SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
MM. le président, Louis Minetti.
2.
Loi de finances pour 1998.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
1
).
Equipement, transports et logement
I. - URBANISME ET SERVICES COMMUNS (p.
2
)
M. Henri Collard, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme
Josette Durrieu, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
; MM. Gérard Roujas, Bernard Joly, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. le
président.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Crédits du titre III (p. 3 )
Mme le rapporteur pour avis.
Amendement n° II-61 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre,
Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Gérard Roujas, Louis Minetti. - Adoption par
scrutin public.
Vote des crédits réservé.
Crédits des titres IV à VI. - Vote réservé (p.
4
)
II. - TRANSPORTS (p.
5
)
1.
Transports terrestres
2.
Routes
3.
Sécurité routière
MM. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les
transports terrestres ; GeorgesBerchet, rapporteur pour avis de la commission
des affaires économiques, pour les transports terrestres ; Mme Maryse
Bergé-Lavigne, en remplacement de M. Gérard Miquel, rapporteur spécial de la
commission des finances, pour les routes et la sécurité routière ; MM. Georges
Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour
les routes et les voies navigables ; Francis Grignon, José Balarello, Léon
Fatous, Bernard Joly, Pierre Lefebvre, Charles Descours, Alain Lambert,
Jean-Pierre Raffarin, Jacques Oudin.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Crédits du titre III (p. 6 )
Amendement n° II-63 de la commission des finances. - MM. le rapporteur spécial,
le ministre, Léon Fatous, Alain Lambert. - Adoption par scrutin public.
Amendement n° II-65 de la commission des finances. - Adoption.
Vote des crédits réservé.
Crédits du titre IV (p. 7 )
MM. Daniel Goulet, le ministre, Jean-François Le Grand, Mme Hélène Luc.
Amendement n° II-62 de la commission des finances. - MM. le rapporteur spécial,
le ministre, Pierre Lefebvre, Marc Massion. - Adoption par scrutin public.
Amendement n° II-64 de la commission des finances. - MM. le rapporteur spécial,
le ministre. - Adoption.
Vote des crédits réservé.
Crédits du titre V (p. 8 )
MM. Alain Lambert, le ministre.
Vote des crédits réservé.
Crédits du titre VI (p. 9 )
MM. Alain Lambert, le ministre.
Vote des crédits réservé.
3.
Saisine du Conseil constitutionnel
(p.
10
).
4.
Loi de finances pour 1998.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
11
).
Equipement, transports et logement
II. - TRANSPORTS
(suite)
4.
Transport aérien
5. Météorologie
Budget annexe de l'aviation civile (p. 12 )
MM. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'aviation civile et le transport aérien ; Jacques Habert.
Suspension et reprise de la séance (p. 13 )
Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Lefebvre, François Gerbaud.
MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du
logement ; le rapporteur spécial.
Crédits du titre III (p. 14 )
Amendements n°s II-66 et II-67 de la commission des finances. - MM. François
Trucy, au nom de la commission des finances ; le ministre, Pierre Lefebvre. -
Adoption des deux amendements.
Vote des crédits réservé.
Crédits des titres IV à VI. - Vote réservé (p.
15
)
Crédits de l'aviation civile
figurant à l'article 32. - Adoption (p.
16
)
Crédits de l'aviation civile figurant à l'article 33 (p.
17
)
Amendement n° II-93 de la commission des finances. - MM. François Trucy, au nom
de la commission des finances ; le ministre, Mme Maryse Bergé-Lavigne. -
Adoption.
Adoption des crédits.
IV. - MER (p. 18 )
MM. René Régnault, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la marine marchande ; Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les ports maritimes ; Jacques Rocca Serra, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Suspension et reprise de la séance (p. 19 )
MM. Henri Weber, Robert-Paul Vigouroux, Pierre Lefebvre, Josselin de Rohan.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du
logement.
Vote des crédits réservé.
5.
Communication de l'adoption partielle d'une proposition d'acte communautaire
(p.
20
).
6.
Transmission d'un projet de loi
(p.
21
).
7.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
22
).
8.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
23
).
9.
Ordre du jour
(p.
24
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
M. Louis Minetti.
Je demande la parole pour un rappel au règlement, en me fondant sur l'article
36 de celui-ci.
M. le président.
Quel paragraphe ?
M. Louis Minetti.
Je ne l'ai pas en tête, monsieur le président, mais il me semble qu'il s'agit
du troisième paragraphe.
M. le président.
Selon ce paragraphe, vous devez faire référence à une disposition précise du
règlement.
(Sourires.)
Sur quel thème porte votre rappel au règlement ? A-t-il un rapport avec les
travaux de notre assemblée ?
M. Louis Minetti.
Il se rapporte au projet de loi de finances.
M. le président.
Oui, mais sur quel point du projet de loi de finances ?
M. Louis Minetti.
L'impôt sur la fortune.
M. le président.
Ce point a été abordé lors de l'examen de la première partie du projet de loi
de finances. Nous allons donc passer à l'ordre du jour.
(Protestations sur
les travées du groupe communiste républicain et citoyens.)
Monsieur Minetti, si vous voulez intervenir sur un sujet qui ne concerne pas
directement nos travaux, vous pourrez le faire à la fin de la séance,
c'est-à-dire vers une heure du matin.
2
LOI DE FINANCES POUR 1998
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 84 et 85 [1997-1998].)
Equipement, transports et logement
I. - URBANISME ET SERVICES COMMUNS
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant
l'équipement, les transports et le logement. I. - Urbanisme et services
communs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri Collard,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, les dix minutes qui me sont imparties
m'obligeront à être synthétique. Vous voudrez bien m'en excuser.
Les crédits demandés au titre de l'urbanisme et des services communs
atteignent 23,1 milliards de francs en crédits de paiement pour 1998. Ils sont
en hausse de 2 % par rapport au budget voté de 1997.
Les seules dépenses ordinaires, qui représentent 98 % des crédits, progressent
de 2 %.
En revanche, les dépenses en capital, qui représentent 423 millions de francs
en crédits de paiement pour 1998, diminuent de 1 % par rapport à l'an
dernier.
Les investissements exécutés par l'Etat chutent ainsi de 8,4 %, tandis que les
subventions d'investissement progressent de 4,2 %.
J'évoquerai d'abord l'évolution des agrégats de ce budget, avant de formuler
quelques observations.
Les dépenses de personnel, qui constituent le premier agrégat, représentent
l'essentiel du budget de l'urbanisme et des services communs. Elles concernent,
à 95 %, les services déconcentrés du ministère de l'équipement, des transports
et du logement et s'élèvent à 11,3 milliards de francs.
Ces dépenses progressent de 2,3 % par rapport au budget de 1997.
Les charges d'indemnités et de vacations progressent de 14 %, en partie en
raison de l'annulation du fonds de concours versé par les sociétés
concessionnaires d'autoroutes, au titre des frais de contrôle, dont les crédits
ont été réintégrés dans cet agrégat.
Les moyens des services et l'action économique, qui constituent le second
agrégat, sont en diminution de 2,3 %, en raison d'importantes mesures
d'économie sur les dépenses de fonctionnement.
Le troisième agrégat, qui recouvre les crédits à la recherche, progresse de
façon importante : de 23,2 %.
Cette progression résulte essentiellement de deux éléments : d'une part, une
dotation complémentaire allouée au programme de recherche dans les transports
terrestres ; d'autre part, l'inscription d'une provision de 40 millions de
francs pour le changement de statut du Laboratoire central des ponts et
chaussées.
La justification de cette importante provision n'apparaissant pas clairement,
j'ai souhaité, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter des
précisions sur les modalités et les conséquences budgétaires du changement de
statut de cet établissement.
En effet, la transformation du laboratoire central en établissement public à
caractère scientifique et technique fait qu'il sera désormais assujetti à la
taxe sur la valeur ajoutée. Dès lors, une provision est-elle nécessaire puisque
l'Etat récupère cette TVA ?
L'agrégat « École nationale des ponts et chaussées » voit ses crédits
augmenter de 4 %.
Quant aux crédits de l'agrégat « Institut géographique national », l'IGN, ils
sont réduits de 1 %. Cette réduction est conforme au contrat de plan Etat-IGN
de 1994-1998, qui prévoit l'accroissement de l'autonomie financière de
l'établissement, même si les moyens consacrés à la recherche sont renforcés.
L'agrégat « Aménagement foncier et urbanisme » diminue de 4 %, après une
baisse de 5 % en 1997.
J'en viens à mes observations.
Premièrement, les dépenses de personnel sont de nouveau en augmentation, après
une légère diminution, de 0,3 %, en 1997.
La progression des dépenses de personnel s'explique par un ajustement des
crédits de rémunération des agents et par des transformations d'emplois d'agent
d'exploitation en emplois d'agent spécialisé.
L'incidence budgétaire de ces mesures est contrebalancée par la suppression de
1 000 postes, dont 535 d'agent d'exploitation des travaux publics de l'Etat et
220 d'ouvrier des parcs et ateliers.
Un effort d'adaptation se manifeste par la création de 72 emplois spécifiques
dans le secteur du logement social et de la politique de la ville, la recherche
et les études générales.
Sera également mis en oeuvre un redéploiement de 50 emplois vers les corps
techniques.
On peut toutefois regretter, monsieur le ministre, que l'effort de réduction
des effectifs ne soit pas plus significatif.
Deuxièmement, de nouvelles missions sont confiées aux directions
départementales et régionales de l'équipement.
L'article 4 de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le
développement du territoire a institué les directives territoriales
d'aménagement dans le cadre du code de l'urbanisme.
Les sites retenus sont l'aire métropolitaine marseillaise, les estuaires de la
Seine et de la Loire, les Alpes du nord et l'aire urbaine lyonnaise.
Les moyens mis à la disposition des services déconcentrés sont en augmentation
de 4,6 millions de francs, afin de permettre l'élaboration et la mise en oeuvre
des politiques de l'Etat. D'autres textes récents auront aussi des incidences
importantes sur la planification locale.
C'est le cas de la loi du 31 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation
rationnelle de l'énergie, qui a rendu obligatoire l'élaboration d'un plan de
déplacement urbain dans toutes les agglomérations de plus de 100 000
habitants.
A ce titre, je souhaiterais connaître, monsieur le ministre, l'état
d'avancement des directives territoriales d'aménagement et des plans de
déplacement urbain.
Troisièmement, je relève que les moyens d'expertise sont limités au regard des
besoins en matière de planification urbaine.
La dotation destinée à assurer l'exercice par l'Etat de ses responsabilités
dans la planification et les politiques urbaines et maintenue au même niveau
pour 1998, mais elle n'accompagne pas le mouvement de renouveau de la
planification urbaine.
Les moyens d'expertise restent réduits : les trente-six agences d'urbanisme,
employant 1 100 salariés, interviennent sur la politique de la ville, le
développement local et l'action économique.
La dotation nouvelle de 3 millions de francs permettra de renforcer les moyens
des agences d'urbanisme en 1998, alors qu'ils avaient diminué en 1997, mais
elle ne compensera pas l'annulation de 25 % des dotations inscrites au titre de
1997.
Quatrièmement, la politique d'aménagement foncier nous paraît moins
ambitieuse.
Le budget pour 1998 enregistre d'importantes réductions sur les acquisitions
foncières en crédits de paiement.
Toutefois, il faut noter la situation particulière de la région
d'Ile-de-France, pour laquelle les crédits d'acquisitions foncières font
l'objet d'une dotation spécifique, hors du budget « Urbanisme et services
communs ».
Le fonds pour l'aménagement de la région d'Ile-de-France, le FARIF, permet en
effet de disposer de moyens complémentaires à ceux du budget général pour
financer des opérations liées à la concentration urbaine en Ile-de-France.
Les crédits du FARIF consacrés à la politique d'acquisitions foncières
augmentent de 25 %, pour s'établir à 128 millions de francs. Cette hausse est
destinée à développer une politique active de réhabilitation et d'aménagement
urbain sur les sites stratégiques d'Ile-de-France, dans le cadre des contrats
de développement urbain.
Enfin, il faut noter une réduction importante de la dotation globale
d'équipement aux villes nouvelles, du fait de programmes d'équipement moins
ambitieux, liés à une évolution démographique ralentie et à des économies sur
les équipements publics.
Il convient cependant de souligner que les moyens des grands projets sont
maintenus et sont importants.
Le rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel se poursuit. Des
essais hydrauliques seront réalisés en 1998, qui devraient en permettre la
réalisation à partir de 1999, du moins le souhaitons-nous. Surtout, le
programme « Euroméditerranée » sera poursuivi. Ce programme public
d'investissement associe notamment l'Etat, la Ville de Marseille, la région
Provence - Alpes - Côte d'Azur et le département des Bouches-du-Rhône.
Les dotations au programme « Euroméditerranée » seront relevées : les dépenses
en capital progresseront de 42 % en crédits de paiement.
En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à souligner
plusieurs points.
Contrairement aux années précédentes - surtout l'année dernière - l'année 1998
ne donnera lieu qu'à de faibles modifications de structure du budget «
urbanisme et services communs ».
Cependant, la présentation du budget demeure opaque, en raison de nombreux
transferts internes de lignes budgétaires.
J'estime que le budget « urbanisme et services communs » souffre encore, cette
année, de l'importance de ses dépenses ordinaires incompressibles. Les dépenses
en capital destinées à l'urbanisme sont toujours contraintes par l'importance
des dépenses ordinaires, ce qui aboutit à une compression des investissements
de l'Etat. Il apparaît donc essentiel de donner à l'urbanisme les moyens
nécessaires, compte tenu des nouveaux enjeux en matière d'aménagement et de
planification urbaine.
Enfin, je souhaite que la prochaine fusion de la direction de l'habitat et de
la construction avec celle de l'aménagement foncier et de l'urbanisme,
préconisée par le rapport de M. Santel, permette une plus grande cohérence de
la politique menée dans ce domaine. J'observerai avec attention l'éventualité
d'un rapprochement des crédits des logements et de l'urbanisme au sein d'un
même fascicule budgétaire, puisque j'ai l'honneur de rapporter ces deux
budgets.
En conclusion, la commission des finances vous propose l'adoption des crédits
de l'urbanisme et des services communs, réduits par un amendement portant sur
le titre III, que je vous présenterai sont à l'heure
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur celles de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Josette Durrieu,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits
inscrits au titre de l'aménagement foncier et de l'urbanisme ont été réduits,
cette année encore, de 217 millions de francs en crédits de paiement, soit une
réduction de 4 %, et de 208 millions de francs en autorisations de programme,
soit une baisse de 1 %.
Le volume de ces crédits étant relativement faible, mon propos sera bref. Je
souhaite malgré tout vous poser un certain nombre de questions, monsieur le
ministre, qui préoccupent beaucoup les élus.
La première question porte sur la restructuration des services. La direction
de l'aménagement foncier et de l'urbanisme, la DAFU, a été créée par la fusion
de la direction de l'habitat et de la construction, la DHC, et de la direction
de l'architecture et de l'urbanisme, la DAU. Quel sera le rôle de cette
nouvelle direction ? Quelles seront ses incidences dans la gestion quotidienne
de nos affaires ?
En ce qui concerne le droit de l'urbanisme, il s'agit d'une préoccupation
majeure, monsieur le ministre, je vous poserai plusieurs questions.
La première concerne la loi du 28 février 1997 relative à l'instruction des
autorisations de travaux données par les architectes des bâtiments de France
dans le champ de visibilité des édifices classés ; qui permet aux communes de
faire appel de la décision des architectes des bâtiments de France. Huit mois
après la promulgation de cette loi, les décrets d'application ne sont toujours
pas publiés. Où en sommes-nous, monsieur le ministre ?
Par ailleurs, l'ancien gouvernement avait élaboré un projet de réforme du
permis de construire. Ce texte prévoyait, notamment, le non-recours obligatoire
aux architectes pour des constructions inférieures à 250 mètres carrés. Il
avait été fortement contesté, notamment par les professionnels. Cette réforme
a-t-elle été abandonnée ?
Ensuite, le Premier ministre du nouveau Gouvernement avait annoncé, dans sa
déclaration de politique générale, une réforme de la procédure des enquêtes
publiques. Tout le monde souhaite l'amélioration de la qualité de ces enquêtes
et la clarification de la procédure. Quel calendrier le Gouvernement se
fixe-t-il pour concrétiser ce projet ?
Il vient d'être fait référence aux directives territoriales d'aménagement du
territoire pour les six zones concernées ; je n'y reviendrai donc pas. Malgré
tout, la question du calendrier et de la consultation des collectivités locales
demeure. Nous souhaiterions avoir des garanties à cet égard.
Je souhaite également insister, monsieur le ministre, sur l'accroissement des
contentieux auxquels donne lieu l'application du droit de l'urbanisme,
notamment la gestion décentralisée des documents d'urbanisme. Le nombre de
recours en annulation contre les permis de construire délivrés au nom de l'Etat
s'est accru de 20 %.
En ce qui concerne les recours exercés par les préfets dans le cadre du
contrôle de légalité à l'encontre des actes des collectivités locales, la
progression est de 60 %. Le nombre des demandes de sursis à statuer a augmenté
de 50 % et celui des annulations de 46 %.
Le Conseil d'Etat a parlé d'une « pathologie » du droit de l'urbanisme.
Monsieur le ministre, il importe, à l'évidence, de remédier très rapidement à
cette situation.
Je terminerai par trois questions d'actualité.
La première a trait aux conseils d'architecture d'urbanisme et de
l'environnement, les CAUE ; je l'ai déjà évoquée. Il s'agit de structures qui
préoccupent les élus que nous sommes. Qu'entendons-nous faire pour leur
permettre de fonctionner et, en ce qui concerne certains d'entre eux, de
survivre ? Il existe un certain nombre de missions qui pourraient leur être
confiées et qui ne le sont pas aujourd'hui. En tout cas, les CAUE ne sont pas
rétribués pour les assumer.
En ce qui concerne l'urbanisme en zone de montagne, vous insistez beaucoup,
monsieur le ministre, sur tout ce qui a trait au milieu urbain. J'attire votre
attention sur l'autre espace qui existe aussi : l'espace rural et les zones de
montagne. Deux problèmes se posent.
Le premier, que nous soulevons assez régulièrement, concerne les unités
touristiques nouvelles, les UTN : toutes les communes concernées par une UTN
sont obligées de disposer d'un plan d'occupation des sols. Pour les toutes
petites communes, le coût d'un POS est élevé : de 60 000 à 150 000 francs pour
une petite commune de montagne. Par la force des choses, elles sont toutes
petites dans ces zones-là. Le prix du POS représente quelquefois exactement le
budget de la commune.
Le second problème - il est peut-être nouveau - a trait aux granges de
montagne. De deux choses l'une : ou elles sont utilisées ou elles sont
abandonnées. Nous voudrions qu'elles soient utilisées et entretenues. Mais
peut-être est-il aussi possible d'envisager de modifier leur affectation dans
une procédure légère par adaptation de la situation dans le cadre d'un tourisme
rural bien pensé.
Enfin, monsieur le ministre, dans quelle mesure comptez-vous intégrer dans un
avenir très proche l'utilisation des nouvelles techniques de l'information et
de la communication dans tout ce qui concerne les démarches urbanistiques ?
La commission des affaires économiques a décidé de s'en remettre à la sagesse
du Sénat pour l'adoption des crédits de l'urbanisme.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 7 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Roujas.
M. Gérard Roujas.
En préambule à mon intervention, qui portera sur les crédits consacrés à la
politique de l'urbanisme, je souhaite vous exprimer, monsieur le ministre, ma
satisfaction de constater qu'une direction générale regroupe désormais les
attributions jusque-là dévolues à la direction de l'aménagement foncier et de
l'urbanisme, d'une part, et à la direction de l'habitat et de la construction,
d'autre part.
Cette décision devrait permettre de mieux articuler les politiques du logement
et celles de l'urbanisme.
Elle aura également le mérite d'assurer une approche plus globale des
problèmes urbains, tant il est difficile de dissocier le logement de
l'environnement dans lequel il s'insère.
Si, dans le projet de budget qui nous est proposé, les politiques engagées
précédemment pourront être menées à bien, de nouveaux moyens sont également
prévus en faveur de l'urbanisme.
Je rappellerai, sans entrer dans le détail, que ces nouveaux moyens concernent
les politiques urbaines, pour 38 millions de francs, les agences d'urbanisme,
pour 53 millions de francs, les acquisitions foncières dans le cadre du FARIF,
pour 128 millions de francs.
D'une manière générale, c'est un projet de budget en hausse de près de 3 % en
autorisations de programme et d'environ 2 % en crédits de paiement.
Ces propositions budgétaires vont dans le bon sens et marquent une rupture
avec le passé, qui a trop souvent vu l'urbanisme sacrifié. Sans doute
faudra-t-il aller plus loin dans les années à venir, mais la direction semble
tracée.
En effet, plus que jamais, pour faire face aux difficultés du quotidien -
violence urbaine, pollution, etc. - nous avons besoin d'une bonne et grande
politique urbaine.
Je crois, par exemple, à la nécessité de réhabiliter le centre non seulement
des grandes villes, mais aussi de nos petites communes : réhabiliter les
bâtiments anciens, y compris les bâtiments publics désaffectés pour les
orienter vers le logement, mais aussi réhabiliter leur environnement.
En tant que président d'un office d'HLM, j'ai pu mener des expériences en la
matière et j'ai pu constater, même si cela a un coût, tout l'intérêt de telles
opérations.
La réhabilitation des centres ne peut que contribuer à freiner, autant que
faire se peut, l'augmentation des surfaces urbanisées, à favoriser la cohésion
sociale et à limiter les déplacements quotidiens.
Une telle politique nécessite cependant d'importants moyens et une approche
financière différente de celle qui a prévalu jusqu'à maintenant.
Vos choix, monsieur le ministre, nous laissent espérer une meilleure approche
de ces questions et je m'en réjouis.
Cela dit, je souhaite, à l'occasion de ce débat, vous faire part de deux
préoccupations majeures des élus locaux en matière d'urbanisme.
Les lois de décentralisation ont donné aux maires des responsabilités
importantes en matière d'urbanisme, notamment dans l'élaboration des plans
d'occupation des sols et la délivrance des permis de construire.
Nous sommes tous d'accord pour dire que la décentralisation est une bonne
chose pour notre pays et les maires ont pris à bras-le-corps les nouvelles
responsabilités qui leur ont été confiées.
Cependant, ils doivent, au fil des ans, s'adapter aux contraintes nouvelles et
relever chaque jour de nouveaux défis.
Ainsi, les directives de 1994 sur la protection des populations contre les
risques d'inondation précisent que, pour la définition du périmètre
constructible, les plus hautes eaux connues doivent être prises en compte.
Par exemple, dans mon département, celui de la Haute-Garonne, la crue
exceptionnelle de 1875 est devenue, en 1994, le critère de référence alors que,
depuis 1951, le critère retenu était celui de la crue centennale.
Du jour au lendemain, des dizaines de communes riveraines de la Garonne ou de
l'Ariège ont vu une grande partie de leur territoire, quand il ne s'agit pas de
latotalité, devenir inconstructible, y compris des zones urbanisées depuis des
siècles.
Comment ne pas comprendre le désarroi d'un maire qui voit le développement de
sa commune brutalement stoppé, avec toutes les conséquences que cela peut avoir
sur l'activité économique ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'est sûr !
M. Gérard Roujas.
Nous sommes tous soucieux, les élus locaux en premier lieu, d'assurer la
sécurité des biens et des personnes, mais il me semble qu'il y a là matière à
réflexion.
La prise en compte du critère des plus hautes eaux n'est pas forcément
toujours justifiée. Après tout, pour certains d'entre nous ici, les plus hautes
eaux connues n'est-ce pas le déluge ?
(Sourires.)
Cela pour vous dire, monsieur le ministre, qu'une réflexion avec votre
collègue Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement
me semble souhaitable, afin de dégager une solution qui permette de trouver le
bon compromis entre la nécessaire protection des populations et le tout aussi
nécessaire développement de nos communes.
La responsabilité des maires en matière d'urbanisme est d'autant plus lourde
qu'ils sont soumis au principe de la responsabilité sans faute. Aussi
doivent-ils pouvoir s'appuyer - et c'est particulièrement vrai pour les petites
communes - sur les services techniques de la direction départementale de
l'équipement, la DDE.
Il me paraît donc indispensable de maintenir et de développer le lien entre
les services techniques des subdivisions territoriales et les élus.
Il serait préjudiciable, à tout point de vue, que des projets engagés en 1996
concernant le regroupement des services d'instruction des dossiers
d'application du droit des sols - certificats d'urbanisme, permis de
construire, etc. - voient le jour, comme cela semble être le cas dans beaucoup
de départements.
Considérer que l'application du droit des sols n'est plus ou ne doit plus être
une mission de la DDE serait nier la réalité de la structure communale
française.
Dans les faits, il s'agirait, à terme, d'une remise en cause pure et simple de
la décentralisation en matière d'urbanisme.
Je citerai sur ce point les quelques mots d'un maire de mon département : « Il
est très important pour les petites communes que les services techniques de la
DDE restent présents sur le terrain pour aider les élus dans leur démarche.
« Pour les petites communes c'est primordial, car elles n'ont pas de
techniciens. Et puis surtout nous avons besoin d'une démarche commune sur le
terrain, pas de conseils venus de loin. C'est un cri du coeur que je lance ! Ne
nous enlevez pas cela ! »
Cette réaction se passe de commentaire et prouve, s'il en était besoin,
combien les élus locaux attendent d'être rassurés.
Vous le savez, monsieur le ministre, le chantier qui vous attend est immense.
Pour le mener à bien, vous pouvez compter sur l'appui total du groupe
socialiste du Sénat.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du
budget de l'urbanisme m'amène à traiter du devenir, préoccupant aujourd'hui,
des conseils d'architecture d'urbanisme et de l'environnement, les CAUE.
La loi du 3 janvier 1997 a investi les CAUE d'une mission d'intérêt général.
L'article 6 dispose que « le CAUE poursuit, sur le plan local, les objectifs
définis au plan national, en vue de promouvoir la qualité de l'architecture et
de son environnement ».
L'article 1er de ce même texte affirme que « la création architecturale, la
qualité des constructions, leur insertion dans le milieu environnant, le
respect des paysages naturels ou urbains sont d'intérêt public ».
Or les CAUE n'ont pas les crédits pour assurer la mission qui leur a été
confiée.
Le monde rural est le grand perdant de la décentralisation de l'urbanisme qui
a placé de petites collectivités locales devant de nouvelles responsabilités
qu'elles ne sont pas en mesure d'assurer, car elles ne possédent pas les moyens
de se doter des services compétents.
Les CAUE ont, dans ce milieu rural, initié une dynamique de concertation,
d'animation et d'aide à la décision qui correspond bien aux besoins exprimés
par les élus locaux. Cependant, depuis leur création, ces structures ont
toujours eu des moyens de subsistance aussi aléatoires qu'irréguliers.
Dans mon département, la Haute-Saône, comment l'équipe du CAUE, comptant moins
de quatre personnes à plein temps, peut-elle faire face aux sollicitations de
plus de cinq cents maires, pour la grande majorité à la tête de communes de
moins de mille habitants, et conseiller les deux mille pétitionnaires qui
déposent des permis de construire chaque année ?
Comment ces élus peuvent-ils assumer la centralisation de l'urbanisme si on
limite le nombre de conseils et si l'on restreint toujours davantage la vue
d'ensemble nécessaire à une bonne réflexion préalable à un aménagement ?
Dans les départements ruraux, touchés par la désertification, il ne s'agit pas
de remettre en cause la qualité de la vie ni celle des paysages, là où les
problèmes vont se poser avec une plus grande acuité dans les années à venir.
Il ne s'agit pas non plus d'oublier presque un quart du territoire français,
très vulnérable et pourtant tellement significatif d'un terroir, indissociable
de l'identité, pour lequel les élus initient inlassablement des politiques de
développement local s'appuyant, notamment, sur de nouvelles formes de tourisme,
fût-il vert ou culturel.
Il faut bien comprendre, monsieur le ministre, que pour nos communes rurales
il n'existe pas de « petit projet ». Toute intervention sur leur territoire
prend une ampleur remarquable et fortement dommageable si des travaux sont
effectués sans discernement, par exemple, pour des traversées de villages, des
abords de fontaine, de lavoirs, d'églises. La France est émaillée de ces
témoignages architecturaux du passé dont nous ne sommes que les dépositaires
avec obligation de transmission.
Les CAUE sont dans l'incapacité d'assumer leurs missions faute de moyens et
d'intervenants.
La taxe départementale qui leur est affectée a, pour le moins, un rendement
faible et incertain. En Haute-Saône, il est inférieur à 800 000 francs et
retrouve, cette année, le niveau qu'il avait atteint en 1988 après de nets
fléchissements.
Ainsi le CAUE est-il étroitement dépendant des subventions allouées par le
conseil général qui, depuis 1980, assure le fonctionnement de la structure.
Les communes apportent également leur contribution sous forme d'adhésion à
l'association constituée à cet effet. Elles souscrivent volontiers à cette
participation, mais est-il bien convenable, compte tenu de leurs faibles
ressources, de leur faire soutenir dans cette proportion une mission d'intérêt
public ?
Certes, l'Etat apparaît dans la dotation destinée aux architectes-consultants,
mais uniquement en faveur des CAUE les plus démunis, là où le rendement de la
taxe départementale est très faible. Cette dotation est gérée par les services
extérieurs de l'Etat, les directions départementales de l'équipement, les DDE,
puis les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, depuis le
mois de janvier de cette année.
L'application des circulaires régissant l'utilisation de ces crédits confine
au surréalisme.
La durée mensuelle d'intervention de chaque architecte est limitée à douze
vacations, soit six jours par mois. En conséquence, en dépit du prélèvement des
cotisations sociales légales sur les salaires, les architectes ne peuvent
prétendre à aucune couverture sociale. La rémunération, non réévaluée depuis
six ans, est de 230 francs bruts par vacation et, dans mon département, elle
est versée avec six mois de retard. Dans ces conditions, que peut-on attendre,
effectivement, de leurs interventions ?
Dans l'audit réalisé, voilà deux ans, le conseiller d'Etat Christian Vigouroux
concluait : « Les CAUE ne sont pas conçus pour survivre. Pour animer et
innover, ils doivent disposer des moyens de leur indépendance ou mieux vaut les
dissoudre. L'Etat a tout à perdre en laissant vivoter des structures en
assistance de survie artificielle ».
Je souhaite, monsieur le ministre, être clairement informé sur le sort réservé
aux CAUE. L'Etat va-t-il leur donner les moyens de remplir leurs missions ?
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur celles de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, avant de monter à la tribune pour prendre la parole sur
le budget de l'urbanisme et des services communs...
M. le président.
Madame Beaudeau, sachez que votre temps de parole est dès maintenant
décompté.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, vous n'avez pas autorisé tout à l'heure M. Minetti à
faire un rappel au règlement.
M. le président.
Il ne s'agissait pas d'un rappel au règlement. M. Minetti voulait faire une
déclaration sur un tout autre sujet.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il est vrai que, depuis 1994, le rappel au règlement doit se fonder sur une
disposition précise du règlement mais, en même temps, l'article 36 dispose : «
La parole est accordée sur-le-champ à tout sénateur qui la demande pour un
rappel au règlement. » Je n'énumèrerai pas l'ensemble des possibilités offertes
par cet article. Je préciserai simplement que le rappel au règlement de mon
collègue M. Louis Minetti portait sur le débat relatif au projet de loi de
finances. Or, par courtoisie, vous nous aviez toujours permis jusqu'à présent,
monsieur le président, de faire un tel rappel au règlement. Nous ne comprenons
donc pas aujourd'hui que vous ayez empêché l'un des nôtres de s'exprimer.
M. François Trucy.
Il fallait venir, ce matin, à trois heures et demie, madame Beaudeau !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, nous avons perdu beaucoup de temps alors que mon
collègue ne disposait que d'une minute pour faire son rappel au règlement.
M. le président.
Vous avez déjà perdu plus d'une minute, Madame Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il n'est pas dans les habitudes de la Haute Assemblée d'empêcher un sénateur
de s'exprimer.
M. le président.
Si, madame Luc, de telles situations se sont déjà produites.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Nous en reparlerons.
J'en viens au budget de l'urbanisme et des services communs. Ne disposant que
de cinq minutes dans ce débat, je centrerai mon propos sur le devenir des
services de l'équipement.
Les crédits consacrés aux personnels de l'équipement enregistrent, certes, une
légère augmentation mais, en même temps, 861 postes disparaissent sur les 100
000 postes actuels et viennent s'ajouter aux 15 000 suppressions de postes qui
sont déjà intervenues depuis dix ans.
Cette année, sont concernés 535 emplois d'agents d'exploitation des travaux
publics de l'Etat et 220 postes d'ouvriers des parcs et ateliers.
En revanche, on assiste à une augmentation de 1 % du nombre d'emplois de
catégorie A, soit 62 emplois, et de catégorie B, soit 211 emplois. Les
personnels d'exécution sont les plus concernés.
Ces 861 suppressions de postes soulèvent bien entendu des questions liées
directement au problème de l'emploi. Mais ne vont-elles pas remettre en cause
l'entretien des routes nationales et départementales, la maintenance de la
signalisation, les opérations de déneigement ou les actions de prévention des
catastrophes ?
Autrement dit, la souplesse, la rapidité d'intervention, la disponibilité, en
un mot les qualités du service public, ne sont-elles pas appelées à disparaître
progressivement si ces suppressions de postes devaient se poursuivre ?
Ce ne sont pas les entreprises privées soumises à l'impératif de rentabilité
qui assureront le même service. Elles n'ont pas, comme vous le savez, monsieur
le ministre, les mêmes objectifs. La diminution du nombre d'agents dans les
centres d'exploitation n'entraînera-t-elle pas la formation d'équipes
polyvalentes ce qui fera baisser le niveau de technicité des intervenants et
par là même la qualité des interventions ?
Les services de l'équipement sont nécessaires pour les visions d'ensemble, les
harmonisations et l'application des politiques générales en matière
d'aménagement et d'environnement. Ils apportent aussi une aide aux
collectivités locales comme conseillers techniques ou administratifs. Comment
feront ces dernières ? Veut-on les livrer aux cabinets ou aux bureaux privés,
aux agences multiples ne visant qu'un profit immédiat ? La concurrence
disparaîtra et les ententes financières se généraliseront, mais des nombreuses
subdivisions entières sont menacées de disparition du fait, par exemple, de la
suppression de postes de dessinateur et de technicien.
Je sais, monsieur le ministre, que vous suivez attentivement ce dossier. Vous
vous en êtes d'ailleurs préoccupé dès votre arrivée à ce ministère. La qualité
du traitement des déchets et de l'eau, par exemple, mais aussi des grands
projets routiers ne risque-t-elle pas d'en souffrir ?
Monsieur le ministre, est-il vrai que certains projettent d'aller encore plus
loin en envisageant de confier au secteur privé la gestion des autoroutes sans
péage, précipitant ainsi la disparition de corps entiers de personnels
spécialisés ? Que deviendront, dans ce cas, les agents d'exploitation des
travaux publics de l'Etat ?
Monsieur le ministre, démentez également le projet de transformation des parcs
routiers en établissements publics ! Que deviendront alors les ouvriers des
parcs et ateliers ?
Le maintien d'un service public de qualité, comme les services de
l'équipement, évitera le transfert de nouveaux secteurs aux intérêts privés.
Les citoyens, sans leur service public, seront pénalisés et les collectivités
désarmées.
Regardez, par exemple, ce que devient le service de l'eau : l'eau est de plus
en plus chère et les profits réalisés par les grands groupes privés sont de
plus en plus élevés. Le traitement des eaux usées est, à son tour, touché.
Monsieur le ministre, vous devez confirmer que l'Etat ne livrera pas les
routes, l'environnement et l'aménagement du territoire aux puissances d'argent.
L'équipement est un rempart contre ce danger. Si vous refusez de lui donner les
crédits nécessaires, si vous réduisez les effectifs, il ne pourra plus jouer ce
rôle public rationnel, moderne, en un mot, national. La suppression de près de
neuf cents postes dans le budget de l'équipement entraînera de nouveaux
dysfonctionnements dans ce secteur. Je sais que vous partagez ce point de
vue.
Dans le Val-d'Oise et la Seine-Saint-Denis, l'émotion est grande si j'en juge
par les lettres que nous recevons. Monsieur le ministre, nous comptons sur vous
pour réaffirmer à nouveau le rôle de l'équipement et le soutien du
Gouvernement.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, la présentation du budget de
l'équipement, des transports et du logement est un moment important. Le débat
étant organisé autour des sections budgétaires, il risque d'en résulter une
vision un peu hachée des responsabilités de mon secteur ministériel. Je
voudrais donc saisir l'occasion de ce premier budget pour remercier l'ensemble
des rapporteurs de leur travail, de leur réflexion et de leurs propositions,
même si je ne les partage pas toutes, ainsi que les orateurs qui viennent de
s'exprimer.
Permettez-moi encore de formuler quelques observations d'ordre général, avant
d'aborder les crédits du budget de l'urbanisme et des services communs.
Le ministère de l'équipement, des transports et du logement intervient dans
des domaines de la vie quotidienne, comme vous l'avez souligné, madame Durrieu,
pour permettre à nos concitoyens de se loger dignement, de se déplacer, de
partir en vacances et de voyager en toute sécurité.
Il s'agit d'un vaste chantier dont l'actualité montre en permanence les
difficultés et les obstacles tout en soulignant la place et le rôle des
personnels et des salariés de toutes les catégories concernées.
J'ai conscience de l'ampleur de la tâche. Les Français, par leur vote, ont
exprimé clairement, au mois de juin dernier, leur volonté de changement. Ils
attendent donc de ce ministère des réponses concrètes.
Naturellement, rien ne se fait en un jour ni même en quelques mois. Mais je
pense sincèrement que le budget que je présente constitue, en quelque sorte,
une première étape dans l'immense travail qui consiste non pas à opposer
l'économie et l'être humain, mais, au contraire, à mettre la première au
service du second. Mon ambition est de continuer à faire reculer le chômage, à
donner du sens à la politique et à la démocratie.
Bien entendu, les comportements des décideurs changent lentement. Mais je peux
vous dire combien est utile la compétence et l'opiniâtreté des élus que vous
êtes pour défendre tel ou tel dossier et faire avancer telle ou telle
question.
Chacune, chacun d'entre vous travaille déjà en dépassant l'horizon 1998 à ce
que devra être le XIIe Plan. Je peux vous assurer que je serai votre partenaire
pour prendre le temps nécessaire à l'élaboration commune des nouvelles
orientations, des nouveaux aménagements, des nouvelles idées que nous devons
mettre en chantier pour l'avenir.
Le budget que je vous présente, s'il reste encore marqué par des choix
antérieurs, comporte néanmoins les premières inflexions qui concrétisent les
priorités que je souhaite faire avancer.
Au total, les crédits s'élèvent à un peu plus de 146 milliards de francs, si
l'on tient compte du budget annexe de l'aviation civile et des comptes spéciaux
du Trésor.
Ces crédits augmentent de 4,2 % par rapport à 1997, soit trois fois plus que
le budget civil de l'Etat.
Cette augmentation est l'affirmation d'une priorité du Gouvernement : à côté
des investissements des collectivités locales, les investissements publics
réalisés dans le logement, les transports et l'équipement sont décisifs pour la
croissance et l'emploi.
Ainsi, les programmes d'investissement des entreprises ou établissements
publics sous sa tutelle - SNCF, RATP, autoroutes, Réseau ferré de France,
Aéroports de Paris, Voies navigables de France - s'élèvent à 55 milliards de
francs.
Ce poids économique considérable a un fort contenu en emplois et un impact
positif sur la balance des paiements. Il en résulte un effet d'entraînement sur
de nombreux secteurs tels que la maîtrise d'oeuvre, les matériaux et
équipements de construction, les matériels de chantier et de transport,
l'immobilier, l'environnement, les services, etc.
Au total, près de 15 % de la richesse nationale est concernée, directement ou
indirectement, par l'action de notre ministère, soit environ 4,2 millions
d'emplois. A elle seules, les entreprises publiques de transport représentent
environ 300 000 emplois.
Le souci de préserver l'investissement public reste au coeur de mes décisions,
y compris - nous en reparlerons - quand les réformes apparaissent
nécessaires.
L'exercice auquel je vais me livrer au cours de cette journée va me permettre
de dérouler la grande diversité des secteurs dont j'ai la charge :
l'équipement, les transports sur terre, sur mer et dans les airs, sans oublier
le logement et le tourisme.
Je ne présenterai pas les budgets du logement et du tourisme dans la mesure où
les secrétaires d'Etat chargés de ces questions, M. Louis Besson et Mme Michèle
Demessine, vous les présenteront eux-mêmes, dimanche prochain.
J'en arrive au budget de l'urbanisme et des services communs, que vous venez
d'évoquer.
J'ai entendu toutes les questions qui ont été posées. Je répondrai, dès
aujourd'hui, à certaines d'entre elles. Pour d'autres, vous le comprendrez,
plutôt que de me limiter à des généralités, je les étudierai précisément. Il en
est ainsi des questions touchant à la responsabilité des maires, en cas
d'inondation. Il s'agit là de questions très importantes, que j'entends lorsque
je rencontre les élus et sur lesquelles il me paraît nécessaire d'apporter des
précisions.
Les différents services de mon ministère assurent, sur le terrain, des
missions importantes pour le compte de plusieurs départements ministériels,
avec une forte proximité des collectivités territoriales. Ils sont aussi, en
tant que réseau scientifique et technique, en relation étroite avec les
entreprises industrielles du secteur.
Toutes mes visites m'ont permis d'apprécier la valeur des agents et
l'importance que les élus, comme les entreprises, attachent à la qualité et à
l'efficacité des services.
Comme l'a souligné Mme Beaudeau, la question des effectifs est aujourd'hui
d'une extrême sensibilité pour le développement local et l'exercice de missions
qui sont bien souvent, chacun a encore pu le constater cette semaine, des
missions de sécurité.
Depuis vingt ans, près de 15 000 emplois ont été supprimés. Souvent, vous
mesurez vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, pour le déplorer, à
juste titre, les conséquences des restrictions budgétaires : nous avons
aujourd'hui, en certains points du territoire, des chasse-neige qui ne
déneigent plus faute de conducteurs, des bâtiments de sécurité en mer
immobilisés faute de gazole, des plans de prévention des risques dont
l'élaboration est trop longue, etc.
J'ai trouvé à mon arrivée au ministère, comme l'a relevé M. Collard, des
engagements contractualisés programmant une réduction des effectifs de 1 000
emplois en 1998. En contrepartie étaient prévues des mesures catégorielles et
la maîtrise des crédits de fonctionnement.
J'ai procédé - vous l'avez souligné - à des premières inflexions dans des
secteurs très sensibles. J'ai ainsi assuré quelques recrutements spécifiques
permettant, d'une part, de résorber des emplois précaires et, d'autre part,
d'assurer un flux d'environ 200 embauches.
Un effort particulier a été entrepris en faveur du contrôle et de l'inspection
du travail des transports routiers. En effet, les événements récents ont montré
l'attachement des professionnels et des salariés au respect des règles du jeu,
rendu possible grâce aux services de l'Etat.
Parallèlement, quelques dispositions catégorielles ont pu être améliorées. Il
en est ainsi de la suppression du premier niveau de la catégorie C, suppression
promise depuis longtemps mais non assurée ; 1 250 postes ouverts à un concours
permettront l'accès des agents en question au corps supérieur.
Enfin, les crédits de fonctionnement bénéficient d'une garantie de stabilité,
ce qui représente un atout important pour la vie courante des services
déconcentrés.
Il ne s'agit, j'en ai conscience, que du début d'une inflexion, qui ne
constitue pas encore une réponse satisfaisante au regard des besoins.
C'est pour cette raison que je considère nécessaire, voire indispensable, de
redonner un sens à l'action des services autour de trois axes principaux.
Le premier, c'est le rapport au territoire. L'implantation et l'organisation
des services en subdivisions sont une garantie certaine de disponibilité et
d'offre de service public pour les citoyens et les collectivités locales. Cela
vaut au niveau tant des grandes agglomérations que des pays ruraux, avec entre
ces extrêmes, si je puis dire, une grande diversité de situations à l'image de
la richesse et de la variété de notre territoire national.
S'agissant de l'enjeu pour le service public, permettez-moi, madame Beaudeau,
de dissiper les craintes que vous avez exprimées à la suite de certaines
déclarations : il n'a jamais été dans l'intention du Gouvernement, ni dans la
mienne, bien entendu, de mettre en cause le service public, pas plus que le
secteur public.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Dieu sait
d'ailleurs si certains me le reprochent !
L'enjeu pour le service public de l'équipement est de savoir s'adapter avec
pertinence aux situations qu'il rencontre.
Le deuxième axe, c'est le fonctionnement en réseau scientifique et technique.
Il s'agit, pour mon ministère, d'être au meilleur niveau européen, voire
mondial - c'est déjà le cas dans de nombreux domaines, comme ceux de la
météorologie ou des ouvrages d'art - en ayant la capacité de diffuser auprès
des entreprises et des collectivités locales les savoirs techniques aujourd'hui
indispensables.
Les atouts sont multiples avec un réseau technique performant aussi bien sur
le territoire, grâce aux centres d'études techniques de l'équipement, les
fameux CETE, qu'au niveau national, avec des unités spécialisées de recherche
comme le Laboratoire central des ponts et chaussées, le LCPC, et grâce à un
réseau de formation développé autour de la formation initiale, bien sûr, mais
aussi autour de la formation continue.
Le troisième axe, c'est l'exploitation des réseaux et la sécurité. C'est bien
évidemment sur cet axe que les enjeux quantitatifs sont les plus importants
pour la bonne raison que c'est dans les services chargés de la sécurité et de
l'exploitation des réseaux nationaux et départementaux que les personnels sont
proportionnellement les plus nombreux.
Il reste que les effectifs ne permettent pas toujours d'assurer correctement
la sécurité, en particulier sur les réseaux routiers qui supportent un trafic
en constante progression - il a globalement doublé en vingt ans - et par
rapport à une attente sociale de plus en plus forte de capacité d'intervention
dès le moindre incident. Il y a une véritable demande. J'ai proposé aux
représentants du personnel la tenue d'une conférence nationale sur l'entretien
et l'exploitation, au cours de laquelle les questions du niveau de service
rendu aux usagers et de la sécurité seront centrales. Il demeure que le service
ne peut être, selon moi, amélioré et durablement fiabilisé qu'en infléchissant
l'approche qui a prévalu jusqu'à présent.
Mon ambition est de retracer des perspectives raisonnables d'emplois pour le
ministère avec une forte exigence en matière de qualité du service rendu. De
cette façon, nous pourrons remobiliser les services, dans une relation
harmonieuse avec les collectivités locales et les entreprises. Pour que la
qualité du service aux usagers soit assurée, l'évolution des effectifs au-delà
de 1998 est, à mes yeux, une des préoccupations majeures.
En matière d'aménagement foncier et d'urbanisme - là aussi, vous l'avez
souligné - la situation que M. Louis Besson et moi-même avons trouvée était
préoccupante. L'Etat était en voie de perdre sa capacité à renouveler les
réflexions prospectives et à contribuer à la planification ; il était également
en difficulté pour définir et coordonner ses propres interventions dans les
grandes opérations qui relèvent de sa responsabilité.
Les crédits de ce secteur ont été augmentés de manière significative.
Parallèlement, j'ai demandé à M. Gilbert Santel, conjointement avec mes
collègues, Mme Dominique Voynet et M. Louis Besson, de proposer la fusion des
deux administrations centrales chargées de l'urbanisme et du logement.
Ce rapport nous a été rendu et la mise en oeuvre des propositions que nous
avons acceptées est en cours, en concertation avec les personnels.
J'attache de l'importance à cet acte fort, qui améliorera l'articulation entre
les politiques urbaines et celles de l'habitat et permettra de mieux prendre en
compte les attentes des élus et des citoyens, sur le plan national comme sur le
plan territorial, ainsi que vous l'avez souhaité, monsieur Roujas.
L'année 1998 sera une année charnière. J'ai la volonté de relancer les
politiques urbaines à partir d'une mise en cohérence des interventions en
matière d'habitat et de construction. Cette approche est complémentaire de
celle qui a été engagée en matière de déplacements urbains.
Avec M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, nous mettrons donc à
profit l'année 1998 pour refonder les axes de la politique urbaine de l'Etat.
Ce travail aura, bien évidemment, une dimension législative et une dimension
réglementaire, que le Gouvernement soumettra au Parlement à partir du bilan de
ce qu'a été l'application sur le terrain de la loi d'orientation pour la ville.
Le projet de loi de finances pour 1998 permet de créer des conditions
favorables à cette refondation.
En particulier, le projet de loi de finances permet de renforcer les capacités
d'études de l'Etat. Dans le domaine de l'urbanisme, il est en effet essentiel
de pouvoir mobiliser de la matière grise - urbanistes, architectes, sociologues
économistes, paysagistes, etc. - pour aider à la définition des politiques et
pour contribuer au montage des projets. Les crédits des agences d'urbanisme
augmenteront de 6 %, ce qui permettra de faire face à la création de nouvelles
agences. Les crédits d'études des services augmenteront de 14 %, ce qui
permettra, notamment, de financer des études correspondant aux projets de
directives territoriales d'aménagement.
En outre, les crédits du FARIF feront l'objet, comme l'a souhaité M. le
rapporteur spécial, de redéploiements internes au profit des acquisitions
foncières. Ces redéploiements permettront à l'Etat de mener une politique
d'action foncière plus dynamique pour des opérations stratégiques où il doit
agir en partenariat avec les collectivités locales.
Mme le rapporteur pour avis et M. Joly m'ont demandé des éléments de réponse
sur le montant des taxes pour les conseils d'architecture, d'urbanisme et
d'environnement, liquidées par les DDE. Celui-ci s'est élevé à 228 millions de
francs en 1995, dernière année connue.
A ce jour, cinq départements ont institué un CAUE sans taxe correspondante et
douze autres n'en ont pas institué. L'essentiel des départements ont voté la
taxe au taux maximal prévu par la loi, à savoir 0,3 %. Seuls deux d'entre eux,
la Seine-Saint-Denis et la Meurthe-et-Moselle, se satisfont d'un taux minimal
de 0,10 %.
Les CAUE sont effectivement un élément très important d'amélioration de la
qualité des aménagements et des constructions ; mes services travaillent en
coopération avec eux dans des conditions très positives.
Ma collègue Catherine Trautmann, qui est maintenant en charge, de par la loi,
des questions relatives à l'architecture, qui ne dépendent donc plus
directement du ministère de l'équipement, y est aussi, je le sais, très
attachée. C'est d'ailleurs de son budget que relèvent les dotations permettant
de payer des architectes-consultants là où le produit de la taxe n'assure pas
au CAUE local des ressources suffisantes.
Par ailleurs, Mme le rapporteur pour avis m'a interrogé sur les autorisations
de travaux qui sont dans le champ de visibilité des édifices classés ou
inscrits.
C'est un projet qui a nécessité un travail interministériel puisqu'il associe
mes services à ceux de ma collègue chargée de la culture.
Le projet de texte est en cours d'examen entre les deux ministères ; il sera
soumis dès que possible au Conseil d'Etat.
M. le rapporteur spécial m'a interrogé sur l'état d'avancement des directives
territoriales d'aménagement. Six directives sont en cours d'expérimentation ;
elles en sont à des degrés divers d'avancement, celle des Alpes-Maritimes étant
la plus avancée.
Il n'est pas envisagé, pour l'instant, de lancer de nouvelles directives tant
qu'une première évaluation de l'expérimentation en cours ne sera pas connue.
Cela me semble raisonnable.
Enfin, Mme le rapporteur pour avis m'a interrogé sur les problèmes
d'application de la loi montagne concernant la reconstruction des granges de
montagne, notamment dans les Pyrénées.
Mes services sont prêts à examiner les différentes situations qui pourraient
poser problème localement, mais dans le respect des impératifs de protection du
milieu montagnard. C'est d'ailleurs ce qui a été fait pour les chalets
d'alpage, pour lesquels bien des difficultés ont pu ainsi être levées.
Mme le rapporteur pour avis a également soulevé la question de la lourdeur de
la procédure des unités touristiques nouvelles. Le précédent gouvernement avait
créé une instance d'évaluation sous l'égide du Commissariat général du Plan.
Les conclusions de ses travaux sont en passe d'être connues. Dès qu'elles le
seront, nous aviserons.
S'agissant de la recherche et de la technologie, le budget civil de recherche
et de développement technologiques, le BCRD, s'élève, pour ce qui est de mon
ministère, à 622,3 millions de francs en moyens d'engagement, hors Météosat,
soit une augmentation de 2,9 %, supérieure à la progression générale des
crédits de recherche ; c'est logique, car il s'agit de recherche à caractère
opérationnel.
Nous pourrons ainsi, par exemple, mieux impliquer le centre scientifique et
technique du bâtiment dans la santé publique. A Marne-la-Vallée, démarrera la
construction d'un nouveau laboratoire de recherche et d'expérimentation, où des
spécialistes des sciences du bâtiment et des sciences du vivant travailleront
ensemble sur la qualité de l'air intérieur des bâtiments, notamment sur la
pollution par l'amiante.
C'est sur ce même site de Marne-la-Vallée que sont désormais installées
l'Ecole nationale des ponts et chaussées et l'Ecole nationale des sciences
géographiques, dans de nouveaux locaux que nous avons inaugurés, au côté du
Président de la République, voilà quelques semaines. Quant à l'Institut
géographique national, l'année 1998 sera celle de l'élaboration d'un nouveau
contrat de plan.
Le ministère participe activement aux programmes de recherche et d'innovation
dans les transports terrestres, qui portent sur le développement de transports
collectifs accessibles, confortables et fiables, et sur la mise rapide sur le
marché de nouveaux véhicules plus propres et plus économes.
Le centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les
constructions publiques a désormais les moyens d'intervenir de manière
pertinente dans de nouveaux domaines, comme les plans de déplacements urbains,
rendus obligatoires par la loi sur l'air.
Enfin, les concours de l'Etat à Météo France sont stabilisés à 1,16 milliard
de francs. Complétant les recettes propres de Météo France, ils permettront à
l'établissement de se développer.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je tenais à
vous apporter.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'urbanisme et les services
communs, inscrits à la ligne « Equipement, transports et logement », seront mis
aux voix le dimanche 7 décembre à la suite de l'examen des crédits affectés au
tourisme.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 218 120 651 francs. »
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Josette Durrieu,
rapporteur pour avis.
Monsieur le ministre, je tiens d'abord à vous
remercier de l'ensemble de vos réponses. Je me félicite, par ailleurs, de la
priorité que vous accordez aux crédits affectés à la recherche.
En l'instant, je souhaite faire deux remarques, la première, qui concerne
l'espace, son occupation et son utilisation par les hommes, m'ayant été
inspirée par ce que je viens d'entendre.
A-t-on bien pris conscience du fait que, s'il y a une concentration urbaine
qui regroupe 80 %, voire 90 %, de la population, tout le reste du territoire ne
compte qu'une population permanente minime ?
Et puisque vous êtes aussi ministre du tourisme, je vous invite à réfléchir au
fait qu'il y a sur deux jours de la semaine et probablement aussi sur trois
mois de l'année une fantastique mobilité.
Dans les Hautes-Pyrénées, département éminemment touristique, où l'activité
touristique est même devenue, hélas ! l'activité économique première, alors que
c'était encore, il y a peu, l'industrie, nous avons 3 200 kilomètres de routes
départementales. Nous n'avons pas forcement besoin d'autant. Mais, en l'espace
de quelques heures, la population double ou triple. Pour prendre l'exemple
d'une station connue, Saint-Lary, qui compte 900 habitants permanents, voit
parfois affluer 30 000 touristes.
Cela a un coût, monsieur le ministre. Aussi, quand vous parlez de
restructuration des subdivisions, avec les réductions de personnel que cela
suppose, imaginez-vous toutes les conséquences immédiates sur l'entretien des
routes, voire sur leur déneigement, puisque tout à l'heure quelqu'un se
plaignait qu'aujourd'hui même, on ne pouvait pas circuler dans la Marne ?
Monsieur le ministre, quel est le lien exact entre ce problème que je viens
d'évoquer et les restructurations qui sont en cours ?
Ma seconde remarque a trait aux nouvelles technologies, aux nouvelles
techniques de l'information et de la communication, qui font partie intégrante
de la recherche.
Quelle place le ministère de l'équipement fera-t-il à ces nouvelles techniques
de travail à partir des images satellitaires s'agissant des études d'impact ?
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Par amendement n° II-61, M. Collard, au nom de la commission des finances,
propose de réduire les crédits du titre III de 325 477 229 francs et, en
conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles à
moins
107 356
578 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri Collard,
rapporteur spécial.
Cet amendement a pour objet de réduire les crédits
figurant au titre III, c'est-à-dire les dépenses ordinaires du budget de
l'urbanisme et des services communs, de 325 millions de francs, correspondant à
un abattement de 1,44 % sur chacun des chapitres composant ce titre.
Il vise à faire participer ce budget à l'effort de maîtrise des dépenses
publiques engagé par la commission des finances sous l'impulsion de son
rapporteur général, M. Lambert, et de son président, M. Poncelet.
Je rappelle que ce budget connaît, de fait, des mesures de régulation
budgétaire. L'arrêté du 9 juillet dernier a déjà annulé 37 millions de francs
en crédits de paiement et 67 millions de francs en autorisations de programme.
L'arrêté du 19 novembre dernier a procédé à de nouvelles annulations de
crédits, à hauteur de 35 millions de francs en crédits de paiement et de 20
millions de francs en autorisations de programme.
Le budget pour 1998 traduit, certes, un effort de réduction des services
votés, mais cette réduction ne porte que sur 0,6 % de la masse totale et ne
permet pas de stabiliser les dépenses ordinaires, qui, je le répète, continuent
de croître au détriment des dépenses en capital. Elles progressent en effet de
2 %, alors que les dépenses d'investissement diminuent de 1 %.
Personnellement, je le regrette. Si nous menions la même politique à l'échelon
départemental, les routes départementales seraient en bien mauvais état. Or,
elles sont, me semble-t-il, en moins mauvais état que certaines routes
nationales.
Afin de témoigner de son engagement à contenir la dépense publique, j'invite
le Sénat, au nom de la commission des finances, à adopter cet amendement de
réduction des dépenses.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
rapporteur, ce n'est pas raisonnable !
M. Marc Massion.
Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Cet amendement,
comme, d'après ce que je sais, tous ceux qui vont suivre et tous ceux qui ont
précédé dans d'autres budgets, vise à réduire de manière uniforme et un petit
peu aveugle les crédits relatifs aux mesures nouvelles inscrites aux dépenses
ordinaires, aux titres III et IV de mon budget.
Cette baisse conduit, en fait, à des coupes arbitraires remettant en cause
l'exercice même du service public.
Ainsi, dans le budget des services communs, l'adoption de cet amendement
reviendrait à supprimer environ 3 000 emplois, soit l'équivalent de cinq
directions départementales de l'équipement.
Pour prendre un autre exemple - je réponds dès maintenant de manière globale
sur l'ensemble des amendements pour ne pas avoir à répéter les mêmes arguments
ce soir, cette nuit et dimanche - la suppression de 600 millions de francs sur
le budget des transports terrestres aboutirait à réduire de moitié l'effet du
désendettement de la SNCF, que ce Gouvernement a voulu pour redresser la
situation financière de cette entreprise.
De même, vous proposez de réduire de manière aveugle les crédits de la
sécurité routière, alors que nous avons à peine commencé à les redresser en
nous fixant l'objectif de réduire le nombre des morts sur les routes. Je vous
rappelle en effet que, chaque jour, six jeunes de moins de vingt-quatre ans,
dont un de moins de quatorze ans, sont tués.
Ainsi, au moment où nous avons décidé de réduire de moitié en cinq ans le
nombre des morts, vous proposez de réduire les crédits de la sécurité routière
!
Non, monsieur le rapporteur, votre proposition n'est pas recevable, et c'est
pourquoi je demande au Sénat de repousser cet amendement.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
et sur les travées socialistes.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-61.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il faut se méfier des modèles comptables ; nous avons déjà eu l'occasion, dans
la discussion de cette seconde partie de la loi de finances, de le souligner
lors de l'examen des crédits de tel ou tel budget.
Dans le cas qui nous occupe, M. le rapporteur spécial pour les crédits de
l'urbanisme et des services communs, M. Collard, nous propose, au nom de la
majorité de la commission des finances, une réduction sensible de plus de 325
millions de francs sur les dépenses inscrites. Or, comme le titre III
représente 218,120 millions de francs, si on le réduit de 325 millions de
francs, on aboutit à un solde négatif de moins 107 millions de francs ! Nous
nous sommes donc livrés à ce petit calcul.
Certes, le ministère de l'équipement, M. le ministre nous l'a dit tout à
l'heure, a connu une réduction assez régulière de ses effectifs, puisqu'il a
perdu 15 000 personne en vingt ans. Tout le monde reconnaît que cette situation
n'est pas tout à fait satisfaisante, et nous escomptons bien du nouveau
gouvernement qu'il pose de nouveau, et dans un avenir proche, la question de
l'évolution des moyens matériels et humains des directions départementales de
l'équipement.
L'amendement de M. Collard a une autre portée. Il s'agit, en effet, de rompre
avec le processus de maintien de la qualité des interventions des agents des
subdivisions des DDE en supprimant 1 500 emplois supplémentaires, mais sans
contrepartie.
M. le rapporteur spécial estimerait-il que nos routes ne doivent pas être
entretenues ? Faut-il, au prétexte de préserver l'avoir fiscal et les quirats,
laisser, par exemple, la RN 10 demeurer l'une des voies les plus dangereuses de
notre réseau routier ?
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Très bien !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Faut-il renoncer à réduire les « points noirs » de Millau, sur la RN 9, ou
laisser en plan le bouclage de la Francilienne ou de l'autoroute A 20, autour
de Châteauroux ? On pourrait multiplier les exemples, et je suis sûre, monsieur
Collard, que vous en connaissez dans votre propre département.
Vous comprendrez donc que nous ne votions pas cet amendement et que nous vous
demandions de le repousser par scrutin public.
M. Gérard Roujas.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Roujas.
M. Gérard Roujas.
Le groupe socialiste considère, comme M. le ministre, que cette réduction des
crédits n'est pas raisonnable. Elle relève d'une tactique mise en oeuvre ici de
plus en plus fréquemment depuis quelque temps. Dès que le gouvernement en place
n'est pas de droite, on vote contre les projets, un peu au hasard.
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
C'est dommage pour la Haute Assemblée ; cela nuit à
son image, elle qui n'est pas élue au suffrage universel. Elle devrait y faire
attention ! La Haute Assemblée devrait trouver davantage d'arguments
lorsqu'elle s'oppose à un membre du Gouvernement ou à un budget.
Par conséquent, le groupe socialiste ne votera pas cet amendement.
M. Louis Minetti.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti.
Je trouve cet amendement assez irresponsable. Réduire les moyens de
l'équipement, il faut le faire, alors que nous entrons dans un hiver qui ne
s'annonce pas, me semble-t-il, très clément ! Il aurait mieux valu que la
commission des finances songe à modifier le projet de budget de l'Etat dans un
autre sens.
Je m'explique. M. François Pinault, la neuvième fortune du pays et l'une des
plus importantes du monde, vient de révéler qu'il n'a pas payé d'impôt sur la
fortune en 1997.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il l'a trouvé, l'article du règlement !
(Rires.)
M. le président.
J'accepte de ne pas rappeler l'orateur à l'objet strict du débat.
(Nouveaux
rires.)
Continuez, monsieur Minetti, cela fait rire tout le monde !
(Sourires.)
M. Louis Minetti.
Merci, monsieur le président, de m'autoriser à continuer !
La fortune de M. Pinault est donc comprise, d'après ses propres estimations,
entre 12,2 milliards de francs et 12,7 milliards de francs. Grâce à l'exemption
d'impôt sur la fortune pour les biens professionnels, et à l'aide d'un tour de
passe-passe fiscal, M. Pinault, l'un des hommes les plus riches de France, au
lieu de participer au niveau où il le devrait à l'effort de redressement de
notre pays, décide de ne pas payer ses impôts !
Nous avons d'ailleurs proposé, lors de l'examen de la première partie du
projet de loi de finances, d'alourdir l'impôt sur la fortune. Cette mesure n'a
pas été adoptée, mais nous y reviendrons.
Quoi qu'il en soit, la situation que j'évoquais est d'autant plus scandaleuse
que ce grand patron dispose, je l'ai appris dans la presse, de multiples
résidences luxueuses qui, elles, en tant qu'actifs, devraient aussi être
comptabilisées pour le calcul de sa fortune. De quels appuis hauts placés
bénéficie donc M. Pinault, pour échapper ainsi à l'administration fiscale ?
J'ajoute que cette affaire est à rapprocher d'un autre fait révélé, il y a
peu, par la presse, je veux parler de l'exemption d'impôt sur le revenu de dix
contribuables français percevant plus d'un million de francs de revenus annuels
!
Voilà qui mérite réflexion, avant de réduire le budget de l'équipement de la
France !
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain
et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Très bien !
M. Henri Collard,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. Gérard Roujas.
Pour retirer votre amendement ?
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri Collard,
rapporteur spécial.
Je veux seulement préciser à l'attention de Mme
Beaudeau que la demande de réduction des dépenses du budget porte sur à peu
près 22 milliards de francs, ce qui ne représente que 1,44 % du montant total
des dotations inscrites aux titres III et IV.
M. Jean Dérian.
Si c'est si peu, alors pourquoi proposer cette réduction ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Au nom de l'idéologie !
M. Henri de Raincourt.
Pas du tout ! Au nom de la logique !
M. Henri Collard,
rapporteur spécial.
Par ailleurs, je soumets à M. le ministre une
proposition, plutôt d'ailleurs en tant qu'élu local, comme nombre d'entre nous
qui sont, notamment, présidents de conseils généraux ou maires de grandes
villes.
Les lois de décentralisation prévoyaient une décentralisation des services.
Dès lors, pourquoi, depuis 1982, a-t-on freiné la décentralisation des
directions départementales de l'équipement ? Je suis convaincu qu'il y aurait,
après réflexion et négociations avec les services de la DDE et du ministère,
une source de réduction des dépenses importante pour l'Etat.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-61, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la
commission des finances, l'autre, du groupe communiste républicain et
citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
44:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 218 |
Contre | 97 |
Le Sénat a adopté.
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 3 829 596 637 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 7 311 176 000 francs ;
« Crédits de paiement : 3 850 677 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 8 264 547 000 francs ;
« Crédits de paiement : 3 122 311 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant
l'urbanisme et les services communs.
II. - TRANSPORTS
1.
Transports terrestres.
2.
Routes.
3.
Sécurité routière.
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les
transports terrestres, les routes et la sécurité routière.
La parole est à M. Cazalet, rapporteur spécial.
M. Auguste Cazalet,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour les transports terrestres.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits
affectés à la section des transports terrestres du ministère de l'équipement,
du logement et des transports évoluent modérément. En augmentation de 0,8 % en
moyens de paiement, ils s'élèvent à 44,9 milliards de francs.
En réalité, l'effort de l'Etat en faveur des transports terrestres est le plus
important jamais réalisé, avec 57,3 milliards de francs. Il faut, en effet,
ajouter aux 44,9 milliards de francs de la section, 2,4 milliards de francs en
provenance des comptes spéciaux du Trésor et la dotation en capital à Réseau
ferré de France, de 10 milliards de francs. A périmètre constant, cet effort
croît de 5,6 % par rapport à 1997 ; mais c'est lors de cet exercice qu'une
évolution sensible s'est produite, puisque l'effort total n'était que de 46
milliards de francs en 1995. A cette époque, j'annonçais que la dette de la
SNCF laissait se profiler un alourdissement de la charge de l'Etat de l'ordre
de 10 milliards de francs.
L'analyse de ces crédits dégage trois facteurs de hausse : les besoins en
capital de Réseau ferré de France, chargé de la dette et du financement des
infrastructures ferroviaires, la construction du TGV Méditerranée et les frais
de fonctionnement des transports franciliens.
Je vous annonce d'ores et déjà que la commission des finances vous proposera
un amendement de réduction des crédits du titre IV
(Sourires),
comme elle l'a fait sur les budgets non régaliens qui
augmentent, correspondant à une réduction forfaitaire de 1,44 % sur chacun des
chapitres.
Je ne peux qu'exprimer ma satisfaction devant l'ouverture d'esprit dont le
nouveau gouvernement fait preuve face à la réforme de la SNCF entreprise par
son prédécesseur. Celle-ci se révèle en effet le seul moyen d'opérer un
redressement durable de l'entreprise publique.
La mise en oeuvre, dans six régions, de l'expérience de régionalisation des
services régionaux de voyageurs ne suscite pas de critiques.
Le coeur de la réforme, à savoir la création d'un établissement public
nouveau, Réseau ferré de France, propriétaire et financeur des infrastructures,
était plus controversé. Le Gouvernement en a finalement admis le bien-fondé, en
concédant la nécessité de séparer la maîtrise d'oeuvre de la maîtrise d'ouvrage
pour la construction et l'entretien des lignes de chemin de fer.
Bien qu'elle ne garantisse pas de façon absolue le redressement de la SNCF,
cette réforme supprime le principal facteur de ses difficultés financières. En
effet, la dette accumulée résultait principalement du financement des
infrastructures.
Le Gouvernement n'apporte à ce sujet que des aménagements intéressants, mais
mineurs : dans l'immédiat, la SNCF se voit allégée de 20 milliards de francs de
dettes supplémentaires ; à terme, une structure de coordination entre la SNCF
et RFF devrait voir le jour.
De son côté, la SNCF doit procéder à la création de deux mille emplois. Ces
personnes seront affectées prioritairement au contact avec la clientèle. Le
coût pour l'entreprise serait de l'ordre de 300 millions de francs en 1998,
alors que l'allégement supplémentaire devrait lui rapporter 1,4 milliard de
francs par an.
La balle est désormais dans le camp de la SNCF et de son personnel. Avec une
dette allégée de 155 milliards de francs et l'allégement du fardeau de
l'infrastructure, l'entreprise doit rapidement retrouver l'équilibre. Avec deux
mille emplois supplémentaires, un régime de retraite et de sécurité sociale
plus favorable que dans le secteur privé, ainsi que vient de le relever la Cour
des comptes, et la garantie de l'emploi, les cheminots sont en condition pour
réussir le pari.
M. Hubert Haenel.
C'est vrai !
M. Auguste Cazalet,
rapporteur spécial.
L'effort de la nation en faveur des chemins de fer
atteindra, en 1998, un montant sans précédent, supérieur à 64 milliards de
francs. Le pays est en droit d'attendre de cet effort un véritable renouveau du
transport ferroviaire.
La contribution aux transports collectifs d'Ile-de-France augmente
sensiblement. Mais il s'agit surtout de combler l'écart entre les charges de
fonctionnement et les recettes d'exploitation d'un service qui souffre encore
de la désaffection de ses clients.
La situation des transports franciliens est, en effet, paradoxale. Un sondage
réalisé récemment pour le compte du comité de promotion des transports publics
montre qu'une forte majorité de Français pensent que les transports publics
seront de plus en plus utilisés.
M. Hubert Haenel.
Très bien !
M. Auguste Cazalet,
rapporteur spécial.
Pourtant, le trafic voyageurs sur le réseau
d'Ile-de-France reste, en 1997, inférieur à celui de 1989, alors même que la
capacité de transport a augmenté de 7 % dans la période.
Depuis 1986, le prix du billet a augmenté de 33 % de plus que l'inflation, et
cette hausse n'est sans doute pas étrangère à la désaffection du public. Mais
cette augmentation du coût répercuté sur l'usager n'a pas empêché une
sollicitation accrue des collectivités publiques et des entreprises, via le
versement transport. Celui-ci devrait rapporter 12 milliards de francs en 1998,
soit 850 millions de francs de plus qu'en 1996, et il est affecté pour
l'essentiel au fonctionnement de la RATP et de la SNCF en Ile-de-France.
Ainsi, malgré l'augmentation très forte des tarifs, la part prise par l'usager
dans le financement du transport n'a pas augmenté.
L'Etat, via le syndicat des transports parisiens, doit adapter sa politique
tarifaire aux déplacements des ménages franciliens, souvent d'autant plus longs
et plus coûteux que ces ménages sont plus modestes.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Eh oui !
M. Auguste Cazalet,
rapporteur spécial.
Il doit aussi s'attaquer au problème de l'insécurité,
dont les proportions s'aggravent rapidement. Il doit, enfin, développer l'offre
sur les axes inter-banlieues. La SNCF et la RATP ont déjà commencé, quant à
elles, à déployer un important effort commercial, mais il est encore trop tôt
pour en juger les résultats.
Les subventions d'investissement aux transports collectifs de province
retrouvent le chemin de la croissance, avec 646 millions de francs
d'autorisations de programme.
Cette dotation permettra d'apporter une aide financière aux métros ou aux VAL
de Lille, Lyon et Rennes, aux tramways de Rouen, Montpellier, Grenoble,
Orléans, Strasbourg et Nantes, aux bus de Saint-Denis-de-la-Réunion, Rennes et
Caen.
La réussite des travaux déjà réalisés, notamment le tramway de Strasbourg,
encourage à poursuivre dans cette voie. Mais, comme en Ile-de-France, des
efforts importants doivent être consacrés à la sécurité.
L'action opiniâtre des élus membres du comité de gestion du fonds
d'investissement des transports terrestres et des voies navigables a permis
d'augmenter sensiblement la dotation destinée aux voies fluviales pour 1998.
La situation en matière de grands projets est désormais clarifiée : la mise à
grand gabarit du canal Rhin-Rhône est abandonnée, la priorité est désormais
clairement donnée à la voie fluviale Seine-Nord. Celle-ci a une pertinence
économique incontestable, en reliant, sur une distance relativement courte,
deux zones très denses en population et en activités.
Néanmoins, je considère qu'il est encore trop tôt pour prétendre que la
liaison Rhin-Rhône est abandonnée pour toujours. Son coût financier, ses
inconvénients environnementaux, paraissent aujourd'hui supérieurs aux avantages
qu'il serait possible d'en retirer. Sera-ce encore le cas dans trente ou
soixante ans ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Cela, on ne le
sait pas !
M. Auguste Cazalet,
rapporteur spécial.
Le montant des dotations affectées aux transports
routiers est désormais significatif : 144,5 millions de francs, plus du double
de celui de l'exercice 1997.
Cette évolution est essentiellement liée aux accords tripartites
Etat-conducteurs-entreprises de novembre 1996, qui ont mis fin à une importante
grève des conducteurs. Afin de subventionner la cessation d'activité à
cinquante-cinq ans des chauffeurs routiers, l'Etat versera 79 millions de
francs au Fonds national de gestion paritaire du congé de fin d'activité.
A l'issue de ces observations, je vous rappelle que la commission des finances
a adopté un amendement de réduction de 632 millions de francs des crédits du
titre IV.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je n'y crois pas
!
(Sourires.)
M. Auguste Cazalet,
rapporteur spécial.
Cet amendement n'a pas pour objet de pénaliser les
entreprises de transport, la SNCF, la RATP ou l'établissement public RFF. Il
vise à rappeler au Gouvernement qu'il convient de réduire les dépenses de
fonctionnement et d'intervention pour privilégier les dépenses
d'investissement.
M. Hubert Haenel.
Très bien !
M. Auguste Cazalet,
rapporteur spécial.
Les efforts commerciaux très importants réalisés
actuellement par la SNCF ou la RATP sont effectués dans ce but. D'ailleurs, si
le Gouvernement renforçait les effectifs affectés à la sécurité dans les
transports, il aurait sans doute moins de déficit à combler dans les
entreprises.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je suis d'accord
!
M. Auguste Cazalet,
rapporteur spécial.
J'accompagne donc cet amendement d'une suggestion :
que le Gouvernement adopte un programme de privatisation plus ambitieux.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Auguste Cazalet,
rapporteur spécial.
Cela lui permettra de fournir à RFF la dotation de 15
milliards de francs dont l'établissement a besoin pour investir sur le réseau
ferré. Cela permettra aussi d'accorder à la SNCF et à la RATP des dotations en
capital pour renforcer leur structure financière.
Cette suggestion porterait sur plusieurs milliards de francs, alors que la
réduction de crédits proposée reste relativement symbolique.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Berchet, rapporteur pour avis.
M. Georges Berchet,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour les transports terrestres.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, face à la situation économique actuelle, face à
la nécessité de réduire l'endettement, le budget des transports terrestres est
pratiquement stable dans tous les chapitres. Au demeurant, certains concours de
l'Etat aux transports ferroviaires sont incompressibles. Il en est ainsi, par
exemple, de la charge des retraites de la SNCF ou de la compensation
tarifaire.
Notre collègue M. Auguste Cazalet a présenté et très bien commenté les
éléments du budget. Il est donc inutile d'y revenir.
En ce qui concerne les trafics, à la SNCF, le trafic voyageurs est resté
stable en 1996, après correction des effets négatifs des grèves de l'année
1995.
Il convient de souligner les efforts commerciaux de la SNCF en direction des
usagers, l'objectif affiché étant d'augmenter de 10 % en trois ans la clientèle
de voyageurs. C'est là le signe d'une politique commerciale très active, que
nous aurions souhaité voir se développer plus tôt.
Quant au trafic marchandises, il est en progression.
Il est impératif mais c'est difficile - de poursuivre cet effort par une
meilleure sensibilité commerciale, sans, bien sûr, vouloir pénaliser l'activité
des milliers de transporteurs routiers soumis à une terrible concurrence de
leurs collègues européens et transeuropéens, bien souvent non soumis aux mêmes
règles sociales et administratives.
Pour ce qui est de la RATP, la comparaison du trafic des six premiers mois des
années 1997 et 1996 met en évidence une hausse de 2 %.
Le rythme de la progression du trafic se ralentit. Cependant, il n'y a pas
véritablement désaffection du public vis-à-vis des transports en commun et,
aujourd'hui, c'est bien le transport de banlieue à banlieue qui devrait
relancer le trafic.
Mon rapport écrit vous donne la liste des réseaux SNCF à grande vitesse
aménagés.
Un certain nombre de projets de TGV sont en instance, sans que soient
d'ailleurs précisées les dates de démarrage des études ou des travaux.
Il s'agit du TGV Est Européen, du TGV Languedoc-Roussillon, du TGV Lyon-Turin,
du TGV Rhin-Rhône, du TGV Aquitaine, du TGV Bretagne - Pays de la Loire.
Sur le réseau classique, un certain nombre de lignes doivent être électrifiées
: Lyon-Bordeaux, Persan-Beaumont - Beauvais et Paris-Bâle.
En ce qui concerne ce dernier point, permettez au représentant de la
Haute-Marne, située en Champagne méridionale, de rappeler que sur la ligne n°
4, Paris-Bâle, l'électrification jusqu'à Troyes a été prévue dans la charte du
bassin parisien signée en 1994. L'électrification de la ligne n° 10,
Dijon-Calais, sera nécessaire pour le transfert du fret du transManche vers le
sud de la France. Or, monsieur le ministre, les lignes n°s 10 et 4 comportent
un tronçon commun entre Chalindrey et Chaumont. Il ne restera plus à
électrifier que la partie Troyes-Chaumont, soit moins de cent kilomètres. Il
serait ridicule de faire circuler des diesels sous ligne électrifiée alors que
notre pays bénéficie de l'énergie nucléaire civile ! La rupture de charge à
Troyes serait évitée... et le combustible fossile non renouvelable mieux
valorisé, sans amplifier, bien sûr, l'effet de serre.
La commission souhaiterait, monsieur le ministre, obtenir des précisions sur
certains points qui conditionnent l'avenir proche.
Quelles sont vos intentions quant à l'avenir de Réseau ferré de France ? « Ni
statu quo
ni retour en arrière », avez-vous dit. Vous serait-il possible
d'esquisser quelques orientations ?
Le contrat de plan entre l'Etat et la SNCF semble définitivement abandonné ;
qu'en sera-t-il ?
Par ailleurs, on constate l'absence, à la SNCF, d'un protocole d'accord du
type de celui qui a été signé le 30 mai 1996 à la RATP. Il s'agit non pas de
porter atteinte au droit de grève, mais d'anticiper, grâce à une procédure «
d'alarme sociale » susceptible d'être mise en oeuvre lorsque la direction ou
les syndicats perçoivent qu'une situation est susceptible de dégénérer en
conflit. Cela consiste à épuiser toutes les voies de la négociation, sans
porter atteinte au droit de grève, ultime recours.
Un autre point important, qui inquiète la commission des affaires économiques,
concerne le mode de gestion du Fonds interministériel des transports terrestres
et des voies navigables, le FITTVN, et le nécessaire renforcement des pouvoirs
de programmation des membres de son « comité de gestion », qui ont été
évoqués.
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques,
et qui est à l'origine de la création de ce fonds, a insisté sur la difficulté,
pour le Parlement, de faire respecter sa volonté. Il a notamment évoqué les
problèmes rencontrés par les membres du comité de gestion du FITTVN pour se
voir attribuer de véritables prérogatives en matière de programmation.
Autrement dit, ceux-ci se trouvent trop souvent placés devant des décisions
déjà arrêtées.
Le désendettement supplémentaire de la SNCF à hauteur de 20 milliards de
francs, annoncé par le Gouvernement au mois de juin dernier, est une excellente
mesure.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Merci !
M. Georges Berchet,
rapporteur pour avis.
Cette mesure est fondée, nous a-t-on dit, sur le
maintien du montant des annuités par l'allongement de la durée
d'amortissement.
Est-ce bien le mécanisme retenu, monsieur le ministre ?
J'évoquerai maintenant les perspectives de modification ou de remplacement de
la loi d'orientation des transports intérieurs, la LOTI. Qu'en sera-t-il ? En
parlera-t-on un jour ?
Enfin, l'avenir de la régionalisation des services régionaux de voyageurs de
la SNCF a soulevé de nombreuses questions.
Il est impératif, monsieur le ministre, mais vous le savez, de donner des
garanties quant à l'ajustement et à la pérennisation de la participation de
l'Etat, sinon nous rencontrerons le même problème que pour les routes
nationales. A l'heure actuelle, il n'y a pas de crédits, ou ils ont peu
varié.
Quoi qu'il en soit, la régionalisation mérite un débat, selon la proposition
de M. Jean-Pierre Raffarin, et il convient d'attendre qu'un véritable bilan
soit dressé de l'expérience, sinon nous partirons à l'aveuglette.
Il est un autre problème, que vous connaissez bien, la suppression des
passages à niveau, qui provoquent chaque année entre cinquante et cent victimes
à l'occasion de collisions entre véhicules routiers et trains.
Est-ce normal en ce siècle de progrès et de multiplication des satellites ?
La commission des affaires économiques a proposé d'élaborer un programme
quinquennal de résorption avec le FITTVN et le produit des amendes de
police.
Lors d'une conférence de presse intervenue le 26 novembre dernier, vous avez
évoqué la mise en place d'un plan de suppression des passages à niveau les plus
dangereux. Nous en sommes très heureux, car, pour l'instant, la situation sur
le plan technique ne paraît pas très sérieuse !
Enfin, l'Etat compte-t-il prendre en charge la gratuité des transports publics
instaurée lors des pics de pollution de niveau 3 ?
M. Charles Descours.
Très bien !
M. Georges Berchet,
rapporteur pour avis.
Aucune ligne du projet de loi de finances pour 1998
ne prend en charge ce remboursement. Or il en a coûté 13 millions de francs à
la RATP et 6 millions de francs à la SNCF.
Qu'en sera-t-il à l'avenir, la loi Lepage n'apportant aucune précision sur ce
point ? Qui va payer ? Nous aimerions le savoir, et connaître les mesures que
vous comptez prendre à cet égard.
De façon plus générale, ce projet de budget s'inscrit dans la continuité des
efforts de l'Etat tout en ne répondant pas à l'ensemble des préoccupations qui
conditionnent l'avenir de l'aménagement du territoire.
Sur proposition de son rapporteur pour avis, la commission des affaires
économiques et du Plan a donc décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur
les crédits des transports terrestres dans le projet de budget du ministère de
l'équipement, des transports et du logement pour 1998.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Bergé-Lavigne, rapporteur spécial.
Mme Maryse Bergé-Lavigne,
en remplacement de M. Gérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour
les routes et la sécurité routière.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, mon collègue M. Gérard Miquel étant malade, je
vais vous exposer son rapport qui traite successivement des crédits des routes
puis de ceux de la sécurité routière.
Le total des moyens de paiement de la section des routes est en légère
progression - 0,4 % - en 1998. Les moyens d'engagement sont toutefois en
retrait de près de 5 %.
Les moyens d'engagement de la construction du réseau routier national sont en
diminution : les crédits budgétaires baissent de 11,3 %, et l'ensemble des
autorisations de programme, comprenant les dotations du Fonds d'investissement
des transports terrestres et des voies navigables et du Fonds d'aménagement de
la région d'Ile-de-France, diminuent de 4,2 %.
Au total, les moyens de paiement augmente toutefois de 1,9 %, et sont portés à
6,3 milliards de francs.
La nette progression des crédits des contrats de plan Etat-régions ne permet
cependant pas de les rétablir à leur niveau de 1996. Les contrats continueront
de prendre du retard, car les crédits de fonds de concours provenant des
régions seront en forte diminution puisque 5,4 milliards de francs sont prévus
contre 7,4 milliards estimés en 1997. Cette diminution n'est que le contrecoup
du surcroît de dépenses que les régions ont consenties par anticipation lors du
gel de la participation de l'Etat en 1997.
En revanche, les crédits d'entretien du réseau national sont en progression
pour le cinquième exercice consécutif. Le projet de budget amplifie le
rééquilibrage hautement souhaitable entre le développement et l'entretien du
réseau.
Pour la première fois, les actions de réhabilitation et de renforcement des
chaussées bénéficieront de 83 millions de francs de crédits en provenance du
FITTVN, ce qui leur permet une croissance de 37 %.
La croissance de ces crédits est excellente, mais on peut s'interroger sur
cette débudgétisation. Est-il dans la vocation du FITTVN de financer des
dépenses d'entretien routier ? Je reviendrai ultérieurement sur cette
problématique.
Une pause est également décrétée en matière d'investissements autoroutiers,
après l'effort exceptionnel décidé en 1997. Toutefois, l'objectif d'une
réalisation en dix ans à partir de 1994 du schéma directeur routier national de
1992 n'a pas été explicitement abandonné.
Plusieurs liaisons sont actuellement remises en cause, essentiellement en
raison de contraintes environnementales ou liées à la densité du tissu urbain à
traverser. Il s'agit de trois autoroutes : l'A 58 - doublement nord de
l'autoroute A 8 dans le Var et les Alpes-Maritimes - l'A 52 Gap-Sisteron et le
débouché en Seine-Saint-Denis de l'autoroute A 16. Une autre liaison, l'A 28
Rouen-Alençon, est suspendue pour des raisons financières.
La révision du schéma directeur routier national est maintenant subordonnée à
la modification de la loi d'orientation de 1995, à laquelle travaille le
ministère de l'environnement et de l'aménagement du territoire.
Quelles que soient les options retenues par le nouveau schéma directeur, la
bonne fin de celui-ci, comme de l'actuel, reposera sur un recours massif aux
sociétés concessionnaires d'autoroutes. Pour conserver des tarifs de péage
acceptables, et assurer leur équilibre financier, tout en poursuivant un
programme de construction lourd, il sera indispensable que l'Etat ne crée pas
de nouveaux prélèvements sur les sociétés d'autoroutes. Il est, en effet,
paradoxal de remettre en cause des investissements au motif de la fragilité
financière des sociétés, quand cette fragilité est directement causée par des
actes de l'Etat.
En la matière, nous sommes à la veille d'importants changements liés au marché
unique. A partir de 1998, les mises en concession devront recourir à des
procédures d'appels d'offre européens et je sais que vous réfléchissez,
monsieur le ministre, à une réforme d'ensemble du financement routier dont la
débudgétisation partielle des crédits d'entretien offre un aperçu. M. Miquel
souhaite contribuer à ce débat.
Avec le recul, notre rapporteur considère que le financement de constructions
d'autoroutes gratuites par des prélèvements sur les autoroutes payantes était
une erreur. Il aurait mieux valu une péréquation plus souple entre autoroutes à
péage élevé et autoroutes où le péage aurait pu être plus faible que le coût
des constructions. La coexistence d'autoroutes sans péage et d'autoroutes avec
péage ne permet pas cette souplesse. Elle est, en outre, peu compréhensible
pour les automobilistes et les routiers.
La création de la taxe sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes n'était
finalement que la généralisation de la pratique consistant à imposer à ces
sociétés des fonds de concours pour des sections non concédées. Or cette
pratique a été critiquée par la Cour des comptes, car elle remet en cause
l'équilibre des sociétés sans contrepartie pour elles.
Le péage joue un rôle important sur le niveau de trafic. Naturellement, le
trafic est plus intense sur les autoroutes gratuites que sur les autoroutes
payantes. Sur les sections gratuites de l'A 20, sur l'A 75 et sur la RN 7, le
trafic sera lourd et détériorera rapidement ces autoroutes. Or, on le sait,
l'Etat n'a pas les moyens d'entretenir son réseau, notamment parce qu'il ne
perçoit pas de péages. Il aura donc tendance à faire financer l'entretien du
réseau gratuit par des prélèvements sur le réseau payant. C'est ce qu'il
commence à faire. Or les autoroutes concédées souffriront de distorsions de
trafic : lorsqu'ils le pourront, les usagers utiliseront de préférence les
autoroutes gratuites et délaisseront les autoroutes à péage.
Nous risquons donc d'entrer dans un cercle vicieux : les recettes des
autoroutes à péage se tasseraient, alors qu'il conviendrait de faire face à
l'augmentation du coût des détériorations occasionnées par le surcroît de
trafic sur les autoroutes gratuites. M. Miquel préconise donc, tant qu'il est
encore temps, d'établir un péage sur l'ensemble des autoroutes neuves, qui ne
sont pas aujourd'hui complètement ouvertes aux usagers. Après, il sera trop
tard, il sera impossible de revenir en arrière et nous ne sortirons pas du
cercle vicieux que je viens de décrire.
C'est seulement de cette manière que nous pourrons financer la construction et
l'entretien de l'ensemble du réseau, tout en effectuant une péréquation
raisonnée entre les sections rentables, mais où le péage ne serait pas
prohibitif, et les sections moins rentables, dont le péage serait modique mais
pas gratuit.
Je vais examiner maintenant le budget de la sécurité routière.
Les crédits de la sécurité routière connaissent une hausse modérée pour 1998 :
1,8 % en moyens de paiement et 3,8 % en moyens d'engagement. Il ne faut
cependant pas se cacher que ce budget fait chaque année l'objet d'annulations
massives. Ainsi, les crédits de paiement réellement disponibles en 1997 n'ont
été que de 373 millions de francs pour 430 millions de francs votés, soit 13 %
de moins.
Il convient néanmoins d'ajouter à ces crédits ceux des aménagements locaux de
sécurité visant à traiter les zones où les accidents sont particulièrement
denses, qui relèvent de la compétence de la direction des routes et qui
s'élèveront à 184 millions de francs.
Deux priorités se dégagent de ce budget : la formation des conducteurs et
l'exploitation de la route.
Le Gouvernement réfléchit actuellement à une réforme de la formation des
conducteurs, qui passe notamment par une sensibilisation précoce des jeunes.
Mercredi 26 novembre, vous avez dévoilé, monsieur le ministre, les premières
orientations d'un avant-projet de loi à ce sujet.
La mise en service du schéma directeur d'exploitation de la route sera la
seconde priorité. Elle consiste à équiper les réseaux de matériels destinés à
l'amélioration du confort des usagers et de la fluidité du trafic. Outre les
huit programmes déjà engagés dans les grandes agglomérations, une nouvelle
action doit commencer en vallée du Rhône afin d'améliorer le trafic lors des
pointes liées aux vacances d'hiver.
Bien que présentée comme « nouvelle » par le précédent comme par l'actuel
gouvernement, la politique de sécurité routière se poursuivra en 1998 selon les
principes et les méthodes qui ont assuré son succès depuis vingt-cinq ans.
Les résultats de l'année 1996 ont été relativement bons, avec une diminution
de 3,9 % du nombre de tués. Les statistiques restent toutefois encore
dramatiques et l'on assiste à un certain tassement de l'amélioration de la
sécurité routière, qui ne progresse plus désormais que lentement. La vitesse
moyenne se maintient à un niveau excessif, et elle ne diminue plus depuis
plusieurs années : si le nombre des accidents décroît, leur gravité a tendance
à augmenter.
C'est pourquoi M. Miquel partage pleinement l'objectif que le Gouvernement
vient d'annoncer d'une division par deux de la mortalité routière en cinq ans.
L'observatoire interministériel de sécurité routière a en effet prévu que, si
nous ne faisons rien de nouveau, nous n'atteindrions pas ce résultat avant
2010. Cela fait aussi l'objet de l'avant-projet de loi évoqué précédemment et
dont vous allez, monsieur le ministre, probablement nous donner quelques
détails.
A l'issue de cet examen, je vous informe, mes chers collègues, que la
commission des finances a voté deux amendements de réduction des crédits de
fonctionnement et d'intervention des routes, et un autre portant sur les
crédits de fonctionnement de la sécurité routière.
Sous réserve de ces amendements, elle propose au Sénat d'adopter ces
crédits.
M. Miquel et moi-même ne nous associerons pas à ces amendements, car nous
sommes favorables à l'adoption des crédits des routes et de la sécurité
routière tels qu'ils ont été votés par l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Gruillot, rapporteur pour avis.
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour les routes et les voies navigables.
Monsieur le président, monsieur
le ministre, mes chers collègues, il m'appartient, à l'occasion de l'examen du
budget des transports pour 1998, d'émettre, au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan, un avis sur trois sujets : les routes, la
sécurité routière et les voies navigables.
Je ne reviendrai pas sur la présentation des crédits, ma collègue Mme Maryse
Bergé-Lavigne, en remplacement de M. Gérard Miquel, rapporteur spécial de la
commission des finances s'étant parfaitement acquittée de cette tâche.
Tout au plus me permettrez-vous d'observer que, sous l'apparente stabilité des
moyens, se dissimulent en réalité de graves incertitudes. Celles-ci sont
d'autant plus inquiétantes que le budget des transports terrestres et des voies
navigables revêt, ou plutôt devrait revêtir un caractère hautement stratégique
et politique.
Le budget a un caractère stratégique en ce sens qu'il a pour objet de définir
le rôle de la France dans l'Europe des transports du siècle prochain.
Le budget a un caractère politique, parce qu'il fixe pour l'avenir les choix
de notre pays pour l'aménagement et le développement de son territoire. Vous
conviendrez que, dans ce domaine, les infrastructures routières et fluviales
occupent une place primordiale.
Selon votre document budgétaire, monsieur le ministre, « la forte priorité
donnée aux transports pour 1998 » traduit « la volonté du Gouvernement de
soutenir l'investissement public par un développement rééquilibré des
infrastructures ».
Toutefois, la seule prise en compte des moyens d'engagement affectés à la
construction du réseau routier national fait apparaître une diminution des
crédits de 11,3 %.
De la même manière, l'ensemble des autorisations de programme comprenant les
dotations du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies
navigables et du fonds pour l'aménagement de l'Ile-de-France enregistrent,
quant à elles, une baisse de 4,2 % ; sans parler du retard dans la réalisation
des contrats de plan Etat-régions. Les chiffres vous sont contraires et ne
manquent pas de nourrir une certaine inquiétude et un certain scepticisme.
Le scepticisme porte sur le développement et l'entretien de notre réseau
routier national.
Sous le prisme de la maîtrise des dépenses publiques, l'aperçu de vos
dotations aurait des allures vertueuses. L'éclairage donné au titre de
l'aménagement du territoire fait apparaître une vérité plus crue, celle de la
stagnation et d'une modestie de l'effort à consentir en faveur du
désenclavement, élément essentiel à l'essor d'une grande partie de notre
territoire.
Ce sentiment est tout aussi valable pour nos investissements autoroutiers.
Il est en effet légitime, au regard des dotations réservées et de la remise en
cause de plusieurs liaisons, de se demander si l'objectif d'une réalisation en
dix ans, à partir de 1994, du schéma directeur de 1992 demeure véritablement
l'objectif du Gouvernement, et ce d'autant que sa révision, subordonnée au
schéma national d'aménagement et de développement du territoire, est elle-même
désormais soumise au réexamen de la loi d'orientation de 1995 engagé par les
services du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
L'inquiétude porte sur le mode de financement retenu.
Le Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables,
institué en 1995 par la loi d'orientation pour l'aménagement et le
développement du territoire, a-t-il vocation à être utilisé pour l'entretien
des infrastructures ? A l'évidence non, et Mme Bergé-Lavigne, rapporteur
spécial pour les routes et la sécurité routière, vient de vous poser la même
question.
Avec ce principe condamnable de débudgétisation, nous assistons à la «
dénaturation » - pour reprendre un mot de M. François-Poncet - de ce que le
législateur avait souhaité être un outil financier au service du développement
et que, visiblement, les services du ministère des finances tendent à
transformer en simple substitut au budget.
Enfin, toujours dans le domaine des routes, votre rapporteur pour avis ne
dissimule pas ses craintes quant à l'éventuelle création de l'Etablissement
public Routes de France destiné, paraît-il, à assurer la péréquation des
financements entre voirie routière et autoroutes.
En réduisant les sociétés concessionnaires au rôle de simples opérateurs, ce
projet pourrait déboucher sur l'assèchement des ressources du réseau
autoroutier et conforter la pratique de la débudgétisation que je viens de
condamner. Sur ce thème, monsieur le ministre, j'aimerais que vous apportiez
des précisions.
Au titre de la sécurité routière, votre budget, tout en affichant des
velléités de modernisation des équipements et de la formation, fait cependant
l'objet d'annulations massives dans le cadre de la régulation budgétaire.
L'orateur qui m'a précédé en a donné les chiffres. Les crédits de paiement
réellement disponibles en 1997 n'ont été que de 373 millions de francs pour 430
millions de francs votés, soit une baisse de 13 %, ce qui ne va pas tout à fait
dans le sens de ce que vous nous avez indiqué, monsieur le ministre.
Si le confort des usagers et la fluidité du trafic sont pris en compte avec la
mise en service du schéma d'exploitation de la route, on doit cependant
souligner que l'amélioration globale de la sécurité routière tend, en effet, à
se « stabiliser ». La route, certes, fait moins de morts, ce dont nous nous
réjouissons, mais elle reste le théâtre d'accidents encore trop nombreux et
dont la gravité s'amplifie.
Pour y remédier, l'amélioration de la formation des conducteurs est un premier
moyen. La qualité et la modernisation de notre réseau routier en est un autre.
Mais vos crédits et ceux des contrats de plan n'apportent pas une réponse
véritablement satisfaisante.
S'agissant, enfin, des crédits destinés aux voies fluviales, on relève que la
dotation du FITTVN prévue pour 1998, soit 430 millions de francs, reste très
inférieure au produit attendu de la taxe sur les ouvrages hydroélectriques
concédés, dont le tarif est pourtant doublé par le projet de loi de finances
1998.
Au titre des grands projets ne reste désormais en lice que la réalisation de
la voie fluviale Seine-Nord, qui permettra de relier l'Ile-de-France au bassin
de l'estuaire du Rhin.
On sait que le Gouvernement a décidé d'abandonner le projet de mise à grand
gabarit du canal Rhin-Rhône. Il a fait valoir que l'importance des atteintes
directes au patrimoine naturel, et plus généralement au cadre de vie dans les
régions traversées, n'était pas compensée par l'intérêt d'un projet dont le
coût d'investissement et le déficit prévisionnel de fonctionnement étaient
excessifs.
Cette décision appelle de la part de votre rapporteur les observations
suivantes.
En premier lieu, la commission des affaires économiques et du Plan est choquée
par le fait qu'un projet adopté par le Parlement - en l'occurrence le
financement et l'achèvement de ce canal, prévus à l'article 36 de la loi
d'orientation de février 1995 - puisse ainsi être rayé d'un trait de plume par
un simple décret. A cet égard, des doutes pèsent sur la légalité de cette
décision qui témoigne par ailleurs d'un manque évident de respect à l'égard de
la représentation nationale.
En second lieu, des considérations financières et environnementales de court
terme semblent avoir prévalu sur une véritable appréciation de ce projet.
Son ambition n'était rien moins que d'assurer l'avenir d'un axe structurant
indispensable à l'avenir du midi français. Au lieu de cela va désormais se
développer, au détriment de la France et de sa batellerie, un axe reliant
l'Europe du Nord au Danube et débouchant sur la Méditerranée par le détroit du
Bosphore, et non par la vallée du Rhône. Dans les dix ou vingt ans à venir,
c'est un marché de plus de 100 millions de consommateurs qui existera sur
l'autre rive de la Méditerranée, un marché dont la France risque d'être
exclue.
Enfin, il s'agit d'une décision grave qui, au-delà de son seul aspect
d'aménagement du territoire, renie un engagement de la France sur le plan
européen.
Cet exemple incite votre rapporteur à souligner combien nos politiques
nationales des transports pourraient s'enrichir d'un développement harmonieux
et coordonné des réseaux européens. Avec l'entrée en vigueur prochaine de
l'euro, il est très préjudiciable de négliger de la sorte l'avenir de nos
infrastructures. Proclamer le principe de libre circulation des personnes et
des biens ne suffit pas, encore faut-il l'encourager !
En conclusion, monsieur le ministre, la commission des affaires économiques et
du Plan estime, au regard des crédits présentés et des projets avancés, que ce
budget fait apparaître de nombreuses incertitudes, identiques à celles qui sont
relevées pour les crédits de l'aménagement du territoire, et témoigne d'autant
d'ambiguïtés que d'atermoiements inquiétants en matière de politique des
transports terrestres. Elle les juge de mauvais augure pour le redressement de
l'emploi et pour l'avenir économique de la France.
Ces raisons conduisent ainsi la commission des affaires économiques du Plan à
émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits des routes et des voies
navigables dans le projet de budget du ministère de l'équipement, des
transports et du logement pour 1998.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 16 minutes ;
Groupe socialiste, 13 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 20 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 12 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon.
S'agissant du budget des transports, je voudrais, monsieur le ministre, vous
soumettre quelques réflexions concernant, dans un premier temps, les
infrastructures des transports terrestres et, dans un second temps, le
fonctionnement de celles-ci.
Je suis persuadé que les infrastructures restent la condition
sine qua
non
du désenclavement, du développement et de l'aménagement du territoire.
Je ne comprends pas ceux qui nous disent que les infrastructures ne contribuent
pas forcément au développement économique, car,
a contrario
, sans
infrastructures, on est sûr qu'il n'y aura pas de développement possible.
Comme l'argent est de plus en plus rare, si l'on en juge par les
ralentissements drastiques imposés depuis plusieurs années, j'en conviens, aux
contrats de plan, je crois qu'il faut faire preuve d'imagination.
Je sais qu'il est difficile pour un ingénieur de ne pas faire le plus beau et
le plus pérenne, mais la perfection coûte cher, et le coût marginal pour passer
de 90 % à 100 % de satisfaction représente beaucoup plus que 10 % du coût
total. C'est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le ministre,
s'il n'y a vraiment pas moyen de créer une catégorie intermédiaire de normes
autoroutières permettant un meilleur amortissement là où cela est possible et
permettant surtout de faire plus et plus vite.
S'agissant des infrastructures ferroviaires, dont les coûts d'investissement
et d'exploitation sont très élevés, je ne comprends pas pourquoi, dans certains
endroits, on s'obstine à garder des lignes manifestement ingérables, alors que
des transports souples et rapides sur pneus se révéleraient beaucoup plus
efficaces. Serait-ce le passage de la culture du rail à la route, du fer au
pneu qui serait difficile ? Il faudra bien faire évoluer cette situation pour
permettre, par ailleurs, au rail de remplir son rôle indispensable d'aménageur
du territoire européen. C'est, à mon avis, son terrain privilégié
d'épanouissement, car il est largement compétitif avec le transport aérien, qui
commence vraiment à saturer.
Alors qu'attend-on pour démarrer la réalisation du TGV Est-européen ? Pour
justifier le manque d'enthousiasme pour ce projet on nous a, jusqu'à présent,
annoncé des rendements faibles. Je pense vraiment, pour avoir suivi de très
près ce dossier depuis sa genèse, que l'on a largement sous-estimé l'impact de
la clientèle allemande. On a appliqué un effet frontière draconien sur les
chiffres en faisant comme si la France était isolée du reste de l'Europe.
J'encourage les responsables de Réseau ferré de France, qui ont repris le
dossier, à venir prendre l'avion à Strasbourg pour constater les pourcentages
relatifs des clientèles allemande et française. Je les encourage à intégrer la
mise en place de l'euro, en 1999, dans les comptabilités et, en 2002, dans les
portes-monnaies afin d'anticiper les déplacements, des ménages comme des
techniciens et des commerciaux, que cela va nécessairement induire. Je ne sais
pas si vous pouvez déjà nous répondre, monsieur le ministre, mais j'espère
vivement que le CIAT qui devrait se tenir le 15 décembre prochain nous
rassurera sur l'évolution du projet.
Nous attendons une réponse positive sur l'aide publique au développement
attribuée au TGV Est-européen, mais aussi, bien sûr, sur la déclaration
d'utilité publique du TGV Rhin-Rhône.
Je ne vous fais pas de suggestions sur le canal du Rhône au Rhin, monsieur le
ministre, mais je me demande comment ont fait les Allemands, pourtant si
sensibles à l'écologie, pour réaliser la liaison Rhin-Main-Danube. Heureusement
que l'écologie intransigeante n'existait pas au temps des Romains : ils
n'auraient pas pu faire tous ces ouvrages que l'on visite aujourd'hui avec
beaucoup de bonheur ! Une autoroute de montagne, un grand canal sont des
ouvrages que l'on sait maintenant bien intégrer dans l'environnement et que
nous léguerons à nos petits-enfants. A défaut, ils feront du fromage de chèvre
pendant que les Hollandais et les Allemands commerceront avec les ports de la
mer Noire.
Telles sont les remarques et les interrogations sur la réalisation des
infrastructures des transports terrestres.
Sur leur fonctionnement maintenant, je veux aborder le problème complexe de la
circulation autour des grandes villes.
La voiture, c'est la liberté, et ce n'est pas moi qui la briderai. En
revanche, je pense qu'il faut rendre les voitures de moins en moins polluantes
et qu'il faudrait mieux utiliser les voitures et les infrastructures qui
existent.
Dans mon département, le Bas-Rhin, nous venons de tenter une expérience de
covoiturage. Les gens interrogés étaient au départ tous séduits par l'idée.
Pourtant, l'expérience a été un échec.
Pourquoi ? Parce que les outils d'incitation n'existent pas : il n'y a ni
banque de renseignements interactive, ni parkings de regroupement, ni voies
réservées, qui pourraient d'ailleurs être utilisées par les véhicules de
covoiturage comme par les transports en commun.
Je crois, monsieur le ministre, qu'il est temps de ne plus raisonner seulement
« béton ou bitume » mais d'avoir une approche globale des transports, quitte à
changer les mentalités. Mais, n'est-ce pas après tout un des rôles les plus
nobles des élus ?
Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, des réponses que vous
pourrez apporter à ces remarques et à ces suggestions.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Balarello.
M. José Balarello.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget des transports terrestres que nous examinons aujourd'hui laisse
apparaître trois priorités : le désendettement de la SNCF, le maintien des
dotations de l'Etat et l'entretien des routes.
Les crédits accordés aux transports terrestres en 1998 s'élèvent en dépenses
ordinaires et en crédits de paiement à 44,9 milliards de francs, soit 0,8 %
d'augmentation en francs constants par rapport au budget voté en 1997.
Quant aux routes, 7,366 milliards de francs, soit une augmentation de 0,4 % en
francs courants par rapport à 1997, leur sont affectés.
Si j'ai bien saisi la philosophie qui sous-tend votre projet, monsieur le
ministre, il s'agit de ralentir ou d'abandonner de nombreux projets
autoroutiers ou de lignes TGV, d'abandonner le projet de canal Rhin-Rhône,
projets accusés non seulement de prendre une part trop importante des finances
du ministère, mais également de faire payer un lourd tribut à
l'environnement.
L'ensemble du pays, si les bonnes résolutions de ce budget sont tenues,
pourrait ainsi voir son réseau routier classique et son réseau ferré, dit
secondaire, retrouver une nouvelle jeunesse.
Voilà pour l'idéal. Mais mettre en corrélation les bonnes intentions avec la
réalité et les besoins de développement du pays dans le cadre européen va être
une autre affaire.
Côté positif, nous avons noté l'effort que vous faites en faveur des
transports collectifs de province en site propre, dont la dotation atteint 616
millions de francs en autorisations de programme, notamment pour les liaisons
nouvelles de tramways dans les grandes villes, qui pourront être reliées au
réseau de chemin de fer à la périphérie.
A ce propos, nous espérons que vous apporterez le financement de l'Etat au
projet de tramway sur pneu mis en place par la ville de Nice et trois autres
villes du littoral des Alpes-Maritimes, Saint-Laurent-du-Var, Cagnes-sur-Mer et
Villeneuve-Loubet, et que vous l'ajouterez à la liste des opérations à engager
en 1998 après ceux de Caen, Nantes et Rennes. Ce moyen de transport apparaît
d'autant plus souhaitable que l'autoroute A 8, qui voit entre Menton et
Cannes-Mandelieu un trafic urbain important s'ajouter au trafic autoroutier
classique national et international, ne sera pas doublée, le projet d'intérêt
général ayant été suspendu, ce qui va nous poser des problèmes avec le trafic
international grandissant, bien que, tel qu'il était conçu, le projet eût été
difficilement acceptable pour l'environnement, notamment dans l'ouest du
département. D'autres solutions existent, notamment celle du SIEPAN ; nous
espérons que vous financerez rapidement les études puisque le ministère des
transports s'y est engagé.
Nous avons noté également l'accent mis sur l'entretien du réseau routier.
Mais, si les dotations sont en augmentation de 4,2 %, elles le doivent à une
ponction sur le FITTVN.
Or le fonds d'intervention des transports terrestres et des voies navigables,
mis en place en 1995, a été prévu non pas pour abonder des crédits d'entretien,
mais bien pour aménager le territoire en créant de nouvelles voies.
Il est bon que vous vous préoccupiez de l'entretien de nos routes nationales,
qui étaient il y a vingt-cinq ans parmi les plus belles d'Europe, car, pour
certaines, ce n'est plus le cas. La RN 204, route européenne reliant les
Alpes-Maritimes au Piémont - dont je connais toutes les bosses pour l'emprunter
chaque semaine - est dans un état pitoyable. Le 31 août 1995, j'ai interpellé
M. Bernard Pons, votre prédécesseur, à ce sujet. Je compte sur vous, monsieur
le ministre, pour que cette route soutienne la comparaison avec la SS 20
italienne, qui la prolonge au sud.
Je suis d'accord avec le projet visant à développer le ferroutage et les
transports ferroviaires.
Le transport combiné rail-route se développe très rapidement depuis 1994 et,
plus fortement, en 1997, avec un record en avril de 1,22 milliard de
tonnes/kilomètre, ce qui est un résultat remarquable.
J'y souscris d'autant plus volontiers que je suis le maire d'une commune de 2
500 habitants, assez vaste - 18 000 hectares - pour avoir le privilège
d'accueillir trois gares SNCF sur son territoire ! La ligne internationale
reliant Nice à Turin et passant par Tende la traverse. Il y passe dix-neuf
autorails par jour, mais aucun train de marchandises, car quelques rampes
importantes nécessitent son électrification sur 50 kilomètres, le système de
propulsion fonctionnant précédemment ayant été détruit durant la guerre.
Des ouvrages d'art remarquables sont présents sur cette ligne : le tunnel de
Tende de 8,1 kilomètres à deux voies, des tunnels hélicoïdaux, etc. Faites en
sorte de la dynamiser : un trafic potentiel très important entre Turin et le
sud de la France est en attente de cette modernisation.
En revanche, ce qui m'inquiète, c'est l'intention que l'on vous prête de créer
un établissement public « Routes de France » qui assurerait la péréquation des
financements entre la voirie routière et les autoroutes, transformant de ce
fait les sociétés d'autoroutes en opérateurs ponctionnant leurs finances et
bloquant le développement autoroutier. Qu'en est-il de ce projet, monsieur le
ministre ? Nous aimerions connaître votre position sur ce point.
Ce qui m'inquiète également, c'est la décision, comme l'a souligné voilà un
instant notre rapporteur pour avis, M. Gruillot, d'abandonner sans consultation
préalable la mise au grand gabarit du canal Rhin-Rhône, qui seule aurait pu
faire repartir l'activité de nos ports fluviaux de Strasbourg, de Mulhouse et
de Lyon, mais aussi du port de Marseille, lourdement pénalisés, vous le savez,
par rapport à Anvers et Rotterdam.
Ce qui me préoccupe, mais vous allez sans doute nous rassurer, c'est le
devenir et le calendrier de réalisation du schéma directeur national des
liaisons ferroviaires à grande vitesse dans le cadre de la loi du 30 décembre
1982, qui prévoyait la construction de 11 000 kilomètres de lignes nouvelles de
ce type.
A ce propos, après Lyon-Marseille, il nous paraît indispensable de réaliser la
liaison Avignon-Fréjus, passage obligé pour une liaison vers Nice et Gênes.
Compte tenu du relief, ne peut-on songer à un train pendulaire après Fréjus
?
Le département des Alpes-Maritimes et la province d'Imperia viennent d'adopter
une motion commune réclamant l'inscription d'une liaison rapide vers Gênes.
C'est également l'incertitude quant à la construction du tunnel routier de la
Lombarde ou du Mercantour, indispensable dans l'arc alpin et après l'abandon
des autoroutes Gap-Grenoble et Bordeaux-Le Somport.
L'Hexagone est le passage obligé du trafic transeuropéen. Avec l'extension de
l'Union, et même si une partie circulera par fer, ce que nous souhaitons,
l'ensemble de ce trafic ne pourra circuler que sur un maillage autoroutier,
ferroviaire et fluvial, maillage doté de plates-formes multimodales à proximité
de nos ports.
Mme Voynet aurait même parlé - je l'ai lu dans la presse - de ne pas réaliser
le nouveau tunnel de Tende : est-ce exact, monsieur le ministre ? Si tel était
le cas, je n'hésiterais pas à dire que l'on ne connaît pas le terrain ni les
problèmes que pose ce vieux tunnel situé moitié en France, moitié en Italie,
qui a 3,186 kilomètres de long et a été édifié en 1882 pour le passage des
charrettes.
Sachez qu'il est souvent confronté les week-ends d'été à un trafic de 20 000
véhicules par jour et la semaine à un important trafic de poids lourds, deux
d'entre eux ne pouvant s'y croiser, ni même un poids lourd et un mobile home, à
tel point qu'on a dû installer des feux aux extrémités du tunnel.
Il existe bien un projet franco-italien de tunnel situé 80 mètres plus bas, de
quatre kilomètres au maximum, dont la moitié en Italie. N'avons-nous pas les
moyens, monsieur le ministre, de financer deux kilomètres de tunnel sur fonds
publics ?
J'aimerais avoir une réponse sur ce point en vous rappelant que le tunnel de
Tende est, à l'heure actuelle, la seule voie directe entre la Côte d'Azur et le
Piémont ; Nice-Turin par Tende sont à seulement 200 kilomètres de distance.
Qu'en est-il également des projets de modernisation de la liaison
Alpes-Maritimes-Grenoble par la RN 85 et surtout par la RN 202, où des bouchons
importants se produisent tous les jours à la sortie de Nice ?
Nous espérons, monsieur le ministre, que, dès que la décision de la cour
administrative d'appel de Marseille sera intervenue, vous pourrez donner des
instructions afin que les travaux de la RN 202 recommencent rapidement.
L'économie du sud-est de la France ne profite guère, faute d'infrastructures
rapides de transport, de la proximité du Piémont, l'une des régions les plus
riches d'Europe, avec sa capitale Turin, capitale industrielle de l'Italie.
J'espère que le rapport Brossier, du nom de l'ingénieur général que vous avez
désigné, vous convaincra que l'expansion économique de tout le sud-est de
l'hexagone passe par la création, projetée par votre prédécesseur, d'une
nouvelle percée alpine dans les Alpes-Maritimes, la Lombarde, et par
l'amélioration de celle de Tende, déjà existante.
Je partage les inquiétudes du rapporteur pour avis de la commission des
affaires économiques, car la France ne peut rester en dehors des grands flux
européens, et je crains, monsieur le ministre, que plusieurs de vos choix ne
l'y conduisent.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Fatous.
M. Léon Fatous.
Monsieur le ministre, je ne peux, au nom du groupe socialiste, commencer mon
propos sur le projet de budget des transports terrestres, sans évoquer et
saluer la manière dont le Gouvernement et vous-mêmes avez réglé le conflit
routier.
Les années se suivent, mais ne se ressemblent pas. Aussi, nous sommes
satisfaits de pouvoir, aujourd'hui, travailler dans la sérénité, et surtout
dans le souci d'être écoutés.
J'ajoute, monsieur le ministre, que le projet de budget que vous présentez
répond à nos attentes.
Nombre des orientations que nous défendions depuis longtemps, ont trouvé, au
sein du Gouvernement et de votre ministère, un écho favorable. Le transport
ferroviaire, les transports collectifs et l'entretien des routes sont les trois
priorités de votre budget. Nous approuvons pleinement ces choix.
Ils traduisent bien la volonté du Gouvernement de développer une politique des
transports résolument plurimodale, respectueuse de l'environnement pour un
aménagement équilibré du territoire et une meilleure qualité de vie.
Les orientations et les moyens mobilisés pour les soutenir sont donc
satisfaisants, et chacun peut en effet constater avec satisfaction que
l'ensemble des crédits pour les transports terrestres, en tenant compte des
crédits du fonds d'aménagement de la région d'Ile-de-France, le FARIF, et du
fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le
FITTVN, ainsi que de la dotation en capital à Réseau ferré de France, atteint
57,3 milliards de francs, soit une augmentation de 5,6 % par rapport à 1997.
Concernant le transport ferroviaire, on remarque immédiatement une volonté de
relancer le chemin de fer : augmentation de 33 % des crédits affectés au
transport combiné ; augmentation de la dotation en capital en faveur de Réseau
ferré de France, qui passe de 8 milliards de francs en 1997 à 10 milliards de
francs ; nouvel allégement de la dette SNCF, à hauteur de 20 milliards de
francs ; relance de l'emploi à la SNCF par la création de 1 000 emplois
statutaires en 1997 et le recours à 1 000 emplois-jeunes.
Je tiens également à saluer, monsieur le ministre, votre souci d'ouvrir des
négociations sur les salaires et le temps de travail.
Voilà autant de faits qui marquent clairement votre volonté de relancer le
chemin de fer.
Au total, les concours publics au secteur ferroviaire progresseront en 1998 de
près de 2,5 milliards de francs, ce qui représente, en termes de moyens
dégagés, une augmentation de près de 8 %.
Il est heureux de constater que se fait enfin jour une nouvelle vision de
l'avenir du transport ferroviaire, ne conférant plus au « tout autoroute » une
place prépondérante. Je souhaite que le nouveau schéma national d'aménagement
du territoire, auquel le Gouvernement - et plus particulièrement votre collègue
en charge de l'environnement - travaille actuellement, fasse une place
privilégiée au transport combiné.
S'agissant du transport ferroviaire, il me faut évoquer Réseau ferré de
France.
Le groupe socialiste était contre cette réforme parce que la création de deux
établissements remettait en cause l'unicité des transports ferroviaires et
qu'elle n'ouvrait aucune perspective nouvelle pour le chemin de fer.
Par ailleurs, en déplaçant simplement le problème de la dette de la SNCF sur
Réseau ferré de France, on susciterait nécessairement cette question : quelles
peuvent être les capacités d'investissement d'une entreprise qui, comme Réseau
ferré de France, est déjà endettée à hauteur de 134,2 milliards de francs.
Conscient de nos interrogations et de celles des syndicats, monsieur le
ministre, vous avez décidé, non pas d'abroger la loi qui a créé Réseau ferré de
France, mais de la compléter, afin de conforter l'unicité du service public et
de coordonner efficacement les politiques de Réseau ferré de France et de la
SNCF. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur l'état de vos
réflexions et sur le calendrier ?
Votre projet prévoit en outre d'alléger de 20 milliards de francs
supplémentaires la dette de la SNCF. Cela va dans le sens de ce que nous
souhaitions, mais la vigilance s'impose, car la situation, vous le savez, reste
fragile.
Les dotations aux transports collectifs, notamment en ce qui concerne ceux de
la province, diminuaient fortement dans la loi de finances de 1997. Cette
année, les autorisations de programme augmentent de 10 %, s'établissant à 646
millions de francs, contre 581,5 millions de francs en 1997, et les crédits de
paiement de 8,4 %, en passant de 509 millions à 552 millions de francs.
Sans nul doute, les crédits supplémentaires permettront la réalisation
d'opérations techniquement prêtes ou l'achèvement d'opérations déjà engagées
dans les grandes villes.
On ne peut que saluer votre décision d'accélérer la mise en place de lignes en
site propre.
Autres décisions bienvenues : l'annonce selon laquelle le dispositif de
réduction du temps de travail s'appliquera aux conducteurs de transports
collectifs et le recrutement de quelque 4 000 jeunes durant les trois
prochaines années à la RATP. Ces initiatives en faveur de l'emploi
contribueront indiscutablement à améliorer ce mode de transport.
Par ailleurs, vous avez annoncé la mise en place, à partir du 1er janvier
1998, d'un « chèque transport » pour les chômeurs. C'est une bonne initiative.
Pouvez-vous nous indiquer où en est ce projet ?
Enfin, s'agissant de la route, il faut se féliciter des nouvelles orientations
budgétaires visant à améliorer et à réhabiliter le réseau existant plutôt qu'à
créer de nouvelles autoroutes qui n'auraient fait qu'accroître l'endettement
des sociétés déjà concessionnaires.
Monsieur le ministre, la ressource se fait rare, aussi bien pour financer de
nouvelles infrastructures que pour entretenir l'existant. Vous avez évoqué la
possibilité de créer une sorte de « pot commun » qui permettrait de financer
tout à la fois le réseau concédé et le réseau national non concédé. Si un tel
scénario était retenu, quels seraient les modes de financement ? N'y a-t-il pas
à craindre, à terme, un désengagement budgétaire de l'Etat ?
Par ailleurs, si la priorité donnée à l'entretien des routes est une bonne
chose, pensez-vous que, malgré les crédits d'investissement mobilisés, votre
ministère ait réellement à sa disposition tous les moyens nécessaires pour
remplir l'ensemble de ses missions, non seulement en matière d'infrastructures,
mais aussi au regard des conseils et des aides aux collectivités locales ?
Je pense, en particulier, monsieur le ministre, aux 870 emplois supprimés dans
le budget de l'équipement pour 1998. Je sais que cette situation ne vous sied
pas et qu'elle est, en quelque sorte, l'héritage de votre prédécesseur.
Vous avez en outre annoncé la tenue d'une conférence nationale des personnels
de l'équipement. Pouvez-vous nous dire quel sera l'ordre du jour de cette
conférence et quel objectif elle vise ?
D'autres questions restent à approfondir. Je pense à la politique des grands
travaux, engagée notamment par Jacques Delors. Que devient ce chantier ? Je
suppose que vous y réfléchissez quotidiennement.
Je voudrais savoir encore si vous comptez dresser un premier bilan de la
régionalisation de la SNCF.
Je conclurai en indiquant que nous apprécions tous la volonté du Gouvernement
de dialoguer avec toutes les parties intéressées, à commencer par les usagers
et les populations concernées, et cela le plus en amont possible, lorsqu'un
projet de grande importance est en cours d'étude.
C'est grâce à ce souci de mieux prendre en considération l'ensemble des
données, de mieux percevoir l'impact sur l'environnement et de mieux coordonner
l'ensemble des politiques des différents moyens de transport que nous
arriverons à mettre en place un schéma de développement des transports
cohérent, respectueux de l'environnement, soucieux de l'aménagement du
territoire et répondant aux attentes des Français.
Monsieur le ministre, votre budget est un bon budget. Il ouvre de belles
perspectives. Il faudra, bien sûr, poursuivre l'effort au cours des années
suivantes.
Le groupe socialiste souhaitait approuver le projet de budget concernant les
transports terrestres que vous nous présentez, monsieur le ministre. Cependant,
nous craignons fort de devoir voter contre, compte tenu de l'adoption probable
des amendements déposés par la commission des finances.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc.
Ils vont peut-être réfléchir ! Peut-être ne diminueront-ils pas les crédits
!
M. Alain Lambert,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Nous ne touchons pas aux crédits
d'investissement !
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues, le budget
des transports est un acte à la fois politique et stratégique.
Il fixe pour la France les choix en matière d'aménagement du territoire et
définit le rôle qu'entend jouer notre pays dans l'Europe du XXIe siècle.
La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire,
votée en 1995, énonçait un principe : « En 2015, aucune partie du territoire
français ne sera située à plus de cinquante kilomètres ou quarante-cinq minutes
d'automobile soit d'une autoroute ou d'une route à quatre voies en continuité
avec le réseau national, soit d'une gare desservie par le réseau ferroviaire à
grande vitesse. »
Aujourd'hui, les décisions et les prises de position du nouveau gouvernement -
ou l'absence de décision ou de prise de position de sa part - sur de nombreux
grands projets d'infrastructures de transports terrestres, qu'il s'agisse de la
voie d'eau, de la route ou du fer, me semblent peu rassurantes au regard de la
mise en oeuvre de ce principe : abandon du canal Rhin-Rhône, gel de procédure
d'enquête publique de certains chantiers, révision des crédits routiers et de
la politique autoroutière, réforme de la réforme de la SNCF, laconisme ou
dissensions sur les grandes lignes TGV.
On entend dire, parfois contredire, et souvent en catimini. Or on est au moins
en droit d'attendre une lisibilité dans les choix. Ces derniers doivent en
effet s'inscrire dans une vision stratégique de développement économique,
d'équilibre des territoires et d'insertion dans le cadre européen.
La France occupe une position centrale en Europe et doit tirer les bénéfices
des grands flux de transit international. Hélas ! à force de prendre du retard,
nous risquons de nous trouver en dehors de ces flux. Il convient donc de créer
un vrai pôle de transport et de logistique. Nous avons d'ailleurs vocation à
être le pays d'excellence en ce domaine.
J'en viens à votre projet de budget pour 1998, monsieur le ministre. A-t-il
cette dimension politique et stratégique que j'évoquais et donne-t-il des
moyens à la hauteur des enjeux ?
Vous avez placé ce budget, avez-vous dit, sous le signe du volontarisme en
affichant trois priorités : construire une véritable politique intermodale des
transports, relancer les transports collectifs et réagir face à la poursuite du
développement des réseaux routier et ferré « à deux vitesses ».
Je ne peux que m'associer à ces orientations, d'autant qu'elles sont marquées,
vous l'avez vous-même reconnu, par la patte de vos prédécesseurs.
Mais force est de constater que cette volonté se traduit en chiffres par une
évolution plutôt modeste : les moyens de paiement n'augmentent que de 0,8 %.
Dans un contexte de contrainte budgétaire, cet effort est déjà louable, mais je
ne pense pas qu'il soit suffisant pour mener à bien les objectifs que vous avez
retenus.
S'agissant de la SNCF, je me félicite que vous vous soyez en partie rallié à
la réforme votée au début de cette année. Son abandon aurait été préjudiciable
à l'entreprise, qui subissait, depuis déjà trop longtemps, l'absence de
décisions politiques.
Vous avez obtenu un allégement de sa dette de 20 milliards de francs
supplémentaires, et je salue cette mesure qui devrait lui donner la bouffée
d'oxygène nécessaire à son redressement. Mais il ne faudrait pas, monsieur le
ministre, donner d'une main et retirer de l'autre ! Vous lui demandez, dans le
même temps, d'embaucher 2 000 personnes ; cela a un coût : 300 millions de
francs en exercice normal.
Par ailleurs, la dotation en capital de Réseau ferré de France atteint, pour
1998, 10 milliards de francs. Malgré l'augmentation de 33 % des crédits du
FITTVN consacrés aux investissements ferroviaires, sera-t-elle suffisante pour
financer à la fois la modernisation des infrastructures actuelles et les
nouveaux investissements, alors même que le président de Réseau ferré de France
annonçait un besoin de financement de 13 milliards de francs ?
J'insiste sur ce point, car il ne serait pas juste que les crédits disponibles
soient entièrement consacrés aux lignes à grande vitesse et que d'autres
travaux, pourtant indispensables, soient retardés. Or vous avez déjà confirmé,
monsieur le ministre, la réalisation des TGV-Est et du TGV-Méditerranée.
Précisément, l'une des préoccupations des Haut-Saônois en matière de
transports demeure la ligne Paris-Bâle. Les cinq présidents des conseils
régionaux du Grand Est se sont prononcés pour son maintien et sa
modernisation.
Cette ligne est la seule structure desservant la Haute-Saône. C'est un axe
vital, une véritable épine dorsale. Elle répond aux besoins du département en
termes d'aménagement et de développement du territoire.
Au transport de voyageurs s'ajoute un fret important qui, pour le seul
établissement Peugeot-Vesoul, se chiffre à 10 000 wagons par an. D'autres
entreprises fortement exportatrices utilisent également cet axe ferroviaire.
Comment l'emploi industriel ou tertiaire ne serait-il pas affecté à terme si
l'avenir de cette ligne était hypothéqué ? De plus, la plate-forme multimodale,
l'une des dix du territoire, pourrait également être remise en cause, alors
même, monsieur le ministre, que vous souhaitez augmenter le nombre de ces
plates-formes.
En conséquence, j'aimerais connaître le résultat des études menées en vue de
définir les meilleurs aménagements techniques, notamment en ce qui concerne le
mode d'énergie et de traction, ainsi que la position du Gouvernement sur le
devenir de cette liaison dont, m'avez-vous assuré, la consolidation viendrait
en 1999 eu égard à son importance dans les liaisons transversales.
Sans doute faudra-t-il réorienter la politique d'investissement, en la
concentrant sur le développement du trafic, et non en visant toujours le gain
de temps.
S'agissant du FITTVN, nous nous réjouissons que son augmentation, il est vrai
substantielle, permette de faire passer la part affectée à Voies navigables de
France de 350 millions de francs à 430 millions de francs.
Toutefois, là encore, même accrus, permettront-ils à l'établissement public de
couvrir les charges d'entretien et de remise à niveau du réseau et de financer
de nouveaux ouvrages tels que le canal Seine-Nord, auquel vous semblez attaché
?
Notre retard est grand dans le domaine du transport fluvial.
L'évocation de ces points traduit plus une impatience et des interrogations,
monsieur le ministre, qu'une critique de votre action ou de votre projet de
budget. Dans un domaine caractérisé par des positions, des exigences
financières et des habitudes culturelles antagonistes, l'arbitrage est
difficile et le travail sera long.
Je regrette seulement que la structure de votre ministère ne rende pas la
tâche plus facile. Une grande direction intermodale aurait été un outil
précieux pour assurer la cohérence de cette politique et la rationalisation des
choix.
Avant de conclure, je dirai quelques mots du financement des infrastructures
de province. On parle d'un rééquilibrage entre les modes de transport, mais
j'aurais souhaité que l'on parle aussi d'un rééquilibrage entre l'Ile-de-France
et les autres régions de France. Certes, un effort est fait en faveur de ces
dernières, mais il n'est pas encore suffisant, et je vous en donnerai pour
preuve, monsieur le ministre, le maillon manquant entre Langres et Belfort dans
la liaison autoroutière ouest-est du territoire national.
Comment justifier cette rupture ? Quel combat peuvent mener les collectivités
locales pour attirer des entreprises quand les installations achoppent sur un
enclavement totalement dissuasif ? L'équation est simple : pas d'axes de
pénétration satisfaisants, pas d'implantations, pas de taxe professionnelle,
moins d'équipements, une évasion de population et, au bout, l'accentuation de
désertification.
Sur ce point également, je désirerais connaître la position du
Gouvernement.
Ce n'est pas voir les choses par le petit bout de la lorgnette. La
Franche-Comté est une région transfrontalière au coeur du noyau européen. Si
elle est appelée à devenir un « isolat », qu'adviendra-t-il des régions moins
intégrées ? Vos réponses, monsieur le ministre, m'aideront à me déterminer, la
commission à laquelle j'appartiens ayant choisi de s'en remettre à la sagesse
du Sénat.
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le temps de
parole, très court, qui est imparti à mon groupe ne me permettra pas, comme je
l'aurais souhaité, d'aborder dans le détail le projet de budget des transports,
pourtant essentiel pour la vie et le développement de la nation.
La question des transports en France est au centre de l'actualité depuis
plusieurs années, sur le plan économique, environnemental et, bien entendu,
social.
L'ampleur des préoccupations soulevées doit sans nul doute beaucoup à la
spécificité du territoire français, qui se situe au carrefour de l'Europe, tant
sur le plan routier que sur celui du rail ou des voies navigables, ce qui
accentue les effets de la déréglementation.
Cette déréglementation imposant le libéralisme dans le domaine des transports
a deux conséquences : elle menace d'isolement des régions considérées comme non
vitales économiquement et elle surcharge de manière déraisonnable et
destructrice sur le plan de la sécurité et de l'environnement d'autres
régions.
Je tenais, avant d'examiner rapidement le projet de budget lui-même, à
rappeler ces quelques données qui placent votre administration, monsieur le
ministre, au centre des enjeux de l'aménagement de notre pays.
Venons-en à votre projet de budget.
En premier lieu, je tiens à souligner que les crédits relatifs aux transports
terrestres, aux routes et à la sécurité routière marquent une volonté de
stabilisation par rapport à l'année précédente. Je rappelle que le budget des
transports terrestres était en régression de 3 % en francs constants l'année
dernière.
Mme Hélène Luc.
Effectivement !
M. Pierre Lefebvre.
En deuxième lieu, nous pouvons admettre qu'en quelques mois il n'était pas
possible de marquer une évolution positive plus sensible, le poids de la
gestion passée pesant toujours lourdement. Cet argument ne pourra cependant pas
être reformulé l'année prochaine.
Mme Hélène Luc.
Ça c'est vrai !
M. Pierre Lefebvre.
En troisième lieu, nous approuvons la rupture, sur le plan des orientations,
qui caractérise le projet de budget. Cette remarque vaut pour des domaines
aussi divers que l'environnement, la politique routière, les déplacements
urbains, le transport ferroviaire et le dialogue social que vous avez su mettre
en oeuvre au cours du récent conflit des routiers.
La prépondérance de l'augmentation des fonds d'investissements, par le biais
du FITTVN et du FARIF notamment, nous apparaît notable dans le cadre de
l'augmentation de 2,3 % du budget des transports terrestres.
Nous approuvons fortement l'accent mis sur le transport collectif. Les crédits
en ce domaine augmentent de 10 %. Cela est important lorsqu'on sait qu'un
kilomètre en voiture coûte 26 centimes à la collectivité, contre 6 centimes
pour le transport collectif, et que les conséquence en matière de pollution
sont importantes. L'expérience de cet été l'a démontré.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Pierre Lefebvre.
L'augmentation de 23,63 % des autorisations de programme du budget des
transports terrestres et de 19,17 % des crédits de paiement marquent cette
volonté de rupture avec les choix précédents.
L'augmentation de 4 % pour l'entretien du patrimoine routier et l'octroi de
440 millions de francs au titre de la sécurité routière sont indéniablement des
chiffres à mettre à l'actif de votre projet de budget, monsieur le ministre.
Sur le plan de la sécurité routière, l'augmentation du budget consacré à la
formation automobile est portée de 34,2 millions à 40,3 millions de francs. Il
s'agit là d'un effort appréciable, mais sera-t-il suffisant pour accompagner
votre intéressant plan de lutte pour la sécurité sur les routes ?
En ce qui concerne la gestion de l'emploi, nos remarques, monsieur le
ministre, seront nuancées.
Bien entendu, pour la première fois depuis de très nombreuses années, les
suppressions d'emplois massives sont interrompues à la SNCF, où plusieurs
dizaines de milliers d'emplois ont disparu ces dernières années.
Mille emplois jeunes et mille emplois statutaires constituent une bouffée
d'oxygène qui marqueront votre entrée au ministère. Mais de quoi demain
sera-t-il fait ? Nous espérons que l'année prochaine cet effort, si nécessaire,
se poursuivra.
En revanche - et nous avons évoqué ce point tout à l'heure - la suppression de
mille emplois, certes compensée par cent quarante créations dans les services
de l'équipement, constitue une mauvaise nouvelle. Cette suppression pourrait ne
pas être sans conséquence, en particulier, sur l'entretien des routes.
Ce chiffre contredit la volonté gouvernementale d'impulser la lutte contre le
chômage et d'entraîner le secteur privé vers une politique de créations
d'emplois. Vous avez déjà répondu à mon amie, Mme Marie-Claude Beaudeau, à ce
sujet, mais nous attendons de vous, monsieur le ministre, des paroles fortes
pour rassurer non seulement les personnels, mais également les usagers de
l'équipement, qui ont, ces derniers jours encore, constaté la nécessité vitale
d'un service de l'équipement préservé et développé.
Avant d'en terminer, je souhaite, monsieur le ministre, vous interroger sur
les mesures que vous envisagez de prendre pour aider la batellerie artisanale,
qui souffre beaucoup et qui est particulièrement inquiète pour son avenir.
A ce sujet, je désire vous faire part de notre complet accord avec la volonté
que vous avez affirmée d'agir dans le sens non pas de la concurrence, mais de
la complémentarité entre les différents moyens de transports : le rail, les
routes, les voies d'eau.
Pour conclure, monsieur le ministre, votre projet de budget interrompt une
dérive qui marquait la politique de déstructuration du service public menée par
la droite. Il marque une amorce de réorientation des crédits vers ce service
public et, ce qui m'apparaît essentiel, vers le transport collectif.
C'est pourquoi nous le voterons, tout en ayant noté un certain décalage entre
les intentions confirmant le choix des électeurs du 1er juin dernier et les
chiffres de ce projet de budget sur lequel pèsent les engagements passés et les
contraintes budgétaires de la monnaie unique.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite
parler essentiellement du budget consacré aux transports en commun, notamment
aux transports en commun urbains de province, budget qui a été peu évoqué à
cette tribune depuis le début de la discussion.
A une première lecture, on pourrait se féliciter qu'un effort significatif en
faveur des transports collectifs ait été accompli par le Gouvernement dans le
budget pour 1998. La ligne budgétaire des aides aux investissements dans les
transports collectifs de province progresse de 10 %, pour atteindre 646
millions de francs dont 581 millions de francs pour les transports en commun en
site propre. Celle des aides aux investissements en Ile-de-France s'élève à 595
millions de francs.
Bien que significatif - nous ne le méconnaissons pas dans la rigueur
budgétaire ambiante - cet effort risque toutefois de se révéler insuffisant.
Pour 1998, le groupement des autorités responsables de transport, Le GART,
réuni récemment à Dijon, où vous étiez, monsieur le ministre, estime en effet
les besoins à près de 900 millions de francs en prenant comme référence les
taux de subvention fixés par l'Etat.
Il importe que le Gouvernement soit cohérent et que ce budget amorce une
réelle inversion des priorités pour les prochaines années, en privilégiant
désormais les transports publics par rapport à la route.
L'alerte de niveau 3 dont ont été victimes cet été l'Ile-de-France et
plusieurs villes de province faisant suite à des vagues de pollution d'une
longueur sans précédent cette année montre qu'il devient de plus en plus urgent
de proposer aux Français des offres de transport alternatives à la voiture. Le
besoin développement des transports collectifs va donc être croissant.
Pour les dix prochaines années, 90 milliards de francs d'investissement sont
prévus dans les transports en commun en site propre, les TCSP, d'après
l'enquête du GART sur ces projets TCSP en France rendue publique le 30
septembre, dont 61 milliards de francs pour la seule province. Au total,
quatre-vingt-dix projets de TCSP sont recensés, trente-trois agglomérations de
province ont un ou plusieurs projets.
Or aujourd'hui, la participation de l'Etat aux transports collectifs en site
propre de province n'atteint que 16 % en moyenne de l'investissement total
réalisé. Nous sommes loin des 50 % envisagés dans les années 1981-1982,
monsieur le ministre !
En effet, les aides de l'Etat ne portent actuellement que sur les dépenses
d'infrastructures dites « subventionnables » et ne concernent en aucune manière
l'acquisition du matériel.
Depuis 1994, l'Etat a clarifié ses modalités d'intervention et précisé les
taux de subventions auxquels les autorités organisatrices pouvaient prétendre,
ceux-ci variant suivant le type de TCSP. Mais, globalement, l'enveloppe
financière est restée la même.
Sur les trente-quatre agglomérations ayant des projets, seule une quinzaine
sont susceptibles, d'ici à l'an 2000, d'engager les travaux.
Il est vraisemblable qu'une augmentation significative de la participation
financière de l'Etat à ces projets, que ce soit par le niveau des taux ou par
l'intégration des matériels roulants à la dépense subventionnable, pourrait
accélérer la prise de décision au plan local. Il importe donc d'accomplir un
effort supplémentaire.
De même, il faut agir sur l'ensemble du parc des bus. Vous avez bien voulu
participer au colloque que j'ai organisé au Sénat le 18 novembre dernier et
vous avez pu constater que la demande à cet égard était extrêmement forte.
Alors que le parc automobile rajeunit, la durée de vie des bus s'allonge dans
beaucoup de réseaux, passant de douze à quinze ans en raison des difficultés
financières rencontrées par les collectivités locales.
Or il est urgent que les transports publics ne soient plus montrés du doigt
comme pollueurs dans le centre des villes. Qu'il s'agisse des nouvelles normes
de moteur à diesel, des perspectives offertes par la filière gaz naturel ou, à
plus long terme, des bus hybrides ou électriques, ou encore de bus à plancher
bas ou climatisés, une modernisation accélérée des matériels roulants
favoriserait l'attractivité des transports publics et améliorerait l'image du
bus.
Pourquoi l'Etat ne participerait-il pas à la modernisation des matériels
roulants, ses efforts liés au parc roulant se limitant aujourd'hui aux systèmes
d'aides à l'exploitation, les SAE, et aux systèmes d'aides à l'information, les
SAI, à la billetterie et aux équipements de sécurité ?
Par ailleurs - et c'était l'un des objets du colloque auquel je faisais
référence il y a un instant - il est évident que l'Etat doit choisir parmi les
différentes techniques qui nous sont aujourd'hui proposées - le gaz de pétrole
liquéfié, le GPL, le gaz naturel véhicules, le GNV, l'électricité, le
biocarburant et autres carburants encore plus propres - et aider la filière
choisie.
Vous devez, monsieur le ministre - et, au-delà de vous, le Gouvernement -
choisir et nous indiquer, une fois la filière choisie, la forme que prendra le
soutien de l'Etat sur cette filière - par exemple le GNV - que ce soit au
niveau des équipements, des stations de compression ou autres.
Il est évident qu'il a fallu l'intervention de M. Pierret, secrétaire d'Etat à
l'industrie, pour que la RATP achète deux cents bus fonctionnant au gaz. En
effet, le surcoût entraîné est tel que la RATP n'aurait pas procédé à cette
acquisition sans ce « coup de pouce » fort du secrétaire d'Etat. Il me paraît
donc essentiel que les moyens financiers soient revus. Ce n'est pas à vous,
monsieur le ministre, que j'expliquerai que les propositions sont
nombreuses.
Bien sûr, on pourrait penser aux augmentations des lignes budgétaires de
l'Etat par redéploiement de crédits en faveur des transports publics, mais je
n'y crois guère. En revanche, l'instauration d'une écotaxe sur les carburants
ou une affectation d'une partie de la taxe intérieure sur les produits
pétroliers, la TIPP, au financement des transports publics pourrait être
considérée. Ce n'est pas à vous, monsieur le ministre, que je vais expliquer
cela ! Il s'agit d'une revendication de votre parti politique ! J'espère que
maintenant que vous êtes au Gouvernement, vous pourrez y parvenir !
On pourrait également envisager l'utilisation du FITTVN !
Bien entendu, il faut aussi prévoir le maintien du versement transport : cette
taxe, assise sur les salaires, est payée par les employeurs de plus de dix
salariés. Elle assure 43 % du financement des transports urbains de province.
Toute atteinte à ses modalités mettrait en péril l'équilibre des réseaux de
transports collectifs.
Mme Hélène Luc.
Alors, vous n'allez pas supprimer des crédits à M. Gayssot, tout à l'heure
!
M. Charles Descours.
Je ne suis pas membre de la commission des finances, madame Luc ! Je parle non
pas des dépenses de fonctionnement mais des investissements !
C'est la raison pour laquelle il serait utile qu'une loi-cadre sur les
transports collectifs soit examinée par le Parlement, afin de pérenniser
l'effort en faveur des transports publics. Il s'agit de répondre aux
aspirations croissantes de nos concitoyens à une meilleure qualité de vie et de
multiplier les créations d'emplois dans les transports publics.
Je souhaite aborder maintenant un autre point, monsieur le ministre. Lors de
la première lecture du projet de loi de finances, l'Assemblée nationale a
adopté un amendement, certes sympathique, mais qui pose quelques problèmes : il
tend à accorder la gratuité de la vignette automobile aux véhicules électriques
pour encourager leur utilisation puisqu'ils ne polluent pas.
Toutefois - et c'est là qu'une difficulté survient - déjà dans le passé, lors
de la discussion de la loi sur l'air, l'Assemblée nationale avait voté à deux
reprises la gratuité dans les transports en commun les jours de grande
pollution, ce qui avait été repoussé à deux reprises par le Sénat. En effet,
dans les deux cas, il s'agit de transférer aux collectivités locales les
mesures destinées à améliorer la qualité de l'air.
Il importe que l'Etat, dont c'est l'une des missions, montre qu'il prend bien
en charge ces problèmes autrement qu'en transférant aux collectivités locales
ces mesures concrètes, quitte, ensuite, à les montrer du doigt au prétexte
qu'elles augmenteraient excessivement leur fiscalité.
Il faut donc que l'Etat dégage les moyens financiers nécessaires pour
améliorer et compenser les pertes de recettes des collectivités locales.
Enfin, je voudrais terminer, monsieur le ministre, en attirant votre attention
sur un problème qui n'a rien de budgétaire, mais qui doit être réglé dans les
plus brefs délais : c'est l'incertitude juridique qui règne pour les appels à
concurrence dans les transports publics.
En effet, depuis 1993, la loi Sapin oblige les autorités organisatrices qui
confient l'exécution du service à une entreprise à respecter les règles de
passation prévues pour les conventions de délégation de service public.
Une position relativement récente du Conseil d'Etat a relancé le débat sur la
qualification des contrats passés par les autorités organisatrices. Cette
interprétation, qui nous semble discutable, a conduit l'Etat à remettre en
cause le droit applicable aux contrats de transports.
Pis, la transposition en droit français d'une directive européenne va donner
naissance, dans les prochains jours - avant le 31 décembre, me dit-on - à un
décret qui, sous la pression de Bercy, méconnaît totalement la notion de
délégation de service public et même les principes de la décentralisation.
Monsieur le ministre, vous devez vous y opposer. Comme nos collaborateurs du
GART l'ont dit à votre cabinet en début de semaine, nous vous demandons de ne
pas vous laisser manipuler par Bercy. Nous comptons sur vous pour nous
rassurer, pour faire en sorte que ce décret ne soit pas signé et pour mettre
fin à cette insécurité juridique inadmissible. Je m'exprime au nom des élus du
GART qui représentent, comme vous le savez, toutes les opinions politiques.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole et à M. Lambert.
M. Alain Lambert.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, afin que
tout soit bien clair, je précise que je m'exprime à titre personnel et que mes
propos, qui seront particulièrement critiques, n'engagent pas la commission des
finances.
Mes critiques, monsieur le ministre, ne visent pas votre personne. Elles
s'adressent non seulement au Gouvernement auquel vous appartenez, mais aussi
aux gouvernements précédents. Elles visent en fait tout l'appareil d'Etat qui
concourt à l'investissement autoroutier dans notre pays, cet appareil d'Etat
dont l'imprévision et l'imprécision confinent, mes chers collègues, à mes yeux,
à l'irresponsabilité et peut-être à la mauvaise foi.
Mon propos a trait au calendrier du programme autoroutier, et je prendrai
l'exemple de l'A 28. Monsieur le ministre, vous connaissez mes griefs, puisque
je vous les ai exposés en commission des finances ; je ne les rappellerai donc
pas. Mais je voudrais vous poser une question du haut de cette tribune. Je
voudrais savoir qui préside dans ce pays au programme autoroutier : est-ce le
pouvoir politique, la direction des routes ou la direction du Trésor ?
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
Bonne question !
M. Alain Lambert.
L'Etat, pour la réalisation de son programme autoroutier, confie, ce qui est
parfaitement naturel, l'exécution et la gestion des ouvrages à des opérateurs
dont certains sont publics, comme la société de l'autoroute Paris-Normandie, la
SAPN, dont les capitaux sont détenus par l'Etat, et d'autres sont privés, comme
la Compagnie financière et industrielle des autoroutes, Cofiroute, dont les
capitaux sont majoritairement privés.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'est la seule
société !
M. Alain Lambert.
Effectivement ! A ce sujet, peut-être pourrez-vous nous expliquer pourquoi
l'Etat fait plus confiance à cette société qu'aux sociétés autoroutières dont
il détient 100 % du capital. Nous verrons, en effet, dans un instant que les
sociétés privées bénéficient d'une durée de concession plus longue que les
sociétés dont les capitaux sont publics. Ce paradoxe est sans doute explicable
et nous souhaitons que vous nous apportiez, à ce sujet, quelques précisions.
Quel est le processus de décision s'agissant de l'A 28 ?
La réalisation de cette autoroute a été annoncée avec tambours et trompettes -
tous les gouvernements, les uns après les autres, sont concernés - à l'occasion
d'un CIAT en 1987. Vous me direz c'est la droite !
J'en arrive à la gauche.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'est charmant
!
M. Alain Lambert.
Une concession de principe a été octroyée à la SAPN en 1991 et a été confirmée
dans le contrat de Plan de janvier 1995, entre l'Etat et la SAPN. Voilà qui est
tonitruant !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'est la droite
!
M. Alain Lambert.
Mais, en catimini et dans l'opacité, il n'y a pas eu de lancement des
opérations dans les CIES et la concession de principe a été remise en cause en
juin 1997, soit plus de six ans après l'accord de principe, à quelques mois du
bouleversement du processus d'appel d'offres des concessions, et ce,
apparemment, pour des raisons financières.
Alors, qu'en est-il de ces raisons financières ?
Comme je l'ai déjà indiqué, je n'adresse pas d'observations particulières à ce
gouvernement. Je pense à l'appareil d'Etat en général.
On s'est aperçu que la SAPN n'avait pas les moyens de construire l'A 28. Mais
qui la contrôle, mesdames, messieurs les sénateurs ? C'est l'Etat qui la
contrôle, qui programme ses investissements et qui a découvert, au dernier
moment, que cette société n'avait plus les moyens de réaliser des
investissements décidés dix ans auparavant.
Puis on s'aperçoit que l'on a confié à cette société certaines opérations,
telles que la construction de l'A 14, dont le coût a triplé par rapport aux
prévisions. La Cour des comptes dénonce d'ailleurs cette dérive dans son
dernier rapport en précisant que les usagers des autoroutes de Normandie
pourraient être amenés à supporter une part importante des coûts de
construction de cette voirie urbaine en Ile-de-France.
Monsieur le ministre, il incombait à l'Etat de se rendre compte plus tôt des
éventuelles difficultés de la SAPN et de changer de concessionnaire pour ne pas
différer les travaux.
Je m'exprime cet après-midi devant le Sénat pour dénoncer ce que je crois être
l'irresponsabilité de l'appareil d'Etat. Qui a commis l'erreur ? Est-ce la
direction du Trésor, la direction des routes, la SAPN ? Dans quelles
proportions faut-il répartir les torts ? Bref, pour moi, c'est l'Etat qui est
responsable.
Qui assumera les conséquences ? La région qui est directement concernée ou les
usagers de cette autoroute ?
Je voudrais attirer l'attention du Sénat sur le fait que ces sociétés font
l'objet du même contrôle que le Crédit lyonnais et le Gan puisque ce sont les
mêmes services de l'Etat qui les contrôlent.
M. Michel Caldaguès.
Ce n'est pas encourageant !
M. Alain Lambert.
Comment l'Etat envisage-t-il de réparer ce que je veux bien appeler encore
pendant quelques minutes une erreur ? Comment envisage-t-il de réparer les
dommages graves qui seront subis par les agents économiques ? J'en citerai
deux. Des entreprises de bonne foi se sont implantées sur cet axe parce
qu'elles pensaient pouvoir bénéficier des retombées. Par ailleurs, des
agriculteurs ont déjà, de bonne foi, procédé à des remembrements. Tout cela ne
va pas, monsieur le ministre ! Il faut impérativement que vous remettiez de
l'ordre dans la maison.
Outre les questions que je viens de poser et sur lesquelles j'attendrai vos
réponses avec beaucoup d'impatience, je voudrais que vous m'expliquiez pourquoi
la société Cofiroute, dont les capitaux sont majoritairement privés, a obtenu
une concession allant jusqu'à 2030, si mes informations sont exactes, donc
d'une durée de cinquante ans après la mise en service, par exemple, de l'A 86,
alors que l'Etat refuse une telle concession aux sociétés dont il est
actionnaire. Je pense, notamment, à la SAPN, dont la concession sera
interrompue en 2020.
Mes chers collègues, nous avons besoin de comprendre ce qu'il en est. La
décision des pouvoirs publics peut, par ces méthodes, être totalement
contournée.
M. Charles Descours.
Absolument !
M. Alain Lambert.
Il n'est pas sain, dans une démocratie, que les services d'Etat, respectables
soient-ils - et en ce qui me concerne, je les respecte - m'assument pas
pleinement leurs responsabilités.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. Charles Descours.
Très bien !
M. Alain Lambert.
Dès lors que la réalisation des équipements est décidée, dès lors que ceux-ci
sont programmés, l'Etat a engagé sa parole. Il n'est pas possible d'admettre
que les grandes directions de l'Etat - on ne sait d'ailleurs plus lesquelles -
choisissent de favoriser tel tronçon plutôt que tel autre ou découvrent au
dernier instant que telle société placée sous leur contrôle n'aurait plus les
moyens de réaliser l'investissement.
Mes chers collègues, c'est la crédibilité de la France, c'est l'organisation
de notre pays, c'est tout l'appareil de l'Etat qui sont en cause. Cela méritait
d'être dénoncé à la tribune du Sénat, et votre serviteur sera très heureux
d'entendre tout à l'heure la réponse de M. le ministre.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais
soulever rapidement quatre interrogations à propos de ce budget.
La première portera sur l'impartialité de l'Etat. J'étais très préoccupé par
les annonces concernant la RN 10, où de nombreux accidents mortels se sont
produits cet été tant dans les Landes qu'en Charente. Ce dernier département
avait demandé la réalisation d'investissements en matière de sécurité, mais
seules les Landes semblent devoir en bénéficier. En effet, une centaine de
millions de francs ont été débloqués, tout à coup, en cours d'année, à la suite
de promesses faites à l'occasion de déplacements ministériels. Or les problèmes
de sécurité sont les mêmes sur la RN 10, que ce soit au nord ou au sud de
Bordeaux. Nous attendons donc de l'Etat qu'il soit impartial.
M. Alain Lambert.
Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Ma deuxième interrogation porte sur la crédibilité des engagements de l'Etat.
Ce point est très important. En effet, deux gouvernements se sont engagés à
inscrire la liaison Fontenay-le-Comte - La Rochelle - Rochefort au schéma
national autoroutier.
M. Jacques Oudin.
C'est très important !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Les réponses faites sur ce point à mes collègues parlementaires, Claude Belot
et Michel Crépeau, ont été jusqu'à présent ambiguës. L'Etat doit assumer les
engagements qu'il a pris à cet égard. La route des Estuaires, cher collègue
Oudin, est une liaison très importante.
Ma troisième interrogation concerne la fiabilité des financements et des
contrats de plan. Le retard pris en ce domaine est important. Il semble se
chiffrer, pour la région Poitou-Charentes, pour ne prendre qu'un exemple parmi
d'autres, à au moins 100 millions de francs pour l'année 1998. Cette situation
risque de nous conduire à arrêter certains chantiers, ce qui aurait bien
évidemment des conséquences très préoccupantes.
Enfin, ma quatrième interrogation concerne la flexibilité des contrats.
Monsieur le ministre, je comprends bien que l'Etat ait à faire face à des
difficultés et qu'il soit obligé de veiller à la maîtrise de la dépense
publique. Je partage tout à fait les propositions de la commission des finances
et du rapporteur général à cet égard. Mais s'il n'y a pas assez de crédits,
laissez-nous prendre des initiatives ! La région Poitou-Charentes vous a
proposé une avance de 500 millions de francs pour effectuer des travaux, en
partenariat avec l'Etat, sur la RN 10. Si vous ne pouvez prendre des
initiatives, permettez aux autres de le faire. Profitez des propositions du
conseil régional de Poitou-Charentes pour régler définitivement le dossier
difficile de la RN 10 mais aussi pour avancer la route Centre Europe
Atlantique.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis des
temps immémoriaux, les civilisations se sont structurées autour de leurs
réseaux routiers.
Avec l'explosion de l'automobile, la route est devenue insuffisante ; il a
alors fallu passer au stade de l'autoroute.
Les chiffres sont éloquents : la route draine 75 % du trafic des marchandises
et 85 % du trafic des passagers. Pour leur part, les autoroutes de France
supportent 50 % du trafic total.
Efficacité, fluidité, sécurité, chacun a compris que les qualités de
l'autoroute en font un élément déterminant de notre développement économique et
de l'aménagement du territoire.
Voilà plus de quarante ans que nous avons des débats sur l'avenir du secteur
autoroutier.
La loi de 1955 a permis de mettre en place un système de péage.
A partir des années soixante-dix, un schéma national autoroutier a donné une
certaine cohérence à notre action et nous avons peu à peu comblé le retard que
nous avions sur nos voisins, tels que l'Allemagne, le Benelux et l'Italie, pour
ne citer qu'eux.
L'autoroute est devenue, à partir de ce moment-là, un élément essentiel de
l'aménagement du territoire.
De par sa situation géographique, la France est au coeur du réseau autoroutier
européen. Pour cette raison, notre schéma national autoroutier avait pour
ambition de desservir nos frontières terrestres et nos façades maritimes.
Plus l'Europe se forge, plus le marché unique se transforme en économie
unifiée - et l'euro y contribuera fortement - plus les échanges
intracommunautaires se développent, plus le réseau autoroutier devient un
élément essentiel de la croissance économique et de l'intégration
européenne.
L'évolution des systèmes de production y contribue d'ailleurs fortement. De
plus en plus, les entreprises travaillent à flux tendu, réduisant au minimum
leurs stocks ; la rapidité des livraisons est donc devenue un élément
déterminant.
Cela explique largement pourquoi, désormais, la majorité des entreprises
n'acceptent de s'implanter ou de se développer qu'à proximité d'un échangeur
autoroutier. M. Lambert disait tout à l'heure que des entreprises avaient
décidé de s'implanter là où l'autoroute allait passer. C'est en cela que les
autoroutes sont des facteurs essentiels de la création d'emplois et de
l'aménagement du territoire.
Aménager le territoire, ce n'est pas seulement relier une ville de province à
Paris selon le bon vieux schéma des routes royales renforcé par Napoléon et
toujours maintenu depuis.
Les réseaux étoilés que nous connaissons pour la route, le fer ou les liaisons
aériennes doivent désormais être complétés par des liaisons transversales qui
permettront de relier non seulement les régions entre elles, mais également les
nations européennes entre elles, sans forcément passer par la région
parisienne, si attractive soit-elle.
Telle est la nouvelle conception de l'aménagement du territoire et de la
structure de notre réseau autoroutier que nous avons lentement bâtie au cours
de la dernière décennie.
Président de la route des Estuaires, j'ai été satisfait de la décision prise
par le Gouvernement le 12 juillet 1993 et tendant à faire de cette vaste rocade
de Dunkerque à Bayonne la première priorité de l'aménagement du territoire.
Mais d'autres liaisons transversales doivent être aménagées telles que
Bordeaux-Clermont - Lyon-Genève ou Nantes-Mulhouse.
Conscient de ces enjeux, de leur urgence et de ses responsabilités, le
gouvernement de M. Edouard Balladur avait réformé les structures des sociétés
d'autoroutes et aménagé le système de péage pour donner plus de moyens à ces
sociétés en facilitant la péréquation des péages ; 1993, ce n'est pas vieux. Il
y a un problème de cohérence dans les dates importantes, nous le verrons dans
un instant.
Le vaste débat national préalable à la loi du 4 février 1995 d'orientation sur
l'aménagement et le développement du territoire avait montré l'attachement de
tous les élus, quelle que soit leur région, leur formation politique, et de
toutes les collectivités au développement rapide du réseau autoroutier dont
nous pouvions espérer l'achèvement dans un délai de dix ans. Il s'agissait
d'ailleurs là d'une promesse clairement faite dans cet hémicycle.
Puis vous êtes arrivés au pouvoir et l'inquiétude a commencé à naître.
Nous connaissons depuis longtemps l'hostilité affichée du ministère des
finances - directions du Trésor et du budget confondues - au développement du
système autoroutier, alors même que le système français commence à être reconnu
en Europe et dans le monde pour son efficacité.
Nous connaissons également l'hostilité traditionnelle du mouvement écologiste,
alors qu'aucun équipement ne fait désormais l'objet d'autant d'efforts pour son
intégration dans l'environnement que les autoroutes.
Mais ce qui nous a surpris, monsieur le ministre, ce sont les critiques que le
Gouvernement - en fait M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie et vous-même - a commencé à formuler contre le système
autoroutier.
Première critique : le kilomètre d'autoroute coûterait cher - 45 millions de
francs par kilomètre. Or, c'est nous - Gouvernement et Parlement réunis - qui
avons adopté la loi sur les paysages, la loi sur l'eau et la loi sur l'air qui
renchérissent d'autant les coûts !
Deuxième critique : l'autoroute ne serait pas créatrice d'emplois - vous
l'avez dit et écrit, monsieur le ministre. C'est strictement l'inverse -
emplois directs, indirects ou induits par les entreprises qui s'installent à
proximité d'une autoroute. L'autoroute, c'est l'artère vitale de la création
d'emplois.
Troisième critique : les autoroutes, dans certaines zones, ne seraient pas
rentables. Mais, monsieur le ministre, c'est justement là la logique de
l'aménagement du territoire : les sections les plus rentables doivent financer
celles qui le sont moins, les riches doivent aider les moins bien lotis - cette
conception ne doit pourtant pas nous être étrangère ! - bref, c'est le principe
même de la péréquation.
M. Paul Masson.
Très bien !
M. Jacques Oudin.
Quatrième critique : les sociétés d'autoroutes seraient trop endettées. Or,
nous finançons avec des emprunts à quinze ans des équipements qui seront plus
que centenaires. Cette logique économique m'échappe largement !
M. Alain Lambert.
C'est celle de la direction du Trésor !
M. Jacques Oudin.
Bref, brusquement, vous trouvez tous les défauts au système autoroutier
(M. le ministre fait un signe de dénégation)
parce que vous y voyez
peut-être une tentation, celle de pouvoir puiser dans les ressources des
recettes des péages pour financer le reste du réseau routier national.
Je pense, pour ma part, et d'autres collègues l'ont dit, que c'est un mauvais
calcul parce que le court terme l'emportera sur le long terme, parce que la
dispersion l'emportera sur la sélection, parce que vous ferez perdre à la
France la primauté qu'elle était en droit d'atteindre.
Et dans cette absence de débat, vous occultez soigneusement un point : la
sécurité des usagers. L'autoroute est un équipement sûr : sa fréquentation
représente plus de 50 % du trafic et entraîne moins de 5 % de tués. Monsieur le
ministre, un kilomètre d'autoroute en moins, c'est parfois un mort de plus.
M. Paul Masson.
Parfaitement !
M. Jacques Oudin.
Je ne dis pas qu'aucune adaptation de notre système autoroutier ne soit
possible ! Par exemple, nos sociétés d'autoroutes peuvent devenir - pourquoi
pas ? - des sociétés de droit commun.
Je sais que les contraintes européennes, notamment les directives de 1989, de
1990 et de 1993, nous amèneront à adapter notre système de concession. Mais ce
n'est pas aujourd'hui que nous allons les découvrir ! Nous avons adopté la
réforme de 1993, la loi de 1995, le principe du schéma national autoroutier.
Or, aujourd'hui, on nous dit qu'il n'est pas possible d'aller plus avant à
cause de ces contraintes.
Je dis seulement qu'un changement aussi radical ne peut se faire sans qu'un
débat s'ouvre devant la nation, au Parlement, dans les collectivités
territoriales et parmi les usagers.
Au lieu de ce débat, nous nous apercevons que vous auriez gelé subrepticement
près de cinq cents kilomètres d'autoroutes, arrêté, ou au moins différé en
grande partie, la mise en oeuvre du schéma national autoroutier, ignoré
l'inquiétude du Parlement.
Monsieur le ministre, nous aurons d'ailleurs au Sénat, salle Clemenceau, le
jeudi 18 décembre prochain, un débat sur ce sujet, sous l'égide du groupe
interparlementaire pour la réalisation du schéma national autoroutier, que j'ai
créé avec quelques collègues.
J'ose espérer que votre emploi du temps, et celui de vos collaborateurs, vous
permettra de participer à cette réflexion qui est essentielle pour l'avenir de
notre développement économique et de l'aménagement de notre territoire.
Sans autouroute, monsieur le ministre, notre territoire aura du mal à être
aménagé comme nous l'avons souhaité lors du débat et du vote de la loi du 4
février 1995. Ou bien vous réformez cette loi dans la clarté, avec un débat
national, ou bien vous entreprenez une action sans en parler suffisamment au
Parlement, ce qui ne serait pas une bonne action pour l'ensemble de la
nation.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercierai d'abord les
rapporteurs du travail qu'ils ont accompli, de leurs réflexions et de leurs
propositions, même si je ne les partage pas toutes, vous le comprenez. Je
remercie aussi les orateurs qui, en général, ont émis, parfois avec des
contradictions fortes au sein des groupes de pensée, des critiques mais aussi
des propositions pour essayer de faire avancer les choses.
J'ai répondu - cela a été souligné par certains intervenants - à des questions
qui m'ont été posées lors du précédent débat, je n'y reviendrai pas.
J'en viens aux transports terrestres qui sont, comme vos trois rapporteurs
l'ont très bien souligné, au coeur de mon département ministériel.
Il s'agit du vaste ensemble qui traite à la fois des infrastructures et de
leur exploitation, à savoir : les infrastructures et le transport ferroviaire ;
les routes, la sécurité routière, les transports routiers ; les transports
collectifs ; enfin, les voies navigables.
Le projet de budget pour 1998 traduit la volonté du Gouvernement de construire
une politique des transports et de donner la priorité autrement que par des
effets d'annonce aux transports collectifs et à l'intermodalité.
Je précise au passage, pour répondre à des critiques qui ont été formulées,
que lorsque j'ai examiné les propositions faites dans le passé, j'ai, hélas !
constaté qu'il y avait souvent beaucoup plus d'effets d'annonce que de
financements prévus et de moyens dégagés pour les mettre en oeuvre.
Comme vous, je m'interroge sur la part de responsabilité que l'ancienne
majorité a prise lorsqu'elle a fait des propositions sans prévoir les
conditions de financement, ce qui correspondait plus à des effets d'annonce
qu'à des réalisations véritablement voulues.
M. Alain Lambert.
En 1992, c'était un autre gouvernement !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
La politique que
nous entendons mener doit être mise en oeuvre de façon concertée avec les
collectivités concernées, les acteurs économiques et les usagers. C'est ce
souci qui m'a conduit, sur quelques cas, la A 51 par exemple, à rouvrir un
dossier mal engagé.
M. Charles Descours.
Oh !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Voilà pour ce
qui est de la méthode.
Mais mon souci, ce sont aussi de claires réorientations politiques, en
fonction de mes priorités.
Ma première priorité, c'est l'emploi. Vous savez tous qu'entretenir
correctement nos réseaux routiers, ferré et fluviaux, y réaliser ponctuellement
des aménagements de capacité et de sécurité, c'est souvent plus productif
d'emploi que de dérouler de grandes infrastructures nouvelles. Je ne dis pas
pour autant que la réalisation de grandes infrastructures ne crée pas
d'emplois.
Sans opposer l'un à l'autre, des réorientations sont nécessaires, car en
matière d'entretien, d'exploitation ou de sécurité nous sommes à un niveau trop
bas. D'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque vous évoquez ces
questions dans le cadre de vos circonscriptions, vous posez tous, sans
exception, ces problèmes, y compris quand vous m'en parlez.
Ma deuxième priorité, c'est le développement durable. Je ne serai pas le
ministre du tout-TGV, du tout-autoroute. C'est clair ! Vous vouliez savoir si
une orientation claire a été définie. C'est le cas !
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Alain Lambert.
Cela reste général !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Il faut des TGV,
il faut des autoroutes. Pour autant, je le répète, je ne serai pas le ministre
du tout-TGV ou du tout-autoroute.
M. Paul Masson.
Le ministre de quoi alors ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Au service de
ces priorités, il faut des moyens et des modes de financement clairs et
adaptés.
C'est pourquoi des réformes sont nécessaires. L'Europe nous y pousse. J'y
reviendrai. Mais, sur ce sujet, comme sur d'autres, gardons-nous des effets
d'annonce et travaillons.
J'ai, d'ailleurs, pris connaissance avec intérêt de la proposition de
résolution tendant à ce que le Sénat crée une commission d'enquête chargée
d'examiner le devenir des grands projets d'infrastructures terrestres
d'aménagement du territoire. Cette volonté de clarification et de transparence
me semble positive. Elle vous conduira nécessairement à faire le point sur
l'ensemble des travaux annoncés au cours de la dernière législature, et donc
sur les besoins financement correspondants.
J'ai fait dresser - moi aussi, par souci de clarification - la liste de toutes
les opérations décidées, au détour d'une lettre, d'un déplacement officiel ou
d'une manifestation d'élus, en totale ignorance du schéma directeur et sans
savoir comment elles pourraient être financées.
Je prendrai un exemple : le TGV Est. Pour un besoin de financement public
d'environ 16 milliards de francs, les crédits disponibles s'élevaient à 3,5
milliards de francs sur sept ans. Comment bouclait-on ?
Pour ma part, je me suis mis en situation de pouvoir disposer des financements
nécessaires aux décisions que nous prendrons.
Ainsi, dès 1998, j'ai dégagé sur les crédits du FITTVN les moyens de paiement
des travaux du TGV Méditerranée, commencés par le précédent gouvernement. La
clarté, dans ce domaine, est indispensable. J'attends donc beaucoup, comme
vous, de l'effort de clarification que vous allez entreprendre sur la situation
dont nous héritons.
Votre aide ne sera pas de trop, car les besoins d'équipement d'infrastructure
sont nombreux. C'est pourquoi mon ministère, mes services seront à votre
disposition, à livres ouverts.
M. Alain Lambert.
Vous pouvez compter sur nous !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Venons en
maintenant aux crédits budgétaires.
En plus de ces crédits qui, dans l'ensemble, sont maintenus, ce budget
bénéficie de l'accroissement très important - 26 % du Fonds d'investissement
des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN. Ces crédits
passent en effet de 3,1 milliards de francs à 3,9 milliards de francs, à la
suite du doublement de la taxe sur la production hydroélectrique. L'arrêt du
canal Rhin-Rhône permettra ainsi à la collectivité nationale d'accélérer la
réalisation d'équipements plus efficaces dans un souci d'aménagement du
territoire.
Je sais que certains s'interrogent sur le FITTVN, en soulignant parfois son
caractère de débudgétisation. Même si ce fonds ne permet pas de régler tous les
problèmes de financement des infrastructures de transports, il s'agit d'un mode
de financement qui assure réellement une fonction intermodale et d'aménagement
du territoire.
Le Gouvernement fait le choix - j'y insiste - d'un développement nouveau du
transport collectif, et notamment du transport ferroviaire. Il s'agit d'un
choix de société. Et cela, que ce soit en matière de voyageurs ou de fret, en
matière de desserte du territoire, de desserte régionale, de desserte
périurbaine ou de banlieue. Vous avez tous évoqué ces questions.
Il y a un tournant à prendre pour sortir d'une période marquée trop souvent
par le déclin du transport ferroviaire, les fermetures de lignes et les
suppressions d'emplois que le seul développement par le TGV ne pouvait
masquer.
L'opinion publique est prête à évoluer - les acteurs du transport, me
semble-t-il, aussi - pour aller vers une vraie complémentarité qu'incarnent le
ferroutage et le transport combiné, et vers un meilleur équilibre face à la
croissance des échanges, toujours absorbée, ces dernières années, par le
secteur routier. C'est l'intérêt du transport routier lui-même, qui possède
d'indiscutables atouts.
Je commencerai par le secteur ferroviaire, pour lequel un effort important est
fait et sera poursuivi.
Je me suis exprimé sur le choix qu'avec le Gouvernement je faisais concernant
la réforme de la réforme. La concertation sur ce sujet est en cours. Je
confirme que les groupes parlementaires seront également auditionnés.
Je l'ai dit, je ne reviendrai pas en arrière, à la situation existant avant la
réforme votée par le Parlement l'an dernier. Cela étant, il faut renforcer les
conditions d'unicité du service public et maintenir en même temps une certaine
séparation entre maître d'oeuvre et maître d'ouvrage, de telle sorte que non
seulement on ne remette pas à la charge de la SNCF la dette qui l'a déjà trop
lourdement « plombée », si je puis dire, par le passé, mais que l'on crée les
conditions d'une optimisation des investissements et de l'activité. Tout cela
est en cours de discussion.
Les premières décisions ont été prises, notamment celle du désendettement
complémentaire de 20 milliards de francs de la SNCF. Ces 20 milliards de francs
ont été transférés du bilan de la SNCF au service annexe d'amortissement de la
dette. Cela favorisera un rétablissement durable de la situation financière.
Certains, qui se félicitent de ce désendettement me reprochent de créer, dans
le même temps, des emplois. Comme si créer des emplois était quelque chose de
très grave !
Oui, j'ai proposé de créer 1 000 emplois à statut supplémentaires, cette
année, à la SNCF ! Oui, j'ai proposé de créer 1 000 emplois-jeunes ! A ceux qui
font valoir qu'il en coûtera 300 millions de francs, je fais observer que le
désendettement de 20 milliards de francs fera économiser à la SNCF 1,3 milliard
de francs d'intérêts.
Faites le calcul, ce n'est pas compliqué ! Il restera un milliard de francs de
capacités supplémentaires. La SNCF pourra ainsi, tout en ayant créé 1 000
emplois à statut, financer son entretien, ses investissements et ses achats
éventuels. J'ajoute que cela vaut pour toute la durée de l'emprunt.
M. Alain Lambert.
Avec ce raisonnement, il fallait gommer complètement la dette !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Ce gouvernement
conjugue donc désendettement et création d'emplois. C'est effectivement tout à
fait nouveau puisque, depuis une quinzaine d'années, c'est environ 5 000 à 6
000 emplois qui étaient supprimés chaque année. Merci, les cheminots s'en
souviennent !
M. Paul Masson.
Les contribuables aussi !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
La situation est
donc bien différente de ce qu'elle était jusqu'à présent !
En outre, Réseau ferré de France sera doté de 10 milliards de francs, en 1998,
après les 8 milliards de francs apportés en 1997. Il y a, là aussi,
augmentation de l'intervention publique en faveur du système ferroviaire.
Permettez-moi de verser cette contribution au débat que vous engagez avec
votre commission d'enquête : que représentent ces 18 milliards de francs, si ce
n'est la nécessité de payer aujourd'hui les investissements réalisés hier sans
les aides publiques nécessaires,...
Mme Hélène Luc.
Eh oui !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... à quoi
s'ajoutent des frais financiers considérables ? Vous verrez, avec la commission
d'enquête, le poids des responsabilités passées !
Il ne fallait pas poursuivre dans cette voie. Vous êtes d'ailleurs nombreux à
le savoir et à me le dire.
Mme Hélène Luc.
Et à le dire, oui !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Enfin, les
crédits du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies
navigables consacrés aux investissements ferroviaires augmentent de 33 %.
Au total, les concours publics au secteur ferroviaire progresseront, en 1998,
de près de 2,5 milliards de francs, auxquels s'ajoutent 1,3 milliard de francs
de désendettement de la SNCF. Cela représente une augmentation totale de près
de 8 % en termes de moyens dégagés. C'est à l'aune de cette évolution, réelle,
importante, que je vous demande d'apprécier les engagements pris par le
Gouvernement qui a été mis en place à la suite des élections des mois de mai et
juin derniers.
Certes, ce que je vous présente là, ce sont les chiffres de 1998. Il faut
certainement mieux éclairer l'avenir de l'ensemble du système. Je suis sensible
à ce point ; le travail est engagé, pour permettre, notamment, le maintien de
l'investissement dans le secteur ferroviaire.
Comme l'a souligné M. le rapporteur pour avis, il convient sans doute, sans
nécessairement revenir à un contrat de plan, de mettre au point une
programmation pluriannuelle permettant d'offrir une lisibilité et une
visibilité indispensables à l'évolution des services ferroviaires.
Grâce aux crédits supplémentaires dégagés sur le FITTVN, les travaux et les
études sur le réseau à grande vitesse seront poursuivis. Le TGV Méditerranée,
annoncé et commencé par le précédent gouvernement sans que les financements
aient été dégagés, sera enfin financé et mis en service dans le courant de
l'année 2000.
Très prochainement, j'annoncerai les premières décisions du Gouvernement
concernant la réalisation et les études des programmes de liaison à grande
vitesse. Le Gouvernement a d'ores et déjà confirmé sa volonté de réaliser une
liaison à grande vitesse entre Paris et Strasbourg. Pour ma part, je considère
que la liaison Rhin-Rhône devra également être rapidement décidée.
Parallèlement, je tiens à ce que des crédits importants soient réaffectés à la
modernisation et au développement du réseau classique. Il n'est pas juste que
les crédits disponibles soient entièrement consacrés aux lignes à grande
vitesse et que des travaux d'amélioration indispensables soient sans cesse
repoussés.
On m'a également interrogé sur les expérimentations en ce qui concerne les
services régionaux de voyageurs. Il faut attendre le terme des six
expérimentations, c'est-à-dire la fin de 1999, pour disposer d'une évaluation
et en tirer les conséquences.
Compte tenu des incidents et accidents qui surviennent encore trop souvent -
M. le rapporteur l'a signalé - un effort particulier doit être consenti en
faveur du programme de suppression des passages à niveau, qui sont encore au
nombre de 17 500. Pour supprimer toutes les difficultés, il faudrait 200
milliards de francs. Il faut donc s'attaquer par priorité aux passages à niveau
qui présentent le plus de risques.
D'ores et déjà, j'ai décidé une participation de 50 millions de francs à ce
programme pour 1998, contre zéro franc en 1997. C'est une augmentation absolue,
même si la somme me paraît encore limitée au regard des besoins.
J'ai bien entendu, monsieur Berchet, ce que vous avez dit sur le produit des
amendes ; c'est, à l'évidence, une possibilité de ressources intéressante.
J'en viens maintenant au budget des routes, dont vous avez beaucoup parlé.
Dans le domaine routier et autoroutier, la situation peut se résumer ainsi.
D'abord, des autoroutes concédées, très bien aménagées, mais qui se
développent désormais dans des secteurs où le trafic est souvent plus
faible.
M. Jacques Oudin.
C'est ça, l'aménagement du territoire !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Ainsi, pour
l'autoroute A 400, c'est le Conseil d'Etat qui a décidé de ne pas donner suite
et qui a contesté l'enquête d'utilité publique.
Il y a, ensuite, les routes nationales, qui nécessitent des travaux
d'aménagement et de sécurité trop longtemps repoussés.
Enfin, l'entretien est parfois défaillant, faute de crédits suffisants. J'ai
décidé de commencer à inverser cette tendance. Les crédits de réhabilitation et
d'entretien du réseau national atteindront 3,3 milliards de francs, en
augmentation de 4,2 %.
Pour le développement du réseau et l'exécution des contrats de plan, l'effort
a porté sur les moyens de paiement - 6,3 milliards de francs, en augmentation
de 1,9 % - afin de poursuivre les opérations engagées, sans toutefois, j'en
conviens, rattraper le retard pris dans l'exécution des contrats de plan.
Ce retard, ce n'est pas ces derniers mois qu'il a été pris ! C'est en 1994 que
l'Etat s'était engagé sur un programme d'investissement.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Alain Lambert.
En seize ans, la gauche a tout de même gouverné onze ans !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Chaque fois que
je dis une vérité, vous donnez l'impression d'être vexés !
M. Alain Lambert.
Vous souvenez-vous que vous avez gouverné la France ? L'héritage socialiste,
vous n'en voulez pas ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Tout à l'heure,
vous m'avez expliqué que c'est l'Etat qui était responsable. Je le confirme,
l'Etat s'était engagé, en 1994, sur un programme d'investissement routier de
26,8 milliards sur cinq ans. Faute de pouvoir tenir ses engagements, le
gouvernement précédent a allongé d'un an la durée des contrats de plan. En
réalité, le retard pris est beaucoup plus important : au rythme actuel, les
contrats de plan mettraient près de huit ans à s'exécuter. Voilà la situation
que vous nous avez laissée !
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Face à ce constat, le Gouvernement veut mieux utiliser les moyens
financiers globalement disponibles. Les mécanismes actuels de financement -
vous l'avez dit, je le reconnais très volontiers, je l'entend même à l'échelon
international - ont permis à notre pays de se doter d'un remarquable réseau
autoroutier en quelques décennies.
M. Jacques Oudin.
Continuez !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Ce réseau, que
nous envient de nombreux pays, participe largement à la marche de l'économie
nationale et à son développement.
Mais voilà, dès l'année prochaine, vous le savez, les directives européennes
nous obligent à modifier le mécanisme d'attribution des nouvelles concessions
autoroutières !
En tenons-nous compte ou non ? Vous me direz qu'on le savait ! Bien sûr, on le
savait avant ! Le problème, c'est qu'il faut, dès l'an prochain, changer les
mécanismes.
Les exigences européennes, qui s'imposent désormais aux Etats, nous conduisent
en effet à modifier le système de financement actuel afin d'être en mesure
d'apporter une subvention d'équilibre pour les liaisons autoroutières qui
n'auraient pas un trafic suffisant.
Voilà ! Il faudra donc jouer la totale transparence : à la fois lors de
l'appel d'offres pour la concession et dans la fixation du montant précis de la
subvention d'équilibre. Ce sera vrai pour tous les Etats d'Europe.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Est-ce que tous respecteront la directive ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Comment ? Vous
ne voulez pas qu'on respecte nos engagements ! Si c'est ce que vous voulez,
vous pouvez voter à la majorité pour dire que vous êtes contre l'Europe !
(Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Lambert.
Est-ce votre cas, monsieur le ministre ? Nous aurions le soutien de vos amis,
si nous le faisions !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'était une
boutade !
(Rires.)
Si nous ne réformons pas notre système très rapidement, l'attribution de
nouvelles concessions autoroutières ne sera possible que pour des projets
rentables financièrement, projets qui, du fait que l'essentiel a été réalisé,
sont devenus aujourd'hui plus rares.
M. Alain Lambert.
Il fallait signer avant !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Ce n'est pas
parce que l'on signe avant qu'ils deviennent rentables !
S'ils sont effectivement plus rares, ces projets existent néanmoins. Je
citerai le cas du viaduc de Millau. Dans le cadre du désenclavement du Massif
central, les travaux sur l'autoroute A 75 entre Clermont-Ferrand et Béziers se
poursuivent, si bien que de longues sections sont déjà mises en service ou le
seront bientôt.
Reste la principale difficulté, le franchissement du Tarn et le contournement
de Millau, soit quarante kilomètres. Le tracé, vous le savez, nécessite un
ouvrage d'art exceptionnel, de 270 mètres de hauteur, dont le coût est évalué
entre 1,5 milliard de francs et 2 milliards de francs. La déclaration d'utilité
publique pour cette opération était intervenue le 10 janvier 1995. La solution
alors retenue était celle d'un contournement gratuit.
Dans le contexte actuel, deux solutions s'offrent au Gouvernement. Il peut
maintenir le principe de gratuité.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Oui !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mais, compte
tenu des demandes relatives à la réalisation d'opérations de sécurité urgentes,
les travaux du viaduc risquent d'être repoussés dans le temps.
Le Gouvernement peut aussi concéder la réalisation du viaduc, à l'instar de ce
qui a été fait pour le pont de Normandie, ce qui permettrait de réaliser
rapidement les travaux pour les terminer vers 2002.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Très bien ! Privatisez !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Cette deuxième
solution n'exige pas une nouvelle étude d'impact, le Conseil d'Etat, consulté,
vient de nous le confirmer.
Tel est le choix qui s'offre au Gouvernement. J'ai, pour ma part, une
préférence, mais je consulte les élus concernés avant de proposer une solution
définitive.
S'agissant des infrastructures dans leur ensemble, j'ai entendu les
inquiétudes des uns et des autres à propos des réflexions en cours. La
commission d'enquête que vous proposez en est sûrement la manifestation. A ce
titre, il convient de vous apporter toutes les informations dont je dispose.
Comment réformer notre système sans compromettre la croissance ? Avec mes
collègues de l'économie, des finances, de l'industrie et du budget, nous avons
demandé aux directeurs des routes, du Trésor et du budget une expertise. Un
premier rapport d'étape fait apparaître trois constats.
Il s'agit, tout d'abord, d'un cloisonnement excessif, notamment entre les
réseaux concédés et non concédés, induisant une dérive vers la logique du «
tout concédé ». Cela étant, la situation doit évoluer du fait des changements
européens.
Il s'agit, en outre, des besoins de financement non satisfaits pour
l'entretien et l'exploitation du réseau non concédé.
Il s'agit, enfin, de la nécessité de remettre à niveau le patrimoine routier
dans plusieurs régions, notamment en Ile-de-France.
Ce rapport souligne ainsi le risque de développement d'un réseau routier « à
deux vitesses ».
Aucune décision n'est encore arrêtée et la réflexion se poursuit, car le
problème est complexe. Il faut tenir compte, au-delà des problèmes de
financement, des difficultés juridiques, fiscales et comptables. Ce dossier
est, pour moi, majeur. Je souhaite qu'on puisse aboutir rapidement et vous
serez, bien entendu, associés au projet en préparation.
J'entends également dans la bouche de certains orateurs et de vos rapporteurs
l'expression de « remise en cause ». Il n'y a pas de remise en cause ! La
démarche consiste à être en mesure de poser convenablement les problèmes pour,
ensuite, élaborer des solutions adaptées. C'est le cas, par exemple, du tronçon
Lyon-Balbigny de l'autoroute A 89.
Prenons l'A 28, Rouen-Alençon. La question est non pas celle de l'opportunité
de réaliser ou pas cet axe, mais celle des modalités de son financement. La
société des autoroutes Paris-Normandie n'a pas, dans sa configuration actuelle,
la capacité financière de réaliser cette opération. Ce sont les dérives très
importantes, constatées d'ailleurs par la Cour des comptes, sur la A 29 et la A
14 qui sont à l'origine de cette situation, et pas autre chose.
Certains m'interrogent : « Vous découvrez maintenant que cela ne va pas ? »
Mesdames, messieurs les sénateurs, quand on découvre une situation de ce genre,
mieux vaut ne pas en rajouter ; et ne pas laisser faire, au risque, sinon, de
devoir ensuite rendre des comptes à l'opinion publique sur des dizaines de
milliards de francs. Quand je constate qu'une situation n'est financièrement
pas bonne, j'évite d'y ajouter encore des déséquilibres et de l'endettement
!
M. Alain Lambert.
Changez les contrôleurs, s'ils n'ont pas fait leur travail !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Moi, je vous dis
ce que je fais. Si mes prédécesseurs n'ont pas agi de même, vous n'avez qu'à
vous en prendre à eux !
Pour prendre un autre exemple, celui de la A 58, dans les Alpes-Maritimes,
nous en sommes, non pas, tant s'en faut, au stade de la réalisation, mais à
l'opportunité d'une inscription à long terme dans les documents d'urbanisme.
Aujourd'hui, un travail est en cours sur la directive territoriale
d'aménagement, qui replace ce projet dans une problématique plus large de
déplacement. Des solutions routières alternatives sont à l'étude, dont une sur
l'initiative de M. Laffitte. Le développement des transports collectifs est
ainsi remis en perspective.
Et je pourrais parler également de l'A 51, resituée dans le contexte des
franchissements du massif alpin.
Comme vous pouvez le constater, l'expression « remise en cause » ne convient
pas à ma méthode de gouvernement, qui est dictée par le sens des
responsabilités, de la concertation, du bon usage des crédits publics et par le
choix de priorités.
Enfin, vous savez que la sécurité est au premier rang de mes préoccupations.
Il s'agit là d'un objectif majeur du service public. C'est aussi un facteur
important de progrès social, comme l'a récemment montré le conflit des
transporteurs routiers.
Les moyens de la direction de la sécurité routière, soit 440 millions de
francs, retrouvent une progression qu'ils n'avaient pas connue depuis 1993.
Je ne reviendrai pas longuement sur le comité interministériel de la sécurité
routière que le Premier ministre a présidé la semaine dernière. Notre objectif,
très ambitieux, est de diviser par deux le nombre de tués sur cinq ans.
Vous connaissez les axes de la politique annoncée. Il s'agit de s'appuyer sur
les jeunes, de sensibiliser, d'informer, de changer les comportements et les
mentalités et de garantir la liberté de circuler en toute sécurité. Un délit de
très grande vitesse en cas de récidive sera créé, si le Parlement en est
d'accord. La responsabilité pécuniaire du propriétaire sera recherchée. Sur
tous ces aspects, un projet de loi sera déposé au printemps.
Parmi les axes forts de la politique de sécurité, figure également le
renforcement de la sécurité des infrastructures, question qui s'inscrit
directement dans cette discussion budgétaire.
La sécurité passe, en effet, par la sécurisation de notre réseau, à partir de
l'examen des priorités.
L'effort portera d'abord sur plusieurs axes à fort taux d'accidents. Je
citerai la RN 10. J'ai décidé d'affecter dès 1998 une enveloppe d'au moins 100
millions de francs pour engager les premiers travaux sur cette route dans la
traversée des Landes.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Sur l'ensemble de l'axe ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Les très graves
accidents de l'été dernier nous rappellent l'urgence de la situation. Il y a eu
en effet 182 morts entre 1988 et 1996. Ces travaux se traduiront principalement
par le renforcement de la signalisation pour inciter les usagers à la
vigilance, par la suppression des derniers obstacles latéraux pour limiter la
gravité des sorties de route, et par la suppression d'une partie des accès
directs par rabattement vers les échangeurs déjà aménagés.
Au-delà de ces premières mesures d'urgence, j'ai décidé, après une
concertation approfondie avec les collectivités, de transformer cet axe en
section autoroutière non concédée. Un plan de financement sera mis en place et
permettra une mise en service globale en 2002.
Au passage, j'ai bien écouté ce qui a été dit sur la Charente, mais si je ne
réponds pas précisément à chacune des questions posées, ne pensez-pas que ce
soit parce que je les ignore : soit je ne suis pas en mesure de répondre autre
chose que des généralités, et je préfère ne pas le faire ; soit il s'agit pour
moi de prendre le temps d'étudier la question posée afin de pouvoir apporter à
chacun une réponse précise.
Autre axe prioritaire, la RN 7. Il faut accélérer les aménagements prévus sur
cette route nationale dans les départements de l'Allier et de la Loire. Des
travaux programmés en 1989 n'ont toujours pas été réalisés ou se révèlent
insuffisants au regard des nombreux accidents survenus dans ces deux
départements.
J'ai donc décidé d'engager un programme d'amélioration de la RN 7 dans la
traversée de ces départements, qui se traduira dès 1998.
Ainsi, dans la Nièvre, cela se traduira par l'achèvement de la déviation de
Nevers, l'engagement de la déviation de Pougues-les-Eaux et la mise aux normes
de la déviation de Cosne-sur-Loire. Dans l'Allier, cela se traduira, notamment,
par la poursuite des travaux de la déviation de Toulon-sur-Allier et par la
déviation du giratoire du « Grand Remblai ». Dans la Loire, cela se traduira
par l'engagement des premiers travaux de la déviation de
Saint-Martin-d'Estreaux. Par ailleurs, sur la section de la RN 82 comprise dans
l'itinéraire Cosne-sur-Loire et Balbigny, la déviation de Neulise, inscrite au
contrat de plan, sera mise en service.
Enfin la route Centre Europe Atlantique, grande transversale est-ouest, est
aussi une priorité. L'accent sera mis sur la réalisation de la partie centrale
entre l'A 20 et l'A 6, notamment dans la traversée, particulièrement,
dangereuse du département de l'Allier.
Cette route bénéficiera ainsi, dès 1999, des ressources du fonds
d'investissement des transports terrestres et des voies navigables.
Pour en finir avec l'exploitation de la route, quelques réflexions, enfin, sur
la méthode de travail et l'attitude du Gouvernement lors du conflit des
routiers, que certains d'entre vous ont évoquées pour s'en féliciter.
Dans ce conflit, l'intervention de l'Etat a été remarquée pour avoir relancé
le dialogue social et favorisé la négociation, ce qui a permis de surmonter
rapidement l'épreuve. Même si nous savons que tout est loin d'être réglé, il
reste à présent au Gouvernement à tenir ses propres engagements.
Ce conflit a montré la nécessité d'une meilleure régulation du secteur, ce qui
s'est traduit par le dépôt quasi immédiat d'un projet de loi tendant à
améliorer les conditions d'exercice de la profession de transporteur routier.
Ce projet sera débattu dès le lundi 8 décembre, à l'Assemblée nationale.
L'Etat a enfin pris un certain nombre de mesures à incidence budgétaire.
Ainsi, le dégrèvement de taxe professionnelle de 800 francs par véhicule de
plus de dix tonnes a été d'ores et déjà incorporé dans le projet de loi de
finances rectificative pour 1997. De même, un décret est en préparation pour
renouveler, pour 1998, le dispositif d'abaissement des charges sociales des
entreprises mettant en oeuvre le « contrat de progrès », en termes de décompte
effectif des temps de service et de transparence du bulletin de paie.
Ce système fonctionne bien, puisque, à la fin du mois de novembre, 521
demandes avaient d'ores et déjà été déposées concernant 10 810 conducteurs. La
décision a été prise de le prolonger au-delà de la fin de 1997. Les crédits
nécessaires pour 1998 sont inscrits au budget du ministère des affaires
sociales.
Les moyens affectés au contrôle seront renforcés au cours des trois prochaines
années. Le projet de loi de finances pour 1998 prévoit de porter de 382 à 405
le nombre des contrôleurs des transports terrestres. Au passage, il s'agit
d'une dépense de fonctionnement. Il prévoit également un renforcement des
moyens de l'inspection du travail, dont les effectifs seront, dès l'année
prochaine, augmentés de cinq inspecteurs et de quinze contrôleurs. Une
circulaire prise conjointement avec les ministres de l'intérieur, de la
justice, de la défense et des finances sera publiée avant le 15 décembre pour
relancer la politique de contrôle.
Enfin, le projet de budget intègre la participation de l'Etat au financement
du congé de fin d'activité, en 1998, pour les marchandises. Ce sont donc 79
millions de francs qui sont ainsi prévus. Ce dispositif pourra être étendu au
secteur des voyageurs, dès que les discussions en cours auront abouti.
J'en viens maintenant aux transports collectifs. Il s'agit d'offrir aux
usagers une véritable alternative à l'automobile, en milieu urbain et
périurbain.
Les conditions dans lesquelles s'est déroulée, en Ile-de-France, la journée du
1er octobre, avec le pic de pollution de niveau 3, à la suite d'autres faits de
ce genre constatés en province, montrent que l'opinion publique est prête à se
tourner davantage vers le transport collectif.
A cet égard, M. Berchet a évoqué les mesures de gratuité des transports
publics en région d'Ile-de-France, lors des pics de pollution de niveau 3. Je
vous rappelle qu'il s'agit là d'une mesure inscrite dans la loi sur l'air que
la majorité de votre assemblée a adoptée.
M. Charles Descours.
Non, pas ici, monsieur le ministre, nous avons renvoyé deux fois le texte
devant l'Assemblée nationale, qui l'a adopté !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
En tout cas, il
a été adopté par votre majorité.
M. Charles Descours.
Oui, mais il faut que votre cabinet sache que le Sénat a repoussé le texte
!
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Il est important
de noter la différence. Votre majorité a adopté cette loi et, comme vous le
savez, parce que nous sommes respectueux de la légalité, nous appliquons les
textes votés !
M. Charles Descours.
Et ce sont les collectivités locales qui paient !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
S'agissant des
entreprises de transport, le coût de cette mesure sera pris en compte, comme
prévu, au moyen de l'indemnité compensatrice.
Avec 646 millions de francs de moyens d'engagement, l'aide aux transports de
province bénéficie d'une dotation en hausse de plus de 10 % par rapport à 1997.
Ces crédits permettront notamment de soutenir la réalisation d'opérations
engagées ou techniquement prêtes dans les grandes villes, comme les tramways et
les transports en site propre. C'est un premier pas.
En Ile-de-France, l'aide budgétaire de l'Etat atteindra près de 300 millions
de francs auxquels s'ajoutent les 310 millions de francs inscrits au fonds
d'aménagement de la région d'Ile-de-France, le FARIF.
La contribution de l'Etat au fonctionnement des transports de la région
parisienne est fixée à 5 570 millions de francs.
La politique que je souhaite promouvoir en Ile-de-France est axée sur les
transports collectifs, particulièrement de banlieue à banlieue. Les enquêtes
effectuées concernant les déplacements sont de ce point de vue éloquentes. Dans
Paris intra-muros, facilement accessible par les transports collectifs, les
deux tiers des déplacements motorisés sont réalisés sur les réseaux SNCF et
RATP. En revanche, en banlieue, 80 % des déplacements sont effectués en voiture
particulière et seulement 16 % par les transports collectifs.
Il apparaît clairement que l'effort doit porter sur la banlieue, en favorisant
les rocades et les modes légers, et ce d'autant que les projections à l'horizon
2015 prévoient une augmentation des déplacements en banlieue de 37 % et une
stabilité dans Paris intra-muros.
Dans le même temps, il faut absolument améliorer la qualité en termes
d'accueil, d'information, de régularité et de sécurité.
A propos des véhicules électriques - M. Descours m'a interrogé sur ce sujet -
je voudrais rappeler que l'Etat consent déjà un effort significatif, puisqu'il
accorde notamment une prime de 5 000 francs pour l'achat de ces véhicules. Des
discussions interministérielles sont engagées pour améliorer ce dispositif.
En outre, des mécanismes incitatifs à l'achat de véhicules électriques pour
les administrations dans le cadre du renouvellement de leur parc sont en cours
d'élaboration.
L'effort de l'Etat est réel. Qu'il y ait aussi un effort des collectivités
territoriales et d'autres acteurs publics ou privés également concernés me
paraît utile pour enclencher la dynamique indispensable.
Monsieur Descours, vous m'avez également alerté sur les difficultés concernant
les contrats de transport au regard de la transcription en droit français de la
directive « Services » et sur sa compatibilité, voire sa cohérence, avec la loi
Sapin et avec les délégations de service public. C'est une question que je me
suis engagé à examiner sérieusement et qu'il faudra résoudre rapidement.
En conclusion, les précisions que j'ai apportées montrent que les besoins de
financement sont immenses. Et ils ne caractérisent pas seulement le secteur
routier !
Nous avons aujourd'hui à faire face à un problème beaucoup plus vaste : celui
du financement et de l'affectation de ressources suffisantes pour l'ensemble de
la sphère des transports.
Que ce soit le réseau ferré, classique ou à grande vitesse, les réseaux de
transports urbains ou les routes, il y a un déficit des financements
disponibles.
Vous m'interrogez, monsieur Descours, sur la réforme des financements des
transports urbains en souhaitant que les crédits disponibles puissent être
accrus.
Les enjeux en termes d'investissements et de qualité de service sont
effectivement très importants. Trouver des financements est une impérieuse
nécessité, et il est de ma responsabilité de poser cette question au sein du
Gouvernement. Je crois qu'il faudra vraiment faire preuve d'innovation dans ce
domaine.
Il me reste à parler des voies navigables, qui bénéficient, dans le projet de
budget, de l'augmentation des crédits du FITTVN. La part consacrée aux voies
navigables augmentera de 23 %, pour atteindre 430 millions de francs. Cela doit
permettre d'améliorer de façon significative le niveau d'investissement sur les
voies navigables.
Les moyens supplémentaires ainsi dégagés permettront à l'établissement public
Voies navigables de France de lancer un important programme de remise à niveau
du réseau existant. Le redéploiement des financements prévus pour le canal
Rhin-Rhône permettra d'accélérer les études préalables à la réalisation
d'autres équipements, plus efficaces économiquement, socialement et en termes
d'aménagement du territoire, comme le canal Seine-Nord et la liaison
Seine-Est.
M. Lefebvre m'a interrogé sur les moyens dégagés pour aider la batellerie
artisanale. J'indique que 20 millions de francs ont été inscrits au titre du
plan économique et social visant à soutenir cette profession dans les mutations
structurelles auxquelles elle est confrontée.
Pour conclure, les prochains mois seront marqués par un important travail de
remise à plat, de réforme et, autant qu'il sera possible, de redressement des
systèmes de financement, avec la double préoccupation de les assainir et de
poursuivre à un haut niveau la réalisation des équipements nécessaires.
Parallèlement, un projet de loi sur les transports est en préparation. Ce
texte devra intégrer l'évolution des modalités de financement des
infrastructures routières, mais aussi le dispositif qui sera proposé, après une
concertation approfondie, pour renforcer l'unicité du secteur ferroviaire,
ainsi que la mise en forme juridique des annonces que j'ai faites au sujet de
Roissy et de l'autorité indépendante.
Il devrait plus généralement procéder aux nécessaires mises à jour de la LOTI
face aux évolutions intervenues dans le secteur des transports depuis quinze
ans, mieux intégrer la dimension de protection de l'environnement et donner une
impulsion nouvelle à une démarche résolument plurimodale.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les transports terrestres, les
routes et la sécurité routière, inscrits à la ligne « Equipement, transports et
logement », seront mis aux voix le dimanche 7 décembre, à la suite de l'examen
des crédits affectés au tourisme.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 218 120 651 francs. »
Par amendement n° II-63, M. Lambert, au nom de la commission des finances,
propose de réduire ces crédits de 16 745 913 francs.
La parole est à M. Cazalet, rapporteur spécial.
M. Auguste Cazalet,
rapporteur spécial.
Cet amendement, comme l'amendement n° II-65, qui sera
appelé dans un instant, a pour objet de réduire les crédits de fonctionnement
des routes.
Il s'agit d'une réduction symbolique, les crédits de fonctionnement des routes
dépendant, en grande partie, de la section « Urbanisme et services communs
».
S'agissant des crédits d'entretien du réseau, j'observe que le Gouvernement
agit dans le même sens que la commission des finances et qu'il favorise les
crédits d'investissement au détriment des crédits de fonctionnement. Il est
sans doute possible d'aller plus loin.
Je note d'ailleurs que cette réduction de crédits n'est pas supérieure aux
annulations subies en 1997 par le titre III en ce qui concerne les routes.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Le Gouvernement
est défavorable aux amendements n°s II-63 et II-65.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-63.
M. Léon Fatous.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Fatous.
M. Léon Fatous.
Vous êtes pleins de contradictions, mes chers collègues, puisque vous demandez
davantage de travaux et que vous réduisez les crédits de fonctionnement.
Bien entendu, nous voterons contre cet amendement.
M. Alain Lambert.
Cela n'a rien à voir !
M. Hilaire Flandre.
Il suffit de mieux gérer !
M. Josselin de Rohan.
L'investissement et le fonctionnement, ce n'est pas la même chose !
M. Alain Lambert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lambert.
M. Alain Lambert.
Monsieur Fatous, précisément, le plus sûr moyen de disposer de crédits
d'investissement, c'est de réduire les dépenses de fonctionnement !
M. Josselin de Rohan.
Voilà !
M. Alain Lambert.
Ce dont notre pays souffre, comme, hélas ! trop d'autres pays, c'est de
n'avoir pas contenu les dépenses de fonctionnement, ce qui a abouti à réduire
de manière grave les dépenses d'investissement.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
Mme Hélène Luc.
On en reparlera sur le terrain, monsieur Lambert !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-63, repoussé par la commission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
45:
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Majorité absolue des suffrages | 152 |
Pour l'adoption | 216 |
Contre | 97 |
Par amendement n° II-65, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose de réduire les crédits du titre III de 3 593 544 francs.
La commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés sur cet amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-65, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au tire III est réservé.
« Titre IV : 3 829 596 637 francs. »
La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet.
Monsieur le ministre, depuis le 16 juillet dernier, à maintes reprises, nous
vous avons interpellé sur les problèmes dramatiques que poserait la remise en
cause - j'utilise l'expression « remise en cause » à dessein - de l'autoroute A
28.
Toutes nos interventions sont restées, jusqu'à ce jour, sans réponse !
Il s'agit, vous le savez, des menaces qui pèsent encore, malgré les assurances
que vous nous avez données ce soir, sur la réalisation du dernier tronçon
Rouen-Alençon de l'axe Calais-Bayonne, qui resterait alors le « trou normand »
du grand axe structurant autoroutier reliant les pays du Nord de l'Europe et la
péninsule Ibérique, irriguant, par le fait même, toutes les régions du grand
Ouest français.
M. Alain Lambert.
Absolument !
M. Daniel Goulet.
Pour les huit régions et les douze départements concernés, cette interruption
du projet impliquerait la remise en cause brutale de tous les projets locaux et
régionaux de développement qui en dépendent, car initiés par les collectivités
territoriales.
M. Alain Lambert.
Ce serait inacceptable !
M. Daniel Goulet.
Ce serait la remise en cause du désenclavement tant attendu par les régions de
Haute-Normandie, de Basse-Normandie, des Pays-de-Loire et du Centre.
M. Alain Lambert.
C'est invraisemblable !
M. Daniel Goulet.
Bref, sur le plan économique et social, vous devez bien imaginer que ce serait
purement et simplement un désastre ! Je ne pense pas que l'on puisse s'en
réjouir, monsieur le ministre !
Les raisons évoquées de ce mauvais « coup d'arrêt » porté à la réalisation de
cette autoroute sont incohérentes et inexplicables, d'autant plus que les
acquisitions de terrains sont en cours, que les premiers travaux d'approche
sont commencés, que les travaux sur les tronçons Tours-Le Mans-Alençon ont
débuté et avancent à un bon rythme.
Au nord de Rouen et jusqu'à la frontière belge, les différents maillons de
l'axe sont pratiquement réalisés.
Nous entrons donc dans une phase nouvelle où le gâchis économique et
politique...
M. Alain Lambert.
C'est le mot !
M. Daniel Goulet.
... est programmé, l'emportant, en quelque sorte, sur les incohérences. C'est
totalement inexplicable !
M. Alain Lambert.
Et mon collègue est modéré, monsieur le ministre !
M. Daniel Goulet.
Le concessionnaire, la société autoroutière Paris-Normandie - puisque c'est
elle qui est en cause - est l'opérateur désigné... par l'Etat.
On annonce aujourd'hui que ce mandataire de l'Etat ne présenterait plus une
surface financière suffisante pour mener à bien la mission qui lui a été
confiée !
C'est aujourd'hui seulement que l'on découvre cette situation !
Que la société présente des difficultés, c'est vraisemblable, mais ce fait
n'est ni du ressort ni de la responsabilité des élus locaux ou des
représentants du monde professionnel et syndical, ni - encore moins ! - des
populations concernées, au sein desquelles on sent bien monter le désarroi et
la révolte.
C'est une affaire d'Etat, qui dépend, par conséquent, de sa propre et de la
seule responsabilité juridique et financière de celui-ci.
Je n'ai pas dit de la responsabilité de tel ou tel gouvernement : ce serait
trop facile pour le Gouvernement actuel de se défausser sur le précédent.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Et inversement
!
M. Daniel Goulet.
Un Etat responsable est celui qui assume la continuité de ses actes, les
réussites comme les déconvenues ou les désagréments que l'on porte
ordinairement au bilan de l'héritage.
C'est ainsi que, en ce qui concerne la réalisation intégrale de l'axe
Calais-Bayonne, et donc de l'A 28, inscrite au schéma directeur national
routier et autoroutier arrêté en mars 1987, toutes les procédures
administratives, techniques et juridiques ont été confirmées chaque fois que
nécessaire par les gouvernements qui se sont succédé.
Par conséquent, aujourd'hui, ce qui est en cause, c'est simplement, mais
formellement, la parole de l'Etat, le respect des règles juridiques et des
engagements pris.
C'est donc de cette parole - de la vôtre, de celle du ministre des finances,
du Premier ministre, du Gouvernement - de ces engagements que nous attendons la
confirmation.
Les problèmes financiers, les seuls qui agitent les cabinets ministériels, ont
pratiquement les mêmes origines bien que de nature différente, que ceux du
Crédit Lyonnais, d'Air France, du GAN ou de la SNCF, dossiers que vous
connaissez parfaitement.
Nous savons que la dette de ce grand service public atteindra en l'an 2000
près de 400 milliards de francs. C'est simplement un rappel, pour fixer un
ordre de grandeur au regard du dossier de l'A 28 que je viens d'évoquer.
Pour la SNCF, vous avez vous-même initié les montages particuliers de
désendettement, bien que, sur les formules envisagées, vous ne soyez pas
nécessairement en phase avec votre collègue de Bercy.
Je faisais cette allusion pour montrer que les problèmes financiers sur des
sujets aussi importants ne sont pas insurmontables et que des solutions
existent.
Je ne parlerai pas de la Société de l'autouroute Paris-Normandie, la SAPN, ni
de la Société des autoroutes du nord et de l'est de la France, la SANEF, encore
moins des solutions qui pourraient être envisagées. Mon ami M. Alain Lambert,
dont on connaît la compétence sur le sujet, a très bien analysé la situation,
et nous pouvons regretter que vous n'ayez pas donné de suite à ses propositions
dans votre réponse à la tribune de notre assemblée.
Sans aucun doute des solutions existent pour régler le problème des
financements. Elles ne dépendent en définitive que de la volonté politique du
Gouvernement.
Les tergiversations qui excitent actuellement les experts comptables et
financiers français n'auront eu en réalité pour résultat que de conduire, au
1er janvier 1998, les experts de Bruxelles à prendre le relais de nouvelles
procédures selon un système résultant d'une directive européenne pour initier
de nouveaux appels d'offres.
On sait que, dans ces conditions, un retard supplémentaire de plusieurs
années, et sur lequel nous n'aurons aucune prise, serait inévitable.
Je regrette que vous n'ayez pas mis vos actes en conformité avec vos
intentions.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur Goulet.
M. Daniel Goulet.
Vous avez dit, monsieur le ministre : « il faut voir auprès des experts », et
vous ajoutiez : « en concertation avec les élus ».
Monsieur le ministre, 10 000 élus ont signé une pétition, des conseillers
généraux, des conseillers régionaux, ainsi que soixante et un parlementaires,
parmi lesquels le président de l'Assemblée nationale lui-même et plusieurs
anciens ministres. Ils iront, dans les jours prochains, porter à Matignon une
motion que nous avons initiée lors de notre dernière assemblée générale en
faveur de l'axe Calais-Bayonne.
Quoi qu'il en soit, je suis pleinement satisfait qu'une commission d'enquête
parlementaire portant sur la politique nationale des infrastructures routières
et autoroutières puisse donner un éclairage objectif et des possibilités de
contrôle sur les implications des choix et les pratiques financières.
Ainsi, monsieur le ministre, le législateur prendra ses responsabilités. Il
reste que l'exécutif et vous, qui êtes plus particulièrement chargé des
transports et de la politique des infrastructures autoroutières, puissiez en
toute connaissance de cause, prendre les vôtres.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendant et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur Goulet,
premièrement, je vous l'ai dit à la tribune : il n'y a pas de remise en
cause.
M. Alain Lambert.
Il n'y aura donc pas de retard ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Vous ne voulez
pas m'entendre : quoi qu'il en soit, il n'y a pas de remise en cause.
Deuxièmement, à mon arrivée au ministère, j'ai constaté que la SAPN n'avait
pas la capacité financière de réaliser ce projet.
M. Alain Lambert.
Pourquoi ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Messieurs les
sénateurs, d'un côté, vous dites qu'il ne faut pas laisser se créer des
gouffres financiers et, de l'autre, quand je vous dis que je ne veux pas
aggraver une situation financière, vous en êtes étonnés.
Je le redis : il n'y a pas de remise en cause du projet. Mais celui-ci ne peut
pas être réalisé dans les conditions qui étaient prévues. Les élus eux-mêmes ne
m'avaient d'ailleurs pas signalé les difficultés financières de la société
d'autoroute en question !
M. Alain Lambert.
C'est comme pour le GAN !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Troisièmement,
dans la mesure où il n'y a pas de remise en cause du projet et où sa
réalisation n'est pas possible dans les conditions qui s'imposeront aux
concessions à partir de l'année 1998, il y aura la possibilité de lancer un
appel d'offres pour la concession de cette partie de l'autoroute A 28, entre
Rouen et Alençon. Si c'est réalisable, ce sera fait.
M. Daniel Goulet.
Si l'on remet les compteurs à zéro, on en reprend pour trois ans !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Non, pas
obligatoirement ! Il n'y a aucune obligation de retarder !
M. Alain Lambert.
Dites-nous qu'il n'y aura pas de retard, ce sera plus simple, monsieur le
ministre !
M. le président.
La parole est à M. Le Grand.
M. Jean-François Le Grand.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Jacques
Oudin aurait souhaité s'exprimer lui-même, mais il a été obligé de
s'absenter.
Depuis près de dix ans, la SNCF a aggravé ses déficits commerciaux et a
accentué par là même, dans des proportions inquiétantes, son endettement qui,
sans la réforme du 13 février 1997, aurait vraisemblablement atteint, en l'an
2000, près de 400 milliards de francs.
Désormais, le nouvel établissement public a la responsabilité des
infrastructures, pour un montant de 134,2 milliards de francs, qui sont autant
de désendettement pour la SNCF.
Les comptes de la SNCF pour 1997, allégés des charges financières et des
amortissements liés aux actifs, ont été assainis pour atteindre aujourd'hui un
déficit de 2 milliards de francs, contre 15,2 milliards de francs en 1996.
La réforme a donc donné à la SNCF tous les moyens d'entreprendre un
redressement durable.
Cependant, monsieur le ministre, malgré cette importante réforme, de
nombreuses incertitudes subsistent.
Je voudrais, pour ma part, en retenir deux.
En premier lieu, qu'en est-il de la traduction budgétaire du désendettement
supplémentaire de 20 milliards de francs annoncé par le Gouvernement ?
Ce désendettement supplémentaire de la SNCF que vous avez annoncé pour
consolider la réforme doit être réalisé par transfert au service annexe
d'amortissement de la dette de la SNCF, instauré en 1991, dont la charge est
assumée par l'Etat.
Pour vous, monsieur le ministre, le montant du service de la dette de
l'entreprise se réduira ainsi d'environ 1,3 milliard de francs par an, l'Etat
assumant la charge de la dette. Vous avez annoncé au Sénat que, sur ce 1,3
milliard de francs de réduction, 300 millions de francs seraient consacrés à la
conquête du trafic par une amélioration de l'offre et de la qualité du service
aux voyageurs et aux clients de fret. Les crédits restants seraient consacrés à
l'acquisition de matériels nouveaux et à l'entretien.
Or l'article 10 du chapitre 45-43 du budget transports terrestres intitulé «
contribution aux charges d'infrastructures ferroviaires et au désendettement »,
est doté de 16,262 milliards de francs qui se répartissent en 12 milliards de
francs pour le Réseau ferré de France et 4 milliards de francs pour le service
annexe d'amortissement de la dette.
Pour votre collègue de l'économie et des finances, ne figurent à ce chapitre
pour 1998 ni le montant du désendettement, ni la réduction du service de la
dette de l'entreprise. Seul engagement pris par Bercy : allonger la durée dans
le temps de la prise en charge du service d'amortissement de la dette de la
SNCF par l'Etat. Cela n'engage à rien, puisque aucune date butoir n'avait
jamais été fixée pour cette prise en charge.
Au bout du compte, le désendettement supplémentaire annoncé de 20 millilards
de francs est purement optique et il ne s'agit que d'un effet d'annonce.
En second lieu, monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter des assurances
quant à la poursuite du redressement du déficit financier de la SNCF, qui
semble compromis ?
La SNCF a en effet procédé à 1 000 recrutements supplémentaires de personnel
en statut et de 1 000 recrutements en emplois-jeunes, dont on ne sait s'ils
seront mis sous statut dans cinq ans et dont le coût s'élève à 250 millions de
francs, bien que l'Etat y participe à hauteur de 80 %.
Il faut également ajouter des entrées, qui restent à quantifier, en formation
qualifiante, en contrats d'insertions type contrat emploi-solidarité et en
contrat emploi-ville.
Cela représente, pour 1997, 8 000 embauches.
Bien entendu, l'embauche est toujours satisfaisante, mais compte tenu de
l'endettement encore important de l'entreprise, et au vu de déficit commercial
persistant, est-il raisonnable, monsieur le ministre, qu'une entreprise
publique continue d'embaucher dans ces proportions, alors même que son avenir
reste incertain ou n'est pas assuré ?
Enfin, monsieur le ministre, et pour conclure, le recentrage de l'activité de
la SNCF, tel que défini par la loi de février dernier, passe par une diminution
sensible du nombre de ses filiales dont certaines exercent une activité fort
éloignée de l'exploitation ferroviaire. Pouvez-vous nous apporter des
précisions à ce sujet ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, concernant plus particulièrement l'emploi, en dix ans, ce sont
environ 75 000 emplois qui ont été supprimés à la SNCF. L'argument avancé était
que seules ces suppressions permettraient de rétablir l'équilibre financier.
Les emplois ont donc été supprimés ; mais l'équilibre financier n'a pas été
rétabli pour autant puisque, l'an dernier, le déficit s'est élevé à 2 milliards
de francs, comme vous l'avez souligné.
Selon vous, la réduction de 20 milliards de francs de la dette de la SNCF dans
les conditions qui ont été évoquées serait un effet d'annonce ! Vos propos sont
contradictoires, puisque, en même temps, vous dites qu'il y a création de 1 000
emplois à statut. Un effet d'annonce qui se traduit par de l'embauche, c'est un
peu paradoxal !
Par ailleurs, monsieur Le Grand, vous avez parlé d'un déficit de 2 milliards
de francs pour la SNCF l'an prochain. Comme je l'ai déjà dit et écrit, je
considère que les entreprises publiques n'ont pas vocation, la SNCF pas plus
qu'une autre, à être déficitaires.
Bien sûr, il faut dédommager l'entreprise publique pour les missions de
service public qu'on lui confie. Mais, à partir de là, à celle-ci d'engager la
bataille pour développer son activité et améliorer la qualité de ses services
et équilibrer son budget.
C'est le sens de ma démarche et je souhaite pouvoir vous confirmer - nous
aurons l'occasion d'en reparler - que le déficit actuel de la SNCF ne
correspond plus à celui que vous mentionnez du fait, justement, de la réduction
de la dette et que les 2 milliards de francs se réduiront, je l'espère, à 1
milliard de francs.
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on a
beaucoup parlé des transports collectifs au cours de la discussion de ce
budget, et même bien avant. En effet, il y a eu la fameuse journée avec son pic
de pollution, qui a rendu encore plus évidente la nécessité de développer les
transports collectifs.
La pollution et le bruit qu'entraîne la circulation sont intolérables. Cette
circulation ne cesse de s'accroître. Des camions - qui, de plus en plus, sont
des 40 tonnes venant de toute l'Europe - sillonnent nos routes et nos
autoroutes.
Tout le monde ou presque convient que l'on ne peut laisser se développer
anarchiquement cette circulation qui rend malade nos villes, aussi bien en
région parisienne qu'en province.
Il faut développer le multimodal et, dans le Val-de-Marne, à Valenton, nous
avons tenté une expérience qui est exemplaire.
Le train et le camion ont chacun leur place, comme vous l'avez dit, à juste
titre, monsieur le ministre, et ils sont irremplaçables, cela n'empêche pas
d'accélérer la recherche en matière de véhicules moins polluants.
J'ai donc beaucoup apprécié que M. Descours ait organisé la cinquième
rencontre parlementaire sur les problèmes de la pollution. J'espère d'ailleurs
qu'il va voter les crédits qui nous sont proposés. Sinon, je ne comprendrai
pas.
Le problème de la pollution doit faire l'objet d'un débat sur les différentes
énergies. Le professeur Charpak, dans un article publié dans
Le Monde
daté d'aujourd'hui, a apporté une contribution importante qui peut
alimenter un débat national sur les énergies. Il évoque en particulier
l'utilisation du gaz naturel pour alimenter les véhicules automobiles.
Cette expérimentation est d'ailleurs déjà en cours. En outre, une commission
sur les problèmes de l'énergie commence à travailler sur ce thème.
Monsieur le ministre, ne pourrait-on pas organiser au Sénat un débat sur ce
problème très précis, qui pourrait lancer un débat national ?
Habitante de Choisy-le-Roi, dans un département très urbanisé, le
Val-de-Marne, je voudrais témoigner ici du fait que l'effort que vous avez
entrepris pour le développement du transport collectif est suivi de très près
par les riverains, les habitants de cette ville et du département qui n'en
peuvent plus du bruit et de la pollution.
Dans certains quartiers, en particulier celui de l'avenue
Villeneuve-Saint-Georges, à Choisy-le-Roi - je vous ai d'ailleurs saisi du
problème et je suis persuadée que vous nous aiderez à le résoudre - du fait de
l'aménagement anarchique d'entrepôts, on assiste à une noria de camions.
Je veux souligner, comme M. Lefebvre le fera dans son intervention, la
contradiction que je ressens entre les réalisations que vous demandez,
messieurs les sénateurs, et les diminution des crédits que vous allez voter.
Il faut quand même que vous sachiez que vous allez demander une diminution des
crédits de fonctionnement de la SNCF et de la RATP ! Quand nous nous
retrouverons sur le terrain, nous en reparlerons.
Pas plus tard qu'hier soir, j'étais avec un élu local du RPR, pour ne rien
vous cacher
(Exclamations amusées sur les travées du RPR),
et nous discutions des
emplois-jeunes, en présence de jeunes que nous avions invités. Cet élu local a
reproché au maire communiste de Choisy-le-Roi de ne pas agir assez vite pour
les emplois-jeunes. Je lui ai fait observer que les représentants de son parti
au Sénat avaient voté une diminution des crédits destinés à ces emplois-jeunes
!
Il va en être de même pour ce budget. Sur le terrain, vous réclamez des
réalisations, mais vous vous apprêtez une nouvelle fois à voter ici des
réductions de crédits !
Je crois très sincèrement que ce n'est pas une attitude très responsable. Je
comprends bien qu'on ait des choses à dire lorsqu'on n'est pas dans la majorité
gouvernementale. Nous sommes là pour les entendre et pour vous écouter. Mais
encore faut-il que les actes aient une certaine logique ! Il en va de l'image
du Sénat et du Parlement tout entier !
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Par amendement n° II-62, M. Cazalet, au nom de la commission des finances,
propose de réduire les crédits du titre IV de 631 816 825 francs.
La parole est à M. Cazalet, rapporteur spécial.
M. Auguste Cazalet,
rapporteur spécial.
Cet amendement a pour objet de réduire les crédits
d'intervention des transports terrestres de 1,44 %, comme la commission des
finances l'a proposé sur l'ensemble des budgets non régaliens qui n'étaient pas
en diminution.
Cette diminution, au demeurant très faible, pourrait être largement compensée
par un programme de privatisation plus ambitieux, qui permettrait d'affecter
les dotations en capital dont la SNCF, la RATP et RFF ont besoin à hauteur de
plusieurs milliards de francs.
J'ajoute qu'en se recentrant sur ses missions régaliennes, notamment la
sécurité dans les transports, l'Etat aurait probablement moins de déficits à
combler dans les entreprises.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Comme je l'ai
dit tout à l'heure, la suppression de 600 millions de francs sur le projet de
budget des transports terrestres aboutirait à réduire de moitié l'effet du
désendettement de la SNCF auquel l'Etat s'est engagé pour redresser la
situation financière de cette entreprise. Elle contribuerait également à
réduire de 4 millions de francs les crédits de la sécurité routière.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-62.
M. Pierre Lefebvre.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Ce ne sont pas moins de 631 millions de francs de dépenses nouvelles qui sont
inscrites en réduction dans cet amendement n° II-62 s'agissant des dépenses du
titre IV du budget des transports terrestres.
Vous me permettrez donc, mes chers collègues, d'accorder un peu d'attention à
la situation que créerait cet amendement.
On ne peut en effet se contenter de la simple application mécanique d'une
variable mathématique, comme vous nous avez proposé de le faire tout au long de
cette discussion budgétaire, sans mesurer les effets de ce type de
proposition.
Que comprennent les dépenses du titre IV des transports terrestres pour
mériter d'être ainsi réduites ?
Lors de la discussion de la loi portant création de l'établissement public
Réseau ferré de France, avant les événements politiques majeurs du printemps
dernier, une longue controverse s'était déroulée au Sénat, saisi du projet de
loi en première lecture, sur la question du développement des liaisons de
transport ferroviaire régional, controverse à laquelle notre groupe avait pris
une part toute particulière.
Mme Hélène Luc.
C'est vrai !
M. Pierre Lefebvre.
Or, à la lecture du bleu budgétaire des transports terrestres, on observe que
la dotation de l'Etat au financement des transports terrestres est accrue en
1998 d'un peu plus de 55 millions de francs, qu'il conviendrait donc d'annuler
à l'occasion de ce projet de loi de finances si, d'aventure, cet amendement n°
II-62 était adopté.
Les contribuables et les usagers des régions qui expérimentent la
régionalisation apprécieront certainement !
On peut aussi envisager de réduire la progression des crédits versés à la RATP
et à la SNCF au titre de l'indemnité compensatrice.
La hausse des lignes budgétaires à ce titre atteint, dans le projet de budget,
270 millions de francs qu'il faut supprimer.
J'observe d'ailleurs que la réduction de crédits proposée dans l'amendement n°
II-62, qui s'élève à 632 millions de francs environ, est supérieure au montant
des mesures nouvelles du titre, qui est d'un peu plus de 490 millions de
francs.
Très concrètement, cela offre donc comme opportunité, soit de ne pas réaliser
les investissements nécessaires au développement des transports collectifs
ferroviaires ou urbains, soit de majorer le prix des billets de transport des
usagers, soit de mettre à contribution les budgets des collectivités locales
pour équilibrer les comptes, soit encore
in fine
d'augmenter les impôts
perçus par les collectivités locales pour tendre à cet objectif d'équilibre.
Toutes ces solutions, pour le moins discutables, démontrent à notre sens
l'inanité de cet amendement n° II-62 - excusez-moi du terme, mais il me semble
tout à fait approprié - et sa parfaite inapplicabilité.
Dans l'absolu, on pourrait aussi décider de supprimer des dessertes ou des
trains, ce qui n'est pas, c'est le moins que l'on puisse dire, très cohérent
avec le souci, assez largement partagé, de développer les transports
collectifs.
Nous rejetterons donc sans la moindre hésitation cet amendement n° II-62, qui
illustre une fois de plus le caractère purement idéologique des amendements de
la commission des finances.
M. Marc Massion.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion.
Nous allons voter contre cet amendement, comme d'ailleurs contre tous ceux qui
sont proposés par la commission des finances, car ils obéissent à la même
logique.
En l'occurrence, cet amendement tend notamment à supprimer la contribution de
l'Etat aux services régionaux de voyageurs, la contribution de l'Etat en
matière sociale, la contribution aux charges d'infrastructures ferroviaires et
au désendettement de la SNCF.
Je voudrais faire part à la Haute Assemblée d'une observation que j'ai faite
dans ma région ; je trouve que les sénateurs qui votent ici ces annulations de
crédits se montrent fort discrets à ce sujet une fois revenus dans leur
département !
Mme Hélène Luc.
C'est le moins que l'on puisse dire !
(Protestations sur les travées du
RPR.)
M. Marc Massion.
Cela signifie que la démarche qui est suivie depuis le début de ce débat et
qui consiste à réduire systématiquement les crédits d'un certain nombre de
chapitres est, à l'évidence, une démarche irresponsable et politicienne !
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Alain Lambert.
Pourquoi n'avez-vous rien dit, au mois de juillet, contre l'annulation de
crédits ?
M. le président.
Vous admettrez tout de même, monsieur Massion, que chacun d'entre nous a la
libre disposition des propos qu'il peut tenir ou non dans son département !
(M. Jacques Machet applaudit.)
M. Alain Lambert.
Merci, monsieur le président !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-62, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste
républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
46:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 311 |
Majorité absolue des suffrages | 156 |
Pour l'adoption | 214 |
Contre | 97 |
Mme Hélène Luc. C'est dommage !
M. le président. Par amendement n° II-64, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose de réduire les crédits du titre IV de 1 581 159 francs.
La parole est à M. Cazalet, rapporteur spécial.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet de réduire les crédits du chapitre unique 44-42 du titre IV portant sur les subventions intéressant la gestion de la voirie nationale. Cette légère réduction ne devrait pas léser les organismes qui perçoivent ces subventions.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n ° II-64, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisation de programme : 7 311 176 000 francs ;
« Crédits de paiement : 3 850 677 000 francs. »
La parole est à M. Lambert.
M. Alain Lambert.
Monsieur le ministre, sans doute ai-je été insuffisamment attentif, mais je
n'ai pas entendu de réponses très précises aux questions que je vous ai
posées.
Tout d'abord, je vous rappelle que ma préoccupation est de parfaire le
fonctionnement de l'Etat ; elle n'est pas d'engager une polémique partisane
entre nous. Une telle préoccupation peut nous rassembler, monsieur le
ministre.
Je vous pose donc à nouveau mes questions.
Premièrement, pouvez-vous nous confirmer qu'aucun retard ne sera pris dans le
calendrier de réalisation des travaux de l'A 28 ? Vous m'avez répondu que ces
travaux n'étaient pas remis en cause, mais cette réponse n'est pas assez
précise pour mes concitoyens. Ce qu'ils veulent savoir, c'est s'il n'y aura pas
de retard dans le calendrier de réalisation des travaux.
Deuxièmement - cette question est également précise -, qu'elles mesures
comptez-vous prendre à l'endroit des services chargés du contrôle des comptes
des sociétés autoroutières ? La Cour des comptes vous a fait des
recommandations sur ce sujet. En effet, ce ne sont pas les ministres qui
contrôlent les comptes ; ce sont les services.
Enfin, troisièmement, pourquoi ne prolongez-vous pas la durée des concessions
aux sociétés dont les capitaux sont publics ? Je prendrai deux exemples.
La concession de la Société des autoroutes Paris-Normandie, la SAPN, pourrait
être prolongée jusqu'en 2028. Je constate que celle de la Compagnie financière
et industrielle des autoroutes, la COFIROUTE, dont les capitaux sont
majoritairement privés, bénéficie déjà d'une concession qui a été prolongée
jusqu'en 2035.
Pourquoi faites-vous mieux pour les sociétés autoroutières dont les capitaux
sont majoritairement privés et moins bien pour celles dont les capitaux sont
publics ? C'est incompréhensible. Pourquoi ne prolongez-vous pas la durée de la
concession de la SAPN ?
M. Daniel Goulet.
Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je ne voudrais
pas lasser le Sénat en reprenant des propos que j'ai déjà tenus.
Pour ce qui est de l'A 28, il n'y a pas de remise en cause du principe de la
réalisation de cette liaison.
M. Alain Lambert.
Oui, mais n'y aura-t-il pas de retard ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Par ailleurs,
compte tenu de la situation que j'ai trouvée, je ne pouvais traiter avec la
société d'autoroutes dont vous avez fait mention, monsieur Lambert, parce que
cette société était en difficulté. L'appel d'offres se fera selon les règles
nouvelles qui s'appliqueront en 1998.
M. Alain Lambert.
La Cour des comptes vous a fait des recommandations !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
En tout cas,
reconnaissez, monsieur le sénateur, que c'est une bonne chose qu'un ministre,
dès lors qu'il est informé de l'existence de difficultés au sein d'une société
dont il a la tutelle, ne se conduise pas comme s'il n'y avait pas de
difficultés.
M. Alain Lambert.
Et la réponse à ma question sur les services de contrôle ?
M. Dominique Braye.
Le ministre ne répond pas aux questions !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 8 264 547 000 francs ;
« Crédits de paiement : 3 122 311 000 francs. »
La parole est à M. Lambert.
M. Alain Lambert.
Je suis désolé de devoir à nouveau prendre la parole, mais il semble bien que
nous nous comprenions mal, monsieur le ministre.
M. Dominique Braye.
Nous avons droit à une réponse !
M. Alain Lambert.
Lorsque la Cour des comptes fait des recommandations à un ministre, c'est au
Gouvernement tout entier que ces recommandations s'adressent. La Cour des
comptes a indiqué que les services que j'ai évoqués avaient manqué de vigilance
et qu'ils n'avaient pas rempli leur mission de contrôle dans des conditions
satisfaisantes.
Je vous pose donc la question suivante, monsieur le ministre : quelles mesures
entendez-vous prendre à l'endroit des services qui ont pour mission de
contrôler les comptes des sociétés autoroutières ? Je ne vous demande pas quel
jugement vous portez sur le Gouvernement, je vous demande quelle décision vous
comptez prendre quant à la défection des services chargés du contrôle des
comptes.
Deuxième question sur laquelle je n'ai pas entendu de réponse : pourquoi ne
prolongez-vous pas la durée de la concession ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, vous savez qu'actuellement la situation financière des sociétés
autoroutières fait ressortir un endettement de l'ordre de 120 milliards de
francs, cet endettement pouvant atteindre, si les choses restent en l'état, 200
milliards de francs - c'est-à-dire le chiffre que beaucoup d'entre vous ont
évoqué à propos de la SNCF, insistant sur les conséquences qui en ont découlé -
dans les cinq ou sept années à venir.
Un contrôle a eu lieu.
Mais les conditions ne sont pas les mêmes qu'hier. D'abord, la réglementation
a changé. Ensuite, il ne peut plus y avoir de concessions « adossées », à des
concessions existantes ; il faudra donc passer par l'appel d'offre.
J'ajoute que le trafic sur les autoroutes à réaliser risque d'être moins
important que celui que l'on enregistre sur les autoroutes existantes.
Il faut donc procéder, en fonction de ces données, à un examen précis des
capacités des sociétés autoroutières. C'est tout simplement de la bonne
gestion, monsieur le sénateur !
M. Alain Lambert.
Et la durée de la concession ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
La question est
à poser à celui que cela concerne !
M. Alain Lambert.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Lambert.
M. Alain Lambert.
Monsieur le président, je voudrais simplement indiquer qu'il est dommage que
la représentation nationale ne puisse obtenir du Gouvernement les réponses aux
questions qu'elle pose.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant les
transports terrestres, les routes et la sécurité routière.
3
SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel
une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a
été saisi le 4 décembre 1997, en application de l'article 61, alinéa 2, de la
Constitution, par plus de soixante sénateurs d'une demande d'examen de la
conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale
pour 1998.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de
la distribution.
4
LOI DE FINANCES POUR 1998
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adoptée par l'Assemblée nationale.
Equipement, transports et logement
II. - TRANSPORTS
(suite)
4. Transport aérien.
5. Météorologie.
Budget annexe de l'aviation civile
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le transport
aérien, la météorologie et le budget annexe de l'aviation civile.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, il me revient de vous exposer, en même temps que
le projet de budget annexe de l'aviation civile pour 1998, les crédits du
transport aérien et de la météorologie.
Je rappellerai d'abord que le budget annexe de l'aviation civile finance
l'essentiel des actions de la direction générale de l'aviation civile, la
DGAC.
Avec 8,5 milliards de francs, ses crédits progresseraient de près de 6 % et de
quelque 473 millions de francs.
Cette croissance est évidemment considérable comparée à celle des dépenses
budgétaires. C'est d'ailleurs une habitude. Il y a six ans, lors de sa
création, ce budget comportait 5,6 milliards de francs de crédits. Son volume
s'est donc accru de moitié au cours de cette période, progressant au rythme
effréné de 7,2 % par an.
C'est dire si, tendanciellement, la croissance des crédits du budget annexe
excède celle du trafic aérien, ce qui tendrait à démontrer que les coûts des
infrastructures nécessaires aux transports aériens sont progressifs. Autrement
dit, il n'y aurait guère de progrès de productivité à attendre dans un secteur
où les investissements sont pourtant massifs.
Toutefois, je ne suis pas certain que cette analyse soit exacte. Je crois
plutôt que, si les dépenses du budget annexe de l'aviation civile augmentent,
c'est pour de tout autres raisons.
L'évolution de la masse salariale supportée par le budget est la principale.
Elle provient moins de l'augmentation du nombre des emplois que de la
revalorisation des rémunérations individuelles, qui, comme l'avait indiqué en
son temps la Cour des comptes, ont connu une progression tout à fait
considérable.
Le projet de budget pour 1998 s'inscrit dans ce contexte structurel.
Les charges de personnel représentent une petite moitié du budget annexe.
Elles progresseraient de 6 %, ce qui devrait faire bien des envieux dans la
fonction publique et ailleurs !
Je ne suis au demeurant pas sûr, monsieur le ministre, que les dotations
ouvertes en 1998 pour faire face à ces dépenses soient suffisantes. En tout
cas, c'est une question que je pose.
Le 3 novembre dernier, un protocole d'accord a été conclu par la direction
générale de l'aviation civile. Il doit s'appliquer pour les trois ans à venir.
Il prendra le relais d'un précédent protocole triennal, conclu le 3 novembre
1994. Ce protocole, qui était alors annoncé comme le dernier protocole
catégoriel, avait, la première année, « coûté » plus de 170 millions de francs
à l'Etat et
in fine
aux différents financeurs du budget annexe.
Dans le projet de budget pour 1998, une provision de l'ordre de 80 millions de
francs est inscrite aux chapitres indemnitaires.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer si elle sera suffisante pour
couvrir les charges de personnel en 1998 ?
Je souhaiterais également que vous nous indiquiez quel est le coût cumulé du
protocole que vous venez de conclure.
Je rappelle que, ce protocole étant catégoriel, ses clauses s'ajoutent aux
mesures générales applicables à l'ensemble de la fonction publique.
Monsieur le ministre, les fonctionnaires de la direction générale de
l'aviation civile sont, nul ne le conteste, de très bons fonctionnaires.
Certains exercent des missions réellement vitales. Pèsent sur eux de très
lourdes responsabilités qui justifient que, dans une certaine mesure, leur
statut soit exorbitant du sort commun.
Cependant, il ne faudrait pas tomber dans l'excès. Je pourrais d'abord
remarquer que le régime indemnitaire des agents de la direction générale de
l'aviation civile pourrait être mieux modulé qu'il ne l'est, pour tenir compte
des sujétions réelles des agents.
Mais je souhaite surtout rappeler qu'à l'heure où l'ensemble des
fonctionnaires consentent des efforts, et alors même que les excès observés
dans certains métier s du transport aérien sont en voie de correction, il ne
serait pas sain qu'une catégorie limitée de fonctionnaires de l'Etat paraisse
s'affranchir des disciplines communes.
Les dépenses en capital atteignent, quant à elles, un niveau élevé. Avec 2,2
milliards de francs, soit le quart des dépenses du budget annexe, elles
progressent de 7,4 %.
Elles correspondent, pour 85 % d'entre elles, à des investissements qui se
répartissent essentiellement entre les investissements de navigation aérienne,
pour plus de 70 % de l'ensemble, et les investissements du service des bases
aériennes, pour le quart.
Les investissements de navigation aérienne sont évidemment importants puisque
le contenu technologique du contrôle aérien est voué à s'accroître. Il s'agit
de favoriser une gestion efficace et sûre du trafic ; bien entendu, cela
implique une modernisation.
Je souhaiterais cependant que vous m'assuriez, monsieur le ministre, que la «
sophistication » des équipements rime toujours avec leur robutesse et qu'ils
sont bien compatibles avec les systèmes de navigation aérienne mis en place
ailleurs en Europe.
De ce point de vue, j'aimerais être certain que le projet CAUTRA, développé en
France, et le projet EATCHIP, développé par Eurocontrol, ne donnent lieu à
aucune redondance.
En ce qui concerne les bases aériennes, les investissements programmés en
matière de sûreté s'élèvent à 215 millions de francs en autorisations de
programme. C'est fort peu, compte tenu des besoins, et je pense que l'Etat
abuse de la débudgétisation dans ce domaine.
Il me semble que le programme de sûreté devrait constituer une priorité, et
c'est pourquoi je propose depuis maintenant deux ans la création d'un compte
d'affectation spéciale dédié à ce programme.
En tout cas, on ne peut prétendre que la hausse considérable du produit de la
taxe de sécurité et de sûreté ait servi à accroître les dépenses de sûreté !
J'en viens aux graves problèmes financiers posés par le budget annexe de
l'aviation civile.
Les dépenses du budget annexe sont beaucoup plus élevées que ses recettes
naturelles, à savoir les redevances de navigation aérienne.
Cette situation est due pour partie au fait que le budget annexe supporte le
financement d'actions dites régaliennes qui, par nature, ne peuvent être
financées par les redevances.
Mais elle provient aussi d'autres facteurs, et au premier chef de contraintes
juridiques, souvent rappelées malheureusement par les juridictions
administratives, pesant sur les conditions de fixation du tarif des
redevances.
Notons également que le ministère de la défense, en particulier, ne supporte
pas le coût des infrastructures de navigation aérienne dont il use : il est
exonéré de redevance.
Il faut donc trouver un complément de financement. On le cherche beaucoup dans
l'emprunt, si bien que les charges financières supportées par le budget
explosent. Les charges d'amortissement financier, qui étaient de 200 millions
de francs en 1992, sont passées à 333 millions de francs. Compte tenu d'un
niveau d'emprunt de 1 milliard de francs, elles seront, à terme, triplées et
s'élèveront à 1 milliard de francs.
Tout cela n'est pas très raisonnable. Par conséquent, pour financer ces
charges et éviter leur dérapage, il faut augmenter la fiscalité affectée au
budget annexe.
C'est cet engrenage que nous avons entendu dénoncer en supprimant l'article 20
du projet de loi de finances pour 1998 qui proposait d'augmenter de près de 40
% le produit de la taxe de sécurité et de sûreté.
Ce faisant, monsieur le ministre, nous vous invitons à réfléchir à une réforme
en profondeur du budget de l'aviation civile. Nous sommes prêts à contribuer à
cette réflexion. Afin que vous n'imaginiez pas que nos initiatives sont
destinées à vous plonger dans l'embarras, nous avons - il est vrai avant que le
protocole que j'ai évoqué soit conclu - donné un avis favorable à l'adoption du
projet de budget annexe pour 1998.
J'en viens aux crédits de votre ministère consacrés au transport aérien.
Les crédits du transport aérien sont essentiellement la manifestation du
soutien public que l'Etat souhaite accorder à son industrie aéronautique
civile.
Voilà quelques mois, la commission des finances du Sénat a adopté sur ce sujet
un rapport que j'ai eu l'honneur de présenter. C'est donc au vu de ce rapport
que je ferai quelques observations sur votre projet de budget, monsieur le
ministre.
Auparavant, je souhaite cependant saluer les performances de nos industriels,
et tout particulièrement d'Aérospatiale et de la SNECMA qui, confrontés à des
difficultés dans un passé récent, ont su redresser le manche.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
C'est vrai ! Bravo !
M. François Gerbaud.
Très bien !
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial.
Je dois toutefois m'inquiéter des intentions de
l'Etat pour accompagner ce redressement.
Ces deux entreprises publiques éprouvent des besoins importants de fonds
propres. L'amélioration de leurs résultats devrait contribuer à les satisfaire,
mais, hélas ! elle ne le pourra que partiellement. Notre excellent collègue
Yann Gaillard indique dans son rapport que, dans le meilleur des cas, ces deux
entreprises auraient besoin de 7 milliards de francs de capitaux.
Monsieur le ministre, je sais bien que l'Etat est submergé par la vague
déferlante des pertes du secteur public financier. Je souhaite cependant que
vous soyez sensible au fait que des entreprises d'avenir ne soient pas
pénalisées par les désastres du passé et les rigidités du présent.
A ce propos, je souhaite rendre un hommage mérité au président Christian
Blanc, qui, avec son équipe, a su redresser Air France et jeter les bases de
l'essor de la compagnie.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial.
Je n'en dirai pas plus puisque Jean-François Le
Grand, dans son excellent rapport, a évoqué cette question. Mais l'entreprise a
besoin de 40 milliards de francs pour compléter sa flotte. J'aimerais que vous
puissiez nous dire, monsieur le ministre, comment elle les trouvera.
Parmi les problèmes qu'il faut résoudre figure, bien entendu, la question de
la fusion entre Aérospatiale et Dassault. Où en êtes-vous, monsieur le
ministre, sur ce dossier, qui doit être bouclé pour que nous puissions
participer avec tout le poids nécessaire dans la future société Airbus ?
Cette dernière perspective montre bien que l'avenir de l'industrie
aéronautique française est, à l'évidence, un avenir européen. Il faudra donc un
jour que la dimension européenne soit mieux prise en compte dans la définition
des soutiens publics à l'industrie aéronautique.
J'en viens, monsieur le ministre, à votre projet de budget pour 1998.
Je dois vous dire qu'il m'a déçu. Oh ! pas plus, et même plutôt moins, que
celui de votre précédesseur !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Merci !
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial.
En effet, contrairement à l'an dernier, les crédits
progressent sous l'effet de la provision constituée pour financer le
développement des versions allongées de l'Airbus A 340.
Mais, monsieur le ministre, pourquoi cette baisse des crédits de
recherche-amont, alors que nos industriels sont confrontés à la concurrence
impitoyable de Boeing qui, grâce à sa fusion avec Mac Donnell, « récupérera »
une partie considérable des 180 milliards de francs de crédits militaires
consacrés par les Etats-Unis à la recherche aéronautique ?
On pourrait me dire que, malgré un soutien public bien plus modeste que celui
qui est offert à nos concurrents américains, Airbus ne se débrouille pas mal -
certes ! - alors que Boeing est confronté aux affres d'une politique sociale à
l'américaine qui, en l'occurrence, montre ses limites.
Ce serait partiellement exact. Airbus a pris son envol, mais il faut prolonger
cet envol et, pour cela, ne pas faire de surplace.
Il convient donc de lancer le programme de très gros porteur, l'A 3 XX, qui
seul permettra d'ôter à Boeing le monopole sur le quart du marché des avions
commerciaux qu'il détient grâce au célèbre 747.
Il nous faut inventer un autre système de soutien, à côté des avances
remboursables, dont le bilan global pour 1998 sera défavorable à nos
entreprises, compte tenu des remboursements dus par elles. Monsieur le
ministre, là aussi, vous pouvez compter sur notre contribution.
Avant de vous inviter, mes chers collègues, à voter quand même les crédits du
transport aérien et de la météorologie, je souhaite vous dire combien nous
sommes sensibles au développement de Météo France. La commission des finances
du Sénat s'attachera, l'an prochain, à analyser les moyens de l'assurer
pleinement.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour
l'aviation civile et transport aérien.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, je ne m'attarderai pas sur les crédits
budgétaires, dans la mesure où M. Collin, rapporteur spécial, les a brillamment
exposés. Je serai également très bref sur la construction aéronautique vous
invitant, monsieur le ministre, à lire un ouvrage intitulé :
Pour prolonger notre envol,
dont l'auteur n'est autre que M. Yvon Collin.
Cet excellent rapport est en distribution ici même.
Je formulerai simplement quelques observations.
Tout d'abord, je tiens à féliciter la direction générale de l'aviation civile,
la DGAC, des efforts entrepris pour se conformer au souhait de transparence
exprimé par le Parlement. La DGAC a élaboré un état récapitulatif reprenant la
répartition des coûts et des dépenses du budget annexe de l'aviation civile, ce
dont nous la remercions.
Ensuite, s'agissant du budget lui-même, tout a été dit. Je soulignerai
seulement, à mon tour, le fait que la progression budgétaire est supportée
uniquement par des taxes : la taxe de sécurité sûreté augmente, à elle seule,
de 39,3 %. Cette charge supplémentaire pèsera sur les compagnies.
Par ailleurs, la commission des affaires économiques souhaite que le
Gouvernement améliore la cohérence des programmes français et européen dans le
domaine de la navigation aérienne. Je ne rentre pas dans le détail, vous savez
de quoi il s'agit. Il existe une ardente nécessité à faire en sorte que ce
secteur soit homogénéisé et optimisé.
La commission a également déploré la réduction d'un tiers des crédits de
soutien à la recherche-amont ; j'y reviendrai dans quelques instants.
En ce qui concerne le fonds de péréquation des transports aériens, le FPTA, il
semble qu'il ne devrait pas connaître de difficultés de trésorerie dans les
deux années à venir, le taux de la taxe devant probablement être réexaminé à
partir de l'an 2000.
La commission souhaite, monsieur le ministre, qu'une réflexion soit menée sur
les modalités des conditions d'application, par la France, des critères
d'éligibilité des liaisons aériennes au FPTA, de façon à établir un bilan du
dispositif et à identifier d'éventuelles marges de manoeuvre dans le cadre de
la réglementation européenne.
Je me réjouis aussi des efforts de rationalisation et de productivité réalisés
par la direction et le personnel du groupe Air France. M. Yvon Collin en a
parlé. Par conséquent, je ne m'étendrai pas sur ce sujet.
Je tiens néanmoins à souligner la relativité de cette amélioration puisque,
dans le même temps, la Lufthansa et British Airways ont multiplié leurs profits
respectivement par trois et par quatre. Tout est relatif ! Il faut donc
replacer les résultats dans leur contexte.
Je crois également qu'il faut avoir conscience du fait que la mondialisation
du secteur du transport aérien s'accompagne d'un mouvement ultra-rapide
d'alliances entre compagnies, qui s'identifie à un véritable jeu de Monopoly.
Dans ces conditions, le groupe Air France doit impérativement combler son
retard et mener une stratégie d'alliances ambitieuses reposant sur les trois
piliers traditionnels : européen, américain et asiatique.
La commission craint, monsieur le ministre, qu'en l'absence d'engagement clair
en faveur de la privatisation la compagnie Air France ne soit pénalisée et que
sa crédibilité dans la recherche d'alliances ne soit atteinte. Vous trouverez
dans le rapport écrit un « camenbert » qui montre qu'il ne reste plus
qu'environ 30 % de parts d'alliance à trouver. Plus on attendra, plus cette
part se réduira et moins Air France aura de chance de pouvoir trouver des
alliances performantes.
Il convient également de prendre en compte un autre élément : la
non-privatisation au regard des réductions de salaire qui avaient eu des
contreparties en matière d'action. Les personnels ne risquent-ils pas, à terme,
d'être payés en « monnaie de singe » ?
Je ferai aussi une très brève observation sur le conseil supérieur de
l'aviation marchande, le CSAM, monsieur le ministre, puique je vous ai
personnellement entretenu de ce problème.
Le CSAM, que j'ai l'honneur de présider, a besoin d'être assoupli, d'être
modernisé, d'évoluer car, tout autour de lui, le monde aérien est en train de
se transformer.
Faisons en sorte que nos organismes évoluent à due concurrence ; je vous en ai
parlé. D'ailleurs, j'ai reçu, voilà quelques jours, une lettre de votre part
confiant au CSAM l'examen et le suivi des politiques d'affrètement conduites
par les transporteurs. Je vous en remercie et vous donne acte de ce souci de
voir le CSAM évoluer. J'ose espérer, cependant, que la mission ne sera pas
affectée par un manque de moyens d'investigation. Bien évidemment, si vous
voulez un travail de qualité, il faut nous en donner les moyens.
J'en viens aux aéroports de province.
On ne peut que se féliciter de la croissance du trafic des principaux
aéroports de province. Cependant, il me paraît illusoire de considérer que le
desserrement du trafic francilien vers ces aéroports pourrait offrir une
alternative entièrement satisfaisante aux aéroports parisiens pour accueillir
la demande.
Un pas de deux vient d'être dansé par le Gouvernement quant à l'opportunité de
la création d'un troisième aéroport à Beauvilliers. Ayant été l'un des quatre
membres de la mission Douffiagues, je crois bien connaître le sujet. Il
m'apparaîtrait prématuré de renoncer à une telle éventualité quand on connaît
le degré de saturation et de nuisances de la plate-forme d'Orly.
Qu'adviendrait-il d'Orly et qu'en penserait l'opinion publique si un accident
comme ceux qui se sont produits à Munich ou à Shiphol, l'aéroport d'Amsterdam,
survenait ?
Il importe au moins de ne pas pénaliser l'avenir et de faire en sorte que les
terrains soient réservés de manière que, le moment venu, le cas échéant, on
puisse trouver une alternative. Si Orly était saturé, il faudrait bien trouver
une solution. Après tout, pourquoi Beauvilliers ne constituerait-il pas cette
solution ?
Je n'évoquerai pas le problème de la suppression du
duty free
; mon
collègue François Gerbaud vous en entretiendra tout à l'heure, puisque c'est un
sujet qu'il connaît bien.
J'évoquerai brièvement la dévolution des plate-formes aéroportuaires entre
Roissy et Orly. Doivent-elles être affectées aux longs courriers ou aux
courriers domestiques européens ? Sans doute faut-il répondre à cette question
avec prudence. En effet, il ne faudrait pas que le sous-équipement ou la
sous-alimentation d'une plate-forme se traduise par une suralimentation de
l'autre plate-forme ; on aurait alors un décalage qui serait pernicieux et
dommageable pour le gestionnaire Aéroports de Paris.
Enfin, monsieur le ministre, la Commission européenne a interdit toute clause
d'exclusivité aux Américains, notamment à Boeing.
Pourtant, dans le même temps, on a vu la compagnie Delta, pour ne citer que
celle-là, passer un contrat de 644 Boeing sur 20 ans.
Cela a été la réponse du berger à la bergère - excusez-moi pour cette
trivialité - qui, en fait, a constitué un véritable contournement de la
procédure européenne. Que pense le Gouvernement de cette attitude ?
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques observations que je voulais
formuler, sachant que mon collègue Yvon Collin, rapporteur spécial, a parlé
d'Aérospatiale et de Dassault.
La commission pense qu'il est nécessaire de constituer très rapidement une
seule société européenne civile et militaire pour que nous ayons une chance de
concurrencer nos voisins américains. Elle a décidé de réserver un avis
défavorable aux crédits inscrits au titre de l'aviation civile.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
5 minutes.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on assiste
aujourd'hui à une internationalisation accélérée du transport aérien. Le ciel
européen a été « libéré », si j'ose dire, le 1er avril 1997 et, depuis cette
date, toute compagnie de la Communauté européenne est libre d'exploiter les
liaisons intracommunautaires. La concurrence est lâchée ; il faut donc y faire
face.
Tous les experts, et en premier lieu le président d'Air France, Christian
Blanc, pensaient que seule la privatisation permettrait de relever le gant,
puisque seules les compagnies privatisées pouvaient conclure des alliances
internationales avec d'autres. Ainsi, des ententes avec Delta et Continental
Airlines avaient été préparées.
Vous n'avez pas été de cet avis, monsieur le ministre. Vous avez refusé de
privatiser Air France, tout en reconnaissant que des alliances étaient
nécessaires. Mais, avez-vous affirmé, « Il n'est pas vrai que de telles
alliances supposent la privatisation. » Le croyez-vous vraiment ? Après quoi,
vous avez changé de président.
Vous avez donc pris vos responsabilités ! Vous avez imposé une nouvelle
politique, sur laquelle, d'ailleurs, nous voudrions avoir plus
d'éclaircissements. Si cela ne fonctionne pas, c'est à vous évidemment que l'on
pourra s'en prendre. (
M. le ministre sourit.)
Toutefois, vous avez de la chance. Air France, en effet, bénéficie
d'indicateurs positifs.
La recapitalisation de la compagnie a permis de réduire considérablement son
endettement. Un retour aux bénéfices est même prévu pour 1998. Vous nous en
parlerez sans doute. Il faudra, cependant, franchir trois étapes pour assurer
le développement et la pérennité de la compagnie.
La première concerne les alliances à trouver. M. Le Grand vient d'en parler,
mais attention il ne nous reste plus beaucoup de compagnies avec lesquelles on
peut conclure. Si l'on ne se dépêche pas, on n'aura plus les meilleurs choix.
Il faut trouver des alliés, y aller, et y aller vite.
En second lieu, il faut réduire les coûts unitaires d'Air France. Ils sont
supérieurs de 2 % à ceux de la Lufthansa, de 14 % à ceux de British Airways, de
20 % à ceux de KLM, et davantage encore par rapport à certaines compagnies
américaines. Cette situation est absolument inadmissible ; les écarts sont
énormes. Il faut absolument que les coûts français diminuent.
Enfin, j'évoquerai les investissements qui sont indispensables. Comment
seront-ils financés ? Il paraît actuellement très peu probable qu'Air France
puisse les réaliser sur ses bénéfices futurs. Que comptez-vous faire à ce
sujet, monsieur le ministre ?
Permettez-moi maintenant de vous poser une question ponctuelle. L'an passé, la
Commission de Bruxelles a accepté la recapitalisation des 20 milliards de
francs, mais elle a exigé, en contrepartie, une rapide privatisation d'Air
France. La Commission n'a pas fixé d'échéance précise, mais ne risque-t-elle
pas de le faire lorsque la Cour européenne de justice se prononcera sur le
recours de certaines compagnies, telles que British Airways, SAS ou KLM, contre
l'aide publique apportée à Air France ? Que ferez-vous alors ?
Je ne m'étendrai sur la fusion entre Boeing et McDonnell Douglas, sur laquelle
M. Collin s'est fort bien expliqué. Je ferai simplement part de mon inquiétude
à ce sujet, en indiquant qu'il est indispensable que tous les Européens se
regroupent autour d'Airbus pour défendre nos chances dans ce domaine
essentiel.
Enfin, le dernier point que j'aborderai préoccupe particulièrement notre
collègue M. Jean Grandon, sénateur d'Eure-et-Loir. Il s'agit de la construction
du nouvel aéroport de la région parisienne près de Beauvilliers. Il y a du pour
et du contre dans ce projet, mais on ne peut le laisser indéfiniment en
suspens. Pouvez-vous nous faire savoir, monsieur le ministre, si une décision
définitive va bientôt être prise à ce sujet ? A l'avance, je vous en remercie.
(
Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt
et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et
une heures quarante-cinq.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant le transport aérien, la météorologie et le budget annexe de
l'aviation civile.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits
pour 1998 de la construction aéronautique sont en augmentation et permettent de
reconduire les dotations pour les programmes ayant déjà fait l'objet de
soutien, tels que le moteur GE 90 produit par la SNECMA, l'hélicoptère EC 165
qui devrait permettre à Eurocopter de prendre environ 30 % du marché des
hélicoptères en tonnage moyen, l'Airbus A 300-200 qui doit entrer en service en
avril 1998 et l'avion de 100 places qui sera réalisé en coopération avec la
Chine.
Les avances remboursables prévues vont permettre - M. le rapporteur spécial
l'a rappelé - de lancer de nouveaux programmes comme les nouvelles versions de
l'A 340, l'A 340-500 et l'A 340-600.
Ces bonnes nouvelles concernant votre projet de budget, monsieur le ministre,
montrent que le Gouvernement a bien perçu la spécificité de l'aéronautique : ce
n'est pas un secteur industriel comme un autre ; les projets sont lourds, les
cycles de production longs et, sans soutien public, les nouveaux programmes
d'avions ne seraient pas viables. Cela est si vrai que tous les pays, les
Etats-Unis compris, subventionnent ce secteur.
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial.
Surtout les Etats-Unis !
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Or, de grandes transformations se préparent dans l'aéronautique et
l'espace.
Les concentrations américaines - cela a été rappelé tout à l'heure par M. le
rapporteur spécial - obligent les grands groupes à s'entendre pour faire de
l'industrie européenne une entité capable de tenir tête aux géants
d'outre-Atlantique.
Certes, Airbus est d'ores et déjà une réussite. En effet, c'est une réussite
technique d'abord, mais aussi commerciale, puisque nous avons conquis 30 % des
parts d'un marché dont nous étions absents au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale, et les derniers succès remportés par les avions européens auprès des
compagnies aériennes du monde entier nous laissent espérer que l'objectif des
50 % est proche.
L'aéronautique française est au coeur de cette réussite, son expertise dans le
domaine aéronautique et spatial est reconnue dans l'économie mondiale :
Concorde, Airbus et Ariane sont avant tout les produits des savoir-faire de nos
bureaux d'études, des ingénieurs, des techniciens et des ouvriers de la
production.
Dans cette réussite, il ne faut pas oublier l'effort de l'Etat, donc des
contribuables, qui ont permis à cette industrie très cyclique de tenir bon
quand la situation était moins brillante qu'aujourd'hui. Ne le nions pas, il y
eut des plans sociaux - l'un court encore aujourd'hui - mais ils n'eurent
jamais la brutalité et l'ampleur des suppressions d'emplois de Boeing.
Je voudrais à ce propos, mes chers collègues, vous faire part de quelques
remarques.
Depuis le début du débat sur le projet de loi de finances, nous avons entendu
de nombreux orateurs de la droite sénatoriale qui ont enfin trouvé leur voie -
en attendant de retrouver leurs voix - chanter les louanges du libéralisme,
citant, par exemple, le faible taux de chômage, l'employabilité, de la
Grande-Bretagne et des Etats-Unis.
Je ne parlerai pas, ici, du modèle de société américain ni de la paupérisation
d'une partie de plus en plus grande de la population des Etats-Unis, chacun ses
choix. Je voudrais simplement souligner, en prenant pour exemple ce qui se
passe chez Boeing, les dangers des méthodes libérales qui prennent l'emploi
comme variable d'ajustement.
En période de basses eaux, de carnets de commandes peu remplis, Boeing a
licencié massivement des milliers de salariés ; industrie cyclique, les
commandes ont repris, Boeing rembauche, certes, mais éprouve les plus grandes
difficultés à tenir les délais et à fournir des produits aussi satisfaisants
qu'auparavant. Résultat, l'industriel américain est contraint, en raison des
retards, de payer de fortes amendes.
L'explication de ce phénomène est très logique : les métiers de l'aéronautique
et de l'espace exigent sinon un haut, du moins un bon niveau de technologie.
Ainsi, soit les salariés licenciés sont partis ailleurs, soit ils ont perdu
leur savoir-faire, lequel est perdu pour l'entreprise tout entière.
Quant aux salariés de Boeing nouvellement embauchés, la production et les
cadences s'accélérant, ils n'ont pas eu le temps d'acquérir une bonne
formation. Et l'on voit, mes chers collègues, les chasseurs de têtes de Boeing
venir à Toulouse tenter de débaucher nos ingénieurs aéronautiques, sans succès
d'ailleurs, ce qui, vous en conviendrez, est tout à fait gratifiant pour
l'entreprise nationale Aérospatiale et contredit la thèse selon laquelle la
matière grise de notre pays s'expatrie volontiers.
Veillons donc, monsieur le ministre, à continuer de préserver cette richesse
technologique qui a fait l'avance et la force de l'industrie aéronautique
française. Alors que se prépare la recomposition de l'aéronautique à l'échelon
européen et que les négociations avec les partenaires sont âpres et serrées, ce
n'est pas le moment de baisser la garde. Nous devons continuer à être les
meilleurs pour négocier en position de force.
Or, les Airbus connaissant le succès que l'on sait, les cadences de production
chez Aérospatiale ne cessent d'augmenter. Dans les ateliers, dans les services
chargés de la logistique ou des études, le manque de personnel commence à être
préoccupant.
Pour ne parler que du bureau d'études d'Aérospatiale, les charges de travail
sont telles que l'on pourrait embaucher 200 personnes par an pendant trois ans.
Si rien n'est fait, monsieur le ministre, ces heures de travail pourraient bien
partir du côté de Hambourg alimenter les bureaux d'études de DASA, et ce n'est
peut-être pas le moment...
S'approprier 50 % du marché mondial, produire des avions sans défauts, tenir
les délais, faire au moins aussi bien que Boeing : des objectifs ambitieux sont
fixés. Il serait insupportable qu'ils ne soient pas atteints par manque de
moyens humains alors que, par ailleurs, le Gouvernement met tout en oeuvre pour
développer l'emploi.
Je ne peux conclure ce chapitre de la construction aéronautique sans évoquer
ce qui court dans toutes les têtes, si j'ose m'exprimer ainsi, c'est-à-dire
l'inquiétude des personnels de l'aéronautique et de l'espace qui aiment leur
métier, celle des habitants d'une région, Midi-Pyrénées, où près de 65 000
emplois sont dus à la présence de la construction aéronautique et spatiale.
Tous suivent avec intérêt les grands mouvements qui se préparent dans ce
secteur et s'inquiètent des conséquences possibles en termes d'économies
d'échelles, de délocalisations, de perte de savoir-faire, de conditions de
travail.
Dépendre d'une mono-industrie, de plus soumise à des cycles, si prestigieuse
soit-elle puisqu'il s'agit de la construction d'avions et de satellites, est un
risque pour une région.
Une longue histoire lie Toulouse, Colomiers, Blagnac et la région entière à
l'aéronautique. Personne chez nous ne comprendrait que les atouts, la
prépondérance de la France dans ce domaine se dissolvent dans une structure qui
se préoccuperait d'abord des profits de ses actionnaires.
Nous sommes conscients de la nécessité de la future société européenne, mais
en aucun cas elle ne peut se faire, pour reprendre les termes de M. Le Grand, à
partir d'un démantèlement d'Aérospatiale qui ne conserverait que les secteurs
les moins porteurs, ni au détriment des acquis sociaux et des emplois.
La réussite de l'aéronautique française est la résultante tout à la fois d'une
longue tradition, d'une volonté politique, des efforts de tous, salariés,
contribuables et élus. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, et sur le
gouvernement de Lionel Jospin pour négocier, dans de bonnes conditions pour la
France, le passage à la dimension européenne des ailes françaises.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques
minutes qui me sont imparties pour aborder les crédits consacrés au transport
aérien, à la météorologie et à l'aviation civile étant bien entendu
insuffisantes, j'évoquerai simplement quelques points essentiels.
S'agissant du transports aérien, votre projet de budget, monsieur le ministre,
tranche sur ceux des années précédentes et qui étaient systématiquement à la
baisse.
La multiplication par deux des crédits consacrés à l'industrie aéronautique,
qui s'élèvent à 1,45 milliard de francs en crédits de paiement et à 1,85
milliard de francs en autorisations de programme, constitue une avancée
indéniable et offre, de fait, quelques atouts supplémentaires à Airbus
Industrie face au colosse de l'industrie aéronautique mondiale, Boeing -
McDonnel Douglas.
En revanche, pour ce qui est du budget annexe de l'aviation civile, le
maintien de la subvention de l'Etat au même niveau que l'an dernier confirme la
pression sur les compagnies aériennes qui assurent toujours l'essentiel de ce
budget.
Le contexte de ces crédits est celui de la déréglementation aérienne. Cette
dernière, auquel un groupe s'est opposé depuis des années, a déjà fait des
ravages qui ont jeté des milliers de salariés dans la précarité et le
chômage.
Le ciel d'Europe, monsieur le ministre, est devenu le ciel le plus
concurrentiel au monde et nous serions heureux de connaître votre appréciation
sur cette évolution ainsi que les mesures que vous entendez prendre pour
garantir les intérêts des usagers et des personnels.
Nous nous interrogeons fortement, par exemple, sur la pratique des accords
dits « à ciel ouvert ». Des négociations ont eu lieu pour stabiliser une
situation qui, dans les conditions actuelles, peut changer dans six mois. Nous
souhaitons que, dans le cadre de ces négociations, la pression des compagnies
américaines soit combattue au mieux.
J'évoquerai d'un mot la situation d'Air France.
Nous constatons avec intérêt la stabilisation de la situation de cette grande
entreprise publique, mais il faut tout de même rappeler qu'elle s'est fondée
sur le gel des salaires, sur des restructurations et des suppressions
d'emplois.
Je souhaitais apporter cette précision après avoir entendu, cet après-midi en
particulier, les louanges, à notre sens excessives, dont la politique de M.
Blanc bénéficie sur les travées de la droite !
Pour en revenir au soutien à l'industrie aéronautique, que nous approuvons
pleinement, je salue la continuation du programme de l'Airbus A 340, version
rallongée, ainsi que l'appui à la production du moteur GE 90 par la SNECMA.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer comment un soutien nouveau et
important pourrait être apporté à la recherche technologique supersonique, sur
laquelle la France semble accuser un certain retard ?
La question des aéroports est au centre de l'actualité depuis plusieurs
années. Certains chiffres font état, pour les aéroports parisiens, d'une
augmentation de 10 000 passagers, ainsi que de 55 000 mouvements d'avions
supplémentaires. Face à cette évolution, nous estimons, en premier lieu,
nécessaire de respecter la sécurité des passagers, des usagers et des
personnels. C'est l'une des justifications principales de l'ouverture de deux
pistes supplémentaires à l'aéroport de Roissy. La campagne d'explication sur
une mesure qui inquiète tant les riverains doit être, selon nous,
poursuivie.
Vous avez, monsieur le ministre, annoncé un plan de mesures pour la protection
des riverains et la lutte contre les nuisances. Pouvez-vous nous faire un
premier bilan de votre travail sur ce point ?
Quelles sont, par ailleurs, vos axes de réflexion sur le nécessaire
rééquilibrage entre les aéroports parisiens et ceux de la province, qui peut
aider très efficacement au soulagement de Roissy - Charles-de-Gaulle ?
Pour conclure, monsieur le ministre, en annonçant que nous voterons les
crédits de ces budgets qui marquent un renversement de tendance confirmé et
amplifié l'année prochaine, je note que votre action sera décisive dans les
prochains mois pour sauvegarder, voire développer les atouts dont nous
disposons à l'échelon européen face à la concurrence ultralibérale, notamment
américaine. Notre pays a, en effet, une grande responsabilité vis-à-vis de
l'Europe pour faire prévaloir la notion de service public et d'intérêt général
dans le domaine aérien.
Nous savons que cette conception vous tient à coeur, et vous pourrez compter
sur nous pour vous appuyer avec vigilance en ce sens.
M. le président.
La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans cette
première partie de notre vol de nuit, je mets le cap sur l'évidence.
(Sourires.)
Le transport aérien est non seulement un des grands outils de
l'aménagement du territoire européen et national, il est aussi, et avant tout,
un moyen de transport en forte progression.
C'est dans cet état d'esprit que nous attendons le futur schéma aéroportuaire
qui se redessine, avec le désencombrement de certaines activités qui bloquent
Paris, la mise en place d'une dichotomie entre le fret et le passager et une
meilleure utilisation des aéroports de province, pour libérer le ciel parisien
de ses embouteillages. A ce propos, on relève qu'en 1996 le trafic des
aéroports de province a fortement progressé : le trafic passager augmente de
7,8 % et le trafic du fret de 9,8 %.
Naturellement, je tiens à rassurer tout de suite mes collègues, je n'ai pas
l'intention de leur parler aujourd'hui longuement de l'aéroport Marcel-Dassault
de Châteauroux-Déols.
(Sourires.)
Il va très bien, merci monsieur le ministre, avec sa nouvelle
piste de 3 500 mètres et ses nouvelles installations qui - comme vous l'avez
reconnu ici même, monsieur le ministre, il y a quelques semaines - l'ouvrent
désormais à de nouvelles perspectives et en font à l'évidence, par l'autoroute
et le rail qui le desservent, l'une des meilleures plates-formes centrales de
l'inter-modalité.
Reste que le problème du nombre des aéroports, sans doute limité, et de la
localisation des nouveaux aéroports nationaux demeure. Si le gel des terrains
du futur troisième aéroport de Paris, à Beauvilliers, dans l'Eure-et-Loir,
département si cher à M. Le Grand, peut apparaître comme une préalable prudence
pour la maîtrise des sols, au moyen d'un préalable plan d'occupation des sols
très élargi et très ferme afin que ne se renouvellent pas les inconvénients de
Roissy, il est clair que, pour l'heure, de telles plates-formes sont, dans
notre économie, au-dessus de nos moyens, même si, à l'horizon 2007, le trafic
les impose, avec leurs liaisons ferroviaires et routières forcément dédiées.
Mais laissons à demain ce qui est à demain.
Monsieur le ministre, n'attachez pas votre ceinture, le décollage n'est pas,
en ce domaine, totalement immédiat.
(Sourires.)
Je souhaite plutôt m'arrêter sur un certain nombre de difficultés que
rencontrent aujourd'hui tous les gestionnaires d'aéroport, dont je suis.
Tout d'abord, en ce qui concerne la sûreté du transport aérien, le programme
de transfert des missions assurées par la DICCILEC, la direction centrale du
contrôle de l'immigration et de la lutte contre l'emploi des clandestins, à des
agents privés payés par les gestionnaires d'aéroport pour les contrôles de
sûreté exercés sur les passagers pose, à mon sens, deux problèmes de fond.
Je citerai, premièrement, la pérennité de son financement tel qu'il été arrêté
pour 1998 et qui est assuré à parts égales entre une subvention d'exploitation
aux gestionnaires provenant du budget annexe de l'aviation civile et un
relèvement spécifique de la redevance passagers.
L'expérience acquise dans de multiples domaines atteste que ces subventions
sont rarement pérennes. Or elles permettent d'assurer une péréquation, puisque
les coûts, dont elles couvrent 50 %, sont inversement proportionnels à
l'importance des aéroports, pour des raisons évidentes d'économies d'échelle.
Leur remise en cause serait négative en termes d'égalité des usagers et
d'aménagement du territoire.
En conséquence, il paraît indispensable que ces subventions soient affectées,
au bénéfice des gestionnaires d'aéroport, d'une clef ou d'un dispositif en
assurant la continuité. Cet engagement serait d'autant plus justifié que les
moyens du budget annexe de l'aviation civile ont été considérablement augmentés
ces dernières années, précisément au titre de la sûreté.
Deuxièmement, j'évoquerai le rythme et l'étendue du désengagement de la
DICCILEC, expérimenté à Paris en 1994 et entamé en 1998 sur les aéroports de
Nice, Marseille, Lyon et Toulouse. Il serait utile de tirer la leçon de cette
première phase avant de lancer la seconde, dont le report de 1999 à l'an 2000
permettrait une réflexion sereine sur l'expérience acquise.
Il est par ailleurs vital pour les petits et moyens aéroports qu'ils ne soient
pas touchés par ce programme, sous peine de voir leur existence même menacée.
Les coûts unitaires par passager d'une « privatisation » de la sûreté seraient
tels qu'un financement par les redevances serait totalement exclu.
La deuxième difficulté dont je souhaite vous entretenir concerne
l'harmonisation européenne des taux des redevances, notamment de la taxe de
sécurité.
Si la DGAC, qui approuve les tarifs des aéroports, freine ou bloque les
gestionnaires d'aéroport dans leur volonté d'harmoniser les différents taux des
redevances - aujourd'hui très favorables au trafic national, donc aux
compagnies françaises - elle a bien compris la nécessité et l'enjeu d'un tel
processus : les taux tant national qu'européen de la taxe de sécurité et de
sûreté seront harmonisés en 1998 par une hausse de 43 % du taux national.
Naturellement, cette hausse importante va poser de sérieuses difficultés aux
différents acteurs du transport aérien et notre rapporteur pour avis s'en est
beaucoup inquiété !
Il semble que le projet de directive en cours de discussion laisse jusqu'en
2002 pour réaliser cette opération. Il est impératif que des instructions
soient données aux administrations de tutelle des aéroports en matière
tarifaire pour qu'une telle opération puisse être envisagée progressivement par
les gestionnaires. A défaut, ils se verront condamner à facturer leurs services
communautaires au tarif national, générant ainsi - j'attire votre attention sur
ce point - un important manque à gagner qui retombera en partie sur des
collectivités locales qui les subventionnent déjà très largement.
Par ailleurs, concernant la transposition de la directive 96/67 du 15 octobre
1996 dite « assistance en escale » qui, comme vous le savez, prévoit
l'ouverture du marché de l'assistance en escale, le moins que l'on puisse dire
est qu'elle n'a pas, à ce jour, donné lieu à la concertation attendue. Je pense
que c'est aussi votre sentiment.
Comme l'a très justement relevé notre rapporteur pour avis, M. Jean-François
Le Grand, il est indispensable que le Gouvernement puisse rapidement nous faire
part de ses intentions en la matière. En effet, face à ce texte, les
gestionnaires d'aéroport sont, à juste titre, particulièrement inquiets pour
leur avenir.
La première source d'inquiétude concerne évidemment la gestion des
infrastructures centralisées, le tri des bagages, par exemple. Cette gestion
peut désormais être confiée à une personne autre que le gestionnaire de
l'aéroport. Cela me paraît très regrettable dans la mesure où le démembrement
de l'aéroport risque de préjudicier à sa gestion optimale.
Par ailleurs, concernant la création de « comités des usagers », la directive
européenne prévoit exclusivement leur intervention en matière d'assistance pour
le compte de tiers. Certes, je suis plutôt méfiant vis-à-vis de l'Europe.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'est à moi que
vous le dites ?
(Sourires.)
M. François Gerbaud.
Je sais en effet que nous partageons ces inquiétudes !
(Nouveaux sourires.)
Première difficulté : il est prévu non seulement un seuil de trafic pour
sa création, soit deux millions de passagers ou 50 000 tonnes de fret, mais
également que le comité des usagers devra être créé y compris sur de petits
aéroports recevant quelques milliers de passagers et accueillant une seule
compagnie régulière.
Deuxième difficulté : lorsqu'une restriction du nombre des prestataires
d'assistance sur un aéroport est mise en place, il est prévu que le comité des
usagers donne un avis en vue de leur sélection. Or, la pondération des votes en
fonction du trafic réalisé par chaque transporteur placera inévitablement le
groupe Air France en position majoritaire sur la quasi-totalité des aéroports.
En pratique, cette organisation aurait pour conséquence de demander à Air
France de bien vouloir elle-même choisir son concurrent !
Enfin, concernant la redevance, l'article 16.3 de la directive envisage la
rémunération de l'accès aux installations aéroportuaires. D'ores et déjà, les
sociétés prestaraires d'assistance s'acquittent d'une redevance domaniale dont
la partie fixe est complétée par une partie variable ajustant la redevance à
hauteur des fruits tirés du domaine. Il me semble que ce principe devrait
expressément figurer dans la transposition, monsieur le ministre.
Cette rapide analyse montre que les aéroports, plus particulièrement Roissy et
Orly, sont confrontés à des surcoûts de fonctionnement.
Aéroports de Paris peut répondre sans trop de dommages au cas particulier de
l'assistance en escale par un possible redéploiement dans les services des
personnels ainsi dégagés.
D'autres conséquences en termes financiers peuvent également surgir de ces
initiatives de l'Europe. J'évoquerai en particulier la suppression envisagée,
après présentation au Parlement européen qui a donné son accord de principe, du
commerce hors taxe intra-européen, c'est-à-dire, plus simplement, du commerce
des boutiques et points de vente hors taxe dans les aéroports, les avions et
les bateaux, plus communément connu sous la formule
duty free
.
Créé en 1946, prorogé en 1992, du fait de l'Acte unique, jusqu'en 1999, le
maintien de ce commerce hors taxe est désormais en péril et, du même coup, se
trouve gravement menacée une part importante des recettes des aéroports.
Pour Aéroports de Paris, pris à titre d'exemple, ce commerce hors taxe, très
apprécié des passagers, représente 200 millions de francs de redevance, ce qui
se traduira par une diminution de 200 millions de francs pour les
infrastructures aéroportuaires, puisque toutes les recettes indiquées sont
intégralement réinvesties dans le développement des installations.
Sauf à renoncer à ces adaptations rendues indispensables par la libéralisation
du transport aérien, nécessité serait de recourir, par compensation, à une
augmentation de la redevance passager de 15 %, ce qui est totalement
irréaliste.
Reste qu'au-delà du transport aérien cette décision touchera d'autres secteurs
dont le tourisme, le transport maritime, l'industrie manufacturière et
l'industrie de luxe et qu'elle entraînera la disparition de l'une des plus
belles vitrines de nos produits haute gamme.
Si une telle décision était prise, 23 000 emplois disparaîtraient en France et
toute une industrie de luxe serait menacée. Quant à la viabilité financière de
nombreux aéroports provinciaux, elle serait, elle aussi, menacée.
Au moment où les aéroports sont les premières plates-formes européennes à
fiscalité zéro, comment entendez-vous, monsieur le ministre, vous opposer à
cette tragique mesure qui touche en particulier au coeur du problème, l'emploi
?
Nous souhaitons, pour ce qui nous concerne, que toute prise de décision soit
précédée, comme le commissaire européen concerné s'y était engagé, d'une étude
d'impact économique et social de la disparition de ce commerce hors taxe.
Il semble que ce soit une orientation prise par de nombreux partenaires
européens. Monsieur le ministre, ne restons pas à l'écart !
M. le président.
Monsieur Gerbaud, il vous faut conclure !
M. François Gerbaud.
Si j'ai beaucoup parlé des aéroports, c'est qu'ils sont des outils
d'aménagement du territoire, donc des éléments importants de notre équipement
national.
Telles sont les quelques réflexions que je voulais soumettre à votre
bienveillante attention et à celle de nos collègues, car, à travers elles,
c'est tout l'avenir du transport aérien, en fantastique mutation, qui est en
cause.
Les aéroports sont des éléments essentiels et vitaux de cette grande mutation.
Sans entrer dans le détail, qui pourrait faire l'objet d'un autre vaste et
grave débat, il est clair que l'avenir d'Orly et son adaptation à des besoins
croissants et cependant contenus sont en cause. Disons simplement, mais
gravement, qu'Orly est un des aéroports indispensables aux liaisons intérieures
nationales et qu'il serait fort dangereux que telle ou telle compagnie
nationale envisage de le délaisser.
Dans ce genre de situation, les places ne restent jamais longtemps vides. Pour
le pavillon national, il est dangereux de les ouvrir à de multiples
concurrences.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie vos rapporteurs, MM.
Collin et Le Grand, de la qualité des informations contenues dans leurs
rapports écrits.
Cependant, vous n'en serez pas surpris, je dois dire que je ne partage pas
toutes leurs analyses sur un secteur en pleine expansion qui recèle
d'importantes potientialités, y compris en matière d'emplois.
Le budget de l'aviation civile se compose de trois éléments : la construction
aéronautique, qui relève du budget civil de recherche-développement, le BCRD,
le budget annexe de l'aviation civile, et le fonds de péréquation des
transports aériens.
Le budget de la construction aéronautique est caractérisé, en 1998, par un
accroissement de 24 % des moyens d'engagement. Ce secteur est en effet
fondamental au regard de l'emploi, de notre commerce extérieur et de notre
avenir technologique dans le cadre européen.
Nos industriels doivent pouvoir mener une politique offensive pour occuper des
créneaux trop longtemps désertés et constituer une gamme complète d'avions pour
faire face à l'agression concurrentielle américaine.
Les avances remboursables prévues dans ce budget devront permettre le
développement des programmes : poursuite du soutien au programme Airbus A
330-200 - vous l'avez évoqué, madame Bergé-Lavigne - mais aussi soutien, à
hauteur de plus de 600 millions de francs en moyens d'engagement, à la nouvelle
version A 340-500/600.
Par ailleurs, la recherche proprement dite est stabilisée à 680 millions de
francs en autorisations de programme. L'effort reste donc réel et soutenu en
engagements de crédits et, contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le
rapporteur, il y a non pas baisse de crédits, mais décalage dans le temps -
décalage tout à fait normal - entre les moyens d'engagements et les crédits de
paiement.
Les premières études sur un Airbus très gros porteur, dit A 3 XX, pourront
être lancées.
Enfin, les actions de recherche et de développement dans le domaine des
hélicoptères, des moteurs et des équipements de bord continuent d'être
soutenues. Elles visent, notamment, à réduire le bruit des aéronefs et à
améliorer la sécurité.
La pérennité d'Airbus passe également par une modernisation de ses structures.
Vous savez qu'industriels et gouvernements discutent actuellement les voies
d'un changement de statut générateur d'une plus grande efficacité industrielle.
J'ai bon espoir que ces débats débouchent prochainement, avec les garanties
indispensables pour la place de notre industrie, de nos emplois et de notre
technologie.
Encore faut-il, bien évidemment, que les règles de la concurrence
internationale soient équitables, notamment, monsieur Lefebvre, par rapport aux
Etats-Unis : dans le contexte de la politique de ciel ouvert voulue - je dis
bien « voulue », mais non pratiquée chez eux - par les Etats-Unis en Europe,
j'entends préserver l'intérêt du transport aérien français dans le cadre de la
négociation de l'accord bilatéral avec les Etats-Unis et dans le cadre
communautaire.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement français soutient fermement les
initiatives de la Commission européenne pour parvenir à une interprétation plus
équilibrée de l'accord de 1992, et c'est pourquoi il est particulièrement
attentif à la façon dont les Américains respecteront les engagements qu'ils ont
pris lors de la fusion de Boeing et de McDonnell Douglas.
La position adoptée par la France au moment du projet de fusion a permis
d'accroître le niveau des garanties demandées par l'Europe, même si nous les
avons estimées insuffisantes. En outre, sur notre demande, la Commission s'est
engagée, le mois dernier, à discuter avec les Etats membres l'analyse qu'elle
fait actuellement des contrats passés par Boeing avec Delta et d'autres
compagnies, et les conséquences qu'il conviendra d'en tirer.
Comme vous l'avez souligné, madame Bergé-Lavigne, le renforcement de notre
système d'aides ou d'avances remboursables, la place de l'industrie française
dans la structure Airbus en cours d'évolution sur le plan européen et la
recherche de conditions de concurrence internationale équitables ont des
traductions directes en termes d'emploi dans la construction aéronautique.
Monsieur Collin, je vous ai entendu dire : « Il n'y a qu'à, il faut décider
pour Airbus. » Mais vous savez mieux que quiconque que nous ne sommes pas seuls
! Airbus est actuellement géré par un groupement d'intérêt économique, un GIE,
et, dans ces conditions, nous ne pouvons décider, notamment en matière de
lancement de programmes, sans avoir au préalable discuté. Même si nous
souhaitons agir en la matière, nous devons donc travailler avec nos partenaires
dans le cadre du GIE. Telle est la règle et vous la connaissez mieux que
moi.
Soyez assurés mesdames, messieurs les sénateurs, de mon souci - en tout cas de
celui du Gouvernement - de placer nos possibilités, notre potentiel et nos
emplois comme fil conducteur dans les discussions et les négociations en
cours.
J'en viens au projet de budget annexe de l'aviation civile.
Pour expliquer l'évolution de ce budget, il faut rappeler une donnée
économique essentielle : le trafic aérien augmente au rythme de 5 % à 6 % par
an. Or cette donnée me paraît largement sous-estimée dans votre rapport. Sans
elle, le budget présenté serait inexplicable.
Le budget de l'aviation civile doit accompagner cette évolution, sinon la
précéder, afin de maintenir un haut niveau de sécurité et procéder aux
investissements nécessaires. Une augmentation de 5,9 % de l'enveloppe globale
est donc proposée et le budget s'établit ainsi à 8 469 millions de francs.
Les recettes proviennent d'abord des redevances de navigation aérienne.
Estimées à 5,8 milliards de francs, elles sont en progression de 2,5 % par
rapport au budget voté en 1997. Les taux unitaires des redevances restent
stables en francs constants et sont parmi les plus bas des pays à fort trafic
en Europe.
La différence par rapport à l'accroissement du trafic s'explique par une
diminution en moyenne de la taille des aéronefs et par un rattrapage d'un taux
de redevance légèrement surestimé en 1996.
L'évolution de la deuxième recette, la taxe de sûreté, tient compte de deux
éléments.
D'une part, la nécessaire mise en conformité avec le droit communautaire. Le
tarif national est remplacé par le tarif intracommunautaire de 14 francs ; le
taux extracommunautaire de 29 francs se substitue au taux international de 21
francs.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Mais cela ne compense pas les 39 % !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je vais parler
des 39 %, ne vous inquiétez pas ! Mais j'ai bien dit : « d'une part » !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
J'attends l'autre part !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
D'autre part,
une majoration de 6 francs est appliquée pour tenir compte du besoin de
financement du budget annexe.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
On y est !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mais vous avez
oublié la première partie !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Pas du tout ! Pas dans mon rapport !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mais si, vous
l'avez oubliée !
Monsieur le rapporteur pour avis, vous voyez dans cette mise en conformité un
prétexte à l'augmentation de la redevance. Je ferai remarquer que ramener le
tarif intracommunautaire au tarif national, conformément aux engagements
antérieurement pris, conduit strictement à moduler le tarif extracommunautaire,
selon les chiffres présentés.
La majoration proposée est effectivement de 39 %. Elle était nécessaire pour
couvrir des investissements de sécurité et de sûreté, qui avaient pris du
retard.
Cette solution, messieurs les rapporteurs, m'a paru préférable au recours à
l'emprunt, qui aurait accru l'endettement du budget annexe.
Je dois préciser que, même après augmentation, le niveau de la taxe de sûreté
est plutôt inférieur à ce qu'il est dans les Etats voisins et aux
Etats-Unis.
A cet égard, il n'est pas inutile, me semble-t-il, de faire quelques
comparaisons. Ainsi, le Royaume-Uni vient de doubler sa taxe, ce qui porte
celle-ci à 100 francs en intracommunautaire, contre 20 francs désormais en
France, et à 200 francs en international, au lieu de 35 francs en France. Ces
montants sont sans commune mesure, vous en conviendrez, avec les évolutions de
notre taxation, que je souhaite maintenir dans des limites raisonnables.
Enfin, la subvention d'équilibre a été maintenue au niveau de 1997, soit 215
millions de francs.
S'agissant des dépenses de fonctionnement, un effort sensible a été fait pour
les limiter.
Toutefois, les moyens qui concourent à la sécurité doivent suivre l'évolution
du trafic. Ainsi, en 1998, il est prévu de créer 106 emplois.
Je dirai quelques mots sur les dépenses de personnel qui ont été évoquées par
M. Collin. Le 3 novembre dernier, j'ai signé avec la plupart et les plus
importantes des organisations syndicales de la direction générale de l'aviation
civile, la DGAC, un nouvel accord avec non seulement avec les contrôleurs
aériens, mais aussi avec l'ensemble des catégories de personnels.
Je peux me féliciter - les clients et les compagnies aériennes avec moi - du
fait que ce grand rendez-vous a été réussi sans recours à la grève.
Dans le passé, l'inverse, c'est-à-dire des perturbations importantes et
coûteuses pour le transport aérien - je peux les chiffrer si vous le souhaitez
- avaient été la règle lors de la préparation de ces protocoles.
J'ai placé ce protocole sous le signe de la priorité à l'emploi : sur trois
ans, 776 embauches seront réalisées, soit 452 créations d'emplois nettes,
essentiellement dans le secteur des emplois nécessaires au développement des
capacités opérationnelles de la navigation aérienne. Ramené à l'effectif total,
l'accroissement est inférieur au taux d'évolution du trafic, ce qui est un
signe de la poursuite de l'amélioration de la productivité du service.
Le protocole d'accord qui vient d'être signé représente 5 % de la masse
salariale de la direction générale de l'aviation civile. Il est près de moitié
moins coûteux que celui de novembre 1994. La provision prévue dans le projet de
budget pour 1998 permet de couvrir les dépenses correspondantes.
Je tiens à souligner deux points importants à ce sujet.
La voie est tracée pour les trois années qui viennent à un niveau qui a été
calé sur l'évolution du trafic aérien : en trois ans, un peu plus de 200
millions de francs sont prévus par ce protocole et, je l'ai dit tout à l'heure,
ils sont majoritairement destinés à des créations d'emplois.
La conclusion heureuse de ce dossier est passée inaperçue du grand public,
d'autant plus qu'elle a eu lieu au moment du conflit routier.
Cela illustre la méthode de travail de ce Gouvernement qui utilise la
concertation comme moyen primordial de dénouer les conflits.
Les investissements vont concerner en premier lieu la navigation aérienne,
avec la poursuite de la rénovation des équipements et la modernisation des
centres de contrôle. Une nouvelle génération de matériels de contrôle va être
mise en service, de même que les nouveaux simulateurs permettant d'assurer la
formation des contrôleurs.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez souhaité une meilleure cohérence
entre les programmes nationaux et internationaux.
Les actions entreprises ont justement pour objectif, au-delà de la fourniture
d'outils adéquats et performants aux contrôleurs, d'assurer la contribution
française au sein d'Eurocontrol dans le cadre d'une coopération active. C'est,
je crois, ce que vous souhaitez, les uns et les autres.
Concernant la sûreté aéroportuaire, les crédits présentés permettront, après
la mise en oeuvre des contrôles d'accès sur les aérodromes, de l'inspection et
du filtrage des passagers et des bagages à main, de lancer un programme de
contrôle des bagages de soute selon les normes édictées.
Ce programme financé par la taxe de sécurité et de sûreté permettra
d'atteindre un taux cohérent de sûreté de 100 % à une échéance de l'ordre de
cinq ans, ce programme étant mené en coordination avec les gestionnaires
d'aérodromes.
La question a été posée du transfert des missions d'inspection et de filtrage
de la DICCILEC vers les gestionnaires d'aérodromes.
Cette mission reste en tout état de cause sous le contrôle des agents de
l'Etat. Ce transfert a déjà eu lieu sur les aéroports de Paris depuis 1993 et
il sera étendu en 1998 aux quatre plus grands aéroports, ce qui explique une
part de l'augmentation de la taxe de sécurité et de sûreté. Des étapes
ultérieures seront envisagées, en accord avec mon collègue le ministre de
l'intérieur.
La question des boutiques hors-taxes a aussi été évoquée. Il faut se rappeler
qu'une directive européenne claire, adoptée en 1992 dans le cadre des mesures
d'harmonisation sur la TVA intracommunautaire, entre normalement en application
en 1999.
M. François Gerbaud.
Il y a des risques !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur
Gerbaud, permettez-moi d'apprécier votre hostilité farouche à toute forme de
privatisation. Nos positions se rapprochent.
Cette directive relative aux boutiques hors-taxes inquiète à juste titre les
gestionnaires d'aérodromes. Je dois en effet signaler que nous nous heurtons au
même problème pour le trafic transmanche en ce qui concerne les ferries,
Je suis intervenu sur cette question dès la première réunion à laquelle j'ai
participé. C'était au mois de juin et je venais d'être nommé ministre des
transports.
Au conseil des ministres des transports à Luxembourg, mon collègue danois a
soulevé ce problème et je l'ai soutenu en demandant qu'une étude sérieuse soit
menée sur les conséquences potentielles de ces deux directives. Je suis
d'autant plus conscient de la difficulté que c'est notre pays qui accueille le
plus de touristes au monde. C'est dire qu'une telle situation va frapper
particulièrement notre pays.
M. Jean-François Le Crand,
rapporteur pour avis.
Sachez-le, 41 % des produits vendus dans le monde
sont français !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Absolument !
Mais, si vous le voulez, nous en reparlerons.
Je crois d'ailleurs avoir déjà évoqué cette question en commission des
finances et en commission des affaires économiques et du Plan.
Comme l'échéance est en 1999, j'ai l'intention de tout mettre en oeuvre pour
essayer de faire avancer des propositions et des solutions qui permettent
d'éviter à certains secteurs d'être en très grande difficulté.
Cette bataille n'est pas facile : la directive a été prise, l'accord signé, et
comme nous sommes le pays le plus intéressé, les autres n'ont pas tendance à
s'apitoyer sur notre sort. Mais croyez-moi, monsieur Gerbaud, je veille.
M. François Gerbaud.
il y a encore un vote à l'unanimité à obtenir au niveau de l'Europe ! Par
conséquent, votre combat est parfaitement opportun.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mais, courant
1999, la France assurera la présidence du Conseil des ministres européens.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Sauf si le Gouvernement a changé d'ici là !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
On ne sait
jamais !
(Sourires.)
J'en reviens aux problèmes juridiques. Le budget annexe de l'aviation
civile peut en poser un certain nombre, notamment celui de la
constitutionnalité de l'affectation d'une taxe à un budget annexe et celui de
l'importance relative des redevances et de la taxe qui alimentent ce budget.
Le budget annexe est, en soi, une exception à la règle de l'universalité
budgétaire prévue par l'ordonnance du 2 janvier 1959. Aux termes de cette
ordonnance, les activités couvertes par un budget annexe doivent être financées
en grande majorité par des redevances pour services rendus. Voilà la règle !
Les redevances de navigation représentent près de 84 % du budget annexe de
l'aviation civile. La taxe de sécurité et de sûreté ne représentera que 16 % de
sa section d'exploitation. Il me semble que l'ordonnance est donc pleinement
respectée.
Pour élaborer ce budget annexe, des choix ont été faits.
La subvention du budget général au budget annexe est stabilisée à 215 millions
de francs, je l'ai dit. C'est une satisfaction par rapport aux années
antérieures, qui avaient enregistré une diminution de l'intervention
publique.
J'ai eu le souci de limiter l'augmentation des redevances en même temps que
celui de maîtriser le recours à l'emprunt. Si l'on ne tient pas compte du
financement du nouveau siège de la direction générale de l'aviation
civile...
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
L'augmentation est donc de 18,77 % si l'on en tient
compte !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
rapporteur pour avis, en ce qui vous concerne, vous avez tenu des propos tout à
fait responsables et vous avez rendu hommage au rôle de la direction générale
de l'aviation civile.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Absolument ! Nous avons rendu hommage à la
direction générale de l'aviation civile et à son directeur.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je n'ai pas
rencontré une telle attitude à l'Assemblée nationale quand j'ai présenté le
budget.
Permettez-moi de vous remercier d'avoir tenu des propos d'une telle force sur
la direction générale de l'aviation civile, sur son directeur et sur ses
personnels. Les personnels et les cadres de cette direction méritent, en effet,
non pas d'être attaqués, mais d'être reconnus, parce qu'ils jouent un rôle
important.
Pour ce qui est du siège de cet organisme, j'ai souvent entendu des critiques.
Mais savez-vous que cette réalisation va nous permettre d'économiser les 50
millions de francs de loyer annuel que nous devons actuellement verser, faute
d'être propriétaires des lieux ?
Ce nouveau siège, c'est un acte de rationalité et d'économie, et le recours à
l'emprunt sera ramené de 924 millions de francs à 912 millions de francs entre
1997 et 1998.
J'ai bien noté, monsieur le rapporteur spécial, votre souci, qui rejoint
d'ailleurs tout à fait le mien, quant à l'endettement du budget annexe de
l'aviation civile.
L'approche pluriannuelle de votre rapport pour caractériser cette question est
effectivement la bonne.
C'est une école de responsabilité pour nous tous qui avons à faire les bons
arbitrages entre le présent et l'avenir.
C'est un exercice difficile pour le transport aérien, qui est souvent enclin à
privilégier le court terme, c'est-à-dire l'endettement, pour alléger les
financements qui lui sont imputés.
Alors, monsieur le rapporteur spécial, comment pouvez-vous à la fois vous
alarmer de l'endettement du budget annexe de l'aviation civile et proposer
d'aggraver cet endettement en refusant de porter les ressources définitives de
ce budget, c'est-à-dire la taxe de sécurité et de sûreté, au niveau qui
convient.
Il y a là une contradiction. Mais il m'a fallu la résoudre.
La Haute Assemblée refuse l'augmentation de la taxe de sécurité et de sûreté.
Elle propose ainsi de réduire de 335 millions de francs - rien de moins - la
recette provenant de cette taxe.
L'augmentation est totalement justifiée par les besoins de financement des
investissements, notamment dans les secteurs de la sécurité et de la sûreté.
Par ailleurs, malgré cette hausse, le niveau de taxe reste, en France, très
raisonnable par rapport à ce qu'il est chez nos voisins.
Le troisième élément qui caractérise le budget de l'aviation civile est le
fonds de péréquation du transport aérien, qui a été également évoqué.
Il s'agit d'un compte d'affectation spéciale, qui a fait l'objet d'un vote le
3 décembre. Il permet de subventionner des liaisons déficitaires dans l'intérêt
de l'aménagement du territoire et dans le respect de la réglementation
communautaire.
Le taux de la taxe de péréquation avait été fixé trop haut lors de la création
du fonds en 1995. Compte tenu du niveau des besoins, il a été possible de le
ramener progressivement à 1 franc, sans mettre en cause la capacité
d'intervention du fonds. Sur quarante-trois liaisons répondant aux critères
d'éligibilité, vingt-neuf sont ou seront aidées.
Je compte, avec Mme Voynet, proposer au prochain comité de gestion du
fonds,...
M. François Gerbaud.
Qui aura lieu la semaine prochaine.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... en y
associant les parlementaires, un bilan de l'action du fonds depuis sa création,
ce qui nous permettra d'y voir plus clair, et le lancement d'une étude sur
l'intérêt de faire évoluer les critères d'interventions de ce fonds. Je suis
persuadé que M. Gerbaud partage cette démarche.
M. François Gerbaud.
Tout à fait !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Comme vous le
suggérez, monsieur Le Grand, il conviendra d'identifier les marges de manoeuvre
envers la réglementation communautaire, que nous pourrons utiliser au bénéfice
de l'aménagement du territoire.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Absolument.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Par ailleurs,
monsieur Gerbaud, vous avez souhaité la privatisation d'Air France.
Je ferai une première remarque : comme vous ne pouvez l'ignorer, une analyse
sérieuse de la situation d'Air France n'aurait pas permis aujourd'hui une telle
opération. Mais si je n'ai pas voulu privatiser Air France, ce n'est pas par
dogmatisme, c'est parce qu'il n'y a aucune bonne raison de le faire.
M. Habert m'a également interrogé sur ce point tout à l'heure.
Pourquoi n'y a-t-il aucune bonne raison ? D'abord - mais cela, j'espère que
vous le savez - parce que la Commission européenne n'a jamais fait de la
privatisation une condition de la recapitalisation de l'entreprise, simplement
parce que l'article 222 du traité de Rome le lui interdit.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
C'est exact, mais ce n'est pas là que se situe le
débat !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'est clair,
c'est simple.
Après avoir entendu ce qui se disait - peut-être ici d'ailleurs - la
Commission elle-même a démenti avoir exigé la privatisation. Voilà la
situation.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
C'est exact.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Cette
privatisation n'est pas davantage indispensable aux futures alliances
internationales.
M. Josselin de Rohan.
C'est vous qui le dites ! On verra bien !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Monsieur le ministre, sur ce point nous sommes
complètement en désaccord.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Parce que vous
ne lisez pas tout et que vous ne suivez pas l'actualité.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Relisez mon rapport !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Laissez-moi
achever, monsieur Le Grand, je vous ai écouté.
La privatisation n'est pas indispensable aux futures alliances
internationales. En effet, moins de 15 % des alliances entre compagnies
aériennes s'accompagnent d'échanges de participations. Cela veut donc dire que
plus de 85 % des alliances ne s'accompagnent pas d'échanges de participations
!
Puisque vous insistez, monsieur Le Grand - j'ai sous les yeux le schéma que
vous m'avez remis...
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Je l'ai même dédicacé !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... et que j'ai
examiné avec beaucoup d'intérêt - je vais vous dire une chose.
Lorsque nous nous sommes réunis, vous m'avez tous dit sans exception qu'il
fallait absolument privatiser si l'on voulait renforcer les alliances.
Pourtant, Continental Airlines, avec qui nous avons avancé sur la question des
alliances, est plus que jamais convaincu d'avoir « choisi le bon partenaire » -
il s'agit d'Air France.
De façon générale, Continental ne tient pas pour absolument nécessaire de
nouer des accords capitalistiques avec de possibles partenaires ; cependant, le
groupe de Houston n'aura guère d'hésitation à faire une entorse à ce principe
si Air France en a besoin. « Bien que cela ne soit pas obligatoire à nos yeux
pour développer une alliance commerciale, nous serions - il s'agit toujours de
Continental - tout à fait disposés à prendre une petite participation dans le
capital d'Air France,...
M. Josselin de Rohan.
Ils sont bien bons !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
A moins qu'ils ne soient prudents !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... si celui-ci
pense que c'est nécessaire. »
Vous voyez, monsieur Le Grand, ce n'est pas du tout ce que vous racontez, et
cela fait partie des arguments qu'il est indispensable de mettre sur la table
quand on discute.
Voilà donc ce qu'a indiqué M. Gordon Bethune, le PDG de Continental Airlines.
Si vous ne me croyez pas, lisez le journal
Les Echos
d'aujourd'hui. Ce
n'est pas parce que ses responsables savaient que je parlerais devant vous,
monsieur Le Grand, que ce journal a sorti cette information !
Cela étant, je ne suis pas hostile, et je l'ai dit, à une ouverture
minoritaire du capital d'Air France, notamment pour répondre à ses éventuels
alliés, et pour respecter, comme cela a été dit dans la discussion, les
engagements pris à l'égard des salariés.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Exactement !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mais Air France
doit demeurer une entreprise de service public avec un capital majoritaire du
secteur public.
Selon moi, la question principale est le redressement de la compagnie, son
rayonnement et son développement. L'ouverture du capital n'est pas une fin en
soi, mais un moyen, parmi d'autres, de ce redressement et de ce rayonnement.
Un autre moyen est l'appui que j'ai apporté à la compagnie nationale pour
faciliter des alliances, par mon action internationale, notamment aujourd'hui
par la négociation avec les Etats-Unis sur le trafic aérien. M. Lefebvre, en
particulier, a évoqué cette importante question.
Monsieur Gerbaud, vous avez évoqué la place de Châteauroux dans le schéma
aéroportuaire. Madame Bergé-Lavigne, vous souhaitez que ce schéma s'appuie sur
la diversité des équipements aéroportuaires.
S'agissant de la décision de construire deux pistes supplémentaires à Roissy,
j'ouvre une parenthèse pour vous faire remarquer que presque tous les groupes
que j'ai rencontrés, majorité et opposition confondues, étaient pratiquement
d'accord sur une telle réalisation. Mais quand j'ai pris la décision, les avis
étaient plus réservés ; c'est la règle du jeu, c'est normal !
M. François Gerbaud.
J'ai toujours dit clairement que j'approuvais votre décision.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Peut-être vous,
monsieur Gerbaud, c'est possible, mais vous étiez assez isolé !
Cela dit, j'ai tenu à situer ce développement dans un cadre plus large
incluant effectivement la réflexion sur l'opportunité d'un troisième aéroport
ou celle de l'utilisation des aéroports de province, et celle des aéroports de
fret comme Vatry ou Châteauroux.
Le débat à venir prochainement - au premier semestre 1998 - sur la révision de
la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire
permettra d'avancer.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
rapporteur pour avis, j'ai bien noté dans votre rapport votre proposition
relative au Conseil supérieur de l'aviation marchande, que vous présidez.
La réflexion sur la réforme de ce conseil a été menée. J'ai déjà eu l'occasion
de vous exprimer ma volonté de l'orienter, au-delà de ses missions
traditionnelles, vers un rôle de conseil économique et social du transport
aérien.
Ce Conseil pourra compter de façon effective sur les moyens de
l'administration.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Je vous remercie.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Pour conclure,
permettez-moi, monsieur le rapporteur spécial, de réagir avec vivacité aux
termes de votre rapport spécial sur le caractère inadapté de la formule du
budget annexe et sur sa situation de crise, pour reprendre les termes de votre
rapport.
En effet, au-delà des arguments que vous exposez sur l'interprétation de
différents articles de l'ordonnance organique de 1959, de quoi s'agit-il ?
En réalité, c'est l'économie du transport aérien, c'est la croissance, qui
finance ce budget annexe. Ce choix a été fait en 1985, puis en 1992, pour
asseoir les moyens de la DGAC sur le trafic aérien, et il a été maintenu
depuis. Il préserve ce service public des régulations budgétaires auxquelles
l'ancienne majorité s'est parfois fait un malin plaisir de procéder, au mépris
de l'emploi et de la croissance.
Cette technique budgétaire a des avantages grâce, en particulier, à la
capacité d'emprunter dont a été pourvu ce budget.
Les investissements ont pu être portés aux niveaux nécessaires,
essentiellement en matière de contrôle de la circulation aérienne, mais aussi
en matière de sûreté et d'infrastructures aéroportuaires.
Par ailleurs, des politiques de recrutement et de rémunération adaptées ont pu
être mises en place pour que la continuité et la qualité de ce service public
sensible soient préservées. Il ne vous a certainement pas échappé que l'accord
que j'ai signé avec les personnels de la DGAC au début du mois de novembre l'a
été dans le calme et sans perturbation pour le transport aérien français.
En définitive, ce budget annexe est un outil de gestion moderne permettant de
rapprocher les coûts du service public de l'activité du secteur économique du
transport aérien. Cet outil fonctionne dans sa structure actuelle en respectant
les textes fondamentaux. J'ai la volonté de faire du budget annexe un outil
encore plus dynamique au service du transport aérien.
Enfin, et pour terminer, je vous indique que les concours de l'Etat à
Météo-France seront stabilisés l'an prochain à hauteur de 1,16 milliards de
francs, ce qui est en conformité.
Avec ses recettes propres, Météo-France aura donc les moyens de développer sa
puissance de calcul sur le climat et de moderniser les équipements
informatiques des services déconcentrés.
S'agissant du nouveau satellite météorologique sur orbite polaire, participant
au programme Eumetsat avec dix-sept autres pays, la France a pris toutes
dispositions pour contribuer à son lancement.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments dont je souhaitais
vous faire part, tout en mesurant combien nous devons travailler ensemble sur
ces questions majeures en ayant dans la tête, et peut-être aussi dans le coeur,
cette idée essentielle : notre pays, dans ce domaine, dispose d'atouts
extraordinaires qu'il faut valoriser et enrichir.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.).
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial.
Monsieur le président, mon rapport ayant été mis en
cause, je souhaite apporter un certain nombre d'éléments de réponse.
Monsieur le ministre, vous avez contesté les analyses de la commission des
finances sur les crédits de recherche-amont, alors que cet avis est très
largement partagé par les différents orateurs.
Vous avez procédé, sur ce point, je veux le rappeler, à l'annulation de 169
millions de francs de crédits de recherche-amont en 1997. Vous affichez, pour
1998, 680 millions de francs d'autorisations de programme, mais seulement 450
millions de francs de crédits de paiement. Il s'agit, à l'évidence, d'une
diminution.
Monsieur le ministre, vous avez ensuite parlé de nos partenaires du programme
Airbus. Indiquez-nous quelles sont leurs positions, et redites-moi quelle est
la vôtre, car je ne l'ai pas bien comprise.
Le troisième point concerne la taxe de sécurité et de sûreté. Vous rouvrez un
débat qui a déjà été clos ici. Si vous nous dites que le produit de la taxe
sert à couvrir les dépenses de sécurité, je ne comprends pas comment 1 182
millions de francs sont nécessaires pour couvrir 215 millions de francs de
dépenses.
Je vous demande également de m'indiquer comment vous financez l'augmentation
considérable des charges...
(Protestations sur les travées socialistes.)
M. le président.
Monsieur le rapporteur spécial, vous êtes en train de relancer le débat. Je
vous prie d'être vraiment très concis.
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial.
Je vais m'y efforcer, monsieur le président.
Pouvez-vous m'indiquer, monsieur le ministre, comment vous financez
l'augmentation considérable des charges d'amortissement financier, qui vont
rapidement passer de 330 millions de francs à un milliard de francs ?
Pouvez-vous nous préciser la programmation financière et nous dire quelle sera
la hausse de la taxe de sécurité et de sûreté ?
Vous avez affirmé que les Etats-Unis étaient en train d'augmenter leurs taxes
aériennes et qu'elles atteignaient un niveau supérieur à celui que nous
connaissons en France. Je serais donc heureux, monsieur le ministre, que vous
puissiez me préciser le montant des redevances de navigation aérienne aux
Etats-Unis. Je l'avoue, je suis curieux de connaître la réponse.
Par ailleurs, puisque vous êtes si sûr de la constitutionnalité de
l'affectation de la taxe au budget annexe, je vous rappelle que, voilà deux
ans, le Conseil constitutionnel avait invalidé une disposition contre laquelle
nous vous avions mis en garde.
(M. le ministre manifeste son étonnement.)
Enfin, sur Air France, vous ne m'avez pas répondu. Air France a annoncé
devoir dépenser 40 milliards de francs sur cinq ans pour procéder à des
investissements nécessaires. Comment la compagnie les financera-t-elle ?
M. René Régnault.
On repart pour un tour !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je ne veux pas
reprendre le débat, d'autant que je crois avoir apporté déjà beaucoup de
précisions sur certains des points que vous avez abordés.
En ce qui concerne la différence entre les autorisations de programme et les
moyens de paiement, vous le savez bien, c'est toujours la règle du jeu qui
s'applique en ce domaine.
S'agissant des investissements nécessaires au développement d'Air France, une
volonté politique a été exprimée. Comment seront-ils financés ? Pour ma part,
j'attends d'un rééquilibrage des comptes de la compagnie, car celle-ci doit
parvenir à dégager des bénéfices, des possibilités d'autofinancement.
J'ajoute que rien n'interdit ni n'interdira à l'Etat, en tant qu'actionnaire
majoritaire, de prendre sa part à des investissements.
J'ai parlé de l'ouverture du capital de cette entreprise, qui doit néanmoins
demeurer dans le secteur public ; cette ouverture peut également être la source
de nouvelles capacités de financement. (
Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. René Régnault.
Très bien !
M. le président.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant le transport aérien et la
météorologie, inscrits à la ligne « Equipement, transports et logement »,
seront mis aux voix le dimanche 7 décembre, à la suite de l'examen des crédits
affectés au tourisme.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 218 120 651 francs. »
Par amendement n° II-66, M. Lambert, au nom de la commission des finances,
propose de réduire ces crédits de 3 090 477 francs.
La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy,
au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Si vous le permettez, monsieur le président, je
présenterai également l'amendement n° II-67.
M. le président.
Je suis en effet saisi d'un amendement n° II-67, présenté par M. Lambert, au
nom de la commission des finances, et tendant à réduire ces mêmes crédits de 13
339 234 francs.
Veuillez poursuivre, monsieur Trucy.
M. François Trucy,
au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-66 tend à
réduire les crédits du transport aérien et l'amendement n° II-67 à réduire ceux
de la météorologie.
Tous deux correspondent à la philosophie des amendements de réduction qui ont
été présentés précédemment.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Le Gouvernement
est défavorable à ces deux amendements.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-66.
M. Pierre Lefebvre.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Ces amendements de réduction de crédits sont en contradiction avec les
interventions des rapporteurs et des orateurs de la majorité sénatoriale. Mais
nous avons maintenant l'habitude de cette démarche incohérente. Bien entendu,
nous voterons contre l'amendement n° II-66, ainsi que contre l'amendement n°
II-67.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-66, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-67, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 3 829 596 637 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 7 311 176 000 francs ;
« Crédits de paiement : 3 850 677 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 8 264 547 000 francs ;
« Crédits de paiement : 3 122 311 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget
annexe de l'aviation civile et figurant aux articles 32 et 33.
Services votés
M. le président.
« Crédits : 7 312 251 960 francs.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 32 au titre des services
votés.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mesures nouvelles
M. le président.
« I. - Autorisations de programme : 1 763 950 000 francs ;
« II. - Crédits : 1 157 216 213 francs. » Par amendement n° II-93, M. Lambert,
au nom de la commission des finances, propose, dans le paragraphe II de
l'article 33, de remplacer la somme : « 1 157 216 213 francs » par la somme : «
822 216 213 francs ».
La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy,
au nom de la commission des finances.
Cet amendement, qui est de
coordination avec le vote intervenu au Sénat en première partie sur l'article
20 du projet de loi de finances pour 1998, vise à réduire le montant des
crédits des chapitres de la section d'exploitation du budget annexe de
l'aviation civile.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Cet amendement
prévoit de réduire de 3 millions de francs la subvention du budget général au
budget annexe de l'aviation civile. Or il n'est pas conforme aux dispositions
régissant la procédure de vote des lois de finances.
En effet, cette réduction des dépenses du budget général susceptible d'être
votée pendant l'examen de la deuxième partie de la loi de finances a pour
conséquence directe une réduction des recettes du budget annexe de l'aviation
civile. Une telle réduction de recettes ne peut être votée que pendant l'examen
de la première partie de la loi de finances ou au moment du vote de l'article
d'équilibre.
Ainsi, il semble que l'amendement de la commission des finances, au-delà de
son caractère déraisonnable et du fait qu'il remet en cause certains aspects
fondamentaux du service public, ne soit pas conforme au droit budgétaire.
M. le président.
Monsieur le ministre, je vous fais observer que le vote est bien intervenu en
première partie et qu'il s'agit là d'une coordination.
Cet amendement peut donc être mis aux voix.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
De toute façon, nous sommes majoritaires !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-93.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Bien sûr, monsieur Le Grand, vous êtes majoritaires, mais on peut tout de même
discuter !
Depuis le début de la discussion du projet de loi de finances, la majorité
sénatoriale est à la recherche de 21 milliards de francs d'économies. Avec une
régularité de métronome, elle nous propose des amendements coupant ici et là
dans les différents budgets, cela sans beaucoup de sérieux et avec beaucoup
d'irresponsabilité.
M. Jacques Machet.
Merci !
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Puisqu'elle sait qu'elle n'échafaude qu'une construction virtuelle, la
majorité sénatoriale ne se préoccupe pas des conséquences de ses choix et
ignore totalement les attentes des Français.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Ah non !
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Ainsi, on a supprimé des crédits sur l'emploi et des crédits sur la
formation.
Les crédits que vous nous demandez de réduire ce soir, chers collègues de la
majorité, servent à financer principalement les dépenses de fonctionnement qui
concourent à la sécurité et à la sûreté aériennes.
Je ne comprends pas que vous proposiez de réduire cette subvention alors
qu'elle ne représente que 2,5 % du budget annexe de l'aviation civile et que
l'ensemble des parlementaires, toutes tendances confondues - M. le ministre l'a
fort bien souligné tout à l'heure -, déplorent chaque année le désengagement de
l'Etat dans le financement du budget annexe de l'aviation civile. Il y a là une
incohérence !
Mme Hélène Luc et M. René Régnault.
Très bien !
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Dans la mesure où cette contradiction ne concerne que vous, chers collègues de
la majorité, le groupe socialiste votera contre cet amendement qui vise à
réduire la participation de l'Etat aux dépenses de la navigation aérienne, car
ce qui est en jeu, en l'occurrence, c'est la sécurité du transport aérien.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-93, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, au titre des mesures nouvelles, les autorisations de
programme inscrites au paragraphe I de l'article 33 et les crédits, modifiés,
inscrits au paragraphe II de l'article 33.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant le
transport aérien, la météorologie et le budget annexe de l'aviation civile.
IV. - MER
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la mer.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. René Régnault,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour la marine marchande.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la mer ne vaut pas
une messe, elle vaudra peut-être quelques minutes d'explications de la part du
rapporteur spécial !
Le budget de la marine marchande correspond au fascicule « Mer » du budget de
l'équipement, des transports et du logement, abstraction faite des crédits
consacrés aux ports maritimes, dont mon éminent collègue vous entretiendra dans
un instant.
Ainsi définis, les crédits inscrits au budget de la marine marchande pour 1998
s'élèvent à 5,6 milliards de francs ; ils sont donc stables par rapport au
budget de 1997.
On peut regretter que, pour 1998, des moyens supplémentaires n'aient pas été
attribués au secteur maritime, qui représente un atout essentiel pour la
compétitivité mais aussi pour l'équilibre économique et la position stratégique
de notre pays. Cependant, ces crédits avaient diminué de 1 % en 1997. Ce budget
marque donc une stabilisation.
Les crédits affectés à l'administration générale représentent 8 % du budget de
la marine marchande et sont en hausse de 11 % par rapport à 1997.
Cette hausse intervient après une diminution sensible en 1997, résultant
principalement de la fusion des services généraux de la mer avec ceux de ses
deux ministères d'accueil, à savoir celui de l'équipement et celui de
l'agriculture.
Les crédits consacrés aux gens de mer représentent 2 % du budget de la marine
marchande. La diminution de 14 % de cet agrégat s'explique entièrement par la
diminution des crédits consacrés aux dépenses d'action sociale, qui est
elle-même une opération de vérité budgétaire.
En effet, les dépenses engagées au titre de l'allocation compensatrice, qui
assure un revenu de remplacement aux marins âgés de plus de cinquante ans
licenciés pour raison économique, sont réduites de 45 millions de francs en
1997 à 20 millions de francs pour 1998.
Cette très forte diminution, pour surprenante qu'elle soit, s'explique par
l'existence d'une convention entre l'Etat et l'UNEDIC. Elle est justifiée par
l'existence prévisible d'un report de 40 millions de francs à la fin de 1997,
ce qui permettra d'ajuster convenablement les crédits nécessaires.
D'un montant de 4,6 milliards de francs en 1997, la subvention d'équilibre de
l'Etat à l'Etablissement national des invalides de la marine, l'ENIM,
représente à elle seule 82 % du budget de la marine marchande.
Les prévisions pour l'exercice 1998 traduisent donc une stabilité de la
subvention de l'Etat, qui représentera la moitié du budget de l'ENIM. Le budget
global de cet établissement s'élève, lui, à 9,25 milliards de francs pour
1998.
Dans le cadre de la réforme des services de la mer, l'ENIM, qui était jusqu'à
présent une direction d'administration centrale gérant un établissement public
administratif, devait devenir un établissement public administratif de plein
exercice, soumis à la tutelle de l'Etat.
Une nouvelle phase de concertation a été engagée sur ce projet afin de
préciser le statut du futur établissement public.
La situation actuelle des personnels de l'établissement demande à l'évidence
d'être clarifiée : les 569 emplois de l'ENIM se répartissent en 323 emplois sur
le budget général « Mer », 179 emplois sur le chapitre de subvention à l'ENIM
et 67 emplois sur le budget de l'ENIM proprement dit.
Monsieur le ministre, je vous remercie de la réponse que vous m'avez transmise
il y a quelques jours concernant cet établissement et l'évolution de son
statut. Je serais heureux que, tout à l'heure, devant la Haute Assemblée, vous
nous disiez quelques mots à ce sujet.
Les crédits consacrés à la signalisation et à la surveillance maritimes
représentent 2 % du budget de la marine marchande.
L'année 1998 verra ainsi la modernisation du parc de bouées en métropole et la
modernisation de la flottille dans le cadre d'un plan étalé sur huit ans, rendu
possible par l'accroissement des moyens d'investissement consacrés à la
signalisation.
La subvention de la Société nationale de sauvetage en mer, la SNSM, est
maintenue à 4 millions de francs en fonctionnement et à 9,6 millions de francs
en équipement. En 1998, la SNSM pourra ainsi poursuivre son plan de
modernisation avec la mise en service de quatre canots tout temps et de deux
vedettes légères. Entre 1995 et 1997, douze canots et neuf vedettes ont ainsi
été mis en service, permettant le renouvellement de la flotte.
Je me réjouis de cet effort de modernisation dans ce domaine très important.
En effet, un nombre croissant de nos compatriotes, adeptes de la navigation de
plaisance, mais sans être toujours pourvus d'une expérience suffisante de la
mer, s'exposent à certains risques, ce qui donne lieu à des interventions de
plus en plus fréquentes de la Société nationale de sauvetage en mer.
Les crédits consacrés à la protection et à l'aménagement du littoral
représentent seulement 0,3 % du budget de la marine marchande. Cependant, les
moyens affectés à la lutte contre la pollution accidentelle du littoral et de
la mer s'accroissent.
Les moyens consacrés à la protection des zones littorales contre l'érosion
marine sont renforcés grâce à un doublement des autorisations de programme.
Cette dotation devrait permettre la poursuite du contrat de plan concernant la
région picarde et de nouvelles opérations de confortation sur le littoral.
Je souhaite toutefois connaître vos intentions, monsieur le ministre, en ce
qui concerne les schémas de mise en valeur de la mer, dont un seul, jusqu'à ce
jour, est allé à son terme, responsabilité qui ne saurait vous être imputée.
Quels sont les projets en cours de finalisation et quels moyens leur seront
accordés ?
Enfin, les crédits consacrés à la flotte de commerce représentent 6 % du
budget de la marine marchande. Pour 1998, ils diminuent en crédits de paiement,
pour s'établir à 283 millions de francs.
Les subventions à la flotte de commerce diminuent de 14 %, pour s'établir à
173 millions de francs.
Il faut noter que ce chapitre fait régulièrement l'objet d'importantes mesures
de régulation : l'arrêté du 9 juillet 1997 a annulé 25 % des autorisations de
programme et 10 % des crédits de paiement.
Il convient toutefois de rappeler que, comme chaque année, le collectif
budgétaire - nous l'examinerons dans quelques jours - propose l'inscription
d'une dotation de 97 millions de francs, correspondant au remboursement par
l'Etat de la part maritime de la taxe professionnelle.
En conclusion, je formulerai maintenant quelques observations.
Tout d'abord, je me réjouis de constater que l'effort en faveur de la
formation maritime se poursuit. Il s'agit d'un effort significatif.
L'an dernier, les crédits consacrés à la formation maritime
via
l'AGEMA, l'Association pour la gestion des écoles maritimes et aquacoles,
ont augmenté de 5,7 %. L'effort devrait se poursuivre puisque les crédits
s'établiront à 77 millions de francs, soit une hausse de 3,3 % par rapport à
1997.
L'augmentation des moyens consacrés à la formation maritime s'explique à la
fois par la modernisation en cours du réseau scolaire et par la progression
continue des effectifs.
En effet, les formations sont en cours de rénovation, car l'année 1998 sera
marquée par l'entrée en vigueur des textes réglementaires qui imposent un
nouveau système de communication et de sécurité en mer.
Mais, surtout, les effectifs des écoles d'enseignement maritime continuent de
croître. Pour 1998, 917 élèves officiers sont attendus dans les quatre écoles
nationales de la marine marchande, soit une hausse de 10 % par rapport à 1997.
Les effectifs des écoles maritimes et aquacoles connaissent une véritable
explosion depuis trois ans, puisqu'ils ont augmenté de 44 %.
Il serait bienvenu, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez la politique
que vous entendez mener en direction de l'enseignement maritime, notamment si
vous envisagez de donner des moyens supplémentaires aux écoles de formation,
dont les effectifs sont en très forte progression.
Bien que l'effort réalisé en faveur de la sécurité maritime soit manifeste
dans le projet de budget pour 1998, il serait souhaitable qu'il soit maintenu
durablement.
Le domaine de la sécurité maritime a, en effet, connu des évolutions majeures
depuis quelques années.
Les autorisations de programme pour 1998 connaissent une hausse de 30 %.
De nouvelles dispositions en matière de sécurité des vraquiers devraient être
adoptées en novembre prochain lors d'une conférence internationale de l'OMI.
Par ailleurs, le code international de la gestion de la sécurité entrera en
vigueur à compter de 1998.
Au regard de normes de sécurité exigeantes, le contrôle des navires est assuré
par les inspecteurs et contrôleurs des quinze centres de sécurité des navires,
avec le concours des unités des affaires maritimes.
Dans le cadre du mémorandum de Paris, vingt-sept postes supplémentaires
d'inspecteurs étaient prévus. Si cet objectif n'est pas encore atteint, le
projet de budget pour 1998 prévoit la création de cinq postes d'inspecteur et
de sept postes de contrôleur.
Votre rapporteur spécial se réjouit des efforts déployés en faveur des gens de
mer.
Envisagez-vous, monsieur le ministre, de nouvelles créations d'emplois ou des
redéploiements dans ce domaine ?
Comptez-vous poursuivre la généralisation de l'implantation sur le littoral
des unités littorales des affaires maritimes qui apportent leur concours au
contrôle des navires et de la navigation ?
Enfin, je souhaite aborder un thème plus que jamais à l'ordre du jour : la
situation et l'avenir de la flotte de commerce.
Alors que le plan marine marchande s'achève, l'année 1998 doit être celle
d'importantes modifications dans les régimes de soutien à la flotte de commerce
française.
Le projet de loi de finances pour 1998 supprime le dispositif d'encouragement
fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de
commerce, c'est-à-dire le système des quirats.
Je sais, monsieur le ministre, que vous travaillez activement, avec votre
collègue de l'économie, des finances et de l'industrie, à la mise en place d'un
nouveau dispositif qui permette le redressement de notre flotte de commerce.
Nous serons attentifs aux indications que vous voudrez bien nous apporter à cet
égard.
Depuis la reprise de la Compagnie générale maritime, la CGM, par la Compagnie
maritime d'affrètement, la CMA, pour une somme symbolique de 20 millions de
francs, le nouveau groupe se place au quatorzième rang mondial, avec une
soixantaine de navires et quelque 17 000 conteneurs.
L'effectif du groupe s'élève à 2 443 personnes, dont 334 pour la CMA, mais il
devrait décroître, d'après ce qui est prévu.
Votre rapporteur spécial, se gardant cependant de tout pessimisme, considère,
d'une part, qu'il est trop tôt pour dégager un bilan correct de cette mutation,
mais d'autre part, qu'il convient d'être vigilant et réaliste.
En conclusion, la commission des finances du Sénat vous demande d'adopter les
crédits du projet de budget de la marine marchande pour 1998.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Massion, rapporteur spécial.
M. Marc Massion,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour les ports maritimes.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est non pas
l'importance du projet de budget des ports qui, selon moi, justifie un rapport
spécial, mais l'importance que ceux-ci doivent revêtir dans l'aménagement du
territoire et dans le développement économique de la France, donc de
l'emploi.
Ils constituent un atout majeur qui mérite une réelle prise en compte par les
pouvoirs publics. En effet, les ports ne sont pas seulement des points de
transit. Leur dynamisme génère de nombreuses activités industrielles et
commerciales, qui contribuent à l'équilibre des régions dotées d'une façade
maritime et à l'essor économique de l'ensemble de notre pays.
Or, depuis plusieurs années, il faut malheureusement constater que l'activité
des ports français connaît un déclin significatif, en raison, tant d'une
diminution tendancielle du transport maritime au profit du transport routier,
que de détournements de trafic au profit des ports de l'Europe du Nord.
Malgré un redressement perceptible en 1996 et surtout visible en 1997,
l'ensemble du trafic portuaire français s'élève seulement à 298 millions de
tonnes en 1996, c'est-à-dire qu'il représente à peine le trafic du seul port de
Rotterdam.
Les ports français subissent les effets à la fois de la concurrence
européenne, de la réforme de la politique agricole commune et du développement
du trafic lié au tunnel sous la Manche, conduisant à des retournements de
situation qui fragilisent l'équilibre financier des ports.
Face à cette situation, l'engagement de l'Etat avait tendu à se réduire, alors
que le budget consacré aux ports maritimes, de l'ordre de 600 millions de
francs, était déjà fort modeste.
En tant que rapporteur spécial des crédits des ports maritimes, je ne peux dès
lors que me réjouir de constater que la loi de finances pour 1998 rompt avec la
diminution des crédits accordés aux ports français et je souhaite que ce budget
soit l'amorce d'un effort financier continu dans l'avenir.
Je vous exposerai donc les grandes caractéristiques de ce budget avant de
faire quelques observations et de formuler quelques interrogations.
Le budget des ports maritimes correspond à l'essentiel de l'agrégat « ports
maritimes et littoral » du fascicule mer du budget de l'équipement, des
transports et du logement.
Ainsi définis, les crédits inscrits au budget des ports maritimes pour 1998
s'élèvent à 592,7 millions de francs, soit une hausse de 1 % par rapport au
budget voté de 1997.
Cette hausse rompt donc nettement avec la diminution de 3,1 % enregistrée l'an
dernier, qui faisait elle-même suite à une baisse dans le budget de 1996.
Les dépenses ordinaires du budget des ports maritimes sont en progression de
1,3 % ; elles s'élèvent à 437 millions de francs pour 1998.
Parmi celles-ci, les dépenses de fonctionnement sont destinées aux ports non
autonomes directement gérés par l'Etat.
Avec une dotation de 43 millions de francs, ces crédits destinés à l'entretien
des chenaux d'accès, des avant-ports et des infrastructures de base des ports
d'intérêt national augmentent de 14,2 % par rapport au budget voté en 1997. Ces
crédits seront essentiellement consacrés à la réalisation d'opérations de
rétablissement de profondeur, indispensables à la sécurité des accès
nautiques.
Les dépenses d'intervention sont destinées à l'entretien courant des six plus
grands ports de métropole.
Ce chapitre, qui représente à lui seul les deux tiers du budget des ports
maritimes, est reconduit en 1998 à son niveau de 1997, soit 394 millions de
francs. Il serait souhaitable, monsieur le ministre, que l'engagement
budgétaire soit plus significatif dans les années à venir. C'est, en effet,
dans ces ports que se réalise l'essentiel du trafic et c'est sur eux que pèse
surtout la concurrence européenne.
Les dépenses en capital, de 155 millions de francs, progressent de 13,6 % en
moyens d'engagement, mais sont stables en moyens de paiement. Cette
revalorisation est donc un gage pour l'avenir et devra être confirmée.
L'essentiel des dépenses en capital est constitué des crédits pour les
investissements de capacité et de modernisation dans les ports maritimes de
métropole : 25 millions de francs supplémentaires en crédits d'engagement
seront destinés à accélérer la mise en oeuvre des opérations inscrites dans les
contrats de plan Etat-région.
Enfin, les crédits d'équipement pour les ports maritimes outre-mer s'élèvent à
13,4 millions de francs en crédits de paiement et les crédits consacrés aux
études sont stables et s'établissent à 1,18 million de francs en crédits de
paiement.
Je ferai maintenant quelques observations sur ce projet de budget.
Tout d'abord, il faut souligner qu'il va dans le bon sens, car il institue une
rupture dans le désengagement de l'Etat.
Depuis plusieurs années, l'Etat a diminué ses subventions en se situant
nettement en retrait par rapport aux dispositions du code des ports maritimes
et en obligeant, en conséquence, les établissements portuaires à substituer au
financement par l'Etat un financement par les collectivités locales et leur
budget propre.
Par ailleurs, les difficultés financières auxquelles sont confrontés les ports
français les ont conduits à réaliser d'importants efforts d'ajustement, qui se
traduisent aujourd'hui par un redressement de 20 % de leur capacité
d'autofinancement, un aménagement de leur dette et une modération de leurs
coûts tarifaires.
Ces efforts sont essentiels pour restaurer leur compétitivité, mais ils
seraient insuffisants et vains si l'Etat ne faisait pas face à ses
obligations.
Il importe, monsieur le ministre, que l'engagement budgétaire en faveur des
ports soit à la hauteur de leurs besoins et de leurs efforts.
Vous aurez à coeur, j'en suis sûr, de donner des engagements afin que la
revalorisation des crédits, prévue dans le projet de budget pour 1998, soit
effective et que des mesures d'annulation ne viennent pas, en cours d'année,
supprimer les augmentations de crédits accordées, comme cela s'est produit
régulièrement ces dernières années.
M. Henri Weber.
Très bien !
M. Marc Massion,
rapporteur spécial.
Il est, en outre, nécessaire que ce mouvement se
prolonge et amène une véritable rénovation de la politique portuaire
française.
En effet, il est certain aujourd'hui que le soutien de l'Etat ne saurait être
exclusivement budgétaire. Il importe qu'il engloble des actions déterminées en
faveur d'enjeux décisifs pour la compétitivité des ports français.
Je formulerai à ce titre deux interrogations.
Une réforme portuaire doit être menée. Elle passe non pas obligatoirement par
une loi, mais plutôt par le souci constant du Gouvernement d'intégrer le
nécessaire développement de nos ports dans toutes les initiatives qui les
concernent, notamment les réseaux de transport et l'aménagement du
territoire.
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez les grands axes de
cette réforme, qu'il est indispensable et urgent de concrétiser.
Par ailleurs, l'un des enjeux fondamentaux pour la compétitivité des ports
français est la desserte terrestre, en particulier la desserte ferroviaire.
La desserte terrestre des ports maritimes est aujourd'hui plus que jamais
essentielle, car c'est sur ce mode de transport que peuvent être réalisés les
plus importants gains de productivité. Les autorités publiques ont, en effet,
un rôle essentiel à jouer dans la réalisation des infrastructures.
Un certain nombre d'actions ont été engagées en matière de desserte routière.
Je souhaite vivement que la construction de la liaison complète
Abbeville-Rouen-Alençon-Tours soit le plus rapidement possible réalisée. Vous
comprendrez, monsieur le ministre, qu'un parlementaire de Seine-Maritime, élu
local de l'agglomération rouennaise, insiste particulièrement sur ce point.
Mais j'ai bien entendu les explications que vous avez été conduit à donner, à
plusieurs reprises, cet après-midi.
En matière de fret ferroviaire, les retards pris en la matière imposent plus
que jamais une politique volontariste du nouvel établissement public Réseau
ferré de France et cette politique devra impérativement s'inscrire dans un
cadre européen.
En effet, les institutions communautaires envisagent de mettre en place des
corridors de fret ferroviaires dès 1998.
Les premiers projets examinés n'incluaient pas les ports maritimes français.
Il est donc impératif de développer des propositions qui permettent d'insérer
nos ports dans ce nouveau réseau européen de transport de fret et, surtout,
d'orienter ce réseau vers un axe ouest-est, reflet des potentialités de
développement du trafic portuaire français, alors qu'actuellement c'est l'axe
sud-nord qui est priviliégié, y compris dans les transports fluviaux, avec le
projet du canal Seine-Nord, ce qui ajoute aux difficultés de nos ports du Nord
et du Nord-Ouest.
Je me suis rendu récemment dans les ports de l'Europe du Nord, à Rotterdam et
à Anvers, dans le cadre d'une mission d'information sur la situation des ports
maritimes français dans la concurrence européenne. Les ports d'Europe du Nord
bénéficient d'avantages décisifs par rapport aux ports français.
M. Henri Weber.
C'est vrai !
M. Marc Massion,
rapporteur spécial.
D'abord, ils bénéficient, bien qu'ils s'en défendent,
de soutiens publics massifs. Le projet « Rotterdam 2010 » représente ainsi 300
milliards de francs, dont 30 milliards de francs d'investissements de l'Etat en
infrastructures portuaires, ferroviaires et routières. Ces chiffres montrent
l'écart considérable entre la politique portuaire de la France et celle de nos
principaux concurrents européens.
Ensuite, les ports d'Europe du Nord développent des projets d'intégration
européenne cohérents. Le Gouvernement néerlandais a fait inscrire la
réalisation d'une voie ferrée de fret entre Rotterdam et la Ruhr au titre des
quatorze projets d'infrastructures de transports européens prioritaires. Le
port belge d'Anvers a fait inscrire un projet de desserte ferroviaire du port
d'Anvers vers le Rhin.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer les projets que vous entendez
promouvoir dans le cadre du développement des transports de fret ferroviaire à
l'échelon européen ?
Je tiens à saluer l'effort réalisé en matière de passage portuaire. Pour 1998,
la mise en oeuvre du programme européen « Douane 2000 » d'harmonisation des
procédures douanières devrait être une priorité de la direction générale des
douanes et des droits indirects.
Il convient également que l'harmonisation des procédures vétérinaires et
phytosanitaires, dans le même souci d'efficacité et de sécurité, permette de
mettre au même niveau les conditions de concurrence entre les ports
européens.
Enfin, monsieur le ministre, j'attire avec insistance votre attention sur les
distorsions de concurrence d'origine fiscale en Europe. Une action forte doit
être menée à l'échelon européen pour que des règles soient établies et,
lorsqu'elles le sont, pour exiger qu'elles soient respectées par tous les
pays.
En conclusion, la commission des finances vous propose, mes chers collègues,
d'adopter les crédits du budget des ports maritimes pour 1998.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Rocca Serra, rapporteur pour avis.
M. Jacques Rocca Serra,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne disposant
que de cinq minutes pour donner l'avis de la commission des affaires
économiques sur le budget de la marine marchande et celui des ports maritimes,
je ne reviendrai pas sur les crédits inscrits au titre de ces deux budgets. Ils
ont été fort bien et amplement commentés par MM. Régnault et Massion. Je
précise simplement que le budget de la mer est pratiquement reconduit pour
l'année 1998. En revanche, je formulerai trois observations.
Tout d'abord, permettez-moi de rappeler que la marine marchande et les ports
maritimes constituent pour la France, comme l'a indiqué tout à l'heure,
monsieur le ministre, un outil stratégique de première importance, notamment
pour la préservation de son indépendance nationale, ce dont les précédents
budgets n'ont pas su prendre la mesure.
Il importe de redonner à la France une grande ambition maritime. Je rappelle
que le Président de la République a déclaré qu'il était « particulièrement et
personnellement attaché à une grande politique de la mer ».
Ce budget se révèle donc nettement insuffisant pour atteindre l'objectif
fixé.
Il est inutile, par ailleurs, de rappeler à quel point ce secteur est
déterminant aussi en termes économiques et en termes d'emploi.
C'est pourquoi la quasi-reconduction des crédits votés l'année dernière
témoigne que ce projet de budget est, hélas ! dépourvu de ce « souffle » qui
avait fait naître, l'an dernier, l'espoir de le voir nettement augmenter en
1998.
Ma deuxième observation concerne la décision du Gouvernement de supprimer le
régime fiscal des quirats, qui avait pour objectif de relancer l'investissement
sous pavillon national et d'enrayer le déclin de la flotte de commerce
française. Je sais, monsieur le ministre, que vous n'y êtes pour rien dans
cette décision, mais je me devais de le rappeler.
Après seulement un an d'existence, le nouveau dispositif fiscal a eu des
effets extrêmement encourageants : 10 % de la flotte française ont été
renouvelés ; l'investissement maritime a plus que doublé et 550 emplois de
navigants et de sédentaires ont été créés, alors que 300 pertes d'emplois de
navigants étaient enregistrées chaque année entre 1990 et 1995.
Les commandes induites par la réforme des quirats ont permis de maintenir 4
700 emplois dans la construction navale et neuf navires sont actuellement en
construction dans les chantiers navals français.
Tous ces arguments ont été déjà longuement analysés par mes collègues lors de
la discussion de l'article 8 de ce projet de loi de finances, et je n'ignore
pas que le Sénat a adopté deux amendements de conciliation pour préserver,
autant que possible, un soutien impératif et nécessaire à notre flotte de
commerce.
Il n'en demeure pas moins que la décision de supprimer les quirats me paraît «
gravissime » et obère toute perspective à court terme de voir notre pays doté
d'une flotte digne de son rang dans le monde.
Ma troisième observation - et je sais que vous n'y êtes également pour rien -
concerne la desserte fluviale puisqu'il s'agit de l'abandon du projet de mise à
gabarit européen de la liaison fluviale Rhône-Rhin. Vous savez que j'y tiens
beaucoup et j'aborderai ce sujet chaque fois que je serai dans cet
hémicycle.
Je ne reviendrai pas sur l'intérêt stratégique, économique, touristique,
écologique, sans parler des incidences en termes d'emplois, qu'il y avait
d'achever le canal à grand gabarit Rhône-Rhin.
Cette liaison nord-sud est capitale pour notre pays. Après le voeu manifesté
par tous les Présidents de la Ve République, sans exception, la représentation
nationale l'avait bien compris puisque, à l'unanimité de tous les groupes
parlementaires, elle avait décidé, dans la loi d'orientation pour l'aménagement
et le développement du territoire du 4 février 1995, l'achèvement et le
financement de cette liaison.
Cette décision avait été prise après une longue réflexion inspirée, en
particulier, par l'exemple de la liaison Rhin-Main-Danube qui organise, depuis
1992, toute l'Europe fluviale de Rotterdam à Constanza, isolant la France des
grands flux européens. Elle remet en cause l'avenir des ports fluviaux de
Strasbourg, de Mulhouse et de Lyon et anéantit toute réelle perspective de
développement pour « l'interland » de Marseille. Elle aurait permis, en outre,
d'oxygéner l'Arc Latin, à partir duquel la France pouvait conforter sa
politique méditerranéenne.
Le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a, brutalement
et sans aucune concertation, annoncé l'abandon de ce projet remettant ainsi en
cause la parole de l'Etat et le vote du Parlement.
S'agissant de cette liaison Rhône-Rhin comme des quirats, il n'est pas bon
pour la démocratie que la parole de l'Etat, clairement exprimée selon les
procédures légitimes de nos institutions, puisse être remise en cause à chaque
changement de majorité. Elle ne peut être sujette à caution ni à
réinterprétation permanente au gré des bouleversements politiques.
Telles sont donc, monsieur le ministre, les observations que je souhaitais
présenter.
La commission des affaires économiques et du Plan a décidé, contrairement à la
commission des finances, d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits
de la mer dans le projet de budget du ministère de l'équipement, des transports
et du logement pour 1998.
(MM. Josselin de Rohan et François Trucy applaudissent.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques
instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante, est reprise à vingt-trois
heures quarante-cinq.)
M. le président.
La séance est reprise.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 18 minutes ;
Groupe socialiste, 8 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber.
Monsieur le ministre, en ce qui concerne le projet de budget de la mer que
vous nous présentez aujourd'hui, je voudrais examiner les deux axes essentiels
que sont, d'une part, la marine marchande et, d'autre part, les ports
maritimes.
S'agissant de la marine marchande - cela a été dit et répété - les crédits
sont stables par rapport à 1997 ; 8 % de ce budget sont affectés à
l'administration générale, soit une hausse de 11 %. La sécurité en mer est
l'objet d'une attention croissante et un effort particulier est fait en ce
domaine avec le renforcement en personnel des centres de sécurité des navires
et le renouvellement des moyens de signalisation maritime.
La formation et les écoles de marine marchande sont également l'objet d'un
soin particulier. En effet, après la hausse de 5,7 % des crédits l'an passé,
l'augmentation sera, cette année, de 3,3 %, et les crédits s'établiront à 76,7
millions de francs. La modernisation du réseau scolaire et la progression
continue des effectifs justifient ces efforts.
S'agissant du délicat problème des quirats, qui a été évoqué par les orateurs
qui m'ont précédé à cette tribune, l'absence de solutions de rechange à ce
système est en effet préoccupante quant à l'avenir de la flotte battant
pavillon français.
Certes, le repli de notre flotte de commerce, dont les conséquences en termes
d'emplois sont évidentes, remonte aux années soixante-dix.
Certes, le système des quirats était loin d'être parfait, c'est un euphémisme,
et présentait même d'évidents défauts : son coût est exorbitant - 5 millions de
francs par emploi créé ! - le nombre de navires mis en construction dans les
chantiers navals français est faible, et il s'agit d'un cadeau fiscal
injustifiable accordé aux plus gros contribuables aux dépens des petits
épargnants.
Certes, il s'agissait d'un privilège inconciliable avec l'idée que nous nous
faisons de la justice. Mais il faut absolument que soit proposé un système de
substitution, et ce dans les plus brefs délais, quitte à ce que soit envisagé,
à titre transitoire, un soutien fiscal. Hier, lors de l'examen du projet de
budget de l'industrie, j'ai évoqué la concurrence venue des pays
d'Extrême-Orient. Elle rend ce soutien plus que jamais nécessaire.
Pour en finir sur ce sujet, je tiens à vous rappeler, monsieur le ministre, la
proposition de résolution présentée par ma collègue Mme Marie-Madeleine
Dieulangard sur la proposition de règlement du Conseil établissant de nouvelles
règles pour les aides à la construction navale.
Dans cette proposition de résolution, elle formule trois demandes au
Gouvernement. D'abord, elle lui demande de s'opposer à la disparition
automatique des aides aux commandes le 31 décembre 2000 ; ensuite, elle lui
demande d'obtenir, au sein du Conseil, un réexamen du régime d'aides à la
construction navale en l'an 2000, la suppression éventuelle des aides au
contrat ne pouvant être décidée qu'après un examen approfondi de la situation
de la construction navale européenne et des conditions de concurrence au niveau
mondial aura été effectué. Enfin, elle lui demande d'obtenir de la commission
européenne la réalisation d'une étude évaluant le montant de l'ensemble des
aides publiques, directes ou indirectes, qui sont accordées à l'industrie de la
construction navale dans chacun des Etats membres de l'Union.
J'en viens au projet de budget consacré aux ports maritimes. Les crédits
inscrits pour 1998 s'élèvent à 592,7 millions de francs, soit une augmentation
de 1 % par rapport au budget voté en 1997. Des efforts importants ont été
consentis pour la plupart des ports maritimes afin de réduire leur déficit
d'exploitation. En regard de ces efforts, je suis heureux de constater,
monsieur le ministre, que votre projet de budget marque un arrêt dans la
diminution des crédits en faveur des ports enregistrée ces dernières années.
La stabilisation des dotations pour les crédits d'entretien et d'exploitation
est également satisfaisante, de même que l'augmentation de 14 % des crédits
concernant la rénovation du patrimoine des ports autonomes et des ports
d'intérêt national. Cette augmentation des autorisations de programme pour les
dépenses d'investissement de capacité et de modernisation des ports répond au
voeu de tous ceux qui souhaitent redonner à notre pays une grande ambition
maritime.
J'en viens, enfin, à la question qui me préoccupe plus particulièrement, celle
des projets de réaménagement du port du Havre.
La croissance rapide et régulière du trafic conteneurs de ce port et la
saturation prévisible de ses installations vers 2001 ont conduit à
l'élaboration du projet « Le Havre port 2000 », qui prévoit une première
tranche de travaux visant à créer 700 mètres de quais en eau profonde avec ses
terre-pleins d'accompagnement, puis ultérieurement une seconde tranche
identique.
L'importance de ce projet pour l'avenir de la ville du Havre, des régions de
Haute-Normandie et de Basse-Normandie et, plus largement, de l'ouest de la
France, son impact sur l'emploi dans une région très touchée par le chômage -
35 000 emplois directs et indirects dépendent du port - doivent conduire l'Etat
à suivre avec attention et à accompagner avec diligence la réalisation de ce
projet crucial.
Je rappelle, à ce titre, que la compétition, déjà évoquée par le rapporteur
spécial M. Massion, entre le port du Havre, premier port à l'import ou dernier
port à l'export rencontré sur la Manche par les navires desservant l'Europe du
nord-ouest, et les ports de la mer du Nord est vive, et que ceux-ci ont
également d'ambitieux programmes de développement et qu'ils ont en effet déjà
commencé à les réaliser. Soutenir ce projet impose que, à l'issue du débat
public de quatre mois qui vient d'être lancé, l'Etat en étudie très vite les
résultats afin d'arrêter sa position et de permettre le lancement des études et
des réalisations.
Ce projet, monsieur le ministre, d'un coût prévisionnel, oscillant suivant les
options entre quelque 1,3 milliard de francs et 2,2 milliards de francs, doit
démarrer en 1999.
Nous souhaitons connaître le calendrier des prévisions d'inscription de
crédits de financement de l'Etat permettant de réaliser cet équipement.
Pour que ce projet soit parfaitement opérationnel, les dessertes du port du
Havre doivent être améliorées. Compte tenu des délais de mise en oeuvre du
programme portuaire, la programmation de la réalisation de ces dessertes doit
anticiper celle des travaux du port. Il s'agit des liaisons autoroutières A 28
et A 29, dont il a été beauooup question cet après-midi, ainsi que du
contournement ferroviaire de Paris par le Nord. Cette desserte permettrait
également, comme cela a été dit, d'améliorer la compétitivité du port de Rouen
en lui offrant la desserte de Reims, de Metz ou du sud de l'Allemagne.
Pouvons-nous, sur ces deux points, connaître l'état d'avancement des dossiers
?
Nous attendons les précisions que vous voudrez bien nous apporter. Cela étant
dit, monsieur le ministre, nous voterons votre projet de budget.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, responsable
de recherche en neurophysiologie pendant dix ans, j'ai pu apprécier le haut
degré de la technologie française et son rayonnement mondial, mais,
parallèlement, j'ai constaté la progressive disparition du matériel français
dans les laboratoires que je fréquentais.
Me consacrant ensuite à la neurochirurgie, je crois pouvoir dire que notre
place en cette discipline, comme dans celles qui y étaient associées, figurait
dans le groupe de tête, mais alors qu'à mes débuts le matériel français était
en pointe dans l'instrumentation, la neuroradiologie, l'électronique, la
respiration artificielle et la surveillance informatique, il a disparu de nos
hôpitaux et de ceux des pays étrangers, comme les machines-outils en un autre
domaine.
Quel rapport ces considérations ont-elles avec notre débat actuel ? J'y viens,
monsieur le ministre.
Durant la troisième phase de ma carrière, devenu maire de Marseille, ville
portuaire et maritime, j'ai assisté à la poursuite d'un déclin français plus
qu'inquiétant en ces activités, comme en celles de la construction et de la
réparation navale. Monsieur le ministre, Vous n'êtes évidemment pas
responsable...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'est sûr !
M. Robert-Paul Vigouroux.
... de ce véritable effondrement d'un tel secteur économique, pourvoyeurs
d'emplois, qui touche non seulement la Méditerranée, mais aussi l'ensemble de
nos côtes atlantiques, de la Manche, de la mer du Nord.
On ne peut pas jouer le rouge et le noir, m'a-t-on répondu par le passé ; la
France ne peut pas tout conserver, elle doit promouvoir des secteurs
florissants, qui la mettent en bonne place s'agissant de la compétitivité.
En matière maritime, la concurrence est devenue trop sévère et les regards se
tournent vers les pays d'Extrême-Orient ou d'autres pays à main-d'oeuvre bon
marché, qui se sont hissés cependant dans les hautes sphères de la
technologie.
Toutefois, ce raisonnement ne tient plus si nous regardons l'essor de pays
européens, dont certains, comme l'Allemagne, n'ont pas un réel passé de
suprématie maritime.
Il n'est pas dans mes intentions de polémiquer sur le présent projet de
budget. Je voudrais plus franchement poser une question de confiance concernant
notre avenir maritime. S'il est désiré, comment le défendre réellement ? La
réponse devrait être positive sur le devenir de cet ensemble, alors que les
échanges commerciaux augmentent sans cesse, selon une courbe impressionnante,
que la voie maritime est loin d'être abandonnée et que, à l'intérieur des
terres, le rendement de la grande voie fluviale Rhin-Danube a largement dépassé
les prévisions les plus optimistes.
Monsieur le ministre, nous parlons sans cesse d'essor économique, de
croissance et d'emploi. Nous comptons sur vous pour défendre ce secteur
maritime par trop abandonné.
Vous avez augmenté les crédits des ports maritimes et je vous en sais gré. Le
soutien à la marine marchande reste en discussion et aboutira, je l'espère, à
une meilleure efficacité.
Cependant, les décisions générales dépassent, en réalité, le projet de budget
que nous examinons aujourd'hui, car il s'agit d'une option dont les modalités
restent à définir.
Cela étant dit, à titre personnel et comme la majorité des membres de mon
groupe, je suivrai vos propositions.
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de
la mer est, comme chacun le sait, essentiellement constitué des dépenses
inscrites au titre IV concernant le financement par l'Etat du régime de
retraite de la marine marchande.
Sur un volume budgétaire de 6 212 millions de francs, ce sont en effet près de
4 600 millions de francs qui sont dévolus au financement de l'Etablissement
national des invalides de la marine.
La discussion du budget de la mer nous offre donc plutôt l'opportunité de nous
interroger sur la politique maritime de notre pays et sur les questions posées
par le développement éventuel de la filière maritime. Le débat sur ces
questions est d'autant plus important que nous sommes, en la matière, un peu à
la croisée des chemins.
La première partie du projet de loi de finances comportait en effet, entre
autres mesures, la suppression du régime des quirats, dont l'efficacité
économique et sociale pour notre filière maritime n'a pas été manifestement
prouvée.
Pour autant, la position adoptée par le gouvernement précédent en ce domaine
traduisait dans les faits une orientation dont nous avons déjà souligné à de
multiples reprises l'aspect contradictoire.
En effet, devant la forte pression des Etats-Unis dans les négociations
commerciales internationales, les pays d'Europe acceptent, à notre sens, un peu
trop facilement, depuis plusieurs années, de renoncer à l'aide budgétaire
directe en faveur de certains secteurs d'activité donnés - la filière maritime
n'en étant qu'un parmi d'autres - pour y substituer une aide de caractère
fiscal, qui fait s'interroger sur la portée de l'action publique.
En effet, on ne peut plus, dans ce cadre, savoir ce qui est important, si
c'est l'aide que cette dépense fiscale apporte au secteur ou si c'est l'aide
que cette dépense fiscale apporte aux particuliers qui optimisent ainsi leur
déclaration d'impôt.
L'expérience des quirats est assez parlante puisqu'elle a notamment consisté à
favoriser le développement de l'emploi dans les chantiers sud-coréens et celui
de la marine marchande battant pavillon de complaisance.
M. René Régnault,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Pierre Lefebvre.
En clair, avec ce système, nous avons favorisé la destruction de l'emploi dans
les chantiers navals français et la poursuite de la réduction de la part de
notre flotte marchande sur les mers du globe !
Cela pose une nouvelle exigence.
Le développement de notre filière maritime est, de notre point de vue,
parfaitement justifié. La France est en effet, et de loin, le pays d'Europe
ayant la plus grande façade maritime, et ce d'autant plus lorsque l'on y ajoute
le domaine maritime situé autour de nos départements et territoires
d'outre-mer.
Cet atout doit donc être valorisé, et il importe de poser les conditions
nouvelles d'une intervention publique en faveur de la construction navale et de
la relance de notre marine marchande.
J'observe d'ailleurs, dans le cadre de ce projet de budget, une première
inflexion dans ce sens, puisque de premiers efforts sont par exemple fournis
sur les crédits du titre V, notamment en faveur de la sécurité et de la police
maritimes ou des infrastructures portuaires.
Nous ne pouvons donc qu'inviter le Gouvernement à prolonger cet effort et à
mettre en oeuvre dans les délais les meilleurs, en consultant l'ensemble des
parties prenantes - je pense, en particulier, aux élus locaux des zones
portuaires, comme aux professionnels et aux gestionnaires d'infrastructures -
sur les perspectives et les moyens d'une politique ambitieuse de relance de
notre filière.
M. René Régnault,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Pierre Lefebvre.
Le chemin qui s'ouvre devant nous est long. Il passe également par une
négociation au plus haut niveau, européen et international, mais il mérite,
compte tenu de notre tradition maritime et de la place de notre pays dans le
monde, d'être emprunté sans tarder.
Telles sont les observations que je souhaitais formuler à l'occasion de
l'examen des crédits de la mer.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année qui
s'écoule, comme celle qui s'annonce, est une année sombre pour la communauté
maritime française.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Oh !
M. Josselin de Rohan.
Le projet de budget du ministère de l'équipement, des transports et du
logement, dans son volet consacré à la mer, en est une éloquente
illustration.
En termes très justes, M. le rapporteur pour avis de la commission des
affaires économiques et du Plan a évoqué la nécessité pour la France de nourrir
une grande ambition maritime. Il a fort opportunément rappelé l'attachement du
Président de la République à cette cause, qui s'est traduit par un certain
nombre de décisions telles que la loi du 5 juillet 1996 sur les quirats.
Pour la première fois, nous pouvions espérer enrayer le déclin de notre marine
marchande et freiner le « dépavillonnement » et la chute des effectifs. Pour la
première fois depuis de nombreuses années, nous entrevoyions la modernisation
de notre flotte, grâce à de nouvelles commandes de bâtiments. Cet élan a été
brutalement stoppé par la décision de mettre un terme à la procédure des
quirats.
En 1980, sous le titre prometteur :
La Mer retrouvée,
le parti
socialiste publiait un manifeste contenant une série de propositions destinées
à promouvoir une grande politique de la mer. Qu'est-il advenu de ces nobles
intentions ?
M. René Régnault,
rapporteur spécial.
Vous avez supprimé le secrétariat d'Etat à la mer
!
M. Josselin de Rohan.
Entre 1980 et 1995, notre flotte de commerce est passée de 412 navires, dont
45 porte-conteneurs de 6,5 années de moyenne d'âge, à 207 navires, dont 20
porte-conteneurs de 12 années de moyenne d'âge. Entre 1984 et 1994, la moyenne
d'âge de la flotte française est passée de 9 ans à 14 ans. Son chiffre
d'affaires est tombé de 27,5 milliards de francs en 1981 à 21,4 milliards de
francs en 1993.
En 1980, 24 000 marins étaient employés sur des bâtiments français ; en 1995,
on en comptait moins de 9 000 ; ils sont aujourd'hui moins de 8 000.
A l'exception notable des hydrocarbures, notre pavillon ne transporte que 51 %
des marchandises diverses en provenance ou à destination de notre pays et 22 %
des vracs secs. Parmi les dix transporteurs mondiaux de conteneurs, on ne
trouve aucun armement français. Il est paradoxal et affligeant de constater que
le quatrième exportateur mondial est devenu une puissance maritime de second
ordre.
Comment ne pas souscrire à cette réflexion de M. Michel Delebarre, ancien
ministre chargé de l'équipement et des transports : « Il est indéniable que le
fait de transporter 85 % des marchandises transitant par nos ports sur des
navires battant pavillon étranger, outre les conséquences directes pour
l'emploi à bord des navires, favorise le détournement des trafics vers les
ports étrangers et affaiblit l'activité de nos ports maritimes et de leur
Hinterland. »
Dans ce contexte, l'abandon des quirats constitue un coup supplémentaire porté
à notre marine marchande. Il a suscité une profonde émotion, non seulement
parmi les professionnels et les élus qui s'intéressent aux questions maritimes,
trop peu malheureusement, mais aussi chez certains responsables syndicaux. Les
rapporteurs de l'Assemblée nationale, qu'on ne saurait suspecter d'être
hostiles au Gouvernement, ont dénoncé l'absence de concertation préalable avant
la décision de suppression.
Comme notre collègue M. Rocca Serra, ils ont démontré que le système mis en
place par la loi de 1996 était très prometteur, puisqu'il a conduit au
renouvellement, en une année d'application, de 10 % de la flotte, au doublement
des investissements - 5 milliards de francs contre une moyenne annuelle de 2
milliards de francs les années précédentes - à la création de 550 emplois de
navigants et de sédentaires, qu'il faut comparer à la perte de 300 emplois
entre 1990 et 1995.
Nombreux sont les connaisseurs en matière maritime, qu'ils appartiennent à la
majorité ou à l'opposition, qui ont dénoncé la mauvaise foi des détracteurs du
système quirataire.
On a critiqué le fait que, sur seize navires neufs agréés, six seulement
seront construits dans des chantiers français. C'est faire abstraction des
engagements que nous avons pris au titre de l'accord OCDE de ne pas réserver
exclusivement nos commandes aux chantiers européens ou nationaux. C'est ensuite
ne tenir aucun compte du fait que les six navires neufs commandés dans les
chantiers français représentent à eux seuls une valeur de 2,33 milliards de
francs, contre 2,296 milliards de francs pour les dix bâtiments construits dans
les chantiers étrangers qui, par conséquent, représentent une valeur ajoutée
par navire très inférieure à celle des bateaux français.
Au demeurant, l'Etat dispose, grâce à la procédure de l'agrément, des moyens
de jouer de la façon la plus sélective en faveur des dossiers les plus
performants sur le plan économique et social, et il l'a déjà fait.
La meilleure preuve que le système quirataire a eu un impact positif sur la
construction navale nationale, je la trouve dans les chiffres : alors qu'en
novembre 1996 trois navires étaient en construction dans les chantiers
français, on en compte aujourd'hui neuf en commande.
Le Gouvernement est en train de plaider à Bruxelles le maintien de notre
système d'aide à la construction navale, qui profitera à tous les armateurs du
monde envisageant des commandes aux chantiers français, mais, à le même temps,
il démantèle un système qui permet à des armateurs français d'effectuer des
commandes à des chantiers français pour exploiter des navires employant des
marins français !
Les adversaires des quirats invoquent le coût exorbitant de la dépense, qu'ils
chiffrent à 5,4 millions de francs par emploi créé. Là encore, on fait
l'impasse sur les emplois maintenus dans les chantiers de construction, estimés
par la profession elle-même à 4 200. Quand on sait que chaque emploi
directement créé dans la marine marchande en induit trois à terre, on voit le
nombre d'emplois qui ont été créés pendant la courte période où les quirats ont
été en vigueur...
Le Gouvernement préférera-t-il indemniser des chômeurs ou des préretraités
quand, du fait de la réduction des carnets de commande, les chantiers
procéderont à des réductions d'effectifs ?
Venons-en à la justification « idéologique » de la mesure de suppression : les
quirats,
horresco referens,
sont des niches fiscales ! Les zones
franches ne sont pas des niches fiscales, et les SOFICA et les futures
SOFIPECHE pas davantage. Les abattements consentis à un certain nombre de
professions, toutes parfaitement méritantes, le sont encore moins. Seuls les
quirats méritent cette qualification péjorative...
(Sourires.)
Soyons sérieux ; pour financer les investissements dans le secteur de
l'armement sans recourir aux crédits publics, il faut attirer et séduire
l'épargne ; il n'y a pas d'autre moyen que de l'assortir d'avantages fiscaux.
Le reste, c'est de l'hypocrisie.
Un pétrolier de 280 000 tonnes de port en lourd coûte 80 millions de dollars,
un porte-conteneur entre 55 millions de dollars et 60 millions de dollars, un
vraquier 38 millions de dollars. Le coût de l'investissement est aussi élevé
que la rentabilité financière est aléatoire, ce qui explique que d'autres
placements soient bien plus attractifs.
Pour cette raison, nombre d'Etats qui sont sévères en matière de fiscalité
usent de l'incitation fiscale pour promouvoir l'investissement maritime. Je
citerai, par exemple, l'Allemagne et la Norvège, et cette dernière n'est pas
réputée pour son laxisme fiscal.
L'Allemagne a rénové sa flotte marchande et l'a hissée au onzième rang mondial
- place que nous occupions il y a vingt-deux ans - en recourant pendant dix
années au système des quirats. Elle en a fait aujourd'hui une des principales
flottes de conteneurs du monde. Si elle y a renoncé, c'est qu'elle a atteint
les objectifs qu'elle s'était fixés.
La décision du Gouvernement est, en réalité, d'autant plus surprenante et
regrettable qu'il n'a pas de politique alternative.
Les nouvelles orientations communautaires en matière d'aides de l'Etat au
transport maritime remettent en cause l'aide à l'investissement dont
bénéficient nos armateurs. En particulier, la Commission demande que soit
abandonnée la notion de subvention d'investissement assise sur la valeur du
navire pour parvenir à une mise à niveau équivalente des charges fiscales et
sociales pesant sur les armements. Comment, dans ces conditions, sera compensé
à l'avenir le surcoût du pavillon français ?
En rejetant les quirats, le Gouvernement a renoncé à un dispositif qui avait
obtenu l'accord de Bruxelles, pour lui substituer un projet d'aide aux contours
flous dont l'« eurocompatibilité », pour reprendre une expression de M.
Sautter, est probablement nulle.
En fait, il existe une alternative à la situation actuelle : je veux parler du
« dépavillonnement » et de la délocalisation. Rien n'empêche la vente et le
transfert des bâtiments battant pavillon français à des armements arborant des
pavillons de complaisance établis dans des paradis fiscaux qui exploitent, le
mot n'est pas trop fort, des navires à des coûts bien inférieurs aux coûts
français, parce qu'ils ne supportent pas nos charges et peuvent bénéficier,
pour leurs investissements, des meilleures conditions financières offertes par
le marché.
On peut parier qu'à plus ou moins long terme la délocalisation des sièges
sociaux succédera au dépavillonnement, car quel serait l'intérêt de conserver
un établissement en France quand la totalité des navires qu'on possède ou qu'on
affrête sont étrangers ? Quel mauvais génie nous pousse sans cesse à faire la
promotion de nos concurrents ?
La majorité sénatoriale, dans le débat sur les quirats, ne s'est pas refusée à
modifier le système pour remédier à certaines de ses imperfections ou pour
éviter des dérives. Elle a réduit l'avantage à 50 % du bénéfice imposable pour
les personnes morales, et réduit cet avantage à 250 000 francs pour une
personne seule et 500 000 francs pour un couple. Elle a proposé que
l'obligation de maintien du navire sous pavillon français passe de cinq à huit
ans.
Ces modifications, qui devraient recevoir l'accord de la profession,
permettraient de conserver un mode de financement qui a fait la preuve de son
efficacité.
Ce n'est pas un hasard si trois anciens ministres socialistes de la mer ont
invité le Gouvernement à revoir sa position. Selon les propres termes de M.
Jean-Yves Le Drian, « les quirats ne sont plus une affaire d'injustice fiscale
mais une solution possible pour résoudre des problèmes d'emploi dans des
secteurs géographiques déjà durement touchés par différentes crises, entre
autres les restructurations militaires ».
Dans ce débat, qui risque d'entraîner des conséquences « gravissimes » - je
reprends à mon compte le terme employé par M. Rocca Serra - pour la flotte de
commerce, vous avez été bien silencieux, monsieur le ministre. Nous avons eu le
sentiment que vous étiez presque étranger à cette affaire, et pour tout dire
aux abonnés absents
(M. le ministre fait un signe de dénégation),
laissant le soin au
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie...
M. René Régnault,
rapporteur spécial.
C'est tout d'abord une mesure fiscale !
M. Josselin de Rohan.
... de décider du sort de notre marine marchande en vous défaussant sur de
hauts fonctionnaires du soin de présenter une très hypothétique solution de
remplacement.
Je constate, en outre, que les crédits consacrés à l'aide à l'investissement
et à l'aide à la consolidation et à la modernisation des entreprises de
transport maritime diminueront, en 1998, respectivement de 14 % et de 4 %.
Ils sont également inférieurs aux crédits disponibles après l'annulation
intervenue en juillet. La régulation a représenté 10 % des crédits initiaux et
les reports de crédits ont atteint, pour l'exercice 1997, 30 % de la dotation
initiale, contre 10 % lors des deux exercices précédents. Gels, annulations et
reports font douter de la capacité de l'Etat à tenir ses engagements.
Enfin, je voudrais terminer sur ce point en disant qu'au 1er janvier 1998 les
systèmes d'aide à l'investissement ne seront plus pérennes, c'est-à-dire que,
pour la première fois dans son histoire, et ce depuis longtemps, seul parmi les
pays de l'Union européenne, et même de l'OCDE, notre pays sera privé de
dispositif d'aide à l'investissement en faveur de sa marine marchande.
M. René Régnault,
rapporteur spécial.
Nous ne sommes pas encore au 31 décembre !
M. Josselin de Rohan.
Au total, l'impression qui se dégage aujourd'hui est celle d'une occasion
perdue et, pour tout dire, d'un vrai gâchis.
Au moment où s'annonçait la perspective d'un nouveau départ pour notre flotte
de commerce, le tournant pris par le Gouvernement aura de profondes
conséquences. Il constitue un signal fort et négatif pour nos armateurs, dans
la mesure où il met en cause la continuité de l'action de l'Etat et révèle son
refus de prendre en compte les spécificités du secteur maritime.
En tournant une fois de plus le dos à la mer, la France méconnaît ses intérêts
commerciaux et stratégiques. Elle risque aussi la perte de nombreux emplois et
la disparition définitive du savoir-faire de nos navigants, dont les capacités
sont pourtant universellement appréciées.
Avant de passer condamnation des quirats, il eût été plus sage d'attendre au
moins les conclusions du rapport établi à notre demande par le Commissariat
général au Plan pour le compte de l'Office d'évaluation des politiques
budgétaires. Mais vous ne l'avez pas fait.
On ne saurait, en tout cas, parler de politique à propos de la série de
mesures éparses, sans cohérence et mal fondées que l'on relève dans le projet
de budget qui nous est soumis. Dans le domaine maritime, le Gouvernement ne
fait montre ni de vision, ni de volonté, ni de souffle. C'est pourquoi nous
refuserons sans hésitation l'adoption des crédits de la mer.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord remercier les
rapporteurs et les différents orateurs et souligner - chez la plupart d'entre
eux en tout cas - le caractère sérieux et objectif de leurs interventions, même
s'il existe des éléments de controverse, ce qui est normal.
Ministre de la mer, il s'agit d'abord pour moi de refuser la fatalité du
déclin de notre flotte, du pavillon français. Il faut agir, dans une situation
qui montre des signes d'amélioration, pour que nos ports cessent de perdre des
parts de marché. En somme, il nous faut travailler à redonner vie et confiance
au secteur maritime, ainsi qu'une grande ambition maritime à la France, comme
l'un de vos rapporteurs l'a dit.
Alors qu'elle est le quatrième exportateur mondial, la France se retrouve au
vingt-sixième rang pour le niveau de la flotte, comme plusieurs d'entre vous
l'ont évoqué.
En dix ans, on est passé de 300 navires à 200.
En dix ans, on est passé de 14 500 marins à 6 000.
En cinq ans, les dotations pour les investissements dans les ports ont été
ramenés de 232 millions de francs à 144 millions de francs, accusant ainsi une
diminution de 38 %.
M. Henri Weber.
En cinq ans !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Et vous n'étiez
pas aux abonnés absents de ce point de vue, monsieur de Rohan !
M. Josselin de Rohan.
Vos amis socialistes étaient aux affaires !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
En cinq ans, les
crédits de fonctionnement ont été ramenés de 446 millions de francs à 352
millions de francs, enregistrant une diminution de 12 %. Et vous n'étiez pas
aux abonnés absents dans ces décisions, monsieur de Rohan !
Ô combien de colloques, combien de rapports, de discours, de manifestes qui,
au long de ces dernières années, n'ont rien modifié à cet état de fait !
M. Josselin de Rohan.
Ce n'est pas gentil pour les socialistes !
M. René Régnault,
rapporteur spécial.
Qu'avez-vous fait, monsieur de Rohan, vous et votre
gouvernement, au cours de ces cinq dernières années ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Ah ! que de
paroles fortes, jusqu'au plus haut niveau de l'Etat, mais si peu suivies
d'actes gouvernementaux ! Vous le savez bien, monsieur de Rohan !
M. Josselin de Rohan.
Vous accablez vos amis, monsieur le ministre !
M. René Régnault,
rapporteur spécial.
Et qu'on fait MM. Balladur et Juppé ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Pour ma part, je
suis décidé à tout faire pour inverser cette tendance. C'est vrai à travers ce
projet de budget.
Pour cette tâche, je dispose d'une administration à la fois profondément
ancrée dans l'histoire maritime de notre pays et en pleine transformation.
Une réforme de l'organisation des services déconcentrés des affaires maritimes
se met en place progressivement depuis le 1er septembre 1997.
Le processus de simplification et de modernisation des structures
administratives qui s'est engagé se double d'une dynamique de réforme
statutaire pour l'ensemble des personnels de l'administration de la mer.
Il s'agit tout à la fois de renforcer les qualifications et de faciliter de
vrais déroulements de carrière.
En même temps, une réforme de la formation initiale et continue pour les
agents des affaires maritimes accompagnera ces évolutions.
Pour ce qui concerne l'ENIM, je vous confirme, monsieur Régnault, que j'ai
lancé une concertation avec l'ensemble des intéressés, et notamment avec le
Conseil supérieur. Celui-ci m'a fait un certain nombre de propositions, sur
lesquelles le Gouvernement se prononcera prochainement en fonction des
principes suivants : maintien du régime spécial des marins, modernisation de la
gestion afin que l'ENIM soit encore mieux à même de jouer son rôle.
Je veillerai à ce que cet établissement puisse poursuivre sa mission
essentielle au service des marins.
Pour assurer une meilleure surveillance de nos côtes, la mise en place des
unités littorales des affaires maritimes sera poursuivie. Je souhaite que la
totalité du littoral soit couverte en l'an 2000.
M. René Régnault,
rapporteur spécial,
et Henri Weber.
Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Le domaine de la
mer illustre pleinement les grandes priorités qui sont les miennes : l'emploi,
la formation des hommes, la sécurité.
L'emploi vient au premier rang de mes préoccupations.
Le dispositif social de la loi d'orientation sur la pêche maritime et les
cultures marines, récemment adoptée par le Parlement, a pour objectif de rendre
plus attractif l'emploi maritime en supprimant toute discrimination par rapport
au droit commun du travail dans les domaines de la protection des jeunes
marins, de l'apprentissage, de la protection du contrat d'engagement maritime
et de la prévention des risques professionnels.
La mise en place progressive d'une inspection du travail maritime sur le
littoral permettra d'accompagner cette politique.
Parallèlement, il est essentiel d'exploiter les gisements d'emplois, de
rechercher les métiers nouveaux sur le littoral, directement adossés à
l'activité économique. Les dispositions du plan emploi-jeunes doivent y
contribuer.
L'éducation maritime a pour finalité de former des marins professionnels,
officiers et équipages, grâce à la pédagogie de l'alternance. Il s'agit là d'un
enjeu d'avenir essentiel.
Un processus de modification des cursus de formation a été engagé dans les
écoles nationales de la marine marchande, afin qu'elles préparent à des brevets
reconnus au niveau international, ce qui permettra d'assurer la présence
française dans la flotte marchande mondiale.
Pour les écoles maritimes et aquacoles, il s'agit pour moi d'instaurer un
véritable service public de l'éducation maritime. A cet égard, j'ai d'ailleurs
obtenu, dans le cadre du collectif pour 1997, une provision à valoir sur les
financements dont nous aurons besoin pour mettre en place ce service public,
lorsque la concertation avec les personnels aura avancé.
Le réseau de l'éducation maritime, ainsi progressivement unifié, accroîtra son
efficacité et permettra de mieux répondre aux évolutions de l'emploi et à la
promotion professionnelle des gens de mer.
Cette priorité se traduit concrètement par l'augmentation du nombre de
professeurs affectés dans les écoles nationales de la marine marchande.
En second lieu, je considère que la sécurité maritime, trop négligée ces
dernières années, doit être renforcée.
M. Henri Weber.
Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Il s'agit là
d'une exigence incontournable. Hier encore, j'ai présidé une rencontre
d'experts et de responsables internationaux qui m'ont renforcé dans cette
conviction.
Le contrôle des navires étrangers dans nos ports doit s'intensifier.
L'échouage, en définitive fréquent, sur nos côtes, et les accidents nombreux de
bateaux sous pavillon de complaisance sont là, malheureusement, pour nous
rappeler les retards accumulés.
M. René Régnault,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
La surveillance
du trafic maritime à l'approche de nos côtes doit être renforcée. A l'inverse
des années précédentes, la création, en 1998, de dix-neuf emplois pour les
CROSS, les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, et
les centres de sécurité des navires, marque le début du redressement
indispensable pour assurer correctement les missions de l'Etat.
Un appel d'offre pour l'achat de sept vedettes côtières sera conclu en
1998.
M. Henri Weber.
Bonne nouvelle !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
La continuité du
service public nous conduit, en raison de la suppression du service national, à
la transformation des emplois d'appelés d'ici à 2002 et, par là, à la
professionnalisation de l'emploi dans les CROSS. Une première tranche de
transformation est lancée dès 1988.
Les crédits consacrés à la signalisation maritime ne diminuent pas, monsieur
le rapporteur pour avis. Il s'agit simplement d'une modification de la
nomenclature de la section budgétaire.
Comme l'ont souligné plusieurs d'entre vous, les crédits consacrés à la
sécurité maritime augmentent de 5 %...
M. René Régnault,
rapporteur spécial.
Tout à fait !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... et les
seules autorisations de programme de plus de 30 %.
M. Henri Weber.
C'est la vérité !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'est là une
inflexion importante, et je n'entends pas en rester là.
Les navires chargés du balisage, âgés de plus de cinquante ans, seront
remplacés progressivement. Les dotations d'engagement au titre de la flotte des
phares et balises, qui progressent de 17 millions de francs en 1998, le
permettront.
Vous vous interrogez à nouveau, monsieur le rapporteur spécial, sur la
diminution de 14 % des crédits consacrés aux gens de mer. Cela est dû à la
diminution de 25 millions de francs des crédits de l'article 10, chapitre
46-37, en raison de reports constatés sur cette ligne. Abstraction faite de
cette opération purement technique, les crédits consacrés aux gens de mer
augmentent de 2,8 millions de francs, et les autorisations de programme de 16
%.
J'en viens maintenant à un autre volet important de la politique du
Gouvernement en matière maritime, celui des transports maritimes proprement
dits, avec les ports, y compris, bien sûr, leur desserte, et la flotte de
commerce.
Notre pays a une vocation forte dans ce domaine - et j'y crois - de par son
histoire, sa situation géographique, l'importance de son littoral et le volume
de ses échanges extérieurs, dont plus de la moitié s'effectue par la mer.
Or force est de constater, depuis de nombreuses années, un déclin marqué de la
flotte sous pavillon français.
Ce déclin s'est accompagné d'une perte de trafic de la majorité de nos ports
par rapport à leurs concurrents européens. Il est donc indispensable de réagir
avec vigueur. C'est là un véritable défi que nous devons relever, par la
mobilisation de l'ensemble des partenaires économiques et sociaux aux côtés de
l'Etat et des collectivités locales.
Le maintien d'une flotte sous pavillon français est indispensable à notre
pays, pour des raisons qui tiennent à la fois à la défense de nos positions
commerciales, à la préservation de l'emploi et du savoir-faire de nos marins et
à la protection de nos intérêts stratégiques.
C'est la raison pour laquelle ce secteur doit bénéficier d'un soutien
important de la part de l'Etat.
M. Henri Weber.
Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Jusqu'à la fin
de cette année, le dispositif de soutien comprend des aides à l'investissement,
c'est-à-dire des participations à l'acquisition de nouveaux bateaux ; des aides
à la consolidation et à la modernisation, ou ACOMO, destinées aux entreprises
d'armement opérant sous pavillon français et confrontées à une forte
concurrence internationale ; la prise en charge par l'Etat de la part maritime
de la taxe professionnelle ; un certain nombre d'allégements des contributions
sociales patronales de l'ENIM ; un dispositif permettant les cessations
anticipées d'activité ; et, enfin, jusqu'au 15 septembre dernier, le dispositif
quirataire.
Cependant, cet effort n'a pas permis d'endiguer le déclin de notre flotte. Il
est donc indispensable d'évaluer précisément l'impact des dispositifs existants
au cours des années écoulées et de rechercher, dans le respect du cadre
communautaire, les moyens d'optimiser l'emploi de ces crédits qui, je le
souligne, sont préservés.
C'est pour cela qu'avec mes collègues, M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie, et M. Christian Sautter, secrétaire
d'Etat au budget, j'ai diligenté une mission chargée à la fois d'évaluer les
dispositifs existants et de faire des propositions.
Je ne reviendrai pas sur les raisons, de justice fiscale notamment, qui ont
conduit le Gouvernement à ne pas réinscrire ce dispositif dans le projet de loi
qui vous est soumis.
J'ai proposé au Premier ministre que soit mis en oeuvre un dispositif de
remplacement du système quirataire afin de soutenir efficacement notre flotte
marchande.
Comme l'a précisé dernièrement devant votre assemblée le secrétaire d'Etat au
budget, M. Christian Sautter, et en fonction des résultats de la mission, je
confirme que des dispositions permettant d'aider au renouvellement de la flotte
de commerce seront proposées au Parlement avant la fin de cette année.
Les ports sont également un élément-clé pour notre commerce extérieur et pour
le développement de l'emploi dans les régions littorales. Comme l'a rappelé M.
Massion, leur activité est, elle aussi, soumise à une intense concurrence et
aucun trafic n'est véritablement captif. Il faut donc aider les communautés
portuaires à retrouver le dynamisme indispensable à leur développement.
Dans cet esprit, j'ai annoncé une relance de la réforme portuaire, pour
l'essentiel sur la base des propositions faites par les différents
partenaires.
Conscient des enjeux majeurs que représentent les ports maritimes pour le
redressement de notre économie et de l'emploi, pour notre commerce extérieur et
pour l'aménagement du territoire, j'entends mener une action déterminée afin de
les aider à affronter l'intense concurrence dans laquelle ils évoluent.
La desserte terrestre des ports constitue la première priorité à laquelle il
convient de s'atteler.
M. Henri Weber.
Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Le récent accord
de coopération entre divers réseaux ferrés sur le corridor nord-sud est acté.
Il nous faut maintenant agir pour les relations Ouest-Est.
La même démarche est engagée pour la desserte fluviale. C'est dans cet esprit
que j'ai demandé que les enjeux portuaires soient pris en compte dans la
concertation récemment lancée sur la liaison fluviale « Seine nord ».
Monsieur Weber, vous avez évoqué le grand projet « Le Havre 2000 ». Je l'ai
déjà dit sur place, le Gouvernement suit ce projet avec attention. Aujourd'hui,
nous en sommes à la phase du débat public, qui doit durer jusqu'à l'été 1998
environ. Sur cette base, des décisions seront prises de manière à préparer le
plan de financement.
La réduction des coûts du passage portuaire est aussi un facteur essentiel de
la reconquête des trafics. Cet objectif devrait s'appliquer en premier lieu au
pilotage et au remorquage, sur la base d'un diagnostic récemment établi avec
les différents acteurs de la filière portuaire et en concertation avec eux.
De même, pour le secteur de la manutention, je compte examiner avec Mme Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité, les conditions dans lesquelles
pourront être facilités les départs de dockers âgés ou inaptes physiquement. Il
s'agit de favoriser l'embauche de jeunes ayant reçu une formation
appropriée.
Il est également plus que souhaitable d'améliorer le fonctionnement des
établissements portuaires. Cela implique la simplification et la concertation
des procédures administratives et financières, ainsi qu'une meilleure
association des personnels à la vie de ces établissements, avec notamment la
démocratisation des conseils d'administration des ports autonomes.
A cet égard, la coordination des actions menées par les différents services de
l'Etat, qui, de près ou de loin, concourent au passage portuaire, doit être
renforcée.
Dans le prolongement du plan d'action instituant une collaboration accrue
entre les ports et les services douaniers pour accélérer le transit des
marchandises et favoriser l'implantation de services logistiques, industriels
et commerciaux dans les ports français, une démarche analogue vient de
s'achever entre le ministère de l'agriculture et de la pêche et mon ministère.
Il est en effet nécessaire d'harmoniser à un bon niveau de sécurité les règles
et les actions de contrôle dans l'ensemble des ports européens, dans les
domaines vétérinaires et phytosanitaires.
Par ailleurs, la préparation des chartes de place portuaire se poursuit. Cette
dynamique doit permettre d'officialiser les premières démarches lors du
prochain comité interministériel d'aménagement et de développement du
territoire prévu à la mi-décembre.
Enfin, il est bien évident que l'Etat accompagne les efforts de compétitivité
des places portuaires, en assurant pleinement ses responsabilités financières à
l'égard des établissements portuaires, en particulier pour satisfaire aux
exigences de sécurité des infrastructures. Le projet de budget pour 1998 marque
clairement la volonté du Gouvernement de contribuer au redressement de nos
ports. Il prévoit un relèvement notable des crédits d'investissements, ainsi
qu'une première amélioration des dotations affectées à l'entretien des
infrastructures portuaires. Cet effort budgéraire devra être poursuivi dans les
années à venir.
Le comité interministériel de la mer, que le Premier ministre a prévu de
présider au début de l'année 1998, devrait marquer toute l'importance que le
Gouvernement attache à cette démarche.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce budget marque une volonté
de redressement en faveur des ports.
Naturellement, cette action n'a de sens que si elle est partagée. C'est la
mobilisation de l'ensemble des acteurs qui conduira au renouveau de nos
ports.
Comme vous pouvez le constater, il s'agit là d'un vaste chantier qui témoigne
de la volonté du Gouvernement de donner toute sa place à la politique maritime.
Les inflexions nécessaires sont engagées. Il nous faudra les poursuivre au long
de cette nouvelle législature, afin de mieux affirmer la vocation maritime de
notre pays.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la mer, inscrits à la ligne «
Equipement, transports et logement » seront mis aux voix le dimanche 7
décembre, à la suite de l'examen des crédits affectés au tourisme.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 218 120 651 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 3 829 596 637 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président.
« M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 7 311 176 000
francs ;
« Crédits de paiement : 3 850 677 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 8 264 547 000 francs ;
« Crédits de paiement : 3 122 311 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant la mer.
5
COMMUNICATION DE L'ADOPTION PARTIELLE
D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 2 décembre 1997, l'informant que la partie de la proposition d'acte communautaire E-591 concernant la « proposition de décision du Parlement européen et du Conseil portant deuxième adaptation de la décision 1110/94/CE (telle qu'adaptée par la décision /96/CE) relative au quatrième programme cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (1994-1998) » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 10 novembre 1997.
6
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre un projet de loi de finances
rectificative pour 1997, adopté par l'Assemblé nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 156, distribué et renvoyé à la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale
dans les conditions prévues par le règlement.
7
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de MM. Jean-Marc Pastor, Guy Allouche, Bernard Angels, François
Autain, Germain Authié, Robert Badinter, Jacques Bellanger, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Jean Besson, Pierre Biarnès, Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
M. Gérard Delfau, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M. Michel Dreyfus-Schmidt,
Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Léon Fatous, Aubert Garcia, Serge
Lagauche, Jacques Mahéas, Marc Massion, Pierre Mauroy, Georges Mazars, Jean-Luc
Mélenchon, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Guy Penne, Jean Peyrafitte, Bernard
Piras, Mme Gisèle Printz, MM. Paul Raoult, René Régnault, Gérard Roujas, Henri
Weber et les membres du groupe socialiste et apparentés une proposition de loi
portant modification de l'article 55 du code civil et relatif aux déclarations
de naissance.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 158, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
8
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de M. Yann Gaillard un rapport d'information fait au nom de la
délégation du Sénat pour l'Union européenne sur l'avenir des fonds structurels
européens dans le cadre d'Agenda 2000.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 157 et distribué.
9
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, vendredi 5 décembre 1997, à neuf heures quarante-cinq, à
quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 84 et 85, 1997-1998) ;
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Aménagement du territoire et environnement :
I. - Aménagement du territoire :
M. Roger Besse, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 4) ;
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
et du Plan (avis n° 87, tome XI).
II. - Environnement et articles 62 B, 62 C et 62 D :
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 5) ;
M. Bernard Hugo, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 87, tome XVII) ;
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (avis n° 86, tome III).
Défense (articles 29 et 30) :
1. Rapporteurs spéciaux :
Exposé d'ensemble, dépenses en capital : M. Maurice Blin (rapport n° 85,
annexe n° 43) ; dépenses ordinaires : M. François Trucy (rapport n° 85, annexe
n° 44).
2. Rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées :
Nucléaire, espace et services communs : M. Jean Faure (avis n° 88, tome IV) ;
section Gendarmerie : M. Michel Alloncle (avis n° 88, tome V) ; section Forces
terrestres : M. Serge Vinçon (avis n° 88, tome VI) ; section Air : M. Hubert
Falco (avis n° 88, tome VII) ; section Marine : M. André Boyer (avis n° 88,
tome VIII).
Fonction publique et réforme de l'Etat :
M. Philippe Marini, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 28).
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen des crédits
de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires
pour le projet de loi de finances pour 1998
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1998 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits,
du projet de loi de finances pour 1998
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits, du projet de loi de finances pour
1998 est fixé au vendredi 5 décembre 1997, à dix-sept heures.
Scrutin public à la tribune
En application de l'article 60
bis
, troisième alinéa du règlement, le
vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 1998 aura lieu, de droit,
par scrutin public à la tribune, à la fin de la séance du mardi 9 décembre
1997.
Délais limites pour les inscriptions de parole
dans la discussion générale
et pour le dépôt des amendements
Proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, consacrant le
placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution des peines
privatives de liberté (n° 285, 1996-1997).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 10 décembre 1997, à
dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de
loi de M. Gérard César et plusieurs de ses collègues portant mesures urgentes
relatives à l'agriculture (n° 155, 1997-1998).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mercredi 10 décembre 1997, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 10 décembre 1997, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 5 décembre 1997, à zéro heure
trente-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
M. Alphonse Arzel a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n°
100 (1997-1998) de Mme Marie-Madeleine Dieulangard sur la proposition de
résolution n° 100 (1997-1998) sur la proposition de règlement (CE) du Conseil
modifiant le règlement 3094/95 et prorogeant les dispositions pertinentes de la
septième directive du Conseil concernant les aides à la construction navale, et
sur la proposition de règlement (CE) du Conseil établissant de nouvelles règles
pour les aides à la construction navale (n° E 936).
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL,
DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Christian Bonnet a été nommé rapporteur sur le projet de loi n° 145
(1997-1998) relatif à la nationalité et modifiant le code civil.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 4 décembre 1997
SCRUTIN (n° 44)
sur l'amendement n° II-61, présenté par M. Henri Collard au nom de la
commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre III de l'état B
du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale
(budget de l'équipement, des transports et du logement : I. - Urbanisme et
services communs).
Nombre de votants : | 318 |
Nombre de suffrages exprimés : | 315 |
Pour : | 218 |
Contre : | 97 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
13.
Contre :
6. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert-Paul Vigouroux.
Abstentions :
3. _ MM. Georges Berchet, Pierre Jeambrun et Bernard
Joly.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Pour :
95.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Contre :
75.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :
Pour :
57.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
44.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jean Delaneau, qui présidait la
séance.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :
Pour :
9.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Abstentions
MM. Georges Berchet, Pierre Jeambrun et Bernard Joly.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Delaneau, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 45)
sur l'amendement n° II-63, présenté par M. Alain Lambert au nom de la
commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre III de l'état B
du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale
(budget de l'Equipement, transports et logement : II. - Transports, 2. -
Routes).
Nombre de votants : | 316 |
Nombre de suffrages exprimés : | 312 |
Pour : | 215 |
Contre : | 97 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
12.
Contre :
6. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert-Paul Vigouroux.
Abstentions :
4. _ MM. Georges Berchet, Pierre Jeambrun, Bernard Joly
et Pierre Laffitte.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Pour :
93.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Adrien Gouteyron et Hubert
Haenel.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Contre :
75.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :
Pour :
57.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
44.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jean Delaneau, qui présidait la
séance.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :
Pour :
9.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Abstentions
MM. Georges Berchet, Pierre Jeambrun, Bernard Joly et Pierre Laffitte.
N'ont pas pris part au vote
MM. Adrien Gouteyron et Hubert Haenel.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Delaneau, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 316 |
Nombre de suffrages exprimés : | 313 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 152 |
Pour l'adoption : | 216 |
Contre : | 97 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 46)
sur l'amendement n° II-62, présenté par M. Auguste Cazalet au nom de la
commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre IV de l'état B
du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale
(budget de l'Equipement, transports et logement : II. - Transports, 1. -
Transports terrestres).
Nombre de votants : | 318 |
Nombre de suffrages exprimés : | 311 |
Pour : | 214 |
Contre : | 97 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
12.
Contre :
6. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert-Paul Vigouroux.
Abstentions :
4. _ MM. Georges Berchet, Pierre Jeambrun, Bernard Joly
et Pierre Laffitte.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Pour :
92.
Abstentions :
3. _ MM. François Gerbaud, Adrien Gouteyron et Hubert
Haenel.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Contre :
75.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :
Pour :
57.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
44.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jean Delaneau, qui présidait la
séance.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :
Pour :
9.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Abstentions
MM. Georges Berchet, François Gerbaud, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Pierre
Jeambrun, Bernard Joly et Pierre Laffitte.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat et Jean Delaneau, qui présidait la séance.
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