M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'équipement, les transports et le logement : III. - Logement.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri Collard, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les crédits du logement pour 1998, d'un montant de 39,8 milliards de francs, régressent légèrement, de 1,3 %.
Toutefois, cette réduction est purement optique. En effet, si l'on tient compte de l'appui des comptes spéciaux du Trésor, soit 7 milliards de francs destinés au logement en 1998, les crédits sont en augmentation de 6,4 % et s'élèvent à 47,7 milliards de francs. Si l'on tient compte des dépenses fiscales relatives au logement social, avec le taux réduit de la TVA à 5,5 % sur la construction et la réhabilitation, dépenses qui sont des substituts à des aides à la pierre, l'augmentation est même de 13,6 %, le budget total se montant à 52 milliards de francs.
Un effort considérable est donc réalisé en faveur du logement dans le budget pour 1998. C'est pourquoi, mes chers collègues, je peux dès à présent vous dire que la commission des finances a adopté les crédits du logement sans les modifier. Cela étant, cela ne veut pas dire qu'elle n'a pas formulé d'observations.
Ces crédits répondent au souci exprimé par la commission de voir se réduire tant les dépenses publiques que les prélèvements obligatoires.
Deux priorités se dégagent de ce budget : les aides à la personne et le logement social.
La première, les aides à la personne, est l'effet d'une contrainte plus que d'un choix. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, tous les budgets du logement ont subi la pression des aides personnelles, dont la progression rapide est liée à celle du nombre de ménages bénéficiaires. Leur coût est ainsi passé de 19 milliards de francs en 1991 à 32 milliards de francs en 1997.
La seconde priorité, le logement social, résulte d'une option claire du Gouvernement en faveur du logement locatif social de préférence à l'accession à la propriété.
Un effort très substantiel est réalisé en faveur du logement social. Je le rappelle, le précédent gouvernement avait engagé cette action dans la loi de finances pour 1997, en abaissant le taux de la TVA à 5,5 % en faveur du logement locatif neuf.
Pour 1998, l'effort porte particulièrement sur la réhabilitation. L'application du taux réduit de la TVA aux travaux effectués sur les logements sociaux s'accompagne d'une réduction corrélative de la prime PALULOS, prime à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale, dont le taux passe de 20 % à 10 %. Toutefois, comme le taux réduit s'appliquera également aux travaux financés sur fonds propres, l'avantage fiscal procuré aux organismes peut être estimé à 1,3 milliard de francs, sans faire l'objet d'une réduction de crédit correspondante. Le Gouvernement espère ainsi financer 120 000 PALULOS. Il souhaite aussi obtenir des organismes d'HLM qu'ils accélèrent les procédures et qu'ils créent des emplois, notamment de gardiens d'immeubles dans les zones urbaines difficiles.
Le Gouvernement entend également utiliser ce surcroît de moyens pour le financement de la construction sociale. Il s'agit surtout de diversifier l'offre de prêts locatifs aidés très sociaux, les PLA-TS. En effet, l'expérience montre qu'il est difficile de réaliser les programmes physiques initialement décidés. Pour tenter de remédier à cette situation, les subventions seront majorées pour 10 000 PLA-TS.
Par ailleurs, un programme de 5 000 PLA « reconstruction-démolition » sera engagé. Il devrait s'agit de prêts locatifs aidés bénéficiant du taux de TVA réduit et subventionnés à hauteur de 50 000 francs afin de démolir les logements sociaux vétustes ou devenus inadaptés à la vie urbaine.
L'importance de cet effort devrait permettre la réalisation des programmes physiques prévus. La commission des finances considère que la réduction du taux de TVA sur la réhabilitation des logements est une solution d'avenir et approuve cette réforme. Nous pourrons cependant aller plus loin et la généraliser à l'ensemble du secteur.
J'observe qu'à l'occasion du récent sommet de Luxembourg sur l'emploi, la Commission européenne a décidé de proposer au Conseil des Quinze d'expérimenter l'application du taux réduit sur l'ensemble des travaux de « rénovation et de réparation des logements, à l'exception de la construction ». La formule a retenu notre attention et comme nous l'espérons, la vôtre, monsieur le secrétaire d'Etat. Cette proposition non seulement pourrait avoir des effets très bénéfiques pour l'économie et l'emploi, mais aussi favoriser le rééquilibrage entre le logement neuf et le logement ancien. Je souhaite que cette proposition aboutisse et que le Gouvernement s'engage dans cette voie.
En revanche, contrairement au souhait général des Français, qui sont nombreux à désirer devenir propriétaires de leur logement, surtout d'un logement individuel, l'accession à la propriété ne paraît plus être une priorité du Gouvernement, et l'avenir du prêt à taux zéro ne peut que susciter les plus grandes inquiétudes.
Rappelons seulement qu'en 1996 140 000 prêts à taux zéro ont été accordés, dont 60 000, c'est-à-dire près de la moitié, à des accédants disposant d'un revenu annuel de 100 000 francs, c'est-à-dire moins de 8 500 francs par mois ! On le voit, il s'agissait donc d'une véritable accession sociale. Ces moyens risquent d'être diminués, et nous le regrettons.
Le projet de loi de finances pour 1998 amplifie le processus tendant à restreindre la portée de ce prêt réglementé, processus qui, il faut le reconnaître, s'était engagé dès le budget de 1997, avant l'entrée en fonction de l'actuel gouvernement, avec la création d'un compte d'affectation spéciale financé par le 1 % logement et le relèvement de la quotité de travaux nécessaire.
Les modifications réglementaires associées aux crédits prévus par le présent projet de loi de finances vont encore accroître les difficultés à la construction.
Le prêt à taux zéro sera désormais réservé aux primo-accédants, qui comptent, certes, pour 90 % des souscripteurs, mais de façon non homogène sur l'ensemble du territoire. La marge accordée aux établissements de crédit sera réduite et passera de 1,3 % à 1,0 %, ce qui rendra plus difficile encore l'accès aux crédits pour les détenteurs de revenus modestes.
La subvention en faveur des accédants les plus modestes sera également réduite puisque les différés d'amortissement les plus longs, qui concernent les ménages aux revenus les plus bas, sont raccourcis d'un an et demi, passant de dix-sept ans à quinze ans et demi.
La convention passée par l'Etat avec la participation des employeurs à l'effort de construction pour le financement de l'aide - d'un montant, je le rappelle, de 7 milliards de francs - est écornée, en outre, par deux prélèvements : l'un de 500 millions de francs en faveur du fonds national d'aide au logement, pour financer l'APL-accession ; l'autre de 260 millions de francs, pour financer la garantie des prêts d'accession sociale.
Par ailleurs, et la commission des finances le regrette fortement, le dispositif de sécurisation des accédants - initialement prévu en faveur des emprunteurs les plus modestes, qui complètent leur prêt sans intérêt avec un prêt d'accession sociale - n'est toujours pas mis en place. Or ce dispositif était considéré par le précédent ministre du logement comme le complément indispensable de sa réforme, compte tenu de la fragilité financière des ménages susceptibles de postuler au prêt à taux zéro.
Enfin et surtout, malgré un effort du 1 % logement très supérieur en 1998 à ce qui était attendu, le financement du prêt à taux zéro n'est pas assuré pour l'année 1999. Or cette impasse de financement fait bon marché de la suppression des dépenses fiscales associées à l'ancien prêt d'accession à la propriété décidée par la loi de finances pour 1996. Cette suppression était destinée à équilibrer le financement de la nouvelle avance.
Je le répète, le choix résidentiel de la très grande majorité des Français se porte non pas sur le logement locatif social, mais sur l'accession à la propriété, en particulier l'acquisition d'une maison individuelle. La commission des finances a toujours été attentive, quoique réservée, à l'accession à la propriété des ménages les plus modestes, pour des raisons financières, mais aussi en raison de contraintes de mobilité professionnelle ou familiale. En revanche, elle considère qu'il est malsain de ne pas mettre à la disposition des aspirants à l'accession un dispositif complet d'aide publique qui leur permette d'accéder à la propriété sans risque excessif, et d'une manière qui préserve les chances de chacun.
Je ne peux qu'accorder foi à votre volonté, monsieur le secrétaire d'Etat, de conserver un dispositif efficace d'aide à l'accession sociale à la propriété. Le problème important et urgent à résoudre sera celui du financement du prêt à taux zéro. Différentes solutions peuvent être étudiées. On peut envisager une rebudgétisation, au moins partielle, qui tienne compte des économies réalisées par la suppression des dépenses fiscales. Il sera probablement nécessaire de faire à nouveau appel au 1 % logement. Un retrait immédiat et total de son aide paraît exclu ; une sortie progressive s'imposera vraisemblablement. Par ailleurs, une contribution de l'épargne-logement peut également être envisagée, par reconversion de la prime d'épargne non assortie d'un prêt destiné à l'acquisition d'un logement.
D'autres manières de solliciter l'épargne administrée peuvent aussi être considérées. On pourrait, par exemple, utiliser les surplus du livret A, actuellement reversés au budget général. Chaque solution nous paraît insuffisante en elle-même. Il faudra recourir à plusieurs d'entre elles si l'on ne veut pas que les prêts à taux zéro connaissent le même sort que les prêts aidés pour l'accession à la propriété, les prêts PAP.
J'éprouve une satisfaction mitigée face au relèvement du barème des aides personnelles au logement intervenu le 1er juillet dernier.
Satisfaction, certes, car la commission des finances s'était opposée avec constance au gel des barèmes dès juillet 1993, considérant que ce n'était pas la bonne méthode pour réaliser des économies. Un tel dispositif frappe en effet tous les allocataires sans discernement, augmentant les taux d'effort des plus modestes.
Le relèvement des barèmes au 1er juillet 1997 est de 3,4 % en moyenne, ce qui représente 2,1 % de hausse de pouvoir solvabilisateur des aides sur un an, c'est appréciable.
Le Gouvernement prévoit d'actualiser les barèmes le 1er juillet 1998, de façon à maintenir le pouvoir d'achat des aides sans l'augmenter. Il a prévu, à cet effet, 500 millions de francs de provision dans le présent budget.
Toutefois, estimant qu'il est hautement souhaitable de comprimer les dépenses d'aide à la personne, la commission des finances s'est toujours prononcée pour une uniformisation de ces aides en fonction des niveaux de ressources - et non en fonction de leur nature - sans favoriser les ménages les mieux logés et en évitant de dispenser des prestations à des ménages qui n'en ont pas besoin. Or il nous faut constater qu'aucun effort de rationalisation n'est entrepris en ce sens.
Au-delà du maintien souhaitable du pouvoir solvabilisateur des aides à la personne, je ne peux qu'appeler à la poursuite de l'oeuvre de réforme de ces aides, que le précédent gouvernement avait entreprise avec la fusion des deux barèmes de l'aide personnalisée au logement.
Je terminerai par une observation sur le parc privé.
L'aide au parc des logements privés, qu'ils soient loués ou occupés par leur propriétaire, est à peu près maintenue par le présent projet de budget.
La prime à l'amélioration de l'habitat, dont les crédits disponibles se sont élevés à 900 millions de francs en 1997, est dotée de 800 millions de francs en 1998 et profitera aux logements encore inconfortables en zone rurale.
Les crédits de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat sont maintenus à 2,2 milliards de francs. Je vous rappelle sur ce point que l'ANAH lutte au quotidien contre ces deux fléaux que sont l'exclusion et la vacance, en majorant les taux de subvention aux bailleurs qui acceptent des locataires à revenus modestes. J'ajoute d'ailleurs qu'elle n'est pas la seule, puisque les collectivités locales en font général autant.
Enfin et surtout, on ne peut détacher cette analyse de celle des prélèvements fiscaux qui en constituent l'environnement. C'est notre grand regret !
La réduction d'impôt pour intérêts d'emprunt, qui expire fin 1997, n'est remplacée par aucun dispositif équivalent. Le crédit d'impôt pour dépenses d'entretien et de revêtement ne saurait faire office de véritable substitut à une réduction du taux de la TVA ! Et je rappelle que la taxe additionnelle au droit de bail s'élèvera à 3,55 milliards de francs en 1998, soit un écart de prélèvement de 1,35 milliard de francs avec les crédits accordés à l'ANAH.
Le plus préoccupant vient cependant de la loi de financement de la sécurité sociale. En effet, l'augmentation de 4,9 % à 10 % des contributions sociales sur les revenus fonciers constitue un prélèvement supplémentaire de l'ordre de 4 milliards de francs à 5 milliards de francs. Comment ne pas considérer cette pression comme dissuasive de l'investissement en logements, au moment où M. le secrétaire d'Etat explique qu'il est nécessaire de créer une nouvelle génération de bailleurs privés à vocation sociale ?
M. Jean Chérioux. C'est tout à fait juste !
M. Henri Collard, rapporteur spécial. En l'occurrence, une bonne intention, que la commission des finances du Sénat ne peut que saluer, se heurte malheureusement à une réalité brutale.
A l'issue de ces observations, je vous rappelle, mes chers collègues, que la commission des finances préconise l'adoption des crédits du secrétariat d'Etat au logement. Bien sûr, je l'ai dit, ces crédits ne sont pas exempts de critiques, mais ils témoignent d'un effort imaginatif en faveur du logement et, surtout, ils montrent qu'il est possible de pratiquer une politique de réduction conjointe des dépenses et des prélèvements obligatoires. Pour ma part, monsieur le secrétaire d'Etat, j'encourage le Gouvernement à poursuivre dans cette même voie. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur le rapporteur spécial, d'avoir scrupuleusement respecté votre temps de parole.
La parole est à M. Chervy, rapporteur pour avis.
M. William Chervy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous pouvez être satisfait de votre projet de budget car, outre que vous avez obtenu l'augmentation de vos moyens budgétaires, vous avez défini des orientations qui devraient soutenir la relance du secteur du bâtiment, même si certaines décisions adoptées récemment suscitent de notre part des interrogations, voire des réserves.
Je soulignerai que, pour avoir une vision complète de l'effort budgétaire en faveur du logement, il faut tenir compte, outre du produit des comptes d'affectation spéciale, des dépenses fiscales relatives au logement social, qui constituent des substituts aux aides à la pierre.
Le montant des dépenses budgétaires et fiscales en faveur du logement s'élève alors à 51,3 milliards de francs, soit une augmentation d'environ 13 %, ce qui est remarquable.
S'agissant des aides à la personne, dont les crédits augmentent de 9,8 %, il semble que la réforme engagée par le précédent gouvernement au 1er avril 1997 ne pèse pas de façon significative sur les ménages modestes, et je rappellerai que l'actualisation et la revalorisation des barèmes décidée au 1er juillet représente 2,9 milliards de francs en année pleine.
Je me félicite, à ce sujet, que le Gouvernement s'engage à actualiser régulièrement le niveau de cette allocation, mais je pense qu'il faut engager une réflexion sur les correctifs à apporter à certaines aberrations de ce dispositif d'aide, qu'il s'agisse de l'allocation de logement versée aux étudiants ou, plus généralement, de la prise en compte des revenus d'activité ou de remplacement dans le calcul de l'aide.
A propos du logement social, il faut se féliciter de ce que le dispositif prévu par le précédent gouvernement pour la construction de logements sociaux soit étendu aux travaux de réhabilitation et de rénovation subventionnés ou financés sur fonds propres des organismes d'habitation à loyer modéré.
La baisse du taux de TVA à 5,5 % permet d'améliorer le financement des prêts locatifs aidés très sociaux, les PLA-TS, et d'en diversifier l'offre.
Toutes les conditions sont maintenant réunies pour que l'ensemble des acteurs économiques locaux, notamment les offices d'HLM, s'engagent de façon effective dans un véritable programme de réhabilitation de leur parc immobilier.
Je voudrais également souligner tout l'intérêt de l'expérimentation des PLA-TS pour des opérations de reconstruction-démolition car, dans bien des cas, l'opération est moins coûteuse qu'une réhabilitation lourde et ses effets sont très positifs pour les populations logées et pour l'image des quartiers ainsi remodelés.
S'agissant de la définition des logements sociaux pouvant bénéficier de ce taux de TVA réduit, je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous confirmiez la réponse faite par M. Christian Sautter lors de l'examen de l'article 11 du projet de loi de finances pour 1998 : selon lui, cette mesure inclut, au-delà du parc immobilier des HLM, tous les logements locatifs dès lors qu'ils font l'objet d'une convention avec l'Etat ouvrant droit à l'aide personnalisée au logement.
Je me félicite également de l'attention portée par les pouvoirs publics au logement privé, notamment grâce aux majorations de dotations décidées en juillet 1997 et reconduites pour 1998, tant sur la prime à l'amélioration de l'habitat que pour l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat. Il faut également souligner que le mécanisme de l'amortissement accéléré prévu jusqu'au 31 décembre 1998 n'est pas remis en cause, ce qui devrait favoriser la construction de 30 000 logements par an.
Néanmoins, certaines des orientations prises en matière de logement suscitent, au sein de la commission des affaires économiques et du Plan, des inquiétudes.
D'une part, il s'agit des restructurations décidées par le décret du 30 octobre 1997 sur les conditions du prêt à taux zéro, qui ont été jugées inacceptables par la commission parce que ne tenant aucun compte de l'évolution des structures familiales pour des raisons d'accroissement naturel ou de recomposition intervenue à la suite d'une séparation ou d'un décès.
D'autre part, il semble très inquiétant, pour l'avenir du 1 % logement, qu'aucune solution pérenne ne soit encore définie pour prendre place à partir du 1er janvier 1999.
Il serait en effet tout aussi préjudiciable de devoir interrompre la distribution des prêts à taux zéro, qui permet aux classes modestes d'accéder à la propriété - libérant ainsi des logements HLM - que d'en pérenniser le financement à partir des ressources du 1 % logement, alors que ce mécanisme est indispensable pour boucler localement des opérations de construction ou de rénovation de logements sociaux.
La majorité de la commission s'est également élevée contre l'alourdissement significatif des prélèvements sociaux sur les revenus fonciers, considérant que cela décourageait l'investissement immobilier privé et fragilisait la situation de nombre de petits propriétaires privés qui avaient investi dans la pierre pour compléter des retraites insuffisantes.
Compte tenu des éléments positifs de ce budget, j'avais proposé à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du logement - et je suis toujours persuadé que votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat est excellent - ...
M. René Régnault. Bien sûr !
M. William Chervy, rapporteur pour avis. ... mais la majorité de celle-ci, pour marquer son opposition aux modifications apportées au prêt à taux zéro et, surtout, dénoncer l'alourdissement de la fiscalité sur les revenus fonciers, a émis un avis défavorable à l'adoption du budget du logement. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Bimbenet, rapporteur pour avis.
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le logement social. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a examiné les crédits du budget du secrétariat d'Etat au logement en s'intéressant plus particulièrement au logement social, qui constitue un maillon essentiel de la chaîne du logement.
Le logement social ne peut toutefois être apprécié indépendamment des autres maillons que constituent, en amont, les mesures en faveur des personnes les plus défavorisées, et, en aval, l'accession sociale à la propriété et les différentes formes de logement intermédiaire.
Une politique globale et efficace du logement nécessite un effort continu et bien réparti pour que se conjuguent la solidarité, la promotion sociale et l'incitation à l'investissement et à la construction.
Au regard de ces différents critères, la commission des affaires sociales a porté un avis contrasté sur les crédits du secrétariat d'Etat.
Elle se félicite, certes, de l'effort consenti pour poursuivre la réhabilitation du parc locatif social et la construction de logements locatifs sociaux, mais elle s'inquiète des menaces qui pèsent dorénavant sur l'accession sociale à la propriété et l'investissement locatif. Elle s'interroge par ailleurs sur le contenu des futures dispositions à destination des plus démunis.
La commission des affaires sociales s'en est donc remise à la sagesse de notre Haute Assemblée pour l'adoption des crédits de ce secrétariat d'Etat, en considérant qu'une éventuelle adoption des crédits devait être conditionnée à des engagements très clairs de M. le secrétaire d'Etat en faveur des plus démunis, de l'accession sociale à la propriété et de l'investissement locatif.
Les deux priorités du Gouvernement en matière de logement portent sur le développement du logement locatif collectif et sur l'augmentation des revenus de transfert.
L'effort déployé en faveur du logement collectif social concerne à la fois la construction et la réhabilitation.
La réforme du financement de la construction de logements locatifs sociaux réalisée par le précédent gouvernement est maintenue. Elle a consisté à remplacer les subventions par l'application d'un taux de TVA à 5,5 % au prix de revient des opérations.
Les objectifs de logements financés pour 1998 sont identiques à ceux de 1997, avec un total de 80 000 opérations, qui comprend 45 000 PLA normaux, 30 000 PLAT-TS et 5 000 PLA-CCF. L'offre des PLA-TS est diversifiée pour pouvoir s'adapter à l'ensemble des publics.
Pour aider les personnes en difficulté d'insertion, un programme spécifique de 10 000 PLA-TS parmi les 30 000 qui sont programmés pourra bénéficier d'une subvention majorée. Par ailleurs, pour résoudre les problèmes des quartiers très dégradés, dans lesquels des réhabilitations sont difficiles, le Gouvernement a souhaité réserver 5 000 PLA à des opérations de démolition-reconstruction qui pourraient faire l'objet de formules de cofinancement avec les collectivités locales. L'effort fourni en matière de financement de ce programme est important, puisque la dotation des PLA-TS est quasiment doublée et atteint 1,6 milliard de francs.
L'effort de réhabilitation du parc locatif social constitue le second volet de l'action en faveur du logement locatif social. Elle repose principalement sur deux mesures : la poursuite du programme PALULOS et l'abaissement à 5,5 % du taux de TVA applicable aux travaux réalisés dans les logements sociaux.
L'objectif de réhabilitation de 120 000 logements au moyen des PALULOS, fixé par la convention du 17 janvier 1995, devrait être atteint ou dépassé en 1997 et 1998, du fait de l'augmentation des crédits.
Par ailleurs, le Gouvernement a étendu l'application du taux réduit de TVA, décidé en 1997 pour la construction de logements locatifs sociaux, aux travaux d'amélioration et de réhabilitation des logements sociaux. Le coût de cette mesure est estimé à 2,2 milliards de francs pour 1998, et à 2,7 milliards de francs en année pleine. Cette extension du taux réduit de TVA devrait équivaloir à une baisse d'environ 12 % du montant des travaux.
Il est toutefois regrettable que le dispositif ne s'applique pas à certains immeubles privés occupés par des personnes modestes, qui auraient également besoin d'un soutien à la réhabilitation. Cela met en évidence une différence de traitement grandissante, qui devient problématique, entre le logement social et le logement intermédiaire.
En outre, il y a un certain paradoxe à mettre en oeuvre une subvention fiscale dans un contexte marqué par la reprise de l'activité. Il est à craindre en effet que cette disposition ne se traduise autant par un effet en termes de volume, de par l'augmentation du nombre de réhabilitations, que par un effet en termes de prix, les prestataires profitant de la baisse du coût relatif des travaux pour augmenter leurs marges. En fait, cette disposition apparaît comme décalée par rapport au cycle conjoncturel ; pour satisfaire pleinement l'intérêt général, elle aurait dû être mise en oeuvre dans une période de récession.
L'effort consenti pour la réhabilitation du parc privé est, quant à lui, maintenu. Il est assuré par le biais de deux dispositifs : la prime à l'amélioration de l'habitat, la PAH, et les subventions de l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH. Par ailleurs, des incitations fiscales sont prévues sans condition de ressources.
La dotation budgétaire initiale pour la prime à l'amélioration de l'habitat était de 600 millions de francs en 1997. Le Gouvernement a décidé de mettre en place, au second semestre de 1997, des crédits pour réhabiliter 100 000 logements supplémentaires.
Une partie de cet effort budgétaire sera consacrée au financement des primes à l'amélioration de l'habitat, soit une enveloppe de 250 millions de francs, ce qui portera à 850 millions de francs les crédits réservés en 1997 à la PAH. Au total, cette dotation permettra d'engager l'amélioration de plus de 80 000 logements, pour près de 1,5 milliard de francs de travaux.
La dotation correspondante pour 1998 s'élève à 800 millions de francs, soit une baisse de 50 millions de francs par rapport à la dotation revalorisée pour 1997.
La subvention d'investissement de l'ANAH inscrite dans la loi de finances initiale pour 1997 se montait, quant à elle, à plus de 2 milliards de francs en autorisations de programme. Dans l'optique du programme supplémentaire de réhabilitation de 100 000 logements décidé cet été, 200 millions de francs de plus ont été attribués à l'ANAH.
En 1998, les crédits de l'ANAH seront préservés, puisque la dotation atteindra 2,2 milliards de francs, soit un montant équivalent au total des crédits pour 1997.
Par ailleurs, les incitations fiscales à la rénovation des logements privés sont maintenues et développées. Pour compléter le dispositif de réduction d'impôt prévu par l'article 85 de la loi de finances pour 1997, l'article 49 du projet de loi de finances pour 1998 crée un crédit d'impôt ouvert aux contribuables propriétaires ou locataires pour les travaux d'entretien et de revêtement de surfaces réalisés dans leur résidence principale. Le montant des dépenses engagé est toutefois limité à 4 000 francs pour une personne seule et à 8 000 francs pour un couple. Le crédit d'impôt correspond à 15 % du montant des dépenses, soit 600 francs pour une personne seule et 1 200 francs pour un couple.
Alors que la situation économique de nombreux locataires et accédants à la propriété continue de se dégrader, le Gouvernement a souhaité augmenter les revenus de transfert. Le 1er juillet dernier, il a ainsi décidé d'actualiser le barème des aides personnelles au logement pour un montant de 2,5 milliards de francs ; en outre, 500 millions de francs sont prévus pour une nouvelle actualisation au 1er juillet prochain.
On peut regretter que la réforme des aides entreprises par le précédent gouvernement n'ait pas été, pour l'instant, poursuivie. Cette réforme est pourtant nécessaire si l'on souhaite renforcer l'équité et l'efficacité du dispositif d'aides, comme tend à le démontrer un récent rapport du conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts. Les aides personnelles au logement sont devenues indispensables, mais elles ne doivent pas constituer un obstacle à l'insertion professionnelle.
Le principal point faible du projet de budget réside dans les menaces qui pèsent sur l'accession sociale à la propriété et sur l'investissement locatif.
En effet, des modifications significatives et coordonnées ont été apportées au dispositif du prêt à taux zéro, qui limitent son champ d'application et menacent son existence même. En conséquence de ces mesures d'économies budgétaires, le nombre attendu des opérations devrait baisser de 10 000 unités, le dispositif s'étant affirmé comme un véritable succès populaire.
Ainsi, le bénéfice du prêt est réservé aux primo-accédants, la marge des banques est réduite et les délais de remboursement sont modifiés. Cette évolution illustre la préférence du Gouvernement pour le logement collectif social, au détriment du logement individuel, qui a pourtant la faveur des Français. Cette mesure constitue par ailleurs une nouvelle atteinte à la famille, puisque l'agrandissement des familles constitue une cause importante de changement de logement et que ce sont précisément les ménages qui cherchent à agrandir leur maison qui sont visés par la reconfiguration du prêt. Plus généralement, cette disposition fragilise la « chaîne du logement », dont la cohérence avait été rétablie depuis quelques années.
L'investissement locatif est également menacé, le Gouvernement ayant annoncé que le système d'amortissement accéléré, dit « amortissement Périssol », ne serait pas reconduit au-delà de 1998. Un nouveau dispositif devra sans doute être imaginé. Le statut du bailleur privé envisagé par M. le secrétaire d'Etat devra, quant à lui, être précisé. Si la puissance publique devait se porter caution pour les locataires, cela constituerait un risque non négligeable pour la dépense publique.
En matière d'aide aux personnes défavorisées, on peut rappeler que le plan d'urgence de 1995 avait sensiblement amélioré la situation. Le projet de budget consolide les mécanismes d'aide, qu'il s'agisse du logement temporaire ou des actions financées grâce au fonds de solidarité pour le logement, le FSL.
Toutefois, les actions nouvelles tardent à être définies, et la commission des affaires sociales considère que le prochain projet de loi consacré à la lutte contre les exclusions devrait s'appuyer sur le projet de loi de renforcement de la cohésion sociale et l'approfondir. A cet égard, le haut comité pour le logement des personnes défavorisées a fait récemment des propositions qui mériteraient d'être prises en considération.
Au bénéfice de ces observations, et après avoir souligné que ce projet de budget comprenait un certain nombre de dispositions dignes d'intérêt, la commission des affaires sociales a décidé de s'en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée quant à l'adoption des crédits consacrés au logement social par le projet de loi de finances pour 1998. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées socialistes.) M. René Régnault. Soyez positivement sages !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 17 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le logement est l'une des principales préoccupations de nos concitoyens. Bien entendu, ce constat est vrai tout d'abord pour tous ceux qui en sont privés et pour les personnes mal logées qui occupent des logements sans confort ou surpeuplés, et trouver une solution humaine au problème de toutes ces populations est une priorité. Il est donc urgent de mobiliser, bien au-delà du seul secteur du logement social, tous les acteurs et tous les dispositifs existants, jusqu'à la réquisition.
Plus largement, le logement est également un souci pour la plupart des salariés, pour lesquels il représente une part de plus en plus grande de leur budget et pour lesquels se loger correctement suppose des efforts, parfois même des sacrifices. Le logement est non seulement la caisse de résonance des difficultés sociales, mais peut également être un facteur d'aggravation des inégalités.
Par conséquent, la politique du logement que l'on entend mettre en place doit être conditionnée par la réponse à cette préoccupation. Faut-il ou non réserver le logement social exclusivement aux plus démunis ? Faut-il ou non pérenniser le désengagement de l'Etat à son égard ? Des organismes de gestion du logement, dégagés des règles du marché, ont-ils ou non un avenir ? Comment relancer l'activité du secteur du bâtiment et des travaux publics ?
Les réponses à ces questions, et il y en a bien d'autres, modèleront, pour une part, le visage que prendra notre société. Vous aviez vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, inscrit dans la loi de mai 1990, qui porte votre nom, le droit au logement. Il faut à présent donner une portée concrète à cette intention.
Le Gouvernement a commencé à réfléchir sur un certain nombre de points relatifs au logement. Les parlementaires communistes soutiennent cette volonté de mise à plat des problèmes, mais nous allons plus loin et réclamons qu'une conférence nationale sur le logement soit organisée par le Gouvernement, en collaboration étroite avec la population, les associations de locataires, les élus locaux et nationaux, les organismes gestionnaires et les bailleurs privés et publics. Ce grand débat permettrait d'engager une réflexion de fond sur ce thème et devrait déboucher sur des dispositions législatives.
Le projet de loi doit être une manifestation de la volonté du Gouvernement. Qu'en est-il du projet de budget pour 1998 ? Il nous est présenté en hausse par rapport à la loi de finances initiale pour 1997, mais il est relativement stable si l'on tient compte des gels de crédits décidés postérieurement, et donc des crédits réellement affectés.
Ce projet de budget amorce une évolution par rapport à la politique du logement qu'avait menée l'ancienne majorité. Pour autant, il ne marque pas assez clairement un réel changement de cap, même s'il permet d'aborder un certain nombre de questions, sur lesquelles nous sommes prêts à travailler de façon constructive.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen saluent toutes les mesures allant dans le bon sens.
La première est la revalorisation des allocations logement intervenue en juillet 1997, qu'il est proposé de consolider et de compléter en 1998. Cette disposition représente un progrès pour les allocataires ; elle peut cependant passer inaperçue tant la réforme des barèmes, décidée par le précédent gouvernement et mise en application cette année, écarte un grand nombre de bénéficiaires. Il est à noter que, dans cette optique, des personnes perdent le bénéfice de certaines prestations de la caisse d'allocations familiales et sont privées, par exemple, de l'allocation de rentrée scolaire, bien que leurs ressources n'aient pas évolué.
Il conviendrait, monsieur le secrétaire d'Etat, d'établir un bilan précis du nombre des bénéficiaires de l'APL, qui ne cesse de croître. Cette logique, encore privilégiée aujourd'hui, du choix de l'aide à la personne au détriment de l'aide à la pierre a été introduite, dès 1977, par la loi « Barre ». Conjuguée avec le niveau des taux d'emprunt consentis aux organismes, elle s'est traduite par une augmentation significative des loyers. Il n'est en effet pas rare de constater que des logements PLA sont difficiles à attribuer, du fait du haut niveau des loyers, associé à des plafonds de ressources très bas.
Le deuxième point positif de ce projet de budget tient à la diminution du taux de la TVA sur les travaux d'amélioration et de rénovation financés sur fonds propres et réalisés par les organismes d'HLM. La portée de cette mesure est toutefois affaiblie par l'instauration d'une PALULOS moyenne de 10 %, qui portera préjudice aux organismes, surtout à ceux qui disposent d'un parc immobilier important dans les zones sensibles. Devant la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale, vous aviez avancé, monsieur le secrétaire d'Etat, l'idée d'une modulation des aides en fonction de la situation des différents organismes. Un tel système ne risquerait-il pas d'entraîner des effets pervers, puisqu'il pénalisera les organismes dont la gestion est saine, et de faire supporter aux locataires le manque à gagner dû à une diminution de la PALULOS ? Comment vous assurerez-vous que les organismes jugés en meilleure santé que les autres ne répercuteront pas cette différence du montant de la subvention sur les loyers ?
La troisième mesure positive concerne l'augmentation des crédits alloués à l'ANAH et au financement de la prime à l'amélioration de l'habitat.
Enfin, permettez-moi de souligner l'effort consenti en faveur du financement de 80 000 logements sociaux, même si cet objectif de construction reste très inférieur aux besoins en constructions nouvelles estimés par l'INSEE. Ce point revêt une importance particulière, tant il est vrai que le logement social constitue, à nos yeux, le coeur de la politique du logement.
Toutes ces dispositions nous permettent de qualifier ce projet de budget, comme l'a fait mon amie Janine Jambu à l'Assemblée nationale, de « dispositif de transition. »
En effet, des interrogations et des inquiétudes demeurent. Afin de mieux définir quel type de politique du logement social nous voulons mettre en place, nous nous proposons de prendre des mesures fortes dans les mois à venir.
Tout d'abord, le surloyer imposé aux locataires et aux organismes pourrait être abrogé. J'aurai l'occasion d'y revenir au cours de l'examen des titres.
Par ailleurs, nous pourrions rétablir les subventions de l'Etat pour la construction de logements sociaux PLA, qui ont été supprimées en octobre 1996, abroger les mesures relatives à l'APL prises par le gouvernement Juppé et mises en oeuvre à compter du 1er juillet 1997, supprimer les avantages fiscaux exorbitants liés à l'« amortissement Périssol » et, enfin, renoncer à la ponction de 7 milliards de francs sur le 1 % logement en 1998, qui engendre une insuffisance de financement pour les opérations de construction et de rénovation.
Ces mesures permettraient, dans un premier temps, de revenir à la situation antérieure à l'accession de la droite au gouvernement, en 1995.
Il conviendrait également de prendre des décisions tendant à faire baisser le montant des loyers. A cet égard, la baisse des taux des emprunts pour le logement social, l'allongement des durées de remboursement et un retour à l'aide à la pierre peuvent constituer des pistes de réflexion. En effet, une simulation réalisée par l'office d'HLM de Rennes a montré qu'avec un prêt remboursable sur quarante ans au lieu de trente-deux ans, un taux de 2 % au lieu de 4,8 % et une subvention à la construction de 50 000 francs, un loyer peut être ramené de 2 000 francs à 1 200 francs.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai noté votre attachement à la mixité sociale dans les quartiers. Je partage votre préoccupation. Une telle attitude implique de ne pas créer des ghettos en destinant exclusivement le logement social aux plus démunis de nos concitoyens. La revalorisation des plafonds de ressources pour l'attribution d'un logement social, quelle que soit l'implantation géographique, doit donc être prévue. En effet, ces plafonds de ressources ne correspondent plus à la réalité sociale et économique.
Nous reviendrons sur cette proposition à l'occasion d'une intervention sur un titre lors de l'examen des crédits.
Cette volonté de réaliser la mixité sociale exige également que l'Etat mette en place un dispositif contraignant visant à assurer la répartition du patrimoine social dans toutes les communes.
Par ailleurs, on peut s'inquiéter de la multiplication des types de prêts, car celle-ci conduit à une segmentation du logement.
Si nous nous réjouissons d'une amorce ciblée d'un retour de l'aide à la pierre pour le PLA-TS, nous craignons que ces différences de financement ne conduisent à diminuer les coûts, ce qui entraînerait des disparités quant à la qualité. Or, le logement social, y compris celui qui est destiné aux plus démunis, doit être appréhendé dans sa globalité, au travers des incidences qu'il génère dans différents domaines au sein du quartier : équipements alentours - transports, écoles, commerces - sécurité, environnement, emploi.
S'agissant du parc privé, j'ai pu constater dans plusieurs articles que vous aviez la volonté de créer un statut du bailleur privé par le biais d'un conventionnement. Nous n'y sommes a priori pas hostiles si cette mesure est mise en oeuvre au sein d'un budget spécifique. Toutefois, il conviendrait d'associer l'ensemble des partenaires à cette réflexion et de ne pas l'envisager comme un palliatif au désengagement de l'Etat.
J'aimerais également connaître l'avis du Gouvernement sur la possibilité pour les organismes d'HLM de gérer les logements vacants, qui a été évoquée à l'Assemblée nationale. Nous serions quant à nous plutôt favorables à une solution tendant à confier aux organismes d'HLM la seule attribution des logements vacants.
Des questions demeurent à propos de l'accession sociale à la propriété. Quels seront les outils, les modalités et les intervenants après la disparition du prêt à taux zéro ?
Je souhaite rappeler que nous sommes attachés à une renégociation de la contribution des entreprises à l'effort de construction et de logement. Il est urgent de quantifier les besoins des salariés dans ce domaine et de soumettre cette collecte à un contrôle démocratique et transparent.
Concernant le fonds de garantie de la caisse de garantie du logement social, la CGLS, nous avons de vives inquiétudes après l'annonce, dans le collectif budgétaire, d'un prélèvement de 2 milliards de francs.
La ponction décidée risquerait de placer les collectivités locales en première ligne dans le jeu des garanties et donc de fragiliser leur position. Cela représenterait, de plus, une restriction pour la mise en oeuvre des plans d'aide et de redressement assurés par la CGLS.
S'il est vrai que les réserves du fonds de garantie de la CGLS sont excédentaires, les sommes thésaurisées doivent servir à une véritable politique de reconstruction du logement social, à l'aide aux quartiers en difficultés, à la consolidation des organismes d'HLM.
Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous dire ce qu'il en est exactement ?
Enfin, concernant le logement des jeunes, il apparaît que certains services fiscaux veulent assujettir les étudiants logés dans les nouvelles cités universitaires à la taxe d'habitation. Or la réglementation est claire : les étudiants logés en résidence universitaire sont exonérés du paiement de la taxe d'habitation ; ceux qui habitent en HLM, par défaut d'un logement en cité universitaire, ou dans une résidence-studios, cofinancée et construite en partenariat avec une société d'HLM, doivent bénéficier de la même mesure.
Par ailleurs, une réflexion devrait être engagée concernant des mesures spécifiques facilitant le logement des jeunes tant pour l'attribution d'un premier logement que pour leur installation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen seront attentifs aux réponses que vous apporterez et soutiendront votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en hausse de 6,7 % par rapport à 1998, les crédits affectés au logement témoignent de la priorité accordée par votre ministère aux actions sociales, sans toutefois négliger les mesures de soutien à l'activité du bâtiment.
Ainsi, concernant les aides à la personne, vous proposez de réévaluer les barèmes, sans pour autant remettre en question la nécessaire réforme de l'APL mise en place par votre prédécesseur. La décision est positive.
Vous vous inscrivez encore dans le sillage de votre prédécesseur en maintenant en vigueur l'amortissement Périssol, qui a largement prouvé son efficacité. J'en prends acte.
Enfin et surtout, vous faites porter l'effort sur la réhabilitation, tant dans le secteur social que dans le secteur privé.
Je tiens aussi à saluer l'augmentation des crédits de l'ANAH, qui avaient été réduits trop fortement ces dernières années. En effet, la subvention d'investissement dont elle bénéficie augmente de 9,2 % et les crédits de paiement de 11,2 %. La prime à l'amélioration de l'habitat est également bien dotée, avec des crédits en hausse de 33,3 %.
Ces mesures sont positives compte tenu du rôle primordial que joue l'ANAH, tout particulièrement en milieu rural, où la réhabilitation et la remise sur le marché de logements vacants, souvent inconfortables, est un facteur de développement local, de redynamisation du tissu économique et de valorisation du patrimoine architectural. Dans les petits bourgs et dans les villes moyennes, les aides à la réhabilitation constituent de véritables supports de l'artisanat.
Le parc social, quant à lui, bénéficie d'un taux de TVA réduit en échange de l'engagement des organismes d'HLM d'accélérer les travaux de réhabilitation de leur parc et de créer des emplois-jeunes.
Sur ce point, permettez-moi de vous mettre en garde, monsieur le secrétaire d'Etat : il est à craindre que ces emplois aidés ne viennent concurrencer les entreprises du bâtiment et des travaux publics et fausser la concurrence.
Il convient donc d'être extrêmement vigilant, car les mesures que vous proposez par ailleurs pour relancer l'activité risquent de voir leurs effets atténués sur un secteur du bâtiment déjà fragilisé. Rappelons, en effet, que ce secteur connaît une récession depuis 1990 et que, malgré une relative embellie, 800 petites et moyenes entreprises continuent de déposer leur bilan chaque mois, entraînant avec elles la disparition de 2 500 emplois.
Jusqu'à présent, j'ai souligné les points positifs de votre projet de budget. Mais vous vous doutez bien que je ne peux continuer ainsi. Je souhaiterais, en effet, exprimer maintenant quelques inquiétudes et quelques interrogations.
Tout d'abord, permettez-moi d'évoquer l'article 49 du projet de loi de finances pour 1998, qui prévoit la mise en place d'un dispositif censé abaisser le coût des opérations de réhabilitation en instaurant un crédit d'impôt à raison des dépenses d'entretien et de revêtement de surface de l'habitation principale.
D'une part, vous présentez ce dispositif comme étant équivalent à une réduction du taux de la TVA à 5,5 %. Il est regrettable, selon moi, que, pour des raisons communautaires, nous ne puissions procéder à cette baisse de la TVA, qui aurait apporté une simplification. Je vous invite donc à mon tour à engager des négociations avec nos partenaires européens sur ce sujet.
D'autre part, le montant des dépenses ouvrant droit à ce crédit d'impôt est plafonné à 4 000 francs pour une personne seule et à 8 000 francs pour un couple. Ce plafond me paraît beaucoup trop bas, et ce pour deux raisons.
La première est qu'en dessous de 10 000 francs le bricolage représente les deux tiers des opérations ; les propriétaires ne font appel aux services de professionnels que pour les travaux au-delà de ce seuil.
De ce fait, l'effet bénéfique de cette mesure sur l'activité du bâtiment et quant au travail au noir risque d'être très limité.
La seconde raison tient au fait qu'avec ce seuil de 8 000 francs le crédit d'impôt aura certainement peu d'influence sur le difficile problème des copropriétés dégradées, qui, de plus en plus, entrent dans une phase d'importants travaux d'entretien.
La deuxième interrogation que je souhaiterais formuler a trait au prêt à taux zéro.
Au-delà de l'inquiétude exprimée par notre collègue M. Henri Collard dans son excellent rapport à propos des mesures restrictives sur la portée de ce prêt réglementé, je m'étonne, monsieur le secrétaire d'Etat, que, vous qui êtes tellement attaché à introduire davantage de justice sociale en faveur des plus démunis, vous ne mettiez pas en place le filet de sécurité prévu par votre prédécesseur. En effet, à mon sens, le dispositif est loin d'être une mesure « gadget ».
En effet, un tel système permettrait d'alléger les mensualités de remboursement de l'accédant à la propriété touché par le chômage. Je me permets d'ailleurs de vous rappeler que cette proposition faisait partie d'un programme électoral.
En troisième lieu, je souhaiterais obtenir des engagements de votre part quant à l'allocation de logement social pour les étudiants. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire l'année dernière, cette allocation a généré, depuis sa création, une série d'effets pervers : une dérive budgétaire, des inégalités entre les familles et des inégalités entre propriétaires bailleurs.
Ces constats avaient incité le gouvernement d'Alain Juppé à envisager une réforme de l'ALS, à l'occasion de l'instauration d'un statut social de l'étudiant, qui n'a malheureusement pas pu voir le jour.
Malgré le caractère urgent d'une telle réforme, non seulement je n'en ai pas trouvé trace dans votre projet de budget, mais, en plus, un syndicat d'étudiants vient d'attirer mon attention sur le fait que la première mesure prise par vos collègues MM. Claude Allègre et Dominique Strauss-Kahn, dans le cadre de leur plan social pour les étudiants, a consisté à soumettre les étudiants logés en cités universitaires à la taxe d'habitation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pourriez-vous rassurer notre Haute Assemblée en nous apportant des éclaircissements sur les zones d'ombre de votre politique budgétaire que je viens d'évoquer ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Egu.
M. André Egu. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de budget s'inscrit dans une conjoncture que j'aimerais rappeler. De manière générale, l'activité demeure faible, que se soit au niveau des transactions dans l'ancien résidentiel ou en ce qui concerne les transactions sur les bureaux et sur les fonds de commerce. Reconnaissons cependant que cette activité s'est débloquée par rapport à la même période de l'année précédente, et ce dans toute la France.
On observe une atonie quasi structurelle des reventes à destination des investissements locatifs et un marché seulement porté par les acquisitions de résidences principales, en accession à la propriété essentiellement.
En ce qui concerne les bureaux, l'activité s'est légèrement ranimée, mais on est loin de la vigueur qui serait un signe de la santé du marché. Les investisseurs sont toujours bien timides, singulièrement les investisseurs étrangers.
Les causes sont multiples et méritent qu'on s'y arrête.
Le déblocage des marchés résidentiels est dû essentiellement à deux facteurs importants : la baisse des prix et celle des taux.
Nous devons, à cet égard, saluer l'action du précédent gouvernement, pour lequel le logement constituait un levier majeur de la croissance. Pas plus qu'aucun autre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'avez l'apanage la volonté de faire de ce secteur une priorité.
Pour les bureaux et les fonds de commerce, le ralentissement général de l'économie explique évidemment l'absence de marché vivace.
La fiscalité applicable aux mutations à titre onéreux est la seconde explication.
Sur des marchés tellement ouverts, il est urgent de réduire la fiscalité et de l'harmoniser avec celle des pays voisins ou des pays comparables. Vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, les droits de mutations à titre onéreux sont une exception française - encore une ! - qui disqualifie la France auprès des investisseurs étrangers.
Ils freinent la mobilité résidentielle, donc professionnelle, des ménages. Par ailleurs, ils ne sont plus compensés depuis longtemps par une inflation forte et ils pénalisent systématiquement les acheteurs. Enfin, ils sont l'une des causes les plus importantes de l'insuffisance de la rentabilité locative. En effet, il faut savoir que les biens d'investissement sont, en moyenne, conservés pendant une dizaine d'années et, de fait, avec un taux de 10 %, c'est 1 % de la valeur du bien qui vient grever chaque année le taux de rendement. Pardonnez-moi cette franchise, monsieur le secrétaire d'Etat, mais, aujourd'hui, les droits de mutation à titre onéreux sont aberrants.
Je viens maintenant parler de l'avenir du prêt à taux zéro, qui suscite les plus grandes inquiétudes.
Le Gouvernement a clairement annoncé sa volonté de pérenniser l'accession sociale à la propriété, ce dont je me félicite. A cet égard, deux priorités se dégagent de votre budget : les aides à la personne et le logement social.
Si la première priorité est davantage l'effet d'une contrainte que d'un choix, la seconde résulte d'une option claire et délibérée de votre part : de votre préférence pour le logement locatif social plutôt que pour l'accession à la propriété.
Pourtant - dois-je vous le rappeler ? - le choix résidentiel de la très grande majorité de nos compatriotes est non pas le logement locatif social, mais l'accession à la propriété d'une maison individuelle. Je considère comme une grave erreur de ne pas mettre à la disposition de ceux qui souhaitent acquérir leur logement un dispositif d'aide leur permettant d'accéder à la propriété sans risque excessif. C'est ce qu'avait compris le précédent gouvernement, le succès du prêt à taux zéro en témoignait. (Exclamations ironiques sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Gérard Delfau. Ça c'est extraordinaire !
M. Henri Collard, rapporteur spécial. Très bien !
M. André Egu. De plus, il me semble que le meilleur moyen de protéger les accédants fragiles est de leur ouvrir le marché des biens les moins chers, c'est-à-dire les logements existants. En effet, par définition, ces biens sont proposés à des prix qui intègrent la décote normale, évitant à l'accédant le risque de revente à perte en cas de difficulté ou de mobilité. Malgré votre volonté de conserver un dispositif que tout le monde juge efficace, dispositif d'aide à l'accession sociale à la propriété par excellence, je constate que le financement du prêt à taux zéro n'est pas assuré pour l'année 1999.
M. Gérard Delfau. La faute à qui ?
M. André Egu. C'est toujours difficile de changer autant de politique !
M. Gérard Delfau. Il fallait le dire à M. Périssol !
M. André Egu. Plusieurs pistes existent. Elles ont été envisagées par notre rapporteur spécial : appel au 1 % patronal, contribution de l'épargne logement ou d'autres sollicitations de l'épargne administrée.
En outre, le dispositif de sécurisation des accédants, initialement prévu en faveur des emprunteurs les plus modestes qui complètent leur prêt sans intérêt avec un prêt d'accession sociale, n'est toujours pas mis en place. Or, il s'agit d'un élément indispensable compte tenu de la fragilité financière des ménages susceptibles de postuler au prêt à taux zéro.
Enfin, la restriction des conditions de distribution du prêt et la limitation du bénéfice aux seuls primo-accédants risquent de casser le rythme naturel des acquisitions immobilières successives adaptées aux évolutions de la cellule familiale.
Financement mal assuré, pas de sécurisation, champ d'application de plus en plus étroit, couverture réduite du risque des établissements de crédits, solvabilisation moindre des ménages modestes... bref, autant dire que c'est la fin du prêt à taux zéro.
M. Gérard Delfau. Hélas !
M. André Egu. Pourtant, celui-ci était une belle réussite. En octobre 1995, il avait remplacé le prêt aidé pour l'accession à la propriété conçu selon le même principe : une bonification d'intérêt. C'est le résultat en quantité qu'il faut juger. Toutefois deux éléments d'importance le différenciait du PAP : son taux d'intérêt nul - ce qui ne s'était jamais fait auparavant - et sa beaucoup plus large diffusion, 144 000 en 1996.
Oui, le prêt à taux zéro a marqué un retour de la politique d'accession à la propriété vers le logement neuf, relançant très fortement les ventes de petites maisons neuves situées à la périphérie des villes. Allez-vous mettre un terme aux rêves et aux espérances qui avaient pu être concrétisés ? (Rires sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Gérard Delfau. C'est de la politique fiction !
M. André Egu. Monsieur le secrétaire d'Etat, il est un autre sujet de préoccupation : quel sort allez-vous réserver à l'amortissement Périssol ? Son financement est assuré jusqu'au 31 décembre 1998. Qu'en sera-t-il après ?
Il semble qu'un statut du bailleur privé le remplacera. Pourtant, l'amortissement Périssol, depuis sa création, a grandement contribué à soutenir l'investissement privé. Pourquoi, dès lors, supprimer un système qui a fait ses preuves ?
Vous dites, pour vous justifier, qu'il faut sortir des mesures conjoncturelles qui ont des effets sur une courte période. Vous précisez, en outre, qu'une aide de la collectivité doit avoir une contrepartie sociale. Il semble que vous recherchiez un dispositif réorientant le mécanisme de l'amortissement vers une clientèle de propriétaires plus sociale et s'élargissant aux logements anciens avec gros travaux. Comment financerez-vous cette mesure ? Aujourd'hui rien n'est prévu à cet effet.
Pour ma part, je crois qu'avant toute chose il faut créer de l'activité. C'est le point le plus important ! Dans ce domaine, la fiscalité est un puissant levier. Pourquoi ne pas créer un dispositif fiscal simple et efficace de réduction d'impôts pour travaux dans les résidences principales et satisfaire le maximum d'accédants ? Le plafond actuel est manifestement insuffisant et la liste des travaux éligibles trop restrictive. Ne serait-il pas nécessaire d'améliorer le sort fiscal et financier du bailleur privé dans l'ancien par tous les moyens ?
D'abord, comme il est plus facile de faire baisser l'activité que de la faire remonter, évitons les décisions politiques inquiétantes pour les investisseurs : taxe d'inhabitation, réquisitions et autre administration du marché...
Il faudrait également inciter à la remise sur le marché de logements vacants. Ne pourrait-on pas imaginer une exonération des revenus fonciers pendant un an pour les logements vacants depuis plus d'un an qui seraient remis sur le marché ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, je profite de ce débat pour mettre l'accent sur l'état confus du droit applicable à l'immobilier : les textes sont trop abondants, ils sont trop complexes et la place accordée au contrat est insuffisante. Il faut alléger, simplifier et préférer la confiance contractuelle à la brutalité de la loi.
Enfin, j'insiste sur la nécessaire réglementation des activités immobilières. Il est temps de moderniser les métiers de l'immobilier afin d'y introduire compétence, conseil et transparence. Tout le monde y trouvera avantage.
Avant de conclure mon propos, monsieur le secrétaire d'Etat, je reconnais que certaines mesures vont dans le bon sens...
M. Gérard Delfau. Quand même !
M. André Egu. ... extension du taux réduit de TVA, dispositif tendant à lutter contre le travail clandestin, actualisation des aides à la personne, augmentation des moyens affectés à la réhabilitation.
Pourtant, nous demeurons inquiets pour l'avenir. De nombreuses questions restent sans réponse, mais je suis persuadé que vous nous apporterez ces réponses. Vous n'avez pas vraiment résolu certains problèmes cruciaux, mais nous vous faisons confiance.
Malgré ces quelques réserves, nous ne nous opposerons pas à votre budget et nous suivrons la commission des finances. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Balarello.
M. José Balarello. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lors du vote du budget de 1997, j'indiquais déjà à votre prédécesseur que le secteur du bâtiment et des travaux publics était le secteur qui avait le plus souffert au cours de ces dernières années. En effet, il a perdu près de 190 000 emplois de janvier 1990 à juillet 1996 pour le seul secteur du bâtiment. Cette hémorragie ne s'est point arrêtée, puisque l'effectif salarié de la construction a diminué de 8 500 personnes au cours du premier semestre de 1997. Les estimations, cependant, sont un peu plus optimistes pour 1998.
Cette situation a des conséquences sur les baisses de recettes de TVA, sur les régimes sociaux et sur les rentrées fiscales.
Si l'on ajoute à cela les dégâts occasionnés à nos finances par les aventures immobilières des banques nationalisées, le fait que le contribuable a dépassé le seuil de rupture et que l'euro nous impose une limitation de nos déficits, il est certain, monsieur le secrétaire d'état, que votre budget est difficile à établir, alors qu'il devrait avoir un important effet de levier sur l'économie.
Quels sont les choix budgétaires que vous nous proposez ?
Le budget global du logement diminue en volume, puisqu'il passe de 40,3 milliards à 39,8 milliards de francs. Mais il faut y ajouter ce qui est prévu à l'article 11 du projet de loi de finances, à savoir la TVA à taux réduit à 5,5 % sur les travaux de réhabilitation effectués dans les logements locatifs sociaux, cela compensant la baisse des PALULOS, dont le taux passe de 20 % à 10 %.
Nous observons également dans ce budget que, d'année en année, les aides à la personne connaissent de fortes progressions, qu'il s'agisse des subventions au FNAL, des subventions au FNH pour le financement des APL ou des participations de l'Etat au FSL et au fonds d'aide aux accédants en difficulté, puisque le total s'élève à 32 655 milliards de francs, soit une progression de 9,8 % par rapport à 1997.
S'agissant de l'APL, monsieur le secrétaire d'Etat, je reviens une nouvelle fois sur ce que j'ai déjà eu l'occasion de dire à votre prédécesseur à différentes reprises du haut de cette tribune : en période de non-prospérité économique, le seul système valable, même s'il est compliqué à remettre en route, est un système mixte qui fait beaucoup plus appel à l'aide à la pierre.
D'ailleurs, nous savons tous que l'enveloppe budgétaire de 1997 sera, comme presque toutes les années, insuffisante pour payer la totalité des aides à la personne, le manque probable étant de 5 milliards à 6 milliards de francs, et ce alors même que le taux réel d'effort des familles augmente malgré l'actualisation du barème intervenue le 1er juillet 1997.
Souvent, en effet, des organismes de logement social pratiquent - je le déplore - des haussses immodérées alors que les charges locatives augmentent.
A titre indicatif, je rappelle que, de 1990 à 1996, les prestations versées au titre des aides personnelles ont augmenté de 46 %, alors que le seul FSL augmentait de 20 % sur une année entre 1995 et 1996. Il est temps, monsieur le secrétaire d'Etat, de repenser le système et de l'envisager sérieusement et sans a priori . Ayant été, monsieur le secrétaire d'Etat, rapporteur de la loi qui porte votre nom, je ne doute que vous aurez cette réflexion avec nous.
J'ai également noté avec intérêt que vous avez prévu 80 000 PLA et 120 000 PALULOS, dont 10 000 PLA très sociaux bénéficiant d'une subvention majorée de 20 %. En outre, vous étendez la TVA à taux réduit aux travaux de rénovation qui ne bénéficient pas de la PALULOS.
Bonne initiative, monsieur le secrétaire d'Etat, que celle qui consiste à créer des PLA démolition-reconstruction en partenariat avec les collectivités locales, bénéficiant de la TVA réduite et d'une subvention de 50 000 francs.
Il ne faut pas que nous hésitions à démolir certains immeubles mal construits, devenus invivables et générateurs de violence, surtout lorsqu'ils sont situés dans des quartiers surpeuplés ; nous en avons des exemples tous les jours. A Nice, lorsque j'étais président de l'office d'HLM, j'ai décidé de faire dynamiter une tour d'un grand ensemble situé dans un quartier difficile. J'avais également décidé de le faire à Vallauris pour une autre tour.
S'agissant du secteur privé du logement, j'ai noté votre volonté de remettre sur le marché les logements privés inoccupés. Leur nombre exact est difficile à fixer. La FNAIM recense 800 000 logements qui pourraient être occupés alors que le rapport de l'INSEE en dénombre deux millions. Il est vrai que les critères sont différents.
Vous avez donc prévu, et c'est une bonne décision, d'augmenter les crédits de l'ANAH de 9,2 %, pour les porter à 2,2 milliards de francs, et ceux de la prime à l'amélioration de l'habitat de plus 33 %, pour les porter à 800 millions de francs.
A ce propos, je suis persuadé que vous vous opposerez à l'idée avancée par certains de taxer les logements vacants. En effet, si les particuliers laissent des logements vacants, c'est toujours ou presque parce que le revenu qu'ils en tirent est négatif. Aux impayés s'ajoutent les dégâts constatés après le départ de certains locataires, les impôts locaux, les charges élevées, notamment dans les copropriétés chauffées collectivement, sans parler des frais de procédure.
Nous devrions réfléchir, monsieur le secrétaire d'Etat, à un système de garantie des loyers contre un engagement de modération. Dans certaines régions d'Allemagne, ce système existe et, compte tenu de la multiplicité des aides que nous versons, cela ne devrait pas coûter au budget des sommes beaucoup plus importantes. J'ai lu d'ailleurs dans l' Information immobilière d'octobre 1997 que nous partageons sur ce sujet la même conviction.
Après ces deux pistes auxquelles je vous propose de réfléchir en commun, laissez-moi vous faire part d'un regret : vous avez baissé le nombre de prêts à taux zéro. Le projet de loi de finances ne prévoit en effet que 110 000 prêts pour 1998 au lieu de 120 000 en 1997, alors que 145 000 ont été distribués en 1996 à des accédants ayant des ressources inférieures à 15 000 francs par mois, et ce à concurrence de 78 %.
Je regrette également, car je pense que c'est une erreur, que ce prêt soit réservé aux seuls primo-accédants. De plus, comme je l'ai déjà dit à votre prédécesseur M. Pierre-André Périssol, c'est également, à mon avis, une erreur de ne pas baisser à 20 % le montant des travaux dans le système de prêt à taux zéro pour l'ancien. Je rappelle que le chiffre d'affaires que les artisans tirent de l'entretien et de l'amélioration des logements représente 140 milliards de francs hors taxes, soit un chiffre d'affaires plus important que celui que génèrent les constructions neuves.
Dans cet ordre d'idées, il m'apparaît souhaitable qu'une TVA à un taux intermédiaire entre 5,5 % et 20,6 %, de préférence nettement plus bas que 20,6 %, soit appliquée aux travaux d'entretien et d'amélioration des logements non aidés.
Cette mesure serait à même de relancer l'activité du BTP, dont la part dans notre produit intérieur brut n'a cessé de diminuer pour être parmi les plus faibles d'Europe : elle représentait 10 % du PIB en 1990 et n'était plus que de 8 % en 1995, selon les chiffres de la confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment.
Cela éviterait beaucoup de « sans facture », et je ne suis pas certain que le ministre des finances ne s'y retrouverait pas, car le gisement d'emplois réside dans les PME-PMI, où les artisans sont très nombreux à être en sous-effectif. Nous le constatons souvent dans nos communes.
M. Serge Franchis. C'est vrai !
M. José Balarello. Autre question, monsieur le secrétaire d'Etat : si, pour 1997 et 1998, le financement de ce prêt est assuré par un prélèvement de 50 % sur les sommes perçues par les organismes collecteurs du 1 % logement, et ce à hauteur de 7,4 milliards de francs en 1998, nous ne pouvons ignorer que ce prélèvement, qui devait être exceptionnel, pénalise non seulement les collecteurs du 1 %, mais la construction du locatif social, certains collecteurs - j'en connais - ayant même été obligés en 1997 d'emprunter pour assurer des engagements précédemment souscrits auprès d'organismes d'HLM.
Mais, en 1999, comment, monsieur le secrétaire d'Etat, arriverons-nous à soutenir l'accession sociale à la propriété, alors que, contrairement à une idée reçue, la proportion de propriétaires occupants est seulement de 54 % en France ? Indiquons qu'elle est de 59 % en Belgique, 66 % en Italie, 67 % en Angleterre et 78 % en Espagne.
Alors que le Français veut, toutes catégories sociales confondues, devenir propriétaire de son logement, n'allez pas à contre-courant ! Compte tenu de la baisse des taux d'intérêt, cela entraîne une dépense budgétaire modérée et libère de surcroît des logements dans le locatif social.
Je terminerai en attirant encore votre attention sur deux points.
D'une part, les plafonds de ressources appliqués par les organismes d'HLM doivent être réévalués. L'intégration de personnes à revenu moins modeste dans le parc HLM permettrait en effet une plus grande mixité sociale.
D'autre part, les surloyers devraient, au contraire, être revus à la baisse pour éviter les départs de locataires souvent anciens, qui sont remplacés par des familles dans des situations « lourdes », car ce phénomène crée, nous le savons tous, des ghettos.
En dernier lieu, monsieur le secrétaire d'Etat, je veux attirer votre attention sur la situation des associations départementales pour l'information sur le logement, les ADIL, qui réalisent un travail important dans cinquante-huit départements et animent près de quatre-vingt-dix centres d'information.
Or il n'est pas normal que leur financement tienne au bon vouloir des collectivités locales, la participation de l'Etat étant fonction des subventions reçues de ces dernières. Je vous suggère donc d'instituer un financement de l'Etat qui soit fondé sur le nombre d'habitants et les activités de chaque association.
J'ose espérer, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous tiendrez compte de ces quelques suggestions. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Vezinhet.
M. André Vezinhet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au moment de prendre la parole, je me souviens des inquiétudes qui furent les nôtres lors du débat des lois de finances des quatre dernières années, plus particulièrement des années 1996 et 1997, s'agissant du budget du logement.
Les gouvernements d'alors avaient manifestement décidé de sacrifier le logement sur l'autel des économies. L'on avait même vu, pour la première fois, le logement social producteur de recettes dans la loi de finances de 1996 au titre de la taxation sur les surloyers, ces mêmes surloyers ne prenant un caractère d'obligation légale que dans une loi votée en janvier 1996, donc postérieurement à la taxation qui devait les frapper.
Même si le prêt à taux zéro pouvait créer l'illusion d'un soutien à l'activité du bâtiment et d'une aide à l'accession sociale à la propriété, son financement était alimenté par l'instauration du prélèvement de la totalité de la collecte du 1 % sur les exercices 1997 et 1998.
Les temps ont heureusement bien changé. Nous avons noté, monsieur le secrétaire d'Etat, que, lors du débat à l'Assemblée nationale, en réponse à nos collègues députés, vous aviez pris l'engagement d'ouvrir prochainement une réflexion au Parlement sur la taxation sur le surloyer, à laquelle nous restons opposés, et sur le surloyer lui-même, afin d'en limiter les effets pervers en matière de mixité sociale.
De la même manière, vous envisagez, dès le premier semestre de 1998, de proposer au Parlement de débattre sur le dispositif du 1 % et sur les modalités d'amortissement accéléré en faveur de l'investissement locatif.
Lors de la réunion commune des commissions des affaires économiques et du Plan et des affaires sociales du Sénat, vous nous avez demandé de vous faire des propositions à cet égard. Croyez, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous n'y manquerons pas.
Toujours à l'Assemblée nationale, vous ne vous êtes pas montré hostile à la proposition d'organiser une grande conférence nationale sur le logement, idée chère à certaines associations de locataires.
Tous ces signes constituent, pour ceux qui s'intéressent au logement, un encouragement après tant d'années de doutes et d'inquiétudes.
Ces inquiétudes portaient essentiellement sur deux points : la solvabilité des ménages, notamment des plus défavorisés, et le maintien de l'aide à la construction et à la réhabilitation ; en d'autres termes, sur l'aide à la personne et sur l'aide à la pierre.
En ce qui concerne la solvabilité des ménages, nous devons constater que la situation des locataires se dégrade dans le parc social de logement parallèlement à la longue crise économique dans laquelle notre pays se débat, même si l'on note des signes encourageants de reprise.
Malgré des discours, en apparence généreux sur la fracture sociale, force est de constater que la précédente majorité a laissé se dégrader l'aide à la personne, augmentant d'autant l'effort des ménages modestes.
Il fallait donc, dans ces conditions, engager une action vigoureuse en faveur de nos concitoyens les plus démunis. Vous avez su le faire dès le mois de juillet 1997 par une revalorisation sensible de l'APL, et ce conformément aux engagements pris lors de la campagne électorale conduite par M. Lionel Jospin, devenu notre Premier ministre.
En année pleine, les effets de cette mesure se traduiront en 1998 par une augmentation de 9 % de l'APL et de 10,5 % de l'ALS, ce qui - tout le monde doit en convenir - est considérable.
Le locataire en est le premier bénéficiaire, et c'est bien ainsi, mais convenons que le bailleur est également intéressé par cette mesure qui devrait réduire le poids des impayés.
Cependant, ce qui me semble culturellement important, si j'ose dire, c'est l'annonce que vous avez faite des intentions du Gouvernement de renouer avec une politique régulière d'actualisation des aides personnelles.
Pour les plus défavorisés de nos compatriotes résidant dans la parc social, le fonds de solidarité pour le logement, FSL, et l'aide au logement temporaire, ALT, sont restaurés dans le budget de l'Etat et seront en conséquence alimentés en fonction des besoins exprimés.
En outre, une enveloppe supplémentaire devrait venir renforcer le dispositif d'aide à la personne instauré par la loi contre les exclusions.
Toutefois, stimuler une politique du logement, c'est aussi favoriser l'aide à la pierre.
En augmentant de 2,5 milliards de francs par rapport à la loi de finances initiale pour 1997 l'investissement locatif social, vous allez permettre, monsieur le secrétaire d'Etat, de financer 80 000 prêts locatifs aidés, les PLA, dont 30 000 PLA très sociaux et 120 000 primes à l'amélioration du logement à usage locatif et occupation sociale, les PALULOS. En rupture avec les années précédentes, les crédits nécessaires seront inscrits au budget pour atteindre ces objectifs.
L'extension du système de taux réduit de T.V.A. à l'ensemble de l'acte de construction, de réhabilitation mais aussi de réparation ou d'entretien du patrimoine locatif représente un considérable acquis dont les effets seront bénéfiques tant aux locataires qu'aux acteurs des métiers du bâtiment, grosses entreprises et artisans.
En effet, cette baisse du taux de TVA à 5,5 % équivaut à une aide de 12 % du montant des travaux. Les aides par subvention étant maintenues, cela équivaut à un effort supérieur de 20 % à l'aide actuelle.
Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à occuper des fonctions de responsabilités dans le logement social ; c'est mon cas à Montpellier. Sachez que nous contribuerons à l'application judicieuse du PLA-TS au taux majoré de 20 %, comme à la nouvelle disposition de PLA « démolition-reconstruction » que vous initiez pour les quartiers les plus dégradés.
Pour l'accession sociale à la propriété, permettez-nous de vous dire notre accord à la disposition qui réserve aux seuls primo-accédants l'attribution du prêt à taux zéro. Il faut voir là une certaine moralisation de l'accession sociale car, après tout, c'est bien de cela qu'il s'agit et non de favoriser une forme spéculative d'aide.
Par ailleurs, nous apprécions que vous ayez introduit des modalités ouvrant la faculté à l'acquéreur d'un premier bien et qui désire le vendre au terme de deux années d'accéder à un nouveau prêt à taux zéro, de même qu'au propriétaire contraint à la vente pour des impératifs de mobilité professionnelle.
Enfin, l'aide au secteur privé n'a pas été oubliée pour autant.
Le crédit d'impôt alloué pour l'entretien de l'habitation principale devrait concerner plus d'un million de personnes.
La prime à l'amélioration de l'habitat augmentée de 33 % concerne 80 000 logements.
L'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat connaît, elle aussi, une aide en forte croissance, de l'ordre de 10 %.
Quant à la résorption de l'habitat insalubre, nous apprécions sa forte augmentation.
Qu'il nous soit cependant permis, monsieur le secrétaire d'Etat, de soulever, avec une particulière insistance, le problème des copropriétés dégradées, notamment dans les grands ensembles urbains, et je rejoins sur ce point les observations de M. José Balarello.
Les lieux d'habitat, dont la valeur vénale est en forte chute, voient leur propriétaire occupant fuir afin de limiter la perte sur la revente de leurs biens. Une politique de peuplement anarchique s'instaure alors avec, le plus souvent, un effet très marqué de « ghettoïsation ».
Des marchands de biens voient souvent là un moyen de réaliser de substantiels bénéfices en accueillant des familles sans réponse à leur recherche d'habitat. Des spéculateurs peu scrupuleux vont même jusqu'à des pratiques inacceptables telles que la vente de tranches de sommeil. Alors s'installent la misère et l'insécurité, et l'explosion sociale menace ou même se produit.
Il faut, monsieur le secrétaire d'Etat, mettre un terme à cela avant qu'il ne soit trop tard.
En conclusion, je me permettrai une nouvelle fois de dire notre très vive satisfaction de devoir examiner un budget du logement aussi favorable et en totale rupture avec ceux qui l'ont précédé.
Je remercie M. Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, et vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir su convaincre M. le Premier ministre et vos collègues du Gouvernement d'arbitrer aussi positivement en faveur de votre budget. Vous pouvez en éprouver quelque fierté.
Je suis persuadé que la Haute Assemblée ne pourra qu'approuver ces crédits, comme l'a fait la commission des finances, comme l'a pratiquement fait la commission des affaires sociales dans les conclusions remises par son rapporteur, même s'il a dû en appeler à la sagesse du Sénat. Alors, l'avis négatif de la commission des affaires économiques ne sera plus qu'un mauvais souvenir et une regrettable erreur d'appréciation ! (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) C'est vous, monsieur Chervy, qui aviez raison en incitant le Sénat à émettre un vote favorable.
Bien évidemment, les socialistes voteront ce budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach. Monsieur le secrétaire d'Etat, le Sénat a réservé un accueil généralement favorable à votre projet de budget. La commission des finances elle-même, tout en émettant quelques réserves importantes, ne l'a pas censuré.
Je voudrais, à mon tour, vous féliciter pour les mesures prises en faveur du logement locatif social dans son ensemble, mais vous dire aussi mes inquiétudes et celles de plusieurs de mes collègues.
Mes félicitations vont naturellement aux efforts consentis en faveur du logement locatif social proprement dit, à travers les PLA, les PLA-TS, les PALULOS, le taux réduit de TVA pour les réhabilitations, etc.
Vous innovez également en annonçant 5 000 PLA réservés aux opérations de démolition-reconstruction. Mon département est déjà demandeur ; il ne sera sans doute pas le seul.
En effet, c'est une mesure importante, attendue, et qui marque une volonté réelle d'aider les constructeurs sociaux à préparer les conditions d'un cadre de vie digne du troisième millénaire.
Je souhaiterais cependant attirer votre attention sur deux difficultés importantes auxquelles se trouve encore confronté le logement social.
Il s'agit, tout d'abord, de l'inadéquation de plus en plus forte des plafonds de ressources qui ne reflètent plus la réalité sociale des demandeurs et écartent du secteur locatif public une proportion grandissante de ménages aux ressources légèrement supérieures au plafond, mais cependant modestes.
Une refonte du système permettant de faire coïncider la règle de droit avec la demande sociale présenterait l'avantage d'améliorer la mixité sociale, à laquelle je vous sais attaché.
Il reste, également, monsieur le secrétaire d'Etat, le problème délicat des taux d'intérêt réels des crédits au logement social, qui sont trop élevés.
Les aides à la personne, toutes catégories confondues, bénéficient également d'une dotation en forte progression favorisant ainsi la solvabilité des locataires. Je dois néanmoins émettre quelques réserves à leur égard.
La première concerne la pertinence des prévisions budgétaires de ce chapitre. Je crains que la dépense prévisible pour l'année 1998 ne soit largement supérieure à l'enveloppe disponible.
La deuxième a trait à l'absence de tout effort de rationalisation de ces aides à la personne. Il est pourtant indispensable de remédier à certaines anomalies du régime actuel telles que le versement de l'allocation de logement social aux étudiants sans aucune condition de ressources ou le fait que les aides soient versées en tenant compte de la nature des ressources et non pas du seul niveau de ressources du ménage.
Votre prédécesseur avait lancé une réforme. J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous continuerez dans cette voie, tant la croissance du volume financier des aides à la personne est exponentielle et assez largement imprévisible.
Un bon budget du logement, monsieur le secrétaire d'Etat, doit être équilibré, et je dois vous dire, à cet égard, que je regrette le sort qu'il réserve à l'accession à la propriété, sort qui contrebalance fâcheusement l'impression favorable qui se dégage des mesures évoquées ci-dessus.
Votre projet de budget suscite, en effet, quelques inquiétudes à cet égard.
Le prêt à taux zéro, mis en place par la majorité précédente, connaît un très grand succès, car il répond à une aspiration profonde de nos concitoyens, qui souhaitent très largement devenir propriétaires de leur résidence principale.
Vous avez effectivement défini vos priorités en faveur du logement locatif social et des aides à la personne, ce qui est parfaitement légitime, mais qui serait en outre équitable si, en contrepartie, les mesures préparées en matière d'accession à la propriété n'étaient pas aussi négatives.
Il en est de même de la situation faite au prêt à taux zéro, sur laquelle je ne reviendrai pas, nos rapporteurs ainsi que plusieurs orateurs qui m'ont précédé ayant longuement développé leurs arguments, que je partage.
Il en est ainsi également des incertitudes qui pèsent sur le sort du 1 % logement. Vous en connaissez bien l'importance, et vous savez les services qu'il rend au logement social et aux bénéficiaires de ses interventions directes.
Si le prélèvement exceptionnel devait être pérennisé, les constructeurs sociaux seraient confrontés à de très graves difficultés pour assurer l'équilibre de leurs opérations. Ce serait, aussi, une remise en cause de l'aide apportée aux salariés qui souhaitent se rendre acquéreurs de leur logement.
Ce serait, une fois de plus, une grave remise en cause de la parole de l'Etat, puisque la convention du 17 septembre 1996, signée avec les partenaires sociaux, garantissait la pérennité de la participation des employeurs à l'effort de construction.
Une confirmation des engagements alors pris par l'Etat, pour la réflexion à mener sur l'avenir du 1 % logement, m'apparaît nécessaire et urgente pour crédibiliser votre action et rassurer l'ensemble des collecteurs et des partenaires sociaux.
Un tel engagement nous permettrait de donner crédit aux indications que vous avez bien voulu nous donner sur votre projet de créer un statut du propriétaire bailleur privé.
Il est vrai que le propriétaire privé, échaudé par les incessants va-et-vient de la fiscalité, par l'importance de la fiscalité elle-même et par les excès du maintien dans les lieux accordé aux locataires indélicats a de plus en plus tendance à rechercher des placements plus faciles à gérer et souvent plus rémunérateurs.
Un statut incitatif, mais surtout pérenne, qui lui garantirait que les règles du jeu seront définies pour une durée contractuellement définie, aurait valeur d'exemple dans le paysage législatif français et contribuerait vraisemblablement au retour sur ce marché d'un grand nombre de ceux qui l'on quitté.
Le système d'amortissement accéléré, accordé par votre prédécesseur aux propriétaires ayant investi dans l'immobilier locatif neuf, a bien atteint, nous semble-t-il, son but. Vous nous dites qu'il coûte cher, c'est vrai, mais il a redonné un coup de fouet à l'activité du bâtiment et contribué à faire revenir de nombreux investisseurs privés sur ce marché, qu'ils avaient déserté.
Monsieur le secrétaire d'Etat, si vous voulez réellement que le marché locatif privé retrouve un équilibre durable, il est indispensable que l'Etat français prenne l'engagement de ne pas revenir sur les accords qu'il prendra et, bien entendu, qu'il tienne parole.
Il reste néanmoins que ce budget, malgré ses qualités propres, ne peut être analysé hors de l'environnement économique et fiscal global qui est beaucoup plus préoccupant.
L'alourdissement, par exemple, de l'ensemble des prélèvements sociaux, qui passent de 4,9 % à 10 % sur les revenus fonciers, induit de façon mécanique un prélèvement supplémentaire de cinq milliards de francs environ. Cette nouvelle donne fiscale va, je le crains, à l'encontre de votre souhait de relancer le secteur locatif privé.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, je reviendrai sur un point qui me tient tout particulièrement à coeur : les gouvernements successifs, pour le logement comme malheureusement dans bien d'autres domaines, ne cessent de changer la règle du jeu et la donne fiscale auxquelles se trouvent confrontés les agents économiques.
Nous devons absolument, les uns et les autres, hors de tout esprit manichéen ou dogmatique, nous attacher à remédier à cette insécurité. En ce qui concerne tout particulièrement le secteur privé immobilier, l'Etat doit définir des règles du jeu lisibles, mais surtout s'y tenir afin de redonner confiance aux investisseurs potentiels.
Mes collègues et moi-même vous donnons acte des aspects positifs de ce budget, mais notre attitude constitue à la fois un encouragement au secrétaire d'Etat, qui annonce un contrat entre l'Etat et les bailleurs privés, et un appel exigeant à l'équilibre du budget du logement entre ses diverses composantes.
Nous vous demandons, monsieur le secrétaire d'Etat, de prendre en compte, en effet, les souhaits et les aspirations de toutes les catégories de Français. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget du logement, sacrifié par les deux précédents gouvernements. (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) connaît une progression très forte de ses dotations.Celles-ci s'accroissent en effet de 6,7 %, conformément à l'engagement pris par le Premier ministre.
Le groupe socialiste souligne d'autant plus ce volontarisme politique qu'il s'exerce en faveur des catégories sociales les moins fortunées, ce qui constitue une seconde différence avec les lois de finances de ces dernières années. En effet, l'essentiel de l'effort est axé sur le logement locatif et sur les crédits destinés à la réhabilitation, avec notamment l'instauration d'un crédit d'impôt en faveur des foyers non imposables, ce qui assurera des commandes supplémentaires aux artisans du bâtiment et des travaux publics et soutiendra l'emploi.
En revanche, il s'agit d'un budget de transition pour l'aide à l'accession sociale à la propriété. Le montant des crédits alloués au prêt à taux zéro et au prêt d'accession sociale n'augmente pas de manière significative et, surtout, la pérennisation du prêt à taux zéro n'est toujours pas assurée. Assis sur le 1 % patronal, ce mode de financement est à la fois injuste et instable. D'ici à la fin de 1998, date d'expiration de la convention, il faudra trouver une solution plus équilibrée et nous savons que vous y pensez, monsieur le ministre.
Dès à présent, vous avez choisi de corriger une inégalité flagrante dans l'octroi de ce prêt, puisque vous le réservez aux primo-accédants, et vous avez raison. Il n'en demeure pas moins que le problème de fond, qui est un legs de votre prédécesseur, reste posé, et nous souhaiterions vous entendre à ce sujet.
Faute de rétablir un financement spécifique de ce secteur, c'est toute la politique du logement qui serait fragilisée. Le coup de pouce donné à une famille modeste pour acheter permet généralement la libération d'un logement HLM, et l'on sait l'importance de la mobilité dans le secteur locatif aidé. En outre, la construction d'une villa ou d'un appartement participe efficacement à la croissance et à l'emploi. Mais nous comprenons, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement ait choisi de se donner un an pour reconstruire ce qui a été ruiné à la suite de la disparition du prêt d'accession à la propriété, le PAP. Nous vous faisons confiance.
Mais l'accession sociale à la propriété, ce ne sont pas seulement des prêts aidés ; ce sont aussi des outils pour les mettre en oeuvre et, parmi eux, figure le Crédit foncier.
Chacun a en mémoire la tentative de MM. Arthuis et Périssol pour démanteler cette institution dont l'histoire se confond avec la politique du logement depuis cent cinquante ans. Grâce au combat exemplaire des salariés, à qui je veux, une fois de plus, rendre hommage, le processus a été enrayé. Puis, le changement de majorité a ouvert d'autres perspectives. La bourse a récemment salué cette résurrection. Je sais de bonne source que plusieurs solutions sont en vue. Mais ce n'est pas le lieu pour les examiner. Je tenais seulement à vous dire qu'il y a désormais urgence.
J'ajoute que le scénario retenu devra assurer l'intégrité de l'établissement et le maintien de l'emploi pour l'ensemble des salariés, ce qui est possible compte tenu du nombre de départs volontaires.
Bien entendu, ainsi que je l'ai toujours dit, une solution semi-publique aurait ma préférence. En effet, il est indispensable que la puissance publique se réserve une forte capacité d'intervention dans un secteur aussi crucial que le logement. Comme les personnels, je suis confiant dans la solution qui se prépare sous l'égide du Gouvernement.
Je voudrais, enfin, attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le haut niveau du taux d'intérêt qui frappe le remboursement des prêts PAP souscrits voilà dix ou quinze ans. Cette situation fait supporter à des foyers à petits ou à moyens revenus un loyer de l'argent plus élevé que celui du marché. En outre, elle produit un mécanisme de remboursement anticipé préjudiciable au Crédit foncier et aux contribuables. Que comptez-vous faire, monsieur le secrétaire d'Etat, pour sortir de cet engrenage ?
Comme l'ont indiqué mes collègues du groupe socialiste et notre excellent rapporteur pour avis, M. William Chervy, nous approuvons votre budget, qui renoue avec la tradition d'une grande politique du logement. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne reviendrai pas en détail sur le contenu de votre budget mon collègue M. André Vezinhet l'a excellement fait et partage tout à fait son analyse : votre budget est un très bon budget, comme l'a également souligné le rapporteur pour avis, M. William Chervy.
Je souhaite plutôt vous entretenir des problèmes spécifiques du logement à Paris, et plus particulièrement de ceux que rencontrent les locataires.
J'évoquerai, tout d'abord, le problème de ce qu'on appelle les « congés-ventes ». Comme vous le savez, la question devient de plus en plus cruciale à Paris. Depuis deux ans environ, des propriétaires institutionnels, tels que les banques, les sociétés d'assurance ou encore les sociétés d'investissement immobilier comme la SEFIMEG, ont décidé de mettre en vente les logements dont ils sont propriétaires par immeubles entiers. Tel est le cas notamment des immeubles de la rue du Commandant-René-Mouchotte dans le XIVe arrondissement ou encore de 3 000 logements dans le XIIIe arrondissement. Près de 10 000 locataires seraient concernés à Paris.
Cette décision ne va pas sans poser de lourds problèmes humains. Les locataires n'ont qu'une alternative : acheter leur appartement ou partir. C'est la loi.
Malheureusement, on s'aperçoit que nombreux sont les locataires qui ne peuvent pas acheter le logement qu'ils occupent soit parce qu'ils n'en ont pas les moyens, soit parce qu'ils sont trop âgés pour avoir droit à un prêt immobilier. Ils ne peuvent pas non plus trouver dans le parc privé parisien un logement similaire à louer compte tenu du coût prohibitif des loyers à Paris.
Bien souvent, en effet, les logements qui sont mis en vente sont soit des logements sociaux de fait, soit des logements dits « intermédiaires », dont les loyers sont, par conséquent, inférieurs à ceux du marché dit « libre ».
Ces locataires se trouvent donc relégués à Paris, dans des appartements plus petits, qui ne répondent pas à leurs besoins, ou bien ils sont obligés de quitter la capitale pour la lointaine banlieue alors qu'ils ne le souhaitaient pas. Ils sont tout simplement contraints de changer de vie, ce qui est particulièrement difficile pour les personnes âgées.
Comme je viens de l'évoquer, ces logements sont souvent des logements sociaux de fait. La plupart d'entre eux ont été construits dans les années soixante-dix, grâce à des aides publiques, notamment grâce aux prêts du Crédit foncier à des taux d'intérêt très intéressants, puisqu'ils étaient de 4 % environ alors que l'inflation dépassait 10 %. Certains ont d'ailleurs pu rentabiliser leur investissement en quatre ans.
En contrepartie de ces prêts, ces bailleurs ont été tenus, pendant trente ans, de respecter des obligations locatives, notamment en matière de loyer. Ces obligations arrivent aujourd'hui à terme. Je juge, pour ma part, très choquant que ces investisseurs immobiliers, qui ont bénéficié de fonds publics, prennent prétexte de l'expiration des conventions qui les liaient à l'Etat pour mettre en vente ces logements et donc mettre un terme au contrat du locataire, sans tenir compte des situations individuelles.
Je ne souhaite pas qu'il soit porté atteinte au droit de propriété, ni que le congé-vente individuel soit mis en cause. En revanche, lorsque l'opération immobilière a été réalisée grâce à des fonds publics et par des investisseurs institutionnels, je vous propose deux solutions.
La première consisterait à prévoir, comme c'est le cas pour les HLM, que les locataires qui ne veulent pas ou ne peuvent pas acheter bénéficient d'une sorte de bail à durée indéterminée, une sorte de droit au maintien dans les lieux dès lors qu'ils paient leur loyer.
La seconde consisterait à mettre en place une structure qui aurait pour mission de racheter ces immeubles pour en faire des logements sociaux ou intermédiaires, ce qui permettrait aux locataires en place de se maintenir dans les lieux.
Envisagez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, d'aborder ce problème dans le cadre du futur statut du bailleur privé ?
Je souhaite, en tout état de cause, qu'une solution soit trouvée pour assurer le respect du droit au logement, qui est un principe à valeur constitutionnelle et vous êtes mieux placé que quiconque pour le savoir, monsieur le secrétaire d'Etat.
J'évoquerai maintenant plus largement le problème du logement social à Paris.
La capitale, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, manque de logements sociaux puisque l'on compte 60 000 demande, pour environ 2 000 constructions neuves par an.
Le coût du foncier est exorbitant. Monsieur le secrétaire d'Etat, réfléchissez-vous actuellement à un moyen qui permettrait de construire plus de logements neufs sociaux dans les zones de marché tendu, comme Paris, et ce à un coût abordable ?
Par ailleurs, s'agissant des HLM, il nous semble nécessaire d'introduire une plus grande transparence...
M. Gérard Delfau. Oh oui !
Mme Danièle Pourtaud. ... d'une part dans le dispositif d'attribution des logements et, d'autre part, dans les opérations PALULOS, qui sont devenues à Paris de « bonnes affaires » pour l'OPAC ou les sociétés anonymes d'HLM et le club très fermé de quelques sociétés du bâtiment et des travaux publics, mais qui se traduisent souvent par des hausses de loyers insupportables pour les locataires les plus modestes.
Enfin, j'évoquerai la question du logement des plus démunis.
Pourriez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d'Etat, où en est le plan de réquisition de logements à Paris et si la loi contre l'exclusion prévoira des dispositions tendant à mieux prévenir les expulsions ?
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le secrétaire d'Etat, le temps me manque pour aborder tous les points qui nous préoccupent à Paris : la lutte contre le saturnisme et l'insécurité dans certains groupes d'immeuble... Peut-être pourriez-vous nous indiquer, à ce propos, si des emplois-jeunes pourront être affectés à des tâches de sécurité dans les HLM sans qu'il en résulte des hausses de charges pour les locataires ?
Les deux derniers problèmes sur lesquels je ne pourrai pas m'attarder concernent l'insufissance des crédits du fonds de solidarité pour le logement à Paris ainsi que les modalités d'application des surloyers, en particulier pour les retraités.
A l'Assemblée nationale, monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous êtes montré ouvert à la tenue, sous votre responsabilité, d'une conférence nationale sur le logement. J'estime, pour ma part, que ce serait une bonne chose. Pouvez-vous nous confirmer cette intention, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Sachez, en tout cas, que les élus socialistes parisiens ont confiance en vous pour mettre en oeuvre une politique du logement plus équilibrée et répondant aux attentes de nos concitoyens.
Pour toutes ces raisons, nous voterons, bien entendu, votre budget. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens, en commençant à remercier tout spécialement les rapporteurs, MM. Collard, Chervy et Bimbenet, qui ont présenté les grandes orientations et les principaux chiffres du budget du logement pour 1998. La qualité de leurs exposés, que j'ai écoutés avec une grande attention, facilitera grandement ma tâche.
J'indiquerai les grands choix ayant présidé aux propositions du Gouvernement qui sont soumises aujourd'hui à votre examen.
Dès sa déclaration de politique générale, le 19 juin dernier, M. le Premier ministre a clairement placé la politique du logement au premier rang des priorités gouvernementales et signé, le 10 juillet, le décret d'avances qui portait sur les aides à la personne et les aides à la pierre dans le secteur de la réhabilitation, tant des parcs privés que publics.
Le projet de budget du logement pour 1998 confirme cette priorité et la développe sur l'ensemble du champ de la politique du logement en ouvrant un ensemble de moyens nouveaux d'intervention.
Pourquoi cet effort de redressement sur la quasi-totalité du champ d'intervention de l'Etat ?
Parce que les besoins sont criants, les réponses urgentes et les risques encourus à les différer majeurs ; parce qu'il ne serait pas acceptable que, au gré des exercices budgétaires, on consolide un pan de la politique du logement en laissant se lézarder tous les autres ; parce qu'il serait totalement illusoire de croire que le simple jeu de l'économie de marché résoudrait, comme par miracle, la question du logement dans notre pays si l'Etat ne s'y impliquait pas.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. La politique du logement traduite par le projet de budget pour 1998 ne se réduira pas au traitement de la seule urgence absolue ; ce ne sera pas le simple colmatage des brèches les plus apparentes dans la solidarité et la justice.
Le Gouvernement s'engage par étapes - toutes significatives, en 1997 comme en 1998 - mais avec résolution dans la voie d'une réponse d'ensemble, adaptée aux attentes de nos concitoyens et à leurs préoccupations économiques et sociales.
Cette politique prend donc en compte tout à la fois les situations de précarité et d'exclusion, bien trop nombreuses, et les objectifs de maîtrise des loyers et des charges du logement, pour que leur poids reste compatible avec le budget des ménages qui disposent de revenus modestes. Elle soutiendra significativement l'activité de construction et de réhabilitation indispensable à l'emploi.
Cette politique sera développée dans un esprit de concertation, d'écoute, avec toutes les parties concernées : collectivités locales, bailleurs sociaux et investisseurs, locataires et associations, afin de bâtir un dispositif d'aide équilibré dans lequel chacun apporte sa contribution et se mobilise pour l'intérêt général.
Pourquoi, dans cette démarche, ne pas retenir la proposition de Mme Terrade d'un grand débat national où tous les partenaires que je viens de citer pourraient s'exprimer et être entendus sur ce vaste dossier du logement ? M. Jean-Claude Gayssot et moi-même en sommes d'accord.
En tout cas, pour parvenir à un tel dispositif d'aide, il faut que l'Etat rétablisse au plus haut niveau le budget du logement.
En 1998, les moyens du logement croîtront de 6,7 % - comme l'ont dit MM. les rapporteurs - si l'on s'en tient aux ressources budgétaires stricto sensu , c'est-à-dire aux crédits inscrits sur le budget du logement et aux dotations figurant dans les comptes d'affectation spéciale, mais la progression - comme l'ont observé également MM. les rapporteurs - dépasse 10 % si l'on y inclut les aides fiscales traduites, en particulier, par la baisse de la TVA.
Il s'agit effectivement d'un effort considérable, je remercie MM. Chervy et Collard de l'avoir souligné. Je remercie également M. Bimbenet d'avoir observé que ce projet de budget comprenait un certain nombre de dispositions dignes d'intérêt.
Pourtant, comme le soulignent très justement MM. Collard et Chervy, deux dispositifs pesaient sur la préparation de ce projet de budget pour 1998 en raison des choix arrêtés par le précédent gouvernement. Il s'agissait, d'une part, de l'amortissement accéléré conçu en faveur de l'investissement locatif et, d'autre part, des modalités de financement du prêt à taux zéro accompagnant l'accession à la propriété pour les ménages.
Si ces deux dispositifs sont menacés, ainsi que vous l'avez dit, monsieur Egu, c'est parce que leur financement n'a été prévu que jusqu'en 1998.
M. Gérard Delfau. Bien sûr !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Ce n'est donc pas nous qui faisons peser une quelconque menace. Nous sommes appelés, au contraire, à lever les craintes et à trouver des réponses justes et stables ; c'est ce que nous nous efforçons de faire.
Si nous avons maintenu dans leur quasi-totalité ces mécanismes pour 1998, c'est avec la volonté de ne pas faire payer à l'activité du bâtiment la précarité des mesures en cause - puisqu'elles n'ont été financées que temporairement - car elle a connu des années très difficiles. Mais nous comptons bien parvenir à mettre en place, à partir de 1999 - il faut donc les définir en 1998 -, les mécanismes stables et durables dont notre pays a besoin tant pour l'accession à la propriété des familles modestes que pour la mise sur le marché de logements locatifs privés en plus grand nombre. Ces mécanismes comporteront, messieurs Collard et Ostermann, un dispositif de sécurisation, comme vous en avez confirmé le souhait.
Bref, consolider les incitations à l'investissement locatif et l'accession sociale à la propriété sont nos objectifs pour 1998.
En ce qui concerne les accédants à la propriété, le Gouvernement a reconduit le prêt à taux zéro. L'essentiel de la ressource budgétaire - en provenance du 1 % logement - est donc bien maintenu.
Mais le dispositif tel qu'il avait été institué - j'appelle votre attention sur ce point car là est le problème - induira, pour 1999, une dépense de 3,5 milliards de francs, alors même que la recette n'existera théoriquement plus. En 1999, nous aurons en effet à couvrir la moitié du coût des prêts qui auront été consentis en 1998. Il fallait lucidement reconnaître cette difficulté majeure et faire un signe à tous les partenaires pour que soit bien mesurée l'ampleur du problème qui se posera à partir du 1er janvier 1999, ainsi que l'a remarqué justement M. Cléach, qui connaît particulièrement bien ce sujet.
Ce signal, monsieur Bimbenet, a été volontairement limité en concentrant le prêt à taux zéro sur les familles qui n'étaient pas propriétaires au cours des deux dernières années, ce qui ne réduit qu'à la marge l'ensemble du dispositif. Cela ne crée pas de disparités entre accédants. En effet, le montant du prêt à taux zéro se situant entre 120 000 francs et 180 000 francs, tous les accédants qui ont la chance de revendre leur bien se constituent un apport personnel qui, dans 99 % des cas, dépasse sans doute le montant du prêt.
M. Gérard Delfau. Bien sûr !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Ces dispositions ne devraient donc pas entraîner une contraction de l'accession à la propriété.
En outre, ont été prévues des adaptations, qui permettent aux personnes devant faire face à une obligation de mobilité professionnelle ou à une obligation familiale de continuer à bénéficier du prêt à taux zéro.
Mais il est vrai, monsieur Chervy, que je suis preneur de toute proposition permettant d'assurer, en 1999 et au-delà, l'accession sociale à la propriété. Cette demande s'adresse bien sûr aussi à MM. Balarello et Collard, qui ont d'ores et déjà émis quelques idées sur le sujet, que nous étudierons avec attention.
Comme je l'ai indiqué, le dispositif de l'amortissement accéléré sera, lui aussi, maintenu en 1998. Le décalage observé - j'appelle votre attention sur ce point - entre l'ouverture des droits et l'impact fiscal fait que le financement essentiel de ce dispositif est à prévoir à partir de 1999. Il a encore très peu coûté. En effet, depuis les difficultés du début de la décennie, les banquiers ne s'engagent dans un programme que lorsqu'il est largement vendu. Cela signifie que l'ouverture du droit intervient deux ans, quelquefois trois ans avant la première année où on percevra des loyers et où on pourra déduire l'avantage fiscal. Ce dispositif est donc très largement à payer. C'est une réalité qu'il faut bien évidemment souligner. Il y aura quatre années difficiles, celles pendant lesquelles l'amortissement représente 10 % de la valeur du bien.
Ce statu quo pour 1998, justifié par les besoins de l'activité du bâtiment, donnera un délai que le Gouvernement mettra à profit pour bâtir un dispositif de remplacement qu'il veut équilibré et durable : le statut du bailleur social privé.
Bien évidemment, tous les partenaires seront associés à sa définition, et je n'écarte pas l'idée que nous puissions trouver des dispositions qui aident à sécuriser des bailleurs potentiels qui, aujourd'hui, font une rétention de logements vacants. En effet, si nous trouvons certains mécanismes apportant des garanties, tout le monde s'y retrouvera. C'est, en tout cas, un contenu attractif et équilibré qui nous donnera un dispositif efficace, et c'est bien évidemment l'objectif que nous cherchons à atteindre.
S'agissant des congés-ventes, je partage vos préoccupations, mesdames Terrade et Pourtaud. Je suis conscient que la vente du patrimoine d'un investisseur institutionnel, pour légale qu'elle soit, ne va pas sans poser des problèmes aux locataires qui ne sont pas en mesure d'acquérir leur logement.
Nous avons confié à un haut fonctionnaire du ministère une mission sur les congés-ventes collectifs, afin d'avoir une vision globale du problème, et nous en attendons des conclusions rapides.
Au-delà, je souhaite ouvrir une réflexion sur les modifications éventuelles à apporter au statut de bailleurs qui, tout en étant des propriétaires de droit privé, sont des bailleurs institutionnels ayant bénéficié d'aides publiques. Ce travail s'inscrira, là encore, dans une logique d'équilibre entre les aides de l'Etat et les contreparties à en attendre.
En ce qui concerne les locataires, le Gouvernement procédera, en 1998, à une nouvelle actualisation des aides personnelles au logement, après celle qui est intervenue le 1er juillet 1997, renouant ainsi - et je remercie M. Vezinhet de l'avoir souligné - avec une politique régulière d'actualisation.
Dans le projet de budget pour 1998, les aides personnelles au logement s'élèveront à 33 155 millions de francs, soit une augmentation de 11,5 % par rapport à la loi de finances de 1997, qui les avait arrêtées à 29 730 millions de francs.
Face à la montée des situations de précarité et d'exclusion, le logement constitue souvent, vous le savez, le dernier rempart des familles ménacées avant l'entrée dans la grande pauvreté et bien souvent, hélas ! la perte des repères sociaux. C'est à partir du logement que peuvent se maintenir ou se reconstruire les liens avec la société. Anticipant sur le volet « logement » du prochain projet de loi pour la prévention et la lutte contre les exclusions, qui, je l'espère, répondra aux justes préoccupations exprimées par plusieurs d'entre vous, notamment en ce qui concerne les expulsions, le projet de budget pour 1998, dès à présent, renforce ou met en place différents moyens de soutien à ces situations dans lesquelles se cumulent le handicap que représentent des ressources faibles et aléatoires et des difficultés d'intégration sociale.
Une enveloppe de 350 millions de francs est réservée en vue d'améliorer la solvabilité des bénéficiaires d'aides personnelles dans le cadre du futur projet de loi contre les exclusions qui sera soumis au Parlement au printemps prochain.
En outre, le Gouvernement a renforcé les dotations du fonds de solidarité pour le logement, le FSL, en lui allouant 340 millions de francs et celles de l'aide au logement temporaire, l'ALT, avec un montant de crédits de 110 millions de francs. Le financement, qui était assuré en 1997 par la taxe sur le surloyer, a été réinscrit au budget. Si la solidarité nationale doit à l'évidence jouer ici, il était, nous semble-t-il, très injuste de ne la solliciter que des seuls locataires de logements sociaux, même s'ils avaient dépassé les plafonds de ressources ouvrant droit à l'accès au logement social.
M. Gérard Delfau. Effectivement !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le produit de cette taxe - j'ai bien noté qu'elle suscitait toujours des oppositions - après une réforme nécessaire du système des suppléments de loyers, sera, à partir de 1999, apporté à la caisse de garantie du logement social, afin, madame Terrade, de consolider ce dispositif et de ne pas exposer davantage les collectivités locales s'agissant des garanties qu'elles ont accordées.
L'Etat pourra désormais garantir sa participation aux fonds destinés à assurer dans chacun des départements le droit au logement des ménages en difficultés et donc honorer ses engagements à l'égard des associations qui assurent l'indispensable accompagnement social et contribuent à l'hébergement à titre temporaire des personnes défavorisées.
En ce qui concerne cette taxe sur le surloyer, je partage les préoccupations exprimées par Mme Terrade et M. Vezinhet. Je vous indique qu'une réflexion est en cours, afin d'adapter les règles d'évolution des loyers en fonction de l'évolution des ressources. Cette réforme gommerait ce qui paraît être l'un des effets les plus pervers du surloyer, c'est-à-dire une remise en cause de la mixité sociale. Lorsque des locataires voient leurs moyens s'accroître et vivent dans des quartiers populaires où ils se sentent bien, ne les incitons pas à partir ! Au contraire, engageons-les à rester.
Nous travaillons à un autre système que nous espérons plus juste, plus cohérent, et qui s'inscrit dans cet objectif de recherche de la mixité sociale.
S'agissant des particuliers désirant réaliser dans leur habitation principale des travaux d'entretien et de revêtement des surfaces, l'article 49 du projet de loi de finances pour 1998 prévoit d'instituer un crédit d'impôt.
Ce dispositif a le mérite, monsieur Ostermann, de concerner également les personnes non imposées qui se verront rembourser une partie de leur dépense. Il présente le double avantage de soutenir l'activité des entreprises artisanales du secteur du bâtiment, tout en étant équitable vis-à-vis des ménages qui ne sont pas imposables sur le revenu, innovation qui ne vous a pas échappé.
L'évocation de ce dispositif me permet d'aborder un autre volet de la politique du logement voulue par le Gouvernement et concrétisée par le projet de budget qui vous est présenté. Un effort important est consenti en faveur de la réhabilitation des parcs privé et public et un soutien accru est accordé à la construction neuve.
La relance de la réhabilitation annoncée par M. le Premier ministre dans la déclaration de politique générale du Gouvernement trouve désormais toute sa cohérence dans le projet de loi de finances pour 1998, qui réduit de 20,6 % à 5,5 % le taux de TVA applicable aux travaux de réhabilitation, de transformation et de rénovation des logements sociaux. Le coût de ces travaux est ainsi réduit d'environ 12 %.
Je confirme à M. Chervy que la baisse de la TVA concerne tous les logements locatifs sociaux ayant fait l'objet d'une convention avec l'Etat, qu'ils soient gérés par un organisme de logement social ou par une commune, par exemple.
Cette baisse du taux de la TVA sur les travaux de réhabilitation représente l'équivalent de 1,4 milliard de francs de crédits budgétaires. Toutefois, les crédits budgétaires en question ont été maintenus dans le projet de budget et partagés entre la réhabilitation et les besoins de construction de logements locatifs, avec des crédits en faveur de l'aide à la pierre plus importants. Plusieurs d'entre vous se sont d'ailleurs exprimés dans ce sens.
Le Gouvernement, en abaissant la TVA, mais en maintenant et même en actualisant les crédits inscrits dans la loi de finances de 1997, ne suit pas l'exemple de son prédécesseur : en effet, l'année dernière, la création du PLA fiscal avait été suivie d'une réduction à due concurrence des crédits d'aide à la pierre. Par conséquent, en 1998, les réhabilitations de logements sociaux seront mieux financées que lors des exercices précédents.
Pour parvenir à ce résultat, 787 millions de francs sont inscrits sur la ligne fongible ; lors de l'engagement de ces crédits, une grande attention sera portée aux interrogations que vous avez formulées, madame Terrade.
Nous souhaitons privilégier les opérations entraînant des baisses de charges pour les locataires et permettant le retour à une présence humaine dans les ensembles, par la création de loges de concierges là où elles n'existent pas.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Nous privilégierons aussi les travaux qui permettront, lors des réhabilitations, de dégager ce que nous appellerons désormais des « logements d'intégration ».
La réhabilitation des logements privés est également confortée. Les crédits de l'ANAH enregistrent une augmentation de près de 10 % et ceux de la PAH, une hausse de plus de 33 %. Ces progressions, madame Pourtaud, ont contribué à renforcer les moyens que M. Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, et moi-même mettons en place pour lutter de manière efficace contre le saturnisme.
Au total, si l'on additionne les réhabilitations privées et publiques, 300 000 logements au moins pourront être réhabilités avec subventions en 1998, chiffre auquel s'ajoutent les quelque 100 000 réhabilitations qui pourront être opérées grâce à la baisse du taux de TVA.
M. William Chervy. Très bien !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. C'est un progrès tout à fait considérable.
J'ai fait état d'un partage des moyens budgétaires supplémentaires entre réhabilitations et nouveaux logements locatifs. Je souhaite insister sur ce point, car c'est ce partage qui permettra la réalisation effective d'un programme de 80 000 logements locatifs aidés.
Avec ces moyens supplémentaires, nous sommes désormais en mesure de présenter une gamme plus étendue de produits destinés aux bénéficiaires du logement social, afin d'avoir des réponses adaptées à la diversité des besoins.
Parmi les familles éligibles au logement social, certaines ont simplement des ressources insuffisantes pour l'accès à un logement privé, en particulier dans les zones où le marché est tendu. Le PLA ordinaire doit répondre aux besoins de ces familles.
Mais, pour d'autres familles, il faut arriver à des loyers de sortie plus favorables, c'est-à-dire plus faibles, plus accessibles. C'est l'objet de ce que l'on va désormais appeler « le PLA à loyer minoré », qui doit être rétabli dans une unique vocation : l'accueil de familles à ressources faibles.
Toutefois, notre société comporte aussi des familles qui, en plus d'avoir des ressources faibles, ont de graves difficultés d'insertion sans que celles-ci leur soient en quoi que ce soit imputables. Il faut donc, sans s'interdire en cas de nécessité le recours à la réquisition, aller au-delà de l'approche du « logement d'urgence » et refuser que des personnes ou des familles soient de fait considérées comme inlogeables et restent vainement dix ans, douze ans, quinze ans et parfois même plus longtemps sur des listes d'attente d'HLM, faute de logements adaptés à leur proposer. Là est en effet la vraie difficulté.
C'est pourquoi le programme de logements sociaux de 1998 comportera pour la première fois un programme de 10 000 logements subventionnés au taux de 20 % permettant de loger les familles les plus défavorisées dans des logements adaptés : c'est ce que nous appellerons « le PLA d'intégration ». Cette action déterminante sera bien évidemment accompagnée du soutien social souvent indispensable pour réussir l'insertion.
Pour réussir la mobilisation de ces moyens, nous avons obtenu une fongibilité totale des crédits qui seront consacrés, bien sûr, aux opérations de construction neuve, mais aussi aux opérations d'acquisition-amélioration.
S'agissant de ce PLA d'intégration, les acquisitions dans l'immobilier ancien portant sur des logements de caractéristiques plus diversifiées et d'implantations plus diffuses sont certainement à privilégier.
De même, les opérations de réhabilitation peuvent être l'occasion, par des accès autonomes en rez-de-chaussée, par des logements situés en rez-de-chaussée ou des duplex rez-de-chaussée et premier étage, de dégager ces logements dont les conditions d'habitabilité favorisent la cohabitation avec les autres familles plutôt que de les rejeter par la standardisation du produit proposé.
Les crédits de la ligne fongible « constructions neuves » et les crédits de la ligne « réhabilitations » doivent donc converger pour cette production de logements d'intégration.
Je souhaite que les opérateurs HLM, les collectivités locales et les associations conjuguent leur détermination pour réaliser effectivement ces 10 000 logements d'intégration dont l'Etat dispose désormais du financement et qu'attendent en urgence les plus oubliés des demandeurs de logements, que ces derniers soient non logés ou qu'ils doivent bénéficier d'un relogement pour insalubrité ou suroccupation inacceptable.
Je souhaite parallèlement promouvoir des opérations de construction-démolition dans les quartiers les plus dégradés, dans les îlots les plus « ghettoïsés » des quartiers difficiles, qui doivent être réaménagés en profondeur.
Pour reloger les locataires des immeubles détruits, tout en préservant l'objectif de mixité sociale, il faut pouvoir produire des logements à des conditions de loyer adaptées. Des PLA assortis de subventions spécifiques faciliteront la réalisation de telles opérations.
L'intervention des collectivités locales en accompagnement de ces opérations de construction-démolition, qui devront obligatoirement avoir fait l'objet d'un plan d'aménagement urbain cohérent et de relogement préalable des familles concernées, permettra de traduire concrètement la volonté du Gouvernement de mieux insérer la politique du logement dans une politique plus globale de l'urbanisme, renouvelant en cela les termes de la coopération entre l'Etat et les collectivités locales.
Au total, ce sont ainsi 3,3 milliards de francs supplémentaires qui seront consacrés à la relance de l'activité du secteur du bâtiment en 1998. Quant aux aides à la personne, elles bénéficieront de 3,5 milliards de francs de plus. Les aides à la pierre ne sont pas sacrifiées aux aides à la personne ; il y a au contraire une progression de ces deux types d'aides.
L'importante innovation que constitue l'extension du taux réduit de TVA à la totalité des gros travaux représente pour les bailleurs sociaux, en régime de croisière, une aide de 1,3 milliard de francs, qui sera apportée aux organismes lorsqu'ils réalisent des travaux sur fonds propres.
Après discussion avec l'Union nationale des fédérations d'organismes d'HLM, j'ai officiellement demandé le 29 octobre dernier à son président, M. Roger Quilliot, que « le mouvement se mobilise et qu'il développe en contrepartie une politique d'amélioration de l'habitat social guidée de façon prioritaire par la recherche de baisses de charges pour les locataires, d'une humanisation - visant spécialement le développement du nombre des gardiens - et d'une adaptation de nos ensembles locatifs en les préservant de l'obligation de lourdes réhabilitations ultérieures ». Cela se conclura, madame Pourtaud, par la signature, la semaine prochaine, d'une convention prévoyant, grâce à l'incitation à la réduction du temps de travail et au dispositif des emplois-jeunes, la création en trois ans de 5 000 emplois de gestion de proximité non récupérables sur les charges des locataires.
L'ensemble de cette politique aura - tout le monde le conçoit bien - de réelles retombées sur l'emploi.
Pour répondre aux préoccupations de M. Balarello sur la situation de l'emploi dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, nos choix permettront de préserver ou de créer au minimum 30 000 emplois dans ce secteur. Les experts indiquent que nous retrouvons ainsi la chance de pouvoir inverser la tendance à la régression ou à la stagnation de l'activité du bâtiment, même si la croissance sera encore nécessairement modérée.
Ces choix offrent ainsi une première traduction de l'objectif fixé par M. le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, à savoir la conciliation de l'efficacité économique et de la solidarité.
Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de terminer cette présentation en insistant, même si le projet de budget de l'urbanisme vous a déjà été présenté par M. Jean-Claude Gayssot, sur la volonté politique du Gouvernement de faire du logement l'élément central d'une politique urbaine rénovée. L'habitat est, en effet, un facteur essentiel de l'équilibre des villes.
Le regroupement des compétences en matière d'urbanisme et de logement, auquel M. le Premier ministre a donné corps, sur la proposition de M. Gayssot, permettra de développer une nouvelle approche de ces questions.
Le chantier est immense, à l'échelle des difficultés auxquelles nos villes sont confrontées en vue de préserver un cadre de vie de qualité pour toute la population de notre pays.
Nous aurons à en débattre dans le cadre du programme législatif, en 1998. Je vous indiquerai simplement, en avant-propos de ce futur débat, que notre préoccupation est de créer des conditions nouvelles de collaboration entre l'Etat et les collectivités locales, dans le respect de la décentralisation, et de mettre en oeuvre effectivement, avec pragmatisme mais détermination, la loi d'orientation pour la ville, qui propose de bonnes réponses à la question de la mixité urbaine.
« Dans le respect de la décentralisation », ai-je dit. Permettez-moi une brève parenthèse. L'article 72 de la Constitution prévoit que les collectivités territoriales s'administrent librement, et ce « dans les conditions prévues par la loi ». Cela signifie que 36 000 communes doivent participer à la République et ne pas constituer 36 000 républiques...
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. ... dans lesquelles les uns ou les autres, selon le cas, seraient exclus. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
Telle n'est pas notre conception. La loi d'orientation pour la ville doit donc être d'application généralisée.
M. René Régnault. Voilà une précision qui s'imposait !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Nous devons avoir l'ambition d'agir pour que les zones rurales soient durablement habitées et les villes durablement habitables. Cela suppose de nouveaux progrès dans les méthodes de travail, de nouveaux outils, mais aussi des modes de raisonnement différents en matière foncière, réglementaire et contractuelle.
Face à la préoccupation majeure des habitants de notre pays, qui désirent pouvoir disposer d'un logement de qualité à des conditions accessibles et compatibles avec leurs ressources, la politique du logement doit évidemment, pour réussir, disposer de moyens à la hauteur de cette attente. Mais elle n'a de chance de s'inscrire durablement en positif qu'à un certain nombre d'autres conditions, à nos yeux tout aussi importantes.
Elle doit apporter des réponses crédibles à l'ensemble des questions posées, du droit au logement des plus démunis jusqu'à la plus grande liberté possible pour tous dans le choix du logement, en passant par une maîtrise des loyers et des charges, les limitant à un poids admissible au regard des revenus de chacun.
Elle doit contribuer à l'harmonie de nos villes, qui passe absolument par des équilibres de peuplement que seule peut assurer la mixité de l'habitat sur leur territoire.
Elle doit apparaître, aux yeux de nos concitoyens, comme reposant, dans le parc social, sur une politique d'attribution tout à la fois juste, pertinente et transparente.
Elle doit être élaborée dans un esprit de concertation et faire, autant que possible, de toutes les parties prenantes - l'Etat, les organismes de logement social, les collectivités locales et, bien évidemment, les locataires eux-mêmes - de vrais partenaires.
M. René Régnault. Absolument !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, j'en suis conscient, je n'ai pas répondu à toutes les questions que vous avez posées, qu'il s'agisse des copropriétés dégradées, évoquées par M. Vezinhet, de la vacance et de son éventuelle taxation, abordées par M. Balarello, du niveau des taux de certains prêts, signalé par M. Delfau, des problèmes spécifiques de Paris, soulignés par Mme Pourtaud, qu'il s'agisse encore du foncier, des expulsions, des réquisitions du FSL et de la participation attendue du département de Paris. Sachez que j'aurai prochainement l'occasion de revenir plus longuement sur ces sujets.
Nous traiterons ces différents dossiers conformément aux orientations du budget que je viens de présenter, dans une dynamique de mobilisation de tous les acteurs, à savoir l'Etat, les collectivités territoriales de tous niveaux, mais, au premier chef, bien sûr, les communes, les opérateurs, qu'ils soient constructeurs publics sociaux ou investisseurs privés, les bailleurs potentiels, qu'il faut intéresser et mobiliser, ainsi que toutes les associations porteuses d'aspirations qu'il nous faut traduire concrètement dans le domaine du logement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que vous adoptiez, dans ce même esprit, le projet de budget du logement pour 1998. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons procéder à l'examen des crédits concernant le logement.
J'indique au Sénat que ses crédits, inscrits à la ligne « Equipement, transports et logement », seront mis aux voix, aujourd'hui même, à la suite de l'examen des crédits affectés au tourisme.
Un certain nombre d'entre vous ont demandé la parole sur les crédits. Je vous invite, mes chers collègues, à la plus grande concision, afin que nous puissions achever l'examen de ces crédits au plus près de vingt heures.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 218 120 651 francs. »
Sur ces crédits, la parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez répondu par avance à quelques-unes de mes interrogations ; mon propos en sera d'autant plus bref.
Il concerne les plafonds de ressources.
Le groupe communiste républicain et citoyen souhaite en effet une revalorisation immédiate des plafonds de ressources d'accès aux HLM.
Ces plafonds ne correspondent plus à la réalité sociale et sont devenus, du fait de leur niveau, un véritable instrument de ségrégation. Alors qu'en 1977 80 % de la population française entraient dans les plafonds de ressources donnant accès à un logement social, cette proportion n'est plus que de 53 % aujourd'hui, selon les chiffres de l'union nationale des fédérations d'organismes d'HLM.
Ainsi, la plupart des techniciens et des cadres moyens, comme une grande partie des ouvriers et des employés se trouvent dans l'impossibilité d'accéder à un logement HLM. A titre d'exemple, un couple d'instituteurs, même en début de carrière, s'en verra écarté.
Une revalorisation est donc nécessaire, de même que la suppression des clauses qui pénalisent davantage encore les inactifs.
Un déplafonnement total est également nécessaire pour les quartiers qui concentrent le plus grand nombre de familles en difficulté. Cette mesure est primordiale pour contribuer au maintien des couches moyennes dans les quartiers difficiles. Le logement social pourrait, à cet égard, être conçu comme un moyen essentiel pour briser les mécanismes à la fois de ségrégation et d'exclusion.
Nous installer dans une situation de ségrégation à l'américaine serait une solution trop lourde de dangers pour que nous l'acceptions. La mixité sociale dans l'habitat constitue un enjeu de société. C'est aussi l'un des objectifs du Gouvernement, notamment de votre département ministériel, comme vous venez de le rappeler.
La fixation des plafonds de ressources relève du domaine réglementaire ; la revalorisation de ces plafonds peut donc être immédiate !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Madame le sénateur, il existe un lien mécanique entre les plafonds de ressources et le surloyer. La loi qui a institué ce dispositif prévoit le dépôt d'un rapport d'ici à la fin de l'année faisant le bilan de sa mise en oeuvre. Nous respecterons les délais.
Ce rapport doit être examiné dans tous les comités départementaux de l'habitat. Cela nous donnera l'occasion de bien identifier tous les effets discutables de la mesure, notamment ceux que vous avez soulignés.
Ensuite il s'agira pour nous, sans doute par la voie législative, de revoir la politique des loyers, et ce dans le sens que j'ai indiqué. Les deux sujets sont bien évidemment liés.
En ce qui concerne les plafonds de ressources, nous avons d'ores et déjà parfaitement identifié quelques-uns des principaux problèmes rencontrés.
Aujourd'hui, selon la composition de la famille, les mêmes plafonds de ressources donnent une éligibilité différente. Ainsi, les petits ménages, personnes seules ou sans enfant, en particulier, sont pénalisés. Ils sont exclus dans une proportion beaucoup plus large que les familles très nombreuses. C'est notamment vrai pour les jeunes ménages et pour les retraités.
En matière de plafonds de ressources, il existe une autre distinction selon que le ménage compte un ou deux actifs. Il faut revenir sur cette distinction. Le travail est en cours.
Qu'il s'agisse des surloyers ou des plafonds de ressources, nous répondrons à ces deux problèmes qui, je le répète, sont liés, avec, en perspective, l'objectif de mixité de peuplement sur lequel j'ai insisté tout à l'heure. Nous en reparlerons de manière plus approfondie et toutes vos contributions seront très utiles.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.