présenté par M.
Chérioux, et tendant à compléter le texte proposé par l'amendement n° 48 par
les mots suivants : « ainsi qu'une connaissance suffisante de la langue
française. »
Par amendement n° 86, M. Plasait et les membres du groupe des Républicains et
Indépendants proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article
1er pour l'article 21-7 du code civil, de remplacer les mots : « s'il a eu sa
résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d'au
moins cinq ans, depuis l'âge de onze ans. » par les mots : « qu'il justifie,
pendant les cinq années qui précèdent sa majorité, sa résidence habituelle en
France. »
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 48.
M. Jean-Jacques Hyest.
Puisqu'on nous dit que la loi de 1973 était une merveille, revenons-en à cette
loi !
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, pour défendre le sous-amendement n° 127.
M. Jean Chérioux.
Je veux insister de nouveau sur l'importance de la connaissance de la langue
française.
Les conditions de résidence ne donnent pas la garantie que l'enfant a vraiment
accompli toute sa scolarité en France, dans la mesure où la résidence peut être
discontinue. D'où notre souhait d'être certains que l'intéressé possède bien la
langue qui lui permet d'exercer son droit de citoyen.
Je précise par ailleurs que le débat démocratique ne consiste pas à déformer
les propos tenus dans cet hémicycle pour pouvoir mieux les critiquer ensuite.
Aussi, j'aimerais que Mme Dusseau, lorsqu'elle me critique, le fasse en se
référant à ce que j'ai dit et non en l'inventant.
(Protestations sur les travées socialistes. - Très bien ! sur les travées du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Plasait, pour défendre l'amendement n° 86.
M. Bernard Plasait.
Tout comme l'amendement n° 85, cet amendement a trait à la résidence
habituelle. A défaut du maintien de la manifestation de volonté, il tend à en
revenir au texte antérieur à la réforme de 1993.
M. le président.
Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 49 est présenté par M. Hyest et les membres du groupe de
l'Union centriste.
L'amendement n° 85 est déposé par M. Plasait et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants.
Tous deux tendent, dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 1er
pour l'article 21-7 du code civil, à remplacer les mots « s'il a eu sa » par
les mots : « qu'il justifie d'une ».
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 49.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je considère qu'il a été défendu, monsieur le président.
M. le président.
La parole est à M. Plasait, pour défendre l'amendement n° 85.
M. Bernard Plasait.
Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président.
Je suis saisi de deux autres amendements identiques.
L'amendement n° 50 est présenté par M. Hyest et les membres du groupe de
l'Union centriste.
L'amendement n° 87 est déposé par M. Plasait et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants.
Tous deux tendent, dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 1er
pour l'article 21-7 du code civil, à supprimer les mots : « ou discontinue
».
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 50.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je considère que je l'ai déjà présenté, monsieur le président.
M. le président.
La parole est à M. Plaisait, pour défendre l'amendement n° 87.
M. Bernard Plasait.
Il paraît souhaitable de maintenir l'obligation de continuité de résidence
pour la période de stage précédant l'acquisition de la nationalité française,
afin d'assurer la meilleure intégration possible des jeunes étrangers dans la
communauté nationale.
M. le président.
Par amendement n° 88, M. Plasait et les membres du groupe des Républicains et
Indépendants proposent, après le premier alinéa du texte présenté par l'article
1er pour l'article 21-7 du code civil, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La condition de résidence habituelle en France pendant cinq ans n'est pas
exigée pour l'étranger francophone au sens des dispositions de l'article 21-20.
»
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Le projet de loi revient sur la suppression de la condition de stage, qui
existe en droit positif, pour les personnes qui appartiennent notamment à
l'entité culturelle et linguistique française. Cet amendement tend à maintenir
la suppression de cette condition de stage.
M. le président.
Par amendement n° 51, M. Hyest et les membres du groupe de l'Union centriste
proposent, dans la première phrase du second alinéa du texte présenté par
l'article 1er pour l'article 21-7 du code civil, après les mots : « en matière
de », d'insérer les mots : « droit de la ».
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je l'ai déjà défendu, monsieur le président.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Les amendements n°s 46 et 82 sont satisfaits par l'amendement
n° 3 de la commission.
Les amendements n°s 47 à 51 et 83 à 88, amendements de repli, qui, comme l'a
dit M. Hyest, ont le mérite de rappeler un certain nombre de points, n'ont pas
lieu d'être retenus dès lors qu'un amendement de suppression a été déposé par
la commission
Le sous-amendement n° 127 de M. Chérioux, que la commission d'ailleurs n'a pas
pu examiner puisqu'il a été déposé après sa dernière réunion, va plus loin que
la loi de 1993. Or la commission souhaite plutôt s'en tenir à cette loi.
Quant à l'amendement n° 37 de Mme Dusseau, il traduit une telle divergence de
fond que la commission ne peut que lui donner un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Ces amendements appellent de ma part trois
observations.
D'abord, évidemment, le Gouvernement ne peut pas accepter les trois
amendements de suppression qui visent à s'en tenir à la loi de 1993. J'ai déjà
expliqué hier pourquoi le Gouvernement souhaitait que l'on rétablisse le
système antérieur à la loi de 1993 s'agissant de l'acquisition de plein droit
de la nationalité française à l'âge de dix-huit ans. Je n'y reviendrai donc
pas.
En revanche, j'insisterai quelque peu sur les conditions de résidence. En
effet, l'article 1er, outre l'énoncé du principe de l'acquisition de plein
droit de la nationalité française à l'âge de dix-huit ans, précise les
conditions de résidence nécessaires auxquelles il faut satisfaire, puisque
jamais dans notre pays n'a été retenu le principe du droit du sol intégral.
Les conditions de résidence, dans la loi de 1993 comme dans celle de 1973 - il
n'y avait pas eu de changement sur ce point - étaient : une durée de résidence
de cinq ans, contiguë à la majorité de dix-huit ans, et une durée de résidence
continue. Il fallait donc avoir vécu de façon continue en France pendant cinq
ans entre l'âge de treize ans et celui de dix-huit ans et ne pas avoir
interrompu cette résidence autrement que pour de brèves périodes, la
jurisprudence admettant en effet des interruptions de résidence pour les
petites vacances scolaires.
Or le Gouvernement a eu connaissance de certains faits qui empêchaient
véritablement certains enfants d'acquérir de plein droit la nationalité
française. Il a donc souhaité assouplir cette condition de résidence, revenant
ainsi non seulement sur les dispositions de la loi 1993 mais aussi sur celles
de la loi de 1973, je dois le souligner. Le texte qui vous est soumis, je le
dis en particulier à l'intention de ceux qui siègent à gauche de cet hémicycle,
est donc plus généreux, sur ce plan, que ne l'était la loi de 1973.
Mme Cerisier-ben Guiga a cité un exemple concernant des enfants qui
accomplissent une année de scolarité à l'étranger.
Mais il y a des situations encore plus dramatiques, celles de ces enfants que
l'on renvoie dans leur pays d'origine contre leur gré, en particulier les
jeunes filles - je connais plusieurs cas - qui souvent après s'être échappées,
reviennent en France et, sous l'empire de la législation actuelle, constatent
qu'elles ne peuvent pas devenir françaises parce que, précisément, elles sont
restées plus de quelques semaines absentes de notre territoire.
C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité que la condition de
résidence - qui reste fixée à cinq ans, il n'est pas question de la réduire -
puisse s'apprécier désormais sur une période plus longue, c'est-à-dire non plus
seulement entre l'âge de treize et dix-huit ans, mais entre l'âge de onze ans
et de dix-huit ans, et puisse être interrompue durant cette période. J'ajoute
que cette période comprend nécessairement une période de scolarité obligatoire,
entre onze ans et dix-huit ans.
Ce dispositif permet donc de traiter des cas humainement difficiles d'enfants
qui veulent être français mais qui ne peuvent pas l'être sous la législation
actuelle.
Bien entendu, je suis contre les amendements tendant à faire dépendre
l'acquisition de la nationalité du séjour régulier des parents.
Je dirai maintenant quelques mots de l'amendement n° 88, qui vise à dispenser
les francophones de la condition de résidence de cinq ans.
Le Gouvernement considère que la langue n'est pas, à elle seule, un élément
suffisant pour justifier de l'intégration à la culture et à un mode de vie. Si
cet amendement était accepté, il permettrait à un étranger né en France,
reparti dans son pays comptant le français comme langue officielle, d'acquérir
la nationalité française sans condition de résidence, dès lors qu'à dix-huit
ans il reviendrait sur le sol français.
J'attire votre attention sur les conséquences d'un tel amendement : il serait
plus facile pour un étranger né en France et vivant ensuite dans un pays
francophone dont il est le ressortissant de devenir Français, s'il est sur le
sol français à l'âge de dix-huit ans, que pour quelqu'un qui serait resté sur
le territoire national. Il pourrait être Français sans sentiment d'appartenance
à la France, alors que les échanges entre nationaux d'Etats différents ne vont
cesser de se développer et que l'on peut parfaitement être né en France, s'y
trouver à dix-huit ans et ne se sentir Français en rien. Je crois que la
différence est très grande avec la naturalisation.
Voilà les observations que je voulais présenter, monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, sur les quinze amendements qui vous sont
proposés.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 3, 46 et 82.
M. Michel Duffour.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Nous étions partisans d'une autre rédaction de l'article 1er. Nous considérons
toutefois que la rédaction qui nous est proposée constitue une très sérieuse
avancée par rapport à la loi de 1993. En effet, elle permettra à des jeunes en
difficulté ou mal informés de ne pas se retrouver étrangers sans le savoir et
sans le vouloir.
Nous apprécions dans l'argumentation développée par Mme la ministre le
réalisme dont le Gouvernement fait preuve s'agissant de la définition des
conditions de résidence. Il est évident que nous sommes loin de la logique de
certains de nos collègues de droit. Nous le voyons avec M. Chérioux, qui a
adopté une position ultra par rapport à la situation de 1993.
Par conséquent, nous voterons contre ces trois amendements identiques.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Je voterai, bien sûr, ces trois amendements. Hier soir, dans la discussion
générale, j'ai abondamment exposé les raisons pour lesquelles il ne me
paraissait pas du tout opportun de renoncer au système déclaratif prévu par la
loi de 1993.
Au cours de cette intervention, j'ai été conduit à demander à Mme le garde des
sceaux de bien réfléchir aux conséquences et à l'interprétation de certains de
ses propos. Je suis amené à y revenir en raison de ce que nous venons
d'entendre de sa part voilà quelques instants.
Madame le garde des sceaux, vous avez évoqué le cas de jeunes filles qui
seraient conduites de force par leurs parents à se rendre dans leur pays
d'origine et, de ce fait, à perdre, sous l'empire de la loi actuelle, le
bénéfice de la résidence continue en France. Ce type de situation atteste tout
simplement la non-intégration de ces familles !
(Exclamations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Mme Joëlle Dusseau.
Enfin, tout de même ! Il s'agit des enfants, pas des familles !
M. Guy Allouche.
Vous n'avez rien compris !
M. Michel Caldaguès.
C'est une raison de plus pour ne pas vouloir renoncer au système déclaratif.
Je le disais hier, ces jeunes filles qu'on renvoie de force chez elles, sont-ce
des Italiennes, des Espagnoles, des Polonaises ? Non, bien sûr !
M. Guy Penne.
Pourquoi ?
M. Michel Caldaguès.
Vous pensez à d'autres nationalités, et vous y pensez parce qu'il y a des
courants de peuplement qui ne se sont pas bien intégrés dans notre pays,...
M. Guy Allouche.
Et alors ?
M. Michel Caldaguès
... soit qu'ils ne le peuvent pas - cela peut arriver - soit qu'ils ne le
veulent pas.
Vous venez d'attester par vos propos, madame le ministre, que certaines
personnes résidant en France ne veulent pas s'intégrer et ne veulent pas que
leurs enfants s'intègrent.
(Protestations sur les mêmes travées.)
Voilà pourquoi la déclaration que peuvent faire les enfants en toute
liberté est extrêmement importante !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Guy Allouche.
Caldaguès Maurras, même combat !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 3, 46 et 82, repoussés par le
Gouvernement.
M. Michel Duffour.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre !
M. Guy Allouche.
Le groupe socialiste également !
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er est supprimé, et les amendements n°s 83, 84, 37,
47, 48, le sous-amendement n° 127, les amendements n°s 86, 49, 85, 50, 87, 88
et 51 n'ont plus d'objet.
J'informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale
m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des
candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une
commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions
restant en discussion du projet de loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai
réglementaire.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze
heures dix, sous la présidence de M. Jean Delaneau.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
RECRUTEMENT EXCEPTIONNEL
DE MAGISTRATS DE L'ORDRE JUDICIAIRE
Adoption d'un projet de loi organique
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique (n° 206,
1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, portant recrutement exceptionnel
de magistrats de l'ordre judiciaire et modifiant les conditions de recrutement
des conseillers de cour d'appel en service extraordinaire. [Rapport n° 216
(1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Mesdames, messieurs les
sénateurs, j'ai présenté, le 29 octobre dernier, les grands axes de la réforme
de la justice que j'ai engagée.
La réussite de cette indispensable réforme passe par une augmentation des
moyens qui lui sont alloués et par une meilleure utilisation des ressources
ainsi dégagées pour moderniser l'institution judiciaire.
La nécessité de donner à la justice les moyens nécessaires à son
fonctionnement fait aujourd'hui l'objet d'un consensus auquel je suis
particulièrement sensible.
A l'occasion du débat budgétaire, la Haute Assemblée a bien voulu souligner,
par un vote unanime, l'effort budgétaire réel consenti en faveur du ministère
de la justice en 1998. Je rappelle que, dans le contexte actuel de réduction du
déficit public, ce bon budget, en hausse de 4 %, venait se cumuler avec la
sortie intégrale du « gel » budgétaire imposé en 1997 par le précédent
gouvernement. Je remercie donc encore une fois le Sénat de son vote unanime sur
mon budget.
Le 22 janvier prochain, nous aurons un débat plus approfondi sur les
orientations de la justice, qui s'étalera sur les trois années à venir.
Je sais combien votre assemblée a toujours manifesté le souci d'apporter sa
contribution à la réflexion sur les indispensables évolutions de l'institution
judiciaire. Les rapports de MM. Haenel et Arthuis, d'une part, de MM. Jolibois
et Fauchon, d'autre part, constituent en ce sens des documents de référence.
Ces deux rapports, pour ne citer qu'eux, insistent particulièrement sur la
nécessité, que je partage entièrement, d'améliorer en tout premier lieu le
fonctionnement quotidien des juridictions.
Ainsi, la mission d'information chargée d'évaluer les moyens de la justice,
constituée sur l'initiative de M. le président Larché, présidée par M. Jolibois
et dont M. Fauchon était le rapporteur, avait déjà fait, en 1996, le constat de
l'asphyxie des juridictions.
En arrivant dans ce ministère, malgré les promesses de tous mes prédécesseurs
de réduire les délais de jugement, j'ai pu, moi aussi, constater que, en dépit
des efforts des magistrats et des fonctionnaires, les délais de traitement des
affaires par les juridictions sont souvent excessifs, et que l'importance des
stocks d'affaires à juger rend difficile la résorption des retards.
C'est ainsi, par exemple, que, dans une chambre sociale de cour d'appel qui
compte plus de 6 500 affaires en stock, les magistrats doivent fixer des dates
de plaidoirie au-delà de l'an 2000, c'est-à-dire que les justiciables reçoivent
aujourd'hui des convocations pour dans quatre ans. L'Etat vient même d'être
condamné par le tribunal de grande instance de Paris à verser des dommages et
intérêts en raison du trop long délai imposé à un justiciable - pour
licenciement abusif - devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
Dans votre rapport « Quels moyens pour quelle justice ? », vous avez formulé
des propositions qui reposent sur des axes rejoignant pour beaucoup mes
orientations : réforme pragmatique de la carte judiciaire, amélioration du
fonctionnement interne des juridictions, modernisation des procédures...
Les réformes que j'engage ne pourront naturellement produire leurs effets qu'à
moyen terme. Or je souhaite que les choix budgétaires du Gouvernement
produisent au plus tôt leurs effets positifs pour les justiciables et pour tous
ceux qui travaillent dans les juridictions.
Dans l'immédiat, je me situe dans une approche très « réaliste », ainsi que
vous l'avez souligné dans votre rapport, monsieur le rapporteur. J'ai décidé
d'avancer rapidement, dans le cadre de mesures d'urgence, pour renforcer les
juridictions à la fois en fonctionnaires des greffes et en magistrats, afin que
les réponses de la justice s'effectuent dans des délais raisonnables.
Actuellement, 216 postes budgétaires de magistrats, soit près de 3,5 % de
l'effectif budgétaire, sont vacants. S'ajoutent à ce chiffre les 70 emplois qui
viennent d'être créés au budget pour 1998. La crédibilité de nouvelles demandes
de création d'emplois par le ministère de la justice impose de pourvoir ceux
dont il dispose déjà.
Ainsi que je l'avais annoncé dans ma communication du 29 octobre 1997, afin de
répondre aux situations des juridictions les plus en difficulté, j'ai décidé de
traiter prioritairement cette question d'effectifs de magistrats, en même temps
que celle des effectifs de fonctionnaires. Il s'agit là d'un signe important en
direction de tous les personnels de justice.
En ce qui concerne les fonctionnaires de greffe, la sortie du « gel »
budgétaire en 1997 ainsi que le bon budget que vous avez voté pour 1998 vont
produire rapidement leurs effets dans les juridictions.
C'est ainsi que 44 greffiers en chef et 240 greffiers seront recrutés en 1998,
que 545 nouveaux agents de catégorie C issus des listes supplémentaires de
concours ont commencé à être affectés depuis le début de l'année, et que 230
nouveaux assistants de justice viendront aider les magistrats dans la
préparation de leurs décisions.
Il faut aussi accélérer l'arrivée de nouveaux magistrats. Les concours
exceptionnels que je vous propose doivent répondre à deux critères : la qualité
du recrutement et la rapidité de l'arrivée en juridiction.
Aujourd'hui, le rapport de M. Fauchon le rappelle, il existe quatre modes de
recrutement habituels. Mais, hélas ! ils ne permettent pas de répondre à ce
besoin urgent.
Ainsi, le recrutement ordinaire par l'Ecole nationale de la magistrature est
assorti d'un délai d'environ trois ans et sept mois et un concours ouvert en
1998 ne permet l'affectation de magistrats en juridiction qu'en septembre
2001.
De plus, les autres modes de recrutement ordinaires sont insuffisants pour
remédier au déficit exceptionnel que nous avons à affronter.
Quant au recrutement sur titres, nous savons bien que le nombre de magistrats
recrutés de cette manière n'excède pas une vingtaine par an.
De même, le détachement judiciaire, ouvert aux membres des corps issus de
l'Ecole nationale d'administration ainsi qu'aux professeurs et maîtres de
conférences des universités, est encore trop méconnu. J'ai sur ce point, en
liaison avec mes collègues de l'éducation nationale et de la fonction publique,
engagé une information et des démarches qui devraient bientôt produire leurs
effets.
Par ailleurs, la procédure actuelle de recrutement des conseillers de cour
d'appel en service extraordinaire, trop contraignante, n'a pas permis jusqu'à
présent de donner à ce mode de recrutement une ampleur suffisante.
Tout cela pour rappeler que, bien que nous ayons quatre modes de recrutement
habituels, nous n'arrivons cependant pas à pourvoir tous les postes vacants.
C'est la raison pour laquelle je vous présente un projet de loi organique qui a
un double objet : d'une part, ouvrir le recrutement exceptionnel de magistrats
de l'ordre judiciaire par concours et, d'autre part, rendre plus efficace la
procédure de recrutement des conseillers de cour d'appel en service
extraordinaire.
Je veux revenir un instant, maintenant, sur les deux concours exceptionnels de
magistrats.
Ce projet a pour objet d'autoriser, en 1998 et 1999, un recrutement de cent
magistrats par an par trois concours exceptionnels : le premier, de cinquante
magistrats du second grade de la hiérarchie judiciaire ; le deuxième, de
quarante conseillers de cour d'appel du second grade ; le troisième, de dix
conseillers de cour d'appel du premier groupe du premier grade.
Ces magistrats, si vous permettez que le concours de 1998 soit lancé très
rapidement, seront recrutés dans le courant du second semestre 1998 et pourront
arriver en juridiction dès juillet 1999, c'est-à-dire que nous aurons gagné un
an et demi. Nous ouvrirons le concours dès le début de 1998 et, après la
période de recrutement et de formation, les cent nouveaux magistrats seront en
juridiction dès juillet 1999. Je vous rappelle le délai de trois ans et sept
mois par l'intermédiaire de l'Ecole nationale de la magistrature.
Ce recrutement s'adressera à des candidats titulaires d'un diplôme du niveau
de la maîtrise, satisfaisant à une condition d'âge et justifiant d'une
expérience professionnelle d'une durée variable selon le niveau hiérarchique de
nomination.
En ce qui concerne le concours institué pour le recrutement de magistrats du
second grade, une réduction de la durée d'activité professionnelle est
instituée au bénéfice des membres des professions judiciaires et des agents de
l'Etat, en raison, pour les premiers, de leur connaissance du monde judiciaire
et, pour les seconds, de leur culture de service public.
Les concours exceptionnels précédemment organisés en 1981, en 1983 et en 1991
ont été marqués par une forte sélectivité - on comptait en effet un admis pour
quatorze candidats en 1991 - ce qui est l'un des signes d'un recrutement de
qualité.
La qualité de ce recrutement sera garantie par le caractère fortement
juridique des épreuves des concours. Je sais, mesdames, messieurs les
sénateurs, que vous êtes particulièrement attachés à cette garantie de
qualité.
La qualité de ce recrutement sera également garantie par la formation qui sera
dispensée aux candidats admis et qui sera centrée sur l'adaptation aux
fonctions et l'éthique du magistrat. Cette formation, d'une durée de six mois
avant l'entrée en fonctions, n'aura pas un caractère probatoire. Tel était déjà
le cas lors des précédents concours exceptionnels. A cette formation initiale
s'ajoutera une formation continue obligatoire d'une durée de deux mois pendant
les quatre premières années de fonctions.
Ce recrutement permettra, en outre, d'ouvrir le corps judiciaire à des
personnes venant d'horizons professionnels variés, telles que les professions
judiciaires, en particulier les avocats, les agents de l'Etat et les cadres du
secteur privé, y compris à des niveaux de responsabilité.
Je tiens cependant à rappeler que le recrutement par la voie classique des
concours d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature - qui représente 84 %
des magistrats actuellement en fonctions - est et demeurera le mode d'accès
principal à la magistrature. La qualité des magistrats qui sortent de l'ENM est
unanimement reconnue. J'entends à cet égard augmenter dans les années à venir
le nombre des postes offerts à ces concours.
M. Robert Badinter.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'en viens maintenant aux conseillers de cour d'appel
en service extraordinaire. C'est le deuxième projet de loi organique que je
soumets à votre approbation.
Il est nécessaire, me semble-t-il, d'optimiser le recrutement des conseillers
de cour d'appel en service extraordinaire.
Une première évaluation réalisée en liaison avec les chefs de cour fait
aparaître que cette voie de recrutement est particulièrement intéressante ;
elle permet d'apporter aux juridictions du second degré les plus en difficulté
un appui appréciable. Toutefois, la procédure actuelle de recrutement se révèle
trop lourde s'agissant de nominations pour une durée limitée de candidats
justifiant d'une expérience professionnelle importante.
C'est pourquoi ce projet apporte quatre modifications au système existant.
Le nombre maximal de conseillers de cour d'appel en service extraordinaire
susceptibles d'être recrutés d'ici au 31 décembre 1999 serait porté de trente à
cinquante.
La durée d'exercice de leurs fonctions passerait de cinq à dix ans.
Le recrutement de ces magistrats dans les cours d'appel de Paris et Versailles
serait également rendu possible.
Le caractère probatoire de la période de formation est supprimé, l'expérience
professionnelle importante requise des candidats étant de nature à permettre de
vérifier leur aptitude générale à l'exercice de fonctions judiciaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte n'a pas la prétention de régler
l'ensemble des problèmes auxquels la justice est aujourd'hui confrontée, bien
entendu. Ces problèmes appellent des réformes profondes dont nous débattrons le
22 janvier prochain. Ce texte néanmoins, j'en suis persuadée, contribuera à
apporter aux juridictions un renfort rapide et de qualité en magistrats,
renfort indispensable compte tenu de l'augmentation des contentieux et de la
durée de leurs délais de traitement.
Il s'agit donc d'un premier pas. Nos concitoyens ont droit à ce que les
jugements et les arrêts soient rendus dans des délais raisonnables.
L'accélération du recrutement de magistrats constitue l'un des moyens de
répondre mieux à leurs attentes.
Je souhaite que le texte que je vous propose aujourd'hui nous permette
ensemble de concrétiser rapidement l'objectif que, je sais, nous partageons,
celui de l'amélioration du fonctionnement quotidien du service public de la
justice, gage indispensable de sa modernisation.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame la ministre, mes chers collègues, je me bornerai à quelques
brèves observations à l'égard d'un projet de loi organique dont le caractère
technique est évident, nous l'avons tous compris, et qui, je le dis d'emblée,
répond bien aux préoccupations de la commission des lois. Celle-ci, en effet,
essaie de maintenir une pression à travers différents rapports et les prises de
conscience qu'elle a un peu provoquées sur cette question des moyens ordinaires
de la justice, qui passionne peu les grands médias nationaux et alimente peu
les grands débats de politique, mais qui intéresse énormément nos régions, nos
provinces et nos département.
Je salue d'ailleurs au passage les Normands qui sont présents dans cette
salle, sachant que la Normandie est particulièrement attentive aux problèmes
juridiques en vertu de traditions qui sont séculaires.
Il ne s'agit pas ici de débattre, d'une manière générale et philosophique, en
quelque sorte, du recrutement, de la formation des juges et moins encore de
leur statut. Il s'agit simplement de réaliser, en deux ans, un recrutement
accéléré et important : 100 magistrats par an destinés à faire face à une
situation de vacance qui est véritablement, on peut bien le dire, déplorable et
même surprenante puisqu'elle porte, ainsi que vous l'avez dit, madame la
ministre, sur 216 postes, et que l'on aboutirait, semble-t-il, à un nombre
encore plus élevé de postes si l'on ne prenait pas rapidement des mesures.
Vous avez expliqué les raisons de ces retards dus à la durée des études et au
fait qu'il ne suffit pas de créer des postes dans un budget pour que, le
lendemain, on ait des résultats concrets sur le terrain. Il existe un décalage
d'au moins trois ans et demi. Il faudra pourvoir 306 postes de magistrats en
1998 alors que l'Ecole nationale de la magistrature ne fournira que 145
magistrats, soit moins de la moitié, et que le recrutement latéral, qu'il
serait peut-être bon d'encourager - nous nous sommes d'ailleurs interrogés sur
le faible rendement de ce recrutement - ne permettra d'en remplir qu'une
trentaine, auxquels ne pourront s'ajouter que vingt-six conseillers de cour
d'appel en service extraordinaire. En fin d'année, le déficit serait donc d'une
centaine de postes.
La commission approuve tout à fait ces mesures de recrutement par concours
exceptionnel.
Elle approuve aussi la proposition de réserver certains de ces postes aux
cours d'appel dans lesquelles une dramatique carence se fait sentir. Cette
mesure touche pratiquement la moitié des postes pour lesquels vous prévoyez un
recrutement. Dix magistrats du premier groupe du premier grade seraient même
recrutés directement. Entre parenthèses, je ferai remarquer qu'en matière de
grade il vaut mieux se situer dans le premier plutôt que dans le second et
qu'en matière de groupe il vaut mieux être dans le second plutôt que dans le
premier. On met un certain temps à s'habituer à cette gymnastique de
vocabulaire entre les grades et les groupes, mais on finit par s'y faire !
(Sourires.)
Il s'agit, vous l'avez dit, madame la ministre, de répondre à la
situation critique de certaines cours d'appel. Certains de nos collègues ont
cru souhaitable d'aller encore plus loin en augmentant le nombre de ces postes
du premier grade. Nous évoquerons ce point tout à l'heure à l'occasion de l'un
des amendements.
La commission approuve également tout à fait les conditions de recrutement
proposées : les conditions de diplôme, qui sont communes à tous les niveaux
hiérarchiques, et les conditions d'âge, qui tiennent compte de ces différents
niveaux, ce qui me paraît logique.
Certes, les modulations de l'âge de recrutement selon le niveau hiérarchique
sont un peu compliquées, mais il est normal de tenir compte de la sensibilité
des professionnels de la magistrature qui pourraient ne pas accepter facilement
de voir de tout jeunes gens arriver à des niveaux égaux ou supérieurs au leur.
Il y a un équilibre à respecter.
Nous approuvons aussi l'exigence d'expérience professionnelle.
D'une manière générale, nous croyons beaucoup à la valeur de l'expérience ;
elle est de moins en moins considérée dans les sociétés modernes, mais le Sénat
reste fidèle à l'idée que c'est une garantie de capacité au moins égale à
beaucoup d'autres, notamment à celle que procure la formation théorique.
On admet que cette expérience ne soit pas nécessairement d'ordre juridique. Il
eût été souhaitable de ne prendre en compte que l'expérience acquise dans les
domaines juridiques, mais il semble qu'il faille élargir le recrutement, en
contrôlant par concours les connaissances juridiques des candidats.
Nous approuvons donc le système du concours, concours très sérieux, fondé non
pas sur les titres et travaux antérieurs des candidats, ce qui est une approche
incertaine, mais sur le niveau actuel de leurs connaissances, de leur
formation, de leur culture juridique et de leurs capacités d'analyse.
Ce concours comporte un écrit qui se compose lui-même d'une consultation,
d'une note de synthèse et d'une composition. Cet écrit est suivi d'un oral - la
capacité d'expression orale a aussi son importance - portant notamment sur un
domaine choisi par le candidat entre le droit social, le droit commercial, la
procédure civile et la procédure pénale. Tout cela nous semble opportun.
Nous espérons naturellement que ces concours seront mis en oeuvre avec la
rigueur voulue. Nous sommes d'ailleurs convaincus que, hélas ! pour des raisons
qu'il n'est pas nécessaire de développer, les candidats seront nombreux, ce qui
permettra d'opérer une sélection satisfaisante.
Enfin, nous sommes favorables à une formation rémunérée, à condition qu'elle
soit brève et ne soit pas probatoire, la décision de recrutement étant déjà
prise.
Il est prévu une formation théorique d'un mois à l'école et cinq mois de stage
en juridiction. Au cours de ce dernier, les intéressés commenceront à rendre
des services du type de ceux que rendent les assistants de justice ; ils ne
seront pas de simples spectateurs.
A cela s'ajoute une formation permanente de deux mois, répartie, selon ce que
nous avons compris du projet de décret d'application, sur les quatre premières
années d'exercice et non pas par an. Notre collègue M. Dreyfus-Schmidt, qui
s'inquiétait à ce sujet, peut être tout à fait rassuré.
Je n'ai rien à ajouter sur ces points qui concernent les principaux articles
du projet de loi.
S'agissant des conseillers de cour d'appel en service extraordinaire, dont le
Sénat a contribué à la création, à la demande de l'un de vos prédécesseurs, par
la loi de 1995, nous croyons bon effectivement d'en porter le nombre de 30 à
50. Il nous semble opportun également d'en prévoir le recrutement direct au
second groupe du premier grade. Ce processus est assez exceptionnel, il faut
bien le dire, mais nous sommes conscients des carences qu'il faut absolument
combler. Je pense aux cours d'appel de Paris et de Versailles, qui ont déjà été
mentionnées.
Nous approuvons l'allongement de la durée d'exercice des fonctions de ces
conseillers. Le projet de loi avait allongé cette durée de cinq à huit ans.
L'Assemblée nationale l'a portée à dix ans. Cette disposition est destinée à
favoriser une liaison entre la vie professionnelle et la retraite sans hiatus.
En effet, que deviendraient les intéressés s'ils cessaient de remplir leur
fonction un an ou deux ans avant la retraite ? Cette mesure me paraît tout à
fait logique et raisonnable.
Bien sûr, nous acquiesçons au caractère non probatoire du stage : on ne peut
pas demander en effet à des personnes pourvues d'une telle expérience
professionnelle et se soumettant à une sélection d'avoir ensuite à subir, à un
âge qui n'est plus celui de l'étudiant, l'épreuve d'un stage de formation dont
le résultat pourrait ne pas être positif. Par conséquent, ce stage n'est pas
obligatoire, mais il est prescrit dans un grand nombre de cas, et il est tout à
fait normal que ceux qui le subissent le fassent dans des conditions de
sécurité.
Il y a aussi - j'ai remarqué que vous ne les avez pas mentionnés, madame la
ministre, j'ignore pourquoi - les magistrats exerçant à titre temporaire.
Il s'agit d'une forme très originale de recrutement de magistrats qui
s'adresse à des personnes parvenues à la fin de leur vie professionnelle.
On peut penser - cette pensée sera celle de l'assemblée générale des cours
d'appel, approuvée par les commissions d'avancement ; nous avons donc des
garanties - on peut penser, dis-je, qu'un certain nombre de personnes ayant
passé une partie de leur vie à « ferrailler » dans la situation d'avocat
choisiront, disons à l'anglaise - en Angleterre, c'est ainsi que sont retenus
un certain nombre de magistrats - de passer à la situation de juge. Nous
croyons qu'il y a là une ressource importante de recrutement.
Nous avons déjà évoqué les voyages que nous avons effectués en Angleterre, au
cours desquels nous avons étudié ces juridictions qui, depuis Henri II, qui fut
d'ailleurs souverain de Normandie, d'Anjou et d'Aquitaine, pratiquent cette
justice de magistrats de cour, où les quatre cinquième des magistrats
proviennent de la société civile.
Ce système fonctionne tellement bien que l'on n'en parle pas. En tout cas, il
permet au Royaume-Uni de traiter une grande partie du contentieux de masse.
Par conséquent, nous sommes attentifs à la situation de ces magistrats à titre
temporaire. Dans leur cas, le stage est non pas facultatif mais obligatoire.
Eux subissent donc un stage probatoire.
Là encore, il s'agit de personnes confirmées professionnellement, qui ont été
sélectionnées par l'assemblée générale des cours d'appel, admises par la
commission d'avancement et qui présentent donc toutes les garanties
nécessaires. Leur imposer un stage probatoire alors qu'elles ont passé l'âge de
ce genre d'exercice, même pour deux mois à Bordeaux, me semble vexant et
décourageant.
Par conséquent, si l'on veut qu'il y ait des candidats, ce qui me paraît
souhaitable, nous proposons d'étendre le raisonnement que vous avez appliqué
aux conseillers de la cour d'appel à ces magistrats. Dans ce domaine comme dans
beaucoup d'autres, nous verrons après quelques années d'exercice. Ce que l'on
peut dire, dès maintenant, c'est que ces modalités un peu neuves de recrutement
n'ont donné lieu à aucun d'abus, puisque l'on constate plutôt une carence et
une insuffisance. Nous pouvons prendre, je crois, un peu plus de risques. C'est
ce qui justifie la proposition d'insertion d'un article additionnel présentée
par la commission.
Je ne voudrais pas, par une réflexion plus générale, madame le garde des
sceaux, anticiper sur le débat que nous devrons avoir, en principe à la fin de
ce mois, sur les problèmes généraux de la justice, et dont je vous remercie
d'avoir pris l'initiative.
Je formulerai simplement et brièvement quatre observations qui sont le
résultat des réflexions de notre commission. Je me permets de dire - mais là je
me tourne moins vers vous, madame le garde des sceaux, que vers ceux qui sont à
vos côtés - que peut-être on aurait pu s'apercevoir de tout cela un peu plus
tôt. Nous nous réjouissons de ce que, en arrivant à la Chancellerie, vous vous
soyez interrogée sur l'existence de postes dotés financièrement et non pourvus
en titulaires. Les services de la Chancellerie auraient peut-être pu accomplir
un certain effort de prévision. Mais peut-être est-ce du côté du ministère de
l'économie et des finances - M. Gélard nous en dira sans doute quelques mots
tout à l'heure - que l'on peut trouver une explication à un certain
malthusianisme dans l'organisation des concours passés. C'est là une question
sur laquelle je me permets d'attirer respectueusement votre attention.
Par ailleurs, nous nous sommes demandé si l'on ne pouvait pas accélérer le
processus. Vous avez envisagé un concours : les candidatures devront être
déposées avant cet été ; les écrits auront lieu en septembre ou en octobre, les
oraux en novembre, puis interviendront les cinq mois de stage. Les candidats
admis commenceront à être utiles dès qu'ils seront affectés quelque part. A mon
avis, on saura les rendre utiles. Ne pourrait-on pas anticiper le concours en
bousculant un peu les habitudes ? Que faisons-nous en ce moment sinon bousculer
les habitudes pour répondre à une demande pressante et à une situation
quasiment dramatique dans un trop grand nombre de juridictions ?
Ne pourrait-on pas gagner un peu de temps ? Je vous pose la question. La
réponse ne dépend pas de moi ; elle dépend de vos services.
Il ne s'agit pas, je le rappelle après vous, de bousculer l'équilibre général
du recrutement des magistrats. Nous avons fait un calcul sur vingt ans, de
l'année 1980 à l'année 2000, qui intègre donc les deux années de ce recrutement
exceptionnel. Au terme de ce parcours, selon nos chiffres, 76,25 % des
magistrats seraient sortis de l'ENM et pratiquement 9 % issus de concours
exceptionnels, ce qui reste donc très minoritaire. Par ailleurs, il y aurait 1
% de conseillers en cours d'appel en service extraordinaire - c'est également
très minoritaire - et 14 % issus du recrutement général.
Ces proportions démontrent que le principe du recrutement normal des
magistrats par l'Ecole nationale de la magistrature - sur lequel on pourra
faire en d'autres temps de plus amples réflexions, le débat n'est pas clos -
est parfaitement respecté, bien que l'on puisse avoir le sentiment,
qu'exprimera peut-être M. Badinter, l'un des plus qualifiés d'entre nous, que
le recrutement latéral n'a pas les effets qu'on pourrait en attendre.
Certes, nécessité fait loi, mais je crois assez profondément que, dans les
périodes de mutations sociales et culturelles que nous vivons, l'apport dans un
corps de fonctionnaires quels qu'ils soient, et spécialement de fonctionnaires
de responsabilité, d'un certain nombre d'éléments provenant d'un milieu
différent, ayant acquis une expérience différente, ne peut être qu'un
enrichissement. Il n'est pas mauvais que les magistrats sortis de l'Ecole
nationale de la magistrature aient à côté d'eux, de temps en temps, des gens
qui ont une autre vue de la vie sociale, qui ont peut-être été de l'autre côté
de la barrière et qui apporteront donc un avis complémentaire par rapport à
celui des professionnels, ce qui, finalement, améliorera, me semble-t-il, la
capacité de juger de ceux-ci.
Je conclurai en disant que ce projet de loi est réaliste. Nous l'apprécions
vivement à ce titre, parce que nous sommes convaincus qu'il faut aborder les
problèmes des moyens de la justice avec moins de dogmatisme et plus de
réalisme.
Nous vous remercions, madame la ministre, d'avoir si rapidement pris
conscience de la nécessité d'être attentif aux problèmes de la justie
quoditienne et, sous le signe de ce souci d'efficacité, la commission vous
apporte son soutien et propose à notre assemblée de voter le projet de loi,
sous réserve de l'adoption de l'article additionnel dont j'ai parlé tout à
l'heure, mais qui ne fait en réalité que compléter le texte sur un point
particulier.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, madame le ministre, je voudrais joindre mes compliments
à ceux que M. le rapporteur vient de formuler voilà un instant.
Nous avons sur d'autres textes, vous et un certain nombre d'entre nous, des
divergences d'appréciation profondes. Mais nous ne pouvons qu'apprécier la
manière dont vous avez pris en main la gestion de votre ministère en ce qui
concerne l'administration de la justice et la vitesse avec laquelle vous vous
êtes résolue à vous engager dans un processus de rattrapage, au moins partiel,
des difficultés d'effectifs que ce ministère connaît.
Je ne sais d'ailleurs pas quelle en est exactement l'origine. Tout à l'heure,
en commission des lois, lors d'une discussion, l'un de nos collègues faisait
valoir que la baisse du nombre d'admis à l'Ecole nationale de la magistrature
que l'on constate depuis quelques années est probablement l'une des
explications aux difficultés devant lesquelles nous nous trouvons, et j'ai cru
comprendre qu'il avait le sentiment que, dans cette affaire, le ministère des
finances n'était pas totalement innocent, lequel préférerait en définitive que
l'on procède de temps en temps à des recrutements exceptionnels, du style de
celui que vous nous proposez aujourd'hui. En effet, pour des raisons de
financement à la fois des études et des retraites, cela lui reviendrait en
définitive moins cher.
Je ne puis affirmer que cette analyse est exacte mais, connaissant un peu le
ministère des finances, j'incline à penser qu'elle n'est pas fausse.
Quoi qu'il en soit, face à un système qui connaissait une crise profonde, vous
nous proposez - et nous vous approuvons - une solution qui consiste à permettre
le recrutement exceptionnel de deux cents magistrats sur deux ans. Je ne suis
pas sûr que cela suffira, mais au moins aurons-nous ainsi fait un pas important
dans la bonne direction, et la célérité de la démarche mérite d'être saluée.
Cela dit, madame le ministre, nous sommes un certain nombre à penser qu'il ne
faut pas que le gros bosquet cache une forêt. Le gros bosquet, c'est le
problème des cours d'appel, qui sont, c'est vrai, totalement engorgées, au
point que la plupart d'entre elles éprouvent beaucoup de difficultés à traiter
les affaires qui leur sont soumises.
Mais les représentants des départements que nous sommes ont parfois une vue un
peu différente des choses. Je ne suis pas sûr que la situation soit la même sur
tout l'Hexagone et je doute que le taux de 3 % - même si ce taux ne tient pas
compte des magistrats mis à disposition - de postes vacants puisse être admis
comme juste partout. Bien sûr, nous sommes les sénateurs de la République tout
entière, mais nous observons la réalité telle qu'elle se présente dans les
départements au sein desquels nous avons été élus.
Pour prendre l'exemple d'un département que nous sommes, en cet instant, au
moins deux à bien connaître dans cet hémicycle, je dirai que, dans le ressort
de notre cour d'appel, le taux de vacances est de 16 %. Et j'ajoute que ce taux
est de 21 % dans un des tribunaux de grande instance à la rentrée solennelle
desquels nous avons eu l'occasion d'assister, ce qui a conduit ce tribunal à
abandonner quasiment un tribunal satellite !
Pour résoudre un tel problème, on pourrait proposer une solution caricaturale
: elle consisterait à laisser en l'état les vacances de postes dans les
tribunaux de grande instance, ce qui réduirait le nombre des jugements et donc
celui des appels ; ainsi les cours d'appel seraient désengorgées par le bas !
Je sais bien, madame le garde des sceaux, que tel n'est pas votre raisonnement.
De toute façon, les conseils de prud'hommes et les tribunaux de commerce
continueraient d'alimenter encore largement les cours d'appel !
Ce que je veux essentiellement vous dire, madame le garde des sceaux, c'est
que vous ne pouvez pas, au moment où vous vous efforcez à juste titre
d'apporter une solution aux difficultés des juridictions, traiter exclusivement
le problème des cours d'appel : il faut que vous preniez aussi en compte cette
grande misère des tribunaux de terrain qui, à l'heure actuelle, dans certaines
régions, se trouvent véritablement en déshérence. Leur situation exige de leurs
magistrats des efforts inouïs, qu'ils ne peuvent pas assumer dans la durée
comme ils le souhaiteraient.
C'est pourquoi ces magistrats estiment, non pas à titre syndical, mais en tant
que responsables de l'administration de la justice, que, parmi les postes de
conseiller de cour d'appel que vous envisagez d'ouvrir, certains pourraient
être occupés grâce à une promotion de juges du deuxième grade déjà inscrits au
tableau et qui sont sur des listes d'attente.
Dès lors, ne serait-il pas possible, madame le garde des sceaux, de prévoir -
le surcoût serait minime - qu'une part du recrutement que vous envisagez
aujourd'hui sera dirigée vers les tribunaux de base, afin qu'il y ait moins de
vacances de poste de vice-président de tribunal pour enfants ou de
procureur-adjoint ? Se posent, en effet, au niveau des juridictions de
proximité, au moins autant de problèmes qu'au niveau des juridictions
d'appel.
J'espère, madame le garde des sceaux, que vous voudrez bien accepter une
légère modification de votre texte pour faire en sorte qu'on puisse, dans ce
domaine-là aussi, faire un petit pas en avant. Il serait, j'en suis convaincu,
très apprécié des juridictions de terrain.
(Applaudissements sur les travées
du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, nous
statuons en urgence - et, pour une fois, personne ne le conteste.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
et M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
L'urgence n'est pas déclarée !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je veux dire qu'il s'agit d'un problème urgent et que tout le monde en est
d'accord.
Tout le monde ne crie-t-il pas, en effet, à la grande misère de nos tribunaux,
à l'insuffisance du nombre des magistrats ? Il y a effectivement de quoi être
scandalisé, mais vous, madame le garde des sceaux, n'êtes absolument pour rien
dans cette situation, qui remonte en fait à 1986.
On observe en effet que, alors que le nombre des candidats à l'Ecole nationale
de la magistrature augmente régulièrement, il y a eu de moins en moins de
postes mis au concours.
En 1981, on comptait 210 admis au concours ; en 1982, 320 ; en 1983 et en
1984, 230 ; en 1985, 215 et en 1986, 245. Il faut rendre hommage à Robert
Badinter, ici présent, car, ensuite, on n'a plus jamais atteint le chiffre de
200 : en 1993, on est même tombé même à 100 admis, pour remonter légèrement à
110 en 1994, puis à 145 en 1995 et en 1996.
Tout le monde est en tout cas d'accord pour vous demander d'établir, année par
année, concernant le nombre nécessaire de magistrats, des prévisions -
gouverner, c'est prévoir - et des mouvements semblables à ceux auxquels on
procède dans l'enseignement, où c'est autrement compliqué compte tenu du nombre
des fonctionnaires de l'éducation nationale.
Il y a donc urgence, mais ne confondons pas urgence et précipitation. Je
conçois qu'on souhaite voir un texte aux dimensions modestes adopté conforme.
Mais nous savons d'expérience que, même pour des textes importants, la navette
entre les deux assemblées peut aller extrêmement vite ; tout peut se faire dans
une seule journée ! En commission, tout à l'heure, il a été rappelé que, par
exemple, au mois de décembre, c'est quelques heures après qu'une certaine
motion proposant un référendum et présentée par la majorité sénatoriale eut été
adoptée ici que l'Assemblée nationale s'en est trouvée saisie.
Je veux croire qu'on peut aller presque aussi vite s'agissant de ce texte,
même si le Sénat estime devoir retenir quelques amendements et, en particulier,
celui que nous lui proposerons.
A notre sens - tout le monde n'est pas de cet avis - il n'y a pas de justice
possible sans juge. On aura beau rechercher tous les procédés possibles -
conciliation, médiation, transaction - rien ne remplacera jamais le juge pour
trancher les différends entre les citoyens. C'est pourquoi il faut que les
magistrats soient en nombre suffisant.
Vous allez donc, madame le garde des sceaux, ouvrir deux concours
exceptionnels. Certains membres de l'opposition, à l'Assemblée nationale, vous
ont objecté : « Mais vous les ouvrez à tous les "bac + 4", même s'ils
ne sont pas juristes ! »
D'autres députés de l'opposition leur ont répondu que, à partir du moment où
le concours portait sur des matières juridiques et qu'il était organisé sous la
responsabilité de professeurs de droit, il n'était pas indispensable que seuls
des diplômés en droit puissent s'y présenter.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
L'opposition a bien le droit d'être plurielle, elle aussi !
(Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je veux bien admettre ce raisonnement mais, dès lors, je ne comprends pas très
bien pourquoi une ancienneté d'activité professionnelle serait nécessaire ;
après tout des chômeurs, diplômés en droit ou non, pourraient parfaitement se
présenter à ce concours et y être reçus.
J'observe d'ailleurs que, si une ancienneté professionnelle est exigée, on ne
précise pas dans quelles professions ; c'est une vieille habitude ! J'entends
bien que, du moment que les candidats réussissent un concours difficile, cela
n'a pas d'importance. Mais, alors, pourquoi demander que les candidats aient
exercé une activité professionnelle ? Nous aurions pu proposer de supprimer
purement et simplement cette référence à une activité professionnelle, mais
nous avons, je l'avoue, été pris de court.
S'agissant du premier concours, celui qui concerne les juridictions autres que
les cours d'appel, il est proposé que tous les candidats aient exercé pendant
dix ans une activité professionnelle. Cette durée est limitée à huit ans pour
les personnes mentionnées au 2° du premier alinéa de l'article 17 de
l'ordonnance n°s 58-1270 du 22 décembre 1958. Il s'agit, en l'espèce, des «
fonctionnaires régis par les titres Ier, II, III et IV du statut général des
fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales, des militaires et
autres agents de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs
établissements publics justifiant, au 1er janvier de l'année du concours, de
quatre ans de service en ces qualités ».
Il est étonnant qu'une ancienneté moins grande soit requise pour la totalité
des fonctionnaires, quelles que soient leurs fonctions et même s'ils ne sont
pas juristes.
Il est compréhensible qu'on exige des juristes une activité professionnelle
moins longue - le projet fait référence aux avocats, aux avocats au Conseil
d'Etat et à la Cour de cassation, aux avoués, aux notaires, aux huissiers de
justice et aux greffiers des tribunaux de commerce - mais on ne voit pas
pourquoi il devrait en aller de même pour les fonctionnaires de l'Etat et des
collectivités locales ainsi que pour les militaires qui n'ont pas eu de
formation juridique.
Par ailleurs, les candidats doivent être âgés de trente-cinq à quarante-cinq
ans. Dans la mesure où l'institution de la maîtrise de droit en quatre ans
remonte aux années soixante, tous ceux qui ont aujourd'hui entre trente-cinq
ans et quarante-cinq ans et exercent l'une des professions juridiques
mentionnées à l'article 1er ont nécessairement une maîtrise de droit. S'ils
n'étaient pas titulaires de cette maîtrise, après tout, il ne serait pas
choquant qu'on leur demande une ancienneté de dix ans. Voilà pourquoi nous
proposons que ne soit exigée qu'une activité professionnelle de huit ans pour
tous les titulaires d'une maîtrise de droit.
En effet, rien ne paraît justifier que, par exemple, un chef d'entreprise ou
un juriste d'entreprise, titulaires d'une maîtrise de droit, ne puissent
bénéficier de la condition des huit ans d'ancienneté.
En tant que président de l'association pour la gestion des assistants de
sénateurs, je me dois d'évoquer aussi le cas d'assistants parlementaires, par
hypothèse titulaires d'une maîtrise de droit, qui, malgré une solide
expérience, ne pourraient prétendre se porter candidats à ce concours parce
qu'ils ne seraient ni fonctionnaires ni membres d'une profession judiciaire.
Prenons encore l'exemple de tel jeune brillant député ayant l'âge requis et se
trouvant battu aux élections - la durée du mandat sénatorial est telle qu'on
atteint l'âge de quarante-cinq ans et huit ans d'ancienneté professionnelle
avec un seul mandat ! - qui aurait une maîtrise de droit quasiment, qui aurait
éventuellement siégé à la commission des lois de l'Assemblée nationale, mais
qui, lui non plus, ne pourrait concourir parce qu'il ne serait ni fonctionnaire
ni membre d'une profession judiciaire.
Je suis sûr, madame le garde des sceaux, que, comme la commission des lois du
Sénat, vous estimerez notre amendement fondé.
En tout cas, l'adoption de cet amendement et d'un ou deux autres - notamment
celui qui a été déposé par notre rapporteur - ne retardera guère que de
quelques jours, au maximum, l'adoption définitive de ce texte. Ainsi, dès
l'automne prochain, le premier concours pourra avoir lieu.
(Applaudissements sur les travées socialistes et du RDSE. - M. le rapporteur
applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le mouvement
de grève national des avocats du mois de novembre dernier a mis en lumière, une
fois de plus, le manque cruel de moyens qui affecte la justice, ainsi que le
mécontentement des justiciables.
C'est dans ce contexte qu'ont été annoncées par le garde des sceaux des
mesures d'urgence prévoyant le recrutement exceptionnel de magistrats, ce plan
d'urgence ayant pour objet de remédier à l'engorgement chronique que
connaissent certaines juridictions.
Je l'avais déjà souligné lors du débat budgétaire relatif aux crédits de la
justice, nos juridictions sont confrontées à une augmentation importante du
contentieux, qui a plus que triplé ces vingt dernières années, le nombre des
affaires civiles étant passé de 200 000 à 650 000 dans les tribunaux et de 63
000 à 215 000 dans les cours d'appel.
Dans le même temps, le nombre des magistrats - il est passé à 6 000 - n'a que
peu augmenté.
Certes, parmi les ministères, celui de la justice, avec un budget en
augmentation de 4 % pour 1998, bénéficie de la plus forte progression,
l'outre-mer mis à part, ce qui montre la volonté du Gouvernement de faire de la
justice l'une des priorités de la nation et nous satisfait profondément.
Cependant, le retard accumulé depuis des années en la matière est tel que
l'ambitieux budget de 1998 permettra difficilement de le combler pleinement.
Aussi l'adoption d'un plan d'urgence paraît-elle nécessaire, et c'est pourquoi,
bien évidemment, nous voterons le présent projet de loi organique, qui appelle
toutefois quelques remarques.
Tout d'abord, comme cela a été souligné à l'Assemblée nationale, on peut
regretter que les dispositions qu'il contient n'aient pas été intégrées dans
une réforme plus globale de la justice, réforme dont les principes seront
débattus par le Parlement dès demain à l'Assemblée nationale et le 22 janvier
prochain ici-même.
Quant au principe même de ce plan d'urgence, il met en évidence l'insuffisance
récurrente de la gestion prévisionnelle des besoins, insuffisance à laquelle
l'actuel gouvernement a commencé de s'attaquer.
Il ne faudrait pas cependant que le recours aux recrutements exceptionnels
devienne un élément de la gestion courante des besoins en matière de
justice.
Par ailleurs, si l'élargissement du recrutement des magistrats aux autres
couches sociales et aux autres secteurs de la vie professionnelle par
l'ouverture des concours aux diplômés d'instituts d'études politiques ou aux
normaliens peut être considéré comme un élément positif, source
d'enrichissement, il ne suffit pas.
On l'a dit à plusieurs reprises, ici comme en commission, il convient de mener
une politique de recrutement sur le long terme impliquant l'augmentation des
places offertes aux concours d'entrée à l'Ecole nationale de la
magistrature.
En effet, il ne faudrait pas que l'accès à la magistrature par l'ENM, qui doit
demeurer le droit commun, devienne une exception.
C'est d'autant plus vrai que la durée de formation dispensée aux nouveaux
recrutés sera plus courte que celle des auditeurs de l'ENM et pourra sembler
insuffisante, quand bien même on estimerait que les admis auront une expérience
riche et une formation juridique de base solide.
Eu égard à la technicité requise par l'exercice de la profession de magistrat
ainsi qu'à la durée normale de la formation à l'ENM, qui est de deux ans et
demi, nos inquiétudes sont, me semble-t-il, légitimes.
Nous devons donc accorder une attention toute particulière à la formation des
nouveaux magistrats et, plus largement, comme l'a d'ailleurs souligné Mme le
garde des sceaux à l'Assemblée nationale, nous devons rapidement nous pencher
sur le rôle de l'ENM et sur le recrutement par la troisième voie.
Enfin, si nous sommes conscients de l'intérêt que peuvent représenter les
recrutements latéraux pour la résorption des retards accumulés dans le
traitement des dossiers, nous sommes également conscients que leurs effets ne
se feront sentir, en pratique, qu'au bout de dix-huit voire de vingt-quatre
mois, car il faut le temps d'organiser les concours.
A cet égard, je m'associe bien entendu aux souhaits exprimés en commission des
lois quant à la nécessité de réduire, autant que faire se peut, les délais
d'organisation de ces concours. Il semble que la bonne volonté dans ce domaine
serait de nature à faire avancer les choses.
Au-delà de ces observations, les sénateurs du groupe communiste républicain et
citoyen soutiennent bien évidemment le présent projet de loi organique, madame
le ministre, et ils le voteront.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes. - M. le président de la commission des
lois et M. le rapporteur applaudissent également.)
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Pour une fois que vous parlez raisonnablement, cela mérite
d'être souligné !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - A titre exceptionnel, un recrutement par concours de magistrats
du second grade de la hiérarchie judiciaire est autorisé dans la limite de 50
postes au cours de l'année 1998 et 50 postes au cours de l'année 1999. Les
candidats doivent être titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une
durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat, que ce
diplôme soit national ou reconnu par l'Etat, ou d'un diplôme délivré par un
Etat membre de la Communauté européenne et considéré comme équivalent par le
ministre de la justice après avis d'une commission, ou d'un diplôme délivré par
un institut d'études politiques ou d'un certificat attestant la qualité
d'ancien élève d'une école normale supérieure. Les candidats doivent en outre
être âgés de trente-cinq ans au moins et quarante-cinq ans au plus au 1er
janvier de l'année d'ouverture du concours, remplir les conditions prévues aux
2°, 3°, 4° et 5° de l'article 16 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature, et justifier à
cette date de dix ans d'activité professionnelle. Cette durée est réduite à
huit ans pour les personnes mentionnées au 2° de l'article 17 de l'ordonnance
n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée ainsi que pour les avocats, les avocats
au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, les avoués, les notaires, les
huissiers de justice et les greffiers des tribunaux de commerce. »
Par amendement n° 3, MM. Lesein, Bimbenet, Cabanel, Paul Girod, Jeambrun,
Othily et Vallet proposent :
I. - Dans la première phrase de cet article, de remplacer - deux fois - le
nombre : « 50 » par le nombre : « 40 ».
II. - De compléter
in fine
cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« A titre exceptionnel, un recrutement par concours de magistrats du premier
groupe du premier grade de la hiérarchie judiciaire appelés à exercer
directement les fonctions de vice-présidence de tribunal de grande instance
chargés de fonctions spécialisées et de procureurs de la République adjoints
est autorisé dans la limite de dix postes au cours de l'année 1998 et dix
postes au cours de l'année 1999. Les candidats doivent être âgés de cinquante
ans au moins au 1er janvier de l'année d'ouverture du concours, justifier à
cette date de quinze ans d'activité professionnelle et remplir les autres
conditions mentionnées à l'alinéa précédent. »
La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein.
Nous savons la détresse que génère la pénurie de magistrats dans certains
départements, ruraux notamment. Or, le présent projet de loi tend
incontestablement - et nous ne pouvons que nous en réjouir - à pourvoir des
postes vacants que l'avancement « traditionnel » ne permet, hélas ! pas
toujours de remplir.
C'est ainsi que, pour les cours d'appel, l'article 3 prévoit de recruter
directement vingt conseillers au premier grade du premier groupe de la
hiérarchie judiciaire.
Le raisonnement devrait cependant être étendu aux tribunaux de grande
instance, où des postes importants, notamment de vice-présidents spécialisés -
juges des enfants, juges de l'application des peines - sont également vacants.
Il convient donc, pour remédier à ces situations, d'opérer comme prévu par le
présent texte pour les cours d'appel, c'est-à-dire de recruter vingt magistrats
- deux fois dix - du premier grade du premier groupe.
Par coordination, pour ne pas affecter l'équilibre du texte, le recrutement de
magistrats du second grade porterait ainsi sur quatre-vingts postes, soit deux
fois quarante, au lieu de cent, soit deux fois cinquante, puisqu'il y aura deux
concours.
Certains postes vacants dans les cours d'appel pourraient être pourvus par des
magistrats du second grade déjà en exercice et inscrits au tableau
d'avancement. Dans ma région au moins, il semble que le nombre des demandes
pour ces postes excèdent nettement celui des emplois à pourvoir. Dans ces
conditions, je m'étonne que l'on n'étende pas le dispositif aux tribunaux de
grande instance.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 3 ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission souhaiterait entendre d'abord l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
L'adoption de l'amendement n° 3 se traduirait par
l'aggravation d'une charge publique, mais le Gouvernement n'a pas l'intention
d'invoquer l'article 40 de la Constitution sur ce point, et, s'il n'est pas
favorable à cet amendement, c'est pour d'autres raisons, sur lesquelles je veux
attirer votre attention.
Monsieur Lesein, il est regrettable en effet que, faute de candidats dans
certaines villes du nord ou de l'est de la France par exemple, nous éprouvions
des difficultés à pourvoir des postes de procureur adjoint ou de vice-président
de tribunal de grande instance.
Toutefois, transformer comme vous proposez de le faire dix postes de base en
postes de premier grade du premier groupe en priverait les magistrats passés
par l'Ecole nationale de la magistrature, ce qui mérite que l'on y
réfléchisse.
En effet, il s'agit de fonctions d'encadrement qui nécessitent une expérience
de la magistrature et si, encore une fois, je partage votre diagnostic, je
préfère trouver d'autres remèdes, en particullier des moyens incitatifs - j'y
réfléchis et nous aurons l'occasion d'y revenir lors du débat sur la réforme de
la justice - qui permettraient aux magistrats sortis de l'Ecole nationale de la
magistrature d'occuper ces postes après dix ans de carrière.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Nos collègues signataires de l'amendement n° 3 ont rendu la
commission sensible à la préoccupation de pourvoir les postes, semble-t-il trop
souvent vacants, de vice-présidents de tribunal de grande instance ou de
procureurs de la République adjoints.
Toutefois, il lui a semblé qu'il n'appartenait pas au législateur d'apporter
cette précision dans le cadre d'une loi organique. La localisation des
magistrats recrutés relève, en effet, du ministère.
En tant que législateur, il nous appartient bien d'élargir les modalités de
recrutement des magistrats, mais il ne nous paraît pas sain d'entrer dans le
détail, en prévoyant par exemple de placer dix personnes dans tel secteur
plutôt que dans tel autre. Cela ne relève pas de notre responsabilité de
législateur.
Par conséquent, notre souhait - Mme le garde des sceaux l'a, semble-t-il,
devancé - était que le Gouvernement prenne acte de cette préoccupation,
constate qu'il existe un réel problème et rassure nos collègues sur sa volonté
de le résoudre.
J'ajoute que Mme le garde des sceaux a fait une observation qui nous paraît
tout à fait pertinente : les postes de vice-présidents des tribunaux et de
procureurs généraux adjoints sont des postes de responsabilité dans
l'organisation judiciaire. Il s'agit de contribuer au fonctionnement d'un
échélon de la justice, pas seulement de trancher une affaire particulière. En
effet, par définition, un vice-président remplace assez souvent le président et
un procureur adjoint fait souvent fonction de procureur.
Il est préférable de confier ces missions d'administration et de gestion
générale à des personnes qui sont « du métier », qui en ont franchi les stades
préliminaires, qui ont appris de l'intérieur le fonctionnement du système
judiciaire.
Cet argument n'a pas été évoqué lors de la réunion, assez brève, de notre
commission. Il est important et, compte tenu de l'engagement de Mme le garde
des sceaux de prendre en considération leur préoccupation, les signataires de
l'amendement n° 3 devraient peut-être accepter de le retirer. Bien entendu, je
leur laisse le soin d'apprécier ma suggestion.
La commission, en tout cas - je crois pouvoir le dire bien qu'elle n'ait pas
délibéré en tenant compte de l'argument avancé par Mme le garde des sceaux -
s'en rapportera sinon à la sagesse de l'assemblée, tout en n'étant pas
favorable, je le redis, à l'introduction d'une disposition trop précise dans la
loi organique.
M. le président.
Monsieur Lesein, l'amendement n° 3 est-il maintenu ?
M. François Lesein.
Monsieur le président, la suggestion de M. le rapporteur ne me surprend pas,
bien que je sois sensible à sa crainte de voir le législateur s'immiscer dans
un choix qui relève du Gouvernement, celui de placer les magistrats à tels ou
tels postes.
Il n'en reste pas moins vrai, madame le garde des sceaux, et vous ne l'ignorez
pas, qu'il y a des postes vacants : 3 % en moyenne, comme M. Paul Girod l'a
rappelé tout à l'heure, et même entre 14 % et 21 % dans certaines instances
!
Il y a là tout de même quelque chose qui ne va pas, d'autant que cela varie
selon qu'on est au sud ou au nord de la Loire !
Les transferts de magistrats du nord vers le sud de la France dépendent bien
de l'autorité du garde des sceaux que je sache. Or, l'hémorragie semble
s'aggraver.
Il faut prendre ce phénomène en considération, car il pénalise les régions du
Nord et de l'Est. Vous l'avez reconnu vous-même, madame le garde des sceaux.
Pourriez-vous dès lors nous assurer que vous serez attentive aux carences dues
aux vacances de postes dans certains tribunaux de grande instance ?
Les maires ne peuvent pas toujours se déplacer chez le procureur et chez le
président du tribunal de grande instance ou leur téléphoner pour les alerter
sur la situation de justiciables qui pâtissent de ces carences.
Les magistrats doivent avoir les moyens de rendre une justice que nous
puissions supporter. Sinon, comment voulez-vous que l'on aient des arguments et
un peu de poids auprès de jeunes qui se conduisent comme vous le savez ? Tout
cela est lié.
Je pense que vous êtes sensible à ces arguments, madame le ministre, et si
vous prenez un engagement sur ce point, je retirerai mon amendement.
Vous nous avez présenté dans des délais très brefs, et je vous en remercie, le
présent projet de loi tendant à créer 200 postes.
S'agissant de l'avenir proche, je souhaiterais que vous vous engagiez à
pourvoir des postes, d'une manière ou d'une autre, par exemple par la voie de
l'avancement. Lorsqu'un poste est libre et qu'il n'est pas intéressant, que
fait-on ? On nomme quelqu'un au grade supérieur. Alors, faites-le dans l'autre
sens. Si vous montez en grade les magistrats, croyez-moi, ils accepteront.
Je retire mon amendement parce que je suis sûr que Mme le garde des sceaux va
s'engager.
(Sourires.)
M. le président.
L'amendement n° 3 est retiré.
Par amendement n° 2, MM. Dreyfus-Schmidt, Badinteret Allouche proposent de
rédiger comme suit la dernière phrase de l'article 1er : « Cette durée est
réduite à huit ans pour les titulaires d'une maîtrise en droit. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'ai déjà défendu cet amendement. Je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai dit au
cours de ma brève intervention dans la discussion générale.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission, sous réserve d'entendre l'avis du
Gouvernement, est assez favorable à cet amendement. Elle avait pensé qu'on
pouvait garder l'énumération et ajouter les titulaires d'une maîtrise en droit,
mais ce n'est sans doute pas nécessaire. En effet, on « balaie » peut-être
toutes les catégories en demandant la maîtrise en droit puisqu'elle est exigée
maintenant à peu près pour tout le monde.
S'il n'y a pas de difficulté technique sur ce point, la commission émet un
avis favorable. Il faut bien avoir à l'esprit que, en l'occurrence, ce qui va
jouer un rôle essentiel, c'est le concours, les autres mesures n'ayant pas une
grande portée. En effet, c'est le concours qui fera la décision.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'ai été, moi aussi, très sensible aux arguments qui
ont été présentés à la tribune par M. Dreyfus-Schmidt. On peut en effet se
demander s'il ne faudrait pas ouvrir le concours à tous les titulaires d'une
maîtrise de droit, ce qui garantirait une certaine formation juridique. Sur ce
point, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je souligne, à l'attention de l'Assemblée nationale, que cet amendement a été
adopté à l'unanimité !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'article 1er.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le groupe du
RPR n'a pas pris la parole dans la discussion générale afin d'abréger nos
débats, mais je voudrais indiquer en cet instant que nous nous rallions à ce
texte et aux conclusions de M. le rapporteur. Le groupe du RPR votera donc le
présent projet de loi organique.
Cela étant dit, je voudrais faire trois remarques.
La première, que j'ai déjà formulée en commission et que certains de mes
collègues ont exprimée, concerne l'effondrement du nombre de postes ouverts au
titre du concours de l'Ecole nationale de la magistrature année après année.
Quand on songe qu'à l'heure actuelle 6 % seulement des candidats sont reçus au
concours de cette école et qu'avec 145 postes on fera perdurer année après
année des vacances d'emplois, on se dit qu'il est temps de remonter à un seuil
normal le nombre des recrutements effectués par le biais du concours de l'Ecole
nationale de la magistrature.
Je réitérerai le souhait que j'ai exprimé devant M. le ministre de l'éducation
nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche : il faudrait mettre
en place une programmation, au moins à moyen terme, du nombre de postes mis au
concours. Cela permettrait aux étudiants de mieux s'orienter et de mieux
connaître le nombre de postes offerts dans telle ou telle filière. Pour
l'instant, ils ne disposent pas de cet élément d'information.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est une bonne remarque !
M. Patrice Gélard.
Ma deuxième remarque concerne les personnes issues des professions libérales
ou du secteur privé et qui se présenteront aux concours prévus. Le texte qui
nous est soumis ne dit rien de la retraite des personnes concernées et de la
possibilité pour elles de racheter des points, de façon que les anciens
avocats, les anciens notaires ou les anciens huissiers, par exemple, qui
voudraient devenir magistrats puissent bénéficier d'une retraite décente. Il y
a donc là une interrogation qui ne trouve pas de réponse dans le texte.
Ma dernière remarque sera pleine d'inquiétude. Je suis convaincu que ce texte
devait être proposé. Cependant, j'ai de très grandes craintes pour l'avenir,
madame le ministre. Un rapide calcul montre qu'avant dix ans la moitié de nos
magistrats partiront à la retraite. Par conséquent, nous allons être confrontés
chaque année au même problème. Il est donc temps que les gardes des sceaux qui
se succèdent disent définitivement non aux exigences des ministres des finances
qui, dans la pratique, les incitent à faire des économies sur les emplois et
sur les postes mis au concours en recrutant à l'extérieur, ce qui coûtera moins
cher en retraite et en années de formation.
Il est temps, madame le ministre, de dire au ministre des finances : cela
suffit ! La justice a besoin d'hommes et de femmes. Il faut que tous les
emplois qui sont actuellement vacants soient pourvus dans les plus brefs
délais.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi
que sur certaines travées du RDSE. - M. Chérioux applaudit également.)
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Nous sommes en face d'un texte qui
peut paraître limité, mais dont l'utilité justifie l'accueil qu'il a reçu de
notre part.
J'ajoute que, très accessoirement, vous avez souligné le problème fondamental
: on ne gère pas, on n'est plus capable de gérer de manière satisfaisante un
corps dont les membres disposent d'une inamovibilité absolue. C'est impossible,
on n'y parviendra pas. Peut-être aurions-nous dû nous-mêmes, en d'autres
occasions, aller plus loin dans la réflexion nécessaire.
A partir du moment où il existe un conseil supérieur de la magistrature qui
dispose de l'autorité et de la capacité juridique qui lui ont été reconnues, il
faudra, à très bref délai, résoudre le problème de l'inamovibilité. En effet,
nous ne pourrons éviter que des personnes se plaisent à Grasse et ne veulent
pas aller à Béthune, vous le savez bien. Il faudra remettre en cause
l'inamovibilité, sous une forme à étudier, avec toutes les prudences
nécessaires.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - A titre exceptionnel, un recrutement par concours de magistrats du
second grade de la hiérarchie judiciaire appelés à exercer directement les
fonctions de conseiller de cour d'appel est autorisé dans la limite de 40
postes au cours de l'année 1998 et 40 postes au cours de l'année 1999. Les
candidats doivent être âgés de quarante ans au moins et cinquante-cinq ans au
plus au 1er janvier de l'année d'ouverture du concours, justifier à cette date
de douze ans d'activité professionnelle et remplir les autres conditions
mentionnées à l'article 1er. »
Par amendement n° 4, MM. Lesein, Bimbenet,Cabanel, Girod, Jeambrun, Othily et
Vallet proposent, à la fin de la seconde phrase de cet article, de remplacer
les mots : « à l'article 1er » par les mots : « au premier alinéa de l'article
1er ».
L'article 1er ne comportant plus qu'un alinéa, cet amendement n'a plus
d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - A titre exceptionnel, un recrutement par concours de magistrats du
premier groupe du premier grade de la hiérarchie judiciaire appelés à exercer
directement les fonctions de conseiller de cour d'appel est autorisé dans la
limite de 10 postes au cours de l'année 1998 et 10 postes au cours de l'année
1999. Les candidats doivent être âgés de cinquante ans au moins au 1er janvier
de l'année d'ouverture du concours, justifier à cette date de quinze ans
d'activité professionnelle et remplir les autres conditions mentionnées à
l'article 1er. »
Par amendement n° 5, MM. Lesein, Bimbenet,Cabanel, Girod, Jeambrun, Othily et
Vallet proposent, à la fin de la seconde phrase de cet article, de remplacer
les mots : « à l'article 1er » par les mots : « au premier alinéa de l'article
1er ».
Cet amendement, lui non plus, n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article n° 3.
(L'article 3 est adopté.)
Articles 4 à 7
M. le président.
« Art. 4. - Les candidats admis reçoivent une formation à l'Ecole nationale de
la magistrature. Ils sont rémunérés pendant cette période, qui comprend des
stages accomplis dans les conditions prévues à l'article 19 et au premier
alinéa de l'article 20 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée.
Préalablement à toute activité, ils prêtent serment devant la cour d'appel en
ces termes : « Je jure de conserver le secret des actes du parquet, des
juridictions d'instruction et de jugement dont j'aurai eu connaissance au cours
de mon stage ». Ils ne peuvent en aucun cas être relevés de ce serment.
« A l'issue de cette période de formation, ils sont nommés, dans les formes
prévues à l'article 28 de ladite ordonnance, aux emplois et, en ce qui concerne
les magistrats recrutés au titre des articles 2 et 3, dans les fonctions pour
lesquelles ils ont été recrutés. Les dispositions de l'article 27-1 de cette
même ordonnance ne sont pas applicables. » -
(Adopté.)
« Art. 5. - Les années d'activité professionnelle accomplies par les
intéressés avant leur recrutement sont prises en compte partiellement pour leur
classement indiciaire dans leur grade.
« Les services rappelés au titre de l'alinéa précédent sont également retenus
pour l'avancement dans les conditions suivantes :
« 1° Pour les magistrats recrutés en application de l'article 1er, dans la
limite des deux dixièmes de l'ancienneté requise pour accéder aux fonctions du
premier groupe du premier grade et des deux douzièmes de l'ancienneté requise
pour accéder aux fonctions du second groupe du premier grade, compte tenu de la
durée du service national effectivement accomplie ;
« 2° Pour les magistrats recrutés en application de l'article 2, dans la
limite des quatre dixièmes de l'ancienneté requise pour accéder aux fonctions
du premier groupe du premier grade et des quatre douzièmes de l'ancienneté
requise pour accéder aux fonctions du second groupe du premier grade, compte
tenu de la durée du service national effectivement accomplie. » -
(Adopté.)
« Art. 6. - I. - L'article 3 de la loi organique n° 95-64 du 19 janvier
1995 modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut
de la magistrature, instituant le recrutement de conseillers de cour d'appel en
service extraordinaire est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : "au premier groupe du premier
grade" sont remplacés par les mots : "au premier ou au second groupe
du premier grade" ;
« 2° Au second alinéa, le mot : "trente" est remplacé par le mot :
"cinquante".
II. - Le premier alinéa de l'article 4 de la même loi organique est ainsi
rédigé :
« Les nominations interviennent pour une durée de dix ans non renouvelable,
sur avis conforme de la commission prévue à l'article 34 de l'ordonnance n°
58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, et selon les formes prévues pour la
nomination des magistrats du siège, à l'exception des dispositions de l'article
27-1 de ladite ordonnance. La commission peut décider de soumettre la personne
nommée à l'accomplissement d'une période de formation préalable à
l'installation dans ses fonctions. Cette formation, organisée par l'Ecole
nationale de la magistrature, comporte un stage en juridiction. Préalablement à
l'accomplissement de cette formation, l'intéressé prête serment dans les
conditions prévues à l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
précitée. »
« III. - Au premier alinéa de l'article 5 de la même loi organique, les mots :
"d'un magistrat du premier groupe du premier grade" sont remplacés
par les mots : "d'un magistrat du groupe et du grade correspondant à leur
fonction". » -
(Adopté.)
« Art. 7. - Les dispositions du II de l'article 6, à l'exception de
celles relatives à la durée des fonctions, ne sont pas applicables aux
candidats ayant fait l'objet de l'avis de la commission prévue à l'article 34
de l'ordonnace n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée à la date d'entrée en
vigueur de la présente loi organique.
« Les dispositions du II de l'article 6 relatives à la durée des fonctions
sont applicables aux conseillers de cour d'appel en service extraordinaire
nommés antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la présente loi
organique. » -
(Adopté.)
Article additionnel après l'article 7
M. le président.
Par amendement n° 1, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les troisième et quatrième alinéas de l'article 41-12 de l'ordonnance n°
58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la
magistrature sont ainsi rédigés :
« Les magistrats nommés suivent une formation organisée par l'Ecole nationale
de la magistrature et comportant un stage en juridiction effectué selon les
modalités prévues à l'article 19.
« Préalablement à cette formation, les magistrats prêtent serment dans les
conditions prévues à l'article 6. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je me suis expliqué sur ce point tout à l'heure.
Il convient de favoriser le recrutement des magistrats exerçant à titre
temporaire, en leur appliquant la mesure prévue dans le texte du Gouvernement
et que nous venons de voter pour les conseillers de cour d'appel en service
extraordinaire, c'est-à-dire la suppression du caractère probatoire du stage
obligatoire qu'ils doivent suivre, étant entendu que, dans le cas des
conseillers, ce stage probatoire est facultatif, tandis qu'ici il est
obligatoire. En l'occurrence, cette mesure de suppression du caractère
probatoire est donc, me semble-t-il, encore plus utile.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je comprends la préoccupation exprimée par M. le
rapporteur.
Nous devons en effet procéder à une réforme de la procédure de recrutement de
magistrats à titre temporaire. Toutefois, je voudrais souligner qu'une telle
réforme est envisagée dans le cadre d'une réforme statutaire plus large. Par
conséquent, je préférerais que nous puissions envisager cette question - qui,
je le répète, est une vraie question - dans le cadre d'une réforme globale.
M. le président.
L'amendement n° 1 est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Madame le ministre, nous avions effectivement échangé cette
réflexion. Toutefois, à partir du moment où votre texte aborde la question des
conseillers de cour d'appel en service extraordinaire, vous sortez vous-même de
votre démarche essentielle, en apportant une amélioration au texte de 1995.
Dès lors que vous avez jugé bon d'en apporter une, vous ne devriez pas être
opposée à l'idée que l'on en apporte une deuxième. En effet, si l'on fait bien
d'apporter la première, on fera encore mieux en apportant la seconde. Cela ne
vous compliquera pas la vie outre mesure. De plus, un tiens vaut mieux que deux
tu l'auras. En effet, personne ne sait quand le prochain texte viendra en
discussion ; vous-même l'ignorez car vous avez fort à faire ces temps-ci.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous maintenons cet amendement.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Dans ces conditions, le Gouvernement s'en remet à la
sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 7.
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application
des articles 1er à 5 de la présente loi. »
- (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes ches collègues, le
groupe socialiste votera bien sûr ce texte, et avec beaucoup d'enthousiasme.
Je tiens à saluer en cet instant les mérites de Mme le garde des sceaux. En
effet, ce texte constitue une réponse à la fois énergique et lucide à une
situation dont elle a hérité et qui n'est donc pas de son fait.
Après ce propos laudatif, je souhaiterais faire une observation, qui n'est pas
une réserve. Reprenant les propos de notre collègue M. Gélard, je ne saurais
trop attirer votre attention, madame le garde des sceaux, sur le caractère
essentiel que revêt, pour les étudiants, l'accès à la magistrature. Le concours
d'entrée doit demeurer la voie principale de recrutement de la magistrature. On
recourt à des expédients lorsqu'on constate un déplorable manque d'effectif par
rapport à des postes créés. C'est une question de gestion, mais c'est aussi une
question de volonté politique.
Voilà un instant, je me suis reporté au tableau dressé par notre excellent
rapporteur et concernant le recrutement par la voie de l'Ecole nationale de la
magistrature. J'ai constaté, pour en tirer quelque satisfaction, que pendant
les cinq ans au cours desquels j'ai géré l'institution judiciaire, 1 240 postes
ont été mis au concours de la magistrature, alors que pendant les dix ans qui
ont suivi, c'est-à-dire entre 1986 et 1996, seulement 1 384 ont été
proposés.
Si j'insiste sur ce point, ce n'est pas pour rappeler un palmarès, c'est parce
que je sais, pour avoir dirigé l'institution judiciaire pendant longtemps, que,
pour des jeunes gens, rien n'est pire que de se dire que le concours devient
inaccessible. En effet, de un sur deux, on est passé à un sur quatre puis, de
mon temps, à un sur cinq ; aujourd'hui, on est à un sur seize. Vous imaginez le
découragement qui saisit les étudiants. Rien n'est pire, j'en suis profondément
convaincu, pour des jeunes femmes et des jeunes hommes de qualité qui
souhaitent intégrer la magistrature, que de se voir ainsi opposer la barrière
d'un concours sans cesse plus limité, alors que le manque d'effectifs est
criant et que l'on crée des postes.
C'est sur ce point que l'ensemble du groupe socialiste attire votre attention,
madame le ministre, tout en vous faisant part de sa satisfaction au regard de
la mesure que vous prenez.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de
droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
70:
Nombre de votants | 304 |
Nombre de suffrages exprimés | 304 |
Majorité absolue des suffrages | 153 |
Pour l'adoption | 304 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)
5
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre par laquelle il
demande au Sénat de bien vouloir désigner un sénateur appelé à siéger au sein
d'un organisme extraparlementaire.
En application de l'article 9 du règlement, j'invite la commission des
affaires économiques à présenter une candidature pour un sénateur appelé à
siéger, en remplacement de M. Georges Berchet, démissionnaire, au sein de la
commission supérieure du service public des postes et télécommunications.
6
NATIONALITÉ
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 145,
1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif à la nationalité. [Rapport n° 162 (1997-1998).]
Mise au point au sujet d'un vote
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Monsieur le président, alors que le groupe du RDSE était unanimement favorable
au projet de loi organique portant recrutement exceptionnel de magistrats de
l'ordre judiciaire et modifiant les conditions de recrutement des conseillers
de cour d'appel en service extraordinaire, un oubli de ma part n'a pas permis
aux sénateurs radicaux-socialistes de voter en faveur de ce texte.
Chacun comprendra donc que je souhaite doublement que figure au procès-verbal
le souhait des radicaux-socialistes de voter ce projet de loi organique.
M. le président.
Acte vous est donné de cette mise au point, madame le sénateur.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen des
amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 1er.
Articles additionnels après l'article 1er
M. le président.
Je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 52 rectifié, M. Hyest propose d'insérer, après l'article
1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le dernier alinéa de l'article 21-7 du code civil est rédigé comme suit :
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles à l'occasion
du recensement prévu par les articles L. 113-1 et suivants du code du service
national les personnes concernées par le présent article sont individuellement
informées des dispositions en vigueur en matière de droit de la nationalité.
»
Par amendement n° 90, M. Plasait et les membres du groupe des Républicains et
Indépendants proposent d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Après le mot : "informent", la fin du troisième alinéa de
l'article 21-7 du code civil est ainsi rédigée : "individuellement les
personnes auxquelles s'applique le premier alinéa, des dispositions en vigueur
en matière de droit de la nationalité, notamment du droit d'acquérir ou de
décliner celle-ci." »
Par amendement n° 44 rectifié, M. Gélard propose d'insérer, après l'article
1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le troisième alinéa de l'article 21-7 du code civil, il est inséré un
alinéa additionnel ainsi rédigé :
« Il fixe également les conditions dans lesquelles sera remis solennellement,
au cours d'une cérémonie publique, à la mairie du lieu de résidence de
l'intéressé, un certificat d'acquisition de la nationalité française. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 128, présenté par M.
Chérioux et tendant à compléter le texte proposé par l'amendement, n° 44
rectifié par les mots : « et dans lesquelles l'intéressé donne à cette occasion
lecture en français de passages de la Constitution. »
Par amendement n° 53 rectifié, M. Hyest et les membres du groupe de l'Union
centriste proposent d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Après l'article 21-7 du code civil, il est inséré un article additionnel
ainsi rédigé :
«
Art. ...
- Dans le mois suivant le jour où une personne acquiert la
nationalité française dans les conditions prévues à l'article précédent, le
maire de sa commune de résidence lui remet personnellement un certificat de
nationalité française accompagné des textes de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 et de la constitution du 4 octobre 1958. »
Par amendement n° 38, Mme Dusseau, MM. Baylet et Collin proposent d'insérer,
après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est remis par le maire à tous les jeunes de dix-huit ans, de nationalité
française, un livret civique rappelant les droits et devoirs du citoyen dans la
République. »
Par amendement n° 54 rectifié, M. Hyest et les membres du groupe de l'Union
centriste proposent d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Après l'article 21-7 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé
:
«
Art. ... -
Dans le mois suivant le jour où une personne acquiert la
nationalité française dans les conditions prévues à l'article précédent, le
maire de sa commune de résidence lui remet personnellement des documents dont
la liste est fixée en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. Hyest, pour présenter l'amendement n° 52 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest.
Cet amendement vise, tout en maintenant le principe de la déclaration, à
améliorer le dispositif.
Un certain nombre de jeunes n'étant, paraît-il, pas informés de la nécessité
pour eux de faire une déclaration, pour obtenir la nationalité française, une
telle information pourrait leur être communiquée lors du recensement des
garçons et des filles qui doit intervenir à la suite de la modification de la
loi sur le service national. Ce serait très simple et cela permettrait à la
fois de conjuguer déclaration de volonté et information.
Certains jugent anormal que les jeunes aient à faire une déclaration pour
obtenir la nationalité française.
Je rappellerai néanmoins que l'obligation de recensement existe depuis
l'instauration de la conscription, et que les jeunes, s'ils ne s'y soumettent
pas, sont considérés comme insoumis, voire comme déserteurs. La suppression de
la déclaration pour l'obtention de la nationalité aboutirait donc, à mon avis,
à faire deux poids, deux mesures. Par conséquent, je ne comprends pas du tout
un certain nombre de débats à ce sujet.
L'amendement n° 52 rectifié permettrait de conjuguer les deux démarches de
volonté et d'information, et constituerait une amélioration.
M. le président.
L'amendement n° 90 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Gélard, pour présenter l'amendement n° 44 rectifié.
M. Patrice Gélard.
Dans la logique du texte de 1993, il nous a paru nécessaire de solenniser la
procédure d'acquisition de la nationalité française. C'est la raison pour
laquelle l'amendement n° 44 rectifié vise à prévoir la remise solennelle, au
cours d'une cérémonie publique à la mairie du lieu de résidence de l'intéressé,
du certificat d'acquisition de la nationalité française. Cette procédure, qui
est courante dans de nombreux pays, est, selon moi, de nature à montrer le lien
de volonté réciproque qui unit à la communauté française celui qui devient
Français.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, pour présenter le sous-amendement n° 128.
M. Jean Chérioux.
Je suis tout à fait d'accord avec le propos tenu à l'instant par M. Gélard.
Cette cérémonie serait effectivement une excellente chose.
Pour ma part, je souhaite - c'est l'objet du sous-amendement n° 128 - qu'elle
offre l'occasion, ainsi que je l'ai indiqué lors de mon intervention sur
l'article 1er, de constater la bonne connaissance de notre langue par
l'intéressé, lequel devrait donner lecture de passages de la Constitution.
Après tout, il est normal qu'on lise le texte de la Constitution quand on
devient citoyen !
M. le président.
La parole est à M. Hyest, pour présenter l'amendement n° 53 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest.
Il ne faut pas banaliser l'acquisition de la nationalité française. Cela a
d'ailleurs été suggéré sur toutes les travées de cette assemblée à certaines
époques, mais sous des formes variables. Ainsi, il a été proposé que le maire
remette au jeune son certificat de nationalité française au cours d'une
cérémonie plus solennelle.
Pour ma part, j'ai déposé deux amendements : l'amendement n° 53 rectifié
prévoit que le maire remettra au nouveau Français les textes de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et de la Constitution, alors que
l'amendement n° 54 rectifié tend à laisser au pouvoir réglementaire le soin de
fixer la liste des documents.
En tout état de cause, l'objectif est d'accueillir dans la communauté
française les personnes ayant acquis la nationalité française. Or, n'est-ce pas
la mairie, lieu d'exercice de la démocratie, qui paraît l'endroit le plus
adapté à cet accueil ?
Tel est le sens des amendements n°s 53 et 54 rectifié.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau, pour présenter l'amendement n° 38.
Mme Joëlle Dusseau.
Cet amendement va dans le sens des amendements défendus par notre collègue M.
Hyest, à une différence près : nous proposons que soit remis par le maire à
tous les jeunes de dix-huit ans de nationalité française, qu'ils soient
français de naissance ou enfants d'étrangers nés en France, un livret civique
rappelant les droits et les devoirs du citoyen dans la République, à l'occasion
d'une manifestation qui pourrait être annuelle et qui se déroulerait à la
mairie ou dans un local municipal.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 52 rectifié et 44
rectifié, sur le sous-amendement n° 128 et sur les amendements n°s 53 rectifié,
38 et 54 rectifié ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
J'observe
que la plupart de ces amendements tendent à donner une certaine solennité à
l'acquisition de la nationalité française.
L'amendement n° 52 rectifié a bénéficié d'un avis favorable de la commission,
de même que l'amendement n° 44 rectifié.
J'en viens au sous-amendement n° 128. Ce matin, M. Chérioux a fait un vibrant
plaidoyer en faveur de la connaissance de notre langue. Mais je me trouve bien
embarrassé pour proposer quoi que ce soit dans la mesure où la commission n'a
pas eu connaissance de ce texte et qu'elle a marqué son souci de s'en tenir
strictement à la loi de 1993 sans y ajouter d'obligation supplémentaire. Je
crois donc que la meilleure des formules est, pour la commission, de s'en
remettre à la sagesse du Sénat.
La commission ayant émis un avis favorable sur l'amendement n° 44 rectifié,
j'invite M. Hyest à retirer les amendements n°s 53 rectifié et 54 rectifié, qui
reprennent la même idée.
Enfin, si l'idée contenue dans l'amendement n° 38 est fort intéressante, deux
éléments ont néanmoins attiré l'attention de la commission et l'ont amenée à
donner un avis défavorable : cette disposition, d'une part, s'appliquerait à
tous les jeunes de dix-huit ans de nationalité française et, d'autre part,
s'inscrirait dans la perspective d'une acquisition de plein droit - je ne dirai
pas « automatique », car je crois que cela déplaît au Gouvernement - de la
nationalité française à dix-huit ans.
M. le président.
Monsieur Hyest, accédez-vous à la demande de M. le rapporteur, s'agissant des
amendements n°s 53 rectifié et 54 rectifié ?
M. Jean-Jacques Hyest.
Oui, monsieur le président, et je retire donc ces deux amendements.
M. le président.
Les amendements n°s 53 rectifié et 54 rectifié sont retirés.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 52 rectifié et 44
rectifié, sur le sous-amendement n° 128, ainsi que sur l'amendement n° 38 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Le Gouvernement émet un avis
défavorable sur l'amendement n° 52 rectifié. Evidemment, je suis favorable à ce
qu'il y ait plus d'informations : là-dessus, nous sommes bien d'accord. Mais je
ne crois pas que l'amendement soit pertinent, car il me paraît inutile de
prévoir une information individuelle à l'occasion du recensement qui ne
concerne, en principe, que des Français. Ensuite, je ne crois pas nécessaire de
privilégier un mode particulier d'information dans la loi, sauf à aboutir
finalement à un système réducteur. C'est pourquoi j'estime que l'information
doit être développée à tous les niveaux appropriés. C'est d'ailleurs, je le
rappelle, ce que prévoit le projet de loi dans son article 1er, en renvoyant à
des mesures réglementaires les modalités particulières de l'information.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 44 rectifié et au
sous-amendement n° 128, ainsi qu'à l'amendement n° 38.
Bien entendu, je ne suis hostile ni aux initiatives que pourraient prendre les
maires pour introduire une certaine solennité dans la reconnaissance de la
qualité de Français ni à la distribution de documents. Toutefois, il ne me
paraît pas nécessaire d'inscrire ce type de dispositions dans un texte
législatif.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 52 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 1er.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 128.
M. Michel Duffour.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Bien évidemment, nous voterons contre ce sous-amendement. Nous conseillons
d'ailleurs à M. Chérioux de suivre attentivement les chantiers engagés par Mme
Ségolène Royal et par M. Allègre, notamment en matière d'apprentissage de la
lecture. Il constatera alors à quel point son sous-amendement est totalement
désuet et ne tient aucun compte de la réalité.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Je me rallie au sous-amendement présenté par M. Chérioux, pour une raison
simple : on a complètement oublié que l'on peut effectuer sa scolarité en
dehors d'une école française. S'il y a obligation scolaire pour les jeunes,
rien ne leur interdit de suivre leur cursus dans une école dispensant des cours
en langue allemande, en langue anglaise, en langue japonaise ou en langue
turque ! Certains jeunes nés sur le territoire français peuvent donc ne pas
parler le français. Il faut instituer dans ce domaine un garde-fou, car l'usage
de la langue française est tout de même l'un des signes d'appartenance à la
nation française.
Bien que cette disposition relève plus, selon moi, du domaine réglementaire
que du domaine législatif, je m'y rallie néanmoins.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
M. Gélard a dit beaucoup mieux que moi les raisons pour lesquelles ce
sous-amendement devait être pris en compte. A l'évidence, comme j'ai déjà eu
l'occasion de le dire, acquérir une nationalité, c'est devenir citoyen ; or,
pour exercer son rôle de citoyen, il faut tout de même parler la langue du pays
dans lequel on est conduit à voter et à prendre des positions politiques !
J'ai bien entendu ce qu'a dit tout à l'heure notre collègue M. Duffour, et je
trouve que c'est bien attristant de la part d'un sénateur appartenant à un
groupe qui se veut le plus grand défenseur de l'éducation nationale.
Voilà un aveu qui me paraît assez étonnant, et je considère que votre argument
est véritablement renversant, mon cher collègue !
M. Robert Pagès.
Vous n'avez pas assez bien défendu l'éducation nationale !
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je comprends bien l'esprit de la disposition qui nous est proposée, mais je
considère qu'elle devrait pouvoir être applicable pour tous. Or, mon cher
collègue, je vous le dis franchement, vous n'avez pas pensé à ceux qui ne
peuvent pas lire parce qu'ils en sont empêchés, ou à ceux qui ne peuvent pas
parler parce qu'ils en sont empêchés.
M. Patrice Gélard.
Oh !
M. Jean-Jacques Hyest.
Au demeurant, cette disposition me paraît relever du domaine réglementaire.
M. Jean Chérioux.
Et le braille, n'est-ce pas un moyen de lecture ?
M. Jean-Jacques Hyest.
Et celui qui ne peut pas parler ?
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Je suis frappée par les arguments de M. Chérioux. Il nous présente l'image
d'enfants nés sur notre sol, âgés de dix-huit ans, mais qui ne parleraient pas
du tout le français. Je veux lui opposer une réalité sociologique : non
seulement ces enfants parlent le français, mais, de plus, 80 % d'entre eux
considèrent que c'est leur langue maternelle.
M. Hilaire Flandre.
Il n'y a donc pas de problème !
M. Jean Chérioux.
Tant mieux !
Mme Joëlle Dusseau.
Monsieur Chérioux, pourquoi alors ne pas aller au bout de votre hypothèse ?
Pourquoi ne pas demander à tous les jeunes citoyens et citoyennes de dix-huit
ans de lire correctement un passage de la Constitution pour vérifier qu'ils
savent lire et écrire ? Tous ceux qui ne sauraient pas le lire correctement,
sans trébucher sur les mots, pourraient alors se voir retirer la nationalité
française. Voilà une bonne proposition !
M. Jean Chérioux.
Et c'est une enseignante qui dit cela !
Mme Joëlle Dusseau.
Dans un second temps, il serait bon de leur demander de commenter un passage
de la Constitution. Ce serait très instructif sur le niveau de lisibilité de
certains textes, au simple comme au figuré !
M. Jean Chérioux.
Quel aveu de la part d'une enseignante !
Mme Joëlle Dusseau.
Le sous-amendement de M. Chérioux dépeint sans doute le tempérament de notre
collègue, mais il ne peut vraiment pas être pris au sérieux.
M. Robert Pagès.
Très bien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je pense qu'il n'y a plus personne en Alsace, en Bretagne ou en Corse qui ne
parle pas le français ! Je l'espère en tout cas.
En revanche, monsieur Chérioux, si l'on avait vraiment affaire à quelqu'un qui
ne parle pas le français, il serait peut-être un peu tard de le souligner au
moment où lui serait remis le certificat d'acquisition de la nationalité
française !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Evidemment, nous ne voterons pas ce sous-amendement, d'autant que la présente
discussion est absolument surréaliste. Un enfant qui est plongé dans un bain de
langue, même s'il ne va pas à l'école, apprend cette langue ! Monsieur
Chérioux, placez n'importe quel Français de six ans dans un village laotien -
je pense au Laos parce que l'exemple m'a été cité récemment - au bout de trois
mois, il parlera laotien ! Comment voulez-vous qu'un enfant vivant en France,
qu'il soit turc ou ce que vous voudrez, ne parle pas français au bout de
quelques mois ? Cela va très vite !
Dès lors, cessons cette discussion qui ne tient absolument pas compte de la
capacité d'apprentissage linguistique d'un enfant.
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas ce que l'on a entendu tout à l'heure !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 128, repoussé par le Gouvernement et
pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 1er.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 38.
M. Michel Duffour.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Nous voterons cet amendement, parce qu'il est tout de même très différent,
dans son esprit, de tous les autres. Même si l'on peut lui trouver un certain
caractère de désuétude, il présente l'avantage de placer tous les jeunes sur le
même plan.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 38, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 89, M. Plasait et les membres du groupe des Républicains et
Indépendants proposent d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel
ainsi rédigé :
« L'article 21-7 du code civil est complété,
in fine
, par un alinéa
ainsi rédigé :
« Lors de l'appel de préparation à la défense, l'ensemble des Français d'une
même classe d'âge reçoit une information sur les valeurs républicaines de
liberté, d'égalité et de fraternité et notamment sur les droits et devoirs que
l'état de citoyen implique ; il s'engage solennellement à adhérer à ces valeurs
républicaines et à défendre la nation française. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Articles additionnels après l'article 1er ou après l'article 5
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 39, Mme Dusseau, MM. Baylet et Collin proposent d'insérer,
après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 21-11 du code civil, il est inséré un nouvel article ainsi
rédigé :
«
Art.... -
Les personnes nées en France de parents étrangers qui sont
âgées de plus de dix-huit ans mais ne remplissent pas l'une des conditions de
résidence en France prévues au premier alinéa de l'article 21-7, pourront,
lorsqu'elles rempliront ces conditions et au plus tard avant l'âge de vingt et
un ans, réclamer la nationalité française par déclaration souscrite
conformément aux articles 26 et suivants du présent code. »
Par amendement n° 115, MM. Duffour, Pagès, Derian et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 1er, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 21-7 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé
:
«
Art...
- La personne née en France de parents étrangers, qui n'a pas
acquis de plein droit la nationalité française à sa majorité en vertu de
l'falinéa précédent, peut réclamer la nationalité française par déclaration
souscrite conformément aux articles 26 et suivants entre l'âge de dix-huit et
vingt et un ans, si elle justifie à la date de la déclaration avoir en France
sa résidence, et si elle a eu sa résidence habituelle en France pendant une
période continue ou discontinue d'au moins cinq ans, depuis l'âge de onze ans
».
La parole est à Mme Dusseau, pour présenter l'amendement n° 39.
Mme Joëlle Dusseau.
Puisque le Gouvernement a décidé de ne pas rétablir la possibilité pour les
parents de réclamer la nationalité pour leurs enfants dès la naissance, il
serait bon, je crois, que le délai de trois ans prévu dans la loi de 1993 pour
que les jeunes puissent remplir les conditions de résidence pour devenir
Français soit maintenu.
M. le président.
La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 115.
M. Robert Pagès.
Un jeune né en France ayant eu cinq ans de résidence continue ou discontinue
depuis l'âge de onze ans mais n'étant pas, à l'âge de dix-huit ans, sur le sol
français ne peut pas bénéficier de l'acquisition automatique. C'est logique,
c'est le texte.
De retour en France à l'âge de dix-neuf ans ou de vingt ans, sa situation, si
l'on ne corrige pas le texte, serait cependant moins bonne qu'aujourd'hui.
Donc, notre proposition n'est ni surréaliste ni superflue, puisque le projet
de loi, dans son article 17, en reprend les mêmes termes, mais à titre
transitoire seulement.
Madame la ministre, vous avez repoussé un amendement semblable à l'Assemblée
nationale au nom de la complexité, au nom d'un risque d'inégalité entre jeunes
d'une même génération. Très honnêtement, ces arguments ne nous semblent pas
suffire pour rejeter hors du dispositif d'intégration certains jeunes qui,
jusque-là, pouvaient, par simple déclaration, devenir des citoyens à part
entière.
Nous nous permettons donc d'insister encore une fois sur la nécessité
d'adopter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 39 et 115 ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission, qui campe sur la loi de 1993, a donné un avis
défavorable sur l'un comme sur l'autre.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement n'est pas favorable à l'adoption de ces
deux amendements, le projet de loi prévoyant, au titre des mesures
transitoires, le maintien d'une possibilité d'acquisition de la nationalité
française entre dix-huit et vingt ans. Il faut éviter que le chevauchement des
deux dispositifs de la loi de 1993 et du projet de loi que je vous présente ne
se traduise par des traitements inégaux.
Je ne crois pas, cependant, qu'il soit opportun de maintenir cette disposition
à titre définitif. Outre l'argument que vient de rappeler M. Pagès - argument
que j'ai utilisé devant l'Assemblée nationale : la coexistence durable de deux
régimes d'acquisition de la nationalité française est un élément de complexité
supplémentaire dont nous n'avons pas besoin - je crois que notre droit de la
nationalité est déjà assez complexe comme cela.
J'ajouterai toutefois un autre argument : les amendements qui nous sont
proposés privilégient le rôle de la volonté individuelle au détriment de
l'acquisition de plein droit de la nationalité française à la majorité, ce qui
est contraire à l'esprit du texte.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement n'est pas favorable à l'adoption
de ces deux amendements.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 39, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 115, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - L'article 21-8 du code civil est ainsi rédigé :
Art. 21-8.
- L'intéressé a la faculté de déclarer, dans les conditions
prévues aux articles 26 et suivants et sous réserve qu'il prouve qu'il a la
nationalité d'un Etat étranger, qu'il décline la qualité de Français dans les
six mois qui précèdent sa majorité ou dans les douze mois qui la suivent.
Dans ce dernier cas, il est réputé n'avoir jamais été français. »
Sur l'article, la parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Cet article 2 nous paraît parfaitement sage, puisqu'il tend à permettre à un
jeune qui a vocation à devenir Français de refuser cette nationalité. C'est
bien la moindre des choses, puisque l'on reconnaît ce droit à un jeune qui,
lui, est né Français mais qui, par exemple, l'est d'un seul parent français à
l'étranger ou qui est né en France de deux parents étrangers dont l'un n'y est
pas né. Il s'agit là des dispositions des articles 18-1 et 19-4 du code
civil.
Par conséquent, prendre les mêmes dispositions pour un jeune qui n'est pas né
Français et qui a seulement vocation à le devenir nous paraît sage et nous
sommes un peu étonnés de constater que la commission a émis un avis défavorable
sur cet article 2.
M. le président.
Sur l'article 2, je suis saisi de huit amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune, mais, pour la clarté du débat, je les appellerai
successivement.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 4 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 55 est déposé par M. Hyest et les membres du groupe de l'Union
centriste.
L'amendement n° 91 est présenté par M. Plasait et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants.
Tous trois tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 4.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Dans la mesure où la commission est favorable au maintien du
droit actuel, elle ne peut pas ne pas être défavorable, comme l'a d'ailleurs
annoncé à l'instant notre excellente collègue Mme Cerisier-ben Guiga, à
l'article 2.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 55.
M. Jean-Jacques Hyest.
On me permettra tout de même de rappeler les dispositions actuellement en
vigueur, qui tendent à empêcher l'acquisition de la nationalité française non
pas pour des peines modestes et pour un certain nombre de délits que
commettent, hélas ! beaucoup de jeunes, qu'ils soient d'ailleurs français ou
issus de l'immigration, mais pour des atteintes aux intérêts fondamentaux de la
nation, des actes de terrorisme, le trafic de stupéfiants, le
proxénétisme,...
M. Michel Caldaguès.
La pédophilie !
M. Jean-Jacques Hyest.
... des atteintes sexuelles sur mineur de quinze ans, etc., autant de cas
d'empêchement qu'il ne me paraît pas raisonnable de supprimer de notre
législation.
M. le président.
L'amendement n° 91 est-il soutenu ?...
Je suis maintenant saisi de deux autres amendements identiques.
L'amendement n° 56 est présenté par M. Hyest et les membres du groupe de
l'Union centriste.
L'amendement n° 92 est présenté par M. Plasait et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants.
Tous deux tendent à rédiger ainsi cet article :
« A la fin du premier alinéa de l'article 21-8 du code civil, les mots :
"entre l'âge de dix-huit ans et celui de vingt et un ans" sont
remplacés par les mots : "avant l'âge de dix-huit ans". »
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 56.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est un amendement de repli par rapport aux propositions que nous avions
faites à l'article 1er.
Il est proposé de conserver les cas dans lesquels le droit de la nationalité
disparaît pour les étrangers condamnés à certaines peines d'emprisonnement, en
cohérence avec ce que nous avons proposé par ailleurs.
M. le président.
L'amendement n° 92 est-il soutenu ?...
Par amendement n° 76, Mme Dusseau, MM. Baylet et Collin proposent, dans le
premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 21-8 du code
civil, de remplacer le mot : « décline » par le mot : « répudie ».
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Je retire l'amendement, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 76 est retiré.
Par amendement n° 93, M. Plasait et les membres du groupe des Républicains et
Indépendants proposent de compléter le premier alinéa du texte présenté par
l'article 2 pour l'article 21-8 du code civil par une phrase ainsi rédigée :
« Il est informé de cette faculté par les organismes et services publics, et
notamment les établissement d'enseignement, les caisses de sécurité sociale et
les collectivités territoriales. »
L'amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° 77, Mme Dusseau, MM. Baylet et Collin proposent de supprimer
le second alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 21-8 du code
civil.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Nous retirons également cet amendement, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 77 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 4 et 55 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne peux que m'y opposer puisqu'ils tendent à revenir
à la loi de 1993.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 4 et 55.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
J'ai évoqué ce point lors de la discussion générale.
S'il est vrai que le créneau visé par l'article 21-8 de la loi de 1993 n'est
pas très large puisque ce dernier concerne des crimes ou délits qui auraient
été commis après dix-huit ans et sanctionnés avant vingt et un ans, il n'en
reste pas moins que la question de principe posée est extrêmement importante,
comme l'a justement souligné M. Hyest.
Pouvons-nous en effet admettre qu'un étranger puisse devenir français alors
qu'il a commis les crimes ou délits dont je redonne la liste : atteinte aux
intérêts fondamentaux de la nation ou terrorisme, violences ayant entraîné la
mort, trafic de stupéfiants ou proxénétisme, atteinte à la vie ou à l'intégrité
d'un mineur de quinze ans ou atteinte sexuelle à la personne d'un mineur de
quinze ans ?
Tout de même, je n'arrive pas à comprendre que le Gouvernement puisse
considérer que ces hypothèses ne doivent pas être écartées !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 4 et 55, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 2 est supprimé et l'amendement n° 56 n'a plus
d'objet.
Article additionnel après l'article 2
M. le président.
Par amendement n° 35, M. Gélard et les membres du groupe du Rassemblement pour
la République proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Après l'article 21-8 du code civil, il est inséré un article additionnel
ainsi rédigé :
«
Art. .....
- Dans les délais prévus au premier alinéa de l'article
21-8 ci-dessus, le Gouvernement peut s'opposer par décret à l'acquisition de la
nationalité française par l'étranger soit pour indignité ou défaut
d'assimilation, soit parce qu'il a fait l'objet de l'une des condamnations
suivantes :
« - d'une condamnation à une peine quelconque d'emprisonnement pour crimes ou
délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou un
acte de terrorisme ;
« - d'une condamnation à une peine égale ou supérieure à six mois
d'emprisonnement non assortie d'une mesure de sursis pour atteinte volontaire à
la vie, violences ayant entraîné la mort, trafic de stupéfiants ou proxénétisme
;
« - d'une condamnation à une peine égale ou supérieure à six mois
d'emprisonnement non assortie d'une mesure de sursis pour toute atteinte
volontaire à la vie ou à l'intégrité d'un mineur de quinze ans ou pour toute
atteinte sexuelle à la personne d'un mineur de quinze ans.
« Il en est de même de celui qui a fait l'objet soit d'un arrêté d'expulsion
non expressément rapporté ou abrogé, soit d'une interdiction du territoire
français non entièrement exécutée.
« Dans l'une ou l'autre des hypothèses précédentes, l'étranger est réputé
n'avoir jamais été français. »
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Cet amendement a pour objet de réserver au Gouvernement le droit de s'opposer
à l'acquisition de la nationalité française par des personnes s'étant rendues
coupables d'infractions graves ou de comportements contraires aux valeurs de
notre société. Il est en effet bon que cette soupape de sécurité reste
ouverte.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission est sensible au souci manifesté par M. Gélard,
comme elle ne pouvait que l'être à celui qui a été exprimé précédemment par MM.
Hyest et Caldaguès.
Je souhaite cependant que M. Gélard accepte de retirer son amendement, car il
est incompatible avec la suppression de l'article 2 que le Sénat vient
d'adopter.
M. le président.
Accédez-vous à la demande de la commission, monsieur Gélard ?
M. Patrice Gélard.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 35 est retiré.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
N'ayant pu le faire à l'occasion du vote de
l'amendement n° 56, puisque celui-ci est devenu sans objet, je veux, sur cet
amendement n° 35, exprimer le point de vue du Gouvernement sur une question
extrêmement importante, à savoir les cas dans lesquels une personne se voit
retirer la possibilité d'accéder à la nationalité française parce qu'elle a été
coupable d'infractions limitativement énumérées dans le code pénal.
Je tiens à dire avec la plus grande fermeté, face aux accusations qui viennent
d'être portées, que le Gouvernement est aussi soucieux que la majorité de cette
assemblée de faire en sorte que des personnes qui se sont livrées à des
infractions graves ne puissent pas acquérir la nationalité française.
J'ajoute, à cet égard - je l'ai dit dans mon discours de présentation avant
Noël et je l'ai répété hier - que nous n'avons rien changé à la loi de 1993.
Toute personne majeure ne peut pas acquérir la nationalité française si elle a
été condamnée à plus de six mois de prison pour les infractions énumérées.
Quant aux personnes mineures, nous ne changeons rien par rapport à la loi de
1993.
M. Guy Allouche.
Très bien !
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - L'article 21-9 du code civil est ainsi rédigé :
«
Art. 21-9.
- Toute personne qui remplit les conditions prévues à
l'article 21-7 pour acquérir la qualité de Français perd la faculté de décliner
celle-ci si elle contracte un engagement dans les armées françaises.
« Tout mineur né en France de parents étrangers, qui est régulièrement
incorporé en qualité d'engagé, acquiert la nationalité française à la date de
son incorporation. »
Sur cet article, je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 57 est déposé par M. Hyest et les membres du groupe de l'Union
centriste.
L'amendement n° 94 est présenté par M. Plasait et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants.
Tous trois tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° 95, M. Plasait et les membres du groupe des Républicains et
Indépendants proposent, au début du premier alinéa du texte présenté par
l'article 3 pour l'article 21-9 du code civil, après les mots : « toute
personne », d'insérer le mot : « étrangère ».
Par amendement n° 78, Mme Dusseau, MM. Baylet et Collin proposent de supprimer
le second alinéa du texte proposé par l'article 3 pour l'article 21-9 du code
civil.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Je suis désolé d'avoir à me répéter, mais c'est encore une
simple coordination avec la suppression de l'article 1er.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 57.
M. Jean-Jacques Hyest.
Cet amendement est identique à celui de la commission.
M. le président.
Les amendements n°s 94 et 95 sont-ils soutenus ?...
La parole est à Mme Dusseau, pour défendre l'amendement n° 78.
Mme Joëlle Dusseau.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 78 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 5 et 57
?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 5 et 57, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3 est supprimé.
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - L'article 21-10 du code civil est ainsi rédigé :
«
Art. 21-10. -
Les dispositions des articles 21-7 à 21-9 ne sont pas
applicables aux enfants nés en France des agents diplomatiques et des consuls
de carrière de nationalité étrangère. Ces enfants ont toutefois la faculté
d'acquérir volontairement la nationalité française conformément aux
dispositions de l'article 21-11 ci-après. »
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 58 est déposé par M. Hyest et les membres du groupe de l'Union
centriste.
L'amendement n° 96 est présenté par M. Plasait et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants.
Tous trois tendent à supprimer l'article 4.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Même situation qu'à l'article précédent, monsieur le
président.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 58.
M. Jean-Jacques Hyest.
Même situation, effectivement.
M. le président.
L'amendement n° 96 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 6 et 58
?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets au voix les amendements identiques n°s 6 et 58, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 4 est supprimé.
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - L'article 21-11 du code civil est ainsi rédigé :
«
Art. 21-11.
- L'enfant mineur né en France de parents étrangers peut
à partir de l'âge de seize ans réclamer la nationalité française par
déclaration, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants si, au
moment de sa déclaration, il a en France sa résidence et s'il a eu sa résidence
habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins
cinq ans, depuis l'âge de onze ans.
« Dans les mêmes conditions, la nationalité française peut être réclamée, au
nom de l'enfant mineur né en France de parents étrangers, à partir de l'âge de
treize ans et avec son consentement personnel, la condition de résidence
habituelle en France devant alors être remplie à partir de l'âge de huit ans.
»
Sur l'article, la parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
L'article 5 permet à l'enfant mineur de seize ans de réclamer la nationalité
française par déclaration à certaines conditions et autorise les parents
étrangers à réclamer cette nationalité pour leur enfant à partir de treize ans
avec le consentement de ce dernier.
La situation est donc un peu complexe avec, d'une part, ce que le Gouvernement
présente comme une automaticité et, d'autre part, la réclamation par les
parents parlant au nom de l'enfant, ce qui semble déjà contradictoire.
On peut également s'interroger sur l'âge retenu : pourquoi seize ans, pourquoi
treize ans, pourquoi pas plus tôt ? Comme j'ai eu l'occasion de le dire à
plusieurs reprises, il faut que les enfants nés en France de parents étrangers
puissent, soit par déclaration des parents, soit automatiquement - j'ai déposé
deux amendements en ce sens - devenir français.
L'argument qui a été abondamment développé à l'Assemblée nationale et par
vous-même, madame la ministre, en d'autres lieux, est celui du respect de la
volonté de l'enfant, argument pour la défense duquel on s'est fondé sur la
Déclaration des droits de l'enfant.
Ne croyez pas que je sous-estime cet argument. Il y a peu, représentant la
France après de l'Union interparlementaire, j'ai présenté le rapport sur
l'exploitation des enfants, que ce soit au travail ou sur le plan sexuel.
Le viol de la volonté des enfants, quand il ne s'agit pas du viol tout court,
est un sujet auquel je suis particulièrement sensible. Mais je ne crois pas
que, sur un tel sujet, cet argument puisse être avancé.
En effet, la liberté de choix des enfants n'existe nulle part et pour aucun
enfant. On naît quelque part, par hasard, comme le dit dans sa belle chanson
Maxime Le Forestier, que ce soit sur les trottoirs de Manille ou dans les
faubourgs de Hambourg. Rien ne permet à un individu, à sa naissance, de chosir
sa nationalité, sa religion, sa classe sociale ou la langue qu'il sera amené à
parler.
Par conséquent, pourquoi, pour les enfants nés en France de parents immigrés,
mettre en avant ce qu'on présente comme une liberté et qui, en fait, n'en est
pas une, mettre en avant ce qu'on présente comme un choix individuel et qui, en
fait, n'en est pas un ?
Mme Cerisier-ben Guiga, dans son intervention liminaire, hier, a avancé un
autre argument qui, visiblement, n'a pas été très bien compris par nos
collègues, mais qui me paraît également important.
Dire à un jeune de dix-huit ans qu'il n'a pas eu de nationalité - c'est bien
là la réalité puisqu'il a eu la nationalité d'un pays qu'en fait il n'a jamais
connu - peut l'amener à vivre ce qui se passe alors, à dix-huit ans, à un
moment où la construction psychologique de l'adolescent est toujours
extrêmement fragile, comme une espèce de prise de distance avec ses parents ou
de remise en cause de ces derniers. Sur le plan psychologique, cela ne me
paraît pas très justifié, pour ne pas dire pas du tout.
Selon moi, la volonté du jeune de dix-huit ans, de seize ans ou de treize ans
ne me paraît pas être quelque chose d'essentiel. La seule façon de répondre aux
besoins réels de ces enfants nés chez nous et qui vivront chez nous, mourront
chez nous et de les intégrer, c'est de leur donner dès leur naissance la
nationalité française.
M. le président.
Sur l'article 5, je suis saisi de huit amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune, mais, pour la clarté du débat, je les appellerai
successivement.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 59 est déposé par M. Hyest et les membres du groupe de l'Union
centriste.
L'amendement n° 97 est présenté par M. Plasait et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants.
Tous trois tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 7.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Aux termes du texte initial du projet de loi, un enfant
mineur peut, à partir de l'âge de seize ans, réclamer la nationalité française
par déclaration. Il s'agit donc d'une acquisition anticipée. Cette disposition
est inutile dans la mesure où le dispositif de la loi de 1993 est maintenu,
puisque, aussi bien, une telle possibilité est actuellement ouverte de seize à
vingt et un ans.
S'agissant de l'addition qu'a cru devoir apporter au texte d'origine
l'Assemblée nationale, il est apparu à la commission que le jeune de treize ans
n'a pas encore acquis une autonomie de jugement et de comportement suffisante.
Il lui est difficile d'affirmer une intention dans un domaine aussi capital
sans être influencé par ses parents, qui risquent - le mot est faible -
d'utiliser une telle disposition à leur profit pour se voir délivrer un titre
de séjour, de manière à éviter une éventuelle expulsion. Cela a été souvent
constaté sous l'empire de la législation antérieure à la loi de 1993.
Il n'est sans doute pas inutile de noter que la convention internationale
relative aux Droits de l'enfant, qui a été ratifiée en 1990 par la France,
édicte que « l'enfant, en raison de son manque de maturité physique et
intellectuelle, a besoin d'une protection spéciale ». L'article 8 stipule
expressément que « les Etats parties s'engagent à respecter le droit de
l'enfant, de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses
relations familiales tels qu'ils sont reconnus par la loi, sans ingérence
illégale ».
Pour toutes ces raisons, la commission a cru devoir adopter un amendement de
suppression de l'article 5.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 59.
M. Jean-Jacques Hyest.
Cet amendement est logique puisque nous souhaitons le maintien du dispositif
de la loi de 1993 qui permet l'acquisition de la nationalité française à partir
de l'âge de seize ans.
Je relève une curiosité dans le texte qui nous est soumis : ce dispositif
n'est pas applicable en cas de résidence discontinue. En effet, puisqu'il est
nécessaire de justifier de cinq ans de résidence continue en France, la
nationalité française ne peut être demandée à partir de l'âge de seize ans. En
cas de résidence discontinue, l'âge doit être forcément de seize ans et demi,
voire dix-sept ans ou plus. Cela signifie-t-il que le délai est reporté au
prorata de la durée du séjour hors de France ?
M. le président.
L'amendement n° 97 est-il soutenu ? ...
Les deux amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 60 est présenté par M. Hyest et les membres du groupe de
l'Union centriste.
L'amendement n° 98 est déposé par M. Plasait et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants.
Tous deux tendent, dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 5
pour l'article 21-11 du code civil, à remplacer par les mots : « s'il a eu sa »
par les mots : « qu'il justifie d'une ».
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 60.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je retire l'amendement n° 60 de même que l'amendement n° 61 qui concernent la
discontinuité de la durée de résidence et la justification de la résidence en
France, problèmes déjà évoqués dans un certain nombre d'articles antérieurs.
M. le président.
L'amendement n° 60 est retiré.
L'amendement n° 98 est-il soutenu ? ...
Je suis saisi à nouveau de deux amendements identiques.
L'amendement n° 61 est présenté par M. Hyest et les membres du groupe de
l'Union centriste.
L'amendement n° 99 est déposé par M. Plasait et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants.
Tous deux tendent, dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 5
pour l'article 21-11 du code civil, à supprimer les mots : « ou discontinue
».
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 61.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je l'ai annoncé voilà quelques instants, cet amendement est retiré.
M. le président.
L'amendement n° 61 est retiré.
L'amendement n° 99 est-il soutenu ? ...
Par amendement n° 116, MM. Duffour, Pagès, Dérian, Mme Beaudeau, M. Bécart,
Mmes Bidard-Reydet, Borvo, MM. Fischer, Lefebvre, Mme Luc, MM. Minetti, Ralite,
Renar, Mme Terrade et M. Vergès proposent, au second alinéa du texte présenté
par l'article 5 pour l'article 21-11 du code civil, de remplacer les mots : «
treize ans » par les mots : « onze ans » et les mots : « à partir de l'âge de
huit ans » par les mots : « à partir de l'âge de six ans ».
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Nous sommes très satisfaits des débats qui se sont déroulés à l'Assemblée
nationale. Il en résulte que, à la demande de leurs parents, dès l'âge de
treize ans, des jeunes, avec leur consentement, pourront acquérir la
nationalité française.
Avec notre amendement, nous ne voulons pas faire preuve de maximalisme. L'âge
de onze ans que nous proposons n'est pas du tout arbitraire. Nous pensons qu'il
s'agit d'un âge marquant, puisqu'il correspond à l'entrée des jeunes au
collège. Nous voulons favoriser au plus tôt leur intégration.
Par ailleurs, nous conservons le même délai de résidence de cinq ans en
proposant que la condition de résidence habituelle en France débute non pas « à
partir de l'âge de huit ans », mais « à partir de l'âge de six ans ». De la
sorte, nous couvrons l'ensemble du cycle de scolarité obligatoire : l'école
primaire, puis le collège.
Il nous semble plus logique de retenir ces âges plutôt que ceux qui ont été
proposés par l'Assemblée nationale.
M. le président.
Mes chers collègues, veuillez m'excuser de revenir en arrière, mais les
amendements n°s 97, 98 et 99, présentés par M. Plasait, peuvent maintenant être
défendus par M. de Bourgoing, à qui je donne la parole.
M. Philippe de Bourgoing.
L'amendement n° 97 est identique à l'amendement n° 7, présenté par M. le
rapporteur. Je n'insiste donc pas.
S'agissant des amendements n°s 98 et 99, à l'instar de M. Hyest tout à
l'heure, je les retire.
M. le président.
Les amendements n°s 98 et 99 sont retirés.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 116 ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Je serais tenté de dire
quo non descendamus (Sourires)
: de treize ans à onze ans ; de huit ans à six ans...
L'avis de la commission est bien évidemment défavorable.
M. le président.
En réalité ce serait :
quo non descendemus !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Vous avez raison ! C'est zéro pour moi !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements de suppression n°s 7, 59
et 97, ainsi que sur l'amendement n° 116 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne me hasarderai pas dans ce concours de
conjugaisons latines et me bornerai à donner mon avis sur ces différents
amendements.
(Sourires.)
D'abord, le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression qui
visent à revenir à la loi de 1993.
S'agissant ensuite de la continuité ou de la discontinuité de la résidence, je
voudrais apporter quelques précisions.
J'observe que, déjà, la loi de 1993 prévoyait la faculté d'anticiper la
demande de nationalité française à seize ans, comme M. Hyest vient de le
rappeler, disposition qui a été reprise dans notre propre texte.
Comment s'apprécie la condition de résidence ?
Lorsque le jeune demande, dès l'âge de seize ans, la nationalité française, la
condition de résidence de cinq ans ne peut être que continue à partir de onze
ans.
M. Jean-Jacques Hyest.
D'accord !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Lorsque le jeune demande la nationalité française à
partir de l'âge de treize ans, là encore, la condition de résidence de cinq ans
ne peut être que continue, c'est-à-dire appréciée de l'âge de huit ans à treize
ans.
La discontinuité ne joue donc que lorsque le jeune acquiert la nationalité de
plein droit à l'âge de dix-huit ans. Dans ce cas, la condition de résidence est
appréciée entre l'âge de onze ans et l'âge de dix-huit ans. Mais elle doit bien
avoir été de cinq ans ; il faut effectivement que, pendant cette durée de sept
années, de onze à dix-huit ans, le jeune ait effectivement passé cinq ans sur
notre territoire national.
J'en viens à la remarque de M. Duffour : pourquoi treize ans et pas onze ans
?
Le Gouvernement a accepté l'âge de treize ans, introduit par amendement par
l'Assemblée nationale, parce que cet âge est celui à partir duquel, dans le
droit pénal comme dans le droit de la famille, on admet que l'enfant a des
responsabilités. C'est à partir de l'âge de treize ans qu'il peut être envoyé
en prison. Ce n'est pas rien. C'est aussi à partir de cet âge qu'on le consulte
en cas de divorce pour savoir s'il veut vivre avec son père ou avec sa mère.
Notre droit contient donc des dispositions selon lesquelles les enfants de
treize ans sont en âge de donner un avis raisonné sur des questions
importantes.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 7, 59 et 97, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 5 est supprimé et l'amendement n° 116 n'a plus
d'objet.
Article 5
bis
M. le président.
« Art. 5
bis
. - Après le premier alinéa de l'article 21-12 du code
civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, l'obligation de résidence est supprimé lorsque l'enfant a été
adopté par une personne de nationalité française n'ayant pas sa résidence
habituelle en France. »
Sur l'article, la parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Nous constatons avec satisfaction que la commission des lois ne demande pas la
suppression de cet article qui permettra de remédier à quelques situations
humaines particulièrement douloureuses.
En effet, les familles françaises qui résident à l'étranger adoptent elles
aussi des enfants. Parfois, en raison des législations étrangères, elles ne
peuvent pas opter pour une adoption plénière et doivent accepter une adoption
simple. L'adoption plénière à la française est assez particulière et nombre de
pays ne l'acceptent pas. Or l'adoption simple n'a pas d'effet en matière de
nationalité.
On se trouve donc en présence de familles constituées de parents d'enfants
biologiques et d'enfants adoptés. Mais ceux qui sont adoptés par adoption
simple ne deviennent pas français puisqu'il ne résident pas en France.
Nous considérons que ces enfants étant élevés dans une famille française
doivent obtenir la nationalité française même s'ils ont été adoptés par
adoption simple à l'étranger.
Bien entendu, nous voterons l'article 5
bis
.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'article 5
bis
.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
J'insiste de façon très pressante auprès du Sénat pour qu'il adopte l'article
5
bis
parce que j'ai déjà constaté des cas précis conformes à ceux qui
ont été décrits.
Il n'y a strictement aucune raison pour qu'un jeune étranger adopté par un
expatrié n'ait pas les mêmes droits qu'un jeune étranger adopté par une
personne vivant en France. Par conséquent, cet article 5
bis
répond à
une nécessité manifeste.
M. Hubert Durand-Chastel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Je soutiens également cet article introduit par l'Assemblée nationale qui
permet à un mineur ayant fait l'objet d'une adoption simple par un Français
établi hors de France d'acquérir la nationalité française par simple
déclaration sans être soumis à l'obligation de résidence en France au moment de
cette déclaration.
Il s'agit, comme l'a indiqué M. Caldaguès, de rétablir l'équilibre de
traitement entre les Français de métropole et les Français de l'étranger en cas
d'adoption simple.
Nous demandons au Sénat de retenir cette disposition favorisant l'intégration
des enfants adoptés à l'étranger qui ont vocation à être éduqués dans la
culture et les traditions françaises.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5
bis.
(L'article 5
bis
est adopté.)
Articles additionnels après l'article 5
bis
M. le président.
Je suis tout d'abord saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 40 est présenté par Mme Joëlle Dusseau, MM. Baylet et
Collin.
L'amendement n° 118 est déposé par MM. Duffour, Pagès et Dérian, Mme Beaudeau,
M. Bécart, Mmes Bidard-Reydet et Borvo, MM. Fischer et Lefebvre, Mme Luc, MM.
Minetti, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 5
bis,
un article
additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 21-14 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé
:
«
Art...
- Les réfugiés statutaires peuvent réclamer la nationalité
française par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants du
code civil. »
La parole est à Mme Dusseau, pour présenter l'amendement n° 40.
Mme Joëlle Dusseau.
Cet amendement prévoit que les réfugiés statutaires puissent réclamer la
nationalité française par déclaration, conformément à l'article 34 de la
convention de Genève.
Je rappelle qu'il s'agit là exclusivement de réfugiés statutaires, pour
lesquels l'obtention de leur statut a représenté une démarche de longue
haleine.
Je rappelle également que, aujourd'hui, plus de 90 % des demandes sont
rejetées.
Je crois donc qu'il serait bon de ne pas imposer à des hommes et des femmes
qui ont déjà effectué un long parcours du combattant et qui, souvent, ont
d'ailleurs perdu leur nationalité d'origine, une seconde longue épreuve
administrative. Il convient au contraire de faciliter l'accès à la nationalité
française pour ceux qui le souhaitent.
M. le président.
La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 118.
M. Robert Pagès.
Notre amendement, identique à celui qui vient d'être défendu par Mme Dusseau,
a pour objet de permettre aux réfugiés statutaires d'acquérir la nationalité
française par déclaration. Cela permettrait de renouer quelque peu avec la
vocation universelle de la France et de témoigner notre reconnaissance à ceux
que l'on a appelés les « combattants de la liberté ».
Il participe du même esprit que l'amendement de M. Mermaz, adopté par
l'Assemblée nationale, qui permet aux réfugiés statutaires d'être naturalisés
sans condition de stage.
Toutefois, il va plus loin et tend à simplifier les procédures d'acquisition
de la nationalité française, facilitant ainsi l'intégration des personnes
concernées, ce que nous souhaitons tous.
En effet, l'obtention du statut de réfugié constitue déjà, on l'a dit, une
démarche de longue haleine ; il n'est donc nul besoin d'en ajouter en imposant
un second passage devant l'administration aux rares personnes qui l'ont obtenu
et qui souhaitent devenir françaises.
Il faut savoir que, aujourd'hui, plus de 90 % des demandes de statut sont
rejetées. Par conséquent, cette disposition ne concernera que peu de personnes.
Néanmoins, son importance est grande, eu égard à la situation de ceux qu'elle
concerne.
Je vous demande donc de bien vouloir adopter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 40 et 118
?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission a émis un avis défavorable dans l'un comme dans
l'autre cas, dans la mesure où il s'agit d'amendements qui sont manifestement
contraires à la position qu'elle a elle-même prise à l'article 6. J'ajoute que
les réfugiés peuvent toujours demander leur naturalisation.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ferai remarquer à la Haute Assemblée que l'article 6
du projet de loi que j'ai l'honneur de lui soumettre, tel qu'il résulte du
texte adopté par l'Assemblée nationale, prévoit déjà, pour les réfugiés, la
possibilité d'acquérir la nationalité française par naturalisation sans
condition de stage, comme M. Bonnet vient de le rappeler.
Ce texte est conforme à l'article 34 de la convention de Genève, qui demande
que l'on facilite la naturalisation. Il ne me paraît donc pas possible d'aller
plus loin, comme le proposent les auteurs de ces deux amendements. C'est la
raison pour laquelle l'avis du Gouvernement y est défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 40 et 118, repoussés par la
commission et par le Gouvernement.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Par amendement n° 41, Mme Dusseau, MM. Baylet et Collin proposent d'insérer,
après l'article 5
bis
, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré dans le code civil, après l'article 21-14, un article ainsi
rédigé :
«
Art...
- Les personnes titulaires de l'autorité parentale d'un enfant
mineur né en France de parents étrangers peuvent déclarer qu'elles réclament,
au nom du mineur, la qualité de Français à condition toutefois, si elles sont
étrangères, qu'elles aient leur résidence habituelle en France depuis cinq
années.
« La reconnaissance de la nationalité française d'un mineur né en France
entraîne celle de ses frères et soeurs à condition qu'ils soient plus jeunes et
qu'ils soient nés sur le sol français »
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Je suis quelque peu ennuyée parce que cet amendement reprend à peu près un
amendement sur l'article 1er. Il prévoit cependant, dans le cas où les parents
réclament la qualité de Français pour l'un de leurs enfants et que celle-ci est
accordée, que leurs autres enfants plus jeunes acquièrent automatiquement la
nationalité française.
En toute logique, je me dois toutefois de retirer cet amendement.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est vrai !
M. le président.
L'amendement n° 41 est retiré.
Par amendement n° 42, Mme Dusseau, MM. Baylet et Collin proposent d'insérer,
après l'article 5
bis
, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, dans le code civil, après l'article 21-14 un article ainsi
rédigé :
«
Art...
- Un mineur né à l'étranger ayant un frère ou une soeur né en
France peut réclamer la nationalité française dès l'âge de seize ans s'il
justifie de cinq années de scolarité en France. »
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Avec l'amendement précédent, il s'agissait d'enfants nés en France. En
l'occurrence, il s'agit de réunir les fratries : si, dans une famille, des
enfants deviennent français, leurs aînés nés à l'étranger peuvent réclamer la
nationalité française dès l'âge de seize ans s'ils justifient de cinq ans de
scolarité en France.
Cet amendement a pour objet de ne pas créer de disparité entre des enfants.
M. Jean-Jacques Hyest.
Et la polygamie !
Mme Joëlle Dusseau.
Encore la polygamie, mon cher collègue ! Il semble que ce soit une obsession
de la droite sénatoriale !
M. Jean Chérioux.
Cela n'existe pas, puisque Mme Dusseau n'y croit pas ! Il ne faut pas insister
!
Mme Joëlle Dusseau.
Cet amendement a pour objet, disais-je, de ne pas créer de disparité au sein
d'une même famille qui vit en France et dans laquelle un enfant a pu naître à
l'étranger et y vivre un, deux ou trois ans, alors qu'il vit maintenant en
France, qu'il y va à l'école et alors que ses frères et soeurs sont nés en
France. Je pense qu'il est logique de proposer que cet enfant puisse réclamer
la nationalité française dès l'âge de seize ans, ce qui lui éviterait de passer
par la procédure de naturalisation.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission est tout à fait défavorable à cet
amendement.
La générosité de Mme Dusseau ne nous a pas échappé, mais nous pensons que le
souci de donner la nationalité à des frères ou soeurs à partir du moment où
l'un des enfants a déjà la qualité de Français n'est vraiment pas
raisonnable.
Mme Joëlle Dusseau.
J'ai posé des conditions de scolarité, monsieur le rapporteur.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je voudrais expliquer, madame le sénateur, pourquoi le
Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je ne suis évidemment pas insensible à l'argument qui consiste à dire qu'il
faut une certaine unité de nationalité dans une fratrie. Je ne peux toutefois
pas accepter cet amendement parce qu'il conditionne l'accès à la nationalité
française d'un mineur à la naissance sur le sol français de l'un de ses frères
et soeurs.
Cette exigence, loin d'être pertinente, me paraît en réalité artificielle
parce que la naissance du frère ou de la soeur sur le sol français peut
résulter du simple hasard et que le frère ou la soeur peuvent n'avoir aucune
attache avec la France, ni aucune communauté de vie avec le demandeur.
En réalité, cet amendement opère un mélange entre l'acquisition de la
nationalité par le droit du sol, d'une part, et par la naturalisation, d'autre
part.
Pour obtenir la nationalité par le droit du sol, il faut que soient réunies
les deux conditions : naissance et résidence. Quant à la naturalisation, elle
est précisément prévue lorsque ces deux conditions ne sont pas réunies.
J'ajoute que la naissance en France d'un frère ou d'une soeur peut être prise
en compte au titre de l'assimilation, parmi d'autres éléments qui peuvent
faciliter la naturalisation d'un étranger qui ne serait pas né sur notre
territoire.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 42, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 109, Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Badinter, Allouche, Autain
et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer après
l'article 5
bis,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 21-12 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé
:
«
Art... -
Peut réclamer la nationalité française, par déclaration
souscrite conformément aux articles 26 et suivants, la personne née à
l'étranger de parents étrangers, âgée de seize à vingt et un ans, qui a sa
résidence habituelle en France depuis huit ans et qui y a été scolarisée
pendant au moins cinq années. »
Par amendement n° 117, MM. Duffour, Pagès, Derian, Mme Beaudeau, M. Bécart,
Mmes Bidard-Reydet, Borvo, MM. Fischer, Lefebvre, Mme Luc, MM. Minetti, Ralite,
Renar, Mme Terrade et M. Vergès proposent d'insérer, après l'article 5
bis,
un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 21-13 du code civil est complété
in fine
par un alinéa
ainsi rédigé :
« L'enfant mineur, né à l'étranger de parents étrangers, acquiert, à partir de
l'âge de seize ans la nationalité française par déclaration, dans les
conditions prévues aux articles 26 et suivants, si, au moment de sa
déclaration, il a sa résidence en France et s'il a accompli huit années de
scolarité de six ans à seize ans en France. »
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga, pour défendre l'amendement n° 109.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Le groupe socialiste a voulu, par cet amendement, attirer l'attention du
Gouvernement sur la situation des très nombreux enfants arrivés très jeunes sur
le territoire français dans le cadre du regroupement familial, qui y ont vécu
longuement et y ont été éduqués exactement comme les enfants étrangers qui y
sont nés.
Nous estimons que le phénomène d'assimilation qui se produit pour les enfants
nés en France se produit exactement de la même manière pour eux. Ces enfants
deviennent semblables à des enfants français, nous devons les considérer comme
des enfants français, les assimiler à des enfants français parce que leur
séjour est durable, a été vécu comme permanent par leur famille.
L'immigration des années soixante a été perçue comme provisoire par les
intéressés, mais, assez vite, ils ont été piégés et ils sont restés.
Aujourd'hui, les enfants savent qu'ils resteront, qu'ils soient nés en France
ou non.
Il faut bien voir que la nationalité française est une affaire d'éducation et
d'instruction ; celle-ci amène à une volonté d'adhésion plus ou moins nette,
plus ou moins forte, mais qui s'accentue au fil des années chez la personne qui
a été élevée en France.
Cet amendement tel qu'il est rédigé pourrait évidemment être sous-amendé. Si
nous avons estimé qu'une résidence habituelle de huit ans en France et une
scolarisation de cinq ans constituaient le minimum exigible, la scolarisation
étant, de plus, facile à prouver, rien n'empêcherait d'exiger, d'une part, que
l'enfant soit arrivé en France pour le début de l'école primaire et, d'autre
part, qu'il ait été scolarisé pendant dix ans pour conditionner l'accès à la
nationalité par déclaration, à partir de l'âge de seize ans. Il s'agit en effet
non pas d'une acquisition de plein droit, mais de la déclaration de nationalité
française, qui est une naturalisation simplifiée...
M. Jean-Jacques Hyest.
Ah non !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
En fait, nous nous rapprocherions ainsi des dispositions du code de la
nationalité allemand. Pour une fois, nous sommes quelque peu en retrait par
rapport à nos voisins qui, ayant une conception ethnique, si ce n'est
biologique, de la nationalité, accordent très peu la nationalité allemande.
Sachez que l'on dénombre quatre fois plus de naturalisations en France qu'en
Allemagne et dix fois plus de naturalisations aux Etats-Unis que chez nos
voisins. Nous nous situons entre les deux !
Notre objectif est d'attirer l'attention sur la situation de tous ces enfants
qui sont arrivés à l'âge de deux ou trois ans en France et qui pourraient fort
bien bénéficier d'une naturalisation simplifiée dès l'âge de seize ans.
M. le président.
La parole est à M. Duffour, pour défendre l'amendement n° 117.
M. Michel Duffour.
Cet amendement est fort proche de celui que vient de défendre Mme Cerisier-ben
Guiga. En effet, si sa rédaction diffère, il relève néanmoins de la même
démarche.
Cette disposition vise à faciliter l'acquisition de la nationalité française
par les jeunes qui, sans être nés en France, y ont toujours vécu et suivi une
scolarité normale.
Ces jeunes sont parfaitement intégrés, puisqu'ils devront justifier de huit
années de scolarité entre six ans et seize ans. Il serait dans ces conditions
injuste de ne pas leur permettre d'accéder de manière plus simple à la
nationalité française alors que leurs camarades, nés en France, y accéderont de
plein droit à la majorité.
Bien sûr, vous m'objecterez qu'ils pourraient faire une demande de
naturalisation à dix-huit ans. Mais cette demande est aléatoire puisque son
aboutissement est conditionné par la justification de ressources stables. Or un
tiers des jeunes connaissent des difficultés d'emploi et cette proportion est
encore plus élevée au sein des jeunes issus de l'immigration.
Comme vous le voyez, madame la ministre, cette disposition faciliterait
l'intégration d'enfants qui ont fait l'acquisition de notre culture
républicaine au cours de leur cursus scolaire. Par ailleurs, elle leur
permettrait de pouvoir passer les concours de la fonction publique comme leurs
amis devenus Français à la majorité.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 109 et 117 ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission émet un avis défavorable.
L'exemple du droit allemand a été invoqué, mais il convient de préciser, d'une
part, que l'acquisition de la nationalité allemande intervient par
naturalisation, donc par décision discrétionnaire des pouvoirs publics, d'autre
part, que le bénéficiaire de la naturalisation dans le droit allemand doit, en
contrepartie, abandonner sa nationalité d'origine, ce qui n'est nullement prévu
dans les amendements qui nous sont proposés.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je suis extrêmement sensible aux arguments développés
par Mme Cerisier-ben Guiga et par M. Duffour. Cependant, je ne crois pas
pouvoir émettre un avis favorable parce que le droit français de la
nationalité, qui facilite l'accès à celle-ci de jeunes étrangers, prévoit,
comme je viens de le rappeler, que deux conditions soient remplies, à savoir la
résidence et la naissance en France. Supprimer l'un de ces deux éléments
revient à affaiblir la présomption d'intégration.
Je ne suis pas non plus favorable à une acquisition simplifiée de la
nationalité pour les jeunes nés à l'étranger parce qu'elle écarterait tout
contrôle quant à l'assimilation. Pour autant, l'accès à la nationalité
française est loin d'être fermé à ces jeunes puisqu'ils disposent de la
procédure de naturalisation après cinq ans de résidence. J'ajoute que ces
jeunes seront naturellement plus prédisposés que d'autres, à partir du moment
où ils auront vécu depuis leur plus jeune âge sur notre territoire, à avoir
accès à cet honneur qu'est la naturalisation française.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 109.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
L'amendement n° 109 me paraît curieux, d'autant que l'on nous explique depuis
longtemps qu'il faut en revenir au droit du sol. Or, avec cet amendement, avec
la déclaration de nationalité française, on va absolument à l'encontre de la
tradition que l'on invoque.
Mme Cerisier-ben Guiga a prétendu que, après tout, la réclamation et la
naturalisation simplifiée, c'était la même chose. Ce n'est pas le cas parce que
la réclamation ouvre un droit, ce droit n'étant accordé, jusqu'à preuve du
contraire, que sous certaines conditions.
Prétendre que déclaration et réclamation reviennent à peu près la même chose,
c'est aller vraiment trop loin. Pourquoi ne pas décider aussi que tout le monde
peut obtenir la nationalité française à partir du moment où il y réside depuis
cinq ans, un point c'est tout !
(Murmures sur les travées
socialistes.)
Mais si, cela revient exactement à cela !
Le droit du sol, c'est le droit du sol, compte tenu des conditions qu'a
rappelées Mme le garde des sceaux. Et puis, il y a la naturalisation, qui peut
être obtenue par d'autres voies. Mais ne prétendez pas, madame le sénateur,
comme cela figure dans l'exposé des motifs de votre amendement, que la
réclamation de la nationalité française par déclaration équivaut à la
naturalisation simplifiée, c'est faux !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 109, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 117, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pendant une dizaine
de minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit
heures.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à la nationalité.
Articles additionnels après l'article 5
bis
ou avant l'article 15 A
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 29, MM. de Gaulle, Pasqua, Caldaguès et les membres du
groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, avant l'article
15 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« Tout étranger ayant servi dans les armées françaises et ayant été blessé au
cours d'un engagement opérationnel peut réclamer, pour lui et pour sa
descendance, la nationalité française par déclaration souscrite conformément
aux articles 26 et suivants du code civil. Il en est de même pour les enfants
d'étrangers ayant servi dans les armées françaises et décédés au cours d'un
engagement opérationnel. »
Par amendement n° 111, MM. Durand-Chastel, Habert et Maman proposent
d'insérer, après l'article 5
bis,
un article additionnel ainsi rédigé
:
« Le dernier alinéa de l'article 21-14 du code civil est rédigé comme suit
:
« Les conjoints survivants et les enfants des personnes qui ont effectivement
accompli des services dans une unité de l'armée française ou combattu dans les
armées françaises ou alliées en temps de guerre et qui n'ont pas eu le choix de
conserver la nationalité française dans les territoires sujets à des transferts
de souveraineté peuvent également bénéficier des dispositions du premier alinéa
du présent article. »
La parole est à M. de Gaulle, pour défendre l'amendement n° 29.
M. Philippe de Gaulle.
J'appellerai l'amendement que je présente « l'amendement Messmer », du nom de
son inspirateur.
Par ailleurs, je préciserai que les articles 26 et suivants du code civil
auxquels il se réfère sont relatifs à l'acquisition de la nationalité française
et au contentieux de la nationalité.
Cet amendement tend à permettre aux anciens légionnaires - ils sont nombreux
en ce moment, du fait des opérations extérieures - qui ont volontairement servi
la France au péril de leur vie de réclamer la nationalité française par
déclaration et non plus par demande de naturalisation, comme c'était le cas
auparavant.
Cette disposition constitue la contrepartie légitime du service rendu à la
France par ces étrangers d'origine, dont le comportement ferait de droit des
Français par le sang versé.
M. le président.
La parole est à M. Durand-Chastel, pour défendre l'amendement n° 111.
M. Hubert Durand-Chastel.
L'article 21-14 du code civil, innovation introduite dans la loi du 22 juillet
1993, permet aux « conjoints survivants des personnes qui ont effectivement
accompli les services militaires dans une unité de l'armée française ou
combattu dans les armées françaises ou alliés en temps de guerre » de
bénéficier de la faculté de réclamer la nationalité française par
déclaration.
Le présent amendement vise à élargir cette faculté aux enfants de ces anciens
combattants pour la France, ceux-ci ayant subi au même titre que les conjoints
survivants les conséquences et les sacrifices liés à l'engagement à la guerre
du chef de famille. Ces enfants ressentent en effet comme une injustice le fait
d'être exclus des dispositions actuelles de l'article 21-14.
Il est suggéré de réparer cet oubli sans ouvrir pour autant le bénéfice de
cette disposition aux Français qui ont eu la possibilité d'exercer un choix de
nationalité au moment du transfert de souveraineté de leurs territoires
d'origine.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 29 et 111 ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission, qui n'était pas indifférente à l'intention des
auteurs des amendements n°s 29 et 111, a engagé une très longue discussion et a
effectué un certain nombre d'observations.
Tout d'abord, dans l'amendement n° 29, il est fait état de : « Tout étranger
ayant servi dans les armées françaises. » Cela peut viser les Marocains, les
Tunisiens, mais cela ne concerne pas nécessairement, loin de là, les Algériens,
les Sénégalais, qui ont combattu dans les armées françaises en tant que
citoyens français.
Par ailleurs, je constate que, dans l'objet de cet amendement, il est fait
référence « aux anciens légionnaires », alors que, je le répète, l'article
additionnel proposé mentionne : « Tout étranger ayant servi dans les armées
françaises. »
Cette rédaction me paraît plus large, car les étrangers visés n'étaient pas
nécessairement dans la légion étrangère. L'article additionnel proposé va donc
plus loin que l'objet de l'amendement.
Il est également question d'étendre cette mesure à la « descendance », notion
qui est peut-être un peu imprécise. De ce fait, dans la mesure où ceux qui sont
visés par l'un et l'autre des articles additionnels peuvent bénéficier d'une
présomption favorable lors de l'examen de leur demande de naturalisation, il
apparaît difficile à la commission d'adopter ces amendements.
C'est la raison pour laquelle, conformément au souhait de la commission, je
demande à leurs auteurs de les retirer.
M. Philippe de Gaulle.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle.
J'entends dire que tout le monde peut se déclarer français à tel où tel âge
sans avoir rendu aucun service. Dès lors, pourquoi exclure la disposition que
je présente ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission n'a pas souhaité adopter cette disposition dans
la mesure où elle désire le maintien de la manifestation de volonté telle
qu'elle prévue dans la loi de 1993.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le président, je comprends le sentiment qui
anime les auteurs des amendements, notamment de l'amendement n° 29, mais je
voudrais rappeler que le droit français de la nationalité n'ignore nullement
les services qui ont été rendus par les étrangers dans l'armée française,
puisqu'il leur ouvre la naturalisation à des conditions particulièrement
favorables.
Je ne crois donc pas nécessaire de créer une autre disposition ; c'est
pourquoi je ne suis pas favorable à ces amendements.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 29.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Monsieur le président, je m'interroge sur le bien-fondé des objections
formulées par notre rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Par la commission !
M. Michel Caldaguès.
C'est ce que je voulais dire. Je ne dissocie pas le rapporteur de la
commission. Je suis sénateur depuis quelques années, et je suis parlementaire
depuis plus d'années encore. Je sais bien que le rapporteur s'exprime au nom de
la commission. Je vous remercie néanmoins de me l'avoir rappelé, mon cher
rapporteur, car un instant d'égarement aurait pu me faire oublier cette
évidence.
Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que le contenu de l'amendement était
plus large que l'objet. Je ne crois pas que ce soit une véritable objection
dans la mesure où l'objet n'a pas de valeur juridique. Ce dernier a une valeur
explicative. Il permet de faire allusion aux cas les plus évidents.
Le dispositif est plus large dans sa portée pour éviter de ne toucher qu'une
catégorie en éliminant de ce fait d'autres parties prenantes.
Très franchement, monsieur le rapporteur, connaissant votre rigueur de pensée
et votre compétence juridique, je souhaiterais vous entendre dire que cette
objection n'en est pas une.
Dans ces conditions, que reste-t-il pour justifier une opposition à
l'amendement ?
M. de Gaulle a parfaitement souligné qu'il lui paraissait choquant, et je
partage ce sentiment, de voir avec quelle facilité on pouvait obtenir la
nationalité française par des voies autres que la naturalisation, alors qu'on
imposerait à des hommes qui ont servi la France de passer par la procédure de
naturalisation, fût-elle simplifiée. Cela me paraît un peu désinvolte.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Le terme « désinvolte » ne me paraît
pas convenir pour qualifier les travaux de la commission.
Pour l'essentiel, nous nous efforçons de faire du droit et, comme M. le
rapporteur l'a très justement indiqué, au nom de la commission, nous sommes
hostiles au système qui nous est proposé par le Gouvernement.
Je voudrais que l'on réfléchisse aux formules employées dans l'amendement.
« Tout étranger ayant servi dans les armées françaises. » Cela vise les
Marocains, les Tunisiens, les Tonkinois, très certainement les Annamites,...
M. Jean-Jacques Hyest.
Tout à fait !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... comme on les appelait à l'époque
; il y a un doute pour les Cochinchinois, parce que certains d'entre eux
avaient déjà la citoyenneté française avant 1945. Sont également visés les
ressortissants des territoires sous mandat, du Togo, du Cameroun, qui n'étaient
pas citoyens français et qui étaient considérés comme une catégorie à part.
A cette base de départ, on ajoute la descendance.
M. Jean-Jacques Hyest.
Oui !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
On peut essayer de calculer ce que
cela représente.
Bien sûr, il est tentant de prendre des mesures généreuses, et nous serions
d'autant plus enclins à le faire que l'inspirateur de cette proposition a tous
les titres pour recueillir notre respect et notre admiration.
Mais enfin, il s'agit ici de bâtir une loi, et la tâche n'est pas toujours
commode.
Au demeurant, il n'est pas plus commode de s'opposer - en s'efforçant de
montrer qu'il n'y a là aucune désinvolture - à des intentions qui sont
généreuses et qui correspondent à l'évidence à ce que l'on pourrait
souhaiter.
Il reste que, s'agissant d'inscrire ces intentions dans la loi, une certaine
circonspection s'impose et qu'il faudrait savoir qui serait effectivement
concerné.
Si l'on évoque les derniers combats, dans la mesure où ni des Tunisiens, ni
des Marocains, ni des Vietnamiens n'ont été dans la guerre d'Algérie - et pour
cause ! - il faut remonter à la guerre d'Indochine, à laquelle ont pris part
des hommes d'Afrique du Nord ; ce fut d'ailleurs une grande erreur de notre
part, car ils y ont pris quelques leçons.
Croyez-moi, il m'est difficile de dire tout cela, mais je pense qu'il est de
mon devoir de le dire.
M. Michel Caldaguès.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le président de la commission
?
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je vous en prie, mon cher
collègue.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès, avec l'autorisation de M. le président de la
commission des lois.
M. Michel Caldaguès.
Je tiens à préciser que je ne visais nullement la commission en parlant de
désinvolture, car ce n'est pas la commission qui a renvoyé à la procédure de
naturalisation.
Je veux également vous remercier, monsieur le président de la commission, car
j'avais demandé une hiérarchisation des objections de la commission. En effet,
je dois l'avouer, certaines d'entre elles ne m'avaient pas convaincu. Or force
m'est de reconnaître que celles que vous venez de soulever me paraissent
substantielles.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Et j'en suis désolé !
M. Michel Caldaguès.
Ce débat méritait donc d'avoir lieu.
A priori,
il me semblait que l'on pouvait faire confiance les yeux fermés à un ancien
ministre des armées, de surcroît ancien légionnaire. Sans doute certains
aspects juridiques n'avaient-ils pas, cependant, été suffisamment approfondis.
A cet égard, la réponse que vous me faites me paraît fort intéressante.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le président.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je vous ai convaincu, mon cher
collègue, mais j'en suis en fait désolé eu égard à l'intention de cette
proposition, qui est évidemment tout à fait louable.
Cependant, tel qu'il est rédigé, le texte proposé est inapplicable. Je me suis
exprimé avec toute la retenue dont je suis capable, mais je pense qu'il faut
maintenir la position de la commission, telle qu'elle a été défendue par M. le
rapporteur.
M. Jacques Habert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Il faut reconnaître que les objections de M. le président de la commission
sont tout à fait pertinentes. Il est certain que l'amendement n° 29 concerne un
grand nombre d'étrangers : tous ceux qui ont servi dans l'armée française et
qui ont été blessés. Même aujourd'hui, vingt ans après la fin des derniers
combats, nous en trouverions, j'en suis sûr, quelques milliers.
La portée de cet amendement est encore accrue en ce qu'il vise également les
enfants de ceux qui sont morts au cours des combats.
Néanmoins, à titre personnel, en vertu des liens qui unissent les anciens
combattants français à tous leurs camarades étrangers ayant servi sous le même
uniforme au cours des conflits passés, je voterai l'amendement présenté par
l'amiral de Gaulle et ses collègues.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Comme l'a très bien expliqué M. le président Larché, cet amendement vient un
peu tard : la distance est presque celle d'une génération. Lorsqu'on parle des
enfants, il s'agit en fait de personnes âgées de quarante-cinq ou cinquante
ans.
A cet égard, je rappelle que, lors de la réforme de 1993, nous avons été
amenés à supprimer un certain nombre de dispositions sur la réintégration dans
la nationalité française de ressortissants de pays qui étaient antérieurement
placés sous protectorat français ou même de pays qui avaient fait partie de la
communauté française parce que, précisément, la distance était désormais telle
que la réintégration ne pouvait plus être admise. On a ainsi mis fin à un
héritage de l'histoire.
Le président Larché a eu raison de souligner combien il était difficile de
tenir ce raisonnement. Il reste que la distance est maintenant vraiment trop
grande.
M. Philippe de Gaulle.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle.
Je remercie tous ceux qui ont bien voulu soutenir mon amendement.
Je tiens à préciser que M. Messmer souhaitait viser en particulier les
légionnaires étrangers qui servent actuellement. Il ne s'agissait donc pas,
dans son esprit, de remonter à des temps anciens.
Cependant, à la lumière des explications qui viennent d'être formulées, il
m'apparaît que l'affaire est juridiquement très complexe. De surcroît, je ne
voudrais pas susciter des dissensions au sein de la majorité sénatoriale. C'est
pourquoi je retire mon amendement.
M. Philippe de Bourgoing.
Merci !
M. le président.
L'amendement n° 29 est retiré.
Monsieur Durand-Chastel, l'amendement n° 111 est-il maintenu ?
M. Hubert Durand-Chastel.
Faisant miens les arguments avancés par M. Philippe de Gaulle, je retire
également mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° 111 est retiré.
Article additionnel après l'article 5
bis
M. le président.
Par amendement n° 112 rectifié, MM. Durand-Chastel et Maman proposent
d'insérer, après l'article 5
bis,
un article additionnel ainsi rédigé
:
« Dans le deuxième alinéa de l'article 21-14 du code civil, après les mots :
"elles doivent avoir", sont insérés les mots : "soit un parent
ou un grand-parent français d'origine par filiation,". »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 126, présenté par M. Habert
et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 112 pour compléter le
deuxième alinéa de l'article 21-14 du code civil, avant les mots : « soit un
parent », à ajouter les mots : « en même temps qu'une connaissance suffisante
de la langue française ».
La parole est à M. Durand-Chastel, pour défendre l'amendement n° 112
rectifié.
M. Hubert Durand-Chastel.
L'article 21-14 du code civil, innovation introduite dans la loi de 1993 à la
demande des Français de l'étranger, autorise les personnes qui ont perdu la
nationalité française en application de l'article 23-6 de la réclamer par
simple déclaration, à condition qu'elles prouvent qu'elles ont un ascendant
français susceptible de leur avoir transmis la nationalité par filiation.
L'amendement a pour objet d'ouvrir cette faculté aux descendants directs,
enfants ou petits-enfants, qui ne répondraient pas aux critères de liens
manifestes avec la France ou de services accomplis dans les armées françaises.
L'expérience montre en effet que nombre de ces descendants, lorsqu'ils
découvrent qu'ils ne sont pas Français, alors même qu'ils ont un sentiment
d'appartenance à la nationalité d'origine de leurs parents ou grands-parents,
manifestent le désir d'être reconnus comme Français. Il s'agit de ne pas leur
fermer la porte de la nationalité française du simple fait de la négligence
administrative de leurs ascendants, dont ils ne peuvent être tenus pour
responsables, d'autant que l'immatriculation des Français à l'étranger n'est
pas obligatoire.
L'application de cette disposition serait limitée à la troisième génération,
ce qui constitue un garde-fou suffisant contre le risque de transmission
indéfinie de la nationalité française à des individus qui n'ont plus, en
réalité, aucune attache avec la France.
Cette disposition se rapproche des droits italien et allemand de la
nationalité, qui prennent en compte, pour l'assimilation, l'appartenance
nationale des ascendants, estimant à juste titre que les traditions et la
culture d'origine restent vivaces pendant plusieurs générations.
M. le président.
La parole est à M. Habert, pour défendre le sous-amendement n° 126.
M. Jacques Habert.
Ce sous-amendement introduit une condition supplémentaire pour prétendre
bénéficier de la nouvelle possibilité de réintégration des personnes ayant
perdu la nationalité française qui est ouverte par l'amendement n° 112
rectifié.
Je veux bien admettre que l'on réintègre un certain nombre de descendants de
ceux qui ont été français et qui ont négligé de procéder aux formalités
administratives nécessaires, mais à condition que les intéressés possèdent
encore une connaissance suffisante de notre langue.
Autrement dit, je souhaite introduire dans notre code une disposition qui, à
mon sens, n'y figure pas assez souvent : l'exigence spécifique d'une certaine «
francité ». Est-il une manifestation plus claire de la « francité » qu'une
bonne connaissance de notre langue ?
Je précise que l'adjectif « suffisante » est celui qui figure déjà dans
l'article 21-24 du code civil.
Avec cette modification, les deux articles 21-14 et 21-24 exprimeront en des
termes identiques la préoccupation du législateur de faciliter l'assimilation
et l'insertion des candidats à la naturalisation en exigeant d'abord, comme
c'est d'ailleurs le cas dans d'autres Etats à forte tradition d'immigration,
notamment le Canada, l'Australie ou les Etats-Unis, une certaine maîtrise de la
langue du pays d'accueil.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur
l'amendement comme sur le sous-amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 112
rectifié et au sous-amendement n° 126 dans la mesure où ils ont en réalité pour
objet de supprimer l'exigence de maintien d'un lien manifeste avec la France
pour la réintégration par déclaration prévue à l'article 21-14 du code
civil.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 126.
M. Jacques Habert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Madame le ministre, je ne peux admettre les arguments que vous avez invoqués
pour vous opposer à mon sous-amendement et à l'amendement de M. Durand-Chastel,
car nos propositions n'altèrent en rien l'exigence préalable d'avoir, pour
pouvoir postuler à la nationalité française, des liens manifestes avec la
France. Nous tenons au contraire à ce que l'exigence de la manifestation de ces
liens soit maintenue. Je propose même d'y ajouter une « connaissance suffisante
de la langue française ».
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je comprends bien le souci exprimé par mes collègues représentant les Français
de l'étranger. Ils songent certainement à des Français expatriés en Amérique
latine, tels que les Barcelonnette du Mexique. On constate en effet que, en
quelques générations, les liens avec la France se sont distendus et que
quelques individus voudraient les renouer.
Mais il s'agit tout de même de familles qui, pendant cinquante ans, ce qui
n'est pas rien, ont cessé d'avoir toute possession d'état de Français. Que
peut-il rester de leur sentiment d'appartenance après deux générations ?
Je ne voterai pas contre ce sous-amendement mais je crains qu'il ne soit guère
réaliste.
M. Hubert Durand-Chastel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Seuls les parents et les grands-parents étant visés, le délai de cinquante ans
est suffisant pour que les enfants et les petits-enfants réclaments s'ils le
souhaitent la nationalité française, madame Cerisier-ben Guiga.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 126, repoussé par le Gouvernement et
pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Guy Penne.
Le groupe socialiste s'abstient.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 112 rectifié, repoussé par le
Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Guy Penne.
Le groupe socialiste s'abstient à nouveau !
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 5
bis.
M. le président.
Par amendement n° 119, MM. Duffour, Pagès, Derian et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5
bis,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 21-14 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé
:
«
Art. ...
- A l'expiration de leur titre de séjour de dix ans ou lors
du renouvellement de ce titre, les étrangers peuvent réclamer la nationalité
par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Notre amendement offre la possibilité aux étrangers qui renouvellent leur
titre de séjour de dix ans de demander la nationalité française par
déclaration.
Quoi de plus naturel, nous semble-t-il, que de faciliter la naturalisation et
par là même l'intégration dans notre pays de celles et de ceux qui y ont déjà
passé dix années de leur vie ? Avoir vécu dix ans en France, y avoir bien
entendu obligatoirement des attaches profondes, souhaiter renouveler son titre
de séjour pour y demeurer encore dix ans, n'est-ce pas une belle preuve de
volonté d'intégration et d'attachement à la France ?
Les personnes qui bénéficient d'une carte de résident de dix ans et qui en
demandent le renouvellement ont bien évidemment vocation à rester en France, où
elles ont leur famille, leur travail, en un mot toute leur vie.
Pourquoi, dans ce cas, leur demander tous les dix ans de faire une demande de
renouvellement, avec le risque d'un refus ?
Il s'agit là non pas d'une acquisition automatique de la nationalité
française, mais d'une simplification dans le processus de naturalisation.
La France ne doit pas être frileuse à l'égard des étrangers qui vivent sur son
sol, car ce sont bien souvent ces personnes qui vivent depuis longtemps dans
notre pays qui ont fait le travail d'intégration, par leur travail, par leurs
enfants, par l'école.
Leur offrir la possibilité - uniquement s'ils le souhaitent, je le précise -
de demander à être français n'est pas aberrant en soi et leur permettrait de se
sentir pleinement intégrés ; ce pourrait être aussi considéré comme
l'aboutissement d'un long chemin.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne peux être favorable à cet amendement qui tend à
créer un nouveau cas d'acquisition de la nationalité française par déclaration
pour les étrangers titulaires d'un titre de séjour de dix ans.
Je rappelle cependant que tout étranger vivant en France depuis cinq ans et,
dans certains cas, depuis trois ans, peut être naturalisé français et je tiens
à dire à M. Pagès, dont le souci est louable, que le Gouvernement s'est engagé
à leur faciliter l'accès à la naturalisation en rationalisant la procédure et
en renforçant les effectifs des services concernés.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 119.
M. Robert Pagès.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Je prend acte de l'engagement de Mme le garde des sceaux de rendre la
procédure de naturalisation plus rapide, plus efficace, plus respectueuse du
devenir des personnes qui vivent chez nous, et je retire l'amendement n°
119.
M. le président.
L'amendement n° 119 est retiré.
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - Le 7° de l'article 21-19 du code civil est ainsi rédigé :
« 7° L'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application de la loi n°
52-893 du 25 juillet 1952 portant création d'un office français de protection
des réfugiés et apatrides. »
Sur cet article, je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 8 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 62 est déposé par M. Hyest et les membres du groupe de l'Union
centriste.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 8.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Dans sa rédaction initiale, l'article 6 avait pour simple
objet d'abroger une disposition rendue totalement inutile par la suppression de
la manifestation de volonté imposée par la loi de 1993.
L'Assemblée nationale a donc maintenu l'abrogation ; elle a toutefois adopté à
cet article un amendement tendant à compléter la liste des bénéficiaires de la
dispense de stage pour la naturalisation, en y ajoutant les étrangers « ayant
obtenu le statut de réfugié en application de la loi n° 52-893 du 25 juillet
1952 portant création d'un office français de protection des réfugiés et
apatrides ».
On permettrait donc aux réfugiés statutaires d'être naturalisés sans condition
de stage. Selon le rapport établi par M. Louis Mermaz, au nom de la commission
des lois de l'Assemblée nationale, cette disposition est justifiée par la
référence à l'esprit de l'article 34 de la Convention de Genève du 28 juillet
1951 sur les réfugiés.
Or, cet article prévoit seulement que « les Etats contractants faciliteront,
dans toute la mesure du possible, l'assimilation et la naturalisation des
régugiés. Ils s'efforceront notamment d'accélérer la procédure de
naturalisation et de réduire, dans toute la mesure du possible, les taxes et
les frais de cette procédure ».
La commission constate que cette Convention ne contraint aucunement la France
à supprimer toute condition de stage pour la naturalisation des réfugiés,
mesure peu opportune à une époque où le droit d'asile a donné lieu à de
nombreux abus et fait l'objet d'une extension de son acception dans le projet
de loi qui nous sera présenté la semaine prochaine par le ministre de
l'intérieur.
En conséquence, la commission propose au Sénat de maintenir l'article 21-19 du
code civil dans sa rédaction actuelle en supprimant l'article 6 du présent
projet de loi.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 62.
M. Jean-Jacques Hyest.
Les arguments développés par M. le rapporteur sont aussi les nôtres.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 8 et 62 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est défavorable à la suppression d'un
article dont l'objet est de faciliter la naturalisation des réfugiés en les
dispensant de la condition de stage.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 8 et 62.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Je tiens à souligner que l'article 6, tel qu'il a été voté par l'Assemblée
nationale - article dont on conçoit bien la finalité, puisqu'il s'agit
d'étrangers ayant obtenu la reconnaissance du statut de réfugiés - n'enlève
rien à l'administration s'agissant de son pouvoir d'appréciation en matière de
naturalisation.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 8 et 62, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 6 est supprimé.
Article 6
bis
M. le président.
« Art. 6
bis
. - I. - Le 3° de l'article 21-26 du code civil est ainsi
rédigé :
« 3° La présence hors de France, en temps de paix comme en temps de guerre,
dans une formation régulière de l'armée française ou au titre des obligations
prévues par le livre II du code du service national ; ».
« II. - Avant le dernier alinéa du même article, il est inséré un 4°, ainsi
rédigé :
« 4° Le séjour hors de France en qualité de volontaire du service national.
»
Sur l'article, la parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je souhaiterais que Mme la garde des sceaux m'indique à quelle nécessité
répond l'article 6
bis
. Un jeune incorporé sous les drapeaux devient en
effet, conformément aux dispositions de l'article 3 du présent projet de loi
nécessairement Français, de même que le volontaire du service national. Je ne
vois donc pas ce qui motive l'introduction d'une telle disposition.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Il s'agit d'une simple coordination technique.
M. Jean-Jacques Hyest.
Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
C'est une disposition de coordination rendue nécessaire
par l'adoption de la loi sur le service national, qui est intervenue après son
vote par l'Assemblée nationale.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6 bis
.
(L'article 6
bis
est adopté.)
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - I. - Au premier alinéa de l'article 21-27 du code civil, les mots
: « Sous réserve des dispositions prévues aux articles 21-7, 21-8 et 22-1. »,
sont supprimés.
« II. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables à l'enfant
mineur susceptible d'acquérir la nationalité française en application des
articles 21-7, 21-11, 21-12 et 22-1. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 9 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 63 rectifié est déposé par M. Hyest et les membres du groupe
de l'Union centriste.
L'amendement n° 100 est présenté par M. Plasait et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants.
Tous trois tendent à supprimer l'article 7.
Par amendement n° 120, MM. Duffour, Pagès, Derian, Mme Beaudeau, M. Bécart,
Mmes Bidard-Reydet, Borvo, MM. Fischer, Lefebvre, Mme Luc, MM. Minetti, Ralite,
Renar, Mme Terrade et M. Vergès, proposent, après le paragraphe I de l'article
7, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ...- Après les mots : "acte de terrorisme", la fin du premier
alinéa du même article est supprimée. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 9.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission n'a pas jugé nécessaire de modifier l'article
21-27 du code civil relatif aux cas d'empêchement de l'acquisition de la
nationalité française dès lors qu'il est apparu suffisamment explicite que les
condamnations prononcées alors que l'intéressé était encore mineur ne font pas
obstacle à l'acquisition de cette nationalité.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 63 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je me range aux arguments de la commission.
M. le président.
La parole est à M. de Bourgoing, pour défendre l'amendement n° 100.
M. Philippe de Bourgoing.
Je me range également aux arguments de la commission.
M. le président.
La parole est à M. Duffour, pour défendre l'amendement n° 120.
M. Michel Duffour.
C'est une voix tout à fait différente que je veux faire entendre sur ce
point.
Madame le ministre, j'ai bien entendu votre explication, à propos d'un
amendement, rappelant que vous étiez vraiment étrangère à tout laxisme et que
votre langage était de fermeté par rapport à certains agissements. Notre
raisonnement est identique au vôtre.
Nous restons tout de même très interrogatifs sur la portée générale des
incriminations visées par la disposition de l'article 21-27 du code civil
concernant certaines condamnations.
Ainsi, nous sommes très sensibles à la remarque qui a été faite par la
commission nationale consultative des droits de l'homme dans son avis sur le
projet de loi que nous examinons, avis dont je veux citer un extrait.
« Recommande, eu égard au principe d'égalité entre les classes d'âge ainsi
qu'au droit au respect de la vie privée et familiale - article 8 de la
convention européenne des droits de l'homme - que seraient exclues des
dispositions du dernier alinéa de l'article 16 du projet de loi, les personnes
condamnées à une peine supérieure à six mois d'emprisonnement et que, plus
généralement, cette disposition soit supprimée de l'article 21-27 du code
civil. »
Cette remarque va dans notre sens.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 120 ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission ne peut qu'être défavorable à cet amendement
dont les auteurs entendent supprimer tous les cas d'empêchement liés à des
condamnations à des peines supérieures à six mois d'emprisonnement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 9, 63
rectifié et 100, ainsi que sur l'amendement n° 120 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Bien évidemment, le Gouvernement est défavorable aux
amendements identiques tendant à supprimer l'article 7.
Il est également défavorable à l'amendement n° 120, car il souhaite maintenir
l'impossibilité pour les majeurs d'acquérir la nationalité française après une
condamnation supérieur à six mois d'emprisonnement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 9, 63 rectifié et 100,
repoussés par le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 7 est supprimé et l'amendement n° 120 n'a plus
d'objet.
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - L'article 22-1 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 22-1. -
L'enfant mineur, légitime, naturel, ou ayant fait
l'objet d'une adoption plénière, dont l'un des deux parents acquiert la
nationalité française devient Français de plein droit s'il a la même résidence
habituelle que ce parent ou s'il réside alternativement avec ce parent dans le
cas de séparation ou divorce.
« Les dispositions du présent article ne sont applicables à l'enfant d'une
personne qui acquiert la nationalité française par décision de l'autorité
publique ou par déclaration de nationalité que si son nom est mentionné dans le
décret de naturalisation ou dans la déclaration. »
Sur cet article, je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Par amendement n° 10, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« Dans l'article 22-1 du code civil, les mots : "ou naturel " sont
remplacés par les mots : ", naturel ou ayant fait l'objet d'une adoption
plénière". »
Par amendement n° 121, MM. Duffour, Pagès, Derian, Mme Beaudeau, M. Bécart,
Mmes Bidard-Reydet, Borvo, MM. Fischer, Lefebvre, Mme Luc,MM. Minetti, Ralite,
Renar, Mme Terrade et M. Vergèsproposent :
« I. - Dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 8 pour l'article
22-1 du code civil, de supprimer les mots : "s'il a la même résidence
habituelle que ce parent ".
« II. - Le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 8 pour l'article
22-1 du code civil est supprimé. »
Par amendement n° 64, M. Hyest propose, après les mots : « que ce parent » de
supprimer la fin du premier alinéa du texte présenté par l'article 8 pour
l'article 22-1 du code civil.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 10.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
L'article 8 vise à étendre l'effet collectif de l'acquisition
de la nationalité française prévu par l'article 22-1 du code civil à l'enfant
mineur ayant fait l'objet d'une adoption plénière dont l'un des parents
acquiert la nationalité française à condition qu'il ait la même résidence
habituelle que ce parent.
L'Assemblée nationale a ajouté à cet article un amendement qui tend à préciser
que l'effet collectif de l'acquisition de la nationalité bénéficie à l'enfant
mineur qui, dit-elle, réside alternativement avec le parent qui acquiert la
nationalité française dans le cas de séparation ou de divorce.
Cependant, M. le professeur Lagarde, devant la commission des lois, a estimé
que la notion de garde alternée n'était pas reconnue dans le code civil et
qu'il serait sans doute hasardeux de la consacrer au détour d'un texte sur la
nationalité.
En revanche, la commission ne voit pas d'objection à étendre l'effet collectif
de l'acquisition de la nationalité aux enfants mineurs ayant fait l'objet d'une
adoption plénière. Elle vous propose donc d'adopter un amendement tendant à ce
seul objet.
M. le président.
La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 121.
M. Robert Pagès.
L'article 8 du projet de loi est relatif à l'acquisition de la nationalité
française par l'enfant mineur dont l'un des parents acquiert cette
nationalité.
Avant 1993, c'était l'article 84 du code de la nationalité qui précisait
clairement, sans condition ni restriction, que « l'enfant mineur de dix-huit
ans, légitime, naturel ou ayant fait l'objet d'une adoption plénière, dont l'un
des parents acquiert la nationalité française, devient Français de plein droit
».
En 1993, la droite a restreint cette acquisition de plein droit en y ajoutant
deux conditions, à savoir, premièrement, « sous réserve que son nom soit
mentionné dans le décret de naturalisation ou dans la déclaration de
nationalité » et, deuxièmement, si l'enfant « a la même résidence habituelle
que les parents ».
A l'époque, par la voix de M. Félix Leyzour, nous avions demandé la
suppression de ces ajouts afin de maintenir en l'état l'article 84.
Avec la rédaction issue de la loi de 1993, nous sommes passés d'un système
d'automaticité à un système soumis à conditions.
Ainsi, avant, il y avait présomption de nationalité française pour ces enfants
mineurs et on est passé d'une simple présomption à une règle de fond qui
conditionne la mise en oeuvre de l'effet collectif.
Que se passe-t-il en pratique ?
De nombreux parents, mal informés, oublient simplement de mentionner le nom de
leur enfant dans les documents officiels.
Les conséquences sont graves pour les enfants, car du fait de cette ignorance
ou de cette erreur, dans une même famille, des enfants deviennent français et
d'autres non.
Le mineur resté étranger continue à être soumis à l'obligation de visa et de
détention de « document de séjour » pour ses voyages à l'étranger, à la
différence de ses frères et soeurs.
Cette situation n'est pas logique.
Je regrette que le présent projet de loi ne modifie pas en profondeur
l'article 22-1 du code civil afin de revenir à la rédaction qui prévalait avant
1993, système qui avait bien fonctionné.
J'ajoute que l'avis rendu par la commission nationale consultative des droits
de l'homme va dans ce sens puisqu'elle demande, dans sa proposition n° 3 « que
la réserve prévue à l'article 22-1 soit supprimée ».
Nous proposons donc, par notre amendement, de nettoyer quelque peu la loi de
1993 afin de retenir que « l'enfant mineur, légitime, naturel ou ayant fait
l'objet d'une adoption plénière, dont l'un des deux parents acquiert la
nationalité française, devient français de plein droit ».
M. le président.
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 64.
M. Jean-Jacques Hyest.
En fait, bien que le texte du Gouvernement soit différent de la rédaction de
1993, il intègre pratiquement l'adoption plénière ; c'est ce que propose
également la commission.
Ce qui m'avait inquiété, moi aussi, à la suite des observations du professeur
Lagarde, c'est la notion de résidence alternative, et donc de garde
alternative. Cette notion n'est pas retenue par le code civil. La section III
du chapitre III du titre VI intitulée « Du divorce » dispose que le juge peut
confier l'autorité parentale à un seul parent. D'ailleurs, la jurisprudence
précise - c'est un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation
- que le juge ne peut confier la garde des enfants communs alternativement au
père et à la mère et ajoute - c'est une décision de la cour d'appel de Lyon de
1993 - qu'il ne peut non plus admettre la résidence alternée des enfants.
Telles sont les raisons pour lesquelles il est préférable de renoncer dans le
code civil à de telles innovations.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 121 et 64 ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
S'agissant de l'amendement n° 121, la commission a émis un
avis nettement défavorable. En effet, il vise à supprimer la condition de
résidence habituelle avec le parent, ce qui permettrait à des enfants nés à
l'étranger et vivant à l'étranger d'acquérir la nationalité française en même
temps que l'un de leurs parents vivant en France.
M. Jean-Jacques Hyest.
Eh oui !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Quant à l'amendement n° 64, il est satisfait par l'amendement
de la commission.
M. le président.
Monsieur Hyest, l'amendement n° 64 est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Hyest.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 64 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 10 et 121 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
D'abord, il est incontestable qu'il faut une
assimilation entre adoption plénière et enfant légitime.
M. Jean-Jacques Hyest.
Oui !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi assure
cette assimilation. Toutefois, ce que propose la commission, sous couvert de
cette assimilation, qui est donc déjà inscrite dans le texte, c'est en réalité
de revenir au dispositif de la loi de 1993, ce que je ne peux accepter. C'est
pourquoi j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 10.
S'agissant de l'amendement n° 121, le Gouvernement n'y est pas favorable non
plus. En effet, il vise à supprimer la condition de résidence habituelle, dès
lors que l'on prévoit l'acquisition de la nationalité française par l'un des
parents et que cette acquisition a un effet collectif sur les enfants mineurs.
Il tend aussi à supprimer l'exigence de la mention du nom des enfants mineurs
dans le décret de naturalisation ou dans la déclaration leur permettant de
bénéficier de l'effet collectif.
Je ne suis, bien sûr, pas insensible aux préoccupations des auteurs de
l'amendement, mais je crois que ces suppressions présenteraient plus
d'inconvénients que d'avantages. C'est la raison pour laquelle je n'y suis pas
favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 8 est ainsi rédigé et l'amendement n° 121 n'a plus
d'objet.
Article 9
M. le président.
« Art. 9. - I. - Au premier alinéa de l'article 26 du code civil, les mots :
", sous réserve des dispositions de l'article 21-9,", sont
supprimés.
« II. - Le dernier alinéa de l'article 26-3 du code civil est ainsi rédigé
:
« Le délai est porté à un an pour les déclarations souscrites en vertu de
l'article 21-2. »
« III. - Au premier alinéa de l'article 26-4 du code civil, les mots : ",
ou de la pièce consignant la manifestation de volonté prévue à l'article
21-9" sont supprimés.
« IV. - Le second alinéa de l'article 26-5 du code civil est supprimé. »
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 11 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 65 est déposé par M. Hyest et les membres du groupe de l'Union
centriste.
L'amendement n° 101 est présenté par M. Plasait et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants.
Tous trois tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 11.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de suppression, qui répond à un
simple souci de coordination avec la suppression de l'article 1er.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 65.
M. Jean-Jacques Hyest.
Même argumentation !
M. le président.
La parole est à M. de Bourgoing, pour présenter l'amendement n° 101.
M. Philippe de Bourgoing.
Même argumentation également !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 11, 65 et
101 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 11, 65 et 101, repoussés par
le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 9 est supprimé.
Article additionnel après l'article 9
M. le président.
Par amendement n° 122, MM. Duffour, Pagès, Dérian, Mme Beaudeau, M. Bécart,
Mmes Bidard-Reydet, Borvo, MM. Fischer, Lefebvre, Mme Luc, MM. Minetti, Ralite,
Renar, Mme Terrade et M. Vergès proposent d'insérer, après l'article 9, un
article additionnel ainsi rédigé :
« La seconde phrase du second alinéa de l'article 26-4 du code civil est
supprimée. »
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Nous avons déjà abordé ce débat à propos des mariages mixtes. Nous souhaitons
y revenir. Il s'agit d'une question importante. On ne peut, à partir de cas
particuliers, déduire une règle plus générale. Nous demandons la suppression de
la seconde phrase du second alinéa de l'article 26-4 du code civil, que je n'ai
pas sous les yeux en cet instant. Toutefois, si la jeunesse française avait
connaissance de cette phrase dans sa rédaction actuelle, le projet de loi
serait accueilli très défavorablement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
En application de l'article 26-4 actuellement en
vigueur, la fraude est présumée en matière d'acquisition de la nationalité par
le mariage lorsque les époux ont cessé de vivre ensemble dans l'année qui suit
l'enregistrement de leur déclaration.
J'ai déjà dit que le Gouvernement souhaite accueillir largement dans la
nationalité française les conjoints étrangers de Français, car le lien affectif
avec la France est patent. C'est la raison pour laquelle je suis favorable à la
réduction à une année de la durée du mariage nécessaire à l'acquisition de la
nationalité.
Dans le même temps, il faut maintenir les moyens qui sont offerts au ministère
public pour contrôler la régularité de ces acquisitions, car nous devons lutter
contre la fraude. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur
cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 122.
M. Michel Duffour.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Je tiens à préciser ma pensée. La phrase à laquelle j'ai fait référence est la
suivante : « La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les
douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue constitue une
présomption de fraude. » Elle ne pourrait être accueillie par des millions de
jeunes couples, que comme quelque chose d'assez anachronique.
Dernièrement, chacun souriait en voyant ce qui se passe dans l'Etat de
Louisiane : on fait promettre aux couples qui vont se marier de ne pas divorcer
au cours de la prochaine période, ce qui semble très éloigné de nos pratiques
présentes. Or ce type de référence nous y ramène quelque peu. Selon moi, il
aurait tout de même été bon que dans un texte comme celui dont nous discutons
cela n'y figurât pas.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 122, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Section 2
Dispositions modifiant les règles d'attribution
de la nationalité française
Article 10
M. le président.
« Art. 10. - L'article 19-1 du code civil est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Toutefois, il sera réputé n'avoir jamais été français si, au cours de sa
minorité, la nationalité étrangère acquise ou possédée par l'un de ses parents
vient à lui être transmise. »
Par l'amendement n° 79, Mme Dusseau, MM. Baylet et Collin proposent de
supprimer cet article.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Il s'agissait d'un amendement de cohérence avec notre demande de retour à la
loi de 1973. Par conséquent, je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 79 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
M. le président.
« Art. 11. - Au second alinéa de l'article 20-5 du code civil, les mots :
"des articles 21-7 et suivants" sont remplacés par les mots :
"de l'article 21-11 ci-après". »
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 66 est déposé par M. Hyest et les membres du groupe de l'Union
centriste.
L'amendement n° 102 est présenté par M. Plasait et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants.
Tous trois tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 12.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination avec la suppression
de l'article 1er.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 66.
M. Jean-Jacques Hyest.
Même argumentation !
M. le président.
La parole est à M. de Bourgoing, pour présenter l'amendement n° 102.
M. Philippe de Bourgoing.
Même argumentation également !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 12, 66 et
102 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 12, 66 et 102, repoussés par
le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 11 est supprimé.
Article 11
bis
M. le président.
« Art. 11
bis
. - Après l'article 21-25 du code civil, il est inséré un
article 21-25-1 ainsi rédigé :
«
Art. 21-25-1
. - La réponse de l'autorité publique à une demande
d'acquisition de la nationalité française par naturalisation doit intervenir
dix-huit mois au plus tard après la date à laquelle a été délivré au demandeur
le récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à la
constitution d'un dossier complet.
« Ce délai peut être prolongé une seule fois de trois mois par décision
motivée. »
Sur cet article, la parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
L'inspiration qui sous-tend l'article 11
bis
est excellente. Il est en
effet très souhaitable que l'autorité publique se prononce dans un délai de
dix-huit mois sur une demande de naturalisation.
Cependant, je voudrais attirer l'attention du Gouvernement sur les grandes
difficultés pratiques qu'entraînerait la mise en oeuvre d'une telle mesure.
Tout d'abord, les dossiers traînent terriblement dans les préfectures. Une
enquête effectuée par la CFDT démontre qu'une demande est traitée, dans le
meilleur des cas, par les préfectures dans un délai de huit mois. Mais le
demandeur peut attendre, dans le département du Nord, par exemple, près d'un an
et demi pour obtenir un rendez-vous et déposer sa demande de naturalisation et
un an et demi pour la constitution du dossier en préfecture, ce qui fait trois
ans. Par ailleurs, au service de naturalisation à Nantes, le délai actuel entre
le moment où le dossier est transmis et celui où il commence à être étudié
atteint onze mois.
La suspicion jetée sur les étrangers en France a entraîné une augmentation
considérable des demandes de naturalisation. L'étranger souhaite être
naturalisé par adhésion à un pays mais aussi pour se protéger. La demande de
naturalisation pour se protéger est devenue importante en France, d'où une
forte augmentation du nombre de dossiers.
Le stock de dossiers actuellement à la sous-direction des naturalisations est
de près de 59 000. Le nombre de dossiers clôturés au cours des dix premiers
mois a atteint près de 50 000. Dans de telles conditions, avec un personnel
réduit, il devient vraiment très difficile de répondre à cette demande pourtant
légitime et il serait utile d'introduire cette disposition dans la loi. Je
demande donc au Gouvernement s'il est prêt à engager les moyens nécessaires
pour permettre à l'administration de répondre à cette exigence nouvelle.
M. le président.
Sur l'article 11
bis
, je suis saisi de trois amendements qui peuvent
faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 67 est déposé par M. Hyest.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
L'amendement n° 81, présenté par Mme Dusseau, MM. Baylet et Collin, vise à
rédiger comme suit le texte proposé par l'article 11
bis
pour l'article
21-25-1 à insérer dans le code civil :
«
Art. 21-25-1. -
Le ministre chargé des naturalisations est tenu de
statuer sur la demande de naturalisation ou de réintégration dans un délai d'un
an à compter de la délivrance du récépissé prévu à l'avant-dernier alinéa de
l'article 37 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 13.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Le dépassement éventuel du délai prévu par cet article n'est
nullement sanctionné ; il n'a aucun effet. Le professeur Lagarde, que nous
avons entendu en commission, comme je l'ai rappelé tout à l'heure, a estimé
qu'il ne serait guère concevable que le dépassement du délai entraîne de droit
la naturalisation.
Les délais d'instruction actuels sont évidemment excessifs mais, de notre
point de vue, il n'est pas souhaitable d'inscrire dans la loi une limite qui
pourrait ne pas être respectée.
M. le président.
L'amendement n° 67 est-il soutenu ?...
La parole est à Mme Dusseau, pour défendre l'amendement n° 81.
Mme Joëlle Dusseau.
Dans le même souci que Mme Cerisier-ben Guiga, je considère que le ministre
chargé des naturalisations devrait statuer dans un délai raisonnable sur la
demande de naturalisation ou de réintégration.
Actuellement, les délais sont considérables. C'est vraiment un parcours du
combattant que de réussir à déposer le dossier puis de le voir aboutir.
Dans un souci d'efficacité et d'intégration, il ne faut pas que des lourdeurs
administratives excessives retardent les naturalisations.
Par conséquent, un délai d'un an me paraît raisonnable. Tel est l'objet de
l'amendement n° 81.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 81 ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Des myriades de textes que nous votons ici sont totalement
inapplicables. Il est inutile d'en ajouter !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 13 et 81 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne suis pas favorable à la suppression de cet
article.
A l'Assemblée nationale, je ne me suis pas opposée à l'insertion d'un délai
dès lors qu'il n'emporterait pas, en cas de non-respect, un droit automatique à
la naturalisation. J'ai souligné devant les députés que la véritable réponse au
problème de la durée excessive du traitement des dossiers résidait dans le
renforcement des effectifs de la sous-direction des naturalisations. Or, Mme
Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, s'est engagée en ce
sens, notamment en créant vingt postes supplémentaires dès l'année
prochaine.
C'est la raison pour laquelle nous pouvons garder ce délai de dix-huit mois,
qui constitue un engagement sous-tendu par des mesures effectives prises par le
Gouvernement. Mais il ne serait à mon avis pas raisonnable d'abaisser ce délai
de dix-huit mois à un an.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 11
bis
est supprimé et l'amendement n° 81 n'a
plus d'objet.
Section 3
Dispositions modifiant les règles de preuve
de la nationalité française
Article 12
M. le président.
« Art. 12. - Le second alinéa de l'article 28 du code civil est ainsi rédigé :
« Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de
nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette
nationalité. »
Sur l'article, la parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Cette mesure est évidemment excellente et ne peut qu'améliorer la situation.
Je rappellerai que toutes les personnes d'ascendance étrangère ou les Français
ayant un passé d'état civil à l'étranger font l'objet, en matière de
nationalité, d'une suspicion dans les mairies, dans les préfectures et même
dans les caisses d'assurance maladie et d'assurances sociales.
J'attire vraiment l'attention du ministre de la justice sur la nécessité de
donner des instructions très fermes, qui ne laissent pas place au doute. En
effet, dès qu'on laisse place au doute, tous les fonctionnaires de guichet,
sans exception, se comportent en saints Thomas.
Il faut que l'on parvienne à faire disparaître le climat de suspicion qui
règne et qui conduit d'ailleurs l'Etat à dépenser un argent fou : en effet, le
service central de l'état civil établi à Nantes fonctionnerait dans des
conditions correctes, compte tenu du personnel dont il dispose, si les
fonctionnaires du ministère de la justice, du ministère de l'intérieur et
l'ensemble des employés de mairie respectaient les textes. Or, tel n'est pas le
cas, puisque, en matière de preuve de nationalité, les textes sont outrepassés
de façon systématique.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Madame le sénateur, l'article 12 a justement pour
objet, en facilitant, dès la première délivrance d'un certificat de
nationalité, l'inscription de la nationalité française dans les documents
d'état civil, d'éviter ces demandes multiples et le double inconvénient que
vous venez de souligner à juste titre.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
Article 13
M. le président.
« Art. 13. - L'article 28-1 du code civil est ainsi rédigé :
«
Art. 28-1. -
Les mentions relatives à la nationalité prévues à
l'article précédent sont portées sur les copies des actes de naissance ou des
actes dressés pour en tenir lieu.
« Ces mentions sont également portées sur les extraits des actes de naissance
ou sur le livret de famille à la demande des intéressés. Toutefois, la mention
de la perte, de la déclination, de la déchéance, de l'opposition à
l'acquisition de la nationalité française, du retrait du décret de
naturalisation ou de réintégration ou de la décision judiciaire ayant constaté
l'extranéité est portée d'office sur les extraits des actes de naissance et sur
le livret de famille lorsqu'une personne ayant antérieurement acquis cette
nationalité, ou s'étant vu ou reconnaître judiciairement celle-ci, ou délivrer
un certificat de nationalité française a demandé qu'il en soit fait mention sur
lesdits documents. » -
(Adopté.)
Articles additionnels après l'article 13
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 43, Mme Dusseau, MM. Baylet et Collin proposent d'insérer,
après l'article 13, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 31-3 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité doit
intervenir six mois au plus après la date à laquelle a été délivré au demandeur
le récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à
l'établissement du certificat. L'absence de réponse pendant ce délai vaut
acceptation de délivrance et le juge d'instance est alors tenu à remettre le
certificat de nationalité française au demandeur. »
Par amendement n° 124, MM. Dufour, Pagès, Derian, et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 13, un
article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 31-3 du code civil est complété par deux alinéas ainsi rédigés
:
« Le greffier en chef est tenu de remettre un récépissé daté au demandeur de
certificat de nationalité à réception de l'ensemble des pièces nécessaires à la
preuve de la nationalité française, dont la liste sera fixée par décret.
« La décision de refus de délivrance de certificat de nationalité française
doit être motivée et intervenir six mois au plus tard après la date de
délivrance du récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à
la preuve de la nationalité française. L'absence de réponse pendant ce délai
vaut acceptation de délivrance et le juge d'instance est alors tenu de délivrer
le certificat de nationalité au demandeur. »
La parole est à Mme Dusseau, pour présenter l'amendement n° 43.
Mme Joëlle Dusseau.
Dans le même sens que mon amendement précédent, l'amendement n° 43 vise à ce
que la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité
intervienne six mois au plus après la date à laquelle a été délivré au
demandeur le récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à
l'établissement du certificat. L'absence de réponse dans les six mois vaudrait
acceptation de délivrance.
M. le président.
La parole est à M. Pagès, pour présenter l'amendement n° 124.
M. Robert Pagès.
L'amendement n° 124 a un objet semblable à celui de l'amendement n° 43,
puisqu'il vise à encadrer la délivrance des certificats de nationalité.
En premier lieu, il prévoit la remise au demandeur d'un récépissé daté à
réception de l'ensemble des pièces nécessaires à la preuve de la nationalité
française.
En second lieu, il prévoit un délai de réponse dans les six mois au plus tard
à partir de la délivrance du récépissé constatant la remise de toutes les
pièces nécessaires à la preuve de la nationalité française. L'absence de
réponse pendant ce délai vaut acceptation de délivrance, et le juge d'instance
est alors tenu de délivrer le certificat de nationalité au demandeur.
Si le projet de loi envisage de faciliter la preuve de la nationalité, en
précisant que la toute première délivrance de certificat de nationalité
française sera mentionnée en marge de l'acte de naissance, il n'est pas
inutile, toutefois, de fixer un délai pour l'obtention desdits certificats.
Le fait de faciliter la preuve de la nationalité aura pour conséquence, d'une
part, de simplifier les démarches administratives et, d'autre part, de réduire
les demandes de certificats de nationalité. A terme, cette diminution probable
du nombre des demandes de certificats devrait permettre l'instauration d'un
délai raisonnable, comme celui que nous proposons.
A l'heure actuelle, malheureusement, la pratique conduit à des délais qui ne
peuvent nous satisfaire. Ainsi, dans 50 % des cas, selon les chiffres du
ministère de la justice, les délais de réponse sont d'au moins un an, voire de
deux ans.
Il faut remédier à cet état de fait, qui peut avoir des conséquences fâcheuses
sur la situation des personnes concernées.
L'amendement n° 124, en visant à instituer un délai de réponse de six mois, se
rapproche de la tradition de notre administration ; son adoption simplifierait
les relations entre l'administration et les usagers.
Bien entendu, pour espérer parvenir à des délais raisonnables, il faudrait,
compte tenu de la surcharge de travail de l'administration, que des moyens
supplémentaires soient mis en place.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 43 et 124 ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Dans un souci de cohérence avec la position adoptée à
l'article 11
bis
, la commission est défavorable à l'un et à l'autre de
ces amendements.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne peux pas être favorable à ces amendements. Je
vais expliquer pourquoi, car cette question est très importante.
Le traitement d'une demande de certificat de nationalité française est le
fruit d'une collaboration entre l'administration et celui qui demande la
nationalité française. L'intéressé n'a pas toujours les connaissances
nécessaires pour expliquer l'origine de sa nationalité, ni d'ailleurs souvent
les moyens de se procurer lui-même les pièces utiles à la démonstration de la
nationalité française.
C'est la raison pour laquelle le greffier en chef qui est saisi d'une demande
de certificat de nationalité doit parfois rechercher lui-même les pièces et les
renseignements auprès des diverses administrations. Il doit aussi procéder
souvent à des vérifications, en particulier auprès des services d'état civil
étrangers. Dans ces cas, la rapidité de l'enquête ne dépend même pas des
autorités françaises.
Le système proposé dans ces deux amendements risquerait donc de demeurer
lettre morte, puisqu'il vise à instituer un récépissé remis après délivrance
par l'intéressé de l'intégralité des pièces nécessaires, que celui-ci est
souvent dans l'incapacité de se procurer par lui-même.
On pourrait même craindre qu'un tel dispositif ne conduise le greffier en
chef, pressé de se prononcer par un délai, à refuser la délivrance du
certificat de nationalité française, le temps nécessaire à la réunion des
preuves lui ayant manqué.
Par ailleurs, sur le plan juridique, la proposition paraît incompatible avec
le régime du certificat de nationalité française, qui exige de préciser le
texte en vertu duquel l'intéressé a la qualité de Français ainsi que les
documents qui ont permis d'établir le certificat.
C'est pourquoi autant les intentions sont louables, autant un tel dispositif
risquerait, me semble-t-il, d'avoir l'effet contraire à celui qui est
recherché. Par conséquent, le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à ces
deux amendements.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 43.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel et d'administration générale.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
On constate une inspiration commune
entre l'amendement concernant la naturalisation, auquel vous avez dit tout à
l'heure être favorable, madame le garde des sceaux, et celui-là.
Il ne faut pas semer des illusions, et vous avez donc raison d'être
défavorable à l'amendement n° 43.
Néanmoins, en acceptant l'autre amendement, vous laissez croire que les
difficultés pourront être réglées en dix-huit mois. Or, vous savez très bien
que ce n'est pas exact, tout au moins en l'état actuel des textes. Mais nous
pouvons tous espérer que cela le deviendra un jour !
On a dit que c'est un droit sans sanction. Attention, c'est un droit que vous
venez d'établir ! Il n'y a pas de sanction administrative. Toutefois, imaginez
qu'il y ait un contentieux de l'indemnité, ce qui n'est pas du tout impossible
: une personne ayant déposé sa demande de naturalisation demandera une
indemnité après que dix-huit mois ou plus se seront écoulés. Nous nous
trouverons alors dans la situation qui est la nôtre, s'agissant du
fonctionnement de la justice, puisque celle-ci est quelquefois - nous le
regrettons tous - sanctionnée pour lenteur abusive par la Cour européenne.
Il convient donc de faire attention à ne pas inscrire dans les textes des
dispositions dont on sait qu'elles ne seront pas applicables, à moins que vous
ne découvriez tout d'un coup les moyens merveilleux de les faire
appliquer...
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le président de la commission, la
naturalisation n'est pas un droit ; elle est un honneur ; mais il ne dépend que
de la diligence des services administratifs français de la délivrer.
Par conséquent, compte tenu des engagements précis de créer des postes, pris
par ma collègue ministre de l'emploi et de la solidarité, dont c'est la
responsabilité,...
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Engagements auxquels vous croyez
!
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Absolument !
... j'ai cru pouvoir accepter ce délai, sans toutefois, bien entendu, lui
attacher une sanction, ainsi que je l'ai indiqué tout à l'heure.
Pour le reste, j'ai indiqué pourquoi, en raison des multiples aléas, y compris
de la nécessité de recueillir des éléments auprès de services administratifs
étrangers, il paraissait très difficile de prendre des engagements sur le
raccourcissement des délais.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je ne voterai pas cet amendement, qui prévoit une disposition irréaliste. Dans
la plupart des tribunaux de rattachement des Français à l'étranger, nous
attendons la délivrance d'un certificat de nationalité française pendant deux
ans, trois ans, voire quatre ans ! Dans l'état actuel de l'administration et
des greffes des tribunaux d'instance, le respect d'un délai de six mois est
malheureusement irréaliste.
Je voudrais néanmoins indiquer à Mme la ministre que les tribunaux des greffes
d'instance, faute de qualification et par souci de se protéger au maximum de
tout risque d'erreur, demandent des pièces absurdes. Je reçois tous les jours
des courriers à ce sujet : ainsi, par exemple, on demande au premier Français
d'une famille, pour lui délivrer son certificat de nationalité française,
l'acte de mariage de ses grands-parents paternels et maternels ! A quoi cela
ressemble-t-il ?
Quinze pièces différentes au minimum, sont exigées pour le moindre certificat
de nationalité française ! C'est de la folie furieuse ! Tant que l'on n'aura
pas mis fin à cela, tant que l'on n'aura pas décidé de simplifier la délivrance
des certificats de nationalité française et que l'on n'aura pas réglementé les
pièces destinées à établir la preuve de la nationalité, on ne sortira pas de
cette situation !
M. Robert Pagès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Madame la ministre, je comprends bien que, s'il manque des pièces, on ne peut
pas exiger un délai de six mois. Mais notre amendement n'est pas aussi farfelu
! Le délai de six mois que nous proposons ne court qu'à partir de la
présentation de l'ensemble des pièces nécessaires, ce qui est tout de même
différent. Dans ce cas, le dossier est complet, il n'y a plus de pièces à
rassembler ! Attendre plus de six mois, dans ces conditions, n'est pas
acceptable.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je voudrais dire à M. Pagès et à Mme Cerisier-Ben Guiga
que je suis particulièrement sensible - j'ai été alertée sur ce point avant
même ce débat - à la très grande complexité d'obtention des certificats de
nationalité. Je le suis d'autant plus que, étant née moi-même au Maroc, je sais
que des personnes de ma famille ont dû subir ce parcours du combattant que
décrivait Mme Cerisier-Ben Guiga.
Il est vrai que l'on ne peut pas dresser une liste précise des pièces
nécessaires puisque chaque cas est un cas particulier. Mais je vais rappeler
aux procureurs et aux greffiers en chef qu'ils doivent faire le maximum pour
simplifier la compilation de ces pièces, de façon à éviter toute redondance en
la matière. Je prends l'engagement de demander cet effort.
M. Jacques Habert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Le délai de six mois demandé par Mme Dusseau ne paraît pas réaliste, mais nous
devons la remercier d'avoir attiré l'attention du Gouvernement sur les
invraisemblables retards qui existent dans la délivrance des certificats de
nationalité.
M. Pagès prévoit, lui aussi, un délai de six mois, mais ce délai court à
compter du moment où toutes les pièces sont déposées, ce qui est plus
raisonnable.
Néanmoins, madame la ministre, je tiens à souligner qu'il s'agit d'une
question très grave pour tous les Français à l'étranger, comme l'a dit
précédemment l'un d'entre nous. En effet, ils doivent attendre deux, trois ou
quatre ans avant qu'un certificat de nationalité leur soit délivré, et la
demande de pièces ne cesse pas.
Nous vous serions, par conséquent, infiniment reconnaissants de bien vouloir
demander à vos services de ne pas exiger des pièces qui sont manifestement
inutiles, car il suffit, par exemple, que l'un des parents ait la nationalité
française pour qu'il puisse la transmettre à ses enfants, ce qui fait que l'on
ne devrait plus avoir à se soucier de la nationalité de l'autre parent.
Pourtant, on demande encore des renseignements sur toute la généalogie, sur
toute l'ascendance, ce qui est tout à fait inutile.
Si vous pouviez diminuer le nombre des pièces exigées à cette occasion, de
façon à réduire considérablement les délais, nous vous en serions, je le
répète, reconnaissants.
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Je crois que deux problèmes différents se posent.
Le premier tient au nombre et à la complexité des pièces à produire. A ce
sujet, Mme la ministre dit qu'il sera fait en sorte que la procédure soit plus
rapide et moins complexe.
M. Robert Pagès.
C'est bien !
Mme Joëlle Dusseau.
Nous sommes, bien entendu, d'accord sur ce point.
Le second problème se pose quand toutes les pièces ont été déposées - je dis
bien toutes - et qu'il n'y a pas à réécrire encore à la personne pour signaler
que je ne sais quel certificat visant l'arrière-grand-mère manque. Le dossier
est alors vraiment complet.
Or, monsieur Habert, c'est bien ce qui est écrit dans notre amendement, qui
ressemble d'ailleurs beaucoup à celui de M. Pagès. Permettez-moi d'en redonner
lecture : « La décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité
doit intervenir six mois au plus tard après la date à laquelle a été délivré au
demandeur le récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à
l'établissement du certificat. »
Ainsi, non seulement toutes les pièces auront été remises, mais le demandeur
aura reçu un récépissé. L'administration aura manifesté ainsi que le dossier
était complet et que toutes les pièces avaient bien été remises, au terme
d'innombrables allers et retours, car il manque toujours une pièce.
Très franchement, à partir du moment où le dossier est complet, il faut que,
dans un délai raisonnable - et six mois, cela ne me paraît pas excessif, vu les
mois et les années qu'il a fallu pour constituer le dossier - il puisse y avoir
effectivement remise du certificat de nationalité.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 124, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 113, MM. Durand-Chastel, Habert et Maman proposent
d'insérer, après l'article 13, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa de l'article 30-3 du code civil, après les mots :
"si lui-même et celui de ses père et mère", sont insérés les mots :
"ou de ses grand-père et grand-mère". »
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Il s'agit d'un amendement de corrélation avec l'amendement n° 112 rectifié que
vient d'adopter le Sénat afin de modifier l'article 21-14 du code civil.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Dans la mesure où il s'agit d'une corrélation, la commission
y est favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Dans la mesure où il s'agit d'une corrélation, le
Gouvernement y est défavorable !
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 113, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 13.
Section 4
Dispositions modifiant les règles de perte
de la nationalité française
Article 14 A
M. le président.
« Art. 14 A. - L'article 20-4 du code civil est ainsi rédigé :
«
Art. 20-4.
- Le Français qui contracte un engagement dans les armées
françaises perd la faculté de répudiation. »
Par amendement n° 14, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Cet amendement tend à supprimer l'article 14 A, introduit par
voie d'amendement à l'Assemblée nationale.
La commission des lois estime que la participation aux opérations de
recensement en vue du service national traduit suffisamment clairement la
volonté d'adhésion à la communauté nationale. Il n'y a pas lieu de prévoir le
maintien de la faculté de répudiation.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne suis pas favorable à cet amendement, parce qu'il
ne tire pas les conséquences de l'abaissement de l'âge du recensement de
dix-sept à seize ans dans le service national rénové.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 14 A est supprimé.
Articles 14 B, 14, 14
bis
et 14
ter
M. le président.
« Art. 14 B. - L'article 23-2 du code civil est ainsi rédigé :
«
Art. 23-2.
- Les Français de moins de trente-cinq ans ne peuvent
souscrire la déclaration prévue aux articles 23 et 23-1 ci-dessus que s'ils
sont en règle avec les obligations du livre II du code du service national. » -
(Adopté.)
« Art. 14. - L'article 23-3 du code civil est ainsi rédigé :
«
Art. 23-3.
- Perd la nationalité française le Français qui exerce la
faculté de répudier cette qualité dans les cas prévus aux articles 18-1, 19-4
et 22-3. » -
(Adopté.)
« Art. 14
bis.
- Le dernier alinéa de l'article 23-5 du code civil est
ainsi rédigé :
« Toutefois, les Français âgés de moins de trente-cinq ans ne pourront exercer
cette faculté de répudiation que s'ils sont en règle avec les obligations
prévues au livre II du code du service national. » -
(Adopté.)
« Art. 14
ter.
- Dans le premier alinéa de l'article 24-2 du code
civil, les mots : ", alors qu'elles étaient françaises d'origine, ont
perdu leur nationalité" sont remplacés par les mots : "ont perdu la
nationalité française". » -
(Adopté.)
Article 14
quater
M. le président.
« Art. 14
quater.
- I. - Le premier alinéa de l'article 25 du code
civil est complété par les mots : ", sauf si la déchéance a pour résultat
de le rendre apatride".
« II. - Le 5° du même article est abrogé. »
Par amendement n° 15, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Cet article, introduit à l'Assemblée nationale sur
l'initiative du Gouvernement, tend à interdire toute mesure de déchéance de la
nationalité française qui ferait de l'intéressé un apatride.
Il tend aussi à abroger la possibilité de déchoir de la nationalité française
une personne condamnée à une peine d'au moins cinq ans d'emprisonnement.
Mme le garde des sceaux, devant l'Assemblée nationale, a justifié ces deux
modifications par un souci de conformité avec des conventions internationales.
Or la première, à savoir la convention des Nations unies du 30 août 1961, n'a
pas été ratifiée par la France ; quant à la seconde, la convention du Conseil
de l'Europe du 6 novembre 1997 sur la nationalité, elle n'a pas encore, et pour
cause, été signée par la France.
Aussi la commission ne juge-t-elle pas fondée de modifier le régime actuel de
la déchéance.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement n'est pas favorable à cette
proposition, qui vise à supprimer une disposition du projet de loi dont la
finalité est de réduire les risques d'apatridie.
Cet amendement irait à l'encontre à la fois de la convention des Nations unies
de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie et de la convention du Conseil de
l'Europe sur la nationalité, ouverte à la signature des Etats membres depuis le
7 novembre dernier.
Je précise à l'intention de M. Bonnet que, la France ayant l'intention de
signer et de ratifier ces deux conventions, elle souhaite, par conséquent, s'y
conformer.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 14
quater
est supprimé.
Articles additionnels avant l'article 15 A
M. le président.
Par amendement n° 1, M. Caldaguès propose d'insérer, avant l'article 15 A, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Nul ne peut se prévaloir d'un statut civil attaché à une nationalité
antérieure ou coexistante si ce statut est contraire à des dispositions de la
loi française. »
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Cet amendement vise, en fait, les cas de polygamie, qu'il faut prendre au
sérieux.
(Mme Dusseau rit.)
Je parle de la polygamie institutionnelle, afin d'éviter les plaisanteries un
peu faciles qui pourraient être faites à ce sujet. Il s'agit en effet d'un
sujet sérieux, parce qu'il y a un très grand écart - comme cela arrive souvent,
d'ailleurs - entre les certitudes des détenteurs de l'autorité et la situation
sur le terrain.
C'est ainsi, madame le ministre, que vous avez déclaré, à l'ouverture de la
discussion générale, que la polygamie est contraire à l'ordre public français
et qu'elle est traitée et réprimée comme telle. Il va de soi que, disant cela,
vous étiez de bonne foi puisque vous avez tout simplement rappelé une
disposition du droit français.
Malheureusement, nous constatons très souvent des cas de polygamie
effective...
Mme Joëlle Dusseau.
Oui : 10 000 cas, alors que la France compte 60 millions d'habitants !
M. le président.
Madame Dusseau, laissez M. Caldaguès s'exprimer !
M. Michel Caldaguès.
Nous savons parfaitement qu'ils sont nombreux. Si une enquête sérieuse était
menée à ce sujet...
Mme Joëlle Dusseau.
Elle l'a été !
M. Michel Caldaguès.
... elle remettrait en cause un certain nombre de certitudes.
Je vais satisfaire la curiosité de Mme Dusseau, car j'ai des documents très
précis.
Mme Joëlle Dusseau.
Moi aussi !
M. Michel Caldaguès.
Mon amendement a pour objet de répondre à des situations tout à fait
choquantes.
Il n'existe aucune raison pour que des étrangers se livrent en France à des
pratiques contraires à l'ordre public, au sens où nous l'entendons, mais je
vise plus précisément des cas de polygamie concernant des citoyens français,
car cela existe. A ceux qui ne le croiraient pas, je précise en effet que je
dispose de documents à en-tête de la République française qui décrivent de
telles situations, sans s'en formaliser au demeurant.
J'ai, par exemple, un document de l'Office des migrations internationales, que
j'ai déjà cité lors de la discussion générale.
J'en ai un autre, au moins aussi intéressant, qui relate un cas à Paris -
parmi un certain nombre d'autres que je n'ai pas recensés - qui est tout à fait
édifiant. Lorsque j'ai eu connaissance de la situation en cause, j'ai fait
immédiatement procéder par le service social de la mairie du Ier arrondissement
à une enquête familiale, dont j'ai ici le résultat. Je ne citerai pas de noms
en séance publiques car j'incline à penser qu'une telle enquête sociale est
couverte par le secret professionnel, mais je les ai sous les yeux.
Cette fiche relate la situation familiale d'un chef de famille d'origine
étrangère mais de nationalité française qui a une première épouse elle aussi de
nationalité française et dont les enfants sont au nombre de six, puis une
deuxième épouse qui n'est pas de nationalité française mais qui a également six
enfants ; quant à la troisième épouse, dont je connais l'existence car j'ai
étudié ce dossier de près, elle n'est pas mentionnée dans le document parce
qu'elle n'était sans doute pas présente au foyer familial lorsque cette enquête
a été menée. Mais j'ai toutes les précisions.
M. le président.
Mon cher collègue, il vous reste trente secondes pour conclure !
M. Michel Caldaguès.
Je dois reconnaître que c'est impossible, monsieur le président. Je serai donc
obligé d'y revenir, parce qu'il s'agit d'une affaire qui est, à mon avis,
grave, et pour laquelle il faut produire des documents. J'étais en train de les
produire, mais j'abrège.
En quelques mots, la situation polygamique de la famille intéressée résulte
d'un statut étranger précédent et l'évolution de notre jurisprudence établit la
reconnaissance de cette situation par le droit français.
Permettez-moi de lire rapidement, monsieur le président, un extrait du traité
de Batifol et Lagarde - on a beaucoup cité le professeur Lagarde : « La bigamie
est-elle un délit pour celui dont la loi personnelle que nous déclarons
applicable à son état admet la polygamie ? Il a été longtemps répondu
affirmativement au vu de la jurisprudence. Mais les décisions récentes ont
donné à penser que la conciliation des attitudes impliquait le principe de la
consultation de la loi civile étrangère. Cette position, qui ne présuppose pas,
comme on le lui a opposé, l'application d'une loi pénale étrangère permissive,
a l'avantage de mettre à l'abri de la qualification de la loi pénale française
un comportement que la règle française de conflit de lois prescrit de tenir
pour régulier. »
Pour simplifier, cela signifie que la jurisprudence avalise la licéité, en
France, d'une situation cependant contraire à l'ordre public.
L'objet de mon amendement est tout simplement de corriger cet état de choses,
qui me paraît singulièrement choquant. Franchement, si l'on ne combat pas la
polygamie à Paris dans une famille dont le chef de famille est français, quelle
polygamie va-t-on combattre en France ?
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission aimerait entendre d'abord l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Bien entendu, il s'agit là, monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, d'un sujet très important.
La polygamie est en effet contraire à l'ordre public français et notre droit
la prohibe de la façon la plus nette. Tous les Français, y compris ceux qui ont
par ailleurs une autre nationalité, sont soumis aux règles du code civil pour
ce qui concerne leur statut personnel et il ne peut pas y être dérogé puisque
c'est une disposition qui touche à l'ordre public.
S'agissant des exemples que vous avez pris, monsieur le sénateur, je
rappellerai que la polygamie est expressément prohibée par l'article 147 du
code civil et que le ministère public se doit de requérir l'annulation des
mariages contractés en violation de cette règle par les Français.
Dans tous les cas, quand le Gouvernement se réserve un pouvoir d'appréciation
sur l'accès à la nationalité française, il exige des postulants un statut
compatible avec le nôtre. Ainsi, aux termes de l'article 21-24 du code civil,
nul ne peut être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation à la
communauté française, ce qui exclut les polygames, comme il a d'ailleurs été
rappelé dans un arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 juin 1994.
Quant à l'acquisition de la nationalité française par mariage d'un polygame
avec une Française, elle est impossible, car un tel mariage est nul.
Reste la situation des jeunes. Je ne vois pas comment une telle hypothèse
pourrait se produire. Il faudrait en effet imaginer qu'un jeune de dix-huit ans
qui a grandi en France soit déjà marié plusieurs fois avant sa majorité, alors
que les unions polygames ne peuvent pas être célébrées sur le territoire
national.
Bien entendu, comme c'est le cas chaque fois que notre droit prohibe un
comportement - en l'espèce, il le fait de la façon la plus nette - il y a des
tentatives de fraude qui génèrent des contentieux.
Nous sommes là dans la définition du droit. L'amendement proposé est inutile
au regard des dispositions de notre droit, mais, bien entendu, il faut, sur la
base de notre droit, rendre plus efficaces, dans la pratique, la répression et
la dénonciation de la polygamie.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission avait estimé qu'il serait bon, après avoir
entendu Mme le ministre, de s'en remettre à la sagesse du Sénat.
S'il est évident que la position du Gouvernement est ferme, il est non moins
évident qu'il y a des dérives du type de celles qui viennent d'être dénoncées
par M. Caldaguès.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
La polygamie coutumière est une pratique habituelle de certaines ethnies
d'Afrique noire extrêmement précises, bien connues et d'ailleurs bien étudiées
par les ethnologues.
L'une de ces ethnies, que je ne citerai pas, a effectivement une petite
immigration en France, numériquement très faible. Cette ethnie, bien connue, a
fait l'objet, comme d'ailleurs l'ensemble des immigrés ou des enfants
d'immigrés en France, d'un certain nombre d'études sociologiques et
statistiques très précises.
La meilleure enquête sur ce sujet - elle porte non pas précisément sur la
polygamie, mais sur les différentes situations des immigrés face au mariage ou
à la famille - est celle de Michèle Tribalat, qui est une des plus grandes
démographes françaises. Cette enquête, qui a duré quatre ans, a été publiée en
1996, si mes souvenirs sont bons.
Le chiffre avancé d'une polygamie illégale coutumière - je dis bien «
coutumière » - est d'environ 10 000.
Cela dit, Mme la ministre a parfaitement répondu à l'auteur de l'amendement.
En France, la polygamie légale est interdite. Mais il existe, bien sûr, une
polygamie illégale, et je ne suis pas sûre qu'elle ne concerne que l'ethnie
dont je tais le nom et qui, visiblement, alimente vos propos.
Tout le débat sur la polygamie - on l'a également vu en des moments assez
étonnants lors des deux discussions qui ont eu lieu ici sur la loi Debré - est
surtout intéressant par le témoignage qu'il donne du regard qu'une couche
sociologique bien particulière, à savoir les parlementaires, porte sur la
société de son temps, en particulier sur des gens qui, effectivement, sur le
plan social, sur le plan des revenus financiers, sur le plan culturel, sur le
plan du vocabulaire, sont souvent extrêmement éloignés d'elle et au premier
rang desquels figurent notamment les immigrés.
Je vous assure, mes chers collègues, que le jugement que l'historien peut
porter sur cette lecture, cette appréciation du parlementaire n'est pas
vraiment à la gloire dudit parlementaire !
M. le président.
Madame Dusseau, je vous prie d'éviter de mettre en cause, même par des
allusions plus ou moins ironiques, un certain nombre de collègues.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Je n'ai strictement rien compris à ce qu'a dit Mme Dusseau, mais j'ai très
bien compris, pour l'avoir écoutée très attentivement, ce qu'a dit Mme le garde
des sceaux !
Il est tout de même très troublant, madame le garde des sceaux, que vous ayez
assuré qu'aux yeux du Gouvernement il était impossible qu'existât une situation
dont je viens de donner la preuve de l'existence ! J'espère en effet qu'on
voudra bien considérer comme une preuve un rapport d'un service social
solennellement certifié par le maire dont dépend ce service social.
Il se pose pour le moins un problème, et si la conclusion du Gouvernement est
que, le problème ne se posant pas, l'amendement n'a pas d'utilité, je rétorque
à cela que, le problème se posant, l'amendement a donc bien une utilité.
Pour montrer à quel point l'ordre public est bafoué, je tiens à donner très
rapidement lecture du compte rendu, paru dans un journal très sérieux il y a
quelques mois, d'une réunion qui s'est tenue à l'UNESCO à Paris, le 20 mars
dernier, sur le thème du « devenir de la famille sahélienne en Ile-de-France
».
Je cite cet article : « Des femmes accusent les hommes d'utiliser - cela se
passe en France, je le rappelle - l'argent des allocations familiales et le
salaire d'une épouse pour en acheter une autre... "Nos polygames gagnent
leur deuxième femme à la sueur du travail de la première !" ironise une
Africaine, sous les applaudissements des autres femmes. » Elles sont
apparemment plus susceptibles, sur le sujet, que Mme Dusseau !
Je continue la lecture de l'article : « Des hommes, de leur côté, se plaignent
que leurs épouses ne leur obéissent plus comme en Afrique. Les lois françaises
leur sont trop favorables », disent-ils. Je le dis ici à ceux qui sont attachés
aux droits de la femme !
Je poursuis : « Certains racontent comment ils ont découvert par hasard au
pays qu'une de leurs épouses avait acheté une maison "avec l'argent des
allocations familiales qu'elles prétendaient vouloir gérer". »
Mes chers collègues, ces exemples établissent très clairement que l'ordre
public, si bien défendu par les dispositions qu'a évoquées Mme le garde des
sceaux, est gravement menacé. C'est pourquoi je vous demande instamment
d'adopter mon amendement, qui énonce simplement : « Nul ne peut se prévaloir
d'un statut civil attaché à une nationalité antérieure ou coexistante si ce
statut est contraire à des dispositions de la loi française. »
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 15 A.
Par amendement n° 16, M. Bonnet, au nom de la commission, propose d'insérer,
avant l'article 15 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« Est tenue pour établie la nationalité française d'origine du descendant né
en France d'une personne elle-même née sur le territoire des départements du
Haut-Rhin, du Bas-Rhin ou de la Moselle avant le 11 novembre 1918. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Cet amendement a pour origine une préoccupation de nos
excellents collègues Daniel Hoeffel et André Bohl.
Il s'agit d'insérer dans le projet de loi un article additionnel qui concerne
le problème particulier de la preuve de la nationalité française auquel sont
souvent confrontés les habitants d'Alsace et de Moselle.
Le Gouvernement, je le sais, pense que, là encore, les textes suffisent. Mais
des hommes aussi sérieux que nos collègues MM. Hoeffel et Bohl, qui ne sont pas
des plaisantins, nous affirment qu'il y a encore des cas de refus.
Telle est la raison d'être de l'amendement n° 16.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je me suis préoccupée de ce problème. S'il se
présentait des cas, cela soulèverait un vrai problème ; or, mes services me
disent qu'ils n'en ont jamais eu connaissance. Par conséquent, mon opinion est,
en effet, que le dispositif existant suffit pour répondre aux inquiétudes dont
il a été fait état.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Je ferai simplement observer que les
Journaux officiels
regorgent de questions écrites de parlementaires sur le sujet qui nous
préoccupe, ce qui prouve bien l'existence du problème.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 16.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je me contenterai de lire un témoignage. C'est beaucoup plus simple et cela
montre bien que le problème n'est pas réglé.
« Je suis né après 1918 en Moselle alors bien française, de parents à souche
sans faille mosellane, réintégrés de plein droit après quarante-huit ans de
nuit noire allemande. Je me pose la question. Suis-je français par le
jus
soli
(droit du sol), étant né en France, ou selon le
jus sanguinis
(droit du sang), étant issu de père et mère français ? Ou serais-je encore
citoyen de mon pays par mon engagement dans l'armée française en 1944, dont je
suis colonel ? Serais-je donc trois fois français, homme combien heureux ?...
Bien que né en France, il me fallait prouver que mon père était bien français.
Mesure combien vexatoire encore mal digérée. Autre ennui pour ceux nés sous
l'annexion de fait de 1940 en notre coin de Lorraine, juridiquement de droit
français, qui restent affublés du prénom allemand imposé par l'occupant... Est
imposée dans ce cas une procédure judiciaire pour rétablir la consonance
française par l'intermédiaire d'un avocat, d'où honoraires et nouvelle
vexation. Quand serons-nous vraiment français, malgré le sang versé pour la
France par nombre d'entre nous ? »
Je pense qu'il s'agit, madame le garde des sceaux, d'un certain nombre de
demandes qui sont formulées par les juridictions pour qu'il soit bien prouvé
que les parents étaient français, alors que l'Alsace-Moselle était sous
annexion allemande.
Je crois que le problème n'est pas réglé, et cette disposition me paraît
répondre tout à fait aux cas signalés par nos collègues d'Alsace-Moselle.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 15 A.
Par amendement n° 103, M. Plasait et les membres du groupe des Républicains et
Indépendants proposent d'insérer, avant l'article 15 A, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 23 de la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973
complétant et modifiant le code de la nationalité française et relative à
certaines dispositions concernant la nationalité française est complété par les
mots : "et ayant sa résidence habituelle en France au moment de
l'attribution de la nationalité française à son enfant". »
La parole est à M. de Bourgoing.
M. Philippe de Bourgoing.
Cet amendement a pour objet d'éviter les abus et de donner des gages
d'intégration. Il est en effet essentiel de poser la condition de la résidence
en France des parents et des enfants concernés.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Je souhaiterais que M. de Bourgoing acceptât de retirer son
amendement, comme l'a fait M. Hyest pour un amendement qui avait exactement le
même objet.
M. le président.
Monsieur de Bourgoing, acceptez-vous la suggestion de M. le rapporteur ?
M. Philippe de Bourgoing.
Je me rallie, bien sûr, à la proposition de M. le rapporteur et je retire cet
amendement.
M. le président.
L'amendement n° 103 est retiré.
Chapitre II
Dispositions diverses et transitoires
Article 15 A
M. le président.
« Article 15 A. - I. Au deuxième alinéa de l'article 23 de la loi n° 73-42 du
9 janvier 1973 complétant et modifiant le code de la nationalité française et
relative à certaines dispositions concernant la nationalité française, les mots
: "après le 31 décembre 1993" sont supprimés.
« II. - A la fin du même alinéa, les mots : "dès lors que ce parent
justifie d'une résidence régulière en France depuis cinq ans" sont
supprimés. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 17 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 68 est déposé par M. Hyest.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 17.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission des lois avait approuvé l'instauration d'une
condition de résidence régulière de cinq années en 1993 pour le parent né dans
un des anciens départements français d'Algérie pour l'attribution de la
nationalité française à son enfant né en France, estimant que celle-ci
répondait au souci d'une meilleure prise en considération de l'assimilation de
l'enfant à la communauté nationale. Elle ne souhaite pas aujourd'hui revenir
sur la position qu'elle avait prise à l'époque.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, pour présenter l'amendement n° 68.
M. Jean-Jacques Hyest.
Même argumentation !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 17 et 68
?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement n'est pas favorable à ces amendements.
Ils tendent, en effet, à revenir à la rédaction initiale de l'article 23 de la
loi du 9 janvier 1973, qui subordonne l'attribution de la nationalité
française, pour les enfants nés en France après le 31 décembre 1993 d'un parent
né avant le 3 juillet 1962 en Algérie, à la justification d'une résidence
régulière de ce dernier en France depuis cinq ans.
Je voudrais rappeler qu'à la différence des anciens territoires d'outre-mer
d'Afrique l'Algérie a bénéficié, jusqu'à son indépendance, d'un statut
particulier, puisqu'elle était française.
C'est pourquoi la condition supplémentaire introduite par la loi de 1993, mais
nullement préconisée par la commission Marceau Long, avait été ressentie comme
vexatoire et discriminatoire.
De surcroît, cette condition ne manquera pas, à terme, de poser des
difficultés de preuve insurmontable. En effet, l'enfant parvenu à l'âge adulte
devra prouver que son parent né en Algérie avant l'indépendance était en
situation régulière de séjour pendant les cinq années précédant sa
naissance.
Pour l'ensemble de ces raisons, je ne peux que m'opposer à ces amendements.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 17 et 68, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 15 A est supprimé.
Article 15 B
M. le président.
« Art. 15 B. - Les dossiers administratifs de nationalité sont communicables
selon les modalités prévues à l'article 6
bis
de la loi n° 78-753 du 17
juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre
l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif,
social et fiscal. »
Par amendement n° 18, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
L'article 15 B prévoit la communicabilité des dossiers
administratifs en matière de nationalité.
Or il se trouve que les dossiers administratifs de nationalité - ce qui avait
sans doute échappé à l'Assemblée nationale - sont d'ores et déjà communicables,
conformément à la loi de 1978, ainsi que l'a confirmé la jurisprudence récente
de la CADA, commission d'accès aux documents administratifs. On peut citer, en
particulier, une décision du 10 août 1996, Bertin-Soumare, ainsi qu'une
décision du 10 mars 1996, Kigan. Il est donc inutile de le préciser dans la
loi.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je suis défavorable à cet amendement. Au contraire, je
crois nécessaire d'apporter cette précision dans la mesure où, dans ce domaine,
ont été constatées en pratique de nombreuses difficultés.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 18.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Madame la garde des sceaux a tendance à dire chaque fois, « le projet de
loi... le projet de loi ».
L'article 15 A, par exemple, ne figurait pas dans le projet de loi initial
mais résulte d'un amendement de l'Assemblée nationale, à moins que les
amendements de l'Assemblée nationale n'aient été suggérés par le
Gouvernement...
Quand un texte est clair, pourquoi le répéter ? Ce sera toujours pour moi un
mystère qu'on fasse des textes sur des textes existants : en fin de compte, on
n'y comprend plus rien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 15 B est supprimé.
Article 15 C
M. le président.
« Art. 15 C. - Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une
demande de naturalisation ou de réintégration par décret ainsi qu'une
autorisation de perdre la nationalité française doit être motivée selon les
modalités prévues à l'article 3 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative
à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations
entre l'administration et le public. »
Par amendement n° 19, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Même argumentation que précédemment.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement n'est pas favorable à cet
amendement.
En effet, depuis la loi de 1993, l'administration a l'obligation de motiver.
Or il n'y a aucune raison de ne pas appliquer en matière de nationalité le
droit commun tel qu'il est fixé par la loi du 11 juillet 1979.
L'autorité administrative doit faire connaître les considérations de droit et
de fait qui ont guidé sa décision.
La loi de 1993 n'a pas précisé en quoi consistait cette motivation. Or
l'expérience a montré que l'administration ne s'estimait pas tenue par les
termes de la loi de 1979. L'Assemblée nationale a souhaité faire une référence
expresse à ce texte pour les décisions relatives à la naturalisation. Je me
suis déclarée favorable à cette disposition et je ne puis donc que m'opposer à
sa suppression.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Je voudrais préciser à Mme la ministre que l'article 27 du
code civil prévoit déjà la motivation des décisions administratives
défavorables en matière de nationalité.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 15 C est supprimé.
Article additionnel avant l'article 15
M. le président.
Par amendement n° 123 rectifié, MM. Duffour, Pagès, Dérian, Mme Beaudeau, M.
Bécart, Mmes Bidard-Reydet, Borvo, MM. Fischer, Lefebvre, Mme Luc, MM. Minetti,
Ralite, Renar, Mme Terrade et M. Vergès proposent d'insérer, avant l'article
15, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 32 du code civil, il est inséré un article additionnel ainsi
rédigé :
«
Art
. ... - Les personnes de nationalité française qui étaient
domiciliées au jour de son accession à l'indépendance sur le territoire d'un
Etat qui avait eu antérieurement le statut de territoire ou de département
d'outre-mer de la République française peuvent, à la condition d'avoir rétabli
au préalable leur domicile en France, être réintégrées, moyennant une
déclaration souscrite après autorisation du ministre chargé des
naturalisations.
« Celle-ci peut être refusée pour indignité ou défaut d'assimilation,
toutefois, l'autorisation ne sera pas exigée des personnes qui, antérieurement
à la date d'accession à l'indépendance du territoire où elles étaient
domiciliées, ont soit exercé des fonctions ou des mandats publics, soit
effectivement accompli des services militaires dans une unité de l'armée
française ou, en temps de guerre, contracté un engagement dans les armées
françaises ou alliées. »
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
J'ai déjà défendu cet amendement, monsieur le président.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Egalement défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 123 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 15
M. le président.
« Art. 15. - I. - Le second alinéa de l'article L. 15 du code du service
national est supprimé.
« II. - L'article L. 16 du code du service national est ainsi rédigé :
«
Art. L. 16
. - Les jeunes Français du sexe masculin qui avaient la
faculté de répudier ou de décliner la nationalité française et qui n'y ont pas
renoncé sont soumis, à l'expiration du délai dont ils disposent pour exercer
cette faculté, aux obligations prévues à l'article précédent.
« Toutefois, ils peuvent, sur leur demande, être inscrits sur les listes de
recensement avant cet âge ; ils perdent alors de ce fait la faculté de répudier
ou de décliner la nationalité française. »
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 20 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 69 est déposé par M. Hyest et les membres du groupe de l'Union
centriste.
L'amendement n° 104 est présenté par M. Plasait et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants.
Tous trois tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 20.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de conséquence.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 69.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je n'ai rien à ajouter à ce que vient de dire M. le rapporteur.
M. le président.
La parole est à M. de Bourgoing, pour défendre l'amendement n° 104.
M. Philippe de Bourgoing.
Même argumentation.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements identiques ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 20, 69 et 104, repoussés par
le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 15 est supprimé.
Article 15
bis
M. le président.
« Art. 15
bis
. - Sur présentation du livret de famille, il sera délivré
à tout mineur né en France, de parents étrangers titulaires d'un titre de
séjour, un titre d'identité républicain. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 21 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 72 est déposé par M. Hyest.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
Par l'amendement n° 110, Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Badinter, Allouche et
Autain, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent :
I. - A la fin de cet article 15
bis
, de remplacer le mot : «
républicain » par les mots : « destiné à justifier de son identité et à
faciliter son déplacement hors de France. »
II. - De compléter
in fine
cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les conditions et modalités de délivrance de ce titre sont fixées par décret
en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 21.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Cet amendement a trait au titre d'identité républicain. Cette
disposition, selon la commission des lois, relève plutôt du projet de loi
relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile,
dont nous aurons à débattre à partir de mercredi prochain. Il existe déjà des
documents de circulation qui facilitent le retour des mineurs étrangers sur le
territoire français après un déplacement hors de France.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 72.
M. Jean-Jacques Hyest.
Même argumentation.
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga, pour défendre l'amendement n° 110.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Nous estimons que l'adjonction de l'adjectif « républicain » au titre
d'identité donné à de jeunes étrangers qui ne sont pas français est absurde.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est paradoxal !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Nous souhaitons que cet adjectif soit supprimé et qu'il soit simplement
question d'un titre d'identité.
Bien sûr, il faudra que de telles dispositions puissent être applicables.
C'est pourquoi nous proposons d'ajouter l'alinéa suivant : « Les conditions et
modalités de délivrance de ce titre sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
»
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 110 ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Il découle de l'avis que nous avons émis sur l'amendement
précédent.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 21 et 72,
ainsi que sur l'amendement n° 110 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je suis défavorable aux amendements n°s 21 et 72, qui
visent à supprimer le titre d'identité.
Le titre d'identité ne peut pas être assimilable à un titre de séjour. Les
titres de séjour sont d'ailleurs délivrés à titre temporaire.
Je souhaite donc le maintien de l'article 15
bis
qui institue un
document d'accès facile, dont la durée de validité n'est pas limitée, qui
répond aux besoins quotidiens de ces jeunes et facilite leur intégration.
En revanche, je suis favorable à l'amendement n° 110. Je crois en effet
préférable, pour éviter toute ambiguïté, de ne pas qualifier de « républicain »
le nouveau titre d'identité institué pour les jeunes étrangers, même s'ils ont
vocation à devenir français.
Il est évidemment opportun de préciser l'objet de ce titre que nous devrons
rendre opératoire.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 21 et 72, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 15
bis
est supprimé et l'amendement n° 110
n'a plus d'objet.
Article 15
ter
M. le président.
« Art. 15
ter
. - L'article L. 40-1 du code du service national est
ainsi rédigé :
«
Art. L. 40-1.
Les personnes visées à l'article L. 17, qui, au moment
de l'acquisition de la nationalité française ou de l'établissement de celle-ci,
ont satisfait à leurs obligations du service national à l'égard d'un Etat
étranger dont ils étaient ressortissants, dans les conditions prévues par la
législation de cet Etat, sont considérées comme ayant satisfait aux obligations
imposées par le présent code. »
Par amendement n° 22, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'article
1er.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 15
ter
est supprimé.
Article 15
quater
M. le président.
« Art. 15
quater.
- I. - Le second alinéa de l'article L. 113-3 du code
du service national est ainsi rédigé :
« L'obligation du recensement, pour les personnes qui bénéficient de la
faculté de répudier ou de décliner la nationalité française en vertu des
articles 18-1, 19-4, 21-8 et 22-3 du code civil et qui n'y ont pas renoncé, est
reportée jusqu'à l'expiration du délai ouvert pour exercer cette faculté. »
« II. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A l'issue de ce délai, celles qui n'ont pas exercé la faculté de répudier ou
de décliner la nationalité française sont soumises, à compter de la date de
leur recensement, à l'obligation de participer à l'appel de préparation à la
défense. Elles sont alors convoquées dans les conditions fixées à l'article L.
114-4 par l'administration dans un délai de six mois. »
Par amendement n° 23, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Même logique.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 15
quater
est supprimé.
Article 16
M. le président.
« Art. 16. - Les manifestations de volonté souscrites en application de
l'article 21-7 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 93-933 du 22
juillet 1993 réformant le droit de la nationalité avant la date d'entrée en
vigueur de la présente loi, demeurent régies par les dispositions du code civil
applicables à la date de leur souscription. »
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 24 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 73 est déposé par M. Hyest et les membres du groupe de l'Union
centriste.
L'amendement n° 105 est présenté par M. Plasait et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants.
Tous trois tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 24.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Il n'y a pas de régime transitoire à partir du moment où nous
maintenons la loi de 1993.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, pour présenter l'amendement n° 73.
M. Jean-Jacques Hyest.
Même argumentation.
M. le président.
La parole est à M. de Bourgoing, pour défendre l'amendement n° 105.
M. Philippe de Bourgoing.
Même argumentation également.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 24, 73 et
105 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable, car nous avons un régime transitoire.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 24, 73 et 105, repoussés par
le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 16 est supprimé.
Article 17
M. le président.
« Art. 17. - Les personnes nées en France de parents étrangers qui, à la date
d'entrée en vigueur de la présente loi, sont âgées de plus de dix-huit ans et
de moins de vingt et un ans et ont leur résidence en France, acquièrent à cette
date la nationalité française si elles ont eu leur résidence habituelle en
France pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans, depuis
l'âge de onze ans, à moins qu'elles ne déclinent cette qualité dans le délai
d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, par déclaration
souscrite conformément aux articles 26 et suivants du code civil.
« Les personnes nées en France de parents étrangers qui, à la date de l'entrée
en vigueur de la présente loi, sont âgées de plus de dix-huit ans et de moins
de vingt et un ans et ont leur résidence en France, mais qui ne remplissent pas
la condition de résidence habituelle en France de cinq années prévues à
l'article 21-7 du code civil, pourront, lorsqu'elles rempliront cette condition
et au plus tard à l'âge de vingt et un ans, réclamer la nationalité française
par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants du code
civil.
« Les personnes nées en France de parents étrangers qui, à la date de l'entrée
en vigueur de la présente loi, sont âgées de plus de seize ans et de moins de
dix-huit ans et ont leur résidence en France, mais qui ne rempliront pas à leur
majorité la condition de résidence habituelle en France de cinq années prévues
à l'article 21-7 du code civil, pourront, lorsqu'elles rempliront cette
condition et au plus tard à l'âge de vingt et un ans, réclamer la nationalité
française par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants du
code civil.
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables à l'étranger
majeur qui a fait l'objet, pour des faits commis entre l'âge de dix-huit ans et
celui de vingt et un ans, de l'une des condamnations pénales prévues à
l'article 21-8 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 93-933 du 22
juillet 1993 précitée. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 25 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 74 est déposé par M. Hyest et les membres du groupe de l'Union
centriste.
L'amendement n° 106 est présenté par M. Plasait et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants.
Tous trois tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° 107, M. Plasait et les membres du groupe des Républicains et
Indépendants proposent, dans le premier alinéa de cet article, de supprimer les
mots : « ou discontinue ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 25.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Même logique de coordination.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 74.
M. Jean-Jacques Hyest.
Même logique.
M. le président.
La parole est à M. de Bourgoing, pour défendre les amendements n°s 106 et
107.
M. Philippe de Bourgoing.
Même logique également.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 25, 74 et
106, ainsi que sur l'amendement n° 107 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 25, 74 et 106, repoussés par
le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 17 est supprimé et l'amendement n° 107 n'a plus
d'objet.
Article 18
M. le président.
« Art. 18. - Les personnes nées en France de parents étrangers qui, à la date
de l'entrée en vigueur de la présente loi, sont âgées de plus de vingt et un
ans et qui n'ont pas souscrit la manifestation de volonté prévue à l'article
21-7 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 93-933 du 22 juillet
1993 précitée, conservent le bénéfice de la dispense de stage prévue au 7° de
l'article 21-19 du code civil dans sa rédaction issue de la même loi. »
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 26 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 75 est déposé par M. Hyest et les membres du groupe de l'Union
centriste.
L'amendement n° 108 est présenté par M. Plasait et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants.
Tous trois visent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 26.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Il s'agit du régime transitoire. La logique est la même que
pour l'amendement précédent.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, pour présenter l'amendement n° 75.
M. Jean-Jacques Hyest.
Même logique.
M. le président.
La parole est à M. de Bourgoing, pour défendre l'amendement n° 108.
M. Philippe de Bourgoing.
Même logique également.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 26, 75 et
108 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Même logique : avis défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 26, 75 et 108, repoussés par
le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence l'article 18 est supprimé.
Article additionnel après l'article 18
M. le président.
Par amendement n° 125 rectifié, MM. Duffour, Pagès, Derian, Mme Beaudeau, M.
Bécart, Mmes Bidard-Reydet, Borvo, MM. Fischer, Lefebvre, Mme Luc, MM. Minetti,
Ralite, Renar, Mme Terrade et M. Vergès proposent d'insérer, après l'article
18, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'avant-dernier alinéa de l'article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991
relative à l'aide juridique est ainsi rédigé :
« L'aide juridictionnelle est accordée sans condition de résidence aux
étrangers lorsqu'ils sont mineurs, témoins assistés, inculpés, prévenus,
accusés, condamnés ou partie civile, ainsi qu'aux personnes faisant l'objet de
l'une des procédures prévues aux articles 18
bis,
22
bis,
24, 35
bis
et 35
quater
de l'ordonnance n° 45-2568 du 2 novembre 1945
relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France et à
l'article 29 du code civil. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
L'article 3 de la loi du 10 juillet 1991 a pour objet d'accorder l'aide
juridictionnelle, sans condition de résidence, aux étrangers mineurs, témoins,
assistés, inculpés, prévenus, accusés, condamnés ou encore parties civiles,
ainsi qu'aux personnes faisant l'objet de l'une des procédures prévues aux
articles 18
bis,
22
bis,
35
bis
et 35
quater
de
l'ordonnance de 1945.
Nous proposons, par notre amendement, d'étendre l'attribution de l'aide
juridictionnelle aux personnes auxquelles un certificat de nationalité est
refusé et qui engagent une action déclarative de nationalité.
Cette action déclarative de nationalité constitue un acte important pour des
personnes qui disposent, le plus souvent, de revenus pour le moins modestes.
C'est tout le sens de notre amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission a considéré que cet amendement constituait un «
cavalier » et qu'il n'avait pas sa place dans un texte sur la nationalité.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je suis également défavorable à cet amendement même si
je comprends, au plan des principes, le souci de ses auteurs de rendre plus
effectif l'accès à la justice. En pratique, je crains cependant qu'une telle
disposition n'aboutisse à une multiplication de procédures abusives.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 125 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 19
M. le président.
« Art. 19. - La présente loi est applicable dans les territoires d'outre-mer
et dans la collectivité territoriale de Mayotte dans les conditions prévues au
chapitre VIII du titre Ier
bis
du livre Ier du code civil. »
Par amendement n° 27, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Cette disposition est tout à fait inutile dans la mesure où
une loi du 9 juillet 1970 a prévu que les textes relatifs à l'état des
personnes, donc à la nationalité, s'appliquaient de plein droit dans les
territoires d'outre-mer.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne suis pas favorable à cet amendement.
Evidemment, je partage l'analyse de M. Bonnet sur l'applicabilité de plein
droit outre-mer de ce type de textes. Cependant, l'objet de l'article 19 est
tout autre : il entend tenir compte du fait que, pour ces territoires, le code
civil prévoit des dispositions particulières en raison de la spécificité de
leur organisation juridique. C'est pourquoi il importe de préciser que la
nouvelle loi trouvera à s'appliquer dans les conditions de procédure propres à
ces territoires.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 27, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 19 est supprimé.
Article 20
M. le président.
« Art. 20. - Les dispositions de la présente loi entreront en vigueur le
premier jour du sixième mois suivant sa publication au
Journal officiel
de la République française. »
Par amendement n° 28, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Paradoxalement, on nous fait voter en urgence une loi dont on
nous dit que l'entrée en vigueur sera différée de six mois ! On imagine - ce
qui est flatteur pour nous, parlementaires - que nous sommes capables
d'expédier en deux jours un problème comme celui-là, alors qu'il faudra six
mois à l'administration pour en tirer les conséquences !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Cela peut paraître en effet paradoxal, mais de nombreux
textes réglementaires sont à prendre pour mettre en application cette loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 20 est supprimé.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà donc
arrivé le terme de cette discussion. Tel que le projet de loi va résulter des
travaux du Sénat, nous serons revenus simplement à la loi de 1993, à quelques
nuances près, imperceptibles, notamment sur la polygamie, qui est déjà
parfaitement illégale.
Si, pour leur part, les membres du groupe socialiste ont défendu le projet
adopté par l'Assemblée nationale et présenté par le Gouvernement, c'est pour
les raisons essentielles que j'ai déjà évoquées.
Cette position ne se justifie pas seulement parce qu'il s'agit d'un retour à
la tradition républicaine, parce que trois républiques ont considéré que
l'enfant né sur le sol de France, de parents étrangers et qui y a grandi, y
fait ses études et y est installé est voué à devenir français.
A cet égard, il suffira de lire les déclarations du professeur Lagarde lors de
son audition par la commission des lois. Selon lui, avant 1993, 5 % à 6 % des
jeunes seulement usaient de la possibilité de renoncer à la nationalité
française. En revanche, depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1993, certains
travaux, notamment ceux du professeur Hugues Fulchiron, révèlent que 15 % des
étrangers n'auraient pas été en mesure de manifester leur volonté par manque
d'information, des disparités très remarquables apparaissant non seulement
entre les différentes régions, mais aussi entre les villes et les campagnes.
Cela signifie que, après seulement quelques années d'application, la loi de
1993 a eu pour unique résultat de créer, contre leur gré, par défaut
d'information voire par négligence de l'administration - ce que l'on voudra ! -
des exclus de la nationalité française.
Hier, Mme le garde des sceaux a dit avec éloquence, et elle a eu raison, que
s'il y avait ne serait-ce qu'un seul enfant laissé au bord de la route, ce
serait déjà trop.
En vérité, je demande à la Haute Assemblée de s'interroger. Le problème le
plus important que connaît notre société à l'heure actuelle, c'est l'exclusion,
qu'elle soit économique ou sociale, voire les deux à la fois. C'est d'ailleurs
ce qui donne à certaines situations issues du chômage un caractère si
dramatique.
L'exclusion ne se confond pas avec le problème spécifique de l'immigration.
Mais, alors qu'il s'agit de réussir l'intégration, nous savons que, parmi ces
jeunes filles et ces jeunes gens qui sont issus de l'immigration et qui sont
nés sur notre territoire national, beaucoup souffriront de l'exclusion sociale.
Ils en pâtiront plus encore que ceux avec lesquels ils ont grandi et qui, eux,
ne subissent pas les mêmes handicaps. En effet, le plus souvent, les motifs de
l'exclusion du travail qui jouent à leur encontre demeurent inavoués !
Dès lors, tout ce qui peut contribuer à l'intégration de ces jeunes est
souhaitable ; nous devons tous le penser. Or l'intégration ne se réduit pas à
une sorte de certificat administratif qu'on délivrerait. Ce n'est pas en
remplissant un formulaire par nécessité que l'on s'intègre plus pleinement à la
communauté nationale ! On s'intègre par le coeur et par l'esprit. Il faut s'y
sentir convié, appelé jour après jour, non pas par la force des choses, mais
par la condition que la République fait à ceux qui sont appelés à devenir les
siens.
Certains membres du groupe socialiste éprouvent de la nostalgie, pourquoi le
dissimuler ? Nous aurions en effet souhaité, je l'ai dit ce matin, que l'on en
revienne au droit antérieur à la réforme de 1993, lequel permettait d'accorder,
dès la naissance, la nationalité française par déclaration des parents aux
enfants qui sont nés sur le territoire français, pourvu que les parents soient
régulièrement établis et justifient des conditions de domiciliation d'une durée
prouvant leur intégration.
Cependant, madame le garde des sceaux, nous vous félicitons d'avoir élaboré et
défendu ce projet de loi avec talent et conviction. Mais nous voterons contre
le texte tel qu'il a été modifié par le Sénat.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voterons
contre ce texte tel qu'il a été amendé par la majorité sénatoriale, car il est
vidé de sa substance.
Nous avons regretté les limites fixées par le projet initial, qui ne
permettent pas, selon nous, une dynamique suffisante pour une intégration de
tous les jeunes issus de l'immigration. Mais notre tradition républicaine,
celle que nous voulons prolonger, faite de tolérance, d'ouverture, de confiance
est terriblement éloignée des fantasmes d'invasion étrangère entendus ici.
Le projet de loi voté par l'Assemblée nationale, selon nous, ne pousse pas
jusqu'au bout une logique offensive. C'est dommage ! Il marque toutefois une
avancée significative par rapport à la législation de 1993, une législation
vécue comme une rupture, surtout dans la jeunesse, avec les valeurs de
tolérance développées non sans combat par ceux dont on parle encore aujourd'hui
avec fierté.
A l'Assemblée nationale, notre abstention était positive. Elle témoignait d'un
rejet des dispositions actuelles mais aussi d'un regret que le Gouvernement ne
soit pas allé suffisamment loin.
La droite sénatoriale a systématiquement pris le contrepied des propositions
du Gouvernement, et nous le regrettons. La majorité du Sénat soit s'inscrit
dans une stratégie politique et souffle sur les braises, soit ne sent
manifestement pas que les mots « intégration » et « citoyenneté » sont
antinomiques de ceux d'« exclusion » et de « repli sur soi ».
Nous sommes inquiets de la méconnaissance de la réalité de la jeunesse
d'aujourd'hui dont a fait preuve la droite sénatoriale. En ne prenant pas en
considération la citoyenneté de jeunes qui ont grandi sur notre sol, qui
parlent notre langue, qui n'en parlent pas d'autre, qui se sentent Français, en
leur contestant le droit à la nationalité, la droite est en décalage avec les
défis que, pourtant, nous aurons à relever ensemble.
Comment peut-on, dans cet hémicycle, affirmer qu'un jeune de dix-huit ans,
seize ans ou treize ans n'a pas à être membre à part entière de la collectivité
nationale alors que son lieu de naissance, la France, sa langue, le français,
son avenir en font un citoyen ?
La jeunesse d'aujourd'hui, celle de nos banlieues, connaît de grandes
difficultés : difficultés d'emploi, difficultés d'insertion, difficultés quant
aux repaires, quelle que soit l'origine des parents. Le danger serait
considérable de ne pas l'écouter par frilosité et en soutenant une
argumentation qui dépasse parfois les limites de l'acceptable.
Je pense que l'attitude qui a été choisie par la majorité sénatoriale est
dangereuse pour la France. En effet, si l'on vous écoutait, mes chers
collègues, notre pays se priverait de la richesse multiple que constitue cette
jeunesse.
Parce que nous voulons une France vivante, ouverte sur le monde, à son écoute
et non pas arc-boutée sur l'illusion d'une France forteresse à protéger à tout
prix, nous voterons contre le projet de loi tel qu'il a été modifié par la
droite sénatoriale. Nous aurions évidemment aimé une tout autre solution.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
La majorité sénatoriale, selon une habitude maintenant établie, a démantelé le
projet gouvernemental pour en faire adopter un autre. Je dis : « selon une
habitude maintenant établie », puisque ce fut le cas lors de la discussion des
projets de loi sur les emplois-jeunes ou sur la sécurité sociale et, bien sûr,
lors de l'examen du projet de budget, quand fut élaboré un véritable
contre-budget.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est normal !
Mme Joëlle Dusseau.
Ici, mes chers collègues, vous êtes revenus à la « loi Méhaignerie » de 1993
de manière organisée et systématique, et si je salue cette constance et cette
cohérence sénatoriales...
M. Jean-Jacques Hyest.
On n'est pas des girouettes !
Mme Joëlle Dusseau.
... je suis, bien entendu, totalement hostile au texte issu de nos travaux.
Qui en douterait ?
Toutefois, je suis, madame la ministre, très réservée également s'agissant du
texte gouvernemental, qui a été bien peu modifié par l'Assemblée nationale,
puisque le Gouvernement a refusé de tenir compte d'un certain nombre
d'amendements déposés soit par le groupe radical, citoyen et vert, soit par le
groupe communiste. Le Gouvernement a fait et maintenu le choix de ne pas
revenir à la loi de 1973.
Aucun des arguments qui ont été avancés pour justifier une telle position ne
m'a convaincue. Je ne vois pas pourquoi, madame la ministre, vous n'êtes pas
revenue à cette loi et pourquoi vous ne permettez pas aux parents de réclamer
la nationalité française pour leurs enfants dès la naissance. Ce système a bien
fonctionné pendant vingt ans, sans accroc, et vous n'y revenez pas. Ou plutôt,
si je vois bien ce qui a poussé idéologiquement la droite à revenir sur ce
dispositif en 1993, je n'accepte pas ce qui a amené la modification de la
position de la droite, et, bien sûr, de la position de la gauche.
Je m'inquiète de voir concrètement, au jour le jour, le législateur reculer
devant la montée de la xénophobie et du racisme. Certes, je le sais bien, il
baigne dans la société et il en reflète donc les obsessions et les phobies. Il
est d'ailleurs peu de sujets qui soient plus révélateurs de ces obsessions et
de ces phobies que ceux qui touchent à la famille et à la nationalité !
Aussi suis-je plus que réservée, madame la ministre, et le mot est faible. En
réalité, je suis extrêmement choquée, déçue et inquiète face au texte du
Gouvernement. Je tiens à marquer cette distance et ce regret. C'est pourquoi,
avec mes amis radicaux socialistes, et en dépit de la nature même du texte qui
sort de nos travaux, je m'abstiendrai.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Le groupe de l'Union centriste votera le texte tel qu'il résulte des travaux
du Sénat.
Il y a eu beaucoup d'excès de langage sur un certain nombre de travées. Comme
je l'avais dit au début de la discussion générale, c'est un procès permanent
que l'on nous fait : nous serions xénophobes, nous serions ceci, nous serions
cela. Je ne peux pas l'accepter, parce que, ce que nous avions voulu faire en
1993, et ce qui demeure important, c'est justement permettre à ces jeunes de
choisir. D'ailleurs, vous avez vous-même dû intégrer ce choix, madame le garde
des sceaux, puisque si l'acquisition est automatique à dix-huit ans, un choix
est possible à seize ans, et même à treize ans, par les parents, ce qui
démontre bien qu'en fait prendre l'initiative de vouloir être français est une
chose normale, mais cela s'arrête à un moment.
Franchement, de plus, c'est un peu dérisoire dans la mesure où, de toute
façon, les jeunes demanderont un certificat de nationalité française. Or, dans
la loi de 1993, on disait : « si vous demandez un certificat, cela vaut
déclaration ». C'est donc un débat totalement idéologique que je dénonce !
Qui plus est, il est beaucoup plus facile de dire que l'on veut faire des
citoyens et que l'on est généreux plutôt que de réaliser l'intégration au
quotidien. L'intégration au quotidien, cela ne dépend pas du texte que nous
allons voter, ni de celui qui a été voté par l'Assemblée nationale ; c'est une
volonté de toute la nation et à tous les niveaux, et cela demande beaucoup
d'efforts. Franchement, je préférerais que l'on discute bien de la loi sur
l'exclusion quand elle viendra devant nous plutôt que de se livrer à ces
comédies qui font croire que l'opposition n'est pas républicaine, ne croit pas
aux valeurs de la République, ce que je dénonce.
C'est pourquoi je voterai d'autant plus volontiers le texte tel qu'il résulte
des travaux de notre assemblée. Je commence a en avoir assez et même plus
qu'assez qu'on confonde des options qui sont valables avec un procès en
sorcellerie mené en permanence contre l'opposition nationale !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Le groupe du RPR votera, c'est évident, le texte issu de nos travaux. Il
suivra en cela les excellentes propositions de notre commission des lois. Il le
fera dans un esprit de continuité, puisque notre position consiste à maintenir,
pour l'essentiel, les dispositions de la loi de 1993.
Sur une matière aussi délicate que la nationalité, il ne faut pas changer la
loi à chaque instant. Bien sûr, la loi est toujours modifiable, mais à
condition que l'on puisse exercer contre elle, surtout dans ce domaine, des
critiques décisives. Or aucune critique convaincante n'a pu être portée contre
le dispositif de 1993, celui de l'acquisition de la nationalité par
déclaration.
Nous avons entendu certains arguments qui étaient hors sujet. Nous en avons
entendu d'autres qui relevaient de ces accusations en sorcellerie dont parlait
à l'instant M. Hyest. En effet, lorsqu'on était à court d'arguments contre
notre position, on passait aux attaques personnelles - nous en avons entendu et
subi un certain nombre qui sont inadmissibles.
Ainsi, accuser à la légère, c'est-à-dire à tort, qui que ce soit de racisme
dans ce pays, c'est grave si ces accusations ne sont pas fondées, car trop de
nos compatriotes ont souffert, et quelquefois abominablement, du racisme pour
qu'une telle accusation ne soit pas, lorsqu'elle est infondée, une incitation à
la haine entre Français qui est quelque chose d'extrêmement condamnable.
Par ailleurs, nous avons considéré - et cela a dicté dans une large mesure
notre position - que le monde évolue. Comme cela a été très bien dit, 1993
n'est pas 1973. La situation est essentiellement différente et, par conséquent,
la loi de 1993 est pleinement justifiée.
C'est pourquoi nous avons voulu la maintenir pour l'essentiel.
Enfin, le véritable clivage qui est apparu, lors de cette discussion, a été le
suivant : pour la gauche de cette assemblée, la nationalité peut être un moyen
d'intégration. Nous nous inscrivons en faux contre cette inversion des
facteurs. C'est l'intégration qui justifie l'obtention de la nationalité. Nous
devons être très vigilants sur ce sujet. C'est un clivage très grave qui
explique tout à lui seul.
Pour conclure, nous aurions préféré, s'il y avait lieu de légiférer de nouveau
sur la nationalité, que l'on recourût au référendum, et le Sénat s'était
clairement exprimé à ce sujet. Le bien-fondé de cette position a été contesté.
Cette contestation n'était pas fondée. Le président de la commission des lois,
Jacques Larché, et notre ami Patrice Gélard ont magistralement démontré que la
soumission au référendum du problème de la nationalité était parfaitement
compatible avec la Constitution. Je me souviens encore de la façon dont notre
ami Patrice Gélard a, en une seule phrase, résumé la question en disant : «
Relisez
le Contrat social
de Jean-Jacques Rousseau, il vous aidera à
comprendre la conformité avec la Constitution. »
Nous regrettons que le peuple français, qui a beaucoup à dire à ce sujet et
qui ne manque pas de s'exprimer chaque fois qu'il est consulté par sondage, ne
soit pas consulté par la voie démocratique sur un tel sujet. Cela n'a pas été
le cas. Quoi qu'il en soit, nous avons rempli notre devoir en confirmant que ce
que nous avions voté en 1993 nous paraissait bon pour la nation.
(M. Philippe de Gaulle applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Je voudrais d'abord relever le climat dans lequel notre discussion a pu se
dérouler. Il a été calme et apaisé, ce qui relativise, me semble-t-il, assez
sensiblement l'excès de fièvre que nous avons constaté dans cette enceinte
quelques jours avant Noël...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cette autocritique vous honore !
M. Henri de Raincourt.
... alors que la majorité de cette assemblée proposait, le plus simplement du
monde, de soumettre au référendum ce texte. Pourquoi ? Parce qu'il me semble
que la nationalité est un sujet essentiel qui fonde les relations entre les
citoyens dans notre République.
On ne peut pas, me semble-t-il, accepter que l'on modifie le code de la
nationalité au gré des alternances politiques, aussi légitime que soit le
résultat.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Qui a commencé ?
M. Henri de Raincourt.
C'est vraiment trop grave !
Monsieur Dreyfus-Schmidt, pour bien prendre en compte l'évolution de la
société, il est sans doute nécessaire de revoir les dispositions qui
s'appliquent en la matière, mais il ne faut pas le faire trop souvent. Nous,
nous sommes logiques avec nous-mêmes. Cette logique ressort des travaux du
Sénat, de la majorité qui a soutenu l'excellent travail accompli par la
commission des lois et par son rapporteur.
Nous considérons que la loi de 1993 n'avait pas à être modifiée en profondeur
et que, si certaines améliorations techniques devaient être apportées à la mise
en oeuvre de cette loi, on pouvait le faire d'une manière tout à fait simple et
l'on n'était pas obligé de délibérer en urgence. Nous sommes donc logiques avec
nous-mêmes.
Enfin, notre collègue M. Duffour me pardonnera de le lui dire avec tout le
respect et toute l'amitié que je lui porte : il n'y a pas, d'un côté de
l'hémicycle, les bons, qui sont favorables à l'intégration et, de l'autre, les
méchants, qui véhiculeraient un message porteur de racisme et de xénophobie. Ce
n'est pas exact et ce n'est pas acceptable.
Je crois que nous défendons tous un même idéal, même si nos approches sont
différentes et si la logique qui nous oppose ici n'est effectivement pas la
même.
Nous, nous considérons que la manifestation de la volonté est un acte
extrêmement positif qui contribue à une bonne intégration de ces jeunes qui
vont et qui veulent devenir Français et intégrer solennellement la communauté
nationale. D'autres ont une position différente, que nous respectons. Alors, de
grâce ! ne faisons pas, entre nous, de procès d'intention puisque nous avons,
me semble-t-il, le même souci de l'intérêt général.
Voilà ce que je voulais dire au nom de mon groupe, qui, naturellement, votera
le texte tel qu'il ressort des travaux du Sénat, et je remercie infiniment le
rapporteur de sa contribution.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, il
faut, nous en sommes tous d'accord, féliciter d'abord la commission des lois,
notamment son président, M. Jacques Larché, et son excellent rapporteur, M.
Christian Bonnet, qui est expert pour toutes ces questions de nationalité, du
bon travail accompli à partir du texte du Gouvernement.
Il y avait, à mon sens, de bonnes choses dans ce projet. La modération
relative dont il témoignait et le consensus qu'il a permis parfois ont
d'ailleurs suscité des critiques sur l'aile gauche de cet hémicycle, ce qui, à
nos yeux, montre qu'il n'est pas dépourvu d'un certain équilibre auquel nous
rendons hommage.
Cependant, en d'autres occasions, il s'écartait trop d'une loi que nous avons
votée ici, à une large majorité, et à laquelle le Sénat entend rester fidèle :
la loi de 1993. Il est vrai que, s'agissant de la plupart des dispositions,
nous avons souhaité y revenir, sans toutefois refuser certaines modifications
ni même certaines avancées.
Je voudrais en signaler une qui concerne les Français de l'étranger :
l'amendement présenté cet après-midi par MM. Durand-Chastel et Maman, qui donne
aux Français de l'étranger la possibilité de retrouver la nationalité française
qu'ils avaient parfois perdue, à la condition qu'ils aient gardé avec la France
des liens affectifs, familiaux, culturels ou économiques, et surtout - c'est le
sous-amendement dont j'ai pris l'initiative et qui a été adopté à l'unanimité
dans cette assemblée - qu'ils aient gardé l'usage et la connaissance de la
langue française. Cette disposition d'ailleurs, à mon avis, devrait être
généralisée dans notre code pour obtenir notre nationalité.
La défense de notre langue est essentielle, le Sénat y apporte toujours la
plus vive attention. Je vous demande, madame le garde des sceaux, de penser à
cette disposition et, bien que vous ayez émis dans un premier temps un avis
défavorable, d'examiner si, étant donné le vote unanime du Sénat - il y a eu
des abstentions, mais aucun vote contre - il ne serait pas bon de maintenir
dans le projet ces trois dispositions qui, non seulement correspondent au désir
profond des Français de l'étranger, mais aussi - ce qui me semble plus
important - sont favorables au rayonnement de la France à l'extérieur.
Je suis chargé par notre collègue M. Darniche de dire que, pour sa part, il
n'a pas accepté la déclaration d'urgence, qui lui a paru tout a fait inutile
sur un texte aussi important, qui exigeait un examen de fond.
En outre, à son avis, la commission des lois aurait dû maintenir des exigences
plus formelles quant à l'affirmation de la volonté de devenir Français.
Pour ces deux raisons, M. Darniche s'abstiendra au moment du scrutin.
En revanche, dans sa grande majorité, notre réunion administrative votera pour
le texte tel qu'il ressort des travaux du Sénat. Nous pensons qu'un accès
raisonnable, digne, bien organisé à la nationalité française soulignera
l'honneur que nous devons tous éprouver, à l'étranger comme en France, d'être
citoyens français.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, au terme de ce débat et à cette heure je serai brève.
Permettez-moi, cependant, de remercier les sénateurs du groupe socialiste et
du groupe communiste républicain et citoyen, qui, au cours de cette discussion,
ont constamment apporté leur soutien au projet de loi du Gouvernement et marqué
à quel point la philosophie dont ils s'inspiraient était identique à celle que
j'ai défendue.
Permettez-moi ensuite de dire à quel point les argumentations qui ont été
développées faisaient honneur à votre assemblée.
Madame Dusseau, je comprends tout à fait que, comme certains sénateurs
socialistes ou communistes d'ailleurs, vous auriez souhaité qu'on aille plus
loin que ce qui figurait dans le texte du Gouvernement. C'est votre opinion :
je la respecte, mais je ne la partage pas.
En revanche, ce que je comprends moins c'est que, souhaitant aller plus loin
dans la logique défendue par le Gouvernement, vous adoptiez une position qui va
avoir pour conséquence de rendre encore plus éclatant le vote contraire au
projet du Gouvernement.
Il me semble qu'il y a dans votre démarche une contradiction que je regrette,
que je déplore même, car elle découle d'une attitude qui consiste à vouloir le
mieux aux dépens du bien.
Si j'ai bien compris, à l'issue du vote, le texte qui résultera des travaux du
Sénat sera le retour à la loi de 1993, assorti de quelques amendements dont je
ne suis pas certaine qu'ils améliorent le projet.
Au terme de ce débat, permettez-moi de dire que j'ai apprécié le climat dans
lequel s'est déroulée la discussion. Naturellement, quelques propos m'ont
choquée, mais nous avons pu nous écouter, et c'était important sur un sujet
pareil. Nous avons donné, me semble-t-il, une image de sérieux dans nos
réflexions ; c'est une bonne chose.
En conclusion, je dirai que, bien entendu, le Gouvernement croit en son texte,
parce qu'il a foi en une France généreuse, surtout en une France qui veille à
ne laisser au bord de la route aucun des enfants qui sont nés sur son sol. Le
Gouvernement défendra donc son propre texte jusqu'au bout et fera en sorte
qu'il soit adopté.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que
sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe des
Républicains et Indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
71:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Majorité absolue des suffrages | 157218 |
Contre | 95 |
7
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une
commission mixte paritaire sur le texte que nous venons d'adopter.
Il va être procédé immédiatement à la nomination de sept membres titulaires et
de sept membres suppléants de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats établie par la commission les lois constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat
à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jacques Larché, Christian Bonnet, Patrice Gélard, Paul
Masson, Jean-Jacques Hyest, Guy Allouche et Robert Badinter.
Suppléants : MM. Philippe de Bourgoing, Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Pierre Fauchon, Paul Girod, Lucien Lanier et René-Georges Laurin.8
COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
DE PROPOSITIONS
D'ACTES COMMUNAUTAIRES
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 13 janvier
1998, l'informant de l'adoption des propositions d'actes communautaires
suivantes :
N° E 404. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil
modifiant la directive 92/50/CEE portant coordination des procédures de
passation des marchés publics de services, la directive 93/36/CEE portant
coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures et
la directive 93/37/CEE portant coordination des procédures de passation des
marchés publics de travaux. Proposition de directive du Parlement européen et
du Conseil modifiant la directive 93/38/CEE portant coordination des procédures
de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des
transports et des télécommunications, adoptée au Conseil Agriculture des 15 et
16 décembre 1997.
N° E 425. - Proposition de décision du Conseil instituant un programme
d'actions communautaires en faveur de la protection civile, adoptée au Conseil
Pêche des 18 et 19 décembre 1997.
N° E 520. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur
le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux mesures à
prendre contre les émissions de gaz et de particules polluants provenant des
moteurs à combustion interne destinés aux engins mobiles non routiers, adoptée
au Conseil Santé du 4 décembre 1997.
N° E 568. - Proposition de décision du Conseil et de la Commission relative à
la conclusion de l'accord européen entre les Communautés européennes et leurs
Etats membres, d'une part, et de la République d'Estonie, d'autre part.
Proposition de décision du Conseil et de la Commission relative à la conclusion
de l'accord européen entre les Communautés européennes et leurs Etats membres,
d'une part, et la République de Lettonie, d'autre part. Proposition de décision
du Conseil et de la Commission relative à la conclusion de l'accord européen
entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la
République de Lituanie, d'autre part, adoptée au Conseil Pêche des 18 et 19
décembre 1997.
N° E 569. - Proposition de décision du Conseil concernant un programme
d'action communautaire pour la promotion des organisations non gouvernementales
ayant pour but principal la défense de l'environnement, adoptée au Conseil
Environnement du 16 décembre 1997.
N° E 573. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil
concernant les équipements terminaux de télécommunications de stations
terrestres de communications par satellite, incluant la reconnaissance mutuelle
de leur conformité, adoptée au Conseil Pêche des 18 et 19 décembre 1997.
N° E 650. - Proposition de directive du Conseil fixant les principes relatifs
à l'organisation des contrôles vétérinaires pour les produits en provenance des
pays tiers introduits dans la Communauté. Proposition de directive du Conseil
modifiant les directives 71/118/CEE, 72/462/CEE, 85/73/CEE, 91/67/CEE,
91/492/CEE, 91/493/CEE, 92/45/CEE et 92/118/CEE en ce qui concerne
l'organisation des contrôles vétérinaires pour les produits en provenance des
pays tiers introduits dans la Communauté, adoptée au Conseil Pêche des 18 et 19
décembre 1997.
N° E 684. - Proposition de directive du Conseil instituant un régime harmonisé
pour la sécurité des navires de pêche d'une longueur égale ou supérieure à 24
mètres, adoptée au Conseil Transport des 10 et 11 décembre 1997.
N° E 749. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un
accord de coopération entre la Communauté européenne et l'ancienne République
yougoslave de Macédoine. Proposition de décision du Conseil concernant la
conclusion d'un accord dans le domaine des transports entre la Communauté
européenne et l'ancienne République yougoslave de Macédoine, adoptée au Conseil
Budget du 27 novembre 1997.
N° E 810. - Proposition de décision du Conseil portant à la conclusion de
l'accord de coopération douanière et d'assistance mutuelle en matière douanière
entre la Communauté européenne et le Canada, adoptée au Conseil Marché
intérieur du 27 novembre 1997.
N° E 835. - Lettre de la Commission européenne SG (97) 3027 du 21 avril 1997
relative à l'application de l'article 27, paragraphe 2, de la sixième directive
du Conseil du 17 mai 1977 en matière de TVA (Pays-Bas : secteur de la
confection), adoptée au Conseil Pêche des 18 et 19 décembre 1997.
N° E 839. - Lettre de la Commission européenne SG (97) D 3587 du 6 mai 1997
relative à la demande du Royaume-Uni en vue de l'extension de la dérogation au
régime de TVA autorisant la prescription de la valeur normale comme base
d'imposition des acquisitions intracommunautaires de biens entre personnes
liées, adoptée au Conseil Pêche des 18 et 19 décembre 1997.
N° E 840. - Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif aux contributions
financières de la Communauté au Fonds international pour l'Irlande. Le Fonds
international pour l'Irlande, rapport d'évaluation élaboré conformément aux
dispositions du règlement (CE) du Conseil n° 2687/94, adoptée au Conseil
Travail et affaires sociales du 15 décembre 1997.
N° E 915. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de
l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du
protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière
prévues dans l'accord entre la Communauté européenne et le Gouvernement de la
République de Guinée-Bissau concernant la pêche au large de la côte de
Guinée-Bissau, pour la période du 16 juin 1997 au 15 juin 2001. Proposition de
règlement (CE) du Conseil relatif à la conclusion du protocole fixant les
possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre
la Communauté européenne et le Gouvernement de la République de Guinée-Bissau
concernant la pêche au large de la côte de Guinée-Bissau, pour la période du 16
juin 1997 au 15 juin 2001, la première a été adoptée au Conseil Education du 20
novembre 1997 et la deuxième, au Conseil Pêche du 18 décembre 1997.
N° E 933. - Proposition de décision du Conseil relative à un programme TACIS
de développement de la société civile en Biélorussie pour 1997, adoptée au
Conseil Pêche du 18 décembre 1997.
N° E 935. - Proposition de directive du Conseil relative à l'extension au
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de la directive 94/45/(CE)
du Conseil du 22 septembre 1994 concernant l'institution d'un comité
d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension
communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue
d'informer et de consulter les travailleurs. Proposition de directive du
Conseil étendant au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord la
directive 96/34/(CE) du Conseil du 3 juin 1996 concernant l'accord-cadre sur le
congé parental conclu par l'UNICE, le CEEP et la CES, adoptée au Conseil
Travail et affaires sociales du 15 décembre 1997.
N° E 943. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de
l'accord intérimaire sur le commerce et les mesures d'accompagnement entre la
Communauté européenne, d'une part, et les Etats-Unis du Mexique, d'autre part,
adoptée au Conseil Affaires générales du 8 décembre 1997.
N° E 944. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de
l'accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération
entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et les
Etats-Unis du Mexique, d'autre part, adoptée au Conseil Affaires générales du 8
décembre 1997.
N° E 946. - Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement
(CE) n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires
communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels,
adoptée au Conseil Pêche du 18 décembre 1997.
N° E 947. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un
accord bilatéral entre la Communauté européenne et l'ancienne République
yougoslave de Macédoine sur le commerce de produits textiles, adoptée au
Conseil Affaires générales du 8 décembre 1997.
N° E 954. - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant modification du
règlement (CE) n° 1568/97 adoptant des mesures autonomes et transitoires pour
les accords d'échanges préférentiels conclus avec la Pologne, la Hongrie, la
Slovaquie, la République tchèque, la Roumanie et la Bulgarie en ce qui concerne
certains produits agricoles transformés, adoptée au Conseil Pêche du 19
décembre 1997.
N° E 957. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de
l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du
protocole fixant les possibilités de pêche et la compensation financière
prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le
Gouvernement de la République de Guinée équatoriale concernant la pêche au
large de la côte de Guinée équatoriale, pour la période du 1er juillet 1997 au
30 juin 2000. Proposition de règlement (CE) du Conseil concernant la conclusion
du protocole fixant les possibilités de pêche et la compensation financière
prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la
République de Guinée équatoriale concernant la pêche au large de la côte de
Guinée équatoriale, pour la période du 1er juillet 1997 au 30 juin 2000,
adoptée au Conseil Pêche des 18 et 19 décembre 1997.
N° E 959. - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant adoption de
mesures autonomes et transitoires pour des accords de libre-échange avec la
Lituanie, la Lettonie et l'Estonie concernant certains produits agricoles
transformés, adoptée au Conseil Pêche du 19 décembre 1997.
N° E 962. - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant application de
l'article 6 des règlements (CE) n° 3281/94 et (CE) n° 1256/96 du Conseil
relatifs aux schémas pluriannuels de préférences tarifaires généralisées pour
certains produits industriels et agricoles originaires de pays en
développement, prévoyant l'exclusion des pays bénéficiaires les plus avancés du
bénéfice des préférences tarifaires généralisées, adoptée au Conseil Pêche du
19 décembre 1997.
N° E 963. - Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement
(CE) n° 702/97 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires
communautaires autonomes pour certains produits de la pêche, adoptée au Conseil
Pêche du 18 décembre 1997.
N° E 964. - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant ouverture et mode
de gestion de contingents tarifaires communautaires pour certains produits de
la pêche, originaires de Ceuta, adoptée au Conseil Pêche du 19 décembre
1997.
N° E 968. - Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant l'annexe du
règlement (CE) n° 1255/96 du Conseil portant suspension temporaire des droits
autonomes du tarif douanier commun pour certains produits industriels et
agricoles, adoptée au Conseil Environnement du 16 décembre 1997.
N° E 969. - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant suspension
temporaire totale ou partielle des droits autonomes du tarif douanier commun
pour certains produits de la pêche-1998, adoptée au Conseil Pêche du 18
décembre 1997.
N° E 970. - Accord sous forme d'échange de lettres modifiant l'accord entre la
Communauté européenne et la République socialiste du Vietnam relatif au
commerce de produits textiles et d'habillement paraphé le 15 décembre 1992,
modifié en dernier lieu par l'accord sous forme d'échange de lettres paraphé le
1er août 1995, adoptée au Conseil Pêche les 18 et 19 décembre 1997.
N° E 971. - Proposition de décision du Conseil relative à l'application
provisoire de certains protocoles additionnels aux accords sur la
libéralisation des échanges et aux accords européens conclus avec la République
de Lettonie, adoptée au Conseil Pêche les 18 et 19 décembre 1997.
N° E 972. - Proposition de décision du Conseil relative à l'application
provisoire de certains protocoles additionnels aux accords sur la
libéralisation des échanges et aux accords européens conclus avec la République
de Lituanie, adoptée au Conseil Pêche les 18 et 19 décembre 1997.
N° E 973. - Proposition de décision du Conseil concernant l'application
provisoire d'un mémorandum d'accord entre la Communauté européenne et la
République arabe d'Egypte sur le commerce des produits textiles, adoptée au
Conseil Pêche les 18 et 19 décembre 1997.
9
TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à ouvrir le droit à une allocation
spécifique aux chômeurs âgés de moins de soixante ans ayant quarante annuités
de cotisations d'assurance vieillesse.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 220, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
10
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de Mme Paulette Brisepierre un rapport fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur :
- le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la
ratification de l'accord interne entre les représentants des Gouvernements des
Etats membres, réunis au sein du Conseil relatif au financement et à la gestion
des aides de la Communauté dans le cadre du second protocole financier de la
quatrième convention ACP-CE (n° 197, 1997-1998).
- le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la
ratification du protocole à la quatrième convention entre la Communauté
européenne et ses Etats membres, d'une part, et le groupe des Etats d'Afrique,
des Caraïbes et du Pacifique, d'autre part (dite convention ACP-CE de Lomé), à
la suite de l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de
Finlande et du Royaume de Suède à l'Union européenne (n° 198, 1997-1998).
- le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la
ratification de l'accord portant modification de la quatrième convention entre
la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et le groupe des
Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'autre part (dite convention
ACP-CE de Lomé) (n° 199, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 219 et distribué.
11
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au jeudi 15 janvier 1998 :
A neuf heures trente :
1. Discussion de la question orale avec débat portant sur un sujet européen
(n° QE 3) de M. Nicolas About à M. le ministre délégué chargé des affaires
européennes sur l'élargissement de l'Union :
M. Nicolas About interroge M. le ministre délégué chargé des affaires
européennes sur les conséquences des décisions prises par le Conseil européen
de Luxembourg en ce qui concerne l'élargissement de l'Union. Il lui demande
comment sont évaluées les répercussions de ces décisions sur les différents
pays candidats et quelles précisions ont été apportées concernant le
financement de l'élargissement ainsi que la réforme des institutions
européennes. Il lui demande également quelles seront les missions de la
Conférence européenne, qui associera les Etats membres et tous les pays
candidats à l'adhésion.
La discussion de cette question s'effectuera selon les modalités prévues à
l'article 83
ter
du règlement.
2. Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi (n° 259,
1996-1997), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture, renforçant la protection des personnes surendettées en cas de saisie
immobilière.
Rapport (n° 325, 1996-1997) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
Aucun amendement n'est plus recevable.
3. Discussion des conclusions du rapport (n° 187, 1997-1998) de M. Jean-Louis
Lorrain, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur la proposition
de loi (n° 194, 1996-1997) de MM. Louis Souvet, Louis Althapé, Roger Besse,
Paul Blanc, Jean Bizet, Jacques Braconnier, Mme Paulette Brisepierre, MM.
Robert Calmejane, Jean-Pierre Camoin, Gérard César, Charles de Cuttoli, Désiré
Debavelaere, Michel Doublet, Daniel Eckenspieller, Yann Gaillard, Alain Gérard,
François Gerbaud, Charles Ginésy, Daniel Goulet, Alain Gournac, Adrien
Gouteyron, Georges Gruillot, Emmanuel Hamel, Bernard Hugo, Roger Husson, André
Jourdain, Lucien Lanier, Edmond Lauret, Jacques Legendre, Maurice Lombard,
Pierre Martin, Victor Reux, Roger Rigaudière, Jean-Jacques Robert, Jean-Pierre
Schosteck, Martial Taugourdeau, René Trégouët, Alain Vasselle et Jean-Pierre
Vial tendant à diminuer les risques de lésions auditives lors de l'écoute de
baladeurs et de la fréquentation des discothèques.
Aucun amendement n'est plus recevable.
4. Discussion des conclusions du rapport (n° 177, 1997-1998) de Mme Anne
Heinis, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur
:
- la proposition de loi (n° 346 rectifié, 1996-1997) de MM. Roland du Luart,
Michel Alloncle, Bernard Barbier, Philippe de Bourgoing, Jean-Claude Carle,
Jean-Patrick Courtois, Désiré Debavelaere, Fernand Demilly, Marcel Deneux,
Michel Doublet, Alain Dufaut, Jean-Paul Emorine, Philippe François, Jean
Grandon, Mme Anne Heinis, MM. Gérard Larcher, Pierre Martin, Serge Mathieu,
Louis Mercier, Henri de Raincourt, Michel Souplet et Alain Vasselle relative
aux dates d'ouverture anticipée et de clôture de la chasse des oiseaux
migrateurs ;
- la proposition de loi (n° 359, 1996-1997) de M. Michel Charasse relative aux
dates d'ouverture anticipée et de clôture de la chasse des oiseaux migrateurs
;
- la proposition de loi (n° 135, 1997-1998) de M. Pierre Lefebvre, Mmes
Marie-Claude Beaudeau, Nicole Borvo, M. Jean-Luc Bécart, Mme Danielle
Bidard-Reydet, MM. Jean Derian, Michel Duffour, Guy Fischer, Paul Loridant, Mme
Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Robert Pagès, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme
Odette Terrade relative aux dates d'ouverture anticipée et de clôture de la
chasse des oiseaux migrateurs ainsi qu'à la réglementation de la chasse les
concernant.
Aucun amendement n'est plus recevable.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
5. Questions d'actualité au Gouvernement.
6. Suite de l'ordre du jour du matin.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
tendant à améliorer les conditions d'exercice de la profession de transporteur
routier (n° 161, 1997-1998) :
- délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 19 janvier 1998, à
dix-sept heures.
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale après
déclaration d'urgence, relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France
et au droit d'asile (n° 188, 1997-1998) :
- délai limite pour les inscriptions de parole de la discussion générale :
mardi 20 janvier 1998, à dix-sept heures ;
- délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 26 janvier 1998, à
dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, relative au fonctionnement des conseils régionaux (n° 207,
1997-1998) :
- délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 21 janvier 1998, à
dix-sept heures.
Débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur la réforme de la justice
:
- Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 21
janvier 1998, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ? ...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures quarante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ERRATUM
Au compte rendu intégral
de la séance du 15 décembre 1997
PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE
POUR 1997
Page : 5309, 1re colonne, 7e ligne.
Au lieu de :
« Titre II. - Autres dispositions ».
Lire :
« II. - Autres dispositions ».
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 14 janvier 1998
SCRUTIN (n° 69)
sur l'amendement n° 114 rectifié, présenté par M. Michel Duffour et les membres
du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à insérer un article
additionnel avant l'article 1er du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale après déclaration d'urgence, relatif à la nationalité (possibilité de
bénéficier du droit du sol dès la naissance pour certains enfants et sous
certaines conditions).
Nombre de votants : | 242 |
Nombre de suffrages exprimés : | 241 |
Pour : | 23 |
Contre : | 218 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour :
15.
Abstention :
1. _ M. Paul Loridant.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
8. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon
Collin, Mme Joëlle Dusseau, MM. François Lesein, Georges Othily et Robert-Paul
Vigouroux.
Contre :
13.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Pierre Laffitte.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Contre :
94.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jacques Valade, qui présidait la
séance.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
N'ont pas pris part au vote :
75.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :
Contre :
57.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Contre :
45.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :
Contre :
9.
Ont voté pour
François Abadie
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
André Boyer
Yvon Collin
Jean Derian
Michel Duffour
Joëlle Dusseau
Guy Fischer
Pierre Lefebvre
François Lesein
Hélène Luc
Louis Minetti
Georges Othily
Robert Pagès
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Paul Vergès
Robert-Paul Vigouroux
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Abstention
M. Paul Loridant.
N'ont pas pris part au vote
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Marcel Bony
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Paul Raoult
René Régnault
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 244 |
Nombre de suffrages exprimés : | 243 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 122 |
Pour l'adoption : | 23 |
Contre : | 220 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 70)
sur l'ensemble du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale,
portant recrutement exceptionnel de magistrats de l'ordre judiciaire et
modifiant les conditions de recrutement des conseillers de cour d'appel en
service extraordinaire.
Nombre de votants : | 303 |
Nombre de suffrages exprimés : | 303 |
Pour : | 303 |
Contre : | 0 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
16.
N'ont pas pris part au vote :
6. _ MM. François Abadie, Jean-Michel
Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert-Paul
Vigouroux.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Pour :
95.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Pour :
75.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :
Pour :
57.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
44.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jean Delaneau, qui présidait la
séance.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :
N'ont pas pris part au vote :
9.
Ont voté pour
Nicolas About
Michel Alloncle
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Henri Belcour
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
William Chervy
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Marcel Daunay
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Jean Derian
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
Michel Duffour
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Aubert Garcia
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
Guy Lèguevaques
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Claude Lise
Maurice Lombard
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Jean Madelain
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
Michel Manet
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Minetti
Gérard Miquel
Louis Moinard
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Robert Pagès
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Jean-Marc Pastor
Michel Pelchat
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Roger Quilliot
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
René Régnault
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Roger Rinchet
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Fernand Tardy
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
François Abadie
Philippe Adnot
Jean-Michel Baylet
André Boyer
Yvon Collin
Philippe Darniche
Hubert Durand-Chastel
Joëlle Dusseau
Alfred Foy
Jean Grandon
Jacques Habert
Jean-Pierre Lafond
André Maman
Alex Türk
Robert-Paul Vigouroux
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Delaneau, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 304 |
Nombre de suffrages exprimés : | 304 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 153 |
Pour l'adoption : | 304 |
Contre : | 0 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 71)
sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après
déclaration d'urgence, relatif à la nationalité.
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 312 |
Pour : | 217 |
Contre : | 95 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
14.
Contre :
4. _ MM. François Abadie, François Lesein, Georges Othily et
Robert-Paul Vigouroux.
Abstentions :
4. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin et
Mme Joëlle Dusseau.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Pour :
95.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Contre :
75.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :
Pour :
57.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
43.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ M. Jean Delaneau, qui présidait la
séance, et Jean Boyer.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :
Pour :
8.
Abstention :
1. _ M. Philippe Darniche.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
François Lesein
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Georges Othily
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Abstentions
MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Philippe Darniche et Mme
Joëlle Dusseau.
N'a pas pris part au vote
M. Jean Boyer.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Delaneau, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 318 |
Nombre de suffrages exprimés : | 313 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 157 |
Pour l'adoption : | 218 |
Contre : | 95 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.