M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : I. - Aménagement du territoire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Besse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'aménagement du territoire est un sujet sensible qui concerne tous les Français, puisqu'il est tout à la fois leur passé, leur présent et leur avenir.
Les crédits du ministère de l'aménagement du territoire s'élèvent à 1,8 milliard de francs dans le projet de loi de finances pour 1998. Ils ne représentent que 3,2 % de l'ensemble de l'effort budgétaire de l'Etat, qui s'établit à 55,7 milliards de francs.
L'Union européenne, quant à elle, participe à hauteur de 10,2 milliards de francs au financement de projets contribuant à l'aménagement du territoire.
Le ministre de l'aménagement du territoire affiche des crédits en hausse de 6 %. Cette progression importante n'est toutefois pas également répartie entre les différents postes de dépenses.
Le budget du ministère comporte trois grandes masses : les crédits de fonctionnement de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, ceux qui relèvent du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, et, enfin, les subventions accordées par l'Etat au titre de la prime d'aménagement du territoire, la PAT.
S'agissant des crédits de fonctionnement de la DATAR, ils diminuent en 1998 de 3,8 %. Cette évolution résulte de la suppression de deux emplois non pourvus. Elle provient également de la réduction des moyens de fonctionnement, qui est principalement supportée par les postes de la DATAR à l'étranger.
Il est à noter que, dans les années à venir, ces postes devront gérer les conséquences de la disparition des coopérants du service national qui leur sont affectés. Il serait en effet regrettable, au regard du travail de qualité qu'ils accomplissent, que leurs moyens limités soient encore plus réduits.
Ensuite, concernant les subventions accordées par le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, force est de constater que celles-ci sont également en baisse. Je rappelle que le FNADT finance notamment les engagements de l'Etat dans le cadre des contrats de plan Etat-régions. Ces crédits diminuent depuis l'annonce du report d'un an du terme des contrats de plan, qui provoque l'étalement des financements dans le temps.
Compte tenu du faible taux d'exécution des objectifs fixés par les contrats, il est permis de se demander si le montant des engagements ne devrait pas plutôt être maintenu, voire accru. Ce n'est pas votre analyse, madame le ministre, puisque ces crédits baisseront en 1998 et viennent de faire l'objet d'importantes mesures d'annulation.
J'en arrive enfin aux subventions de la prime d'aménagement du territoire. Leur montant est modeste : 320 millions de francs en autorisations de programme comme en crédits de paiement. C'est pourtant leur forte augmentation, de 155 millions à 320 millions de francs en crédits de paiement, qui explique la hausse de 6 % du budget de l'aménagement du territoire.
La hausse spectaculaire de 106 % des crédits de la prime d'aménagement du territoire mérite que l'on s'y arrête. Elle doit être replacée dans la perspective d'un mouvement d'apurement de la gestion de la PAT entamé l'année dernière.
En effet, afin de résorber le montant élevé des crédits reportés, le gouvernement précédent avait divisé par deux les crédits de la prime.
Cette stratégie s'est avérée payante. Les crédits reportés ont été considérablement réduits, si bien que pour maintenir constant le niveau des subventions distribuées le Gouvernement a dû accroître la dotation dans le projet de loi de finances pour 1998.
Cette opération permet au Gouvernement d'afficher un effort budgétaire important en faveur de l'aménagement du territoire, alors que, d'une part, les crédits de la DATAR et du FNADT diminuent et que, d'autre part, le niveau des subventions accordées au titre de la PAT restera constant.
En tout état de cause, l'assainissement de la gestion de la PAT est salutaire, mais il ne doit pas exonérer le Gouvernement de s'attaquer à la cause des reports, à savoir l'inadaptation des critères d'attribution et, principalement, l'obligation de créer vingt emplois permanents en trois ans.
Lors de votre audition en commission des finances, vous avez, madame le ministre, constaté et admis cette inadéquation des critères et la nécessité d'y remédier. Je souhaite que vous puissiez nous faire des propositions pour une meilleure utilisation et une efficacité accrue de ces crédits.
Madame le ministre, l'évolution des crédits de votre ministère tels que nous venons de les constater appelle des interrogations et suscite des craintes.
Le Gouvernement n'a pas laissé le temps à la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire de porter l'ensemble de ses fruits. Je le déplore. D'emblée, madame le ministre, vous avez considéré le bilan de cette loi comme peu satisfaisant, et vous avez dit sans ambages tout le mal que vous en pensiez.
Compte tenu de ce verdict sans appel, vous avez annoncé qu'un projet de loi permettant une relance de la politique d'aménagement du territoire serait déposé devant le Parlement. Quand le sera-t-il ?
Une incertitude grave plane sur cette date, depuis que votre collègue, M. Chevènement, a annoncé publiquement et de façon péremptoire que ce projet de loi ne pourra pas être examiné par le Parlement avant juin 1998, ajoutant que, auparavant, serait déposé un projet de loi concernant l'intercommunalité.
Je pense que vous êtes déçue, madame le ministre, de ce retard. Nous aussi, car nous avions espéré que, avec la pugnacité qui vous caractérise, vous seriez en mesure, comme vous l'aviez promis, de donner un nouvel élan à l'aménagement du territoire que nous appelons tous de nos voeux.
Puissiez-vous, madame le ministre, prendre en compte et utiliser l'important travail de préparation effectué non seulement par les régions, mais également au commissariat général du Plan et au Parlement afin de définir de façon cohérente les orientations fondamentales et les règles du jeu.
Le temps passe, la France attend. La situation continue à se dégrader en l'absence de mesures fortes, justes et intelligentes, seules capables de réduire la fracture territoriale qui, s'ajoutant à la fracture sociale, mine notre pays.
Quoi qu'il en soit, et malgré les retards, la réforme de la loi sera l'occasion de relancer certains moyens qui, aujourd'hui, ne sont pas toujours pleinement utilisés.
L'un deux, le Fonds national pour le développement des entreprises, a été conçu afin de permettre aux très petites entreprises de trouver les financements que les banques refusent. Le comité interministériel qui s'est tenu à Auch au mois d'avril 1997 avait remis le lancement du FNDE à l'ordre du jour en prévoyant qu'il serait doté de un milliard de francs à partir de recettes de privatisations.
Depuis le changement de majorité intervenu à l'Assemblée nationale, il semble que cette décision ne soit plus à l'ordre du jour et que l'on s'oriente vers une solution plus modeste. Quoi qu'il en soit, le FNDE devra devenir opérationnel.
Les autres fonds créés par la loi existent et fonctionnent, mais ils peuvent être perfectionnés.
Pour des raisons diverses, le fonds de gestion de l'espace rural - le FGER -, le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables - le FITTVN - et le fonds de péréquation des transports aériens connaissent des dysfonctionnements, car, sauf erreur de ma part, il semble que rien n'ait été proposé pour y remédier.
De même, puisque la mise en oeuvre des dispositions de la loi relative aux services publics en milieux ruraux est bloquée par le Conseil d'Etat, des dispositifs alternatifs doivent être imaginés.
Enfin, je constate que l'ambiguïté sur la vocation des pays n'a pas été levée. Le Gouvernement se contente pour l'instant de formules vagues invoquant le dynamisme, la spontanéité et le « vouloir vivre ensemble » des acteurs locaux.
La perspective de la renégociation des contrats de plan, à laquelle vous voulez, madame le ministre, associer les pays, appellerait plutôt une clarification des attributions de chaque découpage territorial, afin d'écarter définitivement l'éventualité d'une montée en puissance progressive des pays au détriment des départements.
Il faudra donc faire en sorte que les moyens existants soient pleinement exploités. Mais il faudra surtout préserver l'essentiel, c'est-à-dire les principes fondamentaux de notre conception de l'aménagement du territoire que le texte de 1995 a permis d'inscrire dans la loi.
Le monde rural figure au premier rang des priorités. La loi de 1995 a conduit à la création des zones de revitalisation rurale. Elle a surtout prévu le vote d'une loi spécifique.
L'avant-projet de « Plan pour l'avenir du monde rural » présenté à Auch préfigurait ce texte.
Vous avez, madame le ministre, choisi d'y renoncer.
Malgré votre annonce à l'Assemblée nationale d'un plan pour l'espace rural dont vous n'avez pas dévoilé encore le contenu, j'ai le sentiment que, sur ce point, la continuité de l'action gouvernementale n'est pas garantie. Or, il s'agit d'un enjeu majeur sur lequel il serait dramatique, anormal, injuste et grave de faire l'impasse.
La loi de 1995 consacrait également le principe du zonage, repris l'année suivante par le pacte de relance pour la ville. Les exonérations fiscales consenties aux entreprises qui investissent dans les zones urbaines ou rurales en difficulté permettent le retour de l'activité économique, de l'emploi et donc de la vie sociale dans les territoires en passe d'être marginalisés.
A long terme, l'effort en faveur de ceux qui en ont le plus besoin contribue à gommer les inégalités entre les différentes parties du territoire national. A court terme, le maintien ou l'implantation d'entreprises dans une commune en difficulté peut éviter son dépeuplement, la fermeture de son école ou l'effacement des petits commerces.
Pourtant, le Gouvernement ne semble pas acquis à la philosophie du zonage. Les réticences exprimées par plusieurs ministres à son égard sont de nature à décourager les entreprises, qui doivent être sûres que les règles ne changeront pas avant d'engager des investissements dont la rentabilité n'est pas immédiate.
L'action en faveur des territoires isolés passe également par l'amélioration de leur desserte. La loi de 1995 en a donné les moyens. Elle a créé le fonds de péréquation des transports aériens pour éviter la fermeture de lignes aériennes.
Elle a surtout fixé un objectif ambitieux, véritable charte du désenclavement, puisqu'elle précise qu'aucune partie du territoire ne sera située à plus de cinquante kilomètres ou quarante-cinq minutes d'automobile, soit d'une autoroute ou d'une route express, soit d'une gare TGV.
Pour atteindre cet objectif, un programme autoroutier couvrant l'ensemble du territoire a été progressivement élaboré.
Aujourd'hui, l'objectif semble remis en cause, tout comme le programme autoroutier.
Soucieux des conséquences de ces décisions, le Sénat vient de créer une commission d'enquête sur l'arrêt des grands projets d'infrastructures.
Madame le ministre, les contrats de plan Etat-région seront renégociés en 1999.
La génération de contrats qui s'achève a mis l'aménagement du territoire au coeur de ces dispositifs en ajoutant une dimension de redistribution des richesses entre les régions à la définition d'objectifs propres à chaque région.
L'effort financier de l'Etat a été supérieur dans les régions défavorisées. Vous devez, madame le ministre, reprendre cette orientation. Il y va de l'unité de la nation.
Si j'insiste sur tous ces points, c'est que je suis inquiet à propos des orientations qui seront retenues l'an prochain.
L'augmentation, même comptable, des crédits du ministère pour 1998 représente une goutte d'eau au regard de l'impact négatif de l'arrêt des grands travaux.
Je conviens avec vous, madame le ministre, que les premiers résultats de la loi de 1995 ont été - nous le déplorons avec vous - très en dessous des espérances qu'elles avait fait naître.
La loi Pasqua-Hoeffel reste une bonne loi ; encore fallait-il se donner les moyens de l'appliquer pour la faire vivre.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Roger Besse, rapporteur spécial. A l'évidence, ces moyens seront encore absents en 1998, car le Gouvernement auquel vous appartenez, madame le ministre, n'en a pas fait une priorité.
C'est pourquoi, au nom de la commission des finances, je propose au Sénat de rejeter les crédits de l'aménagement du territoire inscrits dans le projet de loi de finances pour 1998. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, un adage dit que l'on s'affirme en s'opposant. Depuis juillet dernier, le Gouvernement a souhaité s'opposer à la politique antérieurement menée : par l'abandon du canal Rhin-Rhône et par l'annonce de la réforme de la loi Pasqua, pour ne citer que ces deux cas. A-t-il pour autant présenté une stratégie claire ? Hélas ! Non. L'examen du projet de budget pour 1998 me fournira l'occasion d'illustrer ce propos. Ne voyez pas là, madame le ministre, une attaque qui vous soit personnellement destinée.
En effet, ni le budget du ministère chargé de l'aménagement du territoire, ni celui qui est consacré aux autres fonds qui contribuent à l'aménagement du territoire ne traduisent une politique volontariste. Alors que le comité interministériel de l'aménagement et du développement du territoire, le CIADT, d'Auch avait mis en place un dispositif cohérent, le Gouvernement doit encore faire ses preuves, je citerai plusieurs exemples précis du flottement qui caractérise son action en matière d'aménagement du territoire.
Venons-en au budget lui-même.
En premier lieu, il ne sert à rien de diminuer les crédits du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, et spécialement sa section d'investissement, compte tenu de l'économie extrêmement modeste que ces réductions occassionnent, comparées au budget global de la nation.
En second lieu, l'accroissement des moyens consacrés à la prime d'aménagement du territoire relève de l'effet d'annonce. En effet, les crédits de la PAT ne sont jamais totalement consommés. Il semble d'ailleurs que les services du budget qui participent aux comités interministériels des aides à la localisation d'activités, les CIALA, tentent chaque année - et avec succès, malheureusement - de limiter les engagements au minimum.
L'accroissement de la PAT doit dont être fortement relativisé. Nous verrons bien l'année prochaine si tous les crédits que nous aurons votés cette année seront finalement engagés. Je n'ai, hélas ! guère d'illusion : nous touchons là aux limites de l'autorisation de dépense que donne le Parlement. Une fois cette autorisation délivrée, il faut que s'exerce une très réelle volonté politique pour en tirer parti.
En outre, l'attribution de la PAT pose un problème que nous avons déjà soulevé l'an passé : elle ne convient pas à l'aide aux activités industrielles dans l'ensemble des zones rurales qui en auraient bien besoin. Actuellement, la carte de la PAT est bien loin de couvrir toutes les zones de revitalisation rurale, qui sont pourtant considérées comme les plus pauvres.
Une autre difficulté tient à l'utilisation du zonage de la PAT pour l'attribution et le plafonnement des aides au tourisme.
Le Gouvernement a notifié à la Commission européenne un régime d'aide au tourisme calqué sur la carte de la PAT. Or bien des zones touristiques sont situées hors des zones PAT : elles ne peuvent donc pas prétendre aux aides les plus élevées. C'est ainsi, par exemple, et c'est tout à fait cocasse, que l'on peut attribuer des aides au tourisme à taux maximal à Brest, et non à Crozon !
Une ultime remarque me paraît s'imposer s'agissant du budget.
La DATAR dispose de trois réseaux hors de France : en Europe, en Asie et aux Etats-Unis. A leur sujet, je m'interroge sur le sort des emplois qui étaient tenus dans le passé par des coopérants ou des volontaires du service national, soit près de 10 % du total des effectifs. Qu'adviendra-t-il de ces postes du fait de la suppression du service national ? Le projet de loi sur les volontariats, dont le dépôt a été annoncé à l'occasion de l'examen de la loi sur la suppression du service militaire, prévoira-t-il leur remplacement ? Comment sera-t-il financé ?
Il me paraît nécessaire d'envisager ces réformes dès à présent et de faire le point sur les rapprochements avec d'autres administrations chargées de la promotion des investissements étrangers qui en découleront.
Au-delà du budget, je souhaite évoquer le problème des fonds créés par la loi d'orientation de 1995, qui sont des leviers importants pour l'aménagement du territoire.
En ce qui concerne le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, j'estime qu'il est trop utilisé par le Gouvernement pour le financement de projets qui devraient être pris en charge par le budget général ; il constitue désormais un outil de débudgétisation des dépenses d'autant plus précieux que ce fonds dispose de ressources affectées.
Je nourris par ailleurs des inquiétudes très vives, s'agissant du fonds de gestion de l'espace rural, le FGER, qui figure au budget de l'agriculture. Doté de 388 millions de francs en loi de finances initiale pour 1996, il ne recueille plus que 140 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 1998. Il serait souhaitable, me semble-t-il, de doter le FGER de deux lignes : l'une destinée à l'agriculture - comme c'est le cas - et l'autre consacrée au développement des activités industrielles dans les zones de revitalisation rurale. Cette seconde ligne pourrait être rattachée au budget de l'aménagement du territoire, sans réduction de la ligne destinée aux agriculteurs - cela va de soi.
Quant au fonds national de développement des entreprises, le précédent gouvernement avait prévu de le doter de 1 milliard de francs sur deux ans, à partir des recettes de privatisations, et de confier sa gestion à la Banque de développement des PME.
Au cours du débat, à l'Assemblée nationale, vous avez dû constater, madame la ministre, que le FNDE n'existait toujours pas et vous avez annoncé que M. le Premier ministre vous avait « donné son accord pour remédier à cette carence dès 1998 ». Enfin ! serais-je tenté de dire. Pouvez-vous nous donner plus de précisions sur ce point ?
Les perspectives ouvertes par la réforme des fonds structurels européens suscitent notre très vive inquiétude.
Si l'on en croit la DATAR, la révision de la carte des fonds structurels s'effectuerait largement à la baisse. Le nouvel objectif 1 serait destiné aux régions en retard de développement dont le PIB par habitant est inférieur de 75 % à la moyenne communautaire. Ce critère aurait, par exemple, pour effet d'exclure la Corse et le Hainaut. Je vous laisse le soin d'apprécier !
Les propositions de la Commission européenne pourraient conduire à réduire la population aidée de notre territoire de 20 %.
Or, en dépenses ordinaires et en crédits de paiements, l'apport des fonds européens sera supérieur à 10 milliards de francs en 1998, soit 5,6 fois le budget de l'aménagement du territoire que je viens de décrire.
Dans ce contexte, il faut obtenir une consommation rapide des dotations européennes car elles sont, de l'aveu même de l'un des commissaires, consommées avec une grande lenteur, ce qui accrédite l'idée que la France n'en a pas réellement besoin. C'est là un piège qu'il convient d'éviter, madame la ministre.
Venons-en à l'application de la loi d'orientation du 4 février 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire. Le précédent gouvernement a publié une quarantaine de décrets, ainsi que des arrêtés et des circulaires d'application, soit, au total, plus de quatre-vingt-dix textes d'application !
En avril dernier, le comité interministériel d'Auch a proposé un premier projet de schéma national d'aménagement et de développement du territoire qui devait être présenté aux régions, puis au Conseil national d'aménagement et de développement du territoire, avant de faire l'objet d'un projet de loi qui aurait été soumis au Parlement.
Après les élections, vous avez, madame la ministre, fait part de votre désir de réexaminer le projet de schéma national d'aménagement et de développement du territoire à l'occasion de la réforme de la loi Pasqua. Pouvez-vous nous préciser quand cette réforme interviendra réellement, madame la ministre ?
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, je suis obligé de vous demander de conclure. Vous savez que le temps de parole des rapporteurs est limité. Normalement, vous disposez de dix minutes.
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis. Excusez-moi, monsieur le président. Je vais essayer de conclure rapidement.
J'ai rappelé dans mon rapport les principales mesures prises par le précédent gouvernement lors du CIADT d'Auch. Des avancées importantes ont été réalisées, par exemple en matière d'aides à l'immobilier d'entreprise. Sur ce point précis, on n'attend plus que la publication d'un décret qui est en préparation depuis le printemps. Quelles raisons expliquent les délais si longs de parution de ce texte ?
Trois des décisions du CIADT d'Auch ont retenu mon attention : le maintien du moratoire sur les services publics, le plan pour le monde rural et la poursuite de la politique de délocalisation des emplois publics.
Le maintien du moratoire avait été clairement posé comme un principe par le précédent gouvernement, qui avait décidé de procéder à la publication du décret prévu par l'article 29 de la loi d'orientation relatif à la procédure de réorganisation des services publics. Vous avez, madame la ministre, depuis lors, fait publiquement part de votre désir de ne pas opérer une réforme sans concertation. Je souhaiterais avoir publiquement des assurances sur ce point, ainsi qu'un complément d'information sur les schémas régionaux et les schémas de services, dont vous avez, madame la ministre, annoncé l'élaboration.
Le CIADT d'Auch avait annoncé un plan pour le monde rural analogue à celui qui a été mis en oeuvre pour la ville. Sur ce point, le nouveau gouvernement a indiqué qu'il prendrait des dispositions lors du CIADT de décembre. Je souhaiterais obtenir des éclaircissements sur son ordre du jour, l'évolution des crédits du fonds de gestion de l'espace rural, le FGER, n'augurant rien de bon pour le monde rural à l'heure actuelle.
En outre, je tiens à souligner le fait que nous ne disposons pas encore d'une analyse fine de l'incidence des mesures d'exonération fiscale que nous avons votées en 1995.
M. le président. Mon cher collègue, je suis obligé de vous demander de conclure.
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis. Je vais conclure, monsieur le président, et, si vous le permettez, madame la ministre, je vous enverrai le texte de mon intervention.
De toutes les remarques que je viens de faire, vous constaterez, mes chers collègues, que les interrogations l'emportent sur les certitudes.
Aussi, en conclusion, compte tenu de l'évolution des crédits et des incertitudes qui apparaissent dans la politique du Gouvernement, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable sur l'adoption des crédits destinés à l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Gérard Delfau. Incroyable !
M. le président. Mes chers collègues nous avons un ordre du jour très serré. Ma tâche va être d'autant plus compliquée que les temps de parole prévus pour chacun des groupes sont très courts. Je tiens à vous indiquer dès maintenant que je les ferai respecter très strictement.
J'indique donc au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 40 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 15 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 26 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministe, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de budget de l'aménagement du territoire pour 1998, qui s'inscrit dans la perspective de révision, annoncée par le Gouvernement pour l'an prochain, de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995.
Nous apprécions positivement, madame la ministre, votre volonté affichée de traiter réellement ces questions et d'entreprendre les réformes nécessaires, avec le souci d'une consultation générale préalable à l'élaboration du projet de loi.
Il est en effet essentiel, aujourd'hui, de repenser l'aménagement du territoire dans ses objectifs comme dans ses moyens, pour tendre vers la réduction d'une fracture territoriale qui s'accentue en même temps que la fracture sociale.
Nous nous réjouissons de la complémentarité qui va pouvoir s'établir dans les projets entre aménagement et environnement, grâce à la double responsabilité qui vous a été confiée avec ce ministère.
Cette donnée semble impliquer des choix et des orientations spécifiques en matière d'aménagement durable et équilibré des territoires, de valorisation de la diversité et de la richesse qualitative de ces territoires.
Alors que les déséquilibres, aux niveaux tant régional que national, se creusent, il paraît urgent d'oeuvrer pour renverser la tendance à la concentration au nom de la mise en concurrence exacerbée, de repenser le territoire en termes de qualité de vie, de s'affranchir enfin du monopole des critères de rentabilité.
On constate aujourd'hui les effets des politiques d'aménagement du territoire menées jusque-là dans notre pays : désertification et marginalisation de vastes zones rurales développement urbain excessif - avec ses corollaires : pollution, banlieues dégradées et « sans âmes », régions industrielles abandonnées -, concentration des voies de communication et donc des implantations industrielles, poids toujours plus écrasant de l'agglomération parisienne.
Même si certains de ces phénomènes sont anciens - dès 1950, on évoquait « Paris et le désert français » pour résumer l'analyse spatiale de notre pays -, les tendances n'ont fait que se confirmer. Il est aujourd'hui essentiel d'élaborer une politique forte et cohérente pour impulser une nouvelle dynamique de développement territorial.
La logique qui nous semble de nature à soutenir cette dynamique devra s'opposer à la loi de l'ultralibéralisme et de la concurrence à tout prix qui, jusqu'à présent, orientait majoritairement les choix.
Or cela implique également de s'opposer dans un premier temps aux orientations européennes dans ce domaine, tout en essayant de les infléchir.
En effet, comme en ce qui concerne les politiques économiques et sociales, les choix préconisés ou plutôt imposés par Bruxelles vont dans le sens d'une recherche toujours accentuée de la rentabilité et de la compétitivité, donc de la concentration des entreprises des industries et des voies de communication. Cela a incité notamment les régions à mettre en place des stratégies basées sur la promotion exclusive de métropoles régionales qui se doivent d'être compétitives à l'échelle européenne, au détriment de pans entiers du territoire, notamment de tout l'arrière-pays laissé à l'abandon et marginalisé parce que mon porteur de rentabilité potentielle.
On le voit encore avec les freightways, projets élaborés au niveau européen et qui s'imposent, de fait, à notre pays, par le système des directives. Il s'agit de couloirs de transport de fret qui doivent constituer des axes structurants. Or les choix effectués, fondés uniquement sur des critères de compétitivité et ne prenant évidemment pas en compte les équilibres territoriaux nationaux, vont accentuer les clivages entre, d'une part, un Sud-Ouest français, des ports totalement à l'écart et un Centre toujours plus ignoré et, d'autre part, un couloir rhodanien concentrant l'essentiel du trafic.
Cette tendance va à l'encontre du nécessaire développement des liaisons est-ouest dans notre pays, permettant de rompre avec la seule logique nord-sud qui tend à transformer l'espace national en simple couloir de transit.
D'autre part, la réforme de la politique agricole commune telle qu'elle est proposée actuellement par Bruxelles va dans le sens d'une concentration des exploitations, ainsi que d'une accentuation de la concurrence et de la productivité. La mise en place d'une telle réforme impliquerait la disparition à court terme de la majorité des exploitations familiales françaises, donc la fin d'une agriculture diversifiée et de qualité, fondée sur le développement durable et la valorisation des potentiels régionaux.
Je vous laisse imaginer les conséquences d'une telle réforme pour notre pays, en termes d'accentuation des déséquilibres, de désertification et de banalisation des richesses territoriales.
Les agriculteurs, s'ils ne représentent qu'une faible partie des actifs, n'en sont pas moins des acteurs à prendre en considération dans toute réflexion sur l'aménagement du territoire !
M. Hilaire Flandre. C'est vrai !
Mme Odette Terrade. Au-delà de leur travail sur l'espace agricole, ils sont essentiels à la valorisation de l'espace rural, qui représente la majorité du territoire français.
De multiples éléments sont donc à prendre en compte dans l'analyse et l'élaboration d'une politique d'aménagement du territoire.
Outre votre ministère, qui se doit d'avoir une vision d'ensemble et une mission de coordination, d'autres ministères sont directement concernés : je pense évidemment à celui des transports et de l'équipement, mais aussi, on vient de le voir, au ministère de l'agriculture, ainsi qu'à celui de l'industrie.
C'est à vous que revient la tâche difficile d'élaborer une politique d'ensemble.
L'augmentation des crédits inscrits au projet de budget pour 1998 marque une inflexion par rapport aux trois années précédentes, où ils étaient en régression. C'était essentiel à la veille de la réforme de la loi d'orientation de 1995.
Il faut souligner notamment la hausse sensible des moyens alloués à la DATAR, en progression de 6,6 %. Les autorisations de programme augmentent également de près de 4 %.
Je tiens à préciser que cette augmentation concerne les crédits de la prime à l'aménagement du territoire, dont les effets sur la localisation des activités dans les zones marginalisées sont les plus rapides et les plus sensibles.
Cette décision nous satisfait, même s'il nous faut rester vigilants et poursuivre les efforts consentis sur plusieurs années pour obtenir de réels résultats à long terme.
Parallèlement, il faut se donner les moyens, en collaboration avec l'ensemble des partenaires concernés et les autres ministères, de travailler à une réelle réorientation de cette politique, que nous jugeons vitale pour la cohésion territoriale mais aussi sociale de notre pays. Ensuite, il faudra avoir la volonté politique à long terme d'appliquer les mesures prises, malgré les pesanteurs et les réticences inévitables.
Par ailleurs, les politiques européennes, nous l'avons souligné, seront de plus en plus influentes dans ce domaine. Il est donc indispensable pour notre pays d'avoir, sur ce plan, une volonté politique affirmée et une ligne de référence forte, afin de faire pression sur Bruxelles pour infléchir les choix vers une prise en compte plus marquée des questions d'équilibres territoriaux, donc de création d'emplois et de qualité de vie.
A l'échelon tant européen que national, il est indispensable de repenser le développement économique pour susciter une nouvelle approche de l'aménagement du territoire.
Il convient d'aller vers un développement économique ayant comme objectif premier la création d'emplois et, à cette fin, fondé sur la volorisation des potentiels locaux et régionaux, tant industriels qu'agricoles, ainsi que sur le développement des services publics.
L'égalité d'accès à la formation, aux services et aux équipements de base est un principe qui devrait être omniprésent dans toute politique d'aménagement, sous peine d'accentuation de l'exclusion socio-économique et de ségrégations potentiellement explosives. Nous en avons, hélas ! régulièrement l'exemple dans nos banlieues.
A l'échelon national, l'ensemble des projets doit être élaboré de manière cohérente, concertée et transparente, dans un souci de démocratisation des procédures.
La concertation est un exercice délicat, mais il semble particulièrement nécessaire dans ce domaine, et nous considérons que la politique d'aménagement du territoire ne peut reposer essentiellement sur un renforcement du rôle du Conseil national d'aménagement et de développement du territoire - le CNADT -, ainsi que nous l'avons déjà souligné à l'Assemblée nationale.
Consulter l'ensemble des acteurs concernés, clarifier les enjeux, diffuser toute l'information disponible avec une volonté de transparence et d'appropriation des enjeux par les acteurs eux-même : tels sont, selon nous, les objetifs de départ pour engager une réelle réorientation.
Les moyens à développer à cet effet sont déjà nombreux, mais certains restent à inventer, en fonction de la diversité des contextes.
Même si l'élaboration de cadres et de procédures formelles est nécessaire pour fixer les actions et les projets, la souplesse d'intervention semble appropriée et même indispensable dans bien des cas.
Le développement de la coopération territoriale et intercommunale nous semble particulièrement répondre à ces exigences.
Rompant avec la logique de compétitivité et de mise en concurrence des territoires et des agglomérations, la coopération territoriale amènerait une recherche permanente de cohérence des choix et objectifs, dans un souci de complémentarité des efforts et des moyens mis en oeuvre en vue de l'amélioration des situations et des équilibres globaux.
Dans le même esprit, les coopérations intercommunales librement consenties et souples semblent plus adaptées au contexte et aux défis actuels, ainsi qu'à l'exigence des citoyens-acteurs, qu.une intercommunalité formelle souvent sans contenu.
Il serait également intéressant, lors de l'élaboration de la nouvelle loi d'orientation, de repréciser de manière beaucoup plus claire - au-delà de ces questions d'intercommunalité - les enjeux de la réforme des financements locaux et de la répartition des responsabilités et compétences entre Etat et collectivités territoriales.
Par ailleurs, au niveau national, la question des voies de communication constitue un dossier majeur, en pleine évolution. Les choix réalisés dans les prochaines années seront décisifs pour l'avenir de notre pays et du développement territorial.
Si nous voulons un développement durable, équilibré, respectueux des hommes et de l'environnement, il est nécessaire de proposer des approches et des mesures alternatives : maillage multimodal du territoire ; refus de la formule du « tout TGV », qui accentue les déséquilibres ; mise en cohérence des projets routiers et ferroviaires.
Je dirai, enfin, que nous attendons avec impatience le nouveau projet de loi d'orientation, qui doit faire l'objet d'une concertation, annoncée pour le printemps prochain ; nous avons l'espoir qu'il répondra à nos attentes et qu'il sera porteur d'une approche nouvelle du développement territorial, fondée sur le respect des hommes et le souci d'améliorer leurs conditions de vie, sur le respect et la valorisation des territoires français dans leur grande diversité, atout essentiel de notre pays.
Pour conclure, madame la ministre, le groupe communiste, républicain et citoyen approuve les crédits de l'aménagement du territoire que vous nous présentez, tout en souhaitant que le Gouvernement prenne en considération les inquiétudes et les propositions de notre groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur celles du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais aborder devant vous un point particulier concernant l'aménagement du territoire : l'évolution des grandes infrastructures de transports terrestres.
Celles-ci ont, en effet, une incidence majeure sur l'équilibre économique et territorial de notre pays. On peut même dire que, sans elles, il n'y aura pas de réelle politique d'équilibre du territoire. Or je suis préoccupé par la montée de l'hostilité contre ces grands projets que reflètent la politique du Gouvernement ou, tout au moins, les dires de certains ministres.
De plus, depuis quelques jours, on ne sait plus quel sera le chef de file du futur texte relatif à l'aménagement du territoire. Sera-ce M. Gayssot, M. Chevènement ou vous-même ? Sera-ce l'intercommunalité avant l'aménagement du territoire, les deux dossiers étant abordés de manière séparée ?
Permettez-moi de vous faire part d'un souvenir personnel. Mon père, qui fut pendant vingt-cinq ans maire d'une petite commune rurale de Normandie, avait coutume de dire que, dans les années soixante, on était élu en promettant la construction d'une route, voire d'une autoroute, d'un château d'eau ou d'un équipement collectif. Je constate qu'aujourd'hui le must, en matière de politique, c'est de ne s'engager sur rien ou d'être contre tout !
M. Paul Raoult. Vous êtes vraiment des spécialistes !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ça, c'est vous face au budget !
M. Gérard Larcher. Nous avons, nous, une conception de la politique qui s'engage sur l'aménagement et le développement du territoire.
Je crains d'ailleurs que la réforme de l'enquête publique que prépare le Gouvernement ne porte à leur comble les difficultés et les embûches que connaissent les élus qui prennent la responsabilité d'engager une politique d'aménagement de leur territoire.
Là encore, nous aurions eu intérêt à laisser à la loi, notamment à celle de M. Michel Barnier réformant l'enquête publique, le temps de s'appliquer.
Je souhaiterais, après avoir rappelé les ambitions des promoteurs de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, vous faire part des interrogations qu'appellent de ma part les incertitudes et les contradictions de la politique du Gouvernement en matière d'infrastructures de transports terrestres.
Voilà un peu plus de deux ans, après un débat mené dans tout le pays et auquel notre collègue M. Hoeffel a pris une part extrêmement importante, et après qu'une mission commune d'information du Sénat eut procédé à de nombreuses consultations, le Parlement adoptait la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, dont j'eus l'honneur d'être le rapporteur.
Les dispositions de cette loi se situaient dans le droit fil des propositions de la mission d'information, qui avait conclu à la nécessité d'accroître de façon significative l'effort global du pays pour le développement de ses infrastructures de communication, tout en intégrant fortement la préoccupation environnementale.
La loi d'orientation prévoyait notamment qu'« aucune partie du territoire français métropolitain continental ne devait être située à plus de cinquante kilomètres ou de quarante-cinq minutes d'automobile soit d'une autoroute ou d'une route expresse à deux fois deux voies en continuité avec le réseau national, soit d'une gare desservie par le réseau ferroviaire à grande vitesse ».
Un chapitre de cette même loi était consacré aux schémas sectoriels. C'est, en effet, de cette catégorie d'actes que relevaient les schémas des infrastructures de transports tels que le schéma du réseau ferroviaire, celui des ports maritimes, celui des infrastructures aéroportuaires ; la loi d'orientation avait aussi prévu la révision du schéma directeur routier national et du schéma directeur des voies navigables.
Le Gouvernement paraît avoir choisi d'autres options. Face à la volonté clairement manifestée par le législateur, je suis forcé de constater que le Gouvernement semble conduire une politique dont la cohérence n'est pas évidente. Puisse le prochain CIADT nous apporter un peu de lumière dans ce brouillard !
Le Gouvernement a décidé de réécrire le projet de schéma national d'aménagement et de développement du territoire. Or, pour les auteurs de la loi d'orientation, ce schéma devait être la clé de voûte d'un dispositif dans lequel se seraient insérés les schémas sectoriels.
M. Gérard Delfau. Il n'a jamais servi ! Il est resté en panne !
M. Gérard Larcher. Je déplore que le report de la préparation du projet de schéma national d'aménagement du territoire ait pour conséquence d'empêcher l'adoption des schémas sectoriels. Nous ne connaissons d'ailleurs pas les délais dans lesquels un nouveau schéma sera élaboré.
Certes, madame le ministre, vous avez annoncé l'établissement de « schémas de services ». Mais en quoi ces schémas permettront-ils de répondre à la problématique spécifique des infrastructures ?
Je crains, pour ma part, qu'ils ne servent principalement à permettre à l'Etat de battre en retraite et de s'affranchir de ses obligations, peut-être une nouvelle fois au détriment des collectivités territoriales.
Venons-en aux incertitudes qui caractérisent la politique du Gouvernement et à l'inquiétude qu'elles suscitent.
Le flou qui caractérise la politique du Gouvernement s'est d'ores et déjà traduit dans plusieurs décisions parfois contradictoires et qui nous paraissent regrettables.
Le 9 juin dernier était annoncé le gel de la procédure d'enquête publique concernant le projet d'autoroute A 51 : Sisteron-Grenoble. Début juillet, le ministre des transports évoquait « un réexamen de certains programmes autoroutiers », tout en ajoutant qu'« aucun chantier ne serait arrêté ». Je pourrais évoquer les autoroutes A 28, A 16 ou l'autoroute des estuaires !
Dans le domaine ferroviaire, le même ministre a annoncé une modification de la réforme votée en février 1997, sans pour autant évoquer concrètement les grands chantiers ferroviaires et les tracés prévus.
En outre, le Gouvernement a décidé de mettre un terme à la procédure de création du canal Rhin-Rhône, alors même que celle-ci a déjà coûté des sommes importantes au budget de l'Etat et que l'évaluation des problèmes écologiques qui peuvent légitimement se poser n'a pas été réalisée de manière contradictoire et objective.
Je me demande si l'on a réellement envisagé les conséquences d'une telle décision. J'avoue même que j'en doute. Je constate, d'ailleurs, qu'un certain nombre de divisions se font jour dans la majorité sur ces sujets.
J'ai, par exemple, remarqué qu'hier, au Sénat, à l'occasion du débat sur les crédits de l'urbanisme, notre collègue Mme Beaudeau s'est émue de l'éventualité de la création d'un établissement public baptisé « Routes de France », lequel serait chargé d'assurer la péréquation des financements, permettant sans aucun doute, à terme, la débudgétisation des financements routiers.
Je note au passage qu'en matière de débudgétisation le Gouvernement continue d'utiliser les ressources affectées au fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, pour l'entretien des infrastructures, alors que nous entendions, jusqu'en juin dernier, la présidente du conseil régional du Nord - Pas-de-Calais pourfendre ce type de financement ! Ce fonds a été créé, je le rappelle, afin de financer les programmes nouveaux qui contribuent à l'aménagement du territoire.
Je pressens que, au sein même du principal parti de la majorité « plurielle », des interrogations subsistent en ce qui concerne l'abandon, en forme de « cadeau d'épousailles », du canal Rhin-Rhône. J'en veux pour preuves les déclarations que Mme Elisabeth Guigou, alors ministre délégué aux affaires européennes, avait faites lors d'un colloque tenu à Strasbourg en octobre 1991 : « Au moment où l'Europe centrale et orientale renaît à la liberté et, bientôt, à la prospérité, l'ouverture du canal de Bamberg à Kelheim rend possible la création d'un grand réseau transeuropéen de fleuves et de canaux à grand gabarit qui irriguera toute l'Europe centrale. Ce réseau, de Rotterdam à Bâle, de Strasbourg à Vienne, Budapest, Belgrade, Odessa, constitue un formidable instrument d'intégration du continent européen. »
A-t-on pris la mesure des implications de la décision d'abandonner le canal Rhin-Rhône vis-à-vis de nos partenaires européens ?
Au fond, nous faisons le bonheur d'une Europe rhénane, s'ouvrant sur la mer du Nord et sur la Méditerranée, non pas par Marseille, mais par la mer Noire. (Très bien ! sur les travées des Républicains et Indépendants.)
Songez que, aux Pays-Bas, les transports fluviaux qui gravitent autour du seul port de Rotterdam emploient 150 000 personnes et produisent 7,5 % du produit national brut !
Les Pays-Bas ont d'ailleurs décidé de consacrer 100 milliards de florins sur dix ans à des investissements, notamment fluviaux, destinés à la seule zone portuaire de Rotterdam !
Il est vrai que, nous, nous avons la solution miracle : les 35 heures ! Cela remplacera sans doute la politique d'aménagement du territoire des Pays-Bas !
M. Gérard Delfau. Cela n'a rien à voir !
M. Gérard Larcher. Compte tenu de la gravité des enjeux et des interrogations que soulève la politique du Gouvernement, le Sénat sera appelé, dans quelques jours, à décider de créer ou non une commission d'enquête pour examiner le devenir des grands projets d'infrastructure terrestre d'aménagement du territoire.
En ce qui me concerne, j'ai déjà eu l'honneur de rapporter la proposition de résolution devant la commission des affaires économiques et du Plan. Je souhaite que cette commission travaille de manière transparente, en suivant les principes de la méthode expérimentale, en dépassant nos frontières et en recherchant pourquoi ce qui est possible aux Pays-Bas ou sur le Main en Allemagne est strictement impossible chez nous.
Mes chers collègues, je dois dire qu'ici nous sommes particulièrement attachés à l'aménagement du territoire.
M. Gérard Delfau. C'est l'an passé qu'il fallait le dire !
M. Paul Raoult. Il fallait le dire l'année dernière !
M. Gérard Larcher. Mais, au-delà des mots, nous sommes attachés à l'aménagement du territoire de manière concrète. En même temps, nous sommes attachés à la préservation de l'environnement.
Je reste pourtant convaincu de la nécessité d'insérer notre pays dans les échanges européens. Je pense, naturellement, à l'avenir du port de Marseille, mais aussi à la façade maritime de la France.
Je crains, madame le ministre, qu'au nom de la modernité et de l'avenir vous ne meniez un combat d'un autre âge et que nous n'encourions dans quelques années le même grief que celui que nous adressent aujourd'hui les habitants de certaines zones rurales dans lesquelles les infrastructures de communication n'ont pas été réalisées à la fin du xixe siècle.
Madame le ministre, les infrastructures terrestres, notamment celles à vocation multiple, sont essentielles pour demain. Elles doivent permettre à notre pays de se désenclaver par rapport à cette Europe de plus en plus rhénale. Certaines de nos régions, ne l'oublions pas, sont encore enclavées ! J'ai en mémoire ce que disait M. Besse à l'occasion du colloque de Poitiers sur ce sujet.
De même, il serait nécessaire de prévoir des solutions alternatives à la route en matière de pondéreux entre le nord et le sud de notre pays. Ce n'est pas un TGV marchandises qui pourra remplacer la voie d'eau !
Madame le ministre, vous devriez plutôt nous proposer des investissements actifs dans une recherche appliquée pour mettre en place, en matière de transport, des solutions alternatives au moteur à explosion. Je n'ai pas eu l'impression que l'arbitrage ait eu lieu en votre faveur en ce qui concerne le gazole.
En raison de toutes ces incertitudes, parce que vous retirez à la France sans l'avoir étudié à fond et au fond (Exclamations sur les travées socialistes) les possibilités d'être réellement un trait d'union au coeur de l'Europe, parce que vous ne faites plus une priorité du désenclavement des parties les plus déséquilibrées du territoire, le groupe du RPR votera contre votre budget, non pas en raison des chiffres,...
M. Gérard Delfau. Naturellement, ils sont bons !
M. Gérard Larcher. ... mais parce qu'il recouvre une mauvaise politique de l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me bornerai à évoquer quatre problèmes d'ordre général après l'excellente présentation, par nos rapporteurs, MM. Besse et Pépin, du projet de budget qui nous est soumis.
Ma première observation concerne l'avenir de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, déjà évoquée et sur laquelle le Sénat avait imprimé son empreinte.
En matière d'aménagement du territoire, la continuité représente, me semble-t-il, un élement fondamental.
La loi du 4 février 1995 n'était, certes, pas parfaite, mais elle avait le grand mérite de tendre à dégager un certain nombre d'orientations sur vingt ans, en ce qui concerne aussi bien le rééquilibrage du territoire national que son insertion dans l'espace européen.
Puis-je me permettre de souhaiter, madame la ministre, que lors de la « revisitation » de cette loi, un certain nombre de points essentiels soient préservés ?
S'agira-t-il d'une loi qui s'inscrira plutôt dans la continuité ou sera-ce une loi de rupture ? C'est évidemment un point fondamental, notamment pour l'élaboration des schémas nationaux, régionaux et sectoriels. Cette élaboration est déjà bien engagée, mais elle nécessite une définition du contexte dans lequel elle peut se poursuivre.
Il est également important pour l'avenir de connaître la façon dont seront envisagés, dans la loi « revisitée », l'avenir du pays et celui des agglomérations. S'agissant du pays, il est nécessaire que celui-ci demeure un espace de coopération pertinent, et qu'il ne devienne, en aucun cas, un échelon de collectivité territoriale. Nous en avons plutôt trop !
Ma deuxième observation concerne les réseaux transeuropéens. La construction de l'Europe dépend aussi, et pour beaucoup, des voies fluviales, aériennes, autoroutières et ferroviaires à grande vitesse.
Pour ce qui des voies fluviales, je respecte, madame la ministre, vos convictions, en particulier en ce qui concerne telle ou telle voie fluviale. Pour ma part, je ne les partage pas, car je suis persuadé que la voie fluviale, surtout à l'échelon d'une Europe qui s'élargit vers l'Est, est une voie d'avenir. (M. Gérard Larcher fait un signe d'approbation.)
La France ne doit pas être marginalisée. Or, nous constatons que l'Allemagne, non seulement a réalisé la liaison Rhin-Main-Danube, mais s'engage dans la réalisation d'une grande voie reliant l'Elbe à l'Oder.
M. Gérard Larcher. Tout à fait !
M. Daniel Hoeffel. Attention aux risques de marginalisation !
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. En ce qui concerne les TGV, je crois que le TGV Est européen et le TGV Rhin-Rhône ont à accomplir une mission d'amarrage à l'espace européen. Or j'ai de sérieuses craintes s'agissant de la place du grand Est français dans la politique d'aménagement du territoire.
A l'heure où Paris va être relié à Bruxelles en TGV en une heure vingt minutes, Strasbourg demeure à quatre heures de Paris. Ne marginalisons pas la façade Est de la France en laissant nos zones frontalières dépendre d'un réseau moderne de communications de nos voisins de l'Est, faute d'un intérêt national suffisant pour les liaisons avec Paris.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Je le dis avec appréhension et gravité : les conséquences d'un tel état de fait seraient incalculables sur le plan à la fois économique, psychologique et politique.
Ma troisième remarque concerne les fonds structurels. Les prochaines échéances pour la négociation de la troisième génération seront nécessairement plus ardues que les précédentes.
On pourra difficilement concilier le maintien au même niveau de notre contribution à l'Europe, l'ouverture vers les pays d'Europe centrale, avec tout ce que cela suppose sur le plan de la solidarité à leur égard, et le maintien des avantages acquis sur notre propre territoire. Je mesure la difficulté de la tâche qui vous attend, madame la ministre.
Or les fonds structurels constituent un élément essentiel de l'aménagement du territoire. Je suis persuadé que le fait que Valenciennes ait été classée en objectif 1 a probablement représenté un atout dans son jeu au niveau de l'attraction exercée envers Toyota.
Pourra-t-on, dans l'avenir, moins saupoudrer et plus concentrer ? C'est une question que nous devons nous poser en sachant que l'aménagement du territoire, c'est non pas le nivellement du territoire, mais une réduction des inégalités les plus flagrantes et le renforcement des points les plus forts et les plus attractifs de notre territoire.
Enfin, s'agissant des fonds structurels, il faut une subsidiarité au niveau des Etats et, au sein de ceux-ci, une forte décentralisation en direction des collectivités locales afin que ces fonds soient mis en oeuvre à ce niveau. C'est un gage d'efficacité et de rapidité.
Je termine mon propos en souhaitant qu'il y ait une conception commune de l'aménagement du territoire à l'échelon européen. La juxtaposition de politiques nationales ne donne pas un aménagement du territoire européen. Il faut une vision commune.
Nous avons, en 1995, rejeté le schéma de « l'inacceptable » à l'échelon européen. Où en est le schéma du « souhaitable » ? En effet, la construction de l'Europe, c'est aussi une politique d'aménagement de l'Europe à laquelle la France se doit d'apporter une contribution essentielle. A cet égard, je fais confiance à ceux qui auront la délicate mission d'engager les négociations en la matière. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne détaillerai pas l'évolution des crédits consacrés à l'aménagement du territoire puisque ceux-ci ont été fort bien rappelés et analysés par nos rapporteurs ; je partage leur constat.
Je souhaite axer mon intervention sur l'un des dispositifs de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 : je veux parler des pays. Il vous appartiendra, madame la ministre, ainsi qu'au Gouvernement auquel vous appartenez, de faire en sorte que nous puissions parler un jour prochain de véritable politique des pays. Un mouvement s'est dessiné fortement sur le terrain depuis deux ans, avec la création de plus de deux cents pays, et il convient de le soutenir. Les décisions que vous prendrez en vue de la révision de la loi de 1995 seront, à cet égard, déterminantes.
M. le rapporteur pour avis a brossé un bilan très complet de l'application de ce texte législatif important auquel le Sénat avait, en son temps, imprimé sa marque. J'avais moi-même, au cours de la discussion, plaider en faveur de dispositifs souples permettant de dynamiser les initiatives des acteurs locaux, en m'appuyant sur une expérience de quarante ans dans mon département de l'Isère. Je reviendrai tout à l'heure sur cet exemple et je me permettrais de formuler quelques remarques.
Nos excellents rapporteurs ont également soulevé avec pertinence les interrogations qui demeurent quant à l'intention du Gouvernement de modifier la loi de 1995.
L'une d'elles concerne précisément le devenir des pays. Vos intentions, madame la ministre, sont encore trop floues à cet égard, et je souhaite, comme MM. les rapporteurs, que vous puissiez éclairer le Sénat sur la manière dont vous envisagez de conforter le mouvement.
Mon expérience personnelle est révélatrice de l'aspiration des acteurs de terrain à la souplesse institutionnelle. Pardonnez-moi d'insister en ce lieu sur ma propre expérience, mais ce qu'il faut en retenir est, à mon sens, instructif sur un plan plus général.
Le pays de Bièvre-Valloire, que j'ai modestement contribué à constituer en Isère, a été l'un des premiers à être reconnu comme « pays expérimental » dans le cadre de l'application de la loi. L'encadrement législatif prévu par l'article 23 a permis à une action pluridécennale de ce type, conduite dans le cadre intercommunal, d'être valorisée.
Le district, qui est le premier district rural de France et qui fédère, depuis, trois communautés de communes regroupant soixante communes au sein d'un syndicat mixte, avait en effet près de quarante ans d'existence. Il affichait un bilan fédérateur d'actions d'aménagement entre les collectivités locales toutes tendances politiques confondues, et j'insiste sur ce point.
En 1993, un pas supplémentaire avait été franchi avec la constitution d'une association entre tous les partenaires, à savoir les élus locaux, les acteurs socioprofessionnels et les représentants du monde associatif, pour l'élaboration d'un projet global d'aménagement et de développement pour ce territoire.
Au début de la présente année, un contrat global de développement a été signé entre l'Etat, la région Rhône-Alpes, le département de l'Isère et le syndicat mixte précité.
En dehors d'actions de communication pour renforcer l'identité du pays, ce contrat s'articule autour de deux axes de développement : d'une part, la relance de la dynamique de l'emploi et des actions en faveur de l'insertion sociale et professionnelle et, d'autre part, l'amélioration de la qualité des services et du cadre de vie.
Le programme atteint 130 millions de francs sur cinq ans, financés par l'Etat, la région, le département, le syndicat mixte et des participations privées, telles que celles des agriculteurs, des entreprises, des acteurs du tourisme et des associations ; j'insiste sur ce dernier point.
Je souhaite, en premier lieu, appeler votre attention, madame la ministre, sur les financements de l'Etat. Sur la part de celui-ci, près de la moitié des fonds proviennent du FNADT. Un financement a été acquis ainsi cette année, de haute lutte, pour des projets de développement économique. Le maintien de l'engagement de l'Etat à l'avenir ne manque pas d'inquiéter, car on note une réduction des crédits du FNADT dans votre budget, et ceux du FGER ne cessent de diminuer.
Les informations que nous avons sur le terrain concernant les intentions de réforme de la loi du 4 février 1995 vont dans le sens d'un renforcement de la politique des pays en milieu rural, avec des contrats particuliers signés entre l'Etat, les régions et les pays, contrats particuliers qui seraient annexés au futur contrat de plan Etat-région.
Or il est absolument nécesaire que l'Etat dégage des moyens financiers pour accompagner cette politique de contractualisation autour d'objectifs partagés d'aménagement du territoire. Pouvons-nous compter sur votre vigilance à ce sujet, madame la ministre ?
Je souhaite, en second lieu, insister sur la nécessité de conserver aux pays la souplesse de réalisation que leur a conférée le législateur en 1995. Bien entendu, un travail d'approfondissement doit être conduit et, à cet égard, les orientations définies par la DATAR méritent qu'on s'y attarde.
Le pays doit, en effet, rester un lieu privilégié de la concertation locale. Cette expression sied bien, d'ailleurs, à sa portée originale.
J'ai personnellement obtenu la création, au côté du syndicat mixte, d'un comité économique et social rassemblant notamment des personnalités des organisations syndicales, patronales et des chambres de métiers, destiné à contrôler l'action des élus au sein du syndicat et à proposer des idées novatrices.
C'est, en effet, en rassemblant tous les acteurs, les élus et les forces vives économiques, associatives et sociales qu'il est possible de réellement avancer, avec toutes les chances de faire bouger les choses.
En conclusion, je vous invite, si vous le permettez, madame la ministre, à regarder attentivement les laboratoires in vivo que sont les pays, afin que votre réforme soit conforme aux réalités et aux enjeux du terrain. Tel était le sens de mon propos.
La concertation entre l'Etat et les acteurs locaux est essentielle, afin de convenir d'un dispositif durable, au financement pérenne, qui complète les politiques locales d'aménagement plus classiques. Je vous remercie des réponses que vous voudrez bien m'apporter. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la descente aux enfers est donc achevée pour l'aménagement du territoire. Il était temps !
Après trois années de forte régression des crédits, la loi de finances pour 1998 présente un budget en augmentation de plus de 6 %, ce qui est très significatif par rapport aux baisses précédentes. Rappelons à nos collègues de la majorité sénatoriale la litanie de la honte : baisse de 5 % dans la loi de finances de 1995, première année du gouvernement Balladur, de 12 % dans celle de 1996 et de 14 % dans celle de 1997 ; record absolu pour M. Juppé !
Si un changement de majorité ne s'était pas opéré cette année, il était à craindre que ne soient remis en cause la notion même d'aménagement du territoire et le principe d'une intervention publique pour corriger les inégalités. Il est vrai qu'à l'assèchement rapide des financements a correspondu une période d'inflation verbale sur le thème du développement ou de la solidarité. Nous avons même assisté à une hyperactivité législative, sur l'initiative de nos collègues Charles Pasqua et Daniel Hoeffel, avec le chantier de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
Il n'est pas dans mes intentions de dénigrer le travail accompli alors, même si l'inspiration générale en était par trop jacobine, ni même de mettre en doute la sincérité du ministre de l'intérieur et de son ministre délégué de l'époque qui conduisirent avec brio ces débats.
Mais, force est de constater que le gouvernement suivant, celui de M. Juppé, s'empressa d'enterrer les articles les plus innovants, notamment l'article 29, et mit beaucoup de zèle à ne pas augmenter les fonds que la loi avait institués, notamment en faveur de la création d'entreprises ou de l'espace rural.
Le groupe socialiste vous sait gré, madame la ministre, d'avoir obtenu des arbitrages financiers favorables qui permettent de réamorcer une politique nationale d'aménagement des territoires, et j'emploie le pluriel sciemment.
En revanche, je me frotte les yeux à la lecture des rapports de nos excellents rapporteurs. Compréhensifs hier, avec toute la majorité sénatoriale, quand ce budget était sinistré, ils n'ont pas de mots assez durs aujourd'hui pour celui que vous présentez. Cette attitude est dérisoire et peu digne, à vrai dire, de la Haute Assemblée.
Est-ce à dire que les moyens dégagés sont à la hauteur des besoins ? Bien sûr que non ! Avec près de 1,8 milliard de francs, le budget de l'aménagement du territoire demeure un petit budget d'intervention qui vient en aide à des départements ministériels mieux lotis, comme l'équipement et les transports, ou en complément au financement européen, à concurrence de quelque 10 milliards de francs. Et, bien sûr, il s'ajoute à l'effort des différentes collectivités locales.
Quelque 60 milliards de francs, dispersés dans les différents fascicules budgétaires, ressortissent, selon les spécialistes, à l'action en faveur de l'aménagement du territoire. Toutefois, les crédits dont vous disposez permettent, grâce au bras armé qu'est la DATAR, de prendre une foule d'initiatives et ont un pouvoir démultiplicateur considérable. C'est pourquoi leur montant est emblématique du degré de volontarisme de tout gouvernement. Espérons qu'ils progresseront encore l'an prochain et que la DATAR, je le dis au passage, obtiendra un meilleur traitement pour son fonctionnement.
Après ces considérations d'ordre général, j'aborderai, compte tenu du peu de temps qui m'est imparti, quelques questions concrètes.
S'agissant des fonds spécialisés, ne pensez-vous pas qu'il est urgent de rééquilibrer les interventions et de moderniser les outils financiers qu'ils représentent ? Qu'en est-il, par exemple, de l'application d'une politique dite « intermodale » dans le domaine des transports ?
Bref, nous engageons-nous, fût-ce prudemment, vers une forme de développement durable dans ce secteur sensible ?
Pensez-vous, par ailleurs, procéder rapidement à une redéfinition de la prime d'aménagement du territoire afin que l'effort de la nation ne se concentre pas sur les gros dossiers, représentant plus de 20 millions de francs et plus de vingt emplois, en ignorant délibérément le tissu des PME et des très petites entreprises, qui constituent le maillage économique de nos bassins d'emplois ?
A ce propos, comment s'expliquer qu'après trois ans d'exercice le Fonds national de développement des entreprises, fleuron de la loi Pasqua, n'ait toujours pas été doté ? L'argument selon lequel on attendrait la modification de la loi d'orientation me paraît aussi peu convaincant que le milliard de francs virtuel que lui avait in extremis alloué M. Juppé sur le produit d'hypothétiques rentrées.
En fait, ce fonds est victime de l'ostracisme de Bercy, du corporatisme des assemblées consulaires et du lobby des grandes entreprises, qui se partagent, année après année, l'argent de l'Etat, tout en se réclamant, évidemment, du plus pur libéralisme.
Cette absence de soutien à la création de petites entreprises explique, pour partie, l'atonie de notre système économique et l'ampleur du chômage. Plusieurs grands réseaux de développement local vont publier un manifeste à ce sujet. Puissiez-vous les écouter et, au sein du Gouvernement, être notre porte-parole.
S'agissant de la révision de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et plus particulièrement de la notion de pays, qui doit aboutir à une procédure opérationnelle en matière de schéma départemental et national des services publics, il y a urgence. En effet, toutes les entreprises publiques, notamment La Poste, la SNCF et EDF-GDF, ne cessent de tourner le moratoire et de procéder à des restructurations. En ce domaine, il faut aller vite, madame la ministre, mais aussi innover. Je déposerai, au début de 1998, à la DATAR, la version définitive du rapport qui m'a été confié sur la polyvalence des services publics et dans lequel je m'efforce de dégager de nouvelles pistes.
S'agissant du concept de pays, on voit bien le tir de barrage de ceux qui y décèlent un risque pour l'intercommunalité. Ne conviendrait-il pas que la discussion soit délibérément orientée sur le degré de démocratie participative et sur la fonction de support à des programmes du type de celui qui concerne les emplois-jeunes que ce nouvel échelon territorial peut représenter puisqu'il n'a pas vocation à se substituer à la coopération intercommunale ?
Je présenterai une dernière remarque à propos des contrats de plan Etat-régions. Il faut d'abord, madame la ministre, que les engagements pris soient honorés jusqu'à leur terme, c'est-à-dire jusqu'en 1998. Il convient aussi de remédier au déficit démocratique qui fait que, depuis le début, ou presque, c'est une démarche descendante qui prévaut sur une élaboration locale en concertation avec les acteurs de terrain.
Telles sont les observations que je voulais présenter, madame la ministre. Je souhaitais aussi vous poser quelques questions sur le plan local, mais je le ferai par écrit.
Je conclus en disant que notre groupe votera votre projet de budget et vous fait confiance pour relancer une politique d'aménagement du territoire si chère à notre Haute Assemblée mais que les deux précédents gouvernements avaient sabordée. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Madame la ministre, c'est, si j'ose dire, par le canal de l'examen du budget de votre ministère que nous abordons le sujet quasiment fétiche de la Haute Assemblée : l'aménagement du territoire.
En effet, ici au Sénat, et sans doute plus qu'ailleurs, l'aménagement du territoire est conçu et vécu comme une ardente obligation.
Nous l'avons en quelque sorte réinventé, voilà deux ans, par notre très important apport à la loi d'orientation.
Nous en attendions, nous en attendons toujours, même modifiés, que les objectifs, les mécanismes, les fonds d'intervention mis en place soient opérationnels pour que cesse enfin, dans l'intérêt même de la nation, cette fracture toujours ouverte entre les métropoles mégalomanes qui s'auto-asphyxient et le monde rural qui s'étiole dans sa solitude, sa désertification et son angoisse du lendemain.
Pour y avoir beaucoup cru, nous sommes aujourd'hui singulièrement déçus... et pour demain, singulièrement inquiets.
La politique d'aménagement du territoire est en panne. Ce fut souvent une panne sèche : peu ou pas d'argent dans les fonds annoncés.
Elle est victime aussi d'un manque de volonté, de cette sorte de laisser-aller qui a fait accrocher à la lune les nombreux décrets d'application et schémas nationaux, régionaux, sectoriels sans lesquels la loi n'est qu'une généreuse annonce.
Il faut le dire et le regretter : avant même votre arrivée aux affaires, la politique d'aménagement du territoire avait été mise, si j'ose dire, entre parenthèses.
Bref, si, aujourd'hui, je devais accompagner d'une musique la politique d'aménagement du territoire, c'est la Marche funèbre de Chopin que je choisirais. (M. Raoult s'exclame.) Pour l'instant en effet, vous et moi, comme beaucoup d'autres, sommes en train de conduire le deuil d'une politique que, je vous l'ai dit, nous avions conçue avec réalisme, enthousiasme et espérance.
Le réalisme, nous le gardons parce qu'il s'impose. L'enthousiasme, il est singulièrement retombé.
Quant à l'espérance, nous l'avons perdue ! Nous craignons de ne pas la retrouver dans le projet de loi que vous nous annoncez pour l'an prochain. En effet, si hier, ce n'était pas vous, aujourd'hui et demain, madame la ministre, c'est et ce sera bien vous !
Au moment, donc, où s'annonce la reprise de cette symphonie pastorale inachevée, il n'est pas illégitime, sans a priori excessifs, de vous demander si, partagée entre la flûte de pan et la batterie, vous allez être le meilleur musicien d'un aménagement du territoire revu et corrigé par la majorité « plurielle » d'un gouvernement au comportement souvent singulier.
Vos ardentes et prosélytes convictions écologistes au service d'un département ministériel qui, pour la première fois, associe l'environnement et l'aménagement du territoire, peuvent légitimement, sans doute à tort, nous amener à cette question essentielle : entre l'aménagement du territoire, avec ses impératifs, ses urgences et ses contraintes, et l'environnement, qui peut dans l'excès en être souvent le contraire, quelles priorités allez-vous privilégier ?
L'interrogation se double d'une évidente inquiétude quand on sait avec quelle pugnacité, quelle conviction, quelle rapidité, vous avez annoncé - et cela a été rappelé - l'assèchement de l'ambition Rhin-Rhône, l'arrêt de Superphénix, au mépris de notre politique de recherche, et le risque, en tout premier lieu, d'enterrement des nouvelles pistes de Roissy. Toutes annonces ou décisions qui, dans l'esprit de tous, s'apparentent plus à un déménagement qu'à un aménagement du territoire.
Cette inquiétude est aggravée encore par la mission même que M. le Premier ministre vous a confiée en vous invitant à réformer la loi d'orientation « afin que toutes les dimensions écologiques, culturelles et économiques du développement soient prises en compte dans les régions ».
Notons au passage que, dans cette énumération des objectifs, l'économie arrive en troisième position derrière l'écologie et le culturel. On peut craindre que le projet de loi que vous allez nous soumettre au printemps ne soit une sorte de « printemps de Prague » de l'aménagement du territoire. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Toutes ces interrogations sont largement partagées par les excellents rapporteurs, MM. Besse et Pépin. Ils s'en font l'écho dans leur analyse budgétaire.
Il est donc d'actualité, pour toutes ces raisons, de les évoquer.
Au moment où vous allez ouvrir votre prochain chantier d'aménagement du territoire, il semble utile de le situer dans le temps et dans son temps.
La nouvelle politique à laquelle vous allez nous inviter interviendra dans les turbulences de la réforme de la politique agricole commune et, par voie de conséquence, sur fond d'inquiétude, si ce n'est de colère, du monde agricole et du monde rural qui l'environne et l'accompagne.
Quand vous allez redessiner le visage de la France de l'an 2000, n'oubliez jamais que le monde rural n'est pas, et ne veut pas être, un espace de respiration entre les métropoles en croissance à contrôler.
Or, le monde rural, c'est d'abord le monde agricole, à qui, effectivement, on ne peut pas réserver un destin inacceptable et qui est menacé par ce fameux « paquet Santer », lequel, s'il était appliqué, ramènerait la France très loin en arrière, sûrement au règne de Jean sans Terre. En effet, ce paquet annonce une certaine désertification, celle-là même qui, à l'appel, en particulier, du Sénat, a conduit MM. Pasqua et Hoeffel à nous proposer la loi d'orientation à laquelle, on le sait, nous avons apporté tout notre concours par le biais d'observations riches et nombreuses.
Je pense, madame la ministre, que vous n'apporterez pas à cette loi qui se trouve en difficulté le secours de votre thérapeutique et de votre diagnostic. (Sourires.)
Je voudrais vous rappeler aussi que cette réforme, la vôtre demain, se situera au lendemain de l'installation des nouvelles assemblées régionales, et avant les contrats de plan dans la perspective des nouveaux zonages européens de la troisième génération, c'est-à-dire sans doute la fusion des objectifs 5 b et 2 b, et vraisemblablement une notable diminution des superficies dont bénéficie à ce jour notre pays, puisque demain, dans l'Europe élargie aux plus pauvres, la France ne sera pas la plus pauvre.
C'est dire tout le poids des événements extérieurs qui vont peser sur votre esquisse et votre projet. Nous souhaitons, face à ces contraintes de l'intérieur et de l'extérieur, qu'il garde l'essentiel de l'armature que la loi d'orientation lui a donnée, c'est-à-dire le maintien de tous les fonds dont on a beaucoup parlé ce matin : le fonds de gestion de l'espace rural, qui est mal doté, mais qui se révèle être un outil indispensable à l'aménagement rural, et le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, fonds très important puisqu'il peut concourir à la rénovation et à la modernisation, entre autres domaines, des lignes de chemins de fer qui sont les artères en matière de rénovation et d'irrigation du monde rural.
Je pense en particulier, madame la ministre, à la liaison Paris-Châteauroux-Brive-Limoge-Toulouse, adaptée au pendulaire. Je pense aussi au fonds de péréquation des transports aériens, organisme dans lequel je représente le Sénat et qui va se réunir la semaine prochaine sous la présidence de votre collègue de l'équipement, des transports et du logement.
Si j'ai énuméré ces fonds, c'est parce que le Sénat y tient et espère que vous l'entendrez. Dans tous les départements, à l'invitation de la loi, et le plus souvent en accord avec les politiques régionales de ce jour, ont été mis en place les pays. Ils peuvent être de bons interlocuteurs dans toutes les missions qui leur seront confiées ou plus exactement celles qu'ils se seront données. Nous tenons cependant à rappeler qu'il est, dans notre esprit, totalement exclu qu'ils soient un nouvel échelon d'administration. Si nous souhaitons leur maintien, nous souhaitons aussi une plus grande clarification de leurs compétences dans l'organisation territoriale du département auquel ils appartiennent exclusivement.
Greffées sur la présentation du projet de budget, ces indications qui peuvent avoir valeur de « pré-amendements » s'inscrivent, selon nous, dans la logique de notre démarche. Nous espérons que vous voudrez bien en accepter l'augure, en espérant que bientôt, allant au-delà de ce que vous avez dit devant le Conseil national d'aménagement du territoire, nous puissions savoir si le ministre de l'aménagement du territoire pourra, dans l'aménagement de la France de demain, dire quelquefois « non » au ministre de l'environnement. Ainsi, renaît, par le paradoxe de votre ministère à deux têtes, l'antique symbole de Janus... Et, pour l'heure, ne sachant à quelle face me référer, je ne voterai pas ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Barraux.
M. Bernard Barraux. Le moins que l'on puisse dire, madame la ministre, c'est que l'aménagement du territoire ne nous paraît pas être votre priorité absolue.
Depuis votre arrivée au Gouvernement, vous semblez vous être plus attachée à démolir ce que vos prédécesseurs avaient tenté d'élaborer qu'à le réformer ou à l'améliorer. La presse s'en est d'ailleurs largement fait l'écho, et nombre d'intervenants en ont parlé, qu'il s'agisse de l'abandon de Superphénix ou du canal Rhin-Rhône, tout cela avec un sens de la concertation qui nous paraît pour le moins discutable.
Votre programme, madame la ministre, tient en une phrase : réformer la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire afin que toutes les dimensions écologiques, culturelles et économiques du développement soient prises en compte dans les régions.
Ce programme nous semble assez maigre.
Quelle sera l'ampleur de la réforme ? Quand sera-t-elle examinée par le Parlement ? A ces deux questions qui, pour nous, sont fondamentales, vous n'avez toujours pas répondu très clairement.
Vous avez également annoncé, peu de temps après votre entrée en fonctions, une remise à plat de l'avant-projet de schéma national d'aménagement et de développement. Où en sommes-nous ?
Certes, les crédits de l'aménagement du territoire progressent de 6 %. Cependant - cela a été souvent vérifié et nous en avons beaucoup parlé depuis le début de l'examen de ce projet de loi de finances - un bon budget n'est pas forcément un budget en augmentation.
Je ne parlerai pas de la hausse de la PAT qui est une des raisons pour lesquelles ce projet de budget croît. Je ne reprendrai pas non plus les propos de M. le rapporteur spécial, qui s'est parfaitement exprimé sur ce sujet ; nous partageons totalement son analyse.
La réduction des crédits accordés au Fonds national d'aménagement et de développement du territoire est un choix suspect. Pourquoi ne pas transférer les crédits inutilisés de la PAT vers ce fonds ?
La loi du 4 février 1995 avait créé différents fonds concourant au rééquilibrage du territoire. Le FGER, le fonds de gestion de l'espace rural, doté par le ministère de l'agriculture, subit une réduction continue. Je partage le point de vue de M. le rapporteur : le FGER a besoin d'un financement provenant du ministère de l'aménagement du territoire. Par ailleurs, il semble que le Fonds national de développement des entreprises ne sera doté qu'à partir de 1998.
L'examen de votre projet de budget, madame le ministre, nous conduit à penser que vous n'avez pas suffisamment pris en compte l'importance que présente l'aménagement du territoire. Vos choix ne correspondent pas à notre attente. Le véritable objectif, c'est, selon nous, avant tout atteindre un but très précis : une meilleure répartition de la population entre certaines grandes villes et le reste du territoire. En effet, dans certaines parties de celui-ci - il faut toujours le répéter et avoir ce fait présent à l'esprit - sont en voie de disparition non pas quelques espèces animales que vous vous attachez à sauver, mais les hommes !
M. Jacques Oudin. Absolument !
M. Bernard Barraux. En certains endroits, la densité de population est proche de celle du Sahel, avec deux ou trois habitants au kilomètre carré !
Quelle réflexion profonde avez-vous mené sur l'avenir de notre espace national ? Vous avez annoncé devant la commission des finances un plan d'aide en faveur du monde rural doté de 88 milliards de francs. Très bien ! Quand sera-t-il lancé ? Quand le Parlement aura-t-il à en débattre ? Comment sera-t-il financé ?
Récemment, l'association nationale des acteurs des zones de revitalisation rurale, les ZRR, a tenu son premier congrès sur le thème : « ZRR, une chance pour la politique de la ville ». Votre absence, madame le ministre, a été cruellement ressentie par les élus locaux qui assistaient à ce congrès.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je n'étais pas invitée !
M. Bernard Barraux. Ne vous étonnez pas de la vivacité de mes propos, car nous craignons très sincèrement que l'aménagement du territoire ne soit à cent lieues de vos préoccupations.
Votre calendrier vous permettra-t-il d'assister au comité interministériel de l'aménagement et du développement du territoire du 15 décembre ? Ce CIADT est pour nous un événement très attendu, car il devrait marquer la première grande prise de position du Gouvernement sur ce très grave problème qu'est l'aménagement du territoire.
Des rumeurs semblent aujourd'hui annoncer que seules quelques mesures ponctuelles concernant certaines parties du territoire devraient être prises. Si tel devait être le cas, nous serions nombreux à exprimer notre déception. En effet, les élus locaux attendent de ce CIADT la définition d'une vraie politique s'inscrivant dans la durée, une démarche globale en faveur de l'aménagement du territoire national. C'est pourquoi nous patienterons jusqu'à la mi-décembre et jugerons alors sur pièces votre ambition pour la France.
En tout état de cause, votre projet de budget, quoique en augmentation, ne fait pas à nos yeux de l'aménagement du territoire une priorité suffisamment marquée. Votre politique nous semble floue et ambiguë. Trop de questions demeurent sans réponse. C'est pourquoi mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même, suivant en cela la commission des finances et la commission des affaires économiques, ne voterons pas en faveur des dispositions du projet de loi de finances concernant l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Madame la ministre, à l'occasion de ce débat, je voudrais attirer votre attention sur deux dossiers qui me paraissent déterminants pour l'avenir de la politique d'aménagement du territoire : les zones de revitalisation urbaine et la réforme des fonds structurels.
Les zones de revitalisation rurale recouvrent, je le rappelle, 40 % du territoire, mais comptent seulement 4,5 millions d'habitants.
La loi d'orientation de 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire avait, afin de rétablir l'équité entre les territoires, défini et identifié différentes zones prioritaires, tant en milieu urbain qu'en milieu rural, les zones de revitalisation rurale correspondant aux zones les plus fragiles des territoires ruraux.
Les zones urbaines ont déjà bénéficié d'un pacte de relance pour la ville en 1996, ce qui allait dans le bon sens. En revanche, les zones de revitalisation rurale demeurent dans l'attente de la loi spécifique prévue par l'article 61 de la loi de 1995. Cette situation prive ces région fragiles de moyens efficaces d'intervention et diminue leurs chances de prendre un nouvel élan.
Il est donc urgent de relancer le plan en faveur du monde rural, et plus particulièrement des zones de revitalisation rurale. Certes, des dispositions ont déjà été mises en oeuvre, et je n'y reviendrai pas ; mais je voudrais insister sur plusieurs propositions.
La première concerne les crédits du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, qui, je le regrette, sont en diminution.
Sur ce fonds, je proposerai que priorité soit donnée aux projets de développement dans les zones de revitalisation rurale, sachant que, par ailleurs, ces zones sont souvent exclues de toute aide, leurs projets n'étant pas jugés suffisamment importants.
Je prendrai pour exemple la prime à l'aménagement du territoire, qui ne s'applique qu'aux entreprises de vingt salariés et plus. Elle n'a donc pas d'effet dans le cas d'un artisan, par exemple, qui, fort d'un bon carnet de commandes, souhaite engager un ou deux salariés. Deux salariés, cela vous paraît peut-être bien peu, madame le ministre ; mais, dans nos régions, créer deux emplois contribue au développement et à la fixation des hommes sur leur territoire.
Ces zones de revitalisation rurale sont les plus fragiles. Leur équilibre démographique et économique reste précaire. Aussi devons-nous leur donner les moyens de devenir plus attractives.
Le monde rural attend un plan d'ensemble analogue à ce que fut, en 1996, le pacte de relance de la ville. C'est dans ce sens que se fera un réel équilibrage du territoire.
Une autre proposition concerne les nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Ces nouvelles technologies ont soulevé bien des espoirs dans les zones isolées, particulièrement en montagne, car elles auraient dû donner, de façon déterminante, des outils indispensables à leur développement.
Rien ne s'y opposait. Cependant, nous constatons avec regret que les grands opérateurs vont toujours vers les zones les plus peuplées.
M. Roger Besse, rapporteur spécial. Eh oui !
Mme Janine Bardou. Pourtant, les zones rurales sont tout à fait aptes à recevoir ces services. C'est possible, notamment par la mise en place d'un réseau multimédia d'application interactive aux qualités suffisantes et au tarif raisonnable.
A cet égard, je citerai l'exemple de la création, dans l'un de ces petits collèges ruraux à faible effectif que nous avons parfois de la difficulté à maintenir, d'un cours d'allemand par vidéotransmission, alors qu'il n'était pas possible de disposer d'un poste d'enseignant pour seulement cinq ou six élèves. Ces techniques permettent, dans ces petits collèges, d'offrir un éventail plus large de disciplines et d'éviter le départ des élèves vers d'autres établissements plus importants situés en milieu urbain. Voilà un facteur de maintien de la population.
Rééquilibrer le territoire, c'est aussi poursuivre une politique de délocalisation ; mais celle-ci ne doit pas se limiter à la seule délocalisation des administrations d'Ile-de-France vers les grandes métropoles régionales, qui reconcentrent, à un autre niveau, ces mêmes services.
Nous devons donc engager une réflexion pour aller plus loin dans ce domaine. Pourquoi ne pas envisager des délocalisations de la région vers les départements ou vers des villes moyennes, voire des petites villes ? C'est une logique d'échelle adaptée.
Le deuxième dossier concerne la réforme des fonds structurels, car on ne peut pas parler d'aménagement du territoire sans souligner la place de l'Europe dans cette politique, les fonds structurels représentant, en effet, environ 30 % de l'investissement public et venant compenser les réductions des crédits nationaux.
Aujourd'hui, il est difficile d'avoir une idée précise du fonctionnement exact de la politique structurelle pour la période 2000-2006 ; certaines craintes s'expriment donc dans les zones les plus fragiles de revitalisation rurale et dans les zones de montagne devant ces nouveaux enjeux qui impliquent de profondes modifications dues, en partie, à l'élargissement de l'Union européenne.
Ces inquiétudes portent sur différents aspects de l' Agenda 2000 : les crédits, les zones éligibles et les objectifs.
S'agissant des crédits, compte tenu de l'élargissement de l'Union européenne, les perspectives financières proposées par la Commission laissent entrevoir, pour la période à venir, une diminution des fonds structurels, en particulier pour la France qui bénéficie actuellement d'une partie importante des crédits de l'objectif 5b.
S'agissant des zones éligibles, la redéfinition des zones va se poser avec beaucoup d'acuité. Une nouvelle délimitation pourrait avoir pour conséquence une diminution importante des zones couvertes actuellement par cet objectif.
Par ailleurs, la Commission propose de ramener les objectifs des actions structurelles de six à trois.
Dans cette perspective, les zones de revitalisation rurale seront-elles intégrées à l'objectif 2, qui viserait les zones les plus en difficultés, zones urbaines et rurales confondues ? Cependant, ce dispositif un peu « fourre-tout » ne risque-t-il pas d'opposer, à terme, le rural et l'urbain ? Telle est la question que nous nous posons dans les zones de montagne et dans les zones de revitalisation rurale.
Voilà autant d'interrogations auxquelles il est aujourd'hui difficile de répondre mais qui conditionnent pourtant l'avenir de la politique d'aménagement du territoire de la France.
Enfin, je me permets de souligner que nulle part, dans l' Agenda 2000, la montagne n'est citée à quelque titre que ce soit.
M. Roger Besse, rapporteur spécial. C'est exact !
Mme Janine Bardou. Le dossier Agenda 2000 donnera lieu, madame le ministre, à de longues et dures négociations au cours desquelles chaque Etat défendra âprement ses intérêts.
Nous comptons donc sur le Gouvernement pour faire valoir avec vigueur nos justes revendications.
Telles sont, madame le ministre, les quelques réflexions que je voulais vous soumettre. La politique d'aménagement du territoire n'a de sens que si chaque territoire, qu'il soit urbain ou rural, trouve son équilibre. A ce titre, les zones les plus difficiles ne doivent pas être abandonnées. La population qui vit et travaille sur ces territoires lutte à sa manière contre la désertification et doit donc être soutenue. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la politique d'aménagement du territoire a besoin de temps et de moyens. Elle nécessite une action volontaire et un engagement durable pour porter ses fruits. L'aménagement du territoire demeure, en cela, un vaste et perpétuel chantier.
Le gouvernement de Lionel Jospin a clairement indiqué sa volonté de doter d'une nouvelle importance la politique d'aménagement du territoire. Nous lui donnerons de nouvelles perspectives en terme de moyens et de cadre législatif.
Cette volonté s'est traduite dans ce projet de budget par une nette augmentation des crédits consacrés au développement et à l'aménagement du territoire. Au total, ce sont près de 6 milliards de francs de crédits nationaux cumulés qui seront mobilisés et plus de 11 milliards de francs de crédits européens qui sont susceptibles d'être engagés en 1998.
Le contraste avec les deux années qui ont suivi la loi Pasqua est saisissant : Les « ambitions » du gouvernement précédent ont souffert d'engagements pris et non tenus et de baisses importantes et consécutives de crédits.
La révision annoncée de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire doit permettre de donner un cadre adapté aux nouveaux enjeux et de mieux mobiliser des moyens plus importants. Elle coïncidera également avec la mise en oeuvre d'un véritable schéma de développement de l'espace européen.
Madame le ministre, votre objectif vise à encourager une meilleure répartition des richesses et des ressources. Votre projet veillera au développement harmonieux et durable de l'ensemble des territoires qui composent notre pays. Enfin, il prône une indispensable vision globale des problèmes à travers la prise en compte de toutes les dimensions - écologiques, économiques, culturelles et sociales - « des territoires » de la France.
Notre politique nationale doit aussi et surtout intégrer la dimension européenne. Notre pays prend désormais sa place dans un vaste espace d'échanges. La politique d'aménagement du territoire doit donc également accompagner les interventions grandissantes de l'Union européenne dans ce domaine.
Dans le cadre de ce débat, je souhaiterais, madame la ministre, souligner particulièrement deux points qui semblent essentiels à l'élu du Nord que je suis : le premier est relatif au traitement particulier des régions frontalières ; le second concerne notre capacité à mobiliser au mieux les fonds structurels européens.
Autrefois périphériques, les zones frontalières se trouvent placées aujourd'hui au coeur de formidables enjeux de développement. La disparition des contraintes liées aux frontières peut être bénéfique en termes d'opportunités, comme nous venons de le voir avec Toyota, à Valenciennes. Elle peut aussi précipiter leur déclin en les ouvrant à la concurrence d'une économie voisine plus dynamique.
La révision de la loi d'orientation devra mieux prendre en compte ces zones et leurs spécificités. Ces zones sont, en effet, les premières concernées par l'édification du vaste espace européen. Elles doivent donc bénéficier d'une attention toute particulière.
Les fonds structurels ont pris, depuis le milieu des années quatre-vingt, une place importante dans la mise en oeuvre des moyens de la politique d'aménagement du territoire. La région Nord - Pas-de-Calais est d'ailleurs l'une des régions qui, à juste titre, en bénéficient le plus.
Cependant, des menaces pèsent sur leur utilisation et sur leur devenir.
La complexité des circuits et le caractère strict des procédures nationales d'allocation de fonds européens pénalisent souvent ces régions. Les projets et les initiatives souvent pertinentes ne manquent pourtant pas. La mise en oeuvre des dossiers, les délais, la lourdeur administrative et l'opacité de leur examen découragent leurs porteurs.
La sous-consommation des crédits est de ce point de vue caractéristique et révélatrice. Je peux témoigner, pour avoir subi parfois les foudres de l'administration, que cela est souvent pénalisant.
Je plaide donc, madame la ministre, pour une rationalisation des procédures. Nous réclamons une meilleure décentralisation des décisions et une mise à disposition plus rapide des crédits. Ceux-ci restent bloqués, trop souvent et trop longtemps, à la DATAR. Nos communes, nos régions et nos départements en ont pourtant besoin.
J'ai moi-même, à l'époque, constaté la précipitation, en sens inverse cette fois-ci, dans l'élaboration des programmes Objectif 1, Resider et autres. Il y a eu certes concertation, mais celle-ci a été trop rapide : les services préfectoraux ne disposant que de quelques jours pour consulter et proposer, les élus locaux n'avaient plus le temps de réagir.
Au total, il s'agit souvent moins de manque d'argent que de problèmes de coordination entre tous les acteurs.
J'ajouterai que, lorsqu'une coordination des services de l'Etat et des services de la région, du département et des communes est nécessaire, on observe une certaine inefficacité dans l'action ; il en résulte que des crédits ne sont pas consommés, alors que nous les attendons.
L' Agenda 2000 prévoit une réforme importante des fonds structurels actuels, afin de mieux tenir compte de l'élargissement probable de l'Union. On annonce, d'ores et déjà, leur réaménagement ou leur disparition, en particulier pour les trois arrondissements du Nord qui bénéficient aujourd'hui de l'objectif 1. Il est donc plus que jamais nécessaire de mobiliser rapidement les crédits mis à notre disposition.
Aussi, madame la ministre, je reste aujourd'hui particulièrement inquiet devant les perspectives d'une réduction substantielle des crédits européens et des zones éligibles. Je sais que vous partagez cette préoccupation et que vous interviendrez activement afin de maintenir les niveaux de crédits européens affectés à nos régions françaises, en particulier frontalières.
Je connais votre volonté et votre détermination. Je vous fais confiance et je voterai donc votre budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M Soucaret.
M. Raymond Soucaret. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, c'est avec un attachement particulier que j'interviens sur ce budget de l'aménagement du territoire.
Vous savez le rôle qu'a joué le Sénat dans la résurrection de ce sujet qui fut, naguère, tout à fait à la marge des préoccupations nationales. Vous savez aussi l'intérêt que nous portons au suivi de cette politique.
Devant les déclarations gouvernementales entendues ici ou là et l'aggravation actuelle des déséquilibres sociaux et territoriaux, il est permis de s'interroger : le grand espoir suscité par la loi d'orientation du 4 février 1995 ne serait-il plus qu'un lointain souvenir ?
L'ambition portée par cette loi n'était pourtant pas mince : mettre fin à la spirale infernale d'un développement du territoire subi qui a conduit au spectacle intolérable d'une France à deux vitesses.
Surconcentration et dislocation du tissu urbain ou désertification du milieu rural, ces tendances sont les deux faces du même mal : manque d'activité économique, chômage, isolement...
Lorsque Jacques Gravier intitulait, en 1947, son ouvrage Paris et le désert français et qu'il constatait que la capitale se comportait « comme un groupe monopoleur dévorant la substance nationale », il ne se trompait pas.
L'ampleur des textes à élaborer supposait une concertation longue, mais force est de constater aujourd'hui, deux ans après l'entrée en vigueur de la loi d'orientation, que les besoins, notamment ceux du monde rural, demeurent dans toute leur acuité. En tout état de cause, le bilan de son application doit faire l'objet d'un jugement nuancé.
La mise en oeuvre de la loi s'est concrétisée par la publication de nombreux textes d'application - pas moins de quatre-vingt quatorze - et je salue au passage ce bilan du précédent gouvernement.
D'autres dispositions importantes sont encore attendues avec beaucoup d'intérêt, voire d'impatience, par le législateur et les acteurs locaux. Parmi elles, le schéma national d'aménagement et de développement du territoire, dont le projet devait être présenté avant le 4 février 1996, et la loi relative au développement rural, dont la discussion était prévue avant le 5 août 1996.
C'est, en effet, sur eux que l'opinion jugera de la détermination du gouvernement actuel à poursuivre l'oeuvre entamée par la loi d'orientation.
Les décisions du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, annoncées à Auch le 10 avril dernier, nous avaient rassurés sur ces points. Les deux textes étaient formalisés et devaient être présentés au Parlement avant l'été.
Qu'en est-il aujourd'hui, madame le ministre ? Le CIADT du 26 septembre dernier, loin de confirmer cette volonté de terminer l'oeuvre entamée par la loi d'orientation, semble plutôt vouloir la remettre en cause.
Le Premier ministre l'avait annoncé dans son discours de politique générale et vous nous le confirmez, une révision de la loi d'orientation de 1995 est à l'ordre du jour. Mais c'est surtout dans son application et sur ces deux textes fondamentaux que nous attendons vos engagements.
Le texte relatif au développement rural, qui doit aborder différents sujets tels que l'affectation et la gestion de l'espace, l'emploi et l'activité économique, les conditions de vie en milieu rural, l'approche territoriale, conditionne tout l'avenir de nos campagnes.
Si son examen tardait encore, les agriculteurs pourraient avoir le sentiment d'être les laissés-pour-compte d'une politique d'aménagement qui a déjà traité des problèmes du milieu urbain, avec l'adoption, en novembre 1996, du pacte de relance de la ville.
Enfin, madame le ministre, qu'en est-il aujourd'hui des rapports prévus par la loi concernant la péréquation financière, principe posé par l'article 68, ou encore de la réforme du système de financement des collectivités locales ?
Le débat du 16 avril dernier sur la situation des collectivités locales nous avait permis d'entendre Dominique Perben nous annoncer les futures réformes de l'intercommunalité et du régime des interventions économiques locales. Comptez-vous poursuivre ces réflexions ?
Au-delà des avancées législatives, la conjoncture budgétaire constitue un autre sujet d'inquiétude. Elle a conduit les pouvoirs publics à opérer des arbitrages qui ne semblent pas maintenir la politique d'aménagement du territoire au rang des priorités. Et je serai honnête en reconnaissant que ce n'est pas propre à votre budget, madame le ministre, puisqu'il en a toujours été ainsi.
Les crédits qui y ont été consacrés, tous budgets confondus, ont accusé une baisse constante depuis quelques années. Pour le seul budget du ministère de l'aménagement du territoire, qui est passé à 2,25 milliards de francs en 1995 et à 1,65 milliard de francs en 1997, on observe une baisse cumulée de près de 27 % en trois ans.
Vous nous annoncez un budget en hausse de 6,06 % en crédits de paiement, et de 2,8 % en autorisations de programme. Je serais tenté de m'en réjouir ; malheureusement, cette hausse apparente cache, en réalité, des points sombres.
Le premier concerne le fonds national de développement des entreprises. Sa création, tout d'abord, a été longtemps différée, ce qui est regrettable. Mais nous nous étions réjouis de le voir figurer enfin, doté de 1 milliard de francs, parmi les mesures décidées par le CIADT du 10 avril.
Sa disparition risque de créer des évolutions irréversibles particulièrement préjudiciables au milieu rural, où les occasions ne se produisent qu'une fois : fermeture d'une petite entreprise, renonciation d'un artisan, implantation de l'activité près d'un centre urbain.
Cet outil devait utilement compléter l'action des collectivités locales en matière d'aides aux petites entreprises en renforçant les fonds propres, en favorisant l'accès au crédit, notamment par la mobilisation de l'épargne de proximité.
D'autre part, plusieurs fonds spécifiques ont été ouverts pour faire face aux besoins de l'ensemble du territoire et pour réduire les déséquilibres territoriaux qui constituent une menace réelle pour la cohésion nationale. Mais ces fonds sont progressivement amputés.
A titre d'exemple, les crédits d'intervention du fonds national d'aménagement et de développement du territoire, en baisse déjà depuis 1995, passent, en 1998, de 294 millions de francs à 291 millions de francs. Les subventions d'équipement se réduisent de 4,79 % en crédits de paiement et de 0,64 % en autorisations de programme.
Par ailleurs, la dotation du fonds de gestion de l'espace rural, déjà tombée à 150 millions de francs pour 1997 - et nous devons cette somme à la pugnacité des parlementaires ! - est amputée à nouveau, dans votre budget, de 10 millions de francs.
Les moyens de la DATAR diminuent de près de 4 %. Comment ne pas s'inquiéter, dans ces conditions, de la pérennité de son action, notamment à l'étranger, pour attirer les investisseurs sur notre territoire ?
Le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables ainsi que le fonds de péréquation des transports aériens bénéficient d'une attention particulière, mais se verront-ils confirmés dans leurs objectifs : désenclaver les départements d'accès difficile, mettre en oeuvre une politique de transports multimodaux, créer des lignes aériennes dans les zones fragiles ?
L'évocation de ces points sombres traduit plus une impatience et des interrogations sur votre action, madame le ministre, qu'une critique de votre projet de budget. En effet, à l'heure actuelle, il faut bien admettre que nous ne connaissons pas vos idées en matière d'aménagement du territoire.
Un bon budget n'est pas celui qui affiche de bons chiffres, mais celui qui s'appuie sur une politique volontariste et cohérente et qui la traduit dans les faits. Or, jusque-là, vous nous avez annoncé la suppression d'un certain nombre de grands projets d'infrastructures, la révision de la loi d'orientation, la réouverture du débat sur le schéma national d'aménagement et de développement du territoire et le plan en faveur du monde rural. Il n'y a là aucun objectif d'une politique à long terme.
Le précédent gouvernement avait mené de front plusieurs chantiers en mettant en place les outils et les procédures institués par la loi de 1995 : pacte de relance de la ville, détermination de zones prioritaires d'aménagement du territoire, de zones franches urbaines, de zones de revitalisation rurale avec les dispositions financières et fiscales qui y sont rattachées, transfert de nombreux emplois publics vers les régions.
Il nous avait confirmé les orientations du schéma national dessinant la France de 2015 et les quatre-vingts mesures adoptées par le CIADT destinées à corriger les déséquilibres de développement. Celles-ci allaient dans le bon sens.
Par ailleurs, l'action de l'Etat devait s'appuyer sur une politique de pays, territoires cohérents et identitaires regroupant plusieurs cantons.
De même avait-il été prévu la création de communautés urbaines, dont la fiscalité s'appuierait sur la taxe professionnelle.
Cette politique était souhaitable pour la nécessaire mobilisation de tous les acteurs du développement local - socioprofessionnels, monde associatif, administrations - et la coordination de leurs actions. Il fallait néanmoins éviter le risque que l'Etat impose son autorité et sa logique dans ces regroupements et clarifier le rôle respectif de l'intercommunalité et des pays.
Qu'en est-il de tous ces chantiers engagés et de vos propres orientations ? J'ai dénoncé les insuffisances de la loi de 1995 - surtout le faible empressement à l'appliquer - et la baisse régulière du budget de ce ministère. Je n'ai donc pas une position partisane, mais j'attends, madame le ministre, des réponses à toutes ces questions.
Pour conclure, j'aimerais insister sur un point qui me tient particulièrement à coeur : la revitalisation des communes rurales.
Avec la disparition du dernier commerce ou du dernier artisan, c'est l'avenir même d'un village qui est menacé. Les artisans et les commerçants font vivre le monde rural au même titre que les agriculteurs. Il est donc indispensable de porter une attention particulière à leurs conditions d'implantation, d'existence et de développement.
Les opérations « Coeur de pays », « Centre 2000 », « 1000 Villages de France » et les opérations de restructuration de l'artisanat et du commerce, les ORAC, ont contribué à promouvoir le commerce de proximité et l'artisanat, mais nous devons aller plus loin pour garantir la pérennité des réseaux artisanaux et commerciaux en milieu rural. De leur vitalité encore trop méconnue dépend largement le développement équilibré du territoire. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, aménager le territoire, permettre le développement et la répartition harmonieuse des activités sur l'ensemble de celui-ci et, au-delà des activités, la répartition des populations, favoriser les échanges et les rencontres entre les hommes, leur donner la possibilité de travailler, de vivre et de s'épanouir dans toutes les régions de notre pays, n'est-ce pas là la raison même et la noblesse de l'engagement politique et la motivation de tous ceux, à quelque niveau qu'ils se situent, qui oeuvrent dans ce sens ?
N'est-ce pas aussi ce qu'ont fait toutes les générations qui se sont succédé depuis la nuit des temps et dont les oeuvres, ou leurs vestiges, sont parvenus jusqu'à nous ?
Dans ma région, madame le ministre, nous continuons à circuler sur les tracés d'anciennes voies romaines ; je suis toujours émerveillé par ce que nos aïeux ont su réaliser avec les faibles moyens dont ils disposaient.
Ce maillage de routes qui desservent le moindre hameau, ce réseau dense de canaux et de chemins de fer, ces ouvrages d'art qui ont résisté au temps et tous ces édifices : mairies, écoles, halles, beffrois et cathédrales sont leur oeuvre ; c'est à eux que nous la devons.
Cet effort multiséculaire qui a façonné les sites et les paysages n'a-t-il donc servi à rien pour qu'il faille aujourd'hui un ministre en charge de l'aménagement du territoire pour tenter d'enrayer la tendance naturelle ?
N'est-ce pas plutôt la nécessité qui pousse 80 % de nos concitoyens à se concentrer sur 20 % du territoire, laissant se désertifier la majeure partie de celui-ci, avec tous les problèmes que cela pose et l'immense sentiment de gâchis qui nous étreint ?
D'un côté, l'entassement, l'insuffisance de logements, la fatigue des déplacements quotidiens, la pollution, souvent l'inactivité, l'insécurité, l'absence d'identité et de reconnaissance, en un mot tout ce que recouvre l'expression « mal des banlieues », et, de l'autre, l'isolement d'une population qui vieillit, l'absence de services, un patrimoine inutilisé qui se dégrade, des espaces abandonnés où la nature reprend ses droits en devenant friche, puis maquis.
Pour reprendre le titre d'une ancienne émission de radio : « Il y a sûrement quelque chose à faire », car, si la nature sauvage peut avoir ses charmes, elle est plus souvent hostile qu'accueillante.
Comment en est-on arrivé là et que faudrait-il faire pour inverser cette tendance dommageable pour l'économie de notre pays et le bien-être des populations ?
Jusqu'au second conflit mondial, l'agriculture a été l'élément essentiel de l'économie rurale, entraînant dans son sillage de nombreuses activités d'échanges et de services.
La mécanisation de l'agriculture et la modernisation des exploitations ont considérablement accéléré l'exode agricole et rural, vidant les territoires des éléments les plus jeunes et les mieux formés, souvent les plus dynamiques, contraints d'aller chercher en ville un emploi, alors qu'une politique volontariste aurait dû, justement, inciter à la création de ces emplois nécessaires sur les lieux de vie.
Mais les gouvernements successifs, et cela depuis un demi-siècle - on ne pourra donc pas me taxer d'être partisan ! - pris par l'urgence, ont consacré beaucoup d'argent à soigner le mal sans s'attaquer à ses causes.
Ainsi, aujourd'hui encore, lorsqu'on compare les crédits de votre ministère, madame le ministre, soit 1,8 milliard de francs, et les sommes que la collectivité consacre au financement des transports en Ile-de-France - 5,2 milliards de francs - on est bien obligé de s'interroger !
La même interrogation vaut si l'on constate que, dans un rayon de cinquante kilomètres autour de Notre-Dame de Paris, toutes les autoroutes sont gratuites, alors que des projets de désenclavement de pans entiers de notre territoire sont abandonnés ou différés, faute de moyens.
M. Gérard Delfau. Adressez-vous à vos collègues !
M. Hilaire Flandre. Même inquiétude en ce qui concerne les intentions de la Commission européenne. Certes, je ne vous rends pas responsable, madame le ministre, mais le Gouvernement doit être vigilant, car la nouvelle réforme de la politique agricole commune ne va-t-elle pas conduire à accélérer la diminution du nombre des exploitations et à accroître la paupérisation du monde rural ?
De même, le projet de réforme des fonds structurels, en regroupant les aides à la reconversion des zones industrielles en déclin et celles qui concernent les zones rurales fragiles et dépeuplées, ne va-t-il pas se faire au détriment des zones rurales ?
Comment vont être réparties les dotations et quelle sera, justement, la part de ces zones rurales ?
Pourtant, les territoires ruraux de développement prioritaire, définis dans la loi de février 1995, représentent presque 60 % du territoire et environ 13 millions d'habitants. La pérennité et le développement du monde rural restent donc un enjeu majeur pour notre pays. La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, à laquelle je fais alllusion, a fixé des objectifs clairs et a prévu des initiatives ambitieuses. Elle a soulevé un grand espoir qu'il convient de ne pas décevoir.
Le bilan d'application de cette loi est positif. Après avoir listé les zones de revitalisation rurale - 40 % du territoire et 4,5 millions d'habitants - le décret du 12 février 1997, par les exonérations qu'il prévoit, facilite la création d'emplois dans les petites entreprises du monde rural.
L'Assemblée nationale, dont vous connaissez la majorité, vient d'ailleurs d'améliorer le dispositif lors de l'examen du projet de loi de finances en étendant l'application des exonérations de taxe professionnelle aux zones de revitalisation rurale.
Ces mesures vont dans la bonne direction ; elles doivent être poursuivies et accentuées.
Malheureusement, succombant à la fâcheuse tendance de tout nouveau gouvernement de ne pas poursuivre ce qu'ont fait ses prédécesseurs, vous remettez en cause cette politique en faveur des zones rurales.
Vous le faites par votre budget, tout d'abord.
Si l'on excepte la prime à l'aménagement du territoire, qui augmente fortement mais qui, en fait, retrouve son niveau de 1996, tous les postes sont en diminution : le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, les moyens de la DATAR, les subventions à l'amélioration du cadre de vie et du développement rural et même le fonds de gestion de l'espace rural suivent la même tendance au ministère de l'agriculture : tous ces postes sont en diminution.
Certes, les moyens de votre ministère ne sont pas les seuls à contribuer au meilleur équilibre de notre territoire. D'autres ministères - l'agriculture, l'équipement, l'éducation nationale, l'économie et les finances - apportent une contribution bien plus importante à cet immense chantier. Mais c'est vous, madame le ministre, qui êtes chargée de ce dossier et qui devez le conduire à bien. C'est donc vous que j'interroge.
Quelle politique le Gouvernement entend-il mener en faveur du monde rural ? Le plan pour l'aménagement du monde rural va-t-il enfin voir le jour, à l'instar du pacte de relance pour la ville de 1996 en faveur du monde urbain ?
Il faut cesser d'appréhender le monde rural comme un problème et il faut aussi cesser de le considérer comme un ensemble uniforme. L'existence de vastes espaces diversifiés faiblement peuplés et d'un réseau de petites villes est une caractéristique essentielle de notre territoire qui participe à l'identité nationale.
La diversification des activités et le soutien des entreprises, le développement d'une offre de logements privilégiant la réhabilitation, l'amélioration des services collectifs, le renforcement du réseau de petites villes et des bourgs et l'amélioration des solidarités réciproques entre villes et campagne sont autant de priorités pour le monde rural qui doivent être clairement affichées.
Le monde rural ne doit plus être considéré comme l'espace interstitiel et résiduel entre des zones à forte densité de population. Il doit être considéré comme un atout et une chance pour l'équilibre et le développement de notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, la loi de février 1995 distingue deux grandes sortes de territoires : les grands territoires très urbanisés et périurbains, qui représentent environ 80 % de la population et 20 % du territoire, et les autres qui, par opposition, sont dits ruraux et qui représentent donc 80 % du territoire et 20 % de la population.
Ma brève intervention portera sur le rôle des hôpitaux, dans les territoires ruraux, comme élément structurant du territoire.
Les hôpitaux peuvent se diviser grossièrement, vous le savez, madame le ministre, en trois grands groupes à la localisation spécifique : les centres hospitaliers et universitaires - centres hospitaliers régionaux - les CHU-CHR - qui se situent uniquement dans les très grandes villes, les centres hospitaliers généraux - CHG - qui disposent au minimum des trois services de base de médecine, chirurgie, obstétrique et d'une gamme de spécialités fonction de leur taille. Ce sont eux qui assurent le maillage de tout le territoire, avec les hôpitaux locaux, essentiellement ruraux, qui accueillent les personnes âgées et peuvent disposer, dans certains cas, de quelques lits de médecine.
L'hôpital est donc présent partout dans notre pays et la population est extrêmement attachée à cette présence.
A ce titre, il fait partie des éléments structurants de notre territoire avec les facilités d'accès - transports, routes - la sécurité - la gendarmerie et les pompiers pour les territoires ruraux - les grands réseaux - EDF, eau, La Poste, France Télécom - l'éducation ainsi que l'accès aux services administratifs, en l'occurence les mairies.
Il faut également noter que ces éléments sont exactement ceux qu'exigent les entreprises pour s'installer en pays rural. Or ce sont elles qui créent l'emploi et la richesse nationale, et un pays ne vit pas sans elles.
Une autre des caractéristiques de l'aménagement du territoire est aussi le partage indissociablement complémentaire des responsabilités ; c'est son originalité. A l'Etat et aux collectivités locales d'assurer les grandes infrastructures, conditions du développement. Aux citoyens de créer et de faire prospérer la vie économique et sociale. Il faut noter que les plus dynamiques d'entre eux revendiquent cette mission, à charge bien sûr pour l'Etat de ne pas la rendre impossible par une réglementation débridée ou excessive.
Mais si les citoyens ont des responsabilités, en matière de santé ils ont des exigences fortes, ressenties comme des besoins, d'où leur caractère facilement explosif en cas de conflit... Il y a des exemples récents.
En fait, ce qu'ils veulent pour leur hôpital est simple : un accueil humain et compétent - ce qui pose le problème du tri et de l'organisation des urgences - des premiers secours bien organisés et rapides - ce qui suppose une coordination entre services - et des soins de base relativement proches ou au moins facilement accessibles.
Contrairement à ce qu'on dit, ils ne sont nullement hostiles au fait d'aller dans un hôpital plus éloigné si besoin est, c'est pour eux une garantie de qualité et de sécurité des soins.
On voit bien que la réponse à ces exigences relève plus de la qualité et de la compétence des personnels que de la dimension des plateaux techniques.
La maîtrise des dépenses de santé, l'aménagement du territoire et les aspirations de la population ne sont pas antinomiques. C'est la façon dont on les aborde qui les rend antinomiques.
Pour les hôpitaux, le vrai problème est celui du recrutement des médecins. Nous ne formons plus les médecins dont nous avons besoin, et seule une réforme audacieuse des études médicales permettra de résoudre un tel problème ; on ne le répétera jamais assez.
Nous sommes obsédés par des solutions techniques à caractère universel qui ne permettent aucune adaptation aux besoins du terrain, alors que cette adaptation constitue l'une des clefs d'un aménagement opérationnel du territoire. Et c'est pour rompre avec ces habitudes de pensée trop conformistes, madame le ministre, qu'il faut que vous adoptiez une démarche novatrice.
En effet, ce n'est pas tant l'importance - modeste - de votre budget que votre volonté politique qui est en cause. En effet, les dépenses d'infrastructures sont si diversifiées qu'elles touchent de nombreux ministères.
Il vous appartient donc de veiller sans relâche auprès de l'ensemble de vos collègues pour que l'aménagement du territoire fasse toujours partie intégrante de la réflexion et des décisions, y compris pour la restructuration des hôpitaux. Il ne me semble pas, en effet, que cette dimension ait jamais été prise sérieusement en compte dans ce domaine, et c'est pour cela, madame le ministre, que je compte sur vous. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - M. Delfau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Madame la ministre, vous avez bien voulu, à plusieurs reprises, dire tout l'intérêt que le Gouvernement et vous-même attachez aux délocalisations d'entreprises publiques ou parapubliques de la région parisienne vers la province.
Je voudrais, à travers un exemple précis, montrer les difficultés bien évidemment d'origine politique, voire politiciennes, qui peuvent ralentir, entraver et même empêcher de telles opérations.
Le 29 janvier 1992, le CIAT s'était prononcé pour un transfert du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA, à Limoges, décision entérinée par un contrat de localisation signé en présence de M. Michel Delebarre, alors ministre délégué à l'aménagement du territoire, cela à l'Hôtel de ville de Limoges, le 5 janvier 1993. Cette décision fut confirmée par le conseil d'administration dudit CNASEA le 28 janvier 1994.
Cette décision n'a pas été remise en question par les gouvernements successifs. Les collectivités locales, dont le conseil régional du Limousin, le conseil général de la Haute-Vienne et surtout la Ville de Limoges, se sont beaucoup investies dans la préparation de ce transfert, qui devait être effectif dès l'automne 1997.
La Ville de Limoges a notamment mis à disposition du CNASEA un terrain situé dans le centre-ville d'une valeur, de près de six millions de francs.
Toutefois, le dossier s'est heurté, depuis un et demi, à un certain nombre de difficultés.
A la demande du conseil d'administration du CNASEA, son directeur général a rompu, le 20 juin 1996, le marché de maîtrise d'oeuvre du futur siège, prétextant des coûts et des délais excessifs.
Par ailleurs, le gouvernement précédent a accepté, le 24 octobre 1996, un amendement de M. Hervé Mariton, alors député, visant à réaffecter les crédits mis en réserve pour cette opération.
Lorsqu'on suit la trace de ces crédits, on se demande si l'ancienne majorité voulait tendre vers une plus saine utilisation des deniers publics ou surtout aboutir à l'annulation de la délocalisation du CNASEA à Limoges sans avoir à en prendre formellement la décision politique.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Jean-Pierre Demerliat. En effet, M. Mariton a proposé une ponction de 110 millions de francs sur certains crédits du CNASEA, sous prétexte que ce dernier prenait un peu de délai sur certains opérations, notamment sur son projet de délocalisation.
Sur ces 110 millions de francs, 10 millions sont allés abonder la prime d'orientation agricole, la POA, et 100 millions ont été destinés au fonds de gestion de l'espace rural, le FGER.
Or, quelques semaines plus tard, le FGER a fait l'objet d'annulations de crédits pour la somme de 145 millions de francs. Il devenait évident que le FGER n'avait pas besoin d'argent en général ni de celui du CNASEA en particulier.
La preuve était ainsi faite que l'objet de l'amendement de notre ex-collègue Mariton était non pas de mieux affecter l'argent public, mais bien de retarder ou d'empêcher l'arrivée du CNASEA à Limoges en le privant de l'argent nécessaire à cette opération.
Ces faits - la rupture du marché de maîtrise d'oeuvre du futur siège et la réaffectation des crédits - ont servi de prétexte au conseil d'administration du CNASEA pour remettre en cause cette délocalisation, le 12 décembre 1996, sans qu'aucune décision politique officielle soit intervenue.
Madame la ministre, il n'existe aujourd'hui aucune raison sérieuse de remettre en cause cette opération qui engage la parole de l'Etat et qui a largement sollicité les efforts des collectivités territoriales, la Ville de Limoges, les communes de son agglomération, le département de la Haute-Vienne, la région Limousin, ainsi que les responsables socioprofessionnels.
Madame la ministre, je sais que le Gouvernement et vous-même, comme le gouvernement de Mme Cresson en 1992, êtes partisans d'une politique forte de délocalisation d'établissements publics, manifestant ainsi concrètement votre volonté de parvenir à un rééquilibrage des activités sur le territoire de la nation.
Si, pour des raisons diverses, dont certaines furent de pure politique politicienne, je le répète, cette délocalisation du CNASEA n'allait pas à son terme, il est bien évident que, à l'avenir, aucun ministre, aucun gouvernement ne pourrait plus envisager d'utiliser les délocalisations comme moyen d'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet. Madame le ministre, l'examen de votre budget et des premières orientations prises dans le cadre de l'aménagement du territoire par votre ministère appelle de ma part un certain nombre de commentaires.
Tout d'abord, il convient de considérer que l'aménagement du territoire fait partie des grandes missions de l'Etat afin d'assurer un développement harmonieux de notre pays et ainsi donner à chacun une véritable égalité de chances.
Vous conviendrez que, même avec 1,8 milliard de francs, ce projet de budget pour 1998, qui ne représente que 1/1000 du budget de l'Etat, est insuffisant !
M. Gérard Delfau. Il est meilleur que le précédent !
M. Jean Bizet. Ce budget qui, à première vue, est en augmentation de 6 %, certes, est en fait un budget en trompe-l'oeil, puisque cette augmentation est la résultante de l'accroissement des crédits de paiement de la prime d'aménagement du territoire - PAT - de 165 millions de francs, ces mêmes crédits étant loin d'être consommés puisque la réforme des critères d'éligibilité n'a toujours pas été engagée.
Parallèlement, nous assistons à une baisse des crédits du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire - FNADT - de 4,78 %, décision régrettable car ils sont, quant à eux, régulièrement consommés.
Au-delà de l'aspect purement budgétaire, je souhaiterais obtenir une clarification sur trois points de la loi d'orientation du 4 février 1995.
Dans l'article 2 de la loi d'orientation était prévu un schéma national d'aménagement du territoire.
Or, à ce jour, il ne semble pas, madame le ministre, que vous ayez repris à votre compte cet avant-projet. Nous aimerions avoir confirmation de vos intentions.
La décision de maintien des services publics en zone rurale devait aboutir à la conclusion de contrats de service public ou de contrats de plan d'entreprise.
A ce jour, seuls EDF et GDF ont signé de tels contrats ; il conviendrait donc d'aller plus avant dans cet engagement.
M. Gérard Delfau. On a perdu deux ans !
M. Jean Bizet. La politique des pays, objectif ambitieux, nécessaire et rationnel, mérite une attention toute particulière.
Nous souhaiterions savoir quelles sont les intentions du Gouvernement. Il importe de préciser clairement quels seront les moyens utilisés et pas seulement les moyens financiers - nous savons objectivement qu'ils seront limités - pour renforcer l'effet de levier des interventions publiques en faveur du développement.
Il conviendrait d'affirmer très fortement que ces structures sont les seuls interlocuteurs des contrats de plan Etat-régions, comme cela avait été proposé par votre prédécesseur.
J'ai appris que le responsable des pays à la DATAR avait totalement disparu. Mon dernier entretien téléphonique avec votre ministère, il y a quarante-huit heures, fut sur ce point édifiant. Comment convaincre de votre volonté politique si vous supprimez le fonctionnaire en charge d'appliquer cette politique ?
Vous me permettrez, en outre, madame le ministre, de vous avouer mes incertitudes et mes inquiétudes.
Inquiétude quant à la dérive du FITTVN, dont la gestion et surtout la mission ne sont plus celles qui avaient été prévues lors de sa création.
Inquiétude quant à la baisse continuelle du fonds de gestion de l'espace rural. Ce fonds, lors de sa création en 1995, avait suscité un grand intérêt auprès des établissements publics de coopération intercommunale, car il permettait d'associer les agriculteurs à l'entretien et à la revitalisation de l'espace rural.
Je n'ignore pas que, lors de cette première année, la consommation de crédits n'avait pas été aussi importante que prévue, mais il est bien évident que, pour qu'une mesure donne son plein effet, il lui faut une certaine lisibilité et, partant, une pérennité de mise en oeuvre.
Inquiétude quant à l'avenir des fonds structurels européens, qui vont faire l'objet dans les années à venir d'une redéfinition. Compte tenu des montants financiers qui s'élèvent à près de six fois les crédits de la DATAR, cette décision sera lourde de conséquence.
Inquiétude surtout quant à l'environnement juridique des entreprises, condition majeure pour permettre leur épanouissement économique.
L'accroissement de la fiscalité, la réduction du temps de travail, le manque de flexibilité et de simplification administrative sont autant de critères qui entraînent une diminution des investissements en France, et, parallèlement, leur augmentation à l'étranger. Je me permets de vous rappeler, madame le ministre, que les investissements des industriels français ont baissé de 12 % en France ces derniers mois, alors que, parallèlement, ils ont augmenté de 84 % à l'étranger.
Or, les investissements d'aujourd'hui sont les emplois de demain et les entreprises d'aujourd'hui sont les richesses de demain dans nos zones rurales.
Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat et M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie semblent, avec un certain retard, l'avoir compris. Ils ont tout récemment pris deux décisions que je voudrais très objectivement saluer : d'une part, celle de doter enfin le FNDE à concurrence de 1 milliard de francs sur trois ans, d'autre part, celle de mettre en place un dispositif de capital risque et de capital développement constitué en partie grâce à l'ouverture du capital de France Télécom.
Je souhaite très sincèrement que ces effets d'annonces ne soient pas des annonces non suivies d'effet.
Ces messages seront-ils suffisamment clairs pour faire oublier l'accroissement de la fiscalité décidé récemment ? Je l'espère pour la France.
Avouons-le, ces mesures ne sont rien comparées au formidable handicap que vous créez avec votre projet de fonctionnarisation de 350 000 jeunes entraînant corrélativement un accroissement des dépenses publiques, et avec votre projet de réduction du temps de travail et donc d'accroissement du coût du travail.
En effet, ne l'oublions pas, c'est non pas l'Etat qui crée des emplois générant ainsi la richesse au sein de notre territoire, mais les entreprises et elles seules ! Il importe donc à l'Etat de créer un climat favorable pour qu'elles investissent ; c'est là l'une des grandes clefs de l'aménagement du territoire.
Je crains malheureusement que ces messages de dernière minute au sein d'un budget qui manque d'ambition et de réalisme ne contribuent pas pleinement à réaliser la grande politique d'aménagement du territoire dont notre pays a besoin.
Telle est la raison pour laquelle, madame le ministre, je ne voterai pas le budget de l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier MM. les rapporteurs pour leurs analyses tout en notant qu'elles ont subi une très notable évolution entre nos fructueux échanges en commission et notre rendez-vous d'aujourd'hui.
Je mesure d'ailleurs la difficulté de l'exercice. Vous nous avez expliqué, mesdames, messieurs les sénateurs, l'an dernier, que moins c'était plus. Cette année, il vous faut expliquer que plus, c'est moins. Je l'avoue, j'en suis presque malheureuse pour vous ! (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux. C'est un peu schématique et caricatural !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je voudrais rappeler - et cela figurait en filigrane dans vos interventions - que la politique d'aménagement du territoire, qui a toujours bénéficié de moyens extrêmement modestes, j'en conviens tout à fait, n'a de crédibilité et d'efficacité que si elle est de nature à susciter des actions transversales et à mobiliser à son tour d'autres idées, d'autres initiatives venant d'autres partenaires, d'autres collectivités.
Ainsi, on peut estimer l'effort national en faveur de l'aménagement du territoire - et parfois, il faut le reconnaître, puisque le mot a été prononcé, en faveur du « déménagement » du territoire - à quelque 60 milliards de francs.
A l'aune de ces quelque 60 milliards de francs, le projet de budget de l'aménagement du territoire vaut presque essentiellement, cela a été souligné, par la philosophie qui l'inspire et par la volonté politique de ceux qui le portent.
Toutefois, puisque nous sommes ici pour examiner le projet de budget, je consacrerai une petite partie de mon temps à le faire à mon tour et à répondre aux suggestions, aux interrogations et aux doutes qui se sont exprimés.
Je tiens tout d'abord à remercier M. Delfau d'avoir rappelé quand même, en citant des chiffres, que ce projet de budget marque une rupture avec la décroissance constatée de 1994 à 1997. En effet, le budget de l'aménagement du territoire avait connu une diminution de 5 % en 1995, de 12 % en 1996 et de 14 % en 1997, soit en trois ans une chute de 27 % si l'on additionnne les dépenses ordinaires et les crédits de paiement, ou de 38 % si on ajoute les dépenses ordinaires et les autorisations de programmes. Un tel bilan est décidément difficile à défendre !
Un grand journal du soir avait titré l'année dernière, à la veille de l'examen du projet de budget de l'aménagement du territoire par votre assemblée : « L'aménagement du territoire en déroute. » Et vous-même, monsieur le rapporteur spécial, n'aviez pas hésité à parler de « budget sacrifié ».
Je ne m'attarderai pas sur les crédits de fonctionnement de la DATAR, qui constituent, vous l'avez noté, tout au plus 5 % du budget de l'aménagement du territoire.
La réduction que vous avez constatée - sensible puisqu'elle est de 3,83 % - s'explique notamment par la politique voulue par le précédent gouvernement, qui avait, année après année, réduit les emplois de la DATAR.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je pense que l'on est arrivé à un niveau extrêmement difficile à tolérer.
M. Gérard Delfau. Bien sûr !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Avec à peu près 1,5 emploi effectif par département, l'étranger compris, il est difficile tout de même de faire une politique d'aménagement du territoire qui se tienne !
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Cela dit, pour l'essentiel, cette maîtrise des moyens de fonctionnement correspond à l'annulation d'un reliquat de crédits non utilisés de 2 millions de francs, ce qui mérite d'être souligné.
Par ailleurs, nous avons souhaité réintégrer dans les effectifs de la DATAR une partie des personnes qui travaillent pour celle-ci à l'étranger, lesquelles n'apparaissaient pas dans le tableau des effectifs. Près de 40 % de ces personnes y figureront dès 1998.
Si 5 % des crédits de la DATAR sont consacrés à des crédits de fonctionnement, cela signifie que 95 % de crédits sont consacrés aux interventions, grâce à deux outils, la PAT et le FNADT.
Vous avez rappelé les chiffres - chiffres excellents finalement - de la prime d'aménagement du territoire pour 1998 : 320 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement, soit une augmentation de 106 % en crédits de paiement et de 28 % en autorisations de programme.
J'ai trouvé amusante votre argumentation un petit peu embarrassée : vous expliquez que la stratégie de baisse de l'année dernière était bonne parce qu'elle provoquerait aujourd'hui une hausse. Avouez que ce n'est pas très convaincant !
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il paraît évident que les 700 millions de francs dont nous disposerons, compte tenu des reports de crédits et des décisions prises en comité interministériel des aides à la localisation des activités qui ne sont pas suivies d'engagement effectif - c'est fréquemment le cas avec ce type d'exercice - seront suffisants pour traiter à peu près 200 dossiers, avec un taux de rejet relativement faible. Autrement dit, les cas de rejet seront liés à un manque de solidité des dossiers considérés, non à une insuffisance des fonds disponibles.
Cela étant, je partage pour une bonne part vos inquiétudes concernant le peu de crédibilité de la PAT eu égard à la création d'emplois durables répondant effectivement à un objectif d'aménagement du territoire.
C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité relancer une réflexion sur ce sujet, réflexion à laquelle un certain nombre de sénateurs issus de divers groupes politiques ont d'ailleurs été associés.
Nous considérons qu'il convient de réorienter la PAT pour permettre non seulement de localiser des projets d'investissement dits « internationalement mobiles », mais aussi pour encourager l'investissement dans des zones particulièrement dégradées et aussi pour appuyer des investissements plus modestes puisque, aujourd'hui, il faut que le projet implique un minimum de vingt emplois, ce qui est considérable. Des projets plus modestes sont bien adaptés à des zones peu industrialisées et peu peuplées, de même que des projets relevant du secteur tertiaire le sont aux zones isolées ou fragiles.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Nous souhaitons que la PAT ne devienne pas une sorte de procédure banalisée, où l'on distribue de l'argent simplement selon une logique de « guichet », mais qu'elle corresponde vraiment à une fécondation de projets issus des territoires et, en tout cas, compatibles avec les spécificités de ces territoires.
J'en viens au deuxième outil : le FNADT.
La dotation prévue pour 1998 - 1 300 millions de francs en autorisations de programme et 1 100 millions de francs en crédit de paiement - nous permettra non seulement de respecter les engagements de l'Etat - je pense, bien sûr, aux contrats de plan Etat-régions - mais aussi de financer des initiatives auxquelles il me semblait, jusqu'à présent, que vous étiez extraordinairement attachés : le pôle européen de développement de Longwy, Euro-méditerranée, l'autodéveloppement en montagne - 12 millions de francs, madame Bardou, y sont consacrés -, le plan pour le monde rural et le plan espace central, pour un montant total de 88 millions de francs, ce qui constitue, vous en conviendrez, un effort significatif.
Mais nous voulons, là encore, que le FNADT serve vraiment à financer l'aménagement du territoire, et non pas les projets qui ont été « retoqués » par ailleurs et que les autres ministères n'ont pas souhaité financer.
C'est pourquoi nous annoncerons au prochain comité interministériel d'aménagement du territoire, le 15 décembre, une révision des règles de l'utilisation de ces fonds afin de favoriser l'intercommunalité, les schémas de services, les emplois durables, et pour marquer la non-subsidiarité du FNADT par rapport aux autres dotations de l'Etat.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il s'agit de contribuer à financer des équipements publics ou collectifs nécessaires aux activités industrielles ou tertiaires, de permettre la mise en oeuvre de mesures d'accompagnement ou d'ingénierie, de donner la préférence aux projets d'équipement qui favorisent l'intercommunalité, de servir, enfin, d'aiguillon et de catalyseur. La politique d'aménagement du territoire est une politique partagée.
J'espère que nous aurons l'occasion de débattre de manière plus approfondie des fonds structurels. Je tiens à plaider devant le Sénat, comme je l'ai fait à l'Assemblée nationale, pour que la représentation nationale se saisisse de ce dossier absolument fondamental pour l'avenir.
Vous l'avez dit, les fonds européens contribuent à l'aménagement du territoire pour 10 milliards de francs par an, ce qui est considérable.
Je formulerai quelques remarques à propos des fonds structurels.
Premièrement, il n'existe pas de Conseil des ministres européens de l'aménagement du territoire. Les fonds structurels sont discutés au sein de l'ECOFIN, du conseil pour les affaires générales ou du Conseil des ministres de l'agriculture. C'est évidemment une faiblesse. Cependant, au sein des conseils informels des ministres de l'aménagement du territoire, nous veillons à ce que les politiques régionales ne soient pas sacrifiées à l'occasion de la réforme des fonds.
Deuxièmement, l'élargissement de l'Union va évidemment provoquer une concentration des aides communautaires et, simultanément, la réduction du nombre de zones éligibles. Cela aboutira sans doute à exclure des zones qui, jusqu'alors, en bénéficiaient.
Cependant, d'une certaine façon, cette réduction a aussi quelque chose de rassurant quant à l'efficacité des politiques régionales. Si un certain nombre de régions sont amenées à bénéficier de moins de fonds au titre des politiques de cohésion, c'est tout simplement parce qu'elles ont rattrapé une partie de leur retard et qu'elles sont aujourd'hui mieux armées.
Je ferai en tout cas le nécessaire pour que ces régions puissent bénéficier de mécanismes de transition tels que le passage d'une situation à l'autre ne soit pas brutal.
M. René-Pierre Signé. C'est surtout pour l'agriculture que le problème peut se poser de façon aiguë !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Troisièmement, il convient, me semble-t-il, d'éviter de sacrifier la révision des fonds structurels sur l'autel de la politique agricole commune. Si nous sommes tous très attentifs au maintien de la ligne directrice agricole, il nous faudra également veiller à ce que les politiques régionales ne soient pas de simples variables d'ajustement du budget communautaire, à ce qu'elles ne fassent pas les frais du maintien de la ligne directrice agricole.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je ne comprends pas que l'on puisse avoir une approche uniquement budgétaire de ces problèmes. Certes, avec la PAC, nous bénéficions d'un très bon taux de retour de nos contributions ; mais il n'est pas du tout certain qu'il sera aussi bon demain. Ce qui est sûr, en tout cas, c'est que les politiques régionales ne peuvent pas être évaluées en fonction d'un simple taux de retour : par définition, ce sont des politiques de solidarité, de redistribution. Quel sens aurait le fait, pour des pays ou des régions riches, d'exiger un taux de retour sur des politiques régionales qui sont, par essence, des politiques de redistribution ?
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Quatrièmement, j'estime - j'espère rassurer ainsi M. Raoult - que la diminution du nombre d'objectifs communautaires et de programmes d'intérêt communautaire va dans le bon sens. Cela va en effet rendre ces politiques plus simples, plus lisibles et plus efficaces. Je pense que la multiplication des zones qui se recouvrent plus ou moins est devenue un handicap pour nos politiques régionales.
J'en viens maintenant au sujet qui a constitué l'essentiel de vos interventions, et c'est bien légitime car la volonté politique prime sur l'ampleur du budget.
Le Premier ministre a annoncé, dès sa déclaration de politique générale, le 19 juin dernier, une révision de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Il m'a chargée de mener à bien ce chantier.
Vous l'aurez noté, M. le ministre de l'intérieur, qui a en ce moment d'autres soucis, a cru bien faire en annonçant qu'il déposerait d'abord un projet de loi sur l'intercommunalité. Comme il n'a pas spécialement l'habitude d'être facétieux, je préfère penser qu'il était distrait et je ne lui en tiens pas rigueur. (Sourires.) Il est évident, et je l'ai confirmé auprès du cabinet du Premier ministre, que c'est l'armature législative qui doit être adoptée avant le « remplissage » secteur par secteur.
Le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire sera donc présenté au deuxième trimestre de l'année 1998. Vous ne m'auriez pas pardonné de vous le soumettre au premier trimestre, car il y aurait alors eu une interférence fâcheuse avec un temps électoral que nous souhaitons, les uns et les autres, le plus loyal possible. C'est donc au deuxième trimestre que vous serez amenés à examiner ce texte, après que des discussions approfondies auront eu lieu entre vous et moi ainsi qu'entre les différents acteurs de l'aménagement du territoire et mon ministère.
Vous avez eu raison, madame Terrade, de souligner tout à l'heure qu'il était nécessaire de réunir plus souvent le Comité national d'aménagement et de développement du territoire, mais que cela ne suffisait pas.
Nous souhaitons effectivement qu'un très large débat public soit mené et que l'ensemble des acteurs de terrain, qu'ils soient ou non institutionnels, puissent être associés à notre réflexion.
Je vous avoue que je ne me reconnais pas dans certaines des critiques et des remarques qui ont été formulées tout à l'heure par plusieurs d'entre vous. Il ne s'agit pas de rompre avec ce qui a été fait par le passé. Il s'agit de simplifier, de clarifier, de rendre opérationnelle une « loi cathédrale », qui a été adoptée voilà deux ans et demi et qui, nous le voyons bien aujourd'hui, est un outil extrêmement imposant et lourd, sans être toujours opérationnel.
M. René-Pierre Signé. Il est inefficace !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Pour passer aux choses sérieuses, pour discuter des schémas régionaux, pour élaborer ensemble les contrats de plan Etat-régions, il nous faut revoir cette loi.
En effet, un certain nombre des chantiers qui avaient été annoncés dans la loi, soit ont été à peine ouverts en deux ans et demi et ont été laissés béants du fait d'un événement survenu le 21 avril et dont je suis tout de même assez peu responsable (Sourires), soit n'ont simplement jamais été engagés ; je pense ici aux chantiers sur la clarification des compétences, sur les finances des collectivités locales et sur l'évaluation de l'impact territorial des politiques menées.
Je n'imagine pas, en tout cas, que vous puissiez me reprocher de ne pas avoir rattrapé en six mois le retard accumulé en deux ans et demi ! Ces chantiers sont lourds, difficiles et demandent beaucoup de concertation. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Nous avons par ailleurs constaté - et c'est un constat largement partagé par un certain nombre d'entre vous, mais ils se sont bien gardés de le rappeler tout à l'heure - qu'il était décidément très difficile de soumettre au débat et au vote des assemblées un schéma national qui, après avoir fait l'objet d'une élaboration extrêmement difficile, ne serait qu'une sorte de catalogue de considérations générales et de voeux pieux.
Certes, cela permet d'éviter l'autre écueil, celui qui guette finalement chaque collectivité qui désire se doter d'un schéma et le faire voter à la majorité : c'est ce que j'appellerai le « stock de projets », où l'on empile les desiderata de chacun, en fonction de sa zone géographique et de sa couleur politique, et où l'exécutif puise au gré des opportunités, du calendrier ou des disponibilités financières.
Moi, je crois que nous n'avons pas les moyens, sur les mêmes axes et pour les mêmes usages, de nous offrir des infrastructures de transports concurrentes. Nous n'avons pas les moyens de nous dispenser d'une réflexion sur une répartition équitable, harmonieuse et fonctionnelle des équipements.
A cet égard, madame Heinis, j'ai beaucoup apprécié votre réflexion sur la réforme hospitalière, et je veux vous dire combien il me plairait que, dépassant les étiquettes politiques des uns et des autres, les idées très intéressantes sur ce sujet que vous venez de nous soumettre puissent nous aider à élaborer ce que nous appelons de nos voeux, à savoir des schémas de services, des schémas intermodaux de transports de marchandises et de voyageurs,...
M. Jean-François Le Grand. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... des schémas universitaires, des schémas de formation, des schémas des services de santé, etc. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
Concernant l'article 29 de cette loi, c'est bien parce que les projets de décret ont été rejetés par le Conseil d'Etat que nous n'avons pas pu faire des propositions concrètes de sortie du moratoire décidé par M. Edouard Balladur et qui s'applique depuis lors, en l'absence de mécanismes de sortie cohérents. Une proposition différente sera formulée dans le cadre de la révision de la loi.
J'en viens maintenant à deux sujets qui vous ont beaucoup mobilisés : le premier concerne les fonds et le second, les pays et les agglomérations.
Le fonds d'intervention des transports terrestres et des voies navigables, qui est actuellement géré par le ministère des transports mais qui sera sans doute demain géré d'une façon plus conforme à une vision à long terme d'un aménagement du territoire équilibré, voit son montant passer de 3,1 milliards de francs en 1997 à 3,9 milliards de francs en 1998. Il ne s'agit pas de construire plus de routes ni de constituer une base d'expansion du budget habituel du ministère des transports. Il s'agit de permettre le financement d'équipements d'intermodalité, de transports collectifs dans les agglomérations, de voies fluviales à gabarit adapté, là où la géographie et le trafic le justifient.
Le principe d'un fonds national de développement des entreprises, je l'ai déjà dit, est retenu pour 1998. Des dotations seront effectivement attribuées à ce fonds dès l'an prochain, j'insiste sur ce point. Assez d'effets d'annonce ! Comment pouvez-vous encore vous référer à une annonce faite lors du CIAT d'Auch, quelques jours avant la dissolution, après avoir connu, en 1994, l'annonce d'un milliard de francs pour la prime d'aménagement du territoire, suivie de sa division par deux quelques semaines plus tard ? Avez-vous oublié aussi l'annonce de 2 milliards de francs pour le FNADT en 1995, somme qui fut amputée de 35 % en quelques semaines ?
M. René-Pierre Signé. Ils ont la mémoire courte !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Comment peut-on se contenter d'annoncer des milliards, sans voir jamais ce qui se passe vraiment sur le terrain ?
Ce fonds sera donc effectivement abondé en 1998.
Le fonds de gestion de l'espace rural, qui est géré par le ministère de l'agriculture, est doté de 140 milliards de francs pour 1998. M. Pépin a fait un certain nombre de suggestions qui me paraissent extrêmement intéressantes quant à l'utilisation de ce fonds. Il serait extrêmement judicieux de pouvoir financer, par un tel biais, les projets territoriaux, notamment les projets des pays.
S'agissant du fonds de péréquation du transport aérien, je n'ai pas entendu de critiques significatives. Ses moyens seront évidemment maintenus.
Avant de conclure, puisqu'on m'a demandé d'être brève, sur les projets en zone rurale et les grands travaux, je dirai quelques mots des pays.
Je pense avoir donné toutes les garanties sur ce point. Il ne s'agit pas d'ajouter un niveau supplémentaire à l'édifice institutionnel particulièrement complexe qui existe déjà en France. Il s'agit de valider les efforts consentis sur le terrain par des gens qui s'organisent, qui sont porteurs de projets de territoires et qui attendent de l'Etat non seulement qu'il n'entrave pas ces efforts mais qu'il les encourage.
Je souhaite tirer le meilleur parti des expériences qui ont été menées. Les pays qui existent fonctionnent très bien et près de deux cents projets de pays sont en préparation. Je souhaite pouvoir les encourager, notamment par des aides financières.
Selon nous, là où des élus locaux, des associations, différents partenaires, sur un territoire, font l'effort de s'organiser, l'Etat doit reconnaître ces efforts et faire en sorte qu'ils soient appuyés, de manière à leur donner la plus grande fécondité possible.
Il n'est donc pas question de remplacer le département ou le canton par le pays ; je tiens à rassurer ceux qui, ici, nourrissaient des inquiétudes à cet égard.
Pour ce qui est des agglomérations, la logique est à peu près la même. Comment mettre en place des plans de déplacements urbains, des plans régionaux de la qualité de l'air sans faire en sorte que les personnes vouées à faire ce travail ensemble ne se concertent ni ne s'organisent entre elles ?
Je ne pense pas que cela soit possible. Je serai donc extrêmement vigilante et encouragerai toute forme d'organisation en ce sens.
J'en arrive au plan relatif au monde rural et aux zones de revitalisation rurale. L'article 61 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire prévoyait qu'une nouvelle loi compléterait les mesures prévues, ce qui permettrait, après les dispositions prises en faveur de la ville, d'apporter une compensation aux territoires ruraux.
M. Louis Le Pensec et moi-même avons considéré que la plupart de ces mesures législatives qui, depuis, ont été débattues, trouveraient leur place, à la fois dans la loi d'orientation agricole et dans la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire révisée.
En effet, il ne s'agit pas pour nous de dissocier l'agriculture et le monde rural, en ignorant l'impact de l'agriculture sur le monde rural et en oubliant que l'une des activités principales du monde rural reste, quand même, qu'on le veuille ou non, l'agriculture.
Nous travaillons donc de façon très féconde. J'ai rappelé, tout à l'heure, les 88 millions de francs qui sont consacrés au Plan pour le monde rural. J'ajouterai que nous oeuvrons pour améliorer les dispositifs qui ont été mis en place, avec une volonté non pas de rupture, mais d'enrichissement des politiques conduites.
Rappelez-vous les diverses exonérations plus ou moins compensées par l'Etat qui ont été instaurées au titre des zones de revitalisation rurale : l'Etat a dépensé 4,3 millions de francs, en 1996, et 10,5 millions de francs, en 1997, pour compenser ces exonérations. Il s'agit de très faibles sommes au regard du 1,2 milliard de francs que Jean-Claude Gaudin avait cru pouvoir annoncer pour ce qui est de l'effort de l'Etat, en année pleine, sur cette même politique.
Madame Bardou, vous avez tout à fait raison : il est très difficile aujourd'hui de répondre aux critères qui ont été définis. Bien évidemment, un artisan ne créé pas cinq emplois d'un coup dans une zone en difficulté, même si son carnet de commandes se trouve quelque peu gonflé de façon provisoire. Il est donc nécessaire de revoir les dispositons qui concernent les zones de revitalisation rurale.
Par ailleurs, une politique de développement rural ne doit pas avoir pour seul objet de corriger les effets négatifs des politiques sectorielles. Il importe également qu'elle s'attache à coordonner et à adapter ces politiques sectorielles en fonction, non seulement des contraintes - on les connaît ! - mais aussi des atouts propres de ces territoires.
Je suis fatiguée d'entendre toujours présenter les zones rurales comme des zones en déshérence, en désespérance, sans dynamisme et sans projet !
M. René-Pierre Signé. C'est l'opinion des gens des villes !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. A nous de concrétiser ces projets de territoire ! L'aménagement du territoire, ce ne sont pas seulement des fonds que l'on distribue, des infrastructures que l'on crée ! Ce sont des idées, des projets, des dynamiques de développement local qu'il nous faut encourager.
En ce qui concerne les grands travaux, tout à l'heure, M. Gérard Larcher a été extrêmement brillant, mais, franchement, on n'en est plus à la « période de papa » ! (Rires.) Si M. Larcher père pouvait se faire élire en promettant des routes ou des châteaux d'eau, aujourd'hui, on sait bien qu'il ne suffit pas de réaliser une infrastructure de transport pour que le développement local accompagne cette infrastructure.
M. Hilaire Flandre. S'il n'y en a pas !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. On sait qu'une infrastructure ne tient pas lieu de stratégie d'aménagement du territoire et de développement local. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Gérard Delfau. Eh oui !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ce qui compte, c'est non pas d'être traversé, mais d'être desservi !
M. Gérard Delfau. Ça, c'est vrai !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ce qui compte, c'est non seulement de réaliser des infrastructures, mais également de les entretenir et de les utiliser de façon efficace, dans la complémentarité et la cohérence.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Alors, utilisons bien ce qui existe, valorisons ce que nous avons déjà réalisé, au lieu d'imaginer que toutes les zones en difficulté vont pouvoir améliorer leur sort si l'on construit un tronçon d'autoroute en plus !
Voilà quelques semaines, lors d'un colloque, le président du conseil régional de Bourgogne me disait : il faut désenclaver Dijon. Quelle bonne blague ! Pardonnez-moi, mais Dijon se trouve à une heure et demie de Paris par TGV ! Depuis quand faudrait-il encore désenclaver Dijon ?
M. René-Pierre Signé. Il vaut mieux désenclaver le Morvan !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. M. Hoeffel, qui est pourtant quelqu'un d'extrêmement subtil et qui connaît bien l'aménagement du territoire, craint de voir la « banane bleue » marginalisée, alors que c'est dans cette zone que la quasi-totalité des efforts sont concentrés depuis des années.
M. Gérard Delfau. Bien sûr !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. On a toujours peur d'être un peu moins bien desservi que les autres, même quand, objectivement, tous les atouts d'un développement local tout à fait fécond sont réunis.
MM. Gérard Delfau et René-Pierre Signé. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ce que je souhaite, c'est que l'on cesse de ne rien faire en attendant des autoroutes pour dans vingt-cinq ans, des canaux pour dans trente-cinq ans et des surgénérateurs pour dans cinquante ans. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux. Le pire c'est de les supprimer !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ce qui m'importe aujourd'hui, c'est que l'on regarde la réalité des choses !
M. Gérard Larcher a beaucoup insisté sur l'intérêt du canal Rhin-Main-Danube qui devait permettre de relier l'est et l'ouest de l'Europe. Il faut savoir que, cinq ans à peine après son ouverture, les chargeurs ont décidé de ne plus l'utiliser. Les conteneurs maritimes qui circulent sur le Danube empruntent la voie ferrée à l'embouchure du canal. En effet, plusieurs jours de transit sont nécessaires pour passer les écluses et acheminer les conteneurs, ce qui est incompatible avec la logique actuelle des flux tendus selon laquelle tous les stocks qui se trouvent sur les routes représentent une perte d'argent.
Il faut réaliser ce qui est véritablement utile et non pas ce qui nous rassure !
M. René-Pierre Signé. Il faut tout leur dire !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. En ce qui concerne les grands travaux et les infrastructures, M. Gérard Larcher a cité un certain nombre de chantiers qui étaient soit réexaminés, soit reportés, notamment en raison de l'absence de moyens des sociétés d'autoroute qui devaient les financer : celles-ci sont en effet frappées d'un endettement massif, comme l'était la SNCF voilà quelque temps suite à des investissements un peu démesurés, réalisés sur des périodes très courtes.
Je suis tout à fait disposée à travailler en étroite concertation avec vos commissions pour que nous redéfinissions ensemble les priorités de l'aménagement du territoire. C'est cela la noblesse du travail de l'élu ! Elle consiste non pas à faire des stocks de projets, mais à arbitrer, à hiérarchiser et à préciser les réalisations qui, à court, à moyen et à long terme seront nécessaires à un développement équilibré du territoire.
Je suis persuadée que vous êtes ouverts à cette réflexion et je ne doute pas que, pour en témoigner, vous tiendrez à modifier votre vote. (Sourires.) Il s'agit d'ailleurs d'une démarche qui devrait vous faire plaisir, car je vous ai sentis malheureux d'avoir à voter contre ce bon budget. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Exclamations sur les travées du RPR.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : I. - Aménagement du territoire.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, moins 3 508 325 francs. »