Sur ces crédits, la parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Si ce projet de budget s'inscrit largement dans la continuité, il affiche des priorités fortes dans le domaine de l'installation des jeunes agriculteurs, de l'enseignement, de la sécurité alimentaire et de la retraite des exploitants agricoles. C'est aussi un budget de l'anticipation et de la vision prospective de notre agriculture. Il pose les jalons de la prochaine loi d'orientation pour laquelle vous avez engagé une large concertation, monsieur le ministre.
L'agriculture française doit rester une activité économique majeure, dynamique et source de richesses. Cependant, on lui demande désormais de prendre en compte des objectifs d'emploi, mais surtout d'environnement et d'aménagement du territoire.
Sur le plan européen, nous arrivons au terme de la mise en oeuvre quinquennale de la politique agricole commune décidée en 1992, assortie de ses mesures d'accompagnement. La révision engagée et l'examen des propositions Santer vont ainsi peser durablement sur les orientations de notre agriculture pour les prochaines années.
La politique agricole et la nouvelle réforme de la PAC se décident, il est vrai, en grande partie, à Bruxelles. Toutefois, il est possible de disposer, sur le plan national, d'une marge de manoeuvre quant à la répartition des aides communautaires, notamment des aides en faveur de la grande culture. Il est ainsi nécessaire de préserver les mesures structurelles existantes qui arrivent à échéance, tout en les faisant évoluer.
J'évoquerai principalement la prime à l'herbe et les mesures agri-environnementales.
Depuis 1993, ces nouvelles dotations ont permis de mettre en oeuvre des mesures contractualisées en matière de protection des sols, des eaux et des paysages. Elles favorisent une agriculture moins intensive et elles bénéficient ainsi aux agriculteurs volontaires, tout en répondant aux attentes de notre société en termes d'environnement.
Les crédits inscrits au titre de la « prime à l'herbe » et des mesures agri-environnementales, après avoir été diminués sensiblement par le gouvernement précédent, sont maintenus pour 1998.
Ces crédits s'inscrivent, dans votre projet de budget, respectivement à concurrence de 715 millions de francs pour la prime à l'herbe et de 120 millions de francs pour les mesures agri-environnementales. Les 50 % complémentaires sont apportés par le FEOGA.
La prime à l'herbe a permis de freiner sensiblement la disparition progressive des surfaces en herbe. Elle assure une meilleure occupation et un bon entretien du territoire. Son maintien s'impose donc comme un soutien en faveur d'un élevage extensif, d'une production de qualité, d'une valorisation de l'action de l'agriculteur.
Cependant, si la prime à l'herbe s'applique à l'ensemble du territoire, elle reste principalement versée aux éleveurs installés en zones de montagne et s'adresse aux éleveurs de vaches allaitantes. Les éleveurs des zones intermédiaires, comme l'Avesnois, et des bassins laitiers traditionnels où l'on ne peut faire que du lait ne peuvent y prétendre en raison de conditions d'octroi trop rigoureuses.
Dans le cadre des réflexions actuelles sur la nouvelle PAC et de la future loi d'orientation, les agriculteurs de ces zones souhaitent une revalorisation de cette prime, fixée à 300 francs par hectare depuis 1995 et jugée trop peu incitative par rapport à la prime au maïs, qui est dix fois supérieure.
Il est également nécessaire d'élargir les critères. Le taux de chargement de 1,44 unité de gros bétail à l'hectare limite fortement les interventions dans les zones intermédiaires comme les territoires de bocage. Il faut veiller à une charge de structure correspondant mieux aux situations locales et tenir compte des conditions territoriales agricoles spécifiques. Il faut donc encourager à terme une meilleure décentralisation des décisions.
Quant aux mesures agri-environnementales, je peux témoigner de leur succès au vu des opérations menées dans l'Avesnois.
La PAC rénovée devrait s'attacher à primer plus les surfaces que les têtes de bétail. Il conviendra que le ministère de l'agriculture accompagne plus fortement cette tendance. En aucun cas, il ne faudra réduire ces mesures à des territoires déterminés, même s'ils sont défavorisés par leurs conditions naturelles.
Sur le plan de la procédure, je souhaiterais que l'on procède à une simplification des dossiers, car leur constitution exige des compétences qu'il est difficile d'imposer à tous les agriculteurs ; les instructions, dans ce domaine, sont également trop longues et tendent à décourager les bonnes volontés et donc les initiatives favorables.
Je terminerai mon propos en évoquant le fonds de gestion de l'espace rural ; il était menacé en 1997, et je me félicite de son maintien dans votre projet de budget, monsieur le ministre. Compte tenu des réalisations menées, des attentes et des besoins, je souhaiterais que l'on puisse garantir son avenir dans la prochaine loi d'orientation agricole.
Toutes ces mesures vont dans le sens des attentes de la PAC rénovée ; elles offrent de réelles perspectives de développement durable auxquelles notre société est aujourd'hui attachée ; elles nécessitent toutefois une revalorisation sensible des enveloppes de crédits qui y sont affectées et un assouplissement des critères d'éligibilité.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, annonce clairement les orientations de l'avenir. Mais il pose également le problème crucial de la nécessité d'un rééquilibrage dans la répartition des aides communautaires.
Ce rééquilibrage est de votre responsabilité ; je suis certain que vous saurez le mener avec détermination et efficacité. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-30 rectifié, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose de réduire les crédits figurant au titre IV de 358 535 027 francs.
Par amendement n° II-32, MM. François, Peyrefitte, César, Dufaut, Gaillard et Rigaudière proposent de réduire les crédits figurant au titre IV de 160 000 000 francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles à 275 334 120 francs.
Par amendement n° II-34 MM. François, Peyrefitte, César, Dufaut, Gaillard et Rigaudière proposent de réduire les crédits figurant au titre IV de 140 000 000 francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles à 275 334 120 francs.
Par amendement n° II-33, MM. François, Peyrefitte, César, Dufaut, Gaillard et Rigaudière proposent de réduire les crédits figurant au titre IV de 21 850 000 francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles à 393 484 120 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n° II-30 rectifié.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Les arguments que je pourrais développer pour défendre cet amendement sont les mêmes que ceux que j'ai évoqués précédemment en ce qui concerne l'amendement n° II-29 rectifié.
Toutefois, je souhaite ajouter à l'intention de notre collègue M. Minetti, qui s'est interrogé tout à l'heure sur les régulations, que celles-ci ont été opérées le 9 juillet et le 19 novembre 1997 : sur le titre IV, ont été annulés respectivement 580 millions de francs et 718 millions de francs. Par conséquent, notre proposition se situe très en deçà de ces annulations.
M. le président. La parole est à M. François, pour défendre l'amendement n° II-32.
M. Philippe François. Sous couvert d'une légère augmentation des crédits de 10 millions de francs par rapport au précédent FIDIL, le ministère nous propose un fonds pour l'installation en agriculture, appelé FIA, dont on ne connaît pas la destination. Ce fonds nous paraît inutile.
En effet, le FIDIL, par son soutien aux projets d'initiatives locales, constituait, nous semble-t-il, un meilleur outil d'intervention, car son champ d'application était plus large.
Les 160 millions de francs économisés sur l'article 27 du chapitre 44-41, comme nous le proposons, pourraient donc, par exemple, servir à continuer de financer ces projets.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° II-32 ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Nous ne pouvons qu'être d'accord quant à l'intérêt que présente l'amendement n° II-32, puisque, au nom de la commission des finances, je suis moi-même intervenu sur ce sujet en début de journée.
La commission entendra donc avec beaucoup d'attention la réponse du ministre. Il ne semble pas, en effet, qu'il ait répondu très précisément sur ce point.
Néanmoins, quelle que soit la qualité de cet amendement, je suis obligé de lui réserver un avis défavorable, compte tenu des amendements présentés par la commission des finances.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s II-30 rectifié et II-32 ?
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. S'agissant de l'amendement n° II-30 rectifié, je dirai ceci : même punition, pour des raisons identiques à celles que j'ai développées à l'occasion de l'amendement n° II-29 rectifié ! Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° II-32, je rappelle que le fonds pour l'installation en agriculture a pour objet de relayer, en l'amplifiant, l'ancien FIDIL. L'augmentation des crédits s'élève, en effet, à 10 millions de francs par rapport à 1997.
En outre, la nouvelle aide à la transmission de l'exploitation devrait bénéficier d'un cofinancement de l'Union européenne à parité. Jusqu'à présent, les crédits communautaires ne participaient pas au financement des programmes pour l'installation et le développement des initiatives locales.
Par ailleurs, le FIA permettra de poursuivre les actions déjà engagées dans le cadre des programmes pour l'installation et le développement des initiatives locales, les PIDIL.
J'apprécierais donc, après de telles assurances, que les auteurs de cet amendement veuillent bien le retirer. Dans le cas contraire, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. François, pour défendre les amendements n°s II-34 et II-33.
M. Philippe François. L'amendement n° II-34 a pour objet de réduire de 140 millions de francs les crédits figurant à l'article 10 du chapitre 44-83.
Il ne semble pas opportun qu'une ligne du budget de l'agriculture soit affectée au FGER. En effet, la nature des interventions de ce fonds justifie pleinement la création d'une ressource affectée dont l'origine pourrait provenir, par exemple, d'une taxation des opérations entraînant l'« artificialisation » de l'espace, telle la taxe sur le changement de destination des terres.
Le montant de la ressource de cette taxe, à savoir 500 millions de francs, pourrait permettre, d'une part, de doubler les crédits du FGER - soit 280 millions de francs - d'autre part, d'augmenter la prime à l'herbe de 100 francs par hectare - soit 220 millions de francs - et d'utiliser l'économie ainsi réalisée par le ministère sur le FGER en poursuivant le programme actuel de préretraite en 1998.
S'agissant de l'amendement n° II-33, il est anormal que le ministère de l'agriculture contribue autant au budget des SAFER.
En effet, compte tenu du changement de nomenclature de cet article « SAFER Fonctionnement » dans le budget de l'agriculture - dans le budget de 1997, cet article était l'article 10 du chapitre 44-44 intitulé « Interventions dans le domaine foncier » ; dans le projet de budget pour 1998, ce même article est devenu l'article 60 du chapitre 44-80 « Amélioration du cadre de vie et aménagement de l'espace rural » - la réduction de crédits doit être compensée par le ministère de l'environnement, afin que les SAFER - ne souffrent pas d'une diminution du budget.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s II-34 et II-33 ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Ces deux amendements ont le mérite de poser de vraies questions.
En ce qui concerne l'amendement n° II-34 relatif au financement du FGER, il est vrai que ce fonds a connu et continue de connaître bien des vicissitudes. Il faut peut-être penser à lui trouver une ressource pérenne. Celle-ci pourrait d'ailleurs provenir d'une taxe. Toutefois, tant que cette taxe n'est pas votée, il est difficile de supprimer les dotations budgétaires, sauf à créer une solution de discontinuité.
Je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement sur cet amendement, mais, en tout état de cause, l'avis de la commission des finances est réservé.
L'amendement n° II-33, qui porte sur le financement des SAFER - vaste sujet ! - vient effectivement à point. Il serait bon que le mode d'action des SAFER, leur financement, etc., soient largement évoqués au travers d'une loi d'orientation.
Il est difficile, dans l'instant, d'être favorable à une réduction de 50 % des crédits des SAFER, sauf à leur poser un problème de survie immédiate. La question se posera néanmoins à terme, et c'est sans doute dans le cadre d'une loi d'orientation, je le répète, qu'il faudra l'examiner.
Je souhaite donc avoir l'avis du Gouvernement sur cet amendement, qui suscite également un avis réservé de la part de la commission des finances.
M. Fernand Tardy. N'importe quoi !
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s II-34 et II-33 ?
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. L'amendement n° II-34 tend à supprimer la dotation budgétaire du FGER dans la perspective de substituer à la ressource budgétaire une recette affectée. Pour ce faire, il est proposé, en contrepartie, de créer une ressource affectée provenant d'une taxation des opérations entraînant ce qu'il est convenu d'appeler une « artificialisation » de l'espace, c'est-à-dire une taxe sur le changement de destination des terres.
Comme vous le savez, les dispositions relatives aux recettes du budget de l'Etat ne peuvent être adoptées que lors de l'examen de la première partie de la loi de finances. Or notre débat sur le budget de l'agriculture se situe dans le cadre de l'examen des dépenses inscrites dans la seconde partie de la loi de finances. Il n'est donc pas possible, à ce stade de la procédure, de revenir sur les dispositions relatives aux ressources.
En outre, en application du principe d'universalité du budget, les recettes ne peuvent être affectées, je le rappelle, à des dépenses particulières.
Même si tel n'est pas son objet, l'amendement n° II-34 aurait pour effet de supprimer la dotation du FGER. J'y suis évidemment défavorable car, ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, le FGER me paraît constituer un outil essentiel, sur lequel il convient de s'appuyer pour favoriser l'équilibre de l'agriculture sur l'ensemble du territoire.
J'en viens à l'amendement n° II-33 relatif aux crédits destinés aux SAFER ; ceux-ci ont subi des réductions drastiques depuis plusieurs années puisqu'ils sont passés de 65 millions de francs, en 1993, à 43,7 millions de francs, en 1997.
La subvention de l'Etat ne représente que 15 % des charges de structures des SAFER, ce qui correspond à la part de mission de service public qui leur est dévolue dans les domaines de l'observation du marché foncier, de surveillance des transactions et d'interventions foncières.
Les SAFER répercutent leurs frais sur la revente des terres. Baisser la subvention aboutirait donc à un renchérissement du prix des terres. Réduire de la sorte les crédits des SAFER conduirait tout simplement à leur disparition.
Il convient également de rappeler que la tutelle des SAFER relève du ministère de l'agriculture et de la pêche et non du ministère de l'environnement. Il ne paraît donc pas possible de proposer une compensation à partir des crédits d'un autre département ministériel.
Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur cet amendement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je demanderai à mes collègues, que nous avons entendus avec beaucoup d'intérêt sur des sujets que nous étudierons probablement assez vite, de bien vouloir retirer leur amendement.
M. le président. Monsieur François, les amendements n°s II-32, II-34 et II-33 sont-ils maintenus ?
M. Philippe François. Je constate que la commission des finances trouve extrêmement intéressants les sujets que nous avons évoqués !
Mme Hélène Luc. Vous n'allez quand même pas léser les agriculteurs !
M. Philippe François. J'ai cru comprendre, également, que M. le ministre trouvait un certain intérêt aux remarques que nous avons formulées.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Tout à fait !
M. Philippe François. J'en déduis qu'ils devraient logiquement être d'accord avec nous ! (Rires.)
Toutefois, l'un et l'autre sont réservés, pour des raisons que je conçois parfaitement, à savoir que les SAFER risquent de se heurter à des difficultés actuellement insurmontables.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Evidemment !
M. Philippe François. Il n'en reste pas moins que nous souhaiterions voir cette préoccupation prise en compte dans les études que l'on effectuera ultérieurement sur les sujets en question.
Moyennant quoi, bien entendu, nous retirons ces trois amendements, monsieur le président.
M. le président. Les amendements n°s II-32, II-34 et II-33 sont retirés.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-30 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des finances, l'autre, du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 37:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 214 |
Contre | 101 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 80 900 000 francs ;