M. le président. « Art. 15. - Le dernier alinéa de l'article 158 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Il est restitué aux personnes physiques dans la mesure où son montant excède celui de l'impôt dont elles sont redevables et dans la limite de 500 F pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et de 1 000 F pour les contribuables mariés soumis à imposition commune. Lorsque l'avoir fiscal pris en compte pour le calcul du revenu net global est supérieur au montant de ce revenu, la fraction non restituée de cet avoir fiscal est retranchée des revenus de l'année suivant celle de la perception des dividendes, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Mes chers collègues, il s'agit là d'un nouveau dispositif dont vous n'avez peut-être pas encore entendu parler, mais dont vous entendrez sans doute beaucoup parler dans les mois qui viennent.
L'article 15 a pour objet de plafonner la restitution de l'avoir fiscal à 500 francs pour les célibataires et à 1 000 francs pour les contribuables mariés.
Vous savez tous ce qu'est l'avoir fiscal, et je ne vous ferai donc pas l'offense de le rappeler ; il s'agit d'éviter une double imposition.
Le Gouvernement cherche à éviter un processus d'optimisation fiscale d'environ 120 contribuables. De ce point de vue, il ressemble un peu au précédent gouvernement. (Sourires.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Quel compliment !
M. Philippe Marini. Il a les mêmes services !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il cherche à éviter que des contribuables n'aménagent leur patrimoine et leurs revenus pour éviter l'impôt sur le revenu. Si mes informations sont bonnes, ce sont environ 120 contribuables qui sont dans cette situation.
Or, pour régler le problème de ces 120 contribuables, il va en pénaliser 330 000.
M. Philippe Marini. Bravo !
M. Alain Lambert, rapporteur général. C'est une démarche de législation fiscale dont nous avons eu à connaître, que nous avons tardé à combattre - nous avons commencé à la combattre lorsqu'on a voulu nous proposer un dispositif sur les PEA ; nous y reviendrons lors de l'examen d'un autre article - et qui tend à faire que la loi, sous Portalis, qui nous regarde et qui en est pétrifié,...
M. Philippe Marini. Il l'est déjà, le pauvre ! (Sourires.)
M. Alain Lambert, rapporteur général. ... règle le cas de chaque contribuable pris individuellement.
Mes chers collègues, je ne vous préconise pas de suivre cette démarche, car elle est vaine, injuste et, en tout cas, elle n'atteint pas l'objectif qu'elle se fixe. C'est pourquoi il y a lieu de critiquer la proposition qui nous est faite.
Sans doute cherchez-vous dans le même temps, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous assurer un rendement de 920 millions de francs. J'ai trop peiné à calculer les coûts des diverses mesures que vous nous proposez pour ne pas savoir que, par les temps qui courent, chaque million de francs compte. Donc, 920 millions de francs, ce n'est pas négligeable !
Simplement, vous qui nous avez appelés à garder en permanence à l'esprit la préoccupation sociale, vous devez nous confirmer que ce sont bien les ménages modestes qui seront pénalisés, en la circonstance, par votre dispositif. J'en veux pour preuve le nombre considérable de feuilles d'impôt que je reçois à titre d'exemple.
Cette mesure est profondément inéquitable, mais je ne vous soupçonne pas de l'avoir proposée sciemment monsieur le secrétaire d'Etat. On peut ne pas être d'accord politiquement et ne pas se faire mutuellement un procès d'intention.
Simplement, en la circonstance, je redoute que vous n'ayez mal calculé votre affaire, sauf à estimer qu'une catégorie de Français - je pense aux retraités, aux épargnants - doit légitimement être mise à contribution pour couvrir un certain nombre de besoins de financement de nos administrations.
Enfin, la mesure proposée a le défaut d'être discriminatoire - en cette période où nous recherchons la justice fiscale - puisque les contribuables qui résident en France seront pénalisés par rapport aux non-résidents.
Voilà, mes chers collègues une série de raisons - j'en aurais bien d'autres ! - qui me font vous recommander d'adopter soit l'amendement de suppression, soit l'amendement d'amélioration, selon les indications que le Gouvernement voudra bien donner.
M. François Trucy. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Cette affaire est tout à fait symptomatique et elle est d'une extrême gravité pour l'épargne.
M. Michel Charasse. N'exagérons pas !
M. Philippe Marini. La réforme a manifestement été votée à la hâte.
Il s'agit non pas de créer une imposition plus élevée pour les titulaires de revenus supérieurs à un certain niveau, mais bien de modifier - cela n'avait jamais été fait - le rôle de tiers détenteur de l'Etat d'un impôt forfaitaire de 41,66 %, payé provisoirement par les sociétés dans l'attente du calcul définitif d'un second impôt à un taux progressif de 0 % à 55 % sur les mêmes revenus. Veuillez-me pardonner la complexité de cet exposé, mais c'est bien là le mécanisme de l'avoir fiscal !
Si l'avoir fiscal correspondant à un impôt forfaitaire déjà réglé provisoirement à l'Etat n'est pas déduit des impôts calculés au titre de l'impôt sur le revenu à un taux progressif de 0 % à 55 %, s'il n'est donc pas déduit une seconde fois sur les mêmes revenus, puis automatiquement restitué si l'impôt dû est inférieur, nous arrivons à une double imposition des dividendes concernés et il y a véritablement lésion des épargnants.
La solution que vous préconisez ainsi à la hâte a un autre effet, qui est celui de calculer la CSG - 7,5 % maintenant, ce n'est pas rien ! - sur un avoir fiscal non perçu. C'est une véritable spoliation, une réelle anomalie. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne pouvons, à l'évidence, souscrire à un tel mécanisme.
De plus, selon les données du calcul, nous aboutissons à des inéquités de traitement tout à fait manifestes : si les contribuables ont peu de revenus, ils sont plus sensibles à la mesure ; au-delà d'un certain seuil, ils sont, au contraire, immunisés contre cette mesure. C'est vraiment de la politique sociale « à contresens », si je puis utiliser cette expression.
A cela s'ajoute une autre discrimination, tout aussi contestable, entre les contribuables résidents et non résidents, ce qui est contraire au traité de l'Union européenne.
Dans le cas présent, continuer à restituer automatiquement les avoirs fiscaux aux non-résidents fiscaux, qui d'ailleurs peuvent être aussi des Français, et ne plus les rembourser automatiquement aux résidents, qui peuvent être aussi d'origine européenne non française, introduit, de fait, une discrimination arbitraire et une vraie restriction déguisée à la libre circulation des capitaux.
Monsieur le secrétaire d'Etat, cette disposition a bien été conçue à la hâte. Elle suscite une grande émotion. Nous sommes nombreux à recevoir du courrier à ce sujet.
M. Jean-Louis Carrère. Pas nous !
M. Philippe Marini. Nous avons lu la presse économique et les journaux consacrés à l'épargne.
Je vous invite, mes chers collègues, à vérifier, dans les courriers que vous recevez,...
M. Jean-Louis Carrère. On ne doit pas recevoir les mêmes !
M. Philippe Marini. ... les décomptes des contribuables modestes, qui sont plus sensibles à la mesure que ne peuvent l'être ceux qui bénéficient de revenus réellement importants. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Carrère. Ce serait bien la première fois que vous défendriez les premiers !
M. Philippe Marini. De grâce, monsieur le secrétaire d'Etat, revoyez la copie ! Mettez à profit le temps qu'il faudra pour mettre en place la concertation, pour susciter des rapports. Ne persistez pas dans cette grave erreur de méthode si lourde de conséquence pour l'épargne de ce pays. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Cette dispositions vise à rééquilibrer la taxation des revenus du travail et des produits du capital.
Je ne reviendrai pas sur le mécanisme de l'avoir fiscal. M. le rapporteur général l'a rappelé.
Bien entendu, je ne suis pas d'accord avec l'analyse qui vient d'être faite par le précédent orateur et je vais essayer, en citant quelques chiffres, d'en donner les raisons.
Plus de 3 900 000 contribuables bénéficient, aujourd'hui, d'une imputation inférieure ou égale à 500 francs.
Dans le même temps, 1 598 000 contribuables bénéficient d'une restitution de leur avoir fiscal parce que ce dernier excède leur impôt. Parmi eux, 1 179 407, soit 79,24 %, reçoivent une restitution inférieure ou égale à 500 francs.
L'immense majorité des contribuables bénéficiant de cette restitution ne seront donc pas touchés par la présente mesure sur l'avoir fiscal.
Cette mesure était nécessaire.
D'une part, il est inconcevable que, jusqu'à présent, certains contribuables, 120 au total - c'est bien cela, monsieur le rapporteur général - reçoivent du Trésor public une restitution supérieure à 1 000 000 de francs.
D'autre part, cette restitution, dans son principe, pose question : ne constitue-t-elle pas en elle-même un dévoiement du mécanisme de l'avoir fiscal ?
M. Michel Caldaguès. Il n'a rien compris !
M. Bernard Angels. En effet, l'avoir fiscal permet d'éviter la double imposition. Mais, à partir du moment où un contribuable est non imposable, cette double imposition n'existe plus, par définition.
Malgré tout, afin de ne pas pénaliser les revenus modestes, le Gouvernement a prévu avec raison de maintenir une restitution respectivement de 500 francs et de 1 000 francs. Plus de 1 200 000 contribuables concernés par l'un ou par l'autre de ces abattements en bénéficieront.
Ainsi, cette mesure s'applique à ceux de nos concitoyens qui possèdent les revenus de capitaux les plus élevés.
De même, il est prévu, pour tenir compte de certains contribuables se trouvant en situation de déficit, de pouvoir retrancher des revenus de l'année suivante la fraction non restituée de l'avoir fiscal.
Je conclus en rappelant quelques pourcentages éclairants : 1 % des ménages les plus fortunés possède aujourd'hui entre 14 % et 20 % du patrimoine en France. Ces ménages les plus aisés se distinguent par une large place offerte dans leur patrimoine aux valeurs mobilières. Entre 1975 et 1996, ces ménages ont accru leur patrimoine de 70 %, selon l'INSEE.
Il était donc normal, par cette mesure, de rééquilibrer le système de l'avoir fiscal. En effet, l'avoir fiscal ne doit pas être un avantage démesuré dont le coût est supporté, via le Trésor public, par l'ensemble des Français, et ce en faveur d'un petit nombre d'entre eux. Il convenait donc de lui rendre son objet initial en limitant les dérapages qu'il a pu occasionner. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Permettez-moi d'apporter certaines précisions sur la position du Gouvernement et quelques réponses, notamment à M. le rapporteur général.
L'article 15, qui est ici en cause, n'a pas pour objet principal de régler le cas de ces cent vingt contribuables dont le sort semble émouvoir tant de personnes. Il s'agit, d'une part, de revenir à la logique de l'avoir fiscal, qui consiste à atténuer la double imposition des dividendes et, d'autre part, de constater qu'il ne peut y avoir double imposition lorsque le contribuable n'est pas imposable.
Telle est la logique profonde de l'article 15.
Or, comme M. Angels l'a très bien démontré, certains contribuables utilisent ce mécanisme de remboursement des avoirs fiscaux pour mettre sur pied des montages d'évasion fiscale - il faut dire les choses comme elles sont - et obtenir la restitution d'avoir fiscaux importants. De surcroît, outre cette non-imposition au titre de l'impôt sur le revenu, ces mêmes contribuables peuvent bénéficier du plafonnement au titre de l'ISF. Et tout cela sans la moindre conséquence positive sur l'emploi, que nous sommes tous ici attachés à développer. L'article 15 comporte donc également un élément de justice fiscale qui, évidemment, ne concerne pas les contribuables les plus modestes, dans la mesure où les restitutions sont maintenues à 500 francs pour une personne seule et à 1 000 francs pour les contribuables mariés.
M. Marini, dont je respecte la très vive intelligence, comme, du reste, l'ensemble de ses collègues, m'a demandé, sur le ton du professeur à l'élève, de revoir ma copie. Un point a cependant échappé à sa grande perspicacité : l'assujettissement à la contribution sociale généralisée de l'avoir fiscal a été supprimé, dans le cadre du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. En effet, en première lecture, à l'Assemblée nationale, à la demande d'un parlementaire non moins intelligent que lui, M. Auberger, cette préoccupation avait déjà été prise en compte par le Gouvernement.
M. le rapporteur général, avec son honnêteté coutumière, a cité lui-même le chiffre : 920 millions de francs ! Par parenthèse, cela ne doit donc pas concerner que des contribuables modestes. Si, mesdames, messieurs les sénateurs, vous adoptiez les amendements de suppression, ce serait encore 920 millions de francs à trouver, encore quelques cauchemars de plus pour votre rapporteur général ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-164, M. Marini et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent de supprimer l'article 15.
Par amendement n° I-91, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit l'article 15 :
« Le dernier alinéa de l'article 158 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Il n'est pas restituable. »
Par amendement n° I-17 rectifié, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose :
A. - Après la première phrase du texte présenté par l'article 15 pour le dernier alinéa de l'article 158 bis du code général des impôts, d'insérer la phrase suivante : « Toutefois, ces plafonds sont respectivement portés à 10 000 francs et à 20 000 francs lorsque le revenu imposable du contribuable n'excède pas la limite supérieure de la troisième tranche de revenus fixé au 1 du I de l'article 197 et que l'absence d'imposition du contribuable ne résulte pas de déductions sur le revenu imposable ou de réductions d'impôt pouvant être obtenues en application des articles 199 undecies et 238 bis HA à HN. »
B. - Dans la dernière phrase du texte proposé par le présent article pour le dernier alinéa de l'article 158 bis du code général des impôts, de supprimer les mots : « Lorsque l'avoir fiscal pris en compte pour le calcul du revenu net global est supérieur au montant de ce revenu, ».
C. - De compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Le Gouvernement présentera au Parlement, avant le 15 septembre 1998, un rapport sur les conséquences du plafonnement de la restitution de l'avoir fiscal. Ce rapport devra également dresser un bilan du mécanisme de l'avoir fiscal et de sa capacité à compenser la double imposition pesant sur les bénéfices distribués, pour les personnes physiques et pour les personnes morales. Il examinera enfin le dispositif du précompte, et justifiera notamment son exigibilité pour les dividendes prélevés sur les résultats d'un exercice clos depuis plus de cinq ans. »
D. - En conséquence, de faire précéder le début du premier alinéa de cet article de la mention : « I ».
La parole est à M. Marini, pour défendre l'amendement n° I-164. M. Philippe Marini. Vous n'en serez pas surpris, mes chers collègues, il s'agit d'un amendement de suppression.
Le Gouvernement a tort de le nier, certaines personnes ont pu, leur vie durant, constituer un patrimoine d'actions et disposent de revenus modestes, notamment des pensions de retraite. Ces personnes sont susceptibles de recevoir en dividendes une grande partie, voire la majorité de leurs ressources. Cette situation est bien réelle et il n'y a certainement pas lieu de défavoriser ces contribuables, qui ont simplement été prévoyants.
Je peux vous donner l'exemple d'un retraité dont le quotient familial est d'une part et le revenu imposable de 94 134 francs. Il perçoit chaque année une retraite de 32 000 francs, des revenus d'actions françaises pour 70 134 francs, soit 46 756 francs de dividendes auxquels s'ajoutent 23 378 francs d'avoir fiscal. Le montant de son impôt brut est de 13 549 francs, mais il dispose bien de ces 23 378 francs d'avoir fiscal. Dès lors, il n'a pas d'impôt sur le revenu à acquitter - c'est la loi telle qu'elle existe jusqu'ici - et l'Etat lui ristourne une somme de 9 829 francs.
Ce contribuable n'est pas un gros capitaliste ; il a peut-être reçu des titres en héritage ou s'est peut-être saigné aux quatre veines pendant toute son existence pour accumuler son épargne et pourvoir à ses vieux jours. Si ce dispositif est adopté, il perdra de l'ordre de 9 500 francs. Or je ne pense pas que sa situation soit celle d'un hyper-privilégié ! Vos services peuvent vérifier, mon exemple arithmétique est parfaitement juste.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je reçois tous les jours, comme nombre de mes collègues, des lettres attirant mon attention sur des cas précis. Nous, parlementaires, nous n'avons pas les moyens dont dispose votre administration pour vérifier la véracité de ce qui nous est indiqué. Mais cela nous paraît plausible.
Il nous semble donc qu'au nom d'une préoccupation légitime, le contrôle fiscal visant une catégorie de contribuables qui évoluent à la limite des bonnes règles, vous avez jeté le bébé avec l'eau du bain. Voilà pourquoi nous combattons cette mesure.
M. le président. La parole est à M. Minetti, pour présenter l'amendement n° I-91.
M. Louis Minetti. L'avoir fiscal constitue, pour notre groupe, l'une des dépenses fiscales les plus discutables. Nous apprécions donc que le Gouvernement ait enfin décidé de corriger une mesure exorbitante du droit commun, qui ne fait que favoriser, à grande échelle, les ménages aux revenus les plus importants.
L'article 15 tend donc à revenir en partie sur les conditions de remboursement du trop-perçu d'avoir fiscal, en plafonnant le montant de ce remboursement à hauteur de 500 francs pour un contribuable célibataire et de 1 000 francs pour un couple.
Il est vrai que l'avoir fiscal est une dépense importante - plus de 7,9 milliards de francs pour les seuls ménages - et qu'elle est une réduction d'impôt d'un caractère un peu particulier, puisqu'elle est la seule susceptible d'être remboursée à un contribuable.
Il existe d'ailleurs dans ce pays des contribuables dont le remboursement d'avoirs fiscaux est si important qu'ils sont, de ce fait, non imposables. Il y a donc bien un problème d'assiette de l'impôt. De surcroît, ces contribuables acquittent leur impôt de solidarité sur la fortune avec le montant du remboursement qu'effectue sur leur compte le Trésor public !
Il y a donc de multiples raisons tenant à l'équité qui nécessitent que l'on revienne en partie sur les dispositions relatives à l'avoir fiscal, qui est d'autant plus important que les placements sont conséquents et judicieux.
Le caractère opportun de la détention d'actions de telle ou telle entreprise n'a, on le sait, pas grand-chose à voir avec la réalité de la situation économique de l'entreprise concernée. Nombre d'entreprises déclarant des déficits comptables et/ou fiscaux de manière régulière distribuent malgré tout des dividendes, et donc des avoirs fiscaux à leurs actionnaires sans que cela puisse être objectivement considéré comme le remboursement de l'impôt sur les sociétés dû.
Par notre amendement, nous préconisons une rédaction plus précise encore de l'article. Il prévoit en effet que les conditions d'imputation des avoirs fiscaux seront équilibrées entre personnes morales et personnes physiques et que la restitution sera désormais impossible. C'est cette règle qui est aujourd'hui appliquée aux entreprises, et c'est elle que nous souhaitons voir appliquer aux particuliers. Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-17 rectifié et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s I-164 et I-91.
M. Alain Lambert, rapporteur général. L'amendement présenté par M. Philippe Marini, que je trouve meilleur que celui que je vais défendre, comporte un inconvénient : il coûte cher. Cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, je n'aboutis pas à la même conclusion que vous. Si cet amendement coûte cher, ce n'est pas parce qu'il touche de gros contribuables ; c'est précisément parce qu'il touche de très nombreux contribuables. C'est l'une des raisons de son coût.
D'ailleurs, il serait intéressant, puisque l'on cherche à fiscaliser séparément les cent vingt contribuables, de savoir quel est le montant de leur avoir fiscal. On pourrait peut-être faire une loi spécialement pour eux, ce qui permettrait de faire échapper les 330 000 autres contribuables au dispositif !
Mes chers collègues, les contribuables dont nous parlons sont extrêmement riches. Si riches que leur revenu s'élève, par exemple, à 47 237 francs ! (Sourires.) C'est en effet un contribuable non pas de l'Orne ni même des Landes mais du Rhône qui m'écrit. Ce contribuable lyonnais va se voir pénalisé de 3 000 francs. Cela signifie que, pour un revenu d'environ 47 000 francs, on peut perdre 3 000 francs. Telle est la catégorie des « gros contribuables » que nous poursuivons de nos foudres, monsieur le secrétaire d'Etat !
Non, vous le voyez, votre dispositif « ratisse » tellement large qu'il frappe des familles de condition vraiment modeste.
Nous vous proposons, pour notre part, un amendement de conciliation, dans la mesure où ce n'est pas un amendement de suppression !
M. Jean-Louis Carrère. Mais qu'entendez-vous par « familles de condition vraiment modeste » ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Mon cher collègue, vous aurez l'occasion de vous exprimer tout à l'heure en explication de vote et je vous écouterai avec une grande attention !
Notre amendement a un triple objectif, monsieur le secrétaire d'Etat.
Premièrement, il vise à porter le montant des plafonds au-delà desquels l'avoir fiscal ne serait plus restitué respectivement à 10 000 francs et à 20 000 francs, contre 500 francs et 1 000 francs.
Deuxièmement, il prévoit le dépôt d'un rapport. On peut toujours, en effet, réformer l'avoir fiscal. La France est, en effet, désormais soumise à une obligation de compétitivité fiscale, nous ne cessons de le répéter. Donc, s'il faut moderniser l'avoir fiscal, pourquoi pas ? En tous les cas, la commission des finances y est prête. Cependant, la réforme qui nous est proposée aujourd'hui engendrerait des effets de seuil inadmissibles pour elle. C'est la raison pour laquelle la commission des finances propose de faire précéder la réforme d'un examen et d'un rapport.
Enfin, troisièmement, l'amendement permet la déduction de la fraction non restituée de l'avoir fiscal des revenus de l'année suivant celle de la distribution des dividendes. En l'absence d'une telle disposition, les actionnaires se verraient imposés sur un revenu qu'ils n'auraient pas perçu. Ce serait, si j'ose dire, pardonnez-moi ma trivialité, le clou de la kermesse !
Telle est, monsieur le secrétaire d'Etat, l'économie générale de cet amendement qui, je l'espère, recueillera un avis favorable du Gouvernement.
S'agissant de l'amendement n° I-164, parlons franchement : en raison de son coût et du mandat que j'ai reçu, qui vise à ne pas dégrader le solde budgétaire, je suis condamné à recommander à son auteur de bien vouloir retirer son amendement.
M. Philippe Marini. Recommandation suivie !
M. Alain Lambert, rapporteur général. S'agissant de l'amendement n° I-91, la commission des finances y est défavorable.
M. le président. L'amendement n° I-164 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-91 et I-17 rectifié ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je tiens à préciser à la Haute Assemblée ce que M. Marini entend par « familles modestes ». (Exclamations sur les travées socialistes.) Je me suis livré à un petit calcul : pour avoir 47 000 francs de dividende par an avec un rendement moyen de 3,5 %, il faut disposer d'un modeste portefeuille de valeurs mobilières de 1 400 000 francs !
M. Philippe Marini. C'est possible à la fin d'une vie !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Effectivement, cela peut arriver !
Il n'en demeure pas moins que l'exemple choisi par M. Marini ne me paraît pas pris au bas de la pyramide sociale.
M. Jean-Louis Carrère. Ce sont pourtant les familles modestes qu'il défend !
M. Philippe Marini. M. le rapporteur général vous a donné un autre exemple !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Prenez mon exemple, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° I-17 rectifié, en raison de son coût, même si ce dernier est inférieur de moitié au coût de l'amendement de M. Marini.
J'en viens à l'amendement n° I-91 de M. Minetti. La proposition qu'il contient me paraît un peu trop sévère, dans la mesure où elle ne prévoit aucun avoir fiscal minimal. Je demande donc à M. Minetti de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Minetti, l'amendement n° I-91 est-il maintenu ?
M. Louis Minetti. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-91 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-17 rectifié.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le président, j'apprends beaucoup en étant si près de M. le secrétaire d'Etat, depuis plusieurs jours.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est réciproque !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Hier, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai eu l'imprudence - il faut le reconnaître - de ne pas traiter de l'article 9 relatif aux frais de scolarité en même temps que de l'article 2, puisque les frais de scolarité, vous le savez, avaient été recyclés dans la baisse du barème.
Immédiatement et, si j'ose dire, sans pitié, vous avez dressé une sorte de liste des supposés mauvais traitements que la majorité sénatoriale inflige ou infligerait aux familles.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est un flash-back !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je voudrais donc essayer de vous dresser un catalogue très bienveillant - je n'ai pas eu le temps d'aller plus loin ! - du traitement que vous infligez aux retraités.
Vous leur réduisez le plafond de l'abattement de 10 % qui est prévu précisément dans le plan quinquennal de réduction de l'IRPP, passant de 24 000 francs à 12 000 francs, sans réduire le barème ; la CSG sur l'épargne touchera au premier chef les personnes âgées, dont le taux d'épargne est, à l'évidence, supérieur à celui des autres ménages ; l'imposition des produits de l'assurance vie, à l'article 17, concernera directement bon nombre de retraités ; la réduction de moitié du plafond de déduction pour emploi à domicile concernera en tout premier lieu les personnes âgées qui ont besoin d'aide à domicile pour ne pas avoir recours à un hébergement collectif ; la réduction à 5 000 francs de la demi-part pour les personnes seules ayant élevé un enfant exercera également des effets négatifs sur les revenus des personnes concernées ; et j'en termine avec les effets du basculement de la cotisation maladie sur la CSG, qui se révéleront défavorables pour un certain nombre de retraités.
M. Jean-Louis Carrère. Quel niveau de retraite ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous recommande vivement d'adopter l'amendement n° I-17 rectifié de la commission des finances. (Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Nous voterons bien évidemment contre l'amendement n° I-17 rectifié, présenté par M. le rapporteur général.
Je voudrais profiter de cette explication de vote pour rappeler que, dès que des mesures fiscales d'équité sont proposées, elles sont combattues par les forces conservatrices de ce pays. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Paul Loridant. C'est vrai dans le domaine de l'agriculture, comme dans le domaine de l'épargne. On prend toujours le prétexte de la défense des « petits » ! Souvenez-vous, mes chers collègues : s'agissant de l'agriculture, c'est toujours au nom de la défense des petits agriculteurs que l'on défend la grande céréaloculture de la Beauce et d'ailleurs !
Dans la matière qui nous occupe en cet instant, on prend prétexte du fait que des épargnants modestes ont effectivement un petit portefeuille pour dire que l'on va les brimer. Soit dit en passant, les explications et les réponses données par M. le secrétaire d'Etat au budget nous éclairent particulièrement sur ce que vous appelez « les petits ». En l'occurrence, il faut avoir un portefeuille de plus de 1 million de francs - M. le secrétaire d'Etat évoquait même 1,4 million de francs pour pouvoir commencer à être mordu par la mesure gouvernementale.
M. Philippe Marini. Ce n'est pas « pour commencer » ! C'est faux !
M. Paul Loridant. Permettez-nous, mes chers collègues, de vous dire que nous n'entrons pas dans votre jeu et que nous rejetterons l'amendement de la commission pour voter le texte du Gouvernement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Je voterai l'amendement n° I-17 rectifié de la commission des finances, tout d'abord pour des raisons de fond qui ont été énoncées fort excellemment par M. le rapporteur général et par M. Marini.
Mais je le voterai aussi parce que, monsieur le secrétaire d'Etat - je vous le dis très franchement - j'ai été choqué par votre réaction. (Rires sur les travées socialistes.)
Il a été prouvé, chiffres à l'appui, jusqu'à ce que vous le démentiez, que deux contribuables - mais nous savons qu'ils sont beaucoup plus nombreux - peuvent être frustrés respectivement de 9 000 francs et de 3 000 francs, si j'ai bien compris les calculs. Nous attendions que le Gouvernement nous dise si c'était vrai ou non.
Le Gouvernement peut-il admettre que deux contribuables soient frustrés d'une somme à laquelle leur donne droit la législation et qu'ils peuvent légitimement attendre du fait de la publicité financière faite par la société dont ils sont les actionnaires, société qui, dans ses résultats, précise le rendement des titres en incluant l'avoir fiscal ? Or, la seule réponse que vous trouvez, monsieur le secrétaire d'Etat, n'est pas de dire qu'il y a une erreur !
M. Jean-Louis Carrère. Il n'y a pas d'erreur !
M. Michel Caldaguès. La seule réponse que vous trouvez est que, avec 47 000 francs de revenus annuels, on n'est pas un petit épargnant ! C'est invraisemblable ! Toutes sortes de circonstances peuvent justifier la possession par une personne d'un capital du montant que vous avez indiqué. J'en citerai une tout simplement : une personne ayant péniblement accédé à la propriété,...
M. Ivan Renar. Cela ne se passe pas comme cela !
M. Michel Caldaguès. ... dans une résidence urbaine, se retire, sur la fin de ses jours, en région rurale, par exemple, en louant l'appartement qu'elle a pu acquérir grâce au fruit de son travail. Pour recueillir un revenu de 47 000 francs par an en milieu urbain, ce ne peut être un appartement bien grand !
Et vous tentez de nous faire croire, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce sont des gens qui ne sont pas à plaindre ! Ils ont le tort, inexpiable à vos yeux, de ne pas être à la charge de la solidarité nationale (Protestations sur les travées socialistes), et vous les épinglez, vous les clouez au pilori, comme s'ils étaient des richards ! C'est inadmissible ! (Applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste. - Protestations sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le secrétaire d'Etat, il y a des gens qui vous intéressent et d'autres qui ne vous intéressent pas, tels ceux qui ont été prévoyants, qui ont accumulé de l'épargne pendant trente ans ou quarante ans,...
M. Jean-Louis Carrère. Qui ont pu le faire !
M. Philippe Marini. ... qui ont pu le faire, au prix de sacrifices ! Ce n'est pas interdit, que je sache !
M. Jean-Louis Carrère. Non !
M. Philippe Marini. Nous ne sommes pas dans un régime soviétique !
M. Ivan Renar. Restons en France !
M. Philippe Marini. Nous sommes dans un pays de liberté, où on a le droit d'accumuler de l'épargne pour des sommes raisonnables. Une personne disposant, au bout de trente ans ou quarante ans, d'1,5 million de francs placé en actions est-elle vraiment un contribuable de niveau élevé ou un privilégié ? Je ne le crois pas, monsieur le secrétaire d'Etat.
Mais ce qui est vrai, c'est qu'il s'agit de gens isolés, qui ne sont pas défendus par des syndicats, qui vivent tranquillement chez eux de leur petite épargne.
Cela fait rire un commissaire du Gouvernement, bien sûr, parce que c'est un état d'esprit. Je crois que cette réaction du commissaire du Gouvernement reflète un certain état d'esprit de l'administration ! (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Carrère. Oh, ça va, monsieur Marini !
M. Philippe Marini. Il y a des personnes qui n'intéressent ni l'administration ni le Gouvernement, et qui sont les victimes bien innocentes situées dans votre fenêtre de tir !
Vous aviez l'occasion, monsieur le secrétaire d'Etat, de rectifier techniquement cette mesure et vous ne voulez pas le faire par esprit de doctrine. C'est en tout cas ce que nous constatons !
Ce n'est pas convenable de se comporter ainsi au banc du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du RPR. - Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux. C'est inadmissible !
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. A ceux de nos collègues qui continuent de penser que cette mesure ne frappe que les gens riches, je citerai un exemple, qui n'est pas unique : celui de personnes ayant épargné pendant toute leur vie,...
M. Jean-Louis Carrère. Oh !
M. René Régnault. Les petits épargnants ne sont pas concernés !
M. Jacques Habert. ... et comptant absolument sur leur avoir fiscal pour vivre quand l'heure de la retraite vient.
A l'heure actuelle, nombre de personnes prennent leur retraite, volontairement ou non, à cinquante-cinq ans. D'autres, au même âge, ont été licenciés et ne retrouvent aucun emploi. Chômeurs, c'est en vain qu'ils cherchent à travailler.
Pour ceux d'entre eux qui ont pu investir leurs économies dans certaines valeurs, le remboursement de l'avoir fiscal constituait vraiment - je pourrais citer des exemples précis - une bonne partie, voire l'essentiel de leurs ressources.
Le fait de refuser à ces personnes la restitution des avoirs fiscaux auxquels elles ont tout à fait droit et sur lesquels elles comptaient, de par la législation, va les mettre dans une situation très difficile.
En effet, il s'agit non pas de « riches », mais de braves gens n'ayant pour vivre qu'une petite retraite - voire, dans certains cas, presque rien -, quand ils ont dû quitter leur emploi prématurément mais comptant sur les revenus de leurs placements antérieurs.
C'est en songeant à tous ceux de nos compatriotes qui n'ont que des ressources très moyennes et qui risquent d'être privés des remboursements de l'avoir fiscal, auxquels ils ont droit, que nous récusons les dispositions de l'article 15 de ce projet de loi. Ces remboursements sont normaux et légitimes puisque l'Etat les leur avait promis.
C'est en songeant à tous ces Français qui ne sont pas des « riches », qui ont fait confiance au pays et risquent aujourd'hui d'être trompés, et gravement lésés, que nous voterons l'amendement n° I-17 rectifié que nous propose M. le rapporteur général, au nom de la commission des finances. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Louis Minetti. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Je parlerai non pas au nom de mon groupe, car mon ami Paul Loridant l'a fait tout à l'heure, mais en mon nom personnel, tout en étant persuadé que nos propos se rejoindront.
Je n'avais pas prévu d'intervenir, mais ces explications de vote m'ont convaincu de le faire. Tout de même ! Tout de même ! L'un de nos collègues a dit que certains contribuables seraient « frustrés ». Mais frustrés de quoi ?
L'avoir fiscal ne remonte pas à la nuit des temps. Il est daté : c'est un président de la République, anciennement ministre des finances, qui l'a institué pour les énormes riches de ce pays. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux. Les « énormes riches » ! Ce n'est pas vrai !
M. Louis Minetti. L'avoir fiscal ne remonte pas à la nuit des temps, disais-je. Par conséquent, il faut le corriger maintenant que les riches se sont servis ! (Protestations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. François Trucy. C'est la IIIe République !
M. Louis Minetti. Par ailleurs, l'emploi de certains mots n'est pas judicieux. Je vous en prie, mes chers collègues, ne parlez pas d'épargne quand il s'agit des petites gens ! Les petites gens, nous en sommes ! Nous, nous parlons des grandes fortunes de France.
M. Jean Chérioux. Elles ne sont pas en France, hélas ! les grandes fortunes ! Elles sont à l'étranger !
M. Louis Minetti. Il suffit de lire régulièrement les magazines pour connaître les détenteurs de grandes fortunes. Alors, s'il vous plaît, ne parlons pas, pour ceux-ci, d'« épargne » ! Je suis le défenseur des épargnants ; mais ce sont les petites gens, les ouvriers, les employés, les petits paysans,...
Mme Nelly Olin. Arrêtez !
M. Louis Minetti. ... et pas ceux qui placent leur argent en bourse !
Enfin, nous allons bientôt fêter Noël, et nous entrons dans la période difficile au cours de laquelle nous allons voir toutes les organisations caritatives essayer de soulager un peu la misère des quelque sept millions de pauvres au moins qui sont répertoriés dans ce pays.
De grâce, ne leur faisons pas l'insulte de parler de tout autre chose ! Sinon, je serai obligé de vous rappeler - en m'excusant auprès des puristes, car je n'ai pas le texte sous les yeux - ce qu'écrivait, voilà fort longtemps, Victor Hugo : « Dans le siècle où nous sommes, ainsi que des raisins, on écrase les hommes, et l'or sort du pressoir ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. René Ballayer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La prole est à M. Ballayer.
M. René Ballayer. Je vois dans cette affaire non seulement une question d'argent, mais aussi et surtout une question de confiance.
Quand vous achetez un bien immobilier, après accord avec le vendeur, vous allez voir le notaire qui établit un acte authentique. Quand vous achetez une action ou une obligation en bourse, un accord de confiance lie le vendeur et l'acheteur. Ce dernier sait à l'avance que ladite action ou obligation rapportera tant, et qu'un avoir fiscal lui sera rétrocédée ultérieurement. Cet avoir fiscal fait partie du pacte de confiance passé entre le vendeur et l'acheteur.
Dans cette affaire, on fait maintenant fi de l'honnêteté ; c'est l'honnêteté morale dans son ensemble qui est trahie et cela est très grave.
Il ne faut pas traiter à la légère des choses comme celles-là. Ce n'est pas tant une question pécuniaire qu'une question de confiance, dans la relation entre l'Etat et les actionnaires de l'Etat que sont tous les Français. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Philippe Marini. Très bien !
M. René Régnault. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Ce débat vient de prendre un tour singulier, ce qui n'est pas tout à fait coutumier à la Haute Assemblée, où je siège déjà depuis un certain nombre d'années.
Dans la discussion générale j'ai dit - certains, dans les couloirs, m'ont reproché d'être excessif - que le Sénat semblait plus se préoccuper du sort des détenteurs de patrimoine, particulièrement de patrimoine mobilier, que du sort des autres Français.
Nous en avons aujourd'hui la preuve administrée. C'est bien parce que l'on toucherait à quelques-uns, en nombre très limité, cela a été dit, que, subitement, s'est levé un vent de polémiques, voire un vent de terreur. (Protestations sur les travées du RPR.) Nous avons d'ailleurs vu tout à l'heure des gestes de certains collègues pour le moins déplacés.
De nouveau, on se sert d'une masse de contribuables qui ont un petit avoir fiscal, mais qui sont écartés de ce dispositif, pour en faire un bouclier protecteur de quelques-uns qui sont effectivement particulièrement initiés, et bien conseillés.
Je suis sensible à ce que notre collègue M. Bernard Angels a rappelé tout à l'heure : 14 % à 20 % du patrimoine sont détenus par 1 % de la population, par 1 % des foyers fiscaux ! Le Gouvernement l'a dit à plusieurs reprises, il entend entreprendre une réforme de la fiscalité du patrimoine. Nous allons donc devoir réfléchir ensemble à une meilleure répartition et de la fiscalité du capital et de la fiscalité du travail.
Mes chers collègues, je vous prends à témoin des travaux qui nous attendent : vous imaginez déjà quelle sera l'ambiance ! Aujourd'hui, parce que quelques-uns, en nombre très limité, sont touchés par une mesure de rééquilibrage, dont les fondements, au nom de l'équité et de la justice, ne sont pas dénués de sens et d'intérêt, on crie au crime !
Il faut revenir à plus juste raison et savoir que nombre de contribuables bénéficiant d'un avoir fiscal ne seront pas touchés par les dispositions de l'article 15.
C'est pourquoi, en toute honnêteté, je crois qu'il nous faut adopter ce texte, tel que le Gouvernement nous le propose. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je souhaite simplement faire un peu d'histoire. Qu'est-ce que l'avoir fiscal ? C'est le remboursement de l'impôt qui a été, en quelque sorte, précompté aux actionnaires quand les sociétés ont acquitté l'impôt dont elles sont redevables.
Quel est le gouvernement qui a ramené le taux de l'impôt sur les sociétés à 33,33 %. C'est celui de Pierre Bérégovoy, si mes souvenirs sont exacts ! De ce fait, avec un avoir fiscal à 50 %, lorsque les profits étaient distribués, il n'y avait pas double imposition.
Je ne comprends donc pas pourquoi est fait tout ce tintamarre autour des possédants, des non-possédants, etc. Ce système, qui existe d'ailleurs dans de nombreux autres pays, a été mis en place pour éviter une double imposition et pour faire en sorte que tous ceux qui confient leur argent à des sociétés puissent bénéficier des résultats des entreprises de façon complète, en n'étant pas doublement imposés. Un point, c'est tout. Il ne s'agit nullement de faire bénéficier des riches, des potentats, tout ce que vous voulez, de je ne sais quel avantage.
Je ne comprends donc pas tout cet émoi et toutes ces bagarres. L'avoir fiscal est un dû, il doit être payé et il n'est pas normal de ne pas le rembourser. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'intervention de M. Chérioux est de nature, me semble-t-il, à apaiser le débat. L'avoir fiscal, effectivement, c'est un avoir en impôt ; son objet est d'éviter une double imposition. C'est un avoir sur les impôts que le détenteur d'actions paiera. Si le détenteur d'actions ne paie pas d'impôt, l'avoir fiscal pose un problème.
M. Michel Caldaguès. La société les a déjà payés pour son compte en acquittant l'impôt sur les sociétés !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Caldaguès, la société a payé les impôts sur ses bénéfices, qu'ils soient distribués ou non distribués.
M. Michel Caldaguès. La société est indissociable de ses actionnaires !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, et à lui seul !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Lorsque le contribuable ne paie pas d'impôt, il n'a pas à bénéficier d'un avoir fiscal. Il s'agit là d'une disposition très sereine que vous propose le Gouvernement.
M. Jean Chérioux. Vous modifiez ce que j'ai dit !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Si ce n'est pas ce que vous avez dit, monsieur Chérioux, c'est ce que je dis !
Certains se sont emportés un peu, ce qui est naturel, et ont dit que le Gouvernement était l'ennemi des épargnants. Non, ce n'est pas vrai, on ne peut pas, à partir de cette mesure, faire une telle déduction.
Je signale, en restant volontairement sur un plan assez technique, pour ne pas participer à l'ébullition générale, que les contribuables épargnants qui placent leur argent dans des plans d'épargne en actions dont les revenus sont capitalisés pendant cinq ans ne sont absolument pas concernés par la mesure dont nous débattons aujourd'hui.
Enfin, si véritablement le Gouvernement avait manifesté une hostilité foncière aux placements d'épargne et aux valeurs immobilières, la Bourse de Paris en aurait tenu compte.
M. Jean Chérioux. Il n'empêche que c'est un dû !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je n'ai pas à m'en féliciter. Je constate simplement que la Bourse n'a pas baissé.
En tout domaine, il faut raison garder et je crois que l'article proposé par le Gouvernement n'est pas si terrible que d'aucuns voudraient le faire croire.
M. Jean Chérioux. C'est quand même un dû !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-17, rectifié, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe des Républicains et Indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 21:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Majorité absolue des suffrages | 160 |
Pour l'adoption | 221 |
Contre | 97 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 15, modifié.
(L'article 15 est adopté.)
Rappels au règlement