Sur ces crédits, la parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Depuis la décision prise par le gouvernement précédent de transférer la bourse des collèges à la caisse d'allocations familiales, je n'ai eu de cesse, avec mes amis du groupe communiste républicain et citoyen, de dénoncer ici le caractère pervers de cette mesure et ses conséquences dramatiques sur la fréquentation de la demi-pension au collège.
L'émotion et la colère partagées par nombre de nos collègues et par l'opinion en général face à ces situations insupportables d'enfants ne pouvant plus manger à leur faim n'avaient pas empêché, à l'époque, le ministre de dire que je faisais du « misérabilisme ». Hélas ! ce n'était pas vrai.
Cette émotion et cette colère m'apparaissent d'autant plus fondées que, dans le Val-de-Marne, avec le conseil général, nous avons mis en place une politique d'aide aux familles qui a été bénéfique puisque une hausse de 38 % de la fréquentation a été constatée.
Cette remontée démontre bien que la fréquentation des cantines dépend fortement de leur coût.
Aujourd'hui, le Gouvernement, sensibilisé à cette grave question, a décidé - et avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen je m'en réjouis - de rétablir les bourses des collèges versées directement aux établissements et à débloquer une somme de 250 millions de francs affectée à un fonds spécial.
C'est un progrès indiscutable, mais il faut aller plus loin en revalorisant significativement les bourses des collèges, limitées aujourd'hui à 300 francs en moyenne, et définir des critères précis d'attribution des fonds sociaux pour que l'équité soit respectée et que tous les ayants droit puissent en bénéficier.
Au-delà, il me paraît souhaitable de réfléchir à l'instauraction du paiement mensuel des factures de cantine, factures dont le montant pourrait être modulé en fonction des ressources de chaque famille, comme cela est fait en fonction du quotient familial en primaire et maternelle.
Je sais qu'il appartient déjà aux collèges de décider de l'instauration de ce paiement mensuel, mais le Gouvernement pourrait les y encourager, en tout cas y encourager les académies.
A côté de ce fonds de solidarité pour les cantines, la famille peut aussi, vous le savez, avoir recours au fonds social collégien, qui prend en charge les frais inhérents à la scolarité - achats de livres, de vêtements professionnels, etc. - et permet de financer sorties pédagogiques ou voyages.
Nul ne doute de l'utilité d'un tel fonds. Pourtant, il semble bien qu'un redéploiement de crédits, à concurrence de 100 millions de francs, ait été prévu à l'intérieur du chapitre 43-71, au profit du fonds social pour les cantines et peut-être au détriment du fonds social ; mais je n'en suis pas sûre ; c'est pourquoi je vous pose la question, madame la ministre : où a été pris ce crédit de 100 millions de francs ?
Cette démarche nous préoccupe. C'est pourquoi je tenais à vous demander les éclaircissements nécessaires.
Les dispositions prises vont dans la bonne direction. Il faudra désormais s'attacher à garantir l'accès de tous les enfants à la restauration dans sa dimension tant quantitative que qualitative ; cette action ne saurait reposer uniquement sur une aide sociale attribuée selon le bon vouloir du chef d'établissement ; elle devra s'appuyer sur des critères précis. C'est de cette façon que nous avons procédé au conseil général du Val-de-Marne afin que cette prestation apparaisse non plus comme une aide sociale versée à qui l'on veut, mais comme un droit auquel les enfants doivent pouvoir accéder.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Je tiens tout d'abord à remercier Mme la sénateur du soutien qu'elle apporte à l'action du Gouvernement concernant la mise en place du fonds social pour les cantines.
Vous souhaitez, madame Luc, que l'on institue le paiement mensuel des cantines. En effet, la question se pose car les familles ont du mal à acquitter en une fois les paiements trimestriels qui représentent souvent des sommes très importantes pour elles. Je pense même que nous pourrons envisager, dans certains cas, le paiement au repas afin que les familles puissent gérer au mieux leurs disponibilités.
Vous avez évoqué la question du redéploiement de certains crédits sur le fonds social pour les cantines. Je vous assure que rien n'a été pris au fonds social collégien comme cela avait été envisagé au départ ; nous nous y sommes fermement opposés.
En revanche, a été redéployée une somme de 60 millions de francs qui provient d'un reliquat des crédits affectés aux bourses, ce reliquat étant dû à une baisse des effectifs des élèves boursiers.
Mme Hélène Luc. Il faut augmenter les bourses !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Nous le souhaitons également, mais le débat budgétaire que nous venons d'avoir a montré que nos marges de manoeuvre étaient restreintes. Nous comptons bien, lors de la préparation du prochain budget, remettre à plat l'ensemble des dispositifs sociaux.
Enfin, je me réjouis de l'augmentation de 38 % de la fréquentation des cantines dans votre circonscription. Pour notre part, nous sommes en train d'effectuer un bilan de l'efficacité du fonds social pour les cantines en faveur d'enfants qui, jusqu'alors, ne mangeaient pas à leur faim.
Mme Hélène Luc. Merci, madame la ministre.
M. le président. Par amendement n° II-9, MM. Lambert et Ostermann, au nom de la commission des finances, proposent de réduire les crédits figurant au titre IV de 252 000 000 francs.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Cet amendement est nécessaire au respect du principe de la parité entre l'enseignement public et l'enseignement privé.
Il a été fait état tout à l'heure des règles de constitutionnalité. Si le Conseil constitutionnel vient à statuer sur les textes adoptés, nous verrons bien ! En tout cas, notre lecture des règles de constitutionnalité m'oblige à présenter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Il est assez paradoxal de voir la majorité sénatoriale proposer une diminution des crédits dévolus à l'enseignement privé. Au demeurant, par cohérence avec la position du Gouvernement sur l'amendement précédent, j'émettrai un avis défavorable.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je sais que le temps nous est compté, mais, tout à l'heure, j'ai indiqué qu'à l'ironie, je répondrais pas par l'ironie - telle n'est pas l'habitude au Sénat -, mais en replaçant les débats là où ils doivent se situer.
Madame le ministre, mon interprétation personnelle de la Constitution me conduit à dire que nous ne sommes même pas obligés de motiver aussi précisément nos amendements. Comme nous voulons assumer pleinement nos responsabilités, parce qu'il y va de l'honneur du Sénat, nous avons choisi de donner ces indications dans l'exposé des motifs.
Quoi qu'il en soit, si, dans un instant - vous en avez le pouvoir - vous nous proposez une augmentation des crédits de l'enseignement privé, je m'engage, pour ce qui me concerne, à la voter. Alors, chiche ! (Sourires.)
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Monsieur le rapporteur général, je me détermine sur les amendements que vous présentez. Chacun a pu voir qu'à l'instant vous nous avez proposé une diminution des crédits affectés à l'enseignement privé. Je souligne, et ce sans ironie, le caractère paradoxal de cette proposition.
L'avis du Gouvernement est tout à fait défavorable, en vertu du principe de la parité.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-9.
M. Jean-Louis Carrère. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai vécu dans cet hémicycle, en son temps, la tentative d'abrogation de l'article 69 de la loi Falloux. Sur toutes les travées, on m'a alors donné de grandes leçons de constitutionnalité. J'ai vu heureusement que le bon sens pouvait l'emporter sur l'éloquence.
Quand, aujourd'hui, on nous explique de façon réthorique que ce que l'on propose serait déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel si jamais celui-ci était saisi, pardonnez-moi de vous le dire, mes chers collègues, c'est parce que l'on est sûr que l'exercice est de mauvaise facture et qu'il ne sera pas conduit à son terme, de par la volonté du Gouvernement et de sa majorité. Je maintiens que cela procède d'une attitude politicienne.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-9, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 25:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 308 |
Majorité absolue des suffrages | 155 |
Pour l'adoption | 205 |
Contre | 103 |
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.
M. Jean-Louis Carrère. Le groupe socialiste vote contre.
Mme Hélène Luc. Le groupe communiste républicain et citoyen, également.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 620 180 000 francs ;