SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Rejet d'une motion par l'Assemblée nationale
(p.
1
).
3.
Décisions du Conseil constitutionnel
(p.
2
).
4.
Dépôt de rapports du Gouvernement
(p.
3
).
5.
Conférence des présidents
(p.
4
).
6.
Modification de l'ordre du jour
(p.
5
).
7.
Retrait de l'ordre du jour de questions orales sans débat
(p.
6
).
8.
Questions orales
(p.
7
).
CONSÉQUENCES POUR L'EMPLOI DANS LE LIMOUSIN
DE LA RÉORGANISATION DES ARMÉES (p.
8
)
Question de M. Jean-Pierre Demerliat. - MM. Jean-Pierre Demerliat, Alain Richard, ministre de la défense.
CONDITIONS DE VERSEMENT DE L'ALLOCATION
COMPENSATRICE POUR TIERCE PERSONNE (p.
9
)
Question de M. Charles Revet. - MM. Charles Revet, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.
CONDITIONS PARTICULIÈRES DE MISE EN OEUVRE
DE LA PRESTATION SPÉCIFIQUE DÉPENDANCE
POUR LES MALVOYANTS (p.
10
)
Question de M. Philippe Marini. - MM. Philippe Marini, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.
AVENIR DE L'AGENCE FRANCE-PRESSE (p. 11 )
Question de M. Ivan Renar. - M. Ivan Renar, Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.
CONSÉQUENCES À TERME DE L'IMPLANTATION
DE CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES JAPONAIS EN FRANCE (p.
12
)
Question de M. Louis Souvet. - MM. Louis Souvet, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.
SÉCURITÉ DES LIGNES SNCF (p. 13 )
Question de M. Edouard Le Jeune. - MM. Edouard Le Jeune, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.
POLITIQUE DE LA SNCF EN HAUTE-SAVOIE (p. 14 )
Question de M. Jean-Claude Carle. - MM. Jean-Claude Carle, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.
AMÉNAGEMENTS À RÉALISER ET SÉCURITÉ SUR LA RN 504 (p. 15 )
Question de M. Michel Barnier. - MM. Michel Barnier, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.
DÉSENCLAVEMENT DE LA CORRÈZE (p. 16 )
Question de M. Georges Mouly. - MM. Georges Mouly, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.
RÉALISATION DE LA TANGENTIELLE SUD,
AXE FERRÉ ENTRE MASSY ET EVRY (p.
17
)
Question de M. Paul Loridant. - MM. Paul Loridant, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.
AVENIR DU MUSÉE DE L'HOMME (p. 18 )
Question de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
ENSEIGNEMENT DES LETTRES ANCIENNES CLASSIQUES (p.
19
)Question de M. Jean Clouet. - MM. Jean Clouet, Christian
Sautter, secrétaire d'Etat au budget.
RÉGIME FISCAL DES GROUPEMENTS D'EMPLOYEURS
DU SECTEUR AGRICOLE (p.
20
)
Question de M. René-Pierre Signé. - MM. René-Pierre Signé, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.
ORGANISATION DE LA FILIÈRE LAITIÈRE (p. 21 )
Question de M. Jean Bizet. - MM. Jean Bizet, Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche.
MISE EN CULTURE DE MAÏS TRANSGÉNIQUE (p. 22 )
Question de M. Ambroise Dupont. - MM. Ambroise Dupont, Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche.
TARIFS DES HUISSIERS DE JUSTICE (p. 23 )
Question de Mme Marie-Madeleine Dieulangard. - Mmes Marie-Madeleine Dieulangard, Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.
SITUATION DU TRIBUNAL
DE GRANDE INSTANCE DE TOULOUSE (p.
24
)
Question de M. Gérard Roujas. - M. Gérard Roujas, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.
Suspension et reprise de la séance (p. 25 )
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
9.
Rappel au règlement
(p.
26
).
Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M. le président.
10.
Nationalité.
- Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
27
).
Discussion générale
(suite) :
MM. Henri de Raincourt, Robert Badinter,
Jean Chérioux.
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
Mme Joëlle Dusseau, MM. Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Jacques Hyest,
Hubert Durand-Chastel, Bernard Plasait, Mme Monique Cerisier ben Guiga, MM.
Michel Caldaguès, Guy Allouche, Michel Doublet, Christian Demuynck.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.
Clôture de la discussion générale.
Renvoi de la suite de la discussion.
11.
Communication de l'adoption de propositions d'acte communautaire
(p.
28
).
12.
Dépôt de propositions de loi
(p.
29
).
13.
Renvoi pour avis
(p.
30
).
14.
Dépôt d'une proposition d'acte communautaire
(p.
31
).
15.
Dépôt de rapports
(p.
32
).
16.
Dépôt d'un avis
(p.
33
).
17.
Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 18 décembre
1997
(p.
34
).
18.
Ordre du jour
(p.
35
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures quarante.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le procès-verbal de la séance du jeudi 18 décembre 1997 a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.
2
REJET D'UNE MOTION
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président de l'Assemblée nationale la lettre suivante :
« Paris, le 19 décembre 1997.
« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous informer que l'Assemblée nationale, dans sa séance du
18 décembre 1997, a rejeté la motion, adoptée par le Sénat, tendant à proposer
au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi,
adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la
nationalité.
« Je vous prie, monsieur le président, de croire à l'assurance de ma haute
considération.
« Signé : LAURENT FABIUS. »
Acte est donné de cette communication.
3
DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel
:
- par lettre en date du 30 décembre 1997, le texte de la décision rendue par
le Conseil constitutionnel concernant la loi de finances pour 1998 ;
- par lettre en date du 31 décembre 1997, le texte de la décision rendue par
le Conseil constitutionnel, en application de l'article 54 de la Constitution,
concernant le traité d'Amsterdam.
Acte est donné de ces communications.
Ces décisions du Conseil constitutionnel ont été publiées au
Journal
officiel,
édition des lois et décrets.
4
DÉPÔT DE RAPPORTS DU GOUVERNEMENT
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre :
- le rapport sur les mesures d'aide et de soutien à l'exportation des
matériels de défense, établi en application de l'article 6 de la loi du 2
juillet 1996 relative à la programmation militaire ;
- le rapport établi en application de l'article 6 de la loi de programme du 6
janvier 1995 relative à la justice.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
5
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président.
La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des
prochaines séances du Sénat, sous réserve de l'application de l'article 32,
alinéa 4, du règlement :
A. -
Mardi 13 janvier 1998 :
A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales sans débat :
- N° 44 de M. Philippe Marini à Mme la ministre de l'emploi et de la
solidarité (conditions particulières de mise en oeuvre de la prestation
spécifique dépendance pour les malvoyants) ;
- N° 62 de M. Jean Bizet à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(organisation de la filière laitière) ;
- N° 66 de M. René-Pierre Signé transmise à M. le secrétaire d'Etat au budget
(régime fiscal des groupements d'employeurs du secteur agricole) ;
- N° 70 de M. Paul Loridant à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (réalisation de la tangentielle sud, axe ferré entre Massy et
Evry) ;
- N° 78 de Mme Marie-Madeleine Dieulangard à Mme le garde des sceaux, ministre
de la justice (tarifs des huissiers de justice) ;
- N° 80 de M. Edouard Le Jeune à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (sécurité des lignes SNCF) ;
- N° 94 de Mme Nicole Borvo à M. le ministre de l'éducation nationale, de la
recherche et de la technologie (avenir du musée de l'Homme) ;
- N° 96 de M. Jean-Claude Carle à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (politique de la SNCF en Haute-Savoie) ;
- N° 105 de M. Ivan Renar à Mme la ministre de la culture et de la
communication (avenir de l'Agence France-Presse) ;
- N° 134 de M. Michel Barnier à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (aménagements à réaliser et sécurité sur la RN 504) ;
- N° 135 de M. Jean Clouet à M. le ministre de l'éducation nationale, de la
recherche et de la technologie (enseignement des lettres anciennes classiques)
;
- N° 136 de M. Ambroise Dupont à M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche (mise en culture de maïs transgénique) ;
- N° 137 de M. Georges Mouly à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (désenclavement de la Corrèze) ;
- N° 138 de M. Charles Revet à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité
(conditions de versement de l'allocation compensatrice pour tierce personne)
;
- N° 139 de M. Gérard Roujas à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice
(situation du tribunal de grande instance de Toulouse) ;
- N° 140 de M. Jean-Pierre Demerliat à M. le ministre de la défense
(conséquences pour l'emploi dans le Limousin de la réorganisation des armées)
;
- N° 142 de M. Jean-Jacques Robert à Mme la ministre de la jeunesse et des
sports (conditions d'exercice du parachutisme sportif en région parisienne)
;
- N° 143 de M. Louis Souvet à M. le ministre délégué chargé des affaires
européennes (conséquences à terme de l'implantation de constructeurs
automobiles japonais en France).
A seize heures :
Ordre du jour prioritaire
2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif à la nationalité (n° 145, 1997-1998).
Aucune inscription de parole dans la discussion générale ni aucun amendement
ne sont plus recevables.
B. -
Mercredi 14 janvier 1998 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente :
1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif à la nationalité (n° 145, 1997-1998).
A quinze heures et le soir :
2° Sous réserve de sa transmission, projet de loi organique portant
recrutement exceptionnel de magistrats de l'ordre judiciaire et modifiant les
conditions de recrutement des conseillers de cour d'appel en service
extraordinaire (AN, n° 501).
La conférence des présidents a fixé à l'ouverture de la discussion générale le
délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi organique.
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
C. -
Jeudi 15 janvier 1998 :
Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution
A neuf heures trente :
1° Question orale avec débat portant sur un sujet européen (n° QE-3), de M.
Nicolas About à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes sur
l'élargissement de l'Union.
La discussion de cette question s'effectuera selon les modalités prévues à
l'article 83
ter
du règlement.
2° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, renforçant la protection des
personnes surendettées en cas de saisie immobilière (n° 259, 1996-1997) ;
3° Conclusions de la commission des lois (n° 20, 1997-1998) sur :
- la proposition de loi de M. Nicolas About tendant à modifier les
dispositions du code civil relatives à la prestation compensatoire en cas de
divorce (n° 151, 1996-1997) ;
- la proposition de loi de M. Robert Pagès et plusieurs de ses collègues
relative à l'attribution de la prestation compensatoire en cas de divorce (n°
400, 1996-1997) ;
4° Conclusions de la commission des affaires sociales (n° 187, 1997-1998) sur
la proposition de loi de M. Louis Souvet et de plusieurs de ses collègues
tendant à diminuer les risques de lésions auditives lors de l'écoute de
baladeurs et de la fréquentation des discothèques (n° 194, 1996-1997) ;
5° Conclusions de la commission des affaires économiques (n° 177, 1997-1998)
sur :
- la proposition de loi de M. Roland du Luart et de plusieurs de ses collègues
relative aux dates d'ouverture anticipée et de clôture de la chasse des oiseaux
migrateurs (n° 346 rectifié, 1996-1997) ;
- la proposition de loi de M. Michel Charasse relative aux dates d'ouverture
anticipée et de clôture de la chasse des oiseaux migrateurs (n° 359, 1996-1997)
;
- la proposition de loi de M. Pierre Lefebvre et de plusieurs de ses collègues
relative aux dates d'ouverture anticipée et de clôture de la chasse des oiseaux
migrateurs ainsi qu'à la réglementation de la chasse les concernant (n° 135,
1997-1998).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 janvier 1998 à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements aux textes inscrits à
l'ordre du jour de cette séance.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
6° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.
7° Suite de l'ordre du jour du matin.
D. -
Mardi 20 janvier 1998 :
A neuf heures trente :
1° Dix-sept questions orales sans débat, dont l'ordre d'appel sera fixé
ultérieurement :
- N° 12 de Mme Marie-Claude Beaudeau à M. le secrétaire d'Etat aux anciens
combattants (bonifications pour campagne double accordées aux anciens
combattants d'Afrique du Nord) ;
- N° 21 de M. Jean-Paul Delevoye à Mme la ministre de la culture et de la
communication (financement de l'archéologie préventive) ;
- N° 60 de M. Bernard Barraux à M. le ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation (avenir de la Caisse nationale de
retraite des agents des collectivités locales, CNRACL) ;
- N° 63 de M. Jean Bizet à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(développement des cultures de protéines végétales) ;
- N° 79 de Mme Marie-Madeleine Dieulangard à M. le secrétaire d'Etat au
logement (régime de la taxe d'habitation applicable aux résidents des foyers de
travailleurs) ;
- N° 89 de M. René Marquès à Mme la ministre de la culture et de la
communication (fouilles archéologiques dans l'emprise de la nouvelle liaison
Perpignan-Canet) ;
- N° 117 de M. Daniel Hoeffel à M. le ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation (rémunérations complémentaires des
agents des collectivités territoriales) ;
- N° 119 de M. Dominique Braye à Mme la ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement (délocalisation de la SONACOTRA) ;
- N° 121 de M. Alain Dufaut à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (tarif aérien sur la ligne Avignon-Paris) ;
- N° 132 de M. Jacques de Menou transmise à M. le secrétaire d'Etat au
logement (taux de TVA applicable aux travaux de rénovation des maisons de
retraite et foyers-logements) ;
- N° 141 de M. Franck Sérusclat à M. le ministre de l'éducation nationale, de
la recherche et de la technologie (rythmes scolaires) ;
- N° 144 de M. Michel Mercier à M. le ministre de l'intérieur (évolution des
prélèvements sociaux sur les indemnités des élus locaux) ;
- N° 147 de M. Rémi Herment à M. le ministre de la défense (conséquences et
compensations liées au départ de plusieurs régiments de la ville de Verdun)
;
-N° 149 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de la défense (avion de
transport futur, ATF) ;
- N° 150 de M. José Balarello à M. le ministre de l'intérieur (problème des
réfugiés kurdes) ;
- N° 151 de M. Charles de Cuttoli à M. le ministre de l'économie, des finances
et de l'industrie (contrôle des bons anonymes) ;
- N° 152 de M. Jean-Marc Pastor à M. le secrétaire d'Etat à la santé
(application de la loi sur les prélèvements d'organes).
A seize heures :
Ordre du jour prioritaire
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, tendant à améliorer les conditions d'exercice de la profession de
transporteur routier (n° 161, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé au lundi 19 janvier 1998 à dix-sept heures
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
E. -
Mercredi 21 janvier 1998,
à quinze heures :
Ordre du jour prioritaire
Discussion générale du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après
déclaration d'urgence, relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France
et au droit d'asile (n° 188, 1997-1998) ;
La conférence des présidents a fixé à cinq heures la durée globale du temps
dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes
ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ; l'ordre des interventions sera
déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la
session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la
séance, avant dix-sept heures, le mardi 20 janvier 1998.
F. -
Jeudi 22 janvier 1998 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente :
1° Suite de la discussion générale du projet de loi relatif à l'entrée et au
séjour des étrangers en France et au droit d'asile (urgence déclarée) (n° 188,
1997-1998) ;
2° Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture de la proposition de loi
relative au fonctionnement des conseils régionaux (AN, n° 605).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 21 janvier 1998, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de
loi.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
3° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la réforme de la
justice ;
La conférence des présidents a fixé :
- à dix minutes le temps réservé au président de la commission des lois ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat,
les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 21
janvier 1998.
G. -
Mardi 27 janvier 1998,
à seize heures :
Ordre du jour prioritaire
Discussion des articles du projet de loi relatif à l'entrée et au séjour des
étrangers en France et au droit d'asile (urgence déclarée) (n° 188,
1997-1998).
La conférence des présidents a fixé au lundi 26 janvier 1998, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
H. -
Mercredi 28 janvier 1998,
à quinze heures :
Ordre du jour prioritaire
Suite de la discussion des articles du projet de loi relatif à l'entrée et au
séjour des étrangers en France et au droit d'asile (urgence déclarée) (n° 188,
1997-1998).
I. -
Jeudi 29 janvier 1998 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet
de loi tendant à améliorer les conditions d'exercice de la profession de
transporteur routier ;
2° Suite de la discussion des articles du projet de loi relatif à l'entrée et
au séjour des étrangers en France et au droit d'asile (urgence déclarée) (n°
188, 1997-1998) ;
A quinze heures :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.
Ordre du jour prioritaire
4° Suite de la discussion des articles du projet de loi relatif à l'entrée et
au séjour des étrangers en France et au droit d'asile (urgence déclarée) (n°
188, 1997-1998).
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
6
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
J'informe le Sénat que la commission des lois demande le retrait de ses
conclusions sur les propositions de loi relatives à la prestation compensatoire
en cas de divorce de l'ordre du jour de la séance du jeudi 15 janvier 1998.
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'ordre du jour de la séance du jeudi 15 janvier 1998 est ainsi modifié.
7
RETRAIT DE L'ORDRE DU JOUR
DE QUESTIONS ORALES SANS DÉBAT
M. le président.
J'informe le Sénat que la question orale sans débat n° 142 de M. Jean-Jacques
Robert est retirée, à la demande de son auteur, de l'ordre du jour de la séance
de ce matin.
Par ailleurs, à la demande de son auteur, la question orale sans débat n° 63
de M. Jean Bizet est retirée de l'ordre du jour de la séance du mardi 20
janvier 1998.
8
QUESTIONS ORALES
M. le président.
L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.
CONSÉQUENCES POUR L'EMPLOI DANS LE LIMOUSIN
DE LA RÉORGANISATION DES ARMÉES
M. le président.
La parole est à M. Demerliat, auteur de la question n° 140, adressée à M. le
ministre de la défense.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Monsieur le ministre, le gouvernement auquel vous appartenez, et que, bien
évidemment, je soutiens, poursuit la réforme de notre système de défense
engagée en 1996. La loi de finances pour 1998 conforte la professionnalisation
et la modernisation de nos armées.
Il importe d'édifier une politique de défense plus efficace et moins coûteuse.
C'est pourquoi la réorganisation de notre système de défense et de ses
implantations a été réétudiée par vos soins.
Certaines installations ont ainsi été restructurées et d'autres ont été même
supprimées. Cela va, certes, dans le sens de la maîtrise des dépenses publiques
mais pose en même temps des problèmes importants dans les régions où cette
politique est mise en oeuvre.
Ainsi, à Limoges, la fermeture de la base aérienne de Romanet s'est traduite
par la suppression d'environ 500 emplois salariés, dont une centaine d'emplois
de personnels civils.
Chaque année, près de 60 millions de francs étaient injectés dans l'économie
locale, dont 28 millions de francs par le biais des soldes et 20 millions de
francs par celui des traitements des personnels civils. C'est autant d'argent
qui ne sera ni dépensé ni investi sur place ; ce sont des commerces qui vont
péricliter, des classes qui vont fermer.
Certes, la gendarmerie nationale délocalisera bien son service de reprographie
et l'implantera sur des terrains libérés par l'armée de l'air, amenant ainsi
une soixantaine d'emplois.
Le service de santé des armées souhaite lui aussi entreposer ses archives sur
une partie du site, apportant quelques emplois de plus. Ainsi une grande partie
du terrain serait occupée et très peu d'emplois seraient créés.
Tout cela est loin, très loin, de compenser les 500 emplois supprimés !
L'année dernière, lorsqu'un député de l'ancienne majorité avait fait courir le
bruit que le site servirait à l'implantation d'un centre de rendez-vous
citoyen, peu de Limousins avaient cru à cette fable. Depuis, nous avons revu, à
juste titre, le projet relatif au service national et l'appel de préparation à
la défense a été organisé sur une seule journée. Alors aujourd'hui cette piste
est devenue, bien évidemment, totalement obsolète.
Il est donc important, monsieur le ministre, que la ville de Limoges et son
agglomération reçoivent des compensations pour pallier les pertes d'activité
liées aux restructurations militaires et industrielles dans la défense
nationale.
Il est bien évident que d'autres régions françaises sont encore plus durement
touchées, sur le plan militaire comme sur le plan industriel. Mais Limoges, la
Haute-Vienne, l'ensemble du Limousin n'ont pas subi dans le passé de
cataclysmes industriels majeurs pour la bonne et simple raison qu'il n'existait
chez nous aucune très grande entreprise. En revanche, beaucoup de nos petites
et moyennes unités ont été, et sont encore, en proie à des difficultés
importantes.
Si nous n'avons pas subi de grande blessure au retentissement national, en
revanche, nous avons été et nous sommes encore victimes d'une multitude de
petites hémorragies dont on parle peu à l'extérieur mais qui, ensemble,
affaiblissent autant, et souvent plus qu'ailleurs, le tissu
socio-économique.
Il importe donc que, dans le domaine militaire comme dans les autres, la
solidarité nationale s'exerce au profit d'une région, certes petite, mais qui
veut continuer à vivre et où, d'ailleurs, il fait bon vivre.
Monsieur le ministre, nous espérons que l'Etat se fera un devoir d'étudier les
mesures de compensation à mettre en oeuvre pour que Limoges et sa région ne
pâtissent pas trop de ces décisions indispensables certes, mais ô combien
douloureuses !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le sénateur, je tiens tout d'abord à
dire que je rejoins votre raisonnement. Nous devons pour moderniser nos forces
armées rassembler nos moyens militaires, et c'est tout particulièrement vrai
dans le cas des bases aériennes, qui impliquent un fort potentiel technologique
et nécessitent un entretien important.
C'est ce raisonnement qui avait amené le Gouvernement à décider la fermeture
de la base aérienne de Romanet, qui se situe dans le voisinage immédiat de
Limoges.
Au moment où la décision de fermeture a été prise, la base comptait 339
professionnels rémunérés, soit 212 militaires professionnels et 127 agents
civils. Son effectif était de plus de 500 personnes - 566 exactement -
auxquelles s'ajoutaient 227 appelés du contingent, qui, s'ils participent
directement à l'activité militaire, représentent un apport économique local
nettement plus réduit !
Les militaires professionnels ont été mutés vers d'autres bases. Les appelés
n'ont pas été remplacés, dans le cadre de la baisse progressive de leur
effectif.
En revanche, conformément aux engagements qui avaient été pris à leur égard,
108 des 127 agents civils ont déjà été reclassés sur place, pour la plupart
dans des établissements de la défense où des postes ont été ouverts à cette fin
de manière à éviter aux personnels intéressés une mobilité obligatoire.
Il s'agit donc là d'un premier effort de stabilisation de la situation en
faveur de Limoges et du Limousin.
Monsieur le sénateur, dans la politique de restructuration et de
réorganisation des unités et des services, que mène mon ministère, je donne
pour instruction permanente de veiller tout particulièrement aux régions à
faible niveau d'activité économique dans lesquelles les effectifs des
implantations militaires ou des industries liées à la défense représentent une
forte proportion du bassin d'emploi.
Dans un bassin d'emplois relativement modeste comme celui de Limoges, qui est
une capitale régionale de population moyenne, la suppression de 330 emplois
permanents constitue une ponction importante que nous devons chercher à
compenser.
Comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur, la gendarmerie a été chargée
d'installer sur une partie des emprises de la base de Romanet son service
d'impression, qui comptera 79 personnels militaires et civils, et le service de
santé des armées installera sur une autre partie son service d'archives, situé
aujourd'hui en centre-ville et qui a atteint ses limites de stockage.
Ainsi, Limoges a l'assurance de continuer à abriter les archives du service de
santé, ce qui peut être générateur d'une certaine activité, en particulier de
recherche, et nous examinons les possibilités de réutiliser les parties
vacantes de la base.
Monsieur le sénateur, je sais que vous vous attachez très activement, en
concertation avec les autres élus responsables, à préfigurer au niveau régional
des projets de développement local. A cet égard, et je l'ai annoncé au début du
mois de novembre dernier, le Gouvernement a décidé de réformer et d'activer le
dispositif de redynamisation économique des sites touchés par les
restructurations de défense. Il a inscrit une dotation financière de 500
millions de francs au titre de l'année 1998 et prévoit d'affecter la même somme
au titre de l'année 1999, pour soutenir les projets locaux de création
d'activités dans les sites de défense.
La délégation interministérielle chargée de cette mission pourra par ailleurs
financer des équipes de développeurs en charge des sites les plus touchés. Je
sais que Limoges et le Limousin font preuve de dynamisme en matière de
développement local et disposent de leurs propres services. La délégation
interministérielle aux restructurations de défense pourra leur apporter des
moyens humains complémentaires.
J'ai d'ailleurs proposé au président du conseil régional du Limousin, M. Savy,
la signature d'une convention entre l'Etat et la région pour favoriser le
développement de projets communs. Si le conseil régional adopte cette
convention, la délégation interministérielle mettra en place un délégué
régional pour le Limousin, qui facilitera les opérations de rétablissement
d'activités économiques et industrielles.
Enfin, en ce qui concerne l'utilisation par les collectivités locales des
emprises de la base, qui sont importantes, consigne a été donnée à la mission
de réalisation des actifs immobiliers du ministère de rechercher des modalités
de cession aussi supportables que possible pour les budgets locaux. Je sais
notamment que le département s'est montré intéressé par les emprises de la base
où se trouvent les anciens hangars.
Sur le principe, le ministère de la défense souhaite que, lorsqu'il y a
véritablement réutilisation d'une emprise militaire à une fin qui n'est plus
une fin de service public, il y ait transfert de propriété. Mais, aussi bien en
ce qui concerne la valeur de cession que l'échelonnement dans le temps des
paiements, nous ferons en sorte que des régions ou des départements à faible
potentiel fiscal, comme le Limousin et la Haute-Vienne, puissent devenir
propriétaires des emprises militaires dans des conditions compatibles avec
leurs capacités financières.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de toutes ces pistes que vous avez
tracées et dont certaines d'ailleurs font déjà l'objet d'études.
Je me permets d'insister pour que la densification en emplois soit la plus
élevée possible dans la zone de Romanet. Cette zone, qui s'étend sur 25 ou 26
hectares, est en effet au coeur d'une zone industrielle et ne peut donc pas
rester en friche.
La ville de Limoges serait très intéressée par la rétrocession de l'emprise
que n'occuperont ni la gendarmerie, ni le service de santé à des conditions
convenables, et je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir insisté sur ce
point.
CONDITIONS DE VERSEMENT DE L'ALLOCATION
COMPENSATRICE POUR TIERCE PERSONNE
M. le président.
La parole est à M. Revet, auteur de la question n° 138, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Charles Revet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais attirer votre attention sur les
conditions d'attribution de l'allocation compensatrice pour tierce personne,
l'ACTP, plus particulièrement sur les justificatifs à fournir par les
bénéficiaires dont le taux reconnu se situe entre 40 % et 70 %.
Mme le ministre des affaires sociales et de l'emploi a indiqué qu'une
attestation sur l'honneur de la présence d'une tierce personne était suffisante
pour les personnes auxquelles est attribué un taux inférieur à 70 %, alors
qu'un bulletin de salaire doit être produit lorsque ce taux dépasse 80 %.
Vous paraît-il justifié que, pour une même prestation et alors que la finalité
est la même, des justificatifs différents doivent être fournis selon que les
bénéficiaires ont un taux supérieur ou inférieur à 80 % ?
Par ailleurs, lorsqu'ils ont atteint l'âge de soixante ans, les bénéficiaires
de l'ACTP peuvent choisir soit de conserver cette allocation, soit d'opter pour
la prestation spécifique dépendance, la PSD. Dans la première hypothèse, les
bénéficiaires, qui avant soixante ans n'avaient pas à fournir de bulletin de
salaire, devront, dépassé cet âge, présenter cette justification, alors qu'il
s'agit de la même prestation, assurée par la même personne. Pouvez-vous
m'indiquer, monsieur le secrétaire d'Etat, ce qui motive cette différence de
traitement ?
Enfin, l'aide de la tierce personne intervient très souvent entre parents et
enfants ou enfants et parents. Par exemple, une fille qui aura assuré pendant
de longues années, parfois durant toute sa vie active, l'aide à l'un de ses
parents, sans payer de cotisations sociales ne bénéficiera d'aucune couverture
sociale ni de droits à la retraite.
Le Gouvernement entend-il remédier à ce type de situation pouvant découler de
la position qu'il lui semble actuellement défendre ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé.
Monsieur le sénateur, vous appelez
l'attention de Mme Aubry sur les conditions d'attribution de l'allocation
compensatrice pour tierce personne, l'ACTP, et plus particulièrement sur les
modalités du contrôle de l'effectivité de l'aide qui s'exerce sur cette
allocation depuis l'entrée en vigueur de la loi du 24 janvier 1997 instituant
la prestation spécifique dépendance, la PSD.
Vous soulevez tout d'abord le point relatif à la distinction opérée - j'avoue
qu'en vous écoutant je me trouvais dans les mêmes dispositions que vous - en
matière de contrôle de l'effectivité de l'aide selon le taux auquel l'ACTP est
accordée.
L'allocation compensatrice est attribuée à un taux compris entre 40 et 70 % de
la majoration pour tierce personne, la MTP, de la sécurité sociale, lorsque la
personne handicapée a besoin d'une aide pour un ou plusieurs des actes
essentiels de l'existence sans que cela donne lieu forcément, de la part de la
personne aidante, à l'exercice d'une activité rémunérée ou à la constatation
d'un manque à gagner appréciable.
Dans ces conditions, rien ne justifie que la personne handicapée se voie
réclamer des justificatifs à la situation de cette tierce personne. Elle est
seulement tenue de fournir une déclaration indiquant l'adresse et l'identité de
la ou des personnes lui apportant l'aide qu'exige son état.
En revanche, l'ACTP est accordée au taux de 80 % de la majoration pour tierce
personne lorsque, du fait de son état, la personne handicapée a besoin d'une
aide pour la plupart des actes essentiels de l'existence et que cette aide doit
lui être apportée, notamment, par une ou plusieurs personnes rémunérées ou
subissant, de ce fait, un manque à gagner.
Le président du conseil général est fondé, dans ce cas seulement, à réclamer
des justificatifs de salaire ou des justifications relatives au manque à
gagner.
Par ailleurs, s'agissant du passage de l'ACTP à la prestation spécifique
dépendance, je voudrais clarifier à nouveau cette question et, par la même
occasion, mettre fin à une interprétation inexacte des dispositions de
l'article 27 de la loi précitée.
Contrairement à ce que vous indiquez, monsieur le sénateur, aucune disposition
légale ou réglementaire n'oblige une personne ayant bénéficié de l'ACTP pour la
première fois avant l'âge de soixante ans et qui opterait, lorsqu'elle atteint
cet âge, pour le maintien de cette allocation à fournir désormais un bulletin
de salaire justifiant de l'emploi effectif d'une tierce personne. En effet,
dans ce cas, c'est le régime traditionnel de l'ACTP qui continue à s'appliquer,
y compris les règles de contrôle de l'effectivité de l'aide. La loi du 24
janvier 1997 laisse intactes ces situations.
En revanche, je précise, et il est important de le faire compte tenu des
réactions d'inquiétude nombreuses exprimées auprès de nos services sur ce
sujet, que l'article 27, alinéa 3, de la loi, relatif au contrôle d'effectivité
de l'ACTP, ne concerne que les personnes qui ont bénéficié de cette allocation
pour la première fois après l'âge de soixante ans et qui opteraient, dans les
conditions prévues par les textes, pour le maintien de celle-ci jusqu'au terme
de la période pour laquelle elle leur a été attribuée.
Le législateur, dans sa sagesse - il faut toujours ajouter cette mention,
sinon on en douterait
(Sourires.) -
a en effet décidé de soumettre ces personnes qui vont, à
terme, relever de la PSD, si les conditions prévues à l'article 2 de la loi
sont remplies, au régime de cette nouvelle prestation. Pour cette période que
l'on peut qualifier de transitoire, le contrôle de l'effectivité est donc
organisé pour l'ACTP dans les mêmes conditions que pour la PSD.
M. Philippe Marini.
Eh bien !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Comme vous dites ! Mais heureusement, j'ai un papier
!
Enfin, vous appelez mon attention sur le sort des enfants qui ont pris en
charge un parent dépendant, notamment en ce qui concerne leur situation au
regard de la protection sociale et des droits à la retraite. Je précise, à ce
sujet, que ces personnes, si elles choisissent de ne pas être salariées,
peuvent recourir à l'assurance volontaire pour l'assurance vieillesse.
S'agissant du risque maladie, elles peuvent de même recourir à l'assurance
personnelle.
En outre, la loi du 24 janvier 1997 permet au bénéficiaire de la prestation
spécifique dépendance de salarier un membre de sa famille, à l'exclusion de son
conjoint ou de son concubin. Dès lors, l'intéressé est soumis au régime des
assurances sociales des travailleurs salariés.
Nous avions pensé mettre en service un numéro vert pour permettre de se
renseigner sur le dédale des modalités des aides publiques. Or nous nous sommes
heurtés à la difficulté de mettre en place un logiciel qui, au début, nous
permettrait de nous répérer avant de donner les réponses définitives.
M. Charles Revet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Revet.
M. Charles Revet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien compris que vous étiez presque aussi
surpris que nous.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Oui !
M. Charles Revet.
Le Parlement, dans sa sagesse, avait une autre interprétation que celle qui
est faite par les services du ministère de l'emploi et de la solidarité et du
secrétariat à la santé.
En effet, selon nous, l'allocation compensatrice était bien une aide à la
personne : il s'agissait de verser une somme d'argent à une personne dépendante
pour qu'elle puisse rémunérer une tierce personne pour les actes essentiels de
la vie. Tel est l'esprit dans lequel le législateur a voté le texte. Or
l'interprétation qui en est faite est, me semble-t-il, tout à fait
différente.
Plutôt qu'un numéro vert, ne croyez-vous pas, monsieur le secrétaire d'Etat,
que nous devrions nous atteler à la tâche ? En effet, nos concitoyens se
perdent dans une telle situation. Nous devrions très vite examiner ce texte,
car cela a des conséquences sociales très graves.
Une fille qui est restée avec son père ou sa mère toute sa vie durant - c'est
une situation très fréquente - ne bénéficiera d'aucune couverture sociale. En
effet, puisqu'il n'y a pas rémunération, elle ne peut payer ni cotisation
volontaire, ni cotisation vieillesse, et donc, quand elle arrivera elle-même à
l'âge de la retraite, elle n'aura droit à aucune pension. Comment peut-on faire
lorsque l'on est dans une telle situation ?
Je souhaiterais que nous étudions ce problème et que nous apportions au
dispositif les modifications nécessaires.
CONDITIONS PARTICULIÈRES DE MISE EN OEUVRE
DE LA PRESTATION SPÉCIFIQUE DÉPENDANCE
POUR LES MALVOYANTS
M. le président.
La parole est à M. Marini, auteur de la question n° 44, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Philippe Marini.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question porte sur un sujet voisin de celui
qui a été opportunément soulevé, voilà un instant, par notre collègue M.
Charles Revet.
En effet, je souhaitais vous interroger sur certaines conditions particulières
que doivent remplir les personnes malvoyantes pour bénéficier soit de
l'allocation compensatrice pour tierce personne, soit de la prestation
spécifique dépendance.
J'ai été, au sein de la commission des affaires sociales du Sénat, l'un de
ceux qui, à l'époque, autour de M. le président Fourcade et de M. Jean
Chérioux, ont oeuvré pour que l'on mette en place une prestation spécifique
dépendance. Cependant, je ne prétends pas que ce texte résolve tous les
problèmes, et sans doute existe-t-il des situations de transition qu'il
faudrait mieux prendre en compte, afin que nos concitoyens s'y retrouvent dans
ce qui constitue, il faut bien en convenir, un maquis de textes et de
réglementations.
En ce qui concerne plus particulièrement les handicapés visuels, il me semble
important que vous précisiez, monsieur le secrétaire d'Etat, quel régime
spécifique peut leur être réservé, notamment si ces personnes étaient jusque-là
bénéficiaires, avant l'âge de soixante ans, de l'allocation compensatrice pour
tierce personne, l'ACTP.
En outre, il serait important pour les associations qui regroupent les
déficients visuels que vous puissiez nous dire quel est le régime applicable en
matière d'effectivité de l'aide ménagère ou, plus exactement, de contrôle de
l'effectivité de la rémunération versée à un tiers.
On me fait valoir, en effet, que, pour nombre de déficients visuels ou de
personnes ayant totalement perdu la vue, il est fréquent qu'une partie de la
somme versée au titre de l'ACTP soit consacrée à des petites aides de la vie
quotidienne, s'agissant de lecture, de déplacements ou d'autres prestations du
même type, qui peuvent nécessiter le recours, non pas à une seule personne,
mais à un certain nombre de services souvent assurés dans le cadre des
relations de voisinage ou des relations familiales.
C'est pourquoi les associations regroupant les personnes intéressées
souhaitent que l'administration fasse preuve d'une certaine souplesse dans le
contrôle de l'effectivité de l'allocation compensatrice pour tierce
personne.
Je serais donc heureux, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez
apporter, dans la situation législative et réglementaire complexe que nous
connaissons, les éléments d'information et les précisions qu'attendent ces
personnes, qui sont des accidentés de la vie lourdement touchés par le handicap
et qui ont assurément besoin d'être rassurées.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé.
Monsieur le sénateur, vous avez eu raison
de rappeler dans quelles circonstances - il s'agit de la loi du 24 janvier 1997
- la prestation spécifique dépendance a été instituée. Vous avez eu raison de
rappeler qu'elle n'était pas parfaite car lorsque des décrets d'application
vous ont été soumis les corrections, sans doute nécessaires, n'ont pas été
apportées ; peut-être était-ce dans le feu de l'action et en raison de la
difficulté du débat législatif ?
Je sais les difficultés particulières que les personnes souffrant de
déficience visuelle ou de cécité rencontrent. Cependant, je ne suis pas certain
que le besoin d'aide d'une personne handicapée âgée puisse être déterminé en se
référant exclusivement au type de handicap qui l'affecte. Nous connaissons tous
des personnes atteintes de cécité tôt dans la vie dont la perte d'autonomie est
beaucoup moins importante que celle de personnes qui sont atteintes d'autres
types de handicap.
En revanche, les personnes qui sont atteintes de cécité après l'âge de
soixante ans éprouvent plus de difficultés à compenser ce handicap, en toute
hypothèse, de façon très partielle, par une certaine adaptation à
l'accomplissement des actes essentiels de l'existence, et leur besoin
d'assistance d'une tierce personne en est donc accru.
Tel est le sens, vous pourrez sans doute me le confirmer, monsieur le
sénateur, des dispositions qui ont été retenues pour la prestation spécifique
dépendance et que je voudrais rappeler.
La loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 instituant la PSD, la prestation spécifique
dépendance, distingue le cas des personnes ayant bénéficié de l'ACTP,
l'allocation compensatrice pour tierce personne, avant l'âge de soixante ans de
celui des personnes qui ont obtenu cette prestation après cet âge.
Les premières peuvent choisir lorsqu'elles atteignent cet âge, et à chaque
renouvellement de l'attribution de cette allocation, le maintien de celle-ci ou
le bénéfice de la prestation spécifique dépendance. Cela vaut notamment pour
les personnes atteintes de cécité, auxquelles l'ACTP est attribuée
systématiquement au taux maximal de 80 % de la majoration pour aide constante
d'une tierce personne, ainsi que cela est mentionné à l'article L. 355-1 du
code de la sécurité sociale. Les droits de ces personnes-là sont donc en tout
état de cause préservés.
Le régime juridique de la PSD ne s'applique obligatoirement et sans exclusive,
aux termes de la loi que vous avez votée, qu'aux secondes, c'est-à-dire aux
personnes âgées de plus de soixante ans n'ayant pas jusque-là bénéficié de
l'ACTP. Je reconnais que tout cela est d'une complexité pour le moins
rébarbative.
M. Charles Revet.
C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Le montant de la PSD attribuée - qui peut être
supérieur au montant maximal de l'ACTP - est déterminé principalement en
fonction du besoin d'aide de la personne, besoin évalué par une équipe
médico-sociale, compte tenu notamment de l'environnement de la personne et des
aides publiques ou à titre gracieux dont elle disposera, c'est-à-dire compte
tenu notamment de l'aide des bénévoles qui n'auront pas souhaité être salariés
au titre du plan d'aide. Aussi, la prestation accordée devrait théoriquement
être adaptée aux besoins d'aide réels de la personne.
Ainsi, le montant de la prestation accordée, qui tient compte du besoin de
surveillance et d'aide requis par l'état de dépendance de la personne,
permettra de financer les services qui sont liés à la spécificité de son
handicap tels qu'ils auront été définis par cette équipe médico-sociale pour le
plan d'aide.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, la PSD peut servir à financer des
dépenses autres que les dépenses de personnel, pour 10 % au maximum du plafond
de cette prestation, soit, par exemple, 560 francs par mois dans un département
ayant fixé ce plafond au niveau de la MTP, la majoration pour tierce personne.
Ainsi peuvent être pris en charge les frais de téléphone ou de taxi que vous
évoquez. L'autre partie de la prestation doit être consacrée à la rémunération
de personnel. Mais la loi permet de rémunérer tous types de personnels et non
les seules aides ménagères, contrairement à ce que vous semblez indiquer dans
votre question. Je me permets d'insister sur le fait que la profession d'aide
ménagère inclut l'obligation de confidentialité et, d'une manière générale,
offre des garanties de professionnalisme qui paraissent indéniables.
Je vous rappellerai également que l'institution de la PSD vise, dans l'esprit
de ses promoteurs, à mettre fin à des pratiques, jugées trop fréquentes, de
thésaurisation de l'ACTP qui ne profitaient pas toujours à la personne la plus
concernée, c'est-à-dire l'allocataire.
Ce nouveau dispositif juridique qui est entré en vigueur au milieu de l'année
1997 fera l'objet, comme Mme Aubry l'a indiqué lors de l'installation du comité
national de la coordination gérontologique, le CNCG, d'une analyse très
approfondie de sa première année d'application. Au vu des dysfonctionnements
qui, selon moi, ne manqueront pas d'être relevés, le Gouvernement prendra par
voie réglementaire ou proposera au Parlement les modifications jugées
nécessaires.
J'ai d'ailleurs demandé aux départements, représentés au CNCG, de faire en
sorte que les anomalies qui seront constatées dans la fixation des montants de
la prestation spécifique dépendance en établissement par certains d'entre eux
soient corrigées d'ici au début du printemps.
Pardonnez-moi d'avoir été aussi long mais, en cette matière, nous avions
besoin de ces précisions, qui n'éclaircissent d'ailleurs pas complètement la
question.
M. Philippe Marini.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de ces précisions. Si
l'éclaircissement n'est pas complet, néanmoins c'est un bon début ; c'est en
tout cas un exposé de méthode qui sera certainement utile pour les
concertations futures.
J'ai, en effet, compris que, au terme d'une année d'application de la loi sur
la PSD, vous alliez prendre l'initiative de rencontrer des acteurs de terrain,
les associations représentatives des différentes catégories d'utilisateurs tant
de l'ACTP, loi de 1975, que de la PSD, loi de 1997.
J'ai également cru comprendre que, à la suite de cet examen, vous alliez
tâcher d'identifier les aspects les plus délicats qui nécessiteraient des
évolutions réglementaires ou législatives. Cette clarification sera en tout
état de cause utile. Il me semble, en effet, que le Parlement, lorsqu'il a
souhaité l'instauration de la PSD, n'a pu régler du premier coup toutes les
difficultés susceptibles d'apparaître, en particulier dans les situations
transitoires existant entre le handicap et la vieillesse ou la grande
vieillesse : le handicap non lié à la vieillesse qui est aggravé par cette
dernière et le handicap qui n'apparaît que du fait du grand ou du très grand
âge.
Ce sont évidemment des sujets sociaux, thérapeutiques, voire moraux, qui sont
très délicats et extrêmement importants dans notre société.
J'attends donc avec intérêt, monsieur le secrétaire d'Etat, les résultats des
concertations auxquelles il sera procédé et les mesures nouvelles que vous
envisageriez de présenter dans l'esprit de ce que vous avez annoncé,
c'est-à-dire dans un esprit de clarification : d'un côté, le régime spécifique
du handicap, de l'autre, le régime d'aide à la personne nécessitée par l'état
de grande dépendance propre à la vieillesse ou à la grande vieillesse avec,
bien évidemment, des phases transitoires ou des situations qu'il faut gérer au
mieux et dans l'esprit le plus empirique.
AVENIR DE L'AGENCE FRANCE-PRESSE
M. le président.
La parole est à M. Renar, auteur de la question n° 105, adressée à Mme le
ministre de la culture et de la communication.
M. Ivan Renar.
Si j'ai posé cette question au Gouvernement, madame la ministre, ...
M. Philippe Marini.
Madame la ministre !
M. Ivan Renar.
Ce n'est pas un débat gauche-droite, mon cher collègue !
M. le président.
De toute façon, ce sujet ne fait pas partie de la question orale !
(Sourires.)
M. Ivan Renar.
C'est vrai, monsieur le président, mais je répondais à mon collègue M. Marini,
qui vole au secours de l'Académie française dans un débat qui n'a pas fini de
susciter des réactions.
Mais j'en reviens à mon propos initial : si j'ai posé cette question au
Gouvernement, madame la ministre, c'est que le développement économique et le
rayonnement de l'Agence France-Presse, l'AFP, constituent un enjeu important
pour la presse écrite de notre pays et pour l'avenir de la francophonie.
L'Agence France-Presse, deuxième agence de presse après l'Agence Reuter, est
régie actuellement par un statut original créé en 1957. Celui-ci a permis à
l'AFP de préserver jusqu'à présent son indépendance à l'égard des grands
groupes de presse et des contingences de ce que l'on nomme aujourd'hui le «
marché de la communication ».
Ainsi, l'AFP est financée pour près de la moitié par des abonnements de
l'Etat, par la presse française, par les entreprises et, enfin, par les clients
étrangers.
Ni publique ni privée, du fait de son originalité statutaire, l'Agence a pour
vocation d'être en équilibre financier.
Confrontée aux nécessités de son développement afin de conserver une place
originale, l'Agence France-Presse ouvre de nouveaux services : une banque
d'images sur un réseau spécifique et un service financier sur le Net.
Comme vous avez pu l'indiquer, madame la ministre, « le problème de l'AFP est
de lui donner aujourd'hui les moyens d'investir ».
Ainsi, dans les années passées, l'AFP avait bénéficié d'un prêt de l'Etat à
hauteur de 90 millions de francs pour son informatisation ; 200 millions de
francs supplémentaires seraient nécessaires à l'AFP pour parachever sa
modernisation.
Au total, près de 250 millions de francs permettraient à l'AFP d'assurer les
investissements nécessaires à son développement.
Au-delà de la question d'un changement de statut, le problème de fond est donc
bien celui du financement de l'Agence.
Si des aménagements peuvent voir le jour - on évoque ainsi la brièveté du
mandat du président de l'Agence, la place des entreprises de presse au sein du
conseil d'administration - peut-être convient-il de rester extrêmement prudent
quant à une modification d'un statut qui permet, selon l'actuel président de
l'AFP, « la garantie de l'indépendance de l'Agence ».
Pour autant, les moyens d'investir doivent être trouvés, et c'est là le coeur
de ma question, madame la ministre.
Au-delà des orientations budgétaires qui nous ont été soumises, quelles seront
les primes à l'investissement accordées par l'Etat à l'AFP ?
Ainsi, ne peut-on transformer en dotation les 90 millions de francs accordés
par l'Etat dans le cadre de l'informatisation ?
Ici même, il a été indiqué que le fonds de modernisation de la presse ne
servirait pas l'évolution de l'AFP. Ne peut-on imaginer semblable disposition
pour moderniser l'Agence ?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication, porte-parole du
Gouvernement.
Monsieur le sénateur, l'Agence France-Presse est un outil
incomparable mis à la disposition des médias français. Elle est aussi une
composante irremplaçable de la présence française dans le monde. C'est ce qui a
justifié l'adoption de son statut particulier défini par la loi de 1957. C'est
aussi ce qui explique l'importance des ressources issues du budget de l'Etat,
soit 588,7 millions de francs inscrits dans la loi de finances de 1998, qui
représentent un peu plus de 47 % du budget de l'AFP.
Cependant, monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner l'importance
des défis auxquels est confrontée l'AFP. Ils tiennent à la nature du marché,
dont les ressources croissent peu alors que la demande est toujours plus
exigeante qualitativement et quantitativement. Le nombre de mots produits par
chacune des grandes agences a explosé et ces dernières doivent proposer leurs
services dans des langues de plus en plus nombreuses. On observe un
accroissement de la variété des types d'informations recherchées - domaines
politique, économique, technique, scientifique, culturel, social, faits divers,
son, image - alors que le mode de traitement doit s'adapter à un nombre plus
grand de formes de médias. Il faut toujours plus de documents prêts à éditer ou
à diffuser.
La concurrence est extrêmement vive, d'autant que l'Agence Reuter trouve 95 %
de ses ressources en dehors des médias et qu'Associated Press bénéficie du
formidable tremplin de son marché intérieur.
Les défis auxquels doit faire face l'AFP sont aussi technologiques : si, au
départ, l'AFP a travaillé sur l'écrit puis sur le fond photo, elle doit
aujourd'hui fournir de la matière en infographie, en son, en images animées, en
multimédia.
Une vision stratégique claire doit animer les dirigeants de l'Agence, alors
même que les choix auxquels ils vont devoir recourir sont cruciaux. Il ne faut
pas nier qu'ils interviennent dans une situation de tension, s'agissant des
comptes de l'AFP. Le président de cette dernière envisage même un exercice
déficitaire pour 1998, et ce bien que la dotation budgétaire accordée pour 1998
à l'AFP tranche par rapport aux exercices précédents.
Dans ce contexte, j'ai demandé, en accord avec le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie, que soit réalisée une mission d'évaluation des
structures et du fonctionnement actuel de l'Agence, mission qui pourrait être
confiée à l'inspection générale des finances et qui permettrait d'analyser tant
la santé financière et les besoins de l'AFP que les conditions de
fonctionnement et le statut de cette dernière.
En effet, monsieur le sénateur, vous avez indiqué que le statut actuel de
l'Agence est adapté aux exigences de développement de l'entreprise. Il me
semble, sans vouloir répondre
a priori
de façon définitive - nous n'en
sommes pas là ! - que plusieurs questions se trouvent posées et méritent un
examen. C'est le sens que j'ai donné à mes propos sur ce sujet devant votre
assemblée ainsi que devant l'Assemblée nationale.
En premier lieu, il faut appréhender l'impact que peut avoir, en période de
développement et d'investissement, un statut d'entreprise sans capital. Dans le
passé, il semble bien que se soit posé un problème d'endettement lié à
l'obligation de recourir systématiquement à l'emprunt, et l'on peut se demander
si la solution réside toujours dans un écrasement des dettes par l'Etat,
lorsqu'un emprunt a été réalisé sur les fonds publics.
La composition du conseil d'administration est elle-même très originale
puisqu'elle donne huit places sur quinze aux représentants des syndicats
d'entreprises de presse française. C'est un élément très important, que vous
avez d'ailleurs souligné, monsieur le sénateur.
Il faut enfin s'interroger sur la compatibilité de ce statut avec les normes
européennes. Le poids du financement de l'Etat pour une entreprise intervenant
sur un marché national et international où s'exerce une concurrence entre les
grandes agences suscite des interrogations auxquelles nous devons répondre à
brève échéance.
Je note enfin que le président actuel de l'AFP a fait de cette question l'un
de ses chantiers de réflexion. Son approche me semble inscrite dans la durée.
Il faut en effet, dans ce domaine, s'abstenir de toute précipitation. Chacun au
sein de l'Agence, tout comme parmi les partenaires et les clients de cette
dernière, doit avoir la certitude qu'il pourra apporter sa contribution à la
réflexion.
Soyez certain, monsieur le sénateur, que nous ne voulons ni brusquer qui que
ce soit dans ce domaine ni donner le sentiment que des options fondamentales
seraient prises dans le secret et la précipitation.
Il n'est pas question non plus d'ignorer les défis auxquels se trouve
confrontée l'Agence en nous dérobant à nos responsabilités.
Telle est l'attitude que j'ai adoptée et que je continuerai à adopter sur ce
sujet dans les mois et les années à venir, sachant que les points que vous avez
soulevés, monsieur le sénateur, déterminent l'avenir de l'AFP.
M. Ivan Renar.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse et de la mise au point
qu'elle apporte, tout en laissant le débat ouvert.
Sans prôner le maintien coûte que coûte du statut actuel de l'Agence
France-Presse, je dirai que ce dernier non seulement permet à l'Agence de
conserver une autonomie qui est très souvent menacée dans le monde de la
presse, mais aussi offre à l'Etat des possibilités d'intervention très
importantes, y compris en matière d'aide à la presse.
Compte tenu des difficultés rencontrées par la presse écrite, peut-on imaginer
que cette dernière soit en mesure d'assurer seule, par exemple, le financement
de l'AFP ? C'est là une question dont il faudra bien discuter.
J'ajouterai que, avec 1 100 salariés en France, dont 700 journalistes, et avec
170 bureaux dans le monde, l'AFP est un précieux instrument qu'il convient
naturellement de préserver, mais aussi de développer. Comme nous l'avons
souligné l'un et l'autre, l'intérêt même de la francophonie en dépend.
Je continue à penser que seule l'aide à l'investissement réalisée par l'Etat
permettra à l'AFP de se moderniser durablement afin de mieux résister à la
concurrence.
Par ailleurs, cette aide rendrait possible une accélération du développement
des nouveaux services, permettant ainsi à l'Agence de maintenir sa place et son
originalité au sein d'une presse qui, comme vous le savez, est menacée de
toutes parts.
CONSÉQUENCES À TERME DE L'IMPLANTATION DE CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES JAPONAIS EN
FRANCE
M. le président.
La parole est à M. Souvet, auteur de la question n° 143, adressée à M. le
ministre délégué chargé des affaires européennes.
M. Louis Souvet.
Monsieur le ministre, j'ai voulu que cette question soit posée loin de
l'effervescence médiatique.
Lorsque l'usine Toyota prévue à Valenciennes sera prête à fonctionner, ce sont
2 000 emplois qui seront créés. On me dira que Toyota aurait pu choisir un
autre pays européen ou se contenter d'agrandir le site britannique de
Burnaston. J'en conviens.
Mais ce choix de la France par le constructeur japonais n'est pas un hasard.
Certes, on peut avancer le « cadeau » qui est fait à une région dans laquelle
le chômage est endémique à un haut niveau. J'explique bien cette réaction.
Mais ce choix est dû plus prosaïquement, tout d'abord, au montant des
subventions publiques - la région de Valenciennes est classée en zone 1 - mais
surtout au fait que la France représente, avec deux millions d'immatriculations
par an, le marché le plus important de l'Union européenne, après
l'Allemagne.
La part de Toyota en France atteint aujourd'hui à peine 1 % de ce marché. En
s'attirant une reconnaissance citoyenne à moindre prix, Toyota peut espérer
accroître de façon significative cette part du marché.
Il est peut-être plus grave d'avoir choisi la France qu'on ne le pense. En
effet, on officialisera comme constructeur national un concurrent étranger sur
le plan commercial. Ce concurrent installera un réseau commercial sur notre
sol. Or, monsieur le ministre, vous n'ignorez pas que, actuellement, du fait
des difficultés que connaissent Renault et PSA, de nombreuses concessions sont
en péril. Elles seront rachetées à bas prix et Toyota bénéficiera alors, sans y
mettre le prix, d'un réseau bien installé par les constructeurs français.
Le modèle fabriqué, en l'occurrence la FVN, se situera dans le segment des
petites voitures, à savoir le marché favori des Européens. Or ce segment, comme
d'ailleurs l'ensemble du marché automobile, n'est pas, loin s'en faut,
extensible. Chaque part de marché supplémentaire signifiera nécessairement un
recul des ventes des constructeurs français et européens. Ce dernier se
traduira par des jours de chômage supplémentaires ou par des plans sociaux de
la construction automobile. Un journal paru ce matin dans le pays de
Montbéliard pose la question suivante, à la veille de la réunion du comité
central d'entreprise : Peugeot a-t-il encore besoin du centre de production de
Sochaux, ou va-t-on annoncer sa fermeture ?
Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le ministre, que la vente des
voitures en France a reculé de 20 % en 1997 et que certains centres de
production ont travaillé, durant toute cette année noire, moins de trente
heures par semaine. Souffrez que j'ajoute aussi que, lors de crises de la
métallurgie par exemple, voilà vingt ou trente ans, les constructeurs français
ont été invités à délocaliser une partie de leur production sur les sites en
difficulté, ce qui, bien sûr, a eu une incidence sur leurs coûts.
Il est logique que des fonds communautaires, des subventions nationales
favorisent l'implantation d'unités industrielles françaises ou communautaires
dans des secteurs qui ne connaissent pas de surcapacité. Il est cependant pour
le moins risqué d'introduire un concurrent direct dans un secteur très
vulnérable.
« Toyota ne peut pas se contenter de sa part de marché actuelle en Europe »:
voilà ce que déclarait récemment au journal
Les Echos
M. Shinji Safkai,
directeur général en charge de la stratégie internationale de Toyota. Entre
1985 et 1996, sa production hors Japon est passée de 136 000 véhicules à 1,3
million.
M. Hiroshi Okuda, le président de Toyota, révèle aussi les objectifs offensifs
du groupe : vendre plus de voitures que Ford, le numéro deux mondial, et ainsi
talonner General Motors.
M. Lempereur, directeur des ventes de Toyota France, fait état des « moyens
illimités venant du Japon » afin d'atteindre en France l'objectif de 100 000
ventes annuelles et de 6 % de part de marché le plus vite possible.
Notre appareil de production est vulnérable car beaucoup de salariés chez les
Européens totalisent, et c'est tout à leur honneur, de nombreuses années de
service au sein de l'appareil de production.
Le concurrent nippon, lui, fort logiquement, ne procédera qu'à l'embauche d'un
personnel jeune. Ses coûts ne seront donc pas obérés par ce type de charges
sociales, par des salaires plus confortables dus à l'ancienneté ; sa
compétitivité s'en trouvera accrue et la concurrence en sera d'autant plus
difficile.
De plus, les normes de production sur ce site seront calquées sur celles qui
sont préconisées au Japon par Toyota. Ces normes de production, donc la
productivité de l'appareil, ne sont plus à la portée d'ouvriers ayant atteint
la cinquantaine, mais il faut cependant bien les employer !
J'ai entendu Mme le ministre du travail, de l'emploi et de la formation
professionnelle déclarer que nous devions nous mettre à fabriquer comme les
Japonais. « Il doit y avoir un problème, disait Mme le ministre, puisque les
voitures japonaises sont livrées en quelques jours, alors que les clients
français attendent parfois quelques semaines ».
Je partage ce point de vue, à une nuance près : j'aimerais savoir si
l'ensemble des ministres sont prêts à accepter une législation à la japonaise
qui permettrait d'atteindre les mêmes résultats.
Est-on prêt, par exemple, à embarquer des véhicules sans destination précise
et à les transformer sur le bateau avec des monteurs qui ont pris place avec
les voitures pour les rendre conformes à la commande qui arrive sur le bateau,
sans destination, sans contrôle de la durée et des conditions de travail, sans
autre objectif que de vendre, la fin justifiant les moyens ?
En conséquence, monsieur le ministre, à l'occasion de ce qu'il conviendra, je
le crains, de baptiser sur le long terme de « victoire à la Pyrrhus », ne
pensez-vous pas que la Communauté européenne pourrait être plus sélective quant
à l'octroi des subventions à des groupes extra-communautaires dans des secteurs
frappés par une surproduction européenne notable, à l'heure où les quotas
seront bientôt totalement supprimés ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes.
Monsieur le sénateur,
nous sommes tous deux élus du pays de Montbéliard et je partage, vous le savez,
vos préoccupations.
Je pense comme vous que l'industrie automobile européenne - notamment
française - est soumise à de fortes contraintes dans un contexte de capacité de
production manifestement excédentaire et de concurrence exacerbée au sein de
l'Union européenne. Par conséquent, c'est vrai, les autorités nationales et
communautaires doivent rester vigilantes.
Toutefois, il me semble que l'implantation de Toyota dans le nord de la France
mérite une présentation un peu plus nuancée que le tableau pessimiste, presque
apocalyptique, que vous venez d'en dresser.
Cette implantation dans le Hainaut français va effectivement, qui peut le
nier, aviver la concurrence à laquelle sont confrontés nos deux constructeurs
nationaux. Cependant, il n'y a pas lieu, à mon sens, de concevoir des alarmes
excessives ; ils ne le font d'ailleurs pas eux-mêmes.
Qui pourrait, sur les travées de l'opposition, s'opposer au principe même de
la concurrence ? C'est elle qui fait progresser l'économie depuis longtemps
dans le cadre du marché !
L'accroissement continu des parts de marché de nos constructeurs dans le reste
de l'Europe montre qu'ils restent compétitifs et qu'ils sont capables de
relever ce défi. Pour ma part, j'ai d'ailleurs toute confiance en eux. Par
ailleurs, le marché français, qui demeure leur principal débouché, possède des
réserves de croissance substantielles, en particulier après le point bas
historique atteint en 1997. Au demeurant, depuis le dernier trimestre de l'an
dernier, la demande d'automobiles se redresse, comme l'ensemble de
l'économie.
Interrogeons-nous sur les causes du marasme actuel : les aides qui ont été
accordées, sous forme de primes à l'automobile, par les gouvernements de MM.
Juppé et Balladur ont eu pour effet un accroissement des carnets de commandes,
suivi ensuite d'une très profonde dépression. Il faudra, à l'avenir, tirer les
leçons de ce genre de procédés et ne pas les renouveler.
A plus long terme, la généralisation du second véhicule, le développement des
marchés de « niches » et une accélération du renouvellement du parc - dont
l'âge moyen a augmenté au cours de ces dernières années - pourraient donner un
coup de fouet salutaire.
Je crois comme vous que l'industrie automobile française n'échappera pas - et
elle n'y échappe d'ailleurs pas ! - à un effort d'adaptation permanent et
extraordinairement important. Cela passera, c'est certain, par une amélioration
de la qualité et de la vitesse de production, et par une réduction des coûts.
Reste à savoir comment nous y parviendrons.
Il faudra aussi remédier à un autre problème structurel, que vous connaissez
comme moi, à savoir la pyramide des âges, très particulière dans ce secteur. La
réduction du temps de travail pourrait, sous des formes adaptées, constituer la
réponse qu'attendent nos constructeurs.
En tout état de cause, la décision de créer une nouvelle unité de production
en Europe étant prise - et elle appartient entièrement au constructeur japonais
- il est bien évident que nous avons tout intérêt à ce que cette implantation
se fasse chez nous plutôt que chez nos de ses voisins. A cet égard, on peut
considérer qu'elle contribue à corriger un état de fait préjudiciable : la
France n'a, jusqu'à présent, accueilli aucune implantation de groupe japonais,
bien que les implantations se soient multipliées en Europe depuis 1985.
Cette décision aura des effets bénéfiques pour les équipementiers, dont
profiteront d'abord - c'est d'ailleurs bien l'esprit des accords passés avec
Toyota - nos constructeurs nationaux. En termes d'aménagement du territoire,
cette implantation sera également bénéfique.
En second lieu, vous avez évoqué les aides publiques européennes.
Je veux, pour ma part, combattre l'idée selon laquelle cette implantation
s'expliquerait principalement par le montant des aides publiques promises. Or
cette idée apparaît implicitement dans votre question.
Je ne citerai pas de chiffres en l'état actuel du dossier, puisqu'il fait
encore l'objet de négociations avec Bruxelles ; mais je puis d'ores et déjà
dire que le niveau des différentes aides publiques, qu'elles soient d'origine
communautaire ou nationale, est faible en proportion du coût total de
l'investissement - il est de l'ordre de 4 % à 5 % - et qu'il est en tout cas
beaucoup plus faible que celui dont ont bénéficié d'autres projets comparables,
qui ont pu atteindre jusqu'à 15 % de l'investissement. Je crois très
sincèrement que ce montant d'aides publiques n'a pas été un critère
discriminant entre les différents sites envisagés en Europe et en France.
Quoi qu'il en soit, les Japonais « ne font pas de cadeaux », et notre pays
doit ce succès à la qualité de sa main-d'oeuvre et de ses infrastructures, à
l'implication de ses élus et à son engagement sans faille dans la construction
européenne, en particulier en faveur de l'euro.
En vérité, la Commission européenne se montre très sélective dans sa politique
d'aide et elle limite strictement les soutiens apportés par les pouvoirs
publics nationaux. La situation de l'industrie automobile en Europe l'a en
effet conduite à mettre en place dès 1989 un encadrement communautaire
spécifique et elle a adopté cette année un dispositif encore plus sévère qui
s'appliquera à partir du 1er janvier 1998 aux constructeurs et aux
équipementiers de premier rang.
La France a approuvé ce durcissement. La Commission veillera à ce que les
aides soient réellement nécessaires et strictement proportionnées à des
handicaps locaux, pour éviter toute distorsion de concurrence. Elle vérifiera
aussi, et c'est essentiel, qu'elles ne contribuent pas à accroître les
déséquilibres entre offre et demande qui existent sur certains segments du
marché européen.
Je pense pour ma part, monsieur le sénateur, que notre industrie automobile
nationale devra améliorer sa compétitivité. J'ai d'ailleurs toute confiance en
elle sur ce point, et je pense, comme vous j'en suis sûr, qu'elle saura
répondre aux défis que vous évoquiez.
Enfin, vous avez cité un journal du pays de Montbéliard. Je puis vous indiquer
à cet égard que le groupe Peugeot y restera, bien entendu, et que le centre de
production de Sochaux, qui est le berceau de cette entreprise, y demeurera
implanté. Cela suppose des adaptations, mais celles-ci ne peuvent évidemment
pas consister à adopter des législations - ou une absence de législation - à la
japonaise. Nous avons notre propre modèle social, et c'est dans ce contexte
qu'il convient d'évoluer.
Il est toutefois un point, et j'en terminerai par là, à propos duquel nous
devons tous rester très vigilants, à savoir la suite à donner aux accords
passés entre la CEE et le Japon, ainsi que leur continuité. Croyez que le
Gouvernement y veille !
M. Louis Souvet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de la réponse que vous avez bien voulu
me donner.
Vous l'avez rappelé, vous représentez comme moi une région où la construction
automobile est l'unique industrie depuis la naissance de ce mode de transport.
En effet, toute l'économie du pays de Montbéliard est fondée sur la
construction automobile et, actuellement, vous ne pouvez l'ignorer, les
personnels sont extrêmement inquiets.
Vous dites que vous avez conscience des fortes contraintes qui pèsent sur
cette industrie mais que vous voulez en dresser un tableau plus nuancé, puisque
j'en aurais, paraît-il, brossé une image apocalyptique, ce que je ne pense pas.
J'ai dit simplement que si l'entreprise Toyota vient, comme elle l'a prévu,
construire 200 000 véhicules, 100 000 la première année puis 200 000 la
deuxième année, il faudra bien les écouler, ce qui se traduira par des pertes
de parts de marché.
On ne peut pas s'opposer à la concurrence, dites-vous, mais cette concurrence
ne se fait pas à armes égales dans ce cas ! En effet, un constructeur va
embaucher des jeunes de vingt à vingt-cinq ans, alors que l'autre devra bien
supporter, et vous y avez fait allusion, une pyramide des âges dans laquelle
les personnes ayant entre quarante-cinq et cinquante ans sont les plus
nombreuses ; ces dernières n'ont pas les mêmes performances physiques et ne
peuvent évidemment pas avoir la même rentabilité au travail que des jeunes ! Et
je ne parle pas ici des méthodes japonaises, auxquelles j'ai fait allusion tout
à l'heure.
La concurrence est d'autant moins égale que Toyota va bénéficier de primes
pour l'installation au moment où, vous ne pouvez l'ignorer, Peugeot a dépensé 8
milliards de francs pour moderniser son centre de production de Sochaux, sans
aucune aide.
Vous dites par ailleurs que nous avons atteint le point historiquement le plus
bas en 1997. On peut s'interroger : les constructeurs français n'iront-ils pas
plus bas encore ? Je ne suis pas d'un naturel optimiste, c'est vrai, mais rien
ne permet de dire que ce palier historique ne sera pas dépassé !
Je ne nie pas l'effet d'accélération induit par les primes Balladur et Juppé,
mais il ne faut quand même pas oublier la volonté de sécuriser et de moderniser
notre parc automobile. Cela a tout de même permis de mettre à la casse de
nombreux véhicules qui étaient dangereux ! C'est la raison pour laquelle nous
nous félicitons aujourd'hui d'avoir fait ce que nous avons fait.
On passera, dites-vous, par une amélioration de la qualité et par une
réduction des coûts. Cela entraînera-t-il la fermeture de certains centres ? On
peut très sérieusement s'interroger sur ce point. Ainsi, actuellement, un
centre comme celui de Sochaux-Montbéliard, dont l'effectif était naguère de 42
000 personnes, ne compte plus aujourd'hui que 19 000 personnes. Doit-on aller
beaucoup plus loin encore ? La tentation sera très forte pour certains
fabricants !
Je me demande, à cet égard, ce qui va être annoncé au prochain comité central
d'entreprise de Peugeot ! Je crois qu'il y a effectivement là de très graves
dangers.
Vous dites qu'il est préférable que la concurrence s'implante chez nous plutôt
que chez nos voisins. Ce n'est pas du tout l'avis des constructeurs que j'ai
entendus sur ce sujet !
Enfin, quand vous dites que les aides publiques ne sont pas supérieures à 4 ou
5 %, je crois que vous en oubliez quelques-unes, parce que à la prime
d'aménagement du territoire il faut ajouter les aides des collectivités locales
et les exonérations de taxe professionnelle. Tout cela s'additionne, vous le
savez fort bien, pour atteindre 17 %. Je ne vois d'ailleurs pas les Japonais se
contenter d'un taux de 5 % alors qu'ils peuvent partout ailleurs obtenir 17 %
!
Vous dites aussi que Peugeot restera sur le centre de production de Sochaux.
J'en accepte l'augure, et je le souhaite évidemment personnellement, mais je
m'interroge surtout actuellement sur le bien-fondé des aides que nous apportons
aux constructeurs étrangers qui viennent s'installer dans un secteur qui est
déjà en surcapacité évidente.
M. le président.
Mes chers collègues, toute une série de questions sont maintenant adressées à
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement, dont je salue la
présence au banc du Gouvernement. Or celui-ci a ce matin d'autres obligations
devant l'Assemblée nationale. Par conséquent, je vous demande de respecter le
plus rigoureusement possible les temps de parole qui vous sont impartis, afin
que M. Gayssot puisse répondre à chacun.
SÉCURITÉ DES LIGNES SNCF
M. le président.
La parole est à M. Le Jeune, auteur de la question n° 80, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Edouard Le Jeune.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun
d'entre nous se souvient de la dramatique collision qui est intervenue le 8
septembre 1997, en Dordogne, au cours de laquelle un train express régional a
percuté de plein fouet, à plus de 120 kilomètres-heure, la citerne d'un camion
bloqué sur un passage à niveau et transportant une très grande quantité de
carburant, avec pour triste bilan treize morts et une quarantaine de
blessés.
A l'heure actuelle, la France compte encore 17 800 passages à niveau. Or, de
l'avis général, ces points de jonction entre la route et le rail sont bien trop
nombreux et doivent en tout état de cause disparaître.
Certes, les décès consécutifs aux collisions ferroviaires - une soixantaine
par an en moyenne - ne représentent que 0,7 % du total des tués sur la route,
mais les conséquences de ces chocs sont toujours dramatiques. Ils impliquent
pour l'essentiel des voitures particulières - 67 % - mais n'épargnent pas les
poids lourds et les deux roues.
On compte, en moyenne, un décès tous les six jours sur un passage à niveau et
d'innombrables incidents moins graves. En outre, contrairement à ce que l'on
pourrait croire, les passages à niveau munis de quatre demi-barrières sont plus
« accidentogènes » que ceux qui ont deux demi-barrières.
Ces accidents sont dus aux infrastructures alentour et au comportement des
usagers.
Un passage à niveau situé à proximité immédiate d'une intersection routière
pouvant créer des bouchons augmente le risque d'immobilisation d'un véhicule
sur les voies. A certains endroits, la signalisation est déficiente ; à
d'autres, le passage est construit juste après un virage - tel était le cas
pour le très grave accident auquel j'ai fait allusion tout à l'heure.
Quant aux conducteurs, certains ne respectent pas le feu rouge annonçant la
fermeture imminente des barrières, et d'autres s'avancent sur le passage à
niveau avant la réouverture complète des barrières.
La SNCF a pris l'engagement de ne plus construire de nouveaux passages à
niveau et, surtout, d'en faire disparaître 500 par an, remplacés par des
ouvrages d'art, ponts ou passages souterrains.
Outre le fait que ces solutions de remplacement coûtent cher - entre 15
millions et 30 millions de francs à chaque substitution - au rythme actuel, il
faudra attendre trente-cinq ans avant que l'ensemble des passages à niveau
aient été remplacés.
A la vérité, le problème des passages à niveau résulte de leur nature mi-rail
mi-route. Il serait donc bon d'aboutir à un plan d'action commun associant à la
fois la SNCF et les collectivités en cause, à savoir l'Etat, les départements
et, quelquefois, les communes.
Cette action commune devrait s'articuler autour de quatre priorités.
Premièrement : établir un plan d'urgence visant à répertorier et à supprimer
les passages les plus dangereux existant encore à l'heure actuelle.
Deuxièmement : repenser le financement, car, comme je l'indiquais tout à
l'heure, la suppression d'un passage à niveau coûte entre 15 millions et 30
millions de francs et, de ce point de vue, la SNCF, le ministère des transports
et les collectivités territoriales devraient pouvoir s'entendre sur un partage
des coûts.
Troisièmement : renforcer la signalisation. Les directions départementales de
l'équipement devraient pouvoir assurer un meilleur entretien des panneaux de
signalisation avancée. Par ailleurs, l'aspect de ces panneaux devrait être
amélioré pour accroître leur impact visuel.
Quatrièmement : développer la formation des conducteurs. En effet, le
franchissement d'un passage à niveau, sous tous ses aspects, devrait être
systématiquement abordé lors de l'apprentissage de base de la conduite.
En terminant, je livre à la réflexion des ingénieurs des centres d'études et
de recherches de la SNCF, dont nul n'ignore la très grande compétence, les
suggestions faites dans le courrier des lecteurs d'un grand quotidien de
l'ouest de la France, le 12 décembre 1997.
Un compatriote du Morbihan, à la suite d'une collision entre un TGV et un
poids lourd en Mayenne, s'exprime ainsi : « On sait se rendre sur la lune, mais
on ne sait pas arrêter un TGV en cas d'obstacle sur la voie. Avec tous les
moyens dont on dispose - radars, détecteurs d'obstacles, caméras. etc. - c'est
un non-sens. »
Un autre compatriote, du Calvados, lui, déclare : « Puisque 80 % des voitures
accidentées proviennent de conducteurs ayant délibérément franchi en chicane un
passage à niveau fermé, il faut mettre deux barrières de chaque côté.
« Par ailleurs, pour qu'une voiture ne soit pas prise au piège devant une
double barrière qui se ferme, il faudrait laisser, entre la ligne du train et
les barrières, un espace assez grand pour qu'un camion puisse y stationner le
nez contre la barrière sans qu'il y ait collision avec le train qui arrive.
»
Monsieur le ministre, la vie de plusieurs centaines de nos compatriotes est en
jeu. Aussi, j'ose espérer que le Gouvernement procédera à un examen plus
qu'attentif de ce problème. Cela permettra d'éviter que nos successeurs dans
cette assemblée n'aient à l'aborder de nouveau dans trente-cinq ans !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, le drame de Port-Sainte-Foy - je m'étais immédiatement rendu sur les
lieux avec le président Gallois - a rappelé, une fois encore, les graves
problèmes de sécurité liés au croisement entre trafics ferroviaire et
routier.
Depuis de nombreuses années, des efforts considérables sont consentis par la
SNCF, par les collectivités territoriales et par l'Etat pour améliorer la
sécurité des passages à niveau et poursuivre leur suppression - nous en
supprimons 400 à 500 par an - car tel est bien l'objectif.
Selon les statistiques, le nombre des collisions aux passages à niveau a ainsi
baissé d'un tiers en dix ans ; mais il reste, j'en suis pleinement conscient,
encore trop important.
Indépendamment de l'enquête judiciaire diligentée par le procureur de la
République, qui établira les responsabilités dans cet accident, j'ai
immédiatement désigné une commission d'enquête technique et administrative afin
d'en analyser les circonstances et les éventuelles causes techniques. Cette
commission vient de me remettre son rapport, qui fait actuellement l'objet d'un
examen très attentif par mes services.
Il est important, à ce stade, de rappeler que le transport ferroviaire est
l'un des modes de transport les plus sûrs et que, dans la plupart des cas, les
améliorations de la sécurité aux passages à niveau sont à rechercher dans
l'aménagement routier de ces intersections et, vous l'avez dit, monsieur le
sénateur, dans le comportement des usagers.
C'est pourquoi un certain nombre d'études et d'expérimentations vont être
menées très rapidement de façon à faire évoluer le comportement de l'usager de
la route - j'ai bien entendu votre suggestion pertinente relative à la
formation des conducteurs - et à améliorer l'équipement et la « perception »
des passages à niveau, comme vous le proposez également à juste titre.
Dans le même temps, il appartiendra à la SNCF, à RFF, aux collectivités
locales et à l'Etat de se mobiliser pour mettre en place les conditions d'une
amélioration globale de la sécurité des passages à niveau et pour supprimer les
plus dangereux d'entre eux en définissant des priorités.
Il faut être conscient que cette action nécessitera un effort financier
durable et soutenu de la part des différents partenaires concernés puisqu'il en
coûtera environ 200 milliards de francs.
Afin d'engager cette politique, qui devra concerner, dans un premier temps,
les passages à niveau les plus dangereux, une enveloppe de 50 millions de
francs sera réservée à cet effet dans la programmation 1998 du fonds
d'investissements des transports terrestres et des voies navigables que je
présenterai prochainement au comité de gestion de ce fonds.
Si j'ai conscience du caractère limité de la somme, cela va néanmoins dans le
sens du souhait de plus grande sécurité que vous avez émis, monsieur le
sénateur.
M. Edouard Le Jeune.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Le Jeune.
M. Edouard Le Jeune.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Nos points de vue se
réjoignent ; mais comment pourrait-il en être autrement ?
Les vies humaines n'ont pas de prix, vous le savez. Il faut toujours
rechercher plus de sécurité dans tous les domaines, et je sais que c'est l'une
de vos préoccupations majeures.
Vous venez d'indiquer qu'il fallait tendre à plus de sécurité en mer, ainsi
que vous l'aviez annoncé, le 31 décembre dernier, à Camaret, où nous assistions
ensemble au service célébré pour les disparus en mer du chalutier
Toul-an-Trez,
à plus de sécurité sur les routes, à plus de sécurité dans
les transports ferroviaire et aérien.
Beaucoup a déjà été fait, vous venez de le dire et je le sais. Mais il reste
encore beaucoup à faire. La dépense à engager, à savoir 200 milliards de
francs, est énorme. En tout état de cause, le Gouvernement, lors des arbitrages
financiers, devra respecter les priorités et surseoir aux dépenses de prestige.
Ministre combatif, nous savons pouvoir compter sur vous.
POLITIQUE DE LA SNCF EN HAUTE-SAVOIE
M. le président.
La parole est à M. Carle, auteur de la question n° 96, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le ministre, comme vous, je suis très attaché au développement des
infrastructures ferroviaires dans notre pays, qui constituent une alternative à
la route moins contraignante pour notre environnement et un enjeu essentiel de
l'aménagement équilibré de notre territoire.
Cependant, pour mener à bien ce développement de la voie ferrée, il nous faut
impérativement réconcilier nos concitoyens avec le train en le rendant plus
attractif et plus compétitif. Pour cela, il convient de réduire les temps de
transport ferroviaire et surtout de ruptures de charge et d'améliorer autant
que faire se peut le niveau de confort.
Par ailleurs, il est un fait que tout secteur géographique situé à l'écart des
grands axes de communication, qu'ils soient routiers, ferroviaires ou
aéroportuaires, subit un préjudice grave qui nuit à son développement
économique. De tels exemples sont nombreux dans notre pays.
Ainsi, le nord du département de la Haute-Savoie, notamment le secteur du
Chablais, est, vous le savez, confronté à un enclavement chronique aggravé par
l'annulation récente de la déclaration d'utilité publique de l'autoroute A 400.
M. Pierre Mazeaud et M. Jean Denais, maire de Thonon-les-Bains, ont déjà évoqué
avec vous ce sujet, monsieur le ministre.
A ce propos, une des premières conséquences de cette situation, on vient de
l'apprendre, est la réduction particulièrement marquée du volume d'activité du
guichet de la Banque de France de Thonon-les-Bains.
Or, il est tout à fait surprenant de constater que les villes de
Thonon-les-Bains et d'Evian-les-Bains, qui, vous en conviendrez, constituent
des pôles attractifs forts et de renommée internationale, ne sont actuellement
desservies que par un seul et unique TGV direct en provenance de la
capitale.
En effet, sur les six trains quotidiens à grande vitesse de la ligne
Paris-Evian-les-Bains, cinq nécessitent une correspondance à Bellegarde.
Afin de gagner un temps précieux et pour plus de commodité, la grande majorité
des usagers de ces TGV, qui pour plus d'un tiers sont des Hauts-Savoyards,
descendent de train à Genève pour rejoindre le Chablais par la route.
Pour toutes ces raisons et dans ces conditions, il semblerait opportun de
densifier les trains directs entre Paris et Evian-les-Bains afin de satisfaire
cette clientèle d'affaires et d'offrir de meilleures prestations à la clientèle
touristique.
Monsieur le ministre, connaissant votre attachement à l'aménagement de notre
territoire, je vous remercie de bien vouloir faire état de ces doléances
récurrentes et légitimes à la direction de la SNCF et de l'inciter à remédier
rapidement à cette situation.
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, vous l'avez dit, je suis très attaché à la qualité du réseau, des
dessertes et du service rendu aux usagers. De plus, je suis convaincu, comme
vous le soulignez, que le transport ferroviaire, compte tenu de ses atouts
indéniables, est en mesure de jouer un rôle majeur dans l'aménagement équilibré
du territoire et qu'il est à l'aube d'un renouveau que je souhaite durable. Le
développement du volume d'activité que l'on observe depuis un an environ en
constitue d'ailleurs les prémices.
S'agissant de l'organisation des dessertes, la loi d'orientation des
transports intérieurs du 30 décembre 1982 prévoit en la matière une large
autonomie de la SNCF. Celle-ci, qui a fait de la reconquête des trafics et de
la clientèle un de ses tout premiers objectifs, est, de ce fait,
particulièrement attentive à la qualité des dessertes et à leur amélioration.
C'est donc dans cet esprit qu'elle travaille, vous pouvez en être convaincu.
Pour ce qui concerne le nord du département de la Haute-Savoie, les villes
d'Annemasse, Thonon-les-Bains et Evian-les-Bains sont actuellement desservies,
avec correspondance à Bellegarde, par cinq TGV assurant la relation
Paris-Genève et retour ; une desserte directe entre Paris et ces villes du
Chablais est effectuée par TGV les samedis et dimanches de pleine saison
d'hiver et d'été.
Cela me paraît constituer une offre déjà tout à fait significative, sachant -
c'est inévitable ! - que les dessertes directes par TGV doivent être réservées,
pour des raisons économiques évidentes, aux livraisons à fort potentiel de
trafic.
Jusqu'à présent, cela ne semblait pas être le cas de la ligne
Bellegarde-Evian-les-Bains puisque, d'après les comptages effectués par la SNCF
dans les TGV Paris-Genève, seulement 15 % à 25 % des usagers de ces trains
avaient pour provenance ou destination les villes du Chablais. Il n'avait donc
pas été décidé de mettre en place une desserte de ces villes quotidienne et
directe par TGV, tant celle-ci aurait été déficitaire, disait-on.
La SNCF effectue néanmoins, actuellement, des enquêtes dans les TGV
Paris-Genève et Paris-Annecy afin de mieux cerner les besoins de transport des
usagers de la Haute-Savoie. Il est évident que la SNCF sera amenée à réajuster
son offre de transport, comme elle le fait régulièrement, si les résultats de
ces enquêtes faisaient finalement apparaître que des besoins importants ne sont
pas satisfaits. Cela pourrait, bien sûr, concerner le cas particulier de la
desserte Paris-Evian-les-Bains, que vous venez de nous signaler, monsieur le
sénateur.
M. Jean-Claude Carle.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Je remercie M. le ministre de sa réponse.
Je souhaite qu'effectivement, au terme des comptages ou des estimations qui
seront faites par les services de la SNCF, la situation puisse être améliorée.
En effet, je le répète, ce secteur de notre département est aujourd'hui fort
pénalisé au plan économique, que ce soit dans le bas du Chablais pour tout ce
qui concerne le secteur industriel ou dans le haut du Chablais, où les stations
sont dans l'impossibilité d'organiser de grands événements sportifs comme les
championnats du monde, parce que les dessertes ferroviaires, bien sûr, mais
aussi routières - j'ai évoqué ce point et vous connaissez bien le problème,
monsieur le ministre - ne sont pas suffisamment performantes.
AMÉNAGEMENTS À RÉALISER ET SÉCURITÉ
SUR LA ROUTE NATIONALE 504
M. le président.
La parole est à M. Barnier, auteur de la question n° 134, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Michel Barnier.
Monsieur le ministre, je vois une sorte de symbole qui n'aura pas manqué de
vous toucher dans le fait qu'un sénateur de la Haute-Savoie précède un sénateur
de la Savoie pour vous interroger sur des problèmes de communication et de
transport. En réalité, ce n'est pas étonnant puisque nos départements, riches
de la même histoire, appartiennent traditionnellement à la même province et
sont donc confrontés à des problèmes identiques.
La situation de cette province est très particulière, monsieur le ministre.
Nous sommes au milieu du sillon alpin, à la porte de l'Italie du Nord dont vous
connaissez le dynamisme. Nous voyons donc arriver chez nous des centaines de
milliers de touristes en ce moment même : c'est une chance que nous avons
voulue et que nous mesurons.
Le département que j'ai l'honneur de représenter compte 345 000 habitants et
350 000 lits d'hébergement. Cela signifie qu'actuellement pendant la saison
d'hiver, tous les jours, à la population permanente s'ajoute une population
touristique quantitativement équivalente.
Ce qui m'inquiète le plus, s'agissant des transports et de l'accessibilité de
nos régions, c'est le trafic de poids lourds. Les mesures qui sont prises par
des pays voisins comme la Suisse et l'Autriche contraignent les poids lourds
traversant l'Europe du Nord au Sud pour se diriger vers l'Espagne et l'Italie à
passer naturellement par la Savoie.
Il est donc clair que si les pouvoirs publics dont nous faisons partie - comme
vous-même, monsieur le ministre - ne prennent pas des dispositions extrêmement
audacieuses et courageuses, le risque d'asphyxie et d'explosion, y compris
politique, est réel dans les prochaines décennies.
Parce que je crois que gouverner, c'est prévoir et prendre aujourd'hui des
décisions, même si elles sont difficiles, qui concernent l'avenir, je souhaite
vous rendre encore plus sensible à cette situation, monsieur le ministre.
Parmi tous ces problèmes, il en est un qui m'inquiète tout particulièrement :
celui de la route nationale 504.
Celle-ci supporte les trafics quotidiens de la population locale, des poids
lourds et des touristes de l'avant-pays savoyard et de l'Ain, département
voisin, vers la Savoie et le lac du Bourget. Cet itinéraire pose nombre de
vrais et graves problèmes. Cela m'avait conduit, avec mon prédécesseur
Jean-Pierre Vial, à saisir votre prédécesseur, M. Bernard Pons, de la sécurité
de cette route.
M. Pons avait pris alors l'engagement de saisir les préfets concernés de cette
question, engagement qui a été respecté puisque, après la consultation des
préfets, le directeur national des routes s'était rendu sur les lieux pour
examiner l'itinéraire, avant de présider une réunion de travail à la mairie de
Belley le jour même.
A cette occasion, un programme d'aménagements de sécurité, qui doit également
favoriser le détournement des poids lourds, a été validé. Le montant des
aménagements dans le département de la Savoie s'élève à environ 70 millions de
francs et concerne, en particulier, un point extrêmement sensible et dangereux
de cet itinéraire : le tunnel du Chat. Il s'agit d'un tunnel monotube qui est
en très mauvais état, et nous craignons tous les jours qu'un accident ne s'y
produise, accident qui aurait des conséquences graves non seulement pour la
circulation, mais peut-être aussi pour la qualité des eaux du lac du Bourget,
le plus grand lac naturel français, qui se trouve immédiatement au pied de ce
tunnel.
Par ailleurs, le directeur national des routes avait donné son accord de
principe pour que soit décidée rapidement l'interdiction de transit des
matières dangereuses, notamment dans ce tunnel. Cette interdiction n'avait pas
pu être mise en place avant l'été compte tenu des délais administratifs.
Monsieur le ministre, je souhaite que vous puissiez nous rassurer sur la
détermination de l'Etat, le volume et la nature des travaux, et surtout sur le
calendrier de l'engagement effectif de ces travaux.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, les questions que vous soulevez, notamment en ce qui concerne les
risques de détournement de trafic de poids lourds sur notre territoire en
fonction des politiques menées dans d'autres pays, sont tout à fait
d'actualité, vous le savez. A l'échelle européenne, lors du dernier conseil des
ministres « transports », j'ai été conduit à soulever ce problème, qui est
actuellement examiné par la Commission européenne.
En ce qui concerne plus précisément la route nationale 504, que vous avez
évoquée, longue de 80 kilomètres environ, cette route nationale entre Ambérieu
et Chambéry assure la jonction entre les autoroutes A 42 et A 43, ce qui permet
au trafic qui transite entre le nord de la France et l'Italie
via
le
tunnel du Fréjus d'éviter l'agglomération lyonnaise.
Cette route nationale supporte aujourd'hui un trafic de poids lourds élevé qui
provoque d'importantes nuisances pour les riverains et pose des problèmes de
sécurité. Elle présente, en outre, un tracé sinueux et un profil continu à deux
voies qui n'offre pratiquement aucune possibilité de dépassement.
Cependant, elle n'a pas vocation à écouler un trafic de transit important,
cette fonction devant être assurée, à terme, par la future autoroute A 48.
Mes services poursuivent les études d'aménagement de cette voie dont
l'objectif est, dans l'attente de la réalisation de l'A 48, non pas de
favoriser la circulation du trafic de poids lourds, mais d'améliorer la
situation pour les riverains et les usagers, en veillant à la cohérence des
approches entre les départements de l'Ain et de la Savoie. L'Ain est en effet
concerné par la majeure partie du linéaire et d'importants travaux sont engagés
au XIe Plan.
En ce qui concerne le département de la Savoie, les premières réflexions
conduisent à envisager divers aménagements qualitatifs et de sécurité pour un
montant de l'ordre de 60 millions de francs, tels que l'aménagement de la
traversée de Saint-Jean-de-Chevelu et l'amélioration de virages près du
lieu-dit La Challière.
Une concertation sera conduite avec les responsables locaux sur la nature de
ces aménagements afin d'engager leur réalisation au prochain contrat de
plan.
Les premières conclusions des études en cours, dont la responsabilité est
assumée par la direction régionale de l'équipement Rhône-Alpes, seront
disponibles à la fin du premier semestre 1998.
Quant aux transports de matières dangereuses dans le tunnel du Chat, qui
posent de graves problèmes de sécurité, je souhaite leur interdiction dans les
meilleurs délais. J'ai d'ailleurs demandé au préfet de région Rhône-Alpes et au
préfet de Savoie d'engager sans retard une concertation avec les professionnels
concernés afin de traiter au mieux les conséquences de cette mesure imposée par
les exigences de sécurité et de protection du lac du Bourget.
M. Michel Barnier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Barnier.
M. Michel Barnier.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Si j'ai bien compris, la concertation portant sur les aménagements de cet
itinéraire dans sa partie savoyarde connaîtra sa conclusion à la fin de ce
semestre.
Très franchement, nous savons ce qu'il faut faire. Il est temps de clore la
concertation ; nous étudions ces questions depuis déjà de longues années. Le
temps de l'action, donc de l'engagement des crédits, est venu, monsieur le
ministre.
Vous vous référez au prochain contrat de plan. Cela arrive bien tard compte
tenu des risques et des problèmes de sécurité - vous les avez rappelés en
évoquant Saint-Jean-de-Chevelu - auxquels sont exposés aussi bien les
automobilistes qui traversent le tunnel du Chat que les riverains de celui-ci.
J'aimerais vous rendre attentif à la responsabilité de l'Etat quant à
l'aménagement de cette RN 504.
J'ai bien écouté vos propos sur la concertation européenne. De nombreux
problèmes d'ordre national et européen se posent dans mon département. Cela
justifie que je vous interroge aujourd'hui. Nous entretenons, depuis de longues
années, un dialogue constructif avec l'Etat, quels que soient les
gouvernements. Il faudra poursuivre cette concertation pour les routes
nationales. J'ai parlé de la RN 504. J'aurais pu évoquer la RN 90 en Tarentaise
et la RN 212 en direction d'Ugine et du Val d'Arly. J'aurais encore pu
mentionner d'autres itinéraires.
Au premier chef, monsieur le ministre, je souhaite ne pas voir fléchir la
détermination du Gouvernement s'agissant de la liaison ferroviaire
France-Italie pour les voyageurs et surtout pour les marchandises. Or nous
avons le sentiment que la détermination de ce gouvernement fléchit. Nous avons
du mal à comprendre que vous ne mettiez pas toute votre énergie, que l'on sait
grande, et toute votre détermination, avec l'appui de certains de vos
collègues, pour maintenir la priorité européenne de la France pour la traversée
des Alpes à travers la liaison France-Italie pour les voyageurs et pour les
marchandises.
Cette liaison intéresse la Savoie - nous souhaitons qu'elle traverse notre
région, sans l'ignorer et sans l'abîmer - mais elle intéresse aussi la France
entière compte tenu de ce risque d'asphyxie que j'évoquais tout à l'heure à
cause de la circulation des poids lourds.
DÉSENCLAVEMENT DE LA CORRÈZE
M. le président.
La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 137, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Georges Mouly.
Monsieur le ministre, l'importance qu'attache le Limousin à ce désenclavement,
qui se manifeste depuis des lustres, ne saurait étonner grand monde, en tout
cas pas vous-même ; qui écriviez récemment à M. Hollande, lequel n'est autre
que le député de ma circonscription, le soutien que vous comptez apporter à la
réalisation de l'autoroute Bordeaux-Clermont-Ferrand, qui est un des points
essentiels du désenclavement.
Si, parmi les élus locaux, cela ne saurait étonner personne, l'impatience est
une constante, j'avoue qu'elle se manifeste différemment selon les alternances
de la politique nationale, les uns trouvant que cela va moins vite qu'avant et
d'autres que cela va aussi vite qu'avant, je n'ai pas besoin d'insister sur ce
point...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Bien sûr !
M. Georges Mouly.
D'où, selon moi, la nécessité d'y voir une bonne fois le plus clair possible,
au moins dans l'état actuel des choses.
Mon intervention portera sur quatre points : l'autoroute A 89
Bordeaux-Clermont-Ferrand, les routes nationales RN 89 et RN 120, la diagonale
Nantes-Méditerranée et les lignes SNCF.
S'agissant de l'autoroute A 89, je commencerai par me réjouir de la décision
de M. le Premier ministre qui consiste à traiter Bordeaux-Lyon en « tout
autoroute ». C'est une bonne chose.
S'agissant des dates de début et de fin des travaux, c'est là que se posent
les questions. J'ai quatre ou cinq sources de renseignements.
La revue
Objectif 89
de décembre 1996 fait état de la réalisation de
différents tronçons, mais annonce en conclusion la mise en service en 2004 de
la section Bordeaux-Le Sancy.
Ensuite, une lettre adressée à l'un de mes collègues par le responsable de la
société des autoroutes du sud de la France, ASF, précise que, au cours de
l'exécution du contrat de plan 1995-1999, ce sont les sections d'extrémité qui
seront mises en service.
Une lettre que vous avez adressée au député de ma circonscription confirme
d'ailleurs ce point, et vous avancez même le chiffre de 10 milliards de francs,
en indiquant que la réalisation de la section centrale figurera au prochain
contrat de plan.
En conclusion, je ne vois pas de contradiction entre la réalisation de deux
sections d'extrémité et celle de la section centrale, au contraire, ces deux
informations sont cohérentes.
Enfin, une lettre récente du responsable de la société ASF me fait savoir que
la totalité du tracé sera réalisée en 2007. Il ne s'agit donc plus, comme tout
à l'heure, de 2004.
Cette énumération, monsieur le ministre, ne vise pas à mettre l'accent sur ce
qui pourra apparaître ici ou là, à première vue, comme des contradictions. En
réalité, des concordances existent, même si ce n'est pas toujours le cas. Il
s'agit simplement pour moi de souligner que nous sommes un peu « perdus », ce
qui peut conduire les uns ou les autres à émettre les jugements que j'évoquais
tout à l'heure.
Dans ces conditions, j'attacherais du prix, vous le comprendrez je pense, à ce
que vous puissiez faire le point le plus précis possible à ce jour sur ce
problème important de l'autoroute Bordeaux-Clermont-Ferrand.
En ce qui concerne les routes nationales, je me référerai à l'engagement pris
par l'Etat et la région dans l'optique du volet routier de l'actuel contrat de
plan : sur 239 millions de francs, 90 millions de francs ont été effectivement
engagés ; or, pour 1998, seulement 43 millions de francs sont prévus, et on est
donc loin du compte à première vue.
Pour bien connaître la région, je dois vous dire que la traversée de Larches
sur la RN 89 et la traversée de Seilhac sur la RN 120 posent vraiment des
problèmes de sécurité, monsieur le ministre. Songez que des centres - bourgs
sont quotidiennement traversés par des voitures et par de nombreux poids
lourds.
Toujours s'agissant de la RN 89 et de la rectification de virages à l'ouest
d'Ussel, il s'agit ici non plus tant d'un problème de sécurité que d'un
problème économique important, parce que cette rectification permettrait la
liaison avec l'échangeur de l'A 89 et, surtout, avec un important parc
industriel.
Pour ce qui est des routes nationales 89 et 120, les dossiers techniques
routiers sont évidemment prêts. Nous aimerions savoir ce qui, en 1998, pourra
effectivement être réalisé, étant donné que la différence entre la somme
initiale et celle qui est prévue pour 1998 est, je le disais, importante.
J'en viens au troisième problème routier, la diagonale Nantes-Méditerranée.
Vous le mentionniez vous-même dans une correspondance en date du 27 août 1997,
ce projet aurait notamment pour effet de désenclaver le sud du Massif central,
c'est-à-dire Figeac, Decazeville et Aurillac. La direction des routes prépare
une évaluation des différentes solutions enisageables pour cette transversale,
ce qui est important aussi. Ma question vise simplement de savoir où l'on en
est précisément aujourd'hui.
Enfin, pour ce qui est du rail, je m'étendrai non pas sur la ligne
Bordeaux-Clermont, qui est une ligne difficile, mais plutôt sur la ligne
Paris-Limoges-Toulouse.
Je parlerai d'expérience car, depuis quelque dix-huit ans maintenant, je fais
chaque semaine le trajet Brives-Paris, soit cinq cents kilomètres, ce qui prend
à tout le moins quatre heures. Or, je crois savoir que c'est le temps qui sera
bientôt nécessaire pour parcourir la distance entre Paris et Amsterdam !
La SNCF a effectué des essais sur le Pendolino italien, il y a un an à peu
près. Où en est-on aujourd'hui ?
J'ai lu qu'au cours du dernier Comité interministériel pour l'aménagement et
le développement du territoire, il a été précisé que les études seront
poursuivies pour permettre d'engager dès que possible, en partenariat avec les
régions, une première tranche de travaux, qui a été estimée à 200 millions de
francs. Monsieur le ministre, les élus, toutes tendances politiques confondues,
ainsi que les industriels et les hommes d'affaires souhaitent vivement que vous
puissiez nous en dire plus sur ce point aujourd'hui.
Je me suis permis de vous poser cette série de questions, monsieur le
ministre, car leur unité est évidente, elles portent toutes sur le
désenclavement d'une région et elles s'adressent à un responsable qui attache
une particulière importance aux problèmes des transports et de l'aménagement du
territoire.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Votre
département est situé au carrefour des deux axes routiers importants dont l'un,
l'autoroute A 20, est en voie d'achèvement, et l'autre, l'A 89, est maintenant
engagé.
Je rappelle que l'A 20 sera entièrement réalisée à deux fois deux voies, dans
quelques mois, entre Vierzon et Brive-la-Gaillarde, offrant ainsi un débouché
moderne vers le nord au département de la Corrèze.
Dans la partie sud, entre Brive-la-Gaillarde et Montauban, les travaux
d'aménagement ont débuté à chaque extrémité en vue d'une mise en service à la
fin de l'année 1998. La réalisation complète de cette liaison est prévue en
2001.
S'agissant des liaisons est-ouest, la route nationale 89 entre
Brive-la-Gaillarde et la limite du département du Puy-de-Dôme est appelée à
être doublée par la future A 89, entre Bordeaux et Lyon.
De ce fait, cette route a vocation à assurer principalement une fonction de
desserte locale des principales villes traversées.
Aussi, les aménagements prévus entre Malemort et le Puy-de-Dôme ont-ils pour
objectifs principaux d'améliorer la sécurité et le confort des usagers en
offrant de bonnes conditions de dépassement.
Pour la période 1994-1999, 108 millions de francs ont été inscrits au contrat
entre l'Etat et la région Limousin. Ces crédits ont permis d'entreprendre les
études et les aménagements les plus prioritaires.
C'est ainsi que, à l'ouest de Brive-la-Gaillarde, une première tranche de
travaux préliminaires à la déviation de Larches a été déclarée d'utilité
publique le 30 avril 1997. Cette opération doit être engagée avant la fin du
XIe Plan. Par ailleurs, le renforcement des talus de la RN 89 entre
Saint-Pantaléon et Larches est aujourd'hui achevé.
A l'est de Brive-la-Gaillarde, les rectifications de virage à la Bitarelle
ainsi que la première phase de l'opération d'Aubazines sont réalisées. Les
aménagements dans la traversée de la gare d'Aubazines sont, quant à eux,
programmés pour le premier semestre de 1998.
A l'ouest d'Ussel, les rectifications de virage ont été déclarées d'utilité
publique par arrêté préfectoral du 31 décembre 1996. Une première phase est
également programmée pour 1998.
Je souligne que la liaison autoroutière Bordeaux - Clermont-Ferrand est
inscrite au contrat de plan conclu entre l'Etat et la Société des autoroutes du
sud de la France, ASF, pour la période 1995-1999.
Sur la durée de ce contrat, un engagement de 10 milliards de francs de travaux
est prévu pour les sections Bordeaux - Périgueux ouest et Tulle -
Clermont-Ferrand.
Les travaux sont d'ores et déjà en cours aux deux extrémités de l'autoroute
entre Coutras et Montpon-Ménestérol, d'une part, et entre Ussel ouest et
Laqueuille, en limite du Puy-de-Dôme, d'autre part.
La section centrale Périgueux - Tulle sera programmée au prochain contrat de
plan entre l'Etat et la Société des autoroutes du sud de la France sans qu'il
soit possible, à ce stade, d'en préciser exactement le calendrier de
réalisation.
Dans le Puy-de-Dôme, le décret déclarant d'utilité publique la section entre
Saint-Julien - Puy-Lavèze et Combronde vient de paraître au
Journal
officiel.
En ce qui concerne maintenant le volet ferroviaire de votre question, je vous
rappelle, monsieur le sénateur, que le comité interministériel pour
l'aménagement et le développement du territoire du 15 décembre dernier a permis
d'annoncer la volonté du Gouvernement d'améliorer progressivement les
principales liaisons du Massif central.
Il faut, en particulier, que ces liaisons puissent bénéficier des avantages de
la technique pendulaire sur les axes où celle-ci peut permettre d'améliorer
notablement la vitesse.
Sur la ligne Bordeaux - Clermont-Ferrand, la SNCF exploite, d'une part, des
services d'intérêt national, qui assurent des liaisons de bout en bout, et,
d'autre part, des services régionaux conventionnés avec les régions.
L'amélioration de cette liaison implique une étroite concertation entre les
collectivités locales, la SNCF et l'Etat, et c'est dans cet esprit que pourra
être élaboré le cahier des charges d'une étude socio-économique définissant les
besoins des populations concernées et intégrant, notamment, la mise en chantier
de l'A 89 entre Ussel et Saint-Julien-Puy-Lavèze.
S'agissant de l'amélioration de l'offre ferroviaire sur l'axe
Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, l'étude engagée à la fin de 1996 à la demande
de l'Etat, des conseils régionaux du Centre, du Limousin et de Midi-Pyrénées,
vient d'être remise.
Cette étude propose une première tranche de travaux de rénovation et de
modernisation de la ligne afin de permettre, à l'avenir, la circulation de
trains pendulaires sur cet axe. C'est sur cette base que vont maintenant
s'engager les discussions entre les différents partenaires : Etat, régions, RFF
et SNCF.
Pour toutes ces raisons, je crois pouvoir vous dire, monsieur le sénateur, que
le désenclavement de votre département est en très bonne voie et que le
Gouvernement y attache une attention toute particulière.
M. René-Pierre Signé.
C'est l'un des départements les plus équipés ! Qu'on en fasse autant pour
d'autres !
M. Georges Mouly.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
J'ai bien conscience d'avoir soulevé de nombreux problèmes ; j'ai également
conscience des efforts des gouvernements successifs. La situation mérite
cependant que l'on y porte encore attention et vous m'auriez dit que les
travaux seraient achevés plus vite et que plus de crédits seraient accordés,
j'en aurais bien sûr été ravi.
Je le dis avec un sourire car vous m'avez apporté, monsieur le ministre, des
précisions que j'apprécie et que mes collègues, eux aussi, sauront apprécier.
RéALISATION DE LA TANGENTIELLE SUD,
AXE FERRÉ ENTRE MASSY ET EVRY
M. le président.
La parole est à M. Loridant, auteur de la question n° 70, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Paul Loridant.
Je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la réalisation
de l'axe ferré entre les communes de Massy et d'Evry, communément appelé
tangentielle sud, qui traverse plusieurs communes de l'Essonne.
Cette liaison de banlieue à banlieue, qui a été inscrite au schéma directeur
régional de l'Ile-de-France dès 1994, fait l'unanimité des élus, tant elle
apporte des réponses aux problèmes de transports et de désengorgement des
réseaux routiers existants.
Cette liaison a fait l'objet d'une étude approfondie des élus des communes
concernées dans le cadre des travaux des syndicats intercommunaux d'étude et de
programmation qui relayaient la préparation du schéma directeur pour
l'Ile-de-France et elle a été intégrée dans les schémas directeurs locaux en
cours d'élaboration.
L'avantage d'une telle réalisation n'est plus à démontrer. Cette tangentielle
sud répond en effet de manière satisfaisante aux impératifs d'aménagement du
territoire et de développement économique tout en améliorant la qualité de vie
de nos concitoyens par la diminution du temps perdu dans le trajet entre
l'emploi et le domicile.
Ainsi, cette liaison améliorerait les conditions de vie des salariés qui
travaillent à la préfecture de l'Essonne, à Evry, qui sont actuellement obligés
d'utiliser les transports routiers ou leurs véhicules personnels faute de
disposer d'un réseau ferroviaire.
Enfin, ce projet ferré peut contribuer, de manière significative, à la lutte
contre la pollution de l'air, en réduisant les flux de voitures. A l'heure où
le Gouvernement tente de trouver des solutions durables contre le fléau de la
pollution urbaine et de l'engorgement des infrastructures routières, il
convient de donner un signal fort en matière de transports en commun.
Ce projet doit bien entendu prendre en compte, d'une part, les programmes
existants, notamment l'aménagement d'une gare de correspondance sur la commune
d'Epinay-sur-Orge et le programme d'aménagement de Grigny, et, d'autre part,
respecter autant que possible les programmes d'urbanisation et le cadre de vie
des habitants des communes concernées.
Au regard des études sur les restructurations des gares de Massy, qui
prévoient une amélioration importante de la liaison entre la gare SNCF, la gare
RATP du RER B, la gare d'interconnexion des TGV et de deux gares routières
existantes, la réalisation de cette tangentielle sud semble acquise.
Monsieur le ministre, je vous demande donc de confirmer que ce choix est bien
définitif et, surtout, de veiller à son inscription au prochain contrat de plan
Etat-région pour la période 1999-2004 afin que cette liaison ferrée ne souffre
d'aucun retard.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, actuellement, les déplacements dans Paris intra-muros sont effectués
pour les deux tiers grâce aux réseaux de la SNCF et de la RATP. En revanche,
pour les déplacements de banlieue à banlieue, les transports collectifs ne sont
utilisés que pour 16 % des déplacements et la voiture particulière est utilisée
pour 80 %.
Les projections de déplacements à l'horizon 2015 montrent que s'instaurera une
stabilité dans Paris et une progression très sensible en banlieue, de l'ordre
de 76 %. L'offre créant sa propre demande, il convient donc de développer les
transports collectifs en banlieue.
Les tangentielles ferroviaires et, plus généralement, les liaisons de surface
de banlieue à banlieue sont au nombre des priorités que l'Etat entend défendre
pour le XIIe contrat de plan Etat-région d'Ile-de-France, je vous le confirme,
monsieur le sénateur.
Il s'agit, en effet, de combler les lacunes d'un réseau organisé jusqu'ici de
manière radiale et de proposer une alternative aux déplacements qui
s'effectuent actuellement en voiture particulière, dans un souci de qualité de
la vie et de sauvegarde de l'environnement, comme vous l'avez souligné.
Dans ces conditions, l'opportunité d'engagement de cette tangentielle sera
très attentivement examinée dans le cadre des travaux préparatoires à la
définition du prochain contrat de plan.
La section Versailles-Evry est, quant à elle, déjà en service de Versailles à
Massy. Son trafic potentiel est estimé à 14,2 millions de voyageurs par an
alors que le coût de réalisation de l'infrastructure a été d'environ 3
milliards de francs et que l'achat de matériel roulant peut être estimé à 270
millions de francs.
Cela se traduit par un coût au kilomètre de 85 millions de francs et par un
taux de rentabilité socio-économique de 19,3 % qui atteste de façon
incontestable l'intérêt socio-économique du projet que vous souhaitez. Le
Gouvernement ne peut donc qu'encourager sa réalisation.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir confirmé l'intérêt du
Gouvernement, et plus spécialement de votre ministère, pour cette liaison
tangentielle sud.
Je souhaite que sa réalisation soit effective le plus rapidement possible, et
je ne doute pas, monsieur le ministre, de votre détermination sur ce point.
AVENIR DU MUSÉE DE L'HOMME
M. le président.
La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 94 adressée à M. le
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suppose que vous allez me répondre à la
place de M. Allègre.
La question de l'avenir du Muséum national d'histoire naturelle, et plus
particulièrement du devenir du musée de l'Homme, se pose.
Les personnels et la direction des institutions concernées sont à l'origine
d'un important projet de rénovation du musée de l'Homme qui a été publié en
juin 1996 et qui a été soutenu non seulement par de très nombreux scientifiques
français et intellectuels de l'Hexagone, je suis heureux de le souligner, mais
aussi par des scientifiques du Japon, des Etats-Unis, du Sénégal, d'Indonésie,
pour ne citer que quelques exemples. Des hommes publics, comme Nelson Mandela,
se sont également exprimés à ce sujet.
Tous voient en ce projet, d'un coût d'environ 400 millions de francs, une
continuation de l'oeuvre importante et utile accomplie depuis longtemps par le
musée de l'Homme, l'une des très rares structures au monde associant
étroitement les arts, les sciences humaines et les sciences de la vie. En
effet, les recherches menées par les laboratoires de préhistoire,
d'anthropologie biologique et d'ethnologie ne peuvent pas être isolées de
celles des vingt-trois autres laboratoires du Muséum.
Cette coopération a d'ailleurs fortement contribué à la découverte
fondamentale, au moyen notamment de la génétique des populations, d'une même
communauté d'individus qui, au travers de l'histoire, a peuplé la Terre,
démontrant par là même l'unité fondamentale du genre humain. En ces temps de
recrudescence du racisme, il est bon de le rappeler.
Tout cela permet de continuer auprès du public, notamment auprès des enfants,
le travail pédagogique qui contribue à faire reculer l'ignorance et les idées
les plus rétrogrades, car une vulgarisation de haut niveau ne peut se concevoir
sans une recherche de haut niveau.
Cette recherche nécessairement pluridisciplinaire est restée la ligne
directrice du Muséum national d'histoire naturelle, dont le musée de l'Homme
est une des composantes depuis sa création et, avant lui, c'était l'idée
maîtresse de Buffon.
Sachant cela, il n'est pas étonnant que le musée de l'Homme ait été un haut
lieu où la résistance au nazisme s'est manifestée sous l'Occupation.
Les mêmes intellectuels s'inquiètent du projet d'un futur Musée de l'homme,
des arts et des civilisations, plus connu sous le nom de « musée des Arts
premiers », appellation plaquée sur la notion moderne de beaux-arts qui est
étrangère à ces cultures.
Loin des querelles partisanes et parisiennes, il s'agit de montrer qu'on ne
saurait réduire l'humanité africaine, océanienne, etc., à des productions
artistiques, aussi fortes qu'elles puissent être. La présentation dans une
optique essentiellement esthétisante de ce que l'Occident a classé en
chefs-d'oeuvre de ces « arts premiers » serait manifestement trahir les
civilisations qui les ont produits. La situation est à cet égard radicalement
différente de celle des grands arts historiques européens, dont le contexte
général n'est évidemment pas complètement inconnu du public. Bien entendu, la
dimension artistique n'est pas niée, pourvu que la mission scientifique du
musée soit retenue.
Aussi je souhaite vous poser la question suivante, monsieur le secrétaire
d'Etat : quels sont les projets du Gouvernement pour faire en sorte que la
salle aménagée au Louvre et le nouveau Musée de l'homme, des arts et des
civilisations soient dotés des dimensions scientifiques et de communication sur
la diversité des cultures qui conviennent de nos jours et pour que le musée de
l'Homme dispose des moyens de se redéployer et ainsi de continuer d'être l'un
des tout premiers musées d'anthropologie et de sciences humaines dans le monde
?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Je vous prie d'excuser M. Claude Allègre,
qui est retenu par des obligations.
Il m'a demandé de vous dire d'emblée qu'il n'a jamais été question, dans une
quelconque déclaration officielle, d'un démantèlement du musée de l'Homme et du
Muséum national d'histoire naturelle.
Ce dossier a fait l'objet de nombreuses rumeurs et l'irrationalité l'a emporté
trop souvent sur le bon sens et sur ce qui devrait être la bonne approche
méthodologique des problèmes. C'est pourquoi M. le ministre de l'éducation
nationale, de la recherche et de la technologie vous remercie de lui donner,
par mon truchement, l'occasion de vous faire connaître clairement la position
de son ministère sur les nombreuses questions que soulève la création d'une
nouvelle structure appelée, vous l'avez dit, « musée des Arts premiers ».
Vous le savez, le précédent gouvernement, conformément à la volonté du
Président de la République, s'est engagé autour de la création d'une nouvelle
structure muséographique. Cette volonté a été concrétisée et officiellement
validée par une réunion des ministres du précédent gouvernement en mai 1997. Ce
texte est, pour le moment, le seul texte d'engagement sur ce dossier.
Outre cet engagement, la continuité de l'Etat nous impose de considérer ce
dossier avec attention. Toutefois, un changement de gouvernement est également
intervenu. C'est pourquoi, afin d'affirmer ou de réaffirmer les positions
précédentes, le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie, ainsi que sa collègue Mme Trautmann, ont demandé à M. le Premier
ministre d'organiser une nouvelle réunion des ministres sur ce sujet.
M. Allègre a fait savoir également que, pour préparer avec toute la rigueur
nécessaire les décisions qui devront être prises à cette occasion, il fallait
mettre à plat ce dossier et l'aborder avec de nouvelles méthodes.
Que faut-il entendre par « nouvelles méthodes » ? Il s'agit, pour l'essentiel,
d'aborder ce dossier qui concerne de très près un établissement de recherche et
d'enseignement supérieur, en respectant le principe d'autonomie
d'établissement, principe qui a été la règle sur laquelle M. Allègre a
travaillé lorsqu'il collaborait avec M. Lionel Jospin, alors chargé de
l'éducation nationale.
Toute la politique de l'enseignement supérieur repose sur un principe de
contractualisation. Il n'y a pas de raison d'y faire exception aujourd'hui ; il
n'y a pas de raison de traiter ce dossier avec autoritarisme comme a pu le
faire le précédent gouvernement, ce qui a contribué à créer le climat
d'inquiétude et d'hostilité que vous évoquez dans votre question.
J'ajoute - c'est une remarque personnelle - que M. Allègre étant un
scientifique de renom, il n'y a pas de raison qu'il remette en cause, par un
démantèlement insidieux, des structures de recherche et un établissement, le
musée de l'Homme, dont vous avez rappelé l'histoire glorieuse et la spécificité
scientifique.
La dimension scientifique du projet, le respect des institutions existantes et
des hommes qui y travaillent seront les lignes de conduite du ministre de
l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. De toute façon, si
ce nouveau musée n'avait pas de dimension scientifique, il n'y aurait pas de
raison qu'il intéresse l'éducation nationale.
L'éducation nationale est donc prête à réfléchir à un projet de qualité,
intégrant toutes les possibilités de diffusion au public liées aux nouvelles
technologies, ouvert à la recherche dans les disciplines concernées par les
civilisations, marquant le souci d'avoir une dimension internationale, innovant
en matière de présentation d'objets qu'il importe de savoir expliquer et faire
parler, bref, un Musée des arts, de l'homme et des civilisations, dont notre
pays pourrait tirer un grand rayonnement.
C'est la raison pour laquelle Catherine Trautmann et Claude Allègre ont confié
une mission à M. Maurice Godelier, qui, en tant que directeur du projet
scientifique, examinera tous les aspects concernant la recherche et
l'enseignement supérieur. Il sera chargé de veiller à ce que la dimension
scientifique du futur musée soit correctement menée et respecte les
institutions existantes.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Je vous remercie de m'avoir entendue, me semble-t-il, monsieur le secrétaire
d'Etat.
Je souhaite insister sur la nécessité d'engager un dialogue sérieux avec
l'équipe du musée de l'Homme, dont le projet de rénovation ouvre des
perspectives réalistes. Il serait évidemment tout à fait utile de s'y
référer.
La rénovation du musée de l'Homme est essentielle pour que, face à un
déferlement télévisuel d'images exotiques, plus au moins authentiques, choisies
pour leur valeur esthétique ou leur caractère insolite, on puisse trouver, en
un lieu garant d'une certaine authenticité, des films et des documents
ethnographiques concernant la vie et les coutumes de sociétés qui ont été
exposées à tant de manipulations.
Il s'agit de garder, pour les générations nouvelles, les témoignages, les
documents, les images et les informations les plus riches et surtout les plus
complètes possible sur la vie et la culture des sociétés traditionnelles et
actuelles.
Il s'agit également de sauvegarder et de développer les recherches
biomédicales et de sciences humaines qui s'y poursuivent sur les populations
actuelles du monde entier.
Par conséquent, il s'agit d'une question très importante. Aussi je souhaite
que le problème du coût ne constitue pas un obstacle à la mise en oeuvre d'un
tel projet.
ENSEIGNEMENT DES LETTRES ANCIENNES CLASSIQUES
M. le président.
La parole est à M. Clouet, auteur de la question n° 135, adressée à M. le
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Jean Clouet.
Monsieur le président, tout en ayant plaisir à rencontrer M. le secrétaire
d'Etat au budget, que je ne pensais pas rencontrer sur ce terrain, je ne peux
manquer de regretter l'absence de M. le ministre de l'éducation nationale.
D'aucuns, moins bien disposés que moi, pourraient la qualifier de « dérobade
». En toute hypothèse, elle est, par elle-même, une réponse que l'on ne saurait
considérer comme positive. Il faut en prendre acte.
Monsieur le secrétaire d'Etat, avant de poser ma question, je voudrais la
dédier à Marie-Madeleine Dienesch, agrégée des lettres classiques, qui fut
secrétaire d'Etat à l'éducation nationale.
Ma question procède de l'inquiétude qu'a fait naître l'annonce de la
suppression - depuis lors, dit-on, démentie - de l'enseignement du grec en
classe de troisième à la prochaine rentrée. Cette inquiétude, sur un plan plus
général, nourrit d'autres craintes à l'égard du devenir scolaire et
universitaire des lettres anciennes classiques.
Ainsi devrait disparaître l'enseignement conjoint du latin et du grec. Si l'on
choisissait l'un, il faudrait abandonner l'autre. Mais comment oser croire que
l'on veuille, agissant ainsi, faire disparaître la filière latin-grec de
l'enseignement secondaire public en France ?
De même, s'agissant cette fois de l'enseignement supérieur, on pourrait,
paraît-il, fréquenter une classe d'hypokhâgne dite « indifférenciée », sans
obligation d'y étudier une langue ancienne.
De même encore, assure-t-on, pourrait-on préparer une thèse d'histoire grecque
en ignorant cette langue.
Ce faisceau de dispositions négatives, prises ou attendues, ne peut conduire à
une autre conclusion que celle-ci : l'objectif des autorités universitaires,
placées sous la tutelle du ministre de l'éducation nationale, semblerait bien
être la disparition des langues anciennes classiques de la culture française.
Celle-ci méritera-t-elle d'ailleurs encore ce nom après une telle mutilation
?
Cette insidieuse, mais tenace, entreprise d'éradication des valeurs
essentielles de notre humanisme, à laquelle, manifestement, certains
s'emploient, reçoit-elle l'accord du ministre ? S'inscrit-elle dans ses projets
? C'est à cette question que j'attends, monsieur le secrétaire d'Etat, votre
réponse, avec une certaine appréhension, vous le comprendrez.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, M. Allègre, comme de
nombreux ministres, a parfois un emploi du temps très complexe. S'il n'est pas
présent aujourd'hui, c'est qu'il n'a pu se libérer. S'il avait été là, il
aurait cherché, monsieur le sénateur, à vous rassurer. En effet, quelles que
soient les rumeurs qui ont pu courir ici ou là, le dispositif actuel
d'enseignement des langues anciennes est pour l'instant maintenu.
Je vous en rappelle les grandes lignes.
Les langues anciennes font l'objet d'enseignements à option. Le latin peut
être étudié de la cinquième à la terminale, même si on peut débuter en seconde,
alors que le grec ne s'étudie que de la troisième à la terminale. Ces
enseignements à option sont dispensés là où existe une demande, et il est vrai
que certaines classes sont très peu nombreuses.
Il faut noter que les élèves des classes scientifiques sont plus nombreux que
ceux des classes littéraires à étudier les langues anciennes. C'est un point
qui mérite réflexion.
Telle est, monsieur le sénateur, la situation actuelle, qui n'est pas remise
en cause.
Un colloque sur le contenu des enseignements au lycée doit avoir lieu. Ce sera
un temps fort de réflexion sur les programmes. Il permettra sans doute de mieux
déterminer la place des langues anciennes dans le dispositif d'enseignement.
Vous avez formulé une remarque sur les études supérieures. Je trouve
pittoresque l'idée que l'on puisse entreprendre une thèse en histoire grecque
sans connaître le grec. Il ne me semble pas opportun, monsieur le sénateur,
même lorsque l'on éprouve une forte inquiétude, d'utiliser ce genre d'argument
extrême. Quoi qu'il en soit, au nom de M. Claude Allègre, je peux vous dire que
les études de grec à l'université posent un véritable problème car ces études
sont peut-être insuffisantes.
Comme vous le voyez, M. Allègre va plutôt dans votre direction, et j'espère
que cette réponse que j'ai été chargé de vous transmettre apaisera l'inquiétude
que vous avez exprimée.
M. Jean Clouet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous m'avez dit que, pour l'instant, le
dispositif était maintenu ; pour l'instant, je suis donc rassuré.
(Sourires.)
RÉGIME FISCAL DES GROUPEMENTS D'EMPLOYEURS
DU SECTEUR AGRICOLE
M. le président.
La parole est à M. Signé, auteur de la question n° 66, adressée à M. le
secrétaire d'Etat au budget.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite appeler votre attention sur la
situation défavorable, au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, dans
laquelle se trouvent les groupements d'employeurs, notamment dans le secteur
agricole.
En effet, ceux-ci sont soumis à une avance mensuelle de la TVA qui grève leur
trésorerie et freine le développement de cette forme d'emploi salarié
stable.
Lors du vote de la loi du 25 juillet 1985 qui reconnaissait la forme juridique
des groupements d'employeurs, nombreuses ont été les interventions visant à
exonérer de la TVA ces associations entièrement dédiées à l'emploi.
Il semble, comme cela a été confirmé à maintes reprises par les services
fiscaux, que l'assujettissement soit pourtant imposé dès lors qu'un des membres
du groupement est lui-même assujetti à la TVA. Cela explique pourquoi les
groupements d'employeurs constitués dans le domaine de l'emploi familial sont
les seuls à être exonérés de TVA. Je ne reprendrai donc pas cette demande à mon
compte.
En revanche, j'ai souhaité attirer votre attention, monsieur le secrétaire
d'Etat, sur la question de l'avance de la TVA. Parce qu'ils sont considérés
comme des prestataires de services, les groupements d'employeurs en agriculture
sont soumis à l'avance mensuelle de la TVA, ce qui grève lourdement leur
trésorerie et limite leur développement.
En raison des directives européennes, il semble impossible d'exonérer les
groupements d'employeurs de cette avance de TVA.
Je souhaiterais donc proposer au Gouvernement de rattacher la fiscalité des
groupements d'employeurs au régime de l'avance annuelle, et non plus mensuelle.
Cela limiterait l'avance de trésorerie à un mois.
Est-ce envisageable ? Les groupements pourraient ainsi constituer une
provision en vue d'une dépense qui leur serait remboursée au terme d'un
mois.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, je voudrais tout
d'abord souligner que les groupements d'employeurs du secteur agricole
bénéficient, en matière de TVA, d'un régime très favorable sur deux points très
importants, au regard desquels il me semble nécessaire d'apprécier la
proposition que vous faites.
Premièrement, comme vous le savez, les mises à disposition de personnels
effectuées par des groupements d'employeurs au profit de leurs membres entrent,
en principe, dans le champ d'application de la TVA. Autrement dit, ces mises à
disposition doivent en principe être facturées aux membres avec la mention, en
sus du prix réclamé, de la taxe sur la valeur ajoutée.
Il convient en effet de ne pas créer de distorsions de concurrence avec le
secteur commercial, en particulier avec les entreprises de travail
temporaire.
Toutefois, il existe une exception à ce principe : les groupements
d'employeurs du secteur agricole bénéficient d'une exonération de taxe sur la
valeur ajoutée pour les mises à disposition de personnels ayant pour objet le
remplacement des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole et des membres
non salariés de leur famille en cas d'empêchement ou d'absence temporaire tels
que définis à l'article R. 127-9-1 du code du travail. Une circulaire
administrative du 17 octobre 1996, parue au
Bulletin officiel
des impôts
sous la référence 3 A-5-96, a commenté cette exonération.
Voilà donc un premier élément favorable aux groupements d'employeurs du
secteur agricole. J'en arrive au second, qui concerne les remplacements des
salariés agricoles.
En effet, si ces opérations de remplacement sont taxables selon les conditions
de droit commun et doivent être déclarées dans les conditions habituelles en
fonction du chiffre d'affaires réalisé, elles sont toutefois susceptibles
d'être exonérées sur la base de l'article 261 B du code général des impôts, qui
exonère, sous certaines conditions, des services rendus à leurs membres par des
groupements.
Elles peuvent également être couvertes par une franchise de base, qui a en
fait les mêmes effets qu'une exonération, s'agissant des groupements dont le
chiffres d'affaires annuel n'excède pas 100 000 francs.
Dans ces conditions, on ne peut pas dire - vous ne l'avez d'ailleurs pas dit,
monsieur le sénateur - que la situation des groupements d'employeurs du secteur
agricole pose un grave problème au regard de la TVA.
Votre proposition consistant à ne verser au Trésor la taxe sur la valeur
ajoutée qu'une fois par an doit être étudiée en tenant compte des deux
avantages que j'ai mentionnés.
Il ne faudrait pas en effet qu'elle conduise à banaliser le régime de TVA
applicable aux groupements d'employeurs du secteur agricole.
Il ne faudrait pas non plus qu'un régime trop dérogatoire conduise à des
distorsions de concurrence avec les entreprises qui exercent la même
activité.
Le Gouvernement va donc réfléchir à la question sur laquelle vous avez attiré
son attention avec le double souci, d'une part, de préserver certaines
spécificités du régime de TVA des groupements d'employeurs du secteur agricole
et, d'autre part, de ne pas créer de distorsions de concurrences trop fortes
avec les entreprises qui exercent la même activité.
M. René-Pierre Signé.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne nie pas les avantages dont bénéficient
déjà les groupements d'employeurs du secteur agricole.
Certes, ma proposition va encore plus loin, et il est vrai qu'elle pourrait
être mal perçue du point de vue de la concurrence. Toutefois, l'adaptation que
je propose est tout de même cohérente avec les orientations que nous avons
toujours suivies pour rendre plus effectifs les groupements d'employeurs.
Elle lèverait un obstacle technique à la création d'emplois agricoles qui ne
répondent pas au schéma simple « un employeur pour une compétence ». Elle
permettrait au Gouvernement d'étendre encore le champ de la rénovation de
l'emploi salarié.
Plus de mille groupements d'employeurs du secteur agricole, dont une
cinquantaine dans mon département de la Nièvre, ont révélé, en France, un
gisement d'emplois jusqu'alors inexploité. Ces associations répondent, en
effet, au besoin d'emplois partagés qu'expriment de nombreux agriculteurs,
particulièrement en zone fragile. Les groupements d'employeurs, en agriculture
comme dans l'artisanat d'ailleurs et, en général, dans le monde rural,
s'inscrivent dans une optique de développement durable, à la fois de
l'activité, de l'emploi et, en dernière analyse, des vastes territoires
concernés.
Je vous remercie très sincèrement, monsieur le secrétaire d'Etat, de m'avoir
fait l'honneur et l'amitié de m'indiquer que vous prenez en compte ma
proposition et que vous ne manquerez pas de l'étudier.
ORGANISATION DE LA FILIÈRE LAITIÈRE
M. le président.
La parole est à M. Bizet, auteur de la question n° 62, adressée à M. le
ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean Bizet.
Monsieur le ministre, je tiens à attirer votre attention sur l'organisation
mondiale du commerce de la filière laitière.
Les propositions contenues dans le cadre du « paquet Santer » font état d'une
réduction progressive des prix de soutien de 10 % et, parallèlement, d'une
prime à la vache laitière de 145 écus. Cette approche ne semble guère
satisfaisante pour trois raisons.
Tout d'abord, les prix pratiqués dans cette filière sont actuellement
supportés par le consommateur et font l'objet d'une certaine stabilité, ce qui
n'entrave nullement la progression annuelle de la consommation. Il semble donc
logique de ne pas provoquer de baisse de prix sur le marché intérieur, ce qui
aurait pour conséquence un accroissement du budget, même transitoire, du Fonds
européen d'orientation et de garantie agricole, le FEOGA.
Ensuite, l'accroissement de la demande de consommation sur le plan mondial est
estimée à 2 % par an. Si l'on veut gagner des parts de marché à l'exportation,
objectif fondamental de nos entreprises de transformation, principalement au
travers de la production de fromages, ce n'est pas une baisse de 10 % du prix
du lait qui permettra de positionner l'Union européenne favorablement.
Enfin, l'Union européenne, détenant 45 % du marché mondial, est la seule à ne
pas pratiquer un prix différencié sur le marché intérieur et sur le marché à
l'exportation, seul moyen de maintenir le revenu des producteurs et le
dynamisme de l'ensemble de la filière.
Ces trois considérations plaident donc pour la mise en place d'un système de
prix différencié au sein de l'Union européenne.
Je désirerais savoir si vous avez la ferme intention de soumettre cette
proposition, à laquelle adhère l'ensemble des acteurs de la filière, à vos
collègues européens.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le sénateur, ainsi que
j'ai eu l'occasion de le dire devant la Haute Assemblée, les perspectives de
réforme de l'organisation commune du marché du lait et des produits laitiers
font l'objet de discussions approfondies à l'échelon européen depuis six mois
et probablement pour de long mois encore.
Dans le cadre du « paquet Santer », la Commission européenne a proposé, d'une
part, de reconduire le régime des quotas laitiers jusqu'en 2006 et, d'autre
part, de réduire progressivement les prix de soutien de 10 %. Par ailleurs, la
Commission propose d'introduire une aide compensatoire sous la forme d'une
prime à la vache laitière d'un montant de 215 écus par animal.
Lors des premières discussions qui ont eu lieu sur ces propositions, j'ai eu
l'occasion, à plusieurs reprises, en conseil des ministres de l'agriculture, de
clairement réaffirmer la nécessité de maintenir le régime des quotas laitiers
pour garantir l'équilibre des marchés, mais aussi pour assurer une répartition
harmonieuse de la production laitière sur l'ensemble du territoire.
En revanche, je considère, tout comme vous, monsieur le sénateur, que la
méthode consistant à baisser les prix et à compenser cette baisse par des aides
spécifiques, ce que préconise la Commission européenne, n'est pas adaptée au
secteur laitier. Une telle mesure est en effet de nature à fragiliser le
dispositif des quotas.
De plus, une baisse des prix de 10 % ne permettrait pas à l'Union européenne
d'améliorer de façon significative sa position coucurrentielle sur le marché
mondial, où ce que l'on pourrait appeler le « cours » du lait est à un niveau
encore très inférieur : de l'ordre de un franc le litre.
Ainsi, la contrainte sur les volumes exportés avec restitutions découlant des
accords de Marrakech serait toujours aussi forte, notamment pour les fromages
et pour la catégorie des « autres produits laitiers », qui regroupe les poudres
de lait entier et les laits concentrés.
Pour autant, des adaptations de l'organisation commune de marché sont
nécessaires pour que la filière laitière puisse faire face aux conséquences de
la mise en oeuvre des accords de Marrakech et, ultérieurement, à l'intégration
des pays d'Europe centrale et orientale, vers 2005.
En particulier, il convient d'examiner toutes les souplesses qu'il serait
nécessaire d'introduire dans la réglementation de manière à garantir le
maintien d'un prix intérieur élevé et, en même temps, à conforter la présence
de l'Union européenne sur le marché international.
Il m'apparaît qu'aujourd'hui il n'y a pas d'alternative au maintien des quotas
laitiers et que la proposition qui nous est faite par la Commission est
incohérente et inutilement coûteuse.
Plutôt que de baisser les prix sur tout ou partie de la production et de
compenser cette baisse par une aide à la vache laitière, il vaut mieux
maintenir les prix actuels et ne pas accorder d'aide spécifique. Voilà ce que,
à la fin de 1997, j'ai dit une nouvelle fois au commissaire européen lorsqu'il
est venu à Paris. Nous ne manquerons pas de maintenir cette ligne de plaidoirie
et de réaffirmer avec force cette position, qui rejoint, pour une bonne part,
celle que vous défendez, monsieur le sénateur.
M. Jean Bizet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet.
Monsieur le ministre, je me félicite des propos que vous venez de tenir et de
la quasi-concordance de nos analyses sur ce sujet.
MISE EN CULTURE DE MAÏS TRANSGÉNIQUE
M. le président.
La parole est à M. Dupont, auteur de la question n° 136, adressée à M. le
ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Ambroise Dupont.
Le Gouvernement vient d'autoriser la mise en culture du maïs transgénique sur
le territoire français, après que différents comités scientifiques ont
réaffirmé sont innocuité.
Vous avez voulu agir dans un souci de cohérence, monsieur le ministre, puisque
l'importation de ce maïs en provenance des Etats-Unis était déjà autorisée, ce
qui créait évidemment une distorsion de concurrence pour les producteurs
français. Cependant, bien des incertitudes demeurent sur un sujet aussi
délicat, qui touche à la fois à notre santé et à notre environnement.
Ainsi, le maïs transgénique contiendrait un gène marqueur de résistance aux
antibiotiques. N'y a-t-il pas là un problème, alors même que l'on est de plus
en plus préoccupé par le développement des résistances aux antibiotiques ? Et
qu'en sera-t-il des produits issus d'animaux ayant été nourri avec ces plantes
transgéniques ?
La récente décision du Gouvernement de décréter un moratoire sur les autres
plantes génétiquement modifiées, comme le colza ou la betterave, montre combien
il est nécessaire de considérer les effets induits par ces produits avant toute
mise sur le marché ; c'est pourquoi j'approuve cette décision.
L'étiquetage est un autre problème. Les consommateurs ont le droit de savoir
si les produits qu'ils achètent contiennent ou non des organismes génétiquement
modifiés, des OGM. Or, malgré la directive communautaire rendant l'étiquetage
obligatoire depuis le 1er novembre dernier, le plus grand flou règne, car les
décrets d'application n'ont toujours pas été publiés.
Par ailleurs, comment sera-t-il être possible de certifier la présence ou
l'absence d'OGM alors que certains producteurs étrangers qui exportent vers
l'Europe refusent de séparer leurs variétés transgéniques des variétés normales
? C'est le cas du soja, par exemple.
Vous nous annoncez maintenant un débat national sur le sujet, alors que votre
décision est prise. N'aurait-il pas été beaucoup plus judicieux de commencer
par là, d'autant que les questions de sécurité alimentaire sont devenues très
sensibles dans l'opinion ?
Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous donner des indications un peu
plus précises sur les conséquences d'une décision qui engage les générations
futures.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le sénateur, alors que
la culture des plantes transgéniques se développe dans le monde, la mise sur le
marché de ces plantes en Europe est objet de débats, ainsi que l'illustre votre
question.
Le précédent gouvernement avait décidé, en février dernier, de surseoir à la
mise en culture à des fins commerciales de la première variété de maïs
génétiquement modifiée tout en autorisant sa consommation et, par voie de
conséquence, son importation, vous l'avez vous-même précisé.
Le maïs n'ayant pas, en Europe, de forme sauvage avec laquelle il pourrait
échanger des gènes, il ne présente donc pas de risque de nature
environnementale. C'est pourquoi, afin de mettre en cohérence l'ensemble du
dispositif, le Gouvernement a récemment décidé d'autoriser la mise en culture
du maïs auquel vous faites référence, conformément d'ailleurs aux avis des
différentes institutions scientifiques consultées.
Le problème des plantes génétiquement modifiées ne saurait être abordé à
partir de considérations générales. Des plantes peuvent, bien évidemment,
transmettre des gènes à des plantes sauvages : la betterave ou le colza, par
exemple. Les conséquences de ce transfert dépendent du caractère introduit et
donc de la nature du gène. C'est pourquoi la seule façon rationnelle d'aborder
la question des plantes génétiquement modifiées est de le faire au cas par
cas.
Le principe de précaution doit s'imposer avant toute décision et une
autorisation de mise en culture ne peut intervenir que lorsque les risques de
dissémination de gènes dans l'environnement ou les risques sanitaires pour les
consommateurs sont parfaitement maîtrisés.
Certains types de plantes génétiquement modifiées sont testés en plein champ
depuis cinq à dix ans. Dans ce contexte, aucun phénomène inquiétant pour les
cultures ou pour l'environnement n'a été observé. Mais, comme vous le soulignez
à juste titre, en vertu du principe de précaution, l'échelle limitée des essais
impose de considérer ces conclusions comme temporaires.
C'est pourquoi, en vue d'essais à plus grande échelle ou de mises sur le
marché conditionnelles, est créé un dispositif de biovigilance.
Ce dispositif a pour objet d'assurer un suivi constant des plantes
transgéniques grâce au recueil de paramètres ; leur analyse permettra de
préciser la nature des évolutions éventuelles et conduira à confirmer ou à
infirmer les théories scientifiques actuelles. Le cas échéant, les résultats de
la biovigilance nous amèneront à remettre en cause les autorisations
accordées.
S'agissant des consommateurs, ceux-ci sont informés, lorsque des produits
contiennent des OGM, conformément aux dispositions du règlement communautaire
sur les « nouveaux aliments ». Pour les produits provenant de pays tiers qui ne
séparent pas les variétés génétiquement modifiées des autres, un étiquetage est
prévu en application de ce règlement.
Il est clair que le débat sur les biotechnologies a été trop étroit et trop
confidentiel jusqu'à maintenant. Pour prendre en compte les aspects éthiques,
environnementaux et sociaux, de nouvelles formes d'élaboration des décisions
doivent être imaginées.
Les conférences citoyennes de consensus déjà expérimentées dans un certain
nombre de pays européens, comme le Royaume-Uni ou le Danemark, peuvent répondre
à la demande de débat public sur des sujets de ce type.
La représentation nationale sera pleinement associée à cette démarche puisque
c'est l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques qui a proposé d'organiser un tel débat. L'Office s'est récemment
saisi d'une étude sur la connaissance et l'utilisation des gènes.
Prolongeant ses travaux, l'Office parlementaire organisera au printemps
prochain une conférence de consensus ouverte et transparente. Les conclusions
de cette conférence pourront m'amener à prendre des décisions
organisationnelles adaptées au dossier des organismes génétiquement
modifiés.
M. Ambroise Dupont.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Dupont.
M. Ambroise Dupont.
Monsieur le ministre, je vous remercie beaucoup de la précision et de la
qualité de votre réponse. Elle fait le point, me semble-t-il, sur ce problème
très sensible aux yeux de l'opinion.
Il me paraît important qu'un vaste débat public puisse avoir lieu afin que
tous nos concitoyens s'y sentent associés et qu'il ne concerne pas les seuls
scientifiques.
Je persiste cependant à penser que le respect du principe de prudence aurait
dû conduire à reporter la décision d'autorisation de mise en culture du maïs à
l'issue de ce débat.
J'aurais aimé que vous nous indiquiez la forme que prendra cette concertation,
mais je suppose que nous en connaîtrons les détails dans un avenir proche. Je
souhaite, monsieur le ministre, que vous nous apportiez le plus rapidement
possible des précisions à cet égard.
Les consommateurs seront sans nul doute très attentifs au dispositif de «
biovigilance » mis en place pour les différents types de plantes transgéniques
autorisés, ainsi qu'à la remise en cause éventuelle des autorisations
accordées, en cas de nécessité. Il s'agit là d'un principe de précaution
élémentaire.
Le problème de l'étiquetage est particulièrement aigu. Vous avez bien voulu
préciser que les mentions
ad hoc
devaient figurer sur les étiquettes des
produits concernés. Cependant, ne peut-on craindre que l'abondance
d'informations ne nuise à leur clarté ? Chacun a-t-il bien conscience de la
place de ces organismes dans les produits qu'il consomme ? Il faut
impérativement faire cesser le flou qui règne en la matière et assurer
l'information claire à laquelle chacun a droit.
Il est évident que cette question ne s'inscrit pas dans un débat idéologique
et qu'elle ne doit pas relever d'une sorte de « grande peur » de l'an 2000 ;
l'actualité le prouve : trois manifestants vont être jugés le 3 février et un
article d'un grand quotidien du soir s'interrogeait récemment sur les effets de
ces plantes transgéniques.
Il reste que les interrogations qui sont soulevées à ce sujet rejoignent
l'intuition, qui n'est peut-être pas fondée mais qui est largement répandue,
selon laquelle beaucoup des possibilités qu'offre aujourd'hui la technique ne
se traduise pas nécessairement par de vrais progrès pour l'homme.
C'est pourquoi il convient, en la matière, d'appliquer pleinement le principe
de précaution : le développement durable trouve là toute sa dimension.
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je veux simplement vous
préciser, monsieur Dupont, que le président de l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques prépare très activement
la conférence citoyenne de consensus qui se tiendra au printemps et que, bien
entendu, les représentants du Sénat au sein de cet organisme seront, s'ils ne
le sont déjà, bien entendu, informés des préparatifs de ce qui sera pour nous
un moment fort dans la réflexion sur les OGM.
TARIFS DES HUISSIERS DE JUSTICE
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard, auteur de la question n° 78, adressée à Mme
le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Madame la ministre, la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures
civiles d'exécution a marqué la volonté des pouvoirs publics de rationaliser
les procédures d'exécution afin d'améliorer l'efficacité de la justice.
Parmi les mesures relatives aux modalités de l'exécution forcée, la loi
prévoit, dans son article 32, que les frais engagés sont « à la charge du
débiteur ». Il s'agit là d'une disposition légitime : comment pourrait-on
justifier, en effet, qu'un créancier doive supporter les frais d'une procédure
visant à faire respecter un droit ?
Parmi ces frais figurent ceux qui sont induits par le recours aux huissiers de
justice.
Un décret du 12 décembre 1996 est venu fixer les nouveaux tarifs de cette
profession qui, il est vrai, n'avaient pas été revalorisés depuis 1967. Or, à
la lecture de l'article 10 de ce décret, le législateur peut s'interroger sur
ce qui a inspiré le pouvoir réglementaire lorsqu'il a déterminé une nouvelle
répartition des frais d'huissiers, supportés désormais par les deux parties.
Cet article prévoit en effet que, lorsque les huissiers recouvrent ou
encaissent des sommes dues par un débiteur, il leur est alloué, en sus d'un
droit pesant sur le débiteur, un droit proportionnel dégressif à la charge du
créancier, et ce alors même qu'ils interviennent en vertu d'un titre
exécutoire. Le décret indique les pourcentages dégressifs selon les sommes
recouvrées.
Madame la ministre, le Gouvernement que vous représentez n'est pas à l'origine
de cette mesure, mais je souhaite attirer votre attention sur ses incidences
concrètes.
Ainsi, ce nouveau mode de rétribution a pour conséquence première de renchérir
le coût de l'accès à la justice alors même que le citoyen hésite souvent à
faire valoir ses droits devant le juge tant les obstacles sont nombreux.
Cette disposition s'applique également aux personnes qui bénéficient de l'aide
juridictionnelle, alors que la précarité de leur situation justifie
l'intervention de la solidarité de la collectivité.
Elle a, bien entendu, un effet dissuasif sur les personnes qui ont des
créances relativement modestes à recouvrer, et je pense tout particulièrement
ici à un grand nombre de femmes qui entendent obtenir le versement de leur
pension alimentaire.
Madame la ministre, vous êtes particulièrement attachée à l'amélioration des
relations entre les Français et ce service public singulièrement sensible
qu'est la justice. Vous souhaitez combattre une crise de confiance qui prend
notamment ses racines dans la lenteur, la complexité et le coût des
procédures.
Dans cette entreprise, ne serait-il pas opportun de revoir le mode de calcul
de la tarification des prestations fournies par les huissiers de justice ?
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Je vous remercie, madame la
sénateur, d'appeler mon attention sur la question des tarifs des huissiers de
justice en matière civile et commerciale, qui suscite, vous l'avez souligné, et
on le comprend, beaucoup de réactions.
Je précise tout d'abord que l'institution par l'article 10 du décret du 12
décembre 1996 du droit proportionnel du tarif des huissiers de justice découle
de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution,
qui a revalorisé les titres exécutoires et renforcé le rôle de l'huissier de
justice dans les procédures d'exécution.
Je rappelle par ailleurs que ce droit proportionnel, qui existait déjà pour
partie dans le système tarifaire antérieur, est, d'une part, plafonné et,
d'autre part, incompatible avec la perception d'honoraires libres.
La question relative à la compatibilité de l'article 10 avec l'article 32 de
la loi du 9 juillet 1991 a été soumise au Conseil d'Etat, et il appartiendra à
cette haute juridiction de se prononcer.
Je suis, bien entendu consciente des difficultés pratiques et juridiques que
la mise en oeuvre de ce droit a pu engendrer. Je peux ainsi vous annoncer qu'à
ma demande des travaux ont d'ores et déjà été engagés en vue de modifier le
champ d'application de l'article 10 selon les types de créances et en fonction
de la mission donnée à l'huissier.
C'est ainsi qu'un texte est en cours de rédaction afin de faire disparaître
les dispositions les plus critiquées. Seront ainsi notamment revus les droits
dus par les créanciers pour des sommes relatives à la vie quotidienne, comme
les créances alimentaires, auxquelles vous avez fait allusion, ou les créances
prud'homales. Un décret en ce sens devrait pouvoir être publié d'ici à trois
mois.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je vous remercie, madame la ministre, car les perspectives de réforme que vous
venez d'ouvrir devraient permettre de corriger les anomalies évidentes et un
certain nombre d'injustices, sans mauvais jeu de mots, engendrées par le régime
de tarification défini en 1996.
Surtout, elles laissent envisager que l'accès au service public de la justice
sera facilité, notamment pour les personnes qui bien que dans leur bon droit
hésitaient jusqu'alors à engager des procédures trop coûteuses au regard de
leur résultat prévisible, ces procédures étant d'autant plus coûteuses qu'en
France les frais d'avocat ne sont pas compris dans les dépens.
Je crois par ailleurs que, si l'on peut à la rigueur admettre un
renchérissement de la procédure dès lors que le procès est évité, on peut
difficilement l'accepter dans l'hypothèse où le procès a eu lieu.
L'exécution d'une décision peut atteindre un coût exorbitant, et cela
totalement indépendamment de la difficulté du recouvrement puisque le droit
perçu est déterminé en fonction de la somme à recouvrer et non pas en fonction
de la difficulté de l'exécution.
Je vous remercie donc, madame la ministre, de l'attention que vous portez à ce
problème.
SITUATION DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE
DE TOULOUSE
M. le président.
La parole est à M. Roujas, auteur de la question n° 139, adressée à Mme le
garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérard Roujas.
Madame la ministre, il suffit, comme j'ai eu l'occasion de le faire voilà
quelques semaines, de visiter les locaux qui abritent le tribunal de grande
instance de Toulouse pour se rendre compte des conditions particulièrement
difficiles dans lesquelles les personnels et les intervenants doivent accomplir
leurs missions. En effet, l'extrême vétusté et l'exiguïté des locaux du
tribunal de grande instance ne permettent plus l'exercice serein de la
justice.
Vous n'ignorez pas qu'une menace de fermeture pèse d'ailleurs sur ces locaux.
La commission de sécurité estime en effet que les conditions de sécurité ne
sont plus remplies, et cette fermeture n'a pu être évitée que grâce à quelques
aménagements qui ne sauraient en aucun cas résoudre le problème de fond.
Cette situation n'est pas nouvelle - des problèmes de sécurité, notamment en
matière d'incendie, se posent depuis plusieurs années - et elle ne peut que
contribuer à renforcer l'image négative de l'institution.
Connaissant, madame la ministre, l'attention que vous portez à ce dossier et
votre volonté d'oeuvrer malgré un contexte budgétaire difficile en faveur d'une
justice plus proche du citoyen, je vous saurais gré de bien vouloir indiquer
quelles mesures vous comptez prendre afin d'assurer le fonctionnement normal du
tribunal de grande instance de Toulouse.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le sénateur, c'est à
juste titre que vous venez d'appeler mon attention sur la situation du tribunal
de grande instance de Toulouse, et je vous en remercie.
Il est nécessaire en effet de régler globalement cette situation, et j'ai
l'honneur de vous informer qu'il est prévu de réaliser l'extension et la
restructuration du palais de justice.
Je tiens à vous préciser que cette opération, pour laquelle le permis de
construire a été obtenu en juillet 1997, fait partie des priorités d'équipement
judiciaire de la Chancellerie, compte tenu notamment des problèmes de sécurité
que vous avez constatés et évoqués.
Cependant, le coût de l'investissement en cause, qui atteint près de 300
millions de francs, ne peut être supporté par le budget de 1998, malgré
l'augmentation des crédits d'équipement que j'ai pu obtenir.
Je ferai cependant tout ce qui est nécessaire pour que la construction du
tribunal de grande instance de Toulouse puisse être lancée en 1999, dans le
cadre du budget d'équipement qui me sera alloué.
Des dispositions sont d'ores et déjà prévues pour améliorer l'existant et
intervenir sur les différents points qui posent problème et qui ont été relevés
par la commission de sécurité.
Ainsi, un premier crédit de 1,6 million de francs a été attribué à la cour
d'appel pour engager des mesures d'urgence. A ce titre, les archives et pièces
à conviction du tribunal de grande instance ont été transférées dans un local
voisin du palais de justice. Des mesures concernant l'organisation de la
sécurité et la formation des personnels ont également été prises.
Un bureau de contrôle effectue un audit des installations techniques pour
préparer leur remise en état et un bureau d'études est chargé d'arrêter les
solutions techniques appropriées pour résoudre les problèmes de solidité de
certains planchers.
Les mesures préconisées par ces études seront mises en oeuvre dès le début de
l'année 1998, sous l'autorité du Premier président de la cour d'appel de
Toulouse, avec l'appui sans réserve de l'ensemble des services de la
Chancellerie.
Ainsi, je l'espère, les principales mesures d'urgence devraient être prises en
1998, et la reconstruction du palais de justice de Toulouse devrait être
engagée en 1999.
M. Gérard Roujas.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Roujas.
M. Gérard Roujas.
Je remercie Mme la ministre de cette réponse positive d'autant plus
appréciable que le contexte budgétaire est très difficile.
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. René Monory.)
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président. La séance est reprise.
9
RAPPEL AU RÈGLEMENT
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, mon rappel au règlement est relatif à l'organisation de
nos travaux.
Alors que nous débutons cette année 1998, je veux protester, au nom du groupe
socialiste, contre le télescopage de plus en plus fréquent des travaux de nos
commissions permanentes, des séances publiques et des multiples commissions
d'enquête qui ont été créées dernièrement.
Déjà, nous sommes nombreux à nous élever contre la tenue de réunions de nos
commissions permanentes parallèlement à nos séances publiques, alors que la
présence en commission est obligatoire au regard de l'article 15 du règlement
et, de toute façon, s'avère indispensable pour le sérieux et la crédibilité de
notre travail parlementaire.
Vous-même, monsieur le président, dans le premier bilan de la session unique
que vous dressiez en juin 1996, vous reconnaissiez que cette concomitance
posait des « problèmes importants, que les solutions étaient difficiles à
trouver, mais que nous tenterions de le faire dans la concertation et avec
pragmatisme ».
Faut-il, alors, que l'organisation de notre calendrier induise elle-même
l'absentéisme dans des enceintes où la présence des sénateurs est élémentaire
?
Cette journée de reprise illustre parfaitement cette dérive : ainsi, la
commission d'enquête sur la politique énergétique et celle sur les conséquences
du passage de la durée hebdomadaire du travail à trente-cinq heures, outre
l'aspect contestable de leur création que nous avons dénoncé, organisent des
auditions alors même que notre assemblée examine le projet de loi relatif à la
nationalité, qui nous concerne tous.
M. Philippe Marini.
Rien ne presse !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je rappelle que, aux termes de l'article 32 du règlement, le Sénat se réunit
en séance publique en principe les mardi, mercredi et jeudi de chaque semaine.
Nul ne l'ignore.
Autre exemple de dysfonctionnement : la convocation de la commission d'enquête
au sein de laquelle je siège, celle sur les trente-cinq heures. En effet, dans
l'empressement d'évaluer les conséquences d'un projet de loi qui n'a pas encore
été débattu par le Parlement et pour devancer les travaux de la commission des
affaires sociales saisie au fond, sa réunion constitutive, fixée au 18
décembre, a été convoquée dans la soirée du 17 décembre ; les usages en vigueur
dans nos commission, au regard de l'article 20 de notre règlement, qui prévoit
un délai de convocation de quarante-huit heures, n'ont pas été respectés.
Dans ces conditions, comment demander à des parlementaires de se rendre
disponibles ?
Monsieur le président, entre les discours prétendant revaloriser le travail
parlementaire et la pratique d'une organisation quotidienne qui ne peut
qu'entraîner la disqualification de celui-ci, il existe une distance que nous,
sénateurs socialistes, nous ne voulons pas cautionner et que nous entendons
dénoncer.
M. le président
Je vous donne acte de votre déclaration, madame Dieulangard. De nombreux
projets de loi ont été déposés, ce qui crée en quelque sorte un embouteillage.
La conférence des présidents s'efforce d'atténuer les inconvénients qui en
résultent.
10
NATIONALITÉ
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi n° 145,
1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence,
relatif à la nationalité. [Rapport n° 162 (1997-1998).]
Je rappelle que Mme le garde des sceaux et le rapporteur de la commission des
lois sont déjà intervenus au cours de la séance du 17 décembre 1997. Il nous
reste à entendre les orateurs des groupes.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 58 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 41 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
9 minutes.
La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Madame le garde des sceaux, le projet de loi dont nous reprenons l'examen
aborde un sujet important pour le peuple français puisqu'il concerne le
fondement même de l'appartenance à la nation française, à savoir la
nationalité. Pour autant, je ne pense pas que ce texte traite d'une question
qui préoccupe nos compatriotes à un degré tel qu'il soit nécessaire de la
traiter toutes affaires cessantes.
Pourquoi légiférer en la matière ? Pourquoi utiliser la procédure d'urgence
?
Très sûre de vous quant à la volonté des Français au motif que les dernières
élections législatives vous ont été favorables, vous n'êtes pas pour autant
très confiante dans leur vote sur ce délicat sujet, qui leur tient assurément à
coeur.
Si vous étiez tellement persuadée du bien-fondé de cette réforme et que
celle-ci corresponde à une attente forte de la population française, pourquoi
avoir refusé de soumettre à un référendum ce projet de loi, comme le Sénat l'a
proposé au mois de décembre dernier ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
La remise en question de l'acquisition de la nationalité, telle qu'elle
est régie par les articles 17 à 33-2 du code civil, n'est pas, à l'évidence,
une priorité pour notre pays. Elle l'est d'autant moins, à nos yeux, que le
dispositif mis en place par la loi du 22 juillet 1993 fonctionne correctement,
même si l'on peut admettre que quelques améliorations seraient bienvenues. De
plus, le bilan de l'application de cette loi ne peut être que partiel pour le
moment.
Alors, s'agissant d'un sujet aussi sérieux, qui mérite un débat éclairé,
approfondi, serein et longuement réfléchi en amont, comme ce fut le cas en 1993
avec les travaux de la commission présidée par M. Marceau Long, pourquoi avoir
choisi la procédure d'urgence pour en débattre ?
Je tiens à rappeler que, lors de la réforme de 1993, le Gouvernement, qui
disposait au Parlement d'une majorité très large, n'avait pas eu recours à la
procédure de la déclaration d'urgence.
Le calendrier des discussions parlementaires de la présente session est certes
chargé - Mme Dieulangard y a fait référence voilà un instant - mais je doute
que ce soit une telle considération qui ait guidé le choix du Gouvernement.
La cadence selon laquelle il présente à l'Assemblée nationale et au Sénat un
projet de loi relatif à la nationalité puis, dans la foulée, un second projet
de loi concernant l'entrée et le séjour des étrangers en France ainsi que le
droit d'asile pose question.
Pourquoi cette précipitation ? Y a-t-il une nécessité impérieuse ?
La réponse à cette question est, pour nous, négative.
La seule explication à l'utilisation de la procédure d'urgence est de nature
politique, voire politicienne. Certes, le Gouvernement a tout à fait le droit
d'avoir recours à une telle procédure, mais, en l'occurrence, compte tenu de la
gravité du sujet, nous pouvons le déplorer. Il s'agit ni plus ni moins, par la
discussion et l'adoption rapides de ces deux textes, de tenir des promesses
hasardeuses.
Or, pour un projet de loi qui touche à l'essence même de la nation, votre
stratégie, madame le garde des sceaux, ne nous semble pas conforme à l'intérêt
du pays. Il nous paraît souhaitable d'apaiser plutôt que d'attiser les
passions.
Sur le fond, ce projet de loi revient sur la loi de 1993, qui a instauré la
procédure de manifestation de volonté.
Cette réforme a privilégié la décision autonome de l'enfant étranger, à partir
de seize ans et jusqu'à vingt et un ans, pour acquérir sans autorisation
parentale la nationalité française.
La loi du 22 juillet 1993 a donc permis le passage d'une volonté négative, à
défaut de laquelle l'acquisition de la nationalité intervenait à dix-huit ans,
à un régime de manifestation positive.
Dans le régime actuel, le jeune étranger ne devient pas français sans le
savoir. Le dispositif qui est en vigueur favorise une utile prise de conscience
de sa part.
Et même si je regrette que cette acquisition de la nationalité ait perdu de sa
solennité et soit perçue aujourd'hui comme une formalité administrative parmi
d'autres, je constate cependant qu'elle invite le jeune à être responsable et à
choisir son avenir.
Elle lui permet de réfléchir davantage au sens profond de l'appartenance à la
communauté nationale et de rechercher les raisons qui l'amènent à se considérer
comme Français et à vivre comme Français.
La loi de 1993 conduit donc les jeunes étrangers à faire un choix réfléchi et
construit.
Or les populations immigrant à l'heure actuelle en France sont de plus en plus
originaires de pays extérieurs à l'Europe et sont à l'évidence moins proches de
la culture et de l'identité historique françaises. Leur intégration et leur
assimilation sont par conséquent plus difficiles et peut-être plus longues.
M. René-Pierre Signé.
Cela vous gêne ?
M. Henri de Raincourt.
Pas du tout !
M. Jean Chérioux.
C'est malheureusement vrai !
M. Josselin de Rohan.
C'est un fait !
M. Henri de Raincourt.
Ce phénomène est accentué par le fait que l'environnement économique et social
de notre pays n'est pas favorable et que des facteurs déterminants telles
l'école et l'armée, qui assuraient traditionnellement cette intégration, ne
peuvent plus aujourd'hui remplir ce rôle de la même façon qu'auparavant.
Certes, ils y contribuent, mais cela ne suffit plus.
C'est pourquoi la démarche consistant à demander personnellement et librement
la nationalité française doit à notre avis être préservée.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Josselin de Rohan.
Tout à fait !
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Henri de Raincourt.
Elle prouve qu'un lien est délibérément établi entre un jeune homme ou une
jeune femme et la France.
Rappelons enfin que, au regard du droit français, ce choix n'a pas de
conséquence sur la nationalité d'origine. Ainsi, l'acquisition volontaire
correspond à une véritable adhésion aux valeurs de la société française et à un
engagement à respecter les lois de la République.
(Murmures sur les travées socialistes.)
Acceptant les devoirs de tout citoyen français, les jeunes étrangers
accèdent par là même à l'ensemble des droits accordés par notre législation. Il
s'agit en quelque sorte d'un contrat moral entre la nation française et ceux
qu'elle accueille.
Supprimer la manifestation de volonté ne nous semble donc ni opportun ni
justifié.
Or il s'agit là de la mesure essentielle de ce projet de loi. Nous sommes par
conséquent défavorables à ce dernier, considérant aussi que les intentions qui
le sous-tendent ne correspondent pas à l'intérêt national. L'adoption de ce
texte entraînerait en effet une accentuation du phénomène de rejet de
l'étranger et nourrirait des sentiments racistes qui n'ont pas besoin d'être
encouragés.
Par conséquent, le groupe des Républicains et Indépendants fait confiance à la
commission des lois, notamment à son président et à son rapporteur, notre ami
M. Christian Bonnet, pour guider et pour éclairer le Sénat sur le chemin de la
cohésion et de l'unité nationale.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. René-Pierre Signé.
Dommage que les Français aient voté !
M. Josselin de Rohan.
Faites-les revoter !
M. Michel Caldaguès.
Grâce au Front national ! C'est n'importe quoi !
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, madame la ministre...
M. Henri de Raincourt.
Madame le ministre !
M. Robert Badinter.
Nous sommes non pas à l'Académie française, mais seulement - si je puis dire,
par considération pour celle-ci - dans l'hémicycle du Sénat.
Madame la ministre
(Exclamations sur les travées du RPR),...
Mes chers collègues, nous reprendrons cette querelle sémantique une autre
fois, ce n'est ni le lieu ni le moment !
Je souhaite rappeler en premier lieu le cadre très exact de notre débat : il
s'agit des conditions d'acquisition de la nationalité et non du contrôle des
flux migratoires ou de problèmes liés à l'immigration.
MM. Jean-Jacques Hyest et Michel Mercier.
Très bien !
M. Robert Pagès.
Très bonne remarque !
Mme Nicole Borvo.
Tout à fait !
M. Robert Badinter.
Les deux questions sont, en effet, distinctes, et j'ai toujours pensé qu'elles
ne gagnaient rien à être confondues, comme elles le sont malheureusement trop
souvent dans l'esprit du public.
(Exclamations sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jean-Jacques Hyest.
A qui la faute ?
M. Charles Revet.
Cela ne retire rien à l'affaire !
M. Robert Badinter.
Je crois me rappeler, pour des raisons qui tiennent à un autre lieu, que, au
cours du printemps et de l'été 1993, deux textes avaient été discutés sans coup
férir, sinon conjointement, en tout cas successivement : l'un sur
l'immigration, l'autre sur la nationalité.
Mme Nicole Borvo.
Absolument !
M. Robert Badinter.
J'en reviens donc à ce que je disais : les deux questions, en tout cas, ne
gagnent rien à être confondues, et, aujourd'hui, nous sommes dans le cadre du
débat sur l'acquisition de la nationalité.
Il n'est pas indifférent de rappeler que le droit de la nationalité relève du
code civil, et que c'est d'ailleurs la majorité de 1993 qui l'y a inscrit.
Si je prends plaisir à l'indiquer, c'est que, comme nous le savons, les
dispositions du code civil n'entrent pas dans le cadre des domaines énumérés
par l'article 11 de la Constitution et ne sont donc pas susceptibles de
référendum. M. Marceau Long, dont nul ne discutera, je pense, l'autorité, et le
professeur Lagarde, qui est le plus grand spécialiste français du droit de la
nationalité, l'ont d'ailleurs rappelé devant la commission des lois du Sénat.
Mais je laisse cela, car c'est une question réglée.
De quoi s'agit-il aujourd'hui ? Comme l'orateur précédent l'a dit, le coeur du
débat est l'acquisition de la nationalité par les enfants d'étrangers nés en
France.
Je rappellerai d'abord, à cet égard, que, contrairement à une notion trop
communément répandue dans le public, la France n'a jamais reconnu que le simple
fait de naître sur le territoire national suffisait à l'attribution de la
nationalité française. Ce que l'on appelle « le
jus soli
intégral » n'a
jamais existé dans le droit français.
En revanche, il est exact que, pendant plus d'un siècle, et jusqu'à la loi de
1993, trois républiques ont consacré le même principe suivant : l'enfant
étranger né sur le sol de France devient français à sa majorité s'il satisfait
aux conditions requises de résidence en France, possibilité lui étant laissée
de refuser expressément la nationalité française. En somme, trois républiques
ont reconnu que la France accordait de plein droit la qualité de Français à un
enfant étranger né sur le sol de France parce que, précisément, il y était né,
il y avait grandi et il y avait vécu pendant une durée suffisante pour se
sentir français. Au fond, c'est exprimer là juridiquement - vous l'avez
d'ailleurs justement rappelé, monsieur le rapporteur - ce que la Cour
internationale de justice appelle un « fait social de rattachement ».
A ce principe séculaire, le législateur de 1993 a substitué la règle qu'un
enfant étranger né en France, ayant vécu en France et ayant fait ses études en
France, très généralement ne parlant que notre langue et ne connaissant que
notre culture, devait, pour être français, en manifester la volonté ferme. A
défaut de cette manifestation, il demeurerait un étranger sur le sol de la
France où il est né et a grandi.
M. Michel Caldaguès.
Sauf naturalisation !
M. Robert Badinter.
Il s'agissait là non pas de la suppression du
jus soli
- je tiens à le
dire - mais d'un changement significatif de sa prise en compte. En effet,
derrière la déclaration de volonté, qui apparaît comme une formalité, se révèle
une transformation symbolique essentielle : jusqu'en 1993, la République disait
au jeune étranger étant né et ayant grandi sur le sol de France : « Je te
considère comme français, sauf si tu ne veux pas l'être » ; depuis 1993, la
République lui dit : « Je te considère comme un étranger, sauf si tu demandes à
être français ».
(Murmures sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
Les amateurs de présomptions dans le domaine juridique - je sais qu'il en
existe - pourraient traduire la réforme de 1993 dans les termes suivants :
avant 1993, le jeune étranger qui était né sur le territoire français et qui y
était durablement établi était présumé vouloir devenir français, sauf
déclaration contraire de sa part. Mais le législateur de 1993 a inversé la
présomption : le même étranger est présumé vouloir demeurer étranger, sauf
déclaration contraire de sa part.
La différence, en pratique, n'est jamais qu'une question de formalité
administrative, me dira-t-on. Pour ma part, je la crois lourde de conséquences,
et plus sans doute que le législateur ne l'a perçu à l'époque. Je me garderai,
mes chers collègues, de reprendre ici le débat philosophique...
M. Jean Chérioux.
Me permettez-vous de vous interrompre, mon cher collègue ?
M. Robert Badinter.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean Chérioux.
Permettez-moi de vous poser une question, mon cher collègue. Vous parlez de
jeunes étrangers qui sont nés sur le sol français et qui ont vécu en France.
Mais estimez-vous que les dispositions inscrites dans le projet de loi qui
nous est soumis correspondent aux propos que vous tenez ?
Il est fait référence, dans le texte, à une « résidence habituelle en France
pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans ». Or, le
propos que vous tenez ne correspond pas du tout à une résidence discontinue
pendant au moins cinq ans !
M. Dominique Braye.
Ils n'auront pas toujours fait des études ! C'est de la désinformation !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Badinter.
M. Robert Badinter.
Mais cela vaut aussi pour tous ceux que j'ai évoqués. La résidence
discontinue, nous l'avons vu, est essentiellement liée aux études. Il s'agit -
ce n'est pas discutable - d'un enfant qui est né en France de parents établis
en France et qui, très communément - c'est, comme vous le savez, conforme à la
réalité - y a grandi et fait ses études.
M. Dominique Braye.
Chez nous, les enfants refusent de continuer leurs études !
M. Robert Badinter.
Je me garderai, disais-je, de transformer le débat d'aujourd'hui en débat
philosophique.
Je ne reprendrai pas les travaux de la commission Marceau Long. Je suis
convaincu que personne ne soutient « la conception ethnique de la nation », qui
n'a d'ailleurs jamais été celle de la France et qui - c'est l'anniversaire
d'aujourd'hui qui me conduit à la rappeler - aboutissait, dans ses pires
extrémismes, à dire qu'Emile Zola ne pouvait jamais penser qu'en Vénitien.
Je rappellerai que la conception organique de la nation, celle dans laquelle
l'individu s'insérerait sans presque le vouloir, la nation le façonnant dans un
ensemble formé sans lui, n'a jamais été celle de l'ancienne France. Dans
l'Ancien Régime, les Français étaient avant tout les personnes nées en France
et résidant dans le royaume de France, quelle que fût par ailleurs la
nationalité de leurs parents.
Elle n'est pas non plus conforme à la conception commune de la République,
c'est-à-dire la conception élective, celle qui est héritée des Lumières et qui
fonde la nation sur le consentement et la volonté des parties.
M. Dominique Braye.
Les choses ont bien changé depuis !
M. Robert Badinter.
A cet égard d'ailleurs, on peut s'interroger sur la portée de cette conception
élective au regard des enfants nés Français de parents français, très
communément sur le sol de France. Nul, jamais, ne saurait discuter que c'est un
honneur d'être Français, et je considère pour ma part que c'est un grand
honneur. Mais, s'agissant de la nationalité obtenue par le simple fait de la
naissance de parents français sur le territoire français, on ne peut s'empêcher
de penser au mot d'un duc à son fils, que l'on retrouve chez Saint-Simon : «
Mon fils, pour l'honneur d'être duc, vous ne vous êtes donné que la peine de
naître » !
(Sourires.)
Nous sommes donc loin, s'agissant de la nationalité obtenue du fait de la
naissance de parents français, de l'expression d'une volonté.
Sans aller plus loin dans la discussion philosophique, mais en regardant le
droit français tel qu'il s'est formé depuis deux siècles, combinant le droit du
sang et le droit du sol, je dirai, avec M. le professeur Lagarde qui, à mon
avis, donne la meilleure définition, que « le droit de la nationalité est
fondé, de façon concrète, sur l'intensité des liens objectifs - filiation,
naissance, scolarité, résidence, service militaire - entre l'individu et
l'Etat. »
On évoque beaucoup l'histoire quand il s'agit du droit de la nationalité. Or,
lorsqu'on examine celle-ci, on s'aperçoit que le principe constant, le fil
rouge, c'est tout simplement, en vérité, la recherche constante de l'intérêt
national.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
C'est bien la recherche constante de l'intérêt national qui a fait que,
si l'Ancien Régime a fait prévaloir le
jus soli,
c'est tout simplement
parce que le royaume de France se constituait à coup soit de dots, soit
d'annexions territoriales. Et si le code civil - on l'oublie trop - avait
prévu, dans son article 9, au-delà du
jus sanguinis
de l'article 8, que
l'étranger né en France et domicilié en France aurait le droit de devenir
Français à sa majorité, c'était bien, comme Bonaparte l'avait rappelé de façon
très claire au cours des travaux, pour qu'ils portent ce qu'il appelait les «
charges publiques », ce qui était une autre façon d'exprimer la conscription.
C'est bien, en effet, pour satisfaire à l'égalité devant les charges militaires
que les grands républicains ont voté le texte de 1889, et si la loi de 1927 a
facilité considérablement l'accès à la nationalité française, c'est parce qu'il
fallait réparer les pertes terribles subies après l'hécatombe sanglante liée à
la guerre de 1914-1918.
Si, ensuite, après la Seconde Guerre mondiale, mû par la volonté et la
nécessité de reconstruire une France ravagée et de lui restituer sa puissance,
le gouvernement du général de Gaulle a présidé à l'élaboration de l'ordonnance
du 19 octobre 1945, c'était bien dans l'intérêt national.
La question qui se pose à nous aujourd'hui, c'est de savoir où est l'intérêt
de la France face au problème qui nous occupe...
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Robert Badinter.
... et qui est celui, pensons-y, du sort des enfants nés en France de parents
étrangers, qui y sont établis et qui sont voués à y demeurer.
Il n'est plus question ici de puissance militaire. Il n'est plus question
aujourd'hui de faire venir un renfort de travailleurs, puisque nous sommes en
temps de chômage, bien que l'on annonce que, dans quinze ans, il faudra
probablement prévoir un nouveau recours à la main-d'oeuvre immigrée ; mais je
laisse cette perspective de côté.
S'agit-il alors de répondre à l'avenir démographique du pays ? On peut
s'interroger. En tout cas, ce qui s'impose à l'évidence à nous tous, c'est une
exigence fondamentale, impérieuse, et je dirai quotidienne, celle de
l'intégration dans la communauté nationale de tous ceux qui ont vocation à
demeurer en France et, parmi eux, au premier chef, nous le savons bien, des
enfants d'immigrés qui sont nés sur le sol de France, qui y sont établis et
qui, pour l'immense majorité d'entre eux, sont voués à y demeurer.
C'est au regard de cet impératif-là que je vous demande de prendre la mesure
de ce qu'implique comme conséquences négatives - et, encore une fois, je ne
crois pas que telle était l'intention du législateur - la réforme de 1993, même
si elle n'entendait pas sacrifier le droit du sol issu de la tradition
républicaine.
D'abord, même si la déclaration requise en 1993 peut être faite de seize à
vingt et un ans, il est bien évident que, pour accomplir cette formalité, le
jeune doit avoir connaissance de sa nécessité. Or nous savons bien que
l'information a, en définitive, été insuffisante et partielle et que la
pratique administrative s'est révélée inégale et décevante. On aura ainsi
conditionné l'acquisition de la nationalité à la diffusion d'une information.
Quel paradoxe ! Parce que ce sont précisément les jeunes étrangers les plus
défavorisés, ceux qui appartiennent aux milieux les moins intégrés, qui se
trouvent inévitablement marginalisés et qui ignorent le plus communément
l'exigence de la déclaration et des formalités nécessaires.
On craignait, disait-on, que les intéressés ne deviennent Français sans le
savoir. Permettez-moi de vous dire qu'il me paraît pire, et pour eux et pour
nous, qu'ils demeurent étrangers sans le vouloir !
On nous assure qu'il peut être remédié aux conséquences fâcheuses de cette
situation en améliorant l'information du jeune et le fonctionnement de
l'administration. Nous sommes tous d'accord pour que l'information donnée
aujourd'hui aux étrangers nés en France sur leurs droits soit aussi
individualisée et complète que possible, mais ne croyez pas que cette
information permettra de pallier les conséquences si dommageables que je viens
d'évoquer s'agissant de mineurs qui se croiront Français et qui seront demeurés
étrangers sans le savoir ni le vouloir.
Reste, bien sûr, la naturalisation, avec ce que cela représente comme
démarches et lenteurs administratives. Espérer que l'administration, écrasée de
tâches comme elle l'est, va se consacrer, faisant appel au zèle universel de
ses agents, à l'information des jeunes étrangers nés en France pour susciter
les déclarations voulues par le législateur relève de l'utopie !
(M.
Caldaguès proteste.)
S'agissant des autres arguments avancés pour s'opposer au retour à ce qui a
été une tradition séculaire des républiques, vous me permettrez de m'en
étonner. Ainsi, monsieur le rapporteur, je dois vous dire que vous m'avez
choqué.
M. Christian Bonnet,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Ah ?
M. Robert Badinter.
Oui, vous m'avez choqué lorsque - et j'ai lu le
Journal officiel
pour
m'assurer des termes exacts que vous aviez employés - vous avez déclaré : « La
vérité, c'est que nous sommes passés d'une immigration de travailleurs à une
immigration d'allocataires. »
M. Dominique Braye.
C'est la vérité !
M. Robert Badinter.
Or nous n'étions pas dans le cadre du débat sur le contrôle des flux
migratoires : il est ici question, monsieur le rapporteur - ai-je besoin de le
rappeler à nouveau - des enfants nés sur le sol de France, appelés à devenir
Français. Croyez-moi, dire que leurs parents sont le fruit d'une immigration
d'allocataires, cela témoigne à leur encontre d'un propos blessant et
cruel,...
M. Dominique Braye.
Mais c'est vrai !
M. Robert Badinter.
... alors que la majorité d'entre eux sont venus parce que l'on avait alors
besoin, nous le savons tous, d'une main-d'oeuvre abondante et bon marché. Oui,
c'est blesser à peu de compte ceux qui vivent avec nous.
(Applaudissements
sur les travées socialistes.)
J'ajoute que c'est l'écho d'un propos qui nous a toujours atteints :
l'histoire de l'immigration témoigne, nous le savons tous, de ce que chaque
vague d'immigrés en France a été tenue comme inassimilable par ceux qui
dénonçaient la présence de ces immigrés en France. Je vous invite, à cet égard,
monsieur le rapporteur, à lire ce que, sinon un membre de votre famille, du
moins votre homonyme, le révérend père Bonnet...
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Rien à voir, hélas !
M. Robert Badinter.
Pour vous, ou pour lui ?
Je vous invite donc à lire ce que le révérend père Bonnet a rappelé à
l'occasion des travaux de la commission Marceau Long, à savoir ce que l'on a
écrit et clamé à propos des Italiens dans le Bassin Lorrain et dans le Sud-Est,
sans qu'il soit même besoin de rappeler ce qui a été dit et répété sur les
Polonais dans l'Est.
Et je n'ai pas non plus besoin de rappeler devant vous ce qui a été dit et
écrit sur les Juifs d'Europe centrale ou orientale entre les deux guerres !
Tous ont été dénoncés comme inassimilables, tous ont eu droit à des propos où
l'on qualifiait leur présence de lourde menace pour l'identité nationale, tous
ont été dépeints dans des termes qui, à les relire aujourd'hui, plus d'un
demi-siècle après, touchent encore le coeur profondément tant ils sont marqués
de mépris et de xénophobie.
(Applaudissements sur les travées socialistes et
sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. Michel Caldaguès.
Dépeints par qui ?
M. Robert Badinter.
Aujourd'hui, monsieur Caldaguès,...
M. Michel Caldaguès.
Dépeints par quelques racistes ! Toute la France n'était pas raciste, c'est un
procès collectif inadmissible !
M. Robert Badinter.
... Je rappelle ici ce qui est une vérité historique et il me suffirait de
vous renvoyer à la terrible anthologie des textes, à commencer par le plus
douloureux d'entre eux,
Pleins pouvoirs,
écrit par Giraudoux en 1939, à
la veille de la guerre.
M. Jean Chérioux.
Le Front populaire était au Palais-Bourbon !
M. Robert Badinter.
Aujourd'hui, disais-je, ce n'est pas à leurs enfants, filles ou fils
d'immigrés, que s'adressent ces propos : on les réserve aux immigrés d'origine
africaine, et en particulier aux Maghrébins. Or je rappelle, puisque c'est
d'eux que nous parlons, qu'il s'agit, je le redirai toujours, d'enfants qui
sont nés sur le sol de France, d'enfants qui sont scolarisés dans les écoles de
France et qui, pour la plupart, ont vécu toujours et vivront toujours en
France. Dire d'eux que cette nouvelle génération serait moins aisément
intégrable que les précédentes, issues d'autres immigrations...
M. Jacques Larché.
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
C'est la
vérité, et vous le savez bien !
M. Robert Badinter.
... c'est un
a priori
détestable qu'infirment toutes les recherches qui
ont été faites sur ce point.
M. Dominique Braye.
Et Mantes-la-Jolie, et Chanteloup-les-Vignes, et toutes ces banlieues !
M. Robert Badinter.
Laissons de côté les clichés empruntés à des voix dont nous refusons
d'entrendre l'écho parce qu'il n'est pas républicain.
M. Jean Chérioux.
Mais vous ne refusez pas les voix !
M. Robert Badinter.
Dans son rapport, auquel je vous renvoie, Patrick Weil cite les études qui ont
été conduites par l'Institut national d'études démographiques, qui montrent que
les jeunes d'origine maghrébine s'assimilent culturellement tout autant que
leurs prédécesseurs, enfants d'immigrés italiens, polonais ou espagnols.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Mme Nicole Borvo.
Parfaitement !
M. Robert Badinter.
Sur ce point, je tiens à rendre hommage à l'école de la République, qui ne
démérite pas, aujourd'hui, dans sa tâche,...
M. Dominique Braye.
Vous êtes bien peu sur le terrain !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vous ne voulez pas le rappeler à l'ordre, monsieur le président ? Il
interrompt constamment !
M. Dominique Braye.
Il fait comme vous d'habitude, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Robert Badinter.
... à cette école de la République que les enfants de l'immigration
contemporaine ont fréquentée et fréquentent en plus grand nombre, et pendant
une durée supérieure à ceux qui les avaient précédés dans les flux de
l'immigration.
Ce n'est pas l'école qui fait défaut au processus d'intégration.
M. Dominique Braye.
Ils ne vont pas à l'école : ils refusent d'y aller !
M. Robert Badinter.
C'est dans la recherche d'un travail, c'est lors des entretiens d'embauche
que, plus que les autres jeunes, ils rencontrent des difficultés d'insertion.
Dieu sait qu'elles sont déjà grandes pour les autres, alors
a fortiori
pour ceux-là ! C'est là que jouent les préjugés et les refus, qui sont
toujours des facteurs graves d'exclusion.
En vérité, face à l'impératif républicain d'intégration, tout ce qui contribue
à favoriser l'intégration doit être mis en oeuvre...
M. Henri de Raincourt.
Bien sûr !
M. Robert Badinter.
... et tout ce qui aboutit à l'entraver doit être écarté.
M. Henri de Raincourt.
Bien sûr !
M. Dominique Braye.
C'est pour cela qu'il ne faut pas voter ce texte !
M. Robert Badinter.
C'est au regard de cette exigence-là que nous devons examiner ce projet de loi
sur la nationalité, parce qu'il est un des moyens les plus importants de
l'intégration, d'une intégration qui est la finalité essentielle des
dispositions qui nous sont proposés, et non une récompense ou un
couronnement.
L'enfant qui est né en France, qui est scolarisé en France, dont les parents
étrangers sont établis en France depuis des années, celui-là, dans notre
intérêt autant que dans le sien, doit se sentir appelé aussi aisément que
possible à devenir Français par la France même dans laquelle nous savons qu'il
est voué à demeurer.
M. Dominique Braye.
S'il le veut !
M. Robert Badinter.
On nous dit qu'une déclaration lui fera mieux prendre conscience de son
appartenance à la communauté nationale.
M. Dominique Braye.
Absolument : s'il le veut !
M. Robert Badinter.
Je répondrai d'abord que cette appartenance-là est pour ainsi dire inscrite
dans la trame de sa vie quotidienne, dans la langue qu'il parle, dans l'école
qu'il fréquente, dans les pratiques qui sont les siennes - et qui sont les
nôtres - depuis qu'il est né.
Je le dis solennellement : c'est la France où il est né et où il vit qui fait
de lui, jour après jour, un Français.
On a voulu, en 1993, sacraliser par une déclaration, que certains ont souhaité
solennelle - ce qui ne s'est jamais fait dans d'autres pays, sauf pour la
naturalisation - le passage d'une identité à l'autre, le passage de la qualité
d'étranger à la dignité de Français.
Malheureusement, si l'on regarde la réalité, on s'aperçoit que l'on ne fait,
en exigeant cette formalité que trois républiques n'ont pas voulue, que
renforcer, aux yeux de ce jeune né et établi en France, la conscience qu'il est
différent de ceux avec qui il vit, qu'il n'appartient pas à la même communauté.
En un mot, on redouble la conscience qu'il peut avoir qu'il est un étranger sur
le sol de France au moment même où on incite à ne plus l'être.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées du
RDSE.)
On aggrave, permettez-moi de le dire, son altérité. On souligne à ses
yeux sa différence d'origine au moment où l'on affirme vouloir l'effacer. Or il
n'est rien, je le dis à la Haute Assemblée, que les enfants et les adolescents
ressentent plus profondément que l'inégalité et la différence de traitement.
Pour une fois, je parlerai d'une expérience personnelle. J'ai donné pendant
des années, lorsque je présidais le Conseil constitutionnel, des cours
d'instruction civique dans un collège situé dans une banlieue que l'on
qualifiait de « chaude ». Ce collège s'appelait d'ailleurs « collège
Robespierre », ce qui, pour un disciple de Condorcet, était quelquefois
douloureux.
(Sourires.)
Mais laissons cela de côté !
Il y avait, dans ma classe, à peu près pour moitié des enfants d'immigrés et
pour moitié des enfants Français. Tous, à quelques rares exceptions près,
étaient nés sur le sol de France, étaient donc nés sous le même ciel, tous
parlaient avec le même accent, prononçaient les mêmes mots, s'exprimaient de la
même façon, lisaient les mêmes livres - quand ils en lisaient ! - pratiquaient
les mêmes sports, regardaient les mêmes émissions. En un mot, ils étaient
pareils, et ils se considéraient comme tels
(M. Dominique Braye s'exclame.)
Je savais, par expérience personnelle, combien toute discrimination, à
cet âge si sensible où se forme pour toujours la personnalité de la femme ou de
l'homme que l'on sera, arrivé à l'âge adulte, combien toute différence marquée
pouvait être ressentie comme une blessure parfois irréparable.
Comme tous les enseignants - je n'étais pas le seul à agir ainsi - je les
traitais, bien évidemment, de la même façon. Je leur parlais à tous de la même
manière de nos institutions et de la République, comme s'ils étaient déjà de
petits citoyens français, parce que, en vérité, ils l'étaient. Et ils étaient
voués à le demeurer !
La France était leur patrie et, croyez-moi, ils la ressentaient comme telle au
travers de toutes les questions qu'ils posaient, sans avoir besoin de serment
ou de déclaration particulière.
M. Dominique Braye.
C'est vu du XVIe arrondissement ?
M. Robert Badinter.
On ne le dira jamais assez, il n'y a rien qui fasse naître plus profondément
le sentiment d'exclusion et d'injustice que d'être traité comme différent,
quelle que soit la cause de cette différence, et par là même étranger à la
communauté à laquelle on appartient. C'est une épreuve que les enfants
d'immigrés découvrent de toute façon trop tôt et qui crée chez eux des
amertumes que le temps n'efface pas toujours. Alors, mieux vaut l'épargner à
ceux qui sont appelés à vivre avec nous ou, si l'on préfère, avec lesquels nous
sommes voués à vivre.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Gérard Larcher remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, d'abord, il y
a la tradition.
Certes, je ne vais pas remonter à 1515. Non, je parle simplement d'une
tradition plus que centenaire, avec la loi de 1851, centenaire, avec celle de
1889, que l'on a tort de présenter comme une loi destinée à faciliter la
conscription. C'est faire beau jeu de l'histoire et oublier qu'en 1889
l'affaire Boulanger était terminée.
Non, la loi de 1889 était et se voulait une loi d'intégration républicaine,
quelques années après les lois Ferry, qui faisaient le pari de la victoire du
français sur les dialectes, de la victoire de l'école avec les « hussards noirs
» contre l'ignorance et l'obscurantisme. Elle était un acte de confiance en
l'homme, de confiance en une France forte et rayonnante malgré la défaite de
1870, de confiance en la République.
Puis, il y a eu les autres lois, celles de 1927, 1945, 1973. Je ne veux pas
m'étendre sur cette dernière loi ; tout le monde en a en tête les éléments et
les circonstances. Elle ajoute au double droit du sol, à la possibilité pour
les jeunes nés en France de devenir Français à dix-huit ans, la possibilité
pour les parents de réclamer la nationalité française pour leurs enfants dès la
naissance.
Quoi de plus simple, de plus intégrateur que cette loi de 1973 ? Et pourtant
!
Pourquoi celui qui était Premier ministre en 1986 a-t-il donc fait préparer un
projet de loi mettant en place le droit du sang, à la suite d'une proposition
de loi identique des députés du Front national ?
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas ce qu'a dit M. Badinter !
Mme Joëlle Dusseau.
Vous n'avez pas écouté ce que j'ai dit, mon cher collègue, mais cela ne
m'étonne pas de vous !
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas le droit du sang, M. Badinter l'a dit !
Mme Joëlle Dusseau.
Pourquoi a-t-on fondamentalement modifié cette loi en 1993 et pourquoi, madame
la ministre, ne pas revenir à cette loi de 1973 aujourd'hui ? Toute la question
est là.
Alors, on nous dit que les circonstances ne sont pas les mêmes, qu'il n'y
avait pas la crise. Certes ! Mais la lecture du débat à l'époque, puisque vous
savez que le vote a été unanime, est éclairante.
Il faut se rappeler qui était au pouvoir en 1973. Le Président de la
République était M. Pompidou et le Premier ministre, M. Messmer ;
a priori
pas des laxistes ! Le ministre de l'intérieur était M. Marcellin et, à la
Chancellerie, il y avait M. Foyer ;
a priori
pas des tendres !
A l'Assemblée nationale même, outre, bien sûr, M. Mazeaud, qui, visiblement,
ne s'est jamais remis d'avoir été le rapporteur de cette loi, on trouvait,
entre autres, M. Debré - Michel ! - et puis, bien sûr, un certain nombre de
députés qui, depuis, sont devenus sénateurs.
Alors, qu'est-ce qui nous empêche, aujourd'hui, de revenir à cette loi, qui
continuait la tradition française, qui n'avait suscité aucun accroc dans son
fonctionnement et dont il est difficile de penser qu'elle avait été adoptée par
de dangereux gauchistes ? Qu'est-ce qui a changé ?
M. Jean Chérioux.
Tout !
Mme Joëlle Dusseau.
Qu'est-ce qui a fait changer la droite ?
M. Jean Chérioux.
L'environnement !
Mme Joëlle Dusseau.
Qu'est-ce qui a fait changer la gauche ? Est-ce la crise ? Avec 3 millions de
chômeurs, 1 million de RMistes, 500 000 à 600 000 sans-abris, 6 millions de
personnes en dessous du seuil de pauvreté, certains se diraient-ils donc qu'il
ne serait pas mauvais d'ajouter à l'exclusion économique une exclusion sur le
plan de la nationalité ?
Non, nous le savons bien, ce qui a fait changer la droite, et ce qui a fait
changer la gauche, c'est le phénomène, unique en Europe dans son ampleur et
dans sa durée - quinze ans maintenant puisque en fait le vrai démarrage se
situe aux cantonales de 1982 - du vote en faveur du Front national.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Qui l'a suscité ?
Mme Joëlle Dusseau.
Ne croyez pas que je le sous-estime. Je sais que au-delà même des scores qui
se maintiennent, voire qui progressent, quoi que ses leaders fassent, quoi
qu'ils disent, il est une chose encore plus inquiétante, rappelée dans une
étude parue en décembre dans un hebdomadaire, c'est que 30 % des Français, soit
un Français sur trois, disent qu'ils ont voté au moins une fois pour le Front
national.
Mais le plus grave n'est même pas là. Il est dans ce qu'on appelle trop
rapidement sans doute la « lepénisation » des esprits, l'expansion et la
dilution des idées xénophobes, antisémites, racistes, dans notre société.
Nous sommes confrontés là à une question essentielle : le législateur doit-il
ou non tenir compte de l'opinion publique ?
Ma réponse personnelle est extrêmement pragmatique. Il est des sujets sur
lesquels il est évident qu'il faut tenir compte de l'évolution des moeurs et de
l'opinion. Et puis, il est un certain nombre de questions qui touchent à des
principes de fond parce qu'ils se rattachent à ce qui constitue le socle même
de notre communauté républicaine : les droits de l'homme.
Si l'on avait attendu l'opinion publique, aurait-on aboli la peine de mort en
1981 ? C'est tout de même une fierté de notre pays, même si cela a valu bien de
l'impopularité au garde des sceaux qui a porté ce projet !
J'ajoute d'ailleurs que, si l'on avait attendu la majorité de l'opinion
publique, on n'aurait pas légalisé la pilule en 1967, ni l'avortement en
1976.
Alors, s'il vous plaît, laissons de côté l'opinion publique et M. Le Pen.
M. Hilaire Flandre.
Vous en avez peur !
Mme Joëlle Dusseau.
Non, car je viens de démontrer un certain nombre de choses. Vous n'écoutez pas
attentivement, mon cher collègue, mais cela ne m'étonne pas de vous non plus
!
M. Jean Chérioux.
Vous n'avez pas démontré grand-chose !
M. Alain Dufaut.
Vous n'avez rien démontré du tout !
Mme Joëlle Dusseau.
Le deuxième argument invoqué contre le retour à la loi de 1973, ce sont les
caractéristiques de l'immigration actuelle, qui serait, paraît-il, différente
de l'immigration passée ; M. Bonnet, notamment, nous en a parlé, le 18 décembre
dernier.
Essayons donc de voir les choses de manière objective et parlons des réalités
sociales effectives et non de l'idée que nous nous faisons d'elles.
Prenons en considération, par exemple, de 1973 à 1993, soit sur une période de
vingt ans, les enfants devenus français dès la naissance par déclaration et
faisons quelques comparaisons.
Tous les enfants d'immigrés algériens nés en France - plus de 99 % pour être
exact - ont été déclarés Français à la naissance, garçons comme filles. On
tombe, pour les Espagnols, à 96 % des filles déclarées françaises et 95 % des
garçons. C'est déjà moins. Pour les Portugais, on atteint 97 % pour les filles,
mais on tombe à 84 % pour les garçons. On peut donc déjà noter une volonté
d'intégration plus grande chez ceux-là que chez ceux-ci, et ce ne sont pas ceux
que l'on attendait qui ont montré une plus grande volonté d'intégration !
Ces chiffres sont extraits - je vous conseille fortement de les consulter - de
la seule grande enquête fiable sur le plan démographique, enquête qui a été
publiée l'an dernier dans les cahiers de l'Institut national d'études
démographiques par Michèle Tribalat.
Cette enquête aborde de nombreux sujets. J'en citerai quelques-uns qui sont
significatifs.
Tout d'abord, 87 % des jeunes Algériens ayant deux parents immigrés déclarent
que le français est leur langue maternelle, associée ou non à une autre, contre
seulement 66 % des jeunes Espagnols et 73 % des jeunes Portugais.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Qui retournent chez eux !
Mme Joëlle Dusseau.
Là aussi, l'intégration n'est pas ce que l'on croit !
Tous ceux qui pensent que l'immigration a changé de nature depuis vingt ans
devraient méditer ces chiffres.
Au-delà, la très grande majorité des enfants d'immigrés, quels qu'ils soient,
mis à part quelques catégories très particulières, considèrent que le français
est leur langue maternelle.
Quant aux petits-enfants d'immigrés, ils sont très peu nombreux à pouvoir
s'exprimer dans la langue de leurs grands-parents et, quand l'un de leurs
grands-parents est français, la déperdition est totale.
Cela démontre bien que, dans l'ensemble, les Africains du Nord et ceux
d'Afrique noire sont beaucoup plus rapidement intégrés dans la langue et dans
la culture française, que ne le sont encore aujourd'hui certains Européens et,
bien entendu, que ne l'étaient, entre les deux guerres, les Polonais ou les
Russes, ou encore, au xixe siècle, les Italiens, comme le disait M.
Badinter.
Je renvoie sur ce dernier point aux féroces émeutes anti-italiennes de la fin
du siècle dernier, aux bastonnades, humiliations, évictions, meurtres,
notamment à Grenoble, à Marseille - elles y ont été tellement violentes que
l'on a parlé de « vêpres marseillaises » - ou à Aix-en-Provence.
Quant au fait religieux, parlons-en, car, derrière tout cela, il y a, bien sûr
l'islam, auquel les uns et les autres pensent.
Là aussi, voyons les réalités et laissons les fantasmes. Près de la moitié des
immigrés d'Algérie déclarent n'avoir pas de religion ou ne pas pratiquer, et
seulement 29 % sont des pratiquants réguliers.
S'agissant de la deuxième génération, de ceux qui sont nés en France de deux
parents nés en Algérie, les deux tiers affirment n'avoir pas de religion ou pas
de pratique, et 20 % disent avoir une pratique occasionnelle.
Mes chers collègues, rassurons-nous face au péril de l'islam intégriste en
France ! Ces attitudes sont statistiquement très proches des pratiques moyennes
des autres jeunes et de la population française en général.
Quant à l'école, on sait bien que l'obligation scolaire n'a jamais été aussi
longue. Faut-il rappeler qu'au moment du vote de la loi de 1889 elle allait de
six à treize ans. Aujourd'hui, on va à l'école au moins jusqu'à seize ans, sans
oublier la généralisation des écoles maternelles, qui allongent d'autant la
scolarité et, surtout, procèdent très tôt à l'acculturation des enfants.
Aujourd'hui plus qu'hier, la langue et la scolarité font de ces enfants des
enfants parfaitement identiques aux autres.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Très juste !
Mme Joëlle Dusseau.
Mais ces enfants, issus de milieux défavorisés, entassés dans des
cités-dortoirs souvent sinistres, avec comme seul horizon le chômage, se
considèrent comme des exclus.
Faut-il exiger de ces jeunes, comme le voulait la minorité de l'Assemblée
nationale, comme le souhaite la majorité sénatoriale, ou du moins la
commission, une déclaration à dix-huit ans ?
Faut-il les installer ou les maintenir jusqu'à cet âge dans une situation de
non-identité ? En effet, que l'on ne dise pas qu'ils ont la nationalité de
leurs parents, alors qu'ils vivent en France, qu'ils parlent français, qu'ils
sont de nulle part ailleurs, qu'ils travailleront en France, qu'ils se
marieront et auront des enfants en France et qu'ils mourront en France !
Depuis 1993, alors qu'ils sont nés en France, qu'ils se vivent comme Français,
on leur dit qu'ils ne le sont pas, on les oblige à s'interroger sur le lien qui
les unit à la nation, toute chose qui devrait aller de soi et semble naturelle.
Pourquoi eux et pas les autres, pourquoi pas nos enfants ? A-t-on réfléchi à la
nature du choix qu'on leur demandait de faire ? Pour eux, l'alternative se
réduit à participer à la vie politique et citoyenne française ou à rester
durablement en marge de celle-ci. Que l'on ait pu imaginer qu'il y avait là un
espace de liberté laisse rêveur...
Faut-il les laisser dans un
no man's land
identitaire jusqu'à dix-huit
ans, ou seize ans, ou treize ans, comme le prévoit le texte du Gouvernement
amendé par l'Assemblée nationale ? Je n'en suis pas d'accord. On peut se
demander comment un enfant peut constituer sa personnalité sans avoir, avant
l'âge de seize ans, ou de treize ans, une nationalité déterminée. La
nationalité n'est pas seulement l'achèvement de l'intégration, elle est aussi
son instrument.
C'est pourquoi je regrette avec mes amis radicaux la frilosité du projet
gouvernemental. Aussi ai-je déposé un certain nombre d'amendements, notamment
un qui vise à donner automatiquement la nationalité française aux enfants
naissant en France du moment qu'un des parents a un titre de séjour. Si cet
amendement n'était pas voté - on peut tout craindre - j'ai prévu un amendement
de repli proposant le retour à la loi de 1973, c'est-à-dire la possibilité pour
les parents de demander la nationalité française pour leurs enfants dès leur
naissance.
M. Philippe de Gaulle.
De « demander » !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Eh oui !
Mme Joëlle Dusseau.
Mes chers collègues, voilà quelques semaines, le 18 décembre dernier, au
moment où le Sénat devait examiner le projet de loi, M. Jacques Derrida a fait
paraître un livre qui ne peut que nous intéresser et nous interpeller, surtout
en ce moment, et qui s'intitule
De l'hospitalité.
Il distingue notamment
l'hospitalité inconditionnelle et l'hospitalité conditionnelle, la seconde
faisant, bien entendu, intervenir les lois et les règlements. Vous voyez que
nous sommes totalement concernés par ce texte de M. Jacques Derrida.
M. Philippe de Gaulle.
Il ne peut pas s'en plaindre !
Mme Joëlle Dusseau.
Vous me permettrez de terminer mon intervention en le citant. « On oublie
souvent que c'est au nom de l'hospitalité inconditionnelle qu'il faut tenter de
déterminer les meilleures conditions, à savoir telle limite législative, et
surtout telle mise en oeuvre des lois. On l'oublie toujours du côté de la
xénophobie, par définition. Mais on peut l'oublier aussi au nom d'une certaine
interprétation du pragmatisme et du réalisme. Par exemple, quand on croit
donner des gages électoraux à des forces d'exclusion ou d'occlusion. Douteuse
dans ses principes, cette tactique pourrait bien perdre plus que son âme : le
bénéfice escompté ».
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE ainsi que sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe
communiste républicain et citoyen souhaite une discussion dégagée de toute
démagogie. La comédie à laquelle s'est livrée la majorité de notre assemblée en
exigeant un référendum dont elle ne sait plus que faire n'a pas aidé, c'est le
moins que l'on puisse dire, à une prise en compte par l'opinion publique de
l'importance des décisions que nous devons prendre.
Ces manoeuvres dilatoires tranchaient avec la sérénité affichée depuis l'été
par Mme le garde des sceaux et avec la qualité des auditions.
Ce n'est pas en pratiquant l'amalgame, en jetant la suspicion sur les immigrés
ou en incitant à la défiance envers eux que l'on pourra permettre l'éclosion du
débat politique.
Notre groupe a des réserves sur certaines dispositions du texte, mais nos
remarques sont et se veulent constructives : nous souhaitons, madame la
ministre, que vous les entendiez comme telles.
Le débat sur la nationalité renvoie au regard que progressistes et
conservateurs portent sur l'état présent et le devenir de notre nation.
L'angélisme des uns ne répond pas au réalisme des autres. Les débats, depuis
trois mois, indiquent clairement que, si la confiance en la force intégratrice
de la République est d'abord à gauche, les peurs quant à notre capacité à
relever les défis à venir sont surtout à droite. Pour notre part, nous nous
rattachons à une philosophie progressiste, humaniste et positive du droit de la
nationalité, qui s'oppose à l'égoïsme national, au populisme et à la xénophobie
ambiante.
Je n'ai aucun goût pour les polémiques historiques, car notre histoire est
suffisamment riche et complexe pour que chacun y trouve des exemples qui lui
siéent. Il est clair que le lien de filiation et le lieu de naissance ne
représentent que des présomptions d'acculturation, et qu'il n'y a aucune raison
pour que la France considère sa législation comme immuable et refuse de
s'interroger sur son adaptation au monde d'aujourd'hui.
Mais si le legs des constituants de l'An I : « Tout homme né et domicilié en
France, âgé de vingt et un ans accomplis ; - Tout étranger âgé de vingt et un
ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année - Y vit de son travail
- Ou acquiert une propriété - Ou épouse une Française - Ou adopte un enfant -
Ou nourrit un vieillard ; - Tout étranger enfin, qui sera jugé par le corps
législatif avoir bien mérité de l'humanité - Est admis à l'exercice des droits
de citoyen français. », si donc ce legs garde sa jeunesse et sa force
propulsive, c'est bien parce qu'il illustre une formidable manifestation de
confiance en l'homme.
C'est cela le génie français qui permet l'adhésion à nos valeurs communes,
publiques, laïques et républicaines, conjuguant aux idées libératrices et aux
idéaux de la Révolution de 1789 l'attribution de la nationalité française à la
naissance et la promotion de l'école.
N'y a t-il pas aujourd'hui, dans le scepticisme et le repli conservateur de la
droite à aborder la question de la nationalité, une incertitude sur l'identité
de la France,...
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Très juste !
M. Michel Duffour.
... un attrait pour des modèles libéraux nés ailleurs et le doute sur la
permanence d'une exception française ?
Pourquoi cette position frileuse alors que, dans un monde en plein
bouleversement, nous pourrions afficher notre fierté de voir la France s'ouvrir
sur un monde fait de tolérance, d'égalité et d'enrichissement réciproque ?
Jusqu'à la Révolution française, la France était surtout un pays d'émigration.
Saignée par les guerres napoléoniennes, en manque de main-d'oeuvre à l'aube de
la révolution industrielle, elle est devenue durablement un pays d'immigration
depuis le début du XIXe siècle.
L'intégration de vagues successives de travailleurs étrangers et de leurs
familles en France s'est faite, en dépit des difficultés et de la tentation
permanente de la ségrégation et du racisme, sur l'idée de l'égalité des
personnes, ce qui a conduit à accorder un rôle déterminant au droit du sol par
rapport au droit du sang dans le processus d'intégration. Ce fut un combat.
La conception française de l'intégration fondée sur le principe d'égalité fait
participer la diversité des hommes et des femmes résidant durablement sur le
même sol à la poursuite d'une visée commune qui refuse les déterminismes
d'ethnie ou de religion ; elle est essentiellement tournée vers l'avenir.
La France s'est faite, comme l'a montré Fernand Braudel, sur sa grande
capacité à intégrer au cours des siècles des populations étrangères extrêmement
diverses.
A nouvelles époques, nouvelles réponses, nous dit-on.
Sans aucun doute, mais je pense qu'une nation ne conserve sa vigueur que dans
l'enrichissement permanent des diversités de cultures, de sensibilités,
d'expériences venues d'ailleurs. C'est la seule attitude qui permette
d'anticiper sur un état du monde où le droit à la mobilité générale des humains
s'accentue.
Les oppositions au projet gouvernemental, telles qu'elles nous ont été
exposées par M. le rapporteur de la commission des lois, entretiennent toutes
les manifestations de repli.
L'histoire contemporaine nous a rendu familières ces tentations qui enferment
le débat sur l'immigration dans des querelles politiciennes privilégiant chaque
fois des visées à court terme.
Les années vingt et trente ont été le théâtre d'avancées mais aussi de dérives
qui ne peuvent pas ne pas nous interpeller. La crise de l'entre-deux guerres a
suscité des réactions d'intolérance ; en réaction à la loi libérale de 1927, on
renforce les interdits vis-à-vis des naturalisés ; l'inéligibilité est étendue
à l'ensemble des fonctions électives ; la possibilité de déchéance de la
nationalité française est confirmée.
La loi du 19 juillet 1934 déplace encore un peu plus la frontière des
incapacités visant les naturalisés, puisque ceux-ci sont écartés de tous les
emplois de la fonction publique rémunérés par l'Etat.
Les décrets-lois de novembre 1938 reculent encore les limites. Désormais, la
naturalisation est subordonnée à un examen de la langue française.
La simplification de la procédure de la déchéance et la mise en place de camps
d'internement pour les expulsés complètent des mesures que le gouvernement de
Vichy ne fait que pousser à l'extrême. La loi du 22 juillet 1940 entame le
processus de révision des naturalisations décrétées depuis 1927. Quinze mille
personnes sont touchées.
Même après 1945, certaines de ces manifestations d'intolérance ne cessent pas.
Pendant les années de guerre froide, le pouvoir utilise abondamment le
dispositif permettant la déchéance de nationalité et les refus de
naturalisation, pour protéger l'« ordre public ». Il faut attendre 1973 pour
qu'une réelle évolution se produise reflétant les mutations d'ensemble de la
société française.
Je considère que ce rappel est nécessaire. Il s'agit de notre passé récent et
le discours du Front national nous indique que ce passé est loin d'être révolu.
N'y a-t-il pas urgence pour tout citoyen responsable à prendre conscience du
danger de spéculer sur de « mythiques » invasions, sur les fraudes qu'on
prétend massives en matière de mariages ou de certificats de résidence, sur les
craintes non fondées d'une intégration plus difficile pour les jeunes issus de
familles non européennes qui sont sur les mêmes bancs d'école que les enfants
du même âge ayant d'autres origines parmi leurs ascendants ? Cela ne peut que
conduire à des impasses.
Nous présenterons plusieurs amendements dans la discussion, madame la
ministre, tendant à faciliter, pour les citoyens résidant sur notre sol,
l'acquisition de la nationalité française. Notre approche vise l'avenir.
Au sein de la société française, autrefois assimilatrice et tournée vers le
monde, la peur de l'autre et de sa différence s'est répandue. L'idéologie
d'extrême droite a répandu son poison. Perçues comme extérieures à notre
société, de pseudo-menaces sont venues renforcer, presque maladivement, les
craintes de certains de nos concitoyens. L'intolérance sociale se transforme
parfois en nationalisme d'exclusion, en délire xénophobe, en injure raciale.
Gardons-nous de toute chute dans l'irrationnalisme.
Comment peut-on prétendre, comme M. Christian Bonnet, que « la deuxième
génération d'immigrés, loin de se fondre plus aisément que la première dans le
ciment français, se révèle être celle qui a deux fois plus de difficultés -
voire parfois de répulsion - à s'intégrer » !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
C'est pourtant la vérité !
M. Michel Duffour.
L'écrivain et sociologue Azouz Begag, dans une émission télévisée aux côtés de
Jean-Pierre Chevènement, exhortait tous les responsables à cesser de colporter
des images caricaturales et assassines pour notre cohésion nationale par les
divisions qu'elles créent irrémédiablement dans notre jeunesse.
M. Guy Allouche.
Il a fait un beau film !
M. Michel Duffour.
En un quart de siècle, le monde a beaucoup changé. Des poches de pauvreté ont
envahi nos villes. Des régressions frappent nos sociétés et des centaines de
millions d'être humains, hors de notre continent, n'imaginent même plus la fin
de leurs souffrances.
Des défis considérables sont posés à notre planète, mais en quoi
atténueraient-ils notre ambition d'intégrer à notre nation ceux qui vivent et
travaillent de manière durable sur notre sol ?
Certes, la déliquescence de l'Etat, l'accroissement des inégalités, le
développement des violences urbaines, la montée du « communautarisme », la
remise en cause progressive de notre système de protection sociale, le recul de
la notion de service public, sont autant de signes de la perte des valeurs
collectives.
Le chômage massif, l'allongement de sa durée, la précarisation de l'emploi,
suscitent légitimement des inquiétudes et des incertitudes chez nos
concitoyens. Il est de plus en plus difficile pour l'individu de construire un
véritable projet de vie quand le chômage peut tout réduire à néant, du jour au
lendemain, avec son cortège d'effets désastreux.
Il est plus dur qu'hier de s'intégrer dans une société dont on ne sait pas les
codes, dont on n'entend plus de signes positifs, dont on n'attend pas de
reconnaissance. Mais n'est-ce pas le problème de tous ceux qui souffrent ?
N'est-ce pas le lot de toute la partie de la jeunesse qui est aujourd'hui
privée d'avenir ?
Pourquoi accuser les fils d'immigrés d'éprouver des difficultés à intégrer les
normes et les codes de notre société alors que, nous le constatons tous les
jours à travers le comportement des jeunes Français de souche, l'exclusion
conduit à la multiplication des actes d'incivilité ?
Ne considérons pas les problèmes sociaux comme des problèmes ethniques.
N'inversons pas les causes et n'utilisons pas les carences de notre société
pour renforcer les ségrégations envers ceux qui sont les premières victimes.
Mme Hélène Luc et M. Robert Pagès.
Très bien !
M. Michel Duffour.
Si dérangeante que soit cette vérité, la citoyenneté est aussi affaire
d'aisance. Rousseau le notait déjà, voilà plus de deux siècles : la volonté de
vivre ensemble ne peut exister qu'à condition que « nul ne soit assez opulent
pour en acheter un autre, nul assez pauvre pour être forcé de se vendre ».
Aujourd'hui, le moteur civique a d'autant plus de ratés que le carburant est
rare. On ne se sent pas citoyen quand on n'a ni toit ni argent. Qui oserait
adresser un reproche sur ce point au million de Rmistes, aux deux millions de
foyers qui vivent en dessous du seuil de pauvreté dans la quatrième économie de
la planète, aux trois millions et demi de chômeurs, aux jeunes qui, quelles que
soient leur religion, leur origine, la couleur de leur peau et la consonnance
de leur patronyme, galèrent dans les cités ?
La République française n'a pas à faire de ces jeunes des citoyens français à
l'essai et en attente, à qui on demanderait plus qu'à d'autres...
M. Robert Pagès.
Très bien !
M. Michel Duffour.
... alors que la vie qu'ils n'ont pas choisie les condamne souvent, au-delà de
leur bonne ou mauvaise volonté, à donner moins.
M. Ivan Renar.
Très bien !
M. Michel Duffour.
La droite de cette assemblée nous propose un maintien pur et simple de la loi
de 1993. Le décalage avec l'opinion publique est patent.
(Protestations sur
les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Voyez les sondages !
Cette loi en effet a été un facteur aggravant de division par son contenu et
par le contexte dans lequel elle fut votée. Elle a accentué chez les jeunes le
sentiment d'être mis à l'index.
J'ai entendu certains d'entre vous déplorer que cette loi ait été sabotée et
que la fameuse manifestation de volonté se soit transformée en une tracasserie
paperassière parmi d'autres.
Il ne pouvait qu'en être ainsi ! Cette loi bafouait les principes d'égalité.
Elle était ségrégative et à sens unique puisque aucun consentement ou
manifestation de volonté n'était exigé pour l'acquisition de la nationalité
française pour d'autres jeunes, y compris pour ceux qui étaient nés à
l'étranger d'un parent français.
Cette loi a généré - en petit nombre certes - des jeunes qui sont restés
étrangers sans le savoir par défaut d'information.
M. Michel Caldaguès.
N'importe quoi !
M. Michel Duffour.
A l'époque, les sénateurs communistes avaient dénoncé la remise en cause de
l'automaticité de l'acquisition de la nationalité.
Dans son intervention de 1993, M. Robert Pagès disait à propos des jeunes
issus de l'immigration : « Comme si leur situation était déjà si enviable,
comme s'ils ne connaissaient pas assez de raisons de se sentir exclus, vous en
ajoutez une supplémentaire : la discrimination entre enfants d'une même classe,
d'une cité, et ce, du jour au lendemain. »
Les questions soulevées par le code de la nationalité ne se réduisent pas à la
seule jeunesse. Celle-ci y tient néanmoins une place majeure.
La jeunesse de notre pays est certes diverse, les revenus, le niveau des
études, l'insertion sociale, les milieux d'origine sont certes divers, mais des
espérances communes transcendent souvent ces différences.
Les grands rendez-vous musicaux et religieux sont imprégnés de tolérance et de
solidarité. Une homogénéité culturelle émerge dans ces moments forts. les
jeunes font bloc. On ne partage pas le bon grain de l'ivraie sur des bases
ethniques ou sociales !
L'intégration ne passe pas par la multiplication des embûches et par
l'accumulation des suspicions. L'acquisition de la nationalité ne peut pas être
une course injuste pour les plus faibles, car il reste, le parcours franchi, le
sentiment amer d'en avoir fait plus que les autres.
C'est donc au regard des conséquences néfastes de la loi de 1993 que nous
jugeons maints aspects de ce projet de loi, madame la ministre, comme très
positifs.
L'actuel projet de loi simplifie un parcours. Il ouvre au jeune la certitude
qu'il ne pourra plus être privé de nationalité par oubli. Il atténue les
angoisses.
Nous trouvons par ailleurs dans le projet de loi des améliorations sensibles
dont nous nous félicitons : le raccourcissement du délai d'acquisition de la
nationalité pour qui contracte mariage avec un Français, l'avancement à treize
ans du seuil permettant la réclamation de la nationalité par l'enfant mineur né
en France de parents étrangers, la naturalisation sans condition de stage de
l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié, l'obligation de réponse de
l'autorité publique à une demande d'acquisition de la nationalité française par
naturalisation, l'inscription en marge de l'acte de naissance de la toute
première délivrance du certificat de nationalité française. Ces mesures sont
perfectibles, mais elles représentent d'indéniables progrès.
Il reste toutefois une réserve de taille, madame la ministre. L'article 1er de
votre projet de loi, qui en est la pièce fondamentale, est très en deçà de nos
attentes et de celles de nombreuses associations, d'éducateurs, de parents
immigrés soucieux de l'avenir de leurs enfants.
L'acquisition de la nationalité française par l'enfant mineur, né en France de
parents étrangers, par déclaration faite en son nom par son représentant légal
s'il a sa résidence en France et s'il a eu en France une résidence continue ou
discontinue d'au moins cinq années reste, à nos yeux, la meilleure des
solutions. C'est même, à notre sens, un élément essentiel pour favoriser
l'intégration dans le creuset national. Car il ne s'agit pas d'instituer une
attribution automatique de la nationalité française à la naissance, il s'agit
d'offrir la faculté aux parents de mettre en oeuvre le droit du sol.
Pourquoi ce qui était possible en 1973 lorsque le Parlement votait à
l'unanimité une réforme instituant le droit du sol ne le serait-il plus
aujourd'hui ? Le gouvernement de Lionel Jospin, et nous nous en félicitons,
affiche sa détermination à arracher une meilleure intégration scolaire, appelle
à développer l'esprit civique, tente de créer une dynamique pour souder en
amont la nation et faire reculer les inégalités.
C'est pourquoi, nous, parlementaires communistes, membres de la majorité
plurielle, nous pensons qu'il est nécessaire, madame la ministre, pour redonner
confiance aux jeunes d'ascendance étrangère, d'aller jusqu'au bout de la
logique de votre réforme en instituant la possibilité d'acquérir la nationalité
française dès la naissance. Ce serait l'occasion de réaffirmer notre volonté de
favoriser l'intégration citoyenne. De surcroît, cette ambitieuse réforme
s'inscrirait parfaitement dans les objectifs de la convention de l'ONU du 20
novembre 1989 sur les droits de l'enfant, convention ratifiée par la France,
qui dispose que la nationalité est un attribut essentiel de l'identité de
chacun.
Nous ne pensons pas qu'il soit bon et juste de maintenir dans un état de doute
identitaire une partie de la jeunesse française et d'établir ainsi une
différence entre les enfants nés en France, selon que leurs parents y sont
eux-mêmes nés ou pas.
Pendant ces années, très importantes, où la personnalité du jeune est en
pleine construction et alors qu'il parle français et qu'il va à l'école de la
République, il resterait un étranger et serait considéré comme tel par autrui
?
Quels arguments invoque-t-on à l'appui de cette thèse ? Laissons le jeune
lui-même choisir, dit-on !
La déclaration du père, de la mère, leur choix de faire de leur enfant un
jeune Français n'a rien de banal. L'intégration est un processus, c'est une
marque de confiance envers le pays où ils vivent. Nous devrions nous en
louer.
Madame la ministre, cette réforme offre la possibilité de réinscrire le droit
de la nationalité française dans la tradition républicaine et laïque issue de
la Révolution française. Elle peut permettre de la ressourcer en réaffirmant
l'intégration de tous les citoyens nés sur son sol. Nous espérons que ce
message sera entendu.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, madame, le garde des sceaux, mes chers collègues, nous
en revenons donc au projet de loi relatif à la nationalité. Ce texte porte sur
un sujet essentiel, comme Mme le garde des sceaux l'avait souligné lors de sa
présentation au mois de décembre.
Les notions de nationalité et de citoyenneté sont au coeur même de la
définition de l'Etat et de la nation. C'est la raison pour laquelle de nombreux
pays ont intégré les conditions d'acquisition et de perte de la nationalité
dans leurs Constitutions ou dans des lois spécifiques.
Selon moi, il est aberrant d'avoir fait figurer les dispositions relatives à
la nationalité dans le code civil, qui traite de tout autre chose. Elles
auraient dû être à part, et faire l'objet d'une loi organique.
La nationalité est étroitement liée aux notions d'Etat et de nation,
disais-je. Comme chacun le sait, l'Etat est la représentation juridique de la
nation, laquelle se constitue de nationaux, de personnes qui ont la nationalité
française.
Dans les textes issus de la Révolution française que M. Duffour a rappelés
tout à l'heure on retrouve d'ailleurs cette notion d'adhésion au contrat social
sur lequel est fondée la nation.
Les orateurs qui m'ont précédé ont naturellement relaté l'évolution de
l'ensemble de notre législation depuis l'Ancien Régime jusqu'à nos jours. Je me
contenterai de rappeller qu'effectivement, sous l'Ancien Régime, c'était le
jus soli
qui l'emportait parce qu'un homme était non pas un citoyen,
mais une possession du souverain au même titre que les arbres, les animaux, les
châteaux ! A l'époque, chaque fois qu'un seigneur perdait une guerre, il
perdait des sujets, qui devenaient ceux d'un autre seigneur.
Il est vrai que, à la Révolution française, on a préféré le
jus sanguinis
au
jus soli,
du moins en partie. Et je me plais à rappeler ce qu'a
dit M. Duffour : ceux qui combattaient pour la liberté devenaient des citoyens
français si le Corps législatif en décidait ainsi. C'était une belle chose !
Ce projet de loi est beaucoup plus anodin qu'on veut bien le dire. Quelle est
la grande transformation, quel est le grand changement par rapport à la loi de
1993 ? L'automaticité remplace la déclaration ! Rien ou pratiquement rien
d'autre n'est changé.
On nous a fait à nous, opposition nationale et majorité sénatoriale, des
procès d'intention. Nous n'avons pas parlé de racisme, d'exclusion,
d'ethnies..., et ce ne sera pas du tout mon propos aujourd'hui.
Nous nous sommes heurtés à des difficultés d'application de la loi de 1993 du
fait d'un dysfonctionnement de l'administration et de l'école, qui n'a pas fait
son travail d'information, et que nous aurions pu aisément corriger.
J'ajoute que ces dysfonctionnements touchent aussi des Français. J'assistais
récemment à une réunion au cours de laquelle les personnes qui s'y trouvaient,
toutes d'origine étrangère, mais françaises, racontaient les extrêmes
difficultés qu'elles avaient rencontrées pour attester de leur nationalité
française.
N'oublions pas non plus le cas des Alsaciens qui ont eu la malchance d'avoir
des grands-parents nés à l'époque de l'empire prussien et qui sont souvent
confrontés à des difficultés extrêmes pour prouver leur appartenance à la
nationalité française !
Les seuls qui peuvent prouver facilement leur appartenance à la nationalité
française sont ceux qui ont été naturalisés : il leur suffit de présenter le
Journal officiel
pour que le problème soit réglé. Mais les autres, pour
peu qu'ils aient des parents étrangers ou qu'ils soient nés à l'étranger,
bonjour les dégâts et les difficultés administratives !
Il fallait régler au préalable le problème des vrais Français qui ne posent
aucune difficulté au niveau administratif. On n'a jamais su le faire ! Il
serait peut-être temps de se réveiller et de régler cette question.
Par ailleurs, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui me paraît mal
placé dans le calendrier du travail parlementaire. Nous aurions d'abord dû
traiter du projet de loi sur l'exclusion. En effet, si nous rencontrons des
difficultés avec les problèmes de nationalité, c'est en raison des problèmes
d'exclusion qui existent dans la société française. Or, pour des raisons qui ne
sont pas les miennes, bien évidemment, l'examen du texte sur l'exclusion a été
reporté à plus tard.
De même, nous aurions dû traiter auparavant du projet de loi relatif à
l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, afin de
déterminer les conditions dans lesquelles les immigrés peuvent venir en France,
avoir des enfants dans notre pays, et d'examiner les conséquences que cela
entraînerait.
Au lieu de cela, on examine en premier lieu le projet de loi relatif à la
nationalité, que l'on aurait dû examiner en dernier lieu !
En outre, on ne s'est pas posé la question de savoir si cette loi était
opportune. Bien sûr, tout à l'heure, dans leurs discours, MM. Duffour, Badinter
et Mme Dusseau nous ont donné des arguments tout à fait légitimes. Mais
interrogeons-nous : à quel moment a-t-on véritablement examiné l'application de
la loi de 1993 ? Où se trouvent les résultats de l'application de cette loi ?
Quand a-t-on interrogé les jeunes qui sont devenus Français par déclaration,
afin de savoir si cela les avait choqués, vexés, s'ils s'étaient sentis des
Français de seconde zone ? Non seulement on n'a pas étudié l'application de la
loi de 1993, mais, sans même avoir étudié les conséquences, la portée de cette
loi, on dit qu'elle est mauvaise et qu'il faut donc la refaire !
De plus, et je m'interroge sur ce point, on dit que certaines personnes sont
exclues, mais on oublie de dire que la loi de 1993 n'a pas encore fini de
porter ses effets, puisque les jeunes ont cinq ans pour demander la nationalité
française à l'âge de seize ans, et que cette période de cinq ans à partir de la
première année d'application n'est pas encore terminée. Comment peut-on alors
dire que la loi engendre des exlus ? Pour moi, il n'y avait donc pas
urgence.
Mme Dusseau nous a dit que la volonté populaire ne comptait pas en l'espèce,
que le peuple n'était pas capable de trancher sur cette question et qu'il
fallait donc trancher pour lui. Chacun sait que, dans ce domaine, le peuple
français est un peu frileux à l'égard des réformes excessives relatives à la
nationalité. Je pense que nous devons tout de même tenir compte de l'opinion
publique, d'autant que, on le sait, 75 % des Français sont favorables au
maintien du système actuel.
L'argument fondamental a été défendu par M. Badinter et repris par les autres
orateurs : il faut favoriser l'intégration à la nation française.
M. Robert Pagès.
Absolument !
M. Patrice Gélard.
Je suis convaincu que la déclaration est le meilleur moyen de favoriser
l'intégration à la nation française et que le système d'automaticité proposé
dans ce projet de loi aboutit, au contraire, au résultat inverse.
Nous ne sommes plus en 1889 ni en 1928 ni en 1973. Nous sommes à l'époque de
la mondialisation, à l'époque des déplacements de toutes sortes et de toutes
natures. Des parents étrangers peuvent se retrouver un jour en France, le
lendemain aux Etats-Unis, le surlendemain au Japon, et avoir un enfant né dans
chacun de ces pays, ces frères et soeurs étant alors de nationalité différente.
De plus, ces jeunes auront résidé dans des ports et des villes différents.
M. Robert Pagès.
C'est un cas marginal !
M. Guy Allouche.
C'est rarissime !
Mme Paulette Brisepierre.
Pas du tout !
M. Patrice Gélard.
Ce n'est pas rarissime. Déjà, au sein de l'Union européenne, mon cher
collègue, on peut très bien travailler aujourd'hui en Allemagne, demain en
France et après-demain au Benelux !
L'intégration est l'une des valeurs françaises essentielles. C'est ce qui nous
distingue des pays anglo-saxons. Lorsque l'on devient français, on laisse au
vestiaire les vêtements que l'on portait auparavant. On ne les oublie pas pour
autant et on n'abandonne pas ses origines, mais on devient français et on
s'asseoit à la même table que les autres.
Je crains que nous ne poursuivions plus dans cette voie. On assiste en France,
bien que vous ne le vouliez pas, à la mise en place d'un melting-pot à
l'américaine.
(M. Robert Badinter proteste.)
Aux Etats-Unis, en effet, les populations ont vaguement en commun la
langue, et encore cette unité est-elle remise en cause par la montée en
puissance de l'espagnol. Chacun garde ses vêtements et, loin de les déposer au
vestiaire, reste coréen, japonais, irlandais, allemand ou italien, et n'est
qu'accessoirement américain. Bien que cela ne soit pas la philosophie
française, c'est pourtant ce qui est en train de se faire.
On nous a beaucoup parlé de la démarche humiliante que les jeunes devaient
faire pour devenir français. Mais n'oublions pas qu'à l'heure actuelle, et avec
le projet de loi que l'on nous propose, le jeune restera étranger jusqu'à
dix-huit ans. A l'école, il sera considéré comme étranger parce que ses parents
sont étrangers. Or, justement, quoi de plus beau que de déclarer devant les
autres que l'on est Français ?
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement dans ce sens,
afin qu'il y ait un acte solennel signifiant : jusqu'à dix-huit ans, vous
m'avez traité d'étranger à l'école parce que mon père était malien, parce que
ma mère était camerounaise, ou autre, mais maintenant, comme vous, je suis
français. C'est à ce moment qu'aura lieu la véritable intégration, parce qu'on
ne pourra plus revenir en arrière, il n'y aura plus de doute, il n'y aura plus
ce ghetto suspecté dans le système que l'on met en place.
En réalité, j'ai l'impression que le projet de loi que l'on nous propose
aurait pu être déposé en 1793, car les auteurs du projet de loi semblent avoir
oublié tout ce qui s'est passé depuis cette date !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Voilà !
M. Patrice Gélard.
Ils ont oublié que la France n'est plus celle de 1973 : une France du plein
emploi, une France sans chômage, une France où les quartiers difficiles ne
posaient pas de problème, où l'école et l'armée réalisaient l'intégration.
Alors que cette France-là n'est plus, on nous propose un système permettant
d'être automatiquement français, comme on est turc, allemand, espagnol ou
américain. Ce n'est pas ce que les Français veulent !
Enfin, pour terminer, madame le ministre, je voudrais souligner qu'il serait
dommage d'adopter ce projet de loi alors que, à l'échelon européen, nous
n'avons pas encore harmonisé nos positions sur cette question. Il est anormal,
alors que nous construisons l'Europe, qu'il y ait encore, sur ce problème de la
nationalité, des attitudes totalement différentes, certains Etats étant des
Etats refuges, d'autres étant des Etats d'exclusion !
Personnellement, je me rallie tout à fait aux conclusions de notre rapporteur,
et j'estime que ce projet de loi est, en l'état actuel des choses, prématuré,
ou plus exactement inopportun.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, sans
négliger les aspects juridiques du projet de loi qui nous est soumis
aujourd'hui par le Gouvernement, il est évident que ce ne sont pas les
problèmes réels ou supposés d'application de la loi de 1993 sur la nationalité
qui sont à l'origine de notre débat.
On nous dit en effet - et cela a été répété à toutes les tribunes - qu'il
s'agit d'appliquer le programme de la « majorité plurielle » qui, en l'espèce -
et je vais essayer de le démontrer - consiste plus en affirmations péremptoires
et en slogans qu'en une analyse véritable de la législation en vigueur,
pourtant mûrement réfléchie.
Combien de propos n'a-t-on pas entendus confondant immigration et nationalité
- j'y reviendrai -, confusion des genres qui me désole toujours et contre
laquelle j'ai toujours protesté. J'ai même lu et entendu d'éminents
représentants de la majorité attribuer la réforme du droit de la nationalité à
MM. Pasqua et Debré, ce qui démontre bien la confusion des esprits ! On oublie
que c'était le garde des sceaux de l'époque qui avait quand même présenté ce
projet de loi.
Il y a un seul point sur lequel, effectivement, le problème de l'immigration
clandestine peut se poser - il s'est d'ailleurs posé en 1984 - c'est celui des
mariages de complaisance. C'est uniquement sur ce point-là que l'on peut dire
qu'il existe un lien entre immigration et nationalité, et c'est d'ailleurs
cette même année que l'on a instauré un délai de six mois en raison des
problèmes qui commençaient à se poser.
Bien entendu, les formules sont toujours excellentes ! On a d'ailleurs trouvé
une formule magique qui a été prononcée sur toutes les travées, vertes, rouges
ou roses : « le retour au droit du sol », comme si on l'avait supprimé ! M.
Badinter a pourtant bien démontré que ce droit n'avait jamais été remis en
cause, droit qui, de surcroît, n'a jamais été un droit absolu !
Enfin, dernière étape de la stratégie - et c'est ce qui me trouble toujours et
me chagrine le plus - une accusation en sorcellerie - ou un procès stalinien,
si l'on préfère - a été mise au point avec de fortes allusions à la collusion
de la majorité d'hier avec les fantasmes de l'extrême-droite raciste et
xénophobe. Je ne peux que dénoncer un tel procès.
Que nous propose-t-on, en réalité ? On entend annuler une réforme, dont je
persiste à penser qu'elle a eu des aspects très positifs, à un moment de notre
histoire où il est particulièrement nécessaire à la fois de renforcer
l'affirmation d'une identité nationale plus forte et de rechercher une
meilleure intégration de ces jeunes qui, « étrangers à la France par leur
naissance, cesseraient de l'être par leur choix » ; je vous renvoie ici à
Portalis.
Heureusement, il est vite apparu qu'il était impossible d'abroger complètement
la loi de juillet 1993. Ce serait revenir à la loi de 1973. M. Duffour voulait
aller encore plus loin en abrogeant la loi de 1973, celle-ci ne prévoyant pas
le droit du sol automatique.
Je rappelle quand même à ce sujet qu'il reste, si des parents veulent que
leurs enfants soient français, quand ils résident en France - on oublie
toujours qu'il y en a de nombreux, heureusement - l'acquisition de la
nationalité par naturalisation, avec l'effet collectif attaché à une telle
naturalisation.
De nombreux jeunes sont devenus français avant leur majorité ou avant l'âge de
seize ans parce que leurs parents avaient choisi de devenir français. On oublie
un peu cette possibilité. Je regrette aussi que les ministères chargés de la
naturalisation n'aient pas toujours la diligence nécessaire pour faire en sorte
que ces naturalisations soient possibles.
Certains veulent-ils revenir aux lois de 1927 et de 1889 ? J'en reparlerai
tout à l'heure, mais je n'aurai pas à faire de longs développements, M.
Badinter ayant bien expliqué l'origine et les causes de ces législations
excessives.
Mme le garde des sceaux a demandé « en toute urgence » un rapport à M. Patrick
Weil, apparemment l'unique expert acceptable, dont il faut saluer l'honnêteté
intellectuelle. Il est dommage que le court laps de temps qui a été imparti
pour remettre son rapport ne lui ait pas permis d'approfondir véritablement le
bilan de l'application de la loi de 1993, d'ailleurs il le dit. Mais
l'aurait-il pu ? Il reconnaît en effet lui-même que cela ne sera véritablement
possible qu'à partir de 1999, pour des raisons qu'ont déjà expliquées nos
collègues.
Permettez-moi de préférer la méthode suivie pour préparer la précédente
réforme du droit de la nationalité. La commission, formée à l'époque et
présidée par M. Marceau Long a certainement, de par sa composition et la
qualité de ses intervenants, plus contribué à un débat digne et serein que le
projet de loi dont nous discutons.
Par ailleurs, la procédure d'aujourd'hui me paraît inappropriée. Ce texte fait
l'objet d'un vote en urgence et d'un débat tronqué, alors qu'il concerne
pourtant tous les Français et ceux qui sont appelés à le devenir.
Auriez-vous oublié de surcroît que le travail de véritable pédagogie «
citoyenne » de la commission Marceau Long a abouti à des conclusions quasi
unanimes sur la question de la nationalité qui nous est soumise aujourd'hui ?
Et l'on revenait de loin, puisqu'un premier projet, après avoir suscité
beaucoup d'émotion, avait été retiré, ce qui avait conduit justement à la
désignation d'une commission pluraliste. Je pense que tous nos collègues auront
relu les travaux de la commission Marceau Long, qui sont très éclairants sur un
certain nombre de points.
Vous rouvrez donc un débat largement clos dans l'opinion publique, et qui plus
est sur la base d'approximations en ce qui concerne l'histoire du droit de la
nationalité.
Pensez-vous que la loi de 1889 soit vraiment un modèle alors que son objectif
premier consistait à obliger les jeunes issus de l'immigration à effectuer leur
service national ? Quant à la loi de 1927, ses visées purement natalistes sont
maintenant, vous en conviendrez, du passé.
Comme l'a très bien montré la commission Marceau Long, l'acquisition
automatique de la nationalité française ne répond pas à une conception élective
qui n'a jamais été vraiment mise en oeuvre. Même si elle a toujours été
présente dans les esprits, elle ne s'est jamais manifestée dans toute sa
logique, et il est curieux que l'on se rattache à l'acquisition automatique
issue de l'ancien droit.
Tout à l'heure, notre collègue M. Gélard a bien dit que, lorqu'on était sujet
du roi, l'acquisition de la nationalité était automatique : on était Français
un jour, on ne l'était plus le lendemain, comme on était catholique un jour et
luthérien le lendemain ; on sait bien comment s'effectuaient les changements de
religion dans les Etats...
Mme Joëlle Dusseau.
Vous devriez dire calviniste plutôt que luthérien.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ma chère collègue, veuillez m'excuser, dans les Etats qui constituent
l'Allemagne aujourd'hui, on était plutôt luthérien. Certes, on pouvait être
calviniste dans d'autres régions.
On assiste aujourd'hui à un conflit à fronts renversés, comme le remarquait
très justement Alain Finkielkraut, puisqu'un certain nombre des membres de
votre majorité, madame le garde des sceaux, préconisent l'application totale du
droit du sol dès la naissance alors que cela n'a jamais correspondu à la
conception française : tout de même c'est curieux !
La plus belle contradiction se trouve, je crois, dans le texte même du
Gouvernement, contradiction d'ailleurs renforcée par un amendement adopté, avec
son soutien, à l'Assemblée nationale.
En effet, si vous souhaitez, madame le garde des sceaux, une acquisition
automatique à la majorité de dix-huit ans, vous acceptez, cependant, une
déclaration de volonté à seize, voire treize ans. Cela démontre assez la
pertinence de la réforme de juillet 1993, qui ouvrait un champ large, entre
seize ans et vingt et un ans, pour l'acquisition - je dirais même la «
réclamation » - de la nationalité française conforme au droit du sol avec
condition de résidence, ce qui demeure une constante de notre législation.
J'ajouterai que la loi de 1993, loin d'être une loi d'exclusion, visait, par
tous les moyens, à faciliter la démarche d'expression de cette volonté.
Une simple demande de certificat de nationalité - de toute façon, les jeunes
auront besoin d'en demander un -, indispensable pour être reconnu comme
Français pour ces jeunes qui résident dans notre pays depuis un certain temps
dont les parents ne sont pas eux-mêmes nés en France, la participation au
recensement, une déclaration à la mairie ou à la préfecture : telles sont les
exigences de la loi actuelle. Il faut le rappeler pour mettre un terme à tous
les fantasmes qui entourent cette loi.
Pour ce qui est de la condition de résidence, ne mélangeons pas, comme
certains l'ont fait, les problèmes liés à la preuve de la résidence, auxquels
il peut être remédié par des instructions claires, de nature réglementaire,
avec le fait que certains peuvent être rejetés sans le savoir de la communauté
nationale.
Il est certain que la passivité de certaines administrations pour faire
appliquer la loi, dans sa lettre et dans son esprit libéral, est regrettable.
Cependant, cela ne remet pas en cause, à mes yeux, la réforme de 1993, et rien
ne vous empêche de lui donner toute son efficacité, qui est d'ailleurs peu
contestée si l'on en croit certaines études récentes et sérieuses, notamment
celles qui ont été menées par un professeur de l'université de Lyon.
En outre, votre réforme ne tient pas compte des mesures qui ont été votées
récemment, sur l'initiative de votre majorité, relativement au service national
et à l'inscription automatique des jeunes de dix-huit ans sur les listes
électorales. On nous a bien expliqué que les jeunes n'étaient pas informés de
la procédure d'acquisition de la nationalité et risquaient donc de ne pas se
manifester. Il me semble qu'il y a une solution toute simple : pourquoi ne pas
lier ces démarches citoyennes à la réclamation de la citoyenneté française ?
Il ne faut pas imposer de démarche pour l'acquisition de la nationalité
française dit-on ; celle-ci est automatique depuis toujours. Mais il fallait
bien naguère se rendre à la mairie pour se faire recenser, pour remplir ses
obligations du service national ! Il s'agissait d'une obligation, certes noble
pour un citoyen, mais qui n'en impliquait pas moins des contraintes.
Ainsi, selon vous, l'acquisition de la nationalité française devrait être
rendue automatique alors que l'accomplissement des obligations du service
national devrait résulter d'une démarche obligatoire...
M. Guy Allouche.
Et que faites-vous des jeunes filles ?
M. Jean-Jacques Hyest.
Justement, mon cher collègue, puisque, selon la loi, garçons et filles seront
recensés, il suffisait d'attendre 1999 et de lier les deux démarches. Nous
l'avons proposé, je vous le rappelle, pour l'inscription sur les listes
électorales. Cela aurait été préférable parce que toutes les difficultés que
nous avons redoutées, notamment au regard des fichiers de sécurité sociale, se
sont réalisées : dans les communes, l'inscription des jeunes de dix-huit ans
sur les listes électorales entraîne une belle pagaille !
En conclusion, je dirai que l'efficacité du dispositif actuel est réelle, et
je suis sûr que nous pouvons corriger les lacunes de son application sans
remettre en cause la législation, qui, je le répète, constitue un progrès
indéniable.
Par ailleurs, gardons-nous bien de conférer au droit de la nationalité une
importance excessive et surtout de lui faire jouer un rôle qu'il n'a pas !
Tout comme l'acquisition de la nationalité ne saurait être une garantie
d'intégration pour l'étranger, l'intégration ne saurait se résumer dans
l'acquisition de la nationalité. Or c'est l'amalgame que vous commettez.
Les temps ont changé et les structures sociales fortement intégratives se
sont, hélas, affaissées.
Mme Joëlle Dusseau.
Il faut les renforcer, c'est tout !
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est à l'école, dans les quartiers, dans les associations, que se forme le
creuset de l'intégration. Encore faut-il que nous-mêmes ayons conscience d'une
identité de la nation française et que les personnes souhaitant devenir
françaises adhèrent aux valeurs communes de la société et aux règles de droit
qui s'y appliquent. La réforme de juillet 1993 allait dans ce sens, ce qui
n'est pas le cas de l'automatisme que vous proposez, selon lequel le seul droit
pour le jeune issu de l'immigration est d'exprimer son refus de devenir
français.
Nous attendons des réponses à nos questions précises sur l'évaluation de la
loi de juillet 1993. Mais nous n'en aurons sans doute pas tant ce débat prend
un tour idéologique.
Voilà quelques semaines, dans un article, Alain Finkielkraut reprenait
l'expression d'Orwell sur « le monde de la haine et des slogans ». Il y aurait
d'un côté les bons, ceux qui accueillent et défendent les étrangers et d'un
autre côté les méchants, ceux qui les excluent parce qu'ils les détestent.
Nous n'acceptons pas ce débat faussé, surtout que - vous ne vous en rendez
peut-être pas compte - ce manichéisme entraîne une dérive et une confusion très
dangereuse sur un sujet si délicat.
Nous avons le devoir, dans une France forte et généreuse, de demander aux
jeunes issus de l'immigration, qui ont effectivement vocation à s'agréger à la
société française, ce qu'ils veulent et ce qu'ils ont choisi. Cela me paraît
bien plus important que de dissoudre les problèmes de l'intégration dans de
vagues présupposés idéologiques.
Mais le principal reproche que je ferai au Gouvernement porte sur l'erreur
commise en matière de calendrier. Faire délibérer le Parlement en même temps
sur deux problèmes distincts, celui de l'immigration et celui de la
nationalité, ne peut qu'ajouter à la confusion des esprits et à l'amalgame ; ce
n'est rendre service ni aux jeunes Français issus de l'immigration ni à la
nécessaire maîtrise des flux migratoires. J'espère seulement que cette erreur
n'est pas volontaire, car elle serait alors inexcusable.
Telles sont les observations que je souhaitais présenter au nom du groupe de
l'Union centriste sur ce projet de loi. Vous aurez compris que, soucieux avant
tout de l'intégration, nous ne saurions accepter que l'on revienne sur le
principe d'une réforme qui, loin d'exclure, a eu pour effet de faciliter
l'accueil comme Français adultes de ceux qui ont vocation à le demeurer.
Mais a-ton encore le droit aujourd'hui de parler de nation, d'intégration et
d'identité nationale sans être taxé de je ne sais quelle dérive extrémiste ? Ce
sont pourtant ces valeurs qui participent à la citoyenneté, elle-même fondée
sur les droits et les devoirs de chacun. Si c'est cela que vous voulez remettre
en question, alors n'attendez pas notre soutien !
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, par
définition, le droit de la nationalité doit correspondre à l'intérêt de la
nation. Cet impératif explique l'évolution constante que ce droit régalien a
connu en France au gré de son histoire, de ses régimes successifs - royauté,
empire et république - et de l'émergence du concept de l'Etat-nation.
Il convient de souligner que la nationalité française s'acquiert par la
filiation, ce principe étant corrigé par le lien du sol et d'autres formes
d'intégration volontaire à la communauté nationale.
Alors que les évolutions de notre droit de la nationalité étaient autrefois
justifiées, nous en sommes aujourd'hui à modifier les règles à chaque
changement de majorité, ravivant les passions et aiguisant les clivages
idéologiques, aboutissant finalement à un brouillage complet du concept
français de la nationalité. Notre édifice juridique est devenu très complexe,
s'appuyant sur des notions parfois contradictoires entre « droit du sang » et «
droit du sol », toutes deux pouvant correspondre d'ailleurs, à des moments
différents et à des degrés divers, à l'intérêt de la nation.
Il est plus que temps de fixer durablement les bases de notre droit de la
nationalité dans une loi organique, à partir de principes clairs et stables
admis par la société française pour les aspects les plus passionnels qui
touchent à l'identité même de la nation et du peuple français. Cela est
d'autant plus important que la France fait partie de l'Union européenne, qui
comprend quinze pays possédant tous leur propre législation, et que se met
laborieusement en place le concept de citoyenneté européenne.
Quels doivent être ces principes clairs et stables ?
Ernest Renan, dans
Qu'est-ce qu'une nation
?, en 1882, distinguait deux
sortes de principes : ceux de la race, de la langue et de la religion, mais
aussi ce qu'il appelait le « principe spirituel » constitué par « la possession
en commun d'un riche legs de souvenirs » et par « le consentement actuel ».
Quelles que soient les définitions auxquelles on se réfère en matière
d'appartenance nationale, le mot « consentement » est toujours mentionné.
A cet égard, la loi du 22 juillet 1993, en instaurant la manifestation de
volonté pour l'acquisition de la nationalité française des étrangers nés en
France de parents étrangers, a établi un principe sain, que nous approuvons
pleinement, à savoir qu'on ne peut être Français sans le vouloir et sans le
savoir ; la manifestation positive de volonté, plus significative et plus
motivante, est infiniment préférable à l'acceptation par défaut.
Cette disposition est d'ailleurs le pendant logique de l'obligation qui est
faite aux Français nés et résidant à l'étranger de manifester régulièrement
leur appartenance nationale, faute de quoi ils perdent leur nationalité
française en vertu de l'article 23-6 du code civil. Il y avait, avant 1993, un
déséquilibre choquant entre les Français nés à l'étranger et les étrangers nés
en France. Pourquoi demander aux uns - les Français par filiation - de
manifester leur état de Français et ne pas exiger des autres - les étrangers
nés en France qui aspirent à devenir Français - une manifestation de volonté
?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mais on ne leur demande pas une manifestation !
M. Hubert Durand-Chastel.
En conséquence, nous n'approuvons pas la suppression de la manifestation de
volonté que vous proposez, madame la ministre, fût-ce au prétexte que les
intéressés n'ont pas été suffisamment informés pour bénéficier pleinement de
leur droit.
Pourquoi ne pas avoir plutôt choisi de profiter, à la faveur de la réforme du
service national, de l'occasion inespérée que constitue le recensement
obligatoire des garçons et des filles pour sensibiliser les intéressés à cette
démarche et organiser un acte solennel de nationalité pendant la rencontre
armée-jeunesse ? Cette formule aurait permis à la fois de régler le problème de
l'information et d'officialiser l'acceptation de la nationalité française à un
moment symbolique de l'appartenance à la communauté nationale.
Certaines dispositions de ce texte auront, en revanche, un effet bénéfique
pour nos compatriotes de l'étranger, et nous les approuvons.
Ainsi, l'article 5
bis,
introduit par l'Assemblée nationale, permet à
un mineur ayant fait l'objet d'une adoption simple par un Français établi hors
de France d'acquérir la nationalité française par simple déclaration, sans être
soumis à l'obligation de résidence en France au moment de cette déclaration.
Nous demandons au Sénat de retenir cette disposition, car elle favorise
l'intégration des enfants adoptés à l'étranger qui ont vocation à être éduqués
dans la culture française.
Il en est de même des modifications apportées par les articles 12 et 14 du
projet aux articles 28 et 28-1 du code civil : elles visent à faciliter la
preuve de la nationalité, soit par mention de la première délivrance d'un
certificat de nationalité française en marge de l'acte de naissance, soit par
inscription des mentions relatives à la nationalité sur les extraits des actes
de naissance ainsi que sur le livret de famille, à la demande des
intéressés.
Ces mesures sont susceptibles de diminuer le nombre de demandes de certificats
de nationalité, ce qui permettra de désengorger d'autant les tribunaux
d'instance. Pour leur bonne application, il conviendra, madame le ministre, de
renforcer les services chargés de ces procédures d'inscription ; je pense
notamment au service de l'état civil installé à Nantes.
J'en viens au reproche fondamental que nous adressons à votre projet de loi,
madame le ministre. A notre sens, il ne prend pas assez en compte le défi
majeur de la mondialisation auquel est confronté notre pays.
Alors que l'époque des conquêtes impérialistes exigeait des Français qu'ils
servent la patrie et ne s'en éloignent pas, de nos jours, l'intérêt de la
nation ne trouve non plus dans la conquête de territoires mais dans notre
présence à l'extérieur pour la conquête de marchés à l'étranger. A cet égard,
l'expatriation constitue, contrairement au principe napoléonien, non pas une
désertion mais une donnée stratégique de la puissance et du rayonnement
français dans le monde.
Si au
jus soli
correspond l'intégration, au
jus sanguinis
correspond l'expatriation ; il est de l'intérêt de la France de conserver
dans le giron national ses « troupes » à l'extérieur.
Pour cette raison, nous réclamons une limitation de l'effet de la perte de la
nationalité française par désuétude, définie à l'article 23-6 déjà mentionné,
et proposerons de modifier l'article 21-14 du code civil, qui prévoit, sous
certaines conditions, la possibilité de récupérer la nationalité française par
simple déclaration pour les desendants de Français qui n'avaient plus la
possession d'état. Introduite dans le code civil en 1993 à la demande des
représentants des Français de l'étranger, cette faculté qu'ouvre l'article
21-14 nous apparaît, à l'expérience, trop limitative, laissant de côté des
enfants ou petits-enfants de Français qui ont, par la proximité de génération,
le sentiment d'appartenir à la tradition et à la culture françaises de leurs
ascendants.
Par corrélation, nous proposerons d'assouplir également, à l'article 30-3 du
code civil, l'autorisation de preuve de la nationalité française.
Enfin, nous avons déposé un amendement qui vise à inclure les enfants
d'anciens combattants qui ont servi dans l'armée française et dont les veuves
ont été autorisées par le même article 21-14 du code civil à acquérir la
nationalité française sur simple déclaration. Nous estimons en effet que ces
enfants ont eu à souffrir autant que leur mère des conséquences de l'engagement
à la guerre du chef de famille et qu'ils méritent tout autant la reconnaissance
de la nation française.
Fustel de Coulanges disait : « La patrie, c'est ce qu'on aime. » Ne repoussons
pas ceux de nos compatriotes qui se réclament légitimement de la France et
incitons ceux qui souhaitent épouser nos valeurs à déclarer leur attachement à
notre pays. C'est ainsi que nous parviendrons à un équilibre durable, madame le
ministre, et c'est ce à quoi mes collègues non inscrits et moi-même aspirons
ardemment.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. Jacques Habert.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues,
insertion, intégration, assimilation : voilà trois mots forts différents qui
sont communément utilisés pour désigner la même chose. Or il existe entre ces
trois mots, issus du latin, plus que des nuances.
« Insérer » signifie introduire et s'insérer ; c'est trouver sa place, se
situer.
« Intégrer » veut dire faire entrer dans un ensemble plus vaste.
Enfin, « assimiler », c'est-à-dire rapprocher en identifiant, donne
aujourd'hui son sens au verbe « s'assimiler », qui désigne le fait de devenir
semblable à quelqu'un.
Appliqués aux populations étrangères présentes sur notre territoire, ces trois
mots, qui ont donc des sens totalement distincts, revêtent une importance
particulière.
En effet, n'importe quel étranger peut s'insérer, trouver sa place dans
n'importe quel pays en restant un corps parfaitement étranger, considéré et
admis comme tel, entouré de gens qui lui sont étrangers - eux sont chez eux -,
qu'il respecte et qui le respectent. Ainsi, tout étranger peut s'insérer en
France pour peu qu'il ait trouvé un travail, un logement et qu'il y compte
quelques amis.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
45 % des Français de l'étranger sont des bi-nationaux !
M. Bernard Plasait.
L'étranger qui s'intègre constitue déjà un cas très différent. Il ne s'est pas
contenté de trouver sa place au milieu d'une collectivité : il est entré dans
un ensemble plus grand. Il fait toujours partie d'un ensemble plus petit, sa
propre communauté d'origine, et, en tant que membre de cette communauté
d'origine, il est entré dans une communauté plus vaste, en l'occurrence la
France. L' « intégré » n'est pas comme nous, mais il est avec nous, il doit
parler français et participer à notre vie collective.
Toute différente est la situation de celui qui s'est assimilé, car lui n'est
plus rien d'autre que Français. Il s'est rapproché de nous en s'identifiant à
nous, au point de devenir un de nos semblables à tous égards.
Pardonnez-moi, mes chers collègues, ce propos liminaire, mais les mots ne sont
pas innocents : ils sont même souvent à l'origine de bien des malentendus, et
je crois que ces précisions sont utiles à la bonne compréhension de notre sujet
d'aujourd'hui.
En effet, notre fameux « modèle français », c'était l'assimilation
républicaine : une seule langue, une seule école, une seule morale, celle de la
République ; autant d'ingrédients pour faire d'excellents petits Français avec
des gens venus des quatre coins de l'Europe, quelle que fût la consonance de
leur nom.
Hélas ! Il faut parler à l'imparfait. Car c'était sans compter avec les
tenants du droit à la différence - et bientôt du droit à l'indifférence - et
autres intellectuels qui décrétèrent que ce n'était plus une « chance » que
d'être Français.
Après les rudes coups portés au creuset national, l'assimilation devait céder
la place à l'intégration.
Je reste néanmoins, pour ma part, viscéralement attaché à cette idée
d'assimilation, car c'est la plus belle des preuves de l'amour de l'autre, de
l'hospitalité totale, de la fraternité.
D'ailleurs, dans son livre
De l'immigration en général et de la nation
française en particulier,
Jean-Claude Barreau ne dit pas autre chose.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Quelle référence !
M. Bernard Plasait.
Evoquant ses souvenirs de prêtre à la Goutte-d'Or, il raconte : « Les loubards
de ce temps-là, qu'ils se nomment ben Rabbah ou Rodriguez, avaient tous au
coeur l'amour de la France. Ils s'estimaient et se disaient "Gaulois"
; c'était le terme d'argot pour désigner les Français. Aujourd'hui, pour la
première fois, il y a chez les adolescents des banlieues, qui constituent le
maillon le plus faible de notre société, des bandes de jeunes qui ne se veulent
plus françaises, mais ethniques et fermées, "zouloues", et se sentent
exclues de la citoyenneté... Dans certaines d'entre elles, on crie "Allah
Akbar !". Pour la première fois, certains "nés en France" se
sont pour ainsi dire "tiers-mondisés" dans nos banlieues ».
Le propos est on ne peut plus explicite. Il ressemble à l'appel que lançait
dès 1989 un intellectuel de gauche, Maxime Rodinson - « France, prends garde
aux communautés ! » - et dans lequel il dénonçait déjà le communautarisme avant
que ce thème ne soit repris par Jacques Julliard.
Si nous ne pouvons que condamner fermement cette démission de l'Etat, cette
mort apparente de la nation, nous devons impérativement nous poser la seule
question qui vaille : qu'est-ce qu'être français ?
La définition la plus simple et qui a l'avantage de l'évidence, c'est que sont
Français ceux qui se sentent Français et que les autres Français considèrent
comme Français.
Est-on Français parce qu'on est enfant de Français, en vertu du droit du sang
? Est-on Français parce qu'on est né sur le sol français, en vertu du droit du
sol ? Vieux débat ! Trop vieux débat sans doute !
L'Ancien Régime avait privilégié le
jus soli
selon la logique féodale
d'attachement à la terre. La Révolution privilégia la filiation et le code
civil entérina ce choix.
Mais ce débat est clos depuis bien longtemps ! La loi sur la nationalité de
1889 a opéré une synthèse en décidant qu'est Français celui qui est né en
France d'un étranger qui lui-même y est né - notion de délai d'une génération -
ou qui est né en France d'un étranger et qui, à l'époque de sa majorité, est
domicilié en France.
De tout temps, il est indiscutable que les enfants de Français sont
français.
En vérité, seul le droit du sol fait l'objet de longs débats. Certes, depuis
l'entrée en vigueur de la loi du 22 juillet 1993, on n'est plus automatiquement
Français par le simple fait qu'on est né sur le sol français. Cependant, les
choses n'ont pas fondamentalement changé puisque celui qui est né en France de
parents étrangers est automatiquement Français à l'âge de seize ans, pour peu
qu'il le demande et qu'il ait vécu cinq ans en France.
Le droit du sol existe donc encore bel et bien, et je note que Patrick Weil
l'a très opportunément reconnu dans son rapport. Il faut simplement demander à
en bénéficier par une démarche volontaire.
Thierry Desjardins n'a-t-il pas raison lorsqu'il écrit qu'« il est aberrant
aujourd'hui - alors que 1,3 milliard d'êtres humains prennent l'avion chaque
année pour aller d'un point à un autre de la planète, alors que 285 millions de
personnes passent, dans un sens ou dans un autre, nos seules frontières tous
les ans, alors qu'il y a des flux migratoires dans toutes les directions comme
il n'y en a jamais eu - que les hasards géographiques d'une naissance aient la
moindre influence sur la possession ou l'acquisition d'une nationalité » ?
Par le projet de loi que vous nous présentez, madame le garde des sceaux, vous
remettez en cause cette démarche volontaire en rétablissant le principe d'une
acquisition automatique de la nationalité.
Votre texte s'attaque à un symbole fort de la citoyenneté française, celui de
la manifestation de la volonté de devenir Français.
La loi de 1993 avait pour seul objet - mais ô combien important ! - de
valoriser la nationalité française aux yeux non seulement de ceux qui la
demandent mais aussi de tous les Français.
Vous enlevez aux jeunes étrangers nés en France la possibilité d'adhérer à la
France, de démontrer à tous leur engagement en faveur de notre pays, en faveur
du pays qu'ils choisissent.
Vous banalisez la citoyenneté.
Vous heurtez le sentiment national, car les Français veulent qu'on aime la
France et qu'on le dise lorsque l'on devient Français, de telle manière que la
France conserve son âme.
D'ailleurs, nos concitoyens l'expriment : 76 % d'entre eux considèrent que les
enfants nés en France de parents de nationalité étrangère doivent être reconnus
comme Français seulement s'ils en manifestent la volonté.
Nul ne peut le contester, parler de la nationalité, c'est parler de la nation,
c'est parler de la patrie, c'est parler de la France.
La France, bien sûr, est un pays d'accueil qui doit beaucoup à l'immigration,
mais elle constitue aussi une nation tout à fait originale, dans laquelle se
fondent, au sens propre du terme, tous ceux qui en y adhérant volontairement la
rejoignent.
Dans ces conditions, votre texte, madame le garde des sceaux, porte un mauvais
coup, un coup sévère à la nation, car une citoyenneté mécanique, c'est une
citoyenneté bradée, dévaluée. C'est d'autant plus grave que notre pays n'a
jamais eu tant besoin de la cohésion, c'est-à-dire de la fierté des citoyens
d'appartenir à la même communauté.
Quitte à vouloir réformer, à légiférer toujours et encore plus, vous auriez dû
en profiter pour revaloriser la nationalité française. C'eût été une noble
cause.
Par des propos très émouvants, lors du débat de ce projet de loi à l'Assemblée
nationale, notre collègue M. Arthur Paecht vous a parlé de la photo, la seule
photo qu'il n'a pas dans ses albums, du jour où il est devenu Français, et il
vous a dit qu'il regretterait toujours de ne pas pouvoir montrer à ses enfants
et à ses petits-enfants un tel document qui rappellerait que ce jour-là, le
plus important de sa vie dit-il, il s'est passé quelque chose
d'extraordinaire.
Pour ma part, je partage pleinement sa conception à la fois élective et
passionnelle de la nationalité, et je crois qu'instituer un rite solennel pour
symboliser l'acte volontaire d'adhésion à la nationalité française aurait
constitué une bonne réforme.
Dans ce pays où nous avons le culte des cérémonies, qui pourrait s'offusquer
d'une remise officielle du certificat de nationalité ?
Vous, sans doute, membres de cette majorité plurielle qui substitue une
logique administrative, étatique, collective au choix personnel, qui est
pourtant le fondement de la responsabilité individuelle. Ainsi, « grâce » à
vous, on deviendra français sans le vouloir, sans le savoir.
C'est une étrange manie que de toujours vouloir que la collectivité décide
pour l'individu ! Pourtant, l'acte volontaire, c'est la manifestation de la
liberté.
Madame le garde des sceaux, l'adhésion à l'association France doit être un
geste individuel, par lequel on accepte explicitement de respecter totalement
le code des valeurs, les droits et les devoirs de la communauté française.
C'est le seul moyen de ne pas conférer par automaticité la citoyenneté à des
étrangers qui rejettent la société et quelquefois haïssent la France.
Votre responsabilité sera grande si, par angélisme, par démagogie ou par souci
politicien, vous acceptez la montée dans notre pays du communautarisme.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Personne ne veut du communautarisme, et surtout pas les étrangers !
M. Bernard Plasait.
Comme l'a excellemment exposé M. le rapporteur, notre éminent collègue
Christian Bonnet, ce texte est dangereux pour la cohésion nationale.
Enfin, je partage pleinement les remarques précédemment formulées par Henri de
Raincourt sur le caractère injustifié et inopportun de ce texte.
Réformer aussi prématurément la loi du 22 juillet 1993, sans que aucun bilan
exhaustif ait pu être établi et alors que les statistiques déjà avancées sont
plutôt positives, traduit bien les intentions du Gouvernement.
Où est la réflexion de fond indispensable sur un sujet aussi capital ?
On ne peut manquer ici de s'interroger, quand on songe à la qualité et à la
durée des travaux qui ont conduit, à partir des propositions de la commission
de la nationalité présidée par M. Marceau Long en 1987, à l'adoption de la loi
de 1993.
Certes, nul ne conteste l'insuffisance de l'information fournie aux jeunes et
à leurs familles, voire l'insuffisance de l'information des administrations
elles-mêmes sur les procédures et le droit en vigueur.
Mais il était possible d'y remédier sans légiférer, comme l'a très justement
indiqué le professeur Paul Lagarde.
Aussi j'approuve sans réserve les observations et recommandations de la
commission des lois, et les amendements présentés par le groupe des
Républicains et Indépendants en partagent la philosophie.
Sur un tel projet de loi, qui touche à ce qu'il y a de plus mystérieux et de
plus profond pour une nation, à ce qui demande le plus de sagesse, à ce qui
doit inciter le plus à la réflexion, la seule urgence acceptable serait que le
peuple se prononce directement, car, depuis les Sages de l'Antiquité, la
démocratie est « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple »
et l'article 3 de notre Constitution lui attribue le premier et le dernier
mot.
C'est pouquoi, madame le garde des sceaux, nous ne comprenons pas que
l'urgence ait été déclarée pour ce texte et nous la réprouvons.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
A vous écouter, mes chers collègues, je suis saisie par une évidence : tout ce
débat se joue sur l'alternative confiance-méfiance.
Au-delà des discussions académiques sur le caractère électif de la
nationalité, sur l'acquisition de plein droit, sur la nécessité d'une
manifestation de volonté effectuée par les jeunes étrangers nés et élevés en
France pour devenir Français, une seule question se pose : avons-nous
confiance, avez-vous confiance ?
Avons-nous confiance dans le dynamisme de la France ?
Nous, nous avons confiance, tout comme le Président de la République ainsi
qu'en témoignent les voeux qu'il a formulés à la nation il y a peu de temps.
Je crains en revanche que, pour un certain nombre d'entre vous, la réponse ne
soit négative et, quand j'entends M. le rapporteur affirmer l'affaiblissement
de notre capacité d'intégration, je crains qu'il ne s'agisse en fait d'une
croyance en l'affaiblissement de notre vitalité nationale qui ne me paraît pas
du tout être le cas.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
C'est lié à la démographie !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Avons-nous confiance en la capacité d'une jeunesse issue d'autres contiments à
réussir la synthèse entre son héritage d'ailleurs et son éducation d'ici ?
Nous, oui - et, en tant qu'éducatrice ayant très longtemps enseigné à
l'étranger, je suis profondément convaincue du bien-fondé de notre confiance -
mais certainement pas ceux qui considèrent que des étrangers non européens et
non chrétiens sont des éléments inassimilables !
Je croyais pourtant que nous étions tous convaincus que la qualité de Français
ne se jouait pas en termes ethniques, ou ethno culturels, mais en termes
sociaux et politiques fondés sur notre vieux gallocentrisme, sur les vertus
assimilatrices de nos institutions et sur notre foi dans la grandeur de la
civilisation française.
Sur ces présupposés, je me figurais que nous étions tous d'accord,
républicains de droite comme de gauche.
En réalité, nous sommes profondément divisés...
M. Michel Caldaguès.
C'est vrai !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
... quant à notre degré de confiance en la capacité du dispositif traditionnel
d'intégration à transmuer des jeunes nés en France dont les parents sont venus
d'au-delà nos frontières en citoyens français.
Il faut bien constater à l'occasion de ce débat que le clivage philosophique
qui sépare la droite et la gauche est aussi tranché qu'il y a cent ans.
Nous, nous croyons à l'unité profonde de l'espèce humaine, à la vocation
universelle des valeurs de la Révolution de 1789 et donc à la capacité de tout
homme à adhérer à notre nation.
Vous, vous croyez que les origines ethniques, les cultures et les religions
constituent des obstacles infranchissables à l'accès à notre citoyenneté. Cela
fait pourtant des siècles que les faits vous donnent tort, mais vous n'en avez
cure, tant le préjugé renaît de ses cendres à chaque nouvelle vague
migratoire.
C'est avec cet arrière-plan idéologique que nous légiférons aujourd'hui, pour
les enfants nés de l'immigration familiale des vingt-cinq dernières années.
En 1974, la cessation de l'immigration de main-d'oeuvre a mis fin à la noria
des hommes venus seuls du Sud, pour une durée limitée. Bloqués en France, il y
ont fait venir leur famille et s'y sont fixés.
Ces enfants dont nous parlons sont donc d'origine extra-européenne, arabe,
africaine, asiatique. Ils ont des teints colorés dans une société de blancs.
Musulmans, animistes, bouddhistes, leur religion les distingue dans une société
laïque mais sociologiquement chrétienne.
Ils subissent, comme avant eux les Italiens, les Polonais, les juifs d'Europe
centrale, des rejets individuels ou collectifs dans une société française où la
xénophobie a toujours coexisté avec l'hospitalité.
Jeunes prolétaires, ils sont victimes plus que les jeunes Français de leur
milieu et de leur génération, de la désintégration des familles, du chômage de
leurs parents ou de leurs horaires disloqués et de la précarité de leur
condition sociale.
Victimes et acteurs de la violence urbaine, ils s'intègrent ; pour les uns,
dans la société française qui gagne et, pour les autres, dans celle de
l'exclusion mais, de toute façon, ils s'intègrent : réussites professionnelles
spectaculaires des uns, en dépit d'un accès à l'emploi cinq fois plus
difficile, d'après les statistiques, que pour les Français de leur âge, échec
pour d'autres.
Comme l'exprime Paul, jeune Parisien d'origine marocaine, héros du roman de
Paul Smaïl :
Vivre me tue
récemment paru : « Paul ou pas..., il y aura
toujours un autre candidat moins basané que moi, le cheveu moins crépu... Je ne
suis pas une ressource humaine, j'ai trop sale gueule ».
Mmes Maryse Bergé-Lavigne et Joëlle Dusseau.
Excellent !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
C'est donc non pas pour des jeunes nés en France de cadres australiens ou
d'intellectuels suédois, mais pour des jeunes originaires de pays pauvres et
stigmatisés par cette pauvreté que nous légiférons.
L'interrogation sur leur aptitude à accéder à la nationalité française résulte
de leur condition sociale et de leur origine ethnique, absolument pas d'un
approfondissement de la réflexion sur l'identité française.
Nous devons donc décider s'il convient que la France accorde la nationalité de
plein droit à ces jeunes à leur entrée dans l'âge adulte, ou maintienne
l'exigence d'une manifestation de volonté.
Cependant existe-t-il vraiment une différence en pratique ? Dans les deux cas,
une démarche administrative est en effet nécessaire. Ainsi, avec l'acquisition
de plein droit, il fallait depuis 1889 se présenter à la mairie pour obtenir sa
carte d'identité française et prouver qu'on répondait aux conditions légales de
l'acquisition : naissance en France, durée du séjour.
Rien, absolument rien, n'a jamais été automatique ! Personne n'est jamais
devenu Français entre 1889 et 1993 « sans le vouloir et le savoir » en vertu de
l'acquisition de plein droit.
Il ne faut donc pas continuer à mêler la notion de plein droit et
l'automaticité. Cela n'a rien à voir.
Mme Joëlle Dusseau.
Très juste !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Pour l'enfant né en France de parents étrangers, la nationalité était une
virtualité qui devenait effective de par sa volonté ou de par celle de ses
parents. L'intéressé avait la possibilité de décliner l'offre que lui faisait
la France. Le cas était plutôt rare.
Il faut donc bien reconnaître que l'institution de la manifestation de volonté
en 1993 a mis fin à un abus sans existence et substitué une démarche
administrative à une autre démarche administrative à des fins purement
symboliques. Il fallait une espèce de psychothérapie à la société française
désorientée par quinze ans de propagande mensongère et haineuse du Front
national sur les « soi-disant Français de papier ».
Quelle est, dès lors, la différence entre ces deux démarches administratives ?
De mon point de vue, elle est importante et tient, d'une part, à la psychologie
des jeunes concernés et, d'autre part, à la conception française de la
nationalité.
Par la manifestation de volonté, la société française exige depuis 1993 d'un
jeune qu'il demande officiellement notre nationalité, que son éducation lui
donne déjà virtuellement.
Or reconnaissez tout de même qu'on lui dénie fréquemment en pratique la
dignité attachée à cette nationalité. Ainsi est-il soumis à deux impératifs
parfaitement contradictoires : supporter sans regimber lors des entretiens
d'embauche ou des contrôles de police d'être traité en inférieur et,
simultanément, revendiquer l'égalité citoyenne en manifestant officiellement sa
volonté de devenir Français.
Je ne crois pas que ce soit une situation saine, d'autant que les humiliations
et l'exclusion ne disparaissent pas d'un coup de baguette magique
administrative. La manifestation de volonté n'abolit pas, mais, au contraire,
renforce probablement l'impression de n'être Français que par ses papiers aux
yeux des employeurs et des détenteurs de l'autorité. Quel travail de sape
ravageur dans le sentiment d'identité d'un jeune !
Mme Joëlle Dusseau.
Très juste !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
La manifestation de volonté contraint aussi l'adolescent à une démarche qu'il
vit parfois comme un reniement de ses parents, et ce précisément à l'âge où les
conflits avec eux s'exarcerbent et aggravent ses tensions intérieures entres
ses racines familiales et avenir personnel.
Enfin, la manifestation de volonté constitue une rupture dans l'évolution
psychologique compliquée qui mène un jeune migrant d'une nationalité à l'autre.
Permettez-moi d'insister sur ce point.
La binationalité est un des non-dits qui nourrissent la méfiance envers le
jeune né de parents étrangers. En effet, qu'il manifeste une volonté ou qu'il
acquière la nationalité française de plein droit, l'enfant d'étranger va, à
l'évidence, devenir binational ; pendant une partie de sa vie ou toute sa vie
parfois, une génération au plus en général, sa nationalité d'origine coexistera
en sa personne avec sa nationalité d'accueil, un peu comme on reste fidèle à sa
famille parternelle et à sa famille maternelle.
Puis, au fil du temps, la nationalité du pays de résidence, dans ses
dimensions sociales, culturelles et civiques, prendra le pas sur la nationalité
d'origine qui s'éteindra par désuétude. C'est ainsi depuis des siècles, aussi
bien pour les vagues successives d'immigrants en France que pour les enfants de
Français établis à l'étranger.
La binationalité est un fait juridique et culturel, parfois conflictuel et
douloureux, mais surtout évolutif, et qu'il vaut mieux ne pas cristalliser par
des procédures intempestives.
Du point de vue de l'intégration du jeune étranger né en France, la
manifestation de volonté me paraît donc surtout inopportune. C'est pourquoi le
groupe socialiste et moi-même soutenons le projet de loi qui vise à la
supprimer.
La manifestation de volonté me semble, en revanche, beaucoup plus critiquable
d'un point de vue culturel et philosophique. C'est un signe de plus de
l'influence américaine sur nos moeurs et nos esprits. De surcroît, c'est une
procédure qui méconnaît tout autant la signification de la nationalité
américaine que celle de la nationalité française.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est compliqué !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je m'explique. Pays d'immigration pure, les Etats-Unis ont un droit du sol
simple. L'enfant né aux Etats-Unis est Américain à la naissance. L'Etat
américain se l'approprie, comme le faisait la France de l'Ancien Régime pour
ceux qui étaient nés sur le territoire français.
M. Jean-Jacques Hyest.
Evidemment !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Cet enfant n'a pas à prêter le serment exigé des seuls adultes naturalisés.
M. Jean-Jacques Hyest.
Effectivement !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Or nous, en France, nous l'exigeons des enfants nés en France pour imiter les
Américains, puisque ce sont nos grands modèles, semble-t-il. C'est là un
premier contresens.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce n'est pas la loi de 1993 !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Par ailleurs, ce serment témoigne d'une conception exclusivement juridique de
la nationalité. C'est une déclaration d'allégeance à un Etat. Or la conception
française de la nationalité n'est pas une pure déclaration d'allégeance. C'est
une synthèse entre un sentiment d'appartenance enraciné dans l'éducation et
l'instruction et la capacité de participer activement, en accomplissant ses
devoirs de citoyen, à la vie de la nation.
Je retiendrai que la manifestation de volonté est une formule importée,
détournée de sa fonction d'origine et totalement étrangère à notre conception
de la nationalité. C'est la seconde raison qui, selon moi, justifie sa
suppression.
Ce projet de loi a donc le mérite de revenir à la confiance en matière
d'acquisition de la nationalité et à la générosité. Voilà la signification du
retour à l'acquisition de plein droit.
Vous avez été plusieurs à poser la question : pourquoi la confiance
vacille-t-elle depuis vingt ans et pour quelles raisons la générosité se
recroqueville-t-elle ? Evidemment, vous l'avez dit, parce que les temps ont
changé. La montée du chômage prive les étrangers encore plus que les Français
de l'accès au revenu et à l'intégration sociale que confère un emploi stable.
Leurs enfants sont plus pénalisés encore.
Pourtant, il y a un véritable miracle français qu'il faut souligner. Il faut
cesser d'avoir des préjugés qui empêchent de voir la réalité. Que se passe-t-il
en France ? Nous constatons tous, au-delà des apparences, des signes
incontestables qui prouvent que les Français continuent à accueillir les
étrangers par l'intégration familiale, comme le prouve l'étude de M. Emmanuel
Todd intitulée
Le Destin des immigrés.
Il se manifeste là une magnifique
et incontestable exception française par rapport aux autres pays d'Europe.
Je prendrai un exemple. Alors que la probabilité du mariage d'une jeune Turque
avec un Allemand n'atteint pas 30 %, 15 % des jeunes Algériennes âgées de
vingt-cinq à vingt-neuf ans vivaient en couple en 1990 avec un Français non
musulman, en dépit de l'interdit religieux qui concerne ce mariage.
Globalement, à cette date, 60 % des Algériennes de cet âge nées ou élevées en
France étaient déjà sorties du modèle traditionnel, c'est-à-dire qu'elles
n'étaient pas mariées avec un Algérien. Le phénomène est encore bien plus
marqué pour les jeunes gens. Nombre de ces jeunes adultes, nés ou non en
France, ont donc opté pour l'exogamie française, qui est totalement opposée à
la tradition endogame de leurs parents.
M. Jean-Jacques Hyest.
Cela n'a rien à voir !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Voilà un signe anthropologique d'intégration qui ne trompe pas, de même que
l'alignement rapide des taux de fécondité des femmes immigrées sur ceux des
Françaises. La population française continue, comme au XIXe siècle, à intégrer
les individus pour mieux dissoudre les communautés. Nous avons une tradition
nationale, solide, admirable, qui continue à fonctionner.
L'acquisition de plein droit de la nationalité française est une espèce de
transposition institutionnelle de l'intégration sociale dans les familles, à la
fois par esprit d'ouverture et parce qu'il vaut mieux, comme le disait un
député il y a un siècle, en 1889, que « les étrangers deviennent
individuellement des citoyens français, plutôt que de rester des étrangers en
groupe, une nation étrangère au sein de la nation française ».
M. Robert Badinter.
Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Dans cette démarche, libéralité et sens de l'intérêt national se mêlent
indissolublement depuis que la France est un Etat moderne. C'est une tradition
à la fois généreuse et assimilationniste qui a sauvegardé l'unité nationale
pendant des siècles et continuera à l'assurer. Le pays réel intègre les
étrangers. Que le pays légal coïncide avec lui !
M. Michel Caldaguès.
C'est plutôt maurrassien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je désirais vivement, comme nombre de mes collègues socialistes, aller plus
loin dans cette voie, en revenant à la disposition de 1889, reprise en 1973 à
l'unanimité des assemblées, grâce à laquelle les parents étrangers pouvaient
anticiper, par une déclaration, l'acquisition de plein droit de la nationalité
française pour leurs enfants nés en France. En effet, plus tôt l'intégration a
lieu, mieux elle se réalise, et pour le bien de tous. La démonstration
centenaire n'en est plus à faire. Qu'il me soit seulement permis d'apporter un
témoignage particulier.
Une proportion significative des Français établis hors de France est issue des
vagues d'immigration de la première moitié du siècle. Nombre d'entre eux sont
devenus Français pendant leur minorité, par acquisition anticipée ou par effet
collectif.
Aujourd'hui, je les rencontre sur les cinq continents. Quelle que soit leur
profession, ils ont su prendre le risque d'une nouvelle expatriation. Faute
d'être des héritiers, leur destin était probablement de conquérir.
Que leurs parents aient décidé pour eux de leur nationalité ne diminue en
rien, croyez-moi, leur attachement à la France, qui reste leur pays natal, le
pays de leur enfance et de leur éducation et qu'ils servent au-delà des mers
avec un dévouement que je veux saluer.
C'est l'éducation reçue en France, à l'école, dans les mouvements de jeunesse,
dans la rue, qui a fait d'eux des Français ; leurs récits sont extrêmement
touchants et significatifs. Aujourd'hui, avec une durée de scolarisation qui
dépasse treize années, contre cinq ans à l'époque de Jules Ferry, avec la vie
associative, les clubs sportifs, la télévision, la même imprégnation est
réalisée. Elle s'accomplit dans l'esprit de tous les enfants, y compris ceux
qui ne sont pas nés en France, mais qui y ont été scolarisés durablement.
C'est pourquoi le groupe socialiste a déposé un amendement visant à faciliter
l'accès à la nationalité française de ces jeunes. Nous souhaitons qu'ils aient
accès, à leur majorité, à la déclaration de nationalité, c'est-à-dire à la
procédure de naturalisation simplifiée. Notre démarche est inspirée par une
confiance raisonnée et raisonnable entre les deux acteurs du processus
d'intégration : la société française et les jeunes.
C'est aussi la confiance que le projet de loi restaure envers les mariages
dits mixtes. La réduction à un an de la durée de mariage préalable à
l'acquisition de la nationalité française pour le conjoint étranger est une
disposition raisonnable.
Il faut consolider la situation des familles binationales dont le nombre croît
du fait de l'intégration et des mouvements de population.
La phobie du mariage de complaisance a conduit, naguère, à jeter la suspicion
sur tous les conjoints étrangers et les Français qui les épousent. Quelques
filières existent ; elles sont connues et elles sont réprimées.
M. le président.
Madame le sénateur, veuillez conclure, afin que votre collègue M. Guy Allouche
puisse disposer de quelques minutes pour s'exprimer.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Il a accepté de réduire son temps de parole.
MM. Michel Caldaguès et Philippe François.
Quel galant homme !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mais la majorité des unions entre un Français et un étranger concerne des
personnes qui fondent une famille.
M. Jean-Jacques Hyest.
Sûrement !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
J'en veux pour preuve le fait que, selon l'Institut national d'études
démographiques, l'INED, chaque année, 25 000 enfants naissent en France dans
ces foyers ; il ne s'agit donc pas de mariages blancs. C'est aussi le cas de 65
% des enfants français établis à l'étranger. Ce n'est tout de même pas rien
!
Facilitons donc, par une naturalisation simplifiée, l'intégration dans la
citoyenneté du conjoint étranger d'un Français.
Le groupe socialiste salue dans ce projet de loi une manifestation de la
confiance retrouvée des Français dans le dynamisme de notre pays et dans la
solidarité de ses institutions républicaines. Il votera donc ce texte.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Au-delà des opportunités purement politiciennes, la discussion que nous avons
engagée me paraît dominée par cette interrogation : la nationalité a-t-elle
encore un sens ou n'est-elle devenue qu'un avantage social parmi d'autres ? La
réponse que chacun de nous apporte à cette question, et d'abord en son for
intérieur, constitue le véritable clivage de notre débat.
Mais nous voyons surgir aussitôt une autre question : que reste-t-il de la
nationalité lorsque la nation est perdue de vue ?
Ce qu'il en reste, me semble-t-il, ne peut être que la dévalorisation qui
accompagne toute tendance inflationiste dans quelque domaine que ce soit. Voilà
pourquoi, en matière de nationalité, le législateur doit sans cesse se demander
s'il ne se livre pas au faux-monnayage, c'est-à-dire à ce qu'il faut bien
appeler une malhonnêteté non seulement envers ceux qui ont simplement reçu la
nationalité en héritage, c'est-à-dire sans avoir à s'en soucier, mais aussi et
surtout à l'égard de ceux qui ont aspiré à la nationalité, qui l'ont attendue,
qui ont eu le sentiment de la mériter et qui l'ont enfin obtenue. On ne dira
jamais assez combien nous sommes comptables envers ceux-là, qui sont trop
souvent oubliés.
Or, à cet égard, la réponse apportée par le projet du Gouvernement me paraît
déplorablement révélatrice. En effet, on aurait pu comprendre que la gauche ne
fût pas favorable à l'idée d'introduire dans notre législation la démarche
volontaire d'adhésion à la nationalité française instituée par la loi de 1993.
C'était son droit. Mais elle va beaucoup plus loin puisqu'elle ne peut même pas
supporter l'existence d'une telle formalité et qu'elle s'est fixé pour
objectif, toutes affaires cessantes, de l'expurger du dispositif. Or à quelle
nécessité cela répond-il ? En quoi est-il vexatoire d'adhérer explicitement à
la nationalité française ? En quoi une telle démarche ne s'accorde-t-elle pas
avec l'idée que ce qui fait la nation c'est l'adhésion ? Cela a été dit avant
moi. Or existe-il une notion plus républicaine que celle d'adhésion ?
On nous dit que la procédure déclarative qui est prévue par la loi de 1993 n'a
pas bien fonctionné faute d'une information suffisante, du fait aussi du
caractère prétendument bureaucratique et paperassier de la démarche, ou encore
parce qu'elle a entraîné des inégalités, notamment parce que des jeunes filles
auraient subi plus facilement que leurs frères des pressions familiales pour
renoncer à l'acquisition de la nationalité française.
Mme Joëlle Dusseau.
C'est pourtant vrai !
M. Michel Caldaguès.
Des statistiques ont même été invoquées à ce sujet par le Gouvernement lors de
la discussion du texte à l'Assemblée nationale, et ce alors même que, devant la
commission des lois au Palais-Bourbon, M. Patrick Weil, auteur du rapport
demandé par le Gouvernement, avait de son côté déclaré - écoutez bien, mes
chers collègues - « les membres de la mission d'étude auraient souhaité
disposer de données statistiques nationales sur l'application des lois
relatives à la nationalité et à l'immigration. Mais ces statistiques n'existent
pas. »
Alors où est la vérité ? Je me le demande.
Au demeurant, s'il est vrai, comme on nous le dit, que les organismes et
services publics chargés d'informer les jeunes étrangers nés en France sur les
modalités de la déclaration d'adhésion à la nationalité française n'ont pas
rempli leur rôle, comment nous ferait-on croire que notre système
socio-éducatif serait à même, sans problème, en cinq années au besoin
discontinues, de transformer de jeunes étrangers en Français, alors qu'il ne
serait pas capable, entre les seize ans et les vingt et un ans de ces derniers,
ou même avant, de leur expliquer comment s'y prendre pour que cela devienne
officiel ? Il y a là une contradiction qui heurte le bon sens.
Mes chers collègues, cette formalité est-elle vraiment plus fastidieuse à
accomplir que lorsqu'il s'agit de remplir une demande de logement, d'aide
personnalisée au logement, d'obtenir un tarif réduit en cantine scolaire ou
toute forme d'aide sociale ?
Osons dire que si le processus d'intégration fonctionnait correctement, ce
problème d'information ne se poserait pas. Notre enseignement obligatoire
jusqu'à l'âge de seize ans ne serait-il donc pas capable d'y pourvoir ? Il faut
poser la question.
M. Philippe François.
Parfaitement !
M. Michel Caldaguès.
Malheureusement, la réponse est sans doute que, si de tels dysfonctionnements
ont été constatés, c'est précisément parce que notre processus d'intégration ne
fonctionne pas comme il le devrait. Cela tient à une évidence qui est perçue
par un très grand nombre de Français, à savoir que notre capacité
d'intégration, depuis un certain nombre d'années, est largement débordée. C'est
vrai, nous ne sommes plus en 1973, comme l'a dit notre ami Patrice Gélard.
Je m'explique : cette intégration, qui a somme toute bien fonctionné au cours
de l'histoire, notamment pendant l'entre-deux-guerres, est aujourd'hui
confrontée à deux difficultés nouvelles qu'il serait hypocrite de se dissimuler
: le nombre et la distance culturelle.
J'ose dire qu'il est irresponsable de vouloir mettre à tout prix sur le même
plan les courants de peuplement d'hier et d'aujourd'hui, si différents tant par
l'ampleur que par la distance culturelle. On l'a dit, et M. le rapporteur l'a
souligné.
En ce qui concerne le nombre, je ne citerai qu'un exemple très concret : il y
a ici et là, notamment à Paris, des écoles dans lesquelles certaines classes
comportent une proportion écrasante d'étrangers, allant, je crois, jusqu'à 70
%. Comment voulez-vous que la minorité intègre cette majorité massive ?
Quant à la distance culturelle, elle est d'autant plus ressentie par de
nombreux Français, trop souvent accusés à tort de xénophobie, que l'on a
tenté de contourner la difficulté en mettant en avant un supposé « modèle
multiculturel ».
C'est sans doute à ce modèle que l'on s'est référé en mettant en place,
notamment, la politique consistant à charger des auxiliaires étrangers de
l'éducation nationale, choisis par leur propre pays, d'enraciner de jeunes
écoliers dans leur culture d'origine : si cela n'est pas négatif en soi, cela
ne peut toutefois pas, bien évidemment, accroître les chances d'intégration,
sans compter que, dans le même temps, les cours de rattrapage de langue
française ont été supprimés. Est-ce donc avec de pareilles méthodes que l'on a
réussi, en d'autres temps, l'assimilation des flux importants d'immigrés
européens auxquels vous vous référez sans cesse ?
C'est également à l'abri du modèle multiculturel que, cette fois de façon
scandaleuse, on voit petit à petit la famille polygamique bénéficier d'une
sorte de consensus tacite, au point que certaines administrations la prennent
en compte, et que, en particulier, elle vient souvent étayer des demandes
d'attribution de logements. Madame le garde des sceaux, je tiens à votre
disposition des documents à en-tête de la République française dans lesquels la
composition polygamique d'une famille est prise en compte sans réprobation
apparente. Cela contredit totalement les assurances que vous nous avez données
dans votre intervention du 17 décembre 1997...
Mme Joëlle Dusseau.
Il y a 10 000 polygames en France ! Il ne faut pas exagérer !
M. Michel Caldaguès.
... et selon lesquelles « la polygamie est contraire à l'ordre public français
et elle est traitée et réprimée comme telle ».
Le garde des sceaux serait-il donc la seule autorité en France à ignorer ce
que des centaines de maires et de services sociaux constatent tous les jours et
dont je suis en mesure de vous apporter la preuve quand vous voulez, madame le
ministre ?
Mme Joëlle Dusseau.
Il est facile de faire des amalgames !
M. Michel Caldaguès.
Telles sont les conséquences de l'illusion multiculturelle qui sert de
paravent aux échecs de notre système d'intégration.
D'ailleurs, madame le ministre, lorsque vous évoquez les pressions familiales
exercées sur certaines jeunes filles pour les dissuader de souscrire à la
nationalité française, vous savez fort bien qu'il ne s'agit pas de ces
Italiennes, de ces Espagnoles ou de ces Portugaises dont vous nous avez vanté,
à juste titre, l'intégration rapide. Vous n'allez tout de même pas nous dire
que vous voyez aujourd'hui de jeunes Européennes de dix-huit ans ou de vingt
ans qui sont ligotées par des pressions familiales ? Si vous en connaissez, il
faut nous les montrer, madame le garde des sceaux !
C'est à d'autres origines que vous pensez, de toute évidence, et vous attestez
par là même que l'intégration a buté sur une distance culturelle, dont vous
voulez nous dissimuler la réalité en lançant à chaque instant des accusations
de xénophobie.
Alors, en présence de cette distance culurelle, vous tentez d'esquiver le
problème en inversant les facteurs. C'est ainsi que vous déclarez que « la
nationalité est un puissant élément d'intégration à la société française ».
Voilà un aveu bien lourd de signification, madame le ministre,...
Mme Joëlle Dusseau.
C'est un constat !
M. Michel Caldaguès.
... car vous reconnaissez par là même que vous souhaitez donner la nationalité
française à ceux qui ne sont pas encore intégrés. Eh bien, nous pensons le
contraire ! Pour nous, c'est l'intégration à la société française qui doit
servir de base et de justification à l'acquisition de la nationalité.
M. Philippe François.
Très bien !
M. Michel Caldaguès.
L'enjeu est d'une extrême importance, et ceux qui ne veulent pas l'admettre
engagent lourdement leur responsabilité pour l'avenir du pays. A ceux qui en
douteraient, il faut rappeler que le système d'intégration n'avait de toute
évidence pas fonctionné de façon satisfaisante pour ceux des accusés dans de
récents procès d'assistance au terrorisme qui pouvaient se prévaloir de la
nationalité française. Il faut quand même le dire !
Mais ces évidences ne sont manifestement pas présentes à l'esprit du
Gouvernement et de sa majorité. Or tout nous montre qu'une telle attitude ne
traduit pas le sentiment le plus répandu chez nos compatriotes. Elle est
manifestement inspirée par des groupes de pression auxquels on se réfère à tout
propos et hors de propos, y compris - c'est plus que choquant - lorsqu'ils se
recrutent chez ceux qui ont défié la loi française.
C'est ainsi qu'une minorité doctrinaire est impatiente de voir reconnaître un
droit du sol absolu. Or la société n'est-elle pas fondée sur la correspondance
des droits et des devoirs ? La nationalité n'est-elle pas autre chose qu'une
réunion administrative d'ayants droit ? La nationalité n'est-elle pas au
service de la nation ?
Mon propos n'est pas le moins du monde de récuser le droit du sol. Je crois
seulement qu'il ne peut pas justifier n'importe quoi ni se prévaloir d'un poids
historique déterminant. On nous dit que c'est une grande tradition
républicaine. Faut-il que la République soit généreuse, pour englober les
Capétiens avec, en prime, si j'ose dire, deux empereurs, à savoir Napoléon Ier
et Napoléon III !
Comment ne pas s'étonner aussi d'entendre le rapporteur du texte à l'Assemblée
nationale, pourtant historien de formation, s'écrier bravement que « dès le
XVIIe siècle le droit du sol s'affirme. La Révolution le consacre » ?
Mme Joëlle Dusseau.
Oui, c'est vrai !
M. Michel Caldaguès.
Or l'on peut relever dans un ouvrage qui fait autorité, le traité de Batifol
et Lagarde - Mme le garde des sceaux et M. Badinter ont d'ailleurs cité
eux-mêmes le professeur Lagarde - l'appréciation suivante : « Il faut sans
doute attribuer à l'exaltation révolutionnaire du sentiment national le
triomphe final dans le code civil du
jus sanguinis
», MM. Batifol et
Lagarde ajoutent : « Le
jus soli
a réapparu au XIXe siècle. Cette
histoire récente permet de considérer que ni l'un ni l'autre des deux systèmes
en présence ne s'impose à titre exclusif. » Voilà pour les doctrinaires !
Je voudrais enfin relever une conséquence perverse de votre nouveau
dispositif, madame le ministre. Elle a été soulignée par un dirigeant du RPR
dont vous avez relevé avec force les propos en les qualifiant de malhonnêtes et
en développant à leur encontre une argumentation dont je vais maintenant
démontrer le caractère fallacieux.
Ces propos étaient les suivants : « Est-il acceptable qu'un étranger, même
s'il est né en France, devienne automatiquement Français alors qu'il a tué,
qu'il a assassiné une vieille femme, qu'il a violé ou qu'il a agressé des
commerçants ? » A cela, vous avez répliqué : « Les étrangers majeurs ne peuvent
acquérir la nationalité française s'ils ont été condamnés par nos tribunaux. A
cet égard, le projet que je présente ne change rien. Tout étranger majeur qui a
fait l'objet d'une condamnation à une peine égale ou supérieure à six mois de
prison ne peut acquérir la nationalité française ; il en est empêché.
« En revanche, aucun obstacle à l'acquisition de la nationalité française n'a
été dressé en 1993 - j'insiste sur cette date - devant les mineurs de dix-huit
ans. Nous n'en dressons pas plus aujourd'hui qu'il n'y en avait hier et à cet
égard non plus le projet de loi que je vous présente ne change rien. »
Mais si, madame le ministre, votre texte change quelque chose ! En effet, en
supprimant l'obligation de déclaration d'acquisition de la nationalité
française, vous faites passer à la trappe une disposition non négligeable de la
loi de 1993. Cette dernière empêchait un étranger condamné avant l'âge de vingt
et un ans pour des faits tels que terrorisme, trafic de stupéfiants ou
pédophilie commis après dix-huit ans de déclarer en temps utile sa volonté
d'obtenir la nationalité française, s'il ne l'avait déjà fait. Avec votre
texte, cet empêchement disparaît puisque cet étranger est devenu
automatiquement Français à dix-huit ans. Vous introduisez donc une différence
qui n'est pas négligeable.
Il est par conséquent indigne de taxer de malhonnêteté notre ami Jean-Louis
Debré en prétendant que votre projet de loi n'aggrave rien.
En conclusion, votre texte ne justifie d'aucun argument sérieux pour supprimer
la formalité déclarative instituée par la loi de 1993, formalité qui constitue
à nos yeux le minimum de ce que l'on peut exiger raisonnablement en la matière
dans les temps que nous vivons, c'est-à-dire alors que, de toute évidence, un
nombre important d'étrangers ne se sont pas intégrés et ce pour certains
d'entre eux - il faut oser le dire ! - parce qu'ils ne le souhaitaient pas
vraiment.
Demander aux intéressés, en toute liberté, d'attester eux-mêmes, par leur
demande de nationalité française, qu'ils se sont bien intégrés, c'est vraiment
la conception la plus libérale qui soit.
Vous avez indiqué, monsieur Badinter, que, en 1993, nous avions renversé la
présomption ; mais pas du tout ! Nous disons au jeune né en France de parents
étrangers : « Nous présumons que vous êtes de nationalité française, pour peu
que vous en jugiez vous-même ainsi. »
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
A terme !
M. Michel Caldaguès.
Quant à vous, monsieur Badinter, vous avez retourné la situation, prétendant
que nous présumions que le jeune était étranger. Non ! Nous présumons qu'il est
de nationalité française, mais il faut qu'il en convienne lui-même. C'est la
moindre des choses !
Cette procédure n'était pas le fruit doctrinaire d'une majorité politique ;
elle résultait des travaux d'une commission largement pluraliste - on l'a dit -
au sein de laquelle avaient pu s'exprimer des personnalités compétentes
reflétant un très large éventail de familles de pensée.
La mise à mal de ce dispositif est donc une opération sectaire, d'un
sectarisme si pressant que vous l'avez jugée plus urgente qu'un projet de loi
sur l'exclusion.
(Protestations sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Absolument !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il ne fallait pas dissoudre !
M. Michel Caldaguès.
A l'heure où nous entrons plus avant dans l'Europe, il est particulièrement
grave de prendre à la légère la nationalité et la nation.
Par respect non seulement pour les Français de souche mais aussi, comme je le
disais au début de ce propos, pour les étrangers devenus Français qui ont tenu
et qui tiennent à faire honneur à leur nouvelle appartenance, cette dérive
justifie notre opposition la plus résolue.
C'est bien une différence fondamentale de conception de la nationalité qui
nous sépare.
Parce que nous respectons les étrangers qui s'intègrent paisiblement à notre
communauté, parce que nous croyons à l'honneur d'être Français, parce qu'enfin
nous partageons une certaine idée de la France, sans aucune hésitation ni
réserve nous voterons contre ce projet de loi.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, qui peut
croire qu'il aura fallu plus d'un siècle pour s'apercevoir que l'on devient
Français furtivement, presque inconsciemment ? Affirmer cela aujourd'hui, c'est
avoir perdu confiance en la France, en sa culture immémoriale, en la force
d'intégration de notre société dont on ne rappellera jamais assez qu'un
Français sur cinq est né de parents ou de grands-parents étrangers. Accepter
cela, c'est oublier que celui qui ouvre sa maison se sent toujours beaucoup
plus fort que celui qui se calfeutre parce qu'il a peur.
Naître en France, aller à la crèche, à la maternelle, à l'école, au collège,
au lycée, parfois à l'université, avoir appris à chanter
Petit papa Noël
et
Sur le pont d'Avignon,
avoir appris à lire et à écrire dans la
langue de Jean de La Fontaine, de Jean de La Bruyère, d'Alexandre Dumas ou de
Victor Hugo, être forgé par le moule de nos institutions, être instruit de
notre histoire et de nos valeurs, en avoir vécu quotidiennement le génie, avoir
appris aussi que « nos ancêtres étaient les Gaulois », comme ce fut le cas hier
en Algérie et encore aujourd'hui aux Antilles, en Polynésie ou en
Nouvelle-Calédonie, tout cela ne suffirait-il pas à prouver sa socialisation
?
Cet enfant de parents étrangers, qu'a-t-il de plus à faire par rapport à
l'enfant dont les parents parlent breton, corse, alsacien ou l'une des langues
vernaculaires d'outre-mer ?
Mme Joëlle Dusseau.
Et l'occitan !
M. Guy Allouche.
Rien n'est plus fallacieux que d'affirmer que la nationalité est bradée, comme
nous l'avons entendu. Ce projet de loi est équilibré, car il garantit un droit
fondamental de l'enfant en respectant sa volonté individuelle. L'acquisition de
la nationalité est un facteur d'identité essentiel. En effet, il y a non pas
une mais trois manifestations de volonté.
Dès l'âge de treize ans, âge reconnu juridiquement comme étant celui d'un
consentement éclairé, l'enfant pourra souscrire à la démarche de ses
parents.
A l'âge de seize ans, seuil de la responsabilité pleine et entière des actes
de chacun, l'enfant pourra manifester son propre choix. A l'âge où l'on peut
vous infliger une véritable condamnation pénale, serait-il absurde de vous
octroyer le droit de demander à être Français ?
Enfin, à l'âge de dix-huit ans, il disposera du droit de refuser la
nationalité française à sa majorité.
Voilà la réalité de ce projet de loi : ses auteurs proposent sans rien imposer
; surtout, ils réaffirment la tradition historique française d'accueil, trop
souvent soumise aujourd'hui à des tentations d'intolérance. Oui, l'enfant né
sur notre sol a vocation à être Français ; il n'en a pas l'obligation.
La loi de 1994 n'a-t-elle pas renforcé, dans la conscience nationale, le
sentiment que les étrangers sont des êtres à part ? La manifestation de volonté
n'a pu que confirmer, aux yeux des enfants d'immigrés, qui se sentent
naturellement Français, la fermeture de la société. Au lieu de fonctionner à la
démocratie, à l'égalité des droits et devoirs, la conscience nationale risque,
si l'on vous suit, chers collègues de la majorité sénatoriale, de fonctionner
aux ethnies. Comment croire en la force de la République et reprendre une
arrière-pensée ethnique étrangère à notre culture ?
Hypocritement, certains ont longtemps mis en avant la méconnaissance de notre
langue comme obstacle à l'intégration parce qu'ils n'osaient pas parler de
religion. Ce tabou est tombé.
Le 17 décembre dernier, monsieur le rapporteur, vous vous êtes exprimé au nom
de la majorité de la commission des lois. Ce que j'ai ressenti en vous écoutant
ne disparaîtra pas de sitôt. J'ai eu le plus grand mal à contenir mes cris de
révolte, car vos propos, pardonnez l'expression, je les ai pris en pleine
poitrine.
Vous vous êtes exprimé avec des mots choisis, réfléchis, ciselés, très
naturellement et très consciemment. Je ne les reprends pas, mon ami Robert
Badinter les a rappelés ; je vous renvoie à la page 5396 du
Journal
officiel
.
Monsieur le rapporteur, quel bégaiement de l'histoire ! Quand la pensée
demeure aussi vivace soixante ans après une sinistre et sombre période, le
choix des mots et leur poids n'en sont que plus révélateurs.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Serions-nous à ce point, nous Français - encore faudrait-il préciser lesquels
! - si supérieurs que d'autres que nous seraient biologiquement, génétiquement,
inassimilables, impossibles à intégrer ?
Qui peut encore croire que l'accomplissement d'une simple démarche
administrative peut changer la nature profonde d'un être humain, telle qu'elle
a été décrite par notre rapporteur ?
Confirmation est donnée de ce que la droite en France veut freiner, pour ne
pas dire arrêter, le processus d'intégration à la nation française de milliers
de jeunes qui demeureraient à tout jamais des étrangers, étrangers aux pays de
leurs parents, étrangers au pays qui les a vus naître. Duplicité scandaleuse
que d'affirmer que l'on veut intégrer une personne que l'on repousse et que
l'on rejette par ailleurs !
On oublie fréquemment que nombre de ceux qui ont fait, au cours des siècles
récents, la renommée de la France, sa grandeur, son rayonnement - savants,
artistes, écrivains, médecins, sportifs, hauts fonctionnaires et même hommes
politiques - sont des enfants d'immigrés nés sur notre sol. Rejeter ceux qui
sont prêts à marcher sur leurs traces est un crime éthique dans le présent et
une grave faute politique pour l'avenir.
Madame la ministre, vous avez rapidement engagé la réforme du code de la
nationalité. C'est tout à l'honneur du Gouvernement de vouloir mettre
rapidement un terme à d'intolérables discriminations et à d'odieuses
souffrances. S'il ne devait y avoir qu'une raison, et une seule, pour justifier
ce projet, la droite sénatoriale vient de nous la fournir, car, avec les propos
tenus par M. le rapporteur, non, vraiment non, le doute n'est plus permis !
(
Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du
RDSE.
)
M. Louis Boyer.
On va se faire intégrer par les Arabes !
M. le président.
La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous examinons
aujourd'hui un texte qui ne s'imposait nullement, car la loi de 1993 était une
bonne loi.
Mais puisque le Gouvernement juge opportun de modifier de nouveau les
conditions d'acquisition de la nationalité française, il va de soi qu'un projet
d'une telle importance requiert toute notre attention.
Il s'agit d'un texte qui concerne non seulement tous les étrangers qui
souhaitent obtenir la nationalité française, mais également tous les Français
puisque tous sont amenés à vivre ensemble sur le même territoire et à
construire le même avenir.
Dans ces conditions, permettez-moi, madame le ministre, mes chers collègues,
de regretter qu'un texte de cette importante législative nous soit soumis en
urgence, et ce pour des raisons idéologiques et politiciennes évidentes.
La loi de 1993, on l'a rappelé, avait été précédée par les travaux de la
commission Marceau Long, composée de tous les courants de pensée. Cette
commission avait accompli un travail remarquable dont on ne peut que souligner
l'impartialité et le sérieux.
La commission des lois du Sénat, dans le même esprit, avait procédé à de
nombreuses auditions publiques et s'était attachée à dépassionner un débat pour
aboutir à un texte d'un remarquable équilibre.
Le législateur d'alors s'était donné cinq années pour tirer les conséquences
d'un texte fondé sur une nationalité élective.
Le gouvernement d'aujourd'hui, pressé de donner des gages à son électorat,
sans attendre le délai précité, nous propose un nouveau texte sur la
nationalité auquel succédera, dans quelques jours, dans cette même enceinte, la
discussion d'un texte sur l'immigration, qui ne peut qu'entraîner la confusion
et pervertir les débats.
Je ne reprendrai pas l'examen de tous les articles du projet de loi, qui ont
été excellemment développés par M. le rapporteur de la commission des lois,
notre ami Christian Bonnet, et par les différents intervenants.
Mais avant d'appeler l'attention de la Haute Assemblée sur la teneur de
certains d'entre eux, je veux préciser que le Gouvernement a commis une erreur
grave en prétendant que le texte qu'il nous soumettait rétablissait le droit du
sol.
Ce dernier, en effet, n'a jamais été supprimé, et c'est faire injure à M.
Marceau Long que de proclamer le contraire. C'est, de plus, une erreur de droit
étonnante. C'est, enfin, une inexactitude historique.
L'évolution du droit français de la nationalité a été caractérisée par
l'absence de prédominance exclusive du droit du sang ou du droit du sol. Loin
de s'exclure, ces deux critères coexistent depuis un siècle dans notre droit de
la nationalité, lequel a d'ailleurs souvent été le résultat d'une évolution
quelque peu empirique mais souvent contingente du droit français.
Si la loi de 1889 favorise le droit du sol, c'est pour que les étrangers, tout
comme les Français, soient soumis à la conscription ; si la loi de 1927 étend
le champ de la nationalité française, c'est que la guerre de 1914-1918 a
entraîné une véritable saignée dans la population française et que notre
économie a besoin de main-d'oeuvre.
De plus, contrairement à ce que beaucoup vont répétant, la France n'est pas
depuis toujours terre d'immigration ; la population française est restée stable
du moyen-âge au xixe siècle.
Ce n'est qu'au xixe siècle que la France deviendra une terre d'immigration de
masse. Cette immigration est alors essentiellement européenne et désireuse de
s'intégrer, voire de s'assimiler, à la population française.
Elle y parvient d'ailleurs fort bien, et il est vrai que la République et ses
institutions furent, jusqu'à ces vingt dernières années, une « machine à
intégrer » des étrangers qui ont constitué une richesse humaine pour notre
pays.
En 1993, la nature de l'immigration ayant changé, les mouvements de population
s'accentuant, notre droit de la nationalité étant trop stratifié et parfois peu
cohérent, le législateur a adopté un nouveau texte, rompant avec la loi de
1973.
La loi de 1993 permet aux étrangers de choisir entre seize et vingt et un ans
la nationalité française par une déclaration de nationalité, suivant en cela
les recommandations de la commission Marceau Long.
La Cour internationale de justice, pour sa part, dans un arrêt de 1955,
définit la nationalité comme « un lien juridique ayant à sa base un fait social
de rattachement, une solidarité effective d'existence, d'intérêts, de
sentiments joints à une réciprocité de droits et de devoirs. Elle est
l'expression juridique de l'attachement à la population de l'Etat qui la
confère plus qu'à celle d'un autre Etat ».
Obtenir la nationalité d'un pays, c'est être en accord avec ses lois, ses
coutumes ; c'est, le plus souvent, être né dans ce pays, mais c'est aussi et
surtout parler sa langue, partager sa culture, comprendre son histoire,
admettre ses institutions.
Dans ces conditions, madame le ministre, mes chers collègues, comment la
nationalité pourrait-elle être octroyée automatiquement à des jeunes dont les
parents ont été peut-être poussés vers notre pays par la nécessité, mais qui
n'en gardent pas moins la nostalgie du leur ?
Madame le ministre, vous avez mis en avant, pour conduire votre réforme,
l'argument selon lequel des jeunes pourraient demeurer étrangers sans le
savoir. Vous posez donc le postulat que le fait d'être né en France, d'y avoir
été scolarisé, d'y avoir vécu au moins pendant cinq années continues constitue
une « possession d'état » de Français qui ne nécessite ni déclaration ni
formulation d'aucune sorte et donne, de manière parfaitement passive, la
nationalité. C'est là un raisonnement bien hasardeux.
D'abord, que savez-vous de la volonté des jeunes étrangers de devenir Français
? Pourquoi les priver de la liberté de choisir leur nationalité, alors qu'il
s'agit d'une liberté essentielle ?
Chacun doit pouvoir décider s'il veut devenir Français et à quel moment il le
souhaite.
De plus, vous présupposez que les démarches que doivent accomplir les jeunes
sont pour eux vexatoires, voire discriminatoires.
Rien de tel n'apparaît dans les enquêtes qui ont été menées, bien au
contraire, et les jeunes eux-mêmes précisent qu'il s'agit d'une décision qu'il
leur appartient de prendre au moment où ils se sentent prêts à entrer dans
notre communauté.
Il ressort également de ces enquêtes que les jeunes étrangers accomplissent
les démarches nécessaires lorsqu'ils le souhaitent. Pourquoi les priver de
cette entrée formelle dans la communauté nationale, qui est le signe et la
concrétisation de leur intégration ?
Je considère même qu'il serait opportun d'instaurer une cérémonie au cours de
laquelle serait remis officiellement à l'intéressé un certificat d'acquisition
de la nationalité française. Cette cérémonie serait l'expression du lien qui se
crée entre l'étranger qui acquiert la nationalité et la communauté
nationale.
De plus, je comprends mal, madame le ministre, comment une déclaration de
nationalité serait vexatoire à dix-huit ans et ne le serait pas à seize ans.
En revanche, je crains fort qu'en instaurant une nationalité française en
quelque sorte furtive, vous ne donniez la nationalité française à des étrangers
qui ne la souhaitent pas vraiment, qui ne la refuseront cependant pas, qui
accepteront les droits qu'elle confère et qui en refuseront les devoirs.
La France, comme tous les pays de la Communauté, est aujourd'hui soumise à une
forte immigration. Cependant, tous les juristes le soulignent, en aucun cas il
ne faut établir un rapprochement trop grand entre immigration et nationalité,
sauf, bien entendu - mais cela est peut-être votre projet, madame le ministre -
à faire disparaître la nation elle-même pour la dissoudre dans un ensemble plus
vaste ou à voir notre pays se transformer en juxtaposition de communautés
hétérogènes.
Toutes les nations ont un droit de la nationalité conforme à leur histoire.
L'Allemagne privilégie le droit du sang parce que son unité s'est faite
tardivement, et les Etats-Unis le droit du sol parce que c'est une terre
essentiellement d'immigration. Notre droit avait trouvé son équilibre avec la
loi de 1993 et c'est cet équilibre que vous allez rompre.
De surcroît, l'Assemblée nationale a introduit une disposition qui permet à
l'enfant de treize ans, avec l'assistance d'un de ses parents, de demander la
nationalité française. Ainsi, l'Assemblée nationale instaure une inégalité dans
les familles, qui auront la possibilité de demander la nationalité française
pour certains de leurs enfants et non pour d'autres. Par cette mesure, vous
favorisez également les fraudes, les parents d'enfants français n'étant plus
expulsables.
En outre, la loi de 1993 avait établi un délai de deux ans pour obtenir la
nationalité par le mariage. Le problème des mariages blancs, que votre majorité
affirme ne pas connaître, existe depuis longtemps. Dès 1984, on a instauré un
délai de six mois, qui a été porté à deux ans par la loi précitée. Vous ramenez
ce délai à un an.
Si le projet, dont font état les médias, de donner la possibilité aux maires
de prononcer des divorces aboutit par ailleurs, on pourra dire, madame le
ministre, que votre gouvernement a fait de l'institution du mariage le plus sûr
moyen d'obtenir une nationalité de complaisance. Cela, madame le ministre,
n'est pas admissible. Un gouvernement qui bafoue les institutions fondant un
Etat dont il conduit la politique prend un risque insupportable pour
l'avenir.
Votre projet de loi, madame le ministre, est un projet de loi de circonstance.
La loi de 1993 aurait pu subir des modifications de détail, comme l'allongement
du délai pendant lequel un jeune pourrait choisir la nationalité française,
mais elle n'avait pas à être bouleversée.
Décidément, madame le ministre, le gouvernement auquel vous appartenez, dans
l'esprit des gouvernements socialistes qui vous ont précédé, retrouve ses vieux
démons en divisant la communauté nationale et en donnant aux extrémistes de
droite la possibilité de renforcer plus encore leur position.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le débat sur
la nationalité doit être l'occasion de rappeler la grande générosité de notre
pays qui, au fil des siècles, s'est construit sur d'innombrables venues
d'étrangers. La France a toujours fait preuve d'une hospitalité exemplaire et
n'a jamais refusé ceux qui désiraient se joindre à elle. Aujourd'hui, un grand
nombre de ces personnes d'origines multiples, ou leurs descendants, sont
devenus Français.
D'un pays à l'autre, la notion de nationalité n'a pas la même portée, car les
conditions pour l'acquérir ou l'histoire des flux de populations ne sont pas
identiques. Chez certains de nos voisins européens, c'est la filiation qui
reste la principale cause, comme en Allemagne. Pour d'autres, même dans les cas
où il y a une possibilité d'attribution automatique de la nationalité en raison
de la naissance sur le territoire, les conditions d'accès sont généralement
beaucoup plus restrictives que celles qui sont présentées dans ce projet de
loi.
Il faut rappeler que la France est, par tradition, un pays d'accueil et que la
tolérance et la liberté font partie de son identité. Sur ces principes, et dans
l'absolu, ces grandes idées sont louables. Nous en sommes tous d'accord sur les
travées de la majorité du Sénat. Mais je crois qu'il faut que nous débattions
non pas autour de concepts philosophiques mais à partir de la réalité.
Quand on parle de nationalité, on ne peut s'empêcher de réfléchir sur le
phénomène d'immigration amenant sur notre sol des individus qui pourront
eux-mêmes devenir Français ou avoir des enfants qui le deviendront. A ce titre,
on peut se demander si, en cette matière, il est bien utile de légiférer, quand
on voit que par une simple circulaire le Gouvernement est capable de
régulariser plusieurs dizaines de milliers de sans-papiers !
Le texte qui nous est présenté a pour objet de modifier la réponse à la
question : qu'est-ce qu'être Français ? Il faut véritablement ramener cette
réflexion aux réalités de terrain. Avec votre projet de loi, madame le
ministre, la nationalité française sera accordée sans déclaration de volonté à
tous ceux qui sont nés en France et qui y ont passé cinq années de façon
continue ou discontinue depuis l'âge de onze ans.
Ce texte est d'une grande hypocrisie, et tout d'abord parce qu'il juxtapose
deux thèses qui sont diamétralement opposées à savoir l'automaticité de la
nationalité à la majorité et la possibilité de manifester sa volonté pour
l'acquérir. Madame le ministre, vous prônez une chose et son contraire : on
peut choisir la nationalité française, mais de toute façon, si on ne le fait
pas, on devient Français.
Mais votre texte est également hypocrite car il trompe l'opinion publique. Le
Gouvernement justifie le dépôt de ce projet de loi pour revenir au droit du
sol. Or, ce dernier - plusieurs orateurs l'ont rappelé - n'avait pas été
supprimé par la loi de 1993, qui concernait les étrangers nés en France.
Enfin, votre texte est hypocrite parce qu'il ne tient absolument pas compte
d'une réalité sociale : de nombreux jeunes d'origine étrangère sont contre ce
principe automatique.
C'est en quelque sorte leur forcer la main.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Absolument !
M. Christian Demuynck.
C'est ne pas respecter leur liberté de choix. Avec la loi de 1993, un jeune
d'origine étrangère qui demande la nationalité française, s'engage dans un
processus d'appartenance nationale avec toutes les obligations que cela
comporte. Cette appartenance est l'expression de sa volonté. Dorénavant,
l'appartenance nationale sera l'expression de la volonté du gouvernement
Jospin. Ces jeunes deviendront peut-être Français administrativement, mais ils
ne le seront sans doute pas tous dans leur coeur et dans leurs convictions.
Décider de devenir Français, c'est aussi un moyen d'exprimer sa volonté de
s'intégrer. Avec votre texte, cette manifestation n'existera plus.
Madame le ministre, venez voir ce qui se passe dans les quartiers difficiles
de banlieue comme la Seine-Saint-Denis ! La plupart du temps, les délinquants
notoires ou les trafiquants, lorsqu'ils sont d'origine étrangère, refusent de
s'intégrer dans notre système. Ils le haïssent, l'utilisent et l'exploitent à
leur profit dans la violence. Et croyez-moi, il y en a plus qu'on vous le dit.
Grâce à ce projet de loi, ces individus deviendront automatiquement Français,
ce qui, à mon avis, est absurde et scandaleux. Théoriquement, ils auront la
possibilité de décliner la qualité de Français dans les six mois qui précèdent
leur majorité ou dans les douze mois qui la suivent, et sous réserve qu'ils
prouvent qu'ils ont la nationalité d'un Etat étranger. Pensez-vous que, pendant
ce laps de temps, ces délinquants qui n'ont nullement l'intention de devenir
Français - ni autre chose d'ailleurs - engageront une quelconque démarche ?
De plus, ce projet de loi supprime, comme l'a excellemment démontré notre
collègue Michel Caldaguès, l'obligation qui était faite aux jeunes de ne pas
être condamnés entre dix-huit et vingt et un ans, pour certains crimes ou
délits graves s'ils voulaient obtenir la nationalité française.
Grâce à vous, madame le ministre, un criminel, même emprisonné, pourra devenir
Français. Il deviendra alors inexpulsable ! C'est donc la société française qui
devra prendre en charge sa présence sur le territoire et assurer sa
réinsertion. Ces quelques réflexions marquent bien les effets pernicieux et
dangereux de votre projet de loi.
Il l'est d'autant plus qu'il a été élaboré de manière hâtive, contrairement à
la loi de 1993, qui l'avait été à la suite d'une large concertation menée dans
le cadre de la commission Marceau Long, nommée en 1987 par Jacques Chirac.
Cette commission, impliquant toutes les sensibilités politiques et religieuses,
avait permis de dégager un véritable consensus.
Mais le Gouvernement a décidé de revenir sur la réforme de 1993 par pure
idéologie. D'ailleurs, certains élus de gauche ne sont pas vraiment convaincus
de la nécessité de réformer la loi existante.
A contrario,
d'autres, on
l'a entendu tout à l'heure, voudraient bien aller encore plus loin et donner la
nationalité française, dès la naissance, à tout enfant étranger né en
France.
Pour satisfaire sa majorité plurielle, le Gouvernement est donc obligé de
faire le grand écart, avec un texte confus et contradictoire. Ce qui me
préoccupe le plus, ce qui est à mon avis le plus grave, madame le ministre,
c'est que vous ne prenez pas en compte la réalité sociale de la France, les
problèmes de logement, d'emploi, d'éducation, d'exclusion. Si vous ne les
réglez pas, vous ajouterez la misère à la misère. Vos principes idéologiques
vous font oublier les gens.
D'ailleurs, dans un récent sondage réalisé fin novembre, plus des trois quarts
des personnes interrogées ont déclaré être favorables à l'exigence d'une
manifestation de volonté et seulement 19 % ont jugé que les enfants d'étrangers
devaient être automatiquement reconnus comme Français. Dans cette même enquête,
trois personnes sur quatre se sont également prononcées pour un référendum qui
est certainement la meilleure solution pour sortir de l'idéologie.
C'est pourquoi la majorité sénatoriale a adopté, le 18 décembre dernier, une
motion tendant à l'organisation d'un référendum sur la nationalité. D'emblée,
le Gouvernement s'y est opposé, au motif que le sujet serait inconstitutionnel,
ce qui reste à démontrer et à prouver. Les Français retiendront simplement que
vous avez refusé de donner la parole au peuple.
Madame le ministre, votre réforme est mauvaise pour notre pays ; le
Gouvernement en portera la lourde responsabilité.
(Applaudissement sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je serai brève, car j'avais déjà donné mon
point de vue dans la présentation que j'avais faite du projet de loi avant Noël
et, d'ailleurs, M. le rapporteur lui-même avait également donné le sien. Je ne
crois pas utile aujourd'hui de revenir sur un long exposé ; tous les arguments
ont été échangés ici, cet après-midi.
Je dois dire que j'adhère particulièrement aux arguments qui ont été
développés, avec grand talent, par M. Badinter, à ceux aussi qui ont été émis
par M. Duffour avec beaucoup de pugnacité sur l'idée d'intégration ou encore à
ceux de M. Allouche, dont je partage la révolte.
J'adhère également, et je les en remercie, aux propos de Mmes Dusseau et
Cerisier-ben Guiga, qui ont su faire part, l'une et l'autre, de leur expérience
avec beaucoup de conviction.
Je ne partage pas, en revanche, les points de vue développés par les orateurs
qui siègent du côté droit de la Haute Assemblée et qui n'ont pas la même idée
de la France que nous.
Leur approche, me paraît, comme l'a dit très justement M. Badinter tout à
l'heure, contraire à notre intérêt national. Il l'a d'ailleurs si bien dit que
je n'insisterai pas.
Je ne reviendrai pas non plus les quelques accusations, notamment de la part
des deux derniers orateurs, d'hypocrisie, de perversion et qui nous reprochent
de livrer la France à des délinquants, à des personnes à qui nous donnerions la
nationalité et qui viendraient violer les femmes et tuer des enfants.
M. Christian Demuynck.
Il faut sortir !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne répondrai pas à ces propos car tout ce qui est
excessif est insignifiant. D'ailleurs, je le répète, j'avais déjà longuement
exposé mon point de vue dans la présentation de ce projet de loi que j'avais
faite avant Noël et que M. Caldaguès a bien voulu citer presque
in
extenso
. A cette heure, où, je le suppose, nous avons tous envie d'aller
dîner, de rejoindre nos foyers, j'éviterai donc les répétitions.
Au moins, suis-je satisfaite de constater qu'ici, au Sénat, on peut s'écouter,
parler ; on peut s'entendre. C'est déjà effectivement un acquis important.
Je voudrais néanmoins revenir sur quelques points et, tout d'abord, sur la
question du référendum.
Je n'ai pas pu m'exprimer devant vous avant Noël, au moment où a été déposée
la motion tendant à l'organisation d'un référendum ; mais il se trouve que je
l'ai fait le même jour devant l'Assemblée nationale et je ne vais pas ici
rouvrir un débat qui est maintenant clos.
Je voudrais simplement dire, puisque deux ou trois orateurs sont revenus sur
ce problème, que le recours au référendum sur cette question de la nationalité
n'est ni juridiquement possible...
M. Patrice Gélard.
C'est faux !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... ni politiquement opportun.
Il n'est pas juridiquement possible car, à supposer que les deux assemblées,
dans les mêmes termes, ou le Premier ministre proposent au Président de la
République un référendum sur ce projet, le libellé même de l'article 11 de la
Constitution exclut précisément le droit civil, donc la nationalité, de cette
possibilité.
M. Christian Demuynck.
Mais non, madame le ministre !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'ai, devant l'Assemblée nationale, développé les
arguments qui ont été avancés par d'éminents juristes tels que M. Pierre
Mazeaud ou mon prédécesseur M. Jacques Toubon, quand la question lui a été
explicitement posée au moment de la révision de la Constitution, en 1994 : le
droit civil, donc la nationalité, le droit des personnes, est explicitement
exclu du champ d'application du référendum.
M. Patrice Gélard.
C'est faux !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Cela n'est pas réfutable.
En revanche, ce qui est plus discutable, c'est, je le reconnais,
l'appréciation politique que l'on porte. Or, pour ma part, j'affirme qu'un tel
recours est politiquement inopportun car - nos débats le montrent - il s'agit
là d'une question complexe à laquelle on ne peut répondre par oui ou par non.
Le risque qui existe dans tout référendum de répondre à côté de la question
posée serait encore plus grand sur un tel sujet que sur d'autres, ce qui serait
dramatique.
Telles sont les deux raisons pour lesquelles je pense qu'il est en effet
important de faire confiance à la représentation nationale, à vos assemblées,
qui sont, je crois, les lieux où l'on doit discuter de ces questions dans le
détail et appréhender, comme nous avons tenté de le faire cet après-midi, tous
les aspects de la question.
Ce qui nous sépare - et ce sera mon deuxième point - en apparence, c'est peu
de choses : il s'agit de la modification d'une disposition de la loi de 1993
qui subordonne l'acquisition de la nationalité française à une déclaration
formelle auprès d'une administration ou devant un tribunal.
Ce n'est pas un abandon du droit de sol, je l'ai dit dans ma présentation du
projet de loi, et M. Badinter l'a rappelé opportunément tout à l'heure, mais
c'est néanmoins une très profonde modification de la signification et des
conditions d'acquisition de la nationalité française.
Pour nous, le Gouvernement et moi, il est en effet très important, même
fondamental, de ne pas courir le moindre risque de laisser au bord de la route
ne fût-ce qu'un seul de ces enfants qui est né chez nous, qui a appris notre
langue et qui ne peut concevoir sa vie ailleurs que chez nous. S'il avait qu'un
seul de ces enfants que nous puissions laisser au bord de la route parce qu'il
aurait oublié de faire cette déclaration, parce qu'il n'aurait pas su ou pas pu
faire cette déclaration,...
M. Louis Boyer.
Ou pas voulu !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... cette seule exception justifierait que l'on en
revienne à ce qui a été la loi de la France depuis cent ans et à ce qui a été
notre tradition.
Nous désirons aussi que cette acquisition de plein droit à dix-huit ans pour
les jeunes qui non seulement sont nés chez nous, mais qui, de plus, peuvent
prouver qu'ils ont passé cinq ans dans notre pays - c'est-à-dire qu'ils ont été
intégrés - puisse être acquise plus tôt, à partir de l'âge de treize ans.
Pourquoi pas dès la naissance, comme le prévoyait la loi de 1973, m'ont
demandé certains d'entre vous ? Je veux, parce que plusieurs intervenants ont
évoqué cette question, redire ici très brièvement pourquoi le Gouvernement n'a
pas choisi cette solution.
Tout d'abord, nous avons entendu privilégier la manifestation de la volonté de
l'enfant. Ensuite, nous avons voulu éviter que ne se manifeste une volonté des
parents qui n'aurait pas grand-chose à voir avec l'acquisition de la
nationalité, mais qui serait plutôt liée à l'acquisition d'un titre de séjour,
et donc éviter, justement, cette confusion que j'estime extraordinairement
regrettable entre immigration et nationalité.
Voilà les raisons qui nous ont conduits à ne pas revenir à cette disposition
de la loi de 1973.
A ces enfants qui sont nés chez nous, qui ont vocation à devenir Français et
qui auront la responsabilité de demander la nationalité française à partir de
l'âge de treize ans, nous affirmons qu'ils auront un titre indiquant qu'ils ont
cette vocation de devenir Français. D'emblée, nous leur disons donc que, oui,
nous les acceptons chez nous et qu'ils n'auront pas, autrement que par le choix
de vie qu'ils ont fait chez nous, d'autres preuves à fournir que celle de la
résidence.
Au-delà de la modification que j'ai soulignée à l'instant, une question plus
importante qui a été abordée cet après-midi nous sépare : il s'agit du sens que
nous donnons à l'acquisition de la nationalité française.
Acquiert-on celle-ci par le choix de vie, jour après jour, chez nous, le choix
de notre culture, de notre langue, manifestant ainsi la coupure avec ses
arrières, l'absence de possibilité de retour - c'est ainsi que le vivent les
jeunes que je connais et que je rencontre dans tous ces quartiers - ou bien
l'acquiert-on en accomplissant une fois une formalité auprès d'une
administration ? Pour nous, la manifestation de la volonté de devenir Français,
c'est ce choix de vie.
M. Patrice Gélard.
Ce n'est pas cela !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Derrière cela, c'est finalement la confiance dans la
capacité d'intégration de notre pays, car quasiment tous les orateurs situés à
la gauche de l'hémicycle l'ont souligné, c'est cela qui est en jeu : avons-nous
confiance dans la capacité et dans la volonté d'intégration de ces jeunes nés
en France ?
M. Guy Allouche.
Très bien !
M. Hilaire Flandre.
C'est nous qu'il faut convaincre !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Pour ma part, j'ai confiance dans la capacité de notre
pays, mais aussi dans la volonté de ces jeunes de s'intégrer chez nous, car je
constate qu'ils ne sont pas différents de ceux qui sont nés de parents déjà
français et qu'ils ont justement la même volonté de ne pas être différents des
autres et de participer pleinement à la vie de la France.
Vous soutenez que l'immigration a changé. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit.
Nous ne parlons pas d'immigration, nous parlons d'intégration de jeunes nés en
France, des enfants de ces immigrés que, par définition, nous avons acceptés
chez nous, et que, souvent, nous avons même incités à venir !
On entend aussi affirmer que ceux-là sont différents. Certes, leurs parents
viennent, pour beaucoup, d'un autre continent ; certains ont la peau plus
foncée, d'autres ont la peau carrément noire ; certains sont musulmans, Mme
Cerisier-ben Guiga l'a rappelé, mais beaucoup sont chrétiens. Et alors ?
Pourquoi les caractéristiques des parents et de leurs enfants empêcheraient
l'intégration de ces derniers à partir du moment où nous avons confiance dans
la capacité de notre pays à la mener à bien et dans la volonté de ces jeunes de
s'intégrer ?
J'ai la même expérience que celle qu'a évoquée avec beaucoup d'émotion M.
Badinter. Je vois, chaque fois que je vais dans ma circonscription ou dans des
quartiers, des jeunes manifester cet immense désir de devenir Français.
M. Bernard Plasait.
Il y en a !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
C'est la très grande majorité.
Nous leur proposons d'être Français de plein droit et, si telle n'est pas leur
volonté, de le dire explicitement, car nous ne voulons pas imposer la
nationalité française à quelqu'un contre son gré.
J'ai confiance en la capacité de notre pays de 60 millions d'habitants
d'intégrer chaque année 25 000 jeunes nés chez nous et issus de parents
étrangers.
Je crois profondément qu'il ne peut pas y avoir les vrais Français - j'ai
entendu cela tout à l'heure - et les autres.
M. Louis Boyer.
Il y en a qui sont fiers de l'être !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Cette distinction me révulse, je le dis aussi fortement
que je le pense et que je le ressens. Je crois que, quand on a une certaine
idée de la France, il ne peut y avoir que des Françaises et des Français,
quelle que soit leur origine.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, la suite de la discussion est renvoyée à la prochaine
séance.
11
COMMUNICATION DE L'ADOPTION
DE PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre des communications l'informant de l'adoption définitive de propositions d'actes communautaires :
Communication du 29 décembre 1997
N° E 949. - Règlement CE du Conseil concernant l'interruption de certaines relations économiques avec la Sierra Leone (décision du Conseil du 8 décembre 1997).
Communication du 30 décembre 1997
N° E 939. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion, au nom de la Communauté européenne, pour les matières relevant de sa compétence, des résultats des négociations de l'OMC sur les services de télécommunications de base ( Corrigendum au document COM [97] 368 final) (décision du Conseil du 28 novembre 1997).
Communication du 8 janvier 1998
N° E 594. - Proposition de décision du Conseil portant révision à mi-parcours
de la décision 91/482/CEE du Conseil, du 25 juillet 1991, relative à
l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté européenne
(décision du Conseil du 24 novembre 1997).
N° E 597. - Proposition de décision du Conseil en vue de l'adhésion de la
Communauté européenne à l'accord révisé de 1958 concernant l'adoption de
conditions uniformes d'homologation et la reconnaissance réciproque de
l'homologation des équipements et pièces de véhicules à moteur (décision du
conseil du 27 novembre 1997).
N° E 937. - Proposition de règlement (CE) du Conseil prorogeant la validité du
programme destiné à promouvoir la coopération internationale dans le secteur de
l'énergie-programme Synergy établi par le règlement CE 701/97 du Conseil du 14
avril 1997 (décision du Conseil du 18 décembre 1997).
N° E 958. - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant prolongation de
la période prévue à l'article 149, paragraphe 1, de l'acte d'adhésion de
l'Autriche, de la Finlande et de la Suède (décision du Conseil du 18 décembre
1997).
N° E 978. - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant modification du
règlement CE n° 70/97 relatif au régime applicable aux importations, dans la
Communauté, de produits originaires des républiques de Bosnie-Herzégovine, de
Croatie, de la République fédérale de Yougoslavie et de l'ancienne république
yougoslave de macédoine et aux importations de vins originaires de la
République de Slovénie (décision du Conseil du 29 décembre 1997).
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication,
en date du 8 janvier 1998, l'informant de l'adoption partielle d'une
proposition d'acte communautaire :
N° E 936. - Partie concernant la proposition de règlement (CE) du Conseil
modifiant le règlement 3094/95 et prorogeant les dispositions pertinentes de la
septième directive du Conseil concernant les aides à la construction navale
(décision du Conseil du 19 décembre 1997).
12
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Alain Vasselle une proposition de loi relative à
l'amélioration de la prise en charge des personnes atteintes de démence sénile
et, en particulier, de la maladie d'Alzheimer.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 210, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
J'ai reçu de MM. Jean-Paul Delevoye et Louis Souvet une proposition de loi
tendant à mieux réglementer les pratiques du merchandisage, afin d'éviter
certaines pratiques abusives constatées dans le secteur de la grande
distribution.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 211, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
J'ai reçu de MM. Jean-Paul Delevoye et Paul Girod une proposition de loi
relative aux modalités de participation des collectivités locales au capital
des sociétés financières.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 212, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, de suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de MM. Jean-Paul Delevoye et Daniel Hoeffel une proposition de loi
relative aux aides au développement économique des établissements publics de
coopération intercommunale.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 213, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, de suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de MM. Christian Poncelet, Michel Alloncle, Louis Althapé, Henri
Belcour, Roger Besse, Jean Bizet, Paul Blanc, Gérard Braun, Mme Paulette
Brisepierre, MM. Robert Calmejane, Jean-Pierre Camoin, Gérard César, Jacques
Chaumont, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Luc
Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Jacques Delong, Christian Demuynck, Michel Doublet,
Alain Dufaut, Daniel Eckenspieller, Hilaire Flandre, Yann Gaillard, Patrice
Gélard, Alain Gérard, François Gerbaud, Daniel Goulet, Alain Gournac, Adrien
Gouteyron, Georges Gruillot, Hubert Haenel, Emmanuel Hamel, Bernard Hugo,
Jean-Paul Hugot, Roger Husson, Alain Joyandet, Lucien Lanier, Gérard Larcher,
René-Georges Laurin, Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Jean-François Le
Grand, Maurice Lombard, Philippe Marini, Pierre Marin, Jacques de Menou, Mme
Lucette Michaux-Chevry, MM. Lucien Neuwirth, Paul d'Ornano, Jacques Oudin,
Soséfo Makapé Papilio, Roger Rigaudière, Jean-Jacques Robert, Michel Rufin,
Maurice Schumann, Martial Taugourdeau, René Trégouët, Jacques Valade et Serge
Vinçon une proposition de loi tendant à alléger les charges sur les bas
salaires.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 217, distribuée et renvoyée
à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques
de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission
spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Jacques Delong, Georges Berchet, Michel Alloncle, Louis
Althapé, Jean Bernard, Mme Paulette Brisepierre, MM. Robert Calmejane, Gérard
César, Désiré Debavelaere, Jean-Paul Delevoye, Michel Doublet, Bernard
Fournier, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Daniel Goulet,
Emmanuel Hamel, Jean-Paul Hugot, Roger Husson, André Jourdain, Lucien Lanier,
Maurice Lombard, Philippe Marini, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Maurice
Schumann et Alain Vasselle une proposition de loi tendant à répartir plus
équitablement le produit de la taxe professionnelle payée localement par les
centrales nucléaires productrices d'énergie et génératrices de déchets à plus
ou moins longue durée de radioactivité.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 218, distribuée et renvoyée
à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques
de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission
spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
13
RENVOI POUR AVIS
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi relatif à l'application de la convention du 13 janvier 1993 sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction (n° 291, 1996-1997) dont la commission des affaires économiques et du Plan est saisie au fond est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
14
DÉPO^T D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement du Conseil visant à étendre aux ressortissants de
pays tiers le règlement CEE n° 1408/71 relatif à l'application des régimes de
sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et
aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-996 et
distribuée.
15
DÉPO^T DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Paul Girod un rapport fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur la proposition de loi, adoptée avec modifications
par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative au fonctionnement des
conseils régionaux (n° 207, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 214 et distribué.
J'ai reçu de M. Pierre Fauchon un rapport fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur le projet de loi organique adopté par l'Assemblée
nationale, portant recrutement exceptionnel de magistrats de l'ordre judiciaire
et modifiant les conditions de recrutement des conseillers de cour d'appel en
service extraordinaire (n° 206, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 216 et distribué.
16
DÉPO^T D'UN AVIS
M. le président.
J'ai reçu de M. Lucien Lanier un avis présenté au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale après déclaration d'urgence, tendant à améliorer les conditions
d'exercice de la profession de transporteur routier (n° 161, 1997-1998).
L'avis sera imprimé sous le numéro 215 et distribué.
17
DÉPO^TS RATTACHÉS POUR ORDRE
AU PROCE`S-VERBAL
DE LA SÉANCE DU 18 DÉCEMBRE 1997
DÉPO^TS DE PROJETS DE LOI ORGANIQUE
M. le président.
M. le pésident du Sénat a reçu le 8 janvier 1998 de M. le Premier ministre un
projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, portant recrutement
exceptionnel de magistrats de l'ordre judiciaire et modifiant les conditions de
recrutement des conseillers de cour d'appel en service extraordinaire.
Ce projet de loi organique sera imprimé sous le numéro 206, distribué et
renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
J'ai reçu le 8 janvier 1998 de M. le Premier ministre un projet de loi
organique, modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, déterminant
les conditions d'application de l'article 88-3 de la Constitution relatif à
l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres
que les ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité aux
élections municipales, et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19
décembre 1994.
Ce projet de loi organique sera imprimé sous le numéro 208, distribué et
renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
DÉPÔT DE PROJETS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, le 19 décembre 1997, de M. le Premier ministre un projet de loi,
adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification et modification de
l'ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la
santé publique à Mayotte.
Ce projet de loi a été imprimé sous le numéro 195, distribué et renvoyé à la
commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle
d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, le 19 décembre 1997, de M. le Premier ministre un projet de loi,
adopté par l'Assemblée nationale, portant habilitation du Gouvernement à
prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à
l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.
Ce projet de loi a été imprimé sous le numéro 196, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
J'ai reçu, le 19 décembre 1997, de M. le Premier ministre un projet de loi,
adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord
interne entre les représentants des gouvernements des Etats membres, réunis au
sein du Conseil relatif au financement et à la gestion des aides de la
Communauté dans le cadre du second protocole financier de la quatrième
convention ACP-CE.
Ce projet de loi a été imprimé sous le numéro 197, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, le 19 décembre 1997, de M. le Premier ministre un projet de loi,
adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du protocole à la
quatrième convention entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une
part, et le groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'autre
part (dite convention ACP-CE de Lomé), à la suite de l'adhésion de la
République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à
l'Union européenne.
Ce projet de loi a été imprimé sous le numéro 198, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, le 19 décembre 1997, de M. le Premier ministre un projet de loi,
adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord
portant modification de la quatrième convention entre la Communauté européenne
et ses Etats membres, d'une part, et le groupe des Etats d'Afrique, des
Caraïbes et du Pacifique, d'autre part (dite convention ACP-CE de Lomé).
Ce projet de loi a été imprimé sous le numéro 199, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, le 2 janvier 1998, de M. le Premier ministre un projet de loi
autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République de Namibie en vue
d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscale
en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
Ce projet de loi a été imprimé sous le numéro 202, distribué et renvoyé à la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale
dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, le 2 janvier 1998, de M. le Premier ministre un projet de loi
autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République de Namibie sur la coopération
culturelle, scientifique et technique.
Ce projet de loi a été imprimé sous le numéro 203, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, le 8 janvier 1998, de M. le Premier ministre un projet de loi
autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière
civile entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de
la République fédérative du Brésil.
Ce projet de loi sera imprimé sous le numéro 204, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, le 8 janvier 1998, de M. le Premier ministre un projet de loi
autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la République
française et la Confédération suisse en vue d'éviter les doubles impositions en
matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 9 septembre 1966 et
modifiée par l'avenant du 3 décembre 1969, et au protocole final annexé à la
convention entre la République française et la Confédération suisse en vue
d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les successions signée
le 31 décembre 1953.
Ce projet de loi sera imprimé sous le numéro 205, distribué et renvoyé à la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale
dans les conditions prévues par le règlement.
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, le 24 décembre 1997, de M. Edouard Le Jeune une proposition de loi
tendant à instituer une journée nationale de la Résistance.
Cette proposition de loi a été imprimée sous le numéro 200, distribuée et
renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
J'ai reçu, le 29 décembre 1997, de MM. Jean-Paul Delevoye, Jean Bizet,
Dominique Braye, Mme Paulette Brisepierre, MM. Robert Calmejane, Jean-Pierre
Camoin, Charles Ceccaldi-Raynaud, Gérard César, Désiré Debavelaere, Luc Dejoie,
Jacques Delong, Michel Doublet, Yann Gaillard, Patrice Gélard, Alain Gérard,
François Gerbaud, Charles Ginésy, Daniel Goulet, Alain Gournac, Georges
Gruillot, Hubert Haenel, Jean-Paul Hugot, Roger Husson, André Jourdain, Alain
Joyandet, Edmond Lauret, Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Jean-François Le
Grand, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Jacques Oudin, Victor Reux, Louis
Souvet, René Trégouët, Jacques Valade une proposition de loi relative au statut
des membres des conseils économiques et sociaux régionaux.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le numéro 201, distribuée et
renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
J'ai reçu, le 8 janvier 1998, de M. Jean-Michel Baylet et Mme Joëlle Dusseau
une proposition de loi relative au mode d'élection des sénateurs.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le numéro 209, distribuée et
renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, le 8 janvier 1998, de M. le président de l'Assemblée nationale une
proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, relative au fonctionnement des conseils régionaux.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le numéro 207, distribuée et
renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
DÉPÔT DE PROPOSITIONS D'ACTES COMMUNAUTAIRES
M. le président.
J'ai reçu, le 19 décembre 1997, de M. le Premier ministre la proposition
d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en
application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement CE du Conseil relatif à certaines modalités
d'application de coopération entre la Communauté européenne et l'ancienne
République yougoslave de Macédoine.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E-984 et
distribuée.
J'ai reçu, le 19 décembre 1997, de M. le Premier ministre la proposition
d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en
application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil relative à la conclusion du protocole
d'adaptation des aspects commerciaux de l'accord sur la libéralisation des
échanges et l'institution de mesures d'accompagnement entre les Communautés
européennes, d'une part, et la République d'Estonie, d'autre part, pour tenir
compte de l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande
et du Royaume de Suède à l'Union européenne et des résultats des négociations
agricoles de l'Uruguay Round y inclus les améliorations du régime préférentiel
existant.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E-985 et
distribuée.
J'ai reçu, le 19 décembre 1997, de M. le Premier ministre la proposition
d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en
application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement CE du Conseil portant reconduction en 1998 des
mesures prévues au règlement CE n° 1416/95 établissant certaines concessions
sous forme de contingents tarifaires communautaires en 1995 pour certains
produits agricoles transformés.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-986 et
distribuée.
J'ai reçu, le 24 décembre 1997, de M. le Premier ministre la proposition
d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en
application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil instituant un fonds européen de garantie
pour encourager la production cinématographique et télévisuelle.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-987 et
distribuée.
J'ai reçu, le 29 décembre 1997, de M. le Premier ministre la proposition
d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en
application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement CE du Conseil modifiant le règlement du Conseil n°
1734/94 du 11 juillet 1994 relatif à la coopération financière et technique
avec les territoires occupés.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-988 et
distribuée.
J'ai reçu, le 29 décembre 1997, de M. le Premier ministre la proposition
d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en
application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement CE du Conseil instaurant un mécanisme
d'intervention de la Commission pour l'élimination de certaines entraves aux
échanges.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-989 et
distribuée.
J'ai reçu, le 29 décembre 1997, de M. le Premier ministre la proposition
d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en
application de l'article 88-4 de la Constitution :
- décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord entre la Communauté
européenne et la république d'Azerbaïdjan sur le commerce des produits
textiles.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-990 et
distribuée.
J'ai reçu, le 29 décembre 1997, de M. le Premier ministre la proposition
d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en
application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil relative à la conclusion du protocole
d'adaptation des aspects commerciaux de l'accord sur la libéralisation des
échanges et l'institution de mesures d'accompagnement entre les Communautés
européennes, d'une part, et la République de Lituanie, d'autre part, pour tenir
compte de l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande
et du royaume de Suède à l'Union européenne et des résultats des négociations
agricoles de l'Uruguay Round, y inclus les améliorations du régime préférentiel
existant.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-991 et
distribuée.
J'ai reçu le 29 décembre 1997 de M. le Premier ministre la proposition d'acte
communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de
l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil adoptant un plan d'action communautaire
pluriannuel visant à promouvoir une utilisation sûre d'Internet ; communication
de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et
social et au Comité des régions sur ce plan d'action.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-992 et
distribuée.
J'ai reçu, le 8 janvier 1998, de M. le Premier ministre la proposition d'acte
communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de
l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement CE du Conseil relatif au financement de la
politique agricole commune.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-993 et
distribuée.
J'ai reçu, le 8 janvier 1998, de M. le Premier ministre la proposition d'acte
communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de
l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les
directives 89/48/CEE et 92/51/CEE concernant le système général de
reconnaissance des qualifications professionnelles et complétant les directives
77/452/CEE, 77/453/CEE, 78/686/CEE, 78/687/CEE, 78/1026/CEE, 78/1027/CEE,
80/154/CEE, 80/155/CEE, 85/384/CEE, 85/432/CEE, 85/433/CEE et 93/16/CEE
concernant les professions d'infirmier responsable de soins généraux, de
praticien de l'art dentaire, de vétérinaire, de sage-femme, d'architecte, de
pharmacien et de médecin.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-994 et
distribuée.
J'ai reçu, le 8 janvier 1998, de M. le Premier ministre la proposition d'acte
communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de
l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement CE, Euratom du Conseil portant application de la
décision 94/728/CE, Euratom relative au système des ressources propres des
Communautés.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-995 et
distribuée.
18
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 14 janvier 1998.
A neuf heures trente :
1. - Suite de la discussion du projet de loi (n° 145, 1997-1998), adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la nationalité.
Rapport (n° 162, 1997-1998) de M. Christian Bonnet au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale.
Aucun amendement n'est plus recevable.
A quinze heures et le soir :
2. - Discussion du projet de loi organique (n° 206, 1997-1998), adopté par
l'Assemblée nationale, portant recrutement exceptionnel de magistrats de
l'ordre judiciaire et modifiant les conditions de recrutement des conseillers
de cour d'appel en service extraordinaire.
Rapport (n° 216, 1997-1998) de M. Pierre Fauchon, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion
générale.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble.
3. - Suite de l'ordre du jour du matin.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
- Proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, renforçant la protection des personnes surendettées en cas de
saisie immobilière (n° 259, 1996-1997).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 14 janvier 1998, à
dix-sept heures.
- Conclusions de la commission des affaires sociales (n° 187, 1997-1998) sur
la proposition de loi de M. Louis Souvet et de plusieurs de ses collègues
tendant à diminuer les risques de lésions auditives lors de l'écoute de
baladeurs et de la fréquentation des discothèques (n° 194, 1996-1997).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 14 janvier 1998, à
dix-sept heures.
- Conclusions de la commission des affaires économiques (n° 177, 1997-1998)
sur :
- la proposition de loi de M. Roland du Luart et de plusieurs de ses collègues
relative aux dates d'ouverture anticipée et de clôture de la chasse des oiseaux
migrateurs (n° 346 rect., 1996-1997) ;
- la proposition de loi de M. Michel Charasse relative aux dates d'ouverture
anticipée et de clôture de la chasse des oiseaux migrateurs (n° 359, 1996-1997)
;
- la proposition de loi de M. Pierre Lefebvre et de plusieurs de ses collègues
relative aux dates d'ouverture anticipée et de clôture de la chasse des oiseaux
migrateurs ainsi qu'à la réglementation de la chasse les concernant (n° 135,
1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 14 janvier 1998, à
dix-sept heures.
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
tendant à améliorer les conditions d'exercice de la profession de transporteur
routier (n° 161, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 19 janvier 1998, à dix-sept
heures.
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale après
déclaration d'urgence, relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France
et au droit d'asile (n° 188, 1997-1998).
Délai limite pour les inscriptions de parole de la discussion générale : mardi
20 janvier 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 26 janvier 1998, à dix-sept
heures.
- Proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, relative au fonctionnement des conseils régionaux (n° 207,
1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 21 janvier 1998, à
dix-sept heures.
- Débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur la réforme de la
justice.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 21
janvier 1998, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 13 janvier 1998
Mercredi 14 janvier 1998 :
Ordre du jour prioritaire :
A
neuf heures trente :
1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif à la nationalité (n° 145, 1997-1998).
A
quinze heures et le soir :
2° Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, portant
recrutement exceptionnel de magistrats de l'ordre judiciaire et modifiant les
conditions de recrutement des conseillers de cour d'appel en service
extraordinaire (n° 206, 1997-1998) ;
(La conférence des présidents a fixé à l'ouverture de la discussion
générale le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi
organique) ;
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Jeudi 15 janvier 1998 :
Ordre du jour établi en application de l'article 48, troisième alinéa, de
la Constitution :
A
neuf heures trente :
1° Question orale avec débat portant sur un sujet européen (n° QE-3) de M.
Nicolas About à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes sur
l'élargissement de l'Union ;
(La discussion de cette question s'effectuera selon les modalités prévues à
l'article 83
ter
du règlement) ;
2° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, renforçant la protection des
personnes surendettées en cas de saisie immobilière (n° 259, 1996-1997) ;
3° Conclusions de la commission des affaires sociales (n° 187, 1997-1998) sur
la proposition de loi de M. Louis Souvet et de plusieurs de ses collègues
tendant à diminuer les risques de lésions auditives lors de l'écoute de
baladeurs et de la fréquentation des discothèques (n° 194, 1996-1997) ;
4° Conclusions de la commission des affaires économiques (n° 177, 1997-1998)
sur :
- la proposition de loi de M. Roland du Luart et de plusieurs de ses collègues
relative aux dates d'ouverture anticipée et de clôture de la chasse des oiseaux
migrateurs (n° 346 rect., 1996-1997) ;
- la proposition de loi de M. Michel Charasse relative aux dates d'ouverture
anticipée et de clôture de la chasse des oiseaux migrateurs (n° 359, 1996-1997)
;
- la proposition de loi de M. Pierre Lefebvre et de plusieurs de ses collègues
relative aux dates d'ouverture anticipée et de clôture de la chasse des oiseaux
migrateurs ainsi qu'à la réglementation de la chasse les concernant (n° 135,
1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 14 janvier 1998, à
dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements aux
textes inscrits à l'ordre du jour de cette séance.)
A
quinze heures et, éventuellement, le soir :
5° Questions d'actualité au Gouvernement ;
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant
onze heures
) ;
6° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 20 janvier 1998 :
A
neuf heures trente :
1° Seize questions orales sans débat ;
(L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.)
-
n° 12 de Mme Marie-Claude Beaudeau à M. le secrétaire d'Etat aux anciens
combattants
(Bonifications pour campagne double accordées aux anciens
combattants d'Afrique du Nord) ;
- n° 21 de M. Jean-Paul Delevoye à Mme la ministre de la culture et de la
communication
(Financement de l'archéologie préventive) ;
-
n° 60 de M. Bernard Barraux à M. le ministre de la fonction publique, de
la réforme de l'Etat et de la décentralisation
(Avenir de la Caisse
nationale de retraite des agents des collectivités locales [CNRACL]) ;
- n° 79 de Mme Marie-Madeleine Dieulangard à M. le secrétaire d'Etat au
logement
(Régime de la taxe d'habitation applicable aux résidents des foyers
de travailleurs) ;
- n° 89 de M. René Marquès à Mme la ministre de la culture et de la
communication
(Fouilles archéologiques dans l'emprise de la nouvelle liaison
Perpignan-Canet) ;
- n° 117 de M. Daniel Hoeffel à M. le ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation
(Rémunérations complémentaires
des agents des collectivités territoriales) ;
- n° 119 de M. Dominique Braye à Mme la ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement
(Délocalisation de la SONACOTRA) ;
- n° 121 de M. Alain Dufaut à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement
(Tarif aérien sur la ligne Avignon-Paris) ;
- n° 132 de M. Jacques de Menou transmise à M. le secrétaire d'Etat au
logement
(Taux de TVA applicable aux travaux de rénovation des maisons de
retraite et foyers-logements) ;
- n° 141 de M. Franck Sérusclat à M. le ministre de l'éducation nationale, de
la recherche et de la technologie
(Rythmes scolaires) ;
- n° 144 de Michel Mercier à M. le ministre de l'intérieur
(Evolution des
prélèvements sociaux sur les indemnités des élus locaux) ;
- n° 147 de M. Rémi Herment à M. le ministre de la défense
(Conséquences et
compensations liées au départ de plusieurs régiments de la ville de Verdun)
;
- n° 149 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de la défense
(Avion de
transport futur [ATF]) ;
- n° 150 de M. José Balarello à M. le ministre de l'intérieur
(Problème des
réfugiés kurdes) ;
- n° 151 de M. Charles de Cuttoli à M. le ministre de l'économie, des finances
et de l'industrie
(Contrôle des bons anonymes) ;
- n° 152 de M. Jean-Marc Pastor à M. le secrétaire d'Etat à la santé
(Application de la loi sur les prélèvements d'organes).
A seize heures :
Ordre du jour prioritaire :
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, tendant à améliorer les conditions d'exercice de la profession de
transporteur routier (n° 161, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au
lundi 19 janvier 1998
à
dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce
projet de loi.)
Mercredi 21 janvier 1998 :
Ordre du jour prioritaire :
A quinze heures :
Discussion générale du projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'entrée et au
séjour des étrangers en France et au droit d'asile (n° 188, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé à
cinq heures
la durée globale
du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers
groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
l'ordre des
interventions
sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été
procédé au début de la session et les
inscriptions de parole
devront
être faites au service de la séance, avant
dix-sept heures, le mardi 20
janvier 1998
.)
Jeudi 22 janvier 1998 :
Ordre du jour prioritaire :
A
neuf heures trente :
1° Suite de la discussion générale du projet de loi relatif à l'entrée et
au séjour des étrangers en France et au droit d'asile (urgence déclarée) (n°
188, 1997-1998) ;
2° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative au fonctionnement des
conseils régionaux (n° 207, 1997-1998) ;
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 21 janvier 1998 à
dix-sept heures
le délai limite pour le dépôt des amendements à cette
proposition de loi.)
A
quinze heures et, éventuellement, le soir :
3° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la réforme de la
justice ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à dix minutes le temps réservé au président de la commission des lois
;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat,
les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe
;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant
dix-sept heures,
le mercredi
21 janvier 1998
.)
Mardi 27 janvier 1998 :
Ordre du jour prioritaire :
A
16 heures :
Discussion des articles du projet de loi relatif à l'entrée et au séjour des
étrangers en France et au droit d'asile (urgence déclarée) (n° 188, 1997-1998)
;
(La conférence des présidents a fixé au lundi 26 janvier 1998 à
dix-sept heures
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce
projet de loi.)
Mercredi 28 janvier 1998 :
Ordre du jour prioritaire :
A
15 heures :
Suite de la discussion des articles du projet de loi relatif à l'entrée et au
séjour des étrangers en France et au droit d'asile (urgence déclarée) (n° 188,
1997-1998).
Jeudi 29 janvier 1998 :
A
9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire :
1° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet
de loi tendant à améliorer les conditions d'exercice de la profession de
transporteur routier ;
2° Suite de la discussion des articles du projet de loi relatif à l'entrée et
au séjour des étrangers en France et au droit d'asile (urgence déclarée) (n°
188, 1997-1998) ;
A
15 heures :
3° Questions d'actualité au Gouvernement ;
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant
onze heures
) ;
Ordre du jour prioritaire :
4° Suite de la discussion des articles du projet de loi relatif à l'entrée et
au séjour des étangers en France et au droit d'asile (urgence déclarée) (n°
188, 1997-1998).
A N N E X E
Questions orales sans débat inscrites à l'ordre du jour
du mardi 20 janvier 1997
N° 12. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le secrétaire
d'Etat aux anciens combattants sur l'attribution des bénéfices de campagne
double aux fonctionnaires cheminots et agents de services publics, anciens
combattants en Afrique du Nord. Elle lui rappelle que le 9 décembre 1974, la
loi n° 74-1044 a reconnu, dans des conditions de stricte égalité avec les
combattants des conflits antérieurs, les services des anciens d'Afrique du
Nord. Elle lui rappelle également que la loi du 14 avril 1924 reconnaît les
bonifications pour les campagnes doubles comme un droit à réparation accordé
aux anciens combattants fonctionnaires et assimilés, ce bénéfice ayant été
étendu progressivement aux agents de certains services publics, tels les
cheminots (décision du ministère des transports du 31 mars 1964). Elle lui
demande quelles mesures il envisage pour accorder aux anciens combattants
fonctionnaires cheminots et agents des services publics ayant combattu en
Afrique du Nord le bénéfice de campagne double.
N° 21. - M. Jean-Paul Delevoye appelle l'attention de Mme le ministre de la
culture et de la communication sur la question du financement de l'archéologie
préventive, destinée à sauver le patrimoine archéologique découvert à
l'occasion d'opérations de démolition, de construction de biens immobiliers, de
réalisation de routes... A l'occasion d'une récente déclaration, elle a annoncé
sans ambiguïté une réforme de la législation relative à cette question dans le
cadre de la convention européenne de Malte du 1er janvier 1992 ratifiée par la
France en 1994. Cela est effectivement nécessaire. Il souhaite en conséquence
connaître les principales orientations qui résultent des assises nationales de
l'archéologie récemment organisées, ainsi que les principaux choix politiques
qu'elle souhaite proposer au Parlement, s'agissant du cadre juridique et
financier de l'archéologie préventive.
N° 60. - M. Bernard Barraux attire l'attention de M. le ministre de la
fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur
l'avenir de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités
locales (CNRACL). Compte tenu des prélèvements effectués sur les réserves de la
caisse au titre de la compensation et de la surcompensation en faveur des
autres régimes d'assurance vieillesse, la CNRACL connaît depuis plusieurs
années un déficit de trésorerie. En effet, ces transferts atteignent 19,4
milliards de francs en 1997, soit le tiers des recettes du régime et près de 50
% du montant des prestations servies par le régime. Conformément à l'article 30
de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, l'équilibre
financier de la CNRACL est assuré cette année grâce à la mobilisation d'une
partie des réserves structurelles du fonds des allocations temporaires
d'invalidité. Cependant, il s'agit d'un aménagement exceptionnel, qui ne résoud
pas le problème de l'équilibre général de la caisse. Par ailleurs, en 1998, il
ne sera pas procédé à une augmentation des cotisations pesant sur les
collectivités locales. Une telle augmentation apparaît, en effet,
particulièrement inopportune, alors que les charges pesant sur les
collectivités vont connaître une augmentation très sensible l'année prochaine
avec, en particulier, la mise en place du Plan emploi-jeunes. Un éventuel
allégement des contraintes liées à la surcompensation au profit des autres
régimes doit probablement être envisagé. Il lui demande donc ce que le
Gouvernement entend faire afin d'assainir de façon durable la situation
financière de la CNRACL.
N° 79. - Mme Marie-Madeleine Dieulangard souhaite interroger M. le secrétaire
d'Etat au logement sur les règles relatives à l'assujettissement des résidents
des foyers de travailleurs à la taxe d'habitation. La mission de ces foyers est
d'accueillir des personnes, notamment des jeunes, afin de leur permettre
d'accéder en toute autonomie à des logements individuels. Cette mission
accomplie génère, de ce fait, des séjours le plus souvent inférieurs à une
année. Or, en se fondant sur la seule date du 1er janvier pour déterminer la
personne assujettie à cette taxe, cette réglementation fait abstraction de la
durée effective du séjour et induit des inégalités entre les différents
occupants. Elle souhaite connaître ses intentions pour remédier à cette
inégalité de traitement et s'interroge sur la possibilité d'appliquer à ces
équipements d'accueil collectif à vocation sociale le même régime que celui en
vigueur pour les cités universitaires.
N° 89. - M. René Marquès attire l'attention de Mme le ministre de la culture
et de la communication, sur la réalisation de la nouvelle liaison
Perpignan-Canet. L'itinéraire reliant Perpignan au littoral présente une
accidentologie particulièrement grave due au trafic très important y circulant,
surtout la nuit, à grande vitesse et à la jeunesse des conducteurs. En
conséquence, le conseil général des Pyrénées-Orientales a décidé, en 1989,
d'aménager cette liaison de sept kilomètres en la portant à 2 × 2 voies. Le
chantier a démarré en 1995 et s'est trouvé retardé par les fouilles
archéologiques du Mas Miraflor dont le montant supérieur à 300 000 francs a
nécessité le recours à une procédure d'appel d'offres. Il lui précise qu'au
bout de dix-huit mois de procédure, force est de constater que la concurrence
n'a pu s'exercer du fait du monopole détenu par l'Association pour les fouilles
archéologiques nationales (AFAN), monopole renforcé par le fait que
l'autorisation indispensable au responsable de la fouille archéologique est
accordée par le ministère de la culture qui rejette, par l'intermédiaire des
commissions interrégionales de recherche archéologique, les propositions
étrangères à l'AFAN. Il lui indique que cette entrave à la concurrence paraît
abusive et non garante des meilleures conditions financières puisque, sur le
chantier en cause, le Conseil général va devoir dépenser 160 000 francs de plus
du fait du recours à l'AFAN. En effet, une société espagnole, possédant
d'excellentes références en archéologique médiévale, était disposée à effectuer
les mêmes prestations que l'AFAN pour 391 000 francs (T.T.C.), au lieu de 552
000 francs. En conséquence, il lui demande si elle envisage de remédier à cet
état de fait.
N° 117. - M. Daniel Hoeffel appelle l'attention de M. le ministre de la
fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur la
portée de l'article 70 de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996, modifiant
l'article 111 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, relatif à la validation
des compléments de rémunération collectivement acquis par les agents titulaires
d'un emploi dans une collectivité territoriale. La rédaction de cet article a
en effet fait naître certains doutes quant à l'application de ces dispositions.
Il lui demande donc s'il ne serait pas possible d'apporter dans les meilleurs
délais, et si possible avant la fin de l'année afin que les collectivités
locales concernées puissent verser sans risque leur prime de fin d'année, une
réponse claire aux questions suivantes : les régimes indemnitaires mis en place
par certaines collectivités avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 janvier
1984 et dont l'existence a été légalisée par cette loi peuvent-ils concerner
tous les agents de ces collectivités, titulaires ou non titulaires, et ceci
indépendamment de la date de leur recrutement, qu'elle soit antérieure ou
postérieure au 6 janvier 1984 ? Compte tenu des inégalités pouvant exister
entre les agents des diverses collectivités, serait-il possible de régulariser
la situation des collectivités qui ont institué des primes de fin d'année après
l'entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 1984, qui sont de ce fait illégales
? Enfin, et par voie de conséquence, les établissements publics de coopération
intercommunale créés postérieurement pourraient-ils profiter de cette réforme
pour mettre en place un complément de rémunération ?
N° 119. - M. Dominique Braye attire l'attention de Mme le ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement sur la délocalisation
annoncée du siège national de la SONACOTRA à Mantes-la-Jolie. Cette décision
avait été prise le 10 avril 1997 par le CIAT (Comité interministériel sur
l'aménagement du territoire), parmi plusieurs mesures de délocalisations
d'administration ou d'établissements publics au profit de sites en reconversion
industrielle et de sites d'intervention prioritaire de la politique de la
ville. La ville de Mantes-la-Jolie, cumulant ces deux critères, était
particulièrement éligible à bénéficier d'une telle mesure, qui permettait des
retombées économiques positives : arrivée dans la commune de plus de 200
emplois, sans compter les emplois induits, générant une taxe professionnelle
annuelle d'environ 5 millions de francs. Mantes-la-Jolie et son agglomération
sont en effet sinistrées au plan économique et aux prises avec de graves
difficultés financières (potentiel fiscal inférieur de 40 % à la moyenne
nationale) et d'importants problèmes sociaux (taux de chômage élevé, plus
grande ZUP de France avec le Val-Fourré). Huit cents emplois industriels y ont
été supprimés ces deux dernières années, et plusieurs autres sites industriels
sont menacés à brève échéance. L'exercice budgétaire de la commune, pour la
seule année 1998, du fait de la diminution des ressources fiscales et de
certaines dotations, sera marqué par une perte annuelle de 9 millions de
francs, qu'aurait compensée pour moitié la taxe professionnelle versée par la
SONACOTRA. Dans ce contexte, la délocalisation à Mantes-la-Jolie de la
SONACOTRA était une mesure particulièrement attendue, vitale pour cette ville
et l'ensemble de son agglomération, ce que l'ensemble des élus locaux du
district urbain de Mantes ont souligné à l'unanimité. Il leur a semblé
indispensable de rappeler que M. le Premier ministre lui-même a affirmé que les
engagements pris par le précédent Gouvernement doivent être honorés, en vertu
du principe républicain de continuité, et ce d'autant plus que la survie
économique d'une commune et de tout un bassin d'emploi sont en jeu. En
conséquence, il lui demande donc de maintenir la décision de délocaliser le
siège national de la SONACOTRA à Mantes-la-Jolie et de préciser la date à
laquelle cette délocalisation sera mise en oeuvre.
N° 121. - M. Alain Dufaut attire l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur les préoccupations exprimées
par les usagers de la ligne aérienne Avignon-Paris, au regard du tarif élevé
pratiqué sur cette desserte régionale. Un aller-retour Avignon-Paris, plein
tarif, coûte en effet 2 354 francs, alors que le même billet sur la ligne
Marseille-Paris revient à 2 050 francs, soit environ 15 % de moins pour une
distance pourtant supérieure. La longueur insuffisante de la piste de
l'aéroport Avignon-Caumont nécessitait jusqu'à présent l'octroi d'une
dérogation pour l'atterrisage de certains appareils, justifiant ainsi le
maintien d'un tarif plus élevé. Cette particularité n'existe désormais plus,
puisque des travaux pour allonger la piste de 200 mètres ont été réalisés
récemment. C'est donc à bon droit que les collectivités locales et la chambre
de commerce et d'industrie d'Avignon et du Vaucluse, dont l'effort financier
pour mettre en oeuvre ces travaux s'est révélé considérable, souhaitent
ardemment que celui-ci se traduise par une baisse conséquente des tarifs au
profit des usagers de la ligne. Compte tenu, par ailleurs, du rôle joué par
cette desserte en matière d'aménagement du territoire, et d'autant plus que
celle-ci s'avère rentable, il souhaite son intervention en faveur d'une baisse
de tarif de la liaison Avignon-Paris. Aussi, il lui demande quelle est sa
réaction face à cette requête et s'il envisage de prendre des mesures en ce
sens.
N° 147. - M. Rémi Herment demande à M. le ministre de la défense de bien
vouloir l'éclairer sur les restructurations et compensations envisagées après
le départ des régiments de Verdun : 3e RAMa, arrondissement des travaux,
subsistances, dissolution du CM 62. Il apparaît en effet que les soutiens
financiers et les remplacements en personne n'ont pas été compensés à la
hauteur des attentes et de la dette morale de la Nation à l'égard de
l'agglomération verdunoise qui traverse actuellement une situation
particulièrement difficile. Considérant également que cette situation a été
largement aggravée avec la dissolution du 151e RI ; considérant, en outre, que
sur les dossieers de compensation liés aux restructurations militaires la plus
grande transparence doit être de règle ; considérant enfin que la
professionnalisation du 2e Chasseurs et la perspective de l'accueil du char
Leclerc sont des éléments positifs non négligeables ; il lui demande qu'un
bilan chiffré et complet soit établi de la première phase de restructuration
mettant en exergue les pertes réelles de population de l'agglomération
verdunoise, les sommes dépensées par l'autorité militaire avant le départ du 3e
RAMa et d'autres unités et les compensations financières réelles obtenues
(Fred, Konver, Etat, région et collectivités territoriales concernées) ; qu'un
rapport précis soit réalisé à la suite de la dissolution du 151e RI (sommes
dépensées par l'autorité militaire, perte de population) ; qu'un rapport
détaillé des opérations et des financements soit établi sur les projets dits de
compensation après le départ du 151e RI (Konver II, Fred) ; que soient
recensées les perspectives de compensations en personnels au travers de
délocalisations de services nationaux.
N° 149. - M. Fernand Demilly attire l'attention de M. le ministre de la
défense sur l'avenir de l'avion de transport futur (ATF). Dans une déclaration
conjointe, le Président de la République, le Premier ministre, le Chancelier
allemand et le Premier ministre britannique ont souhaité, début décembre, une
réorganisation urgente des industries aérospatiales, tant civiles que
militaires, pour aboutir à une intégration européenne fondée sur un partenariat
équilibré. La supériorité de l'ATF a été clairement démontrée. Six pays pays
membres de l'Union européenne se sont engagés à lancer un appel d'offres auprès
des industriels. Cependant, sans un engagement fort de la France dans les
prochains mois, avec une commande globale possible d'une cinquantaine
d'appareils, ce programme ATF serait compromis. C'est ce que prétend le rapport
remis en juin dernier par M. Pierre Lelong, président de chambre à la Cour des
comptes, à M. le Premier ministre. Dans un tel contexte, il lui demande quel
est l'avenir du futur avion de transport de troupe ATF.
N° 150. - M. José Balarello demande à M. le ministre de l'intérieur de lui
faire connaître quelles mesures il entend prendre au niveau européen au sujet
du problème posé depuis peu de temps par les arrivées massives de réfugiés
kurdes aux frontières sud de l'espace Schengen et plus particulièrement en
Italie, pays où la réglementation prévoit que si le réfugié n'obtient pas le
droit d'asile, il est expulsé dans les 15 jours du territoire. Durant ce laps
de temps, les populations réfugiées sont livrées à elles-mêmes sans aucun
contrôle et mettent à profit ces quelques jours pour transiter clandestinement
vers la France ou l'Allemagne. Aussi, il lui demande s'il ne lui semble pas
urgent de saisir Interpol afin que tous les pays de l'espace Schengen
recherchent les filières mafieuses qui rackettent ces réfugiés pour
l'organisation de transferts depuis la Turquie ou l'Irak vers l'Europe
occidentale. En effet, d'après les renseignements obtenus auprès des autorités
italiennes pour la seule année 1997, ce sont 4 500 Kurdes qui ont été refoulés
de la frontière française en territoire italien d'où ils arrivaient. Il lui
demande en outre de lui faire connaître, les Kurdes étant en conflit ouvert
tant avec les autorités de la Turquie, où ils représentent un cinquième de la
population soit 12 millions, qu'avec les autorités de l'Irak où on en dénombre
environ 4 millions, s'il ne lui apparaît pas très urgent de définir une
politique commune de l'Union européenne tout au moins des pays appartenant à
l'espace Schengen vis-à-vis des flux migratoires et ce dès avant l'application
du traité d'Amsterdam. Par ailleurs, si, au regard de l'article 31 du projet de
loi sur l'entrée et le séjour des étrangers en France, tel qu'il vient d'être
voté à l'Assemblée nationale et qui doit venir en discussion devant le Sénat,
ces populations seront ou non considérées comme pouvant bénéficier de l'asile
politique. Enfin, s'il ne lui apparaît pas opportun de saisir les instances
internationales et particulièrement l'ONU afin de faire pression sur la Turquie
et l'Irak pour les obliger à cesser les actes militaires qu'ils exercent envers
ces populations et engager une procédure de dialogue avec leurs représentants
modérés, il est bon en effet de rappeler que les Kurdes représentent
actuellement une population de 25 millions d'habitants partagés entre la
Turquie, l'Irak, l'Iran, la Syrie et les républiques du Caucase, près de la
moitié vivant sur le territoire turc.
N° 151. - M. Charles de Cuttoli attire l'attention de M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie sur une mesure prévoyant qu'à partir
du 1er janvier 1998 les bons anonymes (bons de caisse, bons du Trésor, bons de
capitalisation) feront l'objet, dès leur souscription, d'une déclaration soit
d'anonymat, soit de souscription nominative. Dans ce dernier cas, le
souscripteur devra communiquer son identité et celle du bénéficiaire si elle
est différente. Il lui demande de bien vouloir lui préciser si le propriétaire
du bon nominatif est le souscripteur ou le bénéficiaire, et si le bénéficiaire
peut être changé par le souscripteur. Il lui demande également si, en cas de
décès du bénéficiaire avant le souscripteur, le bon reste ou redevient la
propriété dudit souscripteur ou s'il est intégré dans l'actif de la succession
du bénéficiaire. Enfin, il lui demande de bien vouloir lui préciser les
références des textes législatifs ou réglementaires servant de base juridique à
ladite mesure.
N° 152. - M. Jean-Marc Pastor attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à
la santé sur l'application de la législation relative aux prélèvements
d'organes et, en particulier, sur ceux qui sont réalisés post-mortem. Une loi
n° 76-1181 du 22 décembre 1976, dite loi Cavaillet, a défini les modalités du
principe qui prévaut depuis en France : celui du consentement présumé. Cela
signifie que toute personne qui, de son vivant, n'a pas fait connaître son
opposition au prélèvement d'organes est considérée comme un donneur potentiel.
De ce fait, le prélèvement peut être effectué sans recueillir l'autorisation de
quiconque, sauf s'il s'agit du cadavre d'un mineur ou d'un incapable : dans ce
cas très précis, l'autorisation du représentant légal est requise. Sans
remettre en cause le principe, sont intervenues en 1994 les lois n°s 94-653 et
94-954 dites de bioéthique, lesquelles prévoyaient de faciliter l'expression du
refus en créant un registre national informatisé. L'établissement français des
greffes a d'ailleurs lancé début novembre 1997 une campagne d'information sur
la mise en place de ce registre. Ces lois s'inscrivaient dans un contexte de
pénurie croissante de greffons, due pour une grande partie à l'opposition des
familles. Toutefois, on peut légitimement se poser la question de l'utilité
d'un tel registre ; en effet, si le nom du défunt ne figure pas dans le
registre, l'équipe médicale pourra continuer, comme par le passé, à demander
l'accord de la famille et devra respecter sa décision. En conséquence, il
souhaiterait que lui soit précisé sa position sur ce sujet ; par ailleurs,
considérant, d'une part, la pénurie de greffons et le nombre croissant de
receveurs en attente, et, d'autre part, les difficultés psychologiques qui
incombent aux familles confrontées à l'urgence des décisions à prendre, il lui
demande s'il n'est pas possible d'envisager le lancement d'une vaste campagne
d'information sur la législation en vigueur.
NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES
Mme Paulette Brisepierre a été nommée rapporteur du projet de loi n° 197
(1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de
l'accord interne entre les représentants des Gouvernements des Etats membres,
réunis au sein du Conseil, relatif au financement et à la question des aides de
la Communauté dans le cadre du second protocole financier de la quatrième
convention ACP-CE.
Mme Paulette Brisepierre a été nommée rapporteur du projet de loi n° 198
(1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du
protocole à la 4e convention entre la Communauté européenne et ses Etats
membres, d'une part, et le groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du
Pacifique, d'autre part (dite convention ACP-CE de Lomé), à la suite de
l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du
Royaume de Suède à l'Union européenne.
Mme Paulette Brisepierre a été nommée rapporteur du projet de loi n° 199
(1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de
l'accord portant modification de la 4e convention entre la Communauté
européenne et ses Etats membres, d'une part, et le groupe des Etats d'Afrique,
des Caraïbes et du Pacifique, d'autre part (dite convention ACP-CE de Lomé).
NOMINATION D'UN RAPPORTEUR POUR AVIS
La commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale a désigné M. Jean-Paul
Amoudry, rapporteur pour avis sur le projet de loi n° 291 (1996-1997) relatif à
l'application de la convention du 13 janvier 1993 sur l'interdiction de la mise
au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et
sur leur destruction, dont la commission des affaires économiques et du Plan
est saisie au fond.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Conséquences et compensations liées au départ
de plusieurs régiments de la ville de Verdun
147.
- 22 décembre 1997. -
M. Rémi Herment
demande à
M. le ministre de l'intérieur
de bien vouloir l'éclairer sur les restructurations et compensations envisagées
après le départ des régiments de Verdun : 3e RAMa, arrondissement des travaux,
subsistances, dissolution du CM 62. Il apparaît en effet que les soutiens
financiers et les remplacements en personne n'ont pas été compensés à la
hauteur des attentes et de la dette morale de la nation à l'égard de
l'agglomération verdunoise qui traverse actuellement une situation
particulièrement difficile. Considérant également que cette situation a été
largement aggravée avec la dissolution du 151e RI ; considérant, en outre, que
sur les dossiers de compensation liés aux restructurations militaires la plus
grande transparence doit être de règle ; considérant enfin que la
professionnalisation du 2e chasseurs et la perspective de l'accueil du Char
Leclerc sont des éléments positifs non négligeables ; il lui demande : qu'un
bilan chiffré et complet soit établi de la première phase de restructuration
mettant en exergue les pertes réelles de population de l'agglomération
verdunoise, les sommes dépensées par l'autorité militaire avant le départ du 3e
RAMa et d'autres unités et les compensations financières réelles obtenues Fred,
Konver, Etat, Région et collectivités territoriales concernées, qu'un rapport
précis soit réalisé à la suite de la dissolution du 15e RI (commes dépensées
par l'autorité militiaire, perte de population), qu'un rapport détaillé des
opérations et des financements soit établi sur les projets dits de compensation
après le départ du 151e RI (Konver II, Fred...), que soient récensées les
perspectives de compensation en personnels au travers de délocalisations de
services nationaux.
Organisation des scrutins professionnels
148.
- 22 décembre 1997. -
M. Rémi Herment
demande à
M. le ministre de l'intérieur
que des mesures de rationalisation des votes dits professionnels soient
décidées afin de remédier au gaspillage du temps passé par les élus qui doivent
assumer lesdites opérations. En effet, il rappelle, par exemple, que dans le
cadre des élections des chambres de commerce et d'industrie, les bureaux de
vote, ouverts de 13 heures à 17 heures, dans les chefs-lieux de canton ont
souvent enregistré trois fois plus de votes par correspondance que de votes
directs. Il en fut de même mais dans une amplitude bien plus grande, de 8
heures à 18 heures, pour les élections prud'homales. Il demande qu'une table
ronde soit organisée pour que responsabilité et disponibilité ne soient plus
confondues.
Avion de transport futur (ATF)
149.
- 22 décembre 1997. -
M. Fernand Demilly
attire l'attention de
M. le ministre de la défense
sur l'avenir de l'Avion de transport futur (ATF). Dans une déclaration
conjointe, le Président de la République, le Premier ministre, le Chancelier
allemand et le Premier ministre britannique ont souhaité, début décembre, une
réorganisation urgente des industries aérospatiales, tant civiles que
militaires, pour aboutir à une intégration européenne fondée sur un partenariat
équilibré. La supériorité de l'ATF a été clairement démontrée. Six pays membres
de l'Union européenne se sont engagés à lancer un appel d'offres auprès des
industriels. Cependant, sans un engagement fort de la France dans les prochains
mois, avec une commande globale possible d'une cinquantaine d'appareils, ce
programme ATF serait compromis. C'est ce que prétend le rapport remis en juin
dernier par M. Pierre Lelong, président de chambre à la Cour des comptes, à M.
le Premier ministre. Dans un tel contexte, il lui demande quel est l'avenir du
futur avion de transport de troupes ATF.
Problème des réfugiés kurdes
150.
- 4 janvier 1998. -
M. José Balarello
demande à
M. le ministre de l'intérieur
de lui faire connaître quelles mesures il entend prendre au niveau européen au
sujet du problème posé depuis peu de temps par les arrivées massives de
réfugiés kurdes aux frontières sud de l'espace Schengen et plus
particulièrement en Italie, pays où la réglementation prévoit que si le réfugié
n'obtient pas le droit d'asile, il est expulsé dans les 15 jours du territoire.
Durant ce laps de temps, les populations réfugiées sont livrées à elles-mêmes
sans aucun contrôle et mettent à profit ces quelques jours pour transiter
clandestinement vers la France ou l'Allemagne. Aussi, il lui demande s'il ne
lui semble pas urgent de saisir INTERPOL afin que tous les pays de l'espace
Schengen recherchent les filières mafieuses qui rackettent ces réfugiés pour
l'organisation de transferts depuis la Turquie ou l'Irak vers l'Europe
occidentale. En effet, d'après les renseignements obtenus auprès des autorités
italiennes pour la seule année 1997, ce sont 4 500 Kurdes qui ont été refoulés
de la frontière française en territoire italien d'où ils arrivaient. Il lui
demande en outre de lui faire connaître, les Kurdes étant en conflit ouvert
tant avec les autorités de la Turquie où ils représentent un cinquième de la
population soit 12 millions qu'avec les autorités de l'Irak où on en dénombre
environ 4 millions, s'il ne lui apparaît pas très urgent de définir une
politique commune de l'Union européenne tout au moins des pays appartenant à
l'espace Schengen vis-à-vis des flux migratoires et ce dès avant l'application
du Traité d'Amsterdam. Par ailleurs, si, au regard de l'article 31 du projet de
loi sur l'entrée et le séjour des étrangers en France, tel qu'il vient d'être
voté à l'Assemblée nationale et qui doit venir en discussion devant le Sénat,
ces populations seront ou non considérées comme pouvant bénéficier de l'asile
politique. Enfin, s'il ne lui apparaît pas opportun de saisir les instances
internationales et particulièrement l'ONU afin de faire pression sur la Turquie
et l'Irak pour les obliger à cesser les actes militaires qu'ils exercent envers
ces populations et engager une procédure de dialogue avec leurs représentants
modérés, il est bon en effet de rappeler que les Kurdes représentent
actuellement une population de 25 millions d'habitants partagés entre la
Turquie, l'Irak, l'Iran, la Syrie et les Républiques du Caucase, près de la
moitié vivant sur le territoire turc.
Contrôle des bons anonymes
151.
- 4 janvier 1998. -
M. Charles de Cuttoli
attire l'attention de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur une mesure prévoyant qu'à partir du 1er janvier 1998 les bons anonymes
(bons de caisse, bons du Trésor, bons de capitalisation) feront l'objet, dès
leur souscription, d'une déclaration soit d'anonymat soit de souscription
nominative. Dans ce dernier cas, le souscripteur devra communiquer son identité
et celle du bénéficiaire si elle est différente. Il lui demande de bien vouloir
lui préciser si le propriétaire du bon nominatif est le souscripteur ou le
bénéficiaire, et si le bénéficiaire peut être changé par le souscripteur. Il
lui demande également si, en cas de décès du bénéficiaire avant le
souscripteur, le bon reste ou redevient la propriété dudit souscripteur ou s'il
est intégré dans l'actif de la succession du bénéficiaire. Enfin, il lui
demande de bien vouloir lui préciser les références des textes législatifs ou
réglementaires servant de base juridique à ladite mesure.
Applications de la loi sur les prélèvements d'organe
152.
- 4 janvier 1998. -
M. Jean-Marc Pastor
attire l'attention de
M. le secrétaire d'Etat à la santé
sur l'application de la législation relative aux prélèvements d'organes et, en
particulier, sur ceux qu sont réalisés post-mortem. Une loi n° 76-1181 du 22
décembre 1976, dite loi Cavaillet, a défini les modalités du principe qui
prévaut depuis en France : celui du consentement présumé. Cela signifie que
toute personne qui, de son vivant, n'a pas fait connaître son opposition au
prélèvement d'organes est considérée comme un donneur potentiel. De ce fait, le
prélèvement peut être effectué sans recueillir l'autorisation de quiconque,
sauf s'il s'agit du cadavre d'un mineur ou d'un incapable : dans ce cas très
précis, l'autorisation du représentant légal est réquise. Sans remettre en
cause le principe, sont intervenues en 1994 les lois n° 94-653 et 94-954 dites
de bioéthique, lesquelles prévoyaient de faciliter l'expression du refus en
créant un registre national informatisé. L'établissement français des greffes a
d'ailleurs lancé début novembre 1997 une campagne d'information sur la mise en
place de ce registre. Ces lois s'inscrivaient dans un contexte de pénurie
croissante de greffons, due pour une grande partie à l'opposition des familles.
Toutefois, on peut légitimement se poser la question de l'utilité d'un tel
registre ; en effet, si le nom du défunt ne figure pas dans le registre,
l'équipe médicale pourra continuer, comme par le passé, à demander l'accord de
la famille et devra respecter sa décision. En conséquence, il souhaiterait que
lui soit précisée sa position sur ce sujet ; par ailleurs, considérant, d'une
part, la pénurie de greffons et le nombre croissant de receveurs en attente,
et, d'autre part, les difficultés psychologiques qui incombent aux famille
confrontées à l'urgence des décisions à prendre, il lui demande s'il n'est pas
possible d'envisager le lancement d'une vaste campagne d'information sur la
législation en vigueur.
Garantie communale accordée aux organismes HLM
153.
- 9 janvier 1998. -
M. Léon Fatous
attire l'attention de
M. le secrétaire d'Etat au logement
sur la garantie communale accordée aux organismes d'habitations à loyers
modérés (HLM). En effet, une des causes de désertification des campagnes est
liée à l'absence de logements sociaux susceptibles de maintenir la population
existante ou d'attirer une nouvelle population. Les organismes HLM sont très
souvent prêts à construire dans ces secteurs, mais faute d'obtenir la garantie
de la commune, les projets n'aboutissent pas. Aussi, il souhaiterait savoir
s'il entend prendre des mesures à l'égard des communes qui limitent leurs
garanties d'emprunt à 50 %, celles qui refusent catégoriquement l'accueil de
familles défavorisées, ou encore celles qui limitent l'accueil aux seuls
locataires présents dans la commune.
Classement de communes de l'Aude en zone de montagne
154.
- 9 janvier 1998. -
M. Roland Courteau
souhaite attirer l'attention de
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
sur le dossier relatif au classement en zone de montagne de vingt communes du
département de l'Aude. Il lui indique que l'instruction de ce dossier,
commencée en 1993, n'a toujours pas abouti et que les élus des communes et les
populations concernées déplorent la lenteur de la procédure. C'est pourquoi il
lui demande de bien vouloir lui préciser si les démarches nécessaires ont été
faites auprès de la Commission européenne et quel est l'état d'avancement de la
procédure de classement de ces communes.
Problèmes de la pêche aux abords
des îles anglo-normandes et du Cotentin
155.
- 13 janvier 1998. -
Mme Anne Heinis
attire l'attention de
M. le ministre des affaires étrangères
sur la situation toujours préoccupante entre les autorités anglo-normandes et
les pêcheurs du Cotentin. Depuis le mois de septembre 1997, des réunions
techniques et professionnelles sur le thème des relations de voisinage entre
pêcheurs jersiais et normands se sont multipliées. Cependant, il semble que la
position des autorités françaises ne soit pas suffisamment ferme face aux
exigences accrues des autorités britanniques et jersiaires en vue de limiter,
de façon drastique, l'accès des pêcheurs français dans la baie de Granville,
zone pour laquelle existe un principe de « mer commune ». A l'heure actuelle,
le secteur de pêche, exclusivement réservé à Jersey, est limité à une bande de
trois miles autour de l'île anglo-normande. Les autorités britanniques et
jersiaires prétendent voir étendue cette limite à partir de deux bancs de
rochers découvrants, eux-mêmes situés en limite des trois miles actuels,
repoussant d'autant vers le nord la limite exclusive des trois miles. Il faut
savoir que les pêcheurs du Cotentin ont été échaudés par l'application
systématiquement défavorable de l'accord bilatéral pris en 1992 avec Guernesey,
qui a notamment abouti à leur éviction du « haricot » de la Schole. Les points
suivants sont les plus sensibles : 1° Dévoiement de la délégation de justice
ayant donné lieu à une pétition du comité régional des pêches maritimes auprès
du Parlement européen. 2° Notion de reconnaissance des pratiques existantes. 3°
Rupture unilatérale du
modus vivendi
de 1994. 4° Non-respect de
l'article 6 aux termes duquel les pêcheurs sont invités à se rencontrer. 5°
Modération dans la mise en oeuvre et dans le règlement des contestations. Elle
demande donc au Gouvernement de manifester une volonté politique très ferme,
d'appuyer le travail technique effectué par la direction des pêcheurs par une
réouverture des négociations avec Guernesey avant de poursuivre les démarches
relatives aux relations de voisinage avec Jersey.
Taux de TVA applicable aux travaux de rénovation
des maisons de retraite et foyers-logements
132.
- 5 décembre 1997. -
M. Jacques de Menou
alerte
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur le problème de la nécessaire mise aux normes « U » des maisons de retraite
et des foyers-logements conventionnés à l'aide sociale dont la vocation
s'apparente de plus en plus à celle des maisons de retraite. Aujourd'hui, en
effet, avec la mise en place de tous les services de maintien à domicile :
aides-ménagères, aides-soignantes, infirmières, portage des repas, les
personnes âgées ne rentrent en maison de retraite qu'à un âge très avancé -
quatre-vingt-trois ans en moyenne dans mon département du Finistère - et de
plus en plus dépendantes. Tous ces établissements, qui ont des conventions avec
l'Etat ouvrant droit à l'aide personnalisée au logement (APL), devraient
pouvoir bénéficier d'un taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) réduit et, le
cas échéant, de primes à l'amélioration des logements à usage locatif et
d'occupation sociale (PALULOS). Cela vaut également pour les établissements
accueillant des handicapés et conventionnés. Au cours du débat budgétaire, M.
le secrétaire d'Etat au budget a déclaré, suite à un amendement RPR, cette
demande satisfaite par l'article II du présent budget qui s'applique à « tous
les logements pour lesquels il y a convention avec l'Etat ouvrant droit à l'APL
». Il souhaite avoir confirmation de cette mesure qui signifierait, pour les
foyers-logements, maisons de retraite et établissements pour handicapés
conventionnés par l'Etat à l'APL, une TVA réduite sur les travaux de rénovation
et de mise aux normes « U » pour personne dépendante, et ce quel que soit le
propriétaire : organisme d'habitations à loyer modéré (HLM), caisse centrale
d'action sociale (CCAS) ou association... On pourrait également reconnaître que
les mêmes établissements conventionnés à l'aide sociales bénéficiaires de
l'allocation logement sociale (ALS) pourraient, en cas de rénovation, se
trouver conventionnés à l'APL et bénéficier de ce fait, pour ces mêmes travaux,
du même taux de TVA.
Rythmes scolaires
141.
- 13 décembre 1997. -
M. Franck Sérusclat
souhaite interroger
Mme le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire
sur la question des rythmes scolaires. Il aimerait savoir ce que recouvre
exactement ce terme ; s'agit-il du temps passé par l'enfant à l'école dans une
journée ou dans une semaine, du rythme annuel temps scolaire/vacances, du
rythme propre de l'enfant, qui est nécessaire à l'émergence de sa personnalité,
avec prise en compte des activités dites périscolaires ? Il lui demande si,
dans une perspective de modification des rythmes scolaires, il ne serait pas
souhaitable d'agir sur ces différents paramètres à la fois. S'il ne convient
pas de repenser le temps scolaire hebdomadaire, des expériences telle la
semaine de quatre jours s'avérant être un échec pour l'équilibre de la plupart
des enfants (et arrangeant essentiellement quelques parents aisés). S'il ne
convient pas de réorganiser la journée scolaire trop longue en aménageant le
déroulement de ses activités. Enfin, au cours d'une telle modification des
rythmes scolaires, il lui demande s'il ne serait pas utile de prendre en compte
l'émergence des nouvelles techniques d'information et de communication à
l'école et d'y adapter les rythmes en imaginant des lieux et temps d'accès en
libre-service, pour une familiarisation souple, ainsi qu'en aménageant des
séances interdisciplinaires et de travaux de groupes.
Evolution des prélèvements sociaux
sur les indemnités des élus locaux
144.
- 16 décembre 1997. -
M. Michel Mercier
rappelle à
M. le ministre de l'intérieur
que la situation statutaire des élus locaux, et notamment celle des maires, a
été considérablement modifiée par la loi de financement de la sécurité sociale.
En effet, d'une part, les indemnités des élus locaux vont désormais être
soumises au taux renforcé de la contribution sociale généralisée. En apparence,
ces indemnités sont soumises au droit commun, ce qui est bien. Mais en réalité,
ces indemnités qui ne supportaient pas de cotisations sociales puisque les élus
locaux ne sont pas assujettis à la sécurité sociale sont désormais traitées
comme des produits d'épargne ! Les élus locaux sont la seule catégorie sociale
pour laquelle le transfert des cotisations sociales vers la CSG n'est pas
neutre. D'autre part, il apparaît que les termes généraux de la loi de
financement de la sécurité sociale, lorsqu'ils s'appliqueront, auront pour
conséquence d'inclure les indemnités des élus locaux dans les ressources
plafonnées pour déterminer s'il y a lieu ou non de verser les allocations
familiales. Ainsi, un maire qui consacre beaucoup de temps à son mandat, qui
perçoit une indemnité ne couvrant qu'imparfaitement et le temps passé, et les
frais engagés par l'exercice d'un mandat local, pourrait, de ce fait, voir
supprimer ses allocations familiales. Il lui demande s'il entend prendre des
mesures destinées à pallier les conséquences néfastes de ce texte pour les élus
locaux et quelles seraient, le cas échéant, ces mesures.