M. le président. Par amendement n° I-96, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer après l'article 18 sexies , un article addionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 1414 C du code général des impôts, le taux "3,4 %" est remplacé par le taux "3 %".
« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant de l'application des dispositions du I ci-dessus, le taux prévu au 9° du paragraphe III bis de l'article 125 A du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Nous souhaitons faire un pas de plus avec cet amendement n° I-96 qui tend à réduire les contraintes fiscales pesant sur les ménages.
L'article 1414 C du code général des impôts prévoit un dégrèvement de la taxe d'habitation pour les personnes qui payent moins de 15 000 francs d'impôt sur le revenu.
Notre amendement vise à réduire le taux de dégrèvement de 3,4 % à 3 %, ce qui aboutit à augmenter le nombre de personnes qui bénéficieraient d'une réduction d'impôt. Cette mesure concernerait 200 000 à 300 000 ménages.
Cet amendement va, selon nous, tout à fait dans le sens qu'a voulu donner le Gouvernement à l'article 18 sexies du présent projet de loi de finances.
Notre proposition ne se borne donc pas uniquement à augmenter le nombre des personnes exonérées de l'impôt sur le revenu des personnes physiques ; elle vise aussi à faire bénéficier les familles aux revenus moyens d'un dégrèvement supplémentaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Défavorable également. En effet, plusieurs mesures concernant la taxe d'habitation ayant déjà été adoptées, cette proposition pèserait trop sur les finances de l'Etat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-96, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-132, présenté par MM. Régnault, Angels, Mmes Bergé-Lavigne, Pourtaud, MM. Charasse, Haut, Lise Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 18 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 1388 du code général des impôts est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette déduction est ramenée à 20 % pour les logements du parc privé vacants depuis plus de deux ans, n'appartenant pas à une succession non réglée, à moins qu'un contrat de location effectif soit en cours de validation ou que des travaux de rénovation soient effectivement en cours. »
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Une fois encore, je vais proposer des recettes. Voilà un instant, il s'agissait de 50 millions de francs, mais l'amendement n'a pas été adopté. Il s'agit probablement ici d'un peu moins, mais la somme n'est pas sans importance.
Cet amendement traite d'une question que le groupe socialiste du Sénat fait avancer, année après année, à savoir celle des logements vacants. Cette question se situe dans le prolongement de la discussion de la loi d'orientation sur le développement et l'aménagement du territoire du 4 février 1995.
Dans les villes importantes, d'une part, nombre de personnes ne trouvent pas de logement. Elles sont donc obligées de se loger en dehors de la ville. De plus, malheureusement, certaines sont finalement mal logées, voire sans toit. Pourtant, mes chers collègues, de très nombreux logements sont vacants. On en dénombre 200 000 rien qu'en région parisienne.
Dans les communes rurales, d'autre part, de nombreux logements vacants ne sont pas entretenus, sont laissés à l'abandon. Les collectivités locales mettent donc en place des équipements, des réseaux par exemple. Mais, en l'occurrence, personne ne se branche sur ces réseaux.
De nombreuses incitations existent, mais elles ne suffisent pas à résoudre le problème. Il est donc nécessaire de pousser les propriétaires à louer ou à vendre et de les dissuader de laisser les logements à l'abandon.
Plusieurs dispositifs sont envisageables. Le plus simple serait de restreindre la déduction du montant de la taxe foncière appliquée sur les propriétés bâties de 50 % à 20 % pour les logements vacants depuis plus de deux ans.
Cette déduction de 50 % est d'ailleurs accordée en considération des frais de gestion, d'assurances, d'amortissement, d'entretien et de réparation des logements, ce qui ne concerne pas réellement des logements non occupés et a fortiori des logements laissés à l'abandon.
Toutefois, cette réduction de la déduction ne sera pas effectuée si le propriétaire peut apporter la preuve que le caractère de vacance prolongée n'est pas volontaire. C'est pourquoi il faut faire abstraction du cas des successions non réglées, des logements pour lesquels un contrat de location effectif est en cours de validation ou encore des logements où des travaux de rénovation sont réellement effectués.
Ainsi conçu, le dispositif me paraît simple et incitatif, tout en étant protecteur des propriétaires qui ne réussissent pas à louer.
D'autres modes d'intervention sont envisageables et cet amendement est certainement améliorable, monsieur le secrétaire d'Etat. Vous avez d'ailleurs indiqué, voilà quelques jours devant les députés, que vous souhaitiez travailler avec la commission des finances de l'Assemblée nationale pour élaborer un texte avant la fin de l'année. Sachez que nous serions très heureux de participer, nous aussi, à l'élaboration de ces dispositions tant il est vrai que nous avons de nombreuses suggestions à faire du fait de notre expérience.
La France s'honorerait si elle cessait d'être en permanence à la recherche de logements de qualité pour des familles qui en sont privées alors que, dans le même temps, de nombreux logements sont inoccupés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La question évoquée par M. Régnault est très ancienne. Chacun souhaite en effet depuis longtemps que l'ensemble des logements soient occupés.
Envisager une pénalisation des propriétaires de logements vacants, c'est partir du principe qu'il faut conserver dans la cible exclusivement les cas de vacances volontaires. C'est ce que M. Régnault a tenté de définir, mais c'est très difficile.
Après s'y être essayée, l'Assemble nationale a dû y renoncer. Cela signifie que la contrainte n'est pas la meilleure solution pour résorber la vacance des logements.
Je peux comprendre que l'on s'agace de voir que le temps passe et qu'il existe toujours des logements vacants dans le parc privé.
Je remarque - et je sais que cela ne vous aura pas échappé, monsieur le sénateur, puisque vous êtes un expert en la matière - que, y compris dans le parc social, la vacance est en train d'augmenter, ce qui montre qu'elle obéit à d'autres critères que celui de la volonté de louer ou de ne pas louer.
Monsieur Régnault, lorsque vous aurez examiné par le menu toutes les raisons qui font qu'il faut exonérer tel ou tel propriétaire parce que la vacance du logement est liée non pas à sa volonté mais à des circonstances qui lui sont extérieures, il ne vous restera plus personne à taxer !
La vraie politique, la meilleure politique, c'est de soutenir la réhabilitation systématique du parc ancien.
Je le reconnais, beaucoup a été fait pour le parc HLM récent, construit ces vingt dernières années. Il faudrait mener la même politique en faveur de l'habitat ancien. C'est ainsi que nous arriverons sans doute à réduire de manière très sensible le nombre des logements vacants.
Je suis convaincu que nombre de nos compatriotes ignorent encore les aides qui peuvent leur être accordées, par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, par exemple. Bien des dispositifs existent pour réaliser des opérations de réhabilitation collective d'habitat ancien, et celles-ci méritent d'être soutenues. C'est ainsi que nous résorberons la vacance des logements.
Pour toutes ces raisons, la commission des finances estime que la solution de la contrainte est promise à l'échec. Elle a donc émis un avis défavorable sur l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est un problème très ancien, M. le rapporteur général l'a dit, c'est aussi un problème très lancinant, ce qui suppose qu'on ne baisse pas les bras face aux difficultés techniques.
Il est vrai qu'il existe un contraste choquant dans les grandes agglomérations entre, d'un côté, des logements vacants et, de l'autre, des personnes qui ne trouvent pas de logement.
La voie de la réhabilitation est effectivement, comme l'a dit M. le rapporteur général, une voie constructive, si je puis employer cette expression. C'est d'ailleurs la justification du fait que, dans le projet de loi de finances pour 1998, on constate une progression considérable des crédits de réhabilitation.
Mais M. Régnault et le groupe socialiste auquel il appartient souhaitent poursuivre la recherche d'une modalité fiscale qui permette d'introduire un élément d'incitation pressante en la matière. Sur le principe, il ne faut pas renoncer à une telle mesure.
J'ai effectivement déclaré, en première lecture à l'Assemblée nationale, que j'étais favorable au principe d'une taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés bâties, à condition que les modalités techniques en soient convenablement définies.
A ce propos, monsieur le rapporteur général, vous avez eu raison de le dire, il est difficile de distinguer les logements vacants volontairement des logements vacants involontairement.
Le Gouvernement est favorable sur le principe. Il considère cependant que M. Régnault propose une modalité qui est trop complexe dans la pratique. En effet, l'administration devrait pouvoir juger, d'une part, que le logement est vacant, d'autre part, qu'il y a ou non un contrat de location et que des travaux de rénovation sont prévus ; il s'agit là d'une surveillance très difficile àexercer.
Je ne voudrais pas offenser M. Régnault en lui disant que la modalité qu'il propose n'est peut-être pas la meilleure, mais que la démarche qu'il entreprend me semble, elle, excellente.
Je lui demande donc de bien vouloir retirer son amendement, sachant que nous allons réfléchir à des modalités techniques plus satisfaisantes.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-132.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Résorber progressivement notre parc de logements vacants est une nécessité, M. le secrétaire d'Etat l'a rappelé après M. Régnault. Nous en avons tous conscience à la fois en tant que parlementaires et, pour la plupart d'entre nous, en tant que maires.
M. le rapporteur général ne peut pas nier que certaines situations sont choquantes. Ainsi, des immeubles de centres-villes, du fait de la spéculation foncière, restent vacants pendant des années entières. Un Premier ministre, M. Juppé, et un président de la République, le président actuel, s'en étaient aperçu ! Ils avaient désigné les propriétaires concernés à la vindicte de l'opinion publique et lancé à cette époque-là, à juste titre, un plan de réquisition pour les sans-abri. Il s'agit là, monsieur le rapporteur général, d'un fait avéré.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Vous n'aviez pas été convaincus à l'époque !
M. le président. Monsieur le rapporteur général, laissez parler M. Delfau !
M. Gérard Delfau. Peut-être, mais les Français, quelle que soit leur opinion politique, avaient estimé que la mesure était bonne, et c'était d'ailleurs mon cas.
Je soutiens la position de M. le secrétaire d'Etat, suite à la demande formulée par M. Régnault au nom de notre groupe, et je vais vous faire une suggestion.
Nous rencontrons un autre problème, monsieur le secrétaire d'Etat, qui est lié au précédent : celui des immeubles qui sont à l'heure actuelle abandonnés au sein du tissu urbain de nos villages et de nos petites villes et qui présentent des risques tant pour la sécurité des citoyens qu'en termes d'insalubrité.
Dans une telle situation, les maires sont complètement démunis pour des raisons non seulement juridiques, mais aussi financières. En effet, acheter le moindre appartement ou la moindre maison de village coûte aujourd'hui de 150 000 francs à 200 000 francs, ce qui représente, pour une commune de 5 000 habitants, une somme exorbitante !
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suggère donc que nous nous engagions dans cette voie et que nous affections la ressource obtenue à un fonds de modernisation et de rachat par les communes, afin de régler ces problèmes lancinants qui, chacun d'entre nous le sait sur ces travées, reviennent sans cesse quand nous discutons avec nos collègues maires.
M. René Régnault. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Tous les propos qui viennent d'être tenus, en particulier les vôtres, monsieur le secrétaire d'Etat, me donnent à penser que nous allons travailler sur cette question.
Si les dispositions que je vous ai soumises vous ont paru complexes, je souhaite, avec votre concours et celui de vos collaborateurs, que nous puissions améliorer le dispositif. Nous devrions ainsi, à une échéance prochaine, reparler de cette question en étant, cette fois, en mesure de progresser concrètement.
Cela dit, monsieur le rapporteur général, nos divergences sont faibles. Les mesures qui existent sont insuffisantes ; il faut les compléter. C'est ainsi que nous ferons du bon travail. En tout cas, j'y crois, et je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° I-132 est retiré.
Par amendement n° I-97 rectifié, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 18 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le deuxième alinéa du I de l'article 1647 B sexies du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Pour les impositions établies à partir de l'année 1998, le taux prévu au premier alinéa est porté à 4 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires de l'année au titre de laquelle le plafonnement est demandé est compris entre 140 millions de francs et 500 millions de francs, et 4,5 % pour celles dont le chiffre d'affaires excède cette dernière limite. »
« II. - Au II de l'article 1641 du code général des impôts, les taux "5,4 %" et "4,4 %" sont respectivement remplacés par les taux "5 %" et "4 %". »
« III. - Le taux prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement est un peu original, puisqu'il vise, en fait, à proposer le gage de la mesure au paragraphe I, et la mesure nouvelle motivant une réduction des recettes de l'Etat au paragraphe II.
Au-delà de cette approche formelle, je me permets toutefois de souligner deux questions tout à fait fondamentales qui sont contenues dans cet amendement.
Il s'agit, d'une part, de la question du plafonnement à la valeur ajoutée de la cotisation de taxe professionnelle des entreprises assujetties et, d'autre part, de la question de la pérennisation de la majoration des frais de rôle et de gestion des impositions directes locales liée à la mise en oeuvre de la révision des bases cadastrales d'imposition.
Nous sommes donc en face d'une question toute simple : celle de la modification de l'amendement Arthuis sur le plafonnement de la taxe professionnelle à la valeur ajoutée et celle de l'amendement Lambert, qui a fini par pérenniser la majoration temporaire.
Venons-en au fond.
Le plafonnement à la valeur ajoutée de la cotisation de taxe professionnelle des entreprises est une charge importante pour le budget de l'Etat, actuellement fixée à plus ou moins 40 milliards de francs.
Pour prendre une image, on peut aujourd'hui presque dire que le montant de cette prise en charge se rapproche de celui des impositions nettes de taxe d'habitation acquittées par les redevables de cette taxe.
Nous proposons donc de revoir la question de ce plafonnement en relevant de manière relativement sensible le niveau de ses seuils d'application, ce qui permettra dans les faits d'infléchir la courbe de la progression de cette charge budgétaire.
On ne peut en effet oublier que l'une des conséquences du système actuel est de plafonner largement la taxe professionnelle à un niveau inférieur à celui que les impositions locales dues par les ménages leur font supporter effectivement.
Il est en fait plus facile, en général, à une entreprise de payer sa taxe professionnelle qu'il n'est aisé à un particulier de payer sa taxe d'habitation et, a fortiori, sa taxe foncière s'il est propriétaire.
La seconde disposition concerne, nous l'avons vu, le problème de la révision des bases cadastrales et de la majoration du taux forfaitaire de prélèvement par l'Etat qu'elle a entraînée.
Soulignons d'ailleurs ici l'un des effets particuliers de cette mesure.
Mécaniquement, le produit de l'imposition des frais de rôle progresse avec le montant des impositions votées par les assemblées délibérantes des collectivités locales. Un point de fiscalité directe locale en plus signifie, dans les faits, un point de progression du montant des frais de rôle.
Le montant de la majoration exceptionnelle aujourd'hui pérennisée est estimé à environ 1,5 milliard de francs.
Supprimer cette majoration particulière reviendrait à rendre cette somme aux redevables locaux et donc, en fait, à partager le bénéfice de la mesure de manière équitable entre les ménages et les entreprises pour 650 à 750 millions de francs pour chaque catégorie.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite donc à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je ne suis pas très favorable à cet amendement ou, plutôt, j'y suis défavorable parce que nous allons engager une réflexion sur la fiscalité locale qui réunira tous les partenaires concernés. C'est à cette occasion, je crois, qu'il conviendra de réfléchir à l'avenir de la taxe professionnelle, y compris à celui des mécanismes de plafonnement qui la commandent.
C'est pourquoi cet amendement me semble sinon inadapté, du moins prématuré.
M. le président. L'amendement n° I-97 rectifié est-il maintenu ?
Mme Odette Terrade. Oui, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-97 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-95 rectifié, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 18 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa du I de l'article 1647 E du code général des impôts, le taux "0,35 %" est remplacé par le taux "1 %".
« II. - Ce même alinéa est complété par les dispositions suivantes : "Ce taux est porté à 1,5 % lorsque ce chiffre d'affaires est supérieur à 500 millions".
« III. - Le supplément de recettes résultant de l'application des I et II ci-dessus est affecté au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle. »
Par amendement n° I-135, MM. Régnault, Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 18 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 1647 E du code général des impôts est ainsi modifié :
« a) Après le premier alinéa du I, il est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Au titre de 1998 et des années suivantes, le taux de valeur ajoutée figurant au premier alinéa est fixé à 1 %. »
« b) Le deuxième alinéa du I est ainsi rédigé :
« Cette imposition minimale ne peut avoir pour effet de mettre à la charge de l'entreprise un supplément d'imposition dépassant un seuil fixé par décret. »
« c) Le paragraphe II est ainsi rédigé :
« II. - Le supplément d'imposition, défini par différence entre la cotisation résultant des dispositions du I et la cotisation de taxe professionnelle déterminée selon les règles définies au III, est versé au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle. »
« II. - L'augmentation des ressources du fonds national de péréquation de taxe professionnelle résultant de l'application du I du présent article n'est pas prise en compte dans le calcul à structure constante défini à l'article 32 de la loi de finances pour 1996.
« III. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par une réduction à due concurrence de la dotation budgétaire de l'Etat au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle et par le relèvement des tarifs mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-202, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 18 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le deuxième alinéa du I de l'article 1647 E du code général des impôts, les mots : "et, pour 1998, quatre fois la cotisation définie au III." sont supprimés. »
« II. - Après le deuxième alinéa du I de l'article 1647 E du code général des impôts, il est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Au titre de 1998 et des années suivantes, le taux de valeur ajoutée figurant au premier alinéa est fixé à 1 %. »
La parole est à M. Derian, pour défendre l'amendement n° I-95 rectifié.
M. Jean Derian. Cet amendement a pour objet de renforcer les outils de péréquation de la taxe professionnelle en rehaussant la cotisation minimale de cette même taxe.
Cette cotisation minimale a été créée dans la loi de finances de 1996 au taux de 0,35 %. Il avait été décidé que, dans les années ultérieures, on l'augmenterait régulièrement.
On n'en a rien fait en 1997 et il semble, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'on ne l'envisage pas non plus pour 1998.
Je crois savoir que nos collègues socialistes étaient prêts à accepter un taux de 0,70 %. Nous perdrions encore une année si cet amendement n'était pas pris en compte.
Si un plancher a été instauré, c'est parce qu'un plafond avait été créé en 1989. Cela a coûté 4 milliards de francs à l'Etat cette année-là ; cela lui coûte aujourd'hui 40 milliards de francs.
Si l'on ne met pas en place un système de plancher qui remonte doucement, on va se priver, comme le soulignent très justement les collectivités locales, d'une ressource absolument nécessaire à la péréquation et à la réforme de la taxe professionnelle.
Cette proposition va, me semble-t-il, tout à fait dans le sens de ce que souhaite, par exemple, l'Association des maires de France.
De plus, l'argument avancé par les directions d'entreprises pour justifier des décisions de délocalisation serait considérablement réduit dans la mesure où ce relèvement limiterait les fortes disparités de taux de taxe professionnelle et, donc, la mise en concurrence des communes à laquelle se livrent les entreprises.
M. le président. La parole est à M. Régnault, pour défendre l'amendement n° I-135.
M. René Régnault. Je pense que vous tous ici serez sensibles à la proposition que nous faisons. Elle est fondée sur l'équité à établir entre les redevables de la taxe professionnelle afin que ceux qui contribuent peu puissent, lorsqu'il y a un effort à fournir, contribuer davantage et que nos collectivités locales, très solicitées aujourd'hui, puissent assumer non seulement les charges qui sont déjà les leurs, mais aussi celles qui seront liées au plan pour l'emploi des jeunes, par exemple, ou encore les charges liées à la qualité de vie - eau, assainissement, environnement, et j'en passe - qui résulteront des nouvelles normes qui se succèdent.
Tout cela explique l'importance toujours plus grande de la taxe professionnelle et de son système de péréquation.
Notre amendement n° I-135 a donc pour objet d'augmenter les moyens de cette péréquation par le biais d'un relèvement de la cotisation minimale de la taxe professionnelle.
L'instauration d'une cotisation minimale de 0,35 % de taxe professionnelle qui était proposée dès 1996 par le groupe parlementaire socialiste du Sénat a constitué une avancée intéressante face aux inégalités des entreprises devant la taxe professionnelle.
Cette disposition constitue également un premier pas vers une modification de l'assiette de la taxe professionnelle permettant une moindre pénalisation de l'emploi et une meilleurs prise en compte des secteurs capitalistiques.
Elle aurait pu également constituer un bon outil pour renforcer les moyens de la péréquation financière entre les collectivités locales.
Mais la mesure de la loi de finances pour 1996 a manqué d'ambition puisque le taux retenu de 0,35 % est très faible, puisque ne sont pas prises en compte les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions de francs et puisqu'un plafonnement strict de la hausse est effectué. Au total, très peu d'entreprises sont concernées pour un rapport symbolique.
Il convient donc de revenir à l'intention initiale du législateur, qui escomptait un produit de 500 millions de francs alors qu'il n'a représenté que le dixième.
Il faut aller dans la direction que nous nous étions tous fixée ici à l'époque. Le gouvernement précédent avait attribué au budget de l'Etat le produit de cette cotisation minimale alors que, de notre point de vue, il s'agit pourtant bien clairement d'une imposition locale.
Je le répète, il faut relever ce taux minimum, et faire en sorte que le produit espéré soit au rendez-vous et que la recette revienne aux collectivités locales.
L'objet de cet amendement est donc de relever à 1 % le taux de la cotisation minimale, ce qui permettra réellement à cette cotisation de remplir ses objectifs. Le plafonnement devra être établi afin de permettre une augmentation réelle mais progressive de la ressource.
En second lieu, l'amendement prévoit l'attribution de cette cotisation minimale aux sociétés locales par le biais du Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, qui pourra ainsi être mieux à même de remplir son rôle de rééquilibrage des ressources entre les collectivités locales et, surtout, en fonction de leur richesse respective.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour défendre l'amendement n° I-202.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous tournons autour du même sujet : mon amendement est d'une inspiration analogue à celle de l'amendement que vient de présenter M. Régnault, avec, toutefois, quelques variantes.
Les allégements de taxe professionnelle qu'il a fallu décider après le vote de la loi de 1975 se sont empilés d'année en année, au point de devenir ruineux pour les finances publiques en général et pour celles de l'Etat en particulier ; notre collègue du groupe communiste a avancé tout à l'heure des chiffres qui ont de quoi faire frémir mais qui reflètent la réalité.
Mais il faut bien reconnaître que la mesure de plafonnement par rapport à la valeur ajoutée que nous avons introduite voilà quelques années a fait complètement exploser le système !
C'est à l'occasion de l'examen des conséquences de cette mesure que nous nous sommes interrogés, au sein de l'Association des maires de France, puis, presque simultanément, dans cette assemblée, sur le problème de la solidarité entre les entreprises. Nous nous sommes dit que, après tout, l'ensemble de la collectivité nationale payait la solidarité envers les entreprises trop imposées et que cela avait pour résultat de remettre des sommes astronomiques à la charge du budget de l'Etat par l'intermédiaire du plafonnement par rapport à la valeur ajoutée, même si nous avons légèrement réduit et adapté ce plafonnement au cours des années passées.
Cependant, nous avons constaté que, à côté des sommes démentielles parfois réclamées à certaines entreprises, qu'on pouvait alors à juste titre qualifier de surimposées, il y avait des contributions véritablement dérisoires, tenant soit à un taux taxe professionnelle très bas, soit à un système conduisant à calculer des bases excessivement modestes. Autrement dit, il y avait des rentes de situation et cela n'était pas supportable.
C'est ainsi que nous avons été conduits à chercher ceux qui étaient favorisés par le système. Bien sûr, ils restaient tranquillement dans leur coin, ils ne se faisaient pas remarquer, il ne la « ramenaient » pas ! Ce n'est pas eux qui nous écrivaient tous les ans pour protester !
Nous avons d'abord découvert que ces violettes cachées, c'était les banques, les compagnies d'assurance, les sociétés de crédit-bail et les grandes surfaces, et nous avons considéré qu'il était parfaitement possible de leur réclamer un supplément, que nous avons appelé la « cotisation minimale ». Puisqu'il existait une cotisation maximale par rapport à la valeur ajoutée, au-delà de laquelle c'est l'Etat qui prend en charge, nous nous sommes dit : « Pourquoi ne pas faire payer un minimum ? »
Nous avions demandé, monsieur le secrétaire d'Etat, aux services de Bercy de faire un certain nombre de simulations. Les simulations ont été faites sur la base de trois hypothèses, 0,5 %, 1 % et 1,5 %, avec 50 millions de francs de chiffre d'affaires au minimum puisque nous ne voulions pas frapper en dessous.
Nous avons ainsi obtenu des chiffres variant entre un milliard et deux milliards de francs ; au taux de 1 %, c'était 1,8 milliard de francs.
Là-dessus, on nous a dit : « Mais il faut être prudent, il faut examiner, il faut essayer, il ne faut pas monter directement à 1 %. » Nous avons donc adopté le taux de 0,35 %. On nous a affirmé que cela rapporterait à peu près 400 millions de francs. Et, aujourd'hui, on nous dit qu'on en est à peu près à 50 millions de francs, qu'on ne comprend pas, qu'on s'est « planté » dans les calculs...
Rassurez-vous, monsieur le sercrétaire d'Etat, vos services sont remarquables. Ils ne se sont pas trompés, mais nous avons introduit un dispositif...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Michel Charasse. ... tel que, quand on ne payait rien, on ne pouvait pas payer plus de deux fois rien et que, quand on n'avait pas pu payer plus de deux fois rien, on ne pouvait pas payer plus de trois fois rien ! C'est le système qui prévoit que, la première année, on ne peut pas payer plus de deux fois ce qu'on payait l'année précédente. Mais zéro multiplié par deux, cela fait toujours zéro !
Voilà pourquoi, au lieu d'être à 400 millions de francs, on est à 50 millions de francs !
Le système que je propose avec cet amendement est très simple. Il consiste à dire que, d'une part, 1 % de valeur ajoutée, c'est toujours très bas par rapport aux 3,5 % et 4 % de ceux qui sont plafonnés et qui montent jusqu'à ces niveaux élevés, et que, d'autre part, 1 %, c'est le taux qui correspond à la demande réitérée de l'Association des maires de France, mais sans le cliquet de la multiplication par deux, par trois, etc., ce que, en termes savants, on appelle le « lissage ».
Mon amendement vise donc à passer à 1 % et à « lisser ».
Vous remarquerez, monsieur le président, que je me suis « lissé » moi-même puisque mon intervention n'a pas excédé cinq minutes. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-95 rectifié, I-135 et I-202 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. C'est un sujet dont nous ne cessons de parler mais sur lequel nous nous sommes, jusqu'à présent, toujours refusés à légiférer à l'aveugle.
Comme Michel Charasse vient de l'expliquer, et plus plaisamment que je ne saurais le faire, nous souhaitions ne légiférer qu'à partir de simulations. Celles-ci ont été demandées, mais on n'a pas fait preuve, de l'autre côté, d'une hâte excessive. Nous avons donc fini par prévoir ces simula«tions dans la loi. Malheureusement, donner à notre demande valeur législative n'a eu qu'un effet tout relatif, mes chers collègues, puisque le rapport que nous avions imposé dans la loi devait nous être rendu le 31 mai dernier. Or, en ce 25 novembre, je n'en dispose toujours pas. M. le secrétaire d'Etat nous l'a promis et, comme je crois tout ce qu'il me dit, je ne doute pas que ce document nous parviendra bientôt.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous avez raison !
M. Michel Charasse. C'est un honnête homme !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Personne n'en doute et, dès lors, il n'est pas nécessaire de le rappeler ! (Sourires.)
Toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez déjà admis devant le Sénat que le résultat des simulations était quelque peu décevant, en ce sens que l'on n'obtient pas, comme Michel Charasse l'a souligné, le produit qu'on pouvait espérer.
Ce qui demeure intéressant, c'est de voir quelles catégories de contribuables se trouvent avantagées par l'enchaînement des dispositifs que Michel Charasse vient de nous décrire. Mais il l'a fait si vite que je crains que certains n'aient eu un peu de mal à suivre ! (Sourires.)
Quoi qu'il en soit, le système est tel que ceux qui ne payaient rien continuent de ne rien payer. Il faut donc examiner, par catégorie de contribuables, de quelle façon le dispositif doit être modifié pour le rendre juste, puisque c'est notre préoccupation commune.
Cependant, serait-il bien sage de légiférer tout de suite, alors que nous sommes théoriquement à la veille de recevoir ce fameux rapport que nous attendons depuis un an et demi ? Devons-nous vraiment prendre dès maintenant des dispositions, alors que l'instrument qui est censé nous aider à légiférer le moins mal possible va nous être enfin fourni ? La commission des finances, pour ce qui la concerne, ne le pense pas.
Il y a sans doute des redevables qui sont, selon Michel Charasse, susceptibles d'être appelés à contribuer à un niveau plus haut.
Mais je crains qu'il n'y en ait aussi qui en soient incapables.
Soyons lucides, mes chers collègues : dans notre pays, le produit de la taxe professionnelle est actuellement supérieur au produit de l'impôt sur les sociétés.
M. Michel Charasse. Oui, mais sans dégrèvement !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Nous légiférons sous les yeux de ceux qui assurent aujourd'hui l'emploi en France. Je vous invite donc à la plus grande prudence et à la plus grande mesure, même si les besoins des collectivités locales sont réels, ainsi que nul ne l'ignore dans cette enceinte.
La position de la commission des finances demeure, à regret, la même : puisque l'instrument dont elle a besoin pour vous donner un avis responsable n'est toujours pas à sa disposition, elle ne peut qu'émettre un avis défavorable sur les trois amendements en discussion, que leurs auteurs accepteront peut-être de retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Nous sommes à l'évidence confrontés à un sujet palpitant, celui de la cotisation minimale de taxe professionnelle.
A ce sujet, cinq questions se posent.
La première paraît réglée : depuis 1996, personne ne remet en cause le principe d'un prélèvement minimal de taxe professionnelle.
Restent les questions du taux, du rendement, de l'affectation et du calendrier.
Il est exact que le rendement de la mesure prise en 1996 est décevant : il se réduit à 50 millions de francs, au lieu des 500 millions de francs annoncés. Cela mérite un diagnostic.
Un rapport a été promis. Il sera remis dans les jours qui viennent, au plus tard dans une ou deux semaines. Vous disposerez donc, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, sinon d'explications lumineuses, du moins d'éléments de clarification.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Quand ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Dans une ou deux semaines.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d'Etat, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Il est important que vous nous disiez, monsieur le secrétaire d'Etat, si nous disposerons de ce rapport au moment de la discussion du collectif budgétaire.
M. Michel Charasse. Et nous reprendrons ce débat lors de l'examen du collectif budgétaire !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Cette question revient chaque année ! Il nous faut donc un engagement très précis du Gouvernement ! Lors de la discussion du collectif budgétaire de fin d'année, nous pourrons reprendre la discussion et proposer un amendement si besoin est.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le président de la commission des finances, à votre question vigoureuse, je ferai une réponse vigoureuse : vous aurez ce rapport avant l'examen du collectif budgétaire.
M. René Régnault. Merci et très bien !
M. Michel Charasse. Alors, je vais retirer mon amendement !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Permettez-moi de terminer !
Trois dispositifs sont proposés, qui diffèrent selon le taux et selon l'affectation. M. Dérian a proposé un système qui fait varier le taux selon la taille des entreprises - 1 % pour les moyennes, 1,5 % pour les grandes - et une affectation au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, ce qui pose un problème.
M. Régnault propose 1 % pour tout le monde, avec une affectation aux collectivités locales.
M. Charasse suggère deux innovations : un taux unique de 1 %, mais avec une taxe minimale en quelque sorte débridée - qu'il me pardonne cette expression ! c'est-à-dire sans aucune contrainte susceptible de freiner son développement, avec affectation à l'Etat, ce qui ne peut, bien sûr, que satisfaire le secrétaire d'Etat au budget.
Le débat sur ces trois amendements est probablement prématuré. Je suggère qu'ils soient retirés. Lorsque nous aurons pu prendre connaissance du rapport que j'ai promis pour le collectif budgétaire, nous serons en mesure de reprendre cette discussion à partir d'informations précises.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Ce que vous avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, me paraît important, indépendamment de la question relative à la taxe professionnelle. En effet, en 1998, interviendra la fin du pacte de stabilité, et nous aurons alors besoin de connaître ces éléments pour pouvoir définir, avec le Gouvernement, le nouveau mode des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Vous prenez donc un engagement très fort, monsieur le secrétaire d'Etat, et nous veillerons à ce qu'il soit respecté.
M. le président. Monsieur Régnault, votre amendement est-il maintenu ?
M. René Régnault. Je le retire, monsieur le président.
M. Michel Charasse. Je retire également le mien !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et nous retirons le nôtre !
M. le président. Les amendements n°s I-95 rectifié, I-135 et I-202 sont retirés.
Par amendement n° I-94, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 18 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le II bis de l'article 1648 D du code général des impôts, les taux "1,70 %", "1,25 %" et "0,8 %" sont respectivement remplacés par les taux "2,20 %", "1,70 %" et "1,1 %".
« II. - Le produit de l'imposition perçu en application du I ci-dessus n'est pas pris en compte dans le calcul à structure constante défini à l'article 32 de la loi de finances pour 1996 (loi n° 95-1346 du 30 décembre 1995). »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Notre amendement tend à renforcer les moyens de péréquation de la taxe professionnelle.
L'article 1648 D du code général des impôts, je le rappelle, prévoit « une cotisation de péréquation de la taxe professionnelle à la charge des établissements situés dans les communes où le taux global de cette taxe est inférieur au taux global moyen constaté l'année précédente au niveau national ».
Nous vous proposons de relever le taux de cette cotisation de 1,7 % à 2,20 % pour les établissements situés dans les communes où le taux moyen de la taxe professionnelle est inférieur à la moitié du taux moyen national.
Pour les établissements situés dans les communes où le taux de la taxe professionnelle est compris entre 0,5 et 0,75 fois le taux moyen national, nous proposons de porter le taux de cette cotisation de péréquation de taxe professionnelle de 1,25 % à 1,7 %.
Pour les établissements situés dans les communes ayant un taux de taxe professionnelle compris entre 0,75 fois et une fois le taux moyen national, cette cotisation serait relevée de 0,8 % à 1,1 %.
Au total, le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle augmenterait d'environ 200 millions de francs.
Cet amendement se justifie par la nécessité de trouver de nouvelles ressources et de les affecter à la réduction des inégalités territoriales. Vous savez que nous ne sommes pas partisans des mécanismes de redistribution à enveloppe constante qui, au bout du compte, créent une division entre les communes.
Le mécanisme que nous proposons permettrait de répondre en partie aux revendications de certains membres de l'Association des maires de France, qui regrettaient l'absence de loi de péréquation financière.
La lecture - quotidienne, cela va de soi ! - des chiffres de l'annuaire statistique de la direction générale des impôts nous conforte dans notre analyse.
C'est pourquoi, convaincus que c'est à l'Etat de prévoir, par le biais d'une telle cotisation, les mécanismes de péréquation assis sur la richesse produite au sein des entreprises, nous invitons le Sénat à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je pense que nous pourrons réfléchir tous ensemble, l'an prochain, à de meilleurs mécanismes de péréquation, qui n'entraînent pas forcément une augmentation de la pression fiscale pesant sur les entreprises, comme ce serait le cas si l'amendement de M. Loridant était adopté.
Je suggère donc le retrait de cet amendement et l'amorce d'une discussion approfondie sur la taxe professionnelle.
Si cette suggestion n'était pas suivie, le Gouvernement demanderait le rejet de cet amendement.
M. le président. Monsieur Loridant, l'amendement n° I-94 est-il maintenu ?
M. Paul Loridant. Compte tenu de la simplicité du sujet, je le retire, monsieur le président. (Rires.)
M. le président. L'amendement n° I-94 est retiré.
Par amendement n° I-46, MM. Delevoye et Marini proposent d'insérer, après l'article 18 sexies , un article additionnel ainsi rédigé :
« I - Après le 2° du I de l'article 21 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis - A compter de l'année 1998, la taxe professionnelle acquittée par France Télécom est perçue selon les conditions du droit commun et selon celles prévues au 4° du I du présent article. »
« II - Le 6° du I de l'article 21 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« A compter de l'année 1998, le produit de la taxe professionnelle acquittée par France Télécom dans les conditions visées au 2° bis ci-dessus est réparti en trois fractions.
« La première fraction, représentant 30 % du produit de cette taxe, est réparti, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, entre les communes sur le territoire desquelles sont implantés des établissements de France Télécom.
« La deuxième fraction, représentant 20 % du produit de la taxe visée à l'alinéa précédent, est divisée en deux parts égales. La première part finance les dispositions spécifiques relatives au maintien et à la création d'activités et d'emplois dans certaines zones urbaines prévues par le titre II de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville. La seconde part est versée au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle visé à l'article 1648 A bis du code général des impôts et sera réduite de 25 % par an, au bénéfice du Fonds national de développement local visé à l'aliné ci-dessous, pour disparaître le 31 décembre 2001.
« La troisième fraction, représentant le solde du produit de la taxe visée aux précédents alinéas, est versée au Fonds national de développement local visé à l'article 1648 E du code général des impôts.
« III - Après l'article 1648 D du code général des impôts, il est inséré un article 1648 E ainsi rédigé :
« Art. 1648 E : I. Il est institué un Fonds national de développement local dont la gestion est confiée à un comité comprenant 14 membres, à savoir deux sénateurs, deux députés, un représentant des régions, un représentant des départements, un représentant des communes et de leurs groupements et sept représentants de l'Etat. Les membres autres que les parlementaires sont nommés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Le président est nommé parmi les représentants de l'Etat et dispose d'une voix prépondérante en cas de partage égal des votes.
« II. Ce Fonds dispose comme ressource de la part du produit de la taxe professionnelle acquittée par France Télécom dans les conditions visées au dernier alinéa du 6° du I de l'article 21 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications.
« III. - Les ressources du Fonds national de développement local sont allouées :
« - à des opérations d'amélioration et de réhabilitation du parc des logements sociaux situés dans les zones urbaines sensibles définies à l'article 42 (3) de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 portant loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ;
« - à des opérations de démolition ou de changement d'usage de logements gérés par les organismes d'habitations à loyer modéré, visés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, situés dans ces mêmes zones ;
« - à des opérations de même nature que celles mentionnées aux deux alinéas précédents et concernant des logements situés dans les territoires ruraux de développement prioritaire définis à l'article 42 (2) de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée ;
« - et à des actions de modernisation et de dynamisation du réseau des points de contact de La Poste situés dans les départements dont plus de 50 % du territoire sont classés en zones de revitalisation rurale créées par la même loi, ces actions ne pouvant mobiliser moins de 20 % des ressources du Fonds et devant porter prioritairement sur le développement des services de La Poste dans ces départements.
« IV. Le Fonds national de développement local finance les opérations visées au III ci-dessus, qui auront été sélectionnées par ses soins après présentation par le représentant de l'Etat dans le département intéressé. Les modalités de cette présentation et la procédure de sélection sont définies dans des conditions fixées par décret.
« IV - La perte de recettes pour l'Etat résultant de l'application des I, II et III ci-dessus est compensée à due concurrence par un rélèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle sur les droits prévus à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. J'ai cru comprendre que cette séance était fertile, puisque vous avez pris tout à l'heure l'engagement, monsieur le secrétaire d'Etat, d'engager une réflexion sur la cotisation minimale de 1 %, que je soutiens dans son principe.
Par le biais de cet amendement, un autre problème de fond est posé à propos de la relation entre l'Etat et les collectivités territoriales : il s'agit, bien évidemment, de celui de la taxe professionnelle due par France Télécom.
La loi de juillet 1990 avait transformé les statuts de La Poste et de France Télécom et avait organisé notamment leur assujettissement à la taxe foncière et à la taxe professionnelle à compter du 1er janvier 1994.
Pour des raisons tout à fait particulières, l'Etat a considéré que les collectivités locales n'avaient aucun droit sur le produit des taxes perçues.
La justification avancée à l'époque était l'existence de flux financiers entre La Poste et France Télécom, d'une part, et l'Etat, d'autre part. L'Etat ne voulait pas voir ses recettes amputées.
Ensuite, la différence entre le produit indexé au titre de 1994 et le produit effectif des impositions a été versée au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle pour financer un certain nombre de politiques, notamment le plan national d'intégration urbaine.
Nous avons souvent dénoncé ce détournement par l'Etat du produit de la taxe professionnelle - en tout cas, il s'agit d'une règle un peu particulière - et nous étions unanimes à le faire. Cela avait d'ailleurs été repris dans le rapport Delafosse.
Nous étions de plus en plus convaincus que ni La Poste ni France Télécom n'avaient à obéir à un dispositif particulier. J'en veux pour preuve le rapport qui a été remis au Gouvernement, en septembre 1997, par Michel Delebarre et qui précise, à la page 52 : « L'ouverture à la concurrence fait que France Télécom ne se trouve plus, sur ce plan, dans la même situation que ses concurrents dans ses relations avec les collectivités territoriales. Par ailleurs, il est permis de s'interroger sur la suite qui serait donnée à un éventuel recours d'une collectivité territoriale. »
Nous voudrions, monsieur le secrétaire d'Etat, échapper à ce recours, mais nous n'y échapperons pas très longtemps.
Aujourd'hui, un certain nombre de collectivités locales sont tout à fait prêtes à soulever devant les tribunaux cette question particulière de la taxe professionnelle de France Télécom.
M. Jean-Marie Girault. Tout à fait !
M. Jean-Paul Delevoye. A partir de ce moment-là, deux options peuvent se présenter.
La première option consiste à retablir le droit commun. Dans ce cas, la totalité des collectivités territoriales sur le territoire desquelles se trouvent des établissements de France Télécom perçoit cette taxe professionnelle. Ce serait probablement juste, mais peut-être passerions-nous à côté d'une politique de redistribution aujourd'hui nécessaire puisque chacun parle de solidarité et de péréquation.
C'est la raison pour laquelle l'une des propositions qui figurent dans cet amendement est de diviser le produit de la taxe professionnelle de France Télécom en plusieurs fractions : l'une retournerait, bien évidemment, aux communes sièges ; l'autre financerait des politiques soit de maintien du service public de La Poste, soit de développement du logement en milieu rural ou en milieu urbain, toutes les idées en la matière étant évidemment recevables.
Lors du dernier congrès de l'Association des maires de France, une seconde option avait été proposée : elle consistait à affecter une partie de la taxe professionnelle de France Télécom au financement de l'intercommunalité ou à l'abondement du pacte de stabilité. En effet, chacun sait aujourd'hui que le système est voué à l'asphyxie.
L'amendement n° I-46 a pour objet de vous entendre sur ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat, notamment en ce qui concerne les promesses que vous pourriez éventuellement formuler.
A l'évidence, la situation dans laquelle se trouve aujourd'hui France Télécom par rapport au droit commun n'est plus tenable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. L'amendement qui vient d'être présenté par M. Delevoye, président de l'Association des maires de France, traduit une légitime revendication et fixe un objectif qui devra être atteint.
Il invite à une démarche réfléchie de retour du produit de la taxe professionnelle de France Télécom aux collectivités locales. Je dois cependant rappeler que la perception de cette taxe constitue, depuis l'origine, la contrepartie de la compensation par l'Etat des allégements de taxe professionnelle.
Toutefois, comme M. Delevoye vient de le dire, il convient d'entendre le Gouvernement sur cette importante question à l'effet de connaître le délai dans lequel il envisage de donner suite à la légitime préoccupation des collectivités locales exprimée par Delevoye.
Dans la fonction parfois ingrate mais gratifiante sur le plan intellectuel que vous m'avez confiée, j'ai le devoir de vérifier ce qu'il en est pour le budget de l'Etat. L'enjeu est extrêmement important, mes chers collègues, puisqu'il s'agit de 5 à 6 milliards de francs. Mais l'importance de l'enjeu s'agissant du budget de l'Etat vaut également pour les collectivités locales, ce qui justifie qu'une réponse soit donnée par le Gouvernement. La réponse très encourageante que le Gouvernement ne manquera pas de faire à M. Delevoye lui permettra de prendre la bonne décision quant à l'avenir de son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'avis du Gouvernement n'est pas très encourageant, mais je répondrai aussi clairement que possible à la proposition deM. Delevoye.
Je commencerai par une critique, certes mineure, mais que je tiens à formuler : dans le dispositif que vous proposez de perception de la taxe professionnelle de France Télécom au profit des collectivités locales, monsieur Delevoye, le taux appliqué est un taux national. Cela conduirait à une situation pour le moins baroque dans laquelle, au sein de la même commune, à côté du taux de taxe professionnelle appliqué aux entreprises présentes dans la commune figurerait le taux de France Télécom. Il s'agit peut-être d'une imperfection dans le système que vous proposez.
Mais je voudrais être plus grave sur ce point. La comparaison que vous faites avec les concurrents de France Télécom ne me paraît pas valable car, entre les concurrents privés de France Télécom, qui développent avec talent des activités de téléphonie mobile, et France Télécom, il existe une grande différence : les concurrents de France Télécom ne développent leur activité que dans les agglomérations où celle-ci est rentable, alors que France Télécom propose à tous les Français, où qu'ils habitent, la même qualité de service de télécommunication.
Par conséquent, il convient d'insister sur le fait que France Télécom n'est pas une entreprise tout à fait ordinaire, en raison non seulement de son statut et du statut de son personnel, mais également de la mission de service public qui est celle de cette puissante entreprise.
M. Jean-Marie Girault. Et les centrales nucléaires ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je poursuis mon raisonnement, si vous le permettez, monsieur le sénateur !
France Télécom assure un service égal sur l'ensemble du territoire. Or, si l'on suivait votre proposition, monsieur le sénateur, eh bien ! la taxe professionnelle serait perçue de façon inégale. En effet, les investissements de France Télécom sont assez peu nombreux en pleine campagne ; ils sont généralement situés dans les agglomérations. Il y a donc là une véritable difficulté.
J'insiste - il s'agit d'une question de principe ! - sur le fait que France Télécom ne peut pas être mise sur le même plan que ses concurrents, qui n'assurent pas une mission de service universel.
Vous avez parlé de La Poste et vous avez évoqué, avec la grande courtoisie qui sied à un sénateur, la possibilité de recours en justice. Le mode de calcul de la taxe professionnelle due par La Poste a été contesté devant la Commission européenne, puis devant la Cour de justice européenne. L'une et l'autre ont rejeté les recours.
M. Gérard Delfau. Exactement !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je ne veux pas vous dissuader d'introduire des recours. Je souhaite simplement vous dire que votre argumentation n'est peut-être pas suffisante pour atteindre le résultat que vous souhaitez.
J'attire votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le fait que France Télécom n'est pas une entreprise ordinaire ; c'est une entreprise de service universel. Il faut donc veiller à ce que la logique de rentabilité à laquelle vous poussez implicitement ne conduise pas à mettre en place un service de télécommunication différent, selon que l'on est prospère ou non.
J'ajoute un argument que M. le rapporteur général a cité avec sa probité habituelle : est en jeu, pour l'Etat, une somme d'environ 5 milliards de francs ; par ailleurs, l'Etat assure une charge de plus de 40 milliards de francs au titre de la taxe professionnelle.
En outre, ces 5 milliards de francs qui sont perçus par l'Etat ne sont pas pris aux collectivités locales, puisqu'une fraction croissante est versée au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle : elle s'élevait à 300 millions de francs en 1995 et elle atteindra 1,3 milliard de francs en 1997.
Je suis donc au regret de vous dire, monsieur Delevoye, que, en la matière, je ne peux pas faire de promesses encourageantes. La situation actuelle se justifie par le poids du passé et par la nécessité de maintenir un service universel de télécommunication que les sociétés privées n'assureront jamais et dont seul France Télécom pourra se charger.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat, dont elle ne doute pas.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-46.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Il est vrai que cet amendement est important. Peut-être dérange-t-il, mais il pose un vrai problème. J'avoue être déçu, monsieur le secrétaire d'Etat, par votre analyse.
En effet, vous nous dites que, finalement, la situation actuelle est satisfaisante, qu'il n'y a absolument pas lieu de la changer, qu'il n'y a même pas lieu d'envisager qu'elle soit modifiée. Voilà ce que j'ai compris ! Il s'agit d'une fin de non-recevoir, immédiate et pour l'avenir, complète et définitive.
Je suis déçu, car votre argumentation me semble négliger l'articulation même de cet amendement.
Dans le paragraphe II, nous avons prévu des modalités de répartition, qui sont bien sûr perfectibles, maisqui tiennent compte du fait que, précisément, FranceTélécom réalise des investissements dans différents lieux du territoire. Comme vous le voyez, nous n'avons envisagé de faire bénéficier les collectivités sièges des installations de France Télécom que de 30 % du produit de la taxe, le reste faisant l'objet d'un mécanisme un peu complexe d'affectation à des activités d'intérêt général facilitant la création d'emplois et de nature à accroître les moyens de l'aménagement du territoire.
Nous avons même prévu un mécanisme qui associe un comité de gestion d'un fonds national de développement local.
Tout cela n'est certainement pas parfait, mais répond à l'un des arguments que vous avez utilisés : le transfert du produit de la taxe professionnelle de l'Etat aux collectivités locales pourrait créer des inégalités injustifiées ou des iniquités entre les collectivités locales.
Nous avons voulu par ce mécanisme un peu fouillé mais, je le répète, perfectible, lutter contre le sentiment que vous avez exprimé, sans avoir véritablement analysé à fond notre texte, me semble-t-il.
Je suis également surpris par la crispation que vous exprimez alors que France Télécom a tout de même un peu évolué. Cette entreprise, qui conserve certaines obligations de service du public, est bien une entreprise concurrentielle, sur un marché ouvert, dans le cadre des règles européennes auxquelles nous avons souscrit.
France Télécom est donc, sur le plan économique, une entreprise comme les autres. Le fait que le gouvernement auquel vous appartenez ait accepté l'ouverture du capital de France Télécom traduit d'ailleurs l'arrivée de cette entreprise dans la compétition. En 1990, il s'agissait d'un opérateur public qui n'était même pas doté de la personnalité morale et qui a été transformé en société anonyme de droit commun sur un marché concurrentiel. Or, rien n'a changé, dites-vous, monsieur le secrétaire d'Etat. Cette argumentation me paraît singulièrement courte.
Pour ma part, si cet amendement était maintenu, je le voterai. En effet, on ne peut pas, me semble-t-il, justifier de façon durable le maintien au seul profit de l'Etat de la taxe professionnelle de France Télécom.
France Télécom pourrait être pénalisée par ce dispositif, avez-vous ajouté. Je ne le crois pas. En effet, elle paie la taxe professionnelle, qui est une charge de son compte de résultat, mais à l'Etat, et non aux collectivités locales comme toutes les autres entreprises de notre pays. France Télécom est bel et bien devenue une entreprise concurrentielle, une société qui a ouvert son capital au public,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Comme EDF !
M. Philippe Marini. ... et c'est le gouvernement auquel vous appartenez qui a pris la responsabilité de cette ouverture du capital, après avoir adopté des positions peut-être un peu fluctuantes, même si cela n'a pas été pendant très longtemps. Au total, vous avez pris une décision qui, selon moi, va dans le bon sens. Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut en assumer toutes les conséquences !
M. Jean-Marie Girault. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Girault.
M. Jean-Marie Girault. Voilà trois ou quatre ans, lorsque le gouvernement de l'époque a voulu confisquer la taxe professionnelle que France Télécom devait désormais payer, j'étais intervenu devant un autre ministre du budget...
M. René Régnault. Ici présent !
M. Jean-Marie Girault. ... pour regretter que l'on confisquât une ressource qui allait naturellement aux collectivités territoriales. J'avais alors été applaudi par M. Régnault.
M. René Régnault. Effectivement !
M. Jean-Marie Girault. Nous n'avons pas la mémoire courte. J'attends, bien sûr, que, ce soir, il vote un amendement similaire à celui que j'avais proposé. A l'époque, il m'avait été répondu que mon amendement n'était pas recevable car l'article 40 de la Constitution était applicable. D'entrée de jeu, une ressource qui n'avait jamais existé, qui venait d'être créée, allait profiter directement à l'Etat, les collectivités territoriales s'en trouvant privées.
On a changé de majorité, mais ma conviction est toujours la même. Je souhaite que mon collègue M. Régnault n'ait pas lui-même changé de conviction. En effet, il s'agit bien d'une ressource qui doit aller naturellement aux collectivités territoriales.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez évoqué, tout à l'heure, l'aspect service public de France Télécom, qui est côté en Bourse comme une société anonyme, et compte tenu des intérêts qu'elle défend aujourd'hui, cela me paraît très bien. Je vous ai alors interrompu et je vous prie de m'en excuser. S'agissant des centrales nucléaires, allez-y, gardez-la, vous l'Etat, la taxe professionnelle qu'elles génèrent et essayez donc de la faire voter par le Parlement !
Vous évoquiez la notion de service public : n'est-ce pas le cas des centrales nucléaires ? Alors, pourquoi la taxe professionnelle qu'elles génèrent profite-t-elle aux communes et aux agglomérations où elles sont intallées ?
France Télécom exerce une activité commerciale. Les communes, les collectivités territoriales ont été dépouillées. D'ailleurs, votre explication est embarrassée, monsieur le secrétaire d'Etat. Je me dois de vous le dire, quelle que soit la sympathie que j'éprouve pour vous.
Depuis trois ou quatre ans environ, me semble-t-il, monsieur Régnault,...
M. René Régnault. Au moins !
M. Jean-Marie Girault. ... le problème demeure. Née avec une autre majorité, la difficulté se poursuit aujourd'hui sans aucune raison valable.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Alors, ce n'était pas la peine de changer de majorité !
M. Jean-Marie Girault. Que se passera-t-il le jour où la concurrence s'installera pour un problème de télécommunication au sein de la ville que j'ai l'honneur d'administrer ? Eh bien, je choisirai la société qui, elle, paiera à ma commune la taxe professionnelle !
M. Philippe Marini. Tout à fait !
M. Jean-Marie Girault. Je suis persuadé que cela pose, de surcroît, un problème constitutionnel ; je me permets de vous le signaler.
Monsieur le secrétaire d'Etat, au moment où, au terme de cette séance, vous allez enfin vous endormir, j'aimerais que votre réflexion se poursuive dans votre inconscient afin que le Gouvernement soit persuadé de la réalité du problème. Je suis convaincu que nous partageons tous ici la même analyse. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Michel Mercier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Avec leur amendement, MM. Delevoye et Marini posent une vaie question. A l'évidence, aucun principe ne justifie que La Poste et France Télécom ne soient pas soumises au droit commun.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Comme EDF et GDF !
M. Michel Mercier. Comme EDF, sans aucune difficulté, que ses installations soient situées en ville ou à la campagne. Il y a là une règle qui devrait s'imposer à nous.
Voilà quelques instants, nous avons débattu de la cotisation minimale de taxe professionnelle, de son taux et de son affectation. Le problème de l'affectation de la cotisation de taxe professionnelle de France Télécom se pose de la même façon. Si nous devons avoir, dans quelques semaines, un débat sur ce sujet, il me semble tout de même que les deux questions doivent être liées.
M. René Régnault. Tout à fait !
M. Michel Mercier. On ne peut pas d'un côté abonder un fonds et, de l'autre, le vider. Se pose, à l'évidence, le problème du financement de ce fonds. Pour la bonne compréhension des choses, nous devrions lier les deux questions et en discuter à ce moment-là.
Je suis tout à fait d'accord avec les propositions que font nos collègues. Elles sont sages, elles prévoient une taxe professionnelle moderne puisqu'elle est répartie non seulement entre les communes sièges, mais également entre les communes qui ont besoin de ressources. On ne peut pas examiner cette question sans discuter de la cotisation minimale ; il faudrait le faire à ce moment-là.
Dans ces conditions, je ne vois pas comment, ce soir, je pourrais voter simplement un amendement sans me prononcer sur les deux aspects du problème.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'assiste en quelque sorte, depuis un moment, à un procès qui me concerne directement puisque je suis le coupable auteur de la loi du 2 juillet 1990. (Exclamations sur plusieurs travées.) Heureusement, je suis devant des juges amicaux et bienveillants !
Le système qui, ce soir, est sur la sellette, c'est celui que j'avais arrêté à l'époque avec mon collègue M. Quilès et qui a été approuvé par le Parlement.
Certes, je comprends les motivations du président de l'Association des maires de France et de M. Marini, qui sont les auteurs de l'amendement. Mais je partage aussi l'analyse de M. le secrétaire d'Etat. Dès lors, mon exercice n'est pas facile...
Avant la loi de 1990, il n'y avait pas d'impôts locaux sur les installations de La Poste et de France Télécom. Donc, les collectivités locales n'ont rien perdu. Certains élus locaux disent : « On nous a enlevé... » On ne vous a rien enlevé puisque vous n'aviez rien.
M. René Régnault. Exact !
M. Michel Charasse. On a simplement dit : maintenant que La Poste et France Télécom ressemblent de très près à des établissements publics - ce n'est pas exactement l'appellation retenue alors - ...
M. Gérard Delfau. Opérateur public autonome !
M. Michel Charasse. Effectivement. Dès lors qu'il s'agit d'opérateurs publics autonomes, ils entrent dans le cadre des personnes morales qui doivent être redevables des impôts locaux.
A l'époque, l'Etat - et c'est un système dont j'avais hérité des gouvernements précédents - prélevait tous les ans 14 milliards de francs sur les bénéfices de France Télécom. Il a alors été décidé de geler cette somme, mais de la compléter par la perception directe des impôts locaux, pour un certain nombre de raisons qui tenaient d'ailleurs aux disparités entre collectivités, à la difficulté de faire une péréquation, etc., bref, une partie des problèmes que le président Delevoye a rappelés, ainsi d'ailleurs que M. le secrétaire d'Etat.
Nous sommes restés là et nous en sommes toujours là. Est-ce très choquant ? Cela dépend de la manière dont on regarde les choses.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Pour les collectivités territoriales, oui !
M. Michel Charasse. Ce qui est choquant en tout cas, monsieur le président Poncelet, c'est que, à l'époque, nous n'avions pas encore les opérateurs privés et que, aujourd'hui, nous les avons !
M. Alain Lambert, rapporteur général. C'était le bon temps !
M. Michel Charasse. Monsieur le secrétaire d'Etat, si la nature des activités n'est pas exactement la même, puisque l'un a une vocation de desserte générale du territoire alors que les autres n'ont qu'une vocation de desserte particulière, nous nous trouvons tout de même dans une situation où deux contribuables qui exercent la même activité ne sont pas soumis aux mêmes règles.
J'ai bien entendu que vous avez dit tout à l'heure que les instances européennes n'avaient pas condamné le système « Charasse-Quilès », si je puis dire. Mais quand on l'a jugé, les autres opérateurs n'existaient pas encore !
Si, au nom de la concurrence, un opérateur privé va devant la Cour européenne,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Michel Charasse. ... je vous dis, monsieur le secrétaire d'Etat : il va gagner.
M. Jean-Paul Delevoye. C'est clair !
M. Michel Charasse. Nous ne pouvons donc pas, me semble-t-il, régler cette affaire ce soir, car elle soulève des problèmes beaucoup trop compliqués. Mais je n'ai pas l'habitude d'enterrer les questions.
Ce que je crois, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous avez dit que l'année 1998 serait une année de réflexion sur la réforme de la fiscalité locale, et, je l'espère aussi, sur la réforme de la taxe professionnelle, c'est que vous n'échapperez pas à l'obligation de mettre cette question dans le paquet de la réforme. Cela ne veut pas dire qu'il faut que vous preniez l'engagement ce soir de restituer les sommes en jeu, puisque les collectivités ne percevaient rien avant. Car 5 ou 6 milliards de francs, c'est énorme, M. le rapporteur général l'a rappelé tout à l'heure, et je comprends votre prudence ! Mais je crois qu'il faut absolument, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous vous engagiez à procéder à une réflexion sur ce point pour que l'on en sorte sinon en 1999, du moins à partir de 1999, même si on doit le faire progressivement. Telle est ma proposition.
L'Etat paie 40 milliards de francs et plus au titre des allégements de taxe professionnelle. Il faut bien qu'il prenne l'argent quelque part. Cela fait aussi partie, président Delevoye, mais vous le savez, de notre réflexion d'ensemble, notamment dans la perspective du futur pacte.
J'ajouterai, mes chers collègues, mais ce n'est pas une méchanceté, que, cet après-midi, M. le rapporteur général a dit des choses fort peu aimables sur un gage identique, qui représentait pourtant moins de 5 milliards ou 6 milliards de francs ! Donc j'ai les plus grands doutes sur le sérieux du gage,...
M. Philippe Marini. On fait ce qu'on peut !
M. Michel Charasse. ... et si on avait introduit dans la jurisprudence de l'article 40 la notion de caractère sérieux ou non des gages - mais cela nous entraînerait très loin, président Poncelet, et cela nous conduirait peut-être à rogner excessivement sur les droits des parlementaires - l'amendement n'aurait sans doute par eu le bonheur d'être imprimé !
Je ne voterai pas cet amendement, mais j'attends de M. le secrétaire d'Etat qu'il nous dise qu'en 1998, dans la réflexion à laquelle il nous invite pour l'application de la révision, de la réforme des impôts locaux et de la réforme de la taxe professionnelle, il ajoutera cette affaire dans le paquet, parce que nous courons un risque à Bruxelles, et que le premier risque couru dans cette affaire à Bruxelles concerne, monsieur le secrétaire d'Etat, le budget de l'Etat, ce qui ne m'est pas indifférent.
M. René Régnault. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. Philippe Marini. Les souvenirs de M. Régnault !
M. René Régnault. Si j'interviens, ce n'est pas parce que j'ai fait l'objet d'une interpellation. Pour autant, je veux rétablir la vérité et dire à notre collègue Jean-Marie Girault que je me souviens bien de ce débat. Nous nous sommes d'ailleurs souvent rencontrés sur plusieurs points en matière de fiscalité locale...
M. Jean-Marie Girault. Effectivement !
M. René Régnault. ... et ce soir, je pense que nous sommes à nouveau d'accord sur l'essentiel. En effet, il est un principe, constitutionnel, me semble-t-il, selon lequel les collectivités locales se financent à partir d'un certain nombre d'impôts locaux dont le produit leur est acquis. Par conséquent, quand l'Etat, comme il l'a fait avec la contribution minimale de taxe professionnelle voilà deux ans, prélève, encaisse une part du produit de l'impôt local, cela me paraît effectivement discutable sur le plan constitutionnel. Ce que j'ai dit à l'époque, je le dis de nouveau aujourd'hui, et ce que je pensais alors, je le pense toujours.
Cependant, et cela a été dit voilà un instant, nous ne sommes plus tout à fait dans la situation de 1990, compte tenu de l'évolution des conditions faites depuis à France Télécom, de la déréglementation et de la mise en concurrence. J'ajoute - personne n'y a fait référence - que nous attendons de l'opérateur, dont le statut vient d'évoluer, qu'il participe de façon originale mais effective à l'aménagement du territoire, dans le cadre d'un service d'intérêt général qu'il doit rendre à l'ensemble de la population. Cela fait partie de ses obligations. Je comprends que l'on ne puisse pas supprimer ces éléments d'un trait de plume.
Je précise au passage, monsieur le président, que nous allons retirer notre amendement suivant, d'autant que nous l'avions gagé sur la contribution minimale de taxe professionnelle, sujet que - on vient de le dire à l'instant - nous réexaminerons dans quelques semaines.
Tout comme M. Mercier, j'estime qu'il nous faudra traiter conjointement la question que nous évoquons ce soir et celle de la contribution minimale de taxe professionnelle, lorsque, dans quelques jours, nous reviendrons sur le problème de la taxe professionnelle et de sa répartition. Et nous devrons alors y intégrer la donnée que constitue la taxe professionnelle de France Télécom.
Je ne crois pas être très éloigné de M. Jean-Marie Girault, si ce n'est dans la prise en compte du fait qu'au cours des sept dernières années un certain nombre d'éléments nouveaux sont apparus. Pour autant, il doit être établi que le produit d'un impôt local doit revenir aux collectivités locales, et ce quel que soit l'assujetti.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. René Régnault. Je comprends qu'il faille définir les conditions dans lesquelles l'opérateur France Télécom doit être assujetti. C'est une question dont on devrait reparler incessamment.
Je souhaite que le Gouvernement nous le confirme dans le cadre de cette discussion et complète ainsi la réponse qu'il nous a apportée en exposant l'avis du Gouvernement sur nos amendements à propos de la cotisation minimale de taxe professionnelle.
M. Jean-Paul Delevoye. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Monsieur le secrétaire d'Etat, l'amendement a déjà atteint en partie son but.
Je veux d'ailleurs rassurer M. Michel Charasse sur le gage dont il était assorti : le but n'était pas que cet amendement soit adopté ; ce que l'on voulait avant tout, c'était soulever le problème.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Jean-Paul Delevoye. En revanche, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai été quelque peu surpris par les réponses que vous avez formulées et qui, me semble-t-il, prouvaient l'embarras du Gouvernement - ce serait le cas de n'importe quel Gouvernement confronté à ce problème.
Je partage totalement l'analyse de M. Charasse quant au recours. Il a évoqué un recours concernant La Poste et pas France Télécom.
M. Michel Charasse. Bien sûr !
M. Jean-Paul Delevoye. Je crains, effectivement, qu'un recours ne puisse aboutir. Mais ne faisons pas ce type de pari !
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez dit que vous regrettiez que notre proposition comporte un taux unique. Paradoxalement, vous étiez en train de regretter que nous soyons allés un peu trop loin dans le souci de péréquation. Si l'amendement avait consisté à appliquer le droit commun et à laisser chaque collectivité locale fixer le taux de sa taxe professionnelle communale pour prélever l'impôt qui lui est dû, nous revenions à 4,5 milliards de francs, ce que nous ne voulions pas.
Nous estimions que, si nous en revenions au droit commun, nous pourrions être un peu plus intelligents pour éviter la situation que M. Jean-Marie Girault a évoquée tout à l'heure.
A l'époque, nous aurions dû éviter que l'installation d'établissements d'Etat, notamment de centrales nucléaires, du fait de l'absence d'un outil de péréquation, ne génère des rentes de situation extraordinaires au profit de certaines collectivités locales, alors qu'il s'agissait d'investissements de dimension nationale, européenne ou internationale.
En présence de très grandes infrastructures, comme le tunnel sous la Manche, par exemple, il nous faudrait mettre en place un système de péréquation nationale, régionale ou départementale et non pas uniquement communale. Sinon, nous assistons même, parfois, à la constitution d'intercommunalités qui n'ont d'autre objet que d'accaparer le gâteau.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jean-Paul Delevoye. L'humble parlementaire que je suis avait l'intention non pas de faire une construction qui soit des plus satisfaisantes sur le plan intellectuel, mais d'engager une démarche vers quelque chose d'innovant en matière de taxe professionnelle, qui concilie l'intérêt communal et les outils de péréquation.
En troisième lieu, vous vous êtes étonné de la démarche capitalistique, qui consistait à fixer un taux unique pour France Télécom et qui faisait en sorte qu'étaient favorisées les entreprises qui investissaient dans des zones urbaines rentables et non pas dans des zones rurales.
Or, paradoxalement, cet argument peut se retourner pour les raisons que vous avez évoquées en refusant d'accepter l'amendement sur la cotisation minimale de 1 %. Pourquoi avons-nous soutenu cet amendement de 1 % à la valeur ajoutée ? Parce que, à l'évidence - nombre de collectivités locales aujourd'hui nous alertent sur ce point - lorsque ces entreprises se développent, lorsqu'elles deviennent, le cas échéant, des multinationales, on assiste d'une année sur l'autre à des basculements de masses salariales vers des collectivités locales où les taux de taxe professionnelle sont très faibles.
Ainsi, des collectivités locales importantes, voire des communautés urbaines, font brutalement le constat que vingt millions, trente millions ou quarante millions de francs de taxe professionnelle ont disparu, et ce tout simplement parce que l'entreprise multinationale a fait basculer, d'un coup d'ordinateur, des masses salariales importantes de l'endroit où la taxe professionnelle était élevée en raison de politiques urbaines lourdes vers des lieux beaucoup plus privilégiés, quand il ne s'agit pas de pays européens où les masses salariales sont quelquefois plus faciles à gérer.
Par conséquent, l'argument que vous évoquiez à propos de cet éparpillement de postes, dans la mesure où nous assistons à ce type de gestion nationale des entreprises privées, capitalistiques, se retourne également contre vous.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comme M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances, j'estime qu'aujourd'hui l'Etat ne peut plus tenir un discours à géométrie variable selon que les principes qu'il défend le servent ou le desservent.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Jean-Paul Delevoye. Si nous voulons parvenir à ce partenariat que vous appelez de vos voeux, un partenariat très franc, très loyal, très lisible, très équilibré, très juste, entre les collectivités locales et l'Etat, il faut tout mettre à plat,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Voilà !
M. Jean-Paul Delevoye. ... probablement reprendre le rapport Delafosse, lui donner suite et, surtout, ne pas dire, dans le dialogue ainsi engagé, que l'on ne veut pas aborder tel sujet parce que cela coûterait quatre milliards de francs, mais qu'en revanche on est prêt à discuter de tel autre.
Si nous voulons, une bonne fois pour toutes, clarifier les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, faire en sorte que, année après année, on ne « bidouille » pas le dispositif pour essayer de passer budget après budget et éviter que les représentants des collectivités locales ne viennent dire un jour à l'Etat qu'ils ne peuvent plus faire face, il nous faut profiter de l'ouverture que vous avez annoncée tout à l'heure sur la cotisation minimale pour, ainsi que le proposent un certain nombre de nos collègues, mettre tout à plat, y compris France Télécom, quelles que soient, par la suite, les conclusions de nos travaux. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Je souhaite formuler deux remarques.
Je veux d'abord dire la satisfaction du groupe socialiste et sa reconnaissance envers le Gouvernement de le voir se prêter à ce débat qui, je le dis avec beaucoup de courtoisie à M. Delevoye, n'a pas été engagé si facilement les deux années précédentes.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Mais il a été engagé !
M. Gérard Delfau. C'étaient des débats qu'il n'était pas aussi simple de nourrir sur l'ensemble des travées de cette assemblée. Je tenais à le dire pour la suite de nos travaux.
Ensuite, il est important de bien rappeler que, désormais, La Poste et France Télécom suivent des chemins très différents, pour ne pas dire divergents : La Poste est restée un opérateur public autonome, aux termes de la loi du 2 juillet 1990 ; France Télécom est une société anonyme cotée pour partie en bourse.
Manifestement, nous avons là deux statuts juridiques, deux types de fonctionnement et, forcément, deux évolutions très différentes.
D'ailleurs, c'était déjà en quelque sorte inscrit dans les faits puisque la Cour européenne de justice a justement - vous le disiez, monsieur le secrétaire d'Etat - reconnu la possibilité d'un assujettissement différent pour La Poste.
Je doute, moi aussi - mais je ne suis pas magistrat, a fortiori européen - qu'une décision analogue pourrait être prise s'agissant de France Télécom.
Cela dit, monsieur le secrétaire d'Etat, je souscris pleinement à votre argument relatif au statut, qui reste néanmoins spécifique, de France Télécom, à sa vocation de desserte générale du territoire, à sa fonction de garant du service universel - je préfère dire, de façon qui reste pour moi moderne, de service public, même si celui-ci est exercé sous d'autres formes.
Il n'empêche : mes collègues MM. Régnault et Charasse ont bien montré qu'il y a, depuis les origines, une espèce de disparité, quelque chose qui, dès le départ, avait un caractère dérogatoire.
Il est donc vrai que la discussion doit s'engager sur l'assujettissement de France Télécom à la taxe professionnelle, et je pense que vous allez me le confirmer.
Enfin, je vois avec beaucoup de plaisir, et presque quelque fierté, revenir une idée que j'avais avancée dans mon rapport sur la présence postale en milieu rural, en 1990, qui déjà, avant le rapport de notre collègue Gérard Larcher, avant l'amendement Delevoye-Marini, proposait que France Télécom, qui fait des bénéfices très importants, participe, au nom d'une histoire commune, à un fonds de modernisation du réseau postal, et tout particulièrement peut-être du parc immobilier.
C'est une suggestion de plus, monsieur le secrétaire d'Etat, que je fais en bonne compagnie. Dans les discussions qui auront lieu sur l'évolution de l'assujettissement de France Télécom à la taxe professionnelle, peut-être cette voie pourra-t-elle être explorée. Cela soulagerait utilement ceux qui sont chargés de négocier en ce moment même - ils devraient bientôt nous donner des informations - le contrat de plan entre l'Etat et La Poste.
M. Jean-Paul Delevoye. Très bien !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous l'avez dit, monsieur Delfau, il s'agit d'un débat de grande qualité. J'ai écouté avec beaucoup d'attention tous les arguments qui ont été échangés. Je proposerai que, ce soir, nous limitions le débat à France Télécom.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Compte tenu de l'heure tardive, il ne faut pas commencer à traiter plusieurs sujets à la fois.
Monsieur Delevoye, j'ai relevé dans votre propos des pistes intéressantes de réflexion, notamment s'agissant de ces grands équipements qui sont installés sur plusieurs communes, comme c'est le cas de l'aéroport de Roissy, où trois communes débordent, si je puis dire, de taxe professionnelle, alors que les communes voisines, qui subissent parfois les nuisances liées à la présence de cet équipement, n'en tirent aucun profit.
L'idée que vous avez avancée d'une sorte de taxe professionnelle de zone de couverture d'un grand équipement peut être versée au dossier, en vue du débat que nous pourrons avoir ensemble, l'an prochain, sur la réforme de la taxe professionnelle.
M. Charasse a fait un historique qui me paraît extrêmement utile, mais dont je ne tire pas la même conclusion que lui. M. Charasse nous a dit qu'avant 1990 France Télécom ne payait pas de taxe professionnelle. Mais à l'époque c'était un monopole et cette situation n'était choquante pour personne.
M. Michel Charasse. Il y avait un budget !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Après 1990 - M. Marini l'a dit avec pertinence - la structure juridique de France Télécom a évolué. Toutefois, France Télécom n'est pas devenue tout à fait une entreprise comme les autres, car, s'il y a eu récemment une ouverture du capital, France Télécom reste majoritairement la propriété de l'Etat.
Il y a donc eu une évolution juridique, une évolution de la concurrence et, maintenant, pas forcément systématiquement dans les mêmes services mais quelquefois dans les mêmes services, comme la téléphonie mobile, concurrente entre France Télécom, d'un côté, et telle ou telle compagnie privée, de l'autre.
D'où viendrait la distorsion de concurrence ? Du fait que l'un paierait la taxe professionnelle et l'autre non.
Telle n'est pas la situation. La situation, c'est que les sociétés privées auxquelles vous avez fait allusion paient la taxe professionnelle aux collectivités locales, et France Télécom, pour des raisons historiques, paie à l'Etat l'équivalent de la taxe professionnelle, dont une partie - mais là n'est pas l'objet du débat - est d'ailleurs recyclée.
Par conséquent, du point de vue de la concurrence, je ne pense pas qu'il y ait de distorsion, même si les tribunaux n'en ont pas encore jugé ; en effet, dans la structure de coût des entreprises privées et publiques de téléphone, le même prélèvement figure, même si la destination est évidemment différente.
La question posée porte sur les fameux 5 milliards de francs. Ces derniers me semblent trouver leur justification dans la servitude de service universel qu'assure France Télécom. Or, la situation des finances publiques de l'Etat, que vous connaissez bien et qu'un audit a confirmée au mois de juillet dernier, ne permet pas de prendre d'engagement, à terme, sur ces 5 milliards de francs.
Je suis donc désolé de tirer de l'excellent historique brossé par M. Charasse la conclusion qu'il n'y a pas de distorsion de concurrence, au moins de ce point de vue. Peut-être y en a-t-il à d'autres points de vue, qui sont intéressants, mais ils relèvent alors d'une grande négociation entre l'Etat et les collectivités locales. Voilà ce que je voulais dire, certes à regret.
Il n'en demeure pas moins que, comme l'a indiqué M. le rapporteur général, il faut quelquefois savoir assumer ses responsabilités en toute clarté. Pour ma part, j'ai la responsabilité, que je partage avec vous, d'équilibrer le budget de l'Etat ou de limiter son déséquilibre. Sur ces 5 milliards de francs, je ne peux prendre aucun engagement !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. M. le secrétaire d'Etat vient de nous inciter à assumer nos responsabilités. Je souhaite que nous le fassions totalement.
Qu'il soit clair que je pensais que M. Delevoye retirerait son amendement. S'il décide de ne pas le faire, j'invite le Sénat à voter contre l'amendement.
Je crois qu'il nous faut adopter une attitude très claire dans cette affaire. Ce débat, qui devait avoir lieu, dure depuis une heure. Le sujet le mérite. Mais - je m'adresse à tous les sénateurs qui sont en séance et qui voteront tout à l'heure - il ne doit y avoir aucune ambiguïté. L'enjeu porte, en effet, sur 5,5 milliards de francs.
Je me tourne vers la majorité sénatoriale : moi, je ne peux pas tenir l'équilibre budgétaire que vous m'avez confié avec 5,5 milliards de francs en moins !
M. Delevoye fait ce qu'il veut : c'est sa responsabilité. Toutefois, s'il ne retire pas son amendement, sachez que je souhaite vraiment que le Sénat le rejette !
M. le président. La commission des finances modifie donc sa position.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. Monsieur Delevoye, l'amendement n° I-46 est-il maintenu ?
M. Jean-Paul Delevoye. Ma position ne surprendra personne. Je n'ai absolument pas été inconséquent !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je pensais que la commission avait la parole quand elle la demandait !
M. le président. Vous l'aurez immédiatement après que M. Delevoye aura répondu à ma question, monsieur le rapporteur général.
M. Jean-Paul Delevoye. M. le rapporteur général n'avait pas besoin d'exprimer cette position, car il est bien évident que l'on ne peut pas supprimer 5,5 milliards de francs de recettes.
Je souhaite néanmoins que nous prenions une position très ferme, monsieur le secrétaire d'Etat. Si vous ouvrez le chantier de la fiscalité locale et des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, ce dossier ne pourra pas échapper à l'analyse, quelles qu'en soient les conclusions, dussent-elles rester identiques.
Vous ne pouvez pas tout balayer d'un revers de la main et dire que la question des relations entre France Télécom, l'Etat et les collectivités locales n'entre pas dans le chantier de nos discussions. Elle y entre obligatoirement.
Aujourd'hui, cet amendement - je l'ai dit au départ - avait pour objet de poser le problème.
M. le président. Monsieur Delevoye, je vous avais donné la parole uniquement pour dire si vous mainteniez ou non votre amendement !
M. Jean-Paul Delevoye. Je retire cet amendement, mais je maintiens ma demande de négociation.
M. le président. L'amendement n° I-46 est retiré.
Monsieur le rapporteur général, je vous donne maintenant la parole.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le président, je voulais préciser que, lorsque j'utilise la première personne du singulier, comme je l'ai fait tout à l'heure, j'engage ma personne seule !
M. le président. Par amendement n° I-134, MM. Régnault, Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 18 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A compter du 1er janvier 1998, les pertes de recettes dues à l'application du paragraphe B de l'article 4 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville sont compensées intégralement par l'Etat.
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat dues à l'application du I sont compensées à due concurrence par une hausse du taux de la cotisation minimale de taxe professionnelle prévue à l'article 1647 E du code général des impôts. »
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-134 est retiré.
Par amendement n° I-61 rectifié, M. Revet propose d'insérer, après l'article 18 septies, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le premier alinéa de l'article 1473 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La partie des bases visées au b) du 1° de l'article 1467 est répartie par établissement entre les communes en fonction du nombre de salariés résidant sur leur territoire. »
« II. - Le 2° du II de l'article 1648 A du code général des impôts est supprimé. »
La parole est à M. Revet.
M. Charles Revet. Il a été fait allusion, dans ce débat fort intéressant et important,...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Tout à fait !
M. Charles Revet. ... à une comparaison avec un certain nombre de grands établissements qui existent dans différents départements, comme en Seine-Maritime.
Nous avons été conduits, voilà quelques années, à engager une étude comparative, par habitant, de la situation entre les 745 communes du département de Seine-Maritime. Le résultat est éloquent. Le différentiel va de 1 à 600 pour les ressources directes de chacune des collectivités.
Bien entendu, tout cela est corrigé par les dotations d'Etat, telle la dotation de fonctionnement, et par le fonds départemental de taxe professionnelle. Toutefois, il subsiste encore un différentiel important, qui va, dans notre département, de 1 à 60, ce qui nous a incités à mettre en place un dispositif correctif de modulation des taux de subvention qu'accorde le conseil général, avec un plus ou un moins selon la situation de chaque commune.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'amendement n° I-61 rectifié vise à rendre plus équitable la répartition de la taxe professionnelle entre les communes.
La taxe professionnelle s'appuie essentiellement sur deux éléments : l'investissement et les salaires. Ma proposition est simple, et peut-être sera-t-elle même qualifiée de simpliste : elle tend à établir un lien direct entre la provenance de l'impôt et son attribution. Cet amendement vise en effet à répartir la part communale de la taxe professionnelle en deux : la part qui s'appuie sur l'investissement pour la commune d'implantation et la part qui s'appuie sur les salaires pour la commune d'habitat.
Cette démarche répond à une certaine logique : la part s'appuyant sur l'investissement serait versée à la commune d'implantation, car, très souvent, un établissement peut créer des nuisances dans cette commune, voire dans les communes voisines. Mais c'est bien la commune de résidence du salarié qui supporte les charges scolaires et les équipement divers. La part s'appuyant sur les salaires l'aiderait donc à financer les investissements qu'elle doit réaliser pour répondre aux besoins des populations.
C'est dans cet esprit que je propose cette répartition.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'idée apparemment simple de répartir la part salariale de la taxe professionnelle en fonction du lieu de résidence des salariés serait d'une complexité administrative absolument épouvantable.
Par conséquent, le Gouvernement, souhaitant ne pas rendre plus complexe un impôt déjà très difficile à gérer, émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-61 rectifié.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je souhaite me prononcer contre cet amendement. J'en suis tout à fait désolé pour mon collègue Charles Revet, mais ce texte est inapplicable pour les raisons de complexité rappelées par M. le secrétaire d'Etat.
En outre, il est contraire à l'un des principes fondamentaux régissant la taxe professionnelle : si le produit peut être réparti, on ne peut découper les bases en fonction de leur analyse pour en attribuer une à une collectivité donnée et une autre à une autre collectivité.
Je ne voudrais pas dire que le dispositif proposé est simpliste : mais s'il est possible de répartir le produit en fonction des taux respectifs décidés par les différentes collectivés, la séparation des bases serait vraiment une initiative tout à fait contraire aux principes fondamentaux gouvernant la taxe professionnelle.
Je répète qu'une telle disposition serait totalement inapplicable. On jetterait à bas, tout en s'y référant, les fonds départementaux de taxe professionnelle et le système de collectivités de type communautaire. Par exemple, le dispositif proposé serait totalement impossible à mettre en oeuvre à l'intérieur des syndicats d'agglomération nouvelle, parce que le principe de l'unité du bénéficiaire de la taxe professionnelle dans les groupements de villes nouvelles ne serait plus respecté.
Par ailleurs, ayant été chargé par le gouvernement précédent - cette mission a d'ailleurs été confirmée par le gouvernement actuel - d'une étude sur la répartition du produit des taxes professionnelles dans le secteur de Roissy, je dois souligner que l'adoption de l'amendement n° I-61 rectifié rendrait toute cette étude absolument sans objet et qu'il ne resterait aucune possibilité de la conclure. Imaginez l'effet d'une proposition telle que celle qui a été avancée sur la répartition du produit des taxes professionnelles versées dans le secteur de la Défense ou dans celui de Roissy !
J'en suis vraiment désolé, mais je souhaitais exprimer mon total désaccord avec cet amendement.
M. le président. Monsieur Revet, l'amendement n° I-61 rectifié est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-61 rectifié est retiré.
Par amendement n° I-60 rectifié, M. Revet propose d'insérer, après l'article 18 septies, un article additionnel ainsi rédigé :
« A l'article 1648 du code général des impôts, il est inséré un I sexies ainsi rédigé :
« I. sexies. - A compter du 1er janvier 1998, lorsqu'à la suite d'une opération intervenue après le 31 décembre 1995, d'apport ou de scission d'entreprise, d'une part, de cession ou de mise à disposition à titre gratuit ou onéreux de biens visés à l'article 1469, d'autre part, les éléments d'imposition d'un établissement qui a donné lieu, l'année de l'opération, au prélèvement prévu au I sont répartis entre plusieurs établissements imposables dans la même commune au nom de personnes différentes ; ces établissements sont réputés constituer un seul établissement pour l'application des dispositions du I . »
La parole est à M. Revet.
M. Charles Revet. S'agissant de l'amendement précédent, je suis un peu en désaccord avec M. le secrétaire d'Etat, ainsi qu'avec M. Lachenaud. En effet, on a la preuve, avec les répartitions opérées dans le cadre du fonds départemental de la taxe professionnelle, que les répartitions sont possibles. On trouve bien l'origine d'un habitat, et on peut appliquer cette répartition ; mais je ne reviens pas sur ce point.
L'amendement n° I-60 rectifié est d'une nature quelque peu différente. Dans le département de Seine-Maritime, comme dans un certain nombre de départements où sont implantés des établissements importants, nous constatons que de nombreux grands groupes français, notamment du secteur de la pétrochimie et de l'automobile, procèdent actuellement à des ajustements fiscaux visant à présenter leur base taxable en plusieurs établissements. Cette façon de procéder étonne. Comment une entreprise peut-elle avoir ses immobilisations, ses investissements à un endroit et ses personnels ailleurs ? Je ne sais pas comment cela peut fonctionner. Toujours est-il que cela se développe.
Ce mouvement de « filialisation » a des conséquences directes sur les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle dont le calcul est assuré « établissement par établissement ».
Cet amendement vise à préserver cette péréquation départementale en permettant aux services fiscaux, lors du calcul de l'écrêtement, de passer outre ces divisions de bases et de faire masse de tous les éléments d'imposition.
Cet amendement est sans conséquence ni sur les finances de l'Etat ni sur le montant global de la cotisation de taxe professionnelle des entreprises : il ne tend qu'à modifier, en la préservant, la répartition entre la commune d'implantation, déjà largement pourvue en taxe professionnelle, et les communes avoisinantes et défavorisées des départements.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission a trouvé ce dispositif extrêmement compliqué à mettre en oeuvre. Aussi souhaite-t-elle connaître l'avis du Gouvernement.
Si le point de vue du Gouvernement était conforme au sien, la commission des finances émettrait alors un avis défavorable.
M. René Régnault. C'est un vrai problème !
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Les amendements de M. Revet se suivent et ne se ressemblent pas !
Celui-ci traite d'un vrai problème...
M. René Régnault. Tout à fait !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... sur lequel de nombreux maires du département de Seine-Maritime - mais pas seulement de Seine-Maritime - ont écrit au Gouvernement pour signaler leur inquiétude.
Si la loi de finances pour 1998 ne constitue pas le cadre approprié à la disposition dont vous suggérez l'adoption, le vrai problème que vous soulevez devra néanmoins être rapidement résolu.
M. René Régnault. Merci !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. En conséquence, monsieur Revet, je vous suggère de retirer votre amendement. Sinon, je serai obligé d'émettre un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Revet, l'amendement n° I-60 rectifié est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Je le retire, monsieur le président ; je le représenterai à un autre moment !
M. le président. L'amendement n° I-60 rectifié est retiré.
Par amendement n° I-203, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 18 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 1648 D du code général des impôts, il est inséré un nouvel article ainsi rédigé :
« Art. ... - A compter du 1er janvier 1998, lorsque, dans une collectivité territoriale ou un groupement doté d'une fiscalité propre, le taux d'évolution des bases d'imposition de la taxe professionnelle constaté au 1er janvier de l'exercice est supérieur à plus de deux fois le taux d'évolution des prix de l'année précédente, il est procédé à l'écrêtement du montant des bases excédant ce dernier taux. Il est fait application à ces bases excédentaires du taux voté par la collectivité ou par le groupement doté d'une fiscalité propre concernés.
« Le produit de cet écrêtement est versé au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle. »
« II. - L'augmentation des ressources du fonds national de péréquation de taxe professionnelle résultant de l'application de cet article n'est pas pris en compte dans le calcul à structure constante défini à l'article 32 de la loi de finances pour 1996.
« III. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par une réduction à due concurrence de la dotation budgétaire de l'Etat au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle et par le relèvement des tarifs mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'auteur de cet amendement m'a fait savoir qu'il le retirait et qu'il le représenterait lors de l'examen du prochain collectif budgétaire.
Par amendement n° I-133, MM. Régnault, Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 18 sexies , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. Au II de l'article 1641 du code général des impôts, le taux de 5,4 % est remplacé par celui de 5 % et celui de 4,4 % par celui de 4 %.
« II. Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une hausse du taux de la cotisation minimale de taxe professionnelle prévue à l'article 1647 E du code général des impôts. »
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. M. Revet présentera sans doute de nouveau son amendement lors de l'examen du collectif budgétaire de fin d'année.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. René Régnault. En effet, je traduis des propos de M. le secrétaire d'Etat que c'est dans ce texte que pourra être apportée une solution au problème qu'il a soulevé.
Quant à mon amendement, monsieur le secrétaire d'Etat - ce n'est pas la première fois que je le présente, et j'espère que c'est la dernière - il concerne cette petite contribution de 0,4 %, anodine par son taux, mais importante par son coût. En effet, chaque année, 1 milliard de francs sont versés par les collectivités locales pour accompagner la réforme de la fiscalité locale.
Depuis de nombreuses années, nous nous agenouillons devant les gouvernements en présentant cette requête. En fait, nous les encourageons à ne rien faire puisque, année après année, l'Etat empoche 1 milliard de francs sans accorder aucune contrepartie.
Il faut mettre un terme à cette situation.
Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, les engagements que vous avez pris s'agissant de la réforme de la fiscalité locale, en particulier de ses bases, y compris en matière de taxe professionnelle pour 1998. Je n'insiste pas davantage.
C'est pourquoi j'ai dit, en commençant mon propos, que j'ai déposé cet amendement en espérant bien que c'était la dernière fois. Si vous nous rendez ce milliard de francs en 1998, monsieur le secrétaire d'Etat, en le versant à nos collectivités locales, celles-ci en seront fort contentes. Ce serait d'ailleurs un double contentement, celui de voir la réforme enfin mise en oeuvre et celui de constater la restitution de ce qui nous appartient. Je vous en remercie d'avance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances a considéré qu'il s'agissait d'un amendement d'appel. Par conséquent, si M. Régnault ne le retire pas, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement répond à l'appel de M. Régnault et, en conséquence, verse sa contribution au débat qui aura lieu sur l'évolution de la taxe professionnelle.
J'ai entendu M. Régnault, je lui suggère de retirer son amendement, sinon l'avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. Votre amendement est-il maintenu, monsieur Régnault ?
M. René Régnault. Je le retire, monsieur le président, bien qu'il m'en coûte un milliard de francs (Sourires), car je ne doute pas des engagements de M. le secrétaire d'Etat.
M. le président. L'amendement n° I-133 est retiré.
M. Philippe Marini. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° I-133 rectifié, présenté par M. Marini, qui reprend le texte même de l'amendement n° I-133.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Je reprends cet amendement avec d'autant plus de facilité que j'avais présenté le même l'an dernier (M. le secrétaire d'Etat sourit.) et qu'à la demande du ministre ami qui siégeait à votre place, monsieur le secrétaire d'Etat, je l'avais retiré ! Je comprends donc tout à fait la situation dans laquelle se trouve notre collègue M. Régnault.
Sur le fond, je poursuis bien entendu le même objectif, monsieur le secrétaire d'Etat. Il s'agit d'une spoliation parmi d'autres. Nos collectivités locales sont spoliées chaque année de plus d'un milliard de francs qui figurent sur les feuilles d'impôt comme prélèvement de l'Etat alors que ce n'est plus justifié.
Il faut, là aussi, que, dans le grand débat qui va s'ouvrir pour définir un nouveau pacte de stabilité, ce sujet, comme celui de la taxe professionnelle de France Télécom, soit abordé et traité. C'est une dette de l'Etat à nos collectivités territoriales.
Ayant répété ce que j'avais dit l'année dernière à ce sujet à un autre ministre, monsieur le président, et pour éviter à M. le rapporteur général de me faire remarquer, à juste titre, que je risque de mettre à mal l'équilibre délicat de l'édifice patiemment construit avec rigueur par notre commission des finances, et pour ne pas m'exposer donc à un avis défavorable de celle-ci qu'elle ne peut que m'opposer, naturellement, je retire aussitôt cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-133 rectifié est retiré.
Article 18 septies