M. le président. Par amendement n° I-131 rectifié, M. Régnault, Mme Bergé-Lavigne, MM. Angels, Charasse, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après l'article 18 quinquies, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions du 2° du I de l'article 1414, et des articles 1414 A, 1414 B, 1414 C du code général des impôts, ainsi que du I de l'article 18 sexies de la présente loi ne sont pas applicables aux contribuables passibles de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre de l'année précédant celle de l'imposition à la taxe d'habitation. »
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Nous allons nous occuper d'une catégorie de contribuables qui a eu la chance d'échapper à notre vigilance au cours de ces dernières années.
En effet, cet amendement a pour objet de rectifier un oubli de 1988, lors de la réinstauration de l'impôt sur la fortune.
A l'origine, en 1982, lorsque les socialistes avaient prévu un dégrèvement d'office de taxe d'habitation pour les contribuables non imposables à l'impôt sur le revenu, de plus de soixante ans ou veufs ou veuves, il avait été précisé que ces derniers ne devaient pas non plus être assujettis à l'IGF. Cette dernière condition a été oubliée par la suite, ce qui, de mon point de vue, est regrettable, et ce d'autant qu'avec justesse nous avons multiplié le nombre des dégrèvements partiels pour les contribuables, lesquels, sans être non imposables sur le revenu, acquittent une modeste cotisation pour cet impôt.
Que l'on ne parle pas de la situation précaire des pauvres contribuables qui seraient assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune et qui auraient du mal à joindre les deux bouts, ou alors comment qualifier les autres !
Je vous parlerai des classes moyennes qui s'acquittent de la taxe d'habitation dans les mêmes proportions et qui n'ont pas la chance d'avoir un patrimoine important.
Mon raisonnement se trouve renforcé lorsqu'on se souvient de la mesure prise par le gouvernement de M. Juppé, en 1995, et qui a consisté à mettre en place un dispositif du plafonnement du plafonnement prévu à l'ISF, pour prendre en compte le fait que de nombreux redevables dévoyaient le système en minorant artificiellement leurs revenus par le biais de la création artificielle de déficits BIC - bénéfices industriels et commerciaux - non professionnels imputables sur le revenu global ou par le dégagement systématique d'importantes moins-values en fin d'année.
Le plafonnement du plafonnement a permis de régler ces cas précis de contribuables qui, désormais, sont passibles de l'ISF. En revanche, il n'a pas fait disparaître ces pratiques qui perdurent et qui permettent à des assujettis à l'ISF de présenter des revenus faibles, sans être pour cela nécessiteux.
Rappelons que, depuis quelque temps, l'administration, prenant acte d'une jurisprudence de la Cour de cassation, a accordé une réfaction notable sur le logement principal occupé par l'assujetti à l'ISF, dans le calcul de cet impôt, ce qui a permis d'exonérer de cet impôt environ un millier de contribuables.
Nous pensons, par conséquent, qu'on ne peut vraiment pas, en toute honnêteté, dire qu'il existe aujourd'hui des redevables que le paiement de cet impôt met dans une situation difficile. Ils doivent donc, de notre point de vue, payer, sans réfaction aucune, leur taxe d'habitation.
Tel est le sens de l'amendement que nous avons déposé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je crains que notre éminent collègue M. Régnault n'ait pas pris connaissance des dispositions adoptées en 1991.
En effet, la cotisation d'impôt sur le revenu est recalculée pour apprécier les facultés contributives réelles des redevables. Celles-ci sont, en effet, augmentées des revenus exonérés en France ainsi que du montant des prélèvements libératoires supportés sur les produits des placements à revenus fixes. Cette cotisation de référence ne tient pas compte des différentes réductions d'impôt : avoirs fiscaux, crédits d'impôts ou retenues à la source non libératoires.
Ce système de calcul, applicable depuis 1991, permet donc une prise en compte de la capacité contributive réelle - en tout cas celle que l'on sait calculer - des contribuables ; il rend l'amendement que vous avez déposé, monsieur Régnault, déjà très largement satisfait, car très rares seraient - le Gouvernement pourra peut-être dire qui y échappe - les contribuables soumis à l'ISF qui, avec ce mode de calcul, pourraient accéder aux allégements de taxe d'habitation.
Telles sont les raisons pour lesquelles l'avis de la commission des finances est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. La disposition que propose M. Régnault, au nom du groupe socialiste, me paraît frappée au coin du bon sens et de la justice.
Du bon sens d'abord, parce qu'il s'agit, en fait, de rétablir une disposition qui existait à l'époque de l'impôt sur les grandes fortunes et qui a été fâcheusement supprimée en 1986.
De la justice ensuite, parce qu'il apparaît effectivement paradoxal de ne pas payer de taxe d'habitation lorsqu'on acquitte l'impôt de solidarité sur la fortune. Il y a donc une logique à cet amendement.
Cette mesure serait-elle aussi mineure qu'on le dit ? Je voudrais préciser à M. le rapporteur général qu'elle concernerait tout de même 12 000 personnes, ce qui n'est pas complètement négligeable, et rapporterait une cinquantaine de millions de francs, ce qui n'est pas non plus négligeable.
Le Gouvernement apporte donc son plein accord à cet amendement qui a été défendu par M. Régnault.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-131 rectifié, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Gérard Delfau. C'est choquant !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Oh, oui !
Article 18 sexies