79 079 900 000 F
«
Titre VI : "Subventions d'investissement accordées par l'Etat"
1 921 800 000 F
« Total
81 001 700 000 F
»
« II. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 1998, au titre des
mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des
crédits de paiement ainsi répartis :
«
Titre V : "Equipement"
17 329 370 000 F
«
Titre VI : "Subventions d'investissement accordées par l'Etat"
1 602 170 000 F
« Total
18 931 540 000 F
»
Sur le titre V, la parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Monsieur le ministre, à cette heure de la nuit, si j'ose solliciter du Sénat
une ou deux minutes d'attention, c'est parce que j'ai le sentiment d'avoir à
assumer, vu mon âge et ce que j'ai connu, un devoir. Votre talent est si grand
qu'il faut quelque audace pour oser parler après vous. Vous êtes d'une
génération qui n'a connu ni la défaite, ni l'Occupation, ni les combats de la
Libération, ni les souffrances de la guerre d'Algérie.
Je voudrais vous dire, monsieur le ministre, à quel point je suis attristé de
penser qu'un jour il pourrait être évoqué dans l'Histoire le nom d'un ministre
de la défense portant la responsabilité pour la France de graves malheurs,
parce qu'il n'aurait pas cru devoir demander au pays un effort suffisant pour
porter sa défense, même en temps apparemment de paix en Europe, au niveau des
menaces possibles.
Ce n'est pas parce que le mur de Berlin est tombé que nous ne connaîtrons pas
peut-être en Europe - je souhaite bien sûr que non, mais je n'en ai pas la
certitude - de terribles dangers et menaces au cours du troisième millénaire.
Les informations qui sont portées à votre connaissance, les renseignements qui
vous parviennent vous permettent de savoir que, du côté de l'Est, le danger
n'est pas totalement et pour toujours écarté.
Monsieur le ministre, est-il normal que, dans un pays comme le nôtre, où le
produit national brut va atteindre l'an prochain plus de 8 000 milliards de
francs, nous ne consacrions aux équipements militaires que 80 milliards de
francs ?
Oh, je comprends que vous ayez l'air satisfait du budget que vous présentez à
l'Assemblée nationale et au Sénat. Quel ministre n'ayant pas encore démissionné
pourrait prétendre que le budget qu'il soumet au vote du Parlement est mauvais
?
Monsieur le ministre, je vous en supplie : rappelez au Gouvernement - pas
forcément publiquement, mais lors de vos conversations seul à seul avec le
Premier ministre et avec le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie - que la défense n'a pas à être la réserve dans laquelle on puise
pour financer d'autres dépenses sur d'autres secteurs. En effet, la défense est
véritablement - vous le savez d'ailleurs - le secteur fondamental. Quel est
l'avenir d'un pays qui fait une impasse sur les moyens de sa défense ?
Au nom de l'Histoire, je vous interpelle, monsieur le ministre. Avant la
guerre de 1870, lorsque le maréchal Niel a demandé que nos forces soient
portées à la hauteur de la menace que laissaient supposer Sadova et la montée
de la Prusse, la France a dit « non », et ce fut 1870 ! Monsieur le ministre,
vous n'étiez pas né, moi non plus.
La campagne électorale de 1913 s'est-elle faite pour ou contre le service de
trois ans ? Nous n'étions plus que 40 millions de Français alors que les
Allemands étaient plus de 60 millions ; la menace venait, et nous avons dit «
non » ! Nous l'avons payé de quatre ans de guerre et d'héroïsme, de 1,5 million
de morts et d'une guerre atroce.
Face à la montée de l'hitlérisme, nous avons réagi pareillement. « Strasbourg
ne restera jamais sous la menace des canons allemands ! » Et puis ce furent des
mots, des apparences, et la défaite est venue en 1940. Vous savez de quel prix
nous l'avons payée, quel héroïsme il a fallu déployer et quelles souffrances
furent vécues pour nous libérer de cette oppression consécutive à notre
faiblesse au moment de l'agression. Alors, monsieur le ministre, je vous en
supplie : que l'homme intelligent que vous êtes use de son influence pour faire
en sorte que, l'an prochain, le budget que vous nous présenterez, d'une part,
dissipe l'idée qu'en France une loi de programmation est sans conséquence et
qu'on peut l'amputer en cours d'exécution ; d'autre part, prouvez-nous qu'au
cours de cette année vous allez ressusciter l'esprit de défense, qui n'est pas
l'esprit d'agression. Mais dans la nation tout entière, dans toutes les couches
de la population et à tous les âges des générations, la France doit faire
l'effort d'être écartée des menaces d'une nouvelle guerre par les efforts
qu'elle déploie pour porter la défense à la hauteur des risques éventuels et
potentiels.
Je vous en supplie, monsieur le ministre : votre mission est historique. En
effet, si vous continuez à nous présenter des budgets comme celui-ci, dans
lequel les crédits militaires, notamment l'équipement, baissent, même avec
votre conception des chiffres, de 88 milliards de francs à moins de 83
milliards de francs, vous commettrez une faute grave contre l'intérêt du pays !
(Vifs applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Je remercie M. Hamel de souligner l'importance de
devoirs dont je n'ignore rien. Je veux le convaincre que des réformes déjà
engagées quant à notre défense, réformes qu'il a contestées, vont pourtant dans
le sens de la plus grande efficacité, de la plus grande disponibilité et de la
plus grande capacité d'action de notre dispositif.
Dans les souvenirs historiques qu'il a relevés et qui ne sont absents de
l'esprit de personne, notamment pas de ceux dont le devoir est de penser à
l'avenir, c'est toujours la prévision de la nature des futurs conflits qui
avait été perdue de vue. Il peut y avoir, aujourd'hui, discussion entre nous
sur des modalités et des niveaux d'engagement, sur les moyens de répondre à
certaines besoins d'équipement militaire. Mais je ne pense pas qu'il y ait
aujourd'hui mise en cause de la clairvoyance des choix faits par l'ensemble des
pouvoirs publics, et non par le seul Gouvernement, dans le cadre des
solidarités sur lesquelles notre pays s'appuie pour se préparer à la diversité
des conflits qui pourront survenir.
Par conséquent, j'accepte volontiers le rendez-vous qu'il veut bien me donner.
Je prends quelque distance à l'égard de l'impétuosité qu'il introduit dans ce
débat, qui, certes, ne contredit pas nécessairement la réflexion mais peut, à
certains moments, l'obscurcir.
M. Philippe Marini.
Il a des convictions !
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Je veux simplement lui dire que la conviction et
le sens du devoir peuvent aussi s'exprimer sans emphase !
(Applaudissements
sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. Philippe Marini.
Chacun son style !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement
figurant au titre V.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
49:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 292 |
Majorité absolue des suffrages | 147 |
Pour l'adoption | 82 |
Contre | 210 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre VI.