Sur ces crédits, la parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sur le titre IV du budget de l'intérieur et de la décentralisation a pour objet d'interroger le Gouvernement sur un problème auquel sont confrontés de nombreux départements ruraux.
En effet, des difficultés d'application de l'article R 234-36 du code des communes, tel que rédigé par le décret n° 94-366 du 10 mai 1994, pris pour l'application de la loi n° 93-1436 du 31 décembre 1993 portant réforme de la dotation globale de fonctionnement et modifiant le code des communes et le code général des impôts, et portant dispositions diverses relatives aux dotations de l'Etat réparties par le comité des finances locales, se sont manifestées.
Ce article précise que les groupements de communes de moins de 10 000 habitants sont éligibles au fonds d'action locale, c'est-à-dire au partage du produit des amendes de police relatives à la circulation routière, s'ils exercent cumulativement la totalité des compétences en matière de voies communales, de transports en commun et de parcs de stationnement, transférées par les communes membres de la structure intercommunale.
Or, dans les départements ruraux, souvent couverts par de nombreuses communautés de communes, comme c'est le cas pour mon département de l'Orne, aucune de celles-ci n'exercent cumulativement les trois compétences requises par le décret.
Ne serait-il pas nécessaire de modifier cette réglementation en rendant éligibles au fonds d'action locale, donc à la répartition du produit de ces amendes de police, les communautés de communes de moins de 10 000 habitants, dès lors qu'elles exercent au moins l'une des trois compétences précitées ?
Il s'agit d'un problème d'importance puisque, du fait du blocage réglementaire que je viens d'évoquer, aucune affectation des crédits d'Etat n'est effectuée par le conseil général aux communautés de communes ayant pourtant massivement reçu la compétence en la seule matière de voirie.
Monsieur le ministre, pouvez-vous éclairer la Haute Assemblée sur les moyens qu'il conviendrait de mettre en oeuvre, afin de pouvoir remédier aux difficultés d'application du dispositif réglementaire que je viens d'exposer ?
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu de l'heure avancée, je bornerai mon propos à quelques observations concernant la décentralisation.
La loi de décentralisation qui a été votée en 1982, c'est-à-dire la première année du gouvernement de gauche, a constitué l'une des premières grandes lois : le principe du transfert des compétences et du transfert des moyens y était très clairement édicté.
Monsieur le ministre, tout au long des dernières années, la situation financière des collectivités territoriales s'est fortement dégradée, vous le savez.
Mes amis Marie-Claude Beaudeau, Paul Loridant et Jean Dérian ont beaucoup parlé des problèmes de la fiscalité locale. Je soulignerai simplement que les moyens financiers des collectivités locales n'ont pas progressé au même rythme - loin s'en faut - que les charges des communes, des départements et des régions.
Ainsi, les droits de mutation n'ont cessé de diminuer, du fait, bien évidemment, de la crise économique. Ils semblent enregistrer, en cette fin d'année, une petite progression, mais cette dernière sera loin de résoudre toutes les difficultés financières des départements, notamment.
Je prendrai un exemple que je connais bien, celui de l'école. Pour l'enseignement primaire, il était acquis depuis longtemps que les communes payaient tout. En ce qui concerne les collèges, nous savons dans quelles conditions les départements ont pris le relais de l'Etat : les départements ont hérité de collèges qui étaient d'anciennes écoles primaires et qui ont dû être adaptés. Songez aux collèges de type Pailleron ou Bender.
Dans le seul département du Val-de-Marne - nous nous en étions déjà entretenus, monsieur le ministre, lorsque vous étiez en charge de l'éducation nationale - il a fallu reconstruire vingt-six collèges et entreprendre des travaux importants dans 101 autres collèges, et je ne parle pas des collèges industrialisés, qui ont maintenant entre vingt-cinq et trente ans, et qui nécessitent de très importantes réparations, dont le coût s'élève à la moitié du prix de la construction d'un collège neuf. Ce n'est pas rien !
En ce qui concerne l'équipement, il est beaucoup question du plan informatique. Il semble que nos chiffres diffèrent quelque peu en ce domaine. M. Allègre avait parlé d'un investissement total de 3 milliards de francs : si j'ai bien compris, 1 milliard de francs serait pris en charge par le ministère de l'éducation nationale et donc 2 milliards de francs resteraient à la charge des collectivités territoriales.
Voilà qui me paraît totalement en contradiction avec le principe que M. Allègre avait énoncé et selon lequel il ne devait pas y avoir d'inégalité entre les communes, les départements ou les régions qui peuvent payer ces équipements et ceux qui ne le peuvent pas. Je dois dire que j'approuve pleinement ce principe.
S'agissant des dotations de fonctionnement des collèges, il a beaucoup été question des cantines scolaires. Dans le Val-de-Marne, les crédits qui leur sont affectés ont augmenté de 38 %, avec l'aide du département, afin d'aider les élèves qui ne pouvaient pas se nourrir ; 16 millions de francs ont été affectés à l'académie de Créteil qui comprend les départements du Val-de-Marne, de la Seine-Saint-Denis et de la Seine-et-Marne. Il s'agit d'un progrès - je m'empresse de le souligner - par rapport aux années précédentes. Loin de moi l'idée de le sous-estimer !
Le département du Val-de-Marne consacre, à lui seul, 20 millions de francs aux cantines scolaires. Nous sommes donc loin du compte. J'espère que, l'année prochaine, l'effort sera accru.
En effet, en donnant la possibilité à un plus grand nombre d'enfants de se nourrir, nous avons été amenés à construire des self-services ce qui a entraîné des dépenses supplémentaires.
S'agissant des budgets des collèges, la quasi-totalité des départements ajoutent - M. Puech pourrait nous le confirmer - des dépenses pédagogiques à celles qui sont affectées par l'Etat, parce que ces dernières sont insuffisantes, y compris pour la pratique du sport.
En conclusion, nous abordons là une nouvelle étape de la décentralisation. Après M. Defferre, vous pouvez être - je suis même certaine que vous le serez - le ministre qui fera progresser la démocratie communale, départementale et régionale. A cet égard, il faut donner une autonomie financière aux communes, aux départements et aux régions, c'est-à-dire redébattre de la fiscalité des collectivités territoriales. Le secrétaire d'Etat au budget a accepté notre proposition tendant à créer un groupe de travail sur ces questions. Vous y êtes intimement associé, et je peux même dire que vous en êtes le maître-d'oeuvre.
Je tiens à souligner le rôle important que jouent les départements et les régions, mais aussi et surtout les communes qui sont l'échelon le plus proche de la population. A l'heure où il est beaucoup question de proximité, où les problèmes de nos concitoyens et des jeunes en particulier sont mis en avant, il importe que la commune puisse réellement jouer son rôle. Elle ne doit pas seulement être une collectivité qui inscrit à son budget des dépenses obligatoires ; elle doit disposer d'une latitude certaine pour y inscrire aussi des actions en faveur de l'ensemble des habitants, notamment des jeunes et de la population des quartiers difficiles. On ne dira jamais assez l'importance du rôle que jouent les élus locaux, notamment au sein des conseils généraux.
M. le président. Madame Luc, je vous demande de conclure.
Mme Hélène Luc. Je termine, monsieur le président.
La notion d'intercommunalité, dont il est souvent question, est très vaste. J'y vois, pour ma part, une coopération intercommunale financière et surtout pas - et je pense que telle est bien aussi votre conception, monsieur le ministre - une limitation de l'autonomie de la commune et de tout ce qu'elle représente comme foyers de démocratie en France. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 545 500 000 francs ;