M. le président. « Art. 2. _ I. _ Les dispositions du I de l'article 197 du code général des impôts sont ainsi modifiées :
« 1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 25 890 F les taux de :
« 10,5 % pour la fraction supérieure à 25 890 F et inférieure ou égale à 50 930 F ;
« 24 % pour la fraction supérieure à 50 930 F et inférieure ou égale à 89 650 F ;
« 33 % pour la fraction supérieure à 89 650 F et inférieure ou égale à 145 160 F ;
« 43 % pour la fraction supérieure à 145 160 F et inférieure ou égale à 236 190 F ;
« 48 % pour la fraction supérieure à 236 190 F et inférieure ou égale à 291 270 F ;
« 54 % pour la fraction supérieure à 291 270 F » ;
« 2° Le 2 est ainsi modifié :
« a) Les sommes de "16 200 F" et "20 050 F" sont portées respectivement à "16 380 F" et "20 270 F" ;
« b) Il est ajouté un troisième alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, la réduction d'impôt résultant de l'application du quotient familial, accordée aux contribuables qui bénéficient des dispositions des a, b et e du 1 de l'article 195, ne peut excéder 5 000 F pour l'imposition des années postérieures à l'année du vingt-sixième anniversaire de la naissance du dernier enfant ; ».
« 3° Au 4, la somme de "3 260 F" est fixée à "3 300 F".
« II. _ Le montant de l'abattement prévu à l'article 196 B du même code est porté à 30 330 F.
« III. _ Les dispositions du II de l'article 197 du code général des impôts sont abrogées. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il s'agit d'un article important qui traite du barème de l'impôt sur le revenu.
Cet article procède à l'indexation traditionnelle, qui est bien connue, mais il renonce - ce qui est plus grave - à poursuivre la réforme de l'impôt qui a été décidée dans la loi de finances pour 1997. Ce faisant, le Gouvernement procède à un arrêt brutal de la réforme qui a été engagée l'année dernière.
Cette réforme de l'impôt sur le revenu prévoyait un allégement progressif des taux, un aménagement des tranches avec un élargissement de la tranche à taux zéro et une suppression progressive de la décote.
L'article 2 de la loi de finances que nous avons adoptée l'année dernière a constitué une première étape dans la réalisation de ces trois objectifs.
Cette réforme, répondait, je le rappelle, à deux principes : un allégement du barème et la suppression des avantages particuliers.
S'agissant de l'allégement du barème, tous les taux subissaient un allégement au cours de chacune des années de la réforme. La tranche à taux zéro était progressivement augmentée, ce qui aboutissait, à l'issue de la réforme, à exonérer 2,4 millions de contribuables supplémentaires.
En ce qui concerne la suppression des avantages particuliers, devaient disparaître de nombreuses dispositions. J'en citerai deux, sur lesquelles nous reviendrons à l'occasion du débat : les déductions forfaitaires complémentaires pour frais professionnels, dont bénéficient certaines professions - je sais que nous en reparlerons - et la réduction d'impôt pour dépenses de scolarité des enfants à charge - nous y reviendrons également.
Le présent projet de loi de finances opère un revirement total à cet égard.
Ainsi, l'article 2, au lieu de poursuivre l'allégement du barème prévu l'année dernière, prévoit seulement d'actualiser le barème et la décote au taux de l'indice prévisionnel des prix en 1997.
Je dois dire que la justification de ce revirement donnée par le Gouvernement dans les documents qui ont accompagné le projet de loi de finances a semblé faible à la commission des finances, en tout cas à la majorité des membres de celle-ci, eu égard à l'importance de la réforme. En effet, elle aboutit, en quelque sorte à traiter par omission un sujet qui concerne quinze millions de contribuables, ce qui n'est pas rien, et dont le poids budgétaire est de l'ordre de 15 milliards de francs.
Par ailleurs, chacun sait que, psychologiquement, l'impôt sur le revenu demeure tout à fait central aux yeux des Français. L'arrêt de cette réforme aurait dû, nous semble-t-il, être motivé de façon circonstanciée dans les documents d'information fournis au Parlement.
La justification de cette interruption de la réforme apparaît a posteriori bien sûr, dans le rapport général de l'Assemblée nationale : la réforme y est qualifiée de coûteuse et d'inéquitable, et il est précisé qu'elle laisse subsister des niches fiscales. On verra d'ailleurs ce qu'il en sera de celles-ci à terme.
Quelle a été, mes chers collègues, la réponse de la commission des finances sur ce sujet ?
Pour ce qui est du coût de la réforme, s'il est vrai que la poursuite de celle-ci, en 1998, aurait un coût important - de l'ordre de 14 milliards de francs - il est également vrai que cette réforme est ambitieuse et touche l'ensemble des revenus imposables en allégeant les taux de toutes les tranches et en élargissant, je le disais à l'instant, la tranche à taux zéro.
Il est vrai, aussi, que son financement impose une maîtrise de la dépense publique, à laquelle le Gouvernement manifeste, selon nous, une insuffisante attention.
En ce qui concerne le caractère prétendument inéquitable de cette mesure, la commission des finances estime que la réforme engagée en 1997 n'était, en aucune façon, réservée aux revenus les plus élevés, puisqu'elle prévoyait chaque année, de 1997 à 2001, une baisse des taux de chaque tranche.
Enfin, s'agissant des niches fiscales, ni le Gouvernement ni la commission des finances de l'Assemblée nationale n'ont consenti à rappeler que la réforme de l'impôt sur le revenu s'accompagnait de la suppression progressive de la plupart des réductions d'impôt ; je pense à l'assurance vie, à l'investissement locatif ou aux frais de scolarité.
Selon la commission des finances, la réforme doit être poursuivie, car sa justification demeure.
Il est utile, en effet, de prendre en compte le niveau très élevé des prélèvements obligatoires dans notre pays, qui doit être abaissé.
Par ailleurs, le système d'impôt sur le revenu français présente des défauts spécifiques bien connus : d'abord, une assiette trop étroite ; ensuite une progressivité trop forte, à la fois pour les revenus les plus faibles du fait de la progressivité à l'entrée du barème provoquée par la décote, et pour les revenus les plus élevés en raison d'un taux marginal de 54 %.
L'arrêt de la réforme de l'impôt sur le revenu est illogique, au moins à un double titre.
En premier lieu, cet arrêt intervient au moment où le projet de loi de financement de la sécurité sociale alourdit considérablement les prélèvements obligatoires proportionnels aux revenus.
En second lieu, il laisse subsister des dispositions adoptées en 1997, qui n'avaient de sens que dans l'optique de la poursuite de la réforme. Ainsi, la diminution progressive du plafond de l'abattement des pensions et retraites passera de 28 000 francs à 12 000 francs en l'an 2000.
L'arrêt de la réforme est même en contradiction avec la suppression des déductions supplémentaires pour certaines professions telle qu'elle a été votée par l'Assemblée nationale.
Telles sont donc, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles la commission des finances présentera tout à l'heure plusieurs amendements tendant à modifier les dispositions de l'article 2.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les dispositions les plus significatives de la réforme de l'impôt sur le revenu telle qu'elle a été conçue par le précédent gouvernement, et, en l'occurrence, le mouvement programmé de réduction du barème de l'impôt, sont aujourd'hui abandonnés.
Il est évident que l'essentiel de la réforme Juppé avait comme conséquence de rendre moins progressif le barème de l'impôt sur le revenu, conduisant d'ailleurs de manière inéluctable à la diminution de son rendement, à concurrence, à terme, de 225 milliards de francs.
On sait aussi que si la tranche d'imposition à taux zéro était assez nettement élargie en contrepartie de la disparition du dispositif de décote des contribuables les plus modestes, l'essentiel de la réduction des taux du barème portait sur les tranches d'imposition maximales, et singulièrement sur la tranche historique imposée à 56,8 % et ramenée aujourd'hui à 54 %.
Nous avions critiqué ces dispositions pour plusieurs raisons de fond et singulièrement le fait que la véritable réforme de l'impôt sur le revenu n'était pas au rendez-vous.
A notre sens, il existe en effet une autre conception de la réforme de l'impôt sur le revenu fondée sur la réalité même de l'assiette de cet impôt.
Nous savons que le montant de l'impôt sur le revenu perçu dans notre pays avoisine aujourd'hui 300 milliards de francs, à quelques milliards près, si je puis m'exprimer ainsi.
Mais, à l'examen du document sur l'évaluation des voies et moyens, nous constatons que cet impôt est l'objet de nombreux correctifs, soit universels, soit spécifiques, dont les conséquences se chiffrent aujourd'hui elles aussi, à 300 milliards de francs ou peu s'en faut.
L'actualité récente a grandement focalisé l'attention sur les niches fiscales - nous avons d'ailleurs déposé un amendement tendant à revenir sur la disposition adoptée par l'Assemblée nationale à propos des journalistes - c'est-à-dire les réductions d'impôt dont le montant global avoisine 30 milliards de francs - mais il y a là une vingtaine de mesures dont la portée doit, à notre sens, être examinée de façon critique - ou sur le quotient familial dont le « coût » est de 70 milliards de francs environ mais pour lequel les marges de manoeuvre sont limitées.
Mais ce n'est là qu'une partie du problème, attendu que l'essentiel des dépenses fiscales portant sur l'impôt sur le revenu concerne les revenus du patrimoine et du capital.
Faire ici l'examen attentif et exhausif des dispositions concernées serait d'ailleurs quelque peu rébarbatif, mais nous aurons l'occasion d'y revenir, étant donné que la discussion des dernières lois de finances a, sans cesse, permis de perfectionner le dispositif existant en matière d'évasion fiscale des revenus concernés.
Même si cela doit déplaire à certains d'entre vous, mes chers collègues - et je suis certaine que tel sera le cas -, permettez-moi de souligner une nouvelle fois qu'il résulte de ces mesures que les revenus de capitaux mobiliers représentent moins de 3 % de l'assiette de l'impôt sur le revenu et 11 % du revenu global des ménages.
Dès lors, posons la question : pourquoi certaines dispositions prises en matière de cotisations sociales, et plus précisément de contribution sociale généralisée, prennent-elles en compte cette mise à contribution des revenus du capital alors que notre impôt sur le revenu, progressif et non proportionnel, comme peut l'être la CSG, continue de souffrir d'une réduction d'assiette sur ces mêmes revenus ?
C'est là, de notre point de vue, la voie d'une véritable réforme de l'impôt sur le revenu, le rendant à la fois plus lisible, plus juste, mieux réparti pour, en fin de compte, assurer une plus grande efficacité sociale et économique.
Tels sont, mes chers collègues, les quelques points que nous comptions aborder au début de la discussion de l'article 2.
M. le président. La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. L'article 2 comprend, outre les dispositions usuelles d'indexation du barème de l'impôt sur le revenu, deux mesures majeures : la première tend à revenir sur la réforme engagée par le précédent gouvernement consistant à abaisser les taux du barème ; la seconde vise à revenir, pour le diminuer, sur le plafond de l'avantage fiscal procuré par la demi-part pour les personnes seules ayant eu un ou plusieurs enfants à charge.
Concernant le barème, le précédent gouvernement avait décidé d'alléger l'impôt sur le revenu de 75 milliards de francs sur cinq ans, soit un quart de son produit actuel. Cette réforme était très contestable parce qu'elle obérait fortement les recettes de l'Etat, ce qui n'était pas sans incidence sur la capacité de notre pays à se conformer aux critères en matière de déficit que nous nous sommes fixés pour le passage à l'euro, comme par rapport à de saines décisions de gestion de notre dette dont nous ne pouvons pas laisser perdurer la dérive.
Par ailleurs, déclarer que le barème de l'impôt sur le revenu est trop lourd s'apparente plus à un mythe qu'à une réalité. N'oublions pas que les taux cités sont des taux marginaux et non des taux moyens ; de ce fait, chaque contribuable paie moins d'impôt que s'il était imposé sur la base du taux marginal dont il relève officiellement.
On parle souvent du dernier taux, de 54 %, pour dire qu'à ce niveau de revenu l'Etat prélève plus de la moitié du revenu au contribuable concerné : c'est faux, puisque le barème est calculé par tranches de revenus sur lesquelles s'appliquent des taux différenciés et progressifs.
Pour payer 54 % de son revenu, un couple sans enfant, par exemple, devrait percevoir un revenu imposable supérieur à 12 292 200 francs, c'est-à-dire, gagner plus de 1,4 million de francs environ par mois.
Qui plus est, vouloir réduire plus encore qu'il ne l'est notre impôt sur le revenu ne pouvait qu'accroître le déséquilibre qui existe au niveau de nos structures de recettes publiques qui privilégient beaucoup trop les prélèvements indirects pesant sur tous les contribuables, au détriment de l'impôt direct dont sont exemptés 50 % des contribuables, ce qui, je le dis au passage, montre bien que la moitié des Français ne bénéficiaient pas le moins du monde de cette baisse d'impôt.
On nous parle souvent, dans d'autres domaines, de l'exception française. Ne pourrait-on pas dire, ici aussi, que la France est une exception dans la mesure où la majorité sénatoriale souhaiterait que l'impôt direct soit beaucoup moins important qu'il ne l'est dans les autres pays ?
Le Gouvernement a donc pris une sage décision ; nous tenions à le rappeler ici.
Pour ce qui concerne le plafonnement des effets du quotient familial, rappelons que cette demi-part ne correspond pas, pour les personnes concernées, à un surcoût dans leur vie quotidienne. En cela, cet avantage ne correspond en rien à la logique du quotient familial, qui tient compte des charges réelles de familles.
La majorité à l'Assemblée nationale a souhaité que cette mesure affecte moins de contribuables que prévu et, à cette fin, a relevé le plafonnement initial pour cette demi-part de 3 000 francs à 5 000 francs, ce qui réduira considérablement le nombre de personnes devenant imposables. Nous estimons que cette modification était sage et nécessaire.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'argumentation du Gouvernement semblant faible aux yeux de M. le rapporteur général, je me dois de la reprendre, d'autant qu'elle a été renforcée par les deux orateurs qui viennent de s'exprimer. Nous sommes en train de parler de la réforme Juppé, qui a été interrompue dans le présent projet de budget et que vous cherchez à rétablir en ce qui concerne le barème de l'impôt sur le revenu.
Je ne partage pas cette volonté, pour trois raisons qui me paraissent importantes.
En premier lieu, le dispositif proposé par le gouvernement précédent n'était pas financé. Le coût de cette réforme, je le rappelle, s'élevait à 75 milliards de francs sur cinq ans et les suppressions d'allégements, qui en étaient le corollaire, étaient très inférieures à ce montant.
En 1998, par exemple, le coût de la réforme du barème aurait été de 17,5 milliards de francs, et non de 15 milliards de francs comme, me semble-t-il, l'a affirmé M. le rapporteur général, alors que les suppressions d'allégements prévues en contrepartie n'auraient rapporté à l'Etat que 3,5 milliards de francs.
En second lieu, cette réforme accentuait un déséquilibre qui est déjà très important aujourd'hui entre la fiscalité directe et la fiscalité indirecte. Les impôts directs - et c'est une originalité française - ne représentent plus à ce jour qu'un peu moins de 40 % des recettes de l'Etat contre 60 % pour les impôts indirects.
Le Gouvernement et la majorité qui le soutient estiment qu'il faut remédier à cette situation, car les impôts indirects pèsent davantage sur les ménages à faibles ressources, comme une récente étude de l'INSEE l'a démontré. Une diminution supplémentaire du rendement de l'impôt sur le revenu accentuerait ce déséquilibre. Par ailleurs, les impôts directs représenteraient moins du tiers de l'ensemble des recettes fiscales de l'Etat contre 40 % aujourd'hui.
En troisième lieu - Mme Luc et M. Sergent ont, à juste titre, insisté sur ce point - cette réforme, si l'amendement de la commission était adopté, profiterait aux contribuables les plus aisés.
En fait, l'un des objectifs, sinon l'objectif essentiel de la réforme du barème est de diminuer le taux marginal maximal - Mme Luc l'a souligné à juste raison avec force - c'est-à-dire de ramener la tranche la plus élevée de 56,8 % à 47 %. On se rend bien compte que ce dispositif profiterait non pas aux 15 millions de contribuables, mais particulièrement à certains d'entre eux.
Permettez-moi de citer un exemple précis : les ménages les plus aisés, à savoir ceux dont les revenus fiscaux dépassent 500 000 francs par an, ce qui est une somme coquette, représentent 1,3 % des assujettis à l'impôt sur le revenu. Si cette réforme était poursuivie, c'est-à-dire si vous suiviez les recommandations de la majorité de la commission des finances du Sénat, ces 1,3 % de contribuables bénéficieraient de près de 15 % de l'allégement total.
Pour ces trois raisons qui me paraissent importantes, le Gouvernement estime que l'amendement de la commission doit être repoussé. Il a choisi une autre voie qui consiste à alléger les prélèvements sur les salaires. Le pouvoir d'achat des salariés sera accru grâce à l'abaissement du taux de la cotisation maladie et à son transfert sur une contribution sociale généralisée élargie à l'ensemble des revenus. Voilà une façon heureuse de rétablir la fiscalité entre les revenus du travail et ceux du capital, alors que le dispositif que propose la commission des finances va tout à fait en sens inverse.
J'ajoute que ce dispositif, en l'absence de contreparties, c'est-à-dire d'une diminution à due concurrence des dépenses, entraînerait un accroissement des déficits, ce qui serait absurde. Il est évident que, sur ce point, nous devrions être d'accord.
J'attends donc que M. le rapporteur général me précise, lors de l'examen de la deuxième partie de la loi de finances, sur quels budgets et sur quels chapitres au sein de chaque budget porteront ces diminutions. Tel est, en tout cas, l'esprit de la Constitution et des lois organiques.
En cet instant, n'ayant pas ces informations et au nom des trois raisons qui ont été parfaitement développées par Mme Luc et par M. Sergent, le Gouvernement demande le rejet de l'amendement de la commission.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Sur l'article 2, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-149, M. Marini et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent :
I. - De rédiger comme suit le 1° du texte présenté par le I de l'article 2 pour le I de l'article 197 du code général des impôts :
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 27 630 francs les taux de :
« 9,5 % pour la fraction supérieure à 27 630 francs et inférieure ou égale à 50 380 francs ;
« 23 % pour la fraction supérieure à 50 380 francs et inférieure ou égale à 88 670 francs ;
« 32 % pour la fraction supérieure à 88 670 francs et inférieure ou égale à 135 000 francs ;
« 41 % pour la fraction supérieure à 135 000 francs et inférieure ou égale à 211 000 francs ;
« 46 % pour la fraction supérieure à 211 000 francs et inférieure ou égale à 275 000 francs ;
« 52 % pour la fraction supérieure à 275 000 francs. »
II. - En conséquence, de supprimer le paragraphe III de cet article.
III. - De compléter ce même article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de l'allégement du barème de l'impôt sur le revenu prévu aux I et II ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du code général des impôts. »
Par amendement n° I 4 rectifié, M. Lambert, au nom de la commission, propose :
I. - De rédiger comme suit le texte présenté par le 1° du I de l'article 2 pour le 1 du I de l'article 197 du code général des impôts :
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 27 630 F les taux de :
« 9,5 % pour la fraction supérieure à 27 630 F et inférieure ou égale à 50 380 F ;
« 23 % pour la fraction supérieure à 50 380 F et inférieure ou égale à 88 670 F ;
« 32 % pour la fraction supérieure à 88 670 F et inférieure ou égale à 135 000 F ;
« 41 % pour la fraction supérieure à 135 000 F et inférieure ou égale à 211 000 F ;
« 46 % pour la fraction supérieure à 211 000 F et inférieure ou égale à 275 000 F ;
« 52 % pour la fraction supérieure à 275 000 F. »
II. - De supprimer le III de cet article.
La parole est à M. Gouteyron, pour défendre l'amendement n° I-149.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je pourrais reprendre largement la plupart des arguments que M. le rapporteur général a développés tout à l'heure.
Dès 1997, l'allégement de l'impôt sur le revenu était de 25 milliards de francs et quelque 400 000 contribuables se voyaient exonérés du paiement de l'impôt sur le revenu.
La loi de finances pour 1997 prévoyait également les barèmes applicables à l'impôt sur le revenu pour les cinq années suivantes. Sur l'ensemble de la période, les taux du barème auraient subi une forte baisse et ce sont 2,4 millions de contribuables qui, au total, auraient été exonérés de l'impôt sur le revenu.
Le Gouvernement a décidé d'abandonner cette réforme et vous venez, monsieur le secrétaire d'Etat, de développer vos arguments. Cet amendement vise, au contraire, à la réintroduire. En effet, la baisse des prélèvements obligatoires constitue, avec la réduction de la dépense publique, les deux piliers de la politique dont la France a besoin.
De cette décision d'abandon, le Gouvernement ne tire d'ailleurs aucune conséquence. La réforme de l'impôt prévoyait, par exemple, de réduire progressivement le plafond de 10 % dont les retraités bénéficient. Or le Gouvernement gèle la réforme de l'impôt et maintient la réduction de ce plafond - les retraités apprécieront...
Environ un tiers de la baisse de l'impôt sur le revenu devait permettre l'intégration de la décote au barème. Le Gouvernement a déclaré se contenter de la situation actuelle sur ce sujet. C'est bien la preuve que nous n'avons pas la même approche de la politique fiscale touchant les familles. Sur l'année 1998, ce sont 5 milliards de francs qui devaient être consacrés à cette intégration. Nous soutenons toujours cette mesure d'équité fiscale en faveur des familles, qui dépasse de loin, en volume, chacune des mesures adoptées à grand renfort de publicité durant l'été. Ces dernières, d'ailleurs, n'ont pas eu les effets escomptés par le Gouvernement sur la consommation.
S'agissant de la réforme de l'impôt sur le revenu, monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement persiste à dire qu'elle n'était pas financée. A l'occasion de la discussion générale, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie nous a déclaré que le financement de 25 milliards de francs pour 1997 était insuffisant du seul fait de la suppression des niches fiscales prévue par le précédent gouvernement, et qu'il avait dû recourir à l'augmentation de l'impôt sur les sociétés, pour 24 milliards de francs.
Or vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, à l'occasion de la même séance du Sénat, vous avez déclaré que cette augmentation de l'impôt sur les sociétés avait servi en partie à financer 16 milliards de francs de moins-values dues à la surestimation des recettes de TVA. Il ne restait donc que 8 milliards de francs de recettes de la majoration de l'impôt sur les sociétés. Comment le Gouvernement a-t-il pu financer, dans ces conditions, la réforme de l'impôt qu'il a reprise à son compte pour 1997, s'il est exact que - et nous en doutons fortement - celle-ci n'était pas financée ?
Nous considérons que le financement existait pour 1997, mais que le Gouvernement utilise l'argument du non-financement pour justifier les ponctions supplémentaires opérées sur les entreprises pour financer les mesures de l'été dernier.
Nous n'avons pas la même approche de l'équité fiscale que le Gouvernement. Nous pensons que la réforme qu'avait introduite le gouvernement Juppé était une bonne réforme. C'est pourquoi notre groupe demande au Sénat d'adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-4 rectifié.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Tout à l'heure, en m'exprimant sur l'article, j'ai expliqué les enjeux de cet amendement. Aussi ma présente intervention sera-t-elle plus brève.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'apprécie que vous ayez bien voulu indiquer que vous assumiez totalement vos responsabilités et que vous ne vous sépariez pas de l'administration de l'Etat - je n'en ai pas douté un instant. Je sais que vous partagez sans doute avec moi une certaine idée de l'Etat, à savoir sa continuité.
S'agissant, en particulier, de la présentation des rapports, on ne saurait imaginer que le changement de ministre puisse justifier trop de retard puisque, précisément, l'un et l'autre, nous croyons à la continuité de l'Etat. Cela relève d'une éthique républicaine que nous partageons, j'en suis convaincu, et je tenais à le souligner pour montrer que si beaucoup de choses nous séparent, des valeurs républicaines nous unissent.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Vous avez évoqué la réforme Juppé. Vous assumez vos responsabilités, avez-vous dit, ce que j'apprécie. Le Sénat assume les siennes. L'année dernière, il a voté, sur proposition du gouvernement précédent, une réforme portant allégement de l'impôt sur le revenu : c'est devenu sa réforme, ce n'est pas celle des Premiers ministres ! Nous sommes dans un pays où la loi reste votée par le Parlement ! Je veux bien que nous passions notre temps à donner le nom des ministres aux différents textes que nous approuvons, mais c'est une atteinte aux droits du Parlement. Je défends l'idée selon laquelle, dans notre pays, les lois sont encore votées par le Parlement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous considérez que cette réforme n'est pas très juste. M. Didier Migaud, qui est rapporteur général à l'Assemblée nationale, a indiqué, d'une manière tout à fait objective en la circonstance, que pour un ménage moyen, la baisse sur cinq ans serait d'environ un quart de l'impôt sur le revenu, ce qui, par conséquent, n'est pas totalement injuste.
S'agissant de l'intervention de M. Sergent, au nom de son groupe, j'ai noté - cela est important pour les agents économiques - que le groupe socialiste pense, au fond, que le taux marginal de l'impôt sur le revenu en France n'est pas si élevé que cela. Il faut donc que la France le sache !
En ce qui concerne la poursuite de cette politique d'allégement de l'impôt sur le revenu, la commission des finances considère qu'il faut nous rapprocher des autres pays européens, notamment pour éviter de pénaliser l'esprit d'entreprise dans notre pays.
Par ailleurs, il convient de prendre en compte la conséquence de l'augmentation de la CSG, qui est tout de même de 4,1 points. Cela aura pour effet d'augmenter à due concurrence le taux marginal de l'impôt sur le revenu que le groupe socialiste ne trouve pas élevé.
Je crois également - c'est une idée à laquelle le Sénat est attaché - qu'il faut en finir avec l'instabilité fiscale. En effet, cela pénalise beaucoup l'image de la France. L'impôt en France est réputé lourd, élevé, mais aussi instable. Cela porte atteinte à la crédibilité de notre pays.
En outre - je n'y reviens pas - ce plan quinquennal ne favorise pas les riches. Il profite à tous, notamment grâce à l'abaissement des taux de toutes les tranches et à la modification du système de la décote.
Tel est l'esprit de cet amendement que je recommanderai au Sénat de bien vouloir adopter.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-149 et I - 4 rectifié ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je souhaiterais répondre à ces deux interventions, qui portent en fait sur deux sujets distincts.
Monsieur Gouteyron, vous êtes revenu sur ce que vous avez appelé « les mesures de l'été », c'est-à-dire les mesures correctrices qui ont dû être prises par le Gouvernement lorsqu'une évaluation des finances publiques, un « audit » comme on dit familièrement, a montré que des dérapages sérieux avaient eu lieu pendant l'été par rapport au projet qui avait été voté par vous-même à l'automne précédent, en ce qui concerne tant le budget de l'Etat que le financement de la sécurité sociale.
La majoration de l'impôt sur le bénéfice des sociétés, à la différence de celle qui a été votée en 1995 par le Parlement - je ne citerai plus de noms propres, monsieur le rapporteur général (Sourires) - épargne les petites entreprises. Elle a servi, pour les deux tiers, à couvrir des moins-values fiscales, c'est-à-dire des recettes de TVA qui avaient été annoncées et qui ne se réaliseront pas. Pour le reste, elle permettra de couvrir des moins-values de recettes concernant la sécurité sociale. Au total, les prélèvements resteront à peu près les mêmes que ce qui était prévu voilà un an. De cette manière, nous pourrons effectivement remplir les critères requis pour la mise en place de l'euro, ce qui n'était pas le cas cet été.
Mme Hélène Luc. La droite ne le supporte pas, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Cela est bien possible. En tout cas, elle reste muette, et je l'en remercie ! (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Alain Lambert, rapporteur général. Elle vous écoute !
M. Adrien Gouteyron. Soyez tranquille, nous répondrons !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. S'agissant toujours de l'année 1997, qui n'est pas terminée, vous avez évoqué les mesures qui ont été prises pour stimuler la consommation. Je vous remercie très sincèrement de faire référence au quadruplement de l'allocation de rentrée scolaire, aux crédits qui ont été votés pour que tous les enfants puissent manger à la cantine, à la majoration des aides personnalisées au logement et aux premiers crédits pour les emplois-jeunes, dont on voit maintenant les effets concrets sur le terrain.
M. Adrien Gouteyron. On verra !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ces mesures ont eu un impact sur la consommation. En effet, les dernières indications, qui datent du mois d'octobre et qui émanent de sources peu contestables, montrent que la consommation, avec des hauts et des bas, redémarre dans notre pays.
Ce que je retiendrai surtout de votre propos, monsieur Gouteyron, et M. le rapporteur général a dit la même chose, c'est que nous n'avons pas la même approche de l'équité fiscale.
Mme Hélène Luc. Ça c'est clair !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est clair en effet. Sur ce point, je ne rechercherai pas avec vous ce que l'on appelait naguère un « consensus mou ».
A mes yeux, la réforme proposée par la commission des finances du Sénat n'est pas conforme à notre vision de l'équité fiscale. Certes, elle bénéficie à l'ensemble des contribuables, mais elle donne une alouette aux petits contribuables et un cheval aux contribuables plus importants. (M. le rapporteur général sourit.) Elle corrige la progressivité de cet impôt, à laquelle nous sommes très attentifs.
M. le rapporteur général a ajouté l'argument de l'exception française, selon lequel nous devrions nous aligner sur nos partenaires européens sur ce sujet.
M. Alain Lambert, rapporteur général. En tenir compte !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Toutes les comparaisons internationales montrent que le poids de l'impôt sur le revenu, des impôts directs est plus faible en France que chez la plupart de nos partenaires européens. Par conséquent, si nous devions nous aligner sur nos partenaires européens, ce qui me paraît un objectif tout à fait louable, il faudrait diminuer la fiscalité indirecte. Par exemple, si nous en avions les moyens - mais nous essayons d'être sérieux - il faudrait diminuer la TVA...
M. Michel Charasse. Très bien !
Mme Hélène Luc. Voilà !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Depuis le temps que nous le demandons !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... à condition d'avoir un gage en face.
Vous, vous proposez de diminuer l'impôt sur le revenu sans inscrire quoi que ce soit en face, mais cela viendra peut-être dans la suite des débats.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Sûrement !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Donc, l'argument de l'alignement sur les autres pays européens se retourne, me semble-t-il, un peu contre vous.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il s'agit non pas d'alignement, mais de prise en compte !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je dois relater un fait. A l'Assemblée nationale, M. Leroy, député communiste, m'a posé une question concernant des salariés que l'on appelle « tuyauteurs », lesquels sont domiciliés en France et travaillent en Belgique. Ces salariés risquent, a-t-il dit, d'être imposés dans les deux pays et ils voudraient, bien qu'ils travaillent en Belgique, être imposés en France parce que l'impôt sur le revenu y est plus faible. (Exclamations sur les travées du RPR).
M. Jean Chérioux. Je connais beaucoup de gens qui font l'inverse !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je cite un cas précis !
M. Jean Chérioux. Il est unique en son genre !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le droit fiscal est clair : on est imposé dans le pays où l'on travaille.
Je ne veux pas être trop long, mais permettez-moi encore, monsieur le rapporteur général, de corriger un dernier point.
Les quatre points de CSG, me dites-vous, viennent s'ajouter au taux marginal d'imposition,...
M. Jean Chérioux. Oui !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... qui est, à l'évidence, l'objet de toutes vos attentions.
M. Jean Chérioux. Et pour cause !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je respecte parfaitement cette volonté sénatoriale de concentrer son attention sur le taux marginal de l'impôt sur le revenu.
M. Jean Chérioux. C'est une constatation !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est votre droit le plus strict.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il ne faut pas en avoir honte ! Je n'ai pas honte !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je respecte tout à fait vos convictions. Respectez les miennes ! Je crois d'ailleurs que c'est le cas.
Votre conception de l'équité fiscale est centrée sur le taux marginal maximal de l'impôt sur le revenu. La nôtre est centrée sur le taux moyen de l'impôt sur le revenu, et surtout sur celui de la TVA. Nous n'avons pas les mêmes idées, mais nous dialoguons courtoisement.
Dans ces conditions, je dis simplement que les quatre points de CSG dont nous parlons sont déductibles. En outre, ils ne sont pas ajoutés : ils viennent en substitution de cotisations salariales.
En conséquence, même les salariés qui ont des revenus substantiels vont gagner à cette opération puisqu'ils vont bénéficier d'une baisse de cotisation sociale.
Je ne peux donc que persister dans mon refus des deux amendements.
M. Jean Chérioux. Perseverare diabolicum !
M. Michel Charasse. Le président Chérioux ira au paradis ! (Sourires.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-149.
M. Adrien Gouteyron. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le président, nous retirons l'amendement n° I-149 au profit de l'amendement n° I-4 rectifié de la commission. (M. Chérioux applaudit.)
M. le président. L'amendement n° I-149 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-4 rectifié.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances souhaite que le Sénat se prononce par scrutin public sur cet amendement qui vient de donner lieu à un débat important.
Il est clair que le désaccord est profond entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale. Mais, j'y insiste, la majorité sénatoriale n'a surtout pas à avoir honte de ce désaccord, comme je l'ai dit à l'instant à M. le secrétaire d'Etat.
S'agissant du taux marginal et de la notion d'équité fiscale, mes chers collègues, ne nous laissons jamais diaboliser. Ce qui compte, c'est que le pays se développe, c'est que des emplois s'y créent, c'est que des entreprises s'y implantent.
M. Jean Chérioux. Voilà !
M. Alain Lambert, rapporteur général. En conséquence, tout ce qui relève d'une obsession égalitaire et qui aboutit au départ des entreprises, à la disparition des emplois, et va contre la France.
M. Adrien Gouteyron. Et contre les Français !
M. Alain Lambert, rapporteur général. C'est parce que nous voulons que la France soit un site industriel prospère que nous nous battons pour que la fiscalité soit attractive. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur général, vous venez de dire quelque chose d'important. Vous souhaitez - et nous le souhaitons aussi - que, dans notre pays, tirée par la consommation et par l'investissement, la croissance soit la plus rapide possible.
Nous sommes en train de parler de l'impôt sur le revenu, mais je pense que, le moment venu, vous aurez à coeur de revenir sur la majoration de la fiscalité qui pèse sur les entreprises. En effet, la majoration de 10 % qui a été votée par le Parlement en 1995 a handicapé l'investissement productif. Si vous voulez développer l'investissement - je suis votre propre logique, qui n'est pas celle du Gouvernement - vous aurez donc à coeur de revenir sur cette surtaxe.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-4 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 16 : :
Nombre de votants | 310 |
Nombre de suffrages exprimés | 294 |
Majorité absolue des suffrages | 148 |
Pour l'adoption | 204 |
Contre | 90 |
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Après ce scrutin solennel sur un article important aux yeux du Sénat, la majorité sénatoriale vient de dégrader - provisoirement, je l'espère - le déficit budgétaire d'environ 18 milliards de francs.
Ces 18 milliards de francs, il faudra, à un moment où à un autre, - le plus tôt sera le mieux - les compenser. Pour vous aider dans votre réflexion, je vous signale que si, d'aventure, aucun des 60 000 fonctionnaires qui partiront à la retraite en 1998 n'était remplacé, cela ne suffirait pas encore à gager cette somme.
Je veux donc simplement dire, au nom du Gouvernement, que la majorité sénatoriale a pris une décision lourde de conséquences soit pour le déficit, soit pour la réduction des dépenses, et je voulais marquer ce point avec un peu de solennité puisque cet amendement a été voté, lui aussi, avec solennité.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le secrétaire d'Etat, restons dans la solennité.
Il faudrait que nous nous mettions d'accord sur l'estimation des mesures que nous prenons. Vous venez, monsieur le secrétaire d'Etat, de nous parler de 18 milliards de francs. Or ce ne sont pas les chiffres dont je dispose. S'il convient de les rectifier, je voudrais que cela soit fait !
Cela pose, mes chers collègues, un vrai problème de travail parlementaire. En effet, je présume que, lorsque je vais demander aux services du ministère des finances de me communiquer très exactement le coût de la réforme que nous venons d'adopter, nous ne serons pas à 18 milliards de francs. Il faut donc que nous puissions débattre dans de bonnes conditions.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je ne mets en cause ni la loyauté, ni la sincérité, ni la courtoisie de M. le secrétaire d'Etat - la question ne se pose pas en ces termes-là - mais, lorsque nous évoquons l'argent des contribuables, nous devons parler de chiffres vérifiés, vérifiables et constants. A défaut, la commission des finances ne peut qu'éprouver beaucoup de difficultés pour travailler.
Ensuite, monsieur le secrétaire d'Etat, s'agissant des leçons que vous entendez nous donner sur la manière de réduire les dépenses, permettez-moi de livrer à mes collègues du Sénat quelques informations sur la procédure utilisée par le nouveau gouvernement lorsqu'il a voulu gager le décret d'avance qui a ouvert des crédits supplémentaires, le 9 juillet dernier.
Il n'y est pas allé de main morte : au titre III, il a annulé 431 millions de francs de crédits consacrés à l'enseignement scolaire. Si nous faisions des propositions de cette nature, nous serions condamnés sans jugement ! Au budget de l'intérieur, il a annulé 283 millions de francs sur des crédits destinés à la police nationale. Il a ensuite annulé - écoutez bien, monsieur Gouteyron ! - 209 millions de francs de crédits du ministère de la culture.
M. Michel Charasse. C'étaient des crédits gelés !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il a encore annulé, mes chers collègues, sur les crédits du titre IV du ministère du travail, 1 546 millions de francs.
Je veux bien que l'on nous fasse un procès d'intention sur les réductions de crédits que nous serons amenés à proposer au Sénat en seconde partie, mais je crois qu'il faut en toutes choses raison garder et ne pas nous faire de procès d'intention.
Je voudrais vous dire en conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, que la réflexion du Sénat s'est organisée selon l'ordre chronologique suivant : il ne s'est pas agi d'abord de vouloir réduire les prélèvements et de trouver à tout prix les réductions de crédits correspondant à cette réduction ; il s'est agi de plafonner la dépense publique. En effet, tous les experts, successivement, depuis plusieurs années, nous indiquent qu'on ne réduira jamais dans notre pays les prélèvements obligatoires si nous ne réduisons pas la dépense publique.
M. Michel Charasse. Cela, c'est sûr !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Nous avons donc voulu plafonner la dépense publique, ce qui nous permet de prélever moins : nous avons tout simplement choisi de rendre aux Français une partie des augmentations d'impôts qui avaient été votées les années précédentes.
Voilà, monsieur le président, pour rester dans le cadre de la solennité, ce qu'il me semblait indispensable d'ajouter. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur général, si j'ai dit 18 milliards de francs, c'est que j'ai arrondi : il s'agit exactement de 17,6 milliards de francs, je veux bien vous apporter cette précision.
M. Michel Charasse. Et 12,5 milliards de francs pour Juppé !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est donc une somme importante.
Vous avez cité certains des redéploiements qui ont été effectués en cours d'année 1997. Il s'agit là d'une pratique tout à fait normale ! Au total, 30 milliards de francs ont ainsi été redéployés entre différents budgets.
La question qui nous est posée collectivement consiste non pas à redéployer des dépenses, comme il est normal en cours de gestion, mais à trouver 17,6 milliards de francs d'économies. Mais je ne doute pas, monsieur le rapporteur général, que vous trouverez ces sommes dans la suite du débat budgétaire.
M. le président. Toujours sur l'article 2, je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-68, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
I. - De supprimer le texte présenté par le b) du 2° du paragraphe I de l'article 2 pour le troisième alinéa du I de l'article 197 du code général des impôts.
II. - De compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Le taux prévu au 2 de l'article 200 A du code général des impôts est relevé à due concurrence de la suppression du texte proposé par le b) du 2° du I. »
Par amendement n° I-150, MM. Descours, Chérioux, et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent :
I. - Dans le texte présenté par le b) du 2° du paragraphe I de l'article 2 pour modifier le paragraphe I de l'article 197 du code général des impôts, de remplacer la somme : « 5 000 » par la somme « 12 500 ».
II. - De compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du rélèvement du plafond de la demi-part du quotient familial des contribuables célibataires, veufs ou divorcés prévu au I ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-24, M. About propose, dans le texte présenté par le b) du 2° du paragraphe I de cet article pour le troisième alinéa du 2 du I de l'article 197 du code général des impôts, de substituer à la somme : « 5 000 F », la somme : « 12 000 F ».
Par amendement n° I-145, MM. Joly et Lesein proposent :
I. - Dans le b) du 2° du paragraphe I de l'article 2, de remplacer la somme « 5 000 francs » par la somme « 11 600 francs ».
II. - De compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« « ... - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du relèvement du plafond de la demi-part de quotient familial des contribuables célibataires, veufs ou divorcés sont compensées à due concurrence par l'augmentation des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-30, MM. Foy, Habert, Darniche, Durand-Chastel, Grandon, Maman, Türk et Adnot proposent :
I. - Dans le texte présenté par le b) du 2° du paragraphe I de l'article 2 pour le troisième alinéa du 2 du I de l'article 197 du code général des impôts, de remplacer la somme « 5 000 F » par la somme « 10 000 F ».
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« « ... - La perte de recettes résultant du relèvement du plafond de la réduction d'impôt résultant de l'application du quotient familial accordée aux personnes seules ayant élevé au moins un enfant est compensée à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-182, M. Machet et les membres du groupe de l'Union centriste proposent, dans le deuxième alinéa du b) du 2° du paragraphe I de l'article 2, de remplacer la somme « 5 000 F » par la somme « 8 190 F ».
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° I-68.
Mme Marie-Claude Beaudeau. La réforme de l'impôt sur le revenu, telle qu'elle avait été définie l'an dernier par le précédent gouvernement, comprenait initialement une mesure tendant à limiter les effets de la demi-part accordée aux contribuables veufs, célibataires ou divorcés en termes de fixation du revenu imposable.
Nous avions combattu, mais nous n'étions pas les seuls, cette orientation du projet de loi de finances pour 1997. Pour finir, la disposition incriminée avait été jugée inconstitutionnelle. Je rappelle qu'un plafonnement avait été fixé à 16 200 francs.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous voyons revenir cette disposition critiquable au travers d'un plafonnement de la réduction du montant de l'impôt liée à cette demi-part. Bien des personnes en ont été surprises et nous ont saisis du problème. Vous le savez également, monsieur le secrétaire d'Etat, cette disposition a suscité les protestations de nombreuses associations.
Nous nous interrogeons donc avec d'autres sur les objectifs visés ici.
Nous avons eu l'occasion de le souligner, notamment Mme Luc dans son intervention sur l'article, il nous paraît indispensable de concevoir une réforme de l'impôt sur le revenu partant d'une analyse objective de la dépense fiscale associée à cet impôt et, singulièrement, du traitement des clauses dérogatoires autorisées pour les revenus du capital et de la propriété.
La demi-part des contribuables veufs, célibataires ou divorcés est en effet une mesure de caractère somme toute marginal, dans l'ensemble de la dépense fiscale associée à l'impôt sur le revenu. Elle présente par ailleurs la caractéristique d'être universelle et non spécifique, quels que soient les éléments composant le revenu imposable.
Pour notre part, il nous semble donc qu'il y a sans doute d'autres sources à exploiter pour trouver, en l'état actuel des choses, un peu plus d'un milliard et demi de francs de recettes fiscales. Vous observerez d'ailleurs que c'est le sens du gage que nous avons proposé.
Pour autant, cette position doit, à mon sens, être plus explicitée.
J'ai invoqué la décision par laquelle, l'année dernière, une disposition de la loi de finances initiale avait été frappée d'inconstitutionnalité, ce qui revenait, à l'époque, à faire adopter un amendement de notre groupe par le Conseil constitutionnel !
Mais il y a plus.
Nous nous sommes livrés à un petit calcul, qui montre la portée de la mesure qui nous est ici présentée. Il en ressort que ce sont des contribuables disposant d'un revenu annuel d'environ 170 000 francs qui seraient concernés, donc des contribuables exerçant, par exemple, des professions d'agent de maîtrise ou encore des fonctionnaires de l'Etat en fin de carrière. Beaucoup de ceux qui protestent insistent parce qu'ils ne se considèrent pas, monsieur le secrétaire d'Etat, comme des priviligiés !
La cible, si l'on peut dire, est donc assez loin d'être les contribuables les plus aisés et, ne serait-ce que pour cela, il conviendrait pour le moins de réfléchir à la portée de la mesure proposée.
Il importe aussi d'être cohérents dans notre démarche. Ainsi, les mêmes contribuables pourraient, aux termes des articles relatifs à la taxe d'habitation, bénéficier d'un plafonnement de leur taxe d'habitation et, dans un autre cas, faire l'objet d'un plafonnement non pas de leur impôt mais plutôt de la réduction de leur impôt !
Il convient donc d'être logique, et cela pourrait constituer, dans les faits, une raison suffisante pour modifier la lettre de l'article, monsieur le secrétaire d'Etat.
Pour autant, il faut que les choses soient aussi claires, et vous verrez là une raison dernière de modifier l'article 2. Il ne nous semble pas très juste, sur le plan moral, de mettre ainsi en cause la situation fiscale de contribuables qui, pour l'essentiel, ont, avant de faire l'objet d'une catégorie spécifique en termes de quotient familial, connu ce que j'appelle des accidents de la vie tels que divorce, séparation, perte d'un enfant, c'est-à-dire des événements particulièrement pénibles et dont l'expérience montre qu'ils ne sont jamais vécus dans la sérénité.
Ce sont des épreuves et, ne serait-ce que pour cette ultime raison, il convient d'ôter cette disposition de l'article 2.
La commission des finances nous propose de modifier l'article en reprenant la lettre de la réforme de l'impôt sur le revenu arrêtée par le précédent gouvernement. Nous ne pouvons évidemment pas souscrire à cet amendement, et ce pour la raison simple que nous n'acceptons pas qu'une baisse du barème de l'impôt sur le revenu se traduise, en seconde partie, ...
M. le président. Veuillez conclure, madame Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. ...par la baisse équivalente des dépenses de l'Etat, singulièrement des dépenses d'intervention ou des dépenses de fonctionnement des services publics.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons à adopter notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Chérioux, pour défendre l'amendement n° I-150.
M. Jean Chérioux. Monsieur le secrétaire d'Etat, décidément, Bercy n'aime pas les veuves et les veufs !
Le gouvernement actuel, qui semble pourtant animé d'un grand souci de justice fiscale, s'est cru obligé de répondre aux pressions des services du ministère des finances pour reprendre cette vieille affaire de suppression de la demi-part qui était accordée aux veuves et aux veufs. A l'évidence, non seulement ce n'est pas une mesure de justice fiscale, mais c'est même une grande injustice, car les personnes visées ont des revenus relativement modestes, qui sont même inférieurs aux plafonds admis en matière d'allocations familiales. Surtout, cette mesure ne tient pas compte de la situation réelle des veuves et des veufs, et je pense ici surtout aux veuves, qui sont très nombreuses.
Monsieur le secrétaire d'Etat, une personne frappée par le veuvage ne peut changer son train de vie du jour au lendemain.
Des dépenses particulières s'imposent à elles que n'ont pas à assumer les célibataires. Pour les services fiscaux, tout est simple : ces personnes ont un appartement trop grand ? Elles n'ont qu'à déménager ! Abandonner quarante ou cinquante ans de vie derrière soi ? Rien que de très normal, si l'on ne peut plus faire face ! Non, vraiment il faut ici un peu d'humanité. A défaut, ce serait une attaque contre toutes ces personnes qui, non seulement, ont déjà été atteintes par la vie, puisqu'elles ont perdu le compagnon ou la compagne qu'elles aimaient, mais qui, de plus, se sont certainement privées, au début de leur vie, pour élever leurs enfants. Et, au terme de leur existence, alors qu'elles sont privées de leur conjoint, on mégote sur leurs moyens de vivre ? C'est absolument inadmissible !
M. Descours et moi-même n'avons pas proposé la suppression pure et simple de la disposition incriminée uniquement parce que nous voulons être cohérents, monsieur le secrétaire d'Etat. Nous savons que la commission des finances a élaboré un projet qui suppose un certain équilibre. Aussi est-ce à regret que nous nous sommes contentés de proposer de relever simplement le plafond pour le porter de 5 000 francs à 12 500 francs. C'est une mesure de justice, raison pour laquelle je demande au Sénat de nous suivre.
M. le président. L'amendement n° I-24 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Lesein, pour défendre l'amendement n° I-145.
M. François Lesein. Monsieur le secrétaire d'Etat, comme vous l'avez vous-même souligné à l'Assemblée nationale, « les personnes seules ayant élevé un enfant méritent un hommage de la nation, même lorsque cet enfant a dépassé l'âge de vingt-six ans et qu'il n'est plus à charge ».
Cet « hommage » prend la forme d'une demi-part fiscale supplémentaire dont l'avantage est cependant plafonné ; dans le projet de loi de finances pour 1998, ce plafond est abaissé considérablement puisque, même après le « léger mieux » obtenu à l'Assemblée nationale, il est proposé de diviser l'avantage actuel par plus de trois.
S'il devait être adopté en l'état, ce nouveau plafond aurait de lourdes conséquences pour de nombreux contribuables, notamment veuves et veufs, modestes, on vient de le rappeler. C'est pourquoi le présent amendement vise, tout en tenant compte de l'effort de rigueur demandé à chacun et en retenant un critère objectif, à maintenir l'avantage au niveau de la moitié du « coût d'un enfant » estimé par l'Union nationale des allocations familiales, soit 11 600 francs.
M. le président. La parole est à M. Habert, pour défendre l'amendement n° I-30.
M. Jacques Habert. Cet amendement est rédigé dans le même esprit que les amendements précédents. Il est vrai qu'il concerne l'une des dispositions les plus scandaleuses de ce projet de loi, en tout cas celle qui a suscité le plus de protestations dans l'opinion publique, puisqu'elle frappe, on vient de le dire, des personnes âgées ou des personnes ayant connu, durant leur vie, des difficultés particulièrement sérieuses.
Abaisser le plafond de la réduction d'impôt accordée aux personnes seules ayant élevé au moins un enfant, notamment les veuves qui n'ont guère exercé d'activité professionnelle pour se consacrer à leurs enfants et dont la situation matérielle s'est dégradée au moment du décès de leur conjoint, c'est frapper une catégorie déjà défavorisée de nos concitoyens de manière tout à fait inappropriée et excessive.
Contre cette stipulation trop sévère, tous les groupes demandent que le plafond donnant droit à la déduction d'impôt soit relevé. M. Chérioux propose qu'il soit porté de 5 000 francs, somme tout à fait insuffisante retenue dans le projet de loi de finances, à 12 500 francs ; M. About suggère pour sa part 12 000 francs et M. Lesein 11 600 francs.
Dans l'amendement que je présente, M. Foy et les sénateurs non-inscrits se montrent moins exigeants et s'efforcent d'aller un peu plus dans le sens du Gouvernement : ils ne proposent qu'un relèvement à 10 000 francs, ce qui paraît vraiment le moins que l'on puisse faire.
Nous espérons donc que le Gouvernement nous entendra et que la commission des finances donnera un avis favorable sur cet amendement, qui constitue, pensons-nous, un effort de compromis et, en même temps, un geste de justice indispensable.
M. le président. La parole est à M. Machet, pour présenter l'amendement n° I-182.
M. Jacques Machet. Dans l'article 2 du projet de loi de finances pour 1998, il est prévu de ramener de 16 200 francs à 5 000 francs le plafond de l'avantage fiscal procuré par la demi-part supplémentaire dont bénéficient les célibataires, veufs ou divorcés ayant élevé au moins un enfant. Cette diminution interviendrait pour l'imposition des années postérieures à l'année du vingt-sixième anniversaire de la naissance du dernier enfant.
Il s'agit là d'une mesure particulièrement brutale et arbitraire, qui n'a fait l'objet d'aucune concertation, ce que je regrette au nom des personnes seules.
Cet avantage fiscal profite aujourd'hui avant tout aux veuves, pour lesquelles la réduction proposée par le Gouvernement pourrait avoir de lourdes conséquences. Plus de 3 500 000 personnes bénéficient en effet de cette demi-part supplémentaire, dont 2 400 000 veuves et veufs.
Mes chers collègues, dans leur majorité les femmes concernées par cette mesure fiscale ont consacré une partie de leur existence à l'éducation de leurs enfants, tout en exerçant parallèlement un emploi souvent précaire. Ces personnes ont peiné dur, dans des conditions parfois modestes, pour élever leur enfant.
L'octroi de cette demi-part supplémentaire, qui date de la loi de finances de 1946, est la preuve de la reconnaissance par la nation de la contribution que ces femmes ont apportée dans des circonstances difficiles.
Je suis naturellement conscient des efforts que chacun d'entre nous doit accomplir pour le redressement des finances publiques de notre pays, monsieur le secrétaire d'Etat. Cependant, la nécessaire solidarité ne doit pas s'exercer au détriment des veuves et des veufs qui ont élevé seuls des enfants : ces personnes ne sont en rien des « privilégiés », contrairement à ce qui a été dit.
Par ailleurs, cette mesure intervient parmi d'autres dispositions qui ont tendance à alourdir les prélèvements pesant sur les contribuables français. Je pense notamment à la remise en cause, à partir de 1998, de la réforme et de l'allégement de l'impôt sur le revenu.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Sénat a toujours été très attentif au sort des veuves et des veufs. Sur l'initiative de notre excellent collègue M. Jean Cluzel, la Haute Assemblée a d'ailleurs créé en son sein un groupe d'études des problèmes du veuvage, que j'ai aujourd'hui l'honneur de présider, et dont M. Jean-Pierre Fourcade est le président d'honneur.
Ce groupe d'études s'est réuni jeudi dernier afin de procéder à l'audition de la FAVEC, la fédération des associations de veuves civiles chefs de famille, dont chacun ici s'accorde à reconnaître le rôle essentiel. Sa présidente, Mme Hervé, a exprimé la très vive inquiétude qu'inspirait à ses adhérentes la mesure proposée par le Gouvernement.
Tous les membres du groupe d'études présents à cette réunion ont jugé beaucoup trop brutale la réduction envisagée.
Au nom des membres du groupe de l'Union centriste, je présente donc un amendement tendant à porter de 5 000 francs à 8 190 francs - soit la moitié du montant en vigueur actualisé - le plafond de l'avantage procuré par la demi-part supplémentaire accordée aux personnes ayant élevé seules un enfant.
Cet amendement permettrait de limiter les effets de la réduction proposée et de garantir aux contribuables de revenus modestes qu'ils ne seront pas lésés.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s I-68, I-150, I-145, I-30 et I-182.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Tous nos collègues ont exposé le problème réel que pose l'abaissement brutal du plafond, même si le principe du plafonnement spécifique n'est pas contestable.
L'Assemblée nationale a relevé ce plafond de 3 000 francs à 5 000 francs, ce qui montre la brutalité de la proposition initiale.
Je rappelle que l'amendement n° I-68 tend à la suppression du plafonnement spécifique, le n° I-150 le situe à 12 500 francs, le n° I-24 à 12 000 francs, le n° I-145 à 11 600 francs, le n° I-30 à 10 000 francs, enfin le n° I-182 à 8 190 francs.
C'est cette dernière solution, le plafonnement à 8 190 francs correspondant à la moitié du plafonnement prévu pour 1998 pour la demi-part normale du quotient familial, qui est apparue à la commission comme à la fois la plus équitable et la plus acceptable sur le plan du coût, lequel n'est pas négligeable, si je m'en réfère au chiffrage que m'ont donné les services du ministère du budget : 890 millions de francs.
Je demande donc aux auteurs des amendements n°s I-68, I-150, I-145 et I-30 de bien vouloir accepter de retirer leur amendement au bénéfice de l'amendement n° I-182, sur lequel la commission des finances émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-68, I-150, I-145, I-30 et I-182 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les différentes interventions sur cette mesure que propose le Gouvernement et je vais essayer de répondre avec clarté et humanité sur ce point.
M. Jean Chérioux. Avec clarté sûrement, avec humanité ce sera plus difficile !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. D'abord, la mesure proposée ne touche évidemment en rien les personnes seules, veuves ou divorcées qui élèvent leurs enfants. La question se pose à partir du moment où le dernier enfant a dépassé l'âge de vingt-six ans, âge auquel, logiquement, il est sorti du foyer fiscal.
Nous parlons là du quotient familial, et ce dispositif est un élément très important de notre code fiscal ; il prévoit des aménagements d'impôt sur le revenu pour les familles constituées en foyer fiscal.
Sur le principe, je puis simplement reprendre à mon compte, s'il le permet, ce qu'a dit M. le rapporteur général, à savoir que le principe est admissible. Le débat se situe donc non pas sur le principe - et c'est là me semble-t-il, une remarque très importante qu'a faite M. le rapporteur général - mais sur le niveau du plafond.
M. Jean Chérioux. Il y a déjà un plafond !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ce que je voudrais dire sur ce point, monsieur Chérioux, c'est qu'il faut, au-delà du principe, puisque ce dernier n'est pas en cause, voir à quel niveau placer ce fameux plafond.
Il était, l'an dernier, de 16 200 francs. Le Gouvernement propose de le maintenir à 5 000 francs, montant qui a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale. Vous avez, pour votre part, mesdames, messieurs les sénateurs, fait différentes propositions : maintien à 16 200 francs pour Mme Beaudeau, 12 500 francs pour M. Chérioux, 12 000 francs pour M. About, 11 600 francs pour M. Lesein, 10 000 francs pour M. Habert et 8 190 francs pour M. Machet, proposition à laquelle s'est rallié M. le rapporteur général.
En ce qui me concerne, je voudrais simplement avancer deux types d'arguments en faveur du maintien de la position du Gouvernement.
En premier lieu, avec un plafond à 5 000 francs, on ne touche que les contribuables qui déclarent au moins 127 000 francs de pension, c'est-à-dire ceux qui perçoivent 10 500 francs de retraite par mois.
M. Jean Chérioux. Des gens très riches donc !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je n'ai pas dit cela, monsieur Chérioux, j'ai simplement indiqué la catégorie de retraités qui était touchée !
M. Jean Chérioux. Où va-t-on ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. D'ailleurs, il est écrit, à la page 15 de l'excellent rapport de M. Alain Lambert, que cette mesure concernerait 190 000 personnes.
M. Jean Chérioux. Entre autres !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. En fixant le plafond à 5 000 francs, on demande un effort de solidarité à 190 000 personnes, qui ont élevé, parfois dans des conditions difficiles, des enfants certes, mais qui ont quitté le foyer familial ; je veux mettre en regard de ces 190 000 personnes les trois millions et demi de personnes vivant seules.
Le second argument tient au coût de cette mesure. Je n'ajouterai rien aux propos de M. le rapporteur général qui a rappelé qu'il était de 890 millions de francs. Si le Sénat adoptait l'amendement proposé par M. Machet, et accepté par la commission des finances, aux allégements d'impôts que le Sénat a votés voilà peu, il conviendrait d'ajouter, en compression des dépenses, ces 890 millions de francs.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-68.
M. Michel Charasse. Je demande la parole contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. En réalité, monsieur le président, je m'exprimerai contre toute cette série d'amendements. (Ah ! sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Je trouve qu'il s'agit d'un excellent débat - je ne sais pas si le Gouvernement l'a voulu sciemment mais, en tout cas, il l'a - puisque cette affaire comporte un réel danger juridique, surtout à un moment - ce n'est pas seulement cette année, mais depuis deux ou trois ans - où nous nous préoccupons des niches fiscales et de tous les éléments qui introduisent une inégalité des Français devant l'impôt : or là, nous sommes en plein dedans !
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui est le fondement du travail législatif qu'accomplit le Parlement en matière fiscale, rappelle que l'impôt doit être réclamé à « proportion des facultés respectives des contribuables ».
Le quotient familial, qui a été inventé à la Libération, tient compte de la situation des contribuables et de leurs familles, mais à l'instant - situation à l'instant - où s'applique l'impôt, c'est-à-dire au moment où on leur réclame l'impôt. On a complètement dévoyé la nature du quotient familial en changeant sa nature pour quelques catégories particulières, dont les veuves dont nous parlons aujourd'hui. On a donc transformé le quotient familial, qui est une aide accordée en matière fiscale pour tenir compte des charges de famille, en un abattement spécial pour des gens qui n'ont plus personne à charge, mais qui continuent à bénéficier d'une faveur comme s'ils en avaient toujours. Tant et si bien qu'on aboutit à une situation assez paradoxale, et j'ai la même tendresse pour les veuves que les uns et les autres qui se sont exprimés ici,...
M. Jean Chérioux. Nous l'espérons bien !
M. Michel Sergent. Nous n'en doutons pas !
M. Michel Charasse. ... la veuve et l'orphelin faisant partie quand même de notre vocation de base.
Le veuf qui a eu deux enfants garde un morceau de quotient familial ; mais le couple qui a eu cinq enfants ne garde rien du tout. On ne peut pas décrire plus clairement la rupture du principe d'égalité devant l'impôt.
Pour ma part, je pense que cette discussion devrait conduire le Gouvernement à réfléchir à la question de savoir s'il ne faut pas essayer de « nettoyer » le quotient familial, quitte à créer par ailleurs des abattements particuliers qui ne seraient pas liés au quotient familial.
Pourquoi vous dis-je cela, mes chers collègues ? Parce que cette disposition figure dans la loi de finances, dont le Conseil constitutionnel va certainement être saisi. J'ai fait ces observations pour lui signaler le problème : maintenant, il ne pourra pas éviter de se prononcer sur cette disposition, même s'il n'en n'est pas expressément saisi ! (M. le rapporteur général sourit.) J'aimerais bien ainsi qu'il clarifie les choses !
J'ajouterai que - mais cela va plutôt dans le sens du Gouvernement, on ne s'en étonnera pas, mais pas forcément par complaisance à son égard, Christian Sautter me connaît - moins l'avantage inégal sera important, moins le Conseil constitutionnel sera incité à l'annuler. C'est la raison pour laquelle je vais me prononcer contre tous ces amendements.
Par ailleurs, et sur un autre point, il y a eu une petite passe d'armes tout à l'heure, sympathique et courtoise, entre M. le rapporteur général et M. le secrétaire d'Etat au sujet du chiffrage du précédent amendement qui a été adopté.
Compte tenu des efforts que fait le rapporteur général - nous en sommes témoins - pour essayer de nous soumettre en commission des démarches intellectuelles qui ont leur logique, leur honnêteté, leur objectivité, même si nous ne sommes pas toujours d'accord - mais cela est un autre problème - je souhaiterais qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur ces histoires de chiffrage. Je suis moi-même resté à 12,5 milliards de francs en moins pour l'impôt sur le revenu dans le système Juppé de l'année dernière. Maintenant, on nous annonce 18 milliards de francs. Le rapporteur général a un peu protesté tout à l'heure en disant qu'il ne comprenait pas ces différences de chiffrage. Je ne mets pas en doute le chiffrage de 18 milliards de francs avancé par M. le secrétaire d'Etat, mais ne pourrait-on pas avoir, en trente secondes, la petite explication qui éclairerait les uns et les autres et qui nous sortirait de ce sentiment de malaise que j'ai ressenti tout à l'heure au début de cette discussion ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, je voudrais clarifier la question du chiffrage.
La réforme qui a été adoptée par le Parlement l'an dernier comportait deux ensembles : une réduction du barème d'environ 18 milliards de francs et une suppression d'un certain nombre d'avantages fiscaux pour un montant de l'ordre de 5 milliards de francs. Le coût brut, puisque nous sommes en train de parler de l'allégement du barème, est donc de 17,6 milliards de francs.
Le dispositif voté l'an dernier comportait une réduction du barème et la suppression de certains avantages fiscaux. Le chiffre de 12,5 milliards de francs que M. le rapporteur général et M. Charasse ont cité, représente le coût net de la réforme, c'est-à-dire à la fois la réduction de barème et la réduction des avantages fiscaux.
Telles sont les explications que je souhaitais apporter pour qu'il ne subsiste pas d'ambiguïté.
Par ailleurs, je m'associe à l'hommage que M. Charasse vient de rendre au travail accompli par M. le rapporteur général et l'ensemble des membres de la commission des finances. J'ai lu les rapports avec un très grand intérêt, et j'ai pu constater que la clarté y règne. Si je ne partage pas les convictions qui y sont exprimées, la démarche intellectuelle me paraît parfaitement sérieuse.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-68, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-150.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. M. le secrétaire d'Etat a expliqué pourquoi les veuves ou les veufs perdaient cet avantage fiscal lorsque leurs enfants étaient âgés de vingt-six ans.
Mais, moi, tout à l'heure, j'ai voulu expliquer que, lorsque l'un des conjoints disparaît, l'autre, dont les revenus sont moindres, doit souvent faire face à des charges importantes. Cette situation justifie donc l'avantage fiscal qui leur avait été accordé. Je pense au loyer notamment, mais aussi à bien d'autres charges. Evidemment, sous l'angle de la justice, de l'égalité, entre les veuves et les veufs qui ont eu des enfants et ceux qui n'en ont pas eu, il y a une grande différence.
M. Michel Charasse. Eh bien, oui !
M. Jean Chérioux. Convenez que ceux qui ont fait des sacrifices, des efforts pour la nation, méritent bien une demi-part supplémentaire.
M. Michel Charasse. Pas sur le quotient familial !
M. Jean Chérioux. Je considère que, pour le moment, nous débattons du quotient familial !
Je serais prêt à retirer mon amendement au profit de l'amendement I-182 à la condition que son auteur, M. Machet, veuille bien préciser que cette mesure s'appliquera exclusivement en 1998.
En effet, un grand débat sur la famille, je pense que les veufs et les veuves font partie de la famille ; ne sont-ils pas représentés dans les associations, notamment à l'UNAF ? - va avoir lieu l'année prochaine et, à cette occasion, l'ensemble du dispositif sera revu.
Je ne voudrais pas que, par avance, on arrête définitivement une mesure défavorable aux veuves et aux veufs. Je souhaite donc que M. Machet rectifie son amendement pour indiquer que le plafond qu'il prévoit s'appliquera uniquement en 1998.
Si je me rallie à cette proposition, c'est pour des motifs d'équilibre budgétaire. C'est d'ailleurs la raison majeure qui a incité M. le rapporteur général et la commission des finances à prendre la position qu'ils ont adoptée.
Peut-être le prochain budget sera-t-il discuté dans de meilleures conditions ! Raison de plus pour ne pas prendre aujourd'hui une décision allant à l'encontre des intérêts des veuves et des veufs. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président. Monsieur Machet, acceptez-vous de rectifier votre amendement ?
M. Jacques Machet. Monsieur le président, je ne pense pas que ce soit nécessaire après ce qui vient d'être dit.
M. Jean Chérioux. Dans ce cas, je dépose un sous-amendement tendant, après la somme de « 8 190 francs » à ajouter les mots : « pour la seule année 1998 ».
M. Michel Charasse. Il faudrait dire : « pour les revenus de 1997 » !
M. Jean Chérioux. C'est exact.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le président, je voudrais, pour faciliter les travaux du Sénat, m'adresser à M. Jean Chérioux pour lui dire que nous pourrons sans difficulté, dès l'année prochaine, modifier ce chiffre.
Mon cher collègue, votre intervention a été lumineuse et vous avez accepté de vous rallier à l'amendement n° I-182, à la condition que la disposition ne s'applique que pour un an seulement. Or M. Machet vous a répondu qu'il l'entendait bien ainsi.
N'alourdissons pas encore les textes, d'autant que le code général des impôts n'est déjà guère lisible. Considérons, nous, sénateurs, que ce montant vaut pour l'année 1998 et, l'année prochaine, nous reviendrons sur cette discussion et nous fixerons le montant que les fruits de la croissance qui nous sont promis ne manqueront pas de nous permettre d'atteindre.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je me rends aux arguments de M. le rapporteur général en spécifiant bien que j'attends de la commission des finances qu'elle garde en mémoire le débat que nous venons d'avoir. Et je retire mon amendement.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Elle fera preuve de vigilance !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. On peut lui faire confiance !
M. le président. L'amendement n° I-150 est retiré.
Monsieur Lesein, l'amendement n° I-145 est-il maintenu ?
M. François Lesein. Même si, avec l'amendement de M. Machet, nous sommes loin du chiffre que nous proposions avec mon collègue, M. Joly, mieux vaut un peu tenir que tout perdre ! Je me rallie donc à l'amendement n° I-182 et je retire notre amendement.
M. le président. L'amendement n° I-145 est retiré.
Monsieur Habert, l'amendement n° I-30 est-il maintenu ?
M. Jacques Habert. Pour toutes les raisons qui viennent d'être exposées, nous nous rallions à l'amendement n° I-182 de M. Machet et retirons notre amendement.
M. le président. L'amendement n° I-30 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-182.
M. Jean Clouet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet. Une fois de plus, nous tenons une discussion où le comptable s'oppose au social.
Certains ont critiqué « Bercy ». C'est une approche un peu courte du problème. Il est, en effet, du devoir des fonctionnaires du ministère de l'économie et des finances d'être des comptables !
Mais ce devoir ne s'étend pas jusqu'au ministre. Le ministre assume une responsabilité politique, c'est à lui qu'il appartient, à partir des comptes présentés par les fonctionnaires de qualité, d'élaborer une politique.
Or, en cette affaire, le Gouvernement conduit une politique qui n'est pas de nature sociale. Cela pourrait paraître surprenant pour un gouvernement de gauche, s'il n'y avait pas l'expérience du passé !
Nous avons entendu expliquer - et c'était encore le comptable ministre qui s'exprimait - que ce dispositif toucherait uniquement 190 000 personnes. Pour lui, ce sont 190 000 personnes qui peuvent faire quelques sacrifices au nom de la solidarité.
Je suis étonné par la virulence antifamiliale de ce projet de budget ! On nous a en effet déjà expliqué que 300 000 personnes seulement seraient frappées par telle disposition mettant sous condition de revenus telle allocation.
Nous entendons chaque fois la même phrase : « Cela ne touchera pas grand monde ! » L'ennuyeux, c'est que ce sont toujours les mêmes catégories de familles qui sont touchées.
Mon collègue M. About avait déposé un amendement qu'il n'a pas pu venir défendre et se situant dans l'éventail que nous avons vu s'ouvrir entre les différentes possibilités financières. Quant aux propositions de M. Machet, elles sont...
M. François Lesein. Un peu bas !
M. Jean Clouet. ... au milieu du chemin. Par conséquent, puisqu'il paraît qu'il faut reculer, reculons jusqu'au chiffre qu'il a choisi.
M. Jacques Habert. C'est le juste prix !
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Comme mon collègue M. Clouet, je vais me rallier à l'amendement de M. Machet.
Je comprends naturellement les arguments de nature budgétaire qui ont conduit M. le rapporteur général à formuler ce conseil et j'y souscris. Je voudrais toutefois rappeler deux choses.
Tout d'abord, la mesure proposée par la Gouvernement s'inscrit dans un ensemble de dispositions véhiculées tant par le projet de loi de financement de la sécurité sociale que par le projet de loi de finances, mesures ayant une forte résonance antifamiliale. Que le Gouvernement le veuille ou non, c'est bien l'effet produit par ce tir convergent. Voilà un nouvel exemple, un symptôme parmi d'autres de cette orientation.
En second lieu, monsieur le secrétaire d'Etat, et d'une façon plus concrète et plus précise, je rappelle que fonctionne au Sénat depuis déjà de longues années un groupe d'études sur le veuvage, qui a formulé bon nombre de propositions quant au statut social et moral des veuves et des veufs. C'est bien le sujet dont nous débattons aujourd'hui.
Nous serions bien inspirés ainsi, me semble-t-il, que le Gouvernement, de puiser dans les travaux de ce groupe d'études un certain nombre d'initiatives concrètes qui sont attendues par une partie significative de la population.
Je crois que, au-delà de ce que nous allons faire vraisemblablement en votant l'amendement de M. Machet, il convient de reprendre l'ensemble du statut social et moral des veuves et des veufs dans ce pays.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je voudrais rappeler à mes collègues que, par notre amendement n° I-68, qui vient d'être repoussé, nous proposions le rétablissement de la demi-part supplémentaire dont bénéficiaient, jusqu'à la loi de finances pour 1997, les personnes veuves, divorcées ou seules ayant élevé au moins un enfant.
Or je constate que seuls les membres du groupe communiste républicain et citoyen ont voté cet amendement. Pourtant, je ne crois pas que la mesure proposée constituait une faveur. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire les courriers que nous ont adressés de nombreuses organisations et qui décrivent les charges supplémentaires supportées par les personnes vivant seules.
Je voudrais d'ailleurs souligner que personne n'avait osé s'attaquer à cette mesure jusqu'à l'élaboration de la loi de finances pour 1997. Si cette demi-part existait, c'est qu'on estimait qu'elle était justifiée. Je ne pense pas qu'il s'agissait d'une faveur.
Même si nous considérons que l'amendement n° I-182 présenté par M. Machet est insuffisant, nous allons le voter. Nous regrettons cependant que ce ne soit pas le nôtre qui ait été adopté, il aurait en effet permis d'en revenir à la situation antérieure, qui répondait bien à une aspiration des veuves et des veufs.
M. Jean Chérioux. Vive la majorité plurielle !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est bien conscient de la situation des veuves et des veufs dans ce pays. Sa démarche n'est donc pas inspirée par je ne sais quelle sécheresse d'âme.
M. Clouet m'a reproché de faire des comptes ! Mais, en tant que responsable du budget de l'Etat, je suis bien obligé d'en faire.
M. Jean Chérioux. Il faut faire des choix aussi !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Il faut faire des choix, vous avez tout à fait raison d'insister sur ce point, monsieur Chérioux.
M. Jean Chérioux. Et le vôtre est mauvais !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Que font apparaître les comptes ?
Au mois de juillet 1997, lorsque la Cour des comptes a procédé à une remise à plat, que personne ne remet en cause, semble-t-il, il est apparu que le régime de la protection familiale était déficitaire de 12 milliards de francs et que des revenus absolument essentiels à certaines familles étaient menacés par ce déséquilibre. Un choix s'imposait.
Quels étaient les choix possibles ?
La solution classique aurait été de majorer les cotisations sociales, en faisant supporter la majoration soit par l'ensemble des salariés, soit par l'ensemble des employeurs, soit par l'ensemble des familles. Je ne citerai qu'un chiffre approximatif : cette majoration aurait dû alors être de l'ordre de 1 %. Ce n'est pas ce choix que le Gouvernement a fait.
Il a préféré mettre à contribution des personnes qui, certes, ne jouissaient pas de faveurs - les mesures proposées par le Gouvernement ne contiennent absolument aucune condamnation morale ou sociale - mais qui pouvaient le moins difficilement consentir un effort.
M. Clouet évalue à 190 000 le nombre de personnes seules qui seront touchées par cette mise à contribution. Mais ce n'est pas ce chiffre qui importe. Ce qui importe c'est que, pour rétablir l'équilibre des finances publiques en général, celui de la branche famille en particulier, le Gouvernement demande un effort, parmi les 3 500 000 personnes seules - toutes également respectables - à celles qui sont le plus susceptibles de fournir cet effort.
Ainsi, après avoir fait les comptes et ayant pris en considération la situation de l'immense majorité des familles qui ont besoin des prestations familiales - certaines de ces prestations ont été revalorisées à la demande de la majorité qui soutient le Gouvernement - le Gouvernement a effectivement décidé de demander un effort non pas à toutes les familles, mais à certaines d'entre elles.
M. Philippe Marini C'est un effort parmi bien d'autres.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-182, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 17:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 238 |
Contre | 75 |
Par amendement n° I-5, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose, dans le 3° du paragraphe I de l'article 2, de remplacer la somme de « 3 300 francs » par la somme de : « 2 580 francs ».
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Cet amendement a pour objet de reprendre le cours de l'abaissement progressif de la décote qui avait été décidé dans la loi de finances pour 1997.
En effet, la décote a pour inconvénient, d'une part, d'augmenter fortement la progressivité de l'impôt sur le revenu à l'entrée du barème et, d'autre part, d'être défavorable aux familles.
Je profite de l'occasion pour formuler une réflexion dans le prolongement de ce qu'a dit tout à l'heure M. Michel Charasse.
Il est évident que nous ne partageons pas les mêmes opinions sur tous les sujets. Nous sommes en désaccord politique, mais nous savons pourquoi ; nous sommes en désaccord non pas sur des questions de chiffrage mais sur des questions de fond, qui sont à l'honneur de la démocratie.
Je suis convaincu, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il en est de même entre nous et qu'il en sera toujours ainsi.
Dans mon esprit, l'ensemble du dispositif tel qu'il sera adopté par le Sénat à l'issue de la discussion de l'article 2, devrait conduire à une somme de 14,32 milliards de francs. En tout cas, c'est le chiffre que nos services respectifs ont échangé. C'est celui sur lequel j'ai travaillé et c'est celui sur lequel j'ai fondé les informations que j'ai fournies à mes collègues de la commission des finances ; c'est le chiffre sur lequel nous avons travaillé tard vendredi soir - pour ma part, je n'ai eu que deux heures pour examiner ces amendements entre la fin de la discussion générale et leur présentation à la commission. Il est important pour moi, pour ma crédibilité vis-à-vis de mes collègues, que les chiffres que je leur indique soient ceux qui ont été validés par nos services respectifs.
M. Michel Charasse. C'est mieux pour tout le monde !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur général, je ne conteste pas vos chiffres. Il faut simplement que nous mettions le même chiffre derrière le même concept. Je sais que nos services ont travaillé ensemble. J'espère que les services de Bercy vous ont apporté tout le concours que vous souhaitiez. Je ne me livrerai à aucune controverse technique avec vous. Nous parlons du fond, c'est-à-dire des mesures, et non pas du chiffrage des mesures.
J'en viens à l'amendement n° I-5, qui a le mérite d'être en parfaite cohérence avec un amendement qui a été adopté antérieurement et visant à rétablir le barème de l'impôt sur le revenu. Je serai, moi aussi, parfaitement cohérent en demandant le rejet de cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-5, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 18:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 216 |
Contre | 97 |
Par amendement n° I-6, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose de compléter l'article 2 par un paragraphe ainsi rédigé :
« Tous les seuils et limites qui sont relevés dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu ainsi que les seuils mentionnés au IV de l'article 182 A du même code sont relevés de 1,1 % pour 1997. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il s'agit d'un amendement de coordination qui a pour objet de prévoir l'indexation sur les prix de 1997 des seuils et limites qui sont éventuellement indexés sur la limite supérieure de la première tranche de l'impôt sur le revenu. En effet, nous avons très nettement élargi cette première tranche avec l'amendement portant sur le barème.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2