M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : II. - Environnement.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, je rappelle avec insistance que la qualité d'un budget ne doit pas se mesurer au seul taux de progression de ses crédits et j'ai souvent regretté qu'un « impératif médiatique » fasse dépendre la crédibilité d'une politique de la hausse des moyens financiers qui lui sont affectés.
Le budget de l'environnement pour 1998 semblait, en première analyse, avoir échappé à cette règle, mais je relève que des ressources financières extérieures au budget viendront, en réalité, renforcer les moyens inscrits dans le « bleu ».
Dans le projet de loi de finances pour 1998, en effet, les crédits consacrés à l'environnement font apparaître une faible progression de 0,9 %. Cette augmentation est inférieure à celle de l'inflation prévisionnelle pour 1998. Il conviendrait de s'en féliciter si cette évolution ne s'accompagnait pas d'un recours accru à des ressources non budgétaires.
A cet égard, s'il faut vous donner acte, madame le ministre, d'avoir résisté à la tentation d'afficher une forte hausse des crédits de l'environnement, force est cependant de constater qu'il ne s'agit là que d'une vertu apparente.
En effet, la commission des finances a relevé, d'une part, un renforcement de la part des dépenses ordinaires au sein de l'enveloppe des crédits budgétaires puisqu'elles passent de 58,47 % à 60,38 % et, d'autre part, un recours accru à des débudgétisations, ce que nous avions déjà critiqué chez vos prédécesseurs.
Je vous épargnerai ici l'analyse détaillée des crédits inscrits à ce budget, pour lesquels je me permettrai de vous renvoyer aux informations consignées dans mon rapport écrit. J'insisterai donc sur l'essentiel.
Comme je l'ai indiqué, l'analyse des dépenses par titre traduit en effet une nette progression de la part des dépenses de fonctionnement et d'intervention aux dépens de l'investissement.
Les dépenses ordinaires, qui représentent 1 138 millions de francs, augmentent en effet de 4,18 % tandis que, à l'inverse, les dépenses en capital, assumées, directement ou indirectement, par le ministère, reculent de 3,72 %. L'analyse par agrégat confirme très largement ce constat.
Sous cet angle, quatre tendances principales se dessinent : une progression des dépenses consacrées à l'administration générale et à la « connaissance de l'environnement et de la coopération internationale », une hausse des crédits de la protection de la nature et des paysages, une stabilité des crédits de lutte contre la pollution et une baisse des crédits de la politique de l'eau et de la recherche.
Le choix de renforcer les moyens des services se traduit logiquement dans la progression de 2,12 % des dépenses consacrées à l'administration générale, contre 0,22 % en 1997.
Cette évolution est due, pour l'essentiel, à la création nette de trente-quatre emplois. De ce fait, les dépenses de personnel au sein du budget de l'environnement progressent de 3 %.
La hausse de l'agrégat « connaissance de l'environnement et coopération internationale » provient, quant à elle, d'une très importante progression de 14 % des subventions aux associations. Il serait intéressant, à cet égard, que vous nous présentiez la liste des principaux bénéficiaires.
C'est pour ces deux motifs que la commission des finances a décidé d'adopter deux amendements tendant à réduire les crédits figurant aux titres III et IV.
J'en viens maintenant à la légitime progression des crédits de la protection de la nature et des paysages.
Avec une hausse de 6,26 %, les crédits de cet agrégat s'élèvent à plus de 535 millions de francs. Principal intervenant public dans ce domaine, le ministère de l'environnement y consacre 28,5 % de ses crédits de paiement contre 26,8 % en 1997. Ce poste recouvre, en outre, plus de 40,5 % des autorisations de programme.
Véritable priorité de ce budget, cet agrégat regroupe en particulier les crédits destinés aux parcs nationaux, aux réserves naturelles et aux parcs naturels régionaux.
S'agissant des crédits de la politique de l'eau, il faut noter les effets du fonds de concours alimenté par le budget des agences de l'eau. Institué par votre prédécesseur, ce fonds de concours permet « d'alléger » la charge du budget du ministère de près de 110 millions de francs.
Enfin, j'en viens aux crédits de lutte contre la pollution, qui semblent rester marqués, comme en 1997, par la mise en oeuvre de la loi sur l'air.
Le niveau de ces crédits est globalement maintenu. Je relève cependant que les 200 millions de francs, affectés par Mme Lepage au financement de la loi sur l'air, ne sont maintenus qu'au moyen d'une augmentation de 37 millions de francs de la taxe sur la pollution atmosphérique.
Dans cet ensemble, il convient de noter aussi la poursuite de la réduction de la subvention de fonctionnement versée à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, sachant que cette agence bénéficie de la croissance du produit prélevé sur les taxes dont elle assure la gestion. Nous reviendrons d'ailleurs sur cette question lors de la discussion des articles rattachés.
Cet ensemble de mesures est doublement contestable puisque, d'une part, il constitue un vecteur de la débudgétisation des crédits de l'environnement et que, d'autre part, il participe subrepticement à l'accroissement du niveau des prélèvements obligatoires en France.
Madame le ministre, je tiens à rappeler devant le Sénat que vous n'êtes pas à l'origine de ces pratiques, mais j'ajoute que ce n'est pas pour autant que la commission des finances renoncera à son devoir de critique.
Dénoncer une débudgétisation ne signifie pas, en effet, que l'on s'accroche à une vision passéiste de l'orthodoxie budgétaire. Au contraire, il s'agit de veiller au respect d'un principe essentiel qui garantit le caractère effectif du contrôle exercé par les représentants de la nation sur le budget de l'Etat.
Au-delà de cette critique, j'insisterai encore sur le fait que la multiplication des prélèvements parafiscaux participe à la hausse globale des prélèvements sur l'ensemble des Français.
J'en viens, enfin, aux collectivités locales, qui consacrent une part importante de leur budget à l'environnement. Ces dépenses sont évaluées à plus de 116 milliards de francs en 1996, dont 44 milliards de francs au titre de l'assainissement et de l'épuration des eaux, 29,8 milliards de francs au titre de la mobilisation de la ressource en eau et 26 milliards de francs au titre des déchets.
A cet égard, je tiens à préciser qu'étant donné la situation de leur budget les collectivités locales ne pourront pas toujours assumer l'accroissement des charges résultant de la multiplication des normes environnementales.
Sur ce point, madame le ministre, j'ai relevé avec intérêt l'une des analyses que vous avez faites à l'occasion de votre audition par la commission des finances le 6 novembre dernier.
Vous nous avez en effet confirmé le maintien de l'échéance de 2002 pour l'application intégrale de la loi sur les déchets, mais vous avez ajouté que vous étiez partisane d'une définition pragmatique de la notion de déchet ultime, qui, seul, aux termes de la loi, je le rappelle, pourra être admis en décharge. Or, vous avez indiqué que certains déchets étaient difficilement valorisables et qu'il ne fallait pas condamner systématiquement certaines mises en décharge sur des sites surveillés.
J'aimerais que, sur ce point, madame le ministre, vous puissiez confirmer votre analyse devant la Haute Assemblée.
Pour conclure, je souhaite vous éclairer sur la démarche du Sénat sur l'ensemble du projet de loi de finances.
La volonté de la Haute Assemblée est de montrer au pays qu'il existe une alternative à la croissance permanente de la dépense publique et, avec elle, des prélèvements obligatoires.
Cette croissance n'est pas une fatalité ; elle est, hélas ! le résultat de la facilité qui consiste à ne jamais s'interroger globalement sur la cohérence des structures et sur les moyens de les rationaliser.
Or, nous possédons un devoir de responsabilité envers les générations futures, car nous n'avons pas le droit de leur léguer les dettes générées par notre incapacité à réformer l'Etat et à réduire la dépense publique, celle-ci étant l'un des principaux facteurs de chômage en raison du manque de compétitivité des entreprises écrasées par les charges.
Madame le ministre, vous me direz, comme tout ministre, qu'il s'agisse des gouvernements passés ou de celui auquel vous appartenez, que le secteur dont vous avez la charge ne constitue qu'une parcelle de la dépense publique et qu'il correspond à une priorité. Soit, mais il n'en demeure pas moins que nous avons tous le devoir d'optimiser les moyens mis en oeuvre pour obtenir un maximum d'efficacité.
Il faut arrêter l'inflation du nombre d'interlocuteurs présents lors des réunions de travail, ce qui freine souvent leur efficacité, et mobiliser l'ensemble des représentants publics ou privés concernés par l'action en faveur de l'environnement. Ce secteur est transversal ; il doit conduire non pas à la démultiplication des administrations mais à leur responsabilisation.
Je ne saurais donc vous suivre dans une logique cumulative de création d'emplois publics, ce qui me conduira, au nom de la commission des finances, à proposer au Sénat d'adopter le budget de l'environnement, sous réserve des deux amendements de réduction de crédits que je présenterai tout l'heure. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Hugo, rapporteur pour avis.
M. Bernard Hugo, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. M. le rapporteur spécial ayant exposé en détail les mesures financières de ce budget, je me bornerai, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à rappeler qu'il s'élève à 1,885 milliard de francs et qu'il est au service d'une administration de mission qui joue un rôle important d'impulsion et de levier.
J'articulerai mon intervention autour de quatre observations relatives aux choix budgétaires que vous avez opérés.
Vous avez ainsi décidé d'accroître sensiblement les moyens de l'administration générale et d'augmenter fortement les subventions aux associations de défense de l'environnement.
Il s'agit, d'abord, de renforcer les moyens des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement ainsi que des directions régionales de l'environnement par la création de vingt-huit emplois. C'était, sans doute, une mesure nécessaire, étant donné la faiblesse de ces directions régionales, mais, par ces temps d'austérité budgétaire, on aurait pu souhaiter que ce renforcement de moyens se fasse par redéploiement.
En ce qui concerne les associations, vous souhaitez appuyer la constitution d'instances fédératives et favoriser leur meilleure représentation dans les négociations internationales portant sur des questions d'environnement. Nul ne peut nier la faiblesse de notre représentation si on la compare à la puissance des organisations non gouvernementales anglo-saxonnes, mais la défense des intérêts français ne saurait être confiée aux seules associations. La commission des affaires économiques a également considéré qu'il convenait de renforcer la cellule internationale du ministère de l'environnement, en y affectant, notamment, l'un des six emplois prévus pour l'administration centrale dans votre projet de budget pour 1998.
Ma deuxième observation concerne la protection des espaces car je voudrais, madame la ministre, attirer votre attention sur les difficultés qui subsistent quant à la mise en oeuvre de la directive Natura 2000.
Les premières listes qui sont en cours ou doivent très prochainement être transmises à Bruxelles ne semblent pas, dans l'ensemble, susciter de contentieux puisqu'il s'agit d'espaces qui font, pour certains, déjà l'objet d'une protection en droit français. Mais pour les autres propositions, il faut impérativement engager une concertation approfondie, parallèlement à une réflexion prospective sur les contraintes de gestion éventuelles à appliquer dans ces territoires et sur leurs éventuelles contreparties financières.
Or, pour le moment, aucun texte ne définit le principe de perturbation, alors même que, en fonction de ce concept, sera ou non autorisé le maintien, voire le développement, d'activités économiques dans les futures zones Natura 2000.
Troisième observation : dans votre projet de budget pour 1998, les crédits consacrés à la politique de l'eau sont en baisse, mais ils seront complétés par les crédits du fonds de concours alimenté par les agences de l'eau pour un montant de 110 millions de francs par an. Après les « indiscrétions organisées » autour de deux rapports sur le fonctionnement des agences de l'eau, je voudrais, madame la ministre, réaffirmer l'attachement de la commission à un dispositif qui a fait ses preuves depuis trente ans, et vous rappeler que l'école française de l'eau sert désormais de modèle à l'étranger ; j'en veux pour preuve le projet de directive européenne instituant un cadre communautaire dans le domaine de l'eau qui s'inspire directement de notre organisation autour de bassins hydrographiques.
Un projet de réforme se doit de respecter cette unité de décision, de financement et d'utilisation des crédits, tout en améliorant le contrôle démocratique de ces instances autonomes.
Ma dernière observation concernera la mise en oeuvre de la loi du 31 décembre 1996 sur la qualité de l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie. Je regrette que l'Etat ne respecte pas les obligations qu'il tient de l'article 3 de cette loi, s'agissant de la surveillance de la qualité de l'air et de ses effets sur la santé et sur l'environnement.
Dans le projet de loi de finances pour 1998, les crédits destinés à l'équipement des réseaux sont divisés par deux par rapport à 1997, alors que les objectifs fixés par la loi n'ont pas été atteints. Sur les vingt-six agglomérations de plus de 100 000 habitants, dont quatre de plus de 250 000 habitants, qui doivent être équipées d'ici au 1er janvier 1998, seulement seize l'ont été.
Vous avez prévu une contrepartie financière à ce désengagement relatif de l'Etat en augmentant le taux de la taxe sur la pollution atmosphérique.
Sans remettre en cause le principe pollueur-payeur qui justifie la création de cette taxe, il ne paraît pas équitable de faire financer par les entreprises la mise en oeuvre d'une responsabilité qui incombe à l'Etat de par la loi. De plus, il convient de souligner que cet apport supplémentaire, évalué à 37 millions de francs - et cela a été dit par M. le rapporteur spécial - ne permettra pas de retrouver le niveau de crédits atteint en 1996 et en 1997.
Compte tenu de ces réserves qui, vous le constatez, madame la ministre, ne sont pas des condamnations sans appel, la commission des affaires économiques et du Plan a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption du projet de budget de l'environnement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer la présence parmi nous de M. le président de la commission des affaires culturelles car son emploi du temps est très chargé.
Je ne reviendrai pas sur l'analyse détaillée des crédits du ministère de l'environnement, à laquelle ont excellemment procédé MM. Philippe Adnod et Bernard Hugo, au nom de la commission des finances et de la commission des affaires économiques, avec le talent et la compétence que chacun leur connaît.
Contraint à la brièveté, je me bornerai à un commentaire sur l'évolution générale des crédits du ministère de l'environnement, avant de vous présenter, madame la ministre, les réflexions que m'inspire la politique des paysages telle qu'elle se traduit dans le projet de loi de finances.
La progression modérée du budget du ministère de l'environnement pour 1998 ne permet guère d'apprécier l'évolution de l'effort de l'Etat en faveur de l'environnement.
En effet, ce budget ne représentera en 1998 que 16 % des crédits consacrés par l'ensemble des ministères à l'environnement qui, pour leur part, connaîtront une progression substantielle de 5 %. En outre, les établissements publics placés sous la tutelle du ministère disposent de ressources propres qui sont près de sept fois supérieures au montant de son budget et devraient continuer à augmenter en 1998.
Les modalités de financement de la politique de l'environnement ne facilitent pas, à l'évidence, l'exercice du contrôle parlementaire, notre collègue Adnot l'a parfaitement dit. Cette année, ces difficultés sont accentuées par le recours accru à des ressources non budgétaires. Ainsi, la poursuite de la mise en oeuvre de la loi sur l'air ne sera possible que grâce au relèvement de la taxe sur la pollution atmosphérique. Veillons à ce que, de taxe en taxe, on ne pénalise pas notre économie. Veillons aussi à éviter les dérives du principe pollueur-payeur car, de toute façon, leur coût est supporté par le consommateur.
Par ailleurs, je rappellerai que les collectivités locales assument 90 % de la dépense publique consacrée à l'environnement. A cet égard, je ne peux qu'appeler à la poursuite de la réflexion que vous avez ébauchée, madame la ministre, sur les orientations de la politique des déchets. L'effort à accomplir pour réduire le volume des déchets et développer leur recyclage ne doit pas reposer sur les seules collectivités locales ; il exige notamment que, au nom du principe de précaution, une attention particulière soit accordée à la conception des produits de consommation.
Ce devrait d'ailleurs être, me semble-t-il, un principe de pensée du développement durable que de toujours réfléchir en amont aux conséquences du lancement de nouveaux produits ou de nouvelles technologies et à la fin qui devra être la leur, avec les effets qu'ils entraîneront sur l'équilibre environnemental de notre planète.
On n'explique pas assez ce que tout le monde peut comprendre, et c'est particulièreent vrai s'agissant du principe de précaution.
J'en viens à la présentation des crédits relatifs à la protection de la nature et des paysages, à laquelle j'ai, cette année, consacré mon rapport écrit.
Les moyens consacrés à la protection de la nature et des paysages s'accroissent sensiblement. Ils s'élèvent, en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, à 536 millions de francs, soit une progresssion de 6,25 % par rapport à 1997. Je salue cette évolution qui traduit la priorité accordée à ces actions au sein du budget de votre ministère.
Cette croissance des moyens s'accompagnera d'une augmentation notable du nombre des espaces protégés. Les parcs marins de Corse et de la mer d'Iroise ainsi que le parc de la forêt guyanaise s'ajouteront aux sept parcs nationaux existants. La politique des réserves naturelles sera poursuivie à un rythme accéléré : quatorze réserves représentant 723 020 hectares sont susceptibles d'être classées en 1998, contre seulement sept en 1997. Par ailleurs, la création de nouveaux parcs naturels régionaux est envisagée. Enfin, la mise en oeuvre de la directive Natura 2000 devrait se traduire par la constitution de nouvelles zones de protection de la nature. Nous le ferons dans les années à venir.
L'augmentation des moyens ne se traduira donc pas par une amélioration significative des conditions de gestion des espaces protégés, mais permettra de financer la mise en place de nouveaux espaces.
Or, me semble-t-il, l'exemplarité a un prix. La création de nouveaux espaces, si elle ne s'accompagne pas d'un engagement pérenne de l'Etat et se traduit par des redéploiements, risque de remettre en cause les conditions de gestion des espaces existants.
Il me semblerait plus opportun, à ce titre, que l'approfondissement des réalisations dans les espaces protégés soit préféré à une extension de leur nombre mal maîtrisée en termes budgétaires.
En guise de conclusion, je souhaiterais, madame la ministre, attirer votre attention sur la Fondation du patrimoine. Cette institution d'un genre inédit est susceptible d'associer les citoyens à la politique du paysage. C'est un thème qui, je crois, vous est cher. Plus d'un an après sa création, ses modalités de fonctionnement sont arrêtées et ses projets suscitent un incontestable intérêt.
Jusqu'à présent, aucune collaboration ne s'est nouée entre cette fondation et l'administration - cela va peut-être changer. Je pourrais même dire que j'ai ressenti une méfiance réciproque. Je ne peux que le regretter. Ce partenariat, qui ne doit pas remettre en cause l'indépendance de la fondation, me semble pourtant nécessaire pour qu'elle puisse user des prérogatives dont la loi l'a dotée et que ses actions investissent la totalité du champ d'application qui lui est dévolu, en particulier le patrimoine naturel, lequel semble, pour l'heure, négligé.
La collaboration avec les services du ministère de l'environnement et avec les établissements dont il a la tutelle - je pense, en particulier, au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres - pourrait s'avérer décisive afin de remédier aux difficultés qu'elle éprouve pour définir ses possibilités d'intervention en ce domaine.
Madame la ministre, votre action ne se limite pas à la protection des espaces remarquables. Il vous incombe de réglementer pour l'ensemble du paysage français. A cet égard, je vous ferai part de mon inquiétude face à la multiplication des pylônes nécessaires aux réseaux de téléphonie mobile - je ne remets pas en cause les progrès qu'ils apportent ni la nécessité de mettre en place cette technique. Il importerait, avant qu'il ne soit trop tard, de tirer en ce domaine la leçon des difficultés rencontrées pour l'effacement des réseaux électriques et téléphoniques sur lequel j'attire votre attention. En effet, les deux services concernés ne marchant pas au même pas, il est nécessaire de les coordonner, ce qui semble insuffisamment fait.
Telles sont, compte tenu du temps qui m'est imparti et du cadre restreint de ce projet de budget, les quelques observations que je souhaitais formuler. Eu égard aux interrogations que soulève pour l'avenir le présent projet de budget, la commission des affaires culturelles a décidé, madame la ministre, de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits de votre ministère. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes.
Groupe socialiste, 16 minutes.
Groupe de l'Union centriste, 10 minutes.
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 8 minutes.
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Le Grand.
M. Jean-François Le Grand. Madame le ministre, permettez-moi de ne pas revenir sur les problèmes budgétaires ni sur les chiffres, mais simplement d'aborder avec vous quatre ou cinq préoccupations importantes qui concernent directement notre société.
La première est, bien sûr, relative à la directive Natura 2000. Je l'ai déjà dit mais je n'hésite pas à l'affirmer de nouveau : il s'agit d'une excellente initiative. Certes, un certain nombre de maladresses successives en ont rendu difficile la mise en oeuvre. Il faut y mettre un terme.
Pour appliquer cette directive, il convient de remplir un certain nombre d'obligations que je classerai en deux catégories.
La première consiste à développer la concertation en ce qui concerne les documents d'objectifs et la définition du concept de perturbation - je n'insiste pas sur ce point car mon collègue Bernard Hugo l'a évoqué tout à l'heure en présentant son excellent rapport. Il s'agit, me semble-t-il, d'une obligation incontournable. Il est, à l'évidence, nécessaire de faire précéder le choix des sites d'un inventaire scientifique. En effet, ce sont les scientifiques qui sont les mieux placés pour l'établir. Cela étant, vous en conviendrez, lorsqu'un maire découvre que, sur le territoire de sa commune, une opération est en cours alors qu'il n'a pas été informé, c'est extrêmement gênant.
Permettez-moi de vous relater ce que m'a dit un maire du département de la Manche : « Quand je reçois une lettre m'indiquant qu'il va y avoir quelque chose, sans me dire ce qu'il y aura précisément, je crois d'abord que c'est mauvais pour la commune ! » (Sourires.)
Faites donc en sorte, madame le ministre, que les élus comprennent qu'une telle opération est peut-être de l'intérêt de leur commune et qu'ils soient prévenus des différentes procédures en cours.
C'est au niveau du manque de concertation que se situe, à mon avis, le principal obstacle. Est-ce à tort ou à raison ?
C'est à tort quand la concertation a entraîné un certain nombre de discours démagogiques sur le thème, mais c'est à raison quand l'inévitable concertation préalable avec les collectivités locales n'a pas eu lieu.
Le second ensemble d'obligations à remplir tient à la nécessité de donner une valeur juridique à l'interprétation française de la directive.
Madame le ministre, vous avez à votre disposition la réponse de Mme Bjoergaard au mémorandum interprétatif français, réponse dans laquelle figurent tous les éléments nécessaires pour rédiger un décret qui permette à la France de traiter, dans le cadre de la subsidiarité, un certain nombre de difficultés pouvant se poser.
Je ne reviendrai pas sur le contenu qui pourrait être celui de ce texte, vous renvoyant simplement au rapport que j'ai eu l'honneur de présenter, au nom de la commission des affaires économiques, sur le thème de Natura 2000, rapport dont la qualité ne tient qu'à la qualité des collaborateurs de la commission ayant travaillé avec moi.
Il y a six éléments principaux incontournables.
Le premier est le principe d'exemplarité : il s'agit non pas de faire une liste de tous les sites retenus, mais de ne retenir que ceux qui ont valeur d'exemple au niveau européen.
Le deuxième élément est le principe de la validation des sites choisis.
Le troisième élément est la valeur juridique des zones spéciales de conservation, les ZSC.
Le quatrième élément est la nature juridique des documents d'objectif ; à cet égard, madame le ministre, vous avez l'obligation, tout comme votre prédécesseur - d'ailleurs, je le lui avais dit ! - de définir la place des documents d'objectif dans la hiérarchie des textes juridiques. Il existe au total dix-sept procédures de classement et de conservation. Il faut donc donner sa place à cette mesure juridique.
Le cinquième élément incontournable tient au choix des modalités de mise en oeuvre ; ce doit être la contractualisation. En effet, selon un principe général, mieux vaut le contrat que la contrainte, mieux vaux l'explication préalable que l'obligation a posteriori.
J'en viens au sixième élément - c'est une obligation à laquelle personne n'a encore répondu - qui est l'engagement sur les mesures financières de compensation. Pour la première fois nous est proposée l'application d'une directive européenne sans qu'une articulation financière entre l'Europe et le pays membre soit prévue. C'est la première fois que l'Europe déclare qu'elle fera ce qu'elle pourra en fonction de ce qu'aura fait l'Etat membre. Voilà qui, à mon avis, devient dangereux. Si cette procédure devait être généralisée, il y aurait alors à craindre pour la suite des événements.
Madame le ministre, retenez, si vous le pouvez - mais je crois que vous ne pouvez pas faire l'économie de cela - les deux recommandations que je viens de vous faire.
J'ajouterai à cela une suggestion : utiliser les zones gérées par le Conservatoire du littoral et les parcs naturels régionaux.
Les zones littorales gérées par le Conservatoire du littoral sont d'ailleurs le premier jet de sites que, avec raison, vous avez envoyés au niveau européen.
Quant aux parcs naturels régionaux, un certain nombre de dispositions existent à cet égard. Vous savez ce que sont les parcs naturels régionaux, puisque je vous ai rencontrée à leur trentième anniversaire. Un double sacrement républicain leur est donné : d'une part, les délibérations des collectivités locales qui adhèrent et, d'autre part, le décret ministériel, qui crée ou qui renouvelle la charte du parc.
Les parcs naturels régionaux sont des lieux de concertation, et les éléments contenus dans les chartes de ces parcs peuvent servir de base à l'établissement des documents d'objectif.
Cela étant - c'est une petite observation annexe - ne donnez pas aux parcs naturels régionaux les responsabilités régaliennes de l'Etat ! Ne demandez pas aux parcs de gérer le domaine public maritime, le domaine public fluvial, voire d'intervenir au lieu et place de l'Etat en matière de régulation cynégétique. Conseillez au Conseil national de protection de la nature de ne pas aller au-delà de ce qui peut être fait raisonnablement par les parcs. Les parcs sont des lieux de concertation et de convergences et non pas des lieux où les préfets doivent laisser leur place et abandonner leur casquette !
Ma deuxième préoccupation a trait au dumping écologique. Il est une crainte majeure dans notre société européenne quant à la dérive pouvant exister en matière de pratique industrielle d'ordre écologique.
J'ai eu l'honneur de présenter devant le Conseil de l'Europe un rapport sur les mesures d'éco-audit et de management des entreprises. Or je m'aperçois aujourd'hui que deux écueils doivent être évités, et j'aimerais donc connaître la position du Gouvernement à cet égard.
Tout d'abord, il faut éviter les transferts de technologies qui ne respectent pas les normes environnementales. On voit aujourd'hui se multiplier soit des délocalisations d'entreprises pures et simples, soit, pis encore, car c'est beaucoup plus pernicieux et pervers, la vente par des entreprises d'outils de production non respectueux de l'environnement à des pays non soumis à ces normes d'environnement, qui fabriquent des produits revenant ensuite sur notre marché percuter nos propres produits, lesquels ont été réalisés, eux, en respectant les normes environnementales.
Dès lors, je vous suggère une solution : puisque tout le monde s'accorde à dire que la « traçabilité » des produits, la sécurité alimentaire sont maintenant passées dans l'opinion publique - je crois d'ailleurs que vouloir revenir en arrière à cet égard serait une erreur - pourquoi ne pas prévoir également une sorte de traçabilité environnementale ou écologique qui permettrait d'identifier le produit fabriqué dans le respect des normes environnementales, qui donnerait une explication au consommateur et qui ferait savoir, en publicité positive ou en publicité comparative, la valeur ou la nature des produits consommés ? Cela nous éviterait peut-être, de temps en temps, de nous laisser aller à acheter un produit un peu moins cher alors même que ce dernier a contribué à polluer notre environnement !
Ma troisième préoccupation est liée à l'effet de serre. Madame le ministre, vous revenez de la conférence de Kyoto. La France est l'un des meilleurs élèves de la classe, les Etats-Unis étant sans doute le plus mauvais élève des pays industrialisés. Que compte faire le Gouvernement pour sanctionner cette attitude américaine irresponsable ? Ce point n'est d'ailleurs pas complètement éloigné de la traçabilité des produits, qui était ma préoccupation précédente.
Qu'on le veuille ou non, que cela plaise ou non, que l'on soit sensible ou non aux questions environnementales, l'effet de serre est une vraie question de société, et ce sera probablement l'un des problèmes dominants du xxie siècle.
Ma quatrième préoccupation concerne le développement durable. Nous nous rejoignons sur le fond, mais pas vraiment sur la forme. Je voudrais néanmoins savoir où en est la cellule de réflexion mise en place à ce sujet, de manière que l'on cesse de donner autant de définitions du développement durable qu'il y a de gens pour en parler, que l'on dispose enfin de quelque chose qui soit admis, compris, et qui puisse être repris chaque fois que l'on aura à intervenir à cet égard.
Le développement durable est lui aussi l'un des éléments à propos desquels on ne pourra pas éviter le débat au xxie siècle, et même en cette fin de siècle. En effet, il est, par essence, de nature à remettre l'homme au centre de nos préoccupations. C'est à mon avis tous courants confondus que l'on peut se livrer à cette réflexion.
J'aborderai, pour terminer, le problème de l'eau. Vous vous apprêtez, semble-t-il, à modifier ou à corriger l'équilibre savamment mis en place à propos des agences de l'eau.
Veillez, madame le ministre, à ce que le remède ne soit pas pis que le mal, veillez à ce que les équilibres établis ne soient pas remis fondamentalement en cause. Nous avons en effet la chance de disposer d'agences de l'eau efficaces, qui ont permis à la France de bénéficier de réalisations exemplaires. Le monde entier nous envie ce système. Je comprends certes qu'ici ou là il y ait besoin, au fur et à mesure de l'évolution des choses, de procéder à un rééquilibrage, à une réorganisation. Mais ne vous laissez pas aller à la tentation qui consisterait, pour des raisons que je n'ose pas qualifier ici, à modifier ces équilibres au détriment du bon sens et de la sagesse !
Permettez-moi enfin de vous livrer cette observation quasi vétérinaire : il faut, comme pour un animal qui est malade, respecter les rythmes et les pulsations de notre société : elle est, elle aussi, plurielle. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, en examinant ce budget, je me suis mis dans la situation de celui qui aurait eu à examiner le budget d'un gouvernement appartenant à sa propre famille politique,...
M. René-Pierre Signé. Oh là là !
M. Philippe Richert. ... et je me suis demandé en même temps ce que diraient Mme le ministre ou ses amis s'ils avaient à juger le projet de budget que nous examinons aujourd'hui : 1 885 millions de francs, en progression de 0,9 %, en retrait pour la part qu'il représente dans le budget de l'Etat par rapport à ce qu'il était jusqu'alors.
Jusqu'à présent, on nous expliquait que les moyens consacrés à l'environnement étaient insuffisants et que nous n'étions pas sensibles à ces problèmes majeurs de cette fin de siècle, problèmes qui concernent la vie quotidienne de nos concitoyens.
A la lecture de ce projet de budget, je me demande bien ce que dirait Mme le ministre. Sans doute que les moyens sont insuffisants, rachitiques, ridicules...
Mme Danièle Pourtaud. Dites-le aux rapporteurs !
M. Philippe Richert. C'est ce que j'ai pu entendre l'an dernier dans la bouche de ceux qui, aujourd'hui, nous présentent un budget dans lequel je retrouve, en gros, les mêmes structures, des moyens très voisins,...
M. René-Pierre Signé. Il est en augmentation ! C'est vous qui le réduisez !
M. le président. Mon cher collègue, laissez s'exprimer M. Richert !
M. René-Pierre Signé. Oui, mais pas pour dire n'importe quoi !
M. Philippe Richert. Cher collègue, permettez-moi de m'exprimer, vous aurez ensuite l'occasion de donner votre avis sur ce sujet.
Je pense que, l'an dernier, nous avons entendu des propos allant exactement dans ce sens.
Pour ma part, je ne vais pas continuer dans cette direction. En effet, l'an dernier, nous avons examiné le projet de budget de façon critique en relevant les éléments positifs et en critiquant les dispositions qui nous semblaient négatives. Je vais donc, en ce qui me concerne, contrairement à ce qui avait été fait par d'autres, relever ce qui me paraît positif et critiquer ce qui me paraît négatif.
Je commencerai par les éléments qui me semblent véritablement positifs.
Tout d'abord, les crédits aux associations augmentent de façon conséquente, connaissant une progression de 14 %. Il est vrai que ces crédits permettent de mobiliser des énergies servant à l'ensemble de la collectivité. Les associations, notamment celles qui ne disposent pas de moyens humains et structurels importants, doivent compter sur une petite aide pour fonctionner dans de bonnes conditions. Je suis sûr, madame le ministre, que la mise en place de ces moyens supplémentaires entraînera une démultiplication importante des résultats. J'approuve donc ces crédits, tout en souhaitant qu'ils soient affectés en priorité aux petites associations et non pas à celles qui ont un budget déjà relativement fort et structuré.
Le deuxième secteur qui bénéficie aujourd'hui d'un soutien accru est la protection des espaces sensibles. S'il est important de parler d'environnement en termes de santé, de qualité de vie, nous ne devons cependant pas oublier que l'environnement concerne aussi les milieux précieux, sensibles, qu'il est de notre intérêt de protéger, et l'écologie.
Vous accordez des moyens complémentaires pour la création de trois parcs nationaux, de réserves naturelles, de parcs naturels régionaux. Ce sont là de bons instruments que vous mettez en place.
Je formulerai maintenant une petite critique ou tout au moins un souhait, à savoir que nous regardions ce qu'il est possible de faire pour aider les milieux moins prestigieux, à savoir ceux qui ne sont pas considérés comme monuments naturels. Je voudrais revenir en particulier, une nouvelle fois, sur le rôle et sur la place des conservatoires régionaux. Il s'agit en effet d'un domaine en faveur duquel nous n'avons pas suffisamment agi. Je souhaiterais donc qu'il soit possible de leur venir en aide pour leur action d'entretien et de protection d'espaces, qui, bien que peut-être moins prestigieux que d'autres, sont néanmoins sensibles.
Se pose la question, qui a déjà été soulevée par M. le rapporteur tout à l'heure, de l'utilisation des fonds de la Fondation du patrimoine. Nous avions, à l'époque de l'examen du projet de loi, insisté sur le fait que le patrimoine naturel environnemental devait pouvoir en bénéficier également. Voyez comment vous pourrez, demain, les utiliser.
Le troisième volet positif concerne la création de 34 postes. Certes, ce n'est pas énorme. Néanmoins, l'affectation de 18 postes aux directions régionales de l'environnement, les DIREN, est déjà un élément substantiel dont il faut se féliciter.
Je suis en revanche plus réservé quant aux 10 postes attribués aux directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE. C'est en effet la première fois que je vois le budget de l'environnement financer de tels postes !
Nous avons déjà beaucoup de mal à dégager des moyens pour le budget de l'environnement. L'année dernière, votre prédécesseur avait d'ailleurs réussi à attirer 200 millions de francs, en provenance d'autres ministères, vers le ministère de l'environnement. Je regrette donc que, parmi les 34 postes créés, 10 postes soient accordés aux DRIRE. Si ces postes sont nécessaires à ces dernières, ce que je peux concevoir, ils doivent alors, bien évidemment, être financés par le budget de l'industrie et non par le budget de l'environnement !
J'en viens maintenant à trois dossiers qui me préoccupent, du fait de l'orientation nouvelle que vous leur donnez ou du fait de l'orientation ancienne que vous confortez.
Le premier dossier, c'est, vous vous en doutez, la mise en oeuvre de la loi sur l'air. Vous avez en effet décidé de réduire la participation du ministère, qui passe de 200 millions de francs à 170 millions de francs. Tout ceux qui, au moment du vote de ce texte, étaient intervenus pour demander que soit inscrite dans la loi la pérennisation des 200 millions de francs avaient bien senti que, assez rapidement, on risquait d'opérer des ponctions sur ces 200 millions de francs. Le rapporteur de la commission des finances nous avait expliqué alors qu'une telle pérennisation n'était pas possible, et nous en avions longtemps débattu.
Aujourd'hui, je constate que nous avons déjà 30 millions de francs de moins. Certes, vous nous expliquez qu'ils seront compensés par l'augmentation de la taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique acquittée, notamment, par les industriels. Cette taxe existe déjà ; son taux est régulièrement relevé, tout comme, d'ailleurs, on augmente régulièrement le nombre des polluants taxés.
Mais peut-on fonder une politique sur des taxes toujours plus élevées, sur des polluants toujours plus nombreux, sur des entreprises toujours plus nombreuses à être assujetties ? Non ! Je crois qu'il faut, à un moment donné, une base solide. C'est la raison pour laquelle nous avions demandé ces 200 millions de francs, qui devaient nous servir de base pour fonder notre politique.
La politique de maîtrise de la pollution atmosphérique bénéficiait déjà de cette taxe parafiscale. Aujourd'hui, on rogne 30 millions de francs sur la participation du ministère, réduction que l'on compense par 30 millions de francs en ponction sur le produit de la taxe parafiscale. Je regrette un tel transfert, car il fragilise un peu plus le financement de la mise en oeuvre de la loi sur l'air, qu'il rend aléatoire.
J'ai examiné avec attention les décrets d'application. Nous avions demandé à l'époque, et je sais que c'est aussi votre préoccupation, madame le ministre, que tous les intervenants - les collectivités locales, l'Etat, les associations et les industriels - soient présents et aient un rôle équilibré. Or je constate, dans la pratique, que l'Etat joue un rôle de plus en plus prédominant. Il faudrait veiller, madame le ministre, à ce que cesse cette dérive et que nous retrouvions l'équilibre dont nous avions initialement besoin.
En ce qui concerne les retards constatés dans la mise en oeuvre de cette loi, ils sont tout à fait normaux. Ici même, à l'époque, nous avions déjà prévenu Mme Lepage qu'il y aurait de tels retards. Il était illusoire d'espérer mettre en place l'ensemble de ce réseau de mesures en l'espace d'un ou deux ans. Nous avons aujourd'hui la traduction concrète des craintes que nous avions exprimées alors.
S'agissant maintenant des mesures de réduction de la circulation, madame le ministre, certains vous invitent à les mettre en oeuvre dès le niveau II de pollution. Ne les écoutez pas, sinon, demain, vous serez obligée d'instaurer la circulation alternée en rase campagne ! (Sourires.)
Aujourd'hui, vous le savez, on ne mesure le niveau II que pour les grandes agglomérations. Si on s'amuse à le mesurer sur l'ensemble du territoire, il apparaîtra qu'en été, en particulier, les dépassements du niveau II ne sont pas, loin de là, le fait des seules agglomérations. Or il serait illusoire d'imposer la circulation alternée à l'ensemble de notre pays. Soyez donc très attentive aux propositions qui vous sont faites dans ce domaine.
Pour terminer, je voudrais évoquer la gestion de l'eau et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME.
En ce qui concerne l'eau, vous proposez, là aussi, de ramener la contribution du ministère de 263 millions de francs à 230 millions de francs. Vous suggérez que le complément soit payé au niveau des agences de l'eau par reversement à un fonds de concours à hauteur de 110 millions de francs. Nous savons que les collectivités locales consacrent à cette action 74 milliards de francs par an, ce qui est beaucoup. Il ne faudrait pas que cette ponction supplémentaire subie par les agences se traduise par une réduction des programmes de dépollution et d'adduction d'eau. Ce serait vraiment grave, car l'eau est l'une des difficultés majeures de cette fin de siècle.
J'en arrive à l'ADEME. Là aussi, vous opérez une ponction supplémentaire que vous compensez par un relèvement du pourcentage prélevé sur le produit de la taxe sur les déchets. Bien sûr, l'ADEME aura de nouveaux moyens, mais ces crédits ainsi amputés, ce sont autant de fonds qu'elle ne pourra pas mobiliser pour être opérationnelle. Cela se traduit, évidemment, par une diminution de l'efficacité de ses actions. Je trouve cela dommage. Si cela se produit une année, soit ! Mais, si cela se répète d'année en année, cela devient dangereux.
Telles sont, très rapidement évoquées, madame le ministre, quelques-unes des remarques que je souhaitais formuler à propos du budget que vous nous avez présenté.
Il s'agit, cela a été dit, d'un budget d'incitation. Votre ministère doit en effet exister bien au-delà de son propre budget. Nous savons que d'autres participent de façon substantielle à la mise en oeuvre des actions environnementales : 11 milliards de francs pour les autres départements ministériels ; près de 15 milliards de francs pour les établissements publics sous tutelle ; plus de 100 milliards de francs pour les collectivités locales. Le ministère est entre de bonnes mains, mais il faut continuer l'action de partenariat qui est engagée. (Mme le ministre fait un signe d'approbation.) Il faudra aussi que, à l'avenir, nous fassions en sorte de ne pas prélever sur d'autres organismes et sur d'autres collectivités les moyens que, le cas échéant, nous n'arriverons pas à dégager au niveau du ministère de l'environnement.
Sous réserve des observations déjà formulées par le rapporteur spécial de la commission des finances, le groupe de l'Union centriste votera ce budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. René-Pierre Signé. Ah, c'est bien !
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Madame le ministre, mon intervention sera d'une autre tonalité, car je veux vous « remonter le moral ». (Sourires.) Je parlerai également au nom de mon collègue Claude Haut, qui n'a pu assister à notre débat aujourd'hui.
Permettez-moi d'exprimer ma satisfaction d'intervenir sur le budget de l'environnement qui, par son caractère nécessairement transversal, joue un rôle éminemment politique.
Vous dirigez une administration de mission qui a pour fonction essentielle de convaincre, d'impulser et, éventuellement, de contraindre. Ce budget n'est qu'incitatif ; j'en veux pour illustration que 90 % des dépenses publiques relatives à la protection de l'environnement et à la gestion des ressources naturelles sont assumés, non pas par votre ministère, mais par les collectivités locales.
L'appréciation que nous devons porter sur ce budget ne peut, en tenant compte des éléments précédents, se limiter à des notions purement comptables et financières. C'est votre volonté politique de faire progresser la cause environnementale dans notre société qui doit être appréciée, et que nous apprécions, madame le ministre. Et ce n'est pas, comme le dit M. Adnot, seulement vertu apparente !
Ce budget est en rupture avec celui que nous avait présenté votre prédécesseur pour l'année en cours. En effet, pour l'exercice 1998, vous soumettez à notre approbation un budget en hausse, sans artifice de présentation, ce qui, dans une période de restriction budgétaire, doit être salué.
L'augmentation qualitative de votre budget, madame le ministre, n'est donc pas un vain mot avec, notamment, des crédits en faveur de la protection de la nature en augmentation de plus de 6,6 %. Saluons particulièrement votre proposition d'une mesure nouvelle de 1,6 million de francs en faveur des parcs naturels régionaux, les PNR. Ces crédits permettront de faire face, pour la création imminente de nouveaux parcs dans l'Avesnois et le Perche, à la dotation prévue de 700 000 francs par établissement. Cependant, une inquiétude demeure quant aux retards de financement des PNR accumulés par les précédents gouvernements et dont votre budget pour 1998 ne semble pas prévoir la résorption.
Pourtant, depuis trois décennies, l'Etat encourage, à travers les parcs naturels régionaux, des démarches qui se veulent exemplaires, en prise directe avec leur temps ainsi qu'avec l'espace naturel et humain qu'elles délimitent. J'en veux pour preuve actuelle le rôle que ces parcs peuvent jouer en termes d'emploi. L'environnement offre, depuis plusieurs années, un taux de création d'emplois supérieur à celui du reste de l'économie. Par ailleurs, la réflexion sur les possibilités nouvelles d'emplois-jeunes a permis d'estimer le gisement d'emplois en relation avec l'environnement à 6 000 postes, avec de bonnes chances de créer des activités solides et pérennes. Une partie de ces postes seront indirectement ou directement liés à l'existence des parcs, dont je rappelle qu'ils couvrent, ensemble, le dixième de la surface de notre territoire.
Une étude parue l'an dernier montrait déjà que les vingt-sept parcs existant en 1994 avaient entraîné la création ou le maintien de plusieurs milliers d'emplois, et, parmi ceux-ci, de neuf cents emplois directs.
Mais, pour revenir plus précisément à votre budget, trois priorités se dégagent nettement pour 1998 : premièrement, l'amélioration de la protection de la nature et le développement des parcs nationaux et régionaux ; deuxièmement, le renforcement des moyens de fonctionnement des services, afin de conforter les services déconcentrés situés en région, avec la création de trente-quatre emplois - l'élu de province que je suis ne peut que s'en réjouir ; troisièment, la réduction des risques naturels et industriels.
La politique de prévention en matière de risques naturels ne peut laisser personne indifférent. Le programme décennal de prévention des risques naturels initié en 1994 a notamment pour objectif de doter notre pays d'outils de prévention, afin de limiter les conséquences d'événements dramatiques. L'urgence et la nécessité de doter les zones à risque d'outils de prévention ne peuvent en aucun cas légitimer la précipitation à laquelle a donné lieu la réalisation d'études sur l'inondabilité de certains sites.
Dans ce domaine, on pourrait souhaiter - c'est une suggestion de Claude Haut, maire de Vaison-la-Romaine, qui donc sait de quoi il parle - que le fonds de prévention des risques naturels puisse intervenir pour tous les travaux de prévention sans être seulement affecté à des opérations d'expropriation d'habitation.
En matière de protection de nos populations contre les risques, nous nous devons d'aller vite ; la masse de financement disponible pourrait permettre d'accélérer fortement la réalisation d'indispensables travaux de prévention.
L'environnement est devenu une préoccupation, madame le ministre, et je voudrais aborder succintement, faute de temps, deux sujets : d'une part, Natura 2000, et, d'autre part, les agences de l'eau.
La directive « Habitat » de 1992, qui vise à constituer un réseau européen de protection des habitats naturels caractéristiques ou vulnérables, a souffert, dans sa mise en oeuvre, d'un lourd déficit de communication, ce qui a conduit à de nombreuses situations de blocage. Vous avez relancé une procédure axée sur la concertation. Cette nouvelle phase se développe localement avec plus de bonheur que la précédente. Pourtant, des zones d'ombre subsistent, notamment sur les modalités de gestion des sites. Il faut offrir aux élus locaux, aux acteurs économiques, ainsi qu'au réseau associatif une meilleure lisibilité dans le cadre de la mise en oeuvre de ce programme européen.
Deux questions méritent d'être posées : que recouvre exactement le programme LIFE ? L'ensemble des mesures de gestion qui auront été soumises localement à la concertation et qui auront été contractuellement décidées pourront-elles être ultérieurement amendées par une autre autorité ?
Cet indispensable processus de discussion est désormais bien engagé, mais des questions subsistent à l'échelon local.
En outre, deux rapports ont mis en lumière certains dysfonctionnements relatifs aux modalités de gestion des agences de l'eau et ouvertement critiqué leur manque d'efficacité, ce qui nous conduit à nous interroger sur la pertinence du système français des agences de l'eau, qui a pourtant fait ses preuves depuis plus de trente ans.
Mais la réforme est souhaitable et vous en avez déjà tracé la voie, avec, notamment, la création d'une Haute autorité de l'eau et une meilleure application du principe pollueur-payeur.
Quelques mots enfin, madame le ministre, d'un sujet qui m'est cher : je veux parler des excès de l'enrésinement, problèmes qui affecte, notamment, le Morvan, dont je suis l'élu. Je ne conteste pas la démarche économique qui, dans ces régions sévères, amène les exploitants à favoriser les essences dont le rendement est le plus rapide. Sur le plan de la rentabilité immédiate, de bonnes raisons prévalent sûrement. Cependant, le remplacement général des chênaies et des hêtraies multiséculaires par des forêts d'épineux ne heurte pas que l'esthétique des paysages ou la conscience de leur patrimoine véhiculée par les anciens.
L'enrésinement massif est un projet économique à courte vue. Il diminue l'attrait touristique de nos régions. Il perturbe aussi l'hydrologie en tarissant les sources, appauvrit les sols en les acidifiant, rend moins sûres les routes en conditions hivernales, ces routes conservant plus volontiers leurs plaques de verglas.
Et puis, on peut s'interroger sur l'attitude des sociétés qui maltraitent des zones forestières où leurs actionnaires ne mettent jamais les pieds. On est loin de la notion de « développement durable », c'est-à-dire du développement solidaire de l'économie et de l'environnement au service des générations présentes et futures. C'est pourtant ce choix qu'il faudrait faire, celui de la responsabilité sociale et d'une citoyenneté active. C'est le seul qui vaille en matière d'environnement, et c'est parce que, madame le ministre, nous savons que vous faites ce même choix, que nous voterions votre budget, s'il ne devait, comme on peut le craindre, se voir mutilé par le vote, dans cette assemblée, de deux amendements lourds de conséquences. Si cela devait être le cas, le groupe socialiste ne voterait évidemment pas un budget de l'environnement ainsi dénaturé ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Soucaret.
M. Raymond Soucaret. Votre budget, madame le ministre, est un budget sans ambition ni priorité. Le moins que l'on puisse dire est qu'il ne reflète pas votre agitation médiatique ! (Protestations sur les travées socialistes.)
Votre détermination varierait-elle en fonction des pics de pollution ? Dans ce cas, on pourrait presque regretter qu'un de ces pics n'ait pas eu lieu au moment des arbitrages budgétaires.
Mme Danièle Pourtaud. Oh là là !
M. René-Pierre Signé. Ce qui est excessif est insignifiant !
M. Raymond Soucaret. Il vous eût sans doute donné le coup de chlorophylle nécessaire pour être à la pointe du combat, et obtenir un budget à la hauteur des enjeux.
M. Hubert Falco. Très bien !
M. Raymond Soucaret. Un budget est un instrument au service d'une politique. Il importe donc de développer une vision d'ensemble, une stratégie globale, de façon à intégrer les considérations de court terme dans les objectifs de long terme.
Il est plus facile de dénoncer lorsque l'on est dans l'opposition que lorsque l'on occupe un poste de responsabilité.
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Raymond Soucaret. Vous nous annoncez un budget en hausse de 0,9 % ; je voudrais m'en réjouir, mais force est de constater qu'il ne met pas en oeuvre cette politique écologique novatrice à laquelle on aurait pu s'attendre en voyant entrer au Gouvernement la composante verte, que je ne voudrais pas voir devenir un jour polluante !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Oh !
M. René-Pierre Signé. Il y va fort !
M. Raymond Soucaret. Je remarque que la seule hausse de votre budget est destinée au soutien des associations. Renouer le dialogue avec les associations, les impliquer davantage dans le processus des décisions nationales et internationales, les utiliser comme relais auprès des usagers pour éviter les rejets ou les incompréhensions à l'origine de contentieux nombreux, faire vivre un certain nombre de contre-pouvoirs, tout cela me paraît, certes, relever de la démocratie.
Je suis particulièrement attaché à la vitalité de la vie associative, qui est souvent une source de propositions novatrices, et je suis conscient de la faiblesse, aujourd'hui, des associations environnementales.
Mais, madame le ministre, de quelles associations s'agit-il ? Quels sont les critères au titre desquels seront financées ces associations ? Et, enfin, quel est le contrôle possible de l'utilisation des crédits concernés ?
Vous leur donnez un chèque en blanc, c'est-à-dire sans aucun contrat d'objectifs ; ce n'est pas sérieux, surtout dans le climat de suspicion dans lequel nous avons vécu avec la vague des affaires !
A côté de cette hausse, les crédits destinés à l'application de la loi sur l'eau sont en baisse de 30 % ; ceux de la loi sur l'air le sont de 15 %.
Madame le ministre, je le répète : la politique de l'environnement n'est pas un gadget qui s'agite seulement le temps des heures de pointe au sein du microscosme parisien !
Au-delà de ce budget, je souhaiterais évoquer quelques points.
Le premier point, qui est l'un des principaux défis de notre fin de siècle, a trait au traitement des déchets ménagers.
La loi de 1992 prévoyait que, dans un délai de dix ans, soit en 2002, on ne devait plus pouvoir mettre en décharge d'autres déchets que des déchets ultimes. La stratégie de traitement est précise : d'abord, réduction à la source du volume des déchets ; ensuite, collecte sélective et tri ; enfin, valorisation des matières avec récupération.
Force est de constater, aujourd'hui, à mi-chemin de ce délai, que tous les plans départementaux d'élimination des déchets ménagers n'ont pas été adoptés ou ont été, parfois, remis en cause par votre ministère. Ils sont fréquemment inspirés par une logique urbaine qui conduit à privilégier l'incinération par rapport au tri et à l'enfouissement ; ils restent très timorés, selon un rapport de votre prédécesseur, en matière de recyclage et, plus encore, pour le compostage des déchets.
Le « tout incinération » coûte cher aux collectivités locales et décourage celles qui se sont engagées dans le tri sélectif et la revalorisation des déchets.
Les collectivités locales consacrent une part importante de leur budget à l'environnement. Ces dépenses sont évaluées à 116 milliards de francs en 1996, dont 26 milliards de francs au titre des déchets.
Les collectivités locales ne pourront pas assumer l'accroissement des charges résultant de la multiplication des normes environnementales...
M. Hubert Falco. Tout à fait !
M. Raymond Soucaret. ... et continuer à supporter un taux de TVA injustifié et contreproductif sur le ramassage et le traitement des déchets. A plusieurs reprises, le Gouvernement a refusé les amendements présentés par nombre de mes collègues au sujet de l'application d'un taux réduit de TVA.
C'est pourquoi je souhaiterais que vous vous prononciez sur les priorités que vous entendez donner aux différentes solutions retenues pour le traitement et l'élimination ainsi que sur une définition pragmatique de la notion de déchet ultime, seul susceptible d'être admis en décharge.
J'aborderai à présent le rôle des agriculteurs dans la préservation de l'environnement.
Comme je l'ai déjà dit récemment dans cette assemblée, lors du débat qui a suivi la déclaration du Gouvernement sur l'agriculture, il n'y a pas d'incompatibilité de principe entre l'activité agricole et la préservation de l'environnement, bien au contraire. A un moment où vous vous attaquez violemment aux agriculteurs,...
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Raymond Soucaret. ... je suis heureux de pouvoir le répéter devant vous avec insistance.
Les agriculteurs ont, au cours des siècles, modelé nos paysages, les ont rendus accessibles à chacun d'entre nous...
M. René-Pierre Signé. Qui a dit le contraire ?
M. Raymond Soucaret. ... et contribuent toujours largement à entretenir et à valoriser le territoire.
Vous en conviendrez, un paysan vaut bien un manifestant !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ce sont souvent les mêmes !
M. Raymond Soucaret. Il est vrai, néanmoins - je ne nie pas la réalité - qu'ils provoquent parfois, dans leur activité quotidienne, des nuisances, mais quelles activités n'en produisent pas ? Aujourd'hui, dans toutes les formes de pollution, la part des agriculteurs est évaluée à moins de 2 %. Avouez qu'à côté de la pollution des véhicules automobiles, qui est le fait de tous, et de celle des industries, c'est peu !
Les agriculteurs ne vous ont pas attendue, madame le ministre, pour prendre conscience de leurs responsabilités et s'y atteler, mais que de paradoxes entre l'attitude d'un gouvernement, ou d'un de ses membres, qui dénonce les agriculteurs et prône le développement durable et les moyens - qui ne sont, eux, pas durables - donnés à ces derniers pour atteindre des objectifs, au demeurant louables !
Ainsi, dans le budget de l'agriculture, les crédits consacrés aux programmes de maîtrise des pollutions d'origine agricole, aux bâtiments d'élevage de zone de montagne ou même aux mesures agri-environnementales sont tout à fait insuffisants.
Il est dommage que vous n'ayez pas mis au service de votre collègue Louis Le Pensec cette conviction dont vous savez faire preuve devant la presse pour influencer ces arbitrages !
Votre vigilance est peut-être utile, mais votre action pourrait être raisonnée. Les réalités scientifiques, techniques et économiques doivent prévaloir sur les visions dogmatiques !
M. René-Pierre Signé. Oh ! Arrêtez !
M. Raymond Soucaret. Enfin, je voudrais dire un dernier mot concernant la conférence de Kyoto sur l'effet de serre, qui se déroule actuellement.
L'agriculture, et plus particulièrement celle des pays pauvres, serait l'activité la plus touchée par les changements climatiques. Sa fragilité entraînerait des réactions en chaîne sur toute l'économie. Il faut donc exiger que tous les pays du monde participent à la lutte contre l'effet de serre.
Parmi les solutions à l'émission de gaz polluants par les véhicules, figurent les combustibles oxygénés et les carburants gazeux.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Raymond Soucaret. L'expérience menée aux Etats-Unis sur l'utilisation de l'éthanol et de l'ester méthylique d'huile végétale mérite d'être soulignée. La France a, elle aussi, la capacité de contribuer largement à cette solution.
Un objectif de taux minimal de 2 % de composés oxygénés représenterait 6 millions d'hectolitres d'éthanol, mobilisant 130 000 hectares de blé et 40 000 hectares de betteraves.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Raymond Soucaret. La production des biocarburants, parce qu'ils constituent une énergie renouvelable, participe au développement durable, principe auquel nous sommes tous attachés. Nos pratiques agricoles permettent de les produire en respectant au mieux notre patrimoine en matière de sol et d'eau.
En cas de difficultés, voire de rupture d'approvisionnement pétrolier, cette solution serait un atout majeur. Dans la période actuelle, il est vrai que cette filière n'est économiquement envisageable que si les autorités européennes acceptent la détaxation de ce type de carburant, l'éthyl-tertio-butyl-éther, l'ETBE d'origine agricole, étant concurrencé par le méthyl-tertio-butyl-éther, le MTBE à base de pétrole, qui coûte moins cher.
La qualité de notre air peut donc trouver une part de solution française dans la terre de nos paysans.
Quant aux véhicules propulsés au gaz, tous les experts ont reconnu que le GPL représentait une véritable solution alternative sur le plan écologique. Or que constate-t-on aujourd'hui ? Le réseau d'approvisionnement en GPL est quasi inexistant, le coût des équipements des véhicules encore dissuasif et le renouvellement du parc public avec des véhicules propres, notamment de transports collectifs et de services communaux, ne semble pas une priorité.
Il apparaît donc indispensable de rendre son utilisation économiquement rentable par des mesures d'incitation fiscales ou financières - remboursement ou exonération de taxes, amortissement accéléré - en faveur des particuliers, des sociétés et des exploitants de transports publics de voyageurs.
Telles sont, madame le ministre, mes réflexions sur votre projet de budget de l'environnement pour 1998. J'insiste encore une fois sur la nécessité de ramener le taux de TVA sur les déchets ménagers et leur traitement au taux le plus réduit, sinon à une exonération totale. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le temps nous étant compté, je ne m'attarderai que brièvement sur les chiffres du projet de budget de l'environnement qui nous est soumis.
Dans ses grandes lignes, le projet de budget est en hausse de 0,9 %, soit une progression inférieure à l'augmentation du budget de l'Etat.
On note, au sein de ce ministère, la création de trente-quatre emplois, ce dont nous nous félicitons, puisque cette augmentation de postes atteint 1 %, même si elle reste très en deçà des moyens qui seraient nécessaires aux multiples missions du ministère de l'environnement.
Tout le monde s'accorde aujourd'hui à reconnaître le rôle moteur de l'environnement dans l'économie de notre pays. D'après des chiffres avancés par notre commission, en 1995, la production intérieure générée par les marchés de l'environnement a atteint 200 milliards de francs, quand la dépense nationale de protection de l'environnement atteignait 130 milliards de francs, soit 1,7 % du produit intérieur brut, c'est-à-dire plus que la moyenne européenne, mais moins que l'Allemagne, l'Autriche et les Pays-Bas, où ce ratio dépasse 2 %.
Si ces dépenses concernent essentiellement l'assainissement et l'épuration des eaux ainsi que la gestion des déchets, on ne peut manquer de voir dans l'évolution de ces chiffres, pour les années à venir, une formidable réserve d'emplois dans les secteurs de l'éco-industrie.
Ces chiffres sont à mettre en rapport avec les énormes besoins qui se font jour chez nos concitoyens en matière de préoccupation environnementale.
De récentes enquêtes viennent en effet confirmer les priorités de nos compatriotes en matière de qualité de l'air. Mais on pourrait également évoquer le bruit, la qualité de l'eau et la qualité du cadre de vie. Ce sont les signes durables et forts d'un intérêt qui ne se dément pas.
Compte tenu de ces éléments, nous aurions souhaité, bien entendu, une hausse plus déterminante du budget de l'environnement.
Si les priorités retenues par le projet de budget qui nous est proposé portent sur l'augmentation des crédits destinés aux parcs nationaux, un relatif accroissement des moyens de l'administration et un soutien au secteur associatif, force est de constater que des secteurs importants de la politique environnementale ne sont pas aussi bien dotés.
Dans le secteur de l'eau, par exemple, la tendance constatée est celle d'une débudgétisation de ce secteur, avec une diminution de plus de 12 % des moyens de paiement, compensée par un fonds de concours alimenté par les agences de l'eau !
Cette politique de débudgétisation de la politique de l'eau au profit des agences de l'eau ne va pas sans soulever de nombreux problèmes, dont l'un des plus préoccupants est sûrement celui qui a trait aux choix d'investissement, fondés davantage sur une logique de « pollution-dépollution » que sur la prévention. D'autant que, s'agissant de la stricte application du principe « pollueur-payeur », sur lequel nous émettons de vives réserves, le consommateur participe à concurrence de plus de 80 % à l'action collective, contre 18 % seulement pour l'industrie, par exemple !
Cette politique de gestion de l'eau, qui est déjà fort coûteuse pour les usagers, s'accompagne de disparités considérables selon les région. Elle se révèle également, pour les collectivités locales, être une source de dépenses en constant accroissement !
A ce titre, nous avons proposé à de multiples reprises une réduction de la TVA s'appliquant aux dépenses des collectivités locales en matière de gestion de l'eau. Mais notre demande vaut aussi pour la gestion des déchets. En outre, plus globalement, nous posons la question d'un rééquilibrage du Fonds de compensation de la TVA.
Une politique volontariste de la gestion de l'eau imposera qu'une réflexion soit menée rapidement afin d'assurer un meilleur contrôle public de la ressource en eau. La création d'un secteur public de l'eau pourrait constituer une ébauche de solution !
J'évoquais à l'instant la gestion des déchets. Peut-être convient-il de rappeler, là encore, l'augmentation des dépenses des collectivités locales, puisque l'on note une progression de 6 % des dépenses affectées à ce chapitre entre 1995 et 1996.
Les communes ne sont pas économes de leurs moyens pour l'environnement. Peut-être conviendrait-il que l'Etat prenne une part plus importante dans les dépenses affectées à ce secteur !
Lors des débats sur l'eau, sur les déchets ou sur la qualité de l'air, nous avons oeuvré à améliorer ces textes dans le sens d'un renforcement de la prévention. Nous avions alors souligné l'absence de moyens financiers permettant une stricte application des textes qui nous étaient soumis. La situation n'a pas évolué.
La politique environnementale ne sera réellement partagée dans notre pays sans une remise à plat des questions du financement !
Le temps me manque pour évoquer les difficultés de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, notamment celles qui ont trait aux ressources financières.
Je voudrais évoquer brièvement la politique de la qualité de l'air et le sommet de Kyoto.
On annonce la mise en place, dans les prochaines semaines, de la « pastille verte ».
La qualité de l'air dans les centres urbains est en effet une priorité. Pour autant, s'agissant de ce dispositif, je souhaiterais vous faire part de quelques réserves.
Le développement du transport des marchandises, la nécessité grandissante de se déplacer, des transports collectifs peu ou mal adaptés entraînent un développement du trafic routier.
Si l'Etat se doit de réglementer la circulation automobile lorsque des pics de pollution sont atteints, cela ne doit, en aucun cas, pénaliser les plus modestes de nos concitoyens, ceux qui possèdent souvent les véhicules les plus anciens.
En l'état, le dispositif « pastille verte », même pour une courte durée, les pénalisera réellement. Ne pourrait-on dans ces conditions, parallèlement à la mise en place de cette réglementation, prévoir des mesures en faveur du renouvellement du parc automobile ancien. Il convient également de renforcer les transports collectifs et de réaliser des efforts en matière de véhicules propres ?
J'en viens enfin à la lutte contre l'effet de serre.
Le rapport du groupe d'experts intergouvernemental sur les changements climatiques formule une série de propositions pour réduire l'effet de serre.
Il s'agit notamment d'augmenter le rendement des combustibles fossiles et de passer à l'énergie nucléaire dès lors que des réponses acceptables pourront être apportées en matière de sécurité des réacteurs. Le rapport préconise aussi le passage à des énergies renouvelables.
L'ensemble de ces mesures impose que notre pays en prenne l'exacte portée.
Ainsi, la recherche environnementale doit être renforcée. Il en va de même de la recherche en matière de sécurité nucléaire ainsi que des études sur les énergies renouvelables.
Le sommet de Kyoto vient nous rappeler, s'il en était besoin, les limites de l'application du principe pollueur-payeur. Les dangers d'un réchauffement de la planète sont bien réels, et le paiement d'un droit à polluer ne réduira en rien les risques !
Les remarques qui précèdent viennent conforter la politique de l'environnement que nous souhaiterions voir développer pour notre pays.
Certes, le budget est modeste, c'est pourquoi nous désirons très vivement qu'il fasse, dès l'an prochain, l'objet d'un réajustement à la hauteur des défis environnementaux qui se posent.
Créatrice d'emplois, créatrice de richesses, une politique ambitieuse et partagée pour l'environnement devra porter plus vivement sa marque dans les choix budgétaires de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Madame la ministre, mon excellent collègue M. René-Pierre Signé vous a présenté l'analyse du groupe socialiste sur votre projet de budget. Pour ma part, je traiterai essentiellement de la qualité de l'air.
La conférence de Kyoto, qui s'est ouverte lundi, met l'accent sur un enjeu planétaire d'importance : l'effet de serre et le réchauffement de la planète.
L'objectif de cette conférence est ambitieux puisque, contrairement aux conclusions du sommet de la Terre de Rio en 1992, qui n'engageaient les pays industrialisés qu'à « faire leur possible », il s'agit cette fois de fixer des objectifs quantitatifs et par pays de réduction de gaz à effet de serre en mettant en place un système contraignant.
L'Union européenne a adopté une position que la France soutient : elle s'est engagée à réduire de 15 % ses émissions de gaz par rapport à 1990, et ce d'ici à 2010. Nous connaissons l'opposition des Etats-Unis et d'un certain nombre d'autres pays à cet effort collectif et planétaire. Peut-être pourrez-vous nous dire un mot des négociations qui ont en cours et nous préciser encore la position de la France, madame la ministre.
Les pays industrialisés vont-ils enfin chercher à promouvoir un modèle de développement durable ? C'est la question qui sous-tend ces négociations et c'est à cette question que la politique française de l'environnement doit répondre.
Cette année, les moyens dégagés par l'ensemble des ministères en faveur de l'environnement ont augmenté de plus de 5 %, ce qui représente un effort important qu'il faudra soutenir et développer durant les prochaines années.
Mais l'importance des enjeux liés à l'environnement n'a sans doute pas été prise en compte par certains de nos collègues, dont le rapporteur spécial, M. Adnot, qui proposent au contraire des amendements de réduction des crédits pour le budget de l'environnement. Il me semble, madame la ministre, que vous avez et cela depuis de nombreuses années, parfaitement analysé la teneur de ces enjeux. (Exclamations sur les travées des Républicains et des Indépendants.)
J'ai déjà eu maintes occasions de le souligner, notamment au cours de cette discussion budgétaire, la pollution atmosphérique dans les grandes villes est devenue une profonde source d'inquiétude pour nos concitoyens. Elle est principalement d'origine automobile, vous le savez.
Les rapports se succèdent qui établissent clairement sa gravité pour la santé publique. Vous le savez comme moi, madame la ministre, et vous avez été parmi les premières à vous en alarmer.
Dans les grandes villes, le nombre des décès prématurés attribuables à la pollution d'origine automobile est estimé à environ 900 par an. Difficultés respiratoires et crises d'asthme se multiplient.
Je tiens à insister sur la particulière nocivité du diesel ; 90 % des émissions de particules les plus dangereuses lui sont attribuées. Or, en France, plus de 40 % des immatriculations portent encore sur des véhicules diesel.
Le renouvellement du parc automobile ne laisse pas augurer une évolution rapide. La France compte seulement 70 000 véhicules fonctionnant au GPL contre 1,7 million au Japon et 1,2 million en Italie.
Par ailleurs, sur les 2,6 millions de véhicules et les 150 000 deux-roues qui se déplacent quotidiennement à Paris, seuls 2 160 étaient des véhicules électriques à la fin de l'année 1996. Enfin, en Ile-de-France, seulement 26 % des véhicules à essence sont équipés d'un pot catalytique.
Les taxis parisiens, qui sont au nombre de 15 000 et qui circulent beaucoup plus que les particuliers, fonctionnent presque tous au diesel, pour lequel ils bénéficient d'une détaxation très importante. Notons qu'en revanche tous les taxis de Tokyo et de Rome fonctionnent au GPL. Pour ce qui est des transports collectifs, aujourd'hui, aucun autobus de la RATP ne fonctionne au GPL ou au GNV.
J'ai pris bonne note de votre désir de prévenir plutôt que de guérir, c'est-à-dire de vous attaquer aux causes profondes de la pollution, madame la ministre. Vous l'avez affirmé : le travail de votre ministère est en partie transversal. Ce ministère doit jouer un rôle de levier pour susciter des actions communes en vue de toujours plus « internaliser » la variable environnement dans l'ensemble des politiques qui sont menées.
Aussi nous faut-il apprécier l'ensemble des mesures qui vont concourir à lutter contre la pollution de l'air et qui ne dépendent pas exclusivement de votre ministère.
A ce titre, je me félicite des orientations de notre politique des transports, notamment de la priorité accordée au transport ferroviaire dans le projet de budget du ministère des transports.
Pour ce qui est de la région d'Ile-de-France, nous soutenons les orientations qui ont été adressées au préfet pour le prochain programme de déplacement urbain et que vous avez élaborées avec M. le ministre des transports. Vous avez en effet rappelé que la priorité devait être accordée aux transports collectifs et aux modes de déplacements alternatifs et vous avez souhaité que la pollution de l'air soit régulièrement quantifiée afin d'adapter les mesures du plan de déplacement urbain.
Comme vous le savez, seuls les transports en site propre sont susceptibles d'attirer massivement les citoyens et de décourager l'utilisation de l'automobile. Il faut aller plus loin que les projets EOLE et MÉTÉOR qui ont absorbé la plupart des crédits.
Vous le savez, madame la ministre, les élus de gauche plaident pour l'ouverture de voies radiales en Ile-de-France. Le désengagement de l'Etat a remis en cause des projets tels que LUTÈCE et ORBITAL. Pouvez-vous nous dire si vous envisagez de reprendre les financements nécessaires à la réalisation du contrat de plan ? Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, dans quels délais le plan de déplacement urbain sera mis en place ?
Par ailleurs, M. le ministre des transports a demandé à la RATP de s'équiper en véhicules non polluants. Nous pouvons saluer cette initiative.
Cependant, deux problèmes de mise en oeuvre subsistent : les autorisations de circulation dans certains sites, ainsi que l'implantation des stations de ravitaillement en milieu urbain.
Les constructeurs automobiles, quant à eux, semblent ne pas être en mesure de fournir ces véhicules propres faute d'avoir reçu des signaux suffisamment clairs de la part des pouvoirs publics précédents.
Pour ce qui est de la loi sur l'air, nous avions relevé ses insuffisances l'année dernière, notamment parce qu'elle se contentait d'être un baromètre et ne s'attaquait que trop peu aux véritables causes de la pollution.
On vous a reproché de ne pas affecter des sommes suffisantes à sa mise en oeuvre, ce qui est, me semble-t-il, un mauvais procès. En réalité, si l'on tient compte du produit de la taxe sur la pollution, qui a été relevé de 30 millions de francs, ce sont plus de 200 millions de francs qui vont être affectés cette année à l'application de cette loi. L'augmentation de cette taxe parafiscale est importante, car elle reflète bien l'application du principe pollueur-payeur auquel nous sommes attachés et que traduit insuffisamment la loi sur l'air.
Par ailleurs, nombreux sont les décrets d'application qui n'ont pas été pris par le gouvernement précédent pour garantir l'efficacité de cette loi. Aussi avez-vous annoncé récemment la publication prochaine de trois décrets.
Celui qui concerne la mise en place des plans régionaux de qualité de l'air me paraît particulièrement important. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, quand sortira le décret d'application concernant l'obligation pour les administrations de s'équiper de véhicules propres lors du renouvellement de leurs flottes ?
De même, il existe une disposition mettant en place un dispositif d'amortissement pour l'équipement en kits de bicarburation permettant de fonctionner au GPL ou au GNV. Cette disposition n'a jamais été appliquée.
Enfin, à quand le décret sur la « pastille verte » et quels seront les véhicules effectivement concernés par cette pastille ?
Par ailleurs, il me semble que des mesures d'incitation spécifiques pour les taxis pourraient être prises afin que ces véhicules puissent fonctionner au GPL. J'attire votre attention sur le fait que cette mesure pourrait avoir un important effet d'entraînement pour l'industrie des véhicules fonctionnant au GPL, d'une part, parce que les taxis sont eux-mêmes un premier parc important, d'autre part, parce qu'ils sont, nous ne pouvons l'oublier, des relais précieux dans l'opinion.
Je le disais tout à l'heure : c'est par un faisceau de mesures que nous parviendrons à lutter efficacement contre la pollution. Nous pouvons nous féliciter des amendements qui ont été adoptés à l'Assemblée nationale et qui ont introduit des mesures fiscales favorables aux carburants non polluants. Nous en avions proposé d'autres au Sénat. Le secrétaire d'Etat au budget, M. Christian Sautter, nous a assuré que des mesures supplémentaires seraient prises l'année prochaine et que le Gouvernement était favorable à une fiscalité écologique. Pourrez-vous nous donner des précisions sur les pistes de réflexion que vous privilégiez dans ce domaine ?
Une fiscalité écologique suppose, me semble-t-il, de rétablir un équilibre entre la fiscalité des carburants polluants et non polluants, et cela, en allant encore plus loin qu'on ne le fait. La sous-taxation dont bénéficie le diesel continue en effet à expliquer le succès de ce carburant.
Pour conclure, je reviens à votre projet de budget, dont je me suis peut-être quelque peu éloignée. Au-delà des chiffres, ce budget est véritablement le reflet d'une politique forte en matière de protection de la qualité de l'air.
Par ailleurs, l'environnement n'apparaît plus seulement comme une contrainte pour l'économie productiviste mais aussi comme une nécessité pour notre développement et, vous le soulignez, madame la ministre, comme un important gisement d'emplois. Cela a été rappelé fortement par mon collègue M. René-Pierre Signé.
Je réitère donc le soutien du groupe socialiste à votre projet de budget en souhaitant que le Sénat, dans sa sagesse, ne suive pas les propositions des rapporteurs qui, avec une logique qui m'échappe, proposent de réduire ses crédits alors que par ailleurs ils les jugent insuffisants. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier MM. Philippe Adnot, Bernard Hugo et Ambroise Dupont, les différents rapporteurs du budget de l'environnement pour votre Haute Assemblée.
Avant de répondre point par point à leurs interpellations et à leurs sollicitations, je tiens à faire quelques remarques préliminaires.
Tout d'abord, comme l'aménagement du territoire, dont nous avons examiné le budget ce matin, les politiques publiques en matière de protection de l'environnement répondent à des préoccupations de long terme, interviennent là où la régulation du marché est ou serait insatisfaisante et insuffisante. Il est donc évident que nous avons à juger de ce budget non seulement en fonction des chiffres et de leur évolution, mais aussi en fonction des lignes de force et des politiques qui se dessinent à travers ces dernières.
Vous le savez, le contenu du budget de l'environnement est excessivement modeste. Cette croissance apparemment modérée, que je vais expliquer tout à l'heure - plus 0,9 % en dépenses ordinaires plus crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale de 1997 et plus 1,92 % en dépenses ordinaires plus autorisations de programme - est à la fois insuffisante pour certains et excessive pour d'autres ; nous aurons à y revenir.
Quelle que soit l'appréciation que l'on porte sur ce budget, encore faut-il être conscient du fait que deux paramètres réduisent le champ de la comparaison.
Le premier est la réduction visuelle en crédits de paiement de 12,5 % de la dotation affectée à la protection de l'eau et du milieu aquatique, qui est essentiellement liée, cela a été rappelé, à l'impact positif du fonds de concours de 110 millions de francs apporté par les agences de l'eau.
Encore faut-il préciser que, si ces 110 millions de francs représentent une somme importante au regard du volume global du budget de l'environnement, il ne s'agit là que de 1 % à peine du programme des agences de l'eau, qui sont beaucoup plus riches que ce ministère. Je ne vois donc rien de scandaleux à ce que ces agences consacrent une petite partie de ces moyens à la protection de l'eau et du milieu aquatique et, singulièrement, à la police de l'eau.
Le second paramètre, vous l'aurez noté, est la dotation affectée au financement de la loi sur l'air, qui semble diminuer de 200 millions de francs à 170 millions de francs. Elle est compensée par une augmentation de la taxe sur la pollution atmosphérique gérée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. Nous souhaitions, à cette occassion, non seulement appliquer le principe pollueur-payeur, mais aussi garantir, pour la mise en oeuvre de la loi sur l'air et singulièrement pour le financement des réseaux de mesures, des recettes plus pérennes que ne le permettent les exercices budgétaires successifs.
Après avoir entendu M. le rapporteur spécial, j'ai quelque raison de penser que cette stratégie est plutôt la bonne.
Ce sont donc non pas 200 millions de francs qui seront consacrés au financement de la loi sur l'air, mais bien 207 millions de francs.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'évoquerai d'abord la démarche générale de M. le rapporteur spécial.
Vous l'avez noté, monsieur Adnot, il s'agit, pour le Gouvernement, non pas de réduire la dépense publique, mais de la maîtriser - c'est ce qu'il a entrepris de faire, sans renoncer à mettre en oeuvre ses priorités que sont la lutte contre le chômage et l'exclusion - pour faire face à ses engagements européens.
Dès cette année, le déficit sera contenu à 3,3 %, puis à 3 % à la fin de l'année 1998.
Vous en conviendrez, il est extrêmement difficile de trouver du « gras » dans le budget du ministère de l'environnement. Année après année, en effet, sa tâche s'alourdit au fur et à mesure que nous enrichissons notre arsenal législatif et réglementaire. Il me semble non seulement normal, mais absolument nécessaire de renforcer les moyens qui nous permettent de remplir ces tâches.
C'est bien en redéployant les moyens de l'Etat que s'effectue ce modeste renforcement humain. Le ministère de l'équipement, des transports et du logement a subi une réduction de ses effectifs. Les quelques dizaines de personnes supplémentaires qui seront affectées au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement ne remettent donc pas en cause de façon dramatique, ainsi que vous sembliez le craindre, l'effort de maîtrise des effectifs de la fonction publique.
Pour être claire, monsieur le rapporteur spécial, de la même façon que, dans cette maison, on plaide volontiers pour un rééquilibrage entre les régions riches et les régions pauvres, je m'attendais à ce que vous plaidiez pour la rigueur, certes, et pour l'absence de gaspillage, mais aussi pour une sorte de rééquilibrage entre les ministères riches et ceux qui le sont moins, entre ceux qui tentent de corriger...
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Il y en a ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... les dégâts d'un mal-développement du territoire et ceux qui continuent parfois à faire subir quelques effets pervers négatifs à nos espaces naturels...
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Des noms !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... et aux milieux que vous prétendez protéger.
M. Hubert Falco. Lesquels ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Le constat que je fais, c'est que ce sont les mêmes personnes qui, jour après jour, font le siège du ministère pour obtenir le renforcement des moyens accordés aux réserves naturelles, aux parcs régionaux, aux parcs nationaux, au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres qui, aujourd'hui, nous somment de faire des économies !
Ce sont les mêmes personnes qui, jour après jour, s'inquiètent de la dégradation de la qualité de l'eau, de la pollution atmosphérique, du volume des déchets, des risques industriels naturels qui, aujourd'hui, nous demandent de sabrer dans les dépenses !
Ce sont les mêmes personnes qui réclament plus de concertation, plus d'information, plus de diligence dans le traitement des dossiers, plus de rapidité dans les réponses au courrier qui trouvent que nous sommes trop nombreux !
Alors, je leur pose les questions suivantes : où voulez-vous faire des économies ? Au détriment de quel chapitre ? Au détriment de quelle politique ? Voulez-vous sabrer les crédits du parc naturel régional du Marais du Cotentin et du Bessin, dont M. Le Grand est président ?
M. Jean-François Le Grand. Les autres, mais pas celui-là ! (Sourires.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Devons-nous renoncer à financer les moyens du parc naturel régional de la Forêt d'Orient, qui se situe dans votre département, monsieur le rapporteur spécial ? Fermerons-nous tout simplement la direction régionale de l'environnement de Champagne-Ardenne ou les services de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, qui assurent le contrôle des installations industrielles dangereuses ?
Pas de démagogie ! Dites-moi où, dites-moi comment, dites-moi ce qu'on sacrifie pour faire les trois francs six sous d'économie que vous proposez dans un budget qui est déjà le plus petit budget de l'Etat ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Vous avez failli me mettre en colère, mais, rassurez-vous, je serai sereine pour répondre à la suite de vos questions !
M. Jean-François Le Grand. Madame, cela vous va si bien ! (Nouveaux sourires.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. N'est-ce pas !
M. Hubert Falco. On vous préfère souriante !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Merci !
M. René-Pierre Signé. On dénonce leur illogisme et leurs contradictions !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Cela va ensemble !
Alors, pour rester sérieuse,...
M. Hubert Falco. Ah, vous ne l'étiez pas ?
M. Jean-François Le Grand. Vous n'étiez pas sérieuse ?
M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser Mme le ministre s'exprimer dans la sérénité qui nous convient ici au Sénat.
M. Jean-François Le Grand. Très bien !
M. René-Pierre Signé. Elle s'exprime très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... vous me permettrez de rappeler quelles sont les priorités de ce budget.
La première d'entre elles, sinon selon mon coeur, du moins en volume, puisqu'elle représente 43 % des dotations et des interventions du ministère, c'est, bien sûr, la protection des sites et des paysages ; plus 6,3 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement.
Nous n'avons pas trop de temps, je vous épargnerai donc la liste de tous ces espaces protégés que nous souhaitons soit pérenniser soit reconnaître dès cette année.
Trois parcs nationaux sont en gestation et deux nouveaux parcs naturels régionaux verront le jour dès 1998, celui du Perche et celui de l'Avesnois. Trois autres sont en préparation pour 1999. Six nouvelles réserves naturelles seront classées en 1998, ce qui fera, à la fin de l'année, 148 réserves classées en tout contre 134 au 1er juin 1997.
Nous espérons encore, dès cette année, mettre en place le parc international marin des Bouches de Bonifacio, renforcer les moyens du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et, enfin, mettre en place trois nouveaux conservatoires botaniques nationaux, sans oublier, bien sûr, la constitution du réseau Natura 2000, sur lequel je reviendrai tout à l'heure, et la mise en place d'« agendas 21 » locaux indispensables pour mettre en oeuvre les décisions prises lors du sommet de Rio.
La deuxième priorité de ce budget est constituée par la prévention des risques naturels et la lutte contre les pollutions. En la matière, nous avons souhaité faire un effort important, qu'il s'agisse des moyens de fonctionnement des gestionnaires de réseaux de mesures de la qualité de l'air, de la mise en place d'une surveillance sanitaire, des plans régionaux de la qualité de l'air ou des plans de protection de l'atmosphère.
Vous le savez, l'ADEME bénéficiera des moyens nécessaires pour mener à bien les missions qui lui sont confiées. Nous aurons d'ailleurs à examiner, dans le cadre de ce projet de loi de finances, un relèvement du prélèvement pour frais de gestion opéré par l'Agence au titre de la taxe sur les déchets. Je ne doute pas que vous serez compréhensifs en la matière.
Nous avons souhaité renforcer l'action de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques en matière d'écotoxicologie et les plans de prévention des risques naturels prévisibles. Nous avons souhaité aussi mettre en oeuvre la directive Seveso II et augmenter les moyens que nous consacrons à la prévention des inondations.
J'insisterai tout particulièrement sur le plan « Loire grandeur nature » et sur le plan « risques », notamment sur le programme décennal de restauration des cours d'eau. Ensemble, ils seront dotés de près de 334 millions de francs.
Sans insister sur ces mesures, il me semble qu'elles répondent toutes à une attente très forte de la population et au devoir que nous avons de faire face à nos responsabilités.
Nous ne pouvons tolérer, à l'occasion d'un accident grave, comme celui qui est survenu cet été dans les silos de Blaye, que des vies humaines soient perdues, a fortiori à cause d'un manque de moyens humains. C'est pourquoi, encore une fois, je plaiderai pour que le renforcement du contrôle des installations classées soit une réalité au cours des prochains exercices budgétaires.
La troisième priorité de ce budget est la création de trente-quatre emplois en 1998. Mon ministère est parfois désastreusement démuni pour faire face à certaines de ses responsabilités. Trente-quatre emplois, cela semble bien peu. Ils représentent pourtant une augmentation de 1,4 % des effectifs. Ils seront affectés aux DIREN, qui sont nos seuls relais sur le terrain puisque nous n'avons pas de délégation départementale à l'environnement. Leur présence doit donc être renforcée.
Dix postes seront effectivement créés dans les DRIRE, au titre du contrôle des installations classées industrielles.
Vous me pardonnerez, monsieur Richert, à cette occasion, de revenir sur une phrase que vous avez prononcée et qui pourrait laisser croire que Mme Lepage avait obtenu de considérables moyens en provenance d'autres ministères, notamment du ministère de l'industrie.
Les transferts importants qui avaient été constatés, et qui étaient de l'ordre de 209 millions de francs, étaient en fait, pour l'essentiel, la compensation d'économies qui avaient été imposées à Mme Lepage sur le travail de son ministère et qui s'élevaient à plus de 100 millions de francs, au détriment notamment de la politique de protection des espaces naturels ! Cela lui avait certes permis d'afficher un budget en hausse de 6 %, alors qu'il était en réalité en baisse de 6,4 %, mais cela ne nous permet pas aujourd'hui de nous masquer la réalité !
Les transferts de postes de l'industrie vers le ministère de l'environnement correspondent eux à une réalité, puisque nous avons la tutelle des DRIRE pour ce qui concerne le contrôle des installations classées industrielles. Cela relève donc bien de notre responsabilité et c'est à nous que revient le soin de renforcer ces DRIRE d'un point de vue humain.
Protection de l'environnement et création d'emplois sont loin d'être incompatibles, cela a été rappelé par plusieurs d'entre vous.
A ce titre, je voudrais dire que nous avons souhaité faire face à nos responsabilités en matière de création d'emplois nouveaux dans le domaine de l'environnement, notamment par le biais du plan « emplois-jeunes ». Nous avons aussi souhaité encourager des politiques publiques qui, si elles sont d'allure extrêmement modeste, ont néanmoins pour conséquence première de créer des emplois durables dans des territoires qui ne bénéficiaient pourtant pas, a priori, de chances considérables en la matière.
Je pense, par exemple, à la mise en place des parcs nationaux et des parcs naturels régionaux, qui a permis de créer à peu près dix fois plus d'emplois que les effectifs propres des parcs. Ces emplois se créent avec des aides publiques qui sont très modestes au regard de ce qui se passe dans les secteurs industriel ou artisanal habituels. A peu près 17 000 francs par emploi, c'est extrêmement modeste et cela me paraît devoir être souligné.
J'en viens maintenant à quelques-uns des aspects que vous avez souhaité aborder de façon plus précise.
Le premier point porte sur les déchets et sur la loi de 1992, qui prévoit l'arrêt des mises en décharge en 2002, à l'exception des déchets ultimes.
Non seulement nous assumons cette loi de 1992, mais nous avons décidé d'en conserver les principaux objectifs : épargner les ressources naturelles et énergétiques, protéger l'environnement et aussi maîtriser les coûts. C'est sans doute sur ce dernier point que le bât blesse actuellement.
J'insisterai sur les quatre axes de cette loi de 1992 : la réduction du volume des déchets à la source - parent pauvre de la stratégie actuelle - la collecte sélective, le tri et la valorisation - matière de tout ce qui peut être valorisé - y compris par le compostage des matières organiques fermentescibles qui est souvent négligé - l'incinération de ce qui ne peut être ni valorisé ni mis en décharge dans des conditions correctes et, enfin, la mise en décharge des déchets ultimes.
Il me semble que nous en conviendrons tous, il est nécessaire de revoir à la baisse la place accordée à l'incinération. En revanche, il convient de faire peser notre effort à la fois sur la réduction du volume des déchets, sur les conditions qui permettraient dans certaines zones rurales isolées de rendre acceptable l'usage de décharges et sur le renforcement du compostage.
Je ferai une communication en conseil des ministres à la fin du mois de janvier pour préciser les détails de cette réévaluation à mi-course de la loi de 1992. Ce sera l'occasion d'examiner les propositions que vous avez formulées, monsieur le sénateur, sur la baisse de la TVA, non pas sur toute la filière des déchets, mais au moins sur les comportements que nous souhaitons encourager ; je pense au tri et à la valorisation - matière notamment.
Vous vous êtes inquiété de l'augmentation de 14 % des crédits accordés aux associations. Mais laissez-moi vous dire que, pour l'écrasante majorité d'entre elles, il ne s'agit pas d'associations qui apparaissent brusquement dans le paysage ! Il s'agit au contraire d'associations qui, année après année, et cela quelle que soit la couleur politique du ministre de l'environnement, ont été encouragées par ce ministère.
Ce sont de grands réseaux nationaux qui effectuent un travail fédérateur absolument indispensable ; je pense, par exemple, à la Fédération France-nature-environnement ou à l'Office de la pêche. En tout cas, les sommes en cause ne constituent nullement de l'argent de poche pour le ministère. D'ailleurs, une bonne partie est gérée de façon déconcentrée par les préfets.
Il faut reconnaître le travail accompli à notre demande par ces associations. N'oubliez pas que nous leur demandons de participer à la commission nationale du débat public, au comité de prévention et de précaution, à la commission de médiation sur la chasse, au comité national de suivi de Natura 2000, au Conseil national de protection de la nature, et j'en passe...
Comment demander un tel travail à ces associations composées pour l'essentiel de bénévoles non rémunérés sans leur accorder cette reconnaissance.
Enfin, il s'agit de renforcer le travail international de ces associations sans, bien sûr, en venir à confier aux ONG le soin de défendre la position de la France. Cela, nous nous en chargeons.
Un constat s'impose pourtant : extrêmement présentes dans un certain nombre de grands rendez-vous internationaux, les ONG anglo-saxonnes orientent souvent la position majoritaire. Il me semble normal que nos associations puissent, elles aussi, défendre leurs points de vue.
Monsieur Le Grand, vous avez souhaité attirer mon attention sur les risques de dumping écologique. Ce risque existe évidemment, quoiqu'il soit moins important qu'on le dit.
A l'occasion de la présentation du plan national de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, j'ai souhaité retenir, pour l'essentiel, des mesures qui seront bonnes aussi bien pour la planète et pour l'environnement que pour l'emploi et pour l'économie. Il s'agit souvent de mesures qui conduisent à adopter les meilleurs technologies, les procédés les plus économes en énergie et en matières premières et les moins responsables d'émissions, donc économes en dispositifs antipollution.
Cela dit, nous souhaitons éviter ce risque, notamment en privilégiant l'harmonisation des règles au niveau européen, qu'il s'agisse des règles fiscales sur les carburants et sur l'énergie ou qu'il s'agisse des caractéristiques techniques des moteurs et des carburants dont nous venons de définir les normes au niveau européen, dans le cadre du programme Auto-oil.
M. Jean-François Le Grand. Sans doute, mais ce que je disais concerne essentiellement les pays d'Europe centrale et orientale, qui échappent à la règle communautaire.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ce n'est pas faux. Mais notre réglementation est si exigeante que peu nombreux sont les produits en provenance de ces pays qui, ne répondant pas aux normes écologiques ou de sécurité des consommateurs, pourront franchir nos frontières. Cette discussion, qui n'aura peut-être plus de sens d'ici à quelques années en raison de l'élargissement de la Communauté, porte sur un risque qui ne doit pas être dramatisé, même s'il est réel, j'en suis consciente.
Monsieur Soucaret, vous avez souhaité parler d'agriculture. Vous me pardonnerez de ne pas entrer dans les détails.
Sur ce plan, je travaille en bonne harmonie avec M. Le Pensec, qui ne considère pas que sa collègue de l'environnement soit trop cruelle à l'égard des agriculteurs, pas plus d'ailleurs que ne le pensent les organisations professionnelles elles-mêmes. Celles-ci, par exemple, travaillent avec nous à la refonte des plans de maîtrise des pollutions d'origine agricole ou à l'élaboration de plans pour les forêts, plans qui ne doivent en aucune manière être une façon de fermer les yeux sur les difficultés auxquelles sont confrontées certaines zones rurales en raison de la disparition de leurs habitants.
Sur tous ces sujets, je suis tout à fait à votre disposition pour reprendre le travail.
Monsieur Dupont, vous avez attiré mon attention sur la dégradation du paysage liée à la multiplication des pylônes de téléphonie mobile. Un groupe de travail associant les principaux opérateurs est d'ores et déjà mis en place pour essayer de régler ce problème.
Vous auriez pu aussi évoquer les entrées de ville, sujet qui vous intéresse et qui me préoccupe beaucoup également.
Je pense que la multiplication des hangars commerciaux hétérogènes n'est pas un atout pour nos villes dans la grande majorité des cas. A ce sujet, je vais mettre sur pied un chantier important au cours de l'année 1998.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis. Merci de m'avoir répondu, madame le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. J'en viens au dossier Natura 2000.
Nous serons tous d'accord pour constater que ce dossier a souffert d'une extraordinaire succession de maladresses et, quels que soient les efforts que nous déploierons, rien ne permettra de rattraper le temps perdu. En disant cela, je ne pense pas aux mises en demeure de la Commission, je pense au temps perdu pour la concertation, pour le dialogue à mener avec les acteurs sur le terrain.
Je pourrais rejeter la faute sur ceux qui étaient au gouvernement avant moi, ce serait facile et justifié, mais je préfère être positive.
M. Hubert Falco. Madame ! Un peu de courtoisie.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il ne s'agit pas de courtoisie, monsieur Falco, et, puisque vous m'y forcez, je vais vous dire mon sentiment.
Il était tout à fait irresponsable d'interrompre une consultation tout simplement parce qu'un certain nombre de lobbies, non dépourvus de préoccupations électorales, s'activaient à ce moment-là.
Aujourd'hui, puisque les choses se passent très bien sur le terrain, nous avons la preuve qu'il était possible de faire autrement.
Nous avons souhaité, dès le mois de juillet, relancer le comité national de suivi de Natura 2000 en l'élargissant, d'une part, aux représentants des grandes associations d'élus, d'autre part, aux représentants des grandes associations gestionnaires d'espaces naturels.
Nous avons donné instruction aux préfets, en plein mois d'août pour ne pas perdre plus de temps, de relancer les comités départementaux de suivi et de nous transmettre aussi vite que possible une première liste de sites qui ne posaient pas de problème. Une première liste pour la zone biogéographique alpine nous a été transmise, puis une seconde liste. A ce jour, nous sommes en possession d'une liste de 535 sites, représentant une superficie de près de 900 000 hectares. Tout s'est passé dans un climat cordial, voire chaleureux. Il me semble donc possible de mener à bien ce programme sans drame, mais aussi sans faiblesse et sans démagogie.
Aujourd'hui, la plupart des préventions sont tombées et il ne nous reste plus, monsieur Le Grand - vous avez raison - qu'à lever les zones d'ombre qui sont liées aux conditions de gestion de ces sites.
Je répète devant vous très clairement qu'il est hors de question de mettre en place des sanctuaires de la nature. La poursuite de la quasi-totalité des activités qui ont permis le maintien jusqu'à ce jour d'espaces intéressants et d'espèces fragiles est évidemment possible sur ces sites.
S'il s'avère nécessaire de prendre des mesures de compensation, d'indemnisation, d'accompagnement, de rémunération, même parfois, de certaines activités, nous aurons et la volonté et les moyens de le faire. Je pense ainsi aux moyens qui seront dégagés par les mesures agri-environnementales prises dans le cadre de la PAC, si la prime à l'herbe, comme nous l'espérons, retourne au sein de celle-ci et ne stérilise pas à son profit la quasi-totalité des moyens disponibles.
Je suis donc assez confiante sur Natura 2000, et je constate que la quasi-totalité des élus locaux sont aujourd'hui des partenaires et non plus des adversaires de ce projet.
J'évoquerai maintenant les agences de l'eau, qui, créées voilà trente ans, ont peut-être atteint l'âge de raison mais ont surtout besoin de subir quelques remaniements pour pouvoir mieux remplir leurs missions.
J'ai souligné quelques-uns des points forts du système français de gestion de l'eau : la planification au niveau des bassins versants, qui nous est enviée par bon nombre de pays qui reprennent ce modèle, mais aussi le partenariat avec l'ensemble des acteurs de la gestion de l'eau dans le cadre notamment des comités de bassins.
J'ai cru nécessaire, devant les présidents de comité de bassin, de souligner un certain nombre de dysfonctionnements avec le souci, non pas de pénaliser les agences de l'eau, mais d'ouvrir une concertation avec leurs gestionnaires pour trouver le moyen de corriger l'ensemble de ces dysfonctionnements.
Je pense, bien sûr, à la nouvelle mise en oeuvre du principe pollueur-payeur, certaines activités étant peu ou pas taxées.
Je pense aussi à une évolution vers une sorte de « mutualisation » des structures, compte tenu de la très faible solidarité qui existe entre bassins riches et bassins pauvres et des grandes difficultés à financer les actions d'intérêt général, en matière de police de l'eau notamment.
Nombreux sont ceux qui oublient que la redevance n'est pas la propriété des redevables. Les automobilistes ne gèrent pas plus le produit de la vignette que les téléspectateurs ne gèrent la redevance télévision. Il n'est donc pas normal que les contributeurs aux budgets des agences de l'eau exigent de retrouver leur dû, profession par profession, comme on le constate parfois aujourd'hui.
J'ai noté aussi l'insuffisante qualité de l'eau et de l'écosystème aquatique. La situation est préoccupante dans les milieux ruraux et dans les petits cours d'eau. Si elle s'est améliorée s'agissant des fleuves et des cours d'eau conséquents, beaucoup reste à faire pour les milieux plus diffus.
J'ai relevé aussi le manque de démocratie qui existait dans les agences de l'eau. Je ne pense pas que l'on puisse parler, par exemple, de parlement de l'eau dans la mesure où il serait assez largement autoproclamé.
Je souhaite que des réponses concrètes soient données aux Français qui manifestent de grandes inquiétudes à l'égard du prix de l'eau et des conditions de sa gestion.
Les pistes évoquées aujourd'hui en vue d'une réforme de ces agences ne sont que des pistes de réflexion et devront faire l'objet d'une large concertation.
En ce qui concerne enfin l'effet de serre, plusieurs d'entre vous ont souligné l'importance fondamentale que revêtait le sommet de Kyoto, qui entrera dans sa phase ministérielle, dimanche.
Je pars demain au Japon, où je défendrai la position de la France, position de fermeté qui comporte cependant une part de souplesse suffisante pour pouvoir aboutir à un accord.
Solidaires des autres pays de l'Union européenne, nous souhaitons engager un mouvement non pas de simple stabilisation des émissions de gaz à effet de serre mais de réduction significative de ces émissions.
Nous sommes en effet extrêmement conscients du fait que, si la situation actuelle perdure, ce sont les pays en voie de développement, singulièrement les pays dont une grande part de la population est concentrée dans des deltas inondables, qui pâtiront de notre inconscience.
Nous sommes également très conscients du fait que, dans un monde où les pays les plus riches sont aussi globalement les pays les plus pollueurs, il est déraisonnable de demander aux pays en voie de développement de consentir les efforts que nous n'avons jamais été capables de nous imposer au même stade de développement.
C'est pourquoi nous souhaitons interpeller très vivement les Etats-Unis - un Américain produit trois fois plus de gaz à effet de serre qu'un Français, il faut tout de même le rappeler - pour leur demander de commencer, avant de donner des leçons au reste du monde, à engager des politiques concrètes et à prendre les mesures qui permettront de changer de logique.
M. Adrien Gouteyron. C'est bien ! On vous soutiendra !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Où en sommes-nous ?
Je l'ai dit tout à l'heure, nous avons rendu public un plan national de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, plan que nous devrions pouvoir mettre en oeuvre quels que soient les résultats du sommet de Kyoto dans la mesure où il est bon, et pour l'environnement et pour l'économie et pour l'emploi.
Nous avons envisagé des mesures qui sont intelligentes et de bon sens, qui, d'ailleurs, souvent ne sont pas des mesures nouvelles ; je pense au plan de réhabilitation de logements anciens proposé par M. Louis Besson ou au plan de développement des tramways dans les agglomérations, présenté par M. Jean-Claude Gayssot, qui vont tout deux dans la bonne direction.
Cette stratégie nationale doit permettre de contenir les émissions dans le secteur des transports, secteur qui sera responsable de 40 % des émissions à l'horizon 2010. Parmi les orientations figure notamment la volonté de développer le transport de longue distance des marchandises par rail et une bonne intermodalité entre le rail et la route pour les marchandises.
Nous souhaitons également encourager l'usage de véhicules plus propres. Vous avez cité le GPL. Il est parfaitement logique effectivement d'encourager le développement de la motorisation au GPL pour les flottes publiques et pour les flottes captives comme le sont par exemple les taxis.
Au-delà de la diminution de la TIPP, je pense qu'il nous faudra parvenir à lever les préventions un peu irrationnelles qui freinent le développement du GPL, comme, par exemple, l'interdiction de stationner dans les parcs souterrains que l'on trouve encore dans certains endroits alors que rien dans la réglementation ne permet d'interdire ce stationnement.
Je pense qu'il sera nécessaire également d'inciter les pétroliers à installer davantage de stations GPL, qui ne sont que quelques centaines en France.
En ce qui concerne la pastille verte que l'on pourra aposer sur les véhicules, je tiens à rappeler qu'il s'agit non pas d'une autorisation de circuler telle qu'elle est définie dans l'article 12 de la loi sur l'air, mais tout au plus du marquage des véhicules propres. Il est dès lors évident que cette pastille ne saurait être attribuée à des véhicules qui ne le sont pas.
C'est pourquoi il serait déraisonnable, en dehors des véhicules qui circulent au GPL, au GVN ou à l'électricité, d'appliquer ce marquage à des véhicules qui ne seraient pas équipés d'un pot catalytique.
Je suis très soucieuse, madame Terrade, de l'impact social de cette pastille.
Il faut savoir que l'âge moyen d'un véhicule individuel en France est de dix ans et que c'est lorsqu'ils atteignent treize ans que ces véhicules sont en général retirés de la circulation. Cela dit, tout le monde a pu constater les effets pervers des « balladurette » ou autres « jupette », qui ne seraient d'ailleurs pas moins pervers s'il s'agissait de « voynette » ou de « jospinette » : un gonflement éphémère des ventes de véhicules, auquel succède un effondrement durable des marchés dès que la mesure prend fin ; un encouragement au renouvellement des voitures des classes moyennes, qui ont les moyens d'ajouter ce qu'il faut à la prime, ce qui n'a aucun effet sur le retrait des véhicules de ceux qui vivent avec leurs allocations de chômage ou le RMI.
Il va nous falloir inventer autre chose pour favoriser le retrait des véhicules les plus polluants. Cela est d'autant plus important qu'un bon nombre de ces véhicules sont des véhicules professionnels : je pense aux petits véhicules utilitaires légers.
Je ne m'attarderai pas sur l'effet de serre, car je crois qu'on en a déjà beaucoup parlé.
M. Signé m'a interpellé sur le fonds de prévention des risques naturels majeurs, relayant, me semble-t-il, les préoccupations de M. le maire de Vaison-la-Romaine.
Ainsi que vous le savez, le fonds de prévention des risques naturels majeurs a été créé par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement. Il a pour objet le financement des indemnités versées lors de l'expropriation par l'Etat de biens exposés à un risque. Il est alimenté par un prélèvement de 2,5 % sur le produit des primes et cotisations additionnelles relatives à la garantie contre les risques naturels prévues par l'article 125-2 du code des assurances.
Deux déclarations d'utilité publique ont déjà été prononcées : une dans l'Isère, à Séchilienne, et une dans l'Ariège, à Tarascon-sur-Ariège. Plus d'une dizaine d'autres demandes sont en cours d'instruction et il est à craindre que les moyens dont nous disposons ne soient pas suffisants.
Il a été proposé d'adapter le champ d'application du fonds non seulement au financement de la réparation des dégâts mais aussi au financement de la prévention des conséquences de certains risques. Le Gouvernement a accepté cette proposition, mais il nous faudra trouver la possibilité d'augmenter significativement les moyens consacrés à cette politique.
Je partage les préoccupations qui ont été exprimées au sujet de la Fondation du patrimoine. Cette fondation présentait un intérêt tout à fait essentiel dans la mesure où elle ne s'intéressait pas aux seuls éléments bâtis d'un site mais prenait en compte la totalité de ce site, dans sa partie bâtie et dans sa partie naturelle, et où elle s'attachait aussi à des sites strictement naturels ; telle était son originalité.
Nous avons souhaité nous associer à la Fondation du patrimoine par voie de contractualisation, en complément des moyens apportés par d'autres ministères et par des donateurs privés. Nous ne remettons pas en cause cette volonté : nous souhaitons que la Fondation continue à financer des projets de taille modeste, n'excédant pas 50 000 francs ou 100 000 francs, les opérations plus importantes ou plus « somptueuses » devant être, nous semble-t-il, financées par d'autres biais. Je pense, par exemple, aux opérations « grands sites », qui allient aussi ce souci de marier protection du patrimoine bâti et protection du patrimoine naturel et qui font appel à de nombreux contributeurs, notamment privés.
Avant de terminer, je souhaite encore dire quelques mots de l'enrésinement dans les zones de moyenne montagne.
La politique forestière qui a été lancée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale visait à établir une ressource en bois d'oeuvre suffisante pour permettre un développement de la filière en aval et pour résorber le déficit de la balance commerciale française en matière de bois de résineux. Cette politique a porté ses fruits mais, hélas ! au détriment de la biodiversité : elle s'est en effet appuyée sur des peuplements monospécifiques, qui faisaient souvent appel à des essences résineuses alors que les essences indigènes étaient délaissées.
Une réflexion est actuellement en cours avec le ministère de l'agriculture et de la pêche pour revoir les modalités de financement par l'Etat des opérations forestières. Une mission a été confiée à M. Bianco sur ce sujet.
J'ai annoncé, voilà quelques jours, notre intention d'augmenter de façon significative les peuplements : 300 000 hectares par an jusqu'en l'an 2005. Il s'agit, dans notre esprit, de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre en utilisant la capacité des forêts d'absorber le gaz carbonique. Cela implique une gestion dynamique de la filière, c'est-à-dire que l'on doit non seulement planter mais aussi couper et donc, à l'autre extrémité de la filière, mieux valoriser le bois comme source d'énergie et le bois de construction, ces utilisations du bois ayant été largement négligées dans notre pays.
Nous serons tout à fait vigilants, par le biais de ce programme, quant au respect de la diversité biologique, à l'adéquation des plantations au sol et au climat et nous n'utiliserons pas cette politique comme alternative commode à la présence des paysans dans les zones rurales.
Vivant moi-même dans une région qui souffre de comblement des vallées par des forêts, je sais que c'est en général un mauvais signe au regard de la dynamique locale.
Je vous remercie, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre longue patience. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : II. - Environnement.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, 17 762 101 francs. »