SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Remplacement d'un sénateur décédé
(p.
1
).
3.
Création d'une commission d'enquête sur la politique énergétique de la
France.
- Adoption des conclusions du rapport d'une commission (p.
2
).
Discussion générale : MM. Henri Revol, rapporteur de la commission des affaires
économiques ; André Bohl, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Mme
Anne Heinis, MM. Pierre Lefebvre, William Chervy, Paul Girod, Jacques Valade,
Charles Descours.
Clôture de la discussion générale.
Article unique (p. 3 )
MM. Paul Girod, le rapporteur.
Adoption de l'article unique de la proposition de résolution.
4.
Fonctionnement des conseils régionaux. -
Discussion d'une proposition de
loi (p.
4
).
Demande de levée de séance (p. 5 )
MM. Jacques Larché, président de la commission des lois ; le président, Paul
Girod, rapporteur de la commission des lois ; Daniel Vaillant, ministre des
relations avec le Parlement ; Guy Allouche, Pierre Fauchon.
Adoption de la demande de levée de séance.
5.
Dépôt d'une proposition d'acte communautaire
(p.
6
).
6.
Dépôt d'un rapport
(p.
7
).
7.
Ordre du jour
(p.
8
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR DÉCÉDÉ
M. le président. Conformément aux articles L.O. 325 et L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat que, en application de l'article L.O. 319 du code électoral, M. Bernard Fournier est appelé à remplacer, en qualité de sénateur de la Loire, M. François Mathieu, décédé le 18 novembre 1997.
3
CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
SUR LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE
DE LA FRANCE
Adoption des conclusions du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 71,
1997-1998) de M. Henri Revol, fait au nom de la commission des affaires
économiques et du Plan sur la proposition de résolution (n° 34, 1997-1998) de
MM. Maurice Blin, Henri de Raincourt, Josselin de Rohan, Jacques Valade et
Henri Revol tendant à créer une commission d'enquête afin de recueillir les
éléments relatifs aux conditions d'élaboration de la politique énergétique de
la France et aux conséquences économiques, sociales et financières des choix
effectués. [Avis n° 63 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de
résolution que nous examinons aujourd'hui tend à la création d'une commission
d'enquête relative à la politique énergétique de la France.
Celle-ci a pour mission de « procéder à un examen approfondi des conséquences
économiques, sociales et financières de la politique énergétique française et
de ses éventuelles modifications ».
La commission des affaires économiques, saisie au fond, a conclu à
l'opportunité de créer une telle commission d'enquête.
L'énergie n'est pas une marchandise comme une autre ; elle présente des
spécificités qui justifient tout l'intérêt que doit lui consacrer la Haute
Assemblée. En effet, d'une part, il ne peut y avoir de développement
socio-économique sans énergie ; d'autre part, l'énergie relève d'un secteur
très capitalistique, dont les investissements s'inscrivent dans le long terme.
Les décisions prises aujourd'hui en ce domaine conditionnent donc fortement
l'avenir du secteur et, au-delà, les conditions de la compétitivité de notre
économie.
Ces décisions sont d'autant plus essentielles que la France, disposant de très
peu de ressources naturelles, dépend très largement de l'extérieur pour son
approvisionnement en énergie, à l'exception de l'électricité pour laquelle elle
a, grâce à son programme électronucléaire, acquis une forte autonomie.
Or le Gouvernement vient de prendre certaines décisions - notamment celle
qualifiée d'« irrévocable » par des membres du Gouvernement, de fermer le
surgénérateur Superphénix - qui pourraient hypothéquer l'avenir de la filière
électronucléaire française. En effet, la résolution des problèmes liés à l'aval
du cycle nucléaire, en particulier au traitement des déchets, conditionne les
développements futurs de l'énergie nucléaire tant en France qu'à l'étranger.
Cette décision, contestée par les élus comme par les industriels et les
personnels concernés, a été prise sans aucune concertation avec les
représentants de la nation. Elle s'inscrit, par ailleurs, dans un contexte de
mise en cause par certains des conditions dans lesquelles la COGEMA, la
compagnie générale des matières nucléaires, exerce son activité de retraitement
des déchets.
Dans ces conditions, un volet essentiel de la politique énergétique française
menée depuis plus de vingt ans ne risque-t-il pas de voir son avenir peu ou
prou hypothéqué, à l'heure où l'avancée française en ce domaine pourrait être
menacée par un renforcement de l'engagement d'autres pays dans cette filière ?
Tel est le cas, notamment, du Japon. Les Etats-Unis viennent quant à eux - vous
l'avez lu abondamment dans la presse - de lever l'interdiction frappant, depuis
1985, la fourniture, par les industriels américains, de centrales nucléaire à
la Chine ; vous connaissez l'implication française dans ce pays.
Enfin, dans une communication du 25 septembre dernier, la Commission
européenne a affirmé que l'énergie nucléaire constituait un des moyens
permettant de produire économiquement de grandes quantités d'électricité sans
épuiser les ressources en combustibles fossiles de la planète, alors que
celle-ci est de plus en plus confrontée à des problèmes d'environnement liés à
la consommation d'énergie provenant précisément des combustibles fossiles.
La demande totale d'énergie dans le monde pourrait s'accroître d'environ 50 %
d'ici à l'an 2020 ; elle devra être satisfaite dans un souci de développement
durable et de respect de l'environnement.
Dans cette perspective, l'énergie nucléaire n'est-elle pas amenée à occuper
une place essentielle, de même que, par le fait, la technologie française, à
condition que l'on poursuive les efforts entrepris en matière de recherche et
de développement, notamment en ce qui concerne l'aval du cycle ?
Tous ces éléments militent en faveur d'un contrôle par la Haute Assemblée des
conditions dans lesquelles les récentes décisions en matière de politique
énergétique ont été arrêtées, ainsi que d'une étude des conséquences
économiques, sociales et financières de ces décisions.
Au-delà, il convient également de se demander quelles seront les autres
solutions susceptibles d'être éventuellement mises en place.
La création d'une commission d'enquête permettra au Sénat d'examiner tous les
aspects de la politique énergétique française : production d'électricité,
fourniture en gaz, en pétrole, en charbon, énergies renouvelables, économies
d'énergie, etc.
Il s'agit, je l'ai dit, d'un domaine essentiel à la vie économique et sociale
de notre pays, mais dont la définition a, jusqu'ici, trop largement échappé à
l'examen et au contrôle du Parlement.
La commission d'enquête pourra, en outre, étudier l'évolution de la
réglementation communautaire et celle des politiques énergétiques de nos
principaux partenaires ou concurrents en ce domaine, afin que la représentation
nationale dispose des éléments d'information lui permettant de participer
pleinement à la définition et au contrôle de la politique énergétique
française.
Voilà pourquoi, suivant les conclusions de son rapporteur, et compte tenu de
l'avis émis par la commission des lois sur la conformité de la proposition de
résolution avec l'ordonnance du 17 novembre 1958 modifiée, la commission des
affaires économiques vous propose, mes chers collègues, la mise en place de
cette commission d'enquête, conformément aux dispositions de l'article 6 de
cette ordonnance et de l'article 11 du règlement du Sénat.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. André Bohl,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, saisie pour avis sur cette proposition de résolution, la commission
des lois en a apprécié la conformité à l'article 6 de l'ordonnance du 17
novembre 1958 et à l'article 11 du règlement de notre assemblée.
La commission des lois a constaté que la commission d'enquête qu'il est
proposé de créer s'attacherait non à des faits déterminés, mais à la gestion de
services publics ou d'entreprises nationales, en vue de soumettre ses
conclusions à notre assemblée.
En conséquence, elle a estimé que cette commission d'enquête chargée de
recueillir les éléments relatifs aux conditions d'élaboration de la politique
énergétique de la France et aux conséquences économiques, sociales et
financières des choix effectués satisfait totalement aux exigences de l'article
6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 et de l'article 11 de notre règlement.
Elle a donc émis un avis favorable sur l'adoption de la présente proposition de
résolution.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'énergie,
c'est le moteur de la vie. Elle conditionne le bon fonctionnement de nos
activités et leur éventuelle expansion. Sans énergie, il n'y a pas de vie, pas
de progrès.
Historiquement, le développement des sociétés a toujours été lié à la quantité
d'énergie disponible.
A l'origine, il n'y avait que la force humaine. En fait, il existait aussi
l'intelligence humaine, énergie tout aussi immatérielle que les autres, car
l'énergie a ceci de particulier qu'on ne la connaît que par ses effets. Et
l'intelligence humaine, au cours des temps, s'est ingéniée à capter toutes les
formes d'énergie pour les mettre à son service : force de l'animal, forces
naturelles, le feu, le vent, le soleil, l'eau qui court. L'homme en a fait des
forces maîtrisées dans les voiles, les barrages, les moteurs.
Il est des forces plus mystérieuses, qui unissent entre elles la matière et
l'énergie, au coeur desquelles se trouve l'atome, minuscule grain de matière
mais formidable réservoir d'énergie, dont il était bien normal que
l'intelligence s'emparât au fur et à mesure qu'elle découvrait les lois les
plus secrètes de la nature ; elle seule pouvait le faire puisque, cette
fois-ci, nos sens n'y suffisaient plus. Et ce fut une sorte de saut dans
l'inconnu.
C'est bien le grand problème du nucléaire que de permettre l'exacerbation de
tous les fantasmes, des peurs les plus primitives, d'autant que ses effets
constatables sont à la hauteur de la démesure, à l'échelle humaine, de cette
énergie.
Aujourd'hui, le Sénat est appelé à voter sur la création d'une commission
d'enquête permettant de recueillir les éléments relatifs aux conditions
d'élaboration de politique énergétique de la France ainsi qu'aux conséquences
économiques, sociales et financières des choix effectués. Il s'agit d'une
démarche de responsables politiques soucieux de mener des investigations de
nature à éclairer les décisions à prendre.
Ces questions sont capitales pour l'avenir de notre pays : elles conditionnent
notre capacité future de développement et notre indépendance en matière
énergétique. Un pays sans énergie est un pays sans avenir.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la France, ayant épuisé ses réserves
naturelles de charbon, de gaz et de pétrole, a investi très tôt dans l'étude et
la maîtrise de l'énergie nucléaire, bien avant la crise pétrolière, car, pour
assurer son indépendance énergétique, elle ne devait pas être tributaire des
aléas des grandes crises du marché mondial.
Les remarquables efforts de nos scientifiques et de nos techniciens, soutenus
par les gouvernements successifs, ainsi que le souci de la sûreté des
installations - présent dès leur conception - et de la sécurité des populations
nous ont permis d'être considérés comme faisant partie des leaders du monde, si
ce n'est comme « le » leader mondial dans la maîtrise de cette technologie.
C'est suffisamment rare pour être signalé, et nous devons en être fiers.
Mais cette position est menacée, parce que enviée ou redoutée, notamment par
le Japon, qui souhaite nous la ravir et ne s'en cache pas - « Notre objectif
est de devenir meilleurs que vous », nous disent-ils sans fard - et les
Etats-Unis, pour des raisons de domination commerciale qui les poussent à
refuser l'idée qu'ils puissent avoir besoin de nous acheter notre
technologie.
Trente pays possèdent un parc électro-nucléaire, et la forte croissance de la
demande mondiale d'énergie à moyen terme - en particulier dans les pays
émergents - estimée à 45 % en 2010, fait que la technologie française en
matière nucléaire sera probablement amenée à occuper une place essentielle, à
la condition formelle que l'on poursuive les efforts entrepris en matière de
recherche fondamentale et de développement, ainsi que M. le rapporteur l'a
souligné.
Bien entendu, cela n'exclut nullement la recherche et l'étude des solutions
alternatives, y compris celles qui s'appuient sur les énergies
renouvelables.
Etant en quelque sorte le sénateur de La Hague - j'habite à une trentaine de
kilomètres du site de l'usine - je me suis particulièrement intéressée au
nucléaire, sujet difficile, certes, mais capital pour notre pays, je l'ai dit,
puisque c'est le nucléaire qui assure l'indépendance énergétique de la France
et qu'il fournit plus des trois quarts de notre électricité.
Rappelons que l'électro-nucléaire assure aujourd'hui 17 % de la production
d'électricité dans le monde, et 32 % en Europe occidentale.
Dès lors, même si l'énergie nucléaire doit se trouver, sur le plan financier,
en compétition avec les combustibles fossiles, il est hautement improbable
qu'on cesse de faire appel au nucléaire avant longtemps.
Une autre raison, majeure à mes yeux, milite dans ce sens : l'histoire de
l'énergie montre qu'on est toujours allé vers des énergies de plus en plus
concentrées en volume, à puissance égale. Or le saut dans l'énergie nucléaire
est plus que significatif à cet égard.
Pour illustrer mon propos, je donnerai deux exemples : la quantité d'énergie
produite par un gramme de plutonium est égale à celle qui est fournie par une
tonne de pétrole ; le rapport entre l'énergie produite par la combustion d'un
atome de carbone et celle qui est produite par un atome d'uranium est de 3 à
200 millions. Ce sont là des proportions que l'on ne conçoit que difficilement
!
Peut-on penser que le monde acceptera de se priver d'une telle source
d'énergie, même si certains pays venaient à l'abandonner ?
En outre, cinquante ans, c'est peu à l'échelle du futur. Plus nous avançons
dans le secret de la matière, plus notre responsabilité doit se projeter dans
le temps, car les technologies nouvelles sont de plus en plus complexes et
difficiles à maîtriser. Elles demandent de longues recherches, donc du temps,
beaucoup de temps, et de l'argent, beaucoup d'argent.
Notre responsabilité, c'est de faire les bons choix, c'est-à-dire les choix
indispensables à l'avenir du pays, non pas au nom d'une vision idéologique des
choses, mais en fonction de la situation réelle du monde tel qu'il est
aujourd'hui.
Le mauvais usage de nos connaissances et de ce que l'on en fait est aussi
vieux que l'humanité. Il n'a jamais conduit à supprimer la connaissance et le
désir de savoir. Nul n'empêchera jamais la recherche de progresser.
En revanche, il nous faut approndir sans cesse notre réflexion pour poser des
règles et contrôler l'usage des moyens nouveaux que nous développons, afin de
les mettre au service de l'homme et, bien sûr, plus particulièrement de notre
population. C'est une question d'éthique.
Or l'objectif de la commission d'enquête sur la politique énergétique de la
France, dont la création est proposée au vote du Sénat, est précisément
d'apporter au Gouvernement toutes les informations souhaitables pour éclairer
ses choix, choix qui devront eux-mêmes être discutés et ratifiés par le
Parlement, comme le veut notre Constitution et comme le prévoit expressément la
loi de 1991, aux termes de laquelle, en 2006, le Parlement retiendra, sur la
base du résultat des recherches, la meilleure solution en matière de gestion
des déchets.
A ce titre, il n'est pas inutile de rappeler quelques données simples qui se
trouvent brouillées, voire noyées dans le fatras incohérent qui nous inonde de
fausses informations, souvent très tendancieuses, voire mensongères, ou
d'informations trop techniques pour être compréhensibles du grand public.
L'électricité d'origine nucléaire représente les trois quarts de la production
française, à un coût de production très compétitif, d'environ 20 % inférieur à
celui du charbon et du gaz.
La France exporte 16 % de sa production, ce qui représente en devises un
apport équivalant à dix milliards de francs par an. C'est loin d'être
négligeable !
Ces exportations représentent, de plus, uniquement de la valeur ajoutée
puisque les charges sont composées des salaires du personnel, qui est français,
d'achats effectués en quasi-totalité en France et d'impôts et taxes versés en
France.
Par ailleurs, les investissements ont été réalisés pour fonctionner au moins
jusqu'en 2010. Ne pas les utiliser est déjà une perte sèche.
Enfin, le coût du retraitement représente entre 5 % et 10 % du coût du
kilowattheure.
Sur le plan technique, très schématiquement, on extrait du minerai naturel
d'uranium très « impur » qu'on enrichit pour en faire du combustible utilisable
dans les centrales. Celles-ci produisent de l'électricité dégageant une
première série de déchets, appelés « combustibles irradiés », encore très
riches en énergie. L'usine COGEMA de La Hague « retraite » ces combustibles
irradiés et récupère 96 % d'uranium faiblement enrichi, 1 % de plutonium, 3 %
de déchets dits « ultimes », qui seront vitrifiés pour être stockés.
En effet, le plutonium étant à la fois un combustible et un matériau toxique à
très longue vie, il convient de le récupérer et de l'éliminer au maximum des
déchets ultimes.
En fin de course, 99,9 % du plutonium vont être utilisés, soit sous forme de
MOX dans les réacteurs à eau pressurisée, soit directement dans les réacteurs à
neutrons rapides, c'est-à-dire Superphénix.
Au final, il ne restera que 0,1 % de plutonium dans les déchets ultimes.
C'est cette utilisation en cascade du combustible nucléaire qu'on recycle pour
récupérer tout ce qui peut l'être qu'on appelle le cycle nucléaire ou cycle du
combustible, l'aval du cycle étant représenté par l'usine de La Hague et
Superphénix.
Dans l'état actuel de notre technologie, ce cycle s'achève donc sur cette
fraction de déchets ultimes, qui sont des produits éminemment radioactifs. Ce
sont eux qui posent un problème d'élimination pour l'avenir et font l'objet de
la loi de 1991.
On peut constater qu'en dix ans les quantités de déchets ont été divisées par
trois. Les dix prochaines années devraient être capitales pour progresser vers
des solutions satisfaisantes pour les populations et l'environnement ; on peut
l'espérer légitimement.
Mais, à ce terme, la problématique est la suivante : faut-il retraiter pour
diminuer le volume à stocker ? C'est ce qui est fait à l'usine de La Hague.
C'est pour stocker ces déchets que sont prévus les laboratoires souterrains
expérimentaux, destinés à mesurer l'étanchéité et l'isolation de futurs centres
de stockage.
Faut-il stocker les combustibles irradiés sans les retraiter, ce qui
représente des volumes assez considérables et comprenant la totalité du
plutonium ? C'est ce que font les Etats-Unis, plus par absence de décision,
d'ailleurs, que par souci de mener une réelle politique de gestion de l'aval du
cycle, qui est actuellement inexistante.
Faut-il poursuivre la recherche fondamentale en matière de transmutation,
c'est-à-dire la transformation d'éléments à vie longue en éléments à vie courte
par le bombardement du noyau de ces éléments avec des neutrons rapides, ce qui
circonscrit la durée du risque dans le temps ?
C'est, après bien des vicissitudes, la tâche qui a été assignée à Superphénix
en 1994. Elle consiste à brûler le plutonium et les actinides mineurs,
c'est-à-dire les déchets les plus radioactifs, et à expérimenter à l'échelon
industriel le bombardement des noyaux de l'atome par des neutrons rapides, avec
pour objectif la maîtrise de la transmutation.
D'autres pays, dont le Japon, la Russie et la Chine, se sont d'ailleurs
engagés dans cette voie. Nous ne sommes donc pas seuls !
Les investigations menées sur Superphénix par les Républicains et Indépendants
dans le cadre du groupe de l'énergie ont déjà permis de constater les éléments
de fait suivants.
Refuser la remise en marche de Superphénix équivaut à pénaliser et à retarder
de manière significative la recherche fondamentale sur la transmutation, dont
l'objectif est de ne pas laisser aux générations futures la gestion de nos
propres déchets.
C'est également engager des dépenses considérables, quoi qu'il en ait été dit,
pour adapter et prolonger Phénix, prototype précédant Superphénix, déjà vieux
de vingt ans, voire pour le remplacer ; pour assurer la maintenance de
Superphénix en attendant l'étude du démantèlement, évalué à cinq ou six ans -
un réacteur arrêté coûte cher ; enfin, pour supporter les dégâts sociaux et
économiques en termes d'emplois, de travail et de revenus, ce qui n'a encore
jamais été réellement évalué.
En définitive, cela revient à abandonner notreleadership en matière nucléaire,
en laissant le champ libre aux trois pays - Grande-Bretagne, Japon et Russie -
qui possèdent des réacteurs à neutrons rapides et poursuivent activement leurs
recherches.
Permettez-moi, monsieur le président, mes chers collègues, de regretter
vivement l'absence, en cet instant, du représentant du Gouvernement, alors que,
précisément, ces problèmes sont tout à fait à l'ordre du jour et constituent la
raison même de notre demande de création de commission d'enquête.
(Très bien ! sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
En ce qui concerne l'environnement, la sécurité des populations et la
santé publique, un certain nombre d'éléments sont à mettre en évidence.
La production de déchets nucléaires, avant concentration pour vitrification,
est d'environ un kilogramme par habitant et par an, contre deux mille cinq
cents kilogrammes de déchets industriels classiques par habitant et par an,
dont l'arsenic, le mercure, l'amiante, le plomb, tous très toxiques et à durée
de vie indéterminée.
L'utilisation d'énergies fossiles pour la fabrication d'électricité
contribuait, en 1992, pour un tiers des émissions mondiales de CO2.
En France, grâce à l'utilisation de l'énergie nucléaire, le taux de rejet de
gaz à effet de serre est deux fois moins important qu'en Allemagne et trois
fois moins important qu'aux Etats-Unis.
Entre 1980 et 1994, les rejets de gaz carbonique avaient chuté de 21,7 %. Ce
résultat est dû, pour un tiers, à la politique d'économie d'énergie et, pour
deux tiers, au programme électronucléaire. La France n'est donc pas en retard
en matière d'environnement.
M. William Chervy.
M. le ministre est de retour, ma chère collègue !
Mme Anne Heinis.
Sur le plan de la sécurité de la population et de la santé publique, le
désordre médiatique est à son comble, amplifiant sans cesse un risque perçu
alors qu'il est totalement irrationnel, et ce au détriment d'explications
claires sur les risques réels.
Comment remonter la pente de ces fantasmes ? Je citerai Georges Charpak, prix
Nobel de physique : « Simplement en ridiculisant, preuves à l'appui, ceux qui
exagèrent, qui accumulent les chiffres et jouent des craintes des profanes. »
C'est plus facile à dire qu'à faire !
M. Jean Boyer.
Très bien !
Mme Anne Heinis.
M. Charpak poursuit : « La vie s'est pourtant développée durant deux milliards
d'années, sur un fond de radiation. A l'intérieur de chaque être humain, il y a
encore des atomes radioactifs qui se désintègrent dix mille fois par seconde,
tout naturellement... »
Ces propos sont très concrètement illustrés par la campagne de désinformation
et de polémiques à caractère fortement antinucléaire, développée autour de
l'usine de La Hague et de sa région, alors qu'aucun événement nouveau n'était
intervenu. Or il convient d'apporter un certain nombre de précisions.
Premièrement, d'innombrables mesures sont effectuées, et pas seulement par
l'exploitant, comme cela est souvent dit à tort.
Deuxièmement, tous les résultats des examens concordent, quels qu'en soient
les auteurs, qu'il s'agisse de l'OPRI, du laboratoire départemental, du CRIIRAD
- supposé indépendant - ou de l'ACCRO et même deGreenpeace, qui l'a d'ailleurs
reconnu devant la commission d'information de La Hague à laquelle
j'appartiens.
Troisièmement, la radio-activité artificielle dégagée par l'usine est égale à
environ 0,1 % en moyenne de la radio-activité naturelle.
Quatrièmement, la commission Souleau-Spira, chargée d'étudier la validité du
rapport Viel sur les cas de leucémies infantiles dans le canton de
Beaumont-Hague, a conclu que si les objectifs de la recherche étaient tout à
fait louables, en revanche, les résultats obtenus ne permettaient en aucun cas
d'affirmer qu'il pouvait exister un excès de leucémies significatif, pas plus
que de risques particuliers d'origine nucléaire liés à l'activité de
l'usine.
Dès lors, sur quoi reposent ces polémiques ? « Quel chapitre de l'histoire de
l'énergie sera-t-il écrit demain ? » C'est la question que pose notre collègue
Bernard Barbier, président du groupe de l'énergie. Il ne m'appartient pas d'y
répondre !
En tout état de cause, notre responsabilité sera de chercher à concilier les
besoins réels des hommes, l'état de la recherche, de nos connaissances et de
nos moyens, dans une perspective dite de « développement durable ».
L'objectif de la commission d'enquête est de nous éclairer sur les éléments
conditionnant les choix futurs. C'est la raison pour laquelle, mes chers
collègues, je vous invite à voter pour la création de cette commission.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.
M. le président.
La parole est à M. Lefèbvre.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers
collègues, l'énergie est un besoin vital, d'où l'importance de développer une
politique cohérente sur le long terme.
C'est pourquoi nous nous inscrivons favorablement dans l'optique de la
création de cette commission d'enquête. En effet, nous sommes de ceux qui
préconisent un débat national sur des enjeux aussi décisifs pour notre
avenir.
Cette nécessité s'appuie sur un constat : les besoins en matière d'énergie
sont loin d'être satisfaits. Dans un pays « développé » comme la France,
combien de familles modestes ne chauffent qu'avec parcimonie, maudissant les
hivers trop rigoureux ? Ce sont souvent les plus mal logés et les conditions
d'isolation thermique agrravent encore leur cas. Parfois, cela va jusqu'à la
coupure. Ainsi, huit mille foyers sont actuellement privés d'électricité et de
gaz.
La carte des disparités sociales se lit aussi dans la consommation d'énergie,
produit pourtant réputé de « première nécessité » : un ménage de cadres
consomme en moyenne deux fois plus d'énergie qu'un ménage d'ouvriers. Faut-il
enfin parler des quelque quatre cent mille sans-abri que compte notre pays ?
Le tableau est encore plus sombre sur l'ensemble de la planète : trois
milliards d'individus sont dépourvus d'électricité ; des pays « émergents »
voient leurs besoins croître à mesure que se développent l'industrie, les
services, et que s'élève le niveau de vie des populations.
Pour répondre à ces besoins, il faudrait, dans les prochaines décennies, comme
le disent les experts, construire chaque année dans le monde des capacités de
production égales au parc français actuel. Comment faire ?
Les ressources naturelles sont limitées. Y puiser sans discernement, comme on
le fait trop souvent, peut avoir des conséquences dramatiques pour l'humanité
tout entière à très brève échéance.
M. Lionel Taccoen, responsable des questions européennes à la direction d'EDF,
fait état des ressources de combustibles fossiles : « 44 ans pour le pétrole,
70 ans pour le gaz et quelque 230 ans pour le charbon ».
Choisir les moyens de production les plus dispendieux ou les plus polluants
peut s'avérer mortel. Faire des énergies existantes autant de concurrentes en
lice sur le marché ne peut qu'enfoncer dans une spirale de gaspillage des
ressources naturelles et de non-satisfaction des besoins humains jugés trop peu
solvables.
Alors, qu'en est-il de la politique énergétique qui se profile actuellement
?
La France paraissait jusqu'alors à l'abri. C'était d'ailleurs l'objectif que
fixait à Electricité et Gaz de France la loi de nationalisation de 1946 qui les
instituait : parvenir à l'indépendance énergétique du pays et assumer la
sécurité de ses approvisionnements dans le cadre du service public. Les
récentes décisions en matière énergétique semblent devoir bouleverser cette
donne.
La décision de ne pas construire une centrale au Carnet, le démantèlement
programmé du surgénérateur de Creys-Malville, la neutralisation de l'usine de
retraitement de La Hague semblent attester d'une volonté gouvernementale de
freiner les investissements dans la filière nucléaire, d'où proviennent 82 % de
l'électricité produite en France. Il n'est pas question d'agir dans la
précipitation sur un dossier aussi sensible. Il ne peut y avoir de décision
sans concertation.
M. Charles Descours.
Très bien !
M. Pierre Lefebvre.
M. Jacques Maillard, physicien au laboratoire de physique corpusculaire du
collège de France, estime qu'« en décidant d'abandonner Superphénix, on se
prive d'une machine qui ouvrait d'importantes possibilités de recherche ».
La commission d'enquête devrait permettre à tous - scientifiques,
spécialistes, élus, salariés - de donner leur avis sur la question de l'abandon
programmé du supergénérateur de Creys-Malville, comme sur les autres problèmes
posés.
Il faut noter, par ailleurs, qu'entre le moment où est décidée la mise en
service d'une centrale nucléaire et son couplage, c'est-à-dire le moment où
elle produit effectivement, un délai de dix ans s'écoule.
En parallèle à ce freinage, les centrales thermiques classiques, qui assurent
environ 17 % de la production, ferment les unes après les autres et les
recherches pour améliorer leurs performances, notamment en matière
d'environnement, sont plutôt limitées.
Quant aux bonnes intentions affichées pour favoriser le recours aux énergies
douces et renouvelables - celles-ci représentent 1,8 % de la consommation
énergétique en France - elles ne se traduisent guère dans les actes.
La France, qui a développé le nucléaire, n'a-t-elle pas le devoir de pousser
les recherches dans cette voie pour le rendre toujours plus sûr, toujours plus
économe en combustible, en déchets et en rejets polluants ? Autant de
questions, d'enjeux, qui méritent bien un débat puisque les choix engagent
l'avenir à long terme.
Actuellement, un autre projet suscite chez nous de très fortes inquiétudes :
il s'agit de la remise en question du service public de l'électricité et du gaz
ainsi que de leur monopole par le biais des deux directives européennes qui
définissent les orientations futures en la matière.
La directive « électricité », adoptée en 1996 et devant s'appliquer en droit
français au plus tard avant le 19 février 1999, ouvre le marché français à la
concurrence. Au final, EDF devrait ainsi céder 40 % de son marché à la
concurrence.
La directive « gaz », quant à elle, sera à nouveau débattue le 8 décembre,
lors de la réunion du Conseil européen des ministres de l'énergie. Elle
consacre la disparition du monopole d'importations destiné à assurer la
sécurité de l'approvisionnement en gaz naturel du pays aux meilleurs coûts.
Si ces deux projets étaient mis en oeuvre, EDF et GDF deviendraient des
multinationales ordinaires de l'énergie, gérées sur le critère exclusif de la
rentabilité, avec un triple statut opposant les personnels entre eux et une
activité se tournant vers l'international. Ce serait, à notre avis, la
liquidation progressive du service public de l'électricité et du gaz.
M. Alphandéry déclarait récemment dans
Les Echos
: « EDF va baisser ses
tarifs de 14 % en quatre ans... » pour exclure, à la fin de l'interview, toute
idée de privatisation en précisant de manière significative : « Il n'y en a pas
besoin. ».
A notre sens, l'opération est d'une très grande clarté : face au service
public d'EDF-GDF, on tente d'opposer les intérêts des agents qui refusent la
flexibilité de leur emploi et leurs conditions de travail à ceux des usagers en
faisant miroiter une baisse des factures d'électricité et de gaz que seule
rendrait possible la mise en concurrence du service public avec des producteurs
privés.
Alors, la vérité doit être dite : c'est grâce au service public - le statut de
l'entreprise et son monopole - que EDF et GDF ont permis à la France d'avoir
l'électricité et le gaz les moins chers d'Europe, que la stabilité, voire la
diminution des prix pour les usagers domestiques ont pu être assurées depuis
des années. Comparons avec le service de l'eau, par exemple.
La vérité, c'est encore que si les ressources financières dégagées par EDF-GDF
n'étaient plus grevées des prélèvements de l'Etat ou des fonds consacrés à
l'internationalisation, ce sont non plus 14 % de réduction en cinq ans, mais 30
%, et ce sont non plus 15 000 jeunes qui pourraient être embauchés, mais 40
000, comme l'ont si bien montré les syndicats. Evidemment, M. Edmond Alphandéry
a raison quand il dit qu'il n'y a pas besoin de privatiser.
M. Robert Pagès.
Très bien !
M. Pierre Lefebvre.
Les deux directives européennes et les décisions du Gouvernement prises sans
concertation sur l'abandon de la filière nucléaire nous inquiètent
fortement.
Le groupe communiste républicain et citoyen se prononce fermement pour la
diversification des sources d'énergie, y compris les énergies renouvelables
comme les panneaux solaires ou les éoliennes. La commission d'enquête pourrait
utilement y consacrer une partie de son temps.
Mais il ne faut pas être dupe. Ces énergies nouvelles ne suffiront pas à
répondre aux besoins d'énergie toujours grandissants. Cependant, il faut les
développer pour les usages où elles sont les mieux adaptées.
Ainsi, la filière charbon semble avoir été délaissée. En atteste la fermeture
de la plupart des puits français. Ne faut-il pas exiger un état des lieux sur
les gisements français de charbon ? Existe-t-il un avenir pour la gazéification
du charbon français ?
En diversifiant et en développant les différentes sources pour mieux répondre
aux besoins sur le long terme, il ne faut pas omettre les recherches pour la
conception d'énergies toujours moins polluantes.
On ne peut pas dissocier de la politique énergétique les questions
d'environnement, de sécurité des centrales, de déchets polluants auxquelles
nous nous devons de chercher des solutions. Là encore, en la matière, la
volonté affirmée du Gouvernement d'abandonner Superphénix transforme la
donne.
Pour conclure, nous nous inscrivons donc dans la démarche de création de cette
commission d'enquête en émettant cependant le voeu qu'elle puisse collaborer
étroitement avec la mission sur l'énergie mise en place à l'Assemblée
nationale.
(Très bien ! Et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Chervy.
M. William Chervy.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par
principe, je suis favorable, ainsi que l'ensemble de mes collègues du groupe
socialiste, à tout ce qui peut renforcer le rôle et les prérogatives du
Parlement, notamment lorsqu'il s'agit de l'une de ses missions essentielles, à
savoir le contrôle de l'exécutif.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
M. William Chervy.
Je crois qu'il n'en fait jamais trop et je regrette que, durant ces dernières
années, le Sénat n'ait quelque peu mis en somnolence cette compétence. J'aurais
aimé que sa diligence s'appliquât lorsque ses amis politiques étaient au
gouvernement. Je note - et je ne pense pas me tromper - qu'aucune commission
d'enquête n'a été créée par le Sénat quand MM. Balladur et Juppé étaient
Premier ministre. C'est pourtant un euphémisme de dire que certaines de leurs
décisions ont été contestées et sont contestables.
Aujourd'hui, les demandes de création de commissions d'enquête sont légion ;
elles portent sur l'énergie, sur la régularisation des étrangers, sur les
infrastructures terrestres d'aménagement du territoire ou encore sur la
réduction du temps de travail. Soit ! Souhaitons que, pour l'avenir, la Haute
Assemblée exerce ses prérogatives constitutionnelles avec autant de vigilance
qu'aujourd'hui, et non pas principalement en vertu de l'opportunité
politique.
Cette remarque liminaire étant faite, j'en viens à la proposition de
résolution qui nous occupe cet après-midi et qui tend à créer une commission
d'enquête « afin de recueillir les éléments relatifs aux conditions
d'élaboration de la politique énergétique de la France et aux conséquences
économiques, sociales et financières des choix effectués ». J'ai, à ce sujet,
plusieurs remarques à formuler.
Je me demande, compte tenu du sujet traité, si une commission d'enquête est
l'outil le plus approprié. Il m'aurait paru plus opportun de confier une telle
mission à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques. Celui-ci rend régulièrement des rapports d'une excellente
qualité et très fournis. Je pense plus particulièrement aux rapports sur le
contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires.
S'il s'agit d'examiner l'avenir de notre politique énergétique, de mener une
réflexion prospective, comme semble le laisser penser le rapport de notre
collègue M. Revol, une mission d'information étendue à l'ensemble des
commissions, si nécessaire, me paraissait plus idoine.
S'il s'agit seulement d'évaluer les conséquences de l'arrêt du fonctionnement
du surgénérateur Superphénix - et je ne les minimise pas - à la suite de la
décision prise par le Gouvernement et réaffirmée par le Premier ministre lors
de sa déclaration de politique générale, la commission d'enquête, par essence
plus inquisitoriale, convient mieux. Il semblerait d'ailleurs qu'il s'agisse là
de l'objectif poursuivi par nos collègues signataires de la proposition de
résolution. Mais, dans ce cas, il faut le dire clairement.
Mes collègues socialistes et moi-même souhaiterions que le Sénat, dans ses
différentes composantes, réfléchisse de manière prospective à l'avenir de notre
politique énergétique. C'est là une question fondamentale pour le dynamisme de
nos entreprises, mais aussi pour la qualité de vie de l'ensemble de nos
concitoyens et, à l'échelle planétaire, pour l'équilibre de notre écosystème.
Nous l'avons demandé à plusieurs reprises. Si tel est l'objet de la commission
d'enquête, nous ne pouvons pas nous opposer à sa création, bien que, comme je
viens de le dire, elle ne me paraisse pas être le meilleur outil.
J'estime que l'article unique de cette proposition de résolution, tel qu'il
est libellé, ne répond pas à notre manière d'aborder la question énergétique.
Il ne prend en effet nullement en compte la nécessité de définir une politique
énergétique dans un souci de développement durable et de respect de
l'environnement. L'énergie n'est abordée que sous l'angle économique, social et
financier.
Il n'est pas non plus question de prendre en compte le cadre européen de la
politique énergétique qui, pourtant, n'est pas sans conséquences sur nos choix.
Enfin, il n'est pas clairement exprimé que cette commission d'enquête examinera
tous les aspects de la politique énergétique, dans toutes ses composantes :
nucléaire, thermique, hydraulique, gaz, pétrole ou encore énergies
renouvelables.
Je note que M. le rapporteur de la commission des affaires économiques
souhaite que tous ces éléments soient pris en compte, à la suite d'ailleurs des
remarques que notre collègue M. Jean Besson, rapporteur du budget de l'énergie,
avait formulées auprès de lui. Mais, que voulez-vous, les choses vont mieux en
les écrivant. Qui plus est, tel ne me paraît pas être l'esprit de la
proposition de résolution, du moins dans son exposé des motifs. Notre
rapporteur ne va-t-il pas jusqu'à se demander si la fermeture de Superphénix ne
risquerait pas d'« hypothéquer l'avenir de la filière électronucléaire » ? Il
me paraît nécessaire, à ce stade, de faire quelques mises au point.
S'agissant, tout d'abord, de Superphénix, je rappelle que l'objet initial de
ce programme était de valider la faisabilité de réacteurs surgénérateurs
susceptibles de produire plus de matière fissiles que d'en consommer, et ce
dans la perspective d'une tension sur le marché de l'uranium naturel. Son prix
restant modéré, la surgénération est devenue moins intéressante et surtout trop
coûteuse.
En ce qui concerne les modalités de fermeture de Superphénix - il s'agit là
d'une question importante - je tiens à préciser que le Gouvernement a, selon
les termes mêmes de M. Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, décidé de « se
donner le temps de la réflexion pour fixer les modalités d'abandon de
Superphénix ».
Il a, par ailleurs, nommé comme médiateur M. Jean-Pierre Aubert, afin de
proposer des solutions aux échelons local et régional, notamment en termes
d'emplois. Cela prendra du temps. Nous savons tous que l'on ne ferme pas d'un
coup de baguette magique une centrale nucléaire.
Quant à une supposée remise en cause de notre choix en faveur du nucléaire, je
crois que M. Pierret a été très clair le 7 novembre dernier, lors de sa visite
de la centrale nucléaire de Chooz. « L'arrêt de Superphénix, a-t-il déclaré, ne
met en rien en cause l'engagement convaincu et durable de la France en faveur
du nucléaire. »
Comme je vous l'ai déjà dit, le groupe socialiste ne s'opposera pas à la
création de cette commission d'enquête à laquelle il participera même
activement. Toutefois, compte tenu des réserves que je viens d'exprimer, il
s'abstiendra.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'aurais
jamais songé à intervenir dans ce débat, si ce n'est peut-être à titre
anecdotique pour verser à notre réflexion collective une observation qui, à
défaut d'avoir valeur d'avertissement, pourrait servir de fondement à nos
réflexions.
Si nous tirons une grande fierté de notre civilisation actuelle, nous le
devons moins, contrairement à ce que nous entendons dire allègrement un peu
partout, à la qualité actuellement plus développée de nos cerveaux et de nos
capacités de recherche qu'à la disponibilité et au coût moins élevé de
l'énergie.
Ce n'est pas parce que nous sommes plus intelligents aujourd'hui que voilà
deux cents ans que nous sommes capables de mettre les biens alimentaires, les
communications et toute une série de biens dits maintenant de consommation
courante à la disposition de nos concitoyens dans des conditions telles qu'ils
sont abordables pour la plupart, voire la totalité d'entre eux ; c'est bien
parce que nous disposons de l'énergie bon marché.
C'est dire l'importance que revêt un tel domaine pour un pays comme le nôtre,
qui a pendant longtemps été très en avance par rapport à beaucoup d'autres en
la matière et qui, grâce à la politique mise en place dans les années
soixante-dix, a pris une avance déterminante en matière d'électricité
nucléaire.
Je ne serais donc pas intervenu dans le débat si une information que j'ai
glanée dans la presse, voilà deux ou trois jours, n'avait pas alerté le
représentant du département de l'Aisne que je suis et qui se souvient avoir
ferraillé contre le Sénat tout entier, et contre vous, mon cher rapporteur,
voilà quelques années, et sans indulgence particulière pour quelque
gouvernement que ce soit, à propos de la gestion des déchets nucléaires à
longue durée de vie.
Mon département ainsi que deux autres avaient été alors choisis pour devenir
des sujets d'intérêt national puisque, nous disait-on, des « laboratoires »
d'enfouissement à grande profondeur de déchets à longue durée de vie allaient y
être implantés. Nous, les représentants des départements concernés, avons eu
beaucoup de mal à essayer de faire comprendre au Sénat que ce n'était pas aussi
simple et que, s'agissant de la réputation de nos départements, de la vie
économique locale et de l'équilibre des populations, cela pouvait présenter un
certain nombre de dangers que nous dénoncions, sans prudence excessive
peut-être, mais avec quelques raisons ; la suite l'a prouvé, au moins en ce qui
concerne les raisons psychologiques.
Cela avait abouti à la discussion d'une loi spécifique relative à la gestion
des déchets, en particulier des déchets nucléaires.
Toute énergie produit des déchets. Nous savons que les déchets de l'énergie
animale se recyclent assez facilement dans la nature. Nous constatons que la
gestion des déchets des énergies fossiles n'est pas aussi simple qu'on le dit.
En ce qui concerne les déchets nucléaires, le problème est très compliqué.
Cette loi avait été votée à la quasi-unanimité. J'ai fait défaut à cette
unanimité pour les raisons que je viens d'exposer. Elle avait prescrit trois
voies, l'Etat ayant pris l'engagement qu'elles seraient toutes les trois
explorées. Ces trois voies sont les suivantes : le stockage à grande profondeur
et à long terme ; la restructuration intime de la matière fissile, autrement
dit le retraitement poussé, pour voir dans quelle mesure on ne pourrait pas, en
désarticulant ces déchets, obtenir des produits utilisables et réduire la
nocivité de ceux qui restent ; enfin, le stockage provisoire en surface.
Or je viens d'apprendre, comme nos collègues sans doute
(Signes
d'assentiment sur plusieurs travées du RPR.),
que, de même que,
apparemment, l'une des filières explorables, celle de la désarticulation des
déchets à travers Superphénix - il était au départ destiné à d'autres voies
mais il pourrait probablement, nous dit-on car je n'y connais rien, être
utilisé dans cette direction - a été abandonnée de manière unilatérale, les
deux autres voies le sont, également de manière unilatérale, au profit d'un
enfouissement à faible profondeur sur le site des centrales.
Nous allons prendre une décision importante sur le plan symbolique. Elle sera,
je l'espère, productive sur le plan intellectuel et en ce qui concerne la
cohésion de notre nation autour du fait que nous avons besoin et d'énergie à
bon marché, pour les raisons que j'ai dites, et d'une avance technologique par
rapport à tous nos concurrents dans cette atmosphère de mondialisation que nous
connaissons. Au moment où nous allons prendre cette décision, je souhaiterais
poser une question à vous-même, monsieur le ministre, et à M. le rapporteur,
qui nous propose l'article unique.
Cette question est la suivante : alors que le mot « déchets » ne figure pas
dans l'article unique de la proposition de résolution, un certain nombre de
réflexions et d'enquêtes sur l'état actuel des perspectives de traitement de
nos déchets nucléaires, et des autres déchets énergétiques, d'ailleurs,
seront-elles bien incluses dans les travaux de la commission d'enquête et
comment relativisera-t-on les choses par rapport à cette loi de 1991 qui est la
loi de la République et qui doit donc être exécutée par tous les gouvernements
quels qu'ils soient, mais vis-à-vis de laquelle on prend, pour l'instant,
quelques libertés ? J'espère obtenir une réponse avant de voter.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Valade.
M. Jacques Valade.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'avais
pas l'intention de m'exprimer dans la discussion générale, mais le tour qu'elle
prend m'y engage. Je voulais, en effet, simplement intervenir dans les
explications de vote pour indiquer que le groupe du Rassemblement pour la
République soutiendra, bien sûr, cette proposition de résolution.
Notre collègue du groupe socialiste, M. William Chervy, a exprimé un doute en
s'interrogeant sur la meilleure façon d'aborder ce problème : faut-il confier
le dossier à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques ? Ce dernier a très longuement travaillé sur ces questions. De
nombreux rapports ont été élaborés d'une façon excellente, tant par nos
collègues de l'Assemblée nationale que par certains membres du Sénat. Mais il
s'agit de rapports partiels. Aussi, les gouvernements, quels qu'ils soient, ont
toujours été certes attentifs, mais un peu distants par rapport aux conclusions
de ces rapports.
Ensuite, M. William Chervy a évoqué une mission d'information. Celle-ci n'a
pas le poids d'une commission d'enquête, vous-même l'avez dit, monsieur Chervy.
Il semble préférable de nous diriger vers un véritable contrôle, par une des
assemblées parlementaires, des décisions qui ont été prises ou qui sont
susceptibles de l'être et d'apporter éventuellement notre contribution pour
éclairer la prise de décision.
Il ne s'agit pas d'« inquisition » de la part du Parlement, pour reprendre le
terme que vous avez employé. Je voudrais que cesse ce procès d'intention, car
c'en est un ! C'est simplement le souci, qui a été exprimé par Mme Heinis et
par M. Jean-François Le Grand, d'obtenir des réponses du Gouvernement.
Récemment, M. Le Grand a posé une question pour savoir qui avait, au sein du
Gouvernement, la charge de l'expression gouvernementale. Etait-ce le ministre
de l'industrie ou le secrétaire d'Etat au budget ? Il n'a pas eu de réponse
claire. Aussi, nous recourons à la création d'une commission d'enquête.
Dans un passé récent, la majorité sénatoriale n'a pas constitué de commission
d'enquête, dites-vous. Mais l'opposition sénatoriale s'est-elle mobilisée à cet
égard ? Pour ma part, je n'en ai pas le souvenir, je parle sous votre contrôle,
mes collègues. Nous rechercherons, bien sûr, si des propositions ont été
déposées.
En l'occurrence, il s'agit d'un problème très important. Au-delà de la
fermeture de Superphénix et du fonctionnement de l'usine de retraitement de La
Hague, c'est la politique énergétique de la France qui est en cause, monsieur
le ministre. Elle ne peut pas être décidée sous le coup d'une passion. Il faut
que tous les éléments qui la composent soient mûrement réfléchis.
Nous connaissons l'inertie qui prévaut dans ce domaine. En effet, lorsqu'une
décision est prise, il s'écoule une dizaine d'année avant qu'elle soit
appliquée. Aussi, toute décision, fût-ce à propos de Superphénix, doit être
soigneusement pesée.
La loi de 1991 a fixé une limite : l'année 2006. Les organismes chargés de la
gestion, notamment de l'énergie nucléaire, doivent se mettre en situation de
respecter les termes de la loi.
Cependant, le pouvoir politique, le Gouvernement ne peut pas se contenter de
cette situation qui consiste à se mettre en accord avec une loi de
République.
Il faut que nous décidions dès maintenant ce que nous ferons. Certains
souhaitent que l'on abandonne la filière nucléaire. M. Chervy nous a assurés
qu'il n'en est rien s'agissant du groupe socialiste ; je lui donne bien
volontiers acte de sa déclaration.
M. William Chervy.
Merci !
M. Jacques Valade.
S'il s'agit de revoir certains éléments de la politique nucléaire, il faut le
dire ! En effet, 77 % de l'énergie électrique française sont d'origine
nucléaire. Que ferions-nous en cas de ralentissement ou d'hésitation ?
Nos chercheurs, nos scientifiques, nos techniciens, nos industriels sont
connus et reconnus dans le monde entier pour leur compétence dans ces domaines.
Nous devons les éclairer et leur dire de quoi sera fait l'avenir de notre
pays.
Telle est la raison pour laquelle, non seulement à titre personnel, puisque je
suis un des auteurs de cette proposition de résolution, mais aussi au nom du
groupe du Rassemblement pour la République, je confirme tout l'intérêt que nous
portons à l'adoption de ce texte, que nous voterons.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Monsieur le président, mes chers collègues, je souhaiterais dire quelques mots
à la suite de l'intervention de notre collègue Paul Girod.
Après les informations que nous avons lues dans la presse concernant
l'élimination des déchets nucléaires, j'aimerais, à mon tour, rappeler ce
qu'est, en l'occurrence, la loi de la République, à savoir la « loi Bataille »,
du nom d'un député socialiste. Celle-ci prévoyait trois types de traitement des
déchets nucléaires : l'enfouissement à grande profondeur, le traitement par la
filière Superphénix - qui a donné lieu au rapport Curien - et le stockage sur
les sites nucléaires, qui était considéré comme une fuite en avant, comme une
absence de prise de décision revenant à confier les véritables décisions aux
générations futures.
Voilà quelques semaines, nous avons auditionné la commission mise en place par
le gouvernement précédent et confortée par le présent gouvernement concernant
l'étude sur les trois sites retenus.
Cette commission, composée de scientifiques de très haut niveau qui ne sont
contestés par personne a - je peux le dire, puisque ses conclusions sont parues
dans la presse, qui est au courant de tout, et je ne suis donc plus tenu par le
secret de nos délibérations - éliminé l'un des sites.
Les deux autres sites d'enfouissement profond se trouvent dans des
départements différents, mais les sols y sont argileux. Nous lisons, depuis la
semaine dernière, que pour conforter, ou plutôt pour stabiliser la majorité
plurielle - pour être tout à fait franc, il s'agit d'éviter que Mme Voynet
avoue devant ses troupes qu'elle n'a rien fait - on essaie, après avoir décidé
d'arrêter Superphénix, de renoncer à l'enfouissement à grande profondeur sur
les trois sites étudiés, dont deux paraissent pourtant convenir. Par
conséquent, on préconise la solution que les écologistes français n'avaient
cessé de fustiger, c'est-à-dire celle que les Américains avaient retenue, dans
un pays où les déserts sont, on le sait, très étendus, ce qui n'est pas le cas
en France.
Pour ma part, je souhaite que, compte tenu des éléments nouveaux qui sont
parus dans la presse la semaine dernière, la commission d'enquête tâche de
faire apparaître quelle est la politique du Gouvernement en matière de
traitement des déchets nucléaires. Si vraiment il s'agit d'une absence de
décision, ce qui serait une scandaleuse fuite en avant, un refus de prise de
responsabilité,...
M. William Chervy.
C'est faux !
M. Charles Descours.
...nous devrons le dire au pays, afin de faire ressortir les prises de
position de ceux qui sont au Gouvernement aujourd'hui et qui, autrefois, se
posaient en force de contestation.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique
. - Conformément à l'article 11 du règlement du Sénat,
il est créé une commission d'enquête de vingt et un membres, afin de recueillir
les éléments relatifs aux conditions d'élaboration de la politique énergétique
de la France et aux conséquences économiques, sociales et financières des choix
effectués. »
Je vais mettre aux voix l'article unique de la proposition de résolution.
M. Paul Girod.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
L'article unique, dans sa rédaction actuelle, permet-il de pousser les
investigations aussi loin que M. Descours et moi-même le souhaitons, s'agissant
de l'application réelle des trois voies qui avait été décidée par la loi de
1991 ? M. Descours a d'ailleurs eu raison de souligner que le gouvernement qui
l'avait proposée, poussée et fait voter n'était pas précisément un gouvernement
pour lequel nous avions, l'un et l'autre, forcément les yeux de Chimène.
Si cela ne figure pas à l'intérieur de la mission de la commission d'enquête,
je le dis très franchement : je m'abstiendrai.
M. Charles Descours.
On peut proposer un amendement !
M. Henri Revol,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol,
rapporteur.
Je peux rassurer M. Paul Girod - les éléments figurent
d'ailleurs de manière détaillée dans le rapport écrit - la commission d'enquête
peut examiner tous les chemins possibles...
MM. Jacques Valade et Charles Descours.
Très bien !
M. Henri Revol,
rapporteur.
... qui conduisent à la définition de la politique
énergétique française, je dis bien : « tous les chemins possibles ».
M. Paul Girod.
Y compris les voies législatives !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique de la proposition de résolution.
M. Claude Estier.
Le groupe socialiste s'abstient.
(La proposition de résolution est adoptée.)
4
FONCTIONNEMENT
DES CONSEILS RÉGIONAUX
Discussion d'une proposition de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 27,
1997-1998), adoptée par l'Assemblée nationale, relative au fonctionnement des
conseils régionaux.
Demande de levée de séance
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
M. le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, je veux faire part au Sénat de l'embarras de la commission et
de la difficulté devant laquelle elle se trouve placée : compte tenu de son
important calendrier, il ne lui a pas été possible, jusqu'à ce jour, d'étudier
comme elle le mérite la proposition de loi relative au fonctionnement des
conseils généraux que lui a transmise l'Assemblée nationale.
Nous ne sommes donc pas, pour l'heure, en état de rapporter.Au demeurant, même
si nous l'avions pu, les conditions dans lesquelles nous aurions été amenés à
étudier ce texte eussent été un peu singulières puisque nous aurions dû,
immédiatement après nos travaux, publier un rapport dont nos collègues
n'auraient sans doute pas eu le temps de prendre connaissance, ce qui aurait
été regrettable compte tenu de l'importance que tout le monde, je crois,
attache à cette question.
Dans ces conditions, je demande, monsieur le président, le report de la
présente discussion, afin que la commission puisse se réunir. Comme celle-ci
doit examiner cet après-midi les différents fascicules budgétaires et que, de
surcroît, je dois présider aujourd'hui une commission
ad hoc
- vous en
connaissez l'objet - que, par ailleurs, le rapporteur de la présente
proposition de loi est membre de cette commission
ad hoc
et que nous
sommes tenus de respecter des délais absolument impératifs, je ne puis réunir
la commission des lois avant demain matin. Le Gouvernement voudra sans doute
comprendre notre position !
De plus, sans vouloir être discourtois en cet instant, je m'étonne quelque peu
de l'absence au banc du Gouvernement de M. le ministre de l'intérieur. Il a
certainement des obligations impérieuses à remplir : nous en avons tous, et je
suis moi-même en train de vous exposer les nôtres. Mais peut-être aurait-il été
possible que M. Chevènement vienne quand même exposer au Sénat le point de vue
du Gouvernement sur ce texte !
Cela étant, monsieur le ministre, vous êtes parfaitement qualifié pour le
faire, cela va de soi, comme le ferait tout membre du Gouvernement. N'est-ce
pas, d'ailleurs, M. Queyranne qui défendra demain cette proposition de loi
devant nous ? Nous l'entendrons, quoi qu'il en soit, avec le plus grand
intérêt.
Je renouvelle donc, monsieur le président, ma demande de renvoi de la présente
discussion, et je souhaite qu'elle soit soumise immédiatement au vote du
Sénat.
M. le président.
Si je vous ai bien compris, monsieur Larché, ni la commission ni son
rapporteur ne sont prêts à rapporter la présente proposition de loi.
A quelle heure, selon vous, pourrions-nous reprendre nos travaux demain matin
?
M. Paul Girod,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je ne peux présumer du temps que durera le débat en
commission, monsieur le président, mais il s'agit d'un texte important et
relativement complexe, qui pose toute une série de questions de principe tout à
fait inattendues par rapport au fonctionnement régulier des assemblées
délibérantes - quelles qu'elles soient - depuis la fondation de la
République.
M. le président.
Pourrions-nous ouvrir la séance de demain à dix-heures trente, monsieur Larché
?
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je préférerais onze heures, monsieur le
président, me réservant la possibilité de vous faire savoir quand la commission
sera vraiment prête.
M. le président.
Le Gouvernement est-il sensible aux arguments développés par M. le président
de la commission des lois ?
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est toujours sensible !
Néanmoins, permettez-moi quelques observations.
Tout d'abord, je tiens à dire que M. le ministre de l'intérieur s'intéresse
beaucoup à ce texte, comme d'ailleurs l'ensemble du Gouvernement. Il l'a
défendu à l'Assemblée nationale, même s'il est vrai que, en raison, notamment,
de ses contraintes de l'époque, c'est moi qui ai soutenu la position du
Gouvernement au moment de la discussion des articles. Aujourd'hui, pour des
raisons analogues, j'ai été délégué pour venir défendre devant la Haute
Assemblée la position du Gouvernement par rapport à cette proposition de loi,
et c'est sans doute M. Queyranne qui sera présent demain, puisque je dois
moi-même assister à des obsèques dont vous connaissez la nature.
Cela étant, j'en viens au fond : votre commission des lois estime ne pas être
en mesure de vous présenter un rapport et considère qu'elle n'a pas disposé
d'un délai suffisant pour examiner cette proposition de loi.
Je rappelle que ce texte est issu d'une proposition de loi déposée par M.
Ayrault et les membres du groupe socialiste de l'Assemblée nationale le 11
septembre 1997. Par ailleurs, MM. Mazeaud et Pandraud avaient eux-mêmes déposé,
dès le 23 juillet 1997, une autre proposition de loi qui tendait aux mêmes fins
: il s'agissait de faciliter le bon fonctionnement des assemblées régionales.
Ces propositions, ainsi que celles de M. Blanc, du 11 septembre, et de Mme
Aubert, du 30 septembre, ont été discutées au Palais-Bourbon et adoptées en
séance publique le 9 octobre, soit un mois et dix jours avant leur inscription
à l'ordre du jour du Sénat.
Cette inscription à l'ordre du jour a été évoquée oralement lors de la
conférence des présidents du 28 octobre et elle a été demandée par le
Gouvernement le 4 novembre, soit trois semaines avant la séance publique, selon
le calendrier habituel. Les prescriptions de l'article 29-3 du règlement du
Sénat ont donc été scrupuleusement respectées par le Gouvernement.
Je ferai par ailleurs remarquer que l'ordre du jour prévisionnel du Sénat,
publié au
Journal officiel
du 24 septembre, annonçait la discussion de
ce texte dès la deuxième quinzaine d'octobre.
On peut évidemment toujours reprocher au Gouvernement de ne pas avoir inscrit
ce texte suffisamment tôt à l'ordre du jour. En même temps, l'agenda de la
Haute Assemblée n'a en rien été brusqué par cette inscription !
Le débat de cet après-midi va donc se dérouler sans qu'un rapport écrit ait
été distribué. Exceptionnelle, cette procédure n'en est pas moins conforme à la
Constitution. Le Conseil constitutionnel a en effet considéré, dans ses
décisions des 10 et 11 octobre 1984, que l'absence de rapport n'empêchait pas
l'ouverture de la discussion législative. Sinon, ce serait reconnaître aux
commissions un droit de veto sur l'ordre du jour prioritaire du Gouvernement,
établi en vertu de l'article 48, premier alinéa, de la Constitution.
Cette proposition de loi a commencé à être examinée par les membres de la
commission des lois.
Quoi qu'il en soit, si un blocage devait avoir lieu et si la discussion ne
pouvait s'engager, peut-être faudrait-il envisager - ce que le Gouvernement
s'apprête à faire - le renvoi de ce texte à la commission pour que cette
dernière puisse rendre ses conclusions dès aujourd'hui.
Je laisse cela à l'appréciation de la présidence et de M. le président de la
commission des lois : il me semble quand même nécessaire d'examiner dans les
meilleurs délais ce texte important qui concerne les collectivités locales,
institutions de la République, et leur fonctionnement. De plus, cette
proposition de loi a été adoptée très largement à l'Assemblée nationale, bien
au-delà des rangs de la majorité qui soutient le Gouvernement.
Pour toutes ces raisons, il me semble nécessaire d'engager le plus tôt
possible - c'est-à-dire dès aujourd'hui - la discussion générale, avant de
poursuivre, éventuellement, demain, la discussion des articles, de manière que
le Sénat puisse délibérer sur ce texte d'initiative parlementaire.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Monsieur le ministre, puisque vous vous êtes tourné vers la présidence,
permettez-moi de vous dire que la demande exprimée par le président de la
commission des lois n'a pas du tout pour objet de porter atteinte à l'ordre du
jour prioritaire !
Je vais donc à présent mettre aux voix la demande formulée par M. le président
de la commission des lois.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon une
expression devenue célèbre, lorsqu'il y a une volonté il y a un chemin ; mais,
lorsqu'il n'y a pas de volonté ou lorsqu'il y a mauvaise volonté, il n'y a plus
de voie possible, ni même d'impasse.
Voilà plus de vingt jours que nous savions - il suffisait de lire les
conclusions de la conférence des présidents - que cette proposition de loi
devait venir en discussion en séance publique aujourd'hui et demain matin, tant
et si bien que la commission des lois a désigné, voilà une vingtaine de jours,
son rapporteur, notre collègue Paul Girod.
Vingt jours pour établir un rapport, alors que l'on connaissait la date de
l'inscription du texte en séance publique, cela peut être court, mais cela peut
aussi être long. Cela peut être court si j'en crois ce que vient de nous dire
Paul Girod sur la complexité de ce texte. Mais, alors qu'il n'a pas eu le
temps, en vingt jours, de rédiger son rapport, voilà qu'en l'espace d'une nuit
il va devoir le faire ? La nuit est parfois longue, certes, mais comment
comprendre cette incohérence ?
Constitutionnellement, nous pourrions tout à fait engager la discussion
générale, même en l'absence de rapport écrit, mais je constate que nous
n'allons vraisemblablement pas le faire.
Mes chers collègues, nous nous plaignons souvent, et à juste titre, de nos
méthodes de travail. Ne soyons pas nous-mêmes complices ou acteurs de ces
mauvaises méthodes de travail ! En effet, même si la commission des lois se
réunit demain matin, comme le suggère son président, nous n'aurons pas de
rapport écrit au moment où s'ouvrira la séance publique.
Allons-nous délibérer sans connaître le rapport écrit ? Comment ceux de nos
collègues qui le désirent pourront-ils intervenir s'ils ne connaissent pas les
intentions du rapporteur, et encore moins celles de la commission des lois ? A
quel moment allons-nous déposer des amendements, puisque c'est demain seulement
que nous commencerons la discussion générale ? Par ailleurs, nous sommes tenus
par un calendrier très serré puisque, demain, à seize heures, débutera l'examen
du projet de loi de finances pour 1998.
Ce sont donc de très mauvaises méthodes de travail qui nous sont proposées et
c'est la première fois que vous m'entendez protester contre de telles méthodes
puisque, jusqu'à présent, nous nous en accommodions plus ou moins bien. Mais
là, il y a vraiment une mauvaise volonté !
Au demeurant, je ne comprends pas les arguments qui sont avancés ici ou là,
sauf peut-être s'il s'agit de masquer une division au sein de la majorité
sénatoriale.
M. Henri de Raincourt.
Mais non !
M. Jean-Claude Carle.
N'ayez crainte !
M. Claude Estier.
Il a raison !
M. Guy Allouche.
Nous verrons, mes chers collègues : nous avons suivi les travaux de
l'Assemblée nationale...
M. Henri de Raincourt.
Nous sommes bien meilleurs !
M. Guy Allouche.
... et nous verrons ce que vous ferez lorsque le texte viendra enfin en
discussion dans cet hémicycle.
Pour notre part, nous ne pouvons que regretter les conditions dans lesquelles
nous sommes appelés à travailler et il va sans dire que nous ne pouvons pas
accéder à la demande qui est formulée par M. le président de la commission des
lois. L'inscription du présent texte étant prévue à l'ordre du jour depuis
longtemps, nous avions largement le temps de nous y préparer.
Je veux ajouter que la commission des lois aurait pu se réunir plus tôt.
Certes, elle est actuellement très occupée par les avis budgétaires. Je fais
néanmoins remarquer que, la semaine dernière, compte tenu de l'organisation des
travaux du Sénat, la commission des lois aurait pu se réunir mercredi ou jeudi
pour traiter de cette question et inviter M. le rapporteur à faire un
effort.
Tel n'a pas été le cas. La commission ne s'est pas réunie la semaine dernière
et, aujourd'hui, on prétexte le manque de temps !
Mes chers collègues, j'ai la faiblesse de penser que c'est vraiment une
question de mauvaise volonté. C'est la raison pour laquelle je ne peux accéder
à la demande formulée par M. le président de la commission des lois.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Très honnêtement, je vais m'abstenir, et ce parce que j'ai
été mis directement en cause et parce que cela fait partie de ces événements
qui, dans la vie d'un parlementaire, sont plutôt difficiles à supporter.
Permettez-moi de rappeler les dates. Effectivement, monsieur le ministre, le 9
octobre sont publiées au
Journal officiel
les intentions du Gouvernement
pour ce qui concerne la seconde quinzaine du mois d'octobre. Peut-être suis-je
totalement sourd, mais je n'ai aucun souvenir qu'ait été évoquée cette affaire
lors de la conférence des présidents du 28 octobre. En revanche, elle l'a été
le 4 novembre. Toutefois, mes chers collègues, la semaine du 4 novembre précède
celle du 11 novembre, semaine peu productive s'il en est ! Je n'ai donc pu
avoir de contact avec le Gouvernement que le jeudi 13 novembre, au matin, au
cours d'une audition, d'ailleurs longue et riche. Cela m'a permis de demander
un certain nombre de documents et de précisions dont d'aucuns pourraient penser
qu'ils ne sont pas fondamentaux mais qui, pour le rapporteur, peuvent avoir
leur importance, et dont je ne dispose toujours pas, d'ailleurs.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Voilà pour la chronologie !
M. Henri de Raincourt.
C'est clair !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Sur le fond, je suis parfaitement prêt à rapporter devant la
commission, mais son ordre du jour était tel ce matin que je n'ai pas pu
présenter mon rapport. Donc, par définition, il n'y a pas de rapport de la
commission. Telle est la situation.
Parce que j'ai été mis en cause, je le répète, je m'abstiendrai. Cependant, si
M. Jacques Larché, qui préside la commission des lois avec beaucoup de
pugnacité, de courage, de persévérance et de volonté, devait lui aussi être
l'objet d'un procès d'intention, alors je voterais !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. Pierre Fauchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
J'interviens à mon tour dans ce débat parce que je le trouve, en vérité,
extraordinairement surprenant.
Si l'on en croit les propos de notre collègue M. Allouche, et je suis toujours
enclin à les trouver fondés, finalement, ce serait la commission des lois qui
aurait refusé de faire son travail et qui n'aurait pas traité cette affaire
comme elle l'aurait dû.
Mais enfin, de quoi s'agit-il ? Il s'agit des élections régionales. Il s'agit,
si je comprends bien, de rendre en quelque sorte les régions gérables, de tirer
les leçons des conséquences désastreuses du mode de scrutin actuel et d'essayer
d'y remédier pour l'avenir.
Le problème est donc grave, car le fonctionnement des régions dans notre pays
est une question qui, au-delà de nous-mêmes, intéresse tous les responsables
des régions de France.
Je suis de ceux qui pensent qu'il fallait avoir le courage - si du moins il
fallait du courage pour cela, mais ni l'ancien gouvernement ni le nouveau n'ont
cru en avoir assez - de réformer le mode de scrutin de manière qu'il soit enfin
conforme à l'idée que l'on peut s'en faire dans une démocratie, c'est-à-dire un
mode de scrutin où l'on sait pour qui l'on vote et comment on vote.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Claude Estier.
Vous applaudissez, mais vous n'avez pas voulu le faire !
M. Jean Chérioux.
Nous sommes en démocratie et nous avons le droit d'applaudir quand nous le
voulons !
M. Pierre Fauchon.
Vous non plus, vous n'avez pas voulu le faire : nous n'avons pas de quoi être
plus fiers les uns que les autres !
Pourtant, vous aviez le temps.
M. Guy Allouche.
Ce que vous n'avez pas fait en quatre ans, vous vouliez qu'on le fasse en un
mois ?
M. le président.
La parole est à M. Fauchon, et à lui seul.
M. Pierre Fauchon.
L'étalage de vos capacités est tel que nous n'aurions pas été surpris que vous
y parveniez en un mois et l'autosatisfaction dont vous faites preuve à tout
propos, et parfois hors de propos, donne à penser que vous auriez pu y arriver
en aussi peu de temps. Voilà pourquoi je suis étonné que vous ne l'ayiez pas
fait !
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
Que n'auriez-vous dit si l'on avait modifié le mode de scrutin à la veille
d'une élection !
M. Pierre Fauchon.
Un peu d'humour, cher ami ! On peut tout de même avoir un peu d'humour.
(M. Guy Allouche opine.)
Quoi qu'il en soit, comme on n'a pas été capable de résoudre ce problème
de la seule façon possible, et de faire fonctionner la démocratie comme elle
doit fonctionner, afin que les électeurs sachent pour qui ils votent et qui ils
veulent à la tête de leur région - c'est tout de même cela la démocratie - on
invente un « machin » extraordinaire, une nouveauté dans notre droit, et qui se
compose d'ailleurs de plusieurs volets.
Tout d'abord, les délégations sont annoncées d'avance par le candidat à la
présidence. J'en conclus que celui-ci est lié par ces délégations. On va donc
élire une équipe, et, puisque l'on ne peut pas retirer par la suite les
délégations, on aura ainsi institué la collégialité à la tête des régions.
Excusez-moi du peu, mais cela paraît assez extraordinaire, surtout sous la Ve
République. C'est tout de même énorme !
Mais le deuxième volet, qui concerne les budgets, est non moins fantastique.
Quelques cerveaux particulièrement féconds - je ne dis pas fumeux
(Sourires) -
se sont penchés sur la question pour aboutir à cette
solution extraordinaire selon laquelle, si un budget n'est pas adopté, une
majorité se constitue pour signer un nouveau budget et probablement pour le
voter. Et encore n'est-on même pas sûr que ses signataires soient encore
décidés à le voter le lendemain ou quelques jours plus tard !
Moyennant quoi, ou bien le président reste en fonction, ou bien, dans l'idée
des auteurs, il doit partir. Et l'on introduit là dans nos institutions une
autre innovation absolument incroyable, étrangère à nos habitudes et dont il
nous est bien difficile de mesurer les implications et les conséquences.
On nous dit : « Tout cela, il nous a plu de le rédiger un beau jour. Vous avez
un mois pour vous en occuper et donner votre avis. » Et nous bouleverserions la
vie des régions françaises, comme cela, en un mois ? Eh bien non, monsieur le
ministre, non, non et non !
La commission des lois est là pour vous dire qu'on ne prend pas des mesures
aussi graves, d'une aussi grande portée et aussi novatrices sans une réflexion
mûrie, sans les consultations préalables qui s'imposent. Que diable ! On est
hostile au cumul des mandats ? Soit ! Mais figurez-vous qu'un certain nombre
d'entre nous ont renoncé à leur mandat de conseiller régional et ne savent plus
très bien où en sont les régions. Ils ont besoin d'entendre et de consulter
leurs collègues élus des régions pour savoir ce qu'ils pensent sur une question
aussi grave.
M. Claude Estier.
Croyez-vous que vous pourrez le faire d'ici à demain matin ?
M. Pierre Fauchon.
Non, mon cher collègue, mais je réponds ici à l'accusation de lenteur adressée
à la commission des lois !
Tout cela n'est pas sérieux. Ce qu'il faut incriminer, c'est la précipitation
qui entoure cette affaire, précipitation dont on se demande d'ailleurs quelles
sont les arrière-pensées.
(Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Car
je ne pense pas qu'il y ait seulement des pensées dans cette affaire. Pour
décider aussi rapidement une telle transformation de nos habitudes, du
fonctionnement même de nos pouvoirs publics, il faut qu'il y ait des
arrière-pensées ! J'aimerais bien les connaître car, dans mon innocence, j'ai
du mal à seulement les imaginer.
M. le président.
Monsieur Fauchon, je vous remercie de conclure !
M. Pierre Fauchon.
Je conclus qu'on n'a pas le droit, dans une situation comme celle-là,
d'accuser le Sénat, et encore moins sa commission des lois, de lenteur, alors
que nous ne demandons qu'à réfléchir.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur Fauchon, je ne vois
pas au nom de quoi il serait proposé de légiférer sur des arrière-pensées. Ou
alors, on pourrait toujours s'interroger sur le point de savoir où sont les
arrière-pensées !
Lorsque MM. Mazeaud et Pandraud ainsi que M. Ayrault ont proposé à l'Assemblée
nationale de légiférer, avaient-ils des arrière-pensées ? Je ne le pense
pas.
M. Jean Chérioux.
C'est trop gentil à vous !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
On peut, certes, toujours
s'interroger sur les arrière-pensées de ceux qui refusent les propositions de
MM. Pandraud, Mazeaud et Ayrault ! Mais tel n'est pas l'objet de notre
discussion.
Le Gouvernement n'a pas souhaité changer le mode de scrutin régional six mois
avant les élections. C'est une bonne décision. Si nous ne l'avions pas prise,
nous aurions naturellement été critiqués.
M. Guy Allouche.
C'est évident !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Je ne pense donc pas que la
critique vaille de ce point de vue.
Cette proposition de loi, émanant de députés, a été adoptée par l'Assemblée
nationale après un large débat. Et le sujet est loin d'être futile, car il
s'agit du fonctionnement des conseils régionaux. Comprenez alors ma surprise
aujourd'hui.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Certes !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
N'est-ce pas la vocation
première, naturelle et originelle du Sénat, qui assure la représentation des
collectivités territoriales de la République, que de débattre d'un texte
relatif au fonctionnement des collectivités locales en étant parfaitement
informé par un débat préalable en commission ? Car je sais, mesdames, messieurs
les sénateurs, que vous êtes totalement informés de la situation des régions et
de l'objet de cette proposition de loi.
M. Jean-Pierre Raffarin.
C'est plutôt compliqué !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
De toute façon, levée de séance
ou pas, la discussion se fera sur la base d'un rapport oral ; c'est évident,
compte tenu des délais qui sont devant vous et devans nous.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ainsi, vous aurez une mauvaise loi de plus !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
J'ai saisi M. le président
conformément à l'article 44-5 du règlement du Sénat, d'une motion tendant au
renvoi du texte à la commission des lois. Par conséquent, je pense que cette
motion de renvoi doit être mise au voix avant même toute autre délibération.
En fonction de ce qui sera décidé par le Sénat, nous verrons comment les uns
et les autres envisagent la discussion. Si le renvoi en commission était
refusé, il y aurait lieu alors d'apprécier les intentions de chacun.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je ne m'attendais pas du tout à ce que la
discussion sur un problème aussi simple prenne le tour qu'elle a pris et ce, en
partie de votre responsabilité, monsieur le ministre. Je ne vois pas ici la
moindre mauvaise intention. Simplement, ce texte est grave et important ; il
transpose un mécanisme purement institutionnel et politique dans le cadre d'une
structure de nature administrative et l'on ne voit pas très bien quelles
techniques juridiques le justifient.
Vous ne connaissez peut-être pas suffisamment la commission des lois, monsieur
le ministre, mais nous avons l'habitude de faire notre travail de manière
sérieuse et approfondie, suivant les modalités qui nous paraissent normales et
conformes aux intérêts que les auteurs que vous avez cités en référence ont eu
sans doute la volonté de promouvoir et de défendre.
La commission entend donc faire son travail, et elle le fera dans les
conditions que j'ai indiquées. C'est pourquoi j'ai souhaité, et cette démarche
a d'ailleurs la priorité, que le Sénat décide la levée de la séance.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?....
Je mets aux voix la proposition de levée de la séance formulée par M. le
président de la commission des lois.
(La proposition est adoptée.)
M. le président.
En conséquence, nous allons interrompre nos travaux et la suite de la
discussion est renvoyée à demain matin, onze heures.
5
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement CE du Conseil portant adoption de mesures autonomes
et transitoires pour des accords de libre-échange avec la Lituanie, la Lettonie
et l'Estonie concernant certains produits agricoles transformés.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sour le numéro E-959 et
distribuée.
6
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Patrice Gélard un rapport fait au nom de la commission prévue
par l'article 105 du règlement sur la proposition de résolution de M. Michel
Charasse tendant à requérir la suspension des poursuites engagées contre M.
Michel Charasse, sénateur du Puy-de-Dôme (n° 15, 1997-1998).
Ce rapport sera imprimé sous le numéro 83 et distribué.
7
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au jeudi 20 novembre 1997 :
A onze heures :
1. - Suite de la discussion de la proposition de loi (n° 27, 1997-1998),
adoptée par l'Assemblée nationale, relative au fonctionnement des conseils
régionaux.
M. Paul Girod, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale.
A seize heures et le soir :
2. - Nomination des membres de la commission d'enquête chargée de recueillir
les éléments relatifs aux conditions d'élaboration de la politique énergétique
de la France et aux conséquences économiques, sociales et financières des choix
effectués.
3. - Discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée
nationale (n°s 84 et 85, 1997-1998).
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Discussion générale.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus
recevable.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie
du projet de loi de finances pour 1998 : jeudi 20 novembre 1997, à seize
heures.
Personne ne demande la parole ? ...
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures quarante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR
Conformément aux articles LO 325 et LO 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article LO 319 du code électoral, M. Bernard Fournier est appelé à remplacer, en qualité de sénateur de la Loire, M. François Mathieu, décédé le 18 novembre 1997.
MODIFICATIONS AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE SOCIALISTE
(72 membres au lieu de 71)
Ajouter le nom de M. Jacques Bellanger.
RÉUNION ADMINISTRATIVE DES SÉNATEURS
NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE
(10 au lieu de 9)
Ajouter le nom de M. Bernard Fournier.
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES FINANCES
M. René Ballayer a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 345
(1996-1997) de M. Bernard Plasait tendant à relever le seuil d'exonération de
la taxe sur les achats de viandes à laquelle sont assujettis les
charcutiers-traiteurs et les bouchers détaillants.
M. Alain Lambert a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 409
(1996-1997) de M. Gérard Braun étendant l'utilisation des droits aux prêts des
plans d'épargne logement (PEL) et des comptes d'épargne logement (CEL) à
l'achat de mobilier et de véhicule automobile neufs.
M. Alain Lambert a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 66
(1997-1998) de Mme Marie-Claude Beaudeau et des membres du groupe communiste
républicain et citoyen relative à la taxation des mouvements de capitaux.
M. Philippe Marini a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n°
75 (1997-1998) de M. Maurice Blin et plusieurs de ses collègues tendant à créer
une commission d'enquête sur les conséquences pour l'économie française de la
réduction de la durée du travail à trente-cinq heures hebdomadaires.
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL,
DU RÈGLEMENT ETD'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. André Bohl a été désigné rapporteur de la proposition de résolution n° 61
(1997-1998) de M. Maurice Blin et de plusieurs de ses collègues tendant à créer
une commission d'enquête chargée d'examiner le devenir des grands projets
d'infrastructures terrestres d'aménagement du territoire, dans une perspective
de développement et d'insertion dans l'Union européenne (dont la commission des
affaires économiques est saisie au fond).
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Grille indiciaire de l'enseignement
120.
- 14 novembre 1997. -
M. Sosefo Makapé Papilio
attire l'attention de
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie
sur la situation paradoxale de trois enseignantes titulaires, employées au
service de l'enseignement catholique de son territoire. Il lui expose que ces
trois enseignantes furent tout d'abord classées dans la 3e catégorie, dite
catégorie des BE-CEAP. Il lui précise qu'en 1996 elles subirent toutes trois
avec succès les épreuves du CAP et furent donc reclassées automatiquement dans
la 5e catégorie, dite catégorie des CAP, dès le jour de la rentrée scolaire de
l'année suivante, c'est-à-dire le 19 février 1997. Jusqu'à cette date, le
déroulement de carrière de ces trois enseignantes ne posait aucun problème ni
statutairement ni financièrement parlant. Cependant, neuf jours plus tard, le
28 février 1997, fut signé l'avenant à la Convention de 1995, convention
régissant les rapports existant entre le Gouvernement de la République
française et l'enseignement primaire catholique du territoire des îles Wallis
et Futuna. Il lui rappelle que cet avenant comporte une nouvelle grille
indiciaire concernant les titulaires du CEAP. Il lui précise que les trois
enseignantes concernées, titulaires du CAP, en plus du CEAP, furent refusées à
un classement en CEAP nouvel indice plus avantageux, et ce pour un écart de
neuf jours seulement. D'où un sentiment d'injustice ressenti par les
intéressées. En conséquence, il lui demande de bien vouloir intervenir pour que
tous les titulaires du CAP et du CEAP, et pas uniquement les trois intéressées,
puissent bénéficier de la grille indiciaire la plus avantageuse les
concernant.
Tarif aérien sur la ligne Avignon-Paris
121.
- 17 novembre 1997. -
M. Alain Dufaut
attire l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur les préoccupations exprimées par les usagers de la ligne aérienne
Avignon-Paris, au regard du tarif élevé pratiqué sur cette desserte régionale.
Un aller-retour Avignon-Paris, plein tarif, coûte en effet 2 354 francs, alors
que le même billet sur la ligne Marseille-Paris revient à 2 050 francs, soit
environ 15 % de moins pour une distance pourtant supérieure. La longueur
insuffisante de la piste de l'aéroport Avignon-Caumont nécessitait jusqu'à
présent l'octroi d'une dérogation pour l'atterrissage de certains appareils,
justifiant ainsi le maintien d'un tarif plus élevé. Cette particularité
n'existe désormais plus, puisque des travaux pour allonger la piste de 200
mètres ont été réalisés récemment. C'est donc à bon droit que les collectivités
locales et la chambre de commerce et d'industrie d'Avignon et du Vaucluse, dont
l'effort financier pour mettre en oeuvre ces travaux s'est révélé considérable,
souhaitent ardemment que celui-ci se traduise par une baisse conséquente des
tarifs au profit des usagers de la ligne. Compte tenu, par ailleurs, du rôle
joué par cette desserte en matière d'aménagement du territoire, et d'autant
plus que celle-ci s'avère rentable, il souhaite son intervention en faveur
d'une baisse de tarif de la liaison Avignon-Paris. Aussi, il lui demande quelle
est sa réaction face à cette requête et s'il envisage de prendre des mesures en
ce sens.
Avenir des sapeurs-pompiers
122. - 17 novembre 1997. - M. Alain Dufaut attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les légitimes préoccupations exprimées par les sapeurs-pompiers ainsi que par les élus locaux face aux menaces planant sur l'application des deux lois n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours et n° 96-370 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers. Les propositions présentées par le Gouvernement à l'occasion de la dernière réunion du conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le 15 octobre dernier, au cours de laquelle celui-ci a émis un avis défavorable sur quatre projets de décrets relatifs aux pompiers (organisation des services d'incendie et de secours, amélioration statutaire, régime indemnitaire et régime de travail des sapeurs-pompiers professionnels), provoquent la colère des intéressés, qui insistent sur la nécessité de favoriser la mise en cohérence de l'organisation et du fonctionnement du service public d'incendie et de secours, objectif majeur de la réforme engagée en 1996. Ayant pris acte de sa volonté, exprimée le 4 novembre dernier dans le cadre d'une séance de questions d'actualité à l'Assemblée nationale, de mener à bien cette réforme, fruit d'un important travail de concertation ayant abouti à un compromis accepté par l'ensemble des parties, il lui demande de bien vouloir lui préciser ses intentions concernant le règlement de ce dossier.