SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
1.
Procès verbal
(p.
0
).
2.
Loi de finances pour 1998.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
1
).
Intérieur et décentralisation
(suite)
SÉCURITÉ (p.
2
)
MM. Guy Cabanel, rapporteur spécial de la commission des finances ; Paul Masson, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la police et la sécurité ; René-Georges Laurin, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité civile ; Mme Nelly Olin, MM. Jean-Jacques Hyest, Alex Türk, Bernard Plasait.
Suspension et reprise de la séance (p. 3 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
Mme Maryse Bergé-Lavigne, M. Michel Duffour.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.
Crédits des titres III à V. - Adoption (p.
4
)
Crédits du titre VI (p.
5
)
MM. Jean-Luc Bécart, Christian Bonnet.
Adoption des crédits.
Outre-mer (p. 6 )
MM. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances ;
Rodolphe Désiré, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
; Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
; François Blaizot, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les
départements d'outre-mer ; Jean-Marie Girault, rapporteur pour avis de la
commission des lois, pour les territoires d'outre-mer ; Claude Lise, Georges
Othily, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Simon Loueckhote, Daniel Millaud,
Dominique Larifla, Paul Vergès, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Pierre
Lagourgue, Edmond Lauret, Marcel Henry, Victor Reux.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Crédits du titre III (p. 7 )
Amendement n° II-72 de la commission des finances. - MM. le rapporteur spécial,
le secrétaire d'Etat, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Edmond Lauret, Pierre
Lagourgue, Paul Vergès, Emmanuel Hamel. - Rejet par scrutin public.
M. le rapporteur spécial.
Suspension et reprise de la séance (p. 8 )
MM. Victor Reux, le rapporteur spécial.
Adoption des crédits.
Crédits du titre IV (p. 9 )
Amendement n° II-73 de la commission des finances. - MM. le rapporteur spécial,
le secrétaire d'Etat, Pierre Lagourgue. - Adoption par scrutin public.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits des titres V et VI. - Adoption (p. 10 )
M. le rapporteur spécial.
Jeunesse et sports (p. 11 )
MM. Michel Sergent, rapporteur spécial de la commission des finances ; François
Lesein, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Mme
Hélène Luc, MM. Victor Reux, André Egu, André Maman, Philippe Madrelle.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.
Crédits du titre III (p. 12 )
M. Edouard Le Jeune.
Adoption des crédits.
Crédits du titre IV (p. 13 )
Mme Hélène Luc.
Adoption des crédits.
Crédits des titres V et VI. - Adoption (p.
14
)
Anciens combattants
(p.
15
)
MM. Emmanuel Hamel, le président.
MM. Jacques Baudot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Marcel
Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Gilbert
Chabroux, Robert Pagès, Roger Husson, Rémi Herment, Mmes Anne Heinis, Gisèle
Printz, MM. Edouard Le Jeune, Pierre Biarnès.
MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants ; Edouard
Le Jeune.
Crédits du titre III. - Rejet par scrutin public (p.
16
)
Crédits des titres IV et V. - Rejet (p.
17
)
Articles 62 et 62
bis.
- Adoption (p.
18
)
Article additionnel avant l'article 62
ter
(p.
19
)
Amendements n°s II-129 rectifié bis de M. Pagès et 143 rectifié de M. Descours. - MM. Robert Pagès, Roger Husson, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Irrecevabilité des deux amendements.
Article 62 ter (p. 20 )
Amendement n° II-127 de M. Pagès ; amendements identiques n°s II-53 de M.
Pastor et II-128 de M. Pagès. - MM. Robert Pagès, Jean-Marc Pastor, le
rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Irrecevabilité des trois
amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 62 ter (p. 21 )
Amendement n° II-130 rectifié de M. Pagès. - MM. Robert Pagès, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Irrecevabilité.
Article 62 quater. - Adoption (p. 22 )
3.
Ordre du jour
(p.
23
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à onze heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
LOI DE FINANCES POUR 1998
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale [n°s 84 et 85 (1997-1998).]
Intérieur et décentralisation
(suite)
SÉCURITÉ
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la
sécurité.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Guy Cabanel,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, nous examinons donc les quatre agrégats du
budget du ministère de l'intérieur qui correspondent à la sécurité,
c'est-à-dire l'agrégat de l'administration générale, l'agrégat de
l'administration territoriale, l'agrégat de la sécurité civile et l'agrégat de
la police nationale.
Cet ensemble, qui correspond à quatre des cinq agrégats budgétaires du
ministère représente les deux tiers des 77 milliards de francs environ qui lui
sont affectés. Ce sont donc 52,4 milliards de francs qui sont consacrés à la
sécurité.
Ce budget progresse, en apparence, de 3,58 %, mais il faut se méfier des
apparences. En effet, le poids des élections à organiser en 1998 pèse
lourdement, atteignant, environ, 1,3 milliard de francs. Par conséquent, hors
dépenses électorales, monsieur le ministre, votre budget augmente de 1,06 %,
c'est-à-dire qu'il connaît une quasi-stabilité en francs constants.
S'agit-il pour autant du même budget qu'en 1997 ? Je n'irai pas jusqu'à dire,
cela bien que, pour avoir été rapporteur l'an dernier, j'aie déjà eu l'occasion
d'émettre un avis favorable, ce qui est très bon signe pour la suite, monsieur
le ministre ! En fait, ce budget, à enveloppe stable, connaît des ajustements
et quelques orientations nouvelles.
Les ajustements sont nombreux. Ils vont des plus simples, telle la suppression
d'emplois budgétaires non pourvus, qui permet de créer des emplois plus utiles
et de revaloriser les régimes indemnitaires, jusqu'à la diminution de certaines
dotations, en particulier les moyens de fonctionnement de la police nationale
et ceux des préfectures. Cette diminution s'explique par la réorganisation de
certains crédits, et son incidence est faible. Elle ne pénalise donc pas le
fonctionnement des services.
Toujours dans les ajustements, signalons que les crédits consacrés au logement
social des fonctionnaires diminuent, mais nous savons que cette évolution
budgétaire correspond à la poursuite d'une politique réaliste de partenariat
avec l'Union des propriétaires immobiliers, qui permet de mettre à la
disposition des fonctionnaires de police un nombre suffisamment important de
logements.
S'agissant des crédits d'investissement, on note, certes, des crédits
reportés, mais, surtout, l'achèvement de certains grands programmes, notamment
le renouvellement des bombarbiers d'eau de type Canadair. Le tout permet de
diminuer substantiellement la dotation.
Le démarrage du programme de renouvellement des hélicoptères est toujours en
attente du choix de l'appareil à commander ; les crédits d'investissement y
afférents sont donc normalement réduits.
Ces ajustements sont complétés par la définition d'orientations nouvelles.
Je soulignerai la mise en oeuvre, dès cette année, du schéma d'apurement de la
dette à l'égard de France Télécom. Cette dette du ministère de l'intérieur
était particulièrement irritante ; elle a été négociée et nous avons à
connaître, cette année, de la première tranche de ce schéma.
Vous avez eu également le souci d'accentuer l'effort en faveur du soutien
médical et psychologique aux policiers. Sur ce point, je me propose de demander
à la commission des finances s'il serait possible d'effectuer une enquête afin
d'étudier la manière dont peut se développer ce dispositif, mieux doté, cette
année, dans votre budget.
Reste que la principale innovation de votre budget tient au recrutement des
adjoints de sécurité. Cette mesure nouvelle est dotée de 200 millions de francs
; nous y reviendrons, car il s'agit là de la pièce maîtresse de notre
discussion.
Monsieur le ministre, compte tenu des contraintes budgétaires actuelles, la
démarche qui consiste à ajuster les crédits au plus près des besoins s'impose à
vous. Cependant, elle comporte le risque de provoquer des tendances lourdes,
difficiles à renverser lorsque l'enveloppe des reports sera épuisée, notamment
en matière de crédits d'investissement. Ceux-ci diminuent de 18 % en crédits de
paiement pour 1998 ; nous en avons vu les raisons, qui justifient pleinement
cette diminution, mais, pour préparer l'avenir, il faut veiller, par le biais
des autorisations de programme, au maintien du niveau des investissements du
ministère de l'intérieur. Je dois dire que ce souci semble avoir été partagé,
puisque vos autorisations de programme sont en progrès pour 1998.
De plus, la réorganisation des crédits au sein d'une enveloppe stable est un
exercice qui comporte des limites. Je suis obligé de signaler l'une d'elles :
la sécurité civile repousse, et depuis plusieurs années, le renouvellement de
certains matériels, malgré, parfois, l'existence de risques importants. Il en
serait notamment ainsi pour les véhicules destinés au transport des munitions.
En fait, le nouvel organisme créé, la Direction de la sécurité et de la
défense civiles, doit maintenant financer par redéploiement de crédits son
programme de modernisation du service du déminage. Dans l'attente de la
rénovation des sites et de l'ouverture de nouveaux dépôts, les munitions, à
l'exception des armes chimiques, qui dépendent de la défense nationale, ne sont
plus ramassées dans le Nord et en Picardie. Ces contraintes sont lourdes pour
la Direction de la sécurité et de la défense civiles, je tenais à vous le
signaler. Il faudra, pour l'année prochaine, tenter de trouver quelques
possibilités financières pour donner un peu d'oxygène à cette direction. Outre
ces contraintes, il faut signaler la perte récente d'un avion Canadair de la
nouvelle série. Au coût budgétaire de cet accident s'ajoute le drame que
représente le décès du pilote.
L'objectif de maîtrise des dépenses s'applique à tous les ministères, en
particulier au ministère de l'intérieur. Malgré son caractère régalien, ce
dernier n'est que relativement épargné. Le dévouement des policiers et
l'interdiction qu'ils ont de faire grève ne doivent cependant pas pour autant
exposer ce ministère à faire les frais d'arbitrages interministériels
successifs. Surtout, je redoute pour ce budget, qui est acceptable mais serré,
les gels de crédits.
J'en arrive à l'innovation majeure de ce budget.
Le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, a choisi de
placer le droit à la sécurité pour chaque citoyen et l'amélioration de la
sécurité de proximité au premier rang de ses priorités. C'est bien ! En cela,
il se situe dans la continuité de la loi d'orientation et de programmation
relative à la sécurité de 1995, la LOPS, et du Pacte de relance pour la ville.
La politique de sécurité a été confirmée par le décret du 18 novembre 1997,
créant le Conseil de sécurité intérieure, qui s'est d'ailleurs réuni le
lendemain même de la parution du décret. Cet élément important de votre
politique nous amène à considérer un certain nombre d'opérations sous un
éclairage nouveau.
Que faisions-nous les années précédentes ? Nous regardions si les obligations
contenues dans la LOPS avaient été respectées. La LOPS avait prévu des
redéploiements d'effectifs sur la voie publique et le recrutement de personnels
administratifs et techniques destinés à décharger les policiers des tâches
administratives. Ces dispositions n'ont pas entièrement obtenu le succès
escompté, réserve faite des attachés de police, qui se sont révélés utiles. A
cet égard, j'apprécie que votre budget y prévoie la création de soixante-dix
emplois en 1998.
En revanche, trois réformes prévues par la loi ont permis non seulement
d'améliorer le fonctionnement de la police et la gestion du personnel, mais
également d'accroître la présence policière sur le terrain.
La réforme des corps et des carrières semble avoir maintenant atteint sa
vitesse de croisière. Elle apporte plus de souplesse et de capacité
d'adaptation à la police tout en favorisant, à terme, les actions de terrain,
du fait du « repyramidage » des effectifs qu'elle prévoit. Par « repyramidage
», nom barbare, on entend des modifications d'emploi qui permettent de rajeunir
les cadres de la police et de dégager plus de personnel actif sur le
terrain.
La réforme des horaires devrait conduire à la fois à l'amélioration des
conditions de travail des policiers et à l'augmentation des effectifs, grâce à
la réduction du nombre de brigades. Les résultats réels de cette tentative de
réforme des horaires restent à apprécier.
Enfin, la mise en oeuvre progressive des transferts de compétence du ministère
de l'intérieur vers les administrations dont relèvent logiquement certaines
activités a pour objectif de clarifier les attributions de la police nationale
pour libérer les effectifs de l'accomplissement de tâches indues. La mesure
n'est pas facile à appliquer. Il était facile à prévoir que les administrations
en cause, notamment l'administration pénitentiaire, pour ce qui est des
transferts de détenus ou des gardes de personnes incarcérées ayant besoin de
recevoir des soins à l'hôpital, n'accepteraient pas aisément de reprendre à
leur charge les fonctions qui étaient jusqu'ici indûment assumées par la police
nationale. Elles le font donc avec difficulté, ou parfois ne le font pas du
tout !
Pour en terminer avec l'examen de votre budget, je voudrais insister sur deux
points : d'une part, l'apparition des adjoints de sécurité et, accessoirement,
des agents locaux de médiation ; d'autre part, les moyens de transmission de la
police nationale. Tels sont, à mon sens, les deux faits importants qu'il faut
signaler dans l'examen de ce budget.
Monsieur le ministre, vous bénéficiez d'un fait nouveau résultant de la loi
relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes. Il s'agit de la
création, sur cinq ans, de 20 000 postes d'adjoints de sécurité. La police
nationale a commencé leur recrutement avec un objectif de 8 250 adjoints en
fonction d'ici à la fin de l'année 1998. Les textes d'application ont été
publiés le 30 octobre ; le processus est donc en marche. Cette donnée modifie
considérablement les termes du débat sur le redéploiement des effectifs.
Si les textes réglementaires relatifs au recrutement des adjoints de sécurité
sont fidèlement appliqués sur le terrain et leur esprit respecté, ces nouvelles
recrues seront une chance pour la police nationale. Elles remplaceront
avantageusement les policiers auxiliaires, appelés à disparaître du fait de la
réforme du service national. A terme, ces jeunes fourniront des candidats de
qualité aux concours de recrutement de la police nationale et pourront apporter
aux polices municipales et aux sociétés de surveillance privées leur
compétence, leur expérience et, en particulier, le savoir-faire et la
déontologie hérités de leur passage dans la police nationale.
Le recrutement des adjoints de sécurité ne doit pas pour autant mettre un
terme à la politique de redéploiement des effectifs initiée par vos
prédécesseurs. En effet, ces jeunes ne seront efficaces que s'ils sont bien
encadrés. S'ils ne l'étaient pas, ils risqueraient de devenir une gêne pour les
policiers dans l'exercice de leurs missions de terrain.
Quant aux 15 000 agents locaux de médiation appelés à être recrutés par les
collectivités territoriales et les entreprises de service public, ils sont
destinés à pacifier la vie dans les quartiers difficiles. Quelques expériences
de lutte contre les incivilités existent déjà. Mais nous savons bien que, de
l'incivilité, on passe très vite à la violence. Les récents incidents auxquels
ont été confrontées ou sont encore confrontées certaines régies municipales de
transports en commun montrent qu'il y a encore fort à faire dans ce domaine.
A cet égard, ces 15 000 jeunes peuvent constituer un apport indirect dans la
recherche de solutions aux problèmes si difficiles de l'incivilité et de la
violence.
S'agissant des moyens de transmission de la police nationale, je voudrais
attirer votre attention, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur un
programme que vous connaissez bien et pour l'étude duquel j'ai accompli une
mission en Picardie, le réseau de transmission numérique ACROPOL. C'est une
nécessité au regard de l'efficacité de la police nationale comme de la sécurité
des fonctionnaires.
Aujourd'hui, la police nationale est équipée d'un système de transmission
analogique sur l'ensemble du territoire, à l'exception des six départements
couverts par ACROPOL. Or il faut reconnaître que ce système analogique est
obsolète. Il date des années soixante-dix et ne correspond plus aux normes de
maintenance. Souvent, les pièces de rechange ne sont même plus commercialisées
et le coût de l'entretien de ces matériels est appelé à s'accroître. En outre,
les transmissions sont de mauvaise qualité. Elles ne sont pas cryptées, ce qui
permet à des particuliers de les intercepter. La sécurité des policiers est
alors en cause.
Le système ACROPOL est implanté pour l'heure dans la région Rhône-Alpes -
Loire, Rhône, Isère - et en Picardie - Aisne, Somme et Oise. Il couvrira
bientôt la Seine-Saint-Denis, pour la Coupe du monde de football. Il répond aux
problèmes de confidentialité des transmissions et améliore la gestion des
effectifs grâce aux multiples fonctions dont il est équipé. Je l'ai vu
fonctionner : des terminaux embarqués sur ACROPOL, les TESA, servent à
interroger les différents fichiers depuis le véhicule de police. A terme, ils
permettront aux fonctionnaires de rédiger les comptes rendus de leurs
opérations sans avoir à retourner au commissariat, accroissant ainsi la
présence policière sur le terrain.
Si l'intensité de l'effort budgétaire en faveur d'ACROPOL n'augmente pas
substantiellement dans les années à venir, la couverture intégrale du
territoire ne sera pas assurée avant 2015. C'est le schéma lent, le plus
mauvais, le plus fâcheux, à mon avis, pour la gestion et de nos finances et de
la police nationale. A cette date, en effet, la première génération de
terminaux ACROPOL sera déjà obsolète.
Le Gouvernement consacre 214 millions de francs en crédits de paiement à ce
programme dans la loi de finances pour 1998, qui seront complétés par 46
millions de francs dans la loi de finances rectificative pour 1997. Grâce à
divers transferts internes, vous espérez, monsieur le ministre, atteindre en
1998 un montant de 315 millions de francs en crédits de paiement, puis de 450
millions de francs en 1999. L'effort consenti par l'Etat en faveur des
transmissions de la police nationale rejoindrait alors le montant annuel
accordé à la gendarmerie nationale pour le développement du système Rubis, qui
est comparable à ACROPOL.
Monsieur le ministre, pour ne pas dépasser mon temps de parole, je résumerai
mon propos en disant que, la gendarmerie devant disposer de Rubis sur
l'ensemble du territoire en l'an 2000, en soutenant un effort de 450 millions
de francs par an, le programme ACROPOL s'achèverait en 2008. C'est un défi
qu'il faut relever, dans l'intérêt de la sécurité.
En conclusion, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, après ces quelques observations sur les adjoints de sécurité et
l'intérêt du système ACROPOL, je propose au Sénat, au nom de la commission des
finances, d'adopter les crédits qui nous sont aujourd'hui proposés.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Masson, rapporteur pour avis.
M. Paul Masson,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour la police et la sécurité.
Monsieur le ministre, la question peut se
poser de savoir si votre bubget vous donne les moyens de répondre au grand
sentiment d'insécurité qui s'accroît en France année après année.
Quelles que puissent être les statistiques - les résultats de 1996 sont, à cet
égard, moins mauvais - la délinquance de proximité, celle que chacun perçoit à
l'entrée des lycées, dans les rues, dans les autobus, dans les zones
incertaines des quartiers difficiles, provoque aujourd'hui dans l'opinion
moyenne crainte et colère.
Je n'ai pas le sentiment que ce soit l'ordre républicain qui soit en cause.
C'est plus grave : c'est le concept même de l'ordre républicain qui dépérit
lentement. En vérité, nos concitoyens doutent. Ils doutent de la capacité, de
la volonté même des gouvernements.
Comme vos prédécesseurs, monsieur le ministre, vous sentez ce péril. Vos
déclarations sont nombreuses, sans ambiguïté, roboratives même parfois.
Je ne crois pas pour autant que les moyens dont vous disposez, au travers de
votre budget, soient à la hauteur de vos ambitions. Le caractère prioritaire
donné - en paroles - par le Gouvernement à une politique de sécurité ne trouve
pas sa pleine traduction dans le projet de budget qui nous est soumis : en
francs constants, vous le savez, ce budget est en légère diminution par rapport
à celui de 1997.
Notre excellent collègue M. Guy Cabanel, rapporteur spécial de la commission
des finances, en souligne bien les ombres et les lumières.
Du côté des ombres, il faut mettre cette diminution de 2,6 % des moyens de
fonctionnement de la police. Il faut également souligner le non-respect des
objectifs budgétaires - vous l'avez dit, cher rapporteur - de la loi
d'orientation pour la sécurité : 5 000 créations d'emplois administratifs et
techniques étaient prévues, 1 200 ont été réalisées.
La commission des lois apprécie sans réserves - sans réserves, monsieur le
ministre ! - l'objectif de proximité que vous avez assigné à la police
nationale. A cet égard, vous vous proposez de poursuivre et d'amplifier ce
principe de proximité, à juste titre cher à tous vos précédesseurs. Il y a
quinze ans déjà, Gaston Defferre décrivait avec éloquence les vertus de
l'îlotage.
Mais la majorité de la commission s'interroge sur la validité d'une politique
de proximité reposant, pour l'essentiel, sur la création d'emplois-jeunes, dont
8 250 à recruter d'ici à la fin 1998.
Selon le décret du 4 novembre 1997, ces garçons et ces filles seront recrutés
pour cinq ans, sur la base d'un contrat de droit public, et rémunérés au SMIC.
Agés de dix-huit ans à vingt-cinq ans, ils seront placés sous l'autorité
hiérarchique des fonctionnaires des services actifs de la police. Leurs
missions seront, bien évidemment, toutes de proximité. Ils tourneront dans un
quartier ou sur un itinéraire. Ils seront armés, après une formation initiale
de deux mois.
Cette expérience nouvelle, fondée sur un recrutement départemental bien
spécifique - je pense à la Seine-Saint-Denis, par exemple - mérite d'être
suivie attentivement, car se pose la question de la relève des policiers
auxiliaires, dont le nombre va décroître rapidement en raison de la réforme du
service national. Ceux-ci assureront-ils en plénitude les missions de ceux-là ?
Quelle sera l'articulation entre les missions de service public des adjoints de
sécurité et les missions de service privé des « agents locaux de médiation »
recrutés, eux, par les collectivités territoriales ou, par exemple, les
sociétés d'HLM ? L'avenir nous dira quelle est la qualité de cette nouvelle
mission d'une police de proximité.
Pour assurer une élémentaire coordination des moyens et objectifs, vous voulez
rafraîchir une formule partenariale depuis longtemps en place. Les nouveaux «
contrats locaux de sécurité » cosignés par le préfet, le procureur de la
République et le maire, entre autres, ne vont-ils pas se superposer aux plans
départementaux de sécurité organisés en 1993 et 1997, ces expériences étant
elles-mêmes issues des conseils départementaux et communaux de prévention de la
délinquance, institués en 1984 ? Mais vous connaissez vous-même, monsieur le
ministre, la limite de ces conseils, où la bonne volonté s'épuise devant la
lourdeur du système, la multiplication des hiérarchies, l'imbrication des
procédures. Tout cela s'essouffle très vite, quel que soit l'enthousiasme avec
lequel les gens s'engagent.
Nous constatons que le redéploiement de la police vers les zones les plus
sensibles, thème depuis longtemps évoqué, est difficile à passer dans les
faits.
La correction des déséquilibres géographiques est à l'ordre du jour. Dans le
cadre des pactes de relance pour la ville, 1 500 agents devaient être
redéployés dans les zones sensibles en 1996 et 1997. Nous en sommes loin.
La chasse aux tâches indues est depuis longtemps ouverte. Moi qui présente ce
rapport depuis des années, je vois toujours les chasseurs de tâches indues
s'organiser pour les abattre, mais elles sont toujours là, et les résultats
sont minces : selon les informations qui nous ont été transmises, seuls
soixante-cinq policiers auraient été réaffectés en 1996 sur la voie
publique.
De même, la répartition des responsabilités entre la police et la gendarmerie
tarde à entrer dans les faits.
Une mission vient d'être nommée, à laquelle sont associés M. Roland Carraz et
notre excellent collègue M. Jean-Jacques Hyest. Je leur souhaite beaucoup de
courage pour amener police et gendarmerie à s'entendre sur les
redéploiements.
Bref, vous le savez, monsieur le ministre, il y a loin, en ces matières, entre
le concept et l'exécution. Depuis des années, je suis bien obligé de constater
que les faits démentent souvent les intentions.
Aujourd'hui, la délinquance change de nature et le problème devient très
grave. La recrudescence de la délinquance des mineurs devient un sujet de
grande préoccupation. Elle touche des enfants de plus en plus jeunes, souvent
âgés de dix à douze ans. Elle présente un caractère de plus en plus violent.
Je n'inonderai pas l'Assemblée de chiffres, mais il faut connaître quelques
données.
Globalement, en 1996, moins de 18 % des personnes mises en cause pour des
crimes et délits étaient des mineurs. L'année dernière, alors que le nombre des
mineurs mis en cause était de 126 000 et représentait 16 % de la population
mise en cause, sur les neuf premiers mois de l'année 1997, la part des mineurs
incriminés a approché 20 %.
Il faut avoir le courage de le dire, la faillite des modes de régulation
habituels est patente : l'approche éducative classique n'a plus de prise sur
les jeunes délinquants, et l'emprisonnement ne conduit plus qu'à fabriquer des
récidivistes en puissance.
Vous êtes parfaitement lucide sur le constat, monsieur le ministre. Vos
déclarations au colloque de Villepinte, reprises lors de votre audition devant
la commission des lois le 5 novembre dernier, le prouvent.
Vous nous avez annoncé une réflexion sur la modification de l'ordonnance de
1945 relative à l'enfance délinquante. Ce texte est en effet aujourd'hui
totalement inadapté - c'est ma conviction profonde - en raison de l'évolution
des comportements des familles et des conditions socio-économiques, qui ont
considérablement varié en cinquante ans.
Lors de son audition devant la commission des lois, le 25 novembre 1997, Mme
Guigou a, pour sa part, précisé que le cadre de l'ordonnance de 1945 ne devait
pas être contesté, notamment en ce qui concerne la spécialisation des juges et
la primauté de l'éducatif, mais elle a reconnu - fait nouveau - qu'il convenait
d'adapter cette ordonnance pour trouver des solutions alternatives s'agissant
principalement des multirécidivistes.
Vous avez donc avec la Chancellerie un commencement de piste sur laquelle je
crois, vous pourriez avancer rapidement, si telle était votre volonté : vous
pourriez la défricher en commun, et nous pourrions vous aider à cet égard.
Mais je redoute, monsieur le ministre, l'opposition de principe systématique
d'un certain nombre de doctrinaires qui, s'ils sont de bonne foi - vous les
connaissez bien - risquent de bloquer encore, je le crains, le système dans la
réflexion évolutive pendant longtemps.
Il faut espérer que les travaux de la mission interministérielle sur la
délinquance des mineurs vous aideront à dégager des solutions médianes entre
les simples mesures éducatives et l'emprisonnement. Nous attendons avec grand
intérêt ses conclusions, parce qu'il y a extrême urgence eu égard à la
dégradation de la situation. Celle-ci est nettement perçue dans l'opinion, et
il suffit d'allumer la radio chaque matin pour découvrir que le bulletin
d'information commence par le récit d'un délit ou d'une affaire de mineurs qui
perturbe considérablement les familles. Il y a donc urgence à répondre à cette
attente insistante, forte, immédiate de l'opinion.
Il reste, monsieur le ministre, le problème de l'immigration clandestine, dont
je ne parlerai pas aujourd'hui. Il sera bientôt à l'ordre du jour du Sénat, et
nous aurons largement l'occasion d'en débattre. Constatons simplement que la
loi Debré avait été conçue pour donner au ministre des moyens supplémentaires
pour lutter contre ce difficile fait de société. Ces moyens sont aujourd'hui
sans emploi, dans l'attente d'une vingt-sixième réforme de l'ordonnance de
1945.
Il y a donc dans votre projet de budget, monsieur le ministre, des ambitions
que nous partageons et des ambiguïtés qui nous inquiètent. Sans doute
l'ambiguïté n'est-elle pas votre fort, mais cette ambiguïté est dans la nature
des choses et du temps, dont chacun sait qu'ils sont aussi pluriels.
Ces considérations m'amènent à vous présenter l'opinion de la majorité de la
commission des lois : oui aux intentions déclarées, réserve sur les modalités
exposées, et confiance dans l'appréciation de la commission des finances sur
votre projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis.
M. René-Georges Laurin,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour la sécurité civile.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, avant de vous présenter, au nom de la commission des lois,
quelques observations sur le projet de budget de la sécurité civile,
permettez-moi, devant la Haute Assemblée, de rendre un hommage particulier aux
dix-neuf sapeurs-pompiers décédés en service au cours de l'année 1997, ainsi
qu'aux deux pilotes, au mécanicien, sauveteur et secouriste et au copilote
également tués dans l'accomplissement de leur tâche.
Après une brève analyse des moyens proposés pour la sécurité civile, je vous
poserai, monsieur le ministre, trois questions concernant les
sapeurs-pompiers.
Sur le plan général, je ne reviendrai pas sur les considérations qui ont été
exposées ici même par mon ami Guy Cabanel, au nom de la commission des
finances.
Je rappellerai simplement un chiffre qu'il a lui-même cité et que vous
connaissez bien, mes chers collègues : la baisse des crédits du ministère de
l'intérieur atteint 7,7 % pour 1998, baisse qui est due pour l'essentiel à
l'achèvement, en 1997, du programme d'acquisition des nouveaux Canadairs.
La remotorisation des bombarbiers d'eau de type Tracker ne pourra pas être
poursuivie en 1998, faute de crédits. Cependant, ces appareils sont
particulièrement vétustes, et il est indispensable que ce programme soit repris
en 1999 mais je crois que vous en avez l'intention.
Quant à l'important marché que représente le renouvellement de la flotte
d'hélicoptères - renouvellement qui s'impose, vous le savez, étant donné
l'ancienneté des appareils et le temps nécessaire à l'opération - il est
actuellement en cours de préparation.
Vous avez déclaré à la commission des lois, monsieur le ministre, que la
première tranche de ce marché serait exécutée grâce aux crédits inscrits dans
le collectif pour 1996, et que l'on pouvait envisager que l'ensemble du marché
soit engagé pour la fin de l'année 1998. Or aucun moyen supplémentaire n'a été
prévu à cet effet.
J'avais déjà attiré l'attention de votre prédécesseur sur le problème du
renouvellement de la flotte d'hélicoptères, et j'avais émis la suggestion - je
crois qu'elle ne peut être retenue - que certains de ces hélicoptères soient
équipés de porteurs d'eau, de façon à être utilisés en flotte de renfort lors
des périodes les plus difficiles.
Comme chaque année, je vais à présent faire le point sur les incendies de
forêts : 24 200 hectares ont brûlé en 1994, 18 500 en 1995, 11 200 en 1996.
Cette tendance à la baisse a été contrariée en 1997 puisque 19 400 hectares de
forêts ont été détruits. Cette remontée des statistiques tient aux graves
incendies qui ont touché le département des Bouches-du-Rhône au mois de
juillet. Néanmoins, la superficie brûlée cette année reste inférieure à la
moyenne établie sur les dix-huit dernières années, qui est de 27 000
hectares.
Par ailleurs, il est question, dans le projet de budget, des plans de
prévention des risques naturels, les PPR, qui ont été institués par la loi du 2
février 1995 et dont l'objet est de permettre de définir une politique de
prévention dans les zones menacées, par exemple, par les inondations, les
mouvements de terrain, les avalanches, les séismes ou même les éruptions
volcaniques.
Ces plans constituent l'un des documents d'urbanisme portant servitude
d'utilité publique. Ils fixent des normes de construction, ils définissent des
mesures de prévention et ils prescrivent, si nécessaire, la réalisation
d'aménagements. Le projet de budget indique que 774 PPR ont été prescrits en
deux ans.
La procédure d'expropriation des biens exposés à des risques majeurs, créée
par la même loi du 2 février 1995, a été mise en oeuvre pour la première fois
par un décret du 31 mai 1997. Il s'agissait de prévenir un risque d'éboulement
des ruines de Séchilienne, en Isère.
J'en viens maintenant à un problème qui préoccupe la commission des lois
depuis plusieurs années et sur lequel aucune décision n'a été prise ; il s'agit
des responsabilités financières encourues par les victimes d'accidents liés aux
activités sportives à risque.
J'ai déjà exprimé cette préoccupation à plusieurs reprises, et la question ne
pourra pas être éludée indéfiniment. En effet, le coût parfois très élevé des
secours pèse gravement sur les budgets des communes, qui ne sont pas
actuellement autorisées à en demander le remboursement aux victimes ou à leurs
ayants droit, sauf si l'accident est consécutif à la pratique du ski alpin ou
du ski de fond.
Le principe de la gratuité des secours doit, certes, être préservé, mais nous
vous demandons, monsieur le ministre, de le moduler en cas de prise volontaire
de risque par les victimes.
En outre, un consensus s'est dégagé, au sein de la commission des lois, en
faveur de la création d'une assurance obligatoire à la charge des sportifs
concernés.
Monsieur le ministre, vos services sont-ils en mesure - la question a été
fréquemment posée - de nous proposer une solution satisfaisante s'agissant de
l'ensemble des risques qui ne sont pas couverts ?
Je voudrais maintenant aborder deux questions concernant les lois du 3 mai
1996 sur la sécurité civile.
Tout d'abord, s'agissant de la loi relative au développement du volontariat
dans les corps des sapeurs-pompiers, deux décrets d'application n'ont pas
encore été pris. Je vous ai interrogé sur ce point lors de l'examen de ce
projet de budget par la commission, monsieur le ministre, mais j'aimerais que
vous puissiez répéter en séance publique ce que vous nous avez dit alors.
Le premier décret porte sur l'allocation de vétérance, qui concerne les
anciens sapeurs-pompiers volontaires ayant atteint la limite d'âge de leur
grade après vingt années de service. En effet, cette allocation devrait, selon
les termes de la loi, être versée à partir du 1er janvier 1998.
Le second décret est relatif à l'allocation ou rente d'invalidité des
sapeurs-pompiers volontaires atteints d'une infirmité définitive. Permettez-moi
de vous rappeler, monsieur le ministre, qu'il s'agit d'une disposition en
principe d'application immédiate, issue d'un amendement d'origine sénatoriale
et qui, plus d'un an et demi après la promulgation de la loi, n'est toujours
pas mise en oeuvre. Pouvez-vous nous dire quand ces décrets seront pris ?
Enfin, l'application de la loi relative aux services d'incendie et de secours,
qui prévoyait la transformation des SDIS, les services départementaux
d'incendie et de secours, en établissements publics regroupant l'ensemble des
collectivités territoriales concernées à l'échelon départemental, soulève, vous
le savez, de grandes difficultés.
Certes, la mise en place du nouveau dispositif se poursuit, bien qu'il faille
signaler quelques retards dans certains départements. En revanche,
l'harmonisation des régimes statutaire, indemnitaire et surtout de travail des
sapeurs-pompiers professionnels, rendue nécessaire par cette réforme, suscite
des discussions longues et délicates avec les différentes parties
concernées.
Chacun sait que ces projets ont déclenché des mouvements de grève
administrative de sapeurs-pompiers professionnels.
Pourriez-vous nous informer, monsieur le ministre, sur l'atmosphère des
négociations et sur le vote émis par le Conseil supérieur de la fonction
publique territoriale lors de la réunion à laquelle vous avez assisté ? Quelles
conclusions tirez-vous de la teneur de ces délibérations et des votes
intervenus ?
L'objectif de la réforme des services d'incendie et de secours consistait à
rechercher une meilleure égalité des citoyens devant l'accès au service public
grâce à une coordination renforcée de la gestion des moyens au plan
départemental.
La préoccupation essentielle de la commission des lois - et je crois avoir
entendu que c'était aussi celle de la commission des finances - est axée sur la
vigilance que les sénateurs apportent au problème des finances des
collectivités locales et aux décisions qui doivent intervenir dans ce
domaine.
Les solutions à trouver en 1998 seront-elles fidèles à l'esprit des réformes
qui ont été adoptées par le Parlement ?
Enfin, monsieur le ministre, je voudrais vous dire un mot sur les incidences
de la réforme du service national sur l'organisation de la sécurité civile.
Le remplacement des appelés par des volontaires et des engagés entraînera en
effet des dépenses supplémentaires, susceptibles de conduire à un ajustement à
la baisse des effectifs. Le compromis à trouver ne devra pas remettre en cause
la capacité opérationnelle des services. Dans quelles directions s'orientent
vos réflexions à ce sujet et quand pensez-vous parvenir à des conclusions ? Le
Sénat, n'en doutez pas, sera très attentif à vos décisions.
J'ai, dans le temps qui m'était imparti, évoqué les différentes questions qui
avaient été examinées par la commission des lois. Sous réserve de ces
observations, la commission a décidé d'approuver les crédits du ministère de
l'intérieur relatifs à la sécurité.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 26 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
5 minutes.
La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget qui nous est aujourd'hui soumis m'amène à poser le problème de
l'insécurité urbaine et des moyens mis en oeuvre pour lutter contre la
délinquance. Elue du Val-d'Oise et maire de Garges-lès-Gonesse, le problème de
la criminalité ne m'est pas inconnu.
Monsieur le ministre, vous faites de la lutte contre l'insécurité dans nos
villes une de vos priorités, mais votre budget, en augmentant de 1,5 %
seulement, ne traduit pas cette priorité.
En matière de sécurité, nous pouvons nous féliciter de la baisse continue de
la criminalité depuis plusieurs années. La mise en place du plan Vigipirate a
permis le redéploiement de nombreux policiers dans la rue, et c'est sans doute
l'une des causes de cette baisse.
Toutefois, parallèlement, nous voyons de plus en plus apparaître une forte
augmentation de la délinquance de proximité, surtout des mineurs. Les
dégradations de locaux, les coups et blessures, les vols sont devenus une
triste habitude dans nos banlieues.
Cette augmentation s'accompagne et s'explique peut-être par le nombre des
infractions non élucidées, les affaires classées sans suite pour cause
d'encombrement dans les tribunaux. En tout cas, monsieur le ministre, cela crée
un sentiment d'impunité chez ces jeunes délinquants, qui, n'étant que trop
rarement réprimés, poussent les limites au-delà de toute mesure.
L'apparition des zones de non-droit dans nos quartiers difficiles est souvent
la conséquence de cette violence ; elle est également la conséquence du silence
des victimes désespérées et du découragement des policiers, qui, face à une
justice « en panne », ne peuvent pleinement accomplir leur mission.
Nous devons nous inquiéter de l'augmentation des actes de violence physique ou
verbale impliquant des mineurs. Tous les acteurs de la vie sociale doivent
aujourd'hui se mobiliser face à ce fléau. Il est nécessaire de modifier
l'ordonnance de 1945 sur l'enfance délinquante. Nous avons commencé à le faire
l'année dernière ; nous espérons aujourd'hui, très sincèrement, que vous saurez
poursuivre ce travail. Il est sans doute nécessaire de modifier notre système,
puisque nous remarquons aujourd'hui que tant l'éducation classique que
l'emprisonnement aboutissent à des échecs, avec soit un rejet de l'école, soit
des récidives pouvant conduire à la grande délinquance.
Permettez-moi de m'attarder un peu sur la situation du Val-d'Oise. Ce
département est bien tristement connu pour être le premier d'Ile-de-France,
après Paris, en matière de délinquance. Le manque de moyens est très alarmant,
puisque nous comptons aujourd'hui un policier pour quatre cent
quatre-vingt-trois habitants.
Ce manque d'effectifs se traduit, comme je l'ai dit, par l'apparition de zones
de non-droit. Il est aujourd'hui clair que les critères des effectifs policiers
ne prennent que trop rarement en compte le taux de criminalité. Quant à la
prise en compte de l'augmentation de la population dans le Val-d'Oise, elle est
inexistante pour le recrutement des policiers.
Face à cette pénurie de policiers, vous proposez uniquement la mise en place
des emplois-jeunes, c'est-à-dire la création de postes d'adjoints de sécurité
ou d'agents locaux de médiation, qui sont censés compenser la sous-dotation en
matière d'effectifs policiers. Je note que 267 jeunes seront recrutés dans le
Val-d'Oise.
Les agents locaux de médiation seront recrutés par le biais de contrats de
droit privé. Leur tâche sera essentiellement préventive. Ces jeunes seront
employés par les collectivités territoriales ou par d'autres personnes morales
de droit public ou privé. Les agents locaux de médiation entrent dans le cadre
de la mise en place des contrats locaux de sécurité. Ces derniers
s'appliqueront surtout aux zones les plus touchées par la délinquance
urbaine.
L'idée de rapprocher les différents acteurs de la sécurité, notamment la
police et la justice, est une bonne idée, monsieur le ministre. Cependant,
permettez-moi de m'interroger sur la réelle efficacité de ces contrats. En
effet, les deux circulaires de janvier 1993 et de janvier 1997 organisant les
plans départementaux de sécurité pouvaient remplir les mêmes fonctions et
objectifs que les contrats locaux de sécurité. Ces plans avaient l'avantage de
s'appuyer sur l'expérience des conseils communaux et départementaux de
prévention de la délinquance, institués au début des années quatre-vingt.
Aussi, je m'inquiète du caractère innovateur de ces contrats, et surtout de
l'absence d'expérience des futurs agents locaux de médiation.
Vous ajoutez à la création des postes d'agents locaux de médiation, la
création des postes d'adjoints de sécurité, dont les principales missions
seront l'accueil, l'îlotage, la surveillance. Ces jeunes auront entre dix-huit
et vingt-cinq ans et seront recrutés au niveau départemental. Un test
psychologique, un entretien et une formation de deux mois seront les seules
conditions pour le recrutement. Il me semble qu'il serait bon d'apporter un
soin tout particulier à ce recrutement et, surtout, d'appliquer une sélection
plus stricte.
Les adjoints de sécurité ne participeront pas à des missions de police
judiciaire ou de maintien de l'ordre ; pourtant, ils seront armés. A l'heure où
vous vous interrogez sur la légitimité du port d'arme pour les policiers
municipaux - je partage votre avis sur ce point : la police municipale de ma
ville n'est pas armée et elle ne le sera jamais - je vous rappelle que les
policiers municipaux, eux, sont des professionnels. Le fait de donner une arme
à de jeunes recrues à peine formées m'étonne.
Ne pouvant agir seuls en matière de répression, ces jeunes seront toujours
accompagnés par un policier dans les missions à risque. J'espère, monsieur le
ministre, que ces jeunes seront plus une aide qu'une gêne pour les policiers
assurant leur formation. A l'heure où nous manquons d'effectifs, je m'étonne de
votre décision de mobiliser des professionnels pour assumer une mission de
tutorat envers ces jeunes.
Certes, nos villes ont besoin de personnes assurant la surveillance aux abords
des écoles, favorisant l'accueil dans les commissariats et facilitant le
contact avec les jeunes. Vous avez mille fois raison, monsieur le ministre, ce
sont des activités nécessaires. Pourtant, je m'inquiète de l'absence totale de
moyens mis en oeuvre pour réprimer réellement les actes de délinquance.
En effet, les adjoints de sécurité ne pourront pas intervenir sur le terrain
s'ils ne sont pas accompagnés par un policier professionnel. Or, le manque de
personnel se fait énormément sentir aujourd'hui. J'ose espérer, monsieur le
ministre, que la création de postes d'adjoints de sécurité et d'agents locaux
de médiation - dont la tâche encore floue reste à définir - ne sera pas
l'occasion pour vous de geler les postes ouverts aux futurs policiers
professionnels.
Nous aurions d'ailleurs souhaité que les postes d'adjoint de sécurité
correspondent à de véritables créations d'emplois et non pas, comme c'est
parfois le cas, au simple remplacement des policiers auxiliaires appelés à
disparaître avec la réforme du service national.
Le pacte de relance pour la ville avait permis la mise en place d'une
politique de redéploiement des effectifs policiers. Je souhaite très
sincèrement que la création des postes d'adjoints de sécurité ne vienne pas
freiner cette politique.
Il faut donner aux maires des villes les plus touchées la possibilité de
lutter concrètement contre la délinquance, surtout contre celle des mineurs,
qui ne cesse d'augmenter. Les maires sont responsables de la tranquillité
publique. C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous avons besoin de vrais
professionnels, et je parle, vous le savez, en parfaite connaissance de
cause.
Notre inquiétude est légitime : je remarque en effet que l'augmentation des
crédits inscrits dans votre projet de budget, qui est de 1,5 % en comptant la
participation du ministère de l'emploi et de la solidarité, n'est que le
résultat de la croissance des dépenses de personnel.
Donner la priorité à la sécurité est une très bonne chose, monsieur le
ministre, et nous sommes d'accord sur ce point. Mon seul regret est que vous ne
vous donniez pas assez de moyens à cette fin. Néanmoins, dans un esprit
constructif, je voterai les crédits rattachés à votre ministère.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous
comprendrez que je n'évoque pas aujourd'hui la police : je me dois, en effet,
de respecter une certaine obligation de réserve puisqu'on m'a confié une
mission visant à vérifier que les forces de police sont correctement réparties
sur le territoire français.
En revanche, j'interviendrai sur la sécurité civile, et tout d'abord pour
féliciter nos rapporteurs de la précision des indications qu'ils ont apportées
en ce qui concerne ses moyens.
Monsieur le ministre, la sécurité civile, ce n'est pas ce qui compte le plus
dans votre budget. Dans ce cadre modeste, c'est essentiellement le groupement
aérien de la sécurité civile qui nous préoccupe. Sa modernisation a été bien
engagée. Sachez cependant que j'ai toujours considéré que le plus important, en
matière d'incendies de forêts, c'est la prévention.
Il fallait faire des efforts considérables pour améliorer la prévention ; cela
a été fait et l'on s'aperçoit que l'on évite ainsi d'avoir recours à des moyens
importants en permanence.
Nous connaissons des forêts qui ne brûlent pas, alors qu'elles sont pourtant
très fréquentées. C'est le cas de la forêt de Fontainebleau qui ne brûle
pratiquement pas, bien qu'on y relève quelque 500 départs de feu par an. Nous
avons en effet mis en place avec l'Office national des forêts des postes de
surveillance et installé des corps de sapeurs-pompiers à proximité.
Par ailleurs, monsieur le ministre, plusieurs orateurs ont évoqué le problème
de l'avenir des unités d'instruction de la sécurité civile à la suite de la
réforme du service national. On pourrait y ajouter le problème de l'avenir de
la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et de celle des marins-pompiers de
Marseille.
Il est évident que la professionnalisation des armées va entraîner des
dépenses nouvelles, notamment pour la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. La
Ville de Paris et les départements de la petite couronne devront assumer les
charges nouvelles engendrées par cette professionnalisation inévitable.
Monsieur le ministre, le coût de la sécurité civile pour l'ensemble du pays,
en dehors des crédits de votre budget, qui sont de l'ordre de 25 milliards de
francs, est supporté essentiellement par les collectivités locales.
Cela représente pour ces dernières une charge qui comprend quelquefois des
missions incombant à l'Etat. Je prendrai notamment l'exemple de la prévention
en matière d'incendie.
Les services départementaux d'incendie et de secours fournissent les moyens en
officiers, en sous-officiers et en personnels administratifs pour des tâches
qui sont celles de l'Etat.
De plus, tous les maires le savent bien, les normes évoluent de plus en plus,
et c'est souvent nécessaire. Mais je crois qu'on va parfois un peu loin, car
ces tâches finissent par avoir des coûts considérables. En tout cas, pour les
collectivités locales, en particulier pour les services départementaux, cela
représente une dépense non négligeable.
Dans mon département, plus de trente officiers travaillent à temps plein ou à
temps partiel dans les commissions de sécurité. La dépense qui en résulte pour
le service départemental ne devrait pas, théoriquement, incomber à la
collectivité locale, puisque c'est le préfet qui dirige ces services.
Monsieur le ministre, lors de la séance du 2 décembre, vous avez évoqué les
lois du 3 mai 1996, l'une relative au développement du volontariat dans les
corps de sapeurs-pompiers, l'autre relative aux services d'incendie et de
secours. Ces lois n'ont pas été improvisées !
Si un certain nombre de collectivités locales en retardent l'application,
c'est, bien entendu, parce que l'application de ces lois nécessite des moyens
supplémentaires.
Ces collectivités locales ont-elles fait, jusqu'à présent, l'effort nécessaire
pour assurer dans de bonnes conditions la protection des personnes et des biens
? C'est la question que l'on doit se poser.
On le sait, en fonction de l'urbanisation et des risques, la sécurité en
matière d'incendie a un coût par habitant qui implique un effort financier pour
certaines collectivités. Mais ces efforts sont parfois mal répartis, certains
départements fonctionnant avec deux systèmes, celui des grandes communautés
urbaines sur une partie, un système artisanal et communal sur l'autre.
Faut-il pour autant renoncer à l'organisation départementale ? Je ne le pense
pas. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, il est important d'appliquer ces
lois. Leur application est d'ailleurs attendue non seulement par les
volontaires, qui sont au nombre de 200 000 dans notre pays et qui sont
indispensables pour assurer le fonctionnement du service, mais également par
les professionnels, qui sont un peu inquiets des atermoiements dans la mise en
oeuvre des décrets.
Leur application est attendue également par les collectivités locales
elles-mêmes. Vous avez d'ailleurs engagé, je crois, une concertation avec
l'Association des maires de France et avec l'Association des présidents de
conseils généraux pour fixer les conditions relatives à la participation des
communes et des départements au service départemental.
Il ne faut pas dire pour autant que ces lois ont du mal à être mises en
oeuvre, car, si mes informations sont exactes, les trois quarts des
départements ont d'ores et déjà mis en place le nouveau système de conseil
d'administration, qui fonctionne bien dans beaucoup d'entre eux.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Même plus des trois quarts !
M. Jean-Jacques Hyest.
Même plus, en effet.
Mais il est vrai que, de temps en temps, lorsqu'une loi est votée, elle
suscite des résistances, des mesures de retardement. En l'occurrence, il ne
s'agit pourtant pas de lois émanant d'un gouvernement plutôt que d'un autre ;
le principe de la départementalisation était déjà inscrit dans la loi de 1992
relative à l'administration territoriale de la République !
M. Guy Cabanel,
rapporteur spécial.
Grâce à un amendement de M. Jean-Jacques Hyest !
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est un détail !
La modernisation de la sécurité civile nécessite donc un système
départemental. Il est rendu effectif grâce, notamment, aux centres
opérationnels départementaux d'incendie et de secours, les CODIS.
Mais, ce qui est le plus important, monsieur le ministre, c'est la mise en
place, qui va être faite des schémas départementaux d'analyse de la couverture
des risques, les SDACR, qui feront apparaître les besoins. A partir de là, on
pourra mettre en pl.ace une organisation homogène sur le territoire, et les
collectivités locales se doteront, progressivement certes, des moyens
nécessaires.
Voilà, monsieur le ministre, les observations que je souhaitais vous faire.
Pour avoir mis en oeuvre la départementalisation, je peux vous dire que les
sapeurs-pompiers attendent vraiment qu'on règle le problème de leur régime
indemnitaire. En effet, vous le savez, ils n'ont pas bénéficié, comme les
autres personnels territoriaux, des dispositions contenues dans les accords
Durafour.
Il n'y a eu aucune homogénéisation des régimes indemnitaires. Quant au régime
de travail, il faudrait peut-être laisser à la négociation une certaine
souplesse au niveau local, les deux points pouvant d'ailleurs être négociés
ensemble, car les sapeurs-pompiers professionnels ne doivent pas continuer à
travailler deux fois plus que les autres. Ce ne serait pas sain, dans notre
pays. Il s'agit là d'un réel problème. Les sapeurs-pompiers sauront accepter
les efforts nécessaires, compte tenu des difficultés de certaines collectivités
locales pour se mettre à niveau.
Monsieur le ministre, les sapeurs-pompiers, comme l'a très bien indiqué notre
rapporteur, paient chaque année un tribut pour assurer la sécurité de leurs
concitoyens. Qu'ils soient professionnels ou volontaires, ce sont des gens
généreux et responsables. Mais ils sont aussi victimes de l'insécurité puisque,
hélas ! de plus en plus souvent, dans nos banlieues, ils sont, lors de leurs
interventions, menacés comme le sont parfois les chauffeurs d'autobus ou
d'autres personnels des services publics.
Ils ont donc besoin d'être protégés. Cela va dans le sens du discours général
sur la sécurité. J'ai bien lu les propos que vous avez tenus à Villepinte. Cela
montre que, dans notre société, on ne respecte même plus ceux qui viennent
secourir les autres ! Il nous faudra donc réfléchir aussi à ce problème.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Türk.
M. Alex Türk.
Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention quelques instants
sur les problèmes relatifs à la création de l'autorité de contrôle
d'EUROPOL.
Comme vous le savez, une mission a été instituée par la commission des lois de
notre assemblée, mission présidée par M. Masson, et qui aura ainsi l'occasion
de procéder à une étude appronfondie de ces questions. Néanmoins, j'ai pensé
qu'il était important d'attirer votre attention sur un aspect urgent du
problème.
Je siège actuellement au groupe de travail sur la police, qui réfléchit au
règlement intérieur de cette nouvelle autorité de contrôle. J'ai quelques
contacts avec les représentants de votre ministère. Il s'avère que des
questions pendantes vont singulièrement conditionner l'avenir.
La première concerne le problème du siège même de l'autorité. Est-il désormais
acquis, pour notre pays, que ce siège sera installé à La Haye, où se trouve
déjà l'organisation d'EUROPOL elle-même ? Je vous rappelle - je le sais, pour
en être le président - que l'autorité de contrôle de Schengen, par exemple,
siège à Bruxelles, alors que c'est à Strasbourg que se trouve le centre qui
fait l'objet du contrôle. Je le dis avec d'autant plus de certitude que nous
avons quelques doutes sur la capacité d'accueil et sur les conditions dans
lesquelles pourrait travailler l'autorité à La Haye.
La deuxième remarque que je veux faire concerne le problème des langues. Il
est tout à fait inacceptable que nous soyons - aussi bien les représentants de
votre ministère que nous-mêmes, au nom de la Commission nationale de
l'informatique et des libertés - contraints aujourd'hui d'analyser en anglais,
de manière pointue et vigilante, le texte d'un règlement intérieur qui va
conditionner le fonctionnement de cette autorité de contrôle en matière de
police !
Je dois vous avouer que, si mes connaissances en anglais me permettent d'avoir
des conversations sinon galantes, tout au moins courtoises, elles ne me
permettent pas, en revanche, de procéder à une analyse détaillée, sur le plan
juridique, d'un règlement intérieur !
Je considère que c'est tout à fait inacceptable.
De plus, nous n'avons même aucune certitude - cela m'inquiète beaucoup - quant
à l'utilisation de toutes les langues lors du fonctionnement, en régime de
croisière, si j'ose dire, de la future autorité. Il me paraît, là encore,
important d'attirer votre attention sur ce point.
La troisième remarque que je veux faire est cruciale ; elle a trait à la
nature même du statut de l'autorité qui va être créée. S'agira-t-il d'un
organisme de droit administratif ou d'un organisme juridictionnel ? La question
peut se poser.
Il est d'autant plus important que vous nous disiez comment vous envisagez les
choses que, lors des prochaines réunions qui auront lieu au mois de janvier, il
faudra traiter de questions aussi importantes que la question de savoir s'il y
a ou non respect des droits de la défense devant le comité d'appel qui sera
créé par l'autorité.
La question se pose également de savoir si le président de l'autorité pourra
être aussi président du comité d'appel, ce qui, dans l'hypothèse d'un cadre
juridictionnel, prêterait quand même à confusion, c'est le moins que l'on
puisse dire !
Certaines délégations - pas celle de - la France considèrent qu'il
appartiendrait à l'autorité de vérifier les capacités des représentants des
autorités nationales, ce qui me paraît être une atteinte au principe de
souveraineté. C'est, en tout état de cause, ce que j'ai entendu lors de la
dernière réunion à La Haye.
Est également prévue la possibilité de remettre en cause la présence, à
l'intérieur du système, d'un membre représentant un Etat dans l'hypothèse où
l'on aurait des doutes sur son impartialité. Là aussi, je m'interroge : est-il
acceptable qu'une telle autorité puisse juger de la partialité ou non de
représentants désignés par les autorités nationales de chacun des Etats membres
?
On le voit, il s'agit là de questions extrêmement importantes qui devront être
résolues dans les semaines qui viennent. C'est pourquoi je pense qu'il était
utile d'en faire état à l'occasion de cette discussion budgétaire.
Je terminerai par une dernière question, monsieur le ministre.
Actuellement, certaines délégations acceptent que des représentants de leur
autorité nationale de contrôle, en l'occurrence la CNIL pour la France, siègent
à coté des représentants du ministère, tout simplement pour harmoniser, chaque
fois que cela est possible, les positions dans les discussions entre
partenaires. C'est le cas, je puis le certifier, pour la Belgique et le
Danemark.
Cela doit rester exceptionnel, car il ne serait pas sain que les représentants
du Gouvernement et ceux de l'autorité siègent ensemble de façon
systématique.
En revanche, lorsqu'il s'agit de l'installation même de l'autorité ou de la
définition de son règlement intérieur, je me demande si l'enjeu n'en vaut pas
la peine.
Je vous pose donc la question très clairement, monsieur le ministre : ne
peut-on envisager, pour les semaines qui viennent, de mettre en place, d'une
manière ou d'une autre, une coordination entre les efforts faits par les
représentants de la CNIL - qui se trouvent à La Haye pour discuter de ces
questions - et les délégués de votre ministère ?
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Des villes
sûres pour des citoyens libres », tel était le titre, particulièrement
bienvenu, du colloque national sur la sécurité qui s'est tenu le 25 octobre
dernier à Villepinte, colloque au cours duquel le Premier ministre s'est
exprimé en ces termes : « Un citoyen dont la sécurité n'est pas assurée ne peut
exercer son droit à la liberté. Le principe républicain de l'égalité entre les
citoyens ne peut ignorer ce droit à la sécurité. » Et le Premier ministre
d'ajouter : « Tout citoyen, toute personne vivant sur le territoire de la
République a droit à la sécurité. Il ne peut y avoir des quartiers sûrs et des
zones de non-droit. »
Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que je me bats depuis trop
longtemps sur ce terrain pour ne pas éprouver une grande satisfaction à
entendre ces mots.
Les républicains ne peuvent qu'approuver une telle conversion de la gauche «
plurielle » aux réalités de la vie quotidienne dans nos cités, même s'il ne
faut y voir qu'un rappel de l'article II de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen, qui proclame que la « sûreté » est l'un des « droits
naturels et imprescriptibles de l'homme. »
D'ailleurs, vous-même, monsieur le ministre, vous avez déclaré dans une
interview au journal
Libération,
le 27 octobre dernier : « La France
connaît aujourd'hui deux problèmes majeurs : le chômage et l'insécurité. »
Je fais ce constat avec vous, en y ajoutant un troisième problème, que je
crois tout aussi important, celui de l'immigration clandestine. Mais je ne
doute pas que vous aviez cette idée présente à l'esprit !
Vous posez, monsieur le ministre, le problème de la sécurité à partir d'un
triptyque simple : citoyenneté, proximité et efficacité. Déjà ancienne, cette
approche est, je crois, la seule qui vaille.
Car, c'est vrai - et M. le rapporteur pour avis, notre éminent collègue Paul
Masson, l'a clairement exposé - la situation n'est pas réjouissante, c'est même
un euphémisme.
La délinquance touche aujourd'hui les Français dans leur vie quotidienne.
Certes, dans les statistiques, la baisse de la criminalité se poursuit : elle a
ainsi diminué de 2,88 % par rapport à l'année dernière pour une diminution de
8,47 % de la délinquance de voie publique à Paris.
Mais - nous le savons tous - le sentiment d'insécurité de nos concitoyens
augmente en proportion inverse, d'autant que l'on constate une recrudescence
notable des infractions qui s'accompagnent de violence contre les personnes.
Cette violence est de plus en plus urbaine puisque les vingt-sept départements
les plus urbanisés regroupent à eux seuls 80 % des délits enregistrés, le quart
se concentrant sur la seule région d'Ile-de-France.
Un phénomène est encore plus inquiétant ; c'est la croissance extrêmement
rapide de la délinquance des mineurs, avec un abaissement corrélatif et
constant de l'âge des délinquants. La part des mineurs dans la délinquance est
passée de 9,7 %, en 1973, à 17,9 % en 1996. Les mineurs sont à l'origine de 40
% des cambriolages et de 18,4 % des viols.
De plus, comment ne pas s'inquiéter de la persistance d'un niveau élevé de
délits liés à la toxicomanie, ce qui, soit dit en passant, ne peut qu'accroître
notre prévention à l'égard des idées permissives, voire laxistes, de certains,
que l'on entend de nouveau proclamer ces jours-ci.
De même, les résultats incertains de la lutte contre l'immigration irrégulière
démontrent l'absolue nécessité de renforcer les moyens et doivent alerter nos
consciences sur les dangers d'une législation « aspirante ».
Dans ce contexte, les crédits consacrés à la police et à la sécurité pour 1998
s'élèvent à 28,2 milliards de francs, soit, déduction faite des transferts et
des corrections monétaires, une quasi-stagnation des crédits.
Plus que sur la masse des crédits, il convient de s'interroger sur leur
affectation et, plus encore, sur leur concordance avec les objectifs
affichés.
En clair, monsieur le ministre, avez-vous les moyens de votre politique ?
Vous donnez la priorité à la police de proximité. Tout à fait d'accord ! Elle
est plus que jamais nécessaire.
Je note d'ailleurs que c'était tout le sens de l'importante réforme des
horaires de travail, symbolisée par l'abandon de la cinquième brigade, conduite
avec pugnacité et succès par votre prédécesseur.
Dans le même esprit, et dans le droit-fil des conclusions du rapport Danilet,
il reste encore à tenir les engagements de l'article 4 de la loi d'orientation,
c'est-à-dire à décharger les policiers des trop nombreuses tâches indues qui
les accaparent, en particulier des tâches purement administratives ou
parajudiciaires.
Mais la police au quotidien, c'est d'abord une présence, un visage, des femmes
et des hommes au service de l'autorité de la loi et de la tranquillité publique
; en un mot, des effectifs.
Force est de constater que ce budget prévoit la suppression de onze emplois
dans le corps de conception et de direction et de 653 emplois dans le corps de
commandement, certes compensée par la création de 664 emplois dans le corps de
maîtrise et d'application.
Une telle dissymétrie dans la répartition des suppressions et des créations de
postes ne manquera pas d'entraîner des difficultés concrètes, étant donné la
nature des recrutements auxquels vous allez procéder.
En effet, le Gouvernement prévoit de déployer, sur trois ans, 35 000 emplois
de proximité, dont 15 000 agents locaux de médiation et 20 000 adjoints de
sécurité, recrutés dans le cadre de la loi sur l'emploi des jeunes.
Concernant les adjoints de sécurité, il est prévu d'en recruter 8 250 d'ici à
la fin de 1998, dont 900 seront affectés à la préfecture de police de Paris.
Outre celles qui ont déjà été exprimées par le rapporteur pour avis de la
commission des lois, de nombreuses interrogations se posent à leur sujet.
Monsieur le ministre,
quid
de leur formation ? L'option de deux mois est
avancée : six semaines en école et deux semaines de stage.
Peut-être serait-il possible, monsieur le ministre, d'avoir quelques
informations supplémentaires sur le contenu de la formation qui leur sera
dispensée, mais aussi sur son coût, car il y a tout lieu d'être inquiet si l'on
considère la diminution de 12 millions de francs des crédits inscrits au budget
de la formation de la police.
Enfin, dois-je vous dire mon étonnement à la lecture de la note d'information
relative au recrutement des adjoints de sécurité que m'a adressée M. le préfet
de police de Paris, le 12 novembre dernier ? A la page 2, section « conditions
à remplir », dernier alinéa, je lis : « Aucune condition de diplôme n'est
exigée ». Vous allez vraiment nous faire regretter l'époque bénie du certificat
d'études !
Les Français ont un réel besoin de sécurité, mais en aucun cas d'une sécurité
au rabais !
C'est d'ailleurs tout l'enjeu d'une meilleure répartition des responsabilités
entre la police nationale et la gendarmerie, ainsi que d'une redéfinition
législative urgente du rôle des polices municipales et des sociétés de
gardiennage.
A cet égard, j'ai cru comprendre, monsieur le ministre, à travers différentes
déclarations, que vous aviez l'intention de faire un peu évoluer les choses.
Je m'en félicite d'autant plus que c'est l'occasion, me semble-t-il, de mettre
un terme à un archaïsme juridique insupportable pour les Parisiens, à ce régime
d'exception qui fait de Paris une ville sous tutelle et des Parisiens des
citoyens de seconde catégorie.
(Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
Monsieur le ministre, les Parisiens ne demandent aucun privilège, bien au
contraire ! Ils veulent simplement, enfin, être traités comme tous les citoyens
de toutes les villes de France.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Chiche !
M. Bernard Plasait.
Chiche, en effet !
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Pour la taxe d'habitation aussi !
M. Bernard Plasait.
Si vous pouvez avoir sur le Gouvernement l'influence nécessaire, je dis «
chiche », moi aussi : que les Parisiens soient traités comme tous les citoyens
de toutes les villes de France !
Ils veulent simplement que leur maire dispose, comme tous les maires de
France, d'un pouvoir sur le stationnement et sur la circulation, c'est-à-dire
des moyens d'assurer, au quotidien, en toute responsabilité de maire élu, la
qualité de la vie dans leur ville.
Abroger les lois de messidor an VIII à la veille de l'an 2000 et faire entrer
Paris dans le droit commun, c'est faire preuve de bon sens, d'équité, mais
aussi de responsabilité et d'efficacité.
Monsieur le ministre, j'attire votre attention sur les précautions
particulières nécessaires à la mise en oeuvre des contrats locaux de sécurité à
Paris.
Ces contrats doivent être signés par les représentants de l'Etat et par le
maire de Paris, et par lui seul. Pourriez-vous nous préciser les modalités
d'application de ces contrats ?
Y aura-t-il un seul contrat local de sécurité pour Paris, ou plusieurs
contrats locaux existeront-ils par arrondissement, voire par quartier ?
Connaissant votre attachement à l'unité nationale, je ne doute pas que vous
serez sensible à la nécessaire préservation de l'unité de Paris, monsieur le
ministre.
Enfin, je ne peux qu'exprimer ici mon inquiétude quant à la diminution de 3,5
% des moyens de fonctionnement et de 6 % des crédits de paiement pour les
dépenses en capital, pour l'immobilier notamment.
Je regrette l'étalement dangereux, tant les risques d'obsolescence prématurée
sont manifestes, du programme de transmission ACROPOL.
Les mêmes risques et le même état d'imprévision caractérisent le budget de la
sécurité civile, en baisse de 7,7 %.
Ce projet de budget ne tient aucun compte des risques nouveaux engendrés par
la société industrielle ni des défis auxquels nous devrons inéluctablement
faire face.
Tout aussi grave est l'interruption brutale de la modernisation des moyens
d'intervention lourds.
Certes, le programme d'acquisition des Canadair s'achève, mais on ne peut
s'arrêter là, d'autant que ces appareils sont épaulés par douze bombardiers
d'eau de type Tracker, hors d'âge, ayant plus de trente ans et plus de 10 000
heures de vol chacun. Il était, certes, prévu de remotoriser les deux derniers
d'entre eux, mais cette opération est reportée
sine die
.
Il en va de même de la flotte d'hélicoptères, dont le rapporteur pour avis
pour la sécurité civile, notre collègue René-Georges Laurin, n'a de cesse, à
juste titre, de recommander le renouvellement d'urgence.
Monsieur le ministre, je m'associe à l'hommage rendu aux 250 000
sapeurs-pompiers, à leurs collègues décédés en service ou blessés ainsi qu'à
tous les fonctionnaires de police.
Je regrette sincèrement que, dans ce projet de budget, on ne vous ait pas
donné les moyens de vos ambitions.
Le budget de votre département ministériel, comme, hélas ! bien d'autres,
montre que le Gouvernement persiste dans l'erreur en laissant l'Etat là où il
ne devrait pas être - dans le Crédit lyonnais, par exemple - et en n'assurant
pas sa présence là où il devrait être pour assurer la sécurité des épargnants,
certes, mais surtout de tous les citoyens.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
Le Sénat va maintenant interrompre ses travaux ; il les reprendra à quinze
heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze
heures cinq, sous la présidence de M. Jean Delaneau.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour
1998 concernant la sécurité.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'attente
des Français en matière de sécurité est grande ; cela a été rappelé à plusieurs
reprises, ce matin, par les orateurs. C'est la raison pour laquelle le Premier
ministre en a fait une priorité nationale et gouvernementale ; M. Cabanel,
rapporteur spécial, y a fait allusion.
Certes, la progression de 1,1 % des crédits de la police pourrait apparaître
comme modeste pour une mission déclarée prioritaire. Toutefois, je vous
rappelle, mes chers collègues, d'une part, que les deux dernières lois de
finances avaient, en tendance, réduit ces crédits et, d'autre part, que la
politique de sécurité décidée par le Gouvernement se situe dans une approche
globale.
La sécurité, c'est aussi l'affaire de la justice, de l'éducation nationale, du
logement, de l'emploi, des élus locaux et des associations de terrain.
Il faut ainsi ajouter à vos moyens, monsieur le ministre, 80 % des crédits
nécessaires à la rémunération des adjoints de sécurité inscrits au budget du
ministère de l'emploi et de la solidarité. Il faut également compter avec les
agents locaux de médiation, dont le financement sera assuré par le ministère de
l'emploi et de la solidarité et par des partenaires extérieurs.
En réalité, la progression de vos moyens, monsieur le ministre, s'établit à
1,5 %.
L'insécurité, comme vous l'avez souligné lors du colloque de Villepinte, porte
gravement atteinte à l'égalité entre les citoyens. Elle est d'autant plus
intolérable qu'elle frappe les plus démunis d'entre eux.
La politique que vous avez définie repose sur la refondation de la
citoyenneté, le développement d'une véritable action de proximité et le
renforcement de l'action conjointe des services de police et de justice, et de
tous les autres acteurs.
La mise en oeuvre de cette politique est en marche. Ainsi, a été publiée sans
tarder, au
Journal officiel,
la circulaire sur les contrats locaux de
sécurité. Aux élus locaux, à nous tous, de nous en saisir.
L'objectif est de tirer les conséquences des expériences passées pour
mobiliser au mieux, au plan local, tous ceux qui peuvent jouer un rôle direct
ou indirect en matière de sécurité et apporter à une situation d'insécurité
particulière une réponse adaptée, globale et cohérente.
Le décret précisant les conditions de recrutement des adjoints de sécurité est
également paru : 8 250 adjoints de sécurité seront recrutés d'ici à la fin de
l'année 1998 dans les zones où la situation est la plus préoccupante. Ces
adjoints de sécurité seront placés auprès des fonctionnaires de police pour
accomplir des missions sous leur autorité.
Une première vague de 1 650 adjoints de sécurité peuvent d'ores et déjà être
recrutés dans les départements les plus urbanisés et considérés comme
prioritaires. Recrutés dans le cadre départemental, ils auront ainsi une bonne
connaissance du terrain.
Dans le cadre des emplois-jeunes, 15 000 agents locaux de médiation seront
créés dès le début de l'année prochaine ; leur rôle sera essentiellement de
prévenir les tensions, d'observer et d'assurer une présence humaine.
Le plan de lutte contre la violence à l'école, où sont partie prenante sept
ministres, a été présenté.
Une mission interministérielle sur la délinquance des mineurs est mise en
place.
Le conseil de sécurité intérieure a été réactivé par un décret du 19 novembre
dernier. Il est présidé par le Premier ministre. Chargé de définir les
orientations générales de la politique de sécurité intérieure et, notamment,
d'examiner la répartition des effectifs de sécurité sur le territoire, le
conseil s'est déjà mis au travail.
Enfin, plusieurs projets de lois seront déposés prochainement.
Un projet de loi portant création d'un conseil supérieur de la déontologie en
matière de sécurité intérieure pourrait être adopté au début de l'année
prochaine.
Autorité indépendante, chargé de contrôler la déontologie de tous les
intervenants - police, gendarmerie, polices municipales, sociétés de
gardiennage - doté de très larges pouvoirs d'investigation, le conseil pourra
être saisi par les citoyens par le canal des parlementaires.
L'esprit de transparence qui fonde ce projet est une condition essentielle
pour améliorer les relations de confiance entre la police et les citoyens et
pour renforcer la légitimité, l'efficacité et la crédibilité des forces de
sécurité et de l'action policière.
Un projet de loi sur les polices municipales et un autre sur les sociétés de
gardiennage sont également annoncés pour le début de l'année prochaine.
Mes chers collègues, ce court inventaire des actions entreprises par ce
Gouvernement, jeune de six mois seulement, est la preuve concrète que l'équipe
de Lionel Jospin ne se limite pas à des discours et à des déclarations
d'intentions : le problème de la sécurité de nos concitoyens est traité dans sa
globalité et avec des priorités bien définies.
La réussite de ces orientations passe par la mise en oeuvre de moyens
suffisants, bien gérés, adaptés et affectés aux missions prioritaires. Votre
projet de budget pour la police, monsieur le ministre, s'inscrit dans cette
perspective.
S'agissant des personnels, la priorité est donnée au travail de terrain, à la
professionnalisation, ainsi qu'à l'amélioration des carrières.
La réforme des corps et des carrières se poursuit. Je formulerai cependant une
remarque : le rythme d'application de cette réforme ne peut se contenter des
simples transformations de postes. De même, l'état de la pyramide des âges
générera, au cours des toutes prochaines années, des effets critiques sur les
plans tant opérationnels que budgétaires. J'aimerais, monsieur le ministre, que
vous nous fassiez part de l'état de votre réflexion à ce sujet.
Les rémunérations principales des policiers restent stables.
En ce qui concerne les mesures catégorielles, notons la poursuite de
l'unification des régimes indemnitaires des corps de commandement. L'objectif
de cette réforme est double : d'abord, moraliser ce régime par le regroupement
de l'ensemble des primes en une seule bénéficiant à l'ensemble des corps ;
ensuite, favoriser la mobilité et la transparence.
Cependant les organisations syndicales, tout en acceptant le principe, nous
ont fait part de la perte de pouvoir d'achat de certains d'entre eux et toutes
se sont inquiétées que rien ne soit prévu pour les gardiens. Vous serait-il
possible, monsieur le ministre, de nous faire part de vos observations sur ce
point ?
Une mesure nouvelle de 65 millions de francs vient compléter le fonds de
concours, pour permettre d'assurer le financement, dans des conditions
correctes, de l'allocation de services des commissaires.
Enfin, je tiens à souligner un aspect tout à fait positif de ce projet de
budget, compte tenu de la difficulté du métier de policier. Pour la première
fois se trouvent traduites dans un budget des mesures spécifiquement sociales.
Pour la relance de l'action sociale, 25 millions de francs vont au
développement de la médecine de prévention, 10 millions de francs sont
consacrés à la mise en place d'unités de restauration chaude dans les services
et 10 emplois de psychologue sont créés.
Ces crédits démontrent l'importance que vous attachez, monsieur le ministre, à
l'amélioration de la vie quotidienne des policiers.
Je n'aurai cependant pas la même appréciation que M. le rapporteur spécial sur
une question qui reste préoccupante : le logement des policiers.
Les engagements pris dans la LOPS accusent un retard considérable. Se loger
est un problème d'autant plus aigu pour les policiers qu'ils sont jeunes et
affectés à Paris et dans sa banlieue. On m'a cité le cas de policiers vivant à
plus de 100, voire 200 kilomètres de leur lieu de travail ; d'autres partagent
à trois ou plus des appartements trop chers pour un salaire de policier et
certains, hélas ! dorment même dans leur voiture.
Considérant l'impact que les conditions de vie quotidienne des policiers
peuvent avoir sur l'exécution même des tâches de ces derniers, je vous demande
de nous préciser, monsieur le ministre, ce qui pourra être fait de manière
concrète, en 1998, s'agissant de cette question essentielle.
En ce qui concerne les crédits de fonctionnement, des choix ont été faits.
Si des économies ont été réalisées sur les compagnies républicaines de
sécurité, sur les services logistiques et sur les renseignements généraux, en
revanche, les crédits augmentent pour les emplois de proximité, pour
l'informatique, notamment l'informatique Schengen, et pour les
transmissions.
Les crédits d'équipement immobilier des services pour 1998 devraient permettre
de relancer le programme immobilier, la rénovation et la construction de
commissariats dans les zones sensibles ; cela devrait contribuer à rapprocher
les services de police et les citoyens, là où il y a urgence.
Par ailleurs, nous approuvons totalement la préparation annoncée du plan
Sécurité proximité 2002, preuve supplémentaire que la police de proximité est
une priorité pour le Gouvernement.
Je veux enfin souligner, comme l'a fait M. le rapporteur spécial, l'effort
particulier en faveur du programme ACROPOL.
Le calendrier de réalisation de ce programme capital a, hélas ! subi un retard
considérable. Les crédits inscrits pour 1998 sont heureusement en hausse.
Nous nous félicitons de cette réorientation et nous sommes particulièrement
sensibles à votre volonté, monsieur le ministre, de redéfinir les objectifs et
les modalités de mise en oeuvre de ce programme pour que le temps perdu soit
rattrapé et que la couverture du territoire soit effective dès 2008.
Pour terminer sur le budget de la police, je formulerai quelques remarques et
interrogations fortes.
De tout temps, des compensations financières ont été attribuées aux policiers
pour les services rendus lors de diverses manifestations. Or, le plan
Vigipirate, les Journées mondiales de la jeunesse, la visite du Pape sont
autant de manifestations pour lesquelles toute la police parisienne et de
nombreuses compagnies républicaines de sécurité se sont vu privées de congés
d'été. Les policiers ont été très sollicités, et ce sans compensation ; je vous
laisse imaginer leur état d'esprit, monsieur le ministre, alors que se profile
la Coupe du monde de football.
La formation des futurs policiers est capitale pour l'exercice dans de bonnes
conditions de ce métier difficile. Les adjoints de sécurité, le niveau de
recrutement de plus en plus élevé des gardiens de la paix et des officiers
nécessitent des moyens financiers moins modestes qu'ils ne le sont
ordinairement.
De plus, les tentatives venant de mouvements d'extrême droite pour s'implanter
dans la police et pour déstabiliser ainsi notre démocratie exigent, entre
autres mesures, de mener une réflexion nouvelle sur le contenu de la formation
des futurs policiers : l'une des premières mesures utiles serait sans doute
d'inscrire la formation civique à leur programme de formation, compte tenu du
rôle d'une police dans une République laïque.
Le gouvernement précédent avait eu pour dessein de redéployer des unités des
brigades rurales de gendarmerie vers les quartiers difficiles des villes. Les
élus et les populations de bourgs ruraux voyaient d'un très mauvais oeil cette
réforme.
Monsieur le ministre, vous avez mis en place une mission qui doit rendre
prochainement ses conclusions. J'aimerais avoir l'assurance que ce
redéploiement ne se fera pas au détriment des zones rurales.
Avant de conclure mon propos, je voudrais évoquer très rapidement la sécurité
civile, dont mon ami André Rouvière aurait souhaité vous parler.
Malheureusement, le changement de date de la discussion de ce projet de budget
l'en empêche, des engagements pris avant cette modification de l'ordre du jour
le retenant dans son département.
La baisse des crédits de 7,5 % s'explique par l'achèvement, en 1997, du marché
pour le renouvellement des Canadair. La remotorisation des bombardiers d'eau de
type Tracker devrait pouvoir se poursuivre grâce aux recettes retirées de la
reprise des anciens Canadair CL 215.
Globalement, les moyens de l'Etat en faveur de la sécurité civile se
maintiennent à un bon niveau, mais je ne peux pas ne pas attirer votre
attention sur les conséquences de la professionnalisation et de la réduction du
format des armées sur l'organisation de la sécurité civile dans les prochaines
années.
Je voudrais dire un mot de la départementalisation des services d'incendie et
de secours. Si nous sommes d'accord sur le principe de la départementalisation,
je tiens néanmoins à rappeler que notre groupe s'était prononcé contre
l'adoption du texte tel qu'il était proposé, compte tenu, entre autres, des
incertitudes financières dues notamment au désengagement de l'Etat. Nous
comptons sur vous, monsieur le ministre, pour mettre en oeuvre cette réforme
dans de meilleures conditions, notamment en ce qui concerne les dispositions
réglementaires concernant le régime de travail et le statut des
sapeurs-pompiers professionnels.
Monsieur le ministre, votre budget pour 1998 est un budget de transition.
Toutefois, l'orientation est prise, vos choix sont faits en cohérence avec la
méthode et la politique de sécurité définies par le Gouvernement ; voilà autant
de raisons favorables au vote de vos crédits par le groupe socialiste du
Sénat.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de sa
déclaration de politique générale de juin dernier, M. le Premier ministre avait
présenté les orientations de son gouvernement avec, en bonne place, la sécurité
publique.
Le colloque de Villepinte des 24 et 25 octobre dernier est venu confirmer
cette volonté. Il représente à notre sens, une étape importante dans la prise
en compte et le traitement de l'insécurité.
Vous abordez ce sujet, monsieur le ministre, dans des termes et sous un angle
qui nous semblent les plus appropriés. Vous n'entonnez pas ces refrains
sécuritaires qui n'ont suscité que rancoeur et amertume. Vos prédécesseurs ont
souvent haussé le ton pour désigner les coupables de délits ; mais le « tout
répressif », amputé d'une politique globale s'attaquant aux racines du mal,
muet sur les ambitions socétiales sous-tendant tout effort, s'est révélé être
en décalage avec les défis de notre époque.
En considérant le droit à la sécurité comme une valeur républicaine héritière
de la Révolution française, au même titre que la citoyenneté et la liberté, on
s'interdit l'enfermement dans un « tout sécuritaire » qui balance entre une
impuissance verbale attisant le mal-vivre et la restriction dangereuse des
libertés individuelles et publiques.
J'ai apprécié, monsieur le ministre, votre rappel au slogan des travaillistes
: « Dur avec le crime, dur avec les causes du crime ». L'un ne va pas sans
l'autre. Le désespoir a envahi des pans entiers de notre société. Ces
souffrances, certes, ne justifient aucun dérapage vers le délit. Mais les
sursauts indispensables de civisme ont besoin d'entendre des premiers
responsables de la nation des messages forts prenant en compte, pour les
combattre, les causes de la crise.
Nous pensons qu'une politique de lutte contre l'insécurité qui méconnaîtrait
la mise en oeuvre d'une meilleure politique sociale serait vouée à l'échec tant
la diminution de la violence urbaine est liée à celle de la violence
sociale.
Les jeunes, dont on constate qu'ils sont de plus en plus jeunes à verser dans
la délinquance, ont perdu des repères de vie. La famille et l'école n'assument
plus complètement leur mission.
La politique inadaptée du logement en France a trop longtemps consisté à
concentrer toutes les difficultés dans certains lieux devenus de véritables
zones de non-droit.
Le Gouvernement a décidé de s'attaquer à cet état de fait sur tous les plans :
emploi, école, etc. Les problèmes de la jeunesse sont pris globalement, et je
m'en félicite.
Ces efforts sont-ils suffisants ? La question nous renvoie au débat général,
mais nul ne peut contester que la gauche plurielle a pris avec courage et en
tous domaines des options qui brisent certains carcans et tabous et tendent à
redonner espoir à des familles qui n'en avaient plus.
Monsieur le ministre, votre appel tendant, dans ce cadre général, à faire de
la sécurité une grande tâche nationale n'en prend que plus de valeur. Le
respect de la loi par tous repose enfin sur les promesses d'un retour à la
dignité pour chacun.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Michel Duffour.
La mission régalienne de l'Etat qu'est la sécurité exige beaucoup de moyens,
une police de proximité très présente, des fonctionnaires de qualité, bien
formés, imprégnés de leur mission, fiers de leur métier, soucieux de leurs
rapports entretenus avec la population, fermes et pédagogues dans leurs
rapports avec la jeunesse.
Le groupe communiste républicain et citoyen soutient fermement tous les
efforts pour briser la spirale de la violence.
Je ne ferai que quelques brèves observations sur votre projet de budget.
Le recrutement de 8 250 emplois d'adjoints de sécurité d'ici à la fin de
décembre en constitue la principale mesure. Nous attendons de vous, monsieur le
ministre, de la vigilance pour que leurs affectations, leur formation et leur
devenir soient conformes à vos promesses.
Si la lecture des projets de décret et de circulaire d'application ont pu
lever en partie les inquiétudes de certaines organisations syndicales quant aux
modalités de recrutement, à la formation, au respect des règles déontologiques,
le risque demeure néanmoins que ces emplois ne se substituent à des emplois de
titulaires. Il ne faudrait pas que le recrutement des adjoints de sécurité
entraîne une baisse de l'effectif des fonctionnaires.
Le présent projet de budget fait ressortir votre volonté de relancer
l'équipement de la police nationale, en matière tant de transmissions que
d'informatique. Cependant, d'une manière générale, les crédits de la police
nationale ne reflètent pas encore pleinement les objectifs que vous vous êtes
fixés.
Nous considérons toutefois ce premier budget du gouvernement de gauche comme
un budget transitoire, marqué par votre volonté de répondre aux préoccupations
des citoyens en matière de sûreté ; surtout, monsieur le ministre, nous
partageons votre souci d'une police républicaine assurant sa mission de service
public.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront votre
projet de budget, souhaitant que, gardant le cap que vous avez fixé, vous
puissiez, forts des résultats obtenus, plaider pour des moyens plus grands dans
l'avenir.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, vous avez examiné, dans la nuit du mardi 2 au mercredi 3 décembre,
les dispositions du projet de budget du ministère de l'intérieur relatives à la
décentralisation.
S'agissant aujourd'hui de l'administration territoriale et de la sécurité au
sens large - police nationale et sécurité civile - je vais m'efforcer de
répondre aux observations de MM. les rapporteurs, dont je salue le travail,
ainsi qu'aux intervenants des différents groupes.
J'observe, au demeurant, que la plupart des analyses sont remarquablement
convergentes, même si, parfois, les motivations diffèrent quelque peu.
Avant d'aborder le détail des crédits, je tiens à rendre hommage à tous les
policiers, aux sapeurs-pompiers et aux personnels de la sécurité civile qui
sont tombés en service. On ne le dit pas assez souvent ; ce sont des métiers à
haut risque ; ils impliquent très souvent l'engagement physique de ces
personnels qui servent, avec compétence et dévouement, l'intérêt collectif et,
au-delà, la République.
Mais j'en viens aux crédits, à commencer par ceux de l'administration
territoriale de l'Etat.
Vous le savez, les préfectures et les sous-préfectures mettent en oeuvre les
politiques définies par le Gouvernement. Elles représentent l'Etat dans nos
régions et sont la véritable colonne vertébrale de notre organisation
administrative. Elles jouent donc un rôle essentiel dans la mise en oeuvre d'un
certain nombre d'orientations, notamment s'agissant de la mise en oeuvre des
emplois-jeunes, de la réforme de l'Etat, de l'application de la nouvelle
législation sur les étrangers ou du contrôle de légalité, qui est leur mission
permanente. Le projet de budget vise à permettre aux préfectures d'assumer
leurs missions. Il prévoit, comme l'ont noté MM. les rapporteurs, une légère
diminution des effectifs - deux cents emplois, à vrai dire, gelés - compensée
par des mesures indemnitaires en faveur des personnels. Les crédits de
fonctionnement augmentent légèrement par rapport aux crédits disponibles - 36
millions de francs, soit 2 % - et les crédits d'investissement immobilier se
maintiennent à un bon niveau.
Reste que, naturellement, l'administration territoriale doit faire face à des
charges nouvelles ; elle le fait, je crois pouvoir le dire, de grand coeur. Je
tiens à saluer ici les services qui doivent accomplir les tâches que le
Gouvernement leur assigne, qu'il s'agisse des emplois-jeunes ou bien du
réexamen de la situation de certaines catégories d'étrangers. Tout cela
représente, il faut bien le dire, un certain travail.
Pour ce qui est maintenant de la sécurité, et donc de la police nationale, je
ne reviendrai pas sur l'armature du discours gouvernemental ; le Premier
ministre l'a énoncée fort clairement en conclusion du colloque de Villepinte,
le 25 octobre dernier.
La sûreté est mise par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en
son article II, sur le même plan que la liberté, et l'on peut considérer
qu'elle est, à bien des égards, la condition d'exercice des libertés. Défendre
la sécurité, c'est bien souvent défendre aussi les plus démunis, davantage
frappés par l'insécurité et par la délinquance ou, plus banalement, par les
incivilités, qui, sans constituer des infractions susceptibles d'être
pénalement sanctionnées, rendent néanmoins la vie difficile dans nombre de nos
quartiers. Il convient d'y être très attentif.
Les chiffres de la délinquance générale ont marqué le pas et traduisent plutôt
une légère diminution. Force est de constater, cependant, que les atteintes aux
personnes ont progressé de 10 % depuis le début de l'année et que la
délinquance des mineurs augmente dans des proportions voisines non pas de 20 %,
comme je l'ai entendu, mais de 12 %, selon les dernières statistiques
mensuellement mises à jour dont je dispose. De toute manière, c'est déjà
beaucoup trop.
J'ai constaté que trop de délits ne connaissent pas de suites judiciaires,
puisque c'est le cas de 79 % des affaires transmises. Les taux d'élucidation
restent faibles.
Il faut s'attaquer résolument à la délinquance pour la faire reculer.
La délinquance a en effet explosé. Ce phénomène n'est pas récent,
malheureusement. Durant les trente dernières années, le nombre des faits
constatés a été multiplié par sept et les chiffres sont impressionnants.
Cependant, tout démontre que cette tendance n'est pas absolument irréversible.
Au-delà des paliers que la délinquance peut connaître, je suis convaincu, pour
ma part, qu'il existe une possibilité de la faire reculer.
Ce n'est pas un problème facile à résoudre, et je n'ai pas la prétention de
vous apporter dans ma hotte je ne sais quelle baguette magique.
(Sourires.)
S'agissant de la police nationale, deux textes sont intervenus depuis une
quinzaine d'années : la loi relative à la modernisation de la police de 1985 et
la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité de 1995. Nous
ne partons donc pas de zéro. Des progrès importants ont été réalisés. M. Masson
a d'ailleurs observé que nous nous situions dans une certaine continuité.
Effectivement, la continuité est nécessaire, par exemple pour ce qui est de la
réforme des corps et des carrières ou de la mise en oeuvre d'un certain nombre
d'orientations. Car on ne fait rien dans l'instant, tout se fait dans l'effort
continu, dès lors qu'il est bien ciblé.
M. Roland du Luart,
vice-président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Cependant, je le rappelais à l'instant, le
contexte est au développement de la violence contre les personnes, notamment de
la part de mineurs de plus en plus jeunes.
Je m'oriente donc, comme M. Masson le souhaitait tout à l'heure, vers de
nouvelles solutions qui soient à mi-chemin entre, d'une part, les actions
éducatives, qui ont trouvé malheureusement leurs limites - peut-être,
pourrait-on dire, faute de moyens, encore que je ne pense pas que ce soit
seulement une question de moyens - et, d'autre part, la prison, souvent
criminogène et, de toute manière, inadaptée en ce cas. Un effort de réflexion
s'impose : il a été entrepris ; il faudra le mener à bien résolument afin
qu'effectivement il y ait continuité entre les déclarations et les actes.
M. Paul Masson,
rapporteur pour avis.
C'est là qu'on vous attend !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le rapporteur pour avis, je le dis
parce que je le crois très sincèrement, et je n'ai absolument pas le souci de
marquer, ainsi que M. Duffour l'a indiqué, une quelconque priorité de la
répression par rapport à la prévention. Je pense que les deux doivent aller de
pair. Quand la prévention échoue - malheureusement, cela peut être le cas - il
faut un rappel à la loi, même s'il prend la forme, pour un primo-délinquant,
d'une simple lettre d'excuses. En tout cas, il faut désormais que la société
réagisse très rapidement, elle qui souffre aujourd'hui de ne pas en être
capable. C'est ce laisser-aller dont, il faut bien le dire, nous récoltons
aujourd'hui les fruits amers dans certains de nos quartiers.
Vous avez presque tous évoqué les nouvelles orientations de la politique de
sécurité. Je vous en rappelle les grands axes : citoyenneté, proximité,
efficacité.
La citoyenneté est la base de la sécurité. En effet, on ne peut, de toute
évidence, placer un policier derrière chaque Français. La citoyenneté ne peut
résulter que de l'attitude de femmes et d'hommes se situant dans un cadre de
référence, avec des repères, pleinement conscients d'appartenir à une
communauté, la communauté nationale, communauté de citoyens qui implique des
règles débattues en commun, mais qui s'imposent ensuite avec d'autant plus de
force qu'elles expriment la volonté générale. Dans ce cadre, une sociabilité
minimale doit être respectée. Ce sont ces règles de vie qu'il faut instaurer ou
restaurer.
A cet égard, je me plais à souligner l'accent mis par mon collègue Claude
Allègre sur l'éducation civique, - petite mesure qui peut n'avoir l'air de rien
- qu'il réintroduit dans la formation des enseignants.
M. Ivan Renar.
Reprenant l'une de vos anciennes idées !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je serai plus modeste, monsieur Renar, car, si
j'ai moi-même réintroduit l'instruction civique dans les programmes des écoles
et des collèges, je n'étais pas allé jusqu'à prévoir cette matière dans la
formation des enseignants. Ces derniers suivent d'ailleurs souvent avec
beaucoup de bonne volonté les orientations qui leur sont données par leur
ministre, du moins quand elles sont lisibles - mais je m'étais efforcé d'écrire
des programmes clairs et courts !
Cependant, les enseignants étant ce qu'ils sont, c'est-à-dire, au fond, une
profession libérale,
(Sourires)
il n'était pas mauvais d'y introduire cette matière aux
concours des Instituts universitaires de formation des maîtres. Je rends
hommage à mon collègue Claude Allègre d'avoir pris cette excellente
initiative.
M. Roland du Luart,
vice-président de la commission des finances.
Vous avez tout à fait
raison ! On aurait dû le faire avant !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
C'est en effet, à bien des égards, la clé d'une
éducation civique réussie. Cette éducation civique ne saurait se borner à la
description de nos institutions ; elle doit s'appuyer sur l'esprit du droit
positif pour rester une éducation civique laïque, républicaine, non partisane
et, bien évidemment, non propagandiste.
Mais il y a un esprit du droit républicain comme il y a un esprit de la
République, et c'est ce qu'il faut nous traduire dans la réalité, si nous
voulons nous attaquer à la racine du mal, qui est, à mon avis, l'incapacité de
notre société à transmettre ses valeurs.
Je pense que nous sommes aujourd'hui confrontés à un phénomène dont les causes
sont nombreuses ; on invoque l'affaissement de l'autorité parentale, mais on
pourrait aussi parler de la crise de l'éducation. Plus profondément, je dirai
que c'est une crise tout à la fois sociale et morale, qui s'enracine dans des
phénomènes sociaux riches d'une longue histoire. A cette crise, il convient de
porter remède si nous voulons pouvoir former des citoyens.
J'en viens à la proximité.
La sécurité de proximité est l'affaire de tous. C'est, pour moi, une priorité
absolument décisive et, vous le savez, des moyens nouveaux y sont consacrés.
M. Cabanel, je crois, n'a retenu, dans ce budget, que deux points saillants :
ACROPOL et les adjoints de sécurité. A coup sûr, il y a les deux, mais plus
aussi. Les adjoints de sécurité, ces moyens nouveaux, vont exiger des
redéploiements, parce qu'il faudra encadrer tous ces jeunes. Ils sont affectés
à 80 % dans les vingt-six départements les plus urbanisés et les plus touchés
par la délinquance. Ils vont rendre possible cette police de proximité qui est
également un objectif pour la gendarmerie nationale, comme elle est un mot
d'ordre pour la justice. Celle-ci ne doit pas hésiter à territorialiser
l'action publique et à se rapprocher de la difficulté pour mieux la traiter là
où elle est.
Des outils nouveaux doivent nous permettre de réagir plus vite. L'efficacité
ne peut résulter que d'une coopération plus étroite entre la justice, d'une
part, et les services de police et de gendarmerie, d'autre part, car un
meilleur respect des règles dépend de la capacité à sanctionner tout manquement
de manière rapide et juste.
Vous le savez, une part considérable des délits est commise par des
multirécidivistes, souvent très jeunes : c'est ce phénomène-là qu'il faut
réduire. Oh ! je ne dis pas que c'est seulement par une politique de sécurité
que l'on peut y parvenir, et je suis tout à fait capable de comprendre que ce
qui se passe dans nos villes et dans nos banlieues est aussi le résultat d'une
crise sociale et morale dont les causes, je le disais, sont beaucoup plus
profondes et à laquelle il faudrait pouvoir s'attaquer.
Je sais donc pertinemment que la police intervient souvent beaucoup trop en
aval. Faut-il pour autant ne pas intervenir ? Non, bien évidemment ! Et,
monsieur Duffour, s'il faut, en effet, être dur avec le crime, il faut aussi
être dur avec les causes du crime à l'origine de cette situation déplorable à
tant d'égards.
S'agissant de la meilleure cohérence des actions de l'Etat, elle sera
renforcée, à l'échelon national, notamment grâce au Conseil de sécurité
intérieure, qui permettra le partenariat entre les différents ministères
concernés. Outre le ministère de l'intérieur, bien sûr, il s'agira du ministère
de la défense - au titre de la gendarmerie - des ministères de la justice, de
l'économie, des finances et de l'industrie - au titre des douanes - et, en cas
de besoin, du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie, avec, évidemment, la participation de Mme le ministre délégué à
l'enseignement scolaire, sans oublier, bien sûr, Mme le ministre de l'emploi et
de la solidarité, et d'autres, si nécessaire.
La première réunion s'est tenue le 19 novembre. Un certain nombre de dossiers
ont été traités en première urgence, des missions ont été diligentées, et des
décisions devront suivre dans les mois qui viennent, notamment sur les réponses
à apporter en matière de délinquance des mineurs.
Le projet de loi concernant la déontologie des services de sécurité a été
validé et un projet de loi concernant les polices municipales est actuellement
en cours de délibération interministérielle. A ce sujet, sans que les
différents points aient été tranchés dans le détail - le curseur peut encore
bouger - l'orientation est donnée.
Je partage le point de vue de Mme Olin : les polices municipales, dans le
cadre des fonctions qui sont les leurs, n'ont pas forcément besoin d'autres
armes que d'armes de sixième catégorie. Mais la question peut être discutée.
Un projet de loi sera également préparé sur les sociétés privées de
sécurité.
La coopération, au niveau local, sera assurée par le biais de contrats locaux
de sécurité. M. Masson, rapporteur pour avis, a approuvé le principe même de la
démarche de rapprochement entre les différents acteurs, mais il a manifesté une
certaine circonspection, en considérant que les plans départementaux devraient
remplir cette mission.
Je n'ai pas retenu cette approche, je tiens à le dire, pour une raison très
simple : d'une part, le département étant vaste, il faut agir au niveau le
meilleur - très souvent, c'est celui de l'agglomération ou de la ville, parfois
celui du quartier - et, d'autre part, il faut travailler à partir de contrats,
c'est-à-dire sur une base d'engagements réciproques entre tous les acteurs. Or
il faut bien dire qu'au niveau des plans départementaux on a observé des
engagements très limités de la part de certains acteurs que je ne veux pas
nommer.
Les conseils communaux de prévention de la délinquance pourront être réanimés,
et d'autres instances pourront être créées.
Le conseil de sécurité intérieure a proposé que des « conseils communaux de la
citoyenneté et de la sécurité » se substituent au « conseils communaux de
prévention de la délinquance », pour bien marquer que le rôle des ces conseils
n'est pas seulement de pure prévention, mais que la sécurité doit être prise en
compte. Or la prévention, c'est la sécurité !
Bien entendu, l'exigence d'une cohérence de l'action à l'échelon
gouvernemental demeure : c'est au préfet d'y veiller. Le dispositif doit être
simple, il doit être évolutif, et il doit reposer sur un diagnostic précis et
complet. Il doit définir des objectifs prioritaires, par exemple
l'apprentissage du civisme, la promotion d'une solidarité et d'une sécurité de
voisinage, l'adaptation et le redéploiement des moyens existants en direction
des territoires et des populations les plus vulnérables.
La mise en oeuvre des contrats locaux sera facilitée par l'apport du
dispositif emplois-jeunes, qui constitue, après le conseil de sécurité
intérieure et les contrats locaux de sécurité, le troisième outil majeur de
cette nouvelle politique.
Sur les 35 000 emplois-jeunes affectés à la sécurité, 20 000 devraient l'être
sous la forme d'adjoints de sécurité et au moins 15 000 sous celle d'agents
locaux de médiation.
M. Masson a bien voulu considérer que ces emplois pourraient rendre service
sur le terrain, et les événements récents intervenus dans les transports
collectifs de différentes villes ont montré la nécessité de renforcer la
présence dissuative et préventive de la police. A ce sujet, je me suis
entretenu avec les représentants des grandes compagnies de transports pour que
nous puissions agir. Il est évident qu'une certaine forme de délinquance,
souvent limitée à une poignée de jeunes délinquants multirédicivistes,
s'attaque aux compagnies de transport en commun parce qu'elle symbolise, à bien
des égards, le dernier lien social qui peut unir un quartier souvent défavorisé
et le coeur de la ville. C'est donc un endroit sensible.
Le rôle des adjoints de sécurité consistera donc à prévenir les tensions dans
un quartier. Ils devront travailler en étroite collaboration avec les adjoints
locaux de médiation, qui auront eux mêmes à intervenir. Tout cela doit être
défini avec précision au plan local.
Mmes Olin et Berger-Lavigne ont posé la question de l'armement des adjoints de
sécurité.
Ces adjoints sont placés, je vous le rappelle, auprès des fonctionnaires du
service actif de la police nationale. Ils rempliront une mission de
surveillance générale et d'îlotage. Or, je vois mal comment on pourrait confier
à des policiers armés le soin de les encadrer alors qu'eux-mêmes ne le seraient
pas !
Je ne prétends pas qu'ils doivent toujours être armés, j'observe simplement
que l'armement des policiers auxiliaires, effectif depuis 1985, n'a jamais
donné lieu au moindre dérapage.
Certes, une formation est nécessaire. Elle est d'un mois pour les policiers
auxiliaires, et elle sera portée à deux mois pour les adjoints de sécurité.
Aucune condition de diplôme n'est prévue, mais ces adjoints seront recrutés
par des commissions départementales. Le critère déterminant sera d'adéquation
du profil au poste à remplir.
On peut d'ores et déjà affirmer qu'il y aura beaucoup plus de candidats par
poste offert que ce n'était le cas pour les policiers auxiliaires. A l'heure
actuelle, plus de mille jeunes ont été recrutés, et certains sont déjà sur le
terrain. Vous les reconnaîtrez aisément au bandeau bleu Loire qui orne leur
casquette.
Certains d'entre vous se sont interrogés sur l'adéquation entre les objectifs
poursuivis et les moyens budgétaires mis en oeuvre. C'est une vraie question.
Si je disais que je n'ai aucun problème en la matière, je ne dirais pas la
vérité. Cela étant, je pense que tout n'est pas question d'argent, et que l'on
peut aussi opérer un certain nombre de redéploiements, en ciblant mieux -
jusqu'à un certain point, bien entendu - les intentions.
Il m'arrivait, jadis - je peux le faire encore aujourd'hui - de citer Jules
Ferry : « On n'a pas encore inventé l'art de faire de grandes choses sans y
mettre un peu d'argent. » Il faut donc bien que le budget traduise la priorité
donnée à la lutte contre l'insécurité.
Comme je vous l'ai dit, la croissance réelle des crédits affectés à la police
nationale est d'un peu plus de 1,5 %. Si l'on prend en compte les crédits en
provenance du ministère de l'emploi et de la solidarité, puisque 80 % des
agenst locaux de médiation, qui auront leur rôle à jouer, sont financés par ce
ministère, le chiffre est encore un peu supérieur.
L'essentiel de nos moyens sera mis en oeuvre de façon à favoriser les
redéploiements que j'évoquais tout à l'heure, en particulier en direction de
départements qui sont en grande difficulté.
Plusieurs intervenants se sont fait l'écho de leurs préoccupations. A Mme
Bergé-Lavigne, qui a parlé de la Haute-Garonne, je puis dire que 106 adjoints
de sécurité seront affectés dans ce département en 1998. Par ailleurs, madame
Olin, 267 d'entre eux seront affectés dans le Val-d'Oise. Quoi qu'il en soit,
je ferai en sorte que les crédits de fonctionnement soient aussi redéployés en
conséquence.
J'en viens à la réforme des corps et des carrières, qui doit permettre de
faciliter le développement des fonctions d'enquête dans le cadre de la police
de proximité - et surtout la mise en place d'un encadrement renforcé sur le
terrain - et opérer une nouvelle répartition des effectifs entre les nouveaux
corps.
Vous savez que 11 emplois de commissaire sont supprimés, ainsi que 653 emplois
d'officier ; mais, en contrepartie, un nombre équivalent d'emplois, soit 664,
sont créés dans le corps de maîtrise et d'application.
En réponse à Mme Bergé-Lavigne, qui m'a interrogé sur ce sujet, j'indique
qu'un certain nombre de mesures sont prises dans le cadre des accords Durafour
pour permettre une revalorisation indiciaire. Par ailleurs, un grade
supplémentaire de brigadier-major sera créé et, surtout, pourvu de 200 postes
supplémentaires, qui vont libérer autant de postes supplémentaires de
brigadier. Ainsi, au total, plus de 1 700 postes de brigadier seront ouverts à
l'avancement en 1998.
Nous créons un nouveau régime indemnitaire unifié pour les officiers du corps
de commandement et d'encadrement, à travers la création d'une prime unique dite
« prime de commandement ».
Ce nouveau régime se substitue aux anciennes indemnités et il intègre aussi
des indemnités versées antérieurement sous forme de frais de police.
Il constitue donc la dernière étape de ce que l'on appelle la moralisation des
indemnités, qui s'est traduite par la mise en place d'un nouveau régime
permettant la suppression du versement direct de vacations funéraires et des
vacations d'huissiers, qui sont désormais remplacées par l'allocation de
service des commissaires.
Enfin, et bien que cela ne soit pas directement lié à la réforme des corps et
des carrières, le projet de budget prévoit une mesure de 12,5 millions de
francs pour les personnels de la grande couronne du secrétariat général pour
l'administration de la police de Versailles, permettant d'achever
l'harmonisation de leurs indemnités avec celles de leurs collègues de Paris et
de la petite couronne.
La revalorisation du régime indemnitaire des attachés de police, à parité des
fonctionnaires de grade équivalent du cadre national des préfectures, permettra
de rendre ce corps plus attractif à la sortie des instituts régionaux
d'administration : 70 postes supplémentaires d'attachés de police seront créés
en 1998.
Plusieurs d'entre vous ont souligné l'importance qu'ils attachent à la relance
de l'action sociale. Je partage tout à fait leur point de vue, qu'il s'agisse
de la médecine de prévention, du dispositif de soutien psychologique aux
fonctionnaires ou de la mise en place de la restauration chaude : toutes ces
mesures sont prévues dès l'année prochaine.
M. Cabanel a souhaité que l'on aille encore plus loin. Je tiens à lui dire que
je suis tout à fait prêt à étudier avec le Sénat et avec les commissions
compétentes la possibilité de créer, par exemple, quelques postes
supplémentaires de psychologue. C'est un aspect important, parce que le métier
de policier est quelquefois assez stressant.
S'agissant des moyens de fonctionnement, les crédits s'élèvent à 3 816
millions de francs.
Contrairement à ce qu'ont pu considérer certains intervenants, ces crédits
augmentent et leur diminution n'est qu'apparente. Cela s'explique pour une
raison simple : 136 millions de francs sont transférés sur les lignes
indemnitaires du fait de la mise en place du nouveau régime indemnitaire des
officiers.
A structure constante, les crédits de fonctionnement progressent de 42
millions de francs et, si l'on se réfère aux crédits disponibles de 1997, la
progression est de 102 millions de francs, soit 3 %.
Il est vrai que nous devrons faire face, en 1998 - et ceci corrige cela - à
des charges nouvelles importantes, notamment du fait de l'organisation de la
Coupe du monde de football. Mais nous nous efforçons de faire apparaître
quelques possibilités de redéploiement pour faire face à ce défi.
M. Plasait, après avoir considéré que ce que nous proposons était très bien,
s'est demandé si nous avions les moyens de notre politique. Je lui répondrai
que c'est un défi, un défi permanent.
J'en viens aux crédits d'équipement des services de police, qui atteignent un
total de 1 146 millions de francs en autorisations de programme, soit une
progression de 12,5 % par rapport à 1997.
Au sein de cette enveloppe, les crédits consacrés à l'équipement immobilier de
la police augmentent de 21 %, passant de 493 millions de francs à 601 millions
de francs.
Je souhaite relancer l'effort dans le domaine des commissariats et dans le
domaine du patrimoine immobilier.
S'agissant de la police, cela se justifie particulièrement dans les grandes
agglomérations et à leur périphérie. Compte tenu des perspectives de
recrutement, l'effort devra aussi porter sur les équipements de formation.
Je tiens à rappeler, à cet égard, que 25 000 fonctionnaires de police
partiront en retraite dans les sept années qui viennent, ce qui, naturellement,
offrira des perspectives aux jeunes, notamment aux jeunes adjoints de sécurité.
Cette situation pourra se traduire momentanément par une baisse des moyens
disponibles sur le terrain, mais je suis en contact avec le ministère du budget
pour, en quelque sorte, anticiper le recrutement, de façon à éviter tout retard
préjudiciable au bon accomplissement des missions.
Enfin, j'ai déjà évoqué, à propos de notre programme immobilier, un plan «
Sécurité proximité 2002 » associant l'Etat et les collectivités locales qui le
souhaiteront.
M. Cabanel a marqué l'importance qu'il attachait au programme ACROPOL, qui
concerne la rénovation du système de transmissions numériques de la police.
J'ai décidé d'accélérer le rythme de sa mise en oeuvre. Notre engagement
financier passera ainsi de 265 millions de francs, s'agissant des crédits qui
étaient inscrits dans le « bleu », à 315 millions de francs en autorisations de
programme. Cet effort, s'il est maintenu, devrait nous permettre d'achever la
couverture du territoire national en 2007 ou en 2008 ; c'était particulièrement
nécessaire, pour toutes les raisons qui ont été évoquées, et j'ai eu l'occasion
de demander aux fournisseurs la négociation d'un nouveau marché, dans le
dessein d'optimiser le prix des matériels.
Je traiterai rapidement les autres points.
On peut en effet penser, comme M. Hyest, qu'il est difficile de modifier la
répartition des forces de police sur le territoire national. Il faut, certes,
prendre en compte le legs de l'histoire, mais on peut profiter du très grand
nombre de départs à la retraite.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est vrai !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
En effet, la difficulté principale tient à
l'inertie humaine, qui existe dans la police comme ailleurs.
M. Jean-Jacques Hyest.
Eh oui !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Naturellement, la création de concours
déconcentrés à l'échelon des secrétariats généraux pour l'administration de la
police de Paris et de Versailles, où il existe une certaine pénurie de
personnels, nous permet d'accroître significativement la proportion des
policiers affectés en début de carrière dans leur région d'origine. J'ai
d'ailleurs l'intention de poursuivre cette politique de régionalisation du
recrutement au rythme qui se révélera nécessaire.
Le conseil de sécurité intérieure se saisira des conclusions de la mission qui
a été confiée par M. le Premier ministre à MM. Hyet et Carraz dès que celles-ci
nous auront été remises.
Là aussi, j'attache beaucoup d'importance à ce que les discours soient suivis
d'actes.
Pour en revenir au problème de la proximité, il faut adapter nos méthodes,
améliorer l'accueil du public et faire en sorte qu'une permanence fonctionne
dans les commissariats vingt-quatre heures sur vingt-quatre, de façon à
recueillir les plaintes et à prendre en charge les victimes.
Les modes d'organisation permettant d'assurer la permanence du service seront
généralisés ; je pense notamment ici au traitement immédiat des affaires, rendu
possible par la mise en place du « service de quart ».
A Paris même, j'ai engagé une démarche en vue de mettre en oeuvre une nouvelle
organisation des services de la préfecture de police distinguant entre les
missions d'ordre public et tout ce qui touche à la police de proximité. Les
premières traductions concrètes de cette volonté devront intervenir dès l'année
prochaine, après concertation, bien entendu, avec les représentants du
personnel et consultation des instances paritaires.
Enfin, les moyens de la police technique de proximité seront accrus et même
systématisés.
La mise en oeuvre d'investigations techniques lors de cambriolages de lieux
habités sera généralisée. Il faut que l'on soit partout en mesure de conduire
des opérations de police technique, telles que la prise des empreintes
digitales, opération qui, voilà peu encore, n'était à la portée que de quelques
services spécialisés.
Je voudrais, à ce point de mon propos, répondre plus précisément à un certain
nombre d'intervenants.
Ainsi, M. Cabanel a émis le souhait que soit mise en place une commission
d'enquête sur le terrain en matière d'action sociale. Je n'y vois, pour ma
part, que des avantages, car j'attache beaucoup d'importance à l'action
sociale.
M. Cabanel a également évoqué, à cette occasion, les crédits puisés sur la
réserve parlementaire et destinés au recrutement de psychologues : 4,7 millions
de francs avaient été dégagés à ce titre l'an dernier, et nous pouvons, le cas
échéant, envisager un effort supplémentaire.
J'ai répondu à M. Masson sur les moyens de fonctionnement. Comme je l'ai déjà
indiqué, l'augmentation à structure constante est de 3 %, mais je reconnais que
nous devons faire face à des charges nouvelles.
Pour sa part, M. Plasait a évoqué la diminution des crédits de formation. Je
tiens à lui dire que ce n'est pas exact. En effet, la répartition qui figure au
« bleu » n'a pas de signification ; ce qui compte, ce sont les programmes
d'emploi et les crédits, que j'approuverai dans quelques semaines et qui
permettront de savoir exactement ce qu'il en sera. Je prévois que les crédits
de formation seront au moins maintenus au niveau prévu dans la loi de finances
de 1997. En effet, j'accorde une grande importance à la formation des
policiers, et je m'efforcerai même d'aller plus loin dans cette voie.
Je ne voudrais pas non plus laisser sans réponse la remarque de M. Plasait,
qui est adjoint au maire de Paris, chargé de la circulation et du
stationnement, et qui regrette que la compétence dans ce domaine reste du
ressort de l'Etat.
Paris n'est pas une ville comme les autres ; c'est une capitale qui accueille
25 millions de touristes par an et des millions de Franciliens tous les
jours.
J'ajoute que le maintien de l'ordre à Paris représente un défi permanent, avec
chaque année 2 000 manifestations sur la voie publique, soit, en moyenne, six
ou sept par jour.
M. Roland du Luart,
vice-président de la commission des finances.
Et ce quel que soit le
gouvernement !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Et quel que soit le gouvernement, en effet, car
tels sont les moeurs de notre pays, qui est tout de même une démocratie,...
M. Roland du Luart,
vice-président de la commission des finances.
On pouvait espérer qu'il y
en aurait moins, on est déçu !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
... où le droit de manifester est non seulement
reconnu, mais très pratiqué.
Par conséquent, il faut naturellement maintenir une certaine cohérence, et la
multiplication des compétences risquerait d'aboutir à des conflits qui
seraient, en définitive, très préjudiciables à la circulation.
J'ai déjà répondu à Mme Bergé-Lavigne à propos des gardiens. S'agissant du
Conseil supérieur de la déontologie, je lui confirme que le projet de loi a été
adopté par le conseil des ministres et qu'il sera soumis sans tarder au
Parlement.
En ce qui concerne le logement des policiers, je crois que votre information
n'est pas exacte. En effet, l'effort consenti devrait se traduire par la mise
en service d'environ 800 logements par an dans les prochaines années. J'y
veille, car c'est un aspect de ce volet d'action sociale auquel vous accordez,
comme moi, beaucoup d'importance. Il doit permettre en particulier à de jeunes
policiers venus de province de bénéficier d'un logement au loyer correct quand
ils viennent travailler à Paris.
Quant à M. Duffour, il a marqué toute l'importance qu'il attachait à la notion
de respect de la loi. Je l'en félicite, parce que c'est une idée qui doit être
ancrée dans les esprits : cette société où nous vivons doit être régie par
quelques règles. On peut les discuter, on peut bien entendu changer la loi - la
France est une démocratie - mais il faut que la loi existe et que l'on ne
s'imagine pas que nous pourrions vivre dans un monde sans règles. C'est là une
notion extrêmement importante.
Cela dit, je ne me borne pas pour autant à ce discours, qui serait trop
étroit, et je tiens fermement à mettre l'accent sur tous les facteurs qui, à
terme, commandent le succès d'une grande politique au service de la sécurité de
nos concitoyens, c'est-à-dire une véritable instruction civique, une action
résolue pour faire prendre conscience aux parents de leurs devoirs, l'action
des élus locaux, que vous êtes pour nombre d'entre vous, et dont je salue le
mérite, celle des associations pour faire en sorte que quelques règles
élémentaires soient posées dès le départ, de telle manière que l'on puisse
restaurer les repères qui font défaut.
Je conclurai mon propos en évoquant les questions relatives à la défense et à
la sécurité civile.
Plusieurs d'entre vous ont mis en évidence une baisse des crédits puisque
ceux-ci passent de 1,187 milliard de francs à 1,095 milliard de francs. Cela
résulte simplement de l'achèvement du marché de renouvellement des Canadair. A
ce propos, je précise à M. Cabanel qu'un Canadair doit en principe être
racheté, nous menons cette négociation en même temps que celle qui porte sur la
reprise des anciens Canadair.
Quant aux effectifs de la direction de la sécurité civile, ils sont à peu près
stables, avec la suppression de dix emplois correspondant à une restructuration
du groupement des moyens aériens. Par ailleurs, les moyens de fonctionnement
sont préservés.
Quoi qu'il en soit, ces chiffres doivent être resitués dans un contexte plus
large, qui est évidemment constitué par la somme de tous les budgets des
services départementaux d'incendie et de secours, soit 25 milliards de
francs.
M. Jean-Jacques Hyest.
Eh oui !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je rappelle à M. Hyest que, malgré tout, cette
compétence ressortit aux communes et aux départements.
M. Jean-Jacques Hyest.
S'agissant de la prévention, on peut en douter, monsieur le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Certes, il existe des prérogatives de l'Etat,
mais aussi des règles de partage.
Mon seul souci, et je voudrais que vous en soyez convaincus, est de faire en
sorte que, dans les prochaines semaines ou les prochains mois, la loi du 3 mai
1996 puisse être appliquée. En effet, elle porte en elle, cela a été dit, le
germe de progrès considérables.
Ainsi, j'ai demandé une accélération du rythme de passation des conventions de
transfert des personnels au cours d'une rencontre informelle avec les
syndicats, les associations d'élus et la fédération nationale des
sapeurs-pompiers.
J'ai également demandé une harmonisation des contributions des collectivités
locales aux services départementaux d'incendie et de secours, car beaucoup
reste à faire dans ce domaine, comme le prévoit d'ailleurs l'article 35 de la
loi.
Quant aux décrets relatifs aux régimes indemnitaires et aux modifications
statutaires, ils seront publiés après un nouvel examen lors du conseil
supérieur de la fonction publique territoriale du 18 décembre 1997.
A cet égard, M. Cabanel m'a interrogé sur la teneur de la précédente réunion.
Contrairement à ce qu'il a cru pouvoir dire, je n'y ai pas assisté
personnellement, mais je présiderai la réunion du 18 décembre prochain, qui
réunira tous les présidents des conseils d'administration des services
départementaux d'incendie et de secours, les CASDIS. Je suis donc tout à fait
prêt à payer de ma personne.
Enfin, s'agissant du régime du travail, un médiateur a été désigné, qui
devrait nous remettre, dans le délai d'un mois, un rapport susceptible de nous
permettre de trouver une formule assez souple pour que le principe de libre
administration des collectivités locales soit pleinement respecté. Deux thèmes
de discussion ont été ouverts : l'un porte sur les carrières des personnels des
catégories B et C, l'autre concerne l'encadrement. Telles sont donc les bases
sur lesquelles nous travaillons.
J'évoquerai maintenant le projet de renouvellement de la flotte
d'hélicoptères, qui se poursuit. Les crédits déjà ouverts - 1 milliard de
francs en autorisations de programme et 189 millions de francs en crédits de
paiement - suffiront à la couverture de la première tranche du marché, pour
lequel un appel d'offres a été lancé ce printemps. Compte tenu du délai de
dix-huit mois nécessaire à la livraison des appareils après commande, j'attends
les premières livraisons pour la fin de l'année 1998, mais le choix sera arrêté
dans les toutes prochaines semaines.
Par ailleurs, M. Cabanel a évoqué les problèmes posés par la pratique des
sports à risques. Une enquête de l'inspection générale de l'administration et
de l'inspection de la jeunesse et des sports est prévue pour déterminer les
conditions d'évolution des schémas actuels.
Enfin, je tiens à vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que je suis
absolument résolu à tout faire pour que la sécurité au quotidien de nos
concitoyens soit correctement assurée.
M. Türk m'a interrogé sur l'autorité de contrôle d'EUROPOL. Le siège de cet
organisme est à La Haye et celui de l'autorité de contrôle peut être à La Haye
ou ailleurs. Nous préférerions
a priori
qu'il soit implanté dans un
autre Etat ou, à tout le moins, dans un autre immeuble.
Comme vous le savez, il n'y a pas de langue officielle dans les instances
européennes et les représentants français doivent utiliser systématiquement
notre langue ; je le rappelle à ceux qui viendraient à l'oublier.
Une version française du règlement intérieur de l'autorité de contrôle
d'EUROPOL a été diffusée, malheureusement avec un certain retard, selon une
pratique courante. Cela nous a conduits à opposer une réserve linguistique
préalablement à toutes les réunions de travail des groupes d'experts.
Par ailleurs, la France est opposée aux dispositions du projet de règlement
intérieur de l'autorité de contrôle avancées par M. Hustinx, délégué
néerlandais et président du groupe d'experts, et prévoyant qu'en cas d'urgence
la langue anglaise prévaudrait.
S'agissant du statut de l'autorité de contrôle, nous sommes favorables à une
autorité administrative, mais cette question fait l'objet d'une discussion.
Pour ce qui est de la capacité à récuser le représentant d'un Etat membre au
comité d'appel, il va de soi que la France refuse cette possibilité et reste
attachée au principe de la libre désignation par l'Etat concerné.
Enfin, je ne vois aucun inconvénient, bien au contraire, à ce que les
représentants de la CNIL et de la délégation française préparent en commun les
travaux des groupes d'experts. Cela a d'ailleurs été le cas pour la dernière
séance de travail. Je ne prétends pas qu'il faille que des représentants de la
CNIL, qui est une autorité indépendante, participent systématiquement.
Toutefois, la collaboration de ces deux entités est souhaitable à tous
égards.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous assure que nous suivons ces
questions de très près. Personnellement, j'y attache une grande importance.
Je sais que le Sénat a créé une commission d'enquête sur ce sujet. Je suis
d'ailleurs convaincu que celle-ci nous permettra de progresser sur ce qui sera,
soyez-en sûr, l'un des grands chantiers de la construction européenne, un
chantier que j'ai la volonté de mener à bien, sans porter le moindre préjudice,
cela va de soi, à notre sécurité, qui doit rester l'élément directeur,
l'élément fondamental.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur
les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'intérieur
et la décentralisation et figurant aux états B et C.
Je rappelle au Sénat que les crédits affectés à la décentralisation ont été
examinés le mardi 2 décembre 1997.
ETAT B
M. le président.
« Titre III : 350 506 925 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 72 303 296 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ETAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 1 545 500 000 francs ;
« Crédits de paiement : 458 800 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 10 554 020 000 francs ;
« Crédits de paiement : 6 066 756 000 francs. »
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart.
Après notre collègue Maryse Bergé-Lavigne, qui y a excellemment fait allusion
à la fin de son intervention, et en remplacement de mon ami Pierre Lefebvre,
qui est retenu dans son département, je souhaite attirer votre attention,
monsieur le ministre, sur les problèmes que soulève l'application de la loi du
3 mai 1996 relative à la départementalisation des services d'incendie et de
secours, loi adoptée sous le gouvernement Juppé et que notre groupe n'avait, à
l'époque, pas approuvée.
Ce projet de loi n'avait pas reçu non plus un accueil favorable parmi les
pompiers, qui avaient eu l'occasion, à la faveur de son examen par le
Parlement, de manifester à plusieurs reprises leurs inquiétudes.
Aujourd'hui, à l'heure où cette départementalisation se met en place en
France, dans le Nord, les protestations des élus et des personnels concernés
montent.
Ils souhaitent principalement que les deux communautés urbaines de Lille et de
Dunkerque soient exclues de la départementalisation, car leur présence va
inévitablement entraîner des charges supplémentaires importantes pour les
communes et le conseil général du Nord.
Quant aux sapeurs-pompiers professionnels, ils s'inquiètent de voir leur
régime de travail ainsi que leur rémunération remis en cause.
Ce sont les décrets d'application, l'un à dominante statutaire, l'autre
relatif au régime indemnitaire et aux conditions de travail des
sapeurs-pompiers professionnels, qui ont mis, si je puis dire, le feu au
poudre.
Il y a eu de nombreux mouvements de grève administrative ; une quarantaine de
centres de secours de ce département ont été touchés, certains pendant
plusieurs semaines.
Le conseil supérieur de la fonction publique territoriale, qui a examiné ces
projets de décrets, a lui-même émis un avis défavorable.
Si nous ne contestons pas la nécessité de réorganiser la sécurité collective
en France au regard des exigences de notre temps, cela doit nécessairement
passer par une implantation équilibrée des matériels et par un renforcement des
effectifs.
Vous nous avez fait part, monsieur le ministre, du déroulement des
négociations concernant les conditions d'application de la loi relative à la
départementalisation des services de sécurité et d'incendie.
Bien que nous ayons soulevé ce problème, qui est aigu dans le département du
Nord, sachez que nous vous soutenons complètement dans votre volonté d'aboutir
à une application équilibrée et répondant aux aspirations des parties
prenantes.
M. le président.
La parole est à M. Bonnet, à qui je demande d'être le plus bref possible.
M. Christian Bonnet.
Soyez rassuré, monsieur le président, je n'ai pas pour habitude d'abuser de
mon temps de parole !
Monsieur le ministre, le groupe des Républicains et des Indépendants votera
votre projet de budget, moins en raison de ses mérites propres que parce qu'il
intéresse un attribut régalien de l'Etat. C'est d'ailleurs l'attitude que j'ai
personnellement adoptée sans interruption depuis dix-sept ans et que vous
adopterez certainement par la suite, lorsque vous quitterez la charge éminente
qui est la vôtre.
L'un de ces attributs régaliens est sacrifié, budget après budget, par les
gouvernements successifs au bénéfice de tâches relevant soit d'un assistanat
généralisé dont la gestion serait, à coup sûr, mieux et plus rigoureusement
assurée par des collectivités plus proches du terrain, soit de responsabilités
économiques ou financières que les grands commis de l'Etat ne sont pas toujours
préparés à assumer - c'est un euphémisme - alors que s'accumulent les désastres
dont les contribuables devront supporter la charge.
Puissiez-vous, monsieur le ministre, favoriser, par une action insistante
auprès de Bercy, une redistribution des crédits budgétaires plus conforme aux
missions essentielles de l'Etat !
Il n'est pas admissible que Mme le garde des sceaux, dont le budget représente
un huitième des 200 milliards de francs gaspillés par les dirigeants du Crédit
lyonnais et du GAN, ait été amenée à répondre au juge d'instruction en charge
du dossier du Crédit lyonnais qu'elle n'était pas à même de dégager les 2
millions ou les 3 millions de francs qui sont nécessaires pour lui adjoindre
des juges et des experts.
Il n'est pas admissible que la façade de notre ambassade à Londres ait été,
des années durant, l'objet des plaintes du voisinage et des sarcasmes des
tabloïds ?
M. Roland du Luart,
vice-président de la commission des finances.
Vous avez raison !
M. Christian Bonnet.
Il n'est pas admissible qu'un projet aussi essentiel qu'ACROPOL, dont je vous
remercie d'avoir accéléré la mise en oeuvre, car il est indispensable pour
assurer la confidentialité des transmissions de la police, et donc la sécurité
des fonctionnaires de police, ait été différé depuis des années - je le
souligne, pour bien marquer à quel point mon propos se veut objectif - alors
que de plus en plus nombreux sont les pays qui décident de doter leur police de
ce système tant il est performant.
M. Paul Masson,
rapporteur pour avis.
En France, ce sera pour 2010 !
M. Christian Bonnet.
Telles étaient, monsieur le ministre, les brèves observations dont je voulais
assortir le vote favorable de mon groupe.
(Applaudissement sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. Roland du Luart,
vice-président de la commission des finances.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de
loi de finances concernant l'intérieur et la décentralisation. - Sécurité.
Outre-mer
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant
l'outre-mer.
Si chacun fait preuve de concision, nous devrions pouvoir achever l'examen de
ces dispositions avant le dîner.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du budget de l'outre-mer
s'inscrit cette année dans un contexte assez particulier dans la mesure où,
au-delà des crédits inscrits dans le « bleu », pèse une menace sur le
dispositif d'incitation fiscale à l'investissement outre-mer appelé « loi Pons
».
L'importance de cette question me conduira donc, après la présentation des
crédits de ce budget, à revenir assez longuement sur ce sujet et à lancer un
appel solennel au Gouvernement sur les graves conséquences qu'aurait pour
l'outre-mer une décision irréfléchie, pour ne pas dire irresponsable, en la
matière.
S'agissant des crédits, tout d'abord, il faut noter que le budget de
l'outre-mer s'affiche en forte hausse.
Les crédits demandés au titre de l'outre-mer atteignent en effet, pour 1998,
en dépenses ordinaires et crédits de paiement, 5,22 milliards de francs,
traduisant une importante progression - 7,27 % - par rapport à la loi de
finances initiale pour 1997.
La forte progression du budget de l'outre-mer en dépenses ordinaires et en
crédits de paiement traduit un effort accru dans le domaine de l'emploi, avec
l'ouverture de crédits pour la mise en oeuvre du plan pour l'emploi des jeunes
et le renforcement de l'action en faveur du logement social.
Sans entrer dans le détail, je vous rappelle que ce budget possède trois
composantes.
Il comporte, tout d'abord, des dotations regroupées sous la rubrique «
Administration générale ». Cet ensemble, qui regroupe près de 20 % des moyens
de paiement de ce budget, s'établit à 1,03 milliard de francs dans le projet de
loi de finances pour 1998, soit une progression de 2,9 % par rapport à la loi
de finances pour 1997.
Dans cet ensemble, je me félicite de la maîtrise des effectifs du ministère de
l'outre-mer, qui diminuent de 0,3 %, avec une réduction de dix-neuf emplois.
J'aborderai maintenant la présentation des crédits consacrés aux subventions
aux collectivités locales d'outre-mer.
Les dépenses de cet agrégat, qui représentent 3,5 % de ce budget, soit 182,87
millions de francs, regroupent, d'une part, des crédits de fonctionnement et,
d'autre part, des crédits d'investissement.
Au sein des crédits de fonctionnement, l'on note une légère progression de
ceux qui sont destinés à compenser les pertes de recettes liées aux
exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties, qui s'établissent à 32
millions de francs.
Mais l'essentiel concerne les apports aux budgets locaux des territoires
d'outre-mer, qui atteignent 124,4 millions de francs et enregistrent une
progression de 7,25 millions de francs.
S'agissant de l'investissement, les subventions aux sections décentralisées du
FIDOM, le Fonds d'investissement des départements d'outre-mer, poursuivent leur
déclin, avec des crédits de paiement en baisse de 50 %, pour s'établir à 15
millions de francs. Pour le FIDES, le Fonds d'investissement pour le
développement économique et social des territoires d'outre-mer, la section
générale enregistre une diminution de ses crédits de 8,5 millions de francs
pour atteindre 131,4 millions de francs, tandis que la section des territoires
voit ses moyens augmenter de 3,5 millions de francs pour s'élever à 6,45
millions de francs.
La diminution des crédits de cet agrégat résulte donc très largement de la
mise en extinction, engagée voilà deux ans, de la section décentralisée du
FIDOM.
J'aborderai maintenant la troisième et principale composante de ce budget :
celle des subventions au développement social et économique de l'outre-mer.
Cet ensemble est surtout marqué par l'inscription de 300 millions de francs
supplémentaires au titre de la mise en oeuvre du plan pour l'emploi des jeunes
au profit du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM.
La progression des crédits de ce fonds ainsi que le renforcement des moyens
consacrés au logement social expliquent, pour l'essentiel, la progression de ce
budget.
J'en viens maintenant, mes chers collègues, à un sujet dont l'importance
préoccupe l'ensemble de l'outre-mer français.
Je me tourne vers vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour adresser au
Gouvernement un appel solennel à la responsabilité en ce qui concerne la loi
Pons. En effet, vous ne pouvez pas laisser remettre en cause l'équilibre d'un
système dont la contribution est fondamentale pour le développement de
l'outre-mer.
Vous devrez, dans ce domaine, appeler le Gouvernement à faire preuve de
discernement et de courage politique. A moins qu'une vision purement
métropolitaine de ce sujet ne le conduise, hélas ! par pure démagogie, à
accepter une solution dont les conséquences risquent d'être désastreuses pour
les fragiles économies de l'outre-mer.
Si le Gouvernement possède réellement une ambition pour l'outre-mer, ce dont
je ne doute pas pour ce qui vous concerne, monsieur le secrétaire d'Etat, il
doit assumer la haute responsabilité qui est la sienne.
A cet égard, je tiens à dire que le débat qui s'est déroulé à l'Assemblée
nationale a constitué un véritable procès en sorcellerie. Il ne faut d'ailleurs
pas s'étonner que, le même jour, un article dans un journal du soir ait cité un
grand nombre de contrevérités pour préparer l'opinion.
Alors, pour tenter de faire la part des choses, je vais rappeler l'économie du
dispositif de la loi Pons, avant de porter une appréciation sur son utilité. En
effet, la loi Pons apparaît à beaucoup comme un dispositif mystérieux. Il me
paraît donc indispensable de faire la lumière sur celui-ci.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Très bien !
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Ce régime fiscal comporte deux aspects, selon que
l'investissement est effectué par une entreprise ou par une personne
physique.
Le principe pour les entreprises est une déductibilité de leurs résultats
imposables du montant des investissements qu'elles réalisent, de façon directe
ou par voie d'apports au capital de sociétés soumises à l'impôt sur les
sociétés et qui exercent une activité dans les secteurs éligibles à l'aide.
Les personnes physiques bénéficient, quant à elles, d'une réduction d'impôt
pour les souscriptions au capital de sociétés qui réalisent des investissements
dans ces mêmes secteurs. Cette réduction d'impôt est égale à 25 %.
Le montant de cette économie d'impôt s'impute par cinquième sur l'impôt dû au
titre de l'année de réalisation de l'investissement et les quatre années
suivantes.
A cet ensemble s'ajoute la possibilité de déduire les déficits industriels et
commerciaux non professionnels du revenu global. C'est, mes chers collègues, la
combinaison de ces deux avantages qui est à l'origine du puissant « levier
fiscal » d'incitation à l'investissement outre-mer.
Or, l'Assemblée nationale a supprimé ce second étage de l'incitation, ce qui
entraînera une forte diminution des investissements.
En effet, la décision d'investir en outre-mer ne relève pas, en général, d'une
véritable rationalité économique, dans la mesure où il s'agit d'un contexte
très risqué pour l'investissement.
Investir en outre-mer, du point de vue de l'investisseur, relève en effet
fondamentalement d'une logique de capital-risque.
Aussi, je ne comprends pas le raisonnement du Gouvernement, qui nous annonce
son ambition d'encourager le développement du capital-risque et qui,
parallèlement, lorsque celui-ci existe, voudrait le décourager.
Il y a là une subtilité qui m'échappe, mais peut-être pourrez-vous, monsieur
le secrétaire d'Etat, expliquer au Sénat la cohérence de la démarche du
Gouvernement dans ce domaine.
Les « marchés » que constituent ces territoires comportent en effet des
caractéristiques difficiles dues, en particulier, à leur faible dimension et à
l'environnement très concurrentiel dans lequel il se trouvent.
C'est pourquoi on ne peut accepter de prendre le risque de mettre en cause,
sans réflexion préalable sur les modalités de sortie du système, un mécanisme
qui canalise 5,6 milliards de francs vers l'outre-mer, soit un montant
supérieur au budget dont nous avons à connaître. Je rappelle que la sortie de
la loi Pons est pour 2001. Nous vous demandons, par conséquent, avant de
remettre en cause ce qui existe, de trouver un substitut qui soit satisfaisant
pour tout le monde.
Avant de terminer, je voudrais citer les conclusions du rapport rédigé par M.
Alain Richard en 1991, alors qu'il était rapporteur général de la commission
des finances de l'Assemblée nationale - nous connaissons tous sa probité, et
nous avons pu l'apprécier ici comme collègue à la commission des finances - à
une époque où le rigoureux mécanisme d'agrément par les services fiscaux
n'existait pas.
S'agissant de la décision d'investir, Alain Richard note en effet que «
l'abaissement du seuil de rentabilité est la condition
sine qua non
de
la réalisation effective de l'investissement ».
S'agissant des effets de l'aide fiscale, il ajoute que « la défiscalisation a
tout de même un mérite inestimable comparée à la subvention. Elle ne correspond
pas à une logique d'assistance. Au contraire, elle stimule l'initiative et
favorise les adaptations. S'il s'agit d'une aide dispendieuse, et personne ne
peut le contester, il n'en reste pas moins qu'elle soutient un développement
économique plus sain que celui qui résulte des simples transferts sociaux ».
Je pense, mes chers collègues, que tout a été dit. J'en appelle donc encore
une fois à votre sens de la responsabilité, car vous ne pouvez pas condamner
l'outre-mer français à un assitanat qu'il récuse. Il en va de sa dignité et de
son avenir.
Enfin, je souhaite, au-delà de ce budget, rappeler l'esprit qui anime la
démarche du Sénat sur l'ensemble de ce projet de loi de finances.
La volonté du Sénat est de montrer au pays qu'il existe une alternative à la
croissance permanente de la dépense publique et, avec elle, des prélèvements
obligatoires.
Cette croissance n'est pas une fatalité ; elle est, hélas ! le résultat de la
facilité, qui consiste à ne jamais s'interroger globalement sur la cohérence
des structures et sur les moyens de les rationaliser.
Or, nous possédons un devoir de responsabilité envers les générations futures,
car nous n'avons pas le droit de leur léguer les dettes générées par notre
incapacité à réformer l'Etat et à réduire la dépense publique.
C'est pourquoi la commission des finances demandera au Sénat d'adopter les
crédits de l'outre-mer pour 1998, sous réserve de l'adoption des deux
amendements de réduction de crédits.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Désiré, rapporteur pour avis.
M. Rodolphe Désiré,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'exercice qui consiste à devoir présenter en quelque cinq minutes les
dotations budgétaires destinées à l'ensemble de l'outre-mer m'apparaît chaque
année plus périlleux, compte tenu de la diversité et de la complexité des
situations politiques et économiques de chaque département ou territoire.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez sauvegardé, voire renforcé,
l'essentiel des priorités qui structurent l'action des pouvoirs publics pour
l'outre-mer.
Si votre budget augmente de 7,27 %, pour s'établir à 5,22 milliards de francs,
il faut noter que les crédits consacrés à la résorption de l'habitat insalubre
sont simplement transférés du ministère du logement, à budget constant.
En revanche, l'application dans les départements d'outre-mer de la mise oeuvre
du plan pour l'emploi des jeunes se traduit par une mesure nouvelle de 300
millions de francs.
Au-delà, les actions prioritaires de votre ministère sont maintenues, à savoir
la lutte pour l'emploi et l'insertion. Mais, en dehors du plan emploi-jeunes,
le budget du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer est en
diminution et ne financera que 48 500 solutions d'insertion au lieu de 66 200
contrats aidés en 1996. Le plan emploi-jeunes apporte, certes, des réponses
supplémentaires, mais il entraîne la diminution des crédits prévus sur un
dispositif existant.
Vous confirmez également votre engagement en matière de logement social, en
étendant, comme en métropole, la réduction du taux de TVA aux travaux de
rénovation et de réhabilitation menés sur le logement social.
Cette harmonisation des taux devrait faciliter la remise en état du parc
existant et la progression des crédits de paiement permettra de financer
effectivement plus de 17 000 opérations de constructions neuves et de
réhabilitations en 1998.
Le budget de 1998 vous permet également de respecter les engagements
contractuels de l'Etat dans le cadre du XIe plan et des conventions signées
avec les territoires d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte.
Outre les opérations contractualisées avec chacun des départements
d'outre-mer, il faut souligner l'engagement public important en faveur de la
Guyane et, s'agissant des territoires d'outre-mer, la reconduction des crédits
pour la Nouvelle-Calédonie.
Mais, étant donné la gravité de la crise économique dans les départements et
les territoires d'outre-mer, l'impact de ces crédits budgétaires reste très
insuffisant et ponctuel.
Les points noirs des économies des départements d'outre-mer sont
malheureusement bien identifiés, et demeurent.
Citons le poids très important des transferts publics en provenance de la
métropole, puisque le solde net est évalué à 35,8 milliards de francs en 1996.
Cela représente, par exemple, 44 % du produit intérieur brut de la Réunion.
Citons également la dégradation continue du marché de l'emploi, ce qui
témoigne de l'incapacité des économies locales à absorber la progression rapide
de la population active du fait non seulement de la forte proportion de jeunes,
mais aussi du mal-développement de ces territoires. Le chômage s'élève à plus
de 40 % à la Réunion, et il avoisine les 30 % en Guadeloupe, à la Martinique et
en Guyane.
S'agissant des territoires d'outre-mer, les revalorisations salariales ont
souvent eu pour conséquence d'aggraver le déséquilibre de la balance des
échanges, et l'activité économique reste très dépendante de la commande
publique.
Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, que, dans ce contexte, je ne
me résigne pas à la remise en cause aussi brutale, sans véritable concertation
avec les élus et sans véritable transparence en termes d'impact, du dispositif
de défiscalisation pour l'outre-mer, et cela d'autant que ce dispositif a été
conçu pour compenser l'étroitesse du marché, pour faire face au coût de la
main-d'oeuvre - coût qui est supérieur à celui de la métropole si l'on tient
compte de la productivité - ainsi que pour compenser la cherté ou l'absence
d'un véritable crédit bancaire.
Je souhaite à ce propos, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous me donniez
quelques indications sur la situation du système bancaire à la Martinique, en
particulier celle du Crédit martiniquais, qui est aujourd'hui, nous le savons,
en fâcheuse posture.
On ne peut décider d'interrompre ainsi un outil de développement économique
qui aurait permis de drainer, d'ici à 2002, plus de 20 milliards de francs sur
des investissements productifs, à comparer aux 11 milliards des fonds
structurels européens et aux 8 milliards des contrats de plan sur la période
1994-1999.
Nous sommes parvenus au terme de la logique de la départementalisation. Engagé
en 1945, le processus conduisant à l'égalité sociale s'est achevé en 1995, soit
cinquante ans plus tard.
Il faut aujourd'hui procéder à un rattrapage économique suffisant par le biais
d'investissements productifs massifs pendant au moins vingt ans si l'on veut
obtenir des résultats probants - Porto Rico, île des Antilles voisine de la
Martinique et dépendante des Etats-Unis, a bénéficié d'une loi de
défiscalisation de 1945 à 1996, en vertu du fameux article 936 -, notamment
dans le tourisme, le commerce, les industries de transformation et
l'artisanat.
Ce dispositif devra être pérenne et prendre en compte la spécificité de nos
départements, à l'instar de ce qui se fait aux Açores, aux Canaries et à Madère
pour soutenir des économies qui sont fondées sur le tourisme et qui sont,
aujourd'hui, les concurrents directs de nos départements et territoires
d'outre-mer sur le marché européen.
Cette loi de développement économique ne doit pas se traduire par plus de
transferts sociaux. Elle doit, au contraire, se traduire par le soutien à des
investissements productifs et créateurs d'emplois ainsi que par l'instauration
d'un véritable statut fiscal et d'une banque de développement pour
l'outre-mer.
En conclusion, la commission des affaires économiques, considérant que la
remise en cause du dispositif de défiscalisation risquait de déstabiliser les
économies de l'outre-mer, a émis un avis défavorable sur les crédits de ce
ministère, malgré ma proposition de s'en remettre à la sagesse de la Haute
Assemblée.
Pour ma part, monsieur le secrétaire d'Etat, conscient des efforts que vous
avez personnellement fournis et que vous déploierez encore pour défendre les
intérêts de l'outre-mer, je vous assure de toute ma confiance.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Lagourgue, rapporteur pour avis.
M. Pierre Lagourgue,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission
des affaires sociales a noté les efforts consentis en matière d'emploi et de
logement dans les crédits consacrés aux départements d'outre-mer pour 1998,
mais elle a aussi relevé des insuffisances regrettables dans ces deux
domaines.
Si le budget de l'outre-mer progresse de 7,3 % par rapport à l'an dernier, ce
dont nous ne pourrions que nous réjouir, cette amélioration ne doit pas faire
illusion puisque l'essentiel de la hausse des crédits résulte de l'intégration
des dotations affectées au financement des emplois-jeunes, qui auraient pu
provenir du ministère technique, c'est-à-dire de celui du travail.
Ainsi, le fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM,
augmente de 14 % par rapport à la loi de finances initiale de 1997, grâce aux
300 millions de francs consacrés aux emplois-jeunes ; mais, si l'on retranche
cette dotation, les crédits du FEDOM sont en très légère régression, certaines
mesures, telles que les contrats emploi-solidarité, risquant même de marquer un
recul certain.
Il y a donc un redéploiement des crédits entre les différentes mesures pour
l'emploi, et l'intégration de 300 millions de francs pour les emplois-jeunes
masque en fait une réduction des crédits du FEDOM affectés aux contrats
préexistants. Et nous n'oublions pas l'annulation, en juillet dernier, de 100
millions de francs au chapitre du FEDOM pour 1997 !
Cela confirme notre inquiétude quant à l'utilisation des crédits du FEDOM :
ces crédits étant fongibles, rien n'interdit que le développement des
emplois-jeunes se fasse au détriment du financement des autres mesures pour
l'emploi ou l'inverse. Le Gouvernement nous a donné l'assurance verbale qu'il
n'en sera rien, et que la dotation affectée aux emplois-jeunes pourrait être
abondée en cours d'année, au fur et à mesure des nouveaux besoins. Nous en
prenons acte.
Enfin, monsieurs le secrétaire d'Etat, plus d'un mois et demi après la
publication de la loi sur les emplois-jeunes, nous attendons toujours la
parution du décret spécifique pour l'outre-mer.
S'agissant des autres mesures concernant l'emploi, la commission des affaires
sociales a noté avec satisfaction l'augmentation des dotations affectées à la
formation et à la promotion des travailleurs d'outre-mer, alors que,
paradoxalement, l'agence nationale pour l'insertion et la promotion des
travailleurs d'outre-mer, l'ANT, qui est précisément chargée de ces actions,
enregistre une diminution de ses crédits.
Enfin, le présent projet de loi de finances comporte un article consacré aux
aides fiscales à l'investissement en outre-mer, évoqué longuement par M. le
rapporteur spécial.
Si la commission des affaires sociales approuve la prise en compte de l'impact
sur l'emploi dans la procédure d'agrément, en revanche, elle exprime les plus
grandes craintes quant à la modification apportée par l'Assemblée nationale,
qui supprime l'attrait principal du dispositif d'incitation à
l'investissement.
Nous avons, grâce au rapporteur spécial de la commission des finances,
rétabli, en l'accompagnant de conditions plus strictes, la disposition prévue
initialement par le Gouvernement. Cependant, si l'Assemblée nationale maintient
en nouvelle lecture sa position, nous ne doutons pas qu'il en résultera,
inéluctablement, une baisse des investissements et, par voie de conséquence,
une baisse des emplois. C'est pourquoi votre soutien, dans ce dossier, nous est
indispensable, monsieur le secrétaire d'Etat.
Nos préoccupations sont d'autant plus vives que la situation du chômage en
outre-mer s'aggrave dangeureusement d'année en année : il atteint 40 % de la
population active à la Réunion et varie entre 25 % et 30 % dans les autres
départements !
S'agissant du logement, je constate que l'effort est maintenu mais sans élan
nouveau, car la ligne budgétaire unique, la LBU, gagne en crédits de paiement
ce qu'elle perd en autorisations de programme.
Les orientations vont, certes, dans le bon sens, grâce, par exemple, au crédit
de 96 millions de francs consacré à la résorption de l'habitat insalubre ou à
la baisse de 2,1 % du taux de TVA applicable au logement social.
Toutefois, les difficultés de l'habitat outre-mer persistent, et cela pour
plusieurs raisons : l'ampleur des besoins ; le manque de terrains et
d'aménagement à des prix raisonnables ; enfin, les difficultés de partenariat
entre les établissements finançant le logement social et les opérateurs - je
vous rappelle à ce sujet que le prêt à taux zéro ne se met que trop lentement
en place dans les DOM.
Il y a donc un réél problème du logement outre-mer. A la Réunion, par exemple,
les chiffres concernant la programmation des logements sociaux pour 1997 sont
consternants puisque, au 30 juin dernier, 381 logements seulement, contre 915
l'an dernier à la même époque, ont fait l'objet d'un appel d'offres. Par
ailleurs, le taux de lancement des programmes s'établit à 3 %, contre 7,5 % en
1996 et 12 % en 1995. Je précise qu'il s'agit des chiffres officiellement cités
par le syndicat du bâtiment.
Compte tenu de l'ensemble de ces difficultés, l'envoi d'une mission d'étude
sur le logement dans les DOM me paraît s'imposer, notamment afin de déterminer
les raisons du retard dans l'utilisation des crédits de la LBU.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Pierre Lagourgue,
rapporteur pour avis.
En conclusion, monsieur le président, compte tenu
de la progression des crédits inscrits au projet de budget de l'outre-mer, mais
aussi des interrogations sur les moyens qui seront effectivement mis en oeuvre
en faveur de l'emploi et du logement dans les DOM, la commission des affaires
sociales a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat.
(M. Victor Reux
applaudit.)
Permettez-moi, avant de quitter cette tribune, monsieur le président,
d'émettre le regret que nous n'ayons que cinq minutes pour nous exprimer.
M. le président.
Mais vous pourrez vous exprimer de nouveau tout à l'heure, monsieur Lagourgue,
puisque vous êtes inscrit dans la discussion à titre personnel !
La parole est à M. Blaizot, rapporteur pour avis.
M. François Blaizot,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour les départements d'outre-mer.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les moyens mis à la dispositon des
départements d'outre-mer au cours de l'exercice 1998, tels qu'ils sont inscrits
au projet de budget, ont été considérés par la commission des lois comme
relativement satisfaisants, compte tenu de la rigueur budgétaire que nous
devons respecter.
Ces moyens ne figurent pas dans le seul budget de l'outre-mer, car tous les
ministères ont des responsabilités dans ces départements ; on notera pourtant
que la part relevant directement de votre département ministériel, monsieur le
secrétaire d'Etat, va constamment en croissant. Elle atteindra cette année
11,16 %, alors qu'elle était inférieure à 10 % l'an dernier. Nous nous en
réjouissons dans la mesure où il s'ensuivra un surcroît de cohérence dans
l'action ministérielle.
Cet accroissement de la part des crédits qui relèvent de votre autorité
résulte évidemment des transferts qui vous sont consentis par certains de vos
collègues, notamment les ministres chargés de l'emploi et du logement.
Le montant total des crédits dont l'outre-mer bénéficiera en 1998 est arrêté à
37,053 milliards de francs, marquant une croissance de 3,16 % par rapport à
1997 ; sur ce total, les crédits sur lesquels s'exerce directement votre
autorité passent de 3,51 milliards à 4,13 milliards de francs en dépenses
ordinaires et crédits de paiement, soit une croissance de 7,55 %, ce qui peut
vous satisfaire puisque, indiscutablement, c'est une des plus importantes que
l'on puisse trouver dans le budget pour 1998.
Pourtant, ce tableau favorable comporte une ombre, celle des autorisations de
programme, qui régressent de 5,7 %. Nous pouvons en déduire, pour le regretter,
monsieur le secrétaire d'Etat, que les engagements d'investissements seront
réduits en 1998, et nous souhaiterions que vous nous rassuriez sur ce point. En
effet, il est certain que les retards de l'outre-mer en équipements et services
n'autorisent pas un ralentissement de l'effort de l'Etat dans les prochaines
années.
Le domaine sur lequel porte le présent avis n'est constitué que par les quatre
départements d'outre-mer, ainsi que par les deux collectivités territoriales de
Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Sur ces domaines limités, l'examen s'étendra aux seules actions du secrétariat
d'Etat à l'outre-mer, du ministère de l'intérieur et du ministère de la
justice, dont les compétences intéressent plus particulièrement la commission
des lois.
Pour ce qui est des crédits de votre département ministériel, monsieur le
secrétaire d'Etat, les priorités d'emploi des moyens de paiement que vous avez
retenues n'ont pas suscité d'observations de la part de la commission des lois.
La principale objection soulevée a trait aux crédits d'engagement que j'ai
évoqués plus haut, ainsi qu'aux conditions de liquidation du FIDOM décentralisé
; pour lequel il apparaissait, les années précédentes, un grave retard de
crédits de paiement, et dont la liquidation n'a pas été clairement confirmée et
se perd un petit peu dans le brouillard.
Les crédits inscrits au budget du ministère de l'intérieur doivent permettre à
celui-ci d'assurer aux collectivités locales les paiements auxquels elles
peuvent prétendre au titre des dotations globales : dotation globale de
fonctionnement, dotation de développement rural, dotation du fonds national de
péréquation, dotation du fonds de compensation pour la TVA et dotation spéciale
instituteur.
Ces crédits sont en hausse de 0,35 %. Ils permettront tout au plus d'honorer
les obligations de l'Etat à l'égard des communes telles qu'elles résultent du
dispositif général de ces dotations.
En ce qui concerne la justice, les moyens de paiement augmentent de 8,83 %, se
situant dans la ligne des accroissements des années précédentes, ce dont on ne
peut que se réjouir.
Ils sont affectés au renforcement des effectifs des tribunaux et de
l'administration pénitentiaire, ainsi qu'à l'achèvement des investissements
immobiliers : nouveau palais de justice à Fort-de-France, extension de celui de
Basse-Terre, mise en service du centre pénitentiaire de Rémiré-Montjoly en
Guyane, rénovation de la maison d'arrêt de Basse-Terre et de l'ancien centre
agricole de la plaine des galets à la Réunion. Ces renforcements étaient
nécessaires, et leur mise en oeuvre récente doit être saluée.
Toutefois, ces équipements n'achèvent pas les programmes reconnus comme
nécessaires, notamment en matière de locaux pénitentiaires, dont la
suroccupation est toujours importante, malgré de nouvelles constructions. Or,
les autorisations de programme en provenance du ministère de la justice seront
réduites de 80 %. On peut être préoccupé par une perspective de ralentissement
brutal du programme lancé ces dernières années, si heureusement.
La délinquance tend à se stabiliser mais à un niveau supérieur à celui de la
métropole, la situation la plus détériorée étant celle de la Guyane. On ne peut
donc pas se permettre de ralentir les efforts destinés à lutter contre cette
délinquance et à donner suite aux condamnations qui peuvent être prononcées.
Les effectifs de fonctionnaires d'Etat dans les départements d'outre-mer
resteront globalement stables ; les crédits augmentent de 1,52 %. Le problème
principal qui se pose - nous en avons parlé en commission, monsieur le
secrétaire d'Etat - est celui de la surrémunération des fonctionnaires, qui
tend à dérégler la vie économique et à peser sur les budgets des collectivités
locales. Le rapport Pêcheur a préconisé une opération de suppression
progressive de cette surrémunération pour les nouveaux recrutés, mais la
protestation des fonctionnaires concernés a été très vive ; aucune décision ne
semble avoir été prise et la commission des lois souhaiterait beaucoup,
monsieur le secrétaire d'Etat, que vous fassiez connaître vos intentions à ce
sujet.
M. le président.
Je vais vous demander de conclure, mon cher collègue.
M. François Blaizot,
rapporteur pour avis.
Je termine, monsieur le président.
Sur le plan des institutions, je tiens à signaler l'avancée substantielle qu'a
constituée la reconnaissance, dans le traité d'Amsterdam, du statut des régions
ultrapériphériques. Il en résultera la possibilité de mettre en oeuvre des
politiques spécifiques en faveur de ces départements pour tenir compte de leurs
handicaps.
Je voudrais dire un mot de la loi sur l'aménagement du territoire, que le
précédent gouvernement avait décidé de faire entrer en application dans les
départements et territoires d'outre-mer, ce qui ne semble plus être le cas
actuellement. Nous aimerions savoir ce qui a été décidé sur ce sujet. Nous
aimerions savoir également ce qui sera fait à l'égard de Mayotte et ce qu'il en
est de la promesse du Président de la République de procéder à une consultation
de la population avant l'an 2000.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez confirmé...
M. le président.
Monsieur le rapporteur pour avis, je vous en prie, veuillez conclure.
M. François Blaizot,
rapporteur pour avis.
... que vous étiez sensible à la situation de
Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. Nous aimerions que vous nous donniez
quelques précisions à ce sujet.
Pourriez-vous également nous dire quelles dispositions seront prises par
ordonnance ? Vous avez déjà donné quelques indications à cet égard, mais la
commission des lois exerce dans ce domaine une responsabilité particulière et
elle aimerait être éclairée.
Sous le bénéfice de ces observations, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, la commission des lois a décidé de donner un avis favorable à
l'adoption des crédits de l'outre-mer, tout en s'associant aux quelques
restrictions que prévoit la commission des finances.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Marie Girault, rapporteur pour avis.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour les territoires d'outre-mer.
Le rationnement des temps de
parole...
M. le président.
Il ne dépend pas de moi, mon cher collègue ; c'est le règlement.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur pour avis.
... me dispensera de saluer chacune et chacun, mais
le coeur y est !
(Sourires.)
Chaque année, l'examen du budget est l'occasion pour la commission des lois de
faire le point sur la situation politique et institutionnelle des territoires
d'outre-mer, ainsi que sur les textes qui leur ont été étendus.
L'activité législative concernant ces territoires avait été particulièrement
riche en 1996, avec la ratification de deux ordonnances y actualisant la
législation pénale, l'adoption du nouveau statut d'autonomie de la Polynésie
française et, enfin, l'adoption d'une « loi balai » portant diverses
dispositions relatives à l'outre-mer.
Si la production législative a été moins abondante en 1997, un texte
d'importance a cependant été adopté, dont l'objet essentiel était de valider
une délibération de l'assemblée de la Polynésie française instituant une
contribution de solidarité territoriale, la fameuse CST3, destinée à financer
le régime de protection sociale généralisée.
Comme l'avait fait valoir notre excellent collègue Lucien Lanier, rapporteur
de cette proposition de loi organique, il s'agissait d'assurer la pérennité de
ce régime, qui constitue une composante essentielle de l'autonomie territoriale
renforcée, consacrée par la statut du 12 avril 1996.
Le 19 novembre dernier, le Conseil constitutionnel a déclaré la loi organique
conforme à la Constitution. Il a en effet considéré, d'une part, que le
législateur avait « entendu prévenir le développement de contestations dont
l'aboutissement aurait pu porter atteinte à la continuité du service public de
la protection sociale sur le territoire de la Polynésie française » et, d'autre
part, que la délibération, en déterminant « l'assiette et le taux des
différentes contributions selon des modalités adaptées aux spécificités de
chaque catégorie de revenus », respectait le principe d'égalité devant les
charges publiques.
Bien qu'il ne m'appartienne pas de commenter une décision juridictionnelle, je
tenais à souligner l'importance d'une telle validation pour le développement de
la Polynésie française et je me félicite que les « intérêts propres » de ce
territoire aient été pris en considération.
Au-délà de l'autonomie institutionnelle, c'est un développement équilibré du
territoire qui doit être recherché à la suite du démantèlement du centre
d'expérimentation du Pacifique consécutif à l'arrêt des essais nucléaires.
A cet égard, il apparaît urgent de doter les communes polynésiennes des moyens
qui leur font aujourd'hui défaut. Sur ce point, nous avons bien pris acte,
monsieur le secrétaire d'Etat, de l'engagement pris par le Gouvernement de
déposer avant la fin du deuxième trimestre de l'année 1998 un projet de
modernisation de l'institution communale ; c'est en effet important.
Concernant la Nouvelle-Calédonie, l'échéance fixée par l'article 2 de la loi
référendaire du 9 novembre 1988 pour l'organisation du scrutin
d'autodétermination est désormais très proche.
On se rappelle que le FLNKS - Front de libération nationale Kanak et
socialiste - avait fait du règlement du dossier minier un préalable à la
reprise des négociations politiques sur l'avenir institutionnel du territoire.
Or, ces négociations sont suspendues depuis le mois d'avril 1996. Un accord
venant d'être conclu, sur la base du rapport établi par M. Philippe Essig,
concernant la création d'une usine de traitement du nickel dans la province
Nord, ces négociations devraient pouvoir reprendre prochainement.
Les partenaires signataires des accords de Matignon réaffirment d'ailleurs
régulièrement leur attachement à une solution consensuelle qui permettrait
d'éviter un référendum couperet.
Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous donner quelque indication
sur le calendrier prévisionnel de ces pourparlers ? Depuis que vous avez été
entendu par la commission des lois, les choses ont peut-être avancé, que ce
soit discrètement ou publiquement.
Etes-vous en mesure de nous dire si les évolutions statutaires envisagées
nécessiteront une révision constitutionnelle ?
Vous invitant à me suivre maintenant en un autre point de la planète,
j'évoquerai la situation d'un territoire d'outre-mer un peu particulier
puisqu'il est dépourvu d'institution délibérante : je veux parler des Terres
australes et antarctiques françaises, haut lieu de la recherche dans le domaine
des sciences de l'univers et des sciences de la vie.
On appelle parfois le continent Antarctique, où se trouve la terre Adélie, «
la dernière île ». Il suffit d'examiner une mappemonde pour se convaincre de la
justesse de cette expression !
Les programmes mis en oeuvre, tels que le forage de la calotte glaciaire, qui
devrait intervenir au lieudit « dôme C » d'ici à quelques mois, permettent
d'acquérir une meilleure connaissance de l'histoire de notre planète et de
l'évolution des climats.
Le maintien de la présence française, à côté d'autres nations, dans cette
région du monde me paraît répondre à des enjeux stratégiques tout à fait
essentiels. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous fassiez part
des conclusions du groupe de réflexion créé au mois d'avril pour procéder à une
analyse d'ensemble des missions et des moyens du territoire des Terres
australes et antarctiques françaises.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a émis un avis
favorable quant à l'adoption des crédits consacrés aux territoires d'outre-mer,
sous réserve des modifications proposées par la commission des finances pour le
budget de l'outre-mer.
Je me félicite d'avoir appliqué la discipline instaurée par le bureau du Sénat
: ainsi, vous n'avez pas eu à me rappeler à l'ordre, monsieur le président.
(Sourires. - Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 51 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 35 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 29 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes.
La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
j'aborde, je l'avoue, ce débat, avec des sentiments très partagés. C'est que
les motifs de satisfaction que je trouve à l'examen du budget de l'outre-mer ne
parviennent pas à dissiper les craintes que m'inspire l'évolution de la
situation dans les départements d'outre-mer, plus particulièrement dans celui
que je représente ici, la Martinique.
Des motifs de satisfactions, oui, il y en a, monsieur le secrétaire d'Etat,
dans le budget que vous nous présentez, et d'abord dans le fait même qu'il
progresse.
Dans l'ambiance budgétaire actuelle, marquée par une volonté gouvernementale
très forte de réduire les dépenses afin d'assainir les comptes publics, cela
n'allait pas forcément de soi.
Evidemment, on peut toujours s'interroger sur le taux réel d'évolution de ce
budget, mais ce qu'il importe en l'occurrence de retenir, me semble-t-il, c'est
qu'il augmente plus cette année que l'ensemble du budget de l'Etat. D'autres
départements ministériels ne bénéficient certes pas du même traitement !
Cela signifie que le Gouvenement a bien conscience de ce que l'oute-mer mérite
une attention particulière. Cela signifie aussi, j'ai plaisir à le souligner,
que nous avons un secrétaire d'Etat déterminé à défendre les intérêts des
départements et territoires dont il a la charge, avec toute la force de
conviction que cela nécessite !
Autres motifs de satisfaction : les orientations et priorités retenues pour
1998.
Une priorité est ainsi reconnue, d'abord, à l'emploi, problème majeur,
angoissant s'il en est, dans tout l'outre-mer.
En Martinique, malgré le dynamisme incontestable des acteurs économiques, que
traduit la forte création d'emplois à laquelle on a assisté au cours de la
dernière décennie, le taux de chômage dépasse 28 %.
En attendant la définition et la mise en oeuvre d'un vrai plan global de
développement, tout ce qui peut aider à améliorer la situation est évidemment
bienvenu. C'est le cas du plan emploi-jeunes.
J'apprécie donc, monsieur le secrétaire d'Etat, votre détermination à faire en
sorte que les 300 millions de francs que vous avez pu obtenir pour l'outre-mer
soient utilisés avec un maximum d'efficacité. Les emplois ainsi créés n'auront
pas pour seul effet de réduire sensiblement le nombre de chômeurs, ils
contribueront - et c'est là pour moi l'essentiel - à relancer une dynamique de
l'espoir au sein d'une jeunesse, qui, on le comprend, est de plus en plus
tentée de perdre confiance en l'avenir.
A côté de l'emploi, vous mettez en avant l'insertion. Il s'agit d'un domaine
où les besoins sont encore considérables puisque le nombre d'allocataires du
RMI n'a toujours pas cessé de croître.
En l'espèce, le plus urgent est non d'augmenter les crédits, mais d'évaluer le
fonctionnement des agences d'insertion mises en place en 1994.
Vous connaissez mon point de vue sur ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat :
on ne peut faire efficacement de l'insertion au moyen de structures aussi
lourdes, enserrées dans un carcan de procédures aussi rigides et sur lesquelles
s'exerce une tutelle aussi lointaine.
Pour s'en tenir aux contrats d'insertion par l'activité, en 1996, seulement 9
000 de ces contrats ont été mis en oeuvre dans les quatre départements
d'outre-mer, ce qui, ne nous y trompons pas, ne veut nullement dire que 9 000
allocataires en ont bénéficié, un même allocataire ayant souvent la possibilité
de renouveler son contrat en cours d'année.
J'approuve donc la décision que vous avez prise de réclamer un rapport
conjoint à l'inspection générale des finances, à l'inspection générale de
l'administration et à l'inspection générale des affaires sociales.
Je souhaite très vivement, vous vous en doutez, qu'en ressortent des
conclusions dégagées, autant que possible, de toute langue de bois
administrative et susceptibles de permettre d'envisager une réforme en
profondeur du système des agences d'insertion.
Il ne s'agit aucunement, je tiens à le préciser, de mettre en cause les
directions et les personnels des agences. Ils font de leur mieux ! C'est
l'instrument qui est mal adapté à la mission qu'on lui assigne.
Autre priorité : le logement social. Là aussi, l'ampleur des besoins est
parfaitement connue.
En Martinique, malgré la forte implication du conseil général au côté de
l'Etat, le nombre de logements neufs construits est de 2 000 par an, quand il
en faudrait 4 000 !
Je me félicite donc de l'augmentation de 105 millions de francs des crédits de
paiement inscrits au titre de la ligne budgétaire unique. Il ne faut pas
oublier que, l'année dernière, nous déplorions une baisse de 25 % de ces
crédits.
En ce qui concerne les autorisations de programme, si l'on tient compte de
l'effort, tout à fait justifié, consenti pour les opérations de résorption de
l'habitat insalubre, elles n'accusent qu'une baisse légère, que pourra
certainement compenser la réduction du taux de TVA.
J'aurais souhaité, bien sûr, un effort plus important dans ce domaine.
Cependant, là encore, ce dont il faut certainement le plus se préoccuper, c'est
de l'amélioration des procédures et de l'adaptation des produits aux différents
types de besoin et aux différentes catégories sociales concernées.
Enfin, je ne peux qu'approuver la volonté affichée de respecter les
engagements pris dans le cadre des contrats de plan, qui se traduit par une
augmentation de 6,7 % des crédits de paiement du FIDOM, qui avaient chuté
l'année dernière de 40 %.
Je regrette seulement que le FIDOM décentralisé n'ait pas réapparu, ne
serait-ce que pour affirmer, à l'inverse de ceux qui l'avaient supprimé, une
volonté politique de respecter l'esprit de la décentralisation.
J'aurais aimé, monsieur le secrétaire d'Etat, conclure cette rapide analyse de
votre budget sur cet ensemble de constats essentiellement positifs.
Je dois cependant manifester mon désaccord sur un point : il s'agit de la
nouvelle baisse de 11 % des crédits de l'ANT, l'Agence nationale pour
l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer. Cette baisse aboutit
à mettre un terme définitif aux quelques rares actions d'insertion sociale
qu'effectuait encore cet organisme.
L'ANT n'a plus désormais qu'une unique mission d'insertion professionnelle.
Il s'agit de l'aboutissement d'une politique qui repose sur une idée
particulièrement fausse : celle qui consiste à croire qu'avec l'« égalité
sociale » ont disparu toutes les spécificités et donc tous les problèmes
spécifiques que peuvent rencontrer les originaires d'outre-mer résidant en
France.
Les conséquences se font déjà durement sentir sur le terrain : il suffit
d'interroger les travailleurs sociaux pour s'en convaincre. Il faut souhaiter
que l'on ne paie pas trop cher, à terme, le prix de cet aveuglement.
Après cette rapide analyse du projet de budget de l'outre-mer, je voudrais
maintenant vous faire part des craintes que m'inspire l'évolution de la
situation dans nos départements d'outre-mer.
J'ai le sentiment, en effet, que l'on y assiste depuis quelque temps à une
véritable montée des périls, dont on ne paraît pas toujours bien prendre la
mesure ici.
C'est le cas, notamment, dans le domaine économique, avec la conjonction de
trois dossiers extrêmement sensibles : l'octroi de mer, l'OCM-banane -
organisation commune du marché de la banane - et la défiscalisation.
Le sort de l'octroi de mer dépend, vous le savez, d'une décision que doit
rendre très prochainement la Cour européenne de justice.
Sa suppression serait une catastrophe pour nombre de nos productions locales,
et aussi pour le budget de nos communes.
Dans le même temps, l'Organisation mondiale du commerce a fait condamner des
dispositions importantes de l'OCM-banane. La menace pèse sur un secteur
essentiel de l'économie de la Martinique et de la Guadeloupe, compte tenu des
dizaines de milliers d'emplois concernés par cette activité, mais aussi du flux
d'exportations auquel elle donne lieu.
A ces deux menaces est venue s'en ajouter une troisième, qui a déjà été
évoquée : la réforme du système de défiscalisation des investissements
productifs outre-mer.
Cette réforme, dont l'objectif affiché est de moraliser le dispositif en
vigueur, a été malheureusement lancée dans la précipitation, sans études
sérieuses préalables. Elle risque en réalité, cela a été souligné, de casser un
flux d'investissements important.
La conjonction de ces trois affaires crée évidemment un climat d'incertitude
et de déstabilisation qui s'étend bien au-delà des seules sphères économiques
concernées.
Cette situation est d'autant plus génératrice de malaise profond que l'on a le
sentiment que chacun de ces dossiers est traité séparément et de façon
essentiellement technique. Elle réclame donc une réponse politique globale,
cohérente et claire au plus haut niveau.
Sur les dossiers où le Gouvernement est tributaire de ses partenaires dans le
cadre d'accords internationaux, cela ne peut, bien entendu, se traduire que par
l'affichage d'une position extrêmement ferme, ou alors par la définition de
nouvelles perspectives pour demain.
Dans le cas de la défiscalisation, cela doit donner lieu à une décision
claire. Si celle-ci va dans le sens d'une remise en cause, cela doit être dit
franchement et, me semble-t-il, être assorti de propositions de compensation,
sous la forme, par exemple, d'un fonds de développement recueillant les sommes
économisées.
Mes chers collègues, ces dossiers que je viens d'évoquer et sur lesquels sont
braqués les feux de l'actualité ne sont malheureusement pas les seuls à
assombrir le paysage économique et social et, par voie de conséquence, la
politique des départements d'outre-mer.
Dans chacun de ces départements, un certain nombre de dossiers, plus locaux,
entretiennent un climat de crise larvée.
En Martinique, on peut citer, par exemple, la situation extrêmement
préoccupante des hôpitaux, le problème aigu des transports publics ou encore
celui des cinquante pas géométriques ; mais il y en a bien d'autres !
A la base, on retrouve toujours le même enchaînement. Des erreurs sont
commises à une certaine époque par l'administration. Une surdité totale est
opposée ensuite par ces mêmes administrations, mais aussi, souvent, par les
cabinets ministériels, aux analyses et aux propositions des élus. Des décisions
sont prises à Paris, sans aucune concertation, par des technocrates peu au fait
des réalités locales. Enfin, l'on envoie périodiquement, au moment des crises
aiguës, des missions d'études dont les conclusions ne débouchent souvent sur
rien de concret.
En réalité, les choses n'avancent jamais qu'à la suite de mouvements sociaux
extrêmement durs. On fait alors n'importe quoi dans la précipitation.
Tout cela appelle, il faut s'en rendre compte, un changement profond dans la
façon d'aborder les problèmes de nos régions.
Il faut en finir avec la politique du coup par coup.
Il faut en finir avec le traitement cloisonné et technocratique de nos
problèmes. A cet égard, nous comptons beaucoup, monsieur le secrétaire d'Etat,
sur vous et sur vos collaborateurs pour faire évoluer les mentalités partout où
cela est nécessaire.
Il faut en finir avec l'absence de concertation.
Il faut en finir avec le refus de prendre en compte, réellement, les
spécificités des départements d'outre-mer et avec la peur d'aborder franchement
la discussion des problèmes institutionnels qu'impliquent ces spécificités.
Il faut en finir, surtout, car cela commande tout le reste, avec la profonde
méconnaissance de l'outre-mer qui règne dans trop de sphères décisionnelles
parisiennes et que contribuent, malheureusement, à entretenir complaisamment
les médias nationaux.
Cette méconnaissance justifie probablement la mise au point que je lisais
récemment dans l'ouvrage de M. François Thual, intitulé
Repères
Internationaux,
et que je souhaite vous citer en terminant.
« L'outre-mer français demeure une chance pour la France et pas seulement
l'inverse, comme on le pense trop facilement. Cet outre-mer français est aussi
une chance et un atout pour l'Union européenne. Contrairement à des lectures
superficielles, l'ensemble français de l'outre-mer n'est pas pas un ensemble de
problèmes. Il est avant tout une somme d'atouts. » Ce sont ces derniers termes
qu'il faut retenir.
Je me contenterai seulement d'ajouter que l'outre-mer, c'est également un
ensemble de peuples qui aspirent, pour construire leur avenir à partir de ces
atouts, à plus de dignité et à plus de responsabilité.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - Mme Anne Heinis applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
vote du budget est l'expression d'une politique. Le budget que vous avez
l'honneur de nous présenter, monsieur le secrétaire d'Etat, s'inscrit dans les
priorités du Gouvernement, qui visent à concilier le soutien à la croissance,
la justice sociale l'emploi et le logement.
S'il est vrai que les crédits mis à votre disposition traduisent une
progression sensible par rapport à la loi de finances initiale de 1997, vous
conviendrez avec moi que les autorisations de programme ne cessent de diminuer,
et ce depuis quelques années.
Mes chers collègues, je ne crois pas que ce soit faire insulte au Parlement
que de reconnaître combien notre influence en matière budgétaire est limitée,
quel que soit le Gouvernement.
Aussi, je ne souhaite pas m'étendre sur l'examen des crédits qui nous sont
proposés. Je profiterai plutôt de l'occasion qui m'est donnée d'intervenir à
cette tribune pour rappeler au Gouvernement les priorités qui doivent entrer en
ligne de compte pour l'utilisation de ces crédits. Il nous faut choisir entre
le possible et le souhaitable.
Pour sortir de sa phase de non-développement, l'outre-mer a besoin d'une
industrialisation, et les conditions pour y parvenir ne sont pas réunies dans
le dispositif législatif actuel.
S'agissant de la politique outre-mer, les élus, toutes tendances confondues,
reconnaîssent les difficultés d'application des textes votés par le
Parlement.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur pour avis.
Ça, c'est sûr !
M. Georges Othily.
Au cours de son récent voyage en Guyane, le président de la République a
reconnu « que l'Etat a paru tâtonner et n'a pas toujours eu la vision
nécessaire à la construction d'une société républicaine, fraternelle, juste
».
Je crois que le Président de la République a fort justement mis en exergue les
reproches que formule la population de l'outre-mer et singulièrement de la
Guyane.
Pour conforter ces dires, le père de la Constitution de 1958, le général de
Gaulle, avait déjà suggéré, en 1960, qu'il fallait des changements : « Car il
est conforme à la nature des choses qu'un pays qui a un caractère aussi
particulier que le vôtre et qui est en somme éloigné ait une sorte d'autonomie
proportionnée aux conditions dans lesquelles il doit vivre. »
Je ne doute pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous souhaitiez favoriser
le développement des départements d'outre-mer. Quel que soit l'appartenance
politique de l'élu, je pense qu'il doit tout faire avec vous pour permettre ce
développement durable. D'ailleurs cela est conforme à l'esprit qui présidait à
l'élaboration de la Constitution du 27 octobre 1946, puisque figure dans son
préambule la phrase suivante : « Fidèle à sa mission traditionnelle, la France
entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de
s'administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires ;
écartant tout système de colonisation fondé sur l'arbitraire, elle garantit à
tous l'égal accès aux fonctions publiques et l'exercice individuel ou collectif
des droits et libertés proclamés ou confirmés. »
Il est déroutant de relever que les problèmes dont j'avais fait état lors de
l'examen du projet de loi de finances pour 1997 demeurent d'actualité. J'avais
indiqué, à cette occasion, que les limites du système départemental étaient
atteintes, ce dernier n'étant plus à même de résoudre nos difficultés. Je le
réaffirme solennellement aujourd'hui : il faut repenser l'outre-mer !
Repenser l'outre-mer, c'est, en premier lieu, cesser de miser sur la
départementalisation, dont les effets économiques se font toujours attendre, le
grand décollage promis n'ayant jamais été réalisé.
Repenser l'outre-mer, c'est aussi, et surtout, mettre un terme à l'adoption de
textes dits d'adaptation à l'outre-mer, alors qu'il convient de créer une
législation propre à ces départements.
C'est bien ce à quoi nous nous sommes engagés dès 1982 avec la loi relative
aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, dite «
loi Defferre », laquelle loi n'a pas encore atteint ses limites, comme la loi
d'assimilation de 1946.
Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque le projet de loi d'habilitation
que le Gouvernement nous propose d'étudier prochainement prévoit que, par
ordonnances, des adaptations ou des modifications législatives pourront être
prévues, il importe que vous nous précisiez si notre Haute Assemblée pourra
connaître leurs contenus au moment de la discussion.
Il faut cependant admettre que ce procédé ne permet pas de prendre la juste
mesure de l'ensemble des difficultés auxquelles sont confrontés les
départements d'outre-mer.
Comprenez mon inquiétude et celle de nombreux élus - mais, par votre réponse,
vous saurez nous rassurer - car, légiférer par ordonnances et dans des domaines
aussi larges et variés que le droit civil, le droit du travail ou, plus grave
encore, le droit pénal, suscite des inquiétudes chez ceux qui ont des comptes à
rendre à leurs mandants.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans la lettre que vous avez adressée à M.
Merle, inspecteur général de l'agriculture, définissant le contenu de sa
mission, vous indiquiez que « seule une stratégie de développement de
l'ensemble de la Guyane, traduite dans un plan d'actions qui inspirera
l'intervention de l'Etat, des collectivités locales et du secteur privé,
permettra de retrouver confiance en l'avenir ».
Je partage cet objectif et souhaite m'associer à la réflexion que vous mènerez
sur la base du rapport qu'il vous a remis en octobre dernier.
Les difficultés qu'il recense sont si nombreuses qu'il m'est impossible de
vous faire part de mes observations sur chacune d'entre elles. Aussi
m'attacherai-je à attirer votre attention sur les aspects les plus préoccupants
de la situation guyanaise que sont l'emploi, l'économie, la fiscalité et
l'aménagement du territoire, et à vous proposer les solutions possibles.
En ce qui concerne l'emploi, je suis effrayé par la croissance endémique du
taux de chômage dans les départements d'outre-mer, qui frôle aujourd'hui les 40
% à la Réunion et oscille entre 25 % et 30 % dans les départements français
d'Amérique, les DFA.
Il faut reconnaître que les actions menées par le FEDOM commencent à porter
leurs fruits, puisque, toutes confondues, elles ont permis la conclusion
d'environ soixante contrats de différentes natures : les contrats d'accès à
l'emploi, les CAE, les contrats d'insertion par l'activité, les CIA, ou les
contrats emploi-solidarité, les CES.
Cela étant, il convient impérativement de poursuivre les efforts entrepris,
afin que les actuelles aides à l'insertion soient reconverties par la suite en
emplois durables. Parallèlement, ces nouveaux emplois devront accompagner un
redéveloppement du tissu économique, c'est-à-dire ne pas être uniquement
envisagés sous un aspect d'utilité sociale.
Dans le même esprit, j'ai relevé qu'un crédit supplémentaire de 300 millions
de francs était attribué au FEDOM, dans le cadre de la loi relative au
développement d'activités pour l'emploi des jeunes.
Je m'interroge fortement sur l'utilisation qui sera réservée à ces crédits.
Lors de l'adoption de cette loi, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de
la solidarité, nous a appris que, d'une part, ces postes seraient constitués
d'emplois dits « de proximité » et que, d'autre part, ils proviendraient de
l'émergence de nouveaux besoins, en adéquation avec la société actuelle.
Pourquoi chercher à créer des postes innovants alors que les agents de la
fonction publique guyanaise ne seront, en tout état de cause, jamais assez
nombreux pour remplir les missions qui leur sont confiées ?
La Guyane n'a pas de nouveaux besoins. En revanche, les besoins courants, et
donc anciens, qui peuvent paraître satisfaits en métropole, ne le sont toujours
pas en Guyane.
Pour ne parler que de la fonction publique, je rappelle que la Guyane manque
d'enseignants, de médecins, de magistrats, d'inspecteurs du travail, et j'en
passe. Ces besoins ne sont pas nouveaux. Il s'agit d'une raison supplémentaire
pour qu'il leur soit donné satisfaction dans les meilleurs délais.
En ce qui concerne l'emploi dans le secteur privé, il est illusoire de penser
aboutir à un quelconque résultat tant que des mesures exceptionnelles en faveur
des entreprises ne seront pas adoptées.
La priorité de l'Etat doit consister dans le redémarrage de l'économie
outre-mer, sans lequel toute croissance, et donc toute création d'emplois, ne
pourrait être envisagée.
Alors que nous étions en Guyane avec le Président de la République, je suivais
avec attention les travaux de notre Haute Assemblée. Qu'il me soit permis de
remercier les collègues, particulièrement M. Lagourgue, qui se sont exprimés à
l'occasion de la discussion de l'article 14 de la première partie du projet de
loi de finances pour 1998.
Sans vouloir engager la discussion sur le terrain bien trop instable des
avantages fiscaux, je regrette néanmoins le raisonnement, que je qualifierai de
« purement métropolitain », qu'ont suivi nos collègues de l'Assemblée
nationale.
L'amendement adopté par les députés en première lecture a supprimé certains
avantages fiscaux nés de la loi Pons, au seul motif qu'ils constituaient des
dérogations prétendument inacceptables aux yeux du droit fiscal commun. En
agissant de la sorte, l'Assemblée nationale n'a tenu aucun compte de la
spécificité de l'outre-mer, et c'est précisément ce point qui me choque.
Mes chers collègues, si l'on veut favoriser le développement des départements
d'outre-mer, il faut s'en donner les moyens. Les mesures à prendre doivent être
radicales. L'urgence est telle qu'il n'est plus permis de tergiverser en
s'interrogeant sur le bien-fondé de telle ou telle disposition, parce qu'elle
porterait ou non atteinte à l'égalité des concitoyens devant les charges
fiscales.
J'ai un profond respect pour la démocratie et c'est la raison pour laquelle je
suis, moi aussi, attaché à ce principe d'égalité. Néanmoins, permettez-moi de
poursuivre en vous rappelant qu'aucune des données socio-économiques de la
Guyane ne permet d'affirmer qu'il s'agit d'un département dont les habitants
bénéficient de conditions de vie analogues à celles que l'on rencontre en
métropole.
L'égalité consiste à donner des moyens aux départements d'outre-mer pour
assurer à ceux qui vivent dans ceux-ci un train de vie décent.
Mes chers collègues, je juge inacceptable, comme bon nombre d'entre vous, que
les excès du principe de défiscalisation puissent conduire certains à
s'enrichir de façon importante. Mais, pour autant, peut-on empêcher, pour ce
motif, l'émergence de projets créateurs d'emplois ?
Nos concurrents immédiats de la Caraïbe ou de l'océan Indien ont parfaitement
pris conscience de l'impérieuse nécessité de mettre en place des régimes
fiscaux avantageux pour favoriser le développement des investissements.
C'est ainsi que, dans ces pays, les investisseurs bénéficient d'exonérations
d'impôt sur les bénéfices pendant quinze ans, et ce alors que les salaires sont
dix fois moins élevés que ceux des départements d'outre-mer. Sans être un
partisan de l'ultra-libéralisme tant dénoncé, je me demande par quel miracle
nous parvenons à survivre malgré la concurrence féroce qui nous entoure.
Pour l'exemple, retenons que ces dispositions fiscales avantageuses procurent,
dans le secteur hôtelier, à Saint-Domingue ou à l'île Maurice, une rentabilité
sur les investissements d'environ 20 % à 25 %, contre 5 % à 6 % dans les
départements et territoires d'outre-mer, hors avantages fiscaux.
Aucune entreprise économique ne pourra désormais aboutir si elle ne
s'accompagne pas de mesures radicales qui permettront d'assurer la relance tant
attendue.
L'urgence de la situation doit au moins conduire au maintien des mesures de
défiscalisation des déficits d'investissement et des intérêts d'emprunts des
entreprises. Puisse l'Assemblée nationale, dans sa sagesse, ne pas y porter
atteinte, grâce au concours que vous nous apporterez, monsieur le secrétaire
d'Etat !
Le système bancaire en Guyane est aujourd'hui défaillant, ce qui a provoqué
une dégradation très nette du tissu économique local : baisse de plus de 40 %
de la commande publique en trois ans, multiplication des faillites et des
dépôts de bilan, apparition d'une économie parallèle.
Par ailleurs, l'environnement financier local est plus que mauvais : 600
millions de francs de pertes cumulées en 1995 ; récapitalisation de la BNP à
300 millions de francs et de la Société financière pour le développement
économique de la Guyane, la SOFIDEG à 81 millions de francs ; 45 % de l'encours
classé en douteux ; taux d'intérêt pratiqué en Guyane proche du taux d'usure et
exclusion des entreprises locales du système financier.
Pour résoudre ces difficultés et apporter un souffle nouveau à la relance du
développement économique, la plus importante et la plus urgente des mesures est
la création d'une véritable banque de développement. L'émergence de cette
banque est prioritaire.
Un très large consensus local existe à ce sujet ; les élus ont pris conscience
de cet impératif, le monde économique le réclame et la situation de notre
environnement bancaire nous l'impose.
Monsieur le secrétaire d'Etat, notre appartenance à la France et à l'Europe
nous oblige à vous demander d'engager la procédure pour promouvoir la création
d'un fonds commun de placement à risque pour accompagner notre développement en
matière d'accès aux marchés financiers, de politique de taux d'intérêt,
d'accompagnement et de suivi des entreprises, de capital-risque européen,
appelé EUROFIN, et de financement de la coopération régionale.
Par ailleurs, il importe que soit transformé le statut actuel de la SOFIDEG en
statut de banque de plein exercice et de banque de développement, puisqu'elle
est adossée à la Caisse française de développement, la CFD, un peu à l'instar
de la société de crédit et de développement de l'Océanie, la SOCREDO, et de la
banque pour le commerce et l'industrie, la BNCI.
Je vous sais, monsieur le secrétaire d'Etat, sensible à la situation précaire
de la santé en Guyane. C'est pourquoi il me faut rappeler maintenant que la
gravité de la situation sanitaire exige non seulement des actions
exceptionnelles, mais aussi des financements exceptionnels.
En effet, l'application des lois de décentralisation a créé des inégalités
devant la santé entre les populations résidant dans les trois centres urbains
et les autres. L'exécutif départemental s'était alors engagé dans une politique
d'accès aux soins et avait repris à sa charge les structures de médecine
collective exerçant des activités curatives.
Aujourd'hui, la sécurité sanitaire n'est plus assurée. Il est temps que l'Etat
exerce pleinement ses compétences en matière de santé publique.
Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d'Etat, que, pour le département de
la Guyane, la compensation financière en matière d'aide médicale n'a jamais été
remboursée par l'Etat et que aujourd'hui, ce département accuse un manque à
gagner de 640 millions de francs.
Il serait souhaitable que vous donniez des instructions à la prochaine mission
de l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, qui séjournera en
Guyane, du 10 au 20 décembre, pour trouver une solution à ce dossier.
Je disais, au début de mon propos, que l'égalité consiste à donner des moyens
aux départements d'outre-mer pour assurer à ceux qui vivent dans ceux-ci un
train de vie décent.
Comment peut-on laisser perdurer la discrimination insoutenable qui existe en
matière de pensions de retraite entre les Réunionnais, d'une part, et les
Guadeloupéens, les Guyanais et les Martiniquais, d'autre part ?
En effet, les fonctionnaires réunionnais qui partent à la retraite conservent
l'indemnité de vie chère de 53 % alors que les fonctionnaires guadeloupéens,
guyanais et martiniquais, pour qui elle n'était que de 40 %, la perdent.
J'attends de vous, monsieur le secrétaire d'Etat, une réponse claire et précise
sur la fin de cette inégalité. Monsieur le secrétaire d'Etat, il me plaît ce
soir, s'agissant des dotations décentralisées pour l'outre-mer, de vous dire
après l'avoir indiqué à MM. Louis Le Pensec, Dominique Perben et Jean-Jacques
de Peretti qu'il est urgent de donner à l'outre-mer sa juste part.
Nous réclamons cette mise à niveau au nom de l'équité. Il faut sortir du
système des quotas et donner les sommes qui correspondent par l'application
stricte de la loi. Je vous renvoie à l'excellent rapport réalisé par les
services de M. le ministre en charge des collectivités locales de l'époque,
Daniel Hoeffel, et M. Merle, d'ailleurs, dans son rapport a pris en compte la
solution qu'ils préconisaient. Nous attendons de vous des réponses à ce
sujet.
Notre excellent collègue, M. du Luart, rapporteur spécial, n'a pas manqué de
souligner la poursuite du déclin du FIDOM, dont les crédits de paiement sont en
baisse de 50 %, pour s'établir, en 1998, à 15 millions de francs.
S'il est vrai que la diminution de ces crédits résulte de la disparition de la
section décentralisée du FIDOM, il importe de rappeler ici que cette
disparition a occasionné, pour les collectivités départementales et régionales
d'outre-mer, un manque à gagner significatif dans le financement des actions de
contrats de plan ou de concours financiers aux collectivités communales.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, il importe de rétablir dans les
meilleurs délais la part à laquelle ont droit les collectivités d'outre-mer, ne
serait-ce que par l'application de la loi d'orientation pour l'aménagement et
le développement du territoire.
Je reconnais toutefois que cette loi d'orientation, pour importantes que
soient les dispositions qu'elle instaure, ne trouve pas son plein effet,
notamment du point de vue de la « géographique » prioritaire dans les
départements d'outre-mer.
Aucune zone d'aménagement du territoire n'est définie dans les départements
d'outre-mer et l'application de critères nationaux inadaptés y rend quasi
inexistantes les zones de revitalisation rurale au sein des territoires ruraux
de développement prioritaire.
Il convient dès lors, monsieur le secrétaire d'Etat, de ne pas attendre le
mois de juin 1998, comme l'a déclaré au Sénat le 3 décembre dernier M.
Chevènement, ministre de l'intérieur, pour examiner le projet de loi sur
l'aménagement du territoire préparé par Mme Voynet. Il serait préférable
d'adopter une loi spécifique pour l'outre-mer.
Ainsi sera reconnu le caractère de zone prioritaire ultrapériphérique à chaque
département d'outre-mer dans l'esprit de la zone d'aménagement du
territoire.
Dès lors, monsieur le secrétaire d'Etat, il devient impératif d'engager le
Parlement à adopter dans les meilleurs délais des dispositions particulières,
sans oublier les financements y afférents.
S'agissant des infrastructures de transport en Guyane, il est inscrit, dans le
projet de loi de finances pour 1998, 15,97 millions de francs en autorisations
de programme et 18,47 millions de francs en crédits de paiement. Si le montant
des autorisations de programme est satisfaisant puisqu'il intègre
l'accélération de la construction de la route Régina - Saint-Georges, celui des
crédits de paiement reste très inférieur à nos besoins.
En effet, même si nous terminerons l'année 1997 avec un reliquat, reportable,
de 2,7 millions de francs en raison du premier appel d'offres infructueux sur
le quai A du Larivot, et malgré l'inscription d'une rallonge de 5 millions de
francs dans le projet de loi de finances rectificative pour 1997, deux gros
chantiers mobiliseront 40 millions de francs environ en 1998.
Il s'agit de la reconstruction du quai A du Larivot, à concurrence de 26
millions de francs en tranche ferme et de 31 millions de francs avec la tranche
conditionnelle, d'une part, et de la poursuite de la construction de la route
Régina - Saint-Georges, d'autre part.
La réalisation des travaux des abords de l'aérogare de Rochambeau et la
poursuite des travaux du doublement de la section Balata - Maringouins
nécessiteraient également des crédits complémentaires.
Ainsi, il faudrait 15 millions de francs de crédits de paiement
complémentaires par rapport au projet de loi de finances. Il conviendrait
d'abonder le chapitre 58-01, en portant ce montant à 31 millions de francs.
Toute autre décision nous conduira à ralentir certains chantiers et à prendre
du retard au regard des objectifs du contrat de plan et du plan de relance.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite que vous puissiez disposer des
moyens nécessaires pour la mise en oeuvre de ces solutions. Dans cette attente,
la majorité des membres du Rassemblement démocratique social et européen et
moi-même voterons les crédits du budget de l'outre-mer.
(M. Rodophe Désiré applaudit.)
M. le président.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous examinons aujourd'hui le budget de l'outre-mer. Pour 1998, celui-ci
s'élève à 5,2 milliards de francs, soit une augmentation de 7,3 % par rapport à
la loi de finances initiale pour 1997.
S'agissant des quatre départements d'outre-mer, je formulerai deux remarques :
la première a trait à la situation économique et sociale, et la seconde aux
institutions.
Le chômage continue de s'aggraver dans les quatre départements d'outre-mer
avec une forte proportion de jeunes touchés. Mon collègue Paul Vergès évoquera
plus précisément les problèmes de la Réunion. Pour les autres départements, la
situation dramatique du chômage, la précarité, la pénurie de logements sociaux
et les difficultés d'insertion beaucoup plus grandes qu'en métropole entraînent
un développement de la drogue, de la violence, de la délinquance et de
l'insécurité qui peut, de nouveau, déboucher sur une explosion sociale.
Face à la gravité de la situation, des mesures d'urgence sont à prendre.
Pouvez-vous nous apporter, monsieur le secrétaire d'Etat, des précisions sur
ces points ?
Nous constatons avec satisfaction que les crédits du fonds pour l'emploi
augmentent sensiblement dans les quatre départements d'outre-mer. La part
représentée par le plan emploi-jeunes y est importante.
Nous souhaiterions que toutes les décisions prises en faveur de l'emploi
soient contrôlées et évaluées quant à leur efficacité, en particulier par les
représentants des départements d'outre-mer eux-mêmes. Quelles mesures concrètes
envisagez-vous pour effectuer ce suivi régulier ?
De même, il serait utile de connaître et de faire connaître toutes les
conséquences de la défiscalisation mise en place par la loi Pons.
Lors du récent voyage présidentiel, les jeunes Guyanais, confrontés à toutes
les difficultés déjà évoquées précédemment, ont exigé des réponses
concrètes.
Le mouvement de novembre 1996 a abouti notamment à l'obtention d'un rectorat ;
où en est la réalisation ? Par ailleurs, les démocrates guyanais ont souligné
avec raison l'héritage colonial, qui fait que 90 % de leur territoire est
propriété de l'Etat français ; n'est-il pas temps d'y mettre fin ? Les
populations « domiennes » sont attentives à la parole donnée : si celle-ci
n'était pas respectée, la révolte gronderait à court terme.
La réponse à cette urgence passe aussi par une modification statutaire des
liens des départements d'outre-mer avec la métropole et l'Union européenne.
En finir avec la double assemblée là où la demande est faite, comme aux
Antilles, définir pour chacun des départements d'outre-mer un statut spécifique
fondé sur la responsabilisation des citoyens, voilà des orientations qui
rompraient avec les habitudes historiques selon lesquelles les décisions
essentielles sont encore prises à Paris ou par les hauts fonctionnaires envoyés
par Paris.
Les « Domiens » doivent décider eux-mêmes de ce qu'ils souhaitent, en fonction
de leurs spécificités culturelles, de leur histoire, de leur position
géographique et de leurs atouts économiques.
Un véritable plan de développement économique durable garantissant les
intérêts de chacun doit être mis en oeuvre. L'emploi en dépend.
A cet égard, je ne peux manquer de mentionner l'un des problèmes, celui de la
banane, qui constitue une question vitale pour les Antilles.
L'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, à la suite d'une plainte des
Etats-Unis, a rejeté, en septembre dernier, l'appel, introduit par l'Union
européenne, contre l'une de ses décisions déclarant le régime communautaire du
marché de la banane incompatible avec les règles du commerce mondial. Cette
décision est grave.
La France et l'Union européenne doivent défendre les intérêts des producteurs
de banane des Canaries, de la Guadeloupe, de la Martinique et des Etats
d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique liés à l'Union par des accords
préférentiels.
En effet, dans ces régions, notamment en Martinique et en Guadeloupe, la
banane constitue un instrument essentiel de la survie économique.
Que compte faire la France, monsieur le secrétaire d'Etat, pour aboutir à la
révision des mécanismes de l'OMC et de ses procédures de règlement des
différends ? Il importe, en effet, de mieux prendre en compte les questions
sociales, sanitaires, culturelles et environnementales et d'éviter le
renforcement de l'hégémonie des Etats-Unis.
Je souhaite, avant de conclure, formuler deux remarques quant aux territoires
d'outre-mer.
Tout d'abord, le récent cyclone ayant fait d'importants dégâts sur les
habitations et sur les cultures en Polynésie française, quelles aides le
Gouvernement français entend-il apporter aux populations concernées, pour la
reconstruction de maisons et d'infrastructures résistant, cette fois-ci, à la
violence des cyclones ? Et quelles aides plus générales sur le plan économique
envisage-t-il d'allouer en matière de développement ?
Enfin, je veux parler de la Nouvelle-Calédonie.
Le 1er mars prochain, conformément aux accords de Matignon, s'ouvrira la
période durant laquelle doit s'organiser un scrutin d'autodétermination.
Le rééquilibrage économique entre le nord et le sud du territoire reste à
réaliser. La construction, dans le nord de l'île, d'une usine de transformation
du nickel, principale richesse de l'île, par la Société minière du
Sud-Pacifique, la SMSP, participerait de ce rééquilibrage entre les deux
provinces.
Un accord de principe semblait avoir été obtenu entre le groupe Eramet et la
SMSP, associée au canadien Falconbridge, mais les toutes dernières informations
qui nous sont parvenues indiquent qu'il n'en est rien, et que le blocage
subsiste.
Il nous semble nécessaire que le Gouvernement intervienne au plus vite pour la
réalisation de l'accord sur le gisement minier de la province Nord, permettant
ainsi la reprise du dialogue avec les représentants du peuple kanak,
c'est-à-dire le Front de libération nationale kanak et socialiste. En effet,
c'est avec lui que peut s'ouvrir, dans la perspective d'une souveraineté
retrouvée, un avenir de paix et d'étroite coopération avec la France.
Donnons en 1998, année de la célébration du cent cinquantième anniversaire de
l'abolition de l'esclavage, des signes forts pour que les peuples d'outre-mer
affirment leur identité et assument leur plein développement.
Les parlementaires de mon groupe vous soutiendront dans ce choix, monsieur le
secrétaire d'Etat, et ils voteront votre projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Loueckhote.
M. Simon Loueckhote.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
rarement les parlementaires de l'outre-mer auront été aussi solidaires, aussi
soudés que depuis l'examen du projet de loi de finances pour 1998, et notamment
sur la loi de défiscalisation dite « loi Pons ». C'est vous dire, monsieur le
secrétaire d'Etat, que le Gouvernement surfe ici sur un domaine très sensible
qui touche directement à l'avenir de l'outre-mer français.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les déclarations du ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie, relayées par certains parlementaires de la
majorité, parmi lesquels le président de la commission des finances de
l'Assemblée nationale, et qui traduisent la volonté du Gouvernement de
supprimer la loi de défiscalisation, nous inquiètent.
Chacun connaît aujourd'hui les effets positifs de la loi Pons. Vous ne pouvez
ignorer que la Nouvelle-Calédonie, territoire que je connais bien pour en être
l'un des parlementaires, a connu, depuis l'instauration de cette loi, et plus
particulièrement depuis la signature des accords de Matignon, un essor sans
précédent.
La loi Pons va permettre prochainement la réalisation, pour 700 millions de
francs français, d'un programme d'habitat social dans les communes de Païta,
Dumbéa et Mont-Doré, ce qui va permettre de donner du travail, de faire vivre
ainsi plusieurs familles pendant au moins trois ou quatre ans et de résorber
une grande partie de l'habitat insalubre.
Les provinces nées des accords de Matignon ne pourront véritablement réussir
leur mission que grâce aux moyens supplémentaires apportés par cette loi.
Imaginez seulement que dans la province des îles Loyauté, dont je suis l'un
des vice-présidents, habitée par 95 % de Mélanésiens, avec une structure et une
organisation sociale bien différente de ce que l'on connaît habituellement,
aucun investissement privé ne peut être fait. Seule la loi Pons permet de
contourner cette réalité.
Le développement des territoires d'outre-mer est tel que même le Premier
ministre des îles Cook, président en exercice du Forum du Pacifique,
organisation régionale qui ne porte pas particulièrement la France dans son
coeur, saluait voilà quelques jours, à Nouméa, alors que, avec d'autres pays de
la région, il tentait de renégocier l'étalement de sa dette avec la Banque
asiatique de développement, les efforts faits par la France pour le
développement de ses territoires. Il allait même jusqu'à classer la
Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française parmi les territoires les plus
avancés dans le Pacifique, hormis l'Australie et la Nouvelle-Zélande,
lesquelles sont d'ailleurs très agréablement surprises par le niveau de
développement de ces territoires. Un institut universitaire de recherche
hawaïen vient de formuler les mêmes observations.
Non, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'image de notre
pays, l'image de la France ne saurait souffrir de cette insuffisance.
Plutôt que de parler de niches fiscales, ne devrait-on pas, monsieur le
secrétaire d'Etat, parler de plus de solidarité nationale ?
Oui, monsieur le secrétaire d'Etat, vous trouverez auprès de vous les
parlementaires de l'outre-mer pour réaliser une vraie moralisation du
dispositif de défiscalisation. Sous le vocable « moralisation », il ne faudrait
pas que le Gouvernement tente de feinter la représentation nationale.
N'entretenez pas ce sentiment, qui grandit chez nous, d'un désintérêt total de
l'outre-mer par l'actuel gouvernement et par la majorité qui le soutient.
Jacques Chirac, alors Premier ministre en 1986, avait fait du secrétariat
d'Etat un ministère de plein exercice. Il marquait par là son attachement à
l'outre-mer et tout l'intérêt qu'il lui porte. Tous les gouvernements qui ont
suivi ont marqué également l'intérêt qu'ils portaient à l'outre-mer en
conservant les pleins pouvoirs au ministère. Depuis l'arrivée de M. Jospin à
Matignon, l'outre-mer est, me semble-t-il, revenu plus de dix ans en arrière.
(Exclamations sur les travées du groupe communiste républicains et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
Il est redevenu un secrétariat
d'Etat sous la tutelle du ministère de l'intérieur.
Veillez à ce que le Gouvernement n'aille pas plus vite que la musique sur un
dossier aussi sensible que celui de la Nouvelle-Calédonie.
Dans le projet de loi d'habilitation qui sera examiné prochainement, il n'est
pas fait mention de l'organisation d'un scrutin d'autodétermination en
Nouvelle-Calédonie l'année prochaine, et je crains que certaines questions qui
seront au coeur des discussions qui s'ouvriront bientôt sur l'avenir de notre
territoire ne soient réglées par voie d'ordonnance, sans aucune
concertation.
Comme la France, la Nouvelle-Calédonie est une terre d'accueil et
d'hospitalité. L'arrivée récente de cent dix
boat people
chinois nous
rappelle que la question de l'immigration est à l'ordre du jour là-bas comme
elle est d'actualité ici.
A ce sujet, la légèreté avec laquelle la surveillance et le contrôle de nos
eaux et de nos frontières ont été assurés commande que notre coopération avec
nos voisins soit renforcée, voire plus rigoureuse.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
jamais l'avenir de la Nouvelle-Calédonie n'aura été aussi lié à celui de la
France. Que la Haute Assemblée soit encore plus qu'avant la gardienne de
l'unité du territoire national et de la solidarité entre les citoyens !
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Millaud.
(En gagnant la tribune, l'orateur remet un document à M. le secrétaire
d'Etat.)
M. Daniel Millaud.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat à l'outre-mer auprès du
ministre de l'intérieur, mes chers collègues, je veux, au début de mon propos,
féliciter les rapporteurs qui ont, avec talent, traité de ce que j'appelle « un
modeste petit budget de l'outre-mer », ce qui explique, sans doute, la présence
de beaucoup de nos collègues, ce soir.
Je vous dirai aussi mon étonnement sur le changement d'affectation
ministérielle de l'outre-mer, intégré dans un giron jacobin, en l'occurrence
celui du ministère de l'intérieur.
S'agit-il du grand principe philosophique de la République une et indivisible
? Ou bien s'agit-il d'une réaction politique face à l'ultrapériphéricité d'une
grande partie de l'outre-mer français, notion concrétisée par Amsterdam, tandis
que les territoires d'outre-mer seront préparés, jusqu'au siècle prochain, au
mariage entre la conception administrative de l'autonomie constitutionnelle et
l'association à l'Union européenne, c'est-à-dire l'annexion déguisée, en
gestation depuis quarante ans dans les ministères parisiens ?
N'eût-il pas été plus pragmatique, puisque les locataires de la rue Oudinot
semblent condamnés à avoir seulement connaissance des crédits de l'Etat
attribués à l'outre-mer, dont 10 % sont gérés par le secrétaire d'Etat, de
rattacher celui-ci à la rue de Bercy ? Cela aurait permis un meilleur contrôle
des interventions des ministères dits techniques.
En effet, il n'est pas facile de déterminer la variation et du montant des
crédits attribués à mon territoire et du bilan de son exécution, malgré le
document baptisé « jaune » qui traite du budget en cours d'exécution et du
projet de l'année suivante, en précisant le total des crédits affectés, en
principe, par chaque ministère, à chaque territoire.
Ainsi, en ce qui concerne la Polynésie française - je vais vous donner des
chiffres en francs français, et non en francs du Comptoir français du Pacifique
- alors qu'il était prévu, pour 1997, 5 323 905 000 francs, on constate, pour
1998, une proposition de 5 283 985 000 francs, soit une baisse de 0,74 %.
Peut-être les cyclones feront-ils remonter la balance ! Quoi qu'il en soit, il
serait intéressant que le « jaune » donne également les comptes définitifs des
deux budgets précédant le budget en cours, ce qui permettrait une approche
objective de l'évolution de la participation effective de chacun des ministères
concernés et le contrôle sur le terrain.
En effet, je comprends mieux, aujourd'hui, pourquoi on a pu nous appeler les «
danseuses de l'Empire »
(Sourires)
quand je constate le « tango » du montant des crédits
dépensés dans mon territoire par l'Etat, qui est le chef d'orchestre virtuose
en la matière.
C'est ainsi que les services du haut-commissariat précisent, le 28 avril 1997,
que ces dépenses se sont élevées, en 1995, à 6 877 450 683 francs et, en 1996,
à 6 807 590 640 francs, soit une diminution de 1,01 %. Par ailleurs, il est
expliqué que, en 1996, une partie de ces dépenses, soit 941 836 560 francs, ont
été mandatées en France et concerneraient surtout les traitements des
militaires.
En revanche, l'Institut territorial de la statistique, qui établit le montant
des dépenses de l'Etat mandatées en Polynésie française et communiquées par les
services du Trésor, relève, pour 1995, 4 762 010 000 francs et, pour 1996, un
total de 5 076 665 000 francs. Il faut également savoir que le « jaune »
affichait comme dépenses, en 1995, 5 043 672 000 francs et, en 1996, 5 320 433
000 francs.
Bien entendu, je me passerai de commentaires.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, l'examen, toujours dans le «
jaune », de la section « défense » relative à la Polynésie française fait
apparaître, pour 1998, en dépenses ordinaires et crédits de paiement, un crédit
de 1 208 821 000 francs et un montant de 40 398 000 francs en autorisations de
programmes. En 1997, les crédits prévus étaient respectivement de 1 529 385 000
francs et 56 084 000 francs. Il faut savoir que les dépenses réalisées se sont
élevées à 1 615 952 000 francs en 1994, à 1 580 047 000 francs en 1995 et à 1
573 912 000 francs en 1996, toujours d'après le « jaune ».
Alors, peut-on savoir où se cachent les 990 millions de francs prévus
annuellement, pendant dix ans, par la convention pour le renforcement
économique de la Polynésie française, signée le 25 juillet 1996 ? Peut-être
s'agit-il d'un « secret défense » camouflant la diminution régulière des
crédits ?
(Sourires.)
Mais n'avez-vous pas, monsieur le secrétaire d'Etat, une mission de
contrôle de l'attribution des fonds publics et de la transparence de leur
utilisation ?
C'est ainsi que je m'étais inquiété de l'application, par mon territoire, du
3° de l'annexe de la loi d'orientation n° 94-99, qui précise que l'appui
technique et financier de l'Etat doit notamment permettre de « maîtriser la
croissance démographique et assurer un développement harmonieux de la cellule
"familiale" ».
Vous devez savoir que l'assemblée de Polynésie française a adopté des
délibérations organisant officiellement des centres de planning familial, sous
responsabilité médicale, permettant la distribution de pilules
anticontraceptives, notamment aux mineures qui sont des femmes en détresse. Il
ne faut pas oublier que, si le dernier recensement note une diminution de la
natalité, la proportion des avortements, en majorité clandestins, représente
trois quarts des naissances, ce qui est un drame pour les femmes appartenant
aux classes sociales défavorisées, car l'interruption volontaire de grossesse
n'est toujours pas prise en charge par les services sanitaires et sociaux.
L'objectif du « développement harmonieux de la cellule familiale » n'est donc
pas encore atteint, trop d'enfants étant abandonnés à eux-mêmes, et certains
étant même vendus. Quant aux jeunes adultes, ils se heurtent au problème de
l'emploi et quittent souvent les îles pour venir à Tahiti, où le taux de
chômage ainsi que la délinquance juvénile augmentent.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ne serait-il pas opportun de rappeler que la
Communauté européenne, ou l'Union européenne - je ne sais plus comment
l'appeler !
(Sourires)
- doit participer sérieusement à la réalisation des objectifs
prévus dans la quatrième partie du traité, à savoir que « l'association doit,
en premier lieu, permettre de favoriser les intérêts des habitants de ces pays
et territoires et leur prospérité, de manière à les conduire au développement
économique, social et culturel qu'ils attendent » ?
Or, il y a eu une totale méconnaissance de ces principes de base par les
gouvernements qui se sont succédé.
Par désinvolture, et malgré la constitution de 1946, c'est la commission
permanente, et non l'assemblée territoriale de Polynésie, qui a été consultée
sur les dispositions du traité de Rome.
Par ignorance - les documents communautaires officiels non rectifiés à ce jour
le prouvent - en 1957, Wallis et Futuna auraient fait partie des établissements
français de l'Océanie.
Mais l'événement le plus troublant dans l'histoire de la quatrième partie du
traité est le détournement de la première convention d'association prise en
vertu de l'article 136 et publiée au
Journal officiel
de la République
française du 2 février 1958. En effet, l'article 16 précise que « les
dispositions prévues aux articles 1 à 8 inclus de la présente convention sont
applicables à l'Algérie et aux départements français d'outre-mer ». Ces huits
premiers articles concernaient le Fonds européen de développement, le FED, et
les principes de mise en place progressive du droit d'établissement des
ressortissants et sociétés des Etats membres étrangers. Bien entendu, pendant
plusieur années, le FED a été géré par la rue Oudinot, et les principaux
bénéficiaires en étaient les départements d'outre-mer. Peut-on savoir quelles
dérogations, quels avantages auront été le prix de la complicité des
partenaires de la France dans la violation de ce traité ?
Il faut également savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, que le montant du
FED, théoriquement fixé pour cinq ans, n'est jamais intégralement versé à cause
d'obligations incontournables, de l'impossibilité de surseoir à certaines
opérations que l'on ne peut modifier. De plus, ce montant pour cinq ans
représente au maximum le total des droits de douane non perçus sur les produits
étrangers européens importés dans une seule année. Lisez donc les pages 17 et
18 de l'avis du Conseil économique et social en date du 13 décembre 1978 - je
vous l'ai remis - dans lequel le rapporteur, M. Michel Souplet, dénonçait ces
pertes fiscales non compensées !
Mais la Polynésie française, elle, joue le jeu des relations économiques
prévues par le traité. C'est ainsi qu'en 1996 mon territoire a importé des
Etats membres étrangers de l'Union européenne pour 749 874 595 francs, alors
que ceux-ci n'ont acheté que 36 935 539 francs de nos produits.
Il m'a été également rapporté qu'un fonctionnaire français de Bruxelles aurait
menti, prétendant que le Gouvernement était d'accord pour la liberté de
circulation des travailleurs des Etats membres dans nos territoires d'outre-mer
! Avertis à temps, les ministères responsables ont étouffé cette affaire.
Paris comprendra-t-il que mon territoire ne peut attendre l'an 2000 pour
savoir si ses compétences, votées par le Parlement français, seront respectées,
comme pour d'autres territoires étrangers ? Il est incroyable que le
Gouvernement, à propos du droit d'établissement, signe un engagement de «
non-discrimination » et déclare ensuite qu'il ne peut être appliqué parce que
anticonstitutionnel !
Le territoire, et lui seul, doit conserver sa compétence pour autoriser les
étrangers, même européens, à exercer une activité en Polynésie. Bien sûr, nos
partenaires européens s'énervent.
Alors, on ne peut qu'être scandalisé quand le représentant de l'Etat dans mon
territoire écrit ceci au président du gouvernement de la Polynésie française :
« Les risques du prononcé d'une lourde astreinte, ou d'une somme forfaitaire,
par la Cour de justice à l'encontre de la France sont grands. Si cette
hypothèse se réalisait, le Gouvernement se verrait donc contraint de mettre à
la charge du territoire tout ou partie de la somme due à ce titre en réduisant
d'autant les dotations budgétaires qui lui sont allouées » !
Cette attitude est en parfaite contradiction avec ma question écrite n° 529 du
7 juillet 1988, dont la réponse est parue au
Journal officiel
n° 42 S
(Q) du jeudi 3 novembre 1988 - je vous en ai remis une copie, monsieur le
secrétaire d'Etat - et avec l'article 28 de la loi organique n° 96-312.
N'oubliez pas non plus, monsieur le secrétaire d'Etat, de mettre en parallèle
252 Européens résidant en Polynésie, 220 000 Polynésiens et 300, 400 ou 500
millions d'habitants en Europe.
Alors, puisqu'il va falloir des sous pour payer Bruxelles, en espérant quand
même que les engagements de l'Etat au bénéfice de mon territoire seront
financièrement respectés, que la loi Pons sera sauvée et que la solidarité
nationale se manifestera à la suite des cyclones, en attendant également la
pluie... des subventions européennes
(Sourires),
avec ERASMUS, SOCRATE, HIPPOCRATE - mais non, car j'ai prêté
le serment d'Hippocrate ! Cela doit donc plutôt être HYPOCRITE !
(Nouveaux sourires)
- que sais-je encore, je voterai votre projet de
budget, monsieur le secrétaire d'Etat à l'outre-mer auprès du ministère de
l'intérieur !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du
RPR. - M. Larifla applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Larifla.
M. Dominique Larifla.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en
1995 et en 1996, les projets de budget présentés par votre prédécesseur ont
soulevé de ma part de nombreuses critiques. En effet, en 1995, les
augmentations constatées étaient le produit du regroupement au titre de
l'outre-mer de crédits relevant antérieurement des ministères techniques. Il
s'agissait donc d'un trompe-l'oeil. L'année 1996 ne fut pas non plus une grande
année puisque les crédits de l'outre-mer connurent une diminution réelle.
Il convient donc aujourd'hui de saluer l'effort consenti par le Gouvernement
en faveur de nos départements et territoires. Cet effort s'inscrit tant dans
les chiffres que dans les actes. Je voterai donc ce projet de budget.
Mais que l'on se souvienne de ce vers d'Alfred de Musset : « Fille de la
douleur, Harmonie ! Harmonie... ». Il n'y a pas lieu d'orchestrer un concert de
louanges, les problèmes demeurent, les souffrances persistent.
Nous sommes tous en mesure d'égrener les statistiques catastrophiques qui
caractérisent nos pays. Les maux qui rongent nos économies et qui détruisent
les équilibres au sein de nos sociétés s'illustrent quotidiennement.
En 1998, la communauté française tout entière va célébrer avec ferveur le cent
cinquantième anniversaire de l'abolition de l'esclavage. Il faut que cet
événement marque la volonté de rompre définitivement avec toutes les séquelles
du passé.
Nous nous réjouissons des mesures prises en faveur de l'emploi des jeunes. Sur
ce point, notre satisfaction est double : ces mesures sont la traduction d'un
engagement pris, et le traitement réservé aux départements d'outre-mer marque
la volonté du Gouvernement d'accroître et de diversifier les moyens de la
politique de l'emploi dans nos régions.
Il n'en demeure pas moins que les départements d'outre-mer accusent un retard
au titre de leur développement. Ils ont besoin d'une impulsion forte de l'Etat
pour réduire le dualisme social qui a tendance à progresser, et ce d'autant
que, en Guadeloupe, les politiques menées au niveau régional n'ont en aucune
manière été à la hauteur des enjeux.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous attendons des signaux forts du
Gouvernement. Je me bornerai à indiquer quelques directions dans lesquelles il
me semble urgent de faire progresser les choses.
L'adaptation du cadre institutionnel est impérative tant il est clair qu'après
cinquante ans de départementalisation et quinze ans de décentralisation nous
percevons aujourd'hui les limites de ces aménagements aux plans tant
juridico-administratif que politique. A l'essor de la démocratie locale sur
l'ensemble du territoire de la République doit correspondre, dans nos
départements, l'adoption de solutions permettant plus de responsabilités au
plan local.
De lourdes menaces pèsent sur nos principales productions que sont la banane,
le sucre et le rhum. Il faut rechercher par le dialogue, notamment avec la
Commission européenne, des solutions définitives qui nous permettent de
résister aux tendances phagocytaires des organisations communes des marchés.
La filière canne occupe en Guadeloupe plus de 14 000 personnes. Nous ne
pouvons donc pas admettre le déclin de cette production. En de nombreuses
occasions, j'ai proposé des solutions viables aux plans tant technique que
financier en vue de la construction d'une sucrerie neuve.
L'Etat et son administration doivent se départir de leurs préjugés
économiques. Confier sur fonds publics à des intérêts privés l'entière
responsabilité d'une filière qui fait vivre des dizaines de milliers de
personnes, c'est prendre le risque de voir disparaître cette activité. Le bilan
des dernières campagnes sucrières nous conforte, hélas ! dans cette analyse.
Comme chaque année à pareille époque, la fièvre s'est manifestée à propos de
la défiscalisation. La loi fut adoptée à l'origine pour favoriser
l'investissement dans les départements d'outre-mer et pour permettre la
création d'emplois. C'est en théorie un outil puissant de développement. Mais,
depuis plus de dix ans, on constate chez nous que le tissu industriel s'est
appauvri et que les faillites d'entreprises artisanales se multiplient.
Certes, des entreprises ont modernisé leurs outils de production. Nous nous
félicitons aussi de la construction de l'aéroport international pour plus de
800 millions de francs ; dont 330 millions de francs en défiscalisation.
Mais la défiscalisation n'est point la panacée. Comment ne pas douter de la
contradiction entre cette injection massive d'argent et notre situation de plus
en plus dramatique sur le plan économique et social ?
Des abus ont été constatés et doivent être dénoncés, car, malheureusement, ce
sont les Guadeloupéens qui, collectivement, doivent aujourd'hui faire face aux
conséquences.
Nous devons combattre l'idée que la Guadeloupe est devenue un eldorado fiscal.
Notre économie ne saurait être fondée sur l'existence d'une rente
administrative qui empêche tout développement durable.
Nous devons surmonter les perversions du dispositif après onze ans de
défiscalisation : flambée des prix fonciers, frilosité des banques, surcapacité
hôtelière au détriment des petites structures locales. Il faut faire évoluer le
dispositif.
Un premier pas a été franchi, à l'Assemblée nationale, avec l'adoption d'un
amendement qui modifie sensiblement l'équilibre de la loi de défiscalisation et
qui va dans le sens d'une moralisation de la loi Pons. En effet, un des effets
pervers sera désormais contenu, grâce au principe de la tunnélisation. La
Guadeloupe a besoin d'un outil fiscal qui favorise l'investissement productif
et la création d'emplois durables. Sous cette forme, la défiscalisation
deviendrait un bon instrument pour l'économie guadeloupéenne.
Ainsi serions-nous en situation de résister à la concurrence des Etats
souverains de la zone caraïbe. Nous ne manquons pas d'atouts, notamment
technologiques et humains, pour nous permettre d'occuper le haut du pavé. C'est
le cas, notamment, dans le domaine du transport aérien.
Le consensus existe dans les départements français d'Amérique pour disposer
d'un pôle aérien français dans la Caraïbe capable de soutenir la concurrence
des compagnies anglo-saxonnes. Malheureusement, la compagnie Air Martinique
connaît des difficultés. Cependant, la récente décision du tribunal mixte de
commerce de Fort-de-France d'accorder au groupe Air Guadeloupe la cession de la
compagnie Air Martinique doit, dans la circonstance, être considérée comme une
véritable opportunité pour atteindre cet objectif. L'administration fiscale et
l'aviation civile doivent accompagner le mouvement par des mesures permettant
le renforcement du pavillon français.
Ainsi, dans un contexte d'espace économique antillais, le pôle
Martinique-Guadeloupe pourra maintenir une activité forte de plus de quatre
cents salariés.
Dans le domaine social, et plus particulièrement dans celui de la lutte contre
l'exclusion, la Guadeloupe est aussi en attente de signaux forts. Le mécanisme
de fonctionnement de l'agence départementale d'insertion est à reconsidérer.
Le logement demeure une préoccupation majeure. Je me félicite donc de
l'augmentation de 23 % des crédits de la ligne budgétaire unique, en 1998. Je
déplore cependant que la présentation par grandes masses ne permette pas
d'apprécier la part qui sera consacrée à mon département.
L'espérance de la population réside aussi dans l'égalité des chances.
L'éducation demeure, à ce titre, la meilleure des garanties. Aussi, le
Gouvernement se doit de poursuivre l'effort entrepris afin de doter notre
rectorat des moyens nécessaires à son plein exercice.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je conclurai mon
intervention en abordant un sujet de la plus extrême gravité. En Guadeloupe,
une vive inquiétude s'est exprimée au sujet de l'éventuel transfert de notre
centre de transfusion sanguine vers la Martinique.
Sans remettre en cause les restructurations menées par l'Agence française du
sang, il convient d'analyser avec précaution le cas de la Guadeloupe et de la
Martinique.
La Guadeloupe est un archipel. La Guadeloupe et la Martinique sont des régions
insulaires soumises à tous les risques naturels majeurs. Dans un tel contexte,
la concentration du plateau technique dans un seul de ces deux départements
expose les habitants de la Guadeloupe et de la Martinique au péril.
Je me réjouirais, monsieur le secrétaire d'Etat, si, sur cette question, vous
étiez en mesure de dissiper nos légitimes inquiétudes, car il s'agit d'un
problème majeur de santé public.
(Applaudissements sur les travées
socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Vergès.
M. Paul Vergès.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
comme chaque année, l'examen du budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer est
l'unique occasion d'un échange sur la situation des départements et territoires
concernés.
Compte tenu du temps qui nous est imparti et du cadre de cette discussion, ce
débat ne peut être que partiel et réducteur. C'est pourquoi nous souhaitons
qu'à l'instar de la décision récemment prise par l'Assemblée nationale un
véritable débat sur l'outre-mer puisse être également organisé devant la Haute
Assemblée, dès l'année prochaine.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Paul Vergès.
Les crédits pour 1998 en faveur des départements et collectivités
territoriales d'outre-mer, tous ministères confondus, sont en légère
augmentation et atteignent 37 milliards de francs, contre 35,9 milliards de
francs en 1997. Nous prenons acte de cette progression. C'est pourquoi nous
voterons ce budget, que nous considérons comme un budget d'attente.
Cette précision apportée, nous ne voulons entretenir aucune illusion : compte
tenu de nos retards accumulés et des conséquences de la progression
démographique, le décalage entre les crédits affectés et nos besoins réels ne
pourra que s'aggraver dans tous les domaines, notamment dans les secteurs
prioritaires de l'emploi, du logement et de l'enseignement.
A la Réunion, la progression constante du chômage traduit cette aggravation
régulière de la situation. Ainsi, le nombre officiel de demandeurs d'emploi
enregistrés au 30 septembre 1997 a franchi le seuil des 100 000 personnes, soit
une hausse de 7 % par rapport au 1er janvier. Selon les critères du ministère
de l'emploi et de la solidarité, le taux de chômage a atteint 43 % !
Si rien ne change, on se dirige tout droit vers le scénario catastrophe
décrit, en 1992, par le Commissariat général du Plan, selon lequel un actif sur
deux serait au chômage.
La situation de la Réunion étant exceptionnelle, elle appelle des mesures
exceptionnelles. Si la France comptait plus de 10 millions de chômeurs, quelles
seraient les mesures prises pour y faire face ?
Si nous devons nous garder de tout catastrophisme, qui mène à la résignation,
il nous faut éviter tout autant l'insouciance irresponsable. Or, durant les
prochaines années, la Réunion aura à relever un certain nombre de défis dans un
contexte de difficultés accrues.
On peut identifier trois séries de contraintes qui vont lourdement peser sur
notre situation. Elles ne nous laissent aucun sursis.
Je citerai d'abord la contrainte démographique, notre population devant
augmenter, d'ici à trente ans, de près de 50 %.
Je citerai, ensuite, la contrainte budgétaire. Avec la fin de la réalisation
de l'égalité sociale, la période récente de l'augmentation importante des
transferts publics alimentant la demande intérieure s'achève. Compte tenu du
contexte budgétaire national, les marges de manoeuvre financières risquent
désormais d'être très réduites.
Enfin, comme les autres régions insulaires particulièrement exposées, la
Réunion aura à anticiper et à gérer les conséquences découlant du réchauffement
climatique : c'est toute notre politique d'aménagement et de protection de
l'environnement qui devra être revue !
C'est dans ce contexte de difficultés accrues que nous aurons non seulement à
négocier le renouvellement du contrat de plan Etat-région et du plan de
développement régional avec l'Union européenne, mais aussi à faire face à
l'expiration du régime transitoire de l'octroi de mer et à défendre les
intérêts de la filière canne lors du prochain règlement sucrier.
Dans le même temps, l'évolution de certains éléments extérieurs ne sera pas
sans influence sur notre situation et sur tous ces dossiers. Je pense ici au
renouvellement de la convention de Lomé, à l'accord de libre-échange entre
l'Union européenne et l'Afrique du Sud, à l'élargissement oriental de l'Union
européenne à d'autres régions défavorisées et à des pays producteurs de
sucre.
Il est évident que seule la mise en oeuvre d'un plan de développement global
et cohérent, anticipant sur plusieurs années, peut nous permettre de faire face
à ces défis. L'ensemble des forces politiques, économiques et sociales
s'accordent, à la Réunion, sur la nécessité d'une telle démarche.
Mais, en attendant la concrétisation de ce plan, dont les effets ne peuvent
être immédiats, nous devons faire face à l'urgence, notamment dans les secteurs
prioritaires de l'emploi, du logement et de la formation.
S'agissant de l'emploi, deux initiatives prises par le Gouvernement auront,
dans le très court terme, un impact qu'il convient de mesurer.
Dans le secteur de l'économie solidaire ou alternative, les crédits sont
marqués par le financement du plan emplois-jeunes. Si nous avons souligné le
mérite de ce plan, qui va permettre d'offrir une chance d'insertion réelle à
des milliers de jeunes, nous en avons également souligné les limites. Le
décalage entre le nombre des emplois qui pourront être offerts et la population
au chômage est évident. La majorité des jeunes chômeurs réunionnais ne pourra
bénéficier de ce plan. C'est pourquoi nous pensons qu'il est indispensable
d'augmenter substantiellement les crédits du Fonds pour l'emploi dans les
départements d'outre-mer, le FEDOM, afin d'assurer le financement des autres
solutions d'insertion, dont la mise en oeuvre ne pose aucun problème et qui
permettront de toucher un plus grand nombre de jeunes.
Dans le secteur de l'économie concurrentielle, le Gouvernement a décidé une
modification du régime de défiscalisation. Si nous ne contestons pas les
motivations de justice fiscale d'une telle réforme, nous souhaitons que ce
dossier soit envisagé essentiellement sous l'angle du développement économique
et de la création d'emplois. Or, les premières mesures envisagées pour l'année
1998 ne seront pas sans effet sur la pérennité et le développement de certains
secteurs de notre économie.
Par ailleurs, le projet de réforme, tel qu'il a été adopté par l'Assemblée
nationale, se traduira, pour les finances publiques, par une économie fiscale
de près de 300 millions de francs. Selon le principe de neutralité budgétaire,
ces sommes économisées vont-elles être intégralement réinvesties dans les
départements d'outre-mer ?
Pleinement conscients à la fois de l'urgence, de la gravité et de la
complexité du problème de l'emploi, les parlementaires de la Réunion ont décidé
de se regrouper en une coordination. Nous souhaiterions qu'un bilan exhaustif
et qualitatif des dispositifs actuellement en vigueur, notamment la
défiscalisation et la loi Perben, soit effectué et qu'un véritable plan
d'urgence soit mis en oeuvre.
S'agissant du logement, nous devons résoudre le paradoxe résultant, d'une
part, d'une insuffisance des crédits de la ligne budgétaire unique par rapport
aux besoins et, d'autre part, d'une difficulté à consommer dans les délais la
totalité de ces mêmes crédits. Deux mesures doivent contribuer à régler ce
problème : en premier lieu, un ajustement des crédits du Fonds régional
d'aménagement du foncier urbain, le FRAFU, par rapport à ceux de la ligne
budgétaire unique, et, en second lieu, l'instauration d'un comité permanent de
suivi de la programmation.
Nous considérons également comme essentielle une amélioration de la
solvabilité des ménages par une revalorisation et un réaménagement des barèmes
de l'allocation logement. Au nombre des mesures d'urgence du Gouvernement, il a
été procédé, en métropole, à une augmentation de l'aide personnalisée au
logement. Le respect du principe d'égalité exige qu'il soit procédé
parallèlement, dans les départements d'outre-mer, à une revalorisation de
l'allocation logement.
Concernant l'éducation, vous connaissez la position unanime des représentants
du monde scolaire, qu'il s'agisse des enseignants, des personnels IATOS -
ingénieurs, administratifs, techniciens et ouvriers de service - ou des parents
d'élèves, en faveur de la mise en oeuvre d'un plan de rattrapage sur cinq ans
assurant la création de cinq cents postes par an. Or, d'après les chiffres
figurant dans le « jaune » budgétaire, il n'est prévu que cent quarante-neuf
postes supplémentaires pour 1998.
M. le président.
Je vous demande de conclure, mon cher collègue.
M. Paul Vergès.
J'arrive à ma conclusion, monsieur le président, et je fais le maximum, mais
je ne reprendrai plus la parole avant un an sur les problèmes de mon île !
(Sourires.)
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Paul Vergès.
Au-delà de ces trois domaines prioritaires que sont l'emploi, le logement et
l'éducation, nous voulons plus particulièrement attirer votre attention,
monsieur le secrétaire d'Etat, sur un dossier qui arrive à maturité, celui des
journaliers communaux.
La quasi-totalité des maires de l'île, soit précisément vingt-deux sur
vingt-quatre, sont d'accord ; les syndicats d'employés communaux le sont aussi.
Il faut aller vite, car il s'agit du sort de 13 000 employés sans aucun statut
aujourd'hui.
En terminant, monsieur le secrétaire d'Etat, je dirai mon inquiétude sur les
conditions de la médiocre campagne sucrière 1997, qui se traduira par des
difficultés accrues pour les planteurs.
Monsieur le secrétaire d'Etat, 1998 marquera une date importante pour les
départements d'outre-mer, car elle sera l'année du cent cinquantième
anniversaire de l'abolition de l'esclavage. Aujourd'hui, nous avons le
sentiment, à la Réunion, que notre île se trouve dans une nouvelle phase
importante de son histoire : ou bien rien ne change, et ce qui est redouté par
tous risque de se produire, que l'on parle de l'explosion ou de l'implosion
sociale ; ou bien nous avons l'audace nécessaire pour engager les réformes qui
s'imposent et ouvrir ainsi la voie d'un développement durable et solidaire,
permettant à chacun de s'insérer dans la société.
Cent cinquante ans après l'abolition de l'esclavage, la société réunionnaise
doit relever le défi du chômage pour briser les chaînes de cet esclavage
moderne, qui concerne, à la Réunion, plus de 100 000 personnes !
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
- M. Jean-Marie Girault, rapporteur pour avis, applaudit également.)
M. le président.
La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Monsieur le secrétaire d'Etat, en quelques heures, nous allons traiter du
budget de la France du Large, qui est présente sur quatre continents. Certes,
le débat sur l'immigration est beaucoup plus passionnant ! Pour l'outre-mer, je
crois que l'on attend trop l'explosion pour dégager des solutions. Et cela
coûte très cher !
Je tiens d'abord à saluer le travail de la Haute Assemblée. Ses propositions
et sa volonté sont claires : il faut assainir les finances et résorber les
dépenses publiques. C'est donc un acte de courage, de la part, notamment, de la
commission des finances.
Mais votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, est atone et j'ai
l'impression que rien ne bouge au ministère de l'outre-mer. Une sorte de carcan
empêche ce ministère de sortir du cadre du budget traditionnel pour aborder les
vrais problèmes.
A nouveau gouvernement, nouvelle politique !
Nous attendons tous - et je rejoins sur ce point notre collègue M. Vergès - un
grand débat sur l'outre-mer, un débat dépassionné. Il n'est pas possible que
les deux assemblées se mobilisent pour traiter le problème de l'immigration
alors que les solutions pour l'outre-mer sont attendues depuis cinquante ans
!
Certes, il y a eu des avancées, la plus importante ayant été la loi de
défiscalisation. Mais, surtout, il y a eu la loi de programme et le mémorandum
de juin 1987, qui a permis le doublement des fonds structurels. Il y a eu aussi
l'approche de la loi Perben. Mais, depuis quelque temps, nous appliquons
toujours la même jurisprudence.
J'ai entendu dire que votre budget avait augmenté, alors que, comme ce fut le
cas pour celui de M. de Péretti, l'accroissement des crédits s'explique par les
transferts qui ont été opérés : on a pris, ici, 3 millions de francs au
ministère du travail, là, 96 millions de francs au ministère de l'équipement
pour la résorption de l'habitat insalubre.
Pour ce qui concerne l'emploi, on avait suscité un immense espoir en évoquant
la création de 3 000 emplois-jeunes. Or, monsieur le secrétaire d'Etat, vous
avez déjà signé, lors de votre récent passage à la Réunion, 1 500 contrats. Que
restera-t-il pour les autres ? Il en faudrait beaucoup plus !
La montée du chômage est intolérable. Elle est d'autant plus intolérable que
notre jeunesse, à qui nous avons demandé de faire des efforts de formation,
d'insertion, que nous avons encouragée à accéder à des diplômes, ne reçoit
d'autre réponse que le RMI.
Il y a aujourd'hui, manifestement, une prise de conscience et une
responsabilisation de la jeunesse domienne, qui rejette systématiquement
l'assistanat. Elle a envie de prendre en main les destinées de son pays.
Or, quand je constate l'annulation de crédits qui a été décidée à l'Assemblée
nationale, je suis tout de même préoccupée : 139 millions de francs
d'autorisations de programme annulées, 78 millions de francs d'autorisations de
programme annulées rien que pour la ligne budgétaire unique, 100 millions de
francs annulés pour le fonds de l'emploi.
J'entends bien que des efforts sont réalisés au niveau de la LBU, mais ce
sont des efforts sur le papier, monsieur le secrétaire d'Etat ! Comment
pouvons-nous admettre que c'est au mois de septembre seulement que les services
de l'Etat - en l'occurrence la direction départementale de l'équipement -
lancent des programmes de logements sociaux en Guadeloupe ? Nous n'allons pas
consommer les 4 millions de francs de crédits dont nous disposons, parce que
les programmes sont lancés avec retard. Et ce retard est délibéré, je pèse bien
mes mots.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, nous nous inquiétons à juste
titre au sujet de l'OCM banane. Certes, le Gouvernement fait des efforts
considérables, je le reconnais, pour défendre la production bananière, l'octroi
de mer, et pour lutter contre l'attitude frileuse des banques.
Le Gouvernement a décidé de supprimer la loi de défiscalisation, en recourant
notamment à la « tunnélisation » et au plafonnement. Mais, dans ces conditions,
il fallait alors qu'il propose autre chose à l'outre-mer que 3 000 emplois,
dont 1 500 à la Réunion !
A défaut d'un vrai dispositif, la Haute Assemblée a eu raison, je crois, de
soutenir ce projet. Je sais d'ailleurs que vous pensez - et je vous en rends
hommage - que la loi de défiscalisation est, sous réserve des quelques
amendements qui peuvent être nécessaires, la seule réponse possible. Mais en
l'état, vous le savez, tous les dossiers sont gelés. Qui viendra alors investir
dans une région où l'on remet en cause en permanence le principe de la
défiscalisation ?
Il n'y a pas eu de dialogue avec les élus, il n'y a pas eu de volonté de
débattre. On nous a fait un procès diabolique, on nous a même accusés de
blanchir l'argent outre-mer. Mais qui donne l'agrément ? C'est l'Etat ! L'Etat
français aurait-il accepté de blanchir de l'argent outre-mer ?
On nous a dit qu'il fallait moraliser le dispositif. Mais avec quoi avons-nous
lancé la construction de bateaux de pêche, construit des aéroports, favorisé
les énergies renouvelables ? Ne venons-nous pas d'inaugurer, à Marie-Galante,
une centrale éolienne, qui est un exemple reconnu par Bruxelles ? Il faut donc
maintenir en l'état ce processus en attendant d'avoir autre chose à proposer
aux populations.
On a évoqué tout à l'heure le saupoudrage des crédits par la région. Je ne
peux pas laisser dire cela ! J'ai hérité d'une région dont le déficit officiel,
reconnu par la chambre régionale des comptes, était de 750 millions de francs.
Si l'on y ajoute les intérêts de retard, l'hôtel Fort Royal, acquis dans
l'opération Aquitaine-Loisirs, ainsi que les satellites, le déficit atteint
alors 1 100 millions de francs.
Nous avons résorbé ce déficit, vous le savez. Le rapport général de M. Lambert
est d'ailleurs explicite à ce sujet : selon lui, même si elle subit encore les
difficultés de l'héritage, la région Guadeloupe a retrouvé une situation
équilibrée.
Mais comment continuer à financer les contrats de plan quand l'un des
partenaires est en faillite et doit 480 millions de francs d'arriérés de
sécurité sociale ? Comment voulez-vous que nous puissions lancer l'irrigation
indispensable à nos grandes terres ? Comment les aides du FEOGA peuvent-elles
être mises en oeuvre quand l'Etat met sa part, que l'Europe met la sienne, mais
que l'autre partenaire est absent ?
J'ai donc demandé à M. le préfet - et je compte sur vous, monsieur le
secrétaire d'Etat, pour nous soutenir auprès de lui - qu'il soit possible de
consommer les fonds européens. Il faut que l'Etat reconnaisse qu'il y a un
partenaire absent ! Que l'Etat augmente sa part, la région sera prête à
augmenter la sienne. Je ne peux pas, au moment où je viens de faire sortir des
méandres la région Guadeloupe, prendre à ma charge la totalité des parts du
département et de la région !
J'évoquerai maintenant le statut.
Je suis de celles et ceux qui pensent qu'il faut un débat sur le statut de
l'outre-mer, en pleine sérénité, hors de toute campagne électorale, afin d'en
finir avec les financements croisés.
Je pense effectivement qu'il faut avoir le courage de mettre sur la table les
problèmes spécifiques qui se posent à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.
Mais permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous poser un certain
nombre de questions.
Vous savez que la Guadeloupe est un archipel. Vous savez aussi que le préfet
maritime est à la Martinique - que la Martinique le garde !
(Sourires)
-
mais comment expliquer, monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi la région
Guadeloupe ne bénéficie pas du fonds de péréquation au titre des transports ?
En effet, le conseil régional vient de consentir un effort considérable : tous
les étudiants de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy, de la Désirade et de
Marie-Galante bénéficient d'un demi-tarif, car la région a institué un tarif
propre aux résidents. Pourquoi l'Etat n'accompagne-t-il pas notre effort, alors
qu'il le fait pour d'autres régions de l'outre-mer ? Pourquoi les dotations de
l'archipel de la Guadeloupe, avec ses six îles, sont-elles équivalentes à
celles de la Martinique ? Ainsi, monsieur le secrétaire d'Etat - mais vous le
savez - nous sommes obligés d'entretenir de nombreux aéroports et de nombreux
ports, de construire des lycées à Saint-Martin, à Marie-Galante, alors que nous
percevons les mêmes dotations !
Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de livrer une dernière réflexion,
notamment à l'attention de ceux qui en appellent à la moralisation de la
défiscalisation. Vous savez les fonds que consacre l'Etat français à la
Caraïbe, notamment à Haïti, et vous connaissez les taux d'intérêt - de 2 % -
ainsi que les différés - de sept ans - qui sont accordés. Vous savez aussi
qu'en cas de non-remboursement la France efface les dettes. Je veux bien que
l'on parle de moralité, mais commençons un peu à penser à nous-mêmes !
Pour terminer, j'aimerais savoir quand sortira le décret sur la zone des
cinquante pas géométriques. Là aussi, il est nécessaire d'agir, monsieur le
secrétaire d'Etat !
Par ailleurs, quand paraîtra définitivement la carte sanitaire ? On nous parle
de 1999. Je vous demande d'inscrire très vite cette question à l'ordre du jour,
monsieur le secrétaire d'Etat !
Enfin, comment se fait-il, alors que l'on liquide en ce moment en Guadeloupe
la société d'économie mixte de Grosse-Montagne, à laquelle d'importants
financements publics ont été alloués, que le liquidateur fasse ce qui lui plaît
et que nous ne sachions pas où se trouvent les fonds publics ? En outre, nous
venons d'apprendre que l'usine va être vendue en pièces détachées ! A toutes
les questions que nous posons, sur le fondement de délibérations prises par
notre assemblée, ni le procureur de la République, ni le liquidateur, ni le
juge commissaire ne répondent !
Pour conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, je crois que, dans le grand
débat qui doit être mené sur l'outre-mer, il faudra parler du FEDER. Nous
devrions pouvoir percevoir directement les fonds qui nous sont alloués à ce
titre, quel que soit le gouvernement ! En effet, je peux prouver que l'on doit
beaucoup, beaucoup d'argent à la région Guadeloupe ! J'ai ainsi en ma
possession une lettre de Bruxelles qui me démontre que des fonds ont été votés
au budget de l'Etat depuis fort longtemps, mais nous n'avons toujours rien reçu
en Guadeloupe. Ainsi, actuellement, ce sont près de 300 millions qui sont dus à
la région. Comment pouvons-nous, nous, petites collectivités, continuer à jouer
au banquier quand le FEDER n'a pas remboursé dans les délais ce qu'il nous doit
depuis 1993 et 1994 ? Certes, ce n'était pas votre gouvernement, monsieur le
secrétaire d'Etat - je ne fais de procès à personne - mais tous ces retards
accumulés font que nos collectivités ne peuvent avancer.
Ma dernière question sera la suivante, monsieur le secrétaire d'Etat : nous
avons demandé la constitution d'un fonds de préfinancement pour les communes.
Notre objectif n'est pas de maintenir les communes en tutelle, mais nous nous
apercevons que le développement de proximité se fait aussi à travers elles. Or
elles sont le plus souvent endettées et elles ne peuvent pas jouer un rôle de
banquier pour le retard enregistré en ce qui concerne le remboursement des
fonds du FEDER. Mais l'Etat français a considéré que cette idée, adoptée par
Bruxelles, ne pouvait être appliquée.
J'émets de très fortes réserves, monsieur le secrétaire d'Etat, sur votre
projet de budget, mais j'en émets aussi vis-à-vis de la position adoptée par la
commission des finances, qui a voulu, et je le comprends, réduire les crédits
de chacun des fascicules budgétaires, qu'il s'agisse de la défense ou de
l'outre-mer. Mais elle a perdu de vue que, pour la Guadeloupe, 50 000 chômeurs,
c'est insupportable, parce que cela touche ses forces vives. Pour elle, 50 000
chômeurs, c'est inacceptable parce que ses jeunes diplômés frappent à la porte
et qu'ils ne veulent ni de la mendicité ni de l'assistanat.
Comme beaucoup de budgets de l'outre-mer, celui que vous nous présentez cette
année, monsieur le secrétaire d'Etat, ne me satisfait pas. Il est temps que la
France ouvre un grand débat sur les départements d'outre-mer. Il est temps que
la France dise si elle veut que l'Europe garde une place dans les Caraïbes à
travers l'outre-mer. Il est temps que l'on ait le courage de régler calmement
les graves problèmes de dignité et de responsabilité qui se posent à nos
populations. Hier, à Cayenne, on a dépêché quatre ministres pour régler la
révolte des étudiants. Dépêcherez-vous, demain, dix ministres en Guadeloupe
pour régler le problème de l'eau ?
Pour ma part, je fais partie de celles et de ceux qui pensent que la
politique, cela se pense, cela se réfléchit, cela s'organise, cela s'exécute.
Et je suis respectueuse de la volonté populaire.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Lagourgue.
M. Pierre Lagourgue.
Vous avez pu, monsieur le secrétaire d'Etat, vous rendre compte de l'ampleur
de nos problèmes lors de votre visite à la Réunion, voilà tout juste un
mois.
J'ai abordé tout à l'heure, en tant que rapporteur de la commission des
affaires sociales, les questions de l'emploi et du logement.
Bien entendu, j'approuve entièrement, à titre personnel, tout ce que la
commission a tenu à exprimer en ce qui concerne ce projet de budget, et je
tiens à insister sur ce véritable fléau qu'est le chômage à la Réunion, en
rappelant qu'il touche désormais plus de 40 % de la population active.
Au mois de septembre 1997, l'ASSEDIC de la Réunion a envoyé aux demandeurs
d'emploi très précisément 120 841 cartes d'actualisation, soit 9 % de plus
qu'en septembre 1996.
L'augmentation persistante du nombre des chômeurs se traduit par un désarroi
grandissant de la population touchée, et nous sommes, nous, élus, interpellés
face à cette réelle désespérance.
La Réunion comptera bientôt un million d'habitants. Quel espoir pouvons-nous
donner à ces milliers de jeunes qui viennent chaque année sur le marché du
travail ?
En effet, 26 000 d'entre eux n'ont pas d'emploi, et toute offre dans ce
domaine se révèle aussitôt insuffisante : la semaine dernière, par exemple, ils
étaient 3 000 à se présenter à un concours d'agent administratif de la fonction
publique territoriale, pour seulement vingt-six postes !
La situation est à ce point grave dans les DOM qu'elle appelle des mesures
spécifiques et volontaristes.
Nous tenons à ce que vous vous rendiez compte, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, que, faute de dispositions adaptées à leurs besoins
économiques, sociaux et démographiques, les DOM n'ont aucune chance de sortir
du marasme qui est le leur.
Je tiens à affirmer qu'il n'existe aucune contradiction entre l'application
pleine et entière des lois à nos départements lointains, d'une part, et la mise
en oeuvre de mesures adaptées pour tenir compte de leurs handicaps et retards
structurels, d'autre part.
Pour prendre un exemple précis, je citerai, comme d'autres orateurs l'ont fait
avant moi, le cas de la loi d'orientation pour l'aménagement et le
développement du territoire de 1995, dont l'application dans les DOM est très
limitée, puisque nous ne bénéficions pas de la PAT, la prime d'aménagement du
territoire.
Le gouvernement précédent avait déposé un projet de loi visant à mieux
intégrer les DOM dans le dispositif national d'aménagement du territoire. Il
prévoyait notamment d'ériger chaque DOM en zone prioritaire ultrapériphérique,
équivalent de la zone d'aménagement du territoire, la ZAT, caractérisée par un
faible niveau de développement économique et par l'insuffisance du tissu
industriel et tertiaire ; en complément, il était envisagé de s'attacher au
désenclavement économique, grâce à un régime incitatif en faveur des
entreprises dont l'activité est tournée vers l'exportation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ce projet de loi répondait en partie à nos
besoins, car la notion de ZAT, pas plus d'ailleurs que celle de zone franche
urbaine, ne correspond au contexte réunionnais.
Nous attendons donc les adaptations nécessaires, en particulier la mise en
oeuvre du concept d'entreprises franches, qui ne ferait plus référence à la
localisation en zone franche des entreprises exportatrices, mais qui leur
permettrait de bénéficier des avantages des zones franches, quel que soit le
lieu d'exercice de leur activité, comme cela est d'ailleurs le cas à l'île
Maurice, qui est devenue un grand pays exportateur.
A la Réunion, tous les secteurs de l'activité économique sont en crise :
ainsi, la filière canne-sucre voit son avenir menacé, le secteur du BTP voit
chaque année le nombre de ses salariés fondre, l'ensemble des PMI se heurtent à
l'absence de matières premières, à l'étroitesse du marché et à l'éloignement
géographique.
Pourtant, il est indispensable de développer la production, non seulement pour
assurer une plus large consommation locale, puisque seulement 75 % des besoins
sont actuellement couverts par les produits locaux, mais également pour
renforcer une politique d'exportation pratiquement inexistante à l'heure
actuelle.
Il est aussi une catégorie d'entreprises à laquelle on ne prête pas attention,
mais qui cependant est très dynamique ; il s'agit des très petites entreprises,
lesquelles sont exclues du circuit de financement public, privées du bénéfice
des aides fiscales à l'investissement, écrasées par les démarches
administratives et trop souvent négligées par les banques. Une action devrait
donc être menée pour encourager la création de telles entreprises.
En conclusion, je pense qu'il est urgent d'élaborer un contrat pour l'avenir,
comme vous l'avez vous-même suggéré au terme de votre visite à l'île de la
Réunion, monsieur le secrétaire d'Etat, afin que le chômage dans les DOM ne
soit plus comparable à une calamité permanente et sans limite.
L'avenir des départements d'outre-mer vaut bien une vraie messe, et non les «
grand-messes » auxquelles nous sommes périodiquement invités.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR, ainsi que
sur certaines travées socialistes et du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les
années passent, les majorités se font et se défont, mais les difficultés de
l'outre-mer demeurent, car les timides mesures prises de temps à autre ne
tiennent pas sérieusement compte de la situation réelle de nos territoires
ultramarins.
A maintes reprises, j'avais eu l'occasion d'interpeller le gouvernement
précédent sur les blocages divers qui gênent le développement des départements
d'outre-mer.
J'aborderai tout d'abord le dossier du logement social, dont le montage
financier doit, à mon sens, être modifié pour nous permettre de construire
davantage, car actuellement nous accumulons des retards dans ce domaine, alors
que, paradoxalement, certains logements sociaux neufs restent inoccupés à cause
de leurs loyers prohibitifs, et que les crédits de la ligne budgétaire unique,
la LBU, ne sont pas utilisés en totalité.
Par ailleurs, l'agriculture traditionnelle doit être réactivée, car elle
dégage une forte valeur ajoutée, crée des emplois et pourrait permettre
l'autosuffisance et même l'exportation.
En outre, les fonctionnaires ne doivent pas être les boucs émissaires de la
réforme.
Enfin, l'effort doit également porter sur la décentralisation, qui passe
autant par une intercommunalité cohérente que par un redécoupage qui permettra
de corriger le déficit démocratique que nous vivons à la Réunion, où n'existent
que vingt-quatre communes pour presque 700 000 habitants.
Je pourrais encore citer les difficultés de la mobilité, dont les crédits
baissent, de la formation, de l'insertion, qui reste symbolique, et, surtout,
des jeunes au chômage qui, malgré les promesses qui leur ont été faites pendant
la campagne des dernières élections législatives, voient leur avenir bouché.
Votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, apporte-t-il un début
de solution à ces problèmes ? A l'évidence, je dois répondre non.
Globalement, les crédits soumis à notre vote connaissent une augmentation en
trompe-l'oeil.
En effet, un artifice de présentation consistant à inscrire au budget des DOM
les crédits de financement de 3 260 contrats emplois-jeunes, crédits qui
relèvent, pour le reste de la France, du budget du ministère de l'emploi et de
la solidarité, et les crédits de résorption de l'habitat insalubre qui
dépendaient jusqu'à présent du ministère de l'équipement, vous permet
d'afficher une progression des dépenses pour 1998.
Ce n'est qu'un leurre, et je dois le dénoncer.
En matière de logement, on avait promis aux électeurs le doublement de la LBU
mais où en est-on ? La réalité est tout autre, car les crédits votés l'an passé
par l'ancienne majorité ont été fortement amputés en juillet dernier.
En conséquence, le retard en matière de logement s'aggravera dans les mois qui
viennent.
Pour ce qui concerne l'emploi, les 300 millions de francs inscrits pour le
financement des emplois-jeunes feront l'effet d'un cautère sur une jambe de
bois, d'autant que nous avons déjà payé 100 millions de francs sur cette somme,
du fait du décret d'annulation signé en juillet dernier.
Ce total de 300 millions de francs correspond à 3 260 emplois-jeunes pour la
Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, la Réunion et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Nous sommes loin, très, très loin des 12 000 emplois promis par les députés de
votre majorité pour la seule Réunion !
A ce rythme-là, une chose est certaine, monsieur le secrétaire d'Etat : le
nombre des jeunes Réunionnais au chômage passera de 26 000 à plus de 50 000
!
Le traitement réservé aux DOM par cette loi sur les emplois-jeunes et par
votre projet de budget me paraît totalement inacceptable.
En effet, en refusant de tenir compte de l'importance réelle du taux de
chômage de nos jeunes - on dénombre 43 % de chômeurs à la Réunion - le
Gouvernement a établi la nouvelle équation suivante : un jeune chômeur
métropolitain = quatre jeunes chômeurs réunionnais.
Je refuse catégoriquement ce traitement réservé à mes jeunes compatriotes, et
je dénonce solennellement cette atteinte à l'égalité, égalité instaurée en 1995
par le Président de la République et sur laquelle le Gouvernement semble
revenir.
D'autres menaces pèsent encore sur les DOM.
Je parlerai d'abord des allocations familiales puisque le Gouvernement a voulu
remettre en cause l'égalité sociale, à laquelle les familles d'outre-mer ont
accédé en 1995 sous le gouvernement Juppé, en essayant de diminuer le plafond
des allocations familiales dans ces départements. Monsieur le secrétaire
d'Etat, vous avez depuis, semble-t-il, renoncé à ce recul social, en mettant
cette « bavure » sur le compte des technocrates.
Monsieur le secrétaire d'Etat, Michel Debré m'a enseigné, entre autres choses,
que l'administration doit être aux ordres du politique et non l'inverse.
Par ailleurs, la loi Pons est attaquée, alors qu'elle a été, de l'avis de
tous, un outil extraordinaire de développement de l'outre-mer.
Renoncez, monsieur le secrétaire d'Etat, à modifier la loi de défiscalisation,
sinon vous serez tenu pour responsable de la perte de milliers et de milliers
d'emplois.
Je pense, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, que le développement harmonieux de nos îles est possible, si nous
acceptons de remettre à plat l'ensemble du dispositif actuel sans toucher au
statut départemental, gage de stabilité.
Il faut cesser de croire que l'assistance et la fatalité du RMI sont les deux
ingrédients de la paix sociale et les seuls remèdes au mal-vivre dans
l'outre-mer.
Au contraire, l'outre-mer réclame le respect de sa dignité et veut activement
participer au rayonnement de la France et de l'Europe dans le monde. Cela
suppose, au préalable, la confirmation du principe de l'égalité des chances
entre Français de l'Hexagone et Français de l'outre-mer.
Ainsi, les jeunes de mon île réclament - et ils ont raison - le même
traitement que celui qui est réservé à leurs homologues métropolitains. Si
cette règle est acceptée, la solidarité locale fera le reste, en s'ajoutant à
la solidarité nationale, et nous pourrons dégager les moyens de redonner une
activité à notre population.
Il faudra aussi accepter de traiter différemment le chômage outre-mer : les
remèdes à apporter seront nécessairement autres, car, chez nous, le taux de
chômage est quatre fois plus élevé qu'en métropole. En particulier, l'emploi
marchand devra être favorisé.
Enfin, et c'est le troisième volet d'une proposition de loi que je viens de
déposer sur le bureau de notre Haute Assemblée, la dignité par le travail peut
être offerte à nos concitoyens RMistes, et cela sans induire de coût
supplémentaire pour l'Etat.
La proposition que j'ai formulée bouscule certes quelques mauvaises habitudes,
mais elle permettrait de rendre l'espoir et la dignité par le travail à des
dizaines de milliers d'exclus.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne voterai pas votre projet de budget, car,
ce faisant, je croirais commettre une faute envers les jeunes et les chômeurs
de mon île.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Henry.
M. Marcel Henry.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de budget pour l'outre-mer accuse une nette croissance par rapport à
celui de l'année dernière. Mais cette évolution, plus apparente que réelle,
résulte essentiellement d'un transfert au profit du secrétariat d'Etat à
l'outre-mer de dotations pour la résorption de l'habitat insalubre et de
crédits de financement du nouveau dispositif sur l'emploi des jeunes.
Malgré ce transfert, le budget de l'outre-mer ne représente qu'environ 10 %
des actions de l'Etat dans nos collectivités ultramarines. La vocation
d'incitation et d'accompagnement des interventions des autres ministères est
donc réaffirmée pour le secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
Ainsi, vous demeurez, monsieur le secrétaire d'Etat, notre interlocuteur
naturel, et je me réjouis de poursuivre le dialogue commencé avec vous lors de
votre récent voyage officiel à Mayotte.
Le projet de budget que vous nous présentez vise deux objectifs essentiels à
nos yeux : l'emploi et le développement économique et social. Encore
faudra-t-il que les engagements pris soient tenus.
Respecter la parole donnée par l'Etat à notre collectivité territoriale, c'est
d'abord veiller à l'exécution des engagements inscrits dans la convention de
développement économique et social pour la période 1995-1999.
Nous avons déjà eu l'occasion de vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que
les retards dans le versement de la contribution de l'Etat en matière de
rémunérations des instituteurs, de dépenses de l'administration pénitentiaire,
de programmes d'équipement routier et d'actions sanitaires et sociales sont
considérables. Ils atteignent, globalement, 76,1 millions de francs en 1997
pour les trois premières années d'exécution de la convention.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir donné, devant
l'ensemble des élus de notre île, lors de votre récente visite officielle à
Mayotte, toutes assurances quant au rattrapage des retards constatés.
Outre les engagement financiers, nous attendons également l'édiction de divers
décrets d'application des lois étendues à Mayotte après adaptation. Tel est le
cas de l'ordonnance relative à l'organisation hospitalière et de protection
sociale. Il en est de même pour la fonction publique, où est attendu
l'établissement des statuts particuliers, après celui du statut général des
fonctionnaires.
Il faut rappeler également que le décret d'application relatif au centre
national de la fonction publique territoriale n'est toujours pas pris, or il
traite de l'intervention de cet organisme à Mayotte.
Enfin, le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 13 de la loi du 24
décembre 1976 relative à l'organisation de Mayotte est toujours attendu pour la
répartition entre l'Etat, la collectivité territoriale et les communes, des
immeubles compris dans les domaines public et privé territoriaux.
Respecter la parole de l'Etat, c'est, en second lieu, veiller à l'application
de la lettre et de l'esprit de la loi précitée du 24 décembre 1976, qui
détermine les voies du développement de l'île.
Cette loi dispose, en particulier aux termes de son article 9, que Mayotte «
bénéficie de l'intervention directe des services, des établissements publics,
des entreprises publiques et des fonds d'investissement et de développement de
l'Etat ». A cet égard, je regrette vivement que le Fonds pour l'emploi dans les
départements d'outre-mer, le FEDOM, qui est applicable dans la collectivité
territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, ne soit pas étendu à Mayotte, malgré
la demande insistante de l'ensemble des élus.
Il faut noter que les crédits du fonds de chantiers de développement qui sont
censés compenser cette lacune se trouvent seulement maintenus à leur niveau de
1997, alors que ce nouveau dispositif pour l'emploi est censé renforcer les
moyens mis en oeuvre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez souligné, à l'Assemblée nationale, le
13 octobre dernier, l'expérimentation heureuse à la Réunion du Fonds régional
d'aménagement foncier et urbain, le FRAFU. Vous avez ensuite annoncé son
développement dans les autres départements d'outre-mer ainsi qu'à Mayotte. Je
souhaite d'ores et déjà que cet instrument adapté aux réalités locales puisse
intervenir très rapidement dans notre collectivité.
Enfin, s'agissant de la lutte contre l'exclusion, il nous tarde que les
attributions de l'Agence nationale pour l'intégration et la promotion des
travailleurs originaires d'outre-mer soient étendues aux Mahorais qui viennent
poursuivre leur formation professionnelle en métropole, souvent au prix de
graves difficultés.
Au-delà de ces instruments de lutte pour l'emploi et la cohésion sociale, dont
la liste n'a aucun caractère exhaustif, il importe surtout de marquer à travers
ce budget la volonté de réaliser le progrès de Mayotte avec des moyens
techniques et financiers qui ont fait leur preuve dans les départements
d'outre-mer.
C'est pourquoi, à l'heure où notre « collectivité territoriale » s'engage
résolument dans le développement du tourisme, je tiens à vous dire tout
l'intérêt qui s'attache à la pérennisation du dispositif de la défiscalisation
outre-mer, dont les acteurs économiques reconnaissent unanimement qu'il s'agit
d'un remarquable instrument d'incitation à l'investissement privé dans
l'île.
Nous venons d'obtenir, grâce notamment à l'action tenace du député Henry
Jean-Baptiste, président de la Société immobilière de Mayotte, la SIM,
l'agrément du ministère des finances pour un prêt de la Caisse française de
développement à la construction de logements dans la catégorie des programmes
locatifs intermédiaires, les PLI.
Cette opération de « défiscalisation » - la première du genre à la Mayotte -
nous apportera une utile relance des investissements productifs créateurs
d'activités et d'emplois sur place.
C'est pourquoi je me rallie à l'arbitrage initial du Premier ministre, qui ne
prévoyait « ni plafonnement ni tunnélisation » des investissements défiscalisés
outre-mer. Il importe, en tout état de cause, de ne pas agir précipitamment
pour modifier le système en vigueur. Plus que jamais s'impose la constitution
d'une commission parlementaire d'information, composée de députés et de
sénateurs, avant toute modification sensible de ce dispositif qui est remis en
cause tous les ans.
Respecter la parole donnée, c'est, enfin, s'attacher à organiser la
consultation populaire sur l'avenir institutionnel de notre « collectivité
territoriale ». Cette consultation, je ne le rappellerai jamais assez, est
prévue par la loi du 24 décembre 1976 sur l'organisation provisoire - il faut
aussi le rappeler - de Mayotte. La nécessité de cette consultation est, en
outre, réaffirmée par la loi subséquente du 22 décembre 1979.
Outre cet engagement législatif réitéré, la consultation de la population
mahoraise a été promise par les plus hautes autorités de l'Etat. Je vous sais
gré, monsieur le secrétaire d'Etat, d'être venu à Mayotte nous confirmer la
volonté du Gouvernement d'organiser, avant l'an 2000, cette consultation.
Le principe étant ainsi acquis, il convient d'envisager à présent les mesures
préparatoires de cette consultation depuis si longtemps attendue.
Les deux groupes de réflexion sur l'avenir institutionnel de l'île vont rendre
prochainement leurs conclusions. Comme convenu, les avis porteront un éclairage
sur les options prévues par les lois de 1976 et 1979, à savoir le maintien du
statut actuel, la transformation en département d'outre-mer ou l'adoption d'un
statut différent. Parallèlement à ce travail des experts et des personnalités
qualifiées, deux séries d'actions méritent d'être engagées.
D'une part, il faudrait remédier aux problèmes multiples qui continuent de se
poser en matière de preuve de l'état civil et de la nationalité française des
Mahorais. A cet égard, je tiens à vous remercier chaleureusement de nous avoir
annoncé, lors de votre visite, le projet d'ordonnance relatif à la présomption
de nationalité française en faveur de nos compatriotes de Mayotte.
D'autre part, l'organisation dans les meilleures conditions de la consultation
populaire sur le statut de l'île suppose la poursuite d'une politique énergique
contre l'immigration clandestine. Il ne faudrait pas que notre « collectivité
territoriale » puisse subir les conséquences des soubresauts politiques et de
la mauvaise gestion financière qui peuvent sévir dans les pays voisins. Faisant
partie intégrante de la République française, Mayotte doit s'inscrire
pleinement dans les seules contraintes et les limites propres au progrès de
notre Etat.
Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, les préoccupations que m'inspire
l'examen de votre projet de budget. C'est de vos réponses que dépendra mon
vote.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Reux.
M. Victor Reux.
Depuis votre visite dans notre collectivité territoriale, au début du mois
d'octobre, vous avez continué, monsieur le secrétaire d'Etat, à prendre le
contact indispensable avec d'autres entités ultramarines. Vous avez donc pu
noter que, malgré leurs différences intrinsèques, leur dénominateur commun,
économique et social, n'est pas d'une nature différente de celui d'autres
collectivités de l'Hexagone.
Ce point commun, c'est la nécessité de jeter ou d'amplifier les bases d'un
développement économique durable et créateur d'emplois, dans un contexte
régional sans cesse en évolution.
Votre projet de budget apparaît globalement plus important que celui de l'an
passé, mais il est vrai qu'il s'est trouvé « gonflé » grâce aux 300 millions de
francs inscrits au Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le
FEDOM, pour les emplois-jeunes.
Au bout du compte, ces 3,8 % du budget national qu'il représente indiquent de
la part du Gouvernement une certaine attention accordée à l'outre-mer.
Il est vrai aussi que, par ailleurs, les autres interventions dans l'outre-mer
se soldent par un transfert global de l'ordre de 37 milliards de francs en
provenance des divers ministères.
Je note, comme tout un chacun, une augmentation du FIDOM général de 6,7 %, qui
porte son budget à 232,5 millions de francs.
En revanche, comme l'an dernier, je ne peux que déplorer l'effondrement du
FIDOM décentralisé, qui était pour notre collectivité un facteur budgétaire
très utile. Perdant plus de 50 %, il atteint seulement 15 millions de
francs.
Or, en contrepartie de sa suppression, un projet de loi visant l'aménagement
du territoire dans les départements d'outre-mer devait être soumis au Parlement
par l'ancienne majorité. Qu'en est-il actuellement, monsieur le secrétaire
d'Etat ? Votre gouvernement va-t-il oeuvrer dans ce sens ?
Ce budget n'est donc pas globalement moins bon que celui de l'an passé.
Néanmoins, nos inquiétudes sont multiples et fondées, car nous sommes loin
d'être persuadés que les menaces qui pèsent sur le présent et l'avenir soient
en voie d'être écartées. Je veux faire allusion ici, évidemment, aux mesures de
défiscalisation connues sous le nom de « loi Pons ».
Elles ont été l'objet d'un débat serré, comme il se devait, ces temps derniers
au Parlement, car l'enjeu est énorme, nombre d'activités de l'outre-mer
demeurant souvent déficitaires même avec un investissement défiscalisé.
C'est pourquoi, ne serait-ce que pour assurer le maintien ou la création
d'emplois et la survie des opérations engagées, je pense, comme mes collègues
de l'outre-mer, qu'il est indispensable de ne pas éradiquer les possibilités de
défiscalisation dont a bénéficié l'outre-mer, et partiellement jusqu'ici
Saint-Pierre-et-Miquelon.
Il ne faut pas, dans le contexte actuel difficile de l'outre-mer, mettre fin à
un dispositif qui a fait ses preuves de manière indéniable.
Cela vaut aussi pour Saint-Pierre-et-Miquelon. Il est certain, en effet, que
les agréments de défiscalisation nous ont permis, au cours des dernières
années, d'accomplir des réalisations ou de lancer des projets maintenant bien
avancés dans les secteurs immobilier, aéroportuaire, touristique et maritime.
Cela eût été impossible sans les avantages plus que jamais nécessaires de la
loi Pons, qui nous aidera à sortir de la politique d'assistance dont nous
sommes l'objet malgré nous, depuis cinq ans, à cause de la mise à mort de notre
industrie de la pêche.
Il est non moins certain, je tiens à le souligner, que, dans cet archipel que
j'ai l'honneur de représenter, il n'y a jamais eu la moindre dérive ou le
moindre abus dans ce domaine particulier.
Je me permets donc, monsieur le secrétaire d'Etat, d'insister tout
particulièrement sur l'intérêt exceptionnel que nous attachons à l'obtention de
l'agrément fiscal pour deux projets. Tout d'abord, pour le nouveau navire
roulier qui remplacera celui que nous avons, lequel bat pavillon danois ; c'est
le projet « Comat-France ». Ensuite, pour le projet « Transmer », qui prévoit
la construction de trois navires d'approvisionnement pour les plates-formes
pétrolières existantes et pour celles qui vont s'implanter dans la région
avoisinant l'archipel, voire, souhaitons-le, dans notre zone économique
exclusive.
Toute la région semble promise à un grand avenir dans ce secteur pétrolier
pour les trois ou quatre décennies à venir. Aussi est-il normal, pour nous, de
redonner à notre port, qui a été vidé de son activité par la cessation de la
pêche industrielle depuis des annés, une part du rôle de station-service en
Amérique du Nord qu'il a connu par le passé, ce rôle devant être adapté à la
nouvelle donne économique de la région géographique où il se trouve. Ce doit
être un objectif majeur de toute négociation de contrepartie avec les
Nord-Américains, le moment venu ; il faut s'y préparer.
Ainsi, monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit d'un navire de croisière en
construction dans un chantier français, et qui sera basé à Saint-Pierre, de
trois navires marchands de Medafret assurant la liaison Amérique du
Nord-Europe, d'un navire roulier vers le Canada et les Etats-Unis, et de
navires d'approvisionnement des plates-formes pétrolières.
Peut-on imaginer qu'ils arboreront tous un pavillon tricolore ? C'est
possible, je le crois, si nous avons votre soutien et celui du Premier ministre
pour mener à son terme le dossier concernant le registre d'immatriculation des
navire à Saint-Pierre-et-Miquelon. Je le sais, vous n'y êtes pas opposé.
Je n'ignore pas cependant que ce projet n'est pas en odeur de sainteté du côté
du ministère des transports. Pourtant, il constituerait pour notre archipel un
levier d'action supplémentaire, un levier très favorable à la reprise de son
économie. C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande de le
soutenir avec ardeur et avec réalisme.
L'archipel compte, pour se redresser, sur la mise en place d'une économie
diversifiée, mais dans laquelle les activités de pêche doivent conserver une
place importante.
Ce sont ces activités qui nous ont permis, durant des années, d'avoir un taux
de couverture de nos importations pour nos exportations avoisinant les 50 %. Ce
taux est aujourd'hui inférieur à 5 %, soit dix fois moins.
Depuis trois ans, les efforts réalisés pour déployer la pêche artisanale vers
des champs nouveaux ont porté leurs fruits ; ils doivent être encouragés,
notamment par une répartition locale des quotas plus équilibrée et plus juste.
En revanche, les résultats concernant l'usine de traitement des pétoncles de
Miquelon SA et l'alimentation de l'unité industrielle Archipel SA sont bien
loin des espérances suscitées.
A ce sujet, les inquiétudes sont grandes. L'épisode récent de l'annonce du
plan social dans Interpêche y a été pour quelque chose. Mais si, de ce côté-là,
la situation s'est éclairicie, toutes les interrogations demeurent quant au
plan de charge de l'entreprise pour l'an prochain.
De surcroît, il serait inadmissible que la direction générale de l'entreprise
ne respecte pas - je devrais dire ne continue pas à respecter - ses engagements
vis-à-vis du Gouvernement, tant à Miquelon qu'à Saint-Pierre.
Vous savez que nos résultats annuels peuvent nous mettre dans une position
difficile à l'égard des Canadiens lors des discussions visant à l'attribution
de nouveaux quotas de poissons, puisque ce sont des discussions qui reprennent
tous les ans. Il est donc indispensable que le Gouvernement fasse preuve de la
plus grande fermeté à l'égard de ceux qui sont de l'autre côté de la table et
qui se servent de l'argent public dans leur entreprise.
Toujours en restant dans le secteur de la diversification de la pêche, je
voudrais souligner, monsieur le secrétaire d'Etat, l'importance que peut
revêtir pour Saint-Pierre-et-Miquelon le fait que la France reste membre de
l'ICAT, à savoir la convention internationale pour la conservation et la
gestion des thonidés de l'Atlantique.
Même si l'Union européenne se retire de cette institution, il me semblerait
très judicieux que la France, comme c'est le cas pour l'organisation des pêches
de l'Atlantique du Nord-Ouest depuis l'an dernier, continue à en être membre au
titre de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui pourrait être intéressé par une
exploitation de thon dans un futur assez proche ; cela pourrait constituer une
corde de plus à notre arc. Soutiendrez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat,
cette position ?
Enfin, pour clore ce sujet, sans pourtant aller au fond de la question, il me
semble qu'une réflexion rigoureuse et pragmatique devrait inspirer le
Gouvernement afin que la France, dans le cadre de la coopération
franco-canadienne avec les provinces maritimes qui avoisinent notre archipel,
ne se tienne pas à l'écart des efforts que ces dernières ont entrepris en vue
de parvenir à un meilleur équilibre écologique animal dans l'Atlantique du
Nord-Ouest entre les mammifères marins, qui y pullulent, et les poissons de
fond, dont on attend la reconstitution des stocks. Il y va de notre intérêt.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais attirer votre
attention sur le projet de loi d'habilitation, qui doit être examiné par le
Parlement au début de l'année 1998, et sur lequel les élus de l'archipel ont
émis un vote défavorable, car il contient des mesures qui seraient lourdes de
conséquences, si elles étaient effectivement adoptées.
Je ne citerai que l'une d'elles, qui vise à la construction et à la sécurité
des immeubles. Elles pourraient nous empêcher de continuer à importer certains
matériaux de construction du Canada, mettant ainsi fin à une tradition de bon
sens économique et de maîtrise des coûts à l'importation.
Mais tout n'est pas mauvais dans ce texte. Les mesures relatives à
l'organisation juridictionnelle sont positives, car elles apporteront une
normalisation très attendue par des citoyens français qui ne comprennent pas,
par exemple, que, pour une simple affaire de diffamation en première instance,
des juges non professionnels intérimaires puissent exiger d'un plaignant une
caution de 80 000 francs en garantie, ce qui paraît extravagant.
Enfin, je voudrais évoquer une question qui nous préoccupe gravement, celle du
devenir de la desserte aérienne, et plus particulièrement de la compagnie Air
Saint-Pierre, employeur local de premier ordre, alors que nous allons bientôt
ouvrir le nouvel et très moderne aéroport construit grâce au soutien
considérable de l'Etat.
La compagnie Air Saint-Pierre assure un service public indispensable et, à ce
titre, compte tenu des spécificités de l'archipel, elle a bénéficié chaque
année par le passé d'une subvention d'équilibre.
Des difficultés sont apparues depuis quelque temps au sujet de la convention à
passer avec la direction générale de l'aviation civile pour la période
1998-2002 et concernant les conditions de participation du fonds de péréquation
des transports aériens. Pour toute personne de bonne foi au fait des données
locales, il est évident que les propositions émanant de la direction d'Air
Saint-Pierre sont empreintes de bon sens et de réalisme, dans le contexte
économique que connaît l'archipel.
Dans ce domaine, les déficits d'ordre structurel incontournables sont tels
que, si l'on persistait à les ignorer, c'est la desserte aérienne et la
compagnie locale qui se trouveraient totalement et rapidement menacées.
Je rappelle d'ailleurs qu'à ce jour pas un centime de la dotation annuelle à
Air Saint-Pierre pour 1997 n'a été versé.
En conséquence, je souhaite vivement, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous
interveniez afin que cette question fasse l'objet d'un arbitrage au plus haut
niveau gouvernemental.
Malgré les inquiétudes que j'ai exprimées, tout en souhaitant une bonne, une
meilleure concertation avec votre ministère et avec le Gouvernement, et en
tenant compte des avis pertinents des divers rapporteurs, je ne voterai pas
contre votre budget. (
M. Daniel Millaud applaudit.
)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord vous rappeler que, le 19 juin
dernier, le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale devant
le Parlement, fixait les grandes priorités de l'action gouvernementale : la
formation et l'emploi des jeunes, l'approfondissement de la décentralisation et
le respect des identités, la préservation des intérêts de l'outre-mer dans
l'Union européenne et l'encouragement à la coopération régionale.
C'est dans ces perspectives qu'a été construit ce budget qui, pour
l'outre-mer, se veut un budget de combat : combat contre le chômage, dont
beaucoup d'orateurs ont souligné l'aspect destructeur, évidemment ici, en
métropole, mais encore plus particulièrement outre-mer, combat contre la
précarité, combat pour la justice, combat pour le développement économique,
social et culturel.
L'outre-mer ne doit ni ne peut faire exception. C'est pourquoi j'ai souhaité
que, dans chacun des arbitrages, il soit fait en sorte que s'équilibrent les
moyens au service d'une politique de développement fondée sur l'incitation
publique et privée, et ce autant pour les recettes que pour les dépenses.
Comme cela a été souligné, ce budget connaît une forte progression de 7,3 %.
Au cours de son élaboration, je me suis efforcé de déterminer les moyens d'une
action tenant compte à la fois de la diversité géographique et statutaire de
l'outre-mer, et de la recherche d'une meilleure convergence des instruments
gérés par mon département ministériel.
Je veux aussi rappeler que l'intervention de l'Etat ne se limite pas aux
moyens propres du ministère de l'outre-mer, même si celui-ci coordonne
l'ensemble - avec parfois, comme l'a souligné M. Lise, certaines difficultés -
et en assume la responsabilité politique.
Les 5,2 milliards de francs du budget ne représentent qu'une partie - un peu
plus de 11 %, disait M. Blaizot tout à l'heure - de l'effort consenti par le
budget de l'Etat, qui excédera au total, en 1998, 47,6 milliards de francs. La
progression de ce sous-ensemble est deux fois plus forte que celle du budget de
l'Etat dans sa globalité.
Je retiens, après beaucoup d'orateurs, la suggestion d'organiser au sein de la
Haute Assemblée un débat relatif à l'outre-mer à l'occasion de l'année 1998.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Très bien !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Cette suggestion, qui a déjà été retenue à l'Assemblée
nationale, pourrait nous permettre de discuter de manière plus approfondie des
grandes orientations de la politique de l'outre-mer.
Je remercie tous ceux qui se sont exprimés - MM. les rapporteurs, Mmes et MM.
les sénateurs - d'avoir ainsi souligné avec pertinence non seulement les
grandes lignes de ce budget, mais aussi des aspects particuliers qui concernent
tel ou tel département et tel ou tel territoire. Je vais m'efforcer de répondre
à chacun d'entre eux.
La première question qui a été évoquée est la question institutionnelle. Il
est normal que la Haute Assemblée s'en préoccupe au premier chef.
Comme certains l'ont dit, nous allons avoir, en mars 1998, des échéances
électorales : les élections régionales et les élections cantonales. Nous ne
pouvons pas, dès aujourd'hui, interférer avec ces échéances ; c'est un principe
républicain.
Toutefois, je suis et je serai à l'écoute des propositions qui seront soumises
à nos concitoyens. Certaines ont été rappelées dans le débat, notamment par Mme
Bidard-Reydet, par M. Larifla, qui préside le conseil général de Guadeloupe,
par Mme Michaux-Chevry, qui préside le conseil régional de Guadeloupe, et
également par M. Othily. Elles portent sur les évolutions institutionnelles.
J'ai pu aussi mesurer - M. Vergès et M. Lagourgue l'indiquaient tout à l'heure
- combien les réflexions des élus de la Réunion participent de cette démarche
générale visant à faire évoluer les structures de l'outre-mer. Cette question
méritera d'être débattue.
Dans l'immédiat, je voudrais vous indiquer que le principe des ordonnances,
qui sera soumis prochainement au vote de votre assemblée, est encadré d'abord
par une loi d'habilitation, dont le projet vous sera soumis avant que ces
ordonnances soient prises, et, ensuite, par une loi de ratification.
Mais entre ces deux lois qui encadrent la démarche des ordonnances, les
parlementaires ainsi que les assemblées locales seront bien évidemment
consultés - la concertation a d'ailleurs démarré - et nous tiendrons compte des
observations. M. Reux vient de parler, en particulier, d'une adaptation
concernant Saint-Pierre-et-Miquelon en matière de code de la construction.
Si l'effort de codification, d'adaptation de la législation d'outre-mer doit
être réalisé, il faut aussi bien intégrer les particularités sur les plans
local et départemental qui pourraient nous être signalées.
Au cours de cette année 1998, nous devrions également examiner le projet de
loi relatif aux communes de Polynésie souhaité notamment par M. Jean-Marie
Girault. Ce projet semble vivement espéré par les nombreux maires que j'ai
rencontrés lors de ma visite sur place, ainsi qu'à l'occasion du congrès de
l'Association des maires de France.
S'agissant du cyclone qui vient de frapper la Polynésie, et plus
particulièrement certaines îles, des crédits d'urgence ont été dégagés par le
haut-commissariat de Polynésie française pour faire face aux premières
difficultés, et le comité interministériel des fonds de secours sera réuni dès
que les évaluations des dégâts en cours auront été transmises.
Nous avons aussi étudié avec la Caisse des dépôts et consignations comment les
prêts, du type « prêts projets urbains », pourraient être mis en place pour les
communes qui ont été touchées. Ainsi, la solidarité nationale s'exercera à
l'égard de nos compatriotes de Polynésie, et plus particulièrement ceux de
Maupiti et de Bora Bora, qui ont été durement touchés par ce cyclone.
Je confirme également à M. Henry que le statut de Mayotte appelle des
évolutions. Lors de ma visite de l'archipel à l'occasion des vingt ans du
conseil général, la demande m'a été à nouveau soumise. Comme s'y étaient
engagés le Président de la République et le Premier ministre au moment de
l'élection présidentielle, je pense que nous pourrons procéder, sur la base des
rapports des commissions dont vous vous êtes fait l'echo, à la consultation des
Mahorais sur l'évolution de leur statut.
Toujours sur le plan institutionnel, le rapport relatif aux terres Australes
et Antarctiques françaises fera l'objet d'un examen tout particulier puisque
nous avons, sur ces territoires de l'hémisphère sud, à préserver à la fois nos
objectifs de souveraineté et la dimension scientifique.
S'agissant de la Nouvelle-Calédonie, l'année 1998 est une année essentielle
pour l'avenir du territoire puisque doit être organisé, entre le 1er mars et le
31 décembre 1998, un scrutin d'autodétermination.
La recherche d'une solution consensuelle est évoquée depuis 1991 par les deux
partenaires des accords de Matignon. Le référendum prévu pourrait alors devenir
le référendum de ratification d'un projet commun.
Nous nous sommes efforcés, au cours des dernières semaines, de dégager des
solutions au problème minier. Le rapport de M. Philippe Essig, qui a été remis
le 31 octobre, a permis d'envisager le transfert des droits d'exploitation des
massifs miniers. Cela permettra la réalisation de l'usine du Nord, projet SMSP
(Société minière du Sud-Pacifique-Falconbridge).
Les discussions se poursuivent pour en définir les modalités juridiques, le
domaine du droit minier étant complexe. Mais nous allons déboucher sur une
solution définitive.
Dès lors, je souhaite que les pourparlers politiques reprennent rapidement.
Monsieur Loueckhote, dès le courant du mois de janvier, les premières
discussions permettront de faire le bilan des accords de Matignon et d'engager
pour l'avenir un certain nombre de réflexions. Le Gouvernement proposera une
méthode et un calendrier de travail pour préciser les grandes orientations sur
le plan statutaire. En respectant les échéances fixées par la loi référendaire,
il s'engagera pleinement dans la recherche par toutes les communautés de la
définition d'un nouveau « vivre ensemble ».
Quoi qu'il en soit, je vous confirme que les moyens budgétaires permettront de
réduire en 1998 l'effort de l'Etat pour le développement de la
Nouvelle-Calédonie et le rééquilibrage qui a été entrepris depuis neuf ans.
C'est donc dans cet esprit que nous aborderons les discussions sur le plan
politique dès le début de l'année 1998.
L'outre-mer se trouve confrontée, bien sûr, à l'ardente obligation du
développement économique et social.
Nous connaissons ses handicaps. Vous les avez évoqués les uns et les autres :
l'éloignement de la métropole, l'insularité, la petite taille des marchés, le
climat et la dépendance des monoproductions impliquant des importations, des
économies d'une grande fragilité.
A l'inverse, l'outre-mer dispose d'un niveau de formation élevé. J'ai bien
pris note, sur ce point, des observations de M. Larifla relatives au rectorat
de la Guadeloupe et à la nécessité de le doter de moyens qui permettront de
consolider son action. Il en est de même en Guyane.
L'outre-mer a aussi une culture riche, la présence d'une administration
solide, l'existence d'infrastructures, qui sont autant d'avantages dont ne
disposent pas les économies des pays voisins.
De même, sur le plan fiscal, on peut mentionner de nombreuses dispositions qui
concernent la TVA, l'impôt sur le revenu, l'octroi de mer, la défiscalisation
des investissements.
L'Europe représente une contrainte, certes, mais aussi une chance pour nos
départements et territoires d'outre-mer.
L'Europe est une contrainte parce que ce grand espace impose certaines
disciplines. Les règles de concurrence, de libre circulation, de liberté
d'établissement ne souffrent que difficilement les multiples dérogations ou
adaptations rendues nécessaires par la spécificité de nos îles. Nous en avons
déjà débattu à de nombreuses reprises avec M. Millaud. Il y a aussi
problématique de l'octroi de mer. Sur ce point, nous attendons la décision de
la Cour de justice des Communautés européennes.
Il peut y avoir aussi - Mme Michaux-Chevry le soulignait - des difficultés à
recouvrer auprès de Bruxelles des sommes dues depuis fort longtemps : pour ce
qui concerne la Guadeloupe, depuis la période 1989-1993. J'ai essayé à
Bruxelles, voilà un mois, de plaider ce dossier ; pour que les fonds européens
qui sont destinés à financer les investissements déjà réalisés soient enfin
débloqués.
Nous avons essayé de procéder à une reprogrammation de ces fonds européens
avec les collectivités locales pour en assurer une meilleure consommation.
Je peux vous assurer que les commissaires européens, en particulier Mme
Wulf-Mathies, qui est chargée de la politique régionale, sont conscients du
fait que l'outre-mer matérialise une présence de l'Europe dans des territoires
stratégiques pour le développement économique ultérieur, qu'il faut donc non
seulement que les fonds structurels soient consommés, mais qu'il faut aussi
favoriser leur évolution et leur adaptation.
Ainsi, malgré les contraintes qu'elle impose l'Europe représente une chance
pour nos départements et territoires d'outre-mer. L'appartenance au plus grand
marché industrialisé du monde constitue une opportunité de développement sans
équivalent.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement et le Président de la République
se sont battus avec succès pour obtenir à Amsterdam une nouvelle rédaction de
l'article consacré aux régions ultrapériphériques, ainsi que la définition du
statut de territoires d'outre-mer, afin de distinguer ceux-ci des territoires
ACP.
Nombre d'entre vous ont évoqué la question de la banane et du contentieux qui
oppose l'Europe aux pays producteurs.
Ce contentieux a été marqué par la décision récente du panel de l'organisation
mondiale du commerce. La position du Gouvernement sur cette question est ferme
: nous conditionnons toute mise en conformité à la décision du panel de l'OMC
au double objectif de maintien du revenu des planteurs et de la préservation
des positions commerciales de la banane antillaise.
S'agissant de la production de canne à sucre, très importante en Martinique,
en Guadeloupe et à la Réunion, nous devons poursuivre les efforts de
restructuration industrielle.
En Guadeloupe elle a commencé à porter ses fruits depuis juin 1997. La
recapitalisation de l'usine de Gardel et le couplage avec la centrale
Bagasse-Charbon vont dans ce sens.
A la Réunion, j'ai pu mesurer sur place l'enjeu du retour à la production de 2
millions de tonnes dont parlait M. Vergès, évidemment dans le respect des
droits et des revenus des planteurs.
La pêche est importante dans nos départements et territoires d'outre-mer, plus
particulièrement à Saint-Pierre-et-Miquelon, où elle était et reste le principe
économique fondateur de notre présence dans l'archipel.
Je voudrais indiquer à M. Reux que, dans les négociations que nous menons au
niveau national avec les sociétés, notamment la société Interpêche, il est bien
entendu que les subventions doivent servir au redémarrage des activités, à leur
pérennité et qu'elles ne seront pas distribuées à fonds perdus. Nous tenons
tout particulièrement à ce que les engagements soient respectés.
Je veux aussi souligner que la diversification doit être un objectif constant
sur le plan économique. Ainsi, il faut développer une logique de substitution à
l'importation.
Cela implique un renforcement de la politique du crédit, des mécanismes de
garantie et de caution mutuelle.
M. Désiré a évoqué le Crédit martiniquais.
Le Gouvernement, qui est attaché à ce que la solution future préserve
l'identité de la banque, a pris jusqu'à présent des dispositions propres à
assurer la liquidité du Crédit martiniquais.
Le Gouvernement souhaite cependant que les actionnaires et les emprunteurs
assument leurs responsabilités pour que cette banque puisse continuer à vivre
et à se développer, en particulier en direction de l'économie locale.
Au-delà, le développement économique passe par celui des organismes et des
procédures d'intervention sur le haut de bilan, car ce sont les fonds propres
qui font souvent défaut.
Je pense que nous devons réfléchir à la mise en place d'instruments renforcés,
notamment pour que les entrepreneurs dans les départements d'outre-mer soient
soutenus.
Cela suppose notamment des progrès en matière de capital-risque afin de
remédier à la situation qui fait que le crédit outre-mer, aujourd'hui, est de
deux points plus cher de ce qu'il est en métropole, ce qui entrave les efforts
d'investissement.
Sur la question de la défiscalisation,...
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Ah !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
... qui a été évoquée, évidemment, par de nombreux
orateurs, je rappellerai que le Gouvernement s'était prononcé pour le maintien
du système avec renforcement du dispositif d'agrément pour y introduire le
critère de l'emploi.
L'Assemblée nationale a amendé la proposition du Gouvernement sans peut-être
en mesurer toutes les conséquences sur les plans économique et financier. De
son côté, votre assemblée a adopté une nouvelle rédaction de l'article 14 du
projet de loi de finances visant à moraliser le dispositif tout en en
garantissant l'efficacité économique.
De ce point de vue, je réitère mon accord pour qu'un bilan détaillé soit
effectué. Je crois que tel était le sens de l'amendement qui a été repris et
déposé par M. le sénateur Lise. Les élus locaux, par leur expérience et leur
connaissance du terrain, pourront contribuer à ce nécessaire suivi.
Je souhaite vivement qu'une solution de compromis puisse être dégagée entre
les deux assemblées au cours de la navette et que, sans s'écarter excessivement
de la proposition initiale du Gouvernement, les meilleures contributions des
uns et des autres puissent être retenues.
S'agissant de la défiscalisation, je voudrais préciser qu'il s'agit en réalisé
d'une double défiscalisation.
Outre la défiscalisation des investissements, la défiscalisation des pertes
d'exploitation a contribué au développement des économies de l'outre-mer dans
les secteurs stratégiques que sont l'industrie, l'artisanat, la pêche, les
énergies nouvelles, le tourisme et le transport. Nous devrons donc faire preuve
d'une grande vigilance avant l'adoption d'un texte définitif.
Je voudrais maintenant aborder la question des statuts et des rémunérations
des fonctionnaires outre-mer.
Comme l'a indiqué M. Lauret, il ne s'agit pas de désigner les fonctionnaires
comme responsables des déséquilibres économiques qui peuvent se produire dans
tel ou tel département, mais nous devons envisager l'évolution de leur statut
et de leur situation financière dans une réflexion globale portant sur
l'économie générale et en tenant compte de l'impact politique et social de leur
situation.
La question est très sensible, car il faut prendre en compte dans l'analyse
économique le coût réel de la vie.
Il faut éviter toute décision autoritaire qui ne peut qu'engendrer que des
révoltes, comme cela a pu se produire à la Réunion en février dernier. Ce sujet
n'est pas uniquement technique, et il ne peut être abordé et résolu que dans la
concertation avec les intéressés et les élus.
Je reviendrai maintenant sur la question de l'emploi, qui, vous le savez,
constitue une priorité pour le Gouvernement.
Il faut refuser la fatalité du chômage et répondre à l'attente des jeunes dans
le domaine de l'emploi, qui, je le sais, est grande.
Nous disposons d'un instrument, le Fonds pour l'emploi dans les DOM, le FEDOM
- qui donne au ministère de l'outre-mer les moyens de développer des politiques
alternatives en matière d'emploi.
Ce fonds est en croissance grâce aux dotations destinées aux emplois-jeunes,
puisqu'il passe de 1,4 milliard de francs à 1,7 milliard de francs. Il
permettra de maintenir les contrats emploi-solidarité à leur niveau de 1997 et
il contribuera à la création - le mouvement a déjà été engagé - sur des
gisements de nouveaux emplois, des emplois-jeunes dont l'attrait est fort dans
nos départements d'outre-mer.
Pour répondre au souci exprimé notamment par MM. Lagourgue et Othily, je
rappelle que le passage par le FEDOM permet de transposer le mécanisme et
d'associer la représentation parlementaire à sa gestion.
Actuellement, la politique des emplois-jeunes est mise en place sur la base du
dispositif métropolitain. Le décret à propos duquel on m'a interrogé devrait
être examiné par le Conseil d'Etat la semaine prochaine ; il sera opérationnel
pour l'année 1998.
J'ai décidé de procéder à une évaluation des autres instruments, c'est-à-dire
des autres types de contrats.
En ce qui concerne les agences d'insertion, qui font l'objet de nombreuses
critiques de la part des présidents de conseils généraux, je peux dire qu'elles
seront opérationnelles d'ici à la fin de l'année. Vous savez que Mme Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité, s'est engagée à mener une réforme
dans le cadre du projet de loi qui vous sera soumis l'année prochaine sur la
prévention et la lutte contre les exclusions.
Pour ce qui est des territoires d'outre-mer, vous savez que nous sommes dans
le domaine des compétences territoriales. Il n'empêche que les problèmes sont
identiques et que l'Etat participe à leur traitement par le biais de
conventions relatives à l'emploi des jeunes et à l'ouverture de chantier ; des
conventions de développement on été passées avec la Nouvelle-Calédonie, la
Polynésie française, Wallis-et-Futuna et Mayotte.
Je suis prêt, dans le dialogue que nous menons avec les responsables locaux, à
appuyer le développement d'actions analogues au plan emploi-jeunes que nous
mettons en oeuvre en métropole et dans les départements d'outre-mer.
En ce qui concerne l'agence nationale pour l'insertion et la promotion des
travailleurs d'outre-mer l'ANT, qui a fait l'objet d'un certain nombre
d'interrogations, de la part notamment de MM. Lise et Henry, je dois dire que
j'ai demandé à sa nouvelle direction d'étudier la reprise de l'action sociale
au profit des personnes originaires de l'outre-mer résidant en métropole.
De nombreux compatriotes se trouvent ici dans des situations précaires et
l'ANT pourrait justement représenter un soutien quant à leur insertion en
métropole.
De même, sur le plan de la santé, nous devons veiller à la mise en place d'un
dispositif qui permettrait le retour à l'égalité d'accès aux soins et à la
prévention ; je pense, en particulier, au sida - la journée mondiale du sida a
eu lieu voilà quelques jours - dont l'évolution est préoccupante dans un
certain nombre de départements.
Je dirai à M. Othily que, en ce qui concerne les centres de médecine
collective, c'est-à-dire les dispensaires qui assurent des actions de
prévention et des actions curatives, ceux-ci feront l'objet d'une mission de la
part de l'inspection générale des services de la santé, qui permettra de bien
répartir les compétences, donc les financements, entre l'Etat et le
département.
J'indiquerai à M. Larifla, qui s'est fait l'écho d'une crainte concernant le
centre de transfusion sanguine de la Guadeloupe, que je saisirai le ministre de
la santé pour lui demander qu'il y ait pérennité des instruments sur place.
En ce qui concerne le logement, qui constitue le second volume d'intervention
de mon budget, nous devons veiller à ce que les crédits soient mis en oeuvre de
façon plus rapide et que leur consommation soit accélérée pour répondre à la
demande.
Pour l'année 1997, on constate une amélioration puisque, au total, 7 740
logements, sur la base de la ligne budgétaire unique, seront engagés, contre un
peu moins de 6 000 en 1996. Mais, sur ce plan, nous devons mobiliser davantage
les directions départementales de l'équipement pour répondre à la nécessité de
planifier les interventions, afin de soutenir l'activité du secteur du bâtiment
et des travaux publics.
La politique du logement s'intègre dans une vision globale de l'urbanisme qui
respecte le patrimoine, l'identité des quartiers et les schémas d'aménagements
régionaux. En matière d'aménagement du territoire, nous avons engagé une
discussion avec Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement, afin que le dispositif concernant l'outre-mer soit adapté dans
le projet de loi qu'elle doit déposer, l'année prochaine, devant le
Parlement.
Nous devons également garantir l'évolution des infrastructures publiques. Je
souhaite, sur ce point, rassurer M. Millaud, s'agissant de la Polynésie
française : les engagements pris dans la loi d'orientation et dans la
convention après CEP seront exécutés par l'Etat. En tout cas, ils sont inscrits
au budget de mon ministère. Vous aurez aussi l'occasion, si ce n'est déjà fait,
d'interroger mon collègue le ministre de la défense sur cet aspect.
Compte tenu du bref temps de parole qui m'est imparti, je n'ai peut-être pas
répondu à toutes les questions qui ont été posées.
En conclusion, j'évoquerai la dimension culturelle de l'Etat outre-mer.
L'outre-mer, ce n'est pas seulement le transfert de près de 50 milliards de
francs, ce n'est pas seulement une charge, ni a
fortiori
une niche
fiscale, comme on a bien souvent identifié nos départements et territoires
d'outre-mer.
Ainsi que l'indiquait tout à l'heure M. Lise, c'est surtout un atout, à
condition d'accepter d'entrouvrir la modernité quotidienne du monde occidental
aux cultures de nos départements et territoires d'outre-mer. A condition aussi
de reconnaître leurs lettres de noblesse à la création littéraire, artistique,
scientifique de l'outre-mer. A condition encore d'admettre la richesse des
coutumes de la Caraïbe, du Pacifique, de l'océan Indien. A condition, enfin, de
donner toute leur place aux recherches scientifiques - et elles sont nombreuses
- qui sont menées autant dans les zones tropicales que dans les zones
polaires.
Cette créativité de l'outre-mer est nourrie des métissages culturels qui
viennent de tous les continents. Elle est aussi le signe d'une coopération
régionale en mouvement.
Elle montre que nous sommes, sur ce plan, en pleine recherche d'identité, mais
elle apporte aussi son éclairage sur les questions importantes de l'avenir pour
nous Français.
A ceux qui se sont interrogés sur la célébration du cent-cinquantième
anniversaire de l'abolition de l'esclavage, qui aura lieu l'an prochain, je
dirai qu'il s'agit d'un événement par nature symbolique, que nous devons
célébrer à son plus haut niveau.
De même, nous devons inaugurer, en 1998, le centre culturel
Jean-Marie-Tjibaou. Ce sera un équipement de grande qualité, qui marquera, me
semble-t-il, une étape lumineuse dans l'histoire tumultueuse des relations
entre la France et la Nouvelle Calédonie.
Par son étendue géographique, par la multiplicité de ses ethnies, par sa
diversité culturelle, l'outre-mer français peut ainsi constituer un exemple du
monde que nous voulons construire : un monde où l'intégration s'enrichit de la
différence, où le progrès est le fruit de la tolérance et où le métissage est
un signe du respect des racines de chacun.
(Applaudissements.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'outre-mer
et figurant aux états B et C.
ETAT B
M. le président.
« Titre III : 20 739 089 francs ».
Par amendement n° II-72, M. du Luart, au nom de la commission des finances,
propose de réduire les crédits figurant au titre III de 14 834 148 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Cet amendement a simplement pour objet de tirer les
conséquences des choix effectués par le Sénat sur l'ensemble de la loi de
finances pour maîtriser la dépense publique.
Cette réduction de crédits correspond à 1,44 % des crédits figurant au titre
III ; elle a été appliquée à chacun des budgets examinés par le Sénat.
Je rappelle à la Haute Assemblée que ces réductions ne touchent que le
fonctionnement, à hauteur de 14 millions de francs, à la différence des
annulations de crédits qui vont intervenir dans le collectif budgétaire et qui
concerneront surtout l'investissement, à hauteur de 2,5 % pour l'ensemble du
budget de l'outre-mer, soit 123,7 millions de francs.
A ceux qui s'étonnaient de la démarche du Sénat, je ferai remarquer que la
mesure d'annulation de crédits que nous proposons est beaucoup plus modeste que
les dispositions qui figurent dans le collectif budgétaire, et dont l'examen
interviendra dans quelques jours.
M. Emmanuel Hamel.
C'est tout de même une réduction !
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Il faut être responsable !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Outre le caractère systématique des propositions de la
commission des finances, qui sont appliquées à chaque budget, je souhaite tout
de même souligner, à la suite de ce débat, qu'il me paraît difficile de réduire
les moyens du budget des départements et territoires d'outre-mer, alors que
tant d'orateurs, sur toutes les travées de cet hémicycle, se sont prononcés
pour un renforcement de l'action de l'Etat,...
Mme Hélène Luc.
C'est complètement illogique !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
... notamment en faveur des personnels qui font
preuve de beaucoup de persévérance et de compétence dans l'action en
outre-mer.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet
amendement.
M. Emmanuel Hamel.
Et il a raison !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-72.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
Je vais, bien sûr, vous donner la parole, madame Michaux-Chevry, mais
j'informe nos collègues que, si nos débats devaient se prolonger au-delà de
vingt heures, je me verrais dans l'obligation de reporter la fin de cette
discussion à la séance de ce soir.
La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Je ne peux voter cet amendement de réduction des crédits, et ce pour une
raison très simple.
Je suis d'accord avec le fait que nous devons tous apporter notre contribution
à l'effort de redressement des finances de l'Etat. Seulement, personne ne prend
en compte le coût de l'éloignement pour les départements et territoires
d'outre-mer.
Mme Hélène Luc.
Alors, qu'est-ce que vous votez ?
M. le président.
Vous le verrez, un scrutin public est demandé !
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Alors, je vote contre !
Mme Hélène Luc.
La commission craint d'être battue dans un vote à main levée !
M. Edmond Lauret.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret.
Je tiens à saluer ici la qualité du travail effectué par la commission des
finances, qui, de façon constante, montre à la Haute Assemblée et au pays tout
entier la voie à suivre pour redresser les finances de notre pays, à savoir la
maîtrise des dépenses, donc du déficit, et la diminution progressive des
impôts.
En ce qui concerne la loi Pons en particulier, l'action de la Haute Assemblée
et celle de la commission ont été remarquables ; elles ont fait montre de leur
volonté de sauvegarder l'emploi outre-mer.
Toutefois, en ma qualité de parlementaire de la Réunion, département sinistré
par le chômage, je ne peux accepter de cautionner l'inscription d'un montant
aussi faible de crédits pour lutter contre le chômage des jeunes. Je voterai
donc contre l'amendement.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur celles du groupe
socialiste. - M. Emmanuel Hamel applaudit également.)
M. Pierre Lagourgue.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lagourgue.
M. Pierre Lagourgue.
Je serai très bref.
Je comprends tout à fait la position de la commission des finances, qui
demande une réduction des crédits. Cela répond à un souci normal de maîtrise
des dépenses de l'Etat.
Je rappelle, toutefois, que la situation des départements d'outre-mer est
catastrophique. Elle a fait l'objet, de la part de ceux qui ont pris la parole,
de ce qui, pour certains, a pu apparaître comme une litanie, mais qui, pour
nous, représentait la réalité.
Par conséquent, je voterai contre l'amendement de la commission des finances.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme Hélène Luc.
Un scrutin public dans ces conditions, c'est quand même un peut fort !
M. Paul Vergès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vergès.
M. Paul Vergès.
Mes chers collègues, il faut que chacun d'entre vous se rende compte de la
situation et des sentiments des élus d'outre-mer.
Au Parlement, il y a une majorité et une opposition. Il est tout à fait normal
que cette opposition cherche toutes les occasions de s'opposer à la politique
gouvernementale. C'est le jeu démocratique normal !
Toutefois, faire rejeter le budget des départements et territoires
d'outre-mer,...
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Nous ne rejetons pas le budget !
M. Paul Vergès.
... qui comptent des dizaines et des dizaines de milliers de chômeurs et de
jeunes sans emploi, et ce après les discours que nous avons entendus ici, selon
lesquels nous étions solidaires, nous comprenions les chômeurs, nous étions
favorables à une aide, me paraît inconcevable.
Mme Hélène Luc.
Il a raison !
M. Paul Vergès.
Ce budget peut faire l'objet de remarques ou de critiques dans tel ou tel
domaine ; il n'en reste pas moins l'espoir, même pour quelque temps, de nos
jeunes et de nos chômeurs.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Paul Vergès.
C'est la raison pour laquelle nous demandons le rejet de cet amendement. Il
sera incompris dans tout l'outre-mer ! Dans une situation aussi dramatique, ce
n'est pas par un geste de principe sur un budget que l'on doit s'attaquer au
problème du chômage dans notre pays !
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes. - M.
Marcel Henry applaudit également.)
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Je ne peux pas laisser dire que le Sénat rejette le
budget de l'outre-mer !
(Vives protestations sur les mêmes travées.)
Nous avons recommandé son adoption, sous réserve d'une réduction de
crédits.
Mme Hélène Luc.
Si vous réduisez les crédits, cela veut dire que vous ne votez pas le budget
!
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Mes chers collègues, je ne voudrais pas que vous
soyez mal informés.
M. Pierre Biarnès.
On est très bien informés !
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Si vous connaissez bien la procédure budgétaire, vous
savez que, dans quelques jours, il y aura 123 millions de francs de réductions
de crédits sur l'investissement outre-mer. Et vous osez dire que c'est la
commission des finances du Sénat qui fait une mauvaise action ?
M. Pierre Biarnès.
Oui, on le dit !
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Nous, nous nous limitons simplement aux crédits de
fonctionnement des titres III et IV.
M. Pierre Biarnès.
Idéologue !
M. Emmanuel Hamel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Je n'ai pas l'honneur d'être sénateur d'un département d'outre-mer. Je suis
sénateur de la métropole et je crois exprimer le sentiment de nombreux
collègues de la majorité sénatoriale actuelle et de l'opposition nationale en
déplorant que, pris dans la mécanique d'une logique maastrichtienne et pour
faire en sorte que le déficit budgétaire ne dépasse pas un certain pourcentage
du produit intérieur brut, nous demandions la réduction des crédits du
ministère de l'outre-mer, alors que, d'un point de vue social, l'aide de la
métropole y est vitale. Cette réduction, je ne la voterai pas !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen. - MM. Marcel Henry et Victor Reux
applaudissent également.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-72, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
51:
Nombre de votants | 232 |
Nombre de suffrages exprimés | 232 |
Majorité absolue des suffrages | 117 |
Pour l'adoption | 109 |
Contre | 123 |
Le Sénat n'a pas adopté. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - MM. Emmanuel Hamel et Marcel Henry applaudissent également.)
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Monsieur le président, je demande une suspension de séance afin de pouvoir réunir la commission des finances.
M. le président. Dans ces conditions, et puisqu'il est plus de vingt heures, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures quinze.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'outre-mer.
Nous en sommes parvenus au vote des crédits du titre III.
M. Victor Reux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Reux.
M. Victor Reux.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à
la suite d'une très regrettable erreur matérielle de coordination, qui nous est
intégralement imputable et ne l'est en aucun cas - je tiens à le préciser - à
la présidence de séance, quatre-vingt-dix membres de mon groupe ont été portés
comme ne participant pas au scrutin public n° 51, qui portait sur l'amendement
n° II-72 de la commission des finances tendant à réduire les crédits du titre
III du budget de l'outre-mer.
Bien évidemment, et comme elle le fait depuis le début de l'examen du projet
de loi de finances, la très grande majorité de mon groupe voulait voter pour
l'amendement de la commission des finances,...
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Bien évidemment !
M. Victor Reux.
... marquant ainsi son soutien à la démarche entreprise par la majorité
sénatoriale depuis le début de la discussion budgétaire.
M. le président.
Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue.
Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre III.
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Mes chers collègues, la commission des finances vous
invite à adopter les crédits figurant au titre III.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 227 432 545 francs. »
Par amendement n° II-73, M. du Luart, au nom de la commission des finances,
propose de réduire les crédits figurant au titre IV de 40 333 933 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Souhaitant ne pas allonger le débat, je dirai que les
observations que j'ai développées sur l'amendement précédent valent également
pour celui-ci !
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Je ne doute pas que le Sénat, dans sa grande sagesse,
votera comme il l'a fait précédemment.
(Sourires)
...
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Bien sûr !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
... puisque tous les parlementaires qui se sont
exprimés ont souhaité le renforcement du budget de l'outre-mer.
Par conséquent, je ne comprends pas très bien la mise au point que vient de
faire M. Reux...
Je voudrais d'ailleurs vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que le
titre IV comprend, en termes d'intervention publique, un certain nombre de
subventions à des budgets locaux, à des collectivités locales, ainsi que les
crédits du fonds pour l'emploi ; il comprend essentiellement les moyens
d'intervention dans les territoires d'outre-mer.
J'attire donc votre attention sur les conséquences de l'adoption de
l'amendement n° II-73, qui priverait le secrétariat d'Etat à l'outre-mer d'une
partie de ses interventions.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Tout à fait !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Je ne doute pas que le Sénat refusera de suivre cette
prescription, qui me paraît contraire à l'esprit favorable au budget de
l'outre-mer qui s'est manifesté dans cette assemblée.
Telles sont les raisons pour lesquelles j'émets, bien évidemment, un avis
défavorable sur l'amendement n° II-73.
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Soucieux de faire gagner du temps à la Haute
Assemblée, je ne souhaitais pas intervenir de nouveau.
Néanmoins, et quelle que soit l'estime que je porte, à titre personnel, à M.
le secrétaire d'Etat, je voudrais tout de même rappeler une chose :
l'amendement n° II-73 vise à une réduction de crédits de 40 millions de francs,
soit trois fois moins que le collectif budgétaire de fin d'année ! Ce dernier,
en effet, prévoit une annulation de 123,7 millions de francs de crédits, soit
une baisse de 2,5 % de l'ensemble du budget de l'outre-mer.
Par conséquent, si les sénateurs appartenant à la majorité nationale, et donc
à l'opposition sénatoriale, considèrent que mon raisonnement ne tient pas,
qu'ils soient cohérents et qu'ils votent, lors de l'examen par le Sénat du
projet de loi de finances rectificative, contre ce dernier, notamment contre
ses dispositions concernant l'outre-mer ! Il n'y aurait, autrement, aucune
cohérence dans leur attitude.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-73.
M. Pierre Lagourgue.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lagourgue.
M. Pierre Lagourgue.
Mon vote sera le même que sur l'amendement n° II-72, monsieur le président.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-73, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
52:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 198 |
Contre | 119 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
État C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programmes : 36 470 000 francs ;
« Crédits de paiement : 19 090 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 1 857 981 000 francs ;
« Crédits de paiement : 639 602 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, nous avons connu quelques péripéties au cours de cette fin de
débat, peut-être liées à une fin d'après-midi un peu fatigante pour
certains.
Je tiens, au nom du Sénat, à remercier M. le secrétaire d'Etat des propos
qu'il a tenus, s'agissant du problème à mon sens majeur de la
défiscalisation.
M. le secrétaire d'Etat a en effet répondu très clairement que l'Assemblée
nationale avait été plus loin que ce que souhaitait le Gouvernement, ce qui
risquait de remettre en cause les possibilités d'investissement nécessaires
pour l'outre-mer.
Je pense que nous sommes quasi unanimes dans cette assemblée à souhaiter que
l'investissement continue en outre-mer tant qu'une disposition convenable de
remplacement de la loi Pons n'aura pas été trouvée.
J'émets par conséquent le voeu que, lors de la réunion de la commission mixte
paritaire, le discours que vous avez tenu tout à l'heure, monsieur le
secrétaire d'Etat, soit entendu par la majorité de l'Assemblée nationale, pour
que, dans l'intérêt de l'outre-mer, une rupture de l'investissement soit évitée
et que l'emploi puisse continuer à se développer. Nous en avons en effet tous
besoin.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'outre-mer.
Jeunesse et sports
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la jeunesse
et les sports.
Mes chers collègues, compte tenu du retard que nous avons pris, je vous invite
à respecter scrupuleusement les temps de parole.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Sergent,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame le
ministre, mes chers collègues, les crédits du budget général de la jeunesse et
des sports, dans le projet de loi de finances pour 1998, s'élèvent à 2,9
milliards de francs. Comparé à la loi de finances de 1997, ce budget est donc
en recul de 2,1 %.
Les moyens globaux attribués à la jeunesse et aux sports comprennent
toutefois, hormis les crédits budgétaires, deux comptes spéciaux du Trésor : le
Fonds national de développement du sport et le Fonds national de développement
de la vie associative.
Les moyens dont disposera le ministère de la jeunesse et des sports
s'élèveront donc à 3,8 milliards de francs en projet de loi de finances pour
1998, soit une légère diminution de 1,6 %.
Cependant, les événements exceptionnels, au premier rang desquels la Coupe du
monde de football, ne pèsent plus sur le budget du ministère que pour 110
millions de francs, en 1998, contre 263 millions de francs l'année dernière.
L'achèvement du Stade de France permet ainsi de dégager pour 1998 une nouvelle
marge de manoeuvre d'environ 100 millions de francs.
Une présentation du budget de la jeunesse et des sports hors impact de la
Coupe du monde de football donne donc des résultats très positifs : les crédits
budgétaires progressent de 3,3 % et les moyens globaux augmentent de 2,6 %.
Le projet de budget de la jeunesse et des sports pour 1998 est marqué par une
majoration des dépenses de personnel et par une stabilisation des crédits de
fonctionnement.
Les crédits d'intervention diminuent fortement, mais, en retirant l'impact du
financement de la Coupe du monde de football, ce titre connaît une augmentation
sensible de 5 %.
Le projet de budget de la jeunesse et des sports pour 1998 se caractérise
également par une forte hausse des dépenses en capital, même si leur montant
reste modeste, puisqu'elles ne représentent que 4 % des crédits budgétaires
pour 1998.
Un effort particulier sera ainsi réalisé pour les travaux de maintenance et de
sécurité.
Une mesure exceptionnelle de 45 millions de francs permettra l'attribution
d'une dotation complémentaire aux villes d'accueil de la Coupe du monde de
football.
La présentation par agrégat montre une progression plus significative des
dépenses en faveur de la jeunesse et de la vie associative - elles augmentent
de 3,4 % - et une régression des dépenses en faveur du sport - elles diminuent
de 3,6 %.
Cette présentation montre l'effort de réorientation des crédits disponibles
vers les missions essentielles du ministère, à savoir la jeunesse et le
développement de la pratique sportive par le plus grand nombre.
La diminution des crédits associés à la Coupe du monde de football explique
totalement la diminution de l'agrégat « sport » pour 1998.
Je ferai maintenant quelques observations.
Le budget du ministère de la jeunesse et des sports pour 1998 est un budget
maîtrisé. Il ne représente que 0,18 % du budget général et 0,03 % du produit
intérieur brut ; il se situe donc au-dessous des 3 milliards de francs, montant
pourtant atteint en 1995. On peut regretter l'étroitesse de ces moyens.
Toutefois, hors Coupe du monde de football, ce projet de budget est très
favorable et témoigne d'un souci tant de rigueur que de réorientation des
moyens disponibles ; la marge de manoeuvre laissée par la fin du financement de
la Coupe du monde de football a été utilisée pour développer de nouvelles
actions en faveur de l'emploi et de la jeunesse.
En effet, je relève un certain nombre de priorités dans ce budget qui vont
dans le bon sens.
La première priorité a trait à l'emploi. Entre 1995 et 1998, cent
quarante-huit emplois ont été perdus, soit 2 % de l'effectif total des emplois
du ministère. Les emplois d'encadrement avaient fortement chuté. Pour 1998, il
sera créé trente-quatre emplois budgétaires nouveaux au profit des
établissements et des services déconcentrés, et les mesures de suppression de
postes qui devaient frapper l'Institut national de la jeunesse et de
l'éducation populaire, l'INJEP, le centre régional d'éducation physique et
sportive d'Antibes et le centre de Font-Romeu sont rapportées.
Il faut y ajouter la création de cinquante contrats de préparation olympique
et de haut niveau.
Mais les principales mesures en faveur de l'emploi concernent les moyens
d'intervention auprès des associations et du milieu sportif, en direction des
jeunes.
En 1998, une mesure nouvelle de 15,9 millions de francs permettra de financer
trois cent cinquante postes FONJEP supplémentaires, le FONJEP étant, je le
rappelle, le Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation
populaire.
Ces emplois seront, pour la majorité d'entre eux, déconcentrés à l'échelon des
préfets de département et permettront de renforcer la capacité d'encadrement
des associations et la formation des jeunes.
De nouveaux moyens seront dévolus au plan sport-emploi, qui est un mécanisme
de cofinancement direct des emplois d'éducateurs sportifs et d'animateurs dans
les clubs et associations. Pour 1998, l'accroissement des crédits au titre du
plan sport-emploi devrait permettre la création de mille cinq cents postes
nouveaux.
Une question, cependant madame le ministre. Vous affichez une réelle volonté
de développer le plan sport-emploi. Parallèlement, vous vous inscrivez
résolument dans le cadre du plan emplois-jeunes. Pouvez-vous nous préciser
comment vous comptez faire cohabiter ces deux mesures et si vous envisagez des
passerelles de façon à en permettre la pérennité ?
La deuxième priorité concerne la jeunesse. La politique de la jeunesse
connaîtra, en effet, une nouvelle impulsion en 1998.
Le ministère poursuivra les programmes d'animation locale ; les actions
partenariales recevront 35 millions de francs supplémentaires. Par ailleurs,
des crédits nouveaux permettront d'accroître le conventionnement avec les
associations nationales de jeunesse et une rénovation du patrimoine
associatif.
Les Rencontres de la jeunesse, qui se sont déroulées à la fin de la semaine
dernière à Marly-le-Roi, ont été l'aboutissement de multiples réunions. Vous y
avez annoncé de nombreuses mesures. Pourriez-vous nous rappeler les principales
d'entre elles et indiquer les étapes de leur mise en oeuvre ?
Par ailleurs, 1998 sera une année de transition en matière d'aménagement des
rythmes scolaires.
Depuis 1995, les crédits consacrés à l'aménagement des rythmes scolaires ont
connu une montée en puissance, pour atteindre 268 millions de francs en 1997.
Environ deux millions d'enfants en bénéficient aujourd'hui. Le financement de
ces actions montre une prédominance de la part des communes et du budget de la
jeunesse et des sports, les autres ministères - éducation nationale et culture,
notamment - contribuant, au total, à moins de 5 % du coût du dispositif.
Un groupe de travail interministériel réunissant les ministères que je viens
d'indiquer devrait fournir des éléments pour assurer une meilleure coordination
entre les différents départements ministériels concernés et permettre ainsi
d'envisager la généralisation de cette expérience.
Pour 1998, les opérations seront davantage ciblées et un effort particulier
sera réalisé en direction des zones particulièrement défavorisées. Les sites
pilotes seront développés. De cent soixante-cinq en 1996-1997, ils passeront à
deux cent trente-sept pour 1997-1998 et concerneront 125 000 enfants.
Si vous pouviez nous faire part de vos intentions, madame le ministre, dans ce
domaine des rythmes de la vie scolaire, je vous en serais reconnaissant.
Enfin, si les crédits consacrés à la Coupe du monde de football sont,
globalement, en très forte diminution pour 1998, et ce en raison de
l'achèvement du Stade de France, un certain nombre d'actions devraient encore
être financées pour parachever la préparation de cette très importante
manifestation.
Pour 1998, en raison de la fin de ces travaux et de la mise en service des
installations en janvier prochain, 50 millions de francs sont inscrit au titre
IV pour la construction du stade annexe, la dépollution des terrains et la
subvention à la SANEM.
Par ailleurs, d'importants crédits sont débloqués, en 1998, en faveur des
stades de province. Huit villes de province, qui font d'ailleurs l'actualité
récente - Bordeaux, Lens, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Saint-Etienne
et Toulouse - ont dû rénover et souvent agrandir leurs stades pour accueillir
les matches de la Coupe du monde de football.
Afin d'aider l'ensemble des stades de province à réaliser les travaux
nécessaires à la communication et à la sécurité, il a, par ailleurs, été décidé
d'attribuer une subvention complémentaire de 5 millions de francs par site pour
1998.
Le Fonds national pour le développement du sport, le FNDS, contribuera
également à la dernière tranche des travaux de rénovation des stades de
province pour 91,5 millions de francs.
En outre, une aide financière de un million de francs sera accordée à chaque
site, de manière à favorier l'animation et la promotion des sites d'accueil.
Au total, une mesure nouvelle de 15 millions de francs sera destinée à ces
projets d'animation, permettant de parachever la préparation de la Coupe du
monde de football et d'en faire la grande fête que le monde entier attend.
Je viens d'évoquer le FNDS ; je veux y revenir quelques instants.
Lors de l'examen du budget, les membres de la commission des finances et ceux
du groupe d'étude du sport avaient apprécié l'augmentation votée par
l'Assemblée nationale, qui avait porté de 2,6 % à 2,9 % le montant du
prélèvement sur la Française des jeux au profit du Fonds national pour le
développement du sport. Il est vrai que le Sénat avait montré le chemin dès
l'an dernier, en approuvant, à l'unanimité, une augmentation de ce même fonds,
le prélèvement de 2,4 % étant porté à 2,6 %.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Michel Sergent,
rapporteur spécial.
Bon nombre de sénateurs, sur toutes les travées, ont
peu apprécié l'amendement de suppression voté lors de l'examen de la première
partie du projet de loi de finances. Il appartiendra au monde sportif, aux
associations et aux collectivités de juger. Je souhaiterais, madame le
ministre, que vous nous indiquiez les répercussions exactes de cette baisse de
98 millions de francs des crédits du FNDS.
Enfin, je vous poserai quelques questions rapides.
Le Comité national olympique et sportif et les fédérations jouent un rôle
essentiel, reconnu de tous. Il est vrai que quelques fédérations, heureusement
rares, n'ont plus de vie démocratique et ne remplissent plus les conditions de
la délégation que vous leur donnez. Quelles mesures comptez-vous prendre à leur
égard ?
La lutte contre le dopage mérite aussi toute notre attention, d'autant que
c'est une question d'actualité. Les crédits sont en forte augmentation, mais
sont-ils suffisants ? N'y a-t-il pas, actuellement, une tentative de
déstabilisation du laboratoire de Châtenay-Malabry, qui fait pourtant un
travail remarquable ?
Les grands événements sportifs ont, télévision aidant, une portée universelle.
Les retransmissions par chaînes cryptées ou à péage interdisent à tous nos
concitoyens une égalité de traitement. Avez-vous la possibilité de veiller à un
juste accès à tous ces événements ?
Dernier point : le coût des équipements sportifs et leur entretien créent de
plus en plus de difficultés aux collectivités locales. Pouvez-vous nous faire
part de vos intentions pour les aider ?
Enfin, il me paraît important que les modalités du financement public du sport
et des actions en faveur de la jeunesse soient mieux identifiées.
Madame le ministre, j'aurais pu évoquer d'autres sujets, mais je ne doute pas
que notre rapporteur pour avis et les orateurs qui vont se succéder les
aborderont eux-mêmes.
Avant de conclure, qu'il me soit néanmoins permis de saluer votre volonté
d'aller de l'avant avec détermination, dans une action ministérielle que vous
placez au service de la jeunesse et des sports.
La commission des finances a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits
de la jeunesse et des sports pour 1998. C'est ce à quoi je vous invite, mes
chers collègues.
(Très bien !
et
applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Monsieur le rapporteur spécial, je vous remercie d'être resté dans les temps »
!
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François Lesein,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à
remercier ceux qui sont présents ce samedi soir...
M. Emmanuel Hamel.
Ils sont nombreux !
(Sourires.)
M. Léon Fatous.
Et de qualité !
(Nouveaux sourires.)
M. François Lesein,
rapporteur pour avis.
... pour participer à cet important débat, d'autant
que les crédits du ministère de la jeunesse et des sports que nous examinons
aujourd'hui ont une importance qui dépasse largement la modeste place qu'ils
occupent dans le budget de l'Etat.
M. Emmanuel Hamel.
Quelle humilité !
M. François Lesein,
rapporteur pour avis.
Mes chers collègues, je ne vous rappelle pas les
données chiffrées relatives à ce budget, le rapporteur spécial vient de le
faire avec compétence. J'irai donc à l'essentiel.
L'évolution globale du budget de la jeunesse et des sports a suscité, au sein
de la la commission des affaires culturelles, autant de satisfaction que
d'inquiétude.
Satisfaction d'abord, car, pour la première fois depuis trois ans, la charge
de la préparation de la Coupe du monde de football diminue. Cela vous permet,
madame la ministre, de dégager des crédits supplémentaires en faveur des
actions traditionnelles du ministère. Nous nous en félicitons.
Inquiétude également, car le budget diminue néanmoins pour la deuxième année
consécutive. La raison en est simple, mes chers collègues : le ministère de la
jeunesse et des sports n'a pas reçu de crédits supplémentaires pour financer la
préparation de la Coupe du monde de football. Or, une fois le Stade de France
achevé, ce ministère ne conserve pas l'intégralité des crédits affectés à cette
dépense, qui aurait dû, normalement, bénéficier d'un financement exceptionnel,
s'agissant d'une opération nationale elle aussi exceptionnelle !
Les actions en faveur du sport de masse et de la jeunesse ont donc été
pénalisées par la charge qu'a représentée la construction du Stade de France.
En outre, elles ne profiteront pas pleinement de son achèvement, comme on
aurait pu l'espérer.
En ce qui concerne les actions prévues, j'indiquerai trois motifs de
satisfaction, qui seront cependant suivis de trois motifs d'inquiétude, pour
l'équilibre du propos !
(Sourires.)
Vous avez souhaité, madame la ministre, faire de l'emploi sportif une des
priorités de votre budget. Ainsi, 90 millions de francs de mesures nouvelles
sont affectés au plan sport-emploi, cinquante contrats de préparation olympique
viennent renforcer l'encadrement du sport de haut niveau et 350 postes FONJEP
sont créés. C'est là un premier motif de satisfaction.
Deuxième motif de satisfaction : vous avez souhaité être la ministre de la
jeunesse autant que celle des sports. J'observe ainsi qu'une mesure nouvelle de
21 millions de francs est prévue pour le développement des politiques locales
de la jeunesse. Vous avez lancé des rencontres locales et nationales de la
jeunesse ; elles devraient déboucher sur des mesures concrètes, que vous allez
sans doute détailler ce soir.
Troisième motif de satisfaction, madame la ministre : la politique
d'aménagement des rythmes scolaires. Vous avez souhaité poursuivre,
parallèlement aux contrats ARVEJ, les contrats d'aménagement des rythmes de vie
de l'enfant et du jeune, l'expérience des sites pilotes d'aménagement des
rythmes scolaires. Les moyens budgétaires consacrés aux rythmes scolaires sont
donc maintenus à un niveau significatif. Vous avez insisté pour que cette
politique soit évaluée dans un cadre interministériel - ce dont la commission
des affaires culturelles se félicite - notamment avec les ministres en charge
de l'éducation nationale et de la culture.
Vous avez également souhaité, madame la ministre, que le principe de l'égalité
devant l'école soit respecté. Cela suppose - vous en êtes certainement
consciente - que l'Etat prenne en charge plus largement qu'il ne le fait
actuellement la politique d'aménagement des rythmes scolaires. Si tel n'était
pas le cas, les inégalités de capacité de financement entre collectivités
locales entraîneraient inévitablement des inégalités de traitement entre
enfants d'une commune à l'autre ou d'un département à l'autre, ce qui n'est pas
souhaitable.
J'ai évoqué trois motifs de satisfaction, mais il existe aussi trois motifs
d'inquiétude.
Le premier concerne la coordination entre le plan sport-emploi et le plan
emploi-jeunes : d'un côté, le plan sport-emploi, lancé voilà deux ans, offre un
soutien financier aux associations et aux clubs sportifs pour créer des emplois
sportifs, le plus souvent d'animateurs ou d'agents d'accueil ; de l'autre, le
plan emploi-jeunes s'adresse aux mêmes employeurs, en vue de la création du
même type d'emplois. Il existe, cependant, deux différences, car le plan
emploi-jeunes s'adresse aux moins de vingt-six ans et il prévoit des aides
substantiellement supérieures à celles du plan emploi-sport. Autrement dit, il
existe un risque de substitution entre les deux dispositifs, et la
revalorisation que vous avez annoncée après que nous vous avons interrogée à ce
propos, madame la ministre, ne nous semble pas suffisante pour limiter
l'ampleur de ce processus.
Le deuxième motif d'inquiétude porte sur le Stade de France. L'année 1998 sera
l'année de la Coupe du monde de football, et 200 millions de francs sont prévus
pour financer l'achèvement des travaux et l'organisation des matches. Nous
espérons tous que cette compétition sera une réussite et une grande fête du
sport national.
Je reste, en revanche, ainsi que la commission, préoccupé par le risque
financier encouru par l'Etat si aucun club de football ne s'installe dans le
Stade de France. En effet, je rappelle que le contrat de concession stipule
qu'en l'absence de club résident l'Etat s'engage à verser aux concessionnaires,
dès 1988, 50 millions de francs par an. Compte tenu du peu d'enthousiasme
manifesté à ce jour par les clubs potentiellement intéressés, la question me
paraît préoccupante. A ce propos, je souhaiterais savoir, madame la ministre,
sur quels crédits seront, le cas échéant, prélevés, en 1998, ces 50 millions de
francs.
Le troisième motif d'inquiétude concerne le dopage, qui détruit l'esprit des
compétitions et, plus encore, la santé des athlètes. Les crédits affectés à la
prévention et à la lutte contre le dopage passent de 7 millions de francs, en
1997, à 14,5 millions de francs pour 1998.
Ces crédits supplémentaires ont une signification essentielle et manifestent
la volonté du ministère de lutter contre ce fléau, mais ils sont cependant
insuffisants pour systématiser les contrôles en dehors des compétitions et pour
renforcer les moyens de la prévention. En effet, la lutte contre le dopage
passe autant, mes chers collègues, par une moralisation des compétitions que
par l'éducation des plus jeunes ; la pédagogie ne s'adresse pas aux plus âgés,
ou alors avec difficulté.
(Sourires.)
J'en viens maintenant aux actions financées par le Fonds national pour le
développement du sport, le fameux FNDS, créé dans cet hémicycle.
Comme vous le savez, mes chers collègues, le FNDS représente un peu moins du
quart des moyens affectés à la jeunesse et aux sports. Pour 1998, un montant de
916 millions de francs, équivalant à celui de 1997, a été inscrit à ce titre au
projet de loi de finances. L'Assemblée nationale avait cependant relevé le taux
du prélèvement au bénéfice du FNDS sur les recettes de la Française des Jeux de
2,6 % à 2,9 %, soit une augmentation de 98 millions de francs de la dotation du
Fonds.
Vous vous étiez engagée, madame la ministre, devant l'Assemblée nationale, à
consacrer ces crédits supplémentaires à trois types d'actions : le
rééquilibrage des dépenses du FNDS en faveur du sport de masse et des petits
clubs - ce pour quoi il avait été créé - la lutte contre le dopage et la
rénovation des équipements sportifs des collectivités locales, lesquelles n'ont
guère été gâtées depuis un certain nombre d'années.
Le Sénat est revenu sur cette augmentation, et je le regrette, ainsi que
nombre des membres de la commission des affaires culturelles.
A l'occasion de l'examen des crédits du FNDS, il a été dit que la gestion de
ce fonds manquait de transparence et de rigueur. Je me dois de dire que les
travaux du conseil de gestion du FNDS, auxquels j'assiste en tant que
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, donnent toutes
les garanties de transparence. Vous trouverez, mes chers collègues, dans le
rapport annuel sur la gestion du FNDS, la répartition des dépenses de celui-ci
par fédération, par département et par action. Il vous suffit de demander ce
document à vos directions départementales ou régionales de la jeunesse et des
sports.
En fait, la gestion du FNDS ne semble pas poser de problèmes particuliers,
sauf sur quelques points.
En premier lieu, le caractère aléatoire des recettes de la Française des Jeux
crée une difficulté, car elles sont versées très souvent avec retard, et le
ministère peut être tenté, lors des deux derniers mois de l'année, de
constituer des réserves qui pourraient être utilisées pour financer des besoins
qui n'ont pas toujours été exprimés par le conseil de gestion.
En second lieu, le FNDS supporte des charges indues liées aux Jeux olympiques
- je rappelle pour mémoire que la dette consécutive aux Jeux d'Albertville a
pesé sur ses comptes jusqu'à l'année dernière - à la Coupe du monde de football
ou encore aux mesures de régulation budgétaire prises en cours d'exercice et
qui remettent en cause sa programmation : autant de difficultés qui ne sont pas
imputables au FNDS !
En vérité, le mécontentement qu'il suscite provient de la faiblesse de ses
crédits, en particulier de ceux qui sont affectés aux équipements sportifs des
collectivités locales. Parce que les crédits du FNDS ne permettent d'aider
qu'un nombre limité de communes, certaines, ne bénéficiant d'aucun soutien, se
demandent comment est employé l'argent.
Ce mécontentement est sans doute également dû à l'existence d'un certain
déséquilibre entre les crédits affectés aux communes rurales et ceux qui sont
alloués aux chefs-lieux de département et de région. Il serait, à cet égard,
souhaitable d'associer plus largement les élus locaux à la programmation de la
part régionale.
En effet, le pouvoir des seuls directeurs régionaux prend parfois trop
d'importance, et quelques-uns d'entre eux, la retraite approchant, se
complaisent peut-être dans une facilité dommageable.
Je prendrai un exemple dans ma région,...
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le rapporteur pour avis.
M. François Lesein,
rapporteur pour avis.
J'en termine, monsieur le président.
Dans ma région, dis-je, la partie réservée par le directeur régional atteint
30 % du total. L'an dernier, par exemple, et voilà deux ans également, celui-ci
n'a pas mobilisé les crédits de formation disponibles à l'échelon régional et
dont il aurait pu bénéficier. Cela me paraît vraiment dommage.
Compte tenu des actions entreprises et des moyens limités mis en oeuvre, la
commission des affaires culturelles a décidé de s'en remettre à la sagesse
positive du Sénat quant à l'adoption des crédits de la jeunesse et des sports
pour 1998.
Enfin, madame la ministre, mes chers collègues, M. le président Gouteyron m'a
demandé de vous prier, en son nom, à la tribune, d'excuser son absence ce soir.
C'est une mission dont je m'acquitte bien volontiers. (
Applaudissements sur
les travées du RDSE et de l'Union centriste.
)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 10 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
6 minutes.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis hier
soir, des dizaines de milliers de nos concitoyens sont engagés dans une grande
action de solidarité en faveur des enfants atteints de terribles maladies
génétiques, comme la myopathie.
Le dépassement de soi, le désintéressement et la générosité sont le fil rouge
de cette belle entreprise, qui voit s'entremêler, une fois de plus, le sport et
la jeunesse.
Jeunesse et sport, c'est un mariage ancien, souvent réussi. Il va être de
nouveau célébré avec la coupe du monde de football, qui place notre pays au
centre d'un événement exceptionnel et qui suscite déjà l'enthousiasme des
jeunes autour des stades de France, Marseille venant de donner le coup
d'envoi.
Avec eux, des centaines de millions d'habitants de la planète vivront en
direct cette manifestation majeure que nous voulons réussie, que nous
souhaitons festive et populaire. Nous savons que ce souhait est partagé par
vous-même et le Gouvernement, madame la ministre, ainsi que par l'ensemble des
protagonistes et des acteurs qui se sont engagés avec passion dans cette grande
aventure.
Ainsi, madame la ministre, votre intention affirmée d'être autant la ministre
de la jeunesse que celle des sports n'en est que mieux validée par les attentes
et les aspirations de notre société, qui se conjuguent en permanence avec
l'actualité.
Vous avez rapidement et efficacement traduit cette exigence en actes, à
travers votre politique et vos premières décisions, à travers aussi les
nombreux et importants chantiers que vous avez ouverts et qui trouvent un début
de concrétisation dans votre projet de budget pour 1998.
Votre volonté de faire bouger les choses à bon escient, qui accompagne votre
démarche constante d'écoute et votre souci d'instaurer de larges concertations,
et des dialogues francs et constructifs sur le terrain, est particulièrement
appréciée de la communauté sportive et associative. J'en veux pour confirmation
la réussite des Rencontres de la jeunesse, dont vous avez été l'initiatrice, à
la phase finale desquelles j'ai assisté le week-end dernier, à Marly-le-Roi, et
que le Premier ministre a conclues.
Quel fantastique appel d'air que cette pratique de démocratie directe, qui a
permis à 100 000 jeunes de se retrouver dans 1 700 rencontres organisées à
travers tout le pays pour débattre, interpeller, confronter les idées, trouver
des solutions dans la richesse et la diversité de leurs sensibilités, de leurs
individualités et de leurs solidarités !
Quel formidable atout pour le devenir de notre pays que cette force de
proposition, que cette aspiration à être acteur et décideur à part entière !
Madame la ministre, les mesures qui ont résulté de ces rencontres sont
significatives et vont contribuer à faire progresser les droits des jeunes dans
de nombreux domaines.
Mercredi dernier, dans ma commune de Choisy-le-Roi, j'avais organisé une
rencontre avec les jeunes à propos du plan emploi-jeunes. Je les ai informés de
la teneur de ces nouvelles mesures, qu'ils ont bien accueillies, car elles sont
porteuses d'espoir et de dignité, ce qui est vraiment primordial.
Pour les faire entrer dans les faits, vous en placez l'application et le suivi
sous le contrôle des jeunes eux-mêmes, par le biais de commissions
consultatives que vous avez décidé de mettre en place. C'est, à mes yeux, très
important. Dans la philosophie de cette démarche, je vois, madame la ministre,
le franchissement d'un cap nouveau et indispensable, qui doit permettre de
faire entrer de plain-pied les jeunes dans toutes les instances de concertation
et de décision les concernant, et au-delà. Ils ne doivent plus être seulement
ceux que l'on écoute, que l'on consulte, à qui l'on donne la parole. Ils
doivent être auteurs et acteurs de plein exercice de leur vie et de leur
avenir. Ce sera un enrichissement pour toute la société, et je sais que c'est
votre objectif.
Mais, comme pour les emplois-jeunes, la détresse est si grande que les jeunes
sont impatients que tout cela prenne corps et se concrétise. Ils me l'ont dit :
il faut agir plus vite. Je crois qu'il faut entendre cette revendication comme
un appel à multiplier les démarches qui leur permettront d'obtenir rapidement
et concrètement les emplois promis, car l'impatience pourrait se manifester.
En disant cela, je sais bien que tout ce qui a trait aux jeunes ne dépend pas
de votre seule responsabilité ministérielle, madame la ministre. C'est tout le
Gouvernement qui est concerné, mais il faut avoir conscience de cette
attente.
L'accompagnement budgétaire de cette politique, avec des crédits en
progression de 4,7 %, est le gage de l'inversion de tendance que vous avez
engagée. Dans le peu de temps qui m'est imparti, j'ai voulu insister sur les
grands chantiers que vous lancez, madame la ministre.
Je n'énumérerai pas toutes les actions contenues dans votre projet de budget
car M. le rapporteur nous les a présentées et a indiqué notamment, quels postes
étaient en progression. Il s'agit d'une avancée, même si la situation exigerait
des crédits plus importants encore. Le projet de budget de la jeunesse et des
sports pour 1998, tout comme l'ensemble du projet de budget de l'Etat, marque
une transition.
Mais 8 000 emplois-jeunes et 350 postes FONJEP créés pour l'éducation
populaire traduisent une rupture avec les suppressions d'emplois antérieures
successives. L'accroissement des crédits d'intervention et de conventionnement
en faveur de la vie associative compensant les contractions des années
précédentes, les subventions d'équipement pour la rénovation du patrimoine sont
les premières pierres de votre nouvelle politique.
S'agissant des rythmes de vie des enfants et des jeunes, les moyens sont
maintenus au même niveau afin que soit poursuivie l'expérience de sites
pilotes, mais il faudra continuer d'avancer, et à une allure plus vive.
L'évaluation de l'expérience en 1998 devra prendre en compte, en liaison avec
l'éducation nationale, la globalité de l'acte éducatif qui, de ce point de vue,
ne peut être découpé entre enseignements fondamentaux, d'un côté, et activités
d'éveil et de sensibilisation, de l'autre. En effet, le sport est aussi un
formidable moyen d'enseigner l'instruction civique.
Madame la ministre, à Choisy-le-Roi, avec les élèves du collège Henri-Matisse,
vous avez eu l'occasion de voir le travail exemplaire qu'ils ont réalisé autour
du thème « le sens et la règle » avec leurs professeurs Joël Quiniou et Didier
Deschamps et d'autres sportifs, après que des incidents sérieux aient eu lieu
dans le collège.
Par ailleurs, il est nécessaire de rétablir l'équité entre les collectivités
territoriales qui s'impliquent fortement. En effet, les inégalités quant aux
ressources ne permettent pas de respecter les principes d'unité et de qualité
du service public auxquels chaque enfant doit avoir droit en tous points du
territoire.
Madame la ministre, vous avez souvent souligné, à juste titre d'ailleurs, à
quel point les fonctions humanistes et citoyennes du sport étaient altérées par
une mercantilisation grandissante et un pilotage par l'argent que favorise
l'intervention sans précédent des médias.
Dans le même temps, on assiste à l'éclosion de pratiques nouvelles et non
institutionnalisées du sport de loisir, et ce quelles que soient les catégories
de population et quel que soit l'âge.
C'est dire si, avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen,
je partage pleinement avec vous la nécessité de faire émerger un véritable
service public du sport doté de moyens importants.
Les chantiers que vous avez ouverts sans attendre vont sans nul doute y
contribuer. Au premier rang de ceux-ci figurent le projet de révision de la loi
de 1984, la charte de la vie associative, le statut du bénévolat. Le dernier,
qui est très attendu, concerne des centaines de milliers de femmes et d'hommes
dont le dévouement est extraordinaire et qui doivent être concrètement et
rapidement aidés.
La politique que vous avez définie est confortée par l'action déterminée que
vous menez contre le dopage, avec le renforcement à la fois de la prévention,
de la recherche et des contrôles médicaux, ainsi que par les efforts
budgétaires que vous faites tant pour le sport de haut niveau que pour le
soutien à toutes les formes d'activités sportives. Ainsi, votre action renoue
nettement avec un engagement affirmé de la nation pour le sport.
De surcroît, la hausse du FNDS constitue un atout que vous voulez consacrer, à
juste titre, à une meilleure répartition des subventions versées aux clubs sur
l'ensemble du territoire, et pour lesquelles les collectivités locales
consacrent, de longue date, des efforts importants que vous connaissez, madame
la ministre, et qui sont vitaux pour l'ensemble du mouvement sportif.
Le vote positif que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen
émettront sur votre projet de budget traduit en premier lieu l'approbation des
orientations et de la politique nouvelle que vous impulsez.
Vous avez hérité d'une situation difficile, nous le savons. Il y a beaucoup à
entreprendre pour notre jeunesse, pour le sport. C'est pourquoi notre vote sera
aussi un vote d'encouragement et d'incitation à ce que la dotation budgétaire
soit, l'an prochain, beaucoup plus importante, car, plus que jamais, nous
restons exigeants.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Reux.
M. Victor Reux.
Madame le ministre, j'ai constaté que, contrairement à la plupart de vos
collègues, vous nous présentez un projet de budget maîtrisé, en recul de 2,1 %
par rapport au budget voté pour 1997.
Je ne commenterai pas en détail votre budget, car les deux rapporteurs l'ont
fort bien fait. Je souhaiterais cependant retenir votre attention sur plusieurs
thèmes.
Madame le ministre, vous avez annoncé un budget de rupture, un retournement de
tendance. Je le cherche encore !
Cette année, vous avez des marges de manoeuvre nouvelles qui ont été dégagées
du fait de la diminution des crédits consacrés à la Coupe du monde de football.
Toutefois, nous ne pouvons que regretter que vous n'ayez pas réussi à conserver
l'intégralité des crédits consacrés au financement de cet événement
exceptionnel.
A propos des nouveaux crédits, madame le ministre, je ne saurais trop vous
mettre en garde contre un excès d'optimisme, excès qui pourrait être contrarié
par les mécanismes de régulation budgétaire et par les conséquences des
affectations de crédits. En effet, vous le savez bien, personne n'est à l'abri
des foudres de Bercy. Nous aurions là un vrai changement de cap !
Mon premier thème de réflexion concerne la lutte contre le dopage dans les
milieux sportifs.
Vous semblez avoir la volonté de consacrer vos efforts à ce grave problème.
C'est en effet essentiel, car l'image du sport a été détériorée par les
différents scandales qui ont éclaté récemment encore.
Alors même que tout le monde s'accorde pour affirmer que le sport est un
important levier d'intégration sociale, que les grands sportifs font rêver des
millions de jeunes et qu'ils leur servent d'exemple, ces événements sont très
regrettables.
Vous avez décidé de consacrer des moyens au développement des mécanismes de
détection de substances dopantes. Grâce à des recherches poussées, les
scientifiques ont fait de grands progrès et savent détecter des doses de plus
en plus infinitésimales de produits dans le sang.
Toutefois, les personnes qui fabriquent ces produits et les fournissent aux
sportifs semblent toujours capables de trouver de nouvelles substances
dopantes. Quelles sont donc les actions que vous entreprenez à leur encontre
?
De plus, je voudrais appeler votre attention sur le fait qu'un certain nombre
de produits, boissons ou barres énergétiques, contiennent des substances
susceptibles d'entraîner un résultat positif lors des contrôles anti-dopage.
Or, ces produits ne sont pas soumis au contrôle du ministère de la santé.
Il est également regrettable qu'aucune recherche ne soit entreprise pour
découvrir, lors des contrôles effectués, si les substances découvertes, parfois
en quantité très réduite, proviennent effectivement d'un dopage ou d'une simple
absorption d'une substance contenue dans un produit alimentaire.
Enfin, n'est-il pas étonnant qu'un seul et unique laboratoire - je ne conteste
ni la qualité de ses prestations ni sa déontologie, soit agréé pour effectuer
les tests anti-dopage ?
Le décret de mise en oeuvre des dispositions de lutte contre le dopage fait
mention de plusieurs laboratoires qui pourraient être agréés. Par principe, il
serait donc souhaitable qu'un autre centre soit agréé pour effectuer les
expertises ou les contre-expertises.
Mon deuxième sujet de réflexion concerne le statut des sociétés à objet
sportif.
Il me semble qu'il serait temps, notamment pour les plus grands clubs
sportifs, de modifier leurs statuts, qui ne sont pas toujours très adaptés à
leurs besoins.
Certains proposent de laisser les sociétés anonymes à objet sportif opter tout
simplement pour le statut de société commerciale, quitte à organiser une
certaine solidarité envers les plus petits clubs, qui pourraient alors plus
largement bénéficier des subventions publiques.
Il me semble, madame le ministre, qu'il faudrait s'orienter dans cette
direction. J'aurais souhaité vous entendre sur ce thème.
Je souhaite évoquer un autre sujet, celui des jeunes sportifs en formation
appelés éventuellement à faire une carrière internationale.
En ce qui concerne le football, de nombreux clubs ont des centres de formation
qui accueillent des jeunes espoirs. Ces écoles sont largement subventionnées,
notamment par le biais de la taxe d'apprentissage. Elles sont d'un excellent
niveau et, chaque année, plusieurs jeunes sortent de ces centre en étant
capables de faire une carrière internationale.
Or, un passé récent nous a montré que des clubs d'autres pays pouvaient faire
signer ces jeunes à la sortie du centre, avec l'autorisation des parents. Ils
profitent ainsi de l'excellente formation dispensée par ces écoles et financée
par l'Etat. L'arrêt Bosman de la Cour de justice européenne a affirmé que, dans
ce cas, le principe de la libre circulation des travailleurs s'appliquait et
qu'il n'était pas possible d'empêcher un club étranger de venir littéralement
débaucher de jeunes talents dans le vivier des centres de formation.
Or, l'hémorragie des jeunes espoirs à laquelle nous assistons est dommageable
pour la qualité à venir du football français.
Madame le ministre, ne serait-il pas judicieux d'imaginer un système selon
lequel le jeune s'engagerait à rester dans le club formateur pendant une durée
de deux ans après sa sortie du centre de formation, afin que l'investissement
fait par le club sur ce joueur puisse être rentabilisé ? Je souhaiterais
connaître votre sentiment sur ce problème.
Mon quatrième sujet de réflexion concerne le taux de la TVA sur le sport, les
produits et les équipements sportifs.
Mes collègues Jean-Paul Delevoye et Philippe Marini ont proposé qu'elle soit
abaissée à 5,5 %. Certains pays ont déjà diminué ce taux avec succès. Les
directives européennes le permettent. Quelle est votre position sur ce sujet,
madame le ministre, et quel serait le coût d'une telle mesure ?
Mon cinquième sujet de réflexion a trait aux emplois-jeunes.
Ce sont 8 000 emplois qui devraient être créés en 1998. En quoi vont consister
ces emplois ? Quelles portes de sortie vont être proposées aux jeunes à l'issue
de leur contrat de cinq ans ? Ne va-t-il pas y avoir double emploi avec le plan
sport-emploi mis en place par votre prédécesseur, M. Guy Drut ? Ce plan était
fondé sur l'initiative et non sur l'assistanat ; il a favorisé la création de
plus de 3 000 emplois dans les milieux associatifs sportifs.
Enfin, quelle formation sera proposée à ces jeunes ? La pratique, la
surveillance ou encore l'enseignement d'un sport ne s'improvisent pas.
Pouvez-vous préciser vos intentions ?
Concernant les moyens affectés à la jeunesse, je souhaiterais exprimer mon
inquiétude. Les crédits destinés à l'aménagement des rythmes scolaires, engagé
par votre prédécesseur, sont en forte baisse par rapport à 1997, puisqu'ils
diminuent de près de 15 %. Cette décision me paraît extrêmement grave.
L'aménagement des rythmes scolaires correspond à une demande des enseignants,
des parents d'élèves et des enfants. Il est tout à fait inopportun de le
remettre en cause. Vous avez annoncé que vous souhaitiez procéder à
l'évaluation des expérimentations, mais cela ne me paraît pas devoir justifier
une baisse de l'investissement de l'Etat.
Un effort d'évaluation a déjà eu lieu, qui démontre d'ailleurs la très grande
satisfaction des familles et des enseignants. Si effectivement la réforme des
rythmes scolaires réclame une très bonne préparation pour que les différents
acteurs du système éducatif en profitent pleinement, il faut toutefois veiller
à ce que ces évaluations ne se prolongent pas trop longtemps. J'espère, en tout
état de cause, que vous n'allez pas vous dessaisir de ce dossier au bénéfice de
votre collègue de l'éducation nationale. Votre ministère a beaucoup à apporter
à ces nouveaux dispositifs.
Madame le ministre, votre projet de budget n'est pas à la hauteur de vos
ambitions. En tout état de cause, il ne témoigne pas d'une politique ambitieuse
en faveur de la jeunesse. Toutefois, le groupe du Rassemblement pour la
République suivra l'avis de la commission des finances.
M. le président.
La parole est à M. Egu.
M. André Egu.
La différence des budgets que nous avons examinés depuis le début de l'examen
de la deuxième partie du projet de loi de finances, le vôtre, madame le
ministre, a une qualité essentielle : la maîtrise. Il témoigne en effet d'un
souci de rigueur, comme l'a rappelé M. le rapporteur spécial.
A première vue, avec des moyens modestes et grâce à la fin du financement de
la Coupe du monde de football, vous avez su donner des priorités fortes à votre
action.
Nous constatons une politique qui affiche de vraies ambitions et cherche à
préparer l'avenir. Nous approuvons, avec quelques réserves toutefois, vos
orientations en faveur de la jeunesse et du sport, votre gestion d'un événement
qui, dans quelques mois, tiendra tout le pays en haleine, ainsi que votre lutte
contre le dopage, cette véritable gangrène du sport de haut niveau.
Que de satisfecit ! Mais ils s'arrêteront là, car, en examinant votre budget
de plus près, on s'aperçoit qu'il est, sur bien des sujets, un peu en trompe
l'oeil.
En matière d'emploi, tout d'abord, permettez-moi, madame le ministre, de
m'interroger sur les risques de substitution entre le nouveau dispositif
emploi-jeunes et le plan sport-emploi, qui a été mis en place par votre
prédécesseur et qui, bien que prévoyant des aides financières moindres, a fait
largement les preuves de son efficacité.
En effet, les emplois-jeunes, qui concernent les associations, les fédérations
et les clubs sportifs, risquent, dans la pratique, de toucher les mêmes types
de publics que ceux qui sont concernés par le plan sport-emploi.
Le bilan 1996 de ce plan montre que 84 % des personnes ont été recrutées pour
des tâches d'éducateur ou des tâches d'accueil.
En cette année qui s'achève, la réussite de ce plan est acquise. Cependant, il
est à craindre que le dispositif emplois-jeunes ne soit préféré par les
employeurs à celui du plan sport-emploi. Je vous rappelle, mais vous le savez,
que l'aide peut s'élever à 92 000 francs pendant cinq ans là où le plan
sport-emploi prévoit une aide triennale de 50 000 francs la première année, de
35 000 francs la deuxième et de 15 000 francs la dernière.
C'est pourquoi il est très important de suivre avec attention la première
application du plan emploi-jeunes. J'attends que vous nous précisiez, madame le
ministre, la manière dont vous allez éviter le télescopage des deux plans.
Pouvez-vous nous indiquer également comment vous pourrez mener de front leur
financement ?
J'en viens maintenant à la question du dopage, dont d'autres orateurs ont
parlé avant moi.
Vous augmentez très sensiblement les moyens affectés à la lutte contre ce
fléau. Je ne peux que vous en féliciter, mais il ne s'agit que d'une première
étape, car la lutte contre le dopage ne passe pas seulement par des moyens
financiers. Elle implique une moralisation des compétitions et, surtout,
l'éducation des plus jeunes, qu'il faut sensibiliser dès l'école. Il s'agit
d'une action de grande envergure.
Pour la mener, une forte volonté politique est nécessaire. Or, force est de
constater que, pour l'instant, elle ne nous apparaît pas avec évidence.
Autre sujet de préoccupation : le Fonds national pour le développement du
sport.
Il fut, oserai-je dire, l'une des premières victimes de la cohabitation. Dès
le mois de juin, vous l'avez allégé de 55 millions de francs sur les 60
millions de francs de crédits supplémentaires que nous lui avions attribués
dans la loi de finances pour 1997. Que le taux de prélèvement sur La Française
des jeux soit de 2,6 % ou de 2,9 %, ce n'est pas la garantie que les recettes
supplémentaires qu'on lui affecte ne seront pas, en 1998 comme en 1997,
annulées en cours d'exercice.
A titre personnel, j'ai toujours défendu - mon groupe peut-être pas toujours -
plutôt le taux de 2,9 % que celui de 2,6 %, et j'avais même voté en ce sens en
commission. Je vous en fais l'aveu, parce que j'estime que telle est la
condition d'une bonne utilisation de ce fonds.
Ce fonds a également besoin d'une gestion saine. Il est nécessaire de lui
rendre sa finalité originale : le soutien au sport de haut niveau, d'une part,
et l'aide aux petits clubs, d'autre part.
Depuis plusieurs années, on l'a dit, le FNDS éponge les dettes, tantôt de
Magny-Cours, tantôt de Ligier, tantôt du comité d'organisation des jeux
Olympiques et des autres. Il sert à tout, mais pas assez à ce pour quoi il a
été créé par le Sénat. Je veux rendre hommage à mon collègue M. Lesein, qui a
toujours dénoncé ce détournement.
M. François Lesein,
rapporteur pour avis.
Je vous remercie !
M. André Egu.
Déjà, il avait aidé au financement de la préparation de la Coupe du monde de
football. Aujourd'hui encore, il sera mis à contribution pour la rénovation du
Parc des Princes et des stades de province retenus pour la Coupe du monde à
hauteur de 92 millions de francs, contre 78,5 millions de francs l'an dernier.
Il faut espérer que cet événement ne connaîtra pas un déficit comparable à
celui qu'avaient connu les jeux Olympiques d'Albertville !
Hors financement des équipements de la Coupe du monde, les subventions
d'équipements des collectivités territoriales et des associations sportives
diminuent de 13 millions de francs, soit une baisse de 13 % par rapport à 1997.
J'attends, madame le ministre, que vous vous engagiez à respecter les objectifs
premiers du FNDS.
Il est un autre fonds dont l'avenir nous préoccupe, je veux parler du Fonds
national pour le développement de la vie associative, le FNDVA.
Comme en 1996 et en 1997, le FNDVA sera doté en 1998 de 24 millions de francs,
somme à laquelle il faut ajouter le prélèvement sur le Pari mutuel d'un montant
équivalent. Ce fonds a besoin de connaître certaines améliorations. En effet,
le doublement de la dotation depuis 1996 n'est toujours pas financé par une
augmentation des recettes propres ; il l'est par une subvention du budget du
ministère.
Dois-je vous rappeler que le FNDVA a pour mission essentielle de compléter les
moyens mis en oeuvre par le ministère dont vous avez la charge ? Aujourd'hui,
nous sommes dans une situation absurde et inverse. C'est le ministère qui
complète le financement du fonds. Dès lors, on peut s'interroger sur le
doublement de sa dotation.
Il est donc temps de revoir le mode de fonctionnement et les missions de ce
fonds.
(Mme la ministre acquiesce.)
Je serai très attentif aux décisions
que vous prendrez. Comme l'a recommandé le groupe de travail que vous avez
installé en juillet dernier, ces mesures devront aller dans le sens d'une
clarification du dispositif institutionnel, d'une gestion plus lisible et d'une
stabilisation des ressources.
Ayant assisté, à votre ministère, à la réunion du FNDVA en tant que
représentant du Sénat, j'ai pu mesurer la déception des associations devant un
manque de clarté ou d'information sur le fonctionnement et la réalité du budget
disponible.
Enfin, votre prédecesseur avait fait de l'aménagement des rythmes scolaires
une de ses priorités. Nous espérons - et je pense que vous allez le confirmer -
que cette politique sera développée. Avez-vous la volonté de généraliser cette
expérimentation à l'ensemble du territoire, c'est-à-dire de l'étendre à tous
les enfants scolarisés ?
Il faut tout de même savoir qu'une généralisation à 4 millions d'enfants
scolarisés en cycle élémentaire coûterait 6 milliards de francs, dont 4
milliards à la charge des collectivités locales.
Il est de mon devoir de vous demander de ne pas négliger cet aspect des choses
lorsque vous prendrez vos décisions en partenariat avec vos collègues de
l'éducation nationale. Dans beaucoup de domaines, l'Etat reste décideur, mais
n'est plus payeur, pour le plus grand malheur des collectivités locales.
Malgré ces quelques observations, madame la ministre, je vous confirme que mes
collègues et moi-même voterons votre budget, car il témoigne d'un effort de
maîtrise des dépenses publiques dont le Sénat se veut le défenseur.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. François Lesein,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Maman.
M. André Maman.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les problèmes
relatifs à la jeunesse et aux sports ont une importance qui dépasse largement
la place modeste qui leur est octroyée par le projet de budget que le
Gouvernement soumet aujourd'hui à l'approbation du Sénat. Ils concernent, en
effet, un domaine d'intervention dans lequel le bénévolat, individuel aussi
bien qu'associatif, joue un rôle qui est capital, mais qui reste, par
définition, difficilement quantifiable. J'y reviendrai tout à l'heure.
Mme Hélène Luc.
Vous avez raison !
M. André Maman.
Pour être tout à fait franc, madame la ministre, je dirai que le budget que
vous nous présentez n'est ni meilleur ni plus mauvais que ceux que nous avons
eu à connaître dans le passé. D'un strict point de vue comptable, en effet, les
chiffres sont aussi cruels que les années précédentes. Ils témoignent
éloquemment de ce mal français qui consiste à tenir la pratique sportive en
lisière des grands problèmes politiques.
Ce budget diminue donc de 62 millions de francs et représente moins de 0,2 %
du budget de l'Etat. Concrètement, il représente un effort de 51 francs par an
et par habitant, ce qui est parfaitement dérisoire si l'on veut bien considérer
que le sport est à la fois un moyen d'intégration sociale et d'épanouissement
individuel, un creuset pour la citoyenneté et la démocratie, et un formidable
moyen de brasser la diversité française, en offrant à tous les jeunes qui le
pratiquent l'occasion de transcender ce qui les fédère et d'effacer ce qui les
divise.
(Très bien ! sur le banc de la commission.)
Le bilan n'est donc pas glorieux, mais, je le rappelais à l'instant, il
faut bien admettre qu'il ne l'a jamais été et que le gouffre séparant les
déclarations d'intention des réalités chiffrées a ceci de particulier, dans le
domaine qui nous intéresse, qu'il résiste fort bien aux aléas des alternances
politiques.
Ce budget est donc d'une faiblesse insigne, mais, compte tenu de ce qui
précède, je crois, madame la ministre, qu'il serait d'autant plus aventureux de
vous en faire grief que l'on peut y voir transparaître un certain nombre de
mesures positives.
J'en rappellerai brièvement deux, avant de vous interroger sur l'avenir.
Il s'agit d'abord de l'emploi, que les rapporteurs et mes prédécesseurs à
cette tribune ont déjà évoqué.
Vous avez décidé de faire de votre ministère un artisan de la mise en place du
plan emploi-jeunes. Vous devriez, en définitive, participer à la création de 25
000 emplois, dont 9 000 pour la seule année 1998. J'y note, pour ma part, une
volonté réelle de redynamiser la vie associative et un travail certain et très
clair en direction de la jeunesse. C'est incontestablement un point positif,
même si des incertitudes planent encore sur la façon dont ces emplois seront
financés à terme. Mais peut-être que notre réunion d'aujourd'hui vous permettra
de rassurer sur ce point tous mescollègues responsables de collectivités
locales, qui craignent de devoir assumer
in fine
le coût de ces emplois
après le désengagement de l'Etat.
L'autre point positif concerne la lutte contre le dopage, dont on a également
déjà parlé.
Des affaires récentes ont mis en lumière ce problème dans toute sa gravité,
puisque des champions de très haut niveau, qui sont des exemples admirés et
respectés par notre jeunesse, ont été contrôlés positifs.
Les luttes sportives deviennent de plus en plus dures et de plus en plus
soumises aux enjeux financiers. On le voit, il faut absolument gagner et battre
l'adversaire, et, malheureusement, tous les moyens sont bons, pour certains
sportifs.
Ce fléau, dont tout le monde connaît l'existence depuis de nombreuses années,
a longtemps semblé circonscrit à certains sports et à certains pays.
Aujourd'hui, il apparaît malheureusement que le dopage s'étend partout dans le
monde, qu'il envahit toutes les disciplines et qu'il ait des ravages même chez
de très jeunes sportifs. Vos dernières déclarations sur ce sujet, madame les
ministre, ont témoigné de votre volonté de ne pas vous laisser déborder par ce
problème, et je crois que nous reconnaîtrons tous bien volontiers que votre
attitude sur cette question a été exemplaire.
Les moyens affectés à la lutte contre le dopage dans votre projet de budget
restent naturellement insuffisants, notamment par rapport à ce que réclame le
Comité national olympique et sportif français. Toutefois, il faut reconnaître
qu'ils passent de 7 millions de francs à 13,5 millions de francs, ce qui me
paraît être un bon point de départ.
Ce n'est qu'un point de départ, car - notre excellent rapporteur pour avis,
François Lesein, l'a rappelé - ces moyens consacrés à lutter contre le dopage
ne seront véritablement efficaces que si une politique de prévention en
direction des jeunes est mise en place de façon concomitante. Allez-vous le
faire, madame la ministre ? Nous le souhaitons fortement.
Je rappelais, dans mon introduction, le rôle fondamental que jouent les
bénévoles dans le monde sportif. En France, on compte environ 160 000
associations sportives, réparties sur tout notre territoire. Je peux également
vous assurer, pour avoir vécu de l'intérieur la réalité du monde associatif
dans les pays anglo-saxons pendant de nombreuses années, que nos compatriotes
expatriés s'investissent eux aussi beaucoup dans de nombreuses associations
qui, comme en France, jouent un rôle éducatif, social et culturel essentiel
pour la formation et l'insertion sociale de notre jeunesse.
Je souhaite d'ailleurs, madame la ministre, que les associations françaises
de l'étranger ne soient pas oubliées par votre ministère car, je l'ai constaté
sur le terrain - aux Etats-Unis, au Canada, en Australie, etc. elles jouent un
rôle tout à fait fondamental et trop souvent négligé.
Ces associations sportives, qu'elles soient en France ou ailleurs dans le
monde, n'existent et ne fonctionnent que grâce à des bénévoles - à qui nous
devrons rendre hommage - qui travaillent ardemment, avec des moyens financiers
dérisoires, dans un cadre réglementaire et législatif qui, de toute évidence,
est totalement inadapté. Ces bénévoles font un travail magnifique. A ce niveau,
le sport ne serait pas possible sans eux.
Mme Hélène Luc.
C'est vrai !
M. André Maman.
Tous nous le disent : il est impératif de modifier les structures relatives au
bénévolat, car les tracasseries administratives et les règles fiscales et
comptables que rencontrent tous nos petits clubs sont en décalage avec la
réalité associative d'aujourd'hui.
M. le président.
Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. André Maman.
Je voudrais donc profiter de cette intervention pour vous demander des
précisions sur le statut des bénévoles, auquel vous nous avez dit travailler,
statut qui devrait être formalisé en 1999 dans une loi nouvelle.
Pourriez-vous, madame la ministre, donner au Sénat quelques indications sur
les grands axes autour desquels vous comptez articuler le futur dispositif et,
plus précisément, sur deux questions qui me tiennent à coeur.
La première est liée à mon expérience personnelle et elle concerne la prise en
compte et la reconnaissance du bénévolat par les entreprises.
Aux Etats-Unis, ces activités ont une importance capitale, et les étudiants,
lorsqu'ils remplissent leur curriculum vitae à la recherche d'un emploi, ne
manquent pas de mettre en avant toutes les actions qu'ils ont pu mener au
service de la communauté.
Ils s'adonnent à ces activités par altruisme, bien sûr, mais aussi parce
qu'ils savent que leur mention produira une impression souvent décisive sur
leurs futurs employeurs. Il faudra réfléchir à ce que le bénévolat, tout comme
les diplômes, reconnu sur le plan professionnel, et je serais heureux de savoir
si vous avez déjà pensé à des solutions susceptibles d'aller dans ce sens.
M. le président.
Il vous faut vraiment conclure, monsieur Maman.
M. André Maman.
Je conclus, monsieur le président.
Ma seconde question est d'ordre strictement économique elle a trait à la
taxation excessive des produits sportifs. Comptez-vous, madame la ministre,
demander que le taux de TVA sur les équipements sportifs soit ramené à 5,5 %,
ce que certains de nos amis européens ont déjà fait ?
Mme Hélène Luc et M. Robert Pagès.
Très bien !
M. André Maman.
Vos réponses à ces questions, ainsi qu'aux interventions de l'ensemble des
orateurs inscrits éclaireront mon opinion et détermineront le sens de mon
vote.
Je ne voudrais pas conclure mon propos, madame la ministre, sans vous
remercier pour les documents très complets que vous nous avez fait adresser
avant la discussion budgétaire et pour le travail d'information remarquable
dont vous nous avez fait bénéficier.
J'en ai terminé, mais quelle course, monsieur le président !
(Sourires.)
M. le président.
Oui, mais je vous ferai remarquer, mon cher collègue, que vous disposiez de
six minutes et non pas de neuf !
M. André Maman.
Une fois par an, monsieur le président !
M. le président.
La parole est à M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, intervenant
régulièrement dans la discussion du budget de la jeunesse et des sports depuis
de longues années, j'ai été trop souvent contraint de dénoncer la faiblesse des
crédits affectés à ce ministère. Mais cette année, au-delà de l'apparente
diminution des moyens, due en fait, on l'a dit, à l'achèvement de la
construction du Stade de France et de la rénovation des stades de province,
c'est avec satisfaction et espoir que l'on sent dans ce projet de budget une
volonté de mettre en place une nouvelle politique ambitieuse, à même de
répondre aux légitimes aspirations de notre jeunesse.
Même si, avec 2 901,7 millions de francs, on n'atteint pas les 3 milliards de
francs souhaités, même si on est encore loin du 1 % sportif, à l'instar du 1 %
culturel, ce budget traduit bien les priorités gouvernementales.
En rompant avec les budgets des deux gouvernements précédents - vous avez
hérité, madame la ministre, d'une situation difficile - vous manifestez votre
détermination de redonner espoir à la jeunesse et au mouvement sportif. Bien
sûr, il faut faire encore plus et mieux, mais vous me permettrez, mes chers
collègues, de féliciter Mme la ministre d'avoir eu comme principale
préoccupation l'emploi.
Cette priorité en faveur de l'emploi des jeunes va, bien évidemment, se
traduire, dès 1998, de façon extra-budgétaire dans le cadre du dispositif
emplois-jeunes, et je crois que le Premier ministre a eu raison de rappeler, le
30 novembre dernier, lors de la clôture des Rencontres nationales de la
jeunesse, que vous « étiez vouée à une fonction un peu interministérielle ».
Votre ministère ne peut que participer à l'effort gouvernemental en faveur de
l'emploi des jeunes.
Les associations et le sport représentent un terrain de choix, où de vrais
besoins se font sentir, lesquels peuvent être satisfaits par ces nouveaux
métiers d'accompagnement et de médiation. Je fais pleinement confiance à
l'imagination des jeunes et des responsables associatifs pour les faire
fonctionner. Par l'intermédiaire d'accords-cadres avec le Comité national
olympique et sportif français, avec les fédérations sportives, les mouvements
laïques et d'éducation populaire, le mouvement sportif et associatif peut créer
environ 8 000 emplois-jeunes.
A côté des emplois-jeunes, le dispositif sport-emploi va continuer de
fonctionner et, grâce à un crédit nouveau de 60 millions de francs, 1 500
postes vont être créés. Votre décision d'étaler sur cinq ans les aides
financières permettra d'éviter toute concurrence avec le dispositif
emplois-jeunes. Ce louable effort en faveur de la jeunesse s'accompagne d'un
effort de formation, et je crois que c'est une excellente chose que vous ayez
inscrit la formation dans les conventions-cadres signées avec le Comité
national olympique et sportif français, le CNOSF, et le mouvement
associatif.
Par ailleurs, on ne peut que se réjouir de constater la hausse significative
des crédits d'intervention destinés à la jeunesse et à la vie associative ; en
effet, les crédits d'intervention du titre IV en faveur de la jeunesse seront
portés à 550 millions de francs pour 1998, ce qui représente une hausse de 3,2
% par rapport à l'an passé. C'est à mon avis un excellent investissement pour
l'avenir.
Renversant la tendance à la baisse de ces dernières années, une mesure
nouvelle de 15,9 millions de francs autorisera l'ouverture de 350 postes
FONJEP, ce qui permettra de dynamiser la vie associative.
Il faut également retenir la création de trente-quatre nouveaux emplois au
sein de votre ministère ; les mesures de suppression de postes qui devaient
frapper l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, le
Centre régional d'éducation populaire et de sport, le CREPS d'Antibes et le
centre de Font-Romeu sont suspendues, ce qui donne le coup d'arrêt souhaitable
aux orientations néfastes de la majorité précédente.
Il y a tout juste une semaine, le 30 novembre dernier, vous clôturiez, madame
la ministre, en présence du Premier ministre, les Rencontres nationales de la
jeunesse, montrant ainsi votre volonté de faire de votre ministère un
interlocuteur direct et permanent des jeunes. La santé, le logement, les
transports, les loisirs, l'information sont autant de domaines qui concernent
les jeunes, ceux-ci devant être reconnus comme des citoyens à part entière.
Je vous félicite, madame la ministre, d'avoir eu une telle initiative, et je
souhaiterais que vous nous apportiez des précisions quant au suivi concret de
ces rencontres, puisque c'est votre ministère qui est appelé à coordonner cette
politique globale en faveur de la jeunesse.
En ce qui concerne l'aménagement des rythmes de vie de l'enfant et du jeune,
l'ARVEJ, il est heureux que ce dossier soit considéré dans une logique
interministérielle. Il est désormais temps de dépasser la phase d'évaluation.
La réforme des rythmes scolaires est vraiment un enjeu primordial pour
l'éducation de nos enfants.
Votre projet de budget représente également une bouffée d'oxygène pour le
mouvement associatif. Afin de renverser la tendance aux diminutions de crédits
allouées aux associations observée sous la majorité précédente, vous attribuez
10 millions de francs aux subventions destinées au mouvement associatif, alors
que 10 autres millions de francs sont consacrés aux subventions d'équipement
pour assurer la rénovation du patrimoine associatif, des centres de vacances et
de loisirs.
Quant au fonds national du développement de la vie associative, le FNDVA, il
est maintenu au niveau de l'an passé, avec 24 millions de francs. Alimenté
uniquement par les prélèvements sur le Pari mutuel urbain, le PMU, ses recettes
auraient tendance à diminuer. Dans cette perspective, ne serait-il pas
souhaitable, madame la ministre, d'envisager une diversification des recettes
de ce fonds ?
Comme vous pouvez l'imaginer, c'est avec beaucoup de satisfaction, madame la
ministre, que nous retenons votre volonté d'améliorer la vie associative.
Lors de la discussion de votre projet de budget à l'Assemblée nationale, vous
avez annoncé une reconnaissance sociale du bénévolat ; vous avez posé le
problème d'une nécessaire clarification de la fiscalité des associations, d'un
allégement des procédures ; vous avez évoqué un projet de charte de la vie
associative. Pourriez-vous nous préciser les grands axes de tous ces chantiers
rendus nécessaires par l'évolution de la vie associative ?
Ce projet de budget, on vient de le voir, a le mérite de répondre aux
priorités gouvernementales en matière d'emploi des jeunes, de consacrer les
moyens nécessaires à une vie associative dynamique, tout en redonnant espoir au
mouvement sportif.
On l'a dit et répété, le sport a valeur d'intégration ; c'est sur un stade que
l'on apprend l'esprit d'équipe et de fraternité, l'esprit civique. Je regrette
cependant, comme vous, madame la ministre, que le sport soit désormais trop
souvent mêlé à des querelles et des intérêts financiers qui n'ont hélas ! plus
grand-chose à voir avec les vertus traditionnellement liées à la pratique
sportive. Il y a là une dérive que la loi peut et doit corriger et freiner ; à
ce propos, je voudrais que vous nous apportiez des précisions quant à la
nécessaire révision de la loi du 16 juillet 1984.
Une actualité récente ne peut que nous inciter à renforcer les moyens
consacrés à la lutte contre le dopage. Il s'agit d'une mission essentielle à
l'égard de notre jeunesse.
L'année 1998 sera celle de la Coupe du monde de football. Les années
précédentes, avec mes collègues du groupe socialiste, nous avions regretté que
cet événement exceptionnel ne puisse bénéficier d'un financement exceptionnel.
Le FNDS aurait donc pu être épargné et retrouver ainsi sa mission première
d'aide au développement du sport de masse.
Deux cents millions de francs - ce qui représente 5,2 % des dotations du
ministère - seront donc affectés à l'achèvement du Stade de France et des
stades de province. Pouvez-vous dire, madame la ministre, où en est la question
de la venue d'un club résident sur ce Stade de France ?
Nous partageons votre volonté de faire de cette fête du football une véritable
manifestation populaire, et nous vous félicitons d'avoir obtenu la gratuité des
droits de retransmission des matchs sur grand écran dans 800 quartiers de zones
urbaines sensibles.
Quatre millions de francs de moyens supplémentaires sont affectés à
l'insertion professionnelle des sportifs de haut niveau. Mais les efforts
réalisés en faveur de cette catégorie d'athlètes ne doivent pas faire oublier
le sport pour tous, car c'est dans les petits clubs que se forment les
champions de demain. Ce sont ces petits clubs et ces associations multisports
qui, à l'aide de bénévoles à l'inlassable dévouement, font un travail
irremplaçable et qu'il faut absolument aider et encourager. Devant faire face à
des réglementations de plus en plus contraignantes, ces bénévoles ne disposent
pas de moyens financiers suffisants pour mener à bien leurs missions ! De
quelle façon entendez-vous les encourager dans leur extraordinaire action
d'intégration sociale ?
Dans le cadre d'une solidarité entre les grands clubs supermédiatisés et les
petits clubs anonymes, ne pourrait-on pas envisager un prélèvement sur les
retransmissions télévisées ? C'est précisément à ce niveau-là que le FNDS doit
revenir à sa mission première : le financement du sport de proximité pour tous.
Depuis sa création, il a toujours été détourné de sa vocation première en
servant à abonder les crédits destinés au sport de haut niveau.
Tout comme mes collègues du groupe socialiste, je déplore que l'amendement
adopté par l'Assemblée nationale, lors de l'examen de la première partie de la
loi de finances, et visant à remonter le taux de prélèvement de 2,6 % à 2,9 %
ait été repoussé par la majorité sénatoriale, le 26 novembre dernier.
L'emploi, le maintien du tissu social, le développement de la pratique
sportive, l'apprentissage de la citoyenneté, voilà autant d'enjeux essentiels
en cette fin de siècle auxquels vous vous efforcez de répondre, madame la
ministre, avec intelligence et logique.
C'est parce que nous croyons en votre détermination et en celle du
Gouvernement que le groupe socialiste, résolument, sans état d'âme, votera ce
projet de budget, qui traduit le changement de politique voulu par nos
concitoyens.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Mesdames, messieurs les sénateurs,
je souhaite, tout d'abord, vous remercier de votre présence à cette heure
tardive et de la qualité de vos interventions, qui, toutes, témoignent, malgré
leurs approches parfois différentes, de votre engagement auprès de la jeunesse
et du mouvement sportif.
Les choix budgétaires de mon ministère, ainsi que les priorités qu'ils
dessinent, posent les premières pierres d'une politique nouvelle que nous
construisons avec les jeunes et avec le mouvement sportif. Comme l'a dit M.
Madrelle, c'est un budget d'espoir.
Le montant total du budget est, certes, légèrement inférieur à celui qui
figurait dans le projet de loi de finances pour 1997 ; c'est là un constat
comptable.
Cela dit, vous avez noté, monsieur le rapporteur spécial, comme d'autres
intervenants, combien le financement de la Coupe du monde de football faussait
la comparaison. Corrigée de cet événement exceptionnel et des dettes
d'Albertville, l'évolution des moyens globaux du ministère, de 1997 à 1998,
est, en réalité, en hausse de 4,7 %.
S'ajoutent à ce budget, vous le savez, les comptes d'affectation spéciale.
A ce sujet, je souhaiterais dire un mot sur le FNDS.
Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances,
l'Assemblée nationale a augmenté les recettes de ce compte d'environ 98
millions de francs. Le FNDS se trouverait ainsi doté de crédits dépassant
légèrement le milliard de francs ; c'est un événement historique !
Or, votre assemblée a voté la suppression de cette mesure. Je le regrette
profondément, comme certains d'entre vous, mais je me refuse, pour ma part, à
entrer dans une polémique politicienne : ni les intérêts du sport ni ceux de
notre jeunesse n'ont à y gagner !
M. Michel Sergent, rapporteur spécial, m'a interrogé sur les répercussions
exactes de cette baisse de recettes de 98 millions de francs. Je rappellerai
simplement que ce surcroît de recettes du FNDS devait être utilisé en faveur de
trois priorités : d'abord, la lutte contre le dopage ; ensuite, le sport pour
tous, notamment grâce à une augmentation sensible de la part régionale du fonds
; enfin, l'aide aux collectivités locales pour la réhabilitation et la mise aux
normes de leurs équipements sportifs.
Chacun jugera si ces objectifs méritaient ou non d'être soutenus par votre
assemblée.
Quoi qu'il en soit, il faudra poursuivre la revalorisation du budget de la
jeunesse et des sports, tous moyens confondus. C'est ce que me répètent, à
juste titre, les représentants des mouvements sportifs et associatifs que je
rencontre sur le terrain.
Je partage pleinement l'objectif d'un budget général d'au moins 3 milliards de
francs. Je vous le confirme, madame Luc, mon action n'aurait pas de sens si le
redressement de mon budget devait s'arrêter là.
Comme l'a souligné M. Sergent, ma priorité, avec l'ensemble du Gouvernement,
est l'emploi, en particulier l'emploi des jeunes ou en faveur des jeunes.
En 1998, cette priorité se traduira, d'abord, hors de notre budget propre,
dans le cadre de la loi relative au développement d'activités pour l'emploi des
jeunes.
Deux accords-cadres ont déjà été signés, dès le 23 octobre dernier, avec le
Comité national olympique et sportif français, avec des mouvements laïcs et,
dans les jours à venir, plusieurs fédérations sportives et de grandes
associations, comme les maisons de jeunes et de la culture, les MJC, vont
concrétiser ces objectifs en signant des conventions nationales.
Ce dispositif pour l'emploi des jeunes nécessitera, bien entendu, comme l'a
souligné M. Madrelle, un effort particulier de formation dans les domaines
sportif et socioculturel, que le ministère de la jeunesse et des sports va
organiser.
Rencontre locale après rencontre locale de la jeunesse, je ne cesse de
préciser aux jeunes, qui n'ont entendu que le message médiatique « bac + 2 »
pour l'éducation nationale, que le plan emploi-jeunes est ouvert aux jeunes
sans formation et que nous avons le devoir de leur offrir les formations et les
qualifications nécessaires pour occuper ces emplois et s'engager dans une
véritable carrière dans le métier associatif et sportif.
C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai décidé de maintenir la délégation
aux formations de mon ministère, qui devait être supprimée, en élargissant ses
compétences à l'emploi.
Cependant, cette priorité à l'emploi se traduira également dans le budget de
la jeunesse et des sports : l'année 1998 sera caractérisée par l'augmentation
des emplois propres du ministère, ainsi que des emplois associatifs ou sportifs
qu'il aide. Je ne reprendrai pas le détail de ces mesures ; vous les avez
toutes soulignées.
Plusieurs d'entre vous, notamment M. Sergent, rapporteur spécial, et M.
Lesein, rapporteur pour avis, m'ont interrogée sur l'articulation du dispositif
sport-emploi avec les mesures du plan emploi-jeunes. Cette articulation est
indispensable.
J'ai donc décidé, avec l'accord du secrétaire d'Etat au budget, d'étaler sur
cinq ans l'aide dégressive aux clubs de 65 000 francs à 10 000 francs, qui est
ainsi augmentée de plus de 75 %. De la sorte sera évité tout effet de
substitution des emplois-jeunes pour cause financière.
L'analyse des besoins avec les fédérations sportives et les publics visés me
porte à considérer que la complémentarité des deux systèmes sera assurée.
D'ailleurs, nous veillons, contrats nationaux par contrats nationaux avec la
fédération, à éviter toute substitution entre l'emploi-sport et
l'emploi-jeunes.
Toujours en faveur de l'emploi, la mesure concernant les postes FONJEP auprès
des associations ne constitue qu'un rattrapage partiel d'une situation
antérieure très dégradée. J'en ai conscience, mais c'est bien un retournement
de tendance, qu'il faudra poursuivre.
En même temps, l'emploi, c'est aussi la préparation olympique et le sport de
haut niveau, qui seront dotés de cinquante nouveaux contrats de cadre technique
national, lesquels s'ajoutent à un renforcement des crédits de rémunération des
contractuels. Au total, trois cent cinquante-trois contrats seront assurés.
Enfin, j'ai obtenu que l'emploi au sein de mon ministère soit soutenu et
développé, notamment au profit des établissements. Bien évidemment, lorsqu'on
dit que l'on crée trente-quatre emplois d'une année sur l'autre, cela peut
paraître très modeste. Toutefois, lorsqu'on sait que cent cinquante
suppressions d'emploi étaient prévues, il s'agit, là aussi, d'un facteur
d'espoir. Je pense véritablement qu'un ministère comme celui-ci - au travers de
ses directions déconcentrées, de son aide aux mouvements associatifs et de ses
établissements, il s'agit d'un ministère de proximité - a besoin de plus
d'emplois, de plus d'Etat et de plus de fonctionnaires, afin d'être à la
disposition des besoins sociaux et humains, notamment de la jeunesse.
Dès mon entrée en fonctions, j'ai indiqué que je serai autant - vous l'avez
dit - la ministre de la jeunesse que celle des sports. Cette attention
particulière portée à la jeunesse est une volonté de l'ensemble du
Gouvernement, comme l'a indiqué le Premier ministre à l'Institut national de la
jeunesse et de l'éducation populaire, l'INJEP, le 30 novembre dernier, en
clôturant les Rencontres de la jeunesse. La démarche de ces rencontres est née
le 21 juin dernier, lors d'un débat auquel j'ai participé avec quatre-vingts
jeunes.
La rencontre qui s'est déroulée le week-end dernier à Marly-le-Roi, en
présence de six membres du Gouvernement et du Premier ministre, constitue
simplement la conclusion d'une première étape qui a réuni plus de cent mille
jeunes lors de plus de mille cinq cents rencontres locales, qui se sont tenues
aussi bien en métropole qu'outre-mer.
Ce fut, comme vous l'avez dit, madame Luc, un formidable appel d'air ! A
partir des premières propositions des jeunes eux-mêmes, recueillies au cours de
ces rencontres, j'ai entamé un travail avec plusieurs autres ministères. Nous
sommes ainsi parvenus à élaborer une cinquantaine de mesures précises et
concrètes.
Pour répondre à la question de M. Sergent sans vous infliger la lecture d'un
catalogue, je dirai que ces dispositions répondent à trois objectifs.
Tout d'abord, elles tendent à améliorer le bien-être physique et moral des
jeunes ainsi que les conditions de leur vie quotidienne. Il s'agit de toutes
les mesures concernant l'accès au logement, aux transports, à des soins
anonymes et gratuits, à la vie sportive et culturelle.
Ensuite, elles ont pour objet de créer les conditions d'une véritable
citoyenneté des jeunes en multipliant les lieux d'écoute, d'information, de
proposition et de participation.
Puisque M. Madrelle m'a interrogée, à juste titre, sur les suites de ces
rencontres, je peux vous annoncer que seront mises en place, dès le 31 janvier
1998, une commission nationale consultative de la jeunesse, et des instances
consultatives auprès de chaque direction départementale de la jeunesse et des
sports, afin de suivre la mise en oeuvre des mesures qui ont été décidées le
week-end dernier, voire d'ouvrir de nouveaux chantiers.
Enfin, le troisième objectif est d'améliorer les conditions d'études et de
formation. Sur cet aspect, le ministère de l'éducation nationale, de la
recherche et de la technologie a apporté de nombreuses réponses en prévoyant la
rénovation des conseils de classe, l'amélioration des procédures d'orientation
et la création d'un plan social étudiant.
Toutefois, nombre de sujets, notamment l'accès aux formations, les passerelles
entre les diplômes du ministère de l'éducation nationale et ceux du ministère
de la jeunesse et des sports, les passerelles avec la fonction publique,
l'accessibilité aux pratiques sportives et aux loisirs dépendent directement de
mon département ministériel.
Comme l'a rappelé le Premier ministre à Marly-le-Roi, ces mesures « seront,
dans leur quasi-totalité, mises en place dès l'année 1998 ».
Le Gouvernement a pleinement conscience des responsabilités qu'a fait naître
le succès de ces rencontres. Il affirme sa volonté de tenir ses engagements. Je
m'en sens comptable personnellement.
Au service de ces orientations, les crédits d'intervention « Jeunesse » du
titre IV sont portés à 550 millions de francs pour 1998, soit une hausse de 3,2
% par rapport à l'année 1997. Pour autant, et compte tenu des enjeux que je
viens d'évoquer, un montant de 600 millions de francs reste à mes yeux un bon
objectif pour l'année prochaine.
Une mesure nouvelle de 21 millions de francs sera affectée à des actions
locales conventionnées pour et avec la jeunesse.
Comme on a pu le noter, ma démarche à l'égard des jeunes vise constamment à
revaloriser la vie associative, qui doit constituer un creuset de démocratie et
de citoyenneté et qui représente un élément de reconnaissance pour chacun des
jeunes qui y participent.
Le projet de budget que je vous présente prévoit donc un accompagnement
significatif de 10 millions de francs de mesures nouvelles en faveur du
conventionnement avec les associations.
Cette revalorisation des moyens de la vie associative concernera, je tiens à
le souligner, l'éducation populaire. Je considère aujourd'hui d'une très grande
actualité cette référence, propre à notre pays, aux valeurs de formation
continue, de progrès et de liberté.
Enfin, pour répondre aux questions de MM. Madrelle et Maman sur la vie
associative, je considère qu'il faut créer les conditions de la reconnaissance
sociale du bénévolat. A cet effet, le Premier ministre m'a confié l'animation
d'une concertation avec les associations, qui aura pour objet l'élaboration
d'une loi en 1999.
Dans les débats que nous avons, que ce soit avec les jeunes ou avec les
mouvements associatif et sportif, trois pistes se précisent : premièrement,
l'expérience bénévole doit être reconnue dans le cursus universitaire et dans
la carrière professionnelle ; vous y avez fait allusion.
Deuxièmement, des indemnisations doivent être prévues. Personne ne demande à
devenir professionnel, mais les bénévoles souhaitent que l'on puisse prendre en
charge les frais qui sont liés à cet engagement bénévole.
Enfin, troisièmement, il importe de prendre en compte le problème du temps
consacré au bénévolat. Parce qu'on reconnaît à un délégué du personnel un rôle
social et citoyen dans l'entreprise, on lui accorde des heures pour exercer son
mandat. Je considère qu'un bénévole joue ce rôle social et citoyen dans la
société. Il convient donc de lui accorder aussi le temps nécessaire à
l'exercice de cet engagement.
La question de la fiscalité des associations doit être clarifiée et ne pas
être confondue, comme c'est trop souvent le cas, avec la fiscalité des
activités commerciales privées.
Comme l'a souligné le secrétaire d'Etat au budget le week-end dernier, à
l'INJEP, où de nombreuses annonces ont été faites, un projet de refonte de la
fiscalité des associations est à l'étude.
Tous ces chantiers décisifs pour l'évolution de la vie associative s'ouvriront
en 1998. Je ne peux donc pas encore préjuger leurs résultats, ni toutes leurs
échéances. Sachez simplement que je suis personnellement décidée à contribuer,
avec le ministère de la jeunesse et des sports, à leur avancement.
En même temps que ces priorités, le projet de budget pour 1998 assurera la
continuité et le développement des principales interventions du ministère dans
le secteur de la jeunesse.
Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de consacrer quelques
instants à la question de l'aménagement des rythmes scolaires, que plusieurs
d'entre vous ont abordée.
Les travaux se poursuivent au niveau à la fois des cabinets et des services de
différents ministères. Avant la fin du mois de décembre, une table ronde
organisée au ministère chargé de l'enseignement scolaire se tiendra sur ce
thème. Nous progressons ensemble, avec le ministère de l'éducation nationale et
celui de la culture, vers un contrat local éducatif qui fixerait les objectifs
généraux et les principes d'aménagement des temps des enfants.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Ce contrat, signé entre l'Etat et
les collectivités locales, déterminerait les modalités du partenariat, donc du
financement.
Je peux assurer à MM. Lesein et Sergent que chacun des ministères apportera sa
contribution propre.
MM. Michel Sergent,
rapporteur spécial,
et
Robert Pagès.
Très bien !
M. François Lesein,
rapporteur pour avis.
C'est une bonne nouvelle !
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Nous devrions être en mesure
d'annoncer à la date prévue, c'est-à-dire fin janvier 1998, les conditions dans
lesquelles les collectivités locales pourront, pour l'année scolaire 1998-1999,
souscrire ce contrat local éducatif ministériel. Ainsi seront retrouvées les
bases de la « globalité de l'acte éducatif », comme vous l'avez dit à juste
titre, madame Luc.
Pour conclure sur les crédits relatifs à la jeunesse et à la vie associative,
je dirai quelques mots du Fonds national pour le développement de la vie
associative, comme vous m'y avez invitée. Ses moyens sont reconduits, en 1998,
à 24 millions de francs, mais j'entends veiller personnellement à
l'amélioration de sa gestion administrative.
Sur ce point, je tiens à rassurer le mouvement associatif : la totalité des
dossiers retenus pour les subventions de 1997 seront honorés. Cela représente
plus de 31 millions de francs, pour cinq cent trente-deux associations. J'ai
mobilisé en temps voulu les crédits du titre IV nécessaires : tout le monde
sera payé au plus tard début 1998 et les crédits de 1997 auront été consommés
en totalité.
Pour autant, l'attention particulière que je porte à la jeunesse ne se fera
pas au détriment du sport. Ainsi, si le surcroît de recettes accordé au FNDS
par l'Assemblée nationale était confirmé, les crédits d'intervention pour le
sport s'élèveraient à près de 1,5 milliard de francs dans le projet de loi de
finances pour 1998 ; il s'agit d'un record, si je puis dire, en matière de
budget. Les commentaires sur une prétendue baisse des crédits sportifs au
profit de la jeunesse sont donc totalement hors de propos.
A mes yeux, le sport revêt une importance essentielle, à la fois humaniste et
citoyenne, qui ne se réduit pas aux événements spectaculaires et médiatisés.
Pourtant, ces dernières années, cette éthique du sport a souvent plié sous la
pression d'intérêts financiers, dont l'actualité révèle chaque jour la
puissance et la nocivité, lorsqu'aucun contrôle d'intérêt général n'est
exercé.
J'affirme, au contraire, la nécessité de développer un véritable service
public du sport. C'est avec cette conviction que j'ai abordé la révision de la
loi du 16 juillet 1984, dite « loi sur le sport ». Cette révision devra
également intégrer les évolutions sociales, techniques et juridiques qui sont
intervenues depuis.
Je souhaite notamment que soient mieux prises en compte les conséquences
financières des dispositions législatives, qui sont souvent considérables pour
les collectivités locales.
Ainsi, l'application des normes de sécurité dans les enceintes sportives doit
se faire de façon suffisamment progressive, en tenant compte des contraintes
des collectivités locales. S'y ajoutent les normes techniques édictées par les
fédérations sportives qu'il convient d'harmoniser davantage.
L'Etat soutiendra et accompagnera l'effort financier des collectivités.
S'agissant de la baisse de la TVA sur les équipements sportifs, une étude
interministérielle est en cours.
C'est dans le cadre de la révision de la loi sur le sport que s'inscrit, bien
évidemment, le grand débat sur le sport et l'argent. Très concrètement, quel
est l'avenir juridique et financier de nos clubs ? J'ai dit, pour ma part,
combien il était souhaitable de maintenir le financement public pour ces clubs,
en l'assujettissant à des conditions strictes et en imposant, notamment, que
cet argent public soit consacré à la formation et à l'emploi.
J'ai également débattu avec les dirigeants sportifs des fédérations de la
possibilité de donner le statut de sociétés anonymes à certains clubs
professionnels. Tous ont reconnu que fort peu de clubs étaient concernés : pour
être clairs, 98 % des clubs resteront sous statut associatif, et je m'en
félicite ; seule une dizaine de clubs, tous sports confondus, seront
concernés.
Le mouvement sportif nous demande d'étudier cette possibilité de façon très
responsable en posant des conditions strictes, tant du point de vue financier
que du point de vue du lien avec le pouvoir sportif et les fédérations. Faute
de ce lien, c'est la loi du marché qui règnerait seule sur le sport.
Enfin, concernant la « fuite » de nos jeunes joueurs à l'étranger, nous payons
les conséquences d'une déréglementation à l'échelon européen. Si la Fédération
française de football a essayé d'assainir sa gestion et d'établir des règles de
fonctionnement, il n'en a pas été de même pour d'autres fédérations
européennes. Nous pouvons réellement parler de concurrence déloyale les clubs
professionnels européens envers les clubs français. C'est pourquoi nous avons
décidé d'examiner cette question avec les fédérations sportives, notamment la
Fédération française de football.
J'ai demandé à la future présidence anglaise d'organiser, dès le mois de
janvier, une réunion des ministres des sports à l'échelon européen. Ce sera une
première, mais il est urgent de tenir une telle réunion afin de débattre
ensemble des problèmes posés par le départ des joueurs, mais également du
dopage.
Le budget pour 1998 anticipe en partie les conséquences malheureuses de cette
« marchandisation ». J'en veux pour preuve le doublement des crédits consacrés
à la prévention et à la lutte contre le dopage. Je partage les points de vue
qui ont été exprimés ici ce soir. Il faut, bien sûr, consacrer des crédits à la
recherche et à l'augmentation des contrôles, mais aussi et surtout à la
prévention. En effet, nous ne réussirons à éradiquer ce fléau qu'en encadrant
et en informant les jeunes dès qu'ils arrivent dans un club sportif sur les
conséquences du dopage sur eux-mêmes ainsi qu'en matière d'éthique du sport.
Pour prévenir le dopage, il faut également assurer le suivi médical et moral
du sportif. Je ne citerai pas de nom, mais prenons l'exemple d'un jeune qui a
obtenu une médaille d'or à Atlanta. L'année suivante, il est harcelé par les
sponsors et sa vie en est complètement bouleversée. Lorsqu'il doit participer
de nouveau à une grande épreuve sportive, il se trouve en méforme. Il est alors
très facile à son entourage de le convaincre d'utiliser des produits dopants
pour l'aider à faire face à cette échéance. Il faut donc offrir un encadrement
psychologique aux sportifs de haut niveau.
M. Emmanuel Hamel.
Vous évoquez un champion givordin !
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Bien sûr, nous devons combattre ce
fléau pas seulement en paroles, mais par des moyens concrets, et je fais miens
les propos que vous avez tenus à cet égard. Les crédits consacrés à la
prévention et à la lutte contre le dopage ont doublé. Mais c'est encore
insuffisant. J'espère que nous pourrons, à travers le FNDS, consacrer encore
plus de moyens financiers à ce combat.
Je puis vous assurer, puisque l'un d'entre vous a, me semble-t-il, émis un
doute à ce sujet, de ma détermination à lutter contre ce fléau du dopage. Ce ne
sont pas les tentatives de déstabilisation du laboratoire de Châtenay-Malabry
ni les lettres quotidiennes ou les conférences de presse tenues par des avocats
qui me feront fléchir !
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
sur les travées socialistes, ainsi que sur le banc de la commission.)
Le laboratoire de Châtenay-Malabry, me dit-on, est le seul accrédité par
le Comité international olympique. Il est vrai que vingt-cinq laboratoires
seulement sont accrédités dans le monde. Si le Comité olympique international
trouve un second laboratoire en France susceptible d'être accrédité et offrant
toutes les garanties nécessaires, je n'y vois absolument aucun inconvénient. En
fait, toute campagne visant à déstabiliser ce laboratoire facilite la tâche de
ceux qui ne veulent pas que des solutions soient prises en ce domaine.
Il faut être sérieux, et je le dis avec une certaine émotion. Les contrôles et
les contre-expertises qui ont été réalisés dans ce laboratoire mais aussi
celles qui l'ont été dans d'autres laboratoires ont décelé des doses de produit
dopant de 12 à 14 nanogrammes par millilitre alors que le seuil est de deux
nanogrammes. Eh bien non, ce n'est pas en prenant des barres de chocolat que
l'on peut expliquer la présence de telles doses d'anabolisant !
M. André Maman.
C'est vrai !
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Je tiens à le redire, car je crois
que, sur ces questions, il faut être responsable.
Mme Hélène Luc et M. André Maman.
Très bien !
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
En tout état de cause, nous
travaillons en collaboration avec le mouvement sportif à une révision de la loi
en ce domaine, afin de mieux préserver la présomption d'innocence, qui est,
hélas ! mise à mal, mais aussi d'empêcher la tricherie de se poursuivre et de
se développer.
M. Michel Sergent,
rapporteur spécial.
Très bien !
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Avec le Stade de France et les
stades de province, un effort de près de 100 millions de francs sera encore
réalisé, en 1998, en faveur de la Coupe du monde de football. Le financement du
Stade de France est aujourd'hui presque achevé. La question du coût de son
exploitation reste donc ma première préoccupation...
M. Emmanuel Hamel.
Je vous comprends !
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Compte tenu de la concession
signée en avril 1995, j'estime qu'il est possible d'envisager qu'un club
résident assure l'animation de cet équipement de prestige. Je suis même assez
optimiste. Sachez en tout cas, monsieur Madrelle, que je fais tout mon possible
pour que les parties concernées parviennent rapidement à un accord.
Mais, en cas de besoin, monsieur Lesein, les crédits nécessaires sont inscrits
au titre IV de mon budget. Ils seront d'ailleurs inférieurs à 50 millions de
francs, en 1998, puisque nous n'aurons pas à payer en année pleine, mais
seulement sur le dernier semestre. Ces crédits n'atteindront cette somme qu'en
1999, mais j'espère véritablement que nous aurons résolu le problème d'ici
là.
La réussite de la Coupe du monde dépend surtout du caractère de fête populaire
que nous saurons lui donner. C'est la raison pour laquelle le ministère s'est
engagé à aider les collectivités locales et les associations à développer des
animations autour de cet événement. Nous avons d'ailleurs pleinement réussi
puisque plus de six cents animations auront lieu dans toute la France,
notamment autour des écrans géants installés dans les quartiers sensibles et
dans les villes d'accueil.
Permettez-moi d'indiquer, au passage, que certaines associations se sont
créées pour essayer de jouer le rôle de mandataire entre les loueurs d'écrans
géants et les collectivités locales. Ces associations se présentent comme étant
accréditées par le ministère de la jeunesse et des sports, ce qui n'est
absolument pas le cas. En fait, elles essaient de gagner de l'argent grâce à
cette opération.
Je n'oublie pas, enfin, qu'en 1998 auront lieu également les jeux Olympiques
et para-Olympiques d'hiver de Nagano : 20 millions de francs ont été dégagés
pour donner à nos sportifs toutes les chances de réussite.
Quant à l'insertion professionnelle des sportifs de haut niveau, elle
bénéficiera de 4 millions de francs supplémentaires. Je vais me rendre auprès
des dirigeants des grandes entreprises françaises pour leur demander
d'accroître leur contribution en faveur de l'insertion professionnelle de ces
sportifs.
Pour autant, les mesures concernant le sport de haut niveau ne doivent pas
faire oublier les efforts constants et quotidiens du ministère de la jeunesse
et des sports en faveur de toutes les formes d'activités sportives. Il s'agit
d'ailleurs de l'un des objectifs de la loi que nous sommes en train d'élaborer.
Il faut, en particulier, renforcer l'impact économique et social des clubs, qui
sont un élément fondamental du tissu associatif et social.
J'ai, par ailleurs, le souci de renforcer le contrôle public sur les
fédérations avec un triple objectif : l'amélioration de la vie démocratique de
chaque fédération ; le contrôle des procédures financières, et spécialement de
l'usage des fonds publics ; enfin, le contrôle des politiques suivies par les
fédérations « délégataires de service public » qui doivent permettre à tous de
pratiquer un sport.
Bien évidemment, il revient aux cadres techniques d'Etat placés auprès du
mouvement sportif de contribuer à cette maîtrise du sport.
Enfin, puisque ce sujet est d'actualité, je voudrais aborder la question des
rapports entre le sport et la télévision. Les problèmes juridiques actuellement
soulevés par la retransmission d'événements sportifs devront être réglés dans
les lois relatives au sport et à l'audiovisuel.
Une concertation devra être engagée avec le mouvement sportif, les médias et
le CSA quant à l'application de la directive européenne sur la liste des grands
événements sportifs.
Dans l'immédiat, la question se posait de la tenue du Grand prix de France
automobile 1998. Je peux vous garantir que l'Etat a fait tout ce qui était en
son pouvoir pour en permettre la tenue, dans le respect des valeurs et des lois
de la République, j'ai bon espoir que ce Grand prix se déroule en France.
Enfin, je partage complètement la proposition tendant à répartir l'argent issu
des contrats entre les médias et les fédérations dans l'ensemble du mouvement
sportif. Il s'agit là d'un axe dont nous débattons en ce moment. Le mouvement
sportif sera à même de comprendre cette nécessité de développer tous les
sports, qu'ils soient pratiqués par des professionnels ou des amateurs, qu'ils
soient de haut niveau ou non.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur celles du groupe socialiste, ainsi que sur le banc des
commissions.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la jeunesse
et les sports et figurant aux états B et C.
ETAT B
M. le président.
« Titre III : 23 169 516 francs. »
La parole est à M. Le Jeune.
M. Edouard Le Jeune.
Vous ne serez guère surprise, madame le ministre, après avoir entendu les
différents intervenants de la majorité sénatoriale, de voir le groupe de
l'Union centriste voter votre budget.
Il le votera, parce qu'il fait preuve de rigueur, qu'il participe à la
maîtrise des dépenses publiques - il s'agit là d'une qualité essentielle pour
nous - et qu'il s'inscrit parfaitement dans la ligne fixée par la commission
des finances.
Sans doute auriez-vous souhaité des arbitrages plus favorables. L'âpreté et la
rudesse des « budgétaires » de Bercy vous auront au moins apporté la
satisfaction de voir votre budget adopté sans modification par le Sénat.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV :
moins
121 146 000 francs. »
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Fonds
national pour le développement de la vie associative a été créé en 1984, sous
la forme d'un compte d'affectation spéciale. Ce fonds est alimenté par une
partie des prélèvements sur le Pari mutuel urbain et sur la Française des
jeux.
En 1995, M. Alain Juppé, alors Premier ministre, annonçait le doublement de la
dotation du FNDVA, mais, faute d'augmenter les recettes, il décidait d'utiliser
les crédits du budget général de la jeunesse et des sports pour doubler, au
moins en apparence, le montant dudit fonds.
Madame la ministre, vous n'avez pas souhaité reconduire cette pratique, qui
consiste à reprendre d'une main ce que l'on donne de l'autre, et c'est
légitime.
En outre, les années passées, une partie des recettes du FNDVA n'ont pas été
attribuées au monde associatif, dont on connaît, par ailleurs, l'étendue des
missions dans des secteurs entiers de la vie quotidienne et sociale.
Nous ne pouvons accepter cela. Vous avez d'ailleurs indiqué à ce titre que
vous mettriez tout en oeuvre afin que la consommation des crédits soit
effective, ce dont nous nous réjouissons. Il y a urgence à régler cette
question des procédures de soutien à la vie associative.
Pour 1998, le doublement du FNDVA n'a pas été reconduit. Peut-être faut-il en
effet s'interroger sur sa nature même : le principe d'un compte d'affectation
spéciale n'est pas satisfaisant, le régime des comptes spéciaux est fragile, et
grande est la tendance à ne pas les utiliser.
Pour autant, afin de ne pas « pénaliser » la vie associative, 20 millions de
francs supplémentaires ont été inscrits au titre IV du budget « Jeunesse et
sports, développement de la vie associative », pour renforcer les aides de
l'Etat en direction du secteur associatif.
Je profite de ce recentrage du financement de la vie associative que vous
souhaitez mettre en oeuvre pour vous demander s'il n'y a pas lieu, d'une part,
de pérenniser les ressources du FNDVA en assurant la stabilité de son
abondement et, d'autre part, de garantir des procédures de répartition plus
efficaces et plus équitables.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 39 710 000 francs ;
« Crédits de paiement : 24 410 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 71 876 000 francs ;
« Crédits de paiement : 71 876 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. Emmanuel Hamel.
Nous en sommes heureux !
M. le président.
Nous avons achevé l'examen du projet de loi de finances concernant le
ministère de la jeunesse et des sports.
Anciens combattants
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère
des anciens combattants.
M. Emmanuel Hamel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Au moment où nous entamons l'examen de ce projet de budget, je souhaite
rappeler aux anciens combattants qui sont présents dans les tribunes et qui
pourraient s'étonner du faible nombre de sénateurs siégeant dans l'hémicycle
que nous avons travaillé cette nuit jusqu'à deux heures vingt-cinq.
Nous vivons actuellement une période d'activité parlementaire telle que,
pratiquement toutes les nuits, nous siégeons presque jusqu'à l'aube.
Que l'on ne considère donc pas que le nombre de sénateurs présents dans
l'hémicycle est la marque d'un désintérêt pour les anciens combattants et pour
leur ministre, cher ancien collègue.
(Applaudissements.)
M. le président.
Rassurez-vous, monsieur Hamel, les anciens combattants, dont je fais partie,
en ont vu d'autres !
M. Emmanuel Hamel.
J'en étais, moi aussi !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Le projet de budget sur lequel il
nous est proposé de nous prononcer aujourd'hui a fort heureusement beaucoup
évolué depuis son dépôt sur le bureau des assemblées. Il ne résout, hélas ! pas
tous les problèmes du monde combattant et laisse surtout un goût d'amertume
après les promesses faites par le Premier ministre au printemps dernier.
Si nous ne pouvons que nous réjouir de la mesure proposée par le Gouvernement
apportant une indemnisation aux étrangers déportés depuis la France entre 1940
et 1945 et ayant acquis depuis la nationalité française, nous pouvons cependant
regretter que cette mesure fût la seule présentée à l'époque.
Aussi, devant le tollé soulevé par ce budget sans ambition, aussi bien chez
les anciens combattants que parmi les parlementaires, le Gouvernement a dû
faire machine arrière et consentir une augmentation de crédits de 40 millions
de francs. Nous vous remercions, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir ainsi
mené le combat face à Bercy. Je crois savoir qu'il fut rude ; mais je connais
votre honnêteté intellectuelle, et je sais que vous êtes allé jusqu'au bout.
Toutefois, cette augmentation de crédits de 40 millions de francs est
naturellement loin de combler d'aise les anciens combattants.
Certes, la revalorisation et l'indexation du plafond de la retraite mutualiste
en points d'indice de pension militaire d'invalidité était depuis longtemps
attendue et mettra fin aux négociations de « marchands de tapis » auxquelles
nous nous adonnions allègrement chaque année. Le niveau retenu de 95 points
permettra, à partir du 1er janvier prochain, de porter le plafond majorable à 7
488 francs au lieu de 7 140 francs, en 1997.
Certes, l'assouplissement des conditions d'attribution de la carte du
combattant aux anciens d'Afrique du Nord va élargir le nombre de bénéficiaires.
Considérer que dix-huit mois passés en Algérie puissent être une condition
suffisante à la reconnaissance de la qualité d'ancien combattant est une
avancée dont je me réjouis.
Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, des questions m'ont été posées, comme à
vous aussi, certainement, en ce qui concerne les combattants stationnés au
Maroc ou en Tunisie et qui, au péril de leur vie, venaient prêter main forte à
leurs compagnons au-delà de la frontière. Je sais, d'après la réponse qui m'a
été donnée par votre ministère, que cela a déjà été fait. Je souhaiterais
néanmoins une analyse quelque peu plus poussée sur ce sujet, afin de vérifier
que personne n'a été oublié.
Certes, vous avez accordé une revalorisation de l'allocation différentielle
financée par le Fonds de solidarité en faveur des anciens combattants d'Afrique
du Nord justifiant d'une durée de cotisation à l'assurance vieillesse d'au
moins 160 trimestres. L'allocation différentielle sera ainsi portée à 5 600
francs nets par mois. Mais vous m'accorderez que nous sommes loin de la
retraite anticipée promise et que les membres de votre majorité réclamaient à
cor et à cri à une certaine période !
Mais quel sort réserve votre projet de budget aux veuves, dont les pensions,
souvent misérables, les réduisent à des conditions de vie plus que précaires et
indignes du sacrifice qu'elles ont consenti leur vie durant en devant se passer
du conjoint appelé sur les champs de bataille ?
Le cas de nos compagnons d'outre-mer n'est-il pas digne de votre attention,
monsieur le secrétaire d'Etat, pour que vous ne poursuiviez l'effort de
décristallisation amorcé en 1995 ? A l'époque, j'avais essayé de faire en sorte
que cet effort soit étalé sur cinq ans ; en effet, nous savons bien que tout ne
peut se faire du jour au lendemain et que la mise en place de la
décristallisation prendra du temps. Je vous demande, monsieur le secrétaire
d'Etat, de revoir ce problème pour les années futures.
Pourquoi ne prévoyez-vous pas un début d'indemnisation des anciens incorporés
de force du
Reichsarbeitsdienst
, le RAD et du
Kriegshilfedienst
,
le KFD ? Pour le moment, je ne l'ai pas vu.
Toutefois, ce cri du coeur face aux injustices qui frappent nos compagnons
d'armes et leurs veuves ne doit pas me faire oublier ma mission de rapporteur
spécial du budget des anciens combattants et, à ce titre, il me faut vous
infliger quelques chiffres, exercice bien fastidieux, mais fort instructif au
demeurant.
Les crédits proposés au titre de l'année 1998 s'élèvent à 25,9 milliards de
francs, en diminution de 3,5 % par rapport à 1997. C'est la même litanie tous
les ans. La baisse des crédits trouve sa cause dans la diminution inéluctable
du nombre des ressortissants, la dette viagère représentant à elle seule 79,5 %
du budget, et dans une opération purement comptable et donc transitoire de
réduction de 360 millions de francs des crédits du chapitre 47-22, consacré à
la retraite mutualiste. En effet, l'Etat a décidé de s'aligner sur le régime de
droit commun en remboursant la majoration versée par les mutuelles à leurs
adhérents à la clôture des comptes de l'année, soit au cours du premier
semestre de l'année suivante.
J'en viens aux crédits de l'administration des anciens combattants.
Les services du ministère voient la poursuite de la diminution des effectifs,
avec la suppression de 88 postes, et la progression de 2,7 % des moyens de
fonctionnement.
L'Office national des anciens combattants, l'ONAC, voit ses subventions de
fonctionnement diminuer de 2,55 %. Il bénéficie de deux subventions
complémentaires cette année : l'une de 5 millions de francs, pour la remise aux
normes des maisons de retraite, l'autre de 41,7 millions de francs, pour les
dépenses sociales.
Les qualités de gestion de l'ONAC faisant l'objet - vous le savez d'ailleurs,
monsieur le secrétaire d'Etat - de nombreuses questions qui risquent de porter
atteinte à l'image de l'organisme, voire à sa pérennité, le rapporteur que je
suis, préfère, avant de se prononcer sur le bien-fondé de ces critiques,
effectuer une mission d'information et de contrôle qu'il demandera au président
de la commission des finances de lui confier dès 1998.
Je sais que le Gouvernement a décidé de charger deux membres du contrôle
général des armées du soin d'opérer une vérification de la gestion des services
de l'ONAC. Cette action importante va dans le bon sens, à savoir assurer la
pérennité de l'ONAC.
J'en viens à l'action sanitaire et sociale du secrétariat d'Etat. En ce qui
concerne les centres d'appareillage, les crédits diminuent de 2,1 % du fait de
la baisse d'activité.
Pour les soins médicaux gratuits, la diminution est de 5 %, et pour les
prestations sociales, l'augmentation est de 2,5 %.
Venons-en maintenant à la politique de la mémoire. Je ne vous surprendrai sans
doute pas, monsieur le secrétaire d'Etat, en vous disant que je suis fort déçu
par les crédits que votre budget accorde à la politique de la mémoire et au peu
de cas fait au rapport que je vous ai présenté à la suite de la mission d'étude
que j'ai effectuée au printemps.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 0,1 % du budget, c'est-à-dire 25 millions
de francs. Moins 4,26 % pour les fêtes et cérémonies officielles - je mets à
part les commémorations de Verdun - moins 42,8 % pour l'information historique
et moins 60 % pour la remise en état des nécropoles nationales, alors même que
les résultats de mon étude plaidaient en faveur d'une relance de la politique
de la mémoire en direction des jeunes et d'une planification des travaux de
rénovation des sépultures de guerre et d'entretien des nécropoles
nationales.
Il me semble, monsieur le secrétaire d'Etat - mais cela m'étonnerait, car je
vous connais bien - que vous n'appréhendez pas combien la mémoire collective et
la transmission de l'expérience et des valeurs sociales d'une génération à une
autre concourent à souder la société. Il est de notre devoir de protéger ce
patrimoine et de le transmettre.
Je pense que vous n'êtes pas responsable de cette situation. Tout à l'heure,
on a parlé de Bercy. Je ne doute pas que vous ferez tout auprès de Bercy pour
obtenir ces crédits, car l'information historique est importante et la mémoire
constitue ici un défi auquel nous devons répondre.
Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, pour ces différentes raisons et malgré
les avancées obtenues en faveur du monde combattant à l'issue du débat à
l'Assemblée nationale, la commission des finances a décidé de ne pas voter
votre budget.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste.)
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat aux anciens combattants.
C'est dommage !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de
budget du secrétariat d'Etat aux anciens combattants est paradoxal à trois
égards.
Alors que la conjoncture économique s'améliore et dégage des marges de
manoeuvre budgétaires, il voit ses crédits baisser fortement.
Alors que la structure démographique du monde combattant ouvre des
possibilités de réaffectations de crédits, le Gouvernement se limite à quelques
mesures symboliques.
Alors que la nouvelle majorité s'était engagée sur des dispositions précises,
l'examen du budget à l'Assemblée nationale a mis en évidence un constat de
désaccord entre ses différentes composantes, escamoté par des concessions de
portée limitée de dernière minute.
Pour contenir la déception des associations représentant le monde combattant,
le secrétaire d'Etat, M. Jean-Pierre Masseret, dont je salue les bonnes
intentions, a certes fait part de ses quarante engagements pour 1998, mais
cette liste me paraît hétérogène et peut-être incomplète. Elle constituera,
toutefois, un outil fort utile pour apprécier, à l'avenir, les résultats de la
politique que mène le Gouvernement en faveur des anciens combattants.
Pour l'instant, comme l'a rappelé M. Baudot, les crédits affectés au
secrétariat d'Etat aux anciens combattants, qui s'élèvent à 25,952 milliards de
francs, enregistrent une diminution de 3,5 % par rapport au budget de 1997.
Cette baisse signifie que les crédits rendus disponibles par une réduction du
nombre des pensionnés ne sont pas réaffectés, même de manière partielle, au
sein du budget du secrétariat d'Etat. Une baisse des effectifs pensionnés
proche de 3,5 % laisse penser que les moyens d'action du département
ministériel sont globalement préservés.
La philosophie générale de ce budget peut donc se résumer ainsi : une absence
de mesures nouvelles et significatives qui doit être appréciée au regard du
maintien des droits et des structures.
En effet, le projet de budget pour 1998 préserve globalement les moyens
d'action du secrétariat d'Etat. La diminution de 941 millions de francs des
crédits du secrétariat d'Etat s'explique ainsi principalement par des économies
mécaniques sur la dette viagère et par une mesure de trésorerie.
La dette viagère, regroupant la retraite du combattant, les pensions
d'invalidité et des allocations diverses, diminue de 525 millions de francs. Ce
solde est lui-même la résultante de la diminution du nombre des parties
prenantes - soit 745 millions de francs de moins - et de l'application du
rapport constant - soit 220 millions de francs de plus - liée en particulier à
la hausse de la valeur du point de la fonction publique en 1997. De même, la
diminution des crédits des soins médicaux gratuits - moins 5 % - d'appareillage
- moins 2 % - et des remboursements SNCF - moins 3 % - correspond à des
économies de constatation qui constituent autant d'ajustements aux besoins
prévisibles dans le cadre de la réglementation existante.
Je rappelle que l'application stricte du rapport constant pour calculer la
revalorisation des pensions militaires d'invalidité en fonction de l'évolution
des traitements de la fonction publique constitue un minimum aux yeux des
associations représentatives du monde combattant. Celles-ci contestent, en
effet, son mode de calcul, qu'elles considèrent complexe, peu transparent et
incomplet.
Le précédent ministre, M. Pierre Pasquini, avait initié un travail de
réflexion sur le sujet, en confiant le soin de proposer une simplification du
mode de calcul à une commission spécifique. Il vous appartient maintenant,
monsieur le secrétaire d'Etat, de faire aboutir ce travail, comme vous vous y
êtes engagé pour 1998.
Par ailleurs, le financement des structures administratives est calculé au
plus juste. L'administration, comme nous l'avons rappelé, perd
quatre-vingt-huit emplois. Les crédits de l'Office national des anciens
combattants et victimes de guerre, l'ONAC, diminuent de 2,55 % par rapport à
1997 et ceux de l'Institut national des invalides, l'INI, augmentent
parallèlement de 3,37 %.
Je fais remarquer à notre assemblée que l'action sociale de l'ONAC semble
véritablement fragilisée, ce qui entraîne souvent, localement, une intervention
de compensation des conseils généraux.
La commission des affaires sociales du Sénat s'est également particulièrement
inquiétée de la baisse des crédits alloués à la politique de la mémoire, à
laquelle les anciens combattants tiennent beaucoup. Ainsi, l'information
historique voit ses crédits baisser de 43 %.
Outre ces remarques sur les actions traditionnelles du ministère, l'absence de
mesures nouvelles significatives semble confirmer que la satisfaction des
demandes du monde combattant ne constitue pas une véritable priorité.
L'article 62, qui permet l'indemnisation des étrangers déportés depuis la
France et ayant acquis, depuis, la nationalité française, va dans le bon sens,
mais il laisse en suspens d'autre cas liés à la Seconde Guerre mondiale, tels
que les combattants volontaires de la Résistance et les enrôlés de force.
M. le président.
Je vous invite à conclure, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
Par ailleurs, la commission des affaires sociales
reste perplexe après l'épisode des crédits supplémentaires votés à l'Assemblée
nationale.
Lors de la discussion de ce projet de budget, le Gouvernement a proposé
l'inscription de 40 millions de francs de crédits supplémentaires afin
d'améliorer l'action sociale de l'ONAC, de remettre à niveau les crédits
consacrés à l'effort de mémoire, de fixer le plafond de la retraite mutualiste
en points d'indice de pension militaire d'invalidité à hauteur de
quatre-vingt-quinze points et d'élargir les conditions d'attribution de la
carte du combattant en Afrique du Nord avec la prise en compte du critère de la
durée de séjour, qui doit être d'au moins dix-huit mois. On peut, au passage,
se demander pourquoi dix-huit mois.
Quoi qu'il en soit, ces propositions ont été jugées « inacceptables » par la
majorité de l'Assemblée nationale. Il a fallu que le Gouvernement modifie la
ventilation de ces 40 millions de francs au détriment de l'ONAC et de la
politique de la mémoire à travers une augmentation de l'allocation
différentielle pour que le budget soit voté.
M. le président.
Je vous demande de nouveau de conclure, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
Ce tour de passe-passe ne nous convainc pas. La
nouvelle disposition en faveur des chômeurs ayant cotisé cent soixante
trimestres est un pas en avant, mais elle relève plus, dans sa forme, d'une
mesure d'assistance que d'une véritable retraite anticipée. De plus, le recours
partiel à la réserve parlementaire - dont ce n'est pas l'objet - n'est pas
satisfaisant, puisqu'il n'assure pas la pérennité du financement.
M. le président.
Je vous rappelle, monsieur le rapporteur pour avis, que vous disposiez d'un
temps de parole de cinq minutes !
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
J'en termine, monsieur le président.
Toutes les mesures en faveur des anciens combattants ne nécessitent pas
forcément des crédits supplémentaires. J'en veux pour preuve la politique de la
mémoire, qui fait également appel à l'imagination. Toutefois, un effort limité
est nécessaire pour faire avancer les dossiers prioritaires.
En conséquence, soucieuse de défendre les intérêts légitimes du monde
combattant, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable à
l'adoption des crédits des anciens combattants inscrits dans le projet de loi
de finances pour 1998.
(M. Rémi Herment applaudit.)
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Quel dommage encore !
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 15 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 10 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
5 minutes ;
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en
préambule à cette intervention, permettez-moi d'exprimer un regret : nous
examinons ce budget à une heure bien matinale, un dimanche, de surcroît en fin
de discussion budgétaire.
Cela tient, il est vrai, aux contraintes d'un calendrier bien chargé, mais je
voudrais simplement dire que ce budget doit, néanmoins, faire l'objet de toute
notre attention, de toute notre sollicitude, de toute notre sensibilité aussi,
car nous savons bien ce qu'il représente et qu'il va bien au-delà des
chiffres.
Il s'agit en effet ici d'assurer la reconnaissance légitime de la nation à
toutes celles et à tous ceux qui, à un moment de notre histoire, l'ont défendue
avec vaillance, courage et dignité.
Je ne m'arrêterai pas sur les chiffres. Ils pourront être discutés, voire
critiqués, si l'on fait abstraction du contexte dans lequel ce budget a été
élaboré.
Il faut pourtant assumer la lourdeur de l'héritage, notamment les déficits
importants laissés par le précédent gouvernement, et redresser la situation
financière de la France : l'exercice était réputé impossible il y a quelques
mois.
Il faut aussi tenir compte des priorités, par rapport à l'emploi, par exemple,
et des données démographiques, qui font, hélas ! que le nombre d'ayants droit
est inexorablement en diminution.
Le plus important, au-delà des chiffres, ce sont les mesures nouvelles, qui
marquent un changement profond par rapport à la routine des budgets précédents
et qui font que le budget qui nous est proposé est plus qu'une étape. Il doit
nous permettre de nous engager vers des avancées significatives, car il traduit
une autre démarche où la concertation, l'écoute, la considération sont les
maîtres mots d'une façon de faire de la politique autrement.
Cette démarche témoigne de l'intérêt et de l'attachement que le Gouvernement
porte et que vous portez vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, aux anciens
combattants.
A ce sujet, les quarante engagements que vous avez pris pour 1998 vont dans le
bon sens. Nous pouvons vous assurer qu'ils ont reçu un accueil très favorable
de la part des associations d'anciens combattants.
Parmi les mesures nouvelles figure d'abord celle qui est introduite dans le
code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, afin de
permettre aux personnes qui ont acquis la nationalité française postérieurement
à leur arrestation en France et à leur déportation depuis notre pays de
bénéficier d'une pension. Cette mesure met fin à une injustice qui n'avait que
trop duré.
Viennent ensuite la revalorisation et l'indexation du plafond majorable de la
retraite mutualiste du combattant, indexation faite sur la valeur du point de
pension militaire d'invalidité, le plafond étant fixé à quatre-vingt-quinze
points, soit 7 490 francs pour 1998, contre 7 091 francs en 1997. Cela
correspond tout à fait au souhait des associations d'anciens combattants.
Il ne faut pas oublier non plus, c'est très important, vos déclarations,
monsieur le secrétaire d'Etat, devant l'Assemblée nationale, relatives à la
reconnaissance de l'état de guerre en Algérie. Vous avez été le premier à vous
exprimer aussi clairement devant la représentation nationale, devant nos
collègues députés. Les anciens d'Algérie apprécient que vous mettiez fin à
l'hypocrisie, trente-cinq ans après la fin de ce douloureux conflit.
En reconnaissant cet état de guerre, il faut en assumer tous les aspects,
toutes les conséquences, toutes les responsabilités et il est légitime
d'attribuer la carte du combattant à ceux qui ont effectué au moins dix-huit
mois de service en Algérie, même s'ils n'ont pas participé à des actions de feu
ou à des actions de combat. Les risques encourus le justifient ; la guerre
était omniprésente, même là où l'on ne s'en méfiait pas, et un jeune qui allait
en Algérie faisait son devoir comme n'importe quel autre soldat de n'importe
quelle autre guerre.
Il faudra sans doute encore affiner et bien définir les conditions
d'attribution de la carte du combattant. Avec mon collègue Jean-Marc Pastor,
ainsi que le groupe socialiste, nous déposerons un amendement tendant à étendre
les conditions d'attribution de la carte du combattant aux opérations qui se
sont déroulées en Tunisie et au Maroc à compter du 1er janvier 1952, dont on
sait bien qu'elles ont eu le même caractère que les opérations de la guerre
d'Algérie.
Nous souhaiterions qu'il soit également possible d'accéder à la demande du
Front uni visant à accorder seize points de bonification au titulaire du Titre
de reconnaissance de la nation et huit points pour la médaille commémorative
dans le décompte des trente points nécessaires pour l'attribution de la carte
du combattant.
En relation encore avec la guerre d'Algérie, il faut souligner l'effort qui
est fait, au titre de la solidarité, en faveur de ceux des anciens combattants
d'Afrique du Nord qui disposent de faibles ressources et qui ont cotisé pendant
cent soixante trimestres, le temps passé en Afrique du Nord compris. Ainsi,
l'allocation différentielle de solidarité est portée à 5 600 francs nets par
mois au lieu de 4 564 francs. Cette mesure, qui concerne tous les chômeurs, et
pas seulement ceux qui sont en fin de droits, permettra d'améliorer d'une
manière significative la situation de 15 000 personnes environ. Le problème de
la retraite professionnelle anticipée reste posé, mais un pas important est
franchi dans le sens d'une plus grande solidarité.
D'autres questions méritent également un examen approfondi, comme la
reconnaissance des psychotraumatismes de guerre, l'attribution des bénéfices de
campagne, la délivrance du Titre de reconnaissance de la nation au-delà du 2
juillet 1962.
Il y a aussi le dossier du rapport constant. A tous les niveaux, on dénonce la
trop grande complexité de son mode de calcul et l'on attend une simplification
qui, curieusement, ne vient pas.
Je m'arrêterai quelques instants sur la mémoire, le devoir de mémoire qui nous
appartient à tous et qui nous incombe à tous, qui ne nécessite pas toujours des
crédits, mais qui exige des initiatives, des impulsions, une politique
ambitieuse. Il y va des valeurs républicaines, de la devise de la République.
Il s'agit de transmettre ces valeurs aux jeunes générations qui vivent au sein
d'une société déstabilisée où, hélas ! l'intolérance et les idées extrémistes
gagnent du terrain.
Quand on voit, par exemple, ce qui s'est passé, samedi dernier, sur le plateau
des Glières, ou quand on entend les propos odieux qui ont été tenus, à Munich,
sur le « détail » des chambres à gaz,...
M. Emmanuel Hamel.
Odieux, vous avez raison !
M. Gilbert Chabroux.
... on comprend qu'il est temps de prendre des initiatives fortes.
Ne faudrait-il pas, par exemple, créer, en liaison avec le ministère de
l'éducation nationale et avec l'aide des mairies, une journée d'éducation
laissant une très large place à la mémoire, une journée civique et citoyenne
dans les écoles ? N'est-il pas temps d'agir pour un militantisme de la mémoire
? Par ailleurs, ne serait-il pas judicieux de débloquer des fonds européens,
grâce à des crédits qui seraient inscrits à votre budget au titre de la mémoire
et qui joueraient un rôle de levier ?
Avant de conclure, je voudrais saluer le travail qu'avait effectué le
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, M. Marcel Lesbros.
En effet, j'avais apprécié l'objectivité de son rapport lorsqu'il avait été
présenté devant la commission, puisque M. Lesbros avait conclu son intervention
en proposant d'émettre un avis favorable sur ce projet de budget à titre
d'encouragement.
Depuis, la politique politicienne a repris ses droits au Sénat et, pour ce
projet de budget comme pour les autres, la majorité sénatoriale fait de
l'obstruction. Cependant, elle ne changera pas ce qui est une évidence : en
quelques mois, le nouveau gouvernement et son secrétaire d'Etat aux anciens
combattants ont manifesté, sur le dossier des anciens combattants, une
véritable volonté politique.
Il s'agit de persévérer dans cette voie ; c'est une question de respect des
principes du droit à réparation, du devoir de mémoire et de la solidarité entre
les générations.
Le groupe socialiste, monsieur le secrétaire d'Etat, vous apportera tout son
soutien pour que vous puissiez mener à bien votre tâche.
(Applaudissements
sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous avons peu souvent l'occasion de parler à cette tribune des problèmes posés
par le monde des anciens combattants. Vous comprendrez donc, monsieur le
secrétaire d'Etat, que, malgré le temps très court qui m'est imparti, je
profite du débat sur votre projet de budget pour déborder quelque peu des
limites strictes du sujet.
En effet, si je m'en tiens au projet de budget qui nous est soumis, je ne peux
que constater qu'il n'est pas bon ! Certes, on peut comprendre que ce qui est
appelé si peu élégamment la « disparition des parties prenantes » permette une
diminution régulière des crédits de votre secrétariat d'Etat, mais faut-il
vraiment que celle-ci soit aussi systématique et importante ? Le groupe
communiste républicain et citoyen a toujours estimé qu'il faudrait, chaque
année, tirer parti des économies budgétaires liées à ces disparitions pour
satisfaire pas à pas les justes revendications des anciens combattants et
victimes de guerre. Aujourd'hui comme hier, nous le pensons et nous
l'affirmons.
Ainsi, une fois de plus est refusé, malgré les promesses concrétisées par des
propositions de loi élaborées par les grands groupes politiques, l'octroi aux
intéressés d'une retraite anticipée du temps passé en Afrique du Nord. Il en va
de même pour le rattrapage du retard relatif au plafond de la rente mutualiste,
pour la mise en oeuvre du bénéfice de campagne double pour les fonctionnaires
et assimilés, pour le rétablissement total des pensions des grands invalides,
pour la décristallisation des pensions des étrangers anciens combattants
français... J'arrête là cette énumération, hélas ! non exhaustive.
Bien sûr, monsieur le secrétaire d'Etat, et ce n'est pas négligeable, tenant
compte de la volonté et de l'action unitaire des associations d'anciens
combattants, ainsi que du travail parlementaire accompli, en particulier celui
de mes amis du groupe communiste à l'Assemblée nationale, vous avez aussi
avancé, à « petits pas », comme vous le dites. Ainsi, nous apprécions le
passage à 5 600 francs, pour les anciens combattants en Afrique du Nord et sous
les conditions que vous avez indiquées, de l'allocation du fonds de
solidarité.
Mais faut-il pour autant réduire de 7 millions de francs les crédits de la
mémoire ? Faut-il renoncer aux 5 millions de francs destinés à financer les
actions d'aide sociale de l'ONAC ? C'est inacceptable, d'autant plus que, avec
les 10 millions de francs transférés aux maisons de retraite, c'est un recul de
15 millions de francs que subiront les crédits affectés aux services
départementaux de l'ONAC pour l'action sociale individuelle.
Nous n'avons pas la possibilité de vous faire revenir sur ces décisions, mais
nous espérons, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous proposerez au moins
quelques correctifs.
Par ailleurs, l'indexation du plafond de la rente mutualiste sur le point de
pension d'invalidité est une bonne mesure, mais il faudrait, pour rattraper le
retard en quelques années, atteindre rapidement 130 points, alors que nous en
restons, pour 1998, à 95 points.
Nous considérons également comme positives les nouvelles mesures concernant la
délivrance de la carte du combattant en Afrique du Nord, mais elles sont encore
insuffisantes. Nous proposons donc plusieurs amendements visant à les
améliorer. Il s'agit, en particulier, de supprimer l'obligation d'action de
feu, compte tenu du caractère particulier de cette guerre et ouvrir des droits
aux anciens combattants en Tunisie et au Maroc ; en outre, nous déposerons un
amendement tendant à ramener à quinze mois, durée moyenne du séjour en Afrique
du Nord, la durée à prendre en compte pour la délivrance de la carte. Je pense
d'ailleurs qu'il faudra revoir l'ordre des amendements proposés.
Il faudrait encore, pour les militaires ayant cumulé un minimum de
quatre-vingt-dix jours de présence en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 2
juillet 1964, ouvrir le droit au Titre de reconnaissance de la nation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez su, au moins partiellement, rompre
avec un passé de tension profonde entre votre administration et les
associations d'anciens combattants et victimes de guerre. Je sais que vous les
avez beaucoup consultées. Après les avoir écoutées, il faut maintenant mieux
les entendre.
En dehors de l'examen du projet de budget, il est vraiment urgent de
progresser à propos de la question du rapport constant. Les anciens combattants
réclament une formule claire, lisible et respectant le principe même du droit à
réparation. La retraite du combattant, les pensions diverses ne peuvent être
considérées comme des aidres sociales : il s'agit de bien autre chose, et
l'indexation des pensions sur les revenus réels de la fonction publique relève
de ce droit à réparation, réaffirmé par tous les gouvernements successifs !
Vous avez édité, monsieur le secrétaire d'Etat, un texte intitulé « Les 40
engagements du secrétaire d'Etat aux anciens combattants pour 1998 ». Nous
apprécions cette initiative, mais s'agit-il seulement d'engagements à étudier
les problèmes, ou aussi d'engagements à les résoudre ? Le cas du rapport
constant est symbolique : la commission a-t-elle pour objectif d'enterrer la
question ou au contraire de lui apporter une solution rapidement et dans le
respect du droit à réparation ?
Avant de conclure, je souhaite évoquer encore la nécessité urgente de lever la
forclusion concernant l'attribution de la carte du combattant volontaire de la
Résistance. Vous connaissez tous la question, je n'y insisterai donc pas, mais
le problème est réel.
S'agissant des anciens du service du travail obligatoire, le STO, vous avez
évoqué, après Lionel Jospin, la mise en place éventuelle d'une commission
d'historiens pour étudier leur demande visant à obtenir qu'ils puissent
bénéficier du titre de « victimes de la déportation du travail ». Où en
sommes-nous sur ce point ?
Pourriez-vous nous dire également, monsieur le secrétaire d'Etat, quelle est
votre position en ce qui concerne l'ouverture aux chercheurs des archives
d'Arolsen ? Comme nous le voyons, beaucoup de questions restent encore à
résoudre.
S'agissant plus précisément du projet de budget pour 1998, les sénateurs du
groupe communiste républicain et citoyen ne l'estiment pas, en l'état,
suffisamment efficace. Ils s'abstiendront donc, sauf si des modifications
utiles étaient adoptées au cours du débat, reconnaissant ainsi les « petits pas
» réalisés, mais soulignant aussi leur insuffisance. Ils espèrent que les
quarante engagements pris seront tenus en 1998, ce qui leur permettra d'émettre
alors un vote positif.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Husson.
M. Roger Husson.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
présentation du projet de budget des anciens combattants pour 1998 a provoqué
une grande déception parmi les anciens combattants et leurs associations et a
suscité mon étonnement.
En effet, les crédits proposés, en baisse de 3,5 % par rapport à la loi de
finances initiale pour 1997, soit 941 millions de francs, sont inacceptables en
l'état et appellent de ma part de sérieuses réserves.
Certes, cette diminution ne semble pas compromettre la stabilité générale du
dispositif juridique, administratif et financier visant à permettre la
réparation et la solidarité dues au monde combattant. Cependant, ce projet de
budget manque d'ambition, car il ne comprend aucune mesure nouvelle
significative.
Au cours du débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale le 24 octobre dernier,
quelques aménagements, dont je me félicite, ont été apportés au projet
initial.
Le premier de ces aménagements concerne la revalorisation du plafond majorable
de la retraite mutualiste du combattant et son indexation sur la valeur du
point de pension militaire d'invalidité, le plafond étant fixé à 95 points,
soit 7 488 francs. Toutefois, cela ne correspond pas un à un réel rattrapage,
car on aurait pu le relever d'un point, à partir de 1999, avec un étalement sur
cinq ans.
Le second aménagement tient à la reconnaissance officielle de l'état de guerre
en Algérie.
Cependant, ces améliorations ne sont pas suffisantes, car les problèmes
essentiels demeurent.
Ainsi, ce projet de budget ne comporte aucune mesure permettant de
décristalliser les pensions d'invalidité des combattants de nos anciennes
colonies, et rien n'est prévu pour instaurer une véritable retraite anticipée,
ni pour faciliter l'accès à l'allocation de préparation à la retraite, l'APR,
en supprimant le stage de six mois au fonds de solidarité. Je déplore l'absence
de mesures d'application immédiate de cette nature.
En revanche, je ne peux que prendre acte de l'existence de deux dispositions
qui constituent, certes, des avancées intéressantes, mais qui ne répondent pas
aux demandes légitimes du monde combattant, à savoir l'attribution de la carte
du combattant et l'allocation différentielle du fonds de solidarité.
En ce qui concerne l'attribution de la carte du combattant aux anciens
d'Afrique du Nord, il semblerait normal que, dans un souci d'impartialité, et
pour répondre à l'attente des associations, s'impose le critère de
territorialité, tel qu'il a été retenu pour les unités de la gendarmerie.
En mars 1994, la notion de temps de présence avait été retenue sur la base de
quatre points par trimestre, avec un maximum de vingt points. Le 22 octobre
1996, après réexamen de ce dispositif, un accord était intervenu entre le
ministère des anciens combattants et victimes de guerre et le Front uni. Il
visait à accorder seize points de bonification aux titulaires du Titre de
reconnaissance de la nation, le TRN, et huit points aux titulaires de la
médaille commémorative d'Afrique du Nord pour le décompte des trente points
nécessaires à l'obtention de la carte.
Or, le décret du 14 mai 1997, en prévoyant d'accorder seulement respectivement
douze et six points aux intéressés et en subordonnant l'octroi éventuel de la
carte à une action de feu ou de combat, a complètement remis en cause cet
accord.
Je vous suggère donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de le reprendre à votre
compte et d'exiger son entière application, ce qui permettrait de régler
définitivement ce contentieux avec la troisième génération du feu.
Quant à votre proposition visant à exiger une présence de dix-huit mois en
Algérie comme condition pouvant se substituer à la participation à des
opérations au feu, elle ne permet pas davantage de supprimer les inégalités.
En effet, pourquoi exiger une présence d'au moins dix-huit mois, alors que
l'insécurité caractérisant la guerre d'Algérie n'était pas liée uniquement au
critère de la durée ? Où est la différence entre l'appelé qui a servi dix-huit
mois en Algérie et celui qui y est resté dix-sept mois ?
Bien entendu, j'approuve la prise en compte de la notion de risque encouru,
mais se référer à la seule durée de séjour ne me paraît pas approprié. Un
réexamen attentif de votre proposition s'impose donc, monsieur le secrétaire
d'Etat, d'autant que les associations ne sont pas toutes du même avis sur ce
point.
J'en viens maintenant à la seconde mesure constituant une avancée, mais ne
correspondant pas à l'attente des anciens combattants, à savoir l'allocation
différentielle du fonds de solidarité.
Je constate que son montant sera relevé au 1er janvier 1998 pour les chômeurs
de longue durée justifiant de quarante annuités de cotisations sociales, y
compris les périodes équivalentes, notamment le temps passé en Afrique du Nord,
de façon à leur assurer un revenu de 5 600 francs nets par mois, au lieu de 4
564 francs actuellement.
Je me félicite de la mise en oeuvre de cette mesure pour tous ceux qui
pourront en bénéficier, mais je tiens à vous faire observer, monsieur le
secrétaire d'Etat, qu'il ne peut s'agir, en aucun cas, d'un équivalent à la
retraite anticipée.
En effet, il était permis d'espérer que les anciens combattants chômeurs en
fin de droits puissent bénéficier d'une retraite anticipée s'ils justifient des
quarante annuités de cotisations exigées, diminuées du temps passé en Afrique
du Nord. Or, il n'en est rien !
En vérité, ce problème reste posé pour les chômeurs, mais aussi pour ceux qui
sont encore en activité et qui voudraient bien laisser leur place à un jeune,
après avoir travaillé pendant quarante ans ou plus.
Il est donc urgent de régler ce problème, dont l'incidence financière reste
d'ailleurs faible. En effet, dans cinq ans, tous les anciens d'Afrique du Nord
seront à la retraite, et ce dossier sera alors clos, faute de combattants. Ce
ne serait pas à notre honneur, car nous devons reconnaissance à la troisième
génération du feu.
J'en terminerai en évoquant le cas particulier des départements des régions
annexées d'Alsace-Moselle, c'est-à-dire le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la
Moselle.
En effet, l'annexion par l'Allemagne hitlérienne de ces trois départements a
provoqué, pour la population, des conséquences dramatiques représentant une
page d'histoire spécifique par rapport à ce qu'ont connu les « Français de
l'intérieur » : embrigadement dans les formations politiques du
national-socialisme, notamment la
Hitlerjugend
, incorporation de force
dans l'armée allemande, la
Wehrmacht
, ou dans les unités de travail
paramilitaires, le RAD et le KHD, résistance à l'annexion de fait,
insoumission, prises d'otages, expulsions, internement dans des camps, comme
celui de Tambow - vous avez consenti un effort considérable en faveur des
anciens internés - dérobade au STO, apparition de réfractaires.
Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, l'intégration de ces
différentes catégories de victimes dans le dispositif de reconnaissance et de
réparation laisse subsister divers problèmes, à ce jour non résolus, qui font
l'objet de revendications depuis cinquante-deux ans.
Certes, vous êtes né en Moselle.
Certes, depuis que vous êtes secrétaire d'Etat aux anciens combattants, vous
vous êtes rendu en Alsace.
Certes, pour recenser ces revendications, vous avez réuni le 30 juin dernier,
à Phalsbourg, les représentants des victimes de guerre d'Alsace et de
Moselle.
Certes, vous êtes à l'écoute des associations, ce qui n'a pas toujours été le
cas de vos prédécesseurs.
Certes, pour examiner les réponses à apporter à ce contentieux, vous vous êtes
engagé à consulter prochainement l'ensemble des parlementaires des trois
départements afin de proposer une série de solutions.
Or, je constate qu'il n'y a rien dans votre projet de budget pour 1998
concernant les « Malgré-nous » et leurs légitimes préoccupations, et j'en suis
fort déçu.
Compte tenu de cette grave impasse, j'ose espérer qu'il est bien dans vos
intentions de solder une fois pour toutes le contentieux alsacien-mosellan par
une indemnisation globale et forfaitaire pour toutes les catégories de victimes
oubliées !
Je vous rappelle que nous nous devons tous de réhabiliter cette douloureuse
période de notre histoire par respect pour nos concitoyens alsaciens et
mosellans, qui ont toujours eu une attitude digne et courageuse en toutes
circonstances.
En conclusion, je dirai qu'en dépit de quelques avancées positives, mais peu
nombreuses, avec 65 millions de francs de crédits supplémentaires dont 25
millions de francs pris, en principe, sur la réserve parlementaire, pour la
disposition concernant les anciens combattants d'Afrique du Nord au chômage,
votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, ne répond, en l'état, ni
à notre attente ni à celle du monde combattant.
Il ne permet donc pas d'assurer la mise en oeuvre du droit à réparation et
reconnaissance que la France et nous-mêmes lui devons.
En conséquence, le groupe du RPR ne votera pas ce budget.
M. le président.
La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment.
Pour tenir compte des réserves exprimées par votre propre majorité, monsieur
le secrétaire d'Etat, vous avez donc obtenu du Gouvernement l'inscription de 40
millions de francs de crédits supplémentaires en faveur des anciens combattants
lors de la discussion du projet de loi de finances par l'Assemblée
nationale.
Si ce résultat doit être souligné, les sénateurs de la majorité sénatoriale
ont estimé, pour leur part, que ces mesures étaient insuffisantes, dans leur
montant, par rapport aux 745 millions de francs économisés du fait de la
diminution du nombre des pensionnés et, dans leur objet, au regard de l'attente
de l'ensemble des parlementaires quant à l'annonce d'une véritable mesure de
retraite professionnelle pour les anciens combattants d'Afrique du Nord.
S'agissant de la retraite anticipée, vous avez présenté, monsieur le
secrétaire d'Etat, une mesure visant à assurer la garantie d'un revenu
équivalent à une retraite anticipée, soit 5 600 francs par mois pour les
chômeurs qui pouvaient justifier de 160 trimestres de cotisation à l'assurance
vieillesse, y compris le temps passé en Afrique du Nord.
Vous avez précisé que cette disposition prendrait la forme d'un relèvement de
l'allocation différentielle à due concurrence, à partir du 1er janvier 1998,
pour les anciens combattants concernés et que 12 000 à 15 000 personnes
pouvaient être intéressées.
Certes, il s'agit là d'un pas en avant ; il ne règle toutefois pas la question
puisque la disposition s'apparente plus à une mesure d'assistance qu'à une
mesure de réparation.
La majorité sénatoriale s'est donc interrogée sur la façon dont il convenait
d'apprécier ce projet de budget et les mesures complémentaires adoptées par
l'Assemblée nationale, au regard notamment de revendications du monde
combattant telles qu'elles sont exprimées par le Front uni.
Elle a ainsi considéré que la revalorisation de la retraite mutualiste du
combattant ne pouvait constituer que l'amorce d'un rattrapage qui devait être
confirmé à l'avenir.
Quant au critère des dix-huit mois de présence en Afrique du Nord pour
l'obtention de la carte du combattant, il a semblé à la majorité sénatoriale
qu'il constituait une avancée, notamment dans le sens de la reconnaissance de
la notion de risque.
Elle a estimé, néanmoins, que ce critère ne réglait pas totalement le problème
puisqu'un grand nombre d'anciens combattants sont restés moins de dix-huit mois
en Afrique du Nord.
Au mois de juin 1995, avec un certain nombre de mes collègues, j'ai déposé sur
le bureau du Sénat une proposition de loi tendant à assurer le droit à
réparation des anciens combattants et victimes de guerre dans le respect de
l'égalité des générations.
Je demandais principalement que le temps passé par les anciens combattants sur
le territoire de l'Algérie, de la Tunisie et du Maroc soit considéré sans
réduction du taux applicable à leur pension de retraite, d'une part, comme une
période d'anticipation par rapport à l'âge de soixante ans et, d'autre part,
comme une bonification dans le décompte des trimestres validés.
S'agissant du droit à l'attribution de la carte du combattant dans les
conditions particulières découlant de la nature des opérations fixées dans les
articles 2 et 3 de la loi du 9 décembre 1974 et leurs décrets d'application, il
a été constaté que des dispositions particulières aux membres des unités de
gendarmerie ne sont pas appliquées à l'ensemble des militaires concernés.
La proposition de loi visait également à rétablir le principe d'égalité
introduit par l'article 1er
bis
de la loi susmentionnée.
Depuis plusieurs années, les associations d'anciens combattants d'Afrique du
Nord demandent que les conditions d'attribution de la carte du combattant
soient assouplies afin d'obtenir une égalité de traitement entre les
générations du feu.
Pour aboutir à ce résultat, le Front uni souhaite, en dernier lieu, que soit
retenu le critère de territorialité, qui consiste à accorder la carte du
combattant à tous les possesseurs du Titre de reconnaissance de la nation,
c'est-à-dire sur la base du stationnement pendant au moins trois mois en
Afrique du Nord, en considération de l'insécurité généralisée qui y régnait, et
ce que les intéressés soient crédités ou non d'une action feu ou de combat
collective.
L'arrêté du 14 mai 1997 attribuant un quota de douze points pour la possession
du Titre de reconnaissance de la nation et de six points pour la possession de
la médaille commémorative des opérations en Afrique du Nord, sous réserve de
pouvoir justifier d'une participation effective à des combats reconnus par
l'attribution d'au moins une action de feu ou de combat collective, tente de
mettre au point un système tenant compte à la fois du temps de service accompli
en Afrique du Nord et de la nécessité de conserver à la carte du combattant sa
valeur et sa signification profonde. Il n'en demeure pas moins que la réflexion
avec les associations doit être poursuivie sur les améliorations susceptibles
d'être encore apportées à ce dispositif.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de réaffirmer à cette tribune
l'importance que le Sénat attache à la question de l'égalité de traitement
entre les générations du feu et d'insister sur la nécessité d'apporter
d'urgence une solution équitable.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comme l'indiquaient tout à l'heure nos
excellents collègues MM. Beaudot et Lesbros, votre projet de budget pour 1998
apparaît plus comme une étape que comme un règlement du contentieux qui oppose
le monde combattant au Gouvernement.
Je voudrais donc indiquer que mes collègues du groupe de l'Union centriste et
moi-même nous faisons nôtres les critiques formulées par les deux rapporteurs
et que, en conséquence, nous ne pouvons donner notre aval au projet de budget
des anciens combattants pour 1998.
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'examen des crédits du projet de budget des anciens combattants pour 1998 nous
donne l'occasion d'évoquer la reconnaissance dont la nation doit faire preuve à
l'égard de ceux qui se sont battus pour elle.
Notre rapporteur spécial et notre rapporteur pour avis ont très bien analysé
les conditions de la mise en oeuvre de ce devoir.
Le groupe des Républicains et Indépendants considère, pour sa part, que ce
devoir passe d'abord par le maintien des institutions du monde combattant.
Le précédent gouvernement avait confirmé le maintien des structures
administratrives existantes et décidé la création d'une nouvelle institution,
le Haut conseil de la mémoire combattante.
A la suite du changement de majorité, le ministère des anciens combattants a
été rabaissé au rang de simple secrétariat d'Etat et rattaché au ministère de
la défense.
Nombreux sont ceux qui craignent qu'il ne soit progressivement absorbé par ce
ministère, pour en devenir une simple direction générale.
En outre, les anciens combattants redoutent que les actions les concernant
n'échappent progressivement à la tutelle de leur secrétariat d'Etat, au profit
d'autres ministères.
Certains signes sont, selon eux, avant-coureurs dans la politique du
Gouvernement, comme le développement d'une coopération entre le ministère de la
défense et le secrétariat d'Etat aux anciens combattants dans les domaines de
la politique de la mémoire et de l'entretien des cimetières, ou encore le
financement du quatre-vingtième anniversaire de l'Armistice de 1918 sur des
crédits interministériels.
J'en viens maintenant aux problèmes de fond, qui, d'ailleurs, ont déjà été
évoqués.
Le premier concerne le mode de calcul du rapport constant. Vous le savez, mes
chers collègues, le rapport constant prévoit la revalorisation des pensions
militaires d'invalidité en fonction de l'évolution des traitements de la
fonction publique.
Son mode de calcul est cependant complexe et ne prend pas en compte certaines
indemnités telles que la nouvelle bonification indiciaire prévue par le
protocole Durafour et dont l'importance est croissante dans les traitements des
fonctionnaires.
Un groupe de travail s'était constitué en 1996, sur l'initiative du précédent
gouvernement, sans parvenir à un accord sur une définition plus claire et plus
fidèle ; cela prouve que ce n'est pas simple.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai noté votre volonté de poursuivre la tâche
entreprise par votre prédécesseur. Mais je ne trouve pas de mesure spécifique
dans votre projet de budget pour 1998. Je souhaiterais que vous éclairiez la
représentation nationale sur vos intentions en la matière.
Le deuxième problème a trait au gel des pensions des plus grands invalides.
La loi de finances pour 1991 avait institué un gel des pensions militaires
d'invalidité les plus élevées en excluant du champ d'application des
revalorisations au titre du rapport constant les pensions supérieures à 30 000
francs par mois.
La loi de finances pour 1995 a supprimé cette mesure de gel, qui concernait
les grands invalides gravement handicapés et nécessitant les soins de tierces
personnes, mais elle n'a pas procédé à la remise à niveau du point de pension
des invalides concernés.
Or, l'écart avec les pensions ayant échappé au gel peut atteindre près de 10 %
sur toute la période.
Je sais que ce problème concerne moins de 1 000 personnes. Il ne coûterait
donc pas très cher à résoudre et permettrait de rendre un devoir de justice
envers les grands invalides gravement handicapés.
Le troisième point que je souhaiterais aborder porte sur la décristallisation
des pensions servies dans les anciens territoires français.
La France a appliqué aux combattants ressortissants des Etats anciennement
placés sous sa souveraineté un régime restrictif d'évolution des pensions
militaires d'invalidité concédées, notamment, au titre des deux guerres
mondiales.
Cette cristallisation consiste en un blocage de la valeur du point d'indice à
la date d'indépendance des Etats concernés. Elle touche 38 000 combattants et
ayants cause.
En dépit des revalorisations intervenues en 1994 et en 1995 et de la levée de
la forclusion pour les demandes des combattants originaires de l'ex-Indochine
française en 1996 et en 1997, la valeur du point de pension cristallisé reste
très faible dans la plupart des pays.
Sur ces deux points, aucune disposition particulière n'est inscrite dans le
projet de loi de finances pour 1998.
Je souhaiterais enfin évoquer les problèmes spécifiques aux anciens
combattants d'Afrique du Nord.
Le problème de la retraite anticipée est le plus important d'entre eux ; c'est
le plus difficile aussi, étant donné ses implications budgétaires, qui sont
lourdes.
Je n'insisterai donc pas sur les conclusions de la commission tripartite qui
évaluait le coût total de cette mesure à 151 milliards de francs pour
l'ensemble de la période 1996-2004. Mais je pense, pour ma part, ainsi que mes
collègues du groupe des Républicains et Indépendants, qu'une nouvelle réflexion
doit s'engager sur le sujet, sur de nouvelles bases et dans la concertation la
plus large possible.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de budget pour 1998 ne prévoyait,
à l'origine, aucune mesure particulière pour les anciens combattants d'Afrique
du Nord.
Le 24 octobre dernier, sous la pression des députés de l'opposition, mais
aussi de la majorité, vous avez proposé un amendement qui porte à 5 600 francs
le montant de l'allocation différentielle servie à tous les chômeurs justifiant
de quarante annuités, y compris le temps passé en Afrique du Nord.
Cet amendement, adopté à l'unanimité par l'Assembée nationale, va, bien
entendu, dans le bon sens.
Il en va de même pour l'attribution de la carte du combattant.
Le projet de budget pour 1998 ne prévoyait à l'origine aucune mesure
concernant cette carte.
Néanmoins, face aux critiques des députés et du monde combattant, un second
amendement a été adopté par l'Assemblée nationale.
Il prévoit que tous les anciens combattants d'Afrique du Nord justifiant d'une
durée de service d'au moins dix-huit mois en Afrique du Nord auront droit à
cette carte du combattant, ce qui sera très apprécié par les intéressés, même
si la mesure a une portée limitée.
Aux deux mesures qui concernent les combattants d'AFN s'en ajoute une
troisième, plus générale.
Il est en effet proposé de porter le plafond de la retraite mutualiste à 95
points d'indice, soit 7 488 francs, comme l'a dit tout à l'heure notre
rapporteur. Là encore, c'est un premier pas.
Je voudrais simplement rappeler que la demande des associations est de 10 000
francs et que plusieurs sénateurs du groupe des Républicains et Indépendants
ont saisi le Gouvernement sur ce sujet.
Certaines propositions sont raisonnables et portent sur un plan de rattrapage
quinquennal, voire décennal.
Monsieur le ministre, si les trois mesures de dernière minute que je viens
d'évoquer vont, je le répète, dans le bon sens, elles ne doivent cependant pas
dissimuler que les amendements adoptés par l'Assemblée nationale ne
représentent qu'une majoration de 40 millions de francs des crédits du
secrétariat d'Etat, à mettre en parallèle avec les 745 millions économisés du
fait de la diminution du nombre des pensionnés. C'est ce qui me permet de dire
que c'est insuffisant.
Surtout, vous n'apportez aucune réponse aux principales revendications du
monde combattant. Bien au contraire, de nouvelles incertitudes apparaissent
concernant la politique de la mémoire et l'avenir même des institutions.
Aussi je souhaite que vous puissiez nous indiquer vos intentions sur ces
différents points qui recoupent d'ailleurs les interrogations de nos deux
rapporteurs.
En conséquence, le groupe des Républicains et Indépendants, approuvant les
conclusions des commissions des finances et des affaires sociales du Sénat, ne
votera pas le budget des anciens combattants.
M. le président.
La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz.
Monsieur le secrétaire d'Etat, avant de vous poser des questions, notamment
sur les dossiers spécifiques d'Alsace-Moselle, je souhaite rendre hommage à
votre travail, ainsi qu'à celui du Gouvernement en faveur du monde des anciens
combattants.
Les différentes réunions auxquelles les élus participent dans leur département
confirment partout l'excellente impression que produisent votre travail et
votre méthode pour aborder les dossiers.
L'extension des conditions d'attribution de la carte d'ancien combattant aux
soldats ayant servi en Algérie tient compte de la notion de risque attaché au
conflit algérien.
L'attribution aux anciens combattants chômeurs, quel que soit leur âge, ayant
cotisé quarante annuités aux organismes sociaux, y compris le temps passé en
Algérie, d'une somme mensuelle de 5 600 francs nets, qui équivaut au montant de
la retraite anticipée, représente une avancée sociale significative.
Au nom du groupe socialiste du Sénat, je salue cette mesure qui s'inscrit dans
le droit-fil de la politique de solidarité nécessaire aujourd'hui.
Enfin, la transformation du plafond majorable de la rente mutualiste en points
d'indice et la fixation de ces points à hauteur de l'indice 95 au lieu de
l'indice 91 sont des mesures également très appréciées.
Naturellement, tout cela ne clôt pas le contentieux entre les pouvoirs publics
et le monde des anciens combattants.
Mais nous apprécions votre détermination, qui permet, pas à pas, d'avancer sur
la voie de solutions progressives.
Vous avez raison de ne pas promettre ce que vous ne pouvez faire. La
franchise, comme vous le soulignez vous-même, est la forme première du respect
dû aux anciens combattants.
Parmi la liste des questions encore en suspens, qui attendent des réponses et,
je l'espère, des solutions, figurent naturellement les dossiers
alsaciens-mosellans.
D'une part, s'agissant des incorporés de force dans l'armée allemande, qu'en
est-il du statut spécifique des Alsaciens-Mosellans faits prisonniers par
l'armée soviétique et retenus au camp de Tambow ? Prévoyez-vous l'extension de
la notion de « camp annexe de Tambow » à l'ensemble des camps de prisonniers
sous contrôle de l'armée soviétique ?
D'autre part, pensez-vous aligner les droits à pension des incorporés de force
dans l'armée allemande sur ceux qui sont accordés aux déportés et prisonniers
du Viêt-minh ?
S'agissant du
Reichsarbeitsdienst,
le RAD, et du
Kriegshilfsdienst,
le KHD, est-il possible d'attribuer à ceux qui sont concernées le
certificat d'incorporé de force, alors qu'ils n'ont pas participé à des combats
sous commandement militaire allemand ?
En outre, prévoyez-vous, et dans quel délai, le versement d'une indemnité ?
Est-il possible de les faire bénéficier de l'indemnisation de la Fondation
Entente franco-allemande ?
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, que pensez-vous des patriotes résistant
à l'occupation, les PRO, et de la demande relative au versement de l'indemnité
aux ayants cause dès lors que le décès de l'ayant droit est intervenu en cours
d'indemnisation ?
A propos des nombreuses revendications des patriotes réfractaires à l'annexion
de fait, les PRAF, que pensez-vous de la substitution du titre de patriote
résistant à celui de patriote réfractaire, ainsi que du report de la date de
fin de période de réfractariat au 8 mai 1945 ?
Enfin, qu'en est-il de l'attribution systématique de la carte du combattant et
de la carte du combattant volontaire de la résistance ? En fait, les PRAF
souhaitent par-dessus tout que soit défini un statut qui leur serait
applicable. Monsieur le secrétaire d'Etat, quelles sont les initiatives que
vous envisagez de prendre à ce sujet ?
Reste la situation des réfractaires à l'incorporation de force, qui sont
reconnus réfractaires s'ils ont refusé l'incorporation postérieurement aux
dates auxquelles ont été institués respectivement le RAD et la conscription
forcée. Ils n'ont pas droit à l'indemnisation de la Fondation Entente
franco-allemande. Avez-vous des réponses à leur apporter ?
Je terminerai mon propos sur la question des veuves, question complexe tant
les situations juridiques sont nombreuses. C'est pourquoi je souhaite seulement
vous interroger sur la réversion de la retraite d'ancien combattant.
Cette réversion me paraît souhaitable, et serait justice faite aux veuves qui,
tout au long du vivant de leur époux, auront manifesté un total dévouement.
Peut-on envisager cette mesure ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, soyez persuadé que le groupe socialiste du
Sénat est à vos côtés et qu'il suit et soutient tous les efforts appréciés que
vous faites pour prendre en compte peu à peu les dossiers encore ouverts du
monde combattant.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Le Jeune.
M. Edouard Le Jeune.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
ayant laissé le soin à mes collègues de s'exprimer sur votre budget, mon
intervention ne portera que sur un point : la levée des forclusions qui
concernent les conditions d'attribution du titre de combattant volontaire de la
Résistance. Il va cependant sans dire que je m'intéresse à tous les problèmes
de l'ensemble du monde combattant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'ignorez pas que le droit à réparation a
été établi par la loi et qu'aucune forclusion n'a été opposée en dehors de
celle qui s'applique aux anciens combattants de la Résistance. Ce droit à
réparation ayant un caractère imprescriptible, il y a là un « déni de justice »
que je dénonce une fois de plus à cette tribune. Vous le reconnaissez dans la
plaquette du 21 octobre 1997 que vous nous avez adressée.
On relève aussi dans ce document sur les quarante engagements de votre
secrétariat d'Etat pour 1998 les dispositions que vous envisagez de prendre
pour lever la forclusion. Mais j'ai le regret de vous dire qu'elles n'auront
qu'une portée très limitée, car la solution n'est pas là, j'y reviendrai dans
un instant.
Vous avez très certainement pris connaissance de la proposition de loi n° 389
que j'ai déposée au Sénat ; elle complète la loi 10 mai 1989 et lui enlève
toute ambiguïté.
Je me permets de vous rappeler l'engagement pris par Lionel Jospin dans une
lettre adressée au président de l'UFAC au cours de la campagne électorale,
lettre dans laquelle il écrivait : « Nous nous engageons à lever toutes
forclusions pour les combattants volontaires de la Résistance, conformément à
la proposition de loi n° 1259, déposée par le groupe socialiste à l'Assemblée
nationale. » Je rappelle que cette proposition de loi est similaire, quant au
fond, à celle que j'ai déposée, et à d'autres qui avaient été déposées
précédemment.
Nous sommes sensibles à votre souci de faire reconnaître, cas par cas, les
services accomplis par des résistants, qui se heurte aux dispositions iniques
du décret du 19 octobre 1989 et de l'instruction ministérielle du 20 janvier
1989. Néanmoins, nous ne cesserons de demander l'annulation pure et simple de
ces deux textes et la publication de dispositions réglementaires simples,
claires et conformes à la volonté du législateur.
L'usage d'une possibilité prévue par le décret de 1989, qui, d'après vous, n'a
pas été utilisée, mais que vous envisagez d'appliquer, ne réglera pas le
contentieux. Cette nouveauté, nous la découvrons dans votre plaquette du 21
octobre 1997.
Je suis surpris que les juristes de notre Association nationale des anciens
combattants de la Résistance, l'ANACR, véritables experts, n'aient pas exploité
cette possibilité ! A leur avis, votre suggestion ne peut pas être acceptée.
Ils insistent, et nous aussi, sur la nécessité de déposer un nouveau projet de
loi.
Ce que veulent, depuis fort longtemps, les anciens résistants, c'est la remise
en activité de la commission nationale de révision. Il n'y aura pas
d'imposteurs, car nous serons vigilants. Ce titre de combattant volontaire de
la Résistance est un titre prestigieux, et nous veillerons à lui conserver
toute sa valeur.
Je le redis, nous réclamons, monsieur le secrétaire d'Etat, l'examen d'un
nouveau projet de loi. Je suis certain que tous les parlementaires, quelle que
soit la formation politique à laquelle ils appartiennent, le voteront. Monsieur
le secrétaire d'Etat, les anciens combattants de la Résistance récusent -
excusez-moi d'employer ce terme - les faux-semblants. Ils réclament la
publication de dispositions réglementaires simples et claires.
Pour cela, présentez au Parlement un nouveau texte de loi pour qu'enfin,
cinquante-deux ans après la fin de la guerre, la forclusion soit levée sans
ambiguïté.
Après tant d'interventions infructueuses, celles de MM. Jarrot, Rabineau,
Duroméa, et celles que j'ai faites au cours des années passées, soyez, monsieur
Masseret, celui qui nous aura entendus et compris ! Je serai attentif à votre
réponse !
M. André Maman.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Biarnès.
M. Pierre Biarnès.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite
vous parler d'une injustice, celle qui résulte du sort inéquitable que, depuis
bientôt quarante ans, notre pays réserve aux anciens combattants étrangers,
notamment africains, qui se sont battus pour lui.
La contribution des étrangers à l'effort de guerre français est ancienne. Lors
des deux guerres mondiales, plusieurs centaines de milliers de combattants
étaient originaires des territoires d'outre-mer. Ainsi, en août 1944, sur les
240 000 hommes de la première armée du maréchal de Lattre, 112 000 étaient des
« indigènes », comme on disait à l'époque ; sur les 18 000 de la deuxième
division blindée, ils étaient 7 000.
La France est cependant bien peu reconnaissante envers ces soldats étrangers,
qui se sont battus pour elle.
En effet, comme vous le savez, monsieur le ministre, l'article 71 de la loi de
finances du 26 décembre 1959 a transformé les pensions, rentes et allocations
viagères payées par l'Etat français aux militaires et anciens combattants des
pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté, ou
ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France, en
indemnités annuelles en francs, calculées, désormais de façon immuable, sur la
base des tarifs en vigueur à la date de leur transformation.
Ainsi, les sommes jusque-là indexées sur le coût de la vie ont été gelées.
C'est ce qu'on a appelé la « cristallisation » des pensions et retraites. De
plus, il a été décidé que, désormais, les veuves ne pourraient plus bénéficier
des sommes versées à leurs maris, une fois ceux-ci décédés.
Ce sont autant de dispositions discriminatoires, très éloignées du statut
réservé aux anciens combattants français, leurs frères d'arme.
De fait, depuis l'adoption de cette loi, les écarts se sont creusés de façon
très importante entre les anciens combattants français et les anciens
combattants étrangers.
Ainsi, si un combattant français invalide à 100 % reçoit 4 000 francs environ
de pension mensuelle, un Sénégalais reçoit moins de 1 500 francs.
De même, la retraite militaire, destinée à ceux qui ont passé quinze ans dans
l'armée, et la retraite du combattant, destinée à ceux qui ont servi
quatre-vingt-dix jours dans une unité combattante, plafonnent à 30 % du taux
plein pour les Sénégalais et à moins de 10 % pour les Tunisiens et les
Marocains.
Les écarts, au demeurant, se sont aussi creusés entre les étrangers eux-mêmes
en raison du décalage des dates de transformation concernant les Etats dont ils
sont devenus les ressortissants. Ainsi, si un Sénégalais perçoit moins de 1 500
francs, un Marocain perçoit 400 francs.
Tout cela n'est vraiment pas digne de notre pays !
Au demeurant, le 3 avril 1989, la commission des droits de l'homme de l'ONU,
saisie par des anciens combattants sénégalais, n'a-t-elle pas constaté que
cette cristallisation suivant le critère de nationalité méconnaissait le
principe d'égalité devant la loi posé par le pacte de New York relatif aux
droits civils et politiques, ratifié par la France ?
Cette dernière n'a cependant toujours pas obtempéré, si ce n'est par
l'adoption de quelques mesures de circonstance très partielles, au gré de
nécessités diplomatiques, de visites officielles de personnalités françaises
notamment. Ces mesures, qui prennent d'ordinaire la forme de petites
subventions sociales occasionnelles à quelques pays africains concernées, ne
répondent pas, de toute évidence, à la question posée.
En fait, bien évidemment, tout cela est une question de « gros sous ». Mais
est-ce digne de notre pays de mépriser de la sorte, depuis bientôt quarante
ans, le sang étranger, le sang noir versé pour nous ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, cette question je l'ai déjà posée à plusieurs
de vos prédécesseurs. Leurs réponses, quand ils ont daigné me répondre, ont
toujours été très décevantes. Que pouvez-vous me dire, vous-même, aujourd'hui
?
(Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Roger Husson et Mme Anne
Heinis applaudissent également.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat aux anciens combattants.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord remercier les différents
intervenants, en particulier MM. les rapporteurs, tant de leurs propos que de
l'esprit avec lequel ils ont abordé le débat, esprit d'ailleurs conforme à la
tradition du Sénat.
M. Hamel a eu raison d'indiquer tout à l'heure aux anciens combattants qui
assistent, à cette heure tardive - ou matinale - à nos débats, que cette
période de l'année est assez chargée pour la représentation nationale, que
l'examen du projet de loi de finances réunit en cette enceinte, séance de nuit
après séance de nuit : qu'ils ne voient donc pas dans le faible nombre des
sénateurs présents la marque d'une indifférence portée aux questions qui
préoccupent le monde des anciens combattants.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si certains ont dit qu'ils ne voteraient
pas ce « mauvais projet de budget », j'ai eu parfois le sentiment qu'ils le
faisaient à contrecoeur et qu'en définitive ils ne trouvaient pas ce projet de
budget si mauvais que ça. Je comprends : c'est le jeu normal de la démocratie
entre majorité et opposition.
La principale critique a, en fait, porté sur l'affectation des 735 millions de
francs induits par la baisse démographique des ressortissants. N'aurait-on pas
pu en faire un meilleur usage ?
J'indique seulement que, sur ces 735 millions de francs, 335 millions de
francs sont utilisés aux diverses revalorisations, notamment par application du
rapport constant.
Tout ne part donc pas en fumée, dans le vide ou dans les caisses de Bercy.
Compte tenu de l'heure, je vais tenter de répondre sans faire de grands
discours aux différentes questions évoquées par les uns et les autres.
Le rapport constant est revenu dans un certain nombre d'interventions.
J'affirme mon intention de mettre en oeuvre la commission chargée d'examiner
les conditions d'application et de lisibilité de la formule qui pourrait être
adoptée.
N'ayant encore reçu aucune réponse, je vais demander de nouveau à mes
collègues du budget, de la fonction publique et de la défense de désigner leurs
représentants au sein de cette commission. En tout cas, celle-ci devra
commencer à travailler dès le début de l'année 1998.
La situation des plus grands invalides a fait l'objet de plusieurs
interventions, notamment de la vôtre, madame Heinis.
Je ne conteste aucunement la description que vous avez faite. Sur le plan
budgétaire, aucune mesure ne figure dans le budget pour 1998. Le coût de la
réparation que vous évoquiez se monterait à environ 20 millions de francs par
an si l'on voulait rattraper le retard constaté entre 1991 et 1994. Je me borne
à vous donner ces chiffres tout simplement, car je ne peux vous donner aucune
réponse pour 1998.
M. Le Jeune a parlé de la forclusion pour l'obtention de la carte de
combattant volontaire de la Résistance. Monsieur le sénateur, il n'y a pas de
forclusion. La délivrance de cette carte est seulement soumise à la
présentation d'un certain nombre de témoignages.
Si je ne me suis pas décidé à déposer un projet de loi sur ce sujet, c'est
parce que j'ai estimé que cette procédure était vraiment trop longue à mettre
en oeuvre par rapport aux enjeux immédiats.
J'ai exposé ma position à la commission de l'attribution de la carte, qui est
chargée d'examiner la validité des dossiers présentés. Cette commission est
d'accord pour que tout dossier qui ne comprendra pas les éléments formels
exigés par le décret, notamment les deux témoignages, dont un validé, soit
réexaminé dans le cadre d'une enquête administrative diligentée par le
préfet.
Si ce dispositif ne donne pas satisfaction, j'aurai alors recours à la
procédure législative. Mais accordez-moi quelques mois !
M. Edouard Le Jeune.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. Le Jeune, avec l'autorisation de M. le secrétaire
d'Etat.
M. Edouard Le Jeune.
Vous dites, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'enquête sera diligentée par
le préfet. Mais avec quel personnel ? Le personnel qui travaille dans les
offices départementaux d'anciens combattants n'est pas suffisant pour assumer
la tâche qui lui incombe. Dès lors, comment le préfet trouvera-t-il le
personnel compétent pour mener les enquêtes en question ? Fera-t-il appel aux
agents des renseignements généraux ? Ce n'est pas leur travail ! Une loi est
vraiment nécessaire : on ne peut pas s'en sortir autrement.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
En vérité, très peu de cas se poseront, et nos préfets
sont des gens de grande qualité capables de gérer au mieux toute situation
administrative.
Cela dit, je le répète, si nous n'avons pas satisfaction, nous prendrons le
chemin de la procédure législative.
On m'a interrogé sur l'ouverture des archives d'Arolsen.
Je me suis moi-même rendu sur place pour voir comment on pouvait utiliser ce
fonds. Un inspecteur général du secrétariat d'Etat s'y est rendu également
voilà quelques jours ; il doit me rendre un rapport.
J'ai eu le sentiment que les responsables de l'établissement avaient le souci
de renseigner en priorité les victimes ou leurs familles, car des informations
qu'ils délivrent peuvent découler des droits à réparation.
Ils ont engagé un travail d'informatisation et de numérisation extrêmement
important mais très long à réaliser. Ils ne souhaitent pas être gênés dans
l'exercice de ce travail également prioritaire.
J'ai le sentiment personnel qu'il se passera plusieurs années avant que les
archives d'Arolsen ne soient complètement ouvertes aux historiens et aux
chercheurs.
La commission d'historiens chargée d'étudier la requête des victimes du STO se
mettra en place au début de 1998.
Madame Heinis, le Haut Conseil de la mémoire combattante, qui, en effet n'a
jamais siégé, se réunira pour la première fois le 13 janvier 1998, sous la
présidence de M. le président de la République ; j'en assure le secrétariat
administratif. L'objet de cette première réunion sera le programme de
célébration du quatre-vingtième anniversaire de l'année 1918.
Mme Printz, notamment, m'a interrogé sur la situation des veuves. Pour 1998,
les pensions de veuves ne subiront aucune modification : aucune baisse ni
aucune augmentation. Elles seront simplement revalorisées par application du
rapport constant.
Vous avez soulevé le problème du reversement de la retraite du combattant. Je
n'y suis pas favorable. En effet, la retraite du combattant est un droit à
réparation personnel, qui s'apprécie indépendamment du niveau de ressources et
de la situation familiale. Il s'agit d'une réparation modeste de 2 600 francs
par an versée aux anciens combattants titulaires de la carte.
Si cette retraite devait être reversée aux veuves, je crains qu'alors elle ne
soit considérée comme un revenu, ce qui entraînerait rapidement une
appréciation des conditions de ressources. On quitterait alors le domaine de la
réparation. Cela me semble dangereux, et je ne conseille pas aux anciens
combattants de s'attacher à cette revendication.
Mme Heinis m'a aussi interrogé sur le maintien des structures existantes. Je
peux la rassurer dans la mesure où je n'ai aucun mandat de liquidateur du
département ministériel des anciens combattants. Je m'efforce, au contraire, de
créer les conditions nécessaires à son avenir.
Le fait qu'il dépende aujourd'hui du ministère de la défense ne me paraît pas
constituer un handicap. Des synergies peuvent s'en dégager. Je ne crois pas que
le monde ancien combattant le voie comme une difficulté.
Je me permets de rappeler que, au début de 1997, il avait été question de
rapprocher les directions départementales de l'Office national des anciens
combattants des directions départementales de l'action sanitaire et sociale, ce
qui avait soulevé un véritablé tollé. Le Gouvernement précédent avait
promptement reculé ; il n'est plus question de cela aujourd'hui.
Certains m'ont demandé de supprimer le délai de six mois imposé au chômeur
ancien combattant pour bénéficier de l'allocation de préparation à la retraite.
Pour moi, l'allocation différentielle qu'il touche pendant cette période est
une marque d'espérance et correspond à une période transitoire devant déboucher
sur une nouvelle activité professionnelle. Si l'option était irrévocable, il
pourrait s'ensuivre des difficultés.
En l'état actuel des choses, si, au bout de six mois, la recherche de travail
s'est révélée infructueuse, à ce moment-là, l'APR peut prendre le relais.
Si ce délai n'existait pas, il faudrait prévoir des mesures de contrôle
extrêmement contraignantes. En tout cas, c'est mon sentiment.
Je ne suis pas fermé à toute réflexion, mais je ne pense pas qu'il faille
supprimer, dans la précipitation, cette période transitoire.
Monsieur Baudot, votre rapport est excellent, je vous l'ai déjà dit. Comme il
n'est sorti qu'après le vote du budget à l'Assemblée nationale, les éléments
qui y figurent n'ont pu être pris en compte. Il fait l'objet d'une étude
sérieuse par les services du département ministériel ; nous essaierons de lui
donner une conclusion.
Monsieur Chabroux, vous avez raison, le devoir de mémoire est très important.
Ainsi, dans l'affaire du plateau des Glières, avant même que le préfet du
département considéré n'intervienne, j'avais mandaté le directeur
interdépartemental des anciens combattants et victimes de guerre de Lyon pour
agir. Nous avons ensuite fait appel au préfet, en accord avec le ministre de
l'intérieur et le Premier ministre, pour qu'il prenne la décision que vous
connaissez.
Il aurait été inutilement provocateur qu'une manifestation partisane,
organisée par un parti qui véhicule des thèses d'extrême droite, se déroule
dans une nécropole nationale.
Hier, une déclaration scandaleuse a été faite à Munich. Comme si l'importance
de l'événement devait s'apprécier au nombre de lignes dans un livre d'histoire,
comme si les victimes étaient passées par pertes et profits ! Chacun se
déterminera en conscience sur ce sujet.
Nous devons nous adresser à l'Europe pour obtenir des crédits destinés à
l'accomplissement du devoir de mémoire. J'y travaille, notamment pour Verdun,
monsieur le président du conseil général de la Meuse.
Monsieur Chabroux, il faut laisser à l'école sa responsabilité d'éducation. En
revanche, avec le monde des anciens combattants, avec la jeunesse, avec les
enseignants, mais en dehors de l'école, nous avons tout intérêt à organiser une
journée civique, une journée citoyenne consacrée aux valeurs de la République
française, car notre société a besoin d'un socle de valeurs, même en cette fin
de siècle.
Le XXIe siècle se construira avec les outils technologiques et scientifiques
du XXIe siècle, mais sur la base de valeurs. Or, les meilleures valeurs que
l'on puisse transmettre à nos jeunes, ce sont bien celles de la République
française, n'est-ce pas, monsieur Hamel ?
M. Emmanuel Hamel.
Je suis d'accord avec vous !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
La liberté, l'égalité et la fraternité !
Par conséquent, nous avons pris des intitiatives avec les communes et avec les
départements. J'espère que les premières opérations verront le jour d'ici au
premier trimestre de l'année 1998.
S'agissant de la mémoire, j'en reste là. Je sais que les crédits ne sont pas
exceptionnels. Cependant, je souhaite noter qu'il faut y ajouter trente-trois
postes créés pour l'entretien des nécropoles, ce qui représente, sur le plan
budgétaire, un supplément d'environ 3,5 millions de francs pour l'année 1998.
De la sorte, les chiffres sont moins mauvais que ceux qui ont été indiqués tout
à l'heure. Mais je ne peux pas débattre plus longtemps de cette question,
pourtant centrale, car il me faut aborder d'autres sujets dans les treize
minutes de temps de parole qu'il me reste. En ce qui concerne la carte de
combattant d'Afrique du Nord, le critère de territorialité qui a été
quelquefois évoqué est nettement moins avantageux que le dispositif que j'ai
accepté au cours des débats de l'Assemblée nationale. Le critère « gendarmerie
» aurait débouché sur l'attribution probable de vingt mille à vingt-cinq mille
nouvelles cartes d'ancien combattant. Le dispositif qui vous est proposé
portera sur quatre-vingt mille cartes au minimum. Ce système est donc meilleur,
et je vous rends attentifs à cette réflexion.
On a également évoqué un accord du 22 octobre 1996. Depuis que j'ai pris mes
fonctions dans ce ministère, j'entends parler de cet accord !
J'ai ici la lettre que mon précécesseur, Pierre Pasquini, a adressée, le 19
décembre 1996, à M. le Premier ministre de l'époque. J'en communiquerai des
photocopies à ceux qui le souhaiteront. Je vous donne lecture de certains
passages de cette lettre :
« Le groupe de travail a recherché les moyens » - il est fait référence à un
groupe de travail qui s'est réuni trois fois, les 17 et 24 septembre et le 22
octobre 1996 - « d'assouplir les règles d'attribution... ».
« Deux mesures peuvent être envisagées : l'une, très généreuse, proposée par
le Front uni et qui reposerait sur la seule présence en AFN ; l'autre, plus
restrictive, que je propose » - écrit M. Pasquini - « pour garder à la carte du
combattant une certaine valeur et éviter qu'elle ne soit attribuée à des
militaires qui n'ont jamais entendu un coup de feu ». Ce sont les termes mêmes
de la lettre !
M. Pasquini poursuit : « La mesure que je propose de retenir est plus
restrictive. Elle prendrait en compte le temps passé en AFN en valorisant le
TRN et la médaille commémorative, mais elle exigerait la participation à une
action de feu collective pour le moins. »
Cela a été acté par ce qu'on appelle les « bleus de Matignon » en date du 4
février 1997. Il y est écrit : « Le Premier ministre... retient la proposition
de décompte des points du ministère des anciens combattants. »
Par conséquent, manifestement, aucun accord n'a été conclu. J'ignore pourquoi
on a parlé d'accord ! Lorsqu'un accord existe, il est appliqué ! Or, en
l'occurrence, je viens de vous donner lecture de la lettre de mon prédécesseur
en date du 19 décembre 1996 : je ne lui en fais pas grief, mais il ne parle pas
d'un accord.
M. Emmanuel Hamel.
Reconnaissez que ce fut un grand combattant ! C'est un homme remarquable,
comme vous !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Je vous remercie, monsieur Hamel !
Je tenais à apporter ces précisions afin de rétablir la vérité.
En revanche, s'agissant du délai, on me propose dix-sept mois, dix-huit mois.
Il est incontestable qu'une frontière est une frontière et qu'un délai est
expiré à un moment donné.
Pour l'instant, j'ai choisi de retenir la durée moyenne de séjour en Algérie,
en ayant conscience que le sujet prête à discussion. Les années à venir
devraient permettre un rapprochement des points de vue. Pour l'essentiel, il
semble que ce soit déjà le cas.
Le Front uni suggère de faire l'impasse sur l'opération de feu pour tenir
compte de la notion de risque représentée par un temps de présence sur le sol
d'Afrique du Nord. Telle est exactement ma proposition : avec la prise en
compte de cette notion de risque, l'exigence de l'opération de feu
disparaît.
Par conséquent, sur le plan du principe, un rapprochement très net s'est
opéré. Un décalage demeure, c'est certain, sur l'appréciation du temps, mais un
accord peut intervenir à terme.
Je suis très sensible aux propos qui ont été tenus par certains orateurs,
notamment M. Chabroux, en ce qui concerne la situation des soldats qui ont
servi en Tunisie et au Maroc avant de servir en Algérie. Il est effectivement
probable que l'amendement adopté par l'Assemblée nationale ne règle pas la
totalité de leur problème.
Je ne peux pas vous répondre aujourd'hui que je vous donnerai satisfaction. Je
prends le problème en compte et je m'engage à lui trouver une solution au cours
de l'année 1998. En effet, si un ancien combattant a passé trois mois au Maroc,
trois mois en Tunisie, puis quinze ou seize mois en Algérie, il serait un peu
ennuyeux de lui opposer le fait qu'il ne soit pas resté dix-huit mois en
Algérie ! Il y a là une vraie question qui n'avait pas été décelée et qui, de
toute évidence, mérite une réponse dans les meilleurs délais. Celle-ci ne se
traduira pas immédiatement par l'approbation d'un amendement, parce que je n'ai
pas les moyens de le faire. Mais je m'engage à régler ce problème.
J'en viens au cas de l'Alsace-Moselle. Bien sûr, ce sont les sénateurs de
cette région qui ont évoqué ce douloureux problème.
M. Roger Husson.
C'est normal !
M. Emmanuel Hamel.
Tous les autres y pensent aussi !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Je n'ai pas dit le contraire !
Mme Printz a effectué un balayage complet des questions qui se posent sur le
sujet des anciens combattants d'Alsace-Moselle. Il me faudra bien rester au
moins cinq ans à mon poste pour tout régler, madame le sénateur !
(Sourires.)
En tout cas, soyez persuadée que je viserai au plus court et
que, les 16 et 17 janvier 1998, je serai à Strasbourg, où seront réunis la
totalité des parlementaires d'Alsace et de Moselle. Nous ferons ensemble, une
fois de plus peut-être, le tour de la question afin de déterminer les points
sur lesquels il sera possible de progresser et ceux qui poseront des
difficultés.
Monsieur Husson, en 1998, je n'aurai probablement pas la capacité de régler
une fois pour toutes ce contentieux qui existe, comme vous l'avez signalé,
depuis plus de cinquante ans. D'autres avant moi n'y sont pas parvenus !
Mais je connais, en effet, la situation de l'Alsace-Moselle et les drames
vécus par la population, obligée d'aller dans les
Hitlerjugend
, d'entrer
dans la
Wehrmacht
, dans le
Kriegshilfedienst
ou le
Reichsarbeitsdienst
. Je connais le problème de l'insoumission. Je
connais les problèmes qui sont liés à l'obligation de quitter son village, sa
maison. Je connais le sort des patriotes réfractaires à l'annexion de fait, des
patriotes résistant à l'occupation et internés dans les camps spéciaux.
Tout cela constitue, en effet, un lourd contentieux. Je n'y suis pas
inattentif, mais je ne peux pas, Madame Printz, vous le comprendrez, aborder
les questions une à une, car il ne me reste que cinq minutes de temps de
parole. En revanche, je vous donne rendez-vous les 16 et 17 janvier
prochain.
Une autre question très importante a été évoquée : il s'agit de la
décristallisation. Finalement, je suis satisfait que cette question soit
reprise par tout le monde. Vous m'objecterez que cela ne transparaît pas dans
le projet de budget pour 1998. C'est exact !
La question de la décristallisation ne concerne pas seulement le ministère des
anciens combattants ; elle concerne également et, surtout, le ministère de la
défense, au travers des pensions militaires : deux cent mille personnes sont
concernées par la décristallisation, dont soixante-quatre mille seulement
relèvent du département ministériel des anciens combattants. Ce n'est pas une
raison pour s'en désintéresser !
Je souhaite tout de même signaler à la représentation nationale que la France
est le seul pays au monde qui, ayant eu des colonies et s'en étant séparé, a
maintenu des liens financiers avec des anciens combattants qui ont acquis une
autre nationalité, et ce par dérogation au code des pensions militaires,
d'invalidité et des victimes de la guerre. C'est tout à l'honneur de notre pays
! Nous devons au moins en être conscients, même si des interrogations demeurent
dans un certain nombre de domaines. Nous y travaillons ! Cela représente de
l'argent, car, à un moment, donné il est toujours question, c'est exact,
monsieur Biarnès, de « gros sous ».
Notre intention est d'instaurer une égalité de traitement en termes de pouvoir
d'achat par rapport à la réalité locale. On n'ajustera pas - en tout cas, je ne
crois pas pouvoir le faire - l'ensemble des pensions de ces anciens
combattants, qui appartiennent à des pays aujourd'hui souverains, au niveau des
prestations qui sont versées dans notre pays. Je reconnais que nous avons des
pas à faire, mais il faut tenir compte des réalités, notamment pour le Maroc,
la Tunisie et Madagascar. Certaines situations sont effet préoccupantes et nous
nous honorerions tous à apporter quelques éléments de réponse.
Il me reste deux minutes, monsieur le président. J'évoquerai donc deux points
pour terminer.
En ce qui concerne la retraite anticipée, la disposition qui été prise tend à
offrir une retraite anticipée non pas en termes juridiques, mais au titre de la
solidarité nationale pour les chômeurs anciens combattants qui comptent
quarante annuités de cotisations.
Cette mesure va bien au-delà de l'engagement pris initialement par le Premier
ministre actuel concernant les chômeurs de longue durée en fin de droits. Cela
représente un effort financier considérable.
Certes, ce n'est ni le Pérou ni le paradis, je veux bien l'admettre !
Toutefois, la décision visant à allouer, à compter du 1er janvier 1998, 5 600
francs à une personne qui perçoit actuellement 4 600 francs, n'est pas
négligeable.
Il s'agit non pas d'assistanat, mais de solidarité à l'égard de ceux qui se
sont engagés pour défendre le pays, qui ont répondu à l'appel de la nation, et
dont la vie professionnelle et personnelle a souvent été perturbée, voire
compromise. Ne laissons pas ces hommes au bord du chemin ! Faisons jouer la
solidarité !
Le reste relèvera des discussions que nous aurons avec Mme Aubry. En effet,
les mesures qui seront prises en faveur des personnes ayant quarante annuités
de cotisations interféreront avec la disposition votée par l'Assemblée
nationale. Les intéressés disposeront d'un panel de possibilités et ils
choisiront en fonction de leurs intérêts propres parmi les diverses prestations
qui leur seront proposées.
L'avant-dernier point que je souhaite traiter concerne la retraite
mutualiste.
Je dépasse mon temps de parole, monsieur le président. M'accordez-vous une
minute trente supplémentaire ?
M. le président.
Mais oui, monsieur le secrétaire d'Etat ! On sent votre expérience de
marathonien !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Je vous remercie !
La retraite mutualiste est actuellement plafonnée à 95 points. Mon objectif
est de porter ce plafond à 100 points le plus rapidement possible.
J'ai entendu proposer un plafond de 130 points ou de 10 000 francs. Je ne
serai plus secrétaire d'Etat aux anciens combattants quand on en sera là !
M. Rémi Herment.
Vous êtes pessimiste !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
En revanche, l'objectif des 100 points pourrait être
atteint dans les meilleurs délais. Après, nous verrons bien.
Pour ce qui est de l'ONAC, je puis vous affirmer que je suis très attentif au
maintien de ses services, notamment de ses services de proximité.
La question du plan financier a été abordée.
Pour traiter de l'action sociale, il me faudrait disposer d'au moins dix
minutes. Sachez, en tout cas, que je suis déterminé à mettre cette question à
plat à partir du 1er janvier 1998 afin, précisément, d'organiser l'avenir de
l'ONAC. Il n'est pas question que nous allions dans le mur !
Au contraire, nous voulons assurer la pérennité des services de proximité de
l'ONAC ; les maisons de retraite sont confrontées à de grandes difficultés dans
leurs relations avec la DDASS, à propos des prix de journée ou de la
médicalisation, par exemple ; les écoles de rééducation professionnelle ont un
réel avenir puisqu'elles seront mises au service de la défense nationale pour
aider à la réinsertion sociale de l'armée professionnelle.
Ceux qui quitteront l'armée au bout de cinq, de sept ou de huit ans devront
être réinsérés socialement et recevoir une formation par le biais, par exemple,
des écoles de l'ONAC. Nous sommes donc très attentifs à ce dossier. Il faudra
probablement que l'ensemble du conseil d'administration se saisisse rapidement
de ces questions.
Je n'ai pas répondu à toutes les questions qui m'ont été posées, mais je
suppose que j'ai dépassé le temps de parole dont je disposais.
J'aurais aimé que ce budget, qui, finalement, n'est pas si mauvais, puisse
être adopté par la Haute Assemblée. Je n'ai toutefois plus beaucoup d'espoir
après avoir entendu M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur pour avis,
ainsi que les intervenants de la majorité sénatoriale. Il comportait pourtant
des mesures utiles et intéressantes. Le Sénat a adopté, en 1997, le budget des
anciens combattants présenté par mon prédécesseur. J'ai la faiblesse de penser
que celui-ci est pourtant meilleur.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère
des anciens combattants et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III :
moins
12 073 597 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 53 :
:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 299 |
Majorité absolue des suffrages | 150 |
Pour l'adoption | 81 |
Contre | 218 |
Le Sénat n'a pas adopté.
« Titre IV : moins 302 746 027 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 21 250 000 francs ;
« Crédits de paiement : 9 825 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
J'appelle en discussion les articles 62, 62
bis,
62
ter
et 62
quater,
qui sont rattachés pour leur examen aux crédits des anciens
combattants, et, en accord avec la commission des finances, les amendements n°s
II-129 rectifié
bis,
II-143 rectifié tendant à insérer des articles
additionnels avant l'article 62
ter
et l'amendement n° II-130 tendant à
insérer un article additionnel après l'article 62
ter.
Article 62
M. le président.
« Art. 62. - Au titre VII du livre II du code des pensions militaires
d'invalidité et des victimes de la guerre est inséré un article L. 252-5 ainsi
rédigé :
«
Art. L. 252-5.
- Bénéficient des dispositions du chapitre Ier du
titre III du présent livre, dans les conditions prévues au paragraphe 2 de la
section 1 et à la section 2 dudit chapitre, les étrangers arrêtés en France et
déportés, s'ils ont acquis la nationalité française depuis lors et obtenu le
titre de déporté politique ; il en est de même de leurs ayants cause de
nationalité française. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 62.
(L'article 62 est adopté.)
Article 62 bis
M. le président.
« Art. 62
bis.
- Le dernier alinéa de l'article L. 321-9 du code de la
mutualité est ainsi rédigé :
« Le montant maximal donnant lieu à majoration par l'Etat de la rente qui peut
être constituée au profit des bénéficiaires visés par les dispositions du
présent article est calculé par référence à l'indice 95 des pensions militaires
d'invalidité et des victimes de guerre. Il est exprimé en francs au 1er janvier
de chaque année en fonction de la valeur du point des pensions militaires
d'invalidité à cette date. » -
(Adopté.)
Article additionnel avant l'article 62
ter
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° II-129 rectifié
bis,
M. Pagès et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article
62
ter,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le quatrième alinéa de l'article L. 253
bis
du code des
pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, sont insérées
les dispositions suivantes :
« Les conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens d'Afrique
du Nord prennent en compte l'attribution de :
« - 12 points supplémentaires pour les bénéficiaires du titre de
reconnaissance ;
« - 6 points supplémentaires pour la médaille commémorative ;
« sans autres conditions restrictives. »
Par amendement n° II-143 rectifié, MM. Descours, Husson et Chérioux proposent
d'insérer, avant l'article 62
ter,
un article additionnel ainsi rédigé
:
« L'article L. 253
ter
du code des pensions militaires d'invalidité et
des victimes de la guerre est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En tout état de cause, dans le décompte des trente points permettant
l'attribution de la carte du combattant, la possession du titre de
reconnaissance de la nation compte pour seize points, celle de la médaille
commémorative pour huit points et chaque trimestre de présence en Afrique du
Nord pour quatre points. »
La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° II-129 rectifié
bis.
M. Robert Pagès.
Je ne veux pas polémiquer. M. le secrétaire d'Etat nous a fait part d'une
lettre. J'ignore ce qui s'est passé en réalité. Tout ce que je sais, c'est que
les organisations syndicales du Front uni avaient accepté les propositions qui
avaient été formulées. Il importe peu, en fait, de savoir qui est revenu sur
celles-ci.
L'amendement n° II-129 rectifié
bis
constitue en quelque sorte, une
première étape. Il tend à prendre en compte, dans le décompte des points
nécessaires à l'obtention de la carte du combattant, douze points
supplémentaires pour les bénéficiaires du Titre de la reconnaissance de la
nation et six points supplémentaires pour les titulaires de la médaille
commémorative sans autres conditions restrictives, ce qui signifie, bien
entendu, que disparaît l'exigence de participation à des actions de feu ou de
combat.
En effet, la guerre d'Algérie était très particulière puisqu'elle était une
guerre d'embuscades, de poursuites et de caches. Tous ceux qui y ont participé
savent bien que la tension était permanente même si aucun coup de feu n'était
tiré. Il était donc juste de ne pas retenir cette obligation de participation à
des actions de feu ou de combat.
Il faut également tenir compte des quatre points accordés par trimestre, avec
un maximum de douze points. Cela permettrait à un militaire ayant combattu
trois trimestres en Afrique du Nord de bénéficier des trente points nécessaires
à la délivrance de la carte du combattant. Ainsi serait définitivement réglé ce
problème de la territorialité, de l'assimilation aux brigades de gendarmerie,
et ce sans exagération mais en tenant compte du caractère particulier de cette
guerre.
M. le président.
La parole est à M. Husson, pour présenter l'amendement n° II-143 rectifié.
M. Roger Husson.
L'amendement n° II-143 rectifié a le même objet que celui qui vient d'être
présenté. M. le secrétaire d'Etat nous a répondu tout à l'heure. Je m'étais
fondé sur l'accord intervenu le 22 octobre 1996 qui fixe à seize points la
possession du Titre de la reconnaissance de la nation, à huit points la
possession de la médaille commémorative et à quatre points chaque trimestre de
présence en Afrique du Nord pour le décompte des points nécessaires à
l'obtention de la carte du combattant.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Si mes renseignements sont exacts, un accord oral
était intervenu entre M. Pasquini et le Front uni, tendant à permettre à toute
personne ayant stationné six mois en Algérie de bénéficier de la carte du
combattant.
Puis, s'étant sans doute aperçu que cette carte s'en trouverait dévalorisée,
M. Pasquini est revenu sur ce qu'il avait dit, en fixant une condition
supplémentaire : la participation à une action de feu.
Le présent gouvernement a assoupli cette mesure en prévoyant qu'une présence
minimale de dix-huit mois en Algérie peut remplacer la participation à une
action de feu.
Il me semble difficile d'aller plus loin. Si l'on en revient à la première
proposition de M. Pasquini, on dévalorisera la carte du combattant. Je donne
donc un avis défavorable sur les deux amendements présentés.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Je vais endosser, ce soir, l'uniforme du méchant.
(Sourires.)
Je ne peux pas aller plus loin que ce que j'ai indiqué à la tribune de
l'Assemblée nationale et devant vous à l'instant. Je suis obligé d'émettre un
avis défavorable sur ces deux amendements ; tout en faisant observer à M.
Husson qu'il aurait dû présenter son amendement l'an dernier, car il aurait
sans doute été adopté, ce qui n'aurait pu être le cas de celui de M. Pagès.
Je vais encore être plus méchant : afin de faire gagner du temps au Sénat,
j'invoque l'article 40 de la Constitution à l'encontre de tous les amendements
qui ont été déposés.
M. le président.
Monsieur le rapporteur spécial, l'article 40 de la Constitution est-il
applicable ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Il l'est, monsieur le président.
M. le président.
L'article 40 étant applicable, les amendements n°s I-129 rectifié
bis
et II-143 rectifié ne sont pas recevables.
M. Emmanuel Hamel.
C'est douloureux !
Article 62
ter
M. le président.
« Art. 62
ter
. - L'article L. 253
bis
du code des pensions
militaires d'invalidité et des victimes de la guerre est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« Une durée des services en Algérie d'au moins dix-huit mois est reconnue
équivalente à la participation aux actions de feu et de combat exigée au
deuxième alinéa ci-dessus. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Le premier, n° II-127, présenté par M. Pagès et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen, vise à rédiger comme suit le texte proposé
par cet article pour un alinéa à insérer dans l'article L. 253
bis
du
code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre :
« Une durée des services en Afrique du Nord d'au moins quinze mois est
reconnue équivalente à la participation à une des actions de feu et de combat
exigées au deuxième alinéa ci-dessus. Cette période doit avoir été accomplie
entre le 31 octobre 1954 et le 2 juillet 1962 pour l'Algérie, le 1er juin 1953
et le 2 mars 1956 pour le Maroc, le 1er janvier 1952 et le 20 mars 1956 pour la
Tunisie. »
Le deuxième, n° II-53, présenté par MM. Pastor, Chabroux, Bony, Garcia,
Mazars, Piras et les membres du groupe socialiste et apparentés, et le
troisième, n° II-128, déposé par M. Pagès et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen, sont identiques.
Tous deux tendent à rédiger comme suit le texte proposé par l'article 62
ter
pour un alinéa à insérer dans l'article L. 253
bis
du code
des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre :
« Une durée des services en Afrique du Nord d'au moins dix-huit mois est
reconnue équivalente à la participation à une des actions de feu et de combat
exigées au deuxième alinéa ci-dessus. Cette période doit avoir été accomplie
entre le 31 octobre 1954 et le 2 juillet 1962 pour l'Algérie, le 1er juin 1953
et le 2 mars 1956 pour le Maroc, le 1er janvier 1952 et le 20 mars 1956 pour la
Tunisie. »
La parole est à Pagès, pour défendre l'amendement n° II-127.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je défendrai
également l'amendement n° II-128 rectifié.
Ces deux amendements visent à étendre aux opérations s'étant déroulées en
Tunisie et au Maroc les conditions d'attribution de la carte du combattant.
L'amendement n° II-127 prévoit pour cela une durée de service d'au moins quinze
mois, car, d'après une étude réalisée par les organisations, telle est la durée
moyenne de présence en guerre.
L'amendement n° II-128, quant à lui, se limite à une durée de dix-huit
mois.
Ces amendements font référence à l'Afrique du Nord, avec des dates différentes
pour l'Algérie, pour le Maroc et pour la Tunisie. Leur adoption permettrait de
régler vraiment le cas de nos compatriotes ayant combattu sur les deux fronts
dans des conditions assez similaires.
Par conséquent, si M. le secrétaire d'Etat invoquait l'article 40 de la
Constitution sur l'amendement n° II-127 - je souhaite, bien sûr, qu'il ne le
fasse pas ! - je maintiendrais alors l'amendement n° II-128, qui, au moins,
réglerait la question du territoire.
M. le président.
La parole est à M. Pastor, pour défendre l'amendement n° II-53.
M. Jean-Marc Pastor.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en
préambule et indépendamment des diverses dispositions positives prises à
l'égard des anciens combattants qui marquent, me semble-t-il, un tournant dans
ce domaine, je tiens à saluer le courage de M. le secrétaire d'Etat, qui a
réservé aux événements d'Algérie le qualificatif de « guerre ».
L'amendement n° II-53, que j'ai déposé avec mon collègue Gilbert Chabroux et
mes amis du groupe socialiste, tend à compléter l'amendement n° II-77 adopté
par l'Assemblée nationale, qui visait à introduire à l'article L. 253
bis
du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre
une modification permettant la reconnaissance de la qualité d'ancien combattant
pour une durée de services en Algérie d'au moins dix-huit mois, reconnue
équivalente à la participation aux actions de feu et de combat exigée
jusqu'alors.
La période concernée par ces événements va de 1954 à 1962. Or, l'histoire, les
faits, les troubles et les morts nous conduisent à resituer l'action dans le
contexte général d'Afrique du Nord du moment. Nous ne pouvons, bien sûr, pas
ignorer, monsieur le secrétaire d'Etat, la période antérieure allant de 1952 à
1954, en Tunisie et au Maroc, où les premiers troubles furent les prémices
d'une « guerre » beaucoup plus longue.
Permettez-moi, à l'occasion de cet amendement, de procéder à quelques rappels
historiques.
Les processus qui ont conduit à l'indépendance de l'Algérie, du Maroc et de la
Tunisie ont des racines différentes.
Quand la revendication nationaliste émerge après la guerre, à la fin des
années quarante, la Tunisie est sous protectorat français. C'est le cas
également du Maroc, avec toutefois une particularité de coprotectorat espagnol,
au nord du territoire notamment. Quant à l'Algérie, c'est une colonie,
c'est-à-dire qu'elle est partie intégrante du territoire français, dont elle
constitue trois départements.
Si, avant la présence française, la Tunisie et le Maroc ont constitué des
nations, cela n'a jamais été le cas de l'Algérie. Seule l'Algérie a connu un
processus long - huit ans de conflit - vers l'indépendance, marqué par un
engagement militaire considérable et des pertes humaines très importantes.
Même si, entre ces trois Etats, les données historiques peuvent donc être
différentes, les unités militaires françaises, elles, ont été engagées dans ces
combats en Tunisie, au Maroc et en Algérie.
En Tunisie, au lendemain de l'arrestation du
leader
nationaliste Habib
Bourguiba, le 18 janvier 1952, une « résistance » armée est entrée en action.
De nombreux combats se sont déroulés pendant plus de deux ans, notamment dans
les montagnes tunisiennes. A la tête des troupes françaises, le général Garbay
tenta alors d'imposer une solution militaire.
Au Maroc, la déposition et l'enlèvement, le 20 août 1953, par une conjuration
de militaires et de hauts fonctionnaires français associés à des notables
marocains, du sultan Sidi Mohammed Ben Youssef ouvre une période de vingt-sept
mois de combats jusqu'au retour du sultan en novembre 1955.
Dans les six mois suivant l'enlèvement, des attentats et des actes de feu ont
lieu à Casablanca, à Rabat et à Meknès.
Après les attentats du 1er novembre 1954 en Algérie, une armée dite « de
libération » se forme dans le Rif marocain, peut être coordonnée d'ailleurs
avec celle du FLN algérien. Les troupes françaises, dont celles qui sont
engagées en Algérie, sont alors amenées à intervenir au Maroc.
En Algérie, après le début de l'insurrection armée, le 1er novembre 1954 -
soixante-dix attentats dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre - et surtout
à partir de la promulgation de l'état d'urgence le 3 avril 1955, les combats
sont engagés entre le FLN et l'armée française.
Je vous prie d'excuser ce petit rappel, qui a pour objet de préciser qu'une
véritable coordination dans l'acte militaire a existé pendant ces
périodes-là.
La concordance des temps est évidente : en 1952, en 1953 et en 1954, des
affrontements armés commencent entre les forces nationalistes et les forces
françaises sur les trois territoires. L'histoire des trois processus
d'indépendance est très imbriquée des deux côtés.
Symbolique de cette imbrication est l'épisode de l'enlèvement par l'armée
française de Ben Bella et de trois dirigeants nationalistes algériens, le 22
octobre 1956, alors qu'ils revenaient d'un sommet secret au Maroc.
Cette réalité historique, que je viens de rappeler trop sommairement, nous
oblige à ne pas dissocier les événements qui ont agité successivement ces trois
pays de 1952 jusqu'en 1962, avec l'intervention des troupes françaises.
Toutes ces raisons ont conduit mes collègues et moi-même à déposer cet
amendement n° II-53, qui vise à faire reconnaître que cette guerre d'Algérie,
que vous avez vous-même évoquée à l'occasion de l'assemblée de la Fédération
nationale des anciens combattants en Algérie, à Saint-Etienne, monsieur le
secrétaire d'Etat, concerne non pas seulement l'Algérie, mais aussi à la fois
la Tunisie et le Maroc.
Par cet amendement, il s'agit d'accorder aux anciens combattants non pas un
privilège - ils n'ont pas l'habitude d'en demander - mais une juste
reconnaissance et une compensation qui leur sont dues et qui doivent leur être
assurées.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s II-127, II-53 et
II-128 ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, je crois qu'il n'y
a pas de différence entre les combattants de Tunisie, du Maroc ou d'Algérie,
dès lors qu'ils répondent aux conditions requises. Je tiens d'ailleurs ces
renseignements du secrétariat d'Etat.
Je crois qu'il faut s'assurer qu'aucun soldat ayant stationné en Tunisie ou au
Maroc n'a été oublié : c'est là l'essentiel !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
La conclusion de mon propos sera toujours ce
redoutable article 40 de la Constitution ! Je ne veux en effet pas aller
au-delà des décisions prises à l'Assemblée nationale.
En revanche, je suis tout à fait conscient de la réalité des combats qui sont
intervenus en Tunisie et au Maroc.
Il me paraît, sous réserve d'inventaire, qu'il s'agissait de combats au cours
desquels le contact était recherché. Il s'agissait dans la quasi-totalité des
cas d'opérations de feu dans des unités combattantes qui ont été recensées
telles quelles par le ministère de la défense ; dès lors, les soldats qui
devaient obtenir la carte d'ancien combattant l'ont obtenue. Des exemples dans
ma propre famille existent de bénéficiaires de cartes d'ancien combattant
délivrées pour des opérations exclusivement réalisées sur le sol tunisien.
La guerre d'Algérie présente un caractère un peu différent, me semble-t-il.
Néanmoins, je m'engage, comme je l'ai dit, à traiter le cas des soldats qui,
ayant passé quelques mois, le cas échéant, sur le territoire tunisien ou
marocain et s'étant ensuite rendus en Algérie sans y rester dix-huit mois,
totalisent une présence au Maroc ou en Tunisie puis en Algérie d'au moins
dix-huit mois.
Je vais donc étudier la possibilité pour le Gouvernement de déposer, lors de
la réunion de la commission mixte paritaire, un amendement prenant en compte
cette situation. Si cela se révélait impossible, je remettrai alors sur le
métier mon ouvrage dès le début de l'année 1998 - je m'y engage - afin de
trouver une réponse appropriée à cette question.
Pour le reste, je vais examiner la spécificité des unités combattantes sur le
sol tunisien ou marocain. Si des discordances subsistent vraiment, nous
trouverons, dans des délais rapides, une solution honorable.
Mais pour l'instant, j'invoque l'article 40 de la Constitution sur ces trois
amendements.
M. le président.
Monsieur le rapporteur spécial, l'article 40 de la Constitution est-il
applicable ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Il l'est, monsieur le président.
M. le président.
L'article 40 étant applicable, les amendements n°s II-127, II-53 et II-128 ne
sont pas recevables.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 62
ter.
M. Robert Pagès.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(L'article 62
ter
est adopté.)
Article additionnel après l'article 62
ter
M. le président.
Par amendement n° II-130 rectifié, M. Pagès et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 62
ter,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Le titre de reconnaissance de la nation est accordé aux militaires ayant un
minimum de quatre-vingt-dix jours en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 2
juillet 1964. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Cet amendement vise les militaires restés en Algérie entre le 2 juillet 1962
et le 2 juillet 1964.
A cette heure, je ne vais évidemment pas me livrer à des rappels historiques.
Nous savons néanmoins tous qu'entre le 2 juillet 1962 et le 2 juillet 1964 se
sont produits en Algérie des troubles extrêmement importants ayant présenté à
l'époque pour les militaires présents - le fait est indéniable - de très grands
risques.
M. Emmanuel Hamel.
Des drames atroces !
M. Robert Pagès.
Or, ces militaires ne peuvent bénéficier de la carte de combattant, ce qui
peut se comprendre.
L'amendement n° II-130 rectifié vise à leur accorder le Titre de
reconnaissance de la nation. Bien entendu, ce n'est pas innocent, et chacun le
sait bien. Il s'agirait pour les titulaires de ce titre de pouvoir devenir
ressortissants de l'ONAC et de pouvoir ainsi accéder au fonds de solidarité,
par exemple, s'ils sont demandeurs d'emploi, et ce dans les conditions que nous
avons déterminées tout à l'heure.
Tel est le sens de l'amendement n° II-130 rectifié.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
La mesure proposée est généreuse, il faut le dire,
et, de surcroît, elle n'est pas inintéressante !
Cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, me plaçant de votre point de vue,
pour votre budget, qui est aussi notre budget, et considérant que la réduction
des déficits publics est l'ambition de tous, il me paraît difficile d'alourdir
davantage nos dépenses.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Je ne voudrais pas que l'on tire de conclusions
hâtives du fait que je suis du même avis que M. le rapporteur spécial de la
commission des finances !
(Sourires.)
M. Emmanuel Hamel.
Commission dont vous futes un membre éminent !
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
Etre d'accord avec la commission des finances ?
Pourquoi pas ?
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
En effet, mais, par là, j'entendais un rapprochement
politique !
(Nouveaux sourires.)
Monsieur Pagès, sur cette question, mon opinion n'est pas encore
arrêtée.
Certes, il est des considérations financières qui ne sont pas négligeables.
Vous avez vous-même évoqué les droits qui sont en effet attachés au Titre de
reconnaissance de la nation, et ils ne sont pas sans incidences budgétaires. Je
pense, notamment, au bénéfice de la retraite mutualiste, c'est-à-dire des
cotisations en franchise d'impôt et, en plus, une bonification de l'Etat. Vous
avez cité également la possibilité de bénéficier du fonds de solidarité.
Je crois en effet que toute personne mérite une attention particulière
lorsqu'elle se trouve dans une situation sociale difficile et que le pays se
doit de lui témoigner de la solidarité.
Cependant, sur le plan strictement budgétaire, je n'ai pas, aujourd'hui, les
moyens d'accepter votre amendement.
Sur le plan des principes, maintenant, je m'interroge. On me dit que ce qui
s'est passé en Algérie, de 1962 à 1964, est un peu comparable à ce que certains
soldats ont vécu quand ils sont intervenus, soit au Tchad, soit au Liban, soit
en Bosnie-Herzégovine.
Je dois dire que ma religion n'est pas encore faite sur ce sujet. Je consulte
des historiens, j'essaie vraiment d'avancer sérieusement sur la question. En
janvier, je rencontrerai les représentants du monde ancien combattant et des
associations concernées afin que nous déterminions si les conditions sont
vraiment réunies pour accorder le Titre de reconnaissance de la nation pour une
présence de quatre-vingt-dix jours en Algérie entre 1962 et 1964. Je n'en suis
pas encore convaincu.
Je précise que ceux qui sont intervenus en Bosnie-Herzégovine l'ont fait dans
le cadre d'une force d'interposition, ce qui n'était pas, me semble-t-il, la
situation des soldats présents en Algérie entre 1962 et 1964.
Parce que ma position définitive de principe, au-delà des questions
budgétaires, n'est pas encore arrêtée et parce que je ne peux pas vous demander
de retirer cet amendement - vous ne le feriez pas, et je le comprendrais -
j'invoque, j'en suis désolé, l'article 40 de la Constitution.
M. le président.
L'article 40 de la Constitution est-il applicable, monsieur le rapporteur
spécial ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Il l'est, monsieur le président.
M. le président.
L'article 40 étant applicable, l'amendement n° II-130 rectifié n'est pas
recevable.
Article 62
quater
M. le président.
« Art. 62
quater
. - Le septième alinéa de l'article 125 de la loi de
finances pour 1992 (n° 91-1322 du 30 décembre 1991) est complété par une phrase
ainsi rédigée :
« Afin de leur permetre de bénéficier d'un revenu équivalent à une retraite
anticipée de 5 600 francs nets par mois et par dérogation aux dispositions
précédentes, le montant de l'allocation différentielle est augmenté à due
concurrence au 1er janvier 1998 pour les chômeurs qui justifient d'une durée
d'assurance vieillesse de 160 trimestres, y compris les périodes équivalentes
et notamment le temps passé en Afrique du Nord. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 62
quater.
M. Robert Pagès.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(L'article 62
quater
est adopté.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant les anciens combattants.
3
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à, aujourd'hui, dimanche 7 décembre 1997, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 84 et 85, 1997-1998) ;
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Economie, finances et industrie :
IV. - Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat :
M. René Ballayer, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 12) ;
M. Jean-Jacques Robert, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 87, tome VIII).
Equipement, transports et logement :
III. - Logement :
M. Henri Collard, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 24) ;
M. William Chervy, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 87, tome XIV) ;
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales (logement social, avis n° 89, tome VIII).
V. - Tourisme :
M. Paul Loridant, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 27) ;
M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 87, tome XVI).
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen
des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires
pour le projet de loi de finances pour 1998
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1998 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Scrutin public à la tribune
En application de l'article 60
bis,
troisième alinéa, du règlement, le
vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 1998 aura lieu, de droit,
par scrutin public à la tribune, à la fin de la séance du mardi 9 décembre
1997.
Délais limites pour les inscriptions de parole
dans la discussion générale
et pour le dépôt des amendements
Proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, consacrant le
placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution des peines
privatives de liberté (n° 285, 1996-1997) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 10 décembre 1997, à
dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de
loi de M. Gérard César et plusieurs de ses collègues portant diverses mesures
urgentes relatives à l'agriculture (n° 155, 1997-1998) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mercredi 10 décembre 1997, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 10 décembre 1997, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le dimanche 7 décembre 1997, à deux heures
trente-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du samedi 6 décembre 1997
SCRUTIN (n° 51)
sur l'amendement n° II-72, présenté par M. Roland du Luart au nom de la
commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre III de l'état B
du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée national (budget
de l'outre-mer).
Nombre de votants : | 228 |
Nombre de suffrages exprimés : | 228 |
Pour : | 108 |
Contre : | 120 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Contre :
22.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Contre :
5. _ MM. Emmanuel Hamel, Edmond Lauret, Simon Loueckhote, Mme
Lucette Michaux-Chevry et M. Sosefo Makapé Papilio.
N'ont pas pris part au vote :
90.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Contre :
75.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :
Pour :
55.
Contre :
2. _ MM. Marcel Henry et Pierre Lagourgue.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
44.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jean Delaneau, qui présidait la
séance.
SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE (9) :
Pour :
9.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernadaux
Daniel Bernardet
François Blaizot
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Pierre Croze
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Marcel Deneux
André Diligent
Jacques Dominati
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Jacques Genton
Jean-Marie Girault
Jean Grandon
Francis Grignon
Jacques Habert
Anne Heinis
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
Jean-Philippe Lachenaud
Jean-Pierre Lafond
Alain Lambert
Jacques Larché
Henri Le Breton
Edouard Le Jeune
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
René Marquès
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Daniel Millaud
Louis Moinard
Philippe Nachbar
Michel Pelchat
Jean Pépin
Bernard Plasait
Régis Ploton
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Bernard Seillier
Michel Souplet
Henri Torre
François Trucy
Alex Türk
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Guy Cabanel
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Henri Collard
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Jean Francois-Poncet
Aubert Garcia
Paul Girod
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Marcel Henry
Roger Hesling
Roland Huguet
Pierre Jeambrun
Bernard Joly
Philippe Labeyrie
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Pierre Lagourgue
Dominique Larifla
Edmond Lauret
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
François Lesein
Claude Lise
Paul Loridant
Simon Loueckhote
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Lucette Michaux-Chevry
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Georges Mouly
Georges Othily
Robert Pagès
Sosefo Makapé Papilio
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Fernand Tardy
Odette Terrade
André Vallet
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
Michel Alloncle
Louis Althapé
Honoré Bailet
Michel Barnier
Henri Belcour
Jean Bernard
Roger Besse
Jean Bizet
Paul Blanc
Yvon Bourges
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Charles Descours
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
Daniel Eckenspieller
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Bernard Fournier
Philippe Francois
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Roger Husson
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Lucien Lanier
Gérard Larcher
René-Georges Laurin
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Maurice Lombard
Philippe Marini
Pierre Martin
Paul Masson
Jacques de Menou
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Alain Peyrefitte
Alain Pluchet
Christian Poncelet
Victor Reux
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
René Trégouët
Maurice Ulrich
Jacques Valade
Alain Vasselle
Serge Vinçon
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat et Jean Delaneau, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 232 |
Nombre de suffrages exprimés : | 232 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 117 |
Pour l'adoption : | 109 |
Contre : | 123 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 52)
sur l'amendement n° II-73, présenté par M. Roland du Luart au nom de la
commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre IV de l'état B
du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale
(budget de l'outre-mer).
Nombre de votants : | 316 |
Nombre de suffrages exprimés : | 316 |
Pour : | 197 |
Contre : | 119 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Contre :
22.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Pour :
89.
Contre :
4. _ MM. Emmanuel Hamel, Simon Loueckhote, Sosefo Makapé
Papilio et Victor Reux.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ M. Edmond Lauret et Mme Lucette
Michaux-Chevry.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Contre :
75.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :
Pour :
55.
Contre :
2. _ MM. Marcel Henry et Pierre Lagourgue.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
44.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jean Delaneau, qui présidait la
séance.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :
Pour :
9.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe Francois
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Anne Heinis
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Jean-Pierre Lafond
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Daniel Millaud
Louis Moinard
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Guy Cabanel
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Henri Collard
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Jean Francois-Poncet
Aubert Garcia
Paul Girod
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Marcel Henry
Roger Hesling
Roland Huguet
Pierre Jeambrun
Bernard Joly
Philippe Labeyrie
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Pierre Lagourgue
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
François Lesein
Claude Lise
Paul Loridant
Simon Loueckhote
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Georges Mouly
Georges Othily
Robert Pagès
Sosefo Makapé Papilio
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
René Régnault
Ivan Renar
Victor Reux
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Fernand Tardy
Odette Terrade
André Vallet
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
M. Edmond Lauret et Mme Lucette Michaux-Chevry.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat et Jean Delaneau, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 317 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 159 |
Pour l'adoption : | 198 |
Contre : | 119 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 53)
sur le titre III de l'état B du projet de loi de finances pour 1998, adopté par
l'Assemblée nationale (budget des anciens combattants).
Nombre de votants : | 318 |
Nombre de suffrages exprimés : | 299 |
Pour : | 81 |
Contre : | 218 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Abstention :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
6. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon
Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert-Paul Vigouroux.
Contre :
14.
Abstentions :
2. _ MM. Pierre Jeambrun et François Lesein.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Contre :
94.
Abstention :
1. _ M. Emmanuel Hamel.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Pour :
75.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :
Contre :
57.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Contre :
44.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jean Delaneau, qui présidait la
séance.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :
Contre :
9.
Ont voté pour
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Marcel Bony
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Paul Raoult
René Régnault
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe Francois
Jean Francois-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Abstentions
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Jean Derian
Michel Duffour
Guy Fischer
Emmanuel Hamel
Pierre Jeambrun
Pierre Lefebvre
François Lesein
Paul Loridant
Hélène Luc
Louis Minetti
Robert Pagès
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Paul Vergès
N'ont pas pris part au vote
M. René Monory, président du Sénat, et M. Jean Delaneau, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.