M. le président. La séance est reprise.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-212 rectifié et I-213 ?
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Monsieur le président, la suspension de séance a permis à la commission des finances d'apprécier ces deux amendements, sur lesquels, elle a émis, à l'unanimité, un avis favorable. (M. Chérioux applaudit.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-212 rectifié, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 18 terdecies .
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-213, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 18 terdecies .
Par amendement n° I-176, M. Gouteyron et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 18 terdecies , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article L. 112-17 du code rural, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... . - Il est institué une taxe de gestion de l'espace rural établie sur la construction, la reconstruction, l'agrandissement des bâtiments et sur les installations et travaux divers autorisés en application de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme, à l'exclusion de ceux qui sont définis par le 1° du paragraphe I de l'article 1585 C du code général des impôts et le paragraphe II de l'article 1585 D du code général des impôts, ainsi que sur les installations et travaux divers autorisés en application de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme.
« Son taux est fixé à 0,5 %. Sur les installations et travaux divers autorisés en application de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme, la taxe est établie selon les règles d'assiette, de taux et d'exemption définies à l'article L. 142-2 du code de l'urbanisme en matière de taxe départementale des espaces naturels sensibles.
« La taxe est soumise aux règles qui gouvernent l'assiette, la liquidation, le recouvrement et le contentieux de la taxe locale d'équipement.
« Le produit de la taxe de gestion de l'espace rural est affecté au fonds de gestion de l'espace rural prévu à l'article L. 112-16 du code rural et faisant l'objet du compte d'affectation spéciale n° institué dans les conditions prévues par la loi de finances pour 1998. »
« II. - Après le d du 1° de l'article L. 332-6-1 du code de l'urbanisme, il est inséré un e ainsi rédigé :
« e) La taxe de gestion de l'espace rural prévue à l'article L. 112-18 du code rural. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Cet amendement vise à instituer une taxe de gestion de l'espace rural, établie sur l'urbanisation, pour financer les espaces ruraux.
En fait, il s'agit de donner des moyens au Fonds de gestion de l'espace rural, le FGER, créé, vous le savez, mes chers collègues, par l'article 38 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995.
Ce fonds devait permettre de financer des mesures de gestion et d'entretien de l'espace. De plus en plus, il est apparu en effet que le coût de l'entretien de l'espace, longtemps supporté par la fonction de production de l'agriculture, devait trouver une source complémentaire et pérenne de financement. C'était d'ailleurs le rôle du FGER, outil jugé unanimement fort efficace pour financer des besoins, qui sinon ne le seraient pas, dans les zones de déprise agricole - entretien des rivières, notamment en vue de la protection contre les inondations, création de haies et de coupe-vents, pratiques de fauche en montagne afin de lutter contre les avalanches, etc.
Un engagement à long terme des différents acteurs concernés supposait une alimentation stable du fonds. Tel n'a malheureusement pas été le cas depuis la création de ce dernier.
En effet, aux termes de la loi, les dotations annuelles devaient s'élever à 500 millions de francs. En fait, elles n'ont cessé de régresser année après année : de 347 millions de francs en 1995, elles sont passées à 338 millions de francs en 1996 et à 55 millions de francs en 1997, y compris les reports. On ne peut même pas parler de décroissance puisque c'est une division par dix !
Outre la finalité de stabilisation des ressources, la taxe proposée, assise sur la totalité de l'urbanisation, concourt, par son assiette, à l'exercice d'une solidarité active entre le monde urbain, consommateur d'espaces agricoles ou naturels dont il a besoin pour respirer, et le monde rural, qui voit une partie de sa richesse foncière affectée à l'urbanisation.
Tel est l'esprit de cet amendement, dont vous avez tous mesuré l'importance, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Si l'esprit de l'amendement est absolument excellent, il demeure que la commission des finances, dès lors qu'il s'agit de créer une taxe, adopte un réflexe de prudence et, de ce point de vue, est peu favorable à la proposition de M. Oudin. De surcroît, la recevabilité de l'amendement reste encore à démontrer.
Je me tourne donc vers M. Oudin, qui est un expert en ce domaine, pour lui demander si, après la réponse que le Gouvernement ne manquera pas de lui faire sur l'esprit de sa proposition, il ne pourrait pas, le cas échéant, retirer son amendement pour l'améliorer et le déposer à nouveau ultérieurement.
Quoi qu'il en soit, c'est l'occasion pour la commission des finances d'inviter le Gouvernement à ne pas annuler les crédits du FGER dans les mois qui viennent, puisque telle est la préoccupation magnifiquement développée tout à l'heure par M. Oudin.
En résumé, la commission demande à M. Oudin de bien vouloir retirer son amendement, faute de quoi elle émettra sur ce dernier un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Sur l'esprit de l'amendement, il s'agit bien de soutenir l'espace rural, et le Gouvernement y souscrit. Cela dit, sur la lettre, cette fois, il poserait, en revanche, de nombreux problèmes.
En effet, aux termes de l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, l'affectaction d'une recette à un compte d'affectation spéciale ne peut résulter que d'une disposition d'origine gouvernementale. Par conséquent, comme l'a laissé pressentir M. le rapporteur général, cet amendement est irrecevable.
Sur le fond, il s'agit de créer une taxe supplémentaire, ce qui n'est pas excellent, d'autant moins que cette taxe pèserait sur l'urbanisme, le bâtiment et les travaux publics, secteur d'activité auquel, je pense, nous sommes tous attachés, à la ville comme à la campagne. Cette taxe me paraît donc inopportune.
Le Fonds de gestion de l'espace rural est doté, pour 1998, de 140 millions de francs, soit une somme à peu près équivalente à celle qui était prévue pour 1997. alors que, comme vous le savez, les dotations étaient en diminution depuis quelques années.
J'invite donc, courtoisement mais fermement, le Sénat à rejeter cet amendement.
M. le président. Monsieur Oudin, maintenez-vous l'amendement n° I-176 ?
M. Jacques Oudin. M. le rapporteur général s'étant déclaré, comme M. le secrétaire d'Etat, favorable à l'esprit de cet amendement, je n'en serai que plus sensible à son appel.
Cela étant, deux questions se posent ici.
M. le président. Monsieur Oudin, ma question était très précise...
M. Jacques Oudin. Je me prépare à retirer l'amendement, monsieur le président, mais je voudrais dire pourquoi ! (Sourires.)
Nous passons notre temps à parler d'aménagement du territoire et de protection de ces espaces naturels qui, nous le savons, se désertifient. Nous avons créé, par une loi de 1995, un Fonds de gestion de l'espace rural, qui devait être doté de 500 millions de francs. Or les dotations de ce fonds sont actuellement divisées par dix. Est-ce là une politique d'aménagement du territoire ?
Cette taxe est inopportune, dites-vous. Je suis un peu déçu par cette réponse. Ce n'est pas la première action de ce genre. Il existe ainsi une taxe départementale des espaces naturels sensibles, la TDENS, assise sur la construction dans tous les départements. Eh bien ! du fait d'une politique volontariste menée à l'échelon départemental, des départements comme le mien, qui est littoral et touristique, participent financièrement, par le biais de la TDENS, à l'entretien des espaces naturels sensibles. N'est-il pas possible de réfléchir à un financement pérenne du Fonds de développement de l'espace rural ?
J'aurais de même une suggestion, et je regrette que vous ne l'ayez pas formulée vous même : pourquoi ne pas éventuellement prendre un tiers, un quart, voire la moitié du montant de la TDENS levée dans tous les départements - mais il faudrait alors rendre obligatoire cette taxe - pour l'affecter au Fonds de gestion de l'espace rural ? Il y aurait, en quelque sorte, une mutualisation à la charge des espaces urbains en faveur des espaces ruraux.
Enfin, diantre ! On peut avoir un peu d'imagination ! Il s'agit de développer et de protéger les espaces naturels sensibles, dont nous avons tant besoin et dont on parle tant au titre de la politique d'aménagement du territoire !
Sous réserve de ces observations un peu critiques, vous l'aurez remarqué, monsieur le président, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° I-176 est retiré.
Je précise que, lorsque le président de séance interroge l'auteur d'un amendement pour savoir si ce dernier est retiré, c'est pour que celui-ci explique en quelques mots pourquoi il entend procéder à un tel retrait ; à défaut, ses collègues sont privés du droit de s'exprimer contre l'amendement ou pour explication de vote. C'est la raison pour laquelle je vous ai interrompu tout à l'heure, monsieur Oudin !
Par amendement n° I-178, MM. Oudin, de Rohan, Althapé, Bailet, Bizet, Blanc, Bourges, Camoin, Cazalet, César, Dejoie, Delevoye, Debavelaere, Doublet, Gélard, Gérard, Ginésy, Laurin, Jean-François Le Grand, Lemaire, de Menou, Oudin, Valade et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 18 terdecies , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa de l'article L. 651-3 du code de la sécurité sociale est complété in fine par les mots : "ainsi que du négoce des produits de la mer".
« II. - Les pertes de recettes pour les organismes bénéficiaires de la contribution sociale de solidarité des sociétés sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
« III. - Les pertes de recettes éventuelles pour le BAPSA sont compensées à due concurrence par le relèvement du taux prévu à l'article 1609 septdecies du code général des impôts.
« IV. - Les pertes de recettes pour le budget de l'Etat sont compensées à due concurrence par le relèvement des droits prévus à l'article 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. La C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés, dont nous avons tant parlé ici lors du débat récent sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, est calculée sur le chiffre d'affaires des entreprises assujetties. Elle entraîne, malgré son taux unique pour tous les cotisants, des effets économiques très différents selon les secteurs d'activité concernés.
C'est si vrai que le législateur a prévu, dans l'article L. 651-3 du code de la sécurité sociale, des possibilités de plafonnement de la contribution à acquitter par les entreprises dont la marge brute est réduite, notamment par celles qui exercent une activité de négoce agricole, activité dont on connaît la faiblesse des marges.
S'agissant des entreprises de négoce de produits de la mer, secteur très proche, l'impact de la C3S sur leurs résultats est extrêmement important. La C3S a, en outre, pour effet de renchérir le coût des produits de la mer, et donc de pénaliser encore un peu plus ce secteur dans ses relations avec l'aval ou la grande distribution.
Vous vous rappelez la crise que nous avons connue en 1993 et en 1994. Les grandes surfaces, qui réalisent maintenant plus de la moitié de la commercialisation, sont de plus en plus tentées de s'approvisionner sur les marchés extérieurs. On pénalise ainsi nos propres entreprises de négoce. Cette conséquence risque d'être particulièrement néfaste, non seulement pour la pêche, mais aussi pour les emplois induits localement. Il est donc légitime que les entreprises de négoce de produits de la mer bénéficient d'un dispositif de plafonnement, à l'instar de ce qui est pratiqué pour les entreprises de négoce en gros de produits agricoles. Nous avons déjà eu ce débat dans cette enceinte, voilà quelques années.
Une enquête récente menée au sein des coopératives de mareyage a montré que le taux moyen de marge brute de ces structures, calculé d'après la formule de l'ORGANIC, l'Organisation autonome nationale d'assurance vieillesse de l'industrie et du commerce, qui recouvre la C3S, s'établit à 3,2 %, alors que le mécanisme envisagé de plafonnement de la contribution s'appliquerait jusqu'à 4 % de marge brute. Vous constatez que le solde est quasiment nul.
Enfin, je tiens à rappeler que, lors de l'examen du projet de loi relatif à la pêche maritime et aux cultures marines, en troisième lecture, le 15 octobre dernier, le Gouvernement s'était engagé à apporter une réponse à cette question fondamentale sous forme d'une étude et, je suppose, d'un rapport, même si vous ne les aimez pas beaucoup, monsieur le secrétaire d'Etat. Reste que le Gouvernement s'y était engagé. Or, à ce jour, nous n'avons toujours pas de réponse. Il est donc urgent d'agir, raison pour laquelle je vous demande d'adopter cet amendement, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances a émis un avis défavorable sur cet amendement. C'est pour moi l'occasion d'insister auprès du Gouvernement sur le négoce des produits de la mer. En effet, il s'agit d'un pan de notre économie qui mérite la plus grande attention, non seulement du Sénat - elle est acquise - mais aussi du Gouvernement.
La commission des finances, dont M. Jacques Oudin est l'un des membres éminents, n'a pas pu faire autrement que d'émettre un avis défavorable, car ce dispositif relève désormais du projet de loi de financement de la sécurité sociale. De surcroît, le coût n'en est pas négligeable.
Cela étant, la commission des finances sera heureuse d'entendre le Gouvernement sur le devenir des entreprises de négoce des produits de la mer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Oudin, comme vous l'avez souligné, cette question a été évoquée le 15 octobre dernier dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à la pêche maritime et aux cultures marines ; vous aviez, à cette occasion, déposé un amendement identique à celui-ci. Le ministre de l'agriculture et de la pêche, M. Le Pensec, s'était engagé à faire procéder à une étude technique dans un délai de trois mois. Ce délai court encore.
Vous comprendrez bien, monsieur le sénateur, que, s'agissant d'un dossier aussi technique et d'un secteur d'activité aussi important, il n'est pas facile de prendre une décision sans disposer des informations nécessaires sur ses bénéficiaires potentiels et, au-delà, sur la véritable nécessité de procéder à une telle réforme législative.
Si l'amendement était adopté aujourd'hui, alors que le résultat de ces études préalables n'est pas connu, les demandes reconventionnelles émanant de secteurs d'activité tout aussi estimables que le négoce des produits de la mer risquent de se multiplier.
Enfin, monsieur Oudin, vous gagez la mesure par l'augmentation d'une recette de l'Etat, c'est-à-dire par une réduction des ressources de l'ORGANIC. Je ne suis pas sûr, pour user d'une circonlocution à la britannique, que votre gage soit recevable. (Sourires.)
Je puis vous en assurer, le Gouvernement est sensible à vos préoccupations. Je vous invite donc à retirer votre amendement en attendant que la fameuse étude technique soit effectuée et ses résultats portés à la connaissance du Sénat.
M. le président. Monsieur Oudin, maintenez-vous l'amendement n° I-178 ?
M. Jacques Oudin. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je vais donc le mettre aux voix.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Je suis particulièrement sensible aux arguments de M. le secrétaire d'Etat. Cependant, j'observe que le problème est évoqué dans cet hémicycle et ailleurs depuis au moins deux ou trois ans. On mesure ainsi l'importance, pour notre assemblée, de disposer d'une expertise du dispositif en question. Ah ! si les offices parlementaires d'évaluation que nous avons créés pouvaient travailler davantage ! Quant au Gouvernement, il pourrait aussi bien, lorsqu'il propose une taxe, en mesurer toutes les conséquences prévisibles et les faire connaître.
Certes, il faut éviter une extension du plafonnement à tous les secteurs d'activité. Mais le travail d'analyse a été mené pour le négoce des produits agricoles et, si le secteur des produits de la mer est plus modeste, les mécanismes n'en sont pas moins à peu près identiques.
Je forme donc le voeu que l'étude ne tombera pas au fond de la mer (Sourires) et que l'on examinera à nouveau cette question. Sachez que la crise de la pêche peut paraître bien lointaine vue de Paris ou des métropoles de l'intérieur des terres (M. le secrétaire d'Etat fait des signes de dénégation), mais qu'elle n'en est pas moins importante. Je suis persuadé que, si nous n'avons plus d'entreprises de mareyage saines et solides, c'est toute la chaîne de la production des produits de la mer qui en souffrira.
Je retire donc mon amendement, mais je m'en remets à vous, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi qu'à M. le rapporteur général et à M. le président de la commission des finances, afin que nous puissions évaluer rapidement les conséquences de cette mesure.
Un dernier mot : il est peut-être vrai que nous débattons désormais de la C3S lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais la commission des finances ne peut pas ne pas se prononcer sur ce genre de problème.
M. le président. L'amendement n° I-178 est retiré.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je souhaite prolonger le propos final de M. Jacques Oudin.
Il a bien raison de nous dire à quel point il est important qu'une commission puisse tenir, si j'ose dire, la marque de la fiscalité. Nous courons, en l'état actuel des choses, un immense danger. Je ne dis pas qu'une commission serait plus habile que d'autres à s'occuper de fiscalité, mais, tout simplement, qu'il est souhaitable qu'une seule commission s'occupe de fiscalité.
M. Jacques Oudin. Tout à fait !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Encore une fois, mes chers collègues, il ne s'agit en aucune façon pour la commission des finances de se réserver un domaine et de dresser une ligne Maginot pour le protéger. Il s'agit de faire en sorte que notre fiscalité, qui frappe tous les agents économiques, quel que soit, encore une fois, leur niveau de contribution, soit lisible et stable, et qu'elle ne nuise pas à notre économie.
Or, et c'est le vrai danger aujourd'hui, cette fiscalité est examinée au sein même des deux assemblées par des commissions différentes, quelles que soient leurs qualités par ailleurs, qui sont égales. C'est un peu comme si l'on voulait régler une montre ou un moteur à deux, et chacun dans un sens différent. Rien n'est plus dangereux !
M. le secrétaire d'Etat nous a rappelé que cette question relevait du Parlement, et que, au Gouvernement, les services du Premier ministre procèdent aux arbitrages. Mais nous ne pourrons pas continuer plus longtemps - disant cela, je me tourne vers M. le président de la commission des finances - à étudier ou à approfondir la fiscalité dans deux commissions différentes. Le problème a été évoqué par Jacques Oudin à propos de la C3S, mais il se pose pour l'ensemble de la fiscalité de notre pays.
Je veux vraiment appeler votre attention, mes chers collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siègez, sur le danger qu'encourrait le pays si nous avancions trop longtemps sur la voie dans laquelle nous sommes engagés.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. le rapporteur général vient de tenir des propos très importants.
Je voudrais simplement apporter une précision pour montrer que le Gouvernement a également le souci de la cohérence de la politique des prélèvements obligatoires : si cette cohérence est assurée bien sûr par le Premier ministre, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a également la responsabilité transversale de l'ensemble des prélèvements publics. Par conséquent, il serait excellent qu'il puisse avoir un écho au sein de chacune des deux assemblées.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Certes, la cohérence existe à l'échelon gouvernemental. Il n'empêche, si j'en crois la presse, que des affrontements se produisent entre le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui détermine la fiscalité, et d'autres ministres qui sont eux aussi chargés, actuellement, de procéder à des prélèvements obligatoires.
Je voudrais simplement dire, à la décharge du Sénat, que, lors de la mise en place de cette procédure, qui a abouti à déterminer la fiscalité en deux points différents, ce qui peut être source de contradictions et se révéler contraire aux intérêts bien compris de l'économie française, la commission des finances avait clairement marqué son opposition. Mais elle avait été minoritaire. Par conséquent, nous nous étions inclinés.
Mais M. le rapporteur général et moi-même poursuivons aujourd'hui notre action, espérant avoir votre soutien pour en revenir à la situation antérieure, à savoir la détermination de la fiscalité, au sein du Parlement, par les seules commissions des finances.
M. Jacques Oudin. Très bien ! M. le président. Par amendement n° I-181, M. Gérard propose d'insérer, après l'article 18 terdecies , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 69-1 du code du domaine de l'Etat est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« De même, les services de l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements sont autorisés à céder gratuitement les matériels informatiques dont ils n'ont plus l'emploi aux associations de parents d'élèves et aux associations de soutien scolaire. Ces associations s'engagent par écrit à n'utiliser les matériels qui leur sont cédés que pour l'objet prévu par leurs statuts, à l'exclusion de tout autre. Elles ne peuvent procéder à la rétrocession, à titre onéreux, des biens ainsi alloués à peine d'être exclues du bénéfice de la présente loi. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par l'augmentation des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard. Cet amendement concerne un réel problème : la mise à disposition du matériel informatique obsolète, propriété des services de l'Etat.
L'évolution des techniques informatiques se traduit par une obsolescence de plus en plus rapide des matériels, ce qui conduit les utilisateurs à vouloir remplacer ces derniers assez vite.
De nombreux équipements informatiques, vétustes mais encore en bon état, restent ainsi inutilisés, faute de repreneur, et sont stockés en attendant leur destruction.
Or, les associations de parents d'élèves et les associations de soutien scolaire, qui n'ont souvent pas les moyens de s'informatiser, feraient un bon usage de ces matériels pour initier les jeunes aux techniques de l'informatique ou pour équiper leurs services.
Il serait donc souhaitable que ce matériel informatique, lorsqu'il appartient à des services de l'Etat, aux collectivités locales ou à leurs établissements publics, puisse être cédé gratuitement à ces associations.
Cependant, si ces personnes publiques peuvent céder librement les biens qui n'appartiennent pas au domaine public - ils constituent seulement l'un des moyens par lequel le service public accomplit sa mission - elles ne peuvent actuellement le faire à titre gratuit : ces biens doivent être remis, selon le code du domaine de l'Etat, au service des domaines qui les vend au profit du Trésor. Seule une intervention du législateur permet de déroger à ce principe.
Or, des précédents existent en la matière : l'article 47 de la loi de finances pour 1996, en complétant l'article L. 69-1 du code du domaine de l'Etat, a ainsi autorisé la cession gratuite des biens meubles des services de l'Etat, autres que les véhicules automobiles et dont la valeur ne dépasse pas un certain plafond fixé par arrêté ministériel, aux associations de bienfaisance qui, notamment, redistribuent gratuitement ces biens aux plus défavorisés.
La circulaire d'application du 18 février 1997 indique notamment que le directeur des services fiscaux devra s'assurer que les biens appartiennent à l'Etat et que leur valeur unitaire est inférieure à 500 francs.
Le 17 novembre dernier, en présentant le plan triennal de développement des nouvelles technologies dans l'enseignement, M. Allègre et Mme Royal ont indiqué que ce plan devrait permettre, en mobilisant plus d'1 milliard de francs en crédits d'Etat, d'équiper en ordinateurs toutes les écoles et établissements, de la maternelle à l'université.
Par conséquent, ce plan se traduira par l'acquisition et surtout par la location de nouveaux matériels, qui rendront obsolètes la plupart des matériels existants. La mise en oeuvre de ce plan ambitieux accélérera donc mécaniquement la vétusté des matériels informatiques existants dans les écoles et dans les établissements d'enseignement et fera également baisser leur valeur unitaire.
Cet amendement reprend l'une des propositions visant à assurer une bonne intégration des technologies de l'information et de la communication dans l'éducation formulées dans le rapport Multimédia et réseaux dans l'éducation que j'ai remis au Premier ministre en mai dernier.
Je souhaite très vivement l'adoption de cet amendement qui répond à une attente très forte du milieu associatif ainsi qu'à une préoccupation des chefs d'établissement scolaire, lesquels connaissent des problèmes de stockage. (M. Jacques Oudin applaudit.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances a trouvé cet amendement particulièrement sympathique, et elle a constaté qu'il existait d'ailleurs un précédent.
En effet, comme l'a indiqué M. Gérard, l'article 47 de la loi de finances pour 1996 a autorisé la cession gratuite des biens meubles des services de l'Etat aux associations de bienfaisance qui les redistribuent gratuitement aux plus défavorisés.
Certes, nous sommes ici dans un cas de figure totalement différent ; mais, compte tenu de l'enjeu, que vous avez admirablement exposé, monsieur Gérard, la commission des finances a jugé, je le répète, votre amendement très sympathique.
Avant de me prononcer, je souhaiterais entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Gérard, le Gouvernement est sensible à l'esprit de votre proposition.
Cependant, le principe de la cession à titre onéreux des biens d'occasion de l'Etat relève, à mon sens, d'une saine gestion des deniers publics. Il est important qu'en bon père de famille, si je puis dire, l'Etat valorise tous les éléments de son patrimoine, qu'il les conserve ou qu'il s'en sépare.
De plus, ces procédures de cession organisées peuvent constituer une garantie face à d'éventuelles irrégularités.
Mais il y a deux exceptions : d'une part, la cession gratuite à des associations caritatives, que vous avez citée ; d'autre part, la possibilité de donner ce type de matériel à des Etats étrangers bénéficiant d'une action de coopération.
L'amendement n° I-181 part d'une très bonne inspiration. Comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, le prix de ces matériels diminue très rapidement : c'est le cas lorsqu'ils sont neufs et a fortiori lorsqu'ils sont d'occasion.
Vous demandez que l'Etat vende à un prix extrêmement réduit ces matériels à usage pédagogique à des associations de parents d'élèves ou de soutien scolaire.
Je note en tout cas, monsieur Gérard, que votre proposition, puisqu'elle a une inspiration constructive, vise à renforcer le plan que le Gouvernement, en particulier M. Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, souhaite développer dans l'école, en vue d'ouvrir aux jeunes l'accès aux techniques informatiques les plus modernes.
Votre proposition tend, quant à elle, à favoriser cette initiation non pas dans l'école, mais à la périphérie de l'école, grâce aux associations de parents d'élèves et aux associations de soutien scolaire.
Par conséquent, si l'inspiration de votre amendement me paraît excellente, en revanche, les modalités de sa mise en oeuvre contrarient à l'excès, me semble-t-il, un principe auquel l'Etat est, d'une manière peut-être un peu stricte, attaché.
En vous assurant avoir compris votre préoccupation, je vous demande donc de retirer cet amendement. A défaut, et à regret, je serai obligé d'en demander le rejet.
M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances n'imaginait pas que le Gouvernement pourrait donner une autre réponse. Elle m'a néanmoins chargé d'émettre un avis de sagesse, mais j'ai compris que c'était une sagesse positive.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-181, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 18 terdecies .

II. _ RESSOURCES AFFECTÉES

Article 19