SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Questions orales
(p.
1
).
SIMPLIFICATION ADMINISTRATIVE
ET RÉFORME DE L'ÉTAT (p.
2
)
Question de M. Jean-Paul Amoudry. - M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
PRIME DE FIN D'ANNÉE AUX AGENTS TITULAIRES
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES (p.
3
)
Question de M. Francis Grignon. - M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
TAUX DE TVA APPLICABLES À LA RESTAURATION (p. 4 )
Question de M. Bernard Dussaut. - MM. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Bernard Dussaut.
EMPLOI DES JEUNES À L'ÉTRANGER (p. 5 )
Question de M. Hubert Durand-Chastel. - MM. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Hubert Durand-Chastel.
RÉFORME DES FONDS STRUCTURELS EUROPÉENS (p. 6 )
Question de M. Jean-Pierre Raffarin. - MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes : Jean-Pierre Raffarin.
CONDITIONS DE TRANSPOSITION EN DROIT INTERNE
D'UNE DIRECTIVE EUROPÉENNE (p.
7
)
Question de M. Serge Vinçon. - M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.
RÉAMÉNAGEMENT DE LA RN 102 (p. 8 )
Question de M. Andrien Gouteyron. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Adrien Gouteyron.
POLITIQUE AUTOROUTIÈRE (p. 9 )
Question de M. Jacques Oudin. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Jacques Oudin.
TRACÉ DE L'AUTOROUTE A 51 GRENOBLE-SISTERON (p. 10 )
Question de M. Jean Boyer. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Jean Boyer.
CONSTRUCTION DE L'AUTOROUTE A 51 (p. 11 )
Question de M. Fernand Tardy. - MM. Jean-ClaudeGayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Fernand Tardy.
AVENIR DU TRANSPORT ROUTIER (p. 12 )
Question de M. Gérard Roujas. - M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.
DISTRIBUTION DES PRODUITS D'ASSURANCE DOMMAGES (p. 13 )
Question de M. Claude Huriet. - MM. Jean-ClaudeGayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Claude Huriet.
LUTTE CONTRE LES RECOURS ABUSIFS
EN MATIÈRE D'URBANISME (p.
14
)
Question de M. Jean-Marie Poirier. - Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Jean-Marie Poirier.
RÉCUPÉRATION DE LA TVA SUR LES INVESTISSEMENTS RELATIFS
AU TRAITEMENT DES ORDURES MÉNAGÈRES (p.
15
)
Question de M. Philippe Marini. - MM. Jean-PierreChevènement, ministre de l'intérieur ; Philippe Marini.
AVENIR TOURISTIQUE ET ÉCONOMIQUE
DES ZONES HORS PRIME
À L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (p.
16
)
Question de M. Jacques de Menou. - MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ; Jacques de Menou.
CONDITIONS D'ATTRIBUTION
DES PENSIONS DE RÉVERSION (p.
17
)
Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Mme Marie-Claude Beaudeau.
PRÉVENTION DES ACCIDENTS LIÉS AUX MÉDICAMENTS (p. 18 )
Question de M. Franck Sérusclat. - MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Franck Sérusclat.
SITUATION DES RETRAITÉS AGRICOLES (p. 19 )
Question de M. Philippe Madrelle. - MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Philippe Madrelle.
Suspension et reprise de la séance (p. 20 )
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
3.
Décès d'un sénateur
(p.
21
).
4.
Démission d'un sénateur
(p.
22
).
5.
Remplacement d'un sénateur démissionnaire
(p.
23
).
6.
Conférence des présidents
(p.
24
).
7.
Financement de la sécurité sociale pour 1998.
- Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi (p.
25
).
Vote sur l'ensemble (p. 26 )
Mme Nicole Borvo, MM. Dominique Leclerc, François Lesein, Jacques Machet,
Claude Estier, Bernard Seillier, Jacques Habert, Adrien Gouteyron, Mme Joëlle
Dusseau, MM. Claude Huriet, Dominique Braye, Guy Cabanel, Alain Vasselle,
Jacques Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Charles
Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour les
équilibres financiers généraux et l'assurance maladie.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; MM. Bernard
Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Jean-Pierre Fourcade, président de la
commission des affaires sociales.
8.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
27
).
9.
Communication de l'adoption définitive de propositions d'acte communautaire
(p.
28
).
10.
Dépôt de propositions d'acte communautaire
(p.
29
).
11.
Ordre du jour
(p.
30
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
QUESTIONS ORALES
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.
SIMPLIFICATION ADMINISTRATIVE
ET RÉFORME DE L'ÉTAT
M. le président.
M. Jean-Paul Amoudry appelle l'attention de M. le ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur les intentions
du Gouvernement en matière de simplification administrative et de réforme de
l'Etat.
Il rappelle qu'en dépit des réformes entreprises depuis une vingtaine d'années
pour décentraliser et déconcentrer la prise de décision et améliorer les
relations entre le citoyen et l'administration, l'Etat conserve, dans notre
pays, la profonde empreinte de deux siècles de centralisation.
Or les innovations apparues en moins d'une décennie dans les techniques de
traitement de l'information et de télécommunications ont fait de la rapidité de
la décision un enjeu essentiel dans l'ensemble des sociétés occidentales.
Dans ce contexte, la complexité et la lenteur de nos procédures
administratives contrastent au point de devenir un facteur de dégradation des
relations entre le citoyen et l'administration et de contrainte pénalisante
pour les entreprises.
C'est pourquoi de nouvelles avancées dans la modernisation de notre système
administratif et de ses procédures de décision et l'allégement des contraintes
qui pèsent sur les particuliers et sur les entreprises s'imposent afin de
libérer notamment les initiatives propres à favoriser le développement
économique et l'emploi. L'Etat, pour sa part, gagnerait beaucoup en efficacité
par de nouvelles déconcentrations de ses procédures de décision.
Le précédent gouvernement avait, dans un objectif de simplification
administrative, élaboré un projet de loi voté en première lecture par
l'Assemblée nationale le 16 janvier 1997, puis le 24 février par le Sénat et,
en seconde lecture, le 27 mars dernier par les députés.
Le changement de majorité gouvernementale n'a pas permis l'adoption définitive
de ce texte en deuxième lecture au Sénat.
Aussi souhaiterait-il connaître ses intentions à l'égard des mesures contenues
dans ce projet de loi, plus particulièrement en matière de réforme de l'Etat.
(N° 86.)
La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry.
Monsieur le ministre, en dépit des réformes entreprises depuis une vingtaine
d'années pour décentraliser et déconcentrer la prise de décision et pour
améliorer les relations entre le citoyen et l'administration, l'Etat conserve,
dans notre pays, la profonde empreinte de deux siècles de centralisation.
Cette empreinte est notamment illustrée par la subsistance de plus de 4 000
régimes d'autorisation préalable !
Or les innovations apparues, en moins d'une décennie, dans les techniques de
traitement de l'information et de télécommunications ont fait de la rapidité de
la décision un enjeu essentiel des sociétés occidentales.
La complexité et la lenteur de nos procédures administratives contrastent donc
avec ce contexte de modernité et d'évolution rapide du monde actuel. Elles
constituent un élément de dégradation des relations entre le citoyen et
l'administration, et de pesanteur et de contrainte pour les entreprises.
La modernisation de notre système administratif et de ses procédures de
décision comme l'allégement des contraintes qui pèsent sur les particuliers et
sur les entreprises s'imposent à l'évidence. Ces mesures seraient
particulièrement opportunes et utiles pour libérer les initiatives propres à
favoriser le développement économique et l'emploi.
Le précédent gouvernement avait dans ce but élaboré un premier projet de
loi.
Ce texte, voté en première lecture par l'Assemblée nationale le 16 janvier
1997 puis le 24 février par le Sénat, fut adopté le 27 mars dernier par les
députés. Cependant, le changement de majorité gouvernementale n'a pas permis
son adoption définitive en deuxième lecture au Sénat.
Aussi, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître vos intentions à
l'égard des mesures contenues dans ce projet de loi qui, je le souligne, avait
suscité les attentes et les espoirs de nombre de nos concitoyens.
Je vous serais également reconnaissant de nous préciser les éventuels projets
en matière de réforme de l'Etat que vous envisagez de présenter au Parlement au
cours de la présente session parlementaire.
Je vous remercie des précisions que vous voudrez bien apporter sur ces deux
points.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Monsieur le sénateur, je sais quel a été votre rôle au
début de cette année dans la discussion du projet de loi visant à améliorer les
relations entre les administrations et le public.
Je sais également que la dernière version de ce texte devait beaucoup aux
améliorations que vous avez proposées lorsque vous en étiez le rapporteur.
Je tiens à vous dire que le Gouvernement partage, pour l'essentiel, les
préoccupations qui étaient les vôtres alors et les mesures contenues dans ce
projet de loi seront, sous réserve de quelques modifications, reprises dans le
nouveau projet de loi que M. le Premier ministre m'a demandé de préparer.
Ainsi, je reprendrai les dispositions tendant à moderniser et à accélérer la
prise de décision par les administrations.
Le volet consacré aux médiateurs sera renforcé par la mention de la médiation
locale et celui qui porte sur le développement des services publics de
proximité sera précisé pour mieux ancrer ces structures dans la sphère
publique.
Cependant, et c'est ce qui justifie également qu'un nouveau texte soit remis
sur le métier, je souhaite élargir ce texte à l'ensemble des droits des
citoyens dans leurs relations avec les administrations. J'ai décidé que ce
texte comportera des dispositions relatives à la transparence administrative et
à l'accès aux documents administratifs et aux archives, ainsi que toute une
série de mesures importantes de simplification des formalités pour les
citoyens.
A court terme, ce sont plus de 400 systèmes d'autorisations administratives
qui ont été ou qui devront être simplifiés voire supprimés, soit par décret -
un texte a déjà été pris - soit par la future loi.
A titre d'illustration, le ministère de l'agriculture et de la pêche va
supprimer 36 autorisations et en simplifier 65, le ministère de l'emploi et de
la solidarité va en supprimer 40 et en simplifier 65 et le ministère de
l'équipement va en supprimer 88 et en simplifier 103.
Parmi ces autorisations supprimées, je peux citer l'autorisation de
destruction d'animaux nuisibles dans les réserves de chasse, l'autorisation
préfectorale de contracter un emprunt pour les offices publics d'HLM,
l'autorisation des foires et salons, des cartes de VRP ou encore l'autorisation
d'exercer la profession d'opticien-lunetier.
J'ajoute que, dans le même esprit, dans la ligne de ce que doit être la
déconcentration, ce sont, au 1er janvier prochain, 600 décisions individuelles
qui pourront être prises au plan local, ce qui portera leur nombre de la moitié
aux trois quarts de l'ensemble de ces décisions. Il s'agit là d'un pas très
important.
Ce projet de loi sur lequel vous m'interrogez, monsieur le sénateur,
poursuivra l'oeuvre de simplification. Il devrait être déposé sur le bureau du
Parlement avant la fin du premier trimestre de l'année 1998.
PRIME DE FIN D'ANNÉE AUX AGENTS TITULAIRES
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
M. le président.
M. Francis Grignon attire l'attention de M. le ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur le problème du
versement d'un complément de rémunération sous forme de prime de fin d'année
aux agents titulaires des collectivités territoriales.
La plupart des communes du Bas-Rhin ont adhéré au groupement d'action sociale
du Bas-Rhin, le GAS, afin d'offrir à leurs agents des avantages donnés aux
adhérents du GAS, notamment le versement d'une prime de fin d'année.
Or il semble que seules les collectivités ayant institué un complément de
rémunération avant la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 peuvent effectuer les
versements correspondants, en application de l'alinéa 2 de l'article 111 de la
loi précitée.
Ainsi, de nombreuses communes rurales, qui ont adhéré au GAS après 1984, se
trouvent dans l'impossibilité d'accorder à leur personnel un avantage qui vient
en complément de rémunérations modestes. Or les agents concernés exercent leurs
fonctions le plus souvent dans des conditions difficiles, avec des
responsabilités plus importantes que dans les grandes collectivités.
Il lui demande ce qu'il entend faire afin de mettre un terme à une situation
qui pénalise fortement les communes et leurs personnels, en particulier les
petites communes rurales. (N° 88.)
La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon.
Ma question concerne l'attribution d'une prime de fin d'année aux agents
titulaires des collectivités locales.
Le problème ne porte pas sur l'inscription, en toute transparence, d'une prime
dans le budget communal, puisque, depuis la loi de décembre 1993 et différentes
remarques des chambres régionales des comptes, cette question est pratiquement
réglée. En fait, le problème qui subsiste concerne la modification de l'article
111 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée, qui fait référence à l'article 88 de
la loi du 26 janvier 1984 et qui précise que les avantages validés au titre de
l'article 111 peuvent être versés nonobstant la limite prévue par ailleurs par
l'article 88, au motif que la modification de l'article 111 ne vise en aucun
cas à remettre en cause l'équilibre du régime juridique précédemment
applicable.
Ce dispositif pose deux problèmes dans la pratique.
Tout d'abord, en conservant un régime juridique très figé
ad vitam
aeternam,
les maires des petites collectivités peuvent difficilement
motiver ou récompenser leur personnel. Ensuite et surtout, cela crée des
différences et des disparités injustifiées entre les communes suivant qu'elles
ont décidé avant 1984 ou après 1984 d'instaurer collectivement un régime
d'attribution de primes.
Ainsi, dans ma région, l'embauche de personnels va-t-elle entraîner de fortes
disparités entre communes et communautés de communes.
Confirmez-vous, monsieur le ministre, que le régime des primes a été décidé
collectivement avant 1984, il peut être applicable à tout le monde après 1984,
même si les personnels sont engagés après cette date ?
Par ailleurs, comptez-vous prendre des mesures pour que les communes qui n'ont
pas pris de décision avant 1984 puissent malgré tout récompenser leur
personnel, si elles le désirent, par l'attribution d'une prime ?
Je précise, toutefois, que mon intention est non pas de proposer la mise en
place d'un treizième mois généralisé pour la fonction publique territoriale,
mais de permettre aux maires d'accorder des gratifications modulées dans les
communes si les maires le désirent.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Monsieur le sénateur, la rémunération des fonctionnaires
territoriaux repose sur deux principes essentiels qui découlent de leur
appartenance au statut général des fonctionnaires : d'une part, l'ensemble des
éléments de la rémunération, y compris les primes et indemnités, doivent
résulter de textes législatifs ou réglementaires ; d'autre part, le montant de
la rémunération doit s'établir, à équivalence de grades et de niveaux de
fonctions, à parité avec celui qui est applicable à la fonction publique de
l'Etat.
L'affirmation de ces principes par la loi du 26 janvier 1984 portant
dispositions statutaires relatives aux fonctionnaires territoriaux n'en a pas
moins conduit le législateur à prendre en compte les situations de fait
antérieures.
De nombreuses collectivités avaient, en effet, institué des compléments de
rémunération, du type des primes de fin d'année que vous décrivez, versées par
l'intermédiaire d'organismes à vocation sociale.
Alors que se mettaient en place les nouvelles règles statutaires et la
redéfinition des carrières et des grilles de rémunération des agents des
collectivités locales, la loi du 26 janvier 1984 a maintenu, dans le troisième
alinéa de son article 111, les avantages ainsi collectivement acquis pour les
collectivités qui les avaient mis en place avant son entrée en vigueur.
Il s'agit donc clairement d'un cas dérogatoire répondant à une logique de
conservation d'avantages acquis et qui ne peut permettre la création
d'avantages de ce type postérieurement à 1984.
Je dois ajouter que le législateur, tout en confirmant la validité de ces
avantages, a jugé nécessaire d'en clarifier la gestion et d'éviter aux élus les
risques que peut comporter le recours à des associations.
C'est ainsi que l'article 70 de la loi du 16 décembre 1996 relative à l'emploi
dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire oblige
désormais les collectivités et les établissements à intégrer dans leurs budgets
les avantages du troisième alinéa de l'article 111 de la loi du 26 janvier
1984.
Tel est le cadre juridique dans lequel peut s'effectuer le versement de
compléments de rémunération.
Je peux comprendre que des collectivités dans lesquelles l'article 111 ne peut
jouer soient désireuses d'améliorer les rémunérations accessoires de leurs
agents, mais, sauf à remettre en cause les principes de base que j'ai rappelés,
elles ne peuvent, depuis 1984, le faire que dans le cadre des textes
réglementaires applicables en matière indemnitaire tels qu'ils ont été
spécifiés par le décret du 6 septembre 1991. Il convient donc que les communes
s'appuient sur les marges d'adaptation offertes par ces textes, dont la
pratique tend à montrer que, souvent, elles ne sont pas pleinement
utilisées.
M. Francis Grignon.
Monsieur le ministre, je vais me renseigner sur les marges d'adaptation que
vous avez évoquées.
TAUX DE TVA APPLICABLES À LA RESTAURATION
M. le président.
M. Bernard Dussaut appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie sur la disparité des taux de la taxe sur la valeur
ajoutée applicables au secteur de la restauration.
En effet, actuellement, les ventes à consommer sur place, qui caractérisent
essentiellement la restauration classique - libre-service ou traditionnelle -
sont assujetties au taux normal de 20,6 % alors que les ventes à emporter,
majoritairement réalisées par la restauration rapide, sont assujetties au taux
de 5,5 %.
Ces distorsions fiscales ont des conséquences multiples au niveau de la
concurrence européenne, puisque huit Etats de l'Union européenne appliquent
déjà un taux réduit unique, au niveau de l'emploi, puisque cette disposition
freine le potentiel de développement de ces petites entreprises qui sont
pourtant les plus utilisatrices de main-d'oeuvre, mais également au niveau
culturel, puisque c'est la restauration classique, composante à part entière de
notre patrimoine culturel et touristique, qui est directement touchée.
Il lui demande s'il envisage de remédier à cette regrettable situation. (N°
51.)
La parole est à M. Dussaut.
M. Bernard Dussaut.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question porte sur la distorsion fiscale qui
existe au regard des régimes de TVA applicables aux différents modes de
restauration.
Ainsi que vous le savez, les ventes à consommer sur place, qui caractérisent
essentiellement la restauration classique, qu'elles soient proposées en
libre-service ou de manière plus traditionnelle, sont assujetties au taux
normal de TVA à 20,6 % alors que les ventes à emporter, qui sont
majoritairement réalisées par la restauration rapide, sont assujetties au taux
de 5,5 %.
Le secteur des cafés, hôtels, restaurants, est fragilisé. Je prendrai pour
illustrer mon propos deux exemples. Tout d'abord, le nombre des défaillances
d'entreprises de restauration a été multiplié par une fois et demie en dix ans,
entre 1985 et 1995. Par ailleurs, l'indice du chiffre d'affaires en volume en
1996 par rapport à l'année 1990 accuse un repli de 25 %.
Toutefois, ce secteur emploie quand même dans notre pays plus de 800 000
actifs, dont 600 000 salariés.
Dans ce contexte, le taux différencié de TVA pénalise les entreprises
traditionnelles qui sont les plus utilisatrices de main-d'oeuvre, freinant leur
potentiel de développement et rendant ainsi impossible toute perspective de
nouvelles embauches.
Au mois de janvier dernier a été publié un sondage réalisé par l'institut
Gallup pour la Confédération des associations nationales de l'hôtellerie, de la
restauration, des cafés de l'Union européenne. Il met en évidence des éléments
de comportement des professionnels de ce secteur qui ne peuvent que nous
inciter à envisager un taux unique réduit.
En effet, 31 % des restaurateurs affirment qu'ils répercuteraient
intégralement la baisse du taux de TVA sur leurs prix et 51 % d'entre eux la
répercuteraient partiellement.
Par ailleurs, 84 % estiment que l'application d'un taux réduit augmenterait
leur volume d'activité et 65 % pensent qu'elle augmenterait par la suite le
nombre de leurs employés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous savons tous que la préoccupation première
des Français et du Gouvernement est l'emploi. Le Gouvernement a pris déjà
nombre de mesures depuis la rentrée parlementaire illustrant sa détermination
en ce domaine. Il n'en demeure pas moins que la relance des activités des
entreprises de restauration permettrait la création de nombreux emplois et
aurait des incidences directes sur d'autres filières comme les produits de
qualité.
La restauration traditionnelle est l'un des fleurons de notre patrimoine
culturel et touristique, et notre département, la Gironde, en est une belle
illustration : nous avons besoin de ces restaurants de qualité. Si les
conditions d'existence de ce secteur ne changent pas, je crains que nous
n'assistions à un développement de la restauration rapide avec un déclin
progressif de la restauration traditionnelle.
Il semble qu'il y ait, au niveau européen, une réelle prise de conscience de
ce problème, puisque le commissaire chargé de la fiscalité envisage une
expérience pilote « pour stimuler la création de petits emplois » ; les pays de
l'Union européenne intéressés pourraient obtenir l'autorisation d'appliquer un
taux réduit de TVA à certains secteurs de services, en particulier pour les
petites entreprises de restauration. Cet encouragement fiscal permettrait
notamment « la récupération d'activités confinées dans l'économie au noir ».
Par ailleurs, le 10 juin dernier, le Parlement européen s'est prononcé en
faveur d'un taux unique de TVA pour la restauration et, d'une manière générale,
pour toutes les prestations à forte intensité de main-d'oeuvre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ces projets trouvent-ils un écho favorable au
sein du Gouvernement ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Dondoux,
secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Monsieur le sénateur, la
différence de taux de la taxe sur la valeur ajoutée que vous signalez entre la
restauration et certaines ventes à emporter est un sujet qui a fait l'objet,
comme vous le savez, de discussions nombreuses dans un passé récent.
Je commencerai, si vous le permettez, par examiner les deux voies
possibles.
La première consisterait, comme vous le proposez, monsieur le sénateur, à
abaisser le taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à la restauration,
c'est-à-dire 20,6 %, pour l'aligner sur celui qui est applicable aux ventes à
emporter, soit 5,5 %.
Mais cette solution n'est pas possible à l'heure actuelle. En effet, la
directive européenne du 19 octobre 1992 relative au rapprochement des taux de
taxe sur la valeur ajoutée prévoit que les Etats membres qui, au 1er janvier
1991, appliquaient le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée à la
restauration doivent continuer à l'appliquer.
Seuls les Etats membres qui, à cette date, soumettaient la restauration au
taux réduit ont ainsi été autorisés à la maintenir à titre transitoire.
A moins d'un changement, cette voie est donc sans issue sur le plan
communautaire. Au demeurant, son coût budgétaire serait élevé, de l'ordre de 20
milliards de francs.
La seconde voie consisterait, à l'inverse, à porter le taux applicable aux
ventes à emporter de 5,5 % à 20,6 %. Cette voie est compatible avec le droit
européen, mais elle pose deux problèmes.
Tout d'abord, le taux de 5,5 % concerne une variété de situations. Ce taux
vise les ventes de produits alimentaires ou de plats préparés effectuées par
les traiteurs, les fast-foods, les sandwicheries, etc. Il ne serait donc pas
possible de limiter cette mesure aux seules ventes faites par les
fast-foods.
Ensuite, cette mesure, qui se traduirait inévitablement par une augmentation
des prix, pénaliserait la clientèle, qui est plutôt constituée de jeunes et de
personnes de condition modeste.
Dès lors, le Gouvernement ne souhaite pas s'engager dans cette voie, pas plus
que vous, j'imagine, monsieur le sénateur. Mais les textes de Bercy ont une
saveur qui leur est propre et que je ne saurais vous celer !
(Sourires.)
Le Gouvernement le souhaite d'autant moins qu'elle m'apparaît, en tout état de
cause, comme une mauvaise réponse à une bonne question.
En fait, la restauration et la vente à emporter sont deux opérations
différentes, et il n'est pas anormal qu'elles soient soumises à des taux de
taxe sur la valeur ajoutée différents.
En revanche, il faut éviter que des établissements ne bénéficient du taux
réduit pour des ventes de plats à emporter qui seraient, en fait, consommés sur
place. Il y aurait là une source de distorsion de concurrence, au détriment des
restaurateurs, qui serait inacceptable.
Aussi, M. Sautter a demandé à ses services de veiller à ce que le taux réduit
soit exclusivement appliqué aux seules opérations de vente à emporter, tout
particulièrement dans les établissements qui procèdent à la fois à des ventes à
emporter et à des ventes à consommer sur place. Des contrôles seront effectués,
et si des abus sont constatés ils seront sanctionnés.
En tout état de cause, monsieur le sénateur, je puis vous assurer que les
pouvoirs publics sont attentifs à la situation de la restauration française et
qu'ils veilleront à ce que le secteur bénéficie de conditions équitables pour
l'exercice de son activité.
M. le président.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de ce qui était, je crois,
votre première prestation au Sénat.
M. Jacques Dondoux,
secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Je vous remercie à mon tour.
C'est la raison pour laquelle j'étais un peu intimidé.
M. Bernard Dussaut.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Dussaut.
M. Bernard Dussaut.
Monsieur le secrétaire d'Etat, bien sûr, je prends acte de la volonté des
pouvoirs publics non pas d'harmoniser les taux de TVA - j'ai bien compris que
c'était difficile - mais de faire appliquer la loi, ce qui est très difficile
aussi, surtout lorsque, au sein d'un même établissement, deux taux de TVA sont
en vigueur ; les McDonald's en sont un exemple évident.
La seconde voie que vous avez indiquée ne me paraît pas souhaitable, car il
est évidemment hors de question de porter le taux de TVA applicable aux ventes
à emporter à 20,6 %.
Je souhaite néanmoins que toutes les pistes soient explorées afin que l'on
parvienne à un maximum d'égalité dans ce domaine.
Emploi des jeunes à l'étranger
M. le président.
Au moment où la priorité du Gouvernement est à l'emploi des jeunes, M. Hubert
Durand-Chastel attire l'attention de M. le Premier ministre sur le fait qu'à la
suite de la suppression du service national obligatoire les coopérants du
service national, les CSN, vont disparaître.
Ces formules, en favorisant une première expérience professionnelle à
l'étranger, représentaient un puissant facteur d'intégration des jeunes dans la
vie active et constituaient en outre un vivier intéressant pour l'expatriation
et l'implantation des entreprises françaises à l'étranger.
Le texte de réforme du service national présenté par le gouvernement de M.
Alain Juppé, qui avait été voté par les deux assemblées, prévoyait, en
remplacement des CSN, des formules de volontariat civil, dont une pour la
coopération internationale et l'aide humanitaire.
Or le texte de la réforme qui vient d'être examiné se limite au volontariat
militaire dans les armées, renvoyant éventuellement à un texte ultérieur le
volontariat civil. Par ailleurs, lors de la discussion du projet de loi relatif
à l'emploi des jeunes, l'extension du dispositif pour les emplois à l'étranger
a été refusée malgré l'adoption par le Sénat d'un amendement à ce sujet.
De fait, le développement de l'emploi des jeunes à l'étranger n'est plus pris
en compte, alors même que les besoins existent, en particulier auprès des
petites et moyennes entreprises désirant exporter, des chambres de commerce et
d'industrie françaises à l'étranger, ainsi que des comités consulaires pour
l'emploi et la formation professionnelle. La mondialisation réclamant une
ouverture de nos forces de production et de services vers l'extérieur, il lui
demande quelles sont les intentions du Gouvernement à ce sujet. (N° 83.)
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Monsieur le secrétaire d'Etat, au regard de la priorité du Gouvernement pour
l'emploi des jeunes, comme représentant des Français établis hors de France,
j'ai deux inquiétudes.
La première concerne la suppression des coopérants du service national, à la
suite de la professionnalisation des armées.
Créés voilà près de vingt ans, les CSN en entreprise constituent un excellent
tremplin pour l'accès à l'emploi, puisque, dans 55 % des cas, les jeunes
bénéficiaires sont embauchés par l'entreprise dans laquelle ils ont effectué
leur mission de coopération. Cette formule a ainsi permis à 20 000 jeunes de
s'expatrier, expatriation que l'on doit considérer comme un atout en période de
globalisation de l'économie.
Dans la réforme du service national présentée par le gouvernement de M. Juppé
et examinée par nos deux assemblées, des volontariats civils étaient substitués
aux CSN, dont un pour la coopération internationale et l'aide humanitaire. Or
le texte qui vient d'être adopté ne prévoit que des volontariats militaires.
Les CSN représentant un appui non négligeable pour les entreprises désireuses
de développer leur marché à l'extérieur, le Gouvernement a-t-il l'intention de
proposer des formules de remplacement pour les jeunes désirant acquérir une
expérience à l'étranger ?
Ma seconde inquiétude est due à la position prise par Mme Martine Aubry à
l'occasion de la discussion, dans cette enceinte, du projet de loi relatif au
développement d'activités pour l'emploi des jeunes. Elle a en effet refusé
d'étendre le dispositif à l'étranger, l'objectif du Gouvernement n'étant pas,
selon elle, de favoriser les emplois en dehors de l'Hexagone.
De fait, le développement de l'emploi à l'étranger n'est pas pris en compte,
alors que les demandes augmentent et que des besoins existent pour les petites
et moyennes entreprises désirant s'internationaliser, ainsi que pour les
chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger, les comités
consulaires pour l'emploi et la formation professionnelle, les établissements
scolaires français à l'étranger, etc., instances qui manquent cruellement de
moyens en personnel pour accomplir leurs missions de terrain fort utiles.
Le 29 octobre 1996, répondant à ma question sur ce même sujet, Mme Anne-Marie
Couderc, alors ministre délégué pour l'emploi, indiquait les mesures envisagées
par le gouvernement de l'époque pour développer les emplois français à
l'étranger en regroupant, en particulier, des organismes similaires spécialisés
sur ce problème. Ces orientations sont-elles reprises en compte par votre
Gouvernement ? Des mesures spécifiques favorisant l'emploi des jeunes Français
à l'étranger seront-elles présentées au Parlement ? Je vous remercie, monsieur
le secrétaire d'Etat, de nous éclairer sur ces points.
M. Jacques Habert.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Dondoux,
secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Monsieur le sénateur, je vous
remercie de votre question, qui me permet de traiter d'un dispositif très
important pour l'insertion des jeunes et l'internationalisation des
entreprises.
Je dresserai d'abord un état des lieux, j'examinerai ensuite des pistes de
travail.
Le système des coopérants du service national en entreprises concerne, en
1997, 3 500 jeunes, soit 10 % de plus qu'en 1996. En 1983, première année de la
procédure, il n'y en avait que 228. Comme vous l'avez indiqué, monsieur le
sénateur, 55 % de ces jeunes sont engagés par l'entreprise dans laquelle ils
ont travaillé ; le taux passe même, si l'on prend en compte ceux qui trouvent
un travail à l'issue de leur stage, à 75 %, voire à 80 %. On peut dire que ce
sont des jeunes et qui trouvent plus facilement du travail précisément parce
qu'ils ont montré leur dynamisme en ayant eu le souci d'aller à l'étranger.
Ce système est donc un succès, qui peut s'expliquer par plusieurs facteurs.
D'abord, la procédure est utile aux entreprises, qui demandent unanimement la
prolongation des contrats de volontariat. Elle est utile aux jeunes, puisque 80
% d'entre eux obtiennent un emploi à la fin de leur mission de coopération.
Elle représente enfin - et ce n'est pas négligeable ! - un coût nul pour
l'Etat.
Les défauts de jeunesse du système ont été résolus en grande partie.
La répartition géographique des volontaires est bien équilibrée : la moitié
d'entre eux sont en poste en Europe, et à peu près 15 % sont affectés
respectivement en Asie, en Amérique et en Afrique. Par ailleurs, les PME et les
PMI représentent 40 % des entreprises d'accueil, et cette proportion va en
s'accroissant. De plus, elles peuvent mutualiser un CSNE à deux ou trois si
leurs besoins ou leurs moyens de financement sont limités. Enfin, le dispositif
étant plus connu, le choix des bénéficiaires devient plus transparent, et
l'Agence pour la coopération technique, industrielle et économique, l'ACTIM, y
prête une grande attention.
Quelles sont maintenant les pistes pour l'avenir ?
Comme vous le savez, le service national obligatoire et son corollaire, le
sursis d'incorporation, sont abandonnés. Je n'ai pas voulu attendre 2001 ou
2002, années d'épuisement du « stock » des derniers sursitaires, pour agir. M.
Védrine et moi avons donc obtenu, grâce à M. Richard, l'insertion du
volontariat international dans la loi portant réforme du service national. Un
nouveau dispositif sera mis en place et présenté à votre assemblée, sans doute
au début de l'année prochaine. En effet, les travaux techniques seront bientôt
achevés, et nous engagerons ensuite les consultations avec les parties
concernées, avant de déposer le projet de loi sur le bureau de votre
assemblée.
Je peux vous l'indiquer d'ores et déjà, nous souhaitons que le nouveau système
soit plus souple et qu'il comporte un éventail de durée allant, si possible, de
neuf mois à trente-six mois.
Nous essayons aussi de l'ouvrir davantage - cela est déjà inscrit dans la loi,
mais ce n'est peut-être pas encore suffisamment vrai dans la pratique - en
direction des titulaires de diplômes de niveau bac + 2, alors que le système
s'adresse plutôt, actuellement, aux titulaires de bac + 4. Il s'agit d'un point
très important, en matière aussi bien d'équité que de besoins des PME, ces
dernières étant en effet très soucieuses d'avoir des jeunes ayant un DUT ou un
BTS. Nous essaierons également de rendre effectivement ces stages mixtes car,
si le système actuel s'applique théoriquement aux jeunes gens et aux jeunes
filles, en pratique, il n'y a que des jeunes gens.
Enfin, nous voulons multiplier par deux le nombre des départs de volontaires à
l'étranger dans les premières années d'application du dispositif ; nous visons
en effet une vitesse de croisière de 10 000 jeunes par an.
Vous avez ensuite demandé pourquoi les emplois Aubry ne sont pas appplicables
à l'étranger.
Je rappelle que les emplois Aubry, première formule, dont les modalités ont
été soumises aux délibérations du Parlement, ne peuvent pas concerner des
tâches de caractère privé. Mme Aubry n'a pas voulu sortir de ce cadre.
Or vous visez des jeunes qui seraient mis à la disposition d'entreprises
privées, de grandes sociétés comme de PME et de PMI. Je pense qu'un dispositif
visant les entreprises privées sera prochainement envisagé. M. Moscovici, qui
est plus informé sur ce point que moi, le confirmera certainement. Dans ce
cadre-là, nous ferons en sorte que le cas des emplois à l'étranger soit prévu.
C'est en effet extrêmement important.
Je voudrais évoquer un dernier point.
Il se trouve que des jeunes de plus en plus nombreux, par goût de
l'expatriation, en raison du manque d'emplois en France, partent à l'étranger
et y trouvent des emplois. Au cours de mes voyages, je rencontre souvent des
jeunes Français qui ont trouvé un emploi en Argentine, à Singapour... Ils ne
posent ni problème de transport ni problème de rémunération puisqu'ils sont
transportés à leurs frais ou aux frais de l'entreprise qui les a recrutés et
qu'ils sont payés par elle. En revanche se pose à eux un problème de couverture
médicale. Je compte demander que soit adoptée une disposition permettant d'y
remédier.
Une telle disposition ne devrait pas être refusée, en tout cas je l'espère,
car il s'agit de jeunes en bonne santé, et les dépenses induites seraient
minimes.
On peut envisager une couverture pour une période de quatre ou cinq ans, ce
qui assurerait à ces jeunes une certaine garantie. Ils sont les propagateurs de
l'image de la France à l'étranger ; on peut bien faire un petit effort en leur
faveur !
M. Hubert Durand-Chastel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'intérêt que vous portez
aux CNSE, qui constituent un véritable vivier pour les entreprises françaises à
l'étranger.
Toutes les mesures dont vous suggérez l'adoption sont d'autant plus
souhaitables que les jeunes, qui n'auront bientôt plus à choisir entre la
caserne et un départ à l'étranger, préféreront sans doute, pour nombre d'entre
eux, rester en France.
Les enjeux du commerce extérieur pour la croissance et l'emploi nécessitent,
par ailleurs, que notre pays passe à la vitesse supérieure dans l'efficacité de
son organisation et de ses structures. Une coordination renforcée de l'ensemble
des actions extérieures de la France s'impose, car elle n'est assurée
actuellement que par des comités interministériels, qui se réunissent rarement
et décident peu.
C'est pourquoi Mme Couderc avait entrepris de réunir en groupement d'intérêt
public les différents organismes s'occupant d'expatriation et d'emploi à
l'étranger.
A terme, l'objectif devrait être d'aller vers une administration unique de
l'action extérieure, qui regrouperait les services du Quai d'Orsay, de la
coopération, mais aussi du ministère de l'économie et des finances et du
commerce extérieur.
Dans l'immédiat, un rapprochement entre le ministère des affaires étrangères
et la direction des relations économiques extérieures, la DREE, permettrait de
mettre en oeuvre une politique volontariste, plus offensive dans la conquête
des marchés à l'étranger si nécessaire au développement de l'emploi en France.
Réforme des fonds structurels européens
M. le président.
M. Jean-Pierre Raffarin attire l'attention de M. le ministre délégué chargé
des affaires européennes sur la réforme des fonds structurels
communautaires.
La Commission européenne va formuler dans les prochaines semaines ses
propositions pour la réforme des fonds structurels pour la période
2000-2006.
Il lui demande de lui indiquer les positions de la France :
- sur le montant de la politique régionale européenne ;
- sur le rapprochement des objectifs 2 et 5 b ;
- sur l'introduction de mesures spécifiques en faveur des régions
ultra-périphériques ;
- sur le nouveau programme d'initiative communautaire pour la coopération
interrégionale. (N° 91.)
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je suis très heureux que M. le ministre délégué chargé des affaires
européennes puisse répondre à ma question. En effet, trop souvent la question
des fonds structurels européens est limitée à l'aménagement du territoire alors
qu'il s'agit d'un dossier dont la dimension européenne est évidente.
La réforme des fonds structurels est d'une très grande importance. Elle l'est
tout d'abord en termes financiers puisque l'Agenda 2000 a prévu une somme de
275 milliards d'écus, ce qui représente près de 2 milliards de francs. Il
s'ensuit des débats très nourris pour déterminer ce qui doit revenir aux pays
actuellement membres de l'Union et ce qui doit être attribué aux pays
susceptibles d'entrer dans l'Union.
A cet égard, il faut bien prendre conscience de la transformation de la
géographie européenne qui va découler de l'élargissement de l'Union. Dans
l'Europe des Six, la France était au coeur de l'Europe. Lorsque l'Union
comptera vingt, vingt-cinq ou trente membres, l'Europe de l'Ouest sera une
périphérie de l'Union et nous, nous serons la périphérie de la périphérie.
Par ailleurs cette réforme survient au même moment que la réforme de la PAC,
laquelle fait également partie de la politique d'aménagement du territoire.
Dès lors, monsieur le ministre, je vous poserai la question suivante : la
France a-t-elle un projet pour cette réforme ? La France est-elle capable de
dégager des priorités qui soient susceptibles de recueillir des soutiens. Il
faut que la France trouve des alliés pour imposer des critères nouveaux. En
effet, le seul critère de la pauvreté me semble insuffisant pour assurer une
cohésion économique et sociale satisfaisante.
Ainsi, la région Limousin, par exemple, qui apparaît comme fragile dans
l'ensemble français, présente les caractéristiques de région développée par
rapport au Portugal, à l'Italie ou à l'Espagne.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à organiser un débat au Parlement, mais
aussi à l'échelon des collectivités territoriales concernées pour déterminer
les nouveaux critères à prendre en compte dans la réforme des fonds structurels
? Je pense, notamment, au critère de périphéricité qui serait nécessaire pour
le cas de la France devenue périphérique dans l'Europe.
Je le répète, cette réforme est importante. Ainsi, dans la région
Poitou-Charentes, les fonds structurels européens représentent une somme de 1,7
milliard de francs sur cinq ans, c'est-à-dire un sixième budget régional qui
vient de l'Europe tous les cinq ans. C'est pourquoi nous souhaitons un débat
sur le sujet, monsieur le ministre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes.
Monsieur le sénateur,
vous avez raison de souligner que la réforme des fonds structurels qui doit
avoir lieu à la fin de l'actuelle programmation et à la veille du prochain
élargissement de l'Union constitue une échéance importante pour les autorités
françaises et englobe, effectivement, toute la politique européenne.
Comme vous le savez, la Commission européenne a présenté, dans sa
communication dite « Agenda 2000 », des orientations pour la programmation des
années 2000 à 2006. Ces propositions visent, notamment, à une simplification
des différents objectifs actuels et des programmes d'initiative
communautaire.
Vous me demandez si le Gouvernement a un projet à cet égard.
Pour l'heure, il réfléchit à partir de ce document dans le cadre d'une
négociation qui n'en est, vous le savez, qu'à son tout début, voire à ses
balbutiements. Nous avons déjà fait savoir à la Commission que nous attendions,
de sa part, un certain nombre de précisions.
Ces précisions concernent notamment les critères d'éligibilité aux fonds
autres que le seul critère du PIB ainsi que les modalités du mécanisme de
transition qui sera mis en place pour les régions éventuellement appelées à ne
plus être éligibles aux fonds dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui.
Ces clarifications sont importantes pour pouvoir achever l'examen des
propositions de la Commission et définir ainsi, comme vous le souhaitez, la
position que les autorités françaises devront défendre lors des négociations
communautaires sur l'adaptation des fonds ?
D'une manière générale, vous en êtes conscient, il est clair que le contexte
budgétaire actuel appelle une réforme en profondeur du système des fonds
structurels. Cette réforme doit prendre en compte l'impératif général de
maîtrise de la dépense qui s'impose aux Etats, aux collectivités locales - je
sais que vous êtes un grand spécialiste de la question - ainsi qu'à
l'Europe.
Cette réforme doit également être fondée sur une évaluation de l'efficacité
des fonds dans la programmation précédente au regard, notamment, du critère de
l'emploi car il s'agit non pas tant de dépenser plus que de dépenser mieux ;
c'était d'ailleurs le sens de votre question.
Il importe de veiller, par ailleurs, à ce que soient aménagées des
transactions adéquates entre ce que l'on a appelé, dans le jargon
communautaire, « le paquet Delors II » et ce qui sera le « paquet Santer ».
S'agissant de la concentration des aides structurelles, sans y être hostiles
a priori
, nous sommes, là encore, dans l'attente d'éclaircissements qui
ont été demandés à la commission sur les conditions précises du rapprochement
des objectifs.
Nous sommes également conscients des problèmes posés par les régions non
seulement périphériques, mais aussi ultra-périphériques, dont les régions
Limousin ou Poitou-Charentes ne sont quand même pas des exemples types.
Pour ce qui concerne les régions ultra-périphériques - beaucoup d'entre vous,
mesdames, messieurs les sénateurs y sont sensibles - je vous rappelle q'un
nouvel article a été introduit dans le traité d'Amsterdam, sur l'initiative de
la France.
La Commission estime que leur situation particulière conduit à les assimiler
de façon systématique à ce que l'on appelle l'objectif 1. Cette mesure
intéresse en particulier nos départements d'outre-mer, mais il faut noter que
ces départements sont en tout état de cause appelés à continuer de bénéficier
sur la base du seul critère du PIB régional, du soutien de la Communauté au
titre de l'objectif 1.
Enfin, nous accueillons tout à fait favorablement la proposition relative à la
création d'un programme d'initiative communautaire qui intègre la coopération
transfrontalière, transnationale et interrégionale.
Monsieur le sénateur, j'ai conscience de ne pas répondre tout à fait à votre
question, car nous n'en sommes aujourd'hui qu'à un stade de l'examen qui impose
de notre part une analyse serrée, des réactions mesurées.
Vous avez appelé le Gouvernement à organiser un débat à la fois devant le
Parlement et sur le plan régional. Sachez que cela correspond tout à fait à
l'idée que je me fais de ma mission. Le ministre chargé des affaires
européennes au sein du Gouvernement a, bien sûr, une fonction transversale ; il
a également une fonction diplomatique - j'étais hier en Hongrie, car
l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale relève de mes
attributions ; mais il a aussi - tâche très importante - un rôle d'explication
vis-à-vis de l'opinion et de ses représentants.
Il nous faut rendre l'Europe populaire, compréhensible, et nous ne refuserons
aucun débat, qu'il soit parlementaire, public, centralisé ou décentralisé.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je suis très sensible
au message délivré aux régions ultra-périphériques.
Je tiens à rappeler que, lors de la conférence des régions périphériques
maritimes qui s'est tenue à La Rochelle au mois d'octobre dernier, cent régions
de l'ensemble de l'Europe ont pris position en faveur d'une réforme des fonds
structurels qui intégrerait le critère de périphéricité.
On a pu assister au triste débat sur le lieu de construction de la
Swatchmobile, au terme duquel le coeur de l'Europe a été préféré à la
périphérie atlantique. On a pu voir Toyota effectuer des approches pour aller
s'installer également au coeur de l'Europe.
Il nous faut bien défendre cette périphéricité, qui est une cause française.
Mais, au sein de l'arc atlantique ou méditerranéen, la France peut trouver dans
le Royaume-Uni, l'Espagne ou le Portugal des alliés importants.
Conditions de transposition en droit interned'une directive européenne
M. le président.
M. Serge Vinçon demande à M. le ministre délégué chargé des affaires
européennes de bien vouloir lui expliquer les raisons pour lesquelles la
directive 96/67/CE du Conseil du 15 octobre 1996 (concernant l'accès au marché
de l'assistance en escale dans les aéroports de la Communauté), jugée de nature
législative lors de l'examen du projet par le Conseil d'Etat le 14 avril 1995
et, par conséquent, entrant dans le champ d'application de l'article 88-4 de la
Constitution, fait l'objet d'un projet de décret, afin de procéder à sa
transposition en droit interne sans l'examen du Parlement.
L'examen du Parlement apparaît d'autant plus nécessaire que cette directive
semble poser des questions de fond, eu égard au droit de la concurrence, et
notamment à l'ordonnance de 1986. (N° 102.)
La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon.
Monsieur le ministre, la directive 96/67/CE du Conseil du 15 octobre 1996
concernant l'accès au marché de l'assistance en escale dans les aéroports de la
Communauté, jugée de nature législative lors de l'examen du projet par le
Conseil d'Etat le 14 avril 1995 et, par conséquent, entrant dans le champ
d'application de l'article 88-4 de la Constitution, fait pourtant l'objet d'un
projet de décret afin de procéder à sa transposition en droit interne en dehors
du Parlement.
L'intégration en droit interne de ce texte dans le cadre d'une loi de
transposition aurait permis d'engager un débat au Parlement sur ces
dispositions et de vérifier à cette occasion si le droit français de la
concurrence résultant de l'ordonnance de 1986 était toujours en harmonie avec
le droit européen.
Il semble que le Gouvernement ait choisi d'agir de manière réglementaire au
motif de l'urgence, supprimant ainsi toute possibilité de discussion sur la
situation nouvelle qui sera créée pour les entreprises intéressées, ainsi que
la nécessaire réflexion concernant les répercussions inévitables sur la
cohérence des droits français et européen de la concurrence.
Cette directive européenne est perçue par les professions comme un recul par
rapport au système existant en France.
La hiérarchie des textes qui entraîne la soumission du droit interne à l'ordre
juridique européen pourrait ainsi, si cette évolution de l'orientation plutôt
antilibérale des directives européennes se confirmait, sonner le glas de
l'ordonnance de 1986.
Aussi souhaiterais-je que vous vous prononciez, monsieur le ministre, tant sur
la méthode employée pour effectuer la transposition de cette directive que sur
les conséquences prévisibles qu'elle aurait pour les entreprises françaises
intéressées.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes.
Votre très pertinente
question, monsieur le sénateur, portant sur une matière particulièrement
complexe, je reviendrai, pour y répondre, sur les différentes étapes du
dossier.
Le 10 avril 1995, la Commission européenne a soumis au conseil de l'Union
européenne une proposition de directive visant à libéraliser - car il s'agit
tout de même d'une libéralisation - l'accès au marché de l'assistance en escale
dans les aéroports de la Communauté. Cette proposition a été transmise dès le
12 mai 1995, selon les règles de diligence qui s'imposent, à la Haute Assemblée
ainsi qu'à l'Assemblée nationale, en application des dispositions de l'article
88-4 de la Constitution, des dispositions dont je me plais à souligner le bon
fonctionnement.
Après avoir été discuté et amendé par le Conseil, le texte définitif de la
directive a été adopté par celui-ci le 15 octobre 1996. Il doit être transposé
à la fin de l'année 1997.
Pour que soit assurée la transposition en droit interne, un projet de loi a
d'abord été rédigé, car on avait jugé que la directive pouvait comporter des
dispositions de nature législative.
Cependant, vous le savez, en France, le processus d'élaboration des projets de
loi implique le juge administratif. C'est ainsi que ce projet de loi a été
soumis à la section des travaux publics du Conseil d'Etat et que celui-ci l'a
examiné en séance plénière le 3 juillet 1997.
Au vu des dispositions de la directive adoptée, le Conseil d'Etat a estimé que
l'intervention d'un texte législatif ne se justifiait pas, s'agissant de
mesures ayant trait à la gestion du domaine public, qui relève majoritairement
du règlement, en vertu des articles 34 et 38 de la Constitution.
En effet, les activités d'assistance en escale prennent place sur les
dépendances du domaine public et se rattachent étroitement à l'organisation du
service public puisque c'est l'accueil des usagers du transport aérien qui est
en cause.
Les principes constamment dégagés par la jurisprudence administrative,
notamment celle du Conseil d'Etat, font ressortir que l'autorité administrative
est dotée de très larges pouvoirs pour prendre toutes les mesures destinées à
permettre une meilleure exploitation du domaine public, en réglementant - il
s'agit donc bien du champ réglementaire - les conditions d'exercice de
l'activité qui s'exerce sur ce domaine.
C'est pour cette seule raison, monsieur le sénateur, et en aucun cas parce que
le Gouvernement fuirait ses responsabilités, que la transposition en droit
français de cette directive doit être opérée par un décret, qui est d'ailleurs
en cours d'examen par le Conseil d'Etat.
Des impératifs juridiques qui se sont imposés au Gouvernement - comme ils se
seraient imposés à tout autre gouvernement - expliquent donc, monsieur le
sénateur, la situation sur laquelle vous avez appelé mon attention. Il ne
s'agit nullement d'une volonté de combattre telle ou telle logique ou d'éviter
telle ou telle responsabilité.
Réaménagement de la route nationale 102
M. le président.
M. Adrien Gouteyron attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement sur l'inadaptation de la RN 102 au trafic routier et
sur les graves conséquences que cette situation entraîne. Il lui rappelle la
cruauté des chiffres des accidents mortels : depuis le 1er janvier 1997, à la
fin du premier semestre, neuf accidents sont ainsi à déplorer, après seize en
tout pour l'année 1996.
Il tient à lui rappeler que la RN 102 est désormais sous-dimensionnée et
devient dangereuse en raison de la croissance du trafic routier, elle-même due
à son rôle de liaison entre Le Puy et l'autoroute A 75, qui, à Lempdes, relie
la Haute-Loire à la capitale : c'est l'axe Clermont-Paris.
Il rappelle également que cette route est vitale sur le plan économique comme
liaison d'aménagement du territoire et qu'elle devrait être classée comme
telle.
Face à cette situation, des mesures urgentes doivent être prises et, surtout,
un projet et un programme d'investissement pour cet axe sont à envisager pour
éviter de nouvelles hécatombes. Citons par exemple le passage à quatre voies du
tronçon Brioude-Lempdes compte tenu de l'importance de son trafic, le
classement de ce segment en bretelle d'autoroute pour en faire une
pénétrante.
Il souhaiterait, sur tous ces points, connaître sa position et, le cas
échéant, les mesures qu'il entend mettre en oeuvre pour mettre fin à cette
préoccupante situation. (N° 64.)
La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron.
Monsieur le ministre, ma question concerne un dossier que, je le sais, vous
connaissez, celui de la route nationale 102, un des deux grands axes du
département de la Haute-Loire. Il relie en effet la capitale régionale,
Clermont-Ferrand, au chef-lieu de notre département, Le Puy-en-Velay, en
passant par Brioude, chef-lieu d'arrondissement.
C'est un axe très fréquenté puisqu'il est emprunté chaque jour, selon les
sections, par 10 000 à 15 000 véhicules, des chiffres en constante
augmentation.
Monsieur le ministre, mes collègues parlementaires et moi-même avons eu
l'occasion de nous entretenir de ce dossier avec l'un des membres de votre
cabinet, qui nous a écoutés attentivement, mais je suis très heureux de
l'occasion qui m'est donnée de vous entendre ce matin exposer votre position à
ce sujet.
S'agissant de la section comprise entre l'A 75 et Brioude, nous affirmons
qu'elle doit avoir les caractéristiques d'une liaison autoroutière, car le
trafic qu'elle supporte est déjà supérieur à celui de l'autoroute A 75
elle-même.
Par ailleurs, il est nécessaire de compléter le contournement de Brioude, pour
lequel des travaux sont en cours. Là, bien entendu, il faudra l'intervention du
contrat de plan, mais nous revendiquons un financement particulier, compte tenu
de l'importance de cette opération.
Quant à la liaison Brioude-Le Puy-en-Velay, elle présente une configuration
extrêmement difficile : accidentée, elle comporte des pentes importantes, et de
très graves accidents y ont, encore récemment, été à déplorer.
Cette autoroute comprend en outre deux passages à niveau particulièrement
dangereux, et nous savons quels dramatiques accidents les passages à niveau
peuvent causer.
Voilà pourquoi, il convient de faire réaliser le plus vite possible une étude
concernant la section Brioude-Le Puy-en-Velay, afin que nous sachions
exactement quel type de travaux il est nécessaire d'effectuer et que ceux-ci
puissent figurer dans le prochain contrat de plan, au moins pour les tronçons
les plus dangereux.
J'espère vivement, monsieur le ministre, que vous pourrez m'apporter des
apaisements sur les trois points que je viens d'évoquer.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, vous avez évoqué la grave question de la sécurité routière, tout en
soulevant des problèmes précis concernant l'évolution des infrastructures
routières et autoroutières de votre département.
L'amélioration de la sécurité dans les transports en général et de la sécurité
routière en particulier sont l'un des objectifs majeurs que je me suis fixés
lors de mon entrée en fonctions.
Le Gouvernement a d'ailleurs proposé et obtenu, dans le projet de loi de
finances pour 1998, que les crédits destinés à l'amélioration de la sécurité
routière augmentent de 7 % en autorisations de programme.
Pour aborder convenablement la question de la sécurité sur la RN 102, il
convient d'établir un diagnostic complet de l'itinéraire, avant de dégager les
meilleures solutions.
Le préfet a donc reçu des instructions pour engager une étude globale sur la
RN 102, de façon que puissent être notamment identifiés de manière précise les
principaux points d'insécurité.
Comme vous le souhaitez, j'ai demandé que la section comprise entre l'A 75 et
Brioude, qui supporte le trafic le plus considérable de l'itinéraire, soit
examinée avec un soin particulier.
J'ajoute que cette route bénéficie, dans l'actuel plan, d'un important
programme d'investissements, pour lequel l'Etat est très largement engagé : sur
un montant d'environ 200 millions de francs inscrits au contrat de plan passé
entre l'Etat et la région Auvergne pour les déviations de Brioude et de
Vieille-Brioude, il apporte 150 millions de francs.
La mise en service de ces déviations, qui interviendra l'année prochaine,
devrait contribuer à améliorer sensiblement les conditions de circulation entre
Le Puy-en-Velay et l'autoroute A 75.
Je suis, en outre, tout à fait favorable à ce que la déviation de Largelier,
déclarée d'utilité publique, qui se situe dans le prolongement des déviations
de Brioude et de Vieille-Brioude, soit envisagée dans le prochain contrat de
plan.
M. Adrien Gouteyron.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron.
Je vous remercie, monsieur le ministre, des assurances que vous venez de me
donner.
Vous avez insisté, à juste titre, sur les travaux de sécurité et sur
l'augmentation qu'enregistraient, à ce titre, les autorisations de programme
dans le projet du budget pour 1998. Faisons en sorte que cet axe en bénéficie
!
Je me réjouis également que vous envisagiez le diagnostic que j'appelle de mes
voeux : il permettra d'agir vite, et il y a effectivement urgence.
J'ai relevé que vous souhaitiez voir la section comprise entre l'A 75 et
Brioude faire l'objet d'un soin particulier. Je tiens à réitérer ma demande
visant à la continuité autoroutière entre Brioude et Clermont-Ferrand, compte
tenu du trafic supporté par cette section.
Je signale que les deux communes concernées ressortissent à l'objectif 2. On
doit donc pouvoir trouver des solutions pour accélérer le financement des
travaux nécessaires sur cette section.
Politique autoroutière
M. le président.
M. Jacques Oudin appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement sur les incertitudes qui pèsent actuellement sur
l'ensemble de la politique autoroutière du Gouvernement et l'inquiétude des
élus et des responsables professionnels.
Compte tenu de sa situation géographique, la France se doit d'être la « plaque
tournante » du réseau autoroutier européen.
L'importance de la politique des grandes infrastructures a été confirmée par
la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire n°
95-115 du 4 février 1995.
Les élus et les professionnels de toutes les régions attendent l'aménagement
des nouvelles sections autoroutières avec d'autant plus d'impatience qu'aucune
entreprise ne souhaite s'implanter ou se développer loin d'un échangeur
autoroutier.
Actuellement, plusieurs centaines de kilomètres d'autoroutes attendent leur
inscription au schéma autoroutier national ou leur financement. Or certaines
informations récentes sur les modifications éventuelles de la politique
autoroutière sont profondément inquiétantes.
Dans ces conditions, il lui demande de lui indiquer :
- tout d'abord, si le Gouvernement compte actualiser rapidement le schéma
autoroutier national en y intégrant toutes les sections autoroutières en
attente et, si oui, dans quel délai ;
- dans le cas où le Gouvernement entendrait définir une nouvelle politique
autoroutière, s'il envisage d'engager un débat national devant le Parlement
tant il est vrai que les élus nationaux ont, à la quasi-unanimité, souhaité
l'achèvement aussi rapide que possible du schéma autoroutier national ;
- enfin, de quelle manière le prochain comité des investissements économiques
et sociaux affectera les crédits au réseau autoroutier pour la fin de 1997 et
l'année 1998.
A cet égard, l'assemblée générale de la Route des estuaires qui s'est tenue au
Sénat le 7 octobre 1997 s'est particulièrement émue des retards constatés pour
la réalisation des autoroutes A 28 entre Rouen et Alençon, A 831 entre La
Rochelle - Rochefort et Fontenay-le-Comte, A 65 entre Bordeaux et Pau, et de
l'aménagement de la RN 10 sur l'axe Bordeaux-Bayonne ? Or il lui rappelle que
cet axe a été jugé comme la première priorité d'aménagement du territoire lors
du comité interministériel d'aménagement du territoire - le CIAT - de Mende le
12 juillet 1993. (N° 93.)
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Monsieur le ministre, j'attire votre attention sur les incertitudes qui
entourent actuellement l'ensemble de la politique autoroutière du Gouvernement
et sur les inquiétudes des élus et des responsables professionnels à cet
égard.
Un certain nombre de critiques, que beaucoup jugent infondées, ont été émises
à l'encontre de l'ensemble du dispositif autoroutier.
Ainsi, les sociétés autoroutières seraient trop endettées ; mais comment ne le
seraient-elles pas quand elles doivent financer des investissements qui
dureront des siècles grâce à des emprunts sur quinze ans ?
On dit aussi que le coût des autoroutes a trop fortement augmenté : le chiffre
de 45 millions de francs par kilomètre a, en effet, été atteint. Mais c'est
nous qui l'avons voulu, avec la loi sur les paysages, la loi sur l'eau et la
loi sur l'air.
On prétend encore que les autoroutes ne créent pas d'emplois. Nous y
reviendrons, mais je crois que c'est totalement inexact.
Depuis quarante ans, la France s'est progressivement dotée d'une politique
autoroutière et d'un réseau dont l'objet est à la fois de desservir nos
frontières terrestres ainsi que notre littoral - les fameuses régions
périphériques ou ultrapériphériques chères à M. Raffarin - et de désenclaver
toutes les régions de notre territoire ; Adrien Gouteyron vient de s'exprimer
sur ce sujet.
La réforme autoroutière de 1993-1994, qui a regroupé les sociétés d'autoroutes
et amélioré la péréquation des péages entre les sections excédentaires et les
nouvelles sections, a permis au gouvernement de l'époque d'annoncer
l'achèvement possible du schéma autoroutier dans un délai de dix ans.
Compte tenu de sa situation géographique au coeur de l'Europe, la France est
la plaque tournante du réseau autoroutier européen entre tout le nord de
l'Europe et l'Europe méditerranéenne.
L'importance de la politique des grandes infrastructures a été confirmée,
après un débat national, par la loi d'orientation du 4 février 1995 pour
l'aménagement et le développement du territoire.
Les élus et les professionnels de toutes les régions de France attendent
l'aménagement des nouvelles sections autoroutières avec d'autant plus
d'impatience qu'aucune entreprise ne souhaite s'implanter ou se développer loin
d'un échangeur autoroutier.
Actuellement, plusieurs centaines de kilomètres d'autoroutes attendent leur
inscription au schéma autoroutier national ou leur financement. Or il semble
que 500 kilomètres d'autoroutes inscrits à ce schéma soient gelés. Bien
entendu, de telles informations nous inquiétent particulièrement.
C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir
m'indiquer, tout d'abord, si le Gouvernement compte actualiser rapidement le
schéma autoroutier national en y intégrant toutes les sections autoroutières en
attente et, si oui, dans quel délai.
Dans le cas où le Gouvernement entendrait définir une nouvelle politique
autoroutière, envisage-t-il d'engager un débat national devant le Parlement,
tant il est vrai que les élus nationaux ont, à la quasi-unanimité, souhaité
l'achèvement aussi rapide que possible du schéma autoroutier national ? Il
n'est pas possible de changer de politique sans en débattre devant la nation
!
Enfin, je voudrais savoir de quelle manière le prochain comité des
investissements économiques et sociaux affectera les crédits au réseau
autoroutier pour la fin de 1997 et l'année 1998.
A cet égard, l'assemblée générale de la Route des estuaires, qui s'est tenue
au Sénat le 7 octobre 1997 et à laquelle, faute d'avoir pu y participer, vous
étiez représenté par le directeur des routes, s'est particulièrement émue des
retards constatés dans la réalisation des autoroutes A 28, entre Rouen et
Alençon, A 831, entre La Rochelle - Rochefort et Fontenay-le-Comte, A 65, entre
Bordeaux et Pau, et de l'aménagement de la RN 10 sur l'axe Bordeaux-Bayonne.
Je rappelle que la Route des estuaires, cette autoroute qui doit relier entre
elles toutes les régions ultrapériphériques de la façade Atlantique, a été
jugée comme la première priorité d'aménagement du territoire par le CIAT de
Mende, le 12 juillet 1993, donc sous un précédent gouvernement. Vous
comprendrez, monsieur le ministre, que nous y attachions beaucoup
d'importance.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, tout d'abord, loin de moi l'idée de critiquer notre système
autoroutier ; il a permis des réalisations dont tout le monde reconnaît la
qualité. Je puis même dire - je le vérifie dans mes rapports avec mes
homologues étrangers - que certains pays nous l'envient et envisagent de copier
le système des concessions.
M. Jacques Oudin.
C'est tout à fait exact !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Cela étant dit,
je répondrai plus précisément aux questions importantes et tout à fait
pertinentes que vous avez posées.
En premier lieu, le schéma directeur routier national approuvé en 1992, qui
prévoyait la concession de 2 600 kilomètres d'autoroute, constitue évidemment
notre référence. Il est donc hors de question de le faire passer à la
trappe.
Cependant, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du
territoire approuvée le 4 février 1995 prévoyait la réalisation d'un schéma
national, ainsi que la révision ou l'élaboration de cinq schémas directeurs
d'infrastructures à l'horizon 2015.
Dans ce cadre, mes services ont engagé des études intermodales approfondies
afin d'assurer la cohérence indispensable à l'élaboration des schémas
modaux.
Toutefois, le Gouvernement ayant décidé, sur la proposition de Mme le ministre
de l'aménagement du territoire et de l'environnement, de réviser la loi du 4
février 1995, en particulier le dispositif de planification qu'elle prévoit, il
convient que des orientations aient été arrêtées en la matière pour pouvoir
poursuivre l'élaboration des schémas de transports, notamment, pour examiner
l'opportunité d'y inscrire de nouvelles liaisons autoroutières.
En résumé, le schéma directeur approuvé en 1992 constitue la référence. La
révision de la loi du 4 février 1995 sur l'aménagement et le développement du
territoire interviendra au cours des prochains mois. A partir de ces textes,
nous aurons la possibilité de poursuivre l'élaboration des schémas de
transports.
Par ailleurs, j'ai déjà indiqué que les mécanismes actuels de financement du
réseau routier national, qui ont permis à notre pays de se doter d'un réseau
autoroutier performant en quelques décennies, conduisent aujourd'hui à un
réseau à deux vitesses.
Premièrement, des autoroutes concédées remarquablement aménagées, avec des
améliorations en matière d'environnement, se développent dans des secteurs où
le trafic est parfois trop faible pour que les péages permettent de faire face
aux investissements. C'est ce développement des parties concédées qui pose un
problème d'endettement lorsque le trafic est insuffisant.
Deuxièmement, des routes nationales nécessitant des travaux d'aménagement et
de sécurité qui ont été trop souvent ou trop longtemps repoussés. L'entretien
et la réhabilitation du patrimoine ne me paraissent pas à la hauteur des
besoins, faute de crédits suffisants.
Face à ce constat, j'ai décidé de mettre à l'étude une réforme du financement
des routes et autoroutes, qui permette de mieux utiliser les moyens financiers
globalement disponibles.
Devant l'importance que représente le réseau routier pour l'économie nationale
et l'enjeu d'une telle réforme, le Parlement aura naturellement à en connaître
et à en débattre.
L'engagement de ces réflexions, tant sur les schémas que sur le financement,
ne signifie évidemment pas que tout doit s'arrêter. Ainsi, le programme
d'investissement sur les autoroutes concédées que je proposerai pour 1998 au
prochain comité des investissements économiques et sociaux, présidé par le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, s'élèvera à environ
17,6 milliards de francs, ce qui représente 80 % de plus que la moyenne
annuelle sur la période 1988-1993.
Je peux donc aujourd'hui vous confirmer que le problème du financement du
tronçon de l'A 28 entre Rouen et Alençon, qui n'a pas de rentabilité propre
mais dont le principe n'est pas remis en cause, sera examiné dans le cadre de
cette instance.
Vous avez également parlé de l'aménagement de la RN 10 sur l'axe
Bordeaux-Bayonne. Je rappelle, à cet égard, que la décision sur le mode de
réalisation de la mise aux normes autoroutières sera prise dans les semaines à
venir. D'ores et déjà, un programme de sécurité de 50 millions de francs est
mis en place, comme je m'y étais engagé après le grave accident qui a eu lieu
cet été.
Les autoroutes A 831 et A 65 ne sont pas inscrites à l'actuel schéma directeur
routier national. Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement déposera très prochainement le projet de loi auquel j'ai fait
allusion tout à l'heure. Dès l'approbation de ce texte par le Parlement seront
déclenchées les procédures de mise en place des schémas nationaux
d'infrastructure.
Tel est le cadre dans lequel nous travaillons s'agissant des projets relatifs
aux autoroutes A 831 et A 65.
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole.
M. le président.
Mon cher collègue, je vous demanderai d'être bref car, tout à l'heure, vous
avez largement dépassé le temps de parole qui vous était imparti.
Cela dit, je vous donne la parole.
M. Jacques Oudin.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. Je formulerai
simplement deux remarques.
Tout d'abord, si la réforme du financement doit consister à affecter des
recettes des autoroutes au réseau national, ce sera une très mauvaise
solution.
Ensuite, n'oublions pas que la route représente 85 % du trafic des voyageurs
et 75 % du trafic des marchandises.
L'autoroute c'est la sécurité ! Les autoroutes assurent 50 % du trafic et
moins de 5 % des accidents s'y produisent. Monsieur le ministre, tout kilomètre
d'autoroute en moins représente des morts en plus.
Tracé de l'autoroute A 51 Grenoble-Sisteron
M. le président.
M. Jean Boyer appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement sur sa décision, en date du 10 juin 1997, de
suspendre l'ouverture de l'enquête publique relative à la section médiane de
l'autoroute A 51 Grenoble-Sisteron, entre le col du Fau et La Saulce,
conformément au tracé retenu en 1991 passant par l'est de Gap.
Il lui rappelle que ce tracé complète le dispositif mis en place par les
sections Grenoble-col du Fau et Sisteron-La Saulce, déclarées d'utilité
publique respectivement le 31 décembre 1993 et le 20 juin 1994.
Il souligne que ce tracé a été approuvé par sept de ses prédécesseurs et qu'il
offre, par rapport au tracé passant par Lus, des avantages sensiblement
comparables en termes de coût, d'économie d'infrastructures à réaliser, de
rapidité de mise en service en raison de l'extrême précision des études
confirmées par une mission géologique internationale, de réponses aux
impératifs d'aménagement du territoire : ouverture vers l'Italie,
désenclavement des Hautes-Alpes et du sud de l'Isère, desserte touristique et
protection de l'environnement.
Il insiste sur l'urgence de réaliser une liaison autoroutière Alpes du
Nord-Alpes du Sud par l'est de Gap, d'économiser le temps et l'argent
nécessaires pour des études et la réalisation de solutions alternatives de mise
à deux fois deux voies de routes nationales, et lui demande de bien vouloir
préciser ses intentions concernant le règlement de ce dossier. (N° 95.)
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer.
Le 10 juin dernier, vous avez décidé, monsieur le ministre, de suspendre
l'ouverture de l'enquête publique relative à la section médiane de l'autoroute
A 51 Grenoble-Sisteron, située entre le col du Fau et La Saulce.
Tous les élus politiques et les représentants socioprofessionnels sont
inquiets en ce qui concerne vos intentions. Ils s'étonnent que ce tracé,
définitivement choisi par Paul Quilès en décembre 1991, approuvé par tous les
ministres, toutes tendances politiques confondues, et qui a également leur
propre approbation consensuelle, puisse être, d'une part, remis en cause,
d'autre part, abandonné, mais pour quelle autre solution ?
La remise en cause du tracé par l'est de Gap déstabilise une solution dont les
avantages ont été reconnus pour de nombreuses raisons, que je développerai dans
quelques instants.
Pourquoi insister sur l'urgence de cette réalisation ? Pour trois raisons
essentielles : tout d'abord, il faut décongestionner l'axe nord-sud car, dans
cinq ans au plus, on ne pourra plus traverser Grenoble et la route Napoléon
sera saturée ; ensuite, continuer à faire passer les automobilistes par la RN
75 est risqué et mettre en place le « fer-routage » prendra une quinzaine
d'années ; enfin, le doublement de l'A 7, qui est régulièrement évoqué, est
onéreux.
Monsieur le ministre, je me permets de vous rappeler que, dans cinq ans, si la
section médiane de l'autoroute A 51 Grenoble-Sisteron n'est pas réalisée, la
circulation sera paralysée et, pendant les mois de juin, de juillet, d'août,
voire de septembre, il sera impossible de se rendre dans le Midi, ce qui est
navrant à tous égards.
Ce projet est véritablement d'utilité sociale, car il faciliterait le
déplacement des habitants de la région parisienne vers les Alpes et la
Méditerranée. Faut-il souligner que ce tracé desservira trente stations de
sports d'hiver et 300 000 lits de tourisme, les Hautes-Alpes réalisant 27
millions de nuitées touristiques par an et accueillant 2,6 millions de
touristes ?
Serait-il dans votre intention, monsieur le ministre, de relancer les études
sur le tracé passant par Lus ? Telle est ma première question.
Cette solution a été abandonnée en 1991 et trois ou quatre ans d'études
préalables seraient encore nécessaires, ce qui retarderait d'autant la
réalisation d'une infrastructure jugée indispensable par tous sur le plan
régional. Faut-il rappeler les positions de la région Provence-Alpes-Côte
d'Azur, des chambres de commerce et d'industrie de ladite région, des
parlementaires et des conseils généraux des Hautes-Alpes et de l'Isère ?
Lorsqu'on examine de près le dossier, un certain nombre de vérités méritent
d'être rétablies.
C'est ainsi que le coût des deux tracés est quasiment équivalent puisqu'il
s'élève à 13,7 milliards de francs en passant par Lus et à 13,6 milliards de
francs en passant par l'est de Gap.
S'agissant de la longueur des infrastructures à créer, sont économisés 53,5
kilomètres d'infrastructures en passant par l'est de Gap, 200,5 kilomètres en
passant par Lus et 147 kilomètres en passant par Gap.
Par ailleurs, en ce qui concerne le temps de réalisation, en passant par l'est
de Gap, la mise en service de l'autoroute aurait lieu au moins trois ans
avant.
En outre, sur le plan de l'environnement, en particulier de la faune et de la
flore, les problèmes sont identiques sur les deux tracés. La vallée de Lus est
par ailleurs la plus étroite de toutes les vallées à traverser.
M. le président.
Mon cher collègue, je vous prie de conclure, car vous avez largement dépassé
les trois minutes qui vous sont imparties.
M. Jean Boyer.
Je conclus, monsieur le président !
Un sondage récent du mois de septembre dernier a précisé que 72 % des
personnes interrogées étaient favorables au tracé passant par l'est de Gap.
Parallèlement, vingt communes ont indiqué qu'elles y étaient farouchement
opposées.
Monsieur le ministre, je souhaite que vous me confirmiez que la parole de
l'Etat - sept ministres ont approuvé ce tracé ! - sera respectée.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, à la suite de la décision de juin 1997 de surseoir à l'ouverture de
l'enquête publique sur la section col du Fau-La Saulce du projet d'autoroute A
51 Grenoble-Sisteron, vous me demandez d'indiquer ma position sur ce projet.
Je suis tout à fait conscient de l'importance que revêt l'aménagement de
l'itinéraire Grenoble-Sisteron. Il favorisera, vous l'avez souligné,
l'amélioration des liaisons entre le nord et le sud de notre pays. Il
contribuera également au développement économique et touristique du massif
alpin.
Les travaux sont en cours sur les deux sections d'extrémité, entre Grenoble et
le col du Fau et entre Sisteron et La Saulce.
Entre le col du Fau et La Saulce, le projet autoroutier passant par l'est de
Gap présente des difficultés très importantes sur le plan technique et en
matière d'environnement en raison de son impact sur des territoires sensibles.
De plus, son coût est particulièrement élevé, je me permets de vous le faire
remarquer. J'ai, par conséquent, estimé nécessaire de ne pas engager, en juin
dernier, la procédure en vue de la déclaration d'utilité publique de ce
projet.
En accord avec Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement, j'ai décidé de relancer l'étude des solutions alternatives à
ce projet dans une approche globale sur l'arc alpin, qui prenne en compte les
besoins de déplacements dans une perspective multimodale éventuelle.
J'ai confié à M. Brossier, ingénieur général des Ponts et chaussées et
président du comité des directeurs « transports », une mission d'analyse
multimodale des problématiques de déplacements dans les Alpes, qui permette
d'éclairer le Gouvernement sur les décisions à prendre en matière
d'infrastructures de transport dans ce site.
Je lui ai demandé, notamment, d'examiner l'impact de ces déplacements sur la
liaison Grenoble-Sisteron et de formuler des propositions sur les différentes
solutions d'aménagement envisageables : aménagement sur place des routes
nationales existantes - la RN 75 et la RN 85 - et réalisation d'une autoroute.
Il s'agit là de solutions alternatives au projet initial.
Il m'a également paru nécessaire de demander à M. Lebel, président de la
délégation française à la commission intergouvernementale pour les liaisons
transalpines, d'associer à cette réflexion les principaux responsables
politiques, socio-économiques et associatifs concernés.
J'ai évoqué la démarche de concertation préalable à une prise de décision avec
les présidents de conseils régionaux - M. Charles Millon pour la région
Rhône-Alpes et M. Jean-Claude Gaudin pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur
- lors de récentes rencontres. Ils m'ont donné leur accord pour être
étroitement associés au processus de réflexion, d'élaboration et de
proposition.
M. Brossier me remettra son rapport au début de l'année 1998. Sur la base de
ses conclusions et de la concertation qui sera alors organisée et que je veux
large, le Gouvernement définira les orientations relatives aux projets
d'infrastructures de transport concernant l'arc alpin, plus particulièrement
aux aménagements à effectuer en faveur de l'amélioration de la liaison
Grenoble-Sisteron.
Enfin, je tiens à vous confirmer, monsieur le sénateur, la volonté du
Gouvernement d'assurer la continuité de l'itinéraire Grenoble-Sisteron, tout en
affirmant la nécessité de trouver une réponse satisfaisante à la desserte de
Gap.
M. Jean Boyer.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer.
Monsieur le président, ma réponse sera très brève.
Je veux d'abord vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir été très
concret. Les réponses que vous apportera M. l'inspecteur général des Ponts et
chaussées, à qui vous avez confié la mission d'éclaircir la situation,
permettront de faire avancer ce dossier.
J'ai noté que vous associerez les élus au processus de réflexion et que
Jean-Claude Gaudin, notamment, vous avait d'ores et déjà donné son accord. Les
élus de l'Isère sont, par définition, à ses côtés et à vos côtés pour que nous
puissions sortir de cette impasse.
Je me réjouis que vous ayez été sensible au cri d'alarme que j'ai lancé. En
fait, nous voulons que tous ceux qui travaillent pendant toute l'année à Paris
et dans la région parisienne puissent se rendre dans notre région dans des
conditions normales.
Construction de l'autoroute A 51
M. le président.
M. Fernand Tardy rappelle à M. le ministre de l'équipement, des transports et
du logement que, lors du changement de gouvernement, certains grands travaux
ont été abandonnés ou gelés.
C'est le cas de l'autoroute A 51, qui doit relier Marseille à Grenoble. Les
travaux de cette autoroute sont programmés jusqu'à La Saulce, dans les
Hautes-Alpes, et commencés sur une portion à partir de Grenoble.
Le gel des travaux, initialement prévus sur la partie médiane, inquiète les
élus des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes.
En effet, on ne saurait concevoir un axe routier important s'arrêtant à La
Saulce et, de ce fait, ne remplissant pas les services attendus : doublement de
l'axe rhodanien et débouché rapide et direct sur Nice par le barreau
Peyruis-Digne et la Glat N 85-D 202.
Il lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement en ce qui concerne
la reprise et la finition de l'autoroute A 51 et, subsidiairement, quelles sont
les intentions du Gouvernement en ce qui concerne la réalisation du barreau
autoroutier Peyruis-Digne. (N° 98.)
La parole est à M. Tardy.
M. Fernand Tardy.
Monsieur le ministre, ma question est très proche de celle de notre collègue
Jean Boyer, mais elle est différente.
M. Jean Boyer s'est en effet interrogé sur le tracé : faut-il passer par
Lus-la-Croix-Haute ou par le col du Fau ? Existe-t-il d'autres solutions ? M.
le ministre nous a précisé qu'une étude globale allait être engagée sur ce
sujet.
Lors du changement de gouvernement, certains grands travaux ont été abandonnés
ou gelés. Tel est le cas de l'autoroute A 51, qui doit relier Marseille à
Grenoble : les travaux de cette autoroute sont programmés jusqu'à La Saulce et
commencés, comme vous l'avez précisé, monsieur le ministre, sur une portion
allant de Grenoble au col du Fau.
Le gel des travaux, initialement prévus sur la partie médiane, inquiète les
élus des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes. En effet, il n'est pas
possible de concevoir un axe routier s'arrêtant à La Saulce et, de ce fait, ne
remplissant pas les services attendus, tels que le doublement de l'axe
rhodanien et un débouché rapide et direct par le barreau Peyruis-Digne et la
Glat N 85-D 202.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, quelles sont les intentions du
Gouvernement en ce qui concerne la reprise et l'achèvement de l'autoroute A 51
et, subsidiairement, en ce qui concerne la réalisation du barreau autoroutier A
585 Peyruis-Digne qui permettra un accès direct par la vallée du Var à Nice
sans être obligés d'emprunter la route du littoral, qui est actuellement très
encombrée.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, votre question va me donner l'occasion de préciser les éléments de
réponse que j'ai donnés à votre collègue M. Jean Boyer.
A la suite de la décision que j'ai prise au mois de juin dernier et tendant à
surseoir à l'ouverture de l'enquête publique, vous me demandez de vous indiquer
la position du Gouvernement sur ce projet, ainsi que sur celui du barreau
autoroutier Peyruis-Digne.
S'agissant du tronçon central de l'autoroute A 51, je tiens d'abord à rappeler
que nous n'en sommes qu'au stade des procédures. Par conséquent, aucun chantier
n'a été gelé ou arrêté.
Par ailleurs, comme vous le savez, les travaux sont en cours sur les deux
sections situées aux extrémités de la liaison Grenoble-Sisteron, à savoir entre
Grenoble et le col du Fau, d'une part, et entre Sisteron et La Saulce, d'autre
part.
La mise en service de la section Sisteron-La Saulce, d'une longueur de trente
kilomètres, devrait intervenir au printemps de l'année 1999. La réalisation de
cette section améliorera les conditions de circulation dans toute la zone
concernée en captant plus de la moitié du trafic actuel de la nationale 85.
Elle assurera une bonne desserte routière de la ville de Gap en direction de
Marseille et permettra un meilleur accès aux stations de sports d'hiver et
d'été de la vallée de l'Ubaye et de la haute vallée de la Durance.
La section Grenoble-col du Fau sera mise en service par phases successives à
partir de la fin de 1999. Comme je l'ai notifié à votre collègue, je suis très
conscient de l'importance que revêt l'aménagement de l'itinéraire
Grenoble-Sisteron. Il favorisera l'amélioration des liaisons entre le nord et
le sud de notre pays tout en contribuant au développement économique et
touristique du massif alpin.
Cependant, entre le col du Fau et La Saulce, le projet autoroutier par l'est
de Gap présente des difficultés, tant au plan technique qu'au plan
environnemental. Par ailleurs, son coût est particulièrement élevé, ce qui
explique la décision que nous avons prise en juin.
J'ai décidé de relancer une étude sur des solutions alternatives en ayant une
approche plus globale du problème, et j'ai confié à M. Brossier, ingénieur
général des Ponts et chaussées, une mission d'analyse des problématiques de
déplacement dans les Alpes permettant de mieux éclairer le Gouvernement.
Je lui ai demandé d'examiner les conséquences de ces déplacements sur la
liaison Grenoble-Sisteron et de formuler des propositions sur les différentes
solutions d'aménagement envisageables, tels que l'aménagement sur place des
routes nationales existantes, les RN 75 et 85, ou la réalisation d'une
autoroute. Ce rapport doit m'être remis au début de l'année 1998 et fera alors
l'objet de discussions et de concertations afin que soient prises les
meilleures décisions.
En ce qui concerne le projet de l'A 585, antenne du val de Bléone et déviation
de Digne-les-Bains, il me paraît nécessaire de souligner qu'il a un coût élevé
et qu'il traverse un site sensible le long de la Bléone.
Il convient de prendre en compte ces éléments et de réfléchir dès à présent
sur la nature des aménagements à effectuer, notamment sur la RN 85, afin
d'assurer la desserte de Digne-les-Bains et d'améliorer les liaisons entre le
val de Durance et Nice.
Les scénarios les plus appropriés d'aménagement de la RN 202 sont à l'étude,
sachant que le débouché sur Nice par la vallée du Var est inscrit au contrat de
plan Etat-région.
Enfin, je vous confirme, monsieur le sénateur, notre volonté d'assurer la
continuité de la liaison Grenoble-Sisteron et la nécessité de trouver une
solution satisfaisante pour la desserte de Gap.
M. Fernand Tardy.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Tardy.
M. Fernand Tardy.
Vous m'avez en partie rassuré, monsieur le ministre.
Pour ma part, je ne parle pas du tracé, car la ville de Sisteron est déjà
desservie. Ce que nous voulons, c'est une liaison rapide avec Grenoble. C'est
clair ! Que le trajet passe à l'est de Gap ou à La Saulce, ce problème concerne
les Hauts-Alpins. Les habitants des Alpes-de-Haute-Provence, quant à eux,
attendent avec beaucoup d'impatience la liaison Grenoble-Marseille.
Je voudrais quand même attirer votre attention, monsieur le ministre, sur
l'importance de l'autoroute A 585. En effet, il suffit de regarder une carte
pour constater que le trajet le plus direct, lorsqu'on vient du nord, est
indiscutablement celui de la Glat N 85-D 202. Vous menez actuellement des
études sur cette question mais il faut agir aussi rapidement que possible.
La liaison Grenoble-Marseille est très importante car elle faciliterait
l'écoulement du trafic. Si cette voie n'était pas ouverte, les usagers qui
emprunteraient l'autoroute A 51 pour se rendre sur la côte devraient utiliser
les routes du littoral, qui sont déjà surchargées. L'autoroute A 585 leur
permettrait d'arriver directement à Nice par la vallée du Var.
Le barreau autoroutier, dites-vous, coûte cher. C'est vrai si l'on considère
qu'il s'agit simplement de desservir Digne-les-Bains. Mais il ne s'agit pas que
de cela. Le petit barreau autoroutier de trente kilomètres qui relierait
Peyruis à Digne permettrait d'accéder facilement et directement à Nice.
J'ajoute - et j'en aurai terminé - que le tunnel du Mercantour, s'il était
réalisé, déboucherait sur la D 202. Cette question est donc très importante et
va bien au-delà de la desserte de Digne-les-Bains.
Avenir du transport routier
M. le président.
Alors que le climat social dans le domaine des transports routiers semble se
dégrader, M. Gérard Roujas souhaite attirer l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur l'importance toujours
croissante du transport routier de marchandises, et plus particulièrement de
matières dangereuses.
L'accroissement de ce mode de transport fait peser un risque majeur au niveau
tant de la sécurité routière que de l'environnement.
Ces dernières semaines, des accidents tragiques ont mis en cause des poids
lourds. Il est à craindre que, malgré l'amélioration constante des
infrastructures routières, des accidents de ce type ne se multiplient, d'une
part, en raison du nombre croissant de poids lourds en circulation et, d'autre
part, en raison des conditions de travail des salariés de ce secteur
d'activité.
Il lui demande donc quelles mesures il entend prendre, premièrement, afin de
favoriser d'autres modes de transport de marchandises, rail, association
rail-route, et, deuxièmement, afin d'assurer un strict respect de la
réglementation du travail dans ce secteur d'activité. (N° 100.)
La parole est à M. Roujas.
M. Gérard Roujas.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque j'ai
déposé cette question, le conflit des routiers n'avait pas encore éclaté. Nous
connaissons, depuis, la manière dont le Gouvernement et vous-même, monsieur le
ministre, avez su résoudre cette crise. La tâche était d'autant plus difficile
que les chauffeurs routiers avaient le sentiment très fort d'avoir été bernés
lors des négociations de 1996, car les engagements pris à ce moment-là
n'avaient pas été tenus.
Cela dit, il n'en reste pas moins vrai que l'importance du trafic routier de
marchandises souvent dangereuses constitue un problème majeur pour notre pays.
En raison de sa situation géographique, la France est un carrefour important
pour le trafic routier de marchandises. L'importance de celui-ci, liée aux
conditions de travail des chauffeurs routiers - nous avons pu mesurer récemment
l'ampleur des lacunes en matière de contrôle et de réglementation -, fait peser
sur notre pays un risque majeur, au niveau tant de la sécurité que de
l'environnement.
Il suffit, pour s'en convaincre, de se souvenir des accidents mortels
impliquant des poids lourds qui, trop régulièrement, font la une de nos
journaux. Je pense au carambolage survenu sur l'A 10, au nord de Bordeaux, dont
on reparle aujourd'hui ou à celui qui s'est produit, voilà quelques jours, sur
l'A 13, à l'ouest de Rouen, ou encore à la collision à un passage à niveau
entre un poids lourd et un train. Je pourrais poursuivre pendant longtemps la
litanie des drames dans lesquels les poids lourds sont impliqués, que leur
responsabilité soit engagée ou non.
L'expérience montre que l'amélioration des infrastructures routières ne suffit
pas à réduire le risque, ce qui rend plus impérieuse encore la nécessité de
rechercher un meilleur équilibre entre les divers modes de transport de
marchandises, en favorisant notamment le rail et les transports combinés
rail-route, et d'engager, à l'échelon européen, une concertation en la matière
afin de réduire progressivement les transports par route lorsqu'il s'agit de
matières dangereuses.
Par ailleurs, alors que dans moins d'un an interviendra la libéralisation du
marché européen, j'estime qu'il est également du devoir de l'Etat d'assainir
les pratiques dans ce secteur d'activité et d'assurer un strict respect de la
réglementation du travail.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de bien vouloir préciser vos
intentions dans ce domaine.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, vous soulevez des questions qui sont d'actualité et qui concernent
véritablement l'avenir de notre société.
Le respect des règles sociales qui encadrent l'activité du transport routier
est indispensable pour garantir à la fois un meilleur équilibre de la
concurrence pour les entreprises, une meilleure sécurité de l'ensemble des
usagers et une amélioration des conditions de travail pour les conducteurs.
Dans ce cadre, je le dis avec force, le Gouvernement est particulièrement
attentif à la dimension européenne de l'activité du transport routier et le
chantier de l'harmonisation des règles sociales à ce niveau est une priorité
d'autant plus affirmée que la libéralisation du marché européen interviendra le
1er juillet 1998.
C'est un dossier délicat mais qui avance et la France a proposé que soit
désormais prévu, dans la réglementation sociale européenne, le principe de
transparence, c'est-à-dire le décompte, la rémunération et la limitation des
temps autres que la conduite.
Le conseil des ministres vient, par ailleurs, d'adopter un projet de loi
visant à améliorer l'exercice de la profession de transporteur routier. Il sera
débattu le 8 décembre prochain en première lecture à l'Assemblée nationale.
Déclaré d'urgence, il sera voté dans les meilleurs délais.
Ce projet de loi prévoit que les entreprises de transport qui commettent des
infractions répétées et de nature délictuelle à la réglementation pourront
faire l'objet d'une sanction d'immobilisation administrative d'un ou de
plusieurs de leurs véhicules. Dans le cas où une entreprise n'appliquerait pas
cette sanction, le projet de loi prévoit des condamnations pénales.
Indépendamment de ces mesures législatives, mais simultanément, il est prévu,
par arrêté du ministre de la justice, de majorer sensiblement le montant de la
consignation pour les contrevenants qui ne peuvent pas justifier d'un domicile
ou d'un emploi en territoire français.
S'agissant plus particulièrement des matières dangereuses, il existe une
réglementation précise et très complète qui repose largement sur des règlements
internationaux et dont la dernière mise à jour est entrée en vigueur le 1er
janvier 1997.
Il existe, par ailleurs, des obligations de formation spécifiques pour les
conducteurs et de certification pour les entreprises effectuant les transports
des matières les plus dangereuses.
En application de la directive européenne n° 96-35, un arrêté imposera au 31
décembre 1999 à toute entreprise chargeant, transportant ou déchargeant des
marchandises dangereuses de désigner un conseiller à la sécurité.
Les transports routiers de marchandises dangereuses font, comme les autres
transports, l'objet de contrôles effectués par les contrôleurs de transports
terrestes, les gendarmes, les agents de la police nationale et les agents des
douanes, qui sont habilités à cette fin par la loi du 31 décembre 1975.
Une circulaire visant à renforcer l'efficacité des contrôles vient d'être
adressée aux préfets.
Les accidents récents, en particulier celui qui est survenu en septembre à un
passage à niveau en Dordogne, posent le problème de l'éventuel rééquilibrage
des transports en général et des marchandises dangereuses en particulier, de la
route vers le rail. Cela est un aspect d'une autre nature qui mérite également
réflexion.
Il faut cependant noter que, en tout état de cause, le transport rail-route
offre d'ores et déjà une alternative crédible au transport routier longue
distance sur un certain nombre de parcours, puisqu'il aura progressé de plus de
11 % et représenté plus de 12 milliards de tonnes-kilomètres en 1996.
Pour accroître encore son développement, l'Etat consacrera dès cette année 350
millions de francs à cette action et entend poursuivre cet effort l'an
prochain.
M. Gérard Roujas.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
Distribution
des produits d'assurance dommages
M. le président.
M. Claude Huriet souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie sur les conséquences de l'accord conclu entre La
Poste et le groupe Assurances générales de France, relatif à la distribution de
produits d'assurance dommages.
Selon les informations disponibles, l'accord concerné prévoit que la
responsabilité de la formation des personnels chargés de gérer les contrats
d'assurance reviendrait aux AGF. Quant à La Poste, elle serait chargée
d'assurer la commercialisation de ces nouveaux produits.
Le Gouvernement s'est engagé à examiner la compatibilité de cet accord avec
les règles du droit de la concurrence dans le cadre de la négociation du
contrat de plan avec La Poste.
Il lui demande ce qu'il entend faire afin de protéger les mutuelles et les
compagnies d'assurances d'une atteinte à la libre concurrence qui pourrait
découler de l'intervention d'un opérateur public sur le marché de l'assurance
dommages. (N° 106.)
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie et a trait au développement des activités de La Poste dans le
secteur bancaire et dans le secteur des assurances.
Monsieur le ministre, dans une question écrite en date du 17 septembre
dernier, j'avais demandé à votre collègue M. Dominique Strauss-Kahn dans
quelles conditions allait être mis en place le projet que l'on prêtait, à
l'époque, à une compagnie d'assurances récemment privatisée et à La Poste. Il
s'agissait de la mise à disposition des points de vente de La Poste au bénéfice
d'une compagnie d'assurances dans le domaine de l'assurance dommages.
La réponse que M. Strauss-Kahn m'avait adressée, et que j'avais appréciée, en
date du 2 octobre, me laissait entendre que « le projet ferait l'objet, de la
part du Gouvernement, d'un examen extrêmement attentif, portant plus
précisément sur le respect du droit de la concurrence et sur l'équilibre du
marché de l'assurance dommages ».
Or, depuis cette réponse, monsieur le ministre, l'accord qui était un projet
est devenu réalité et aux termes de cet accord, tel que j'en ai eu
connaissance, il se confirme que les Assurances générales de France vont
assurer la formation des personnels de La Poste tandis que La Poste mettra à
disposition de cette compagnie d'assurances ses points de distribution. Cela
suscite trois interrogations, monsieur le ministre.
La première est d'ordre politique. Est-il logique qu'une entreprise publique
intervienne désormais sur le marché de l'assurance alors même que, au cours des
dernières années, la démarche constante des gouvernements tendait à privatiser
les assurances ? D'un côté, on privatise, de l'autre on fait intervenir un
acteur public.
La deuxième interrogation est d'ordre économique. En effet, d'après les
informations dont je dispose, si La Poste - et donc les Assurances générales de
France, du fait de ces nouvelles dispositions - prend 5 % des parts du marché
actuel dans le domaine de l'assurance dommages, environ 5 000 emplois risquent
de disparaître dans le secteur des assurances et, curieusement d'ailleurs, ce
chiffre correspond aux 5 000 emplois que le Gouvernement a imposés à La Poste
au titre de la création d'emplois pour les jeunes ; 5 000 emplois disparaissent
d'un côté, 5 000 seront créés de l'autre : on ne peut pas considérer que le
bilan soit satisfaisant.
La troisième et dernière interrogation est d'ordre juridique. Il apparaît,
d'une façon assez évidente, que cet accord aura des conséquences tout à fait
préoccupantes en matière de droit de la concurrence. On peut parler, sans excès
de langage, d'abus de position dominante.
Pour ces trois raisons, monsieur le ministre, j'apprécierai la réponse que, au
nom du Gouvernement, vous voudrez bien nous apporter quant aux dispositions que
le Gouvernement s'était engagé à prendre, dans la réponse qu'il m'avait
communiquée voilà quelques semaines, par rapport au projet qui désormais doit
s'appliquer.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, vous avez souhaité savoir ce que le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie entendait faire pour protéger les mutelles et les
compagnies d'assurances d'une atteinte à la libre concurrence qui pourrait
découler de l'intervention d'un opérateur public sur le marché de l'assurance
dommages.
Dès que la possibilité d'un accord entre La Poste et les AGF a été évoquée par
la presse, M. Dominique Strauss-Kahn a indiqué que, s'il venait à être
confirmé, les pouvoirs publics examineraient un tel projet avec le souci de
veiller à la situation financière de La Poste, à l'équilibre du marché de
l'assurance dommages, au respect des règles de concurrence et à la solidité
prudentielle des acteurs du marché.
La prise en compte de la situation et des perspectives du marché de
l'assurance dommages entre donc pleinement dans les réflexions que mènent les
pouvoirs publics avec La Poste, à l'occasion de la négociation du contrat de
plan de cet établissement. Le Parlement sera, bien entendu, informé des
résultats de ces discussions.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que je pouvais vous
fournir au nom du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Claude Huriet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Je vous remercie, monsieur le ministre, mais c'est par courtoisie car, vous le
comprenez bien, le contenu de la réponse est totalement insatisfaisant. On en
reste finalement aux engagements qui avaient été pris dans la réponse qui
m'avait été communiquée au mois d'octobre. Or, depuis, un élément nouveau est
apparu puisqu'il s'agit non plus d'un projet, mais d'un accord, donc d'un
contrat. Aussi est-il nécessaire que le Gouvernement tienne les engagements
qu'il avait pris dans sa réponse écrite.
Je constate que, en l'état, les garanties en matière de droit de la
concurrence ne sont pas respectées. L'empiétement d'un établissement public sur
une activité récemment privatisée constitue un précédent inquiétant.
Lutte contre les recours abusifs
en matière d'urbanisme
M. le président.
M. Jean-Marie Poirier souhaite appeler l'attention de Mme le garde des sceaux,
ministre de la justice, sur les conséquences dommageables pour l'intérêt
général et sur les risques financiers que font peser sur les collectivités
locales les abus de recours contentieux en matière d'urbanisme.
Sans qu'il soit question de faire supporter au juge le poids de l'insécurité
dans l'application qui est faite du droit de l'urbanisme, ni même d'accuser le
développement constant du recours contentieux qui manifeste la participation
active et l'intérêt légitime des citoyens pour leur cadre de vie, force est de
constater la lourdeur et les limites de la voie contentieuse lorsqu'il s'agit
de trancher certains différends.
Certains recours, dans lesquels on distingue d'ailleurs l'expression
d'intérêts particuliers et dont les auteurs se drapent d'intentions
environnementales pour se faire reconnaître le droit à agir, peuvent avoir des
conséquences économiques et financières particulièrement graves pour les
aménageurs, pour les constructeurs et, naturellement, pour les collectivités
locales qui sont engagés ensemble dans une opération.
Même lorsque le recours en cause n'est pas assorti de sursis à exécution, les
délais d'instance et l'insécurité qui pèsent sur une opération sont largement
dommageables à l'économie du programme concerné. Deux risques majeurs pèsent en
effet sur la collectivité locale engagée dans une opération. D'une part, les
partenaires de la collectivité d'accueil peuvent se retirer de l'opération en
s'appuyant sur les clauses de non-recours parfois incluses dans le contrat de
concession. D'autre part, les délais imposés par l'instruction de l'affaire
allongent la durée de portage du programme et peuvent ainsi entraîner les
concessionnaires dans de graves difficultés financières. Dans les deux cas, la
collectivité locale hérite de la lourde charge d'assumer les conséquences
financières du litige.
Depuis quelques années, des propositions ont été faites pour rendre plus
efficace le droit de l'urbanisme et pour rechercher les voies permettant de
régler autrement les conflits, par la conciliation, la médiation ou l'arbitrage
en matière administrative. Cela permettrait de limiter l'inflation
contentieuse, source d'encombrement des tribunaux, et d'éviter que des recours
juridiquement injustifiés ne viennent mettre à mal des initiatives porteuses
pour le développement local. Par ailleurs, compte tenu des masses financières
en jeu, la question d'un dédommagement de la collectivité abusivement attaquée
se pose avec acuité.
Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser les intentions du
Gouvernement en matière de lutte contre les recours abusifs en matière
d'urbanisme. (N° 97.)
La parole est à M. Poirier.
M. Jean-Marie Poirier.
Madame le ministre, je souhaite appeler votre attention sur les conséquences
dommageables pour l'intérêt général qu'engendrent les abus de recours
contentieux en matière d'urbanisme ainsi que sur les conséquences financières
très lourdes qu'ils font peser sur les collectivités locales.
Il ne s'agit pas, bien évidemment, de faire supporter au juge le poids de
l'insécurité dans l'application qui est faite du droit de l'urbanisme. Il ne
s'agit pas non plus de mettre en cause le développement constant du recours
contentieux, droit fondamental qui trouve son expression tant dans l'article
XVI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que dans
l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde
des libertés fondamentales.
Néanmoins, l'expérience montre que l'ambiguïté et la lourdeur de la voie
contentieuse peuvent engendrer des effets très pervers.
Certains recours, dans lesquels on distingue d'ailleurs l'expression
d'intérêts particuliers ou autres et dont les auteurs se drapent d'intentions
environnementalistes pour se faire reconnaître le droit à agir, peuvent avoir
des conséquences économiques et financières particulièrement graves pour les
aménageurs, pour les constructeurs et, naturellement, pour les collectivités
locales qui sont engagés ensemble dans une opération.
Certains professionnels du recours poussent l'astuce jusqu'à ne pas solliciter
le sursis à exécution pour éviter une décision trop rapide du juge, et donc
pour faire durer la procédure.
Les délais d'instance et l'insécurité qui pèsent sur une opération sont
largement dommageables à l'économie du programme concerné et peuvent aller
jusqu'à compromettre des projets
a priori
irréprochables.
Deux risques majeurs pèsent sur la collectivité locale qui est engagée dans
une opération. D'une part, les partenaires de la collectivité aménageur peuvent
se retirer de l'opération en s'appuyant sur les clauses de non-recours qui sont
incluses dans les promesses de vente. D'autre part, les délais imposés par
l'instruction de l'affaire allongent la durée de portage du programme et
peuvent ainsi occasionner de graves difficultés financières pour les
concessionnaires.
Dans les deux cas, la collectivité locale hérite de la lourde charge d'assumer
les conséquences financières du litige.
Depuis quelques années, des propositions ont été faites pour rendre plus
efficace le droit de l'urbanisme et pour rechercher les voies permettant de
régler autrement les conflits, par la conciliation, par la médiation ou par
l'arbitrage en matière administrative.
On peut se demander s'il ne serait pas souhaitable de recourir à d'autres
formules plus précises, par exemple une forme de référé préventif à l'usage du
défendeur. Cela permettrait à ce dernier d'exprimer les raisons pour lesquelles
l'action lui semble insoutenable. Surtout, cela permettrait au juge d'apprécier
rapidement le caractère grave et irréparable des dommages éventuels, ainsi que
le sérieux de la requête.
De telles pratiques, qui ne sont pas monnaie courante en l'état actuel des
choses, permettraient de limiter l'inflation contentieuse qui est une source
d'encombrement des tribunaux et d'éviter que les recours juridiquement
injustifiés ne viennent mettre à mal des initiatives utiles et souhaitables
pour le développement local.
En conclusion, je vous poserai trois questions, madame le ministre.
D'abord, que comptez-vous faire pour éviter la prolifération des recours
systématiques et abusifs aux tribunaux administratifs ?
Ensuite, comment peut-on compenser, en particulier pour les collectivités
locales, les pertes financières, parfois considérables, qui résultent de ces
recours abusifs ?
Enfin, plus généralement, quelles dispositions le Gouvernement envisage-t-il
de mettre en place pour assurer une meilleure sécurité juridique à ceux qui ont
la responsabilité d'assurer le développement économique et urbanistique de nos
collectivités et qui croient encore à son utilité ?
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le sénateur, vous avez
bien voulu m'interroger sur les conséquences et les risques financiers pour les
collectivités locales des abus de recours contentieux en matière d'urbanisme,
et je vous en remercie. Vous me donnez ainsi la possibilité de faire le point
sur cette importante question.
Je rappelle, tout d'abord, que le droit positif comprend déjà des règles
visant à limiter et à sanctionner ces recours abusifs.
Ainsi, les recours en exception d'illégalité sont strictement limités depuis
1994 - c'est l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme.
Par ailleurs, une amende peut être prononcée par le Conseil d'Etat contre
l'auteur d'un recours abusif ; elle peut être prononcée également par les
tribunaux et les cours administratives d'appel.
Enfin, la responsabilité civile du requérant peut être engagée pour faute
devant le juge judiciaire et peut aboutir à une condamnation en rapport avec le
préjudice causé.
S'agissant des délais de recours, la loi de programme du 6 janvier 1995 a fixé
comme objectif la réduction des délais moyens de jugement à un an devant les
juridictions administratives.
En revanche, il ne paraît pas souhaitable de limiter l'accès au juge ; nous
devrions utiliser davantage les possibilités que nous donne actuellement le
droit.
Le droit au recours est un principe de valeur constitutionnelle, plusieurs
fois rappelé par le Conseil constitutionnel sur le fondement de l'article XVI
de la déclaration de 1789.
C'est dans l'amélioration de la règle de droit, et non dans la limitation des
recours, qu'il faut chercher les solutions pour prévenir le contentieux de
l'urbanisme.
Par exemple, l'instabilité des règles locales d'utilisation des sols aboutit
parfois à un urbanisme clandestin et dérogatoire, vécu comme un système de
faveurs et propice au développement du contentieux. Le Conseil d'Etat
proposait, dans son rapport de 1992, d'instituer des délais à l'intérieur
desquels le contenu des plans d'occupation des sols, les POS, ne pourrait être
changé que de manière exceptionnelle ; il demandait aussi que soit mieux
encadrée l'application anticipée du POS en révision.
De même, l'urbanisme opérationnel ne doit pas devenir un instrument de pouvoir
ou d'influence. Ainsi, des propositions ont été avancées, visant à mieux
encadrer le droit de préemption urbain et à suivre la destination des biens
préemptés : les taxes et redevances d'équipement constituent un ensemble d'une
complexité exceptionnelle et d'une forte opacité ; enfin, s'agissant des
enquêtes publiques, l'harmonisation des textes assurant la publicité des
projets d'aménagement et l'élargissement du droit d'accès des citoyens aux
documents d'urbanisme devront être envisagés.
A l'évidence, le droit de l'urbanisme n'a pas encore atteint un équilibre
satisfaisant entre les impératifs de précision et d'exhaustivité, et la
nécessité d'un accès facile à la règle de droit.
C'est pourquoi, je crois, comme vous, monsieur le sénateur, qu'une réflexion
d'ensemble doit aujourd'hui être conduite. C'est en effet par la clarté de la
règle de droit, la transparence de son application et l'association des
citoyens à la décision les concernant qu'il faut aujourd'hui prévenir le
contentieux.
M. Jean-Marie Poirier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Poirier.
M. Jean-Marie Poirier.
Madame le garde des sceaux, je vous remercie de vos propos. Je suis
naturellement d'accord avec vous sur tout ce que vous avez dit, mais en
désaccord avec ce que vous n'avez pas dit !
(Sourires.)
Je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous affimez la nécessité
absolue de ne pas limiter le droit au recours, c'est tout à fait évident. J'ai
moi-même rappelé les divers textes relatifs aux droits de l'homme qui
l'expriment. Naturellement, je suis également d'accord avec vous sur la
nécessaire stabilisation du droit de l'urbanisme. Mais le problème n'est pas
tout à fait là !
Les possibilités de dissuader, voire de poursuivre ceux qui, sciemment, usent
et abusent des facilités que donne un accès très ouvert à la justice
administrative sont encore insuffisantes. Les requérants abusifs ne reçoivent,
en effet, pratiquement aucune sanction. Vous avez parlé de la peine d'amende ;
je la connais bien pour avoir déjà obtenu des condamnations à dix mille francs,
voire à vingt mille francs, qui est le maximum encouru, à l'encontre
d'associations plus ou moins fictives qui avaient intenté des actions
elles-mêmes plus ou moins sérieuses.
Mais prononcer une peine d'amende est une chose, la recouvrer en est une
autre. C'est en général totalement impossible et ceux qui s'y essaient n'ont
d'autre résultat que de transformer en martyrs les requérants. L'arme est donc
à la fois trop faible pour avoir un effet, et trop puissante pour qu'un
malheureux élu local ose la manier !
Quant à la stabilité juridique des grands documents de base que sont les plans
d'occupation des sols et les plans d'aménagement de zone, je suis encore bien
d'accord avec vous. Il reste cependant les permis de construire, qui sont les
plus vulnérables en matière d'urbanisme. Il suffit d'une virgule mal placée,
d'un chiffre mal situé, il suffit que l'on s'aperçoive d'une inexactitude dans
l'application de tel détail mineur, pour que, immédiatement, cela fonde une
action devant la justice administrative. Malheureusement, des personnes qui ont
du temps libre - et Dieu sait si elles sont nombreuses à l'heure actuelle - se
font un malin plaisir d'éplucher les textes, de les lire, de les relire, se
valorisent ainsi aux yeux de l'opinion publique locale - il s'agit
effectivement d'affaires extrêmement locales - pour paralyser l'action de la
municipalité en place, détestée comme il s'entend.
Voilà pourquoi j'ai posé cette question. Madame le garde des sceaux, ces
recours sont plus graves, plus fréquents et plus sérieux que ne le laisse
croire votre réponse. Mais nous n'en sommes sans doute qu'au début d'une
discussion pour laquelle je souhaite être de nouveau votre interlocuteur
ultérieurement.
Récupération de la TVA
sur les investissements relatifs
au traitement des ordures ménagères
M. le président.
M. Philippe Marini appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur
les problèmes d'éligibilité au fonds de compensation de la taxe pour la valeur
ajoutée, le FCTVA, des investissements effectués par les communes et leurs
groupements dans le domaine du traitement des ordures ménagères.
Dans un domaine où les collectivités locales doivent assumer les conséquences
des prescriptions législatives issues de la loi n° 92-646 du 13 juillet 1992
relative à l'élimination des déchets et mettre en oeuvre d'ici au 1er juillet
2002 les obligations de mise en extinction des décharges et de valorisation des
déchets, il semble anormal que le régime de l'éligibilité au FCTVA des
investissements effectués dans ce domaine puisse comporter les importantes
incertitudes qui le caractérisent actuellement.
Les équipements de traitement des déchets construits par les communes ou leurs
groupements intègrent en effet souvent un objectif de valorisation des déchets,
ce qui constitue à la fois une stricte application de la loi du 13 juillet 1992
et un moyen de financer une partie du coût du traitement, limitant de la sorte
le recours à la fiscalité locale.
La part de cette activité de valorisation des déchets est, très logiquement,
soumise à la TVA, la récupération de celle-ci s'effectuant par la voie fiscale
de droit commun au prorata des recettes de valorisation sur la totalité des
recettes.
Pour le reste, les communes ou leurs groupements peuvent prétendre à
l'éligibilité de leurs dépenses d'investissement au FCTVA. Or l'éligibilité de
ces dépenses d'investissement n'est admise qu'à la condition que la part de
l'activité assujettie à la TVA reste « accessoire », c'est-à-dire en pratique
inférieure à 20 % du chiffre d'affaires.
Cette situation fait non seulement peser une lourde incertitude sur les plans
de financement des projets de construction d'usines d'incinération d'ordures
ménagères, mais fait en outre ressortir une contradiction avec l'objectif de
valorisation des déchets de la loi du 13 juillet 1992, puisque l'éligibilité au
FCTVA est d'autant plus assurée que la part de la valorisation dans l'activité
est faible.
C'est pourquoi il lui demande d'adapter ces règles afin que la partie de la
TVA non récupérée par la voie fiscale, supportée sur les investissements
relatifs aux installations de traitement des déchets, puisse ouvrir droit aux
attributions du FCTVA, et ce quelle que soit l'importance de la part des
recettes de valorisation dans le chiffre d'affaires. (N° 82.)
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Ma question est relative à l'éligibilité au fonds de compensation pour la TVA
des investissements effectués par les communes et leurs groupements dans le
domaine du traitement des ordures ménagères.
Comme on le sait, la loi de juillet 1992 relative à l'élimination des déchets
nous prescrit d'engager, d'ici au 1er juillet 2002, toute une série
d'investissements visant à la mise en extinction des décharges et à la
valorisation des déchets.
Ce sujet nous préoccupe beaucoup dans nos départements comme il préoccupe nos
concitoyens, qui vont être financièrement sollicités de manière croissante, du
moins on peut le craindre, pour que ces obligations de mise en conformité
soient remplies.
Or, monsieur le ministre, un point d'interrogation très significatif pèse sur
le plan de financement de nombreuses opérations, je veux parler du régime de
l'éligibilité au FCTVA des investissements qui concernent en particulier la
réalisation d'unités de valorisation énergétiques, autrement dit d'usines
d'incinération des ordures ménagères.
Ces équipements intègrent le plus souvent un objectif de valorisation des
déchets, ce qui permet de diversifier les sources de financement, notamment en
diffusant la chaleur dans des réseaux de chauffage urbain ou en vendant de la
vapeur à des utilisateurs industriels. Lorsqu'on s'efforce d'optimiser le plan
de financement des unités de valorisation énergétique, on essaie, bien sûr, de
faire en sorte que cela coûte le moins cher possible aux contribuables, d'où
l'importance de ces recettes de diversification.
Cette activité de valorisation est logiquement soumise à la TVA, sachant que
la récupération de la taxe s'effectue par la voie fiscale de droit commun, au
prorata des recettes de valorisation sur la totalité de l'activité de l'outil.
Pour le reste, les communes ou leurs groupements peuvent prétendre, pour leur
part, à l'éligibilité au FCTVA de leurs dépenses d'investissement.
Or une pratique, qui semble résulter de la combinaison des textes émanant des
ministères de l'intérieur, de l'économie ou du secrétariat d'Etat au budget,
veut que l'on définisse un seuil, fixé à 20 % du chiffre d'affaires, en deçà
duquel la part de l'activité assujettie à la TVA est considérée comme
accessoire, et au-delà duquel elle ne l'est plus, la récupération de la TVA par
l'intermédiaire du fonds de compensation n'étant alors plus possible.
Cette incertitude entre les textes et les prises de position des différents
départements ministériels pèse sur les plans de financement de bon nombre de
projets, car il n'est pas toujours si simple de se situer exactement en deçà
des 20 % du chiffre d'affaires.
De plus, sur le plan des principes et de la doctrine administrative, on ne
peut pas ne pas remarquer une certaine contradiction entre cette pratique et
l'objectif de valorisation des déchets qui figure dans la loi du 13 juillet
1992, puisque l'accès au FCTVA est d'autant plus assuré que la part des
recettes de valorisation est plus faible !
Au vu de ces différents éléments, monsieur le ministre, je vous ai sollicité
par la présente question afin que vous puissiez nous éclairer sur un sujet qui,
me semble-t-il, est de portée assez générale. Il me paraîtrait en effet
raisonnable d'adapter les règles actuellement en vigueur afin que la partie de
la TVA non récupérée par voie fiscale et supportée sur les investissements
relatifs aux installations de traitement de déchets puisse ouvrir droit aux
attributions du fonds de compensation, et ce quelle que soit l'importance de la
part des recettes de valorisation dans le chiffre d'affaires.
M. le président.
Je vous remercie de conclure, monsieur Marini, car vous avez dépassé très
largement votre temps de parole.
M. Philippe Marini.
En tant que président d'un syndicat mixte qui regroupe à peu près 400 000
habitants, je suis particulièrement préoccupé par la question, ainsi
d'ailleurs, je le suppose, que bon nombre de mes collègues.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué un sujet
de portée, en effet, assez générale, puisqu'il touche à l'application d'une loi
de 1992 et concerne un grand nombre des communes aujourd'hui engagées dans la
construction d'usines d'incinération des ordures ménagères.
Vous avez raison de soulever le problème de la valorisation et de sa prise en
compte, qui est réel. Je suis moi-même résolu à faciliter l'action des
collectivités locales qui s'engagent dans l'application de la loi.
Le service d'élimination des déchets ménagers est un service public unique,
dont le titulaire est la collectivité qui institue la taxe ou la redevance
d'enlèvement des déchets.
Le Gouvernement est sensible aux difficultés des collectivités locales. Je
dois dire que le précédent gouvernement avait interprété favorablement les
textes en vigueur dans une circulaire du 2 février 1996 : il avait précisé que
le FCTVA pouvait être attribué aux usines d'incinération des déchets ménagers,
bien que ces usines soient partiellement utilisées pour une activité assujettie
à la TVA.
Cette taxation leur permet de récupérer une partie de la TVA par la voie
fiscale. Le montant de TVA ainsi remboursé est déterminé par l'utilisation
d'une clef de répartition entre les activités taxées et celles qui sont
exonérées de TVA.
Il est cependant nécessaire, pour l'éligibilité au FCTVA dans le respect à la
fois de la lettre et de l'esprit des textes existants, que cet équipement soit
utilisé seulement à titre accessoire pour les besoins de l'activité assujettie.
Si tel est le cas, la collectivité peut bénéficier du FCTVA en complément de la
TVA qui a été déduite fiscalement, par application d'un contre-prorata fiscal,
qui est le pendant de la clef de répartition.
Une instruction est actuellement en cours d'élaboration pour déterminer
précisément et dans tous les cas les modalités de calcul de ce contre-prorata,
dans l'objectif de déterminer l'éligibilité au FCTVA.
En outre, il résulte de la jurisprudence du Conseil d'Etat - il s'agit de
l'arrêt Fourcade et autres, du 9 novembre 1988 - que l'éligibilité au fonds
d'une dépense réelle d'investissement s'apprécie en fonction des éléments de
fait et de droit existants au moment de la réalisation du contrôle de cette
éligibilité par les services préfectoraux, soit deux ans environ après
l'engagement de la dépense.
Il n'est donc pas possible de déterminer aujourd'hui de façon définitive
l'éligibilité ou non au FCTVA de dépenses qui ne sont pas encore réalisées et
dont le contrôle n'interviendra pas avant plusieurs années.
Enfin, le FCTVA étant attribué à toutes les collectivités bénéficiaires afin
de dégrever de TVA tous les investissements nécessaires à la réalisation de
leurs missions d'intérêt général, il ne peut constituer l'outil d'une politique
publique spécifique.
Une instruction est donc en cours d'élaboration. Je souhaite poursuivre la
concertation sur ce sujet avec les associations d'élus pour trouver une
solution au paradoxe que vous avez évoqué et définir le caractère accessoire de
l'activité de manière peut-être un peu moins désavantageuse pour les
collectivités locales en tenant compte de la réalité du terrain. Je compte que
ce travail soit engagé par l'administration en étroite concertation avec les
collectivités locales concernées ; je pense ici notamment à l'Association des
maires de France et à l'Association des présidents de conseils généraux.
M. Philippe Marini.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Je remercie M. le ministre de l'analyse qu'il nous a livrée. Elle s'inscrit
dans la continuité des positions successivement prises par les gouvernements
qui se sont préoccupés de ce sujet. J'avoue cependant rester encore un peu sur
ma faim !
En effet, lorsque l'on prépare un projet, lorsque l'on établit un plan de
financement, lorsque l'on s'efforce de diversifier l'origine des fonds, il est
nécessaire d'avoir une règle du jeu claire et constante. M. le ministre le
rappelle à juste titre, l'accès au FCTVA ne sera validé que lors de la
réalisation du contrôle par les services qui sont chargés de l'effectuer,
c'est-à-dire une fois que l'usine aura été construite et qu'elle
fonctionnera.
Aussi beaucoup d'élus locaux et de dirigeants de syndicats mixtes concernés
par la gestion des déchets craignent-ils que, entre le jour du lancement de
l'opération et la date de mise en route, toutes sortes de variations ou de
remises en cause n'interviennent qui modifient l'équilibre économique
prévisionnel sur la base duquel l'investissement est décidé. C'est en quelque
sorte une question de constance du cadre économique et financier.
En effet, lorsque l'on se lance dans un investissement de 450 millions de
francs ou de 500 millions de francs, pour prendre mon cas, il est absolument
indispensable que l'équilibre économique et financier du projet soit bouclé
ne varietur
, quelles que puissent être les évolutions de contexte ou les
évolutions juridiques, sachant que, bien sûr, le syndicat doit se fixer des
objectifs et s'y tenir.
L'instruction qu'évoque M. le ministre permettra sans doute de lever ces
doutes et ces incertitudes. Aujourd'hui, ce n'est pas encore tout à fait le
cas, mais M. le ministre de l'intérieur, qui, jusqu'à une époque très récente,
était, lui aussi, maire d'une ville moyenne, sait comme nous que, lorsqu'on se
lance, lorsqu'on fait un pari sur l'avenir, il faut être quelque peu sécurisé
par des règles du jeu dont on puisse penser qu'elles s'appliqueront de manière
à la fois constante et certaine.
Avenir touristique et économique des zones
hors prime à l'aménagement du territoire
M. le président.
M. Jacques de Menou alerte Mme le ministre de l'aménagement du territoire et
de l'environnement sur le projet de plafonnement des aides à l'investissement
touristique dans les zones éligibles à la prime à l'aménagement du territoire -
PAT - et leurs conséquences sur les zones hors PAT. La notification initiale du
régime d'aide cadre dans le secteur du tourisme désavantagerait gravement les
zones hors PAT - aides plafonnées à 15 %, voire 7,5 %, contre 30 % en zones PAT
- dont l'activité touristique s'avère pourtant si nécessaire à leur
développement. Il semble aussi injuste qu'inadapté à un aménagement harmonieux
de notre territoire que les zones hors PAT, qui déjà ne bénéficient pas de
grands projets industriels, soient écartées également des aides aux emplois
touristiques.
Au cas où cette mesure serait confirmée, il souhaiterait connaître les
dispositions qu'envisage le Gouvernement pour pallier ce cumul de handicaps
dans les zones hors PAT. A la suite du comité interministériel d'aménagement du
territoire - CIAT - d'Auch, ces zones hors PAT devaient pouvoir bénéficier à
nouveau des aides aux bâtiments industriels. Il lui demande si cette
disposition est confirmée. (N° 56 rectifié.)
La parole est à M. de Menou.
M. Jacques de Menou.
Monsieur le ministre, l'inquiétude dont je me fais l'écho aujourd'hui concerne
les conséquences du zonage des aides aux investissements touristiques, qui, me
semble-t-il, a été demandé par l'Europe voilà quelques mois.
Le zonage proposé par la France a repris celui de la zone PAT industrielle,
ainsi que son taux. En conséquence, on a plafonné à 30 % l'aide aux projets
touristiques en zone PAT et à 15 %, voire 7,5 %, en zone hors PAT suivant la
taille des projets, étant entendu que, pour les petits projets, la règle
de
minimis
, autorisant une aide jusqu'à 100 000 écus sur trois ans, s'applique
; celle-ci ne saurait toutefois constituer une réponse satisfaisante aux
inégalités constatées.
On peut se demander, monsieur le ministre, quelle logique a pu amener à
calquer les aides touristiques sur un zonage industriel !
Les zones hors PAT vont ainsi cumuler les handicaps, alors qu'elles avaient,
étant à l'écart des grands projets industriels, une vocation touristique bien
plus évidente que les zones PAT. Dans mon département, toutes les zones
touristiques sont des zones hors PAT.
Comment nous faire croire que ce plafonnement n'est pas un frein majeur à
l'essor de ces zones et qu'il ne contribue pas au maintien des déséquilibres
?
Il est clair que ce sont les zones PAT, au taux incitatif, qui vont drainer
les initiatives touristiques, comme elles ont drainé les projets industriels
!
Avoir retenu la carte PAT, établie sur des critères industriels, pour moduler
les aides au tourisme n'a fait que creuser les handicaps. Sans compter qu'elle
se révèle très inadaptée puisqu'elle ne tient pas compte des spécificités
touristiques des cantons concernés.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, je vous demande, d'une part, si
cette notification a bien été malheureusement et définitivement prise par la
France et, d'autre part, si vous ne pouvez pas envisager d'établir un nouveau
zonage spécifique au tourisme qui maintiendrait le taux le plus élevé de
subvention dans les régions à vocation touristique.
Autre question : les zones hors PAT industrielle étaient encore désavantagées
par une politique d'aides aux bâtiments industriels auxquelles elles ne
pouvaient prétendre. Le CIAT d'Auch avait, semble-t-il remédié à cette
difficulté en étendant les aides aux bâtiments industriels à toutes les zones
de la PAT tertiaire.
Monsieur le ministre, cette décision du CIAT d'Auch est-elle aujourd'hui
confirmée ? Par ailleurs, me fondant sur cet exemple d'extension d'autorisation
des bâtiments industriels en zone PAT tertiaire, je me demande si ce zonage ne
pourrait pas, précisément, servir de base aux aides aux pays touristiques. Cela
paraîtrait beaucoup plus logique : toute la zone PAT tertiaire bénéficierait
alors du taux privilégié des zones PAT industrielle.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le sénateur, vous attirez l'attention
de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur la
situation des aides à l'investissement touristique en dehors des zones
éligibles à la prime d'aménagement du territoire, la PAT.
En premier lieu, je tiens avant tout à vous préciser que le régime cadre
d'aide en faveur du tourisme, qui a été adopté par la Commission européenne, ne
concerne que les aides publiques aux entreprises du tourisme. Ainsi, aucun
plafonnement ne s'appliquera aux projets publics ou parapublics.
En deuxième lieu, les taux de 7,5 % et 15 % ont été non pas choisis par les
autorités nationales, mais imposés par les services de la concurrence de la
Commission européenne. Ils font référence à l'encadrement des aides aux PME,
adopté par la Commission européenne dans sa communication parue au
Journal
officiel des Communautés
du 23 juillet 1996, qui s'applique à tous les
secteurs économiques ne faisant pas l'objet d'une réglementation
particulière.
S'agissant des entreprises, les aides à l'investissement immatériel pour le
conseil, la communication et l'information restent possibles sur tout le
territoire, quel que soit le zonage, à hauteur de 50 % pour les PME.
Conscients des difficultés liées à l'application stricte de la réglementation
communautaire de la concurrence au secteur du tourisme, les pouvoirs publics
sont convenus de renégocier avec la Commission européenne le contenu de ce
régime cadre, afin d'obtenir des taux plus favorables en dehors des zones
éligibles à la PAT.
Ma collègue Michelle Demessine, en charge du tourisme, travaille activement à
l'élaboration d'un argumentaire permettant de défendre auprès de Bruxelles de
tels élargissements.
Par ailleurs, une circulaire de mise en oeuvre de ce régime est actuellement
en cours de signature auprès des départements ministériels concernés pour
permettre l'application la plus souple possible de ce dispositif d'aide. Elle
autorise des aides dans la limite d'un plafond de 650 000 francs sur trois ans
pour les petites entreprises du secteur qui ne seraient pas situées en zone
PAT.
En troisième lieu, Mme la ministre de l'environnement a demandé à ses services
de suivre ce dossier avec la plus grande attention, notamment dans la
perspective des prochaines négociations avec la Commission européenne, qui
seront conduites par le secrétariat d'Etat chargé du tourisme.
Enfin, pour atténuer les différences entre les zones éligibles et non
éligibles à la PAT, comme cela avait été annoncé lors du CIAT d'Auch, auquel
vous avez fait référence, le Gouvernement a négocié avec la Commission
européenne un projet de décret autorisant les collectivités territoriales ou
leurs groupements à allouer des aides aux entreprises en faveur de l'immobilier
industriel en dehors des zones éligibles à la PAT.
Cette négociation, je ne vous le cache pas, a été difficile et longue, car
elle déroge aux règles appliquées habituellement par la Commission dans ce
domaine.
Les autorités bruxelloises viennent de donner leur accord. La procédure
d'adoption du décret est actuellement en cours. Il devrait être signé et entrer
en vigueur au début de l'année 1998.
Voilà, monsieur le sénateur, ce que je peux répondre pour faire droit aux
préoccupations que vous avez légitimement exprimées.
M. Jacques de Menou.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. de Menou.
M. Jacques de Menou.
Monsieur le ministre, je vous remercie de l'attention que vous avez bien voulu
porter à ce problème. Je vous prie de remercier également Mme le ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement pour la réflexion que
poursuit son ministère sur ce sujet.
Il me paraît très important que, sur notre territoire, ce ne soient pas les
mêmes zones qui cumulent tous les handicaps : on ne peut pas à la fois se
trouver dans une zone hors PAT et n'avoir ni projet industriel, ni projet
touristique, ni projet de PME. C'est trop pour une seule et même zone, qui,
partant, se désertifie.
Je vous remercie d'avoir confirmé que la démarche engagée au CIAT d'Auch
serait suivie d'effet.
Je me félicite, enfin, qu'un accord définitif avec Bruxelles concernant les
aides des collectivités locales aux bâtiments industriels en zone hors PAT soit
en vue.
Conditions
d'attribution des pensions de réversion
M. le président.
Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et
de la solidarité sur l'insuffisance et l'injustice des conditions d'attribution
des pensions de réversion - cumul, plafond, âge.
Elle lui fait remarquer que les bénéficiaires de ce droit, généralement des
femmes, doivent vivre avec la seule pension de réversion de leur conjoint(e)
décédé(e) et que si, pour le régime général, le taux de réversion est de 54 %,
il demeure toujours fixé à 50 % dans la fonction publique et dans la plupart
des régimes spéciaux.
Elle lui fait remarquer également que le passage à cinquante-cinq ans de
l'ouverture des droits de réversion de la Caisse nationale d'assurance
vieillesse, la CNAV, et de l'Association des régimes de retraite
complémentaire, l'ARRCO, crée une situation financière de plus en plus
difficile pour les bénéficiaires entre cinquante et cinquante-cinq ans.
Elle lui demande quelles mesures elle envisage pour fixer à cinquante ans le
bénéfice de la pension de réversion avec, dans l'immédiat, un passage du taux à
60 % et, à plus long terme à 75 % de la retraite du conjoint(e) décédé(e).
Elle lui demande, enfin, quelles mesures elle envisage pour réparer
l'injustice due au non-cumul de la pension de réversion et d'une retraite
professionnelle, en permettant désormais le cumul des deux. (N° 18.)
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le mardi 25 novembre prochain, à l'appel de
l'Union confédérale des retraités et de nombreuses autres associations de
retraités, les personnes retraitées manifesteront à Paris et en province pour
une amélioration du système de pension, notamment l'augmentation significative
des pensions inférieures au SMIC, l'indexation des pensions du régime général
sur les salaires et le retour aux dix meilleures années pour le calcul des
pensions, comme cela existait avant l'entrée en vigueur de la réforme des
retraites instituée par Mme Simone Veil.
Vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, les demandes des retraités
sont justifiées. L'augmentation des retraites et pensions ne suit même plus
l'augmentation des prix relevée par l'INSEE et, de 1992 à 1997, les
prélèvements de la caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV, sont
passés de 2,5 % à 6,7 %, et ceux de l'association des régimes de retraites
complémentaires, l'ARRCO, et de l'association générale des institutions de
retraite, l'AGIRC, de 3,7 % à 7,7 %.
A ces demandes de revalorisation forfaitaire de 1 000 francs mensuels, de
remise en cause de la CSG et de la CRDS, d'abrogation de la réduction de la
décote fiscale, s'ajoutent le passage à 75 % de la pension de réversion du
conjoint et, dans l'immédiat, le passage à 60 % sans clause restrictive de
cumul ou de condition d'âge.
Cette demande se justifie pleinement compte tenu de l'insuffisance du montant
des retraites. En effet, le taux de 54 % représente une ressource insuffisante.
Même une pension de réversion à 54 % d'une pension pleine de 6 500 francs ne
laisse que 3 400 francs au conjoint survivant.
Aujourd'hui, les bénéficiaires de ce droit - généralement des femmes - se
voient contraints de survivre dans des conditions qui vont jusqu'au
dénuement.
En outre, l'article L. 353-1 du code de la sécurité sociale impose certaines
conditions, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat : le conjoint
survivant a droit à la réversion si ses ressources personnelles ne dépassent
pas annuellement 2 080 fois le SMIC horaire, soit environ 79 000 francs, si la
durée du mariage a été supérieure à deux ans et s'il a atteint l'âge de
cinquante-cinq ans. Cette dernière condition crée une situation financière très
difficile pour les veuves ayant entre cinquante et cinquante-cinq ans. Le cumul
avec d'autres retraites de base se révèle impossible dans de nombreux cas.
Vous le savez aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, si, pour le régime général
de la sécurité sociale, le taux de réversion est de 54 %, il est toujours de 50
% dans la fonction publique et dans la plupart des régimes spéciaux.
J'en viens à ma question, monsieur le secrétaire d'Etat : que comptez-vous
décider en matière de pensions et de retraites en général, de pensions de
réversion en particulier ?
Plus précisément, que répondez-vous à la demande insistante de la Fédération
des associations des veuves civiles, la FAVEC, qui propose de porter
immédiatement le taux de la pension de réversion à 60 % ?
Vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, ce sont quatre millions de
personnes, veuves ou veufs, qui attendent votre réponse.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé.
Madame le sénateur, vous avez bien voulu
appeler l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité - elle
vous prie d'excuser son absence et m'a chargé de répondre à sa place - sur les
conditions d'attribution des pensions de réversion et, plus largement, sur la
situation des personnes veuves.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'énoncé de votre question.
En ce qui concerne les différences de conditions d'attribution des pensions de
réversion selon les régimes de retraite, il convient d'indiquer que, si les
taux sont effectivement parfois moindres dans les régimes spéciaux - ce n'est
toutefois pas toujours le cas - que dans le régime général, les autres
conditions d'attribution y sont, en revanche, plus larges : les pensions de
réversion y sont attribuées sans condition d'âge et sans condition de
ressources.
Par ailleurs, dans les régimes spéciaux, la pension de réversion peut être
cumulée avec une pension de droit direct.
Ces différences dans les conditions de service des pensions de réversion
s'expliquent, évidemment, par la situation et l'histoire propres de chaque
régime. En conséquence, parler d'injustice, madame le sénateur, n'est peut être
pas approprié concernant cette diversité dans les conditions d'attribution, les
unes étant plus favorables dans les régimes spéciaux, les autres dans le régime
général. Je reconnais qu'il y a là une inégalité !
S'agissant maintenant du niveau des pensions de réversion, je ne pense pas,
madame le sénateur, que l'on puisse le considérer comme insuffisant. En effet,
alors que la pension de réversion était réservée à l'origine, dans le régime
général et les régimes alignés, aux seules personnes ne disposant d'aucun droit
propre, des possibilités de cumul ont progressivement été introduites,
permettant ainsi d'augmenter le montant de ressources des personnes
bénéficiaires. C'est ainsi qu'il est possible de cumuler la pension de retraite
du survivant avec la pension principale du décédé dans la limite de 52 % de
leur somme ou de 73 % du montant maximum de la pension vieillesse servie par le
régime général, il est vrai liquidée de soixante-cinq ans, c'est-à-dire de 5
007 francs au 1er janvier 1997, la limite la plus favorable étant retenue dans
tous les cas.
Par ailleurs, je vous rappelle, madame le sénateur, que le relèvement à 54 %
du taux de la pension de réversion a représenté, pour le seul régime général
d'assurance vieillesse, un coût annuel de 600 millions de francs. Cette
remarque n'est pas une excuse, mais elle traduit une réalité, un coût quelque
peu lourd !...
Si le Gouvernement est, bien entendu, très sensible, comme vous l'imaginez, à
la situation des veuves, les contraintes de financement des régimes de
retraite, comme nous l'avons rappelé récemment, ici même, à l'occasion de la
discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998,
interdisent aujourd'hui une augmentation significative du taux des pensions de
réversion.
Pour les personnes de moins de cinquante-cinq ans, sur lesquelles vous attirez
mon attention, il est tout à fait exact que leur situation mérite grandement
considération. Néanmoins, je rappelle que les pensions de réversion sont
servies sans condition d'âge dans l'ensemble des régimes spéciaux de
retraite.
Pour les ressortissants du régime général, une allocation veuvage est servie
normalement pendant une période de trois ans, ce qui permet de compenser le
choc lié au décès du conjoint. Néanmoins, des dispositions spécifiques sont
d'ores et déjà prévues en cas de veuvage au cours de la cinquantième année ou
au-delà, qui permettent de maintenir l'allocation jusqu'au bénéfice de la
pension de réversion.
Quant aux prestations servies par les régimes complémentaires, les règles
appliquées par ces derniers sont librement négociées, arrêtées et révisées par
les partenaires sociaux.
Les pouvoirs publics ne peuvent, comme vous le savez, ni intervenir dans le
fonctionnement de ces organismes de droit privé, ni modifier ou interpréter les
règles régissant les régimes de retraite complémentaire qu'ils mettent en
oeuvre.
Je sais que ma réponse ne vous satisfera pas entièrement, madame le sénateur.
Cependant - ce sera ma conclusion - les conditions actuelles d'attribution des
pensions de réversion et de l'assurance veuvage me paraissent de nature à
préserver convenablement - pas plus, je le reconnais - la situation des
veuves.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, des précisions que vous avez
apportées.
Dans ma question, j'avais d'abord rappelé globalement les demandes des
confédérations syndicales et des associations de retraités, la plate-forme de
leurs revendications pour la manifestation de samedi prochain. J'avais ensuite
évoqué la possibilité d'une augmentation du taux de la pension de réversion.
Si l'on se réfère au passé, les retraités ont effectivement été échaudés.
En 1981, durant la campagne électorale, le candidat victorieux à la présidence
de la République avait annoncé que le taux de pension de réversion serait porté
à 60 % en dix ans, c'est-à-dire qu'il augmenterait de deux points tous les deux
ans. Or on s'est arrêté à 54 %, taux qui n'a d'ailleurs été atteint qu'en 1995
seulement. Mme Veil, elle aussi, avait promis de porter le taux à 60 %.
Deux années se sont écoulées sans qu'il y ait de nouvelle majoration. A ce
rythme-là, les 60 % ne pourraient être atteints qu'en 2020 !
Il serait bon que le Gouvernement examine cette question. Je connais certes le
coût de la mesure, mais je pense qu'il est possible d'apporter une réponse
positive.
Comme vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, de nombreuses veuves
âgées de cinquante ans à cinquante-cinq ans n'ont que l'assurance veuvage. Or
vous savez bien que le montant de celle-ci est peu élevée.
Pourtant les salariés ont accepté une importante retenue sur salaire. Mais
leurs versements sont allés dans le pot commun de la sécurité sociale. La FAVEC
n'a d'ailleurs pas abandonné sa revendication : les sommes retenues sur les
feuilles de paie doivent être reversées aux veuves.
Prévention des accidents
liés aux médicaments
M. le président.
M. Franck Sérusclat attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé
sur sa volonté de mettre en oeuvre une politique globale de prévention en
matière d'alcool au volant, mais aussi d'accidents liés aux médicaments.
Ces derniers sont nombreux et meurtriers, dans la mesure où les Français
figurent parmi les plus grands consommateurs de psychotropes et détiennent le
triste record pour les médicaments antidépresseurs.
Cette consommation, alliée à celle de l'alcool, entraîne une polytoxicomanie
qui a des conséquences importantes sur la vigilance au volant jusqu'à être à
l'origine d'accidents mortels.
Ne devrait-il pas être envisagé de mener une grande campagne d'information et
de prévention, à l'instar de celles qui ont été réalisées dans les pays
nordiques, afin que nos concitoyens soient réellement conscients des dangers
qu'ils font courir aux autres, mais également à eux-mêmes ?
Par ailleurs, il semble indispensable d'accentuer la formation des médecins
qui prescrivent ces médicaments et n'informent pas assez leurs patients des
dangers encourus.
Enfin, une modification du conditionnement des produits neuroleptiques avec
une mise en garde claire et forte pourrait également s'avérer une mesure
efficace.
Il demande au secrétaire d'Etat à la santé s'il compte prochainement engager
une politique dans ces directions, afin de continuer à faire baisser le nombre
d'accidents de la circulation. (N° 34.)
La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat.
Permettez-moi tout d'abord, monsieur le secrétaire d'Etat, même si je le fais
avec retard, de vous faire part du plaisir qui est le mien de vous voir en ces
lieux et à cette fonction.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé.
C'est un plaisir partagé, monsieur le
sénateur.
M. Franck Sérusclat.
Un enfant a été victime d'un accident mortel, à Lyon, dans des conditions
d'autant plus dramatiques que la conductrice présentait un taux d'alcoolémie
élevé et était sous l'effet de psychotropes.
Que peut-on faire pour prévenir ces situations dramatiques, dues notamment à
l'abus de psychotropes ? C'est très fréquent dans notre pays, qui détient le
record de la consommation de ces médicaments ? Quand elle s'allie à l'abus
d'alcool, cette consommation crée des situations encore plus délicates et
dangereuses, pour les uns et les autres.
Envisagez-vous de mener une campagne d'information, comme cela s'est pratiqué
dans les pays nordiques ? Toutefois, l'impact de ces campagnes est à mon avis
passager.
Envisagez-vous, par ailleurs, de faire des efforts dans le domaine de la
formation des médecins ? Je fais référence ici à ce médecin coordonnateur de la
sécurité routière, depuis déjà longtemps en poste à Strasbourg. Il semble, en
effet, à la lecture du compte rendu de l'entretien qu'il a accordé au
Bulletin de l'ordre des médecins,
posséder une connaissance à la fois
précise et précieuse de ces situations.
Les études de ce spécialiste accordent une importance particulière à une
formation des médecins qui concernerait non seulement les psychotropes, mais
aussi les conséquences du vieillissement sur la faculté de conduire.
Il convient de mentionner aussi le rapport du professeur Edouard Zarifian, qui
apporte peut-être quelques éléments que vous pourriez utiliser.
Bref, en dehors des messages insistants que vous adressez aux automobilistes,
pensez-vous engager des actions dans des domaines aussi variés que la formation
des médecins ou le conditionnement des produits pharmaceutiques afin d'attirer
l'attention des praticiens et des consommateurs sur ces risques et de réduire
les dangers ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé.
Monsieur le sénateur, j'ai au moins autant
le plaisir à m'adresser à vous que vous en avez eu à me découvrir sur ce banc
!
Monsieur Sérusclat, votre question est à la fois très précise et extrêmement
large.
Précisément, je vous répondrai par l'affirmative : oui, nous avons légiféré en
ce qui concerne l'alcool au volant, et un certain nombre de dispositifs
contraignants ainsi que des efforts en matière de formation et d'information
ont été déployés dans notre pays.
On pourrait se contenter de cela. Pourtant, au regard du nombre des accidents
de voiture, ce travail reste insuffisant.
Mais, vous avez eu tout à fait raison de le souligner, à cela s'ajoutent le
problème posé par la prise de médicaments psychotropes, voire le problème posé
par la consommation d'alcool liée à celle de psychotropes.
Que peut-on faire ? On peut d'abord informer.
On peut déclencher, et nous entendons le faire, des campagnes afin de
sensibiliser l'opinion publique au danger de la consommation des psychotropes
lorsque l'on prend le volant.
On peut apposer sur les boîtes de médicaments, à l'usage des pharmaciens et
des médecins, mais bien entendu aussi du public, un pictogramme, c'est-à-dire
un petit dessin figuratif rappelant à l'usager les dangers de ce médicament
lorsqu'il conduit. L'image d'un homme au volant barrée d'un trait rouge est
actuellement à l'étude.
On peut également faire campagne par le biais du Comité français d'éducation,
qui vient d'engager une campagne contre l'alcoolisme.
Cependant, pourquoi consomme-t-on tant de psychotropes dans notre pays et que
peut-on faire ?
Il convient sur ce sujet, d'informer d'abord, bien entendu, les médecins.
Pour cela, il faut changer profondément la formation médicale, à commencer par
la formation médicale continue qui, comme nous l'avons rappelé lors d'une
discussion récente, est bloquée. Nous avons donc perdu du temps. Même si la
formation médicale continue fonctionnait à nouveau, ce ne serait pas suffisant.
Il faut aussi changer la formation initiale des médecins, il faut revoir et
moderniser de façon extraordinaire l'information, l'éducation et
l'apprentissage en ce qui concerne les médicaments afin que nous soyons en
possession de tout le savoir immédiatement. Cela veut dire qu'il faut recourir
à l'informatisation.
Sont nécessaires non seulement la formation initiale et la formation continue,
mais aussi l'informatisation des cabinets médicaux.
S'agissant du mélange des médicaments et de ses effets, le recours à Intranet
ou Internet serait utile. La réflexion a commencé depuis de longues années.
Mais les résultats ne sont pas du tout satisfaisants.
J'ai écouté avec plaisir le ministre de l'éducation, M. Allègre, nous annoncer
son plan d'informatique dans les écoles. Mais cela m'a fait prendre conscience
du fait que les enfants des médecins sauront se servir d'ordinateurs avant que
le plan d'informatisation médical soit terminé.
Les effets indésirables des différents médicaments pris ensemble doivent être
connus et toujours actualisés. Seule l'informatisation permettra d'y
parvenir.
Mais votre question porte, beaucoup plus largement encore, sur la nécessité
des réformes.
Lorsqu'un médecin ne peut consacrer à ses patients que dix ou quinze minutes,
et que ceux-ci présentent des pathologies, certes précises, mais peut-être
somatiques, résultant du chômage, de considérations familiales, de l'angoisse
de l'avenir, la tentation est forte de prescrire un psychotrope
supplémentaire.
Sur ce point, monsieur Sérusclat, les chiffres que vous avez cités sont
exacts, ils ont d'ailleurs été relevés par M. Zarifian : en France, on consomme
trois ou quatre fois plus de psychotropes que dans les pays environnants. Nous
détenons, là aussi, le record du monde.
Or nous ne changerons ces habitudes néfastes qu'en changeant notre système en
profondeur.
Je vous réponds donc très précisément, monsieur le sénateur : oui à une
campagne d'information, oui aux pictogrammes, oui à l'information des médecins.
Nous prendrons tout cela en charge.
Toutefois, s'agissant du médicament et de la surconsommation, il faut demander
au Comité économique du médicament de nous faire des propositions. Je l'ai dit
en présence de Mme Martine Aubry, ici même, au moment de la discussion du
projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En outre, nous devons, je crois, envisager une façon différente de prendre en
charge le patient. Je pense aux médecins référents qui ont signé l'avenant à la
convention et deviennent ainsi un peu plus le centre du dispositif.
Tout cela doit être réalisé en même temps et dans des perspectives à court, à
moyen et à long terme pour que cesse cette consommation. Cela profiterait à
notre budget - 10 % des hospitalisations comportent des effet médicamenteux
indésirables - et éviterait près de la moitié des accidents - 9 000 morts par
an - dus à la consommation d'alcool jointe parfois à celle de médicaments.
M. Franck Sérusclat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat.
Je remercie M. le secrétaire d'Etat des informations qu'il vient de me donner
avec son enthousiasme habituel, certain que je suis que l'avenir lui donnera
raison.
Qu'il me permette cependant d'insister tout d'abord sur l'importance réelle de
la formation initiale. En effet, le « mythe Internet » - pardonnez-moi
d'employer ce terme - finit par brouiller les pistes, finit par faire croire
que l'informatique apporte des solutions dans tous les domaines. En fait, il ne
faut pas oublier qu'une formation initiale forte est nécessaire.
Par ailleurs, que pensez-vous de l'intérêt que pourraient avoir également les
conférences de consensus, telles que Philippe Lazar les avait proposées ? Que
pensez-vous d'une action très forte pour éviter ce laxisme dans la prescription
- car il y a bien laxisme dans la prescription - que vous venez vous-même
d'évoquer ?
Au cours de cette formation initiale, il faut aussi inciter les médecins à
prescrire raisonnablement, et non pas à prescrire pour donner satisfaction aux
patients.
Ne pourriez-vous pas suggérer - mais peut-être n'avez-vous pas étudié cette
disposition dans son détail - la création de médecins coordonnateurs de la
sécurité sociale dans un milieu hospitalier donné, comme il en existe à
Strasbourg ? Une telle disposition me paraît significative. Mais ne l'ayant
découverte que ce matin, mon appréciation résulte peut-être d'une analyse trop
rapide. Quoi qu'il en soit, je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de
votre réponse.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est par pure courtoisie que je vous
l'accorde, car le Gouvernement ne peut reprendre la parole.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur le sénateur, l'expérience de Strasbourg est très intéressante. Il en
existe une autre qui a été menée dans le département de la Savoie et qui
consiste à remettre aux pharmaciens un document explicite soulignant les effets
dangereux de certains médicaments sur la conduite automobile.
Ces expériences sont intéressantes et il faut en tenir compte.
S'agissant des conférences de consensus et de l'expérience de Philippe Lazar,
vous avez tout à fait raison. Il faut que ces conférences de consensus soient
connues des médecins. A cette fin, le recours à Internet n'est pas magique.
Mais, pour ce qui est des interactions médicamenteuses et de leur mise au point
permanente au sein de l'Agence du médicament, c'est un bel instrument qui
n'existe pas.
Enfin, je partage complètement votre sentiment sur la nécessité de la remise à
plat - comme on dit - des études initiales, qui ne sont plus adaptées aux temps.
Situation des retraités agricoles
M. le président.
M. Philippe Madrelle appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et
de la pêche sur la situation des retraitées agricoles conjointes qui doivent se
contenter d'une retraite de 1 400 francs par mois pour une moyenne de cinquante
années de travail.
Il lui rappelle que ces agricultrices ont souvent commencé à travailler dès
l'adolescence pour aider leurs parents à relever les exploitations. Dans la
période des années soixante, les agriculteurs ont dû investir pour acheter les
terres, construire les bâtiments agricoles et acquérir du matériel agricole. Il
souligne que tous ces efforts ont permis au secteur agroalimentaire de réaliser
d'énormes profits et que, aujourd'hui, les terres et les bâtiments agricoles ne
représentent plus aucune valeur, faute de repreneur.
En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser les mesures qu'il
compte prendre afin que les retraitées agricoles conjointes d'exploitant
puissent bénéficier d'une retraite agricole égale au moins à 75 % du salaire
minimum interprofessionnel de croissance. (N° 47.)
La parole est à M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens à saluer comme il se doit l'effort
indéniable que le Gouvernement vient de réaliser en faveur des retraités
agricoles.
En effet, le 23 octobre dernier, lors de la discussion des crédits du budget
annexe des prestations agricoles, M. Le Pensec a annoncé une revalorisation de
500 francs par mois en faveur des agriculteurs qui ont pris leur retraite après
trente-sept ans et demi d'activité. Il faut bien dire que cela tranche d'une
manière significative avec les promesses non tenues des précédents
gouvernements de MM. Balladur et Juppé !
Certes encourageante, cette mesure de revalorisation des retraites agricoles
ne constitue qu'un premier pas vis-à-vis de toutes celles et de tous ceux qui
ont contribué au relèvement de la France au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale.
En effet, mes chers collègues, il faut savoir, que dans notre pays, de trop
nombreuses femmes d'exploitants et aides familiaux doivent se contenter d'une
retraite misérable de 1 200 francs à 1 350 francs par mois, après avoir
travaillé très durement pendant plus d'une cinquantaine d'années. Beaucoup de
citadins ignorent qu'une situation aussi injuste existe de nos jours en
France.
Ces agricultrices qui ont souvent commencé à travailler dès l'adolescence pour
aider leurs parents ne demandent pas l'aumône, ni une quelconque prestation
sociale. Elles attendent une reconnaissance bien légitime. Il s'agit là, et je
sais que vous le comprenez parfaitement, monsieur le secrétaire d'Etat, d'un
devoir de solidarité nationale vis-à-vis de celles et de ceux qui ont
contribué, des années durant, à faire du secteur agroalimentaire un secteur
essentiel de notre économie. N'oublions pas que les empires de
l'agroalimentaire réalisent, eux, d'énormes profits.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous en avez bien conscience : cet effort, même
s'il doit être fait prioritairement en faveur des femmes d'exploitants
retraités, doit être globalement porté sur tous les retraités agricoles.
Une avancée sociale louable a été effectuée. Vous vous doutez bien, monsieur
le secrétaire d'Etat, que nous attendons avec impatience un échéancier à même
de donner satisfaction aux légitimes revendications de l'Association nationale
des retraités agricoles de France.
Compte tenu de la pyramide des âges, la solidarité nationale s'avère
indispensable pour atteindre l'objectif des 75 % du SMIC au cours de l'actuelle
législature.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je connais votre volonté, votre souci de
justice sociale. Je sais que cela a un coût. Mais il est très difficile de
soutenir le regard de ces petits exploitants, de ces fermiers, de ces métayers,
qui, sans patrimoine, sont dans la plus grande détresse.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé.
Monsieur le sénateur, j'ai été
personnellement très sensible à votre question et à la manière dont vous l'avez
posée.
Je dois d'abord vous prier d'excuser M. Louis le Pensec, ministre de
l'agriculture et de la pêche, qui se trouve actuellement, comme c'est souvent
le cas, à Bruxelles pour négocier avec ses homologues européens la réforme de
la politique agricole commune.
Mon collègue, M. le Pensec, s'est attaché à l'examen du problème des retraites
dès son arrivée au ministère de l'agriculture et de la pêche ; vous venez de le
rappeler, monsieur le sénateur.
S'il apparaît que, depuis la loi de 1990, les agriculteurs entrant dans le
régime de protection sociale agricole bénéficieront des mêmes droits de
retraite que les salariés du régime général, nombreux sont ceux qui, déjà à la
retraite, perçoivent, vous l'avez très justement souligné, des pensions très
faibles.
Le Gouvernement a donc décidé de prendre un premier train de mesures à
l'occasion du projet de loi de finances pour 1998.
L'effort sera porté sur les catégories les plus modestes de retraités,
c'est-à-dire les anciens aides familiaux, les conjoints d'exploitants ainsi que
les agriculteurs ayant accompli une carrière mixte - conjoint puis exploitant -
afin de ne pas pénaliser les agricultrices qui ont repris pendant quelques
années la conduite de l'exploitation au moment du départ en retraite de leur
conjoint.
Dès 1998, une première mesure significative est prévue, qui profitera à près
de 300 000 retraités. Elle se traduit par une revalorisation de 5 100 francs
par an de la pension pour les deux tiers des agriculteurs concernés, soit une
revalorisation de 27 % pour ceux qui ont accompli une carrière complète ou
quasi exclusive en agriculture.
Il s'agit donc ici des catégories de retraités qui n'ont pas bénéficié des
mesures de revalorisation décidées dans le passé et qui avaient des pensions de
retraite inacceptables.
Ainsi, un retraité ayant travaillé trente-sept années et demie perçoit, pour
cette année, 18 650 francs et percevra l'année prochaine, grâce au relèvement
décidé, 23 750 francs, soit une majoration de 27 %.
Le coût de la mesure est de 1 milliard de francs en année pleine. Chaque fois
que nous sommes déçus de ne pas pouvoir répondre de manière plus satisfaisante
à vos questions, il nous faut rappeler que cela coûte cher !
Dans le projet de loi de finances pour 1998, cette mesure se monte à 760
millions de francs, ce qui, compte tenu des économies mécaniques sur le fonds
de solidarité, correspond à un coût net de 660 millions de francs.
Par ailleurs, vous le savez, l'opération de basculement des cotisations
maladies sur la CSG s'est traduite par un gain de pouvoir d'achat pour 700 000
retraités.
En effet, jusqu'à aujourd'hui, tous les agriculteurs retraités, à l'exception
des bénéficiaires du fonds de solidarité vieillesse, s'acquittaient d'une
cotisation d'assurance maladie. Désormais, seules les personnes redevables de
l'impôt sur le revenu devront verser 2,8 % de CSG sur leurs avantages
vieillesse.
Sera de ce fait exonérée la majorité des exploitants ayant exercé leur
activité à titre unique ou principal dans l'agriculture. Le coût global du
transfert est estimé pour la solidarité nationale à 510 millions de francs pour
700 000 retraités.
Au total, pour les agriculteurs dont la pension est revalorisée, les chefs
d'exploitation et les anciens aides familiaux, la mesure globale de majoration
de leur pension sera donc de 500 francs par mois en moyenne ainsi que vous
l'avez dit : 425 francs de majoration de la retraite et 75 francs en moyenne
d'exonération de cotisation maladie.
Ce n'est qu'un premier pas, mais cette première étape de revalorisation des
plus faibles retraites me paraît tout de même importante. Elle traduit l'effort
de la collectivité nationale au profit du monde rural pour qui, vous avez eu
raison de le dire, le travail a été dur pendant des années : quarante à
cinquante ans, voire, souvent, cinquante ans et plus !
Cette étape devra être poursuivie pendant la durée de la législature, afin de
porter la retraite des agriculteurs à un niveau acceptable. Si je ne vous donne
pas de calendrier plus précis, c'est que nous serions bien en peine de
l'établir. En effet, ayant, si j'ose dire, repris le flambeau des affaires
depuis peu de temps et étant confrontés à la fois au projet de loi de finances
et au projet de loi de financement de la sécurité sociale, un calendrier ne
serait pas exact et nous ferait mentir.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Madrelle.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle.
Je voudrais dire ma confiance dans le Gouvernement et remercier M. le
secrétaire d'Etat.
Je lui demande d'être notre interprète autour de la table du Gouvernement et
de se battre, car il s'agit d'un problème qui est vraiment grave, vous l'avez
bien compris.
Il concerne ceux qui sont dans la détresse, car ils ont peu de moyens pour
vivre, et, malheureusement, vous le savez bien, ils sont légion à travers la
France. Par un juste retour des choses, il faut donc leur apporter la
solidarité.
M. le président.
L'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre
nos travaux ; nous les reprendrons à dix-huit heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à dix-huit heures
trente, sous la présidence de M. Jacques Valade.)
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
DÉCÈS D'UN SÉNATEUR
M. le président. J'ai le profond regret de vous faire part du décès, survenu le 18 novembre 1997, de notre collègue François Mathieu, sénateur de la Loire.
4
DÉMISSION D'UN SÉNATEUR
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu une lettre par laquelle M. Michel Rocard
déclare se démettre de son mandat de sénateur des Yvelines.
Acte est donné de cette démission.
5
REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR
DÉMISSIONNAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que, conformément à l'article LO 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article LO 320 du code électoral, M. Jacques Bellanger est appelé à remplacer, en qualité de sénateur des Yvelines, à compter du 19 novembre 1997, M. Michel Rocard, démissionnaire de son mandat.
6
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président.
La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des
prochaines séances du Sénat :
A. -
Mercredi 19 novembre 1997,
à quinze heures :
Ordre du jour complémentaire
1° Conclusions de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de résolution de MM. Blin, de Raincourt, de Rohan, Valade et Revol tendant à créer une commission d'enquête afin de recueillir les éléments relatifs aux conditions d'élaboration de la politique énergétique de la France et aux conséquences économiques, sociales et financières des choix effectués (n° 71, 1997-1998).
Ordre du jour prioritaire
2° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au
fonctionnement des conseils régionaux (n° 27, 1997-1998).
B. -
Jeudi 20 novembre 1997 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite de l'ordre du jour de la veille.
A seize heures et le soir :
2° Sous réserve de sa création, nomination des membres de la commission
d'enquête sur la politique énergétique de la France.
Les candidatures à cette commission devront être déposées par les groupes au
secrétariat du service des commissions avant le jeudi 20 novembre 1997, à onze
heures.
Ordre du jour prioritaire
3° Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 1998 (AN,
n° 230).
Les règles et le calendrier de la discussion du projet de loi de finances pour
1998, fixés par la conférence des présidents du 4 novembre 1997, sont
confirmés.
Sont également confirmées les inscriptions suivantes :
_ le
mercredi 26 novembre 1997,
à dix-sept heures trente, dépôt du
rapport annuel de la Cour des comptes ;
_ le
jeudi 27 novembre 1997,
à quinze heures, questions d'actualité au
Gouvernement ;
_ le
lundi 1er décembre 1997,
à neuf heures trente, conclusions de la
commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1998 ou nouvelle lecture.
En outre, l'ordre du jour du jeudi 27 novembre 1997 est complété par la
discussion, après les questions d'actualité au Gouvernement, du projet de loi
autorisant l'approbation du quatrième protocole (services de télécommunications
de base) annexé à l'accord général sur le commerce des services, sous réserve
de sa transmission (AN, n° 221).
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
7
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 1998
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale
(n° 70, 1997-1998). [Rapport n° 73 (1997-1998) et avis n° 79 (1997-1998).]
Mes chers collègues, nous en sommes parvenus aux explications de vote sur
l'ensemble du projet de loi.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme
Borvo pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, au terme des longues journées de débats, que tout le monde a
en mémoire, nous devons nous prononcer sur l'ensemble du projet de loi de
financement de la sécurité sociale tel qu'il a été remanié par la majorité
sénatoriale.
J'indiquerai tout de suite que le texte qui nous est soumis aujourd'hui n'a
plus rien à voir avec celui qui avait été adopté par l'Assemblée nationale.
Pour M. le rapporteur, Charles Descours, le projet de financement de la
sécurité sociale réécrit par la commission des affaires sociales a pour objet
de mettre en oeuvre « une autre politique ».
En fait, il s'agit, pour la droite sénatoriale, non pas de recettes nouvelles
susceptibles de résorber les difficultés financières de notre système de
protection sociale, d'une part, et de réduire les inégalités d'accès aux soins
ou de remédier à l'émiettement de celui-ci, d'autre part, mais tout simplement
d'une réactivation de mesures qui nous ont, hélas ! déjà été proposées.
Les ordonnances de l'année dernière n'ont pas apporté de solution ; au
contraire, elles ont échoué sur trois points.
Il s'agit tout d'abord d'un échec politique. Nous avons tous en mémoire la
mobilisation tant des assurés sociaux que des médecins et personnels
hospitaliers, demandant le retrait du « plan Juppé », qualifié « d'injuste
».
Ensuite, ce fut un échec économique et financier : ni la création d'une
nouvelle recette fiscale, à savoir le RDS, le remboursement de la dette
sociale, ni le rationnement des soins n'ont permis de réduire de façon
significative le déficit de la sécurité sociale, et encore moins, nous le
constatons aujourd'hui, de retrouver l'équilibre à la fin de 1997.
Enfin, l'échec social est patent : même si la France consacre 9,8 % de son PIB
à la santé, l'état de santé de nos concitoyens ne cesse de se dégrader. Il faut
donc envisager autrement les problèmes.
Ainsi, d'anciennes pathologies réapparaissent - je pense ici, bien sûr, à la
tuberculose ; des rapports successifs nous montrent la dégradation de la santé
des jeunes ; et surtout, de nombreuses personnes continuent d'être exclues des
soins.
En limitant les remboursements et la part des dépenses de santé prises en
charge par la sécurité sociale, le « plan Juppé » a induit, pour compenser, une
augmentation de la charge financière supportée par les ménages et les
mutuelles.
Destinées à rompre avec l'unicité du système de soins, les mesures prises ont
accentué les inégalités entre les hôpitaux pour les accès aux soins et renforcé
les cloisonnements existants - médecine de ville, hôpitaux...
Pour ne pas dépasser leurs enveloppes de prescription, les médecins se
renvoient les malades les plus coûteux, évitant ainsi les pénalités. Faute de
moyens suffisants, une large frange de la population est exclue des soins
dentaires et ophtalmologiques - pour ne citer que ceux-là.
Attachés à l'hôpital public, les Français sont déroutés. Au niveau régional,
sont décidés arbitrairement le nombre de prothèses à rembourser ou les
fermetures de services, passant outre la demande de proximité.
Pour réaliser sa mission première de soins, l'hôpital doit être un lieu de
technologie, mais aussi un lieu d'écoute, centré sur le malade afin de répondre
pleinement à ses besoins.
Les droits attachés à la personne humaine, le droit à la sécurité sociale et
le droit à la santé doivent être préservés.
Dans le contre-projet présenté par la majorité sénatoriale, le volet politique
sanitaire a disparu dans son ensemble.
C'est pourquoi nous ne pouvons nous inscrire dans une logique guidée seulement
par un objectif comptable.
Conscients de la nécessité de réduire puis de résorber le déficit de la
sécurité sociale, nous n'acceptons pas qu'elle se traduise par un rationnement
des soins inévitable, ces messieurs de la majorité souhaitant ramener
l'augmentation de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie,
l'ONDAM, à 1,7 %, ou par des réductions de personnels induites par les
économies décidées sur la gestion des caisses.
Soucieuse, selon elle, de préserver la cohérence du financement de la sécurité
sociale, la droite sénatoriale refuse le transfert des cotisations sociales sur
la CSG en supprimant l'article 3.
Résolument opposés à la CSG comme nous le sommes pour les raisons évoquées
tout au long du débat, nous ne pouvons pour autant partager la démarche de la
droite qui a des objectifs tout à fait étrangers aux nôtres.
En effet, M. Fourcade, lui-même, a justifié la censure de l'article 3 non pas
par une hostilité de fond au principe même de cet impôt - il y est même
favorable - mais par une trop grande précipitation du Gouvernement.
Les véritables raisons ne résideraient-elles pas plutôt en ce que la droite
entend éviter le débat sur un autre financement possible de la sécurité sociale
mettant à contribution les revenus du capital ?
Bien qu'incomplet - nous l'avons dit tout au long des débats - le projet
gouvernemental sur la CSG permet d'envisager une taxation des revenus
financiers spéculatifs sans laquelle la solidarité, clé de voûte de cette
mesure, n'existerait pas.
Enfin, nous ne pensons pas que la droite sénatoriale ait le monopole de la
défense de la famille, comme elle s'est évertuée à le faire croire, sa position
s'étant traduite par une augmentation d'un dixième de point de la CSG affectée
à la branche famille.
De plus, s'agissant du système actuel de l'AGED, l'allocation de garde
d'enfant à domicile, qui procure aux familles les plus aisées des avantages
importants, nous sommes favorables à un lissage des aides en fonction des
revenus du couple et non à la prise en charge intégrale par l'ensemble des
cotisations sociales dues au titre d'un emploi à domicile que la droite entend
rétablir.
En conséquence, nous rejetons et la logique et l'ensemble des
contre-propositions présentées par la majorité sénatoriale. Censées viser au
redressement de la sécurité sociale, elles tendraient au contraire à en
accentuer encore les déficiences.
Nous ne pouvons cautionner ces contre-propositions, et c'est pourquoi nous
voterons contre le texte issu des débats sénatoriaux, en souhaitant que
l'Assemblée nationale confirme les pas en avant faits sur l'initiative des
députés communistes - je pense à l'engagement de remettre à plat la politique
familiale et, comme je l'indiquais, à la recherche d'une participation des
ressources financières des entreprises à la protection sociale - voire améliore
encore le texte qu'elle avait adopté.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, la réforme de notre système de protection sociale engagée par
le précédent gouvernement avait pour objectif de sauvegarder notre système de
sécurité sociale.
Longue à mettre en oeuvre en raison de la complexité des différents
dispositifs et du changement de comportement qu'elle exigeait de tous,
praticiens et patients, cette réforme a porté ses premiers fruits en
réussissant à freiner l'augmentation sans cesse grandissante de nos
déficits.
C'est pour cela qu'il est extrêmement regrettable que le Gouvernement ait
tourné le dos à cette volonté de s'attaquer enfin aux causes et non plus aux
conséquences des déficits sociaux.
Le projet de loi que vous nous avez présenté ne comporte en effet aucune
vision d'avenir pour les différentes branches de la protection sociale et, bien
souvent, ne présente pas d'évaluation des effets des mesures qu'il contient.
Ainsi, l'assurance vieillesse est complètement ignorée alors que nous savons
tous que, d'ici à une dizaine d'années, une grande partie des régimes spéciaux
ne pourront plus faire face à leurs dépenses et que le régime général sera
totalement exsangue.
La politique de la famille est méconnaissable et se métamorphose en politique
sociale, bien loin des objectifs initiaux. Nous en avons déjà longuement
discuté.
Quant à l'assurance maladie, elle est gérée uniquement sous un aspect
comptable, négligeant ainsi les outils créés pour cette fameuse maîtrise des
dépenses de santé.
En outre, vous avez décidé de relâcher l'effort qui avait été demandé aux
différents acteurs de notre système de santé publique en décidant une
augmentation de 2,2 % de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie,
qui ne repose sur aucune enquête de santé publique et ne tient pas compte des
conclusions de la récente conférence nationale de la santé. C'est
regrettable.
Par ailleurs, le projet de loi que vous nous présentez constitue une atteinte
grave et sans précédent à l'encontre de plusieurs catégories de personnes.
Il constitue une atteinte aux familles, tout d'abord.
En plafonnant les allocations familiales et en limitant les aides aux emplois
familiaux, vous vous attaquez aux familles qui ont choisi d'avoir des enfants,
aux jeunes parents qui ont fait le choix de travailler et avaient réussi à
concilier harmonieusement activité professionnelle et maternité.
Dans une société où, malgré les protections du droit du travail, le marché de
l'emploi est si dur envers les femmes en âge d'être mère, était-il nécessaire
de les décourager un peu plus ?
Nous avons besoin d'enfants quel que soit le niveau social des parents. Il
était donc essentiel que le Sénat supprime ces mesures iniques.
En outre, vous annoncez une « remise à plat » de la politique familiale. Cette
expression est inquiétante. Espérons qu'il s'agisse d'une réforme globale et
non d'une remise à zéro, comme vos mesures actuelles semblent, hélas ! le
laisser présager.
Il s'agit d'une atteinte envers les épargnants, les travailleurs non salariés
non agricoles, les retraités et tous ceux qui verront leurs ressources
diminuées à l'occasion du basculement des cotisations sociales sur la CSG, dont
les effets n'ont pas été évalués. Aucune compensation n'a été prévue.
Ainsi, il est facile de paraître vouloir augmenter le pouvoir d'achat des
salariés. Mais, s'ils ont la malchance d'être également des épargnants, le gain
risque de devenir une perte.
Le Gouvernement semble considérer les épargnants comme de grands capitalistes.
Il en existe quelques-uns et ils sont nécessaires à notre économie pour assurer
son développement et pour investir. Sachez cependant que la plus grande
majorité des épargnants est modeste et va sans doute mal supporter le
prélèvement massif et brutal que vous allez effectuer sur des sommes sur
lesquelles elle a déjà payé l'impôt sur le revenu.
Croyez-vous vraiment relancer ainsi la consommation ?
Quant aux professions indépendantes, leur sort est peu enviable : vous
prélevez 2 milliards de francs sur leur caisse de retraite, vous déplafonnez
leurs cotisations familiales au moment où certains d'entre eux ne toucheront
plus les allocations - il fallait oser ! - et leur pouvoir d'achat va baisser
en raison du basculement de la CSG.
L'addition est un peu lourde. Heureusement, le Sénat est revenu sur ces
dispositions.
Enfin, ce texte porte atteinte aux jeunes qui feront les frais de 130
milliards de francs de prélèvements supplémentaires au titre de la contribution
au remboursement de la dette sociale, la CRDS, pour combler les 87 milliards de
francs de déficits. Ils seront également sollicités pour faire face à la montée
en charge brutale des pensions de vieillesse dans les années 2005-2010.
Une fois de plus, vous augmentez les prélèvements pour faire face aux
déficits, sans avoir le courage de vous attaquer à leurs causes.
En conclusion, je tiens à féliciter MM. Descours, Vasselle et Machet,
rapporteurs, et la commission des affaires sociales pour le travail qu'ils ont
effectué afin de remanier en profondeur ce projet de loi et nous proposer une
autre politique, dans la continuité de la réforme de 1995, plus constructive et
plus transparente.
Pour toutes ces raisons, le groupe du rassemblement pour la République votera
le texte tel qu'il a été amendé par la Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, nous nous trouvons en présence de deux projets, ce qui nous
met dans l'embarras.
Mme Hélène Luc.
Ah !
M. François Lesein.
Le projet du Gouvernement semble vouloir amputer les avantages vieillesse -
l'autre jour, M. le secrétaire d'Etat à la santé n'a pas répondu à toutes mes
questions - et il aggrave les différences de traitement budgétaire entre
certains services publics, notamment en région parisienne.
Le contre-projet de la commission diminue les crédits médico-hospitaliers, et
surtout hospitaliers, en proposant de ramener la progression de l'objectif
national d'assurance maladie, l'ONDAM, de 2,2 % à 1,7 %. Les difficultés des
hôpitaux vont donc s'accroître. Déjà l'an dernier, la réduction des crédits
avait conduit à des fermetures temporaires de services, aggravant ainsi le
manque de sécurité des malades.
Où se trouvent les bonnes solutions ? Sans doute un peu dans chacune de ces
deux propositions ! Toutefois, ne fallait-il pas prendre un peu de temps, comme
je l'ai souhaité l'autre jour, suivant en cela le voeu exprimé par M. Fourcade
? Le projet de loi qui nous est soumis est, en effet, discuté dans la
précipitation, à la demande du Gouvernement. Déjà l'an dernier, j'avais demandé
à votre prédécesseur, madame la ministre, que l'examen de ce texte soit
distinct du débat budgétaire, qui provoque suffisamment d'effervescence.
Je ne me prononcerai sur aucun des deux projets, car cela ne me paraît ni bon
ni sain. Par conséquent, je ne prendrai pas part au vote.
M. le président.
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, au nom du groupe de l'Union centriste, je souhaite apporter
une forme de conclusion à nos travaux sur ce projet de loi de financement de la
sécurité sociale, travaux qui ont été fort riches, empreints de passion et de
franchise s'agissant d'un texte qui engage largement l'avenir de notre
protection sociale.
Deux approches se sont opposées, ce qui est la logique même d'un débat
majorité-opposition. L'approche du Gouvernement - de votre Gouvernement, madame
la ministre - manquait parfois de clarté : elle reposait par moments sur
quelques
a priori
idéologiques, suivis de promesses de concertation et
de réformes. Tout s'est néanmoins déroulé, je dois le dire, dans un climat de
sérénité. L'approche de la commission des affaires sociales, beaucoup plus
pragmatique et courageuse, se situe clairement dans la continuité du plan
Juppé.
Le contre-projet de la commission répond tout à fait, selon nous, aux
critères d'un bon projet de loi de financement de la sécurité sociale. Fort de
propositions intéressantes et cohérentes, il apporte une réponse aux différents
défis qui nous sont imposés : la nécessité de lutter contre les déficits, ce
qui est un exercice difficile, certes, et celle d'améliorer notre natalité.
Grâce aux différents amendements de la commission, l'indispensable effort de
maîtrise des dépenses se trouve mieux réparti entre les différentes branches de
la sécurité sociale et entre les acteurs du système de santé. Il n'est pas
normal, en effet, que la branche famille soit soumise à des mesures d'économies
spécifiques, alors que ce n'est pas le cas pour d'autres branches de la
sécurité sociale, qui représentent pourtant une part plus importante des
dépenses.
Que dire aussi, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, du secteur
hospitalier qui représente près de la moitié des sommes consacrées à
l'assurance-maladie ? Est-il normal que votre projet initial prévoit pour
l'hôpital une augmentation des dépenses supérieure à celle de la médecine
ambulatoire, sous prétexte d'un « étouffement » qui aurait été provoqué par vos
prédécesseurs ?
Le Gouvernement donne l'impression de sous-estimer les réelles marges
d'économies qui existent dans un secteur devenu trop opaque et coûteux.
A ce propos, vous avez eu devant le Sénat, madame la ministre, des mots assez
sévères concernant la mise en place des agences régionales d'hospitalisation,
les ARH. Selon vous, la précédente équipe gouvernementale se serait, en quelque
sorte, « déchargée d'une partie de ses responsabilités sur les ARH ».
Or la déconcentration se révèle d'autant plus efficace que les représentants
de l'Etat responsables localement sont mieux identifiés. Telle était la
motivation de MM. Juppé et Barrot, à savoir une meilleure coordination des
services sociaux de l'Etat et, par ailleurs, l'emploi de personnes d'horizons
différents, alliant compétence et neutralité dans des choix, il est vrai,
souvent difficiles.
Au cours de nos débats, vous avez critiqué, par moments, le soi-disant laxisme
de vos prédécesseurs en matière de dépenses de santé ; je pense à M. Jacques
Barrot que vous avez cité, confronté à la charge que vous connaissez
aujourd'hui et qui s'est engagé à mener à bien une réforme difficile, malgré
l'opposition conjuguée de tous les grands
lobbies
, professionnels et
syndicaux, qui avaient intérêt au
statu quo
.
C'est ainsi que le précédent gouvernement Juppé a mis en place le système de
reversement collectif, contre l'avis de tous les syndicats de praticiens, à
l'exception d'un seul, MG-France.
Ce système, vous l'avez d'ailleurs repris à votre compte, alors que, lors de
la préparation des ordonnances, je n'ai pas entendu beaucoup de représentants
de l'ancienne opposition, dont vous étiez, se solidariser en public avec le
gouvernement de l'époque sur ce genre de sujet.
L'autre défi auquel est confronté la France, à l'instar de la plupart des pays
européens, est bien sûr le déclin démographique. Or votre projet va à
l'encontre du devoir, qui revient à l'Etat, de tout faire pour assurer le
remplacement des générations et ainsi l'avenir du pays.
Comme je l'ai dit dans mon rapport, vous vous attaquez à un certain nombre de
prestations dont le pilier principal est constitué par les allocations
familiales. Grâce aux modifications approuvées par le Sénat, ce socle
indispensable à notre politique familiale est à nouveau intact, dans l'attente
des probables modifications que l'Assemblées nationale ne manquera pas
d'apporter, malheureusement.
Toutefois, un signal a pu ainsi être envoyé par les sénateurs de la majorité
du Sénat à l'ensemble des familles françaises, signal selon lequel notre
assemblée ne laissera pas sans réagir le Gouvernement porter atteinte aux
engagements pris par l'Etat depuis 1945.
S'agissant de l'avenir, il est clair que les sénateurs de la majorité
sénatoriale, notamment ceux de l'Union centriste, seront très vigilants par
rapport aux éventuels projets en matière de politique familiale qui pourraient
ressortir de la concertation ou réflexion que vous avez annoncée pour 1998.
En conclusion, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, j'indiquerai
que le groupe de l'Union centriste votera, naturellement, le texte proposé par
la commission des affaires sociales, tout en remerciant son président, M.
Fourcade, ainsi que MM. les rapporteurs, notamment M. Descours, pour le travail
effectué ; sans oublier tous ceux qui se sont consacrés à cet important
dossier.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépensants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, nous voici parvenus à la fin du débat sur la deuxième loi de
financement de la sécurité sociale. Tout au long de la semaine dernière, ce
débat a opposé, d'une part, le Gouvernement et ceux dont nous sommes qui
soutiennent son projet de loi et, d'autre part, la majorité sénatoriale qui
s'est inscrite dans une tout autre logique.
Je retiens que l'accord s'est réalisé au moins sur un point, à savoir la
nécessité de réduire le déficit structurel de la sécurité sociale auquel ont eu
à faire face ces dernières années tous les gouvernements successifs.
Nous sommes donc d'accord pour retenir le chiffre de 12 milliards de francs de
déficit pour l'année 1998 au lieu des 37 milliards de francs de cette année.
Mais, au-delà, nous divergeons totalement sur les moyens de parvenir à ce
résultat. Je le dis tout net : ceux qui sont proposés par la majorité
sénatoriale ne nous paraissent pas convaincants.
C'est pourquoi le groupe socialiste sera conduit à voter contre le texte qui
est issu de nos débats, dont je me réjouis cependant qu'ils aient laissé moins
de place à la polémique que certains débats précédents.
En fin de compte, nous pouvons tous dresser le même constat : si l'on n'y
porte pas remède, notre système de protection sociale sera rapidement en
danger. Il n'y a pas aujourd'hui pléthore de solutions pour le sauver.
L'élargissement de l'assiette des prélèvements en est une, car la seule
contribution des salaires est devenue à la fois archaïque et injuste,
pénalisante pour l'emploi et discriminante pour les entreprises de
main-d'oeuvre.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé de recourir à
l'augmentation et à l'élargissement de la CSG, qui va donc se substituer, pour
les salariés, à la cotisation maladie, en leur apportant en même temps un peu
plus d'un point de pouvoir d'achat supplémentaire.
Il s'agit là, nous semble-t-il, et quoi qu'en pense la majorité sénatoriale,
qui pour autant ne nie pas l'utilité de la CSG, d'une mesure équitable et
efficace pour remédier à ce déficit persistant lourd de conséquences pour les
futures générations. Je vous renouvelle donc, madame la ministre, notre accord
total avec votre projet de loi.
Je ne reviendrai pas, à cette heure, sur la polémique que la majorité
sénatoriale a voulu entretenir sur les mesures concernant la famille. Des
accusations absurdes ont été lancées contre la politique du Gouvernement dans
ce domaine, les procureurs ayant la mémoire étrangement courte par rapport aux
contradictions, pour ne pas dire autre chose, de la politique familiale des
deux gouvernements précédents : prélèvements fiscaux accrus, sur la loi famille
de 1994 non financée, réduction de l'allocation de rentrée scolaire,
non-revalorisation du barème des prestations familiales, etc.
M. Alain Gournac.
Les familles jugeront !
M. Claude Estier.
Des chiffres ont été cités, que je ne reprends pas, mais ils montrent que,
loin de s'attaquer aux familles, voire de les « assassiner » comme certains ont
osé le dire...
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac.
Comme les associations le disent !
M. Claude Estier.
Je vois que vous continuez sur la même lancée !
... le Gouvernement a fait le choix à la fois de l'efficacité...
M. Alain Gournac.
Pas sur le dos des familles !
M. Claude Estier...
car il faut bien s'attaquer au déficit de la branche famille, et de la
solidarité en ne demandant un effort qu'aux familles les plus aisées.
Depuis un demi-siècle, notre système de protection sociale fait partie
intégrante de la vie quotidienne de chaque Français. Mais sa banalisation nous
a fait quelquefois perdre de vue qu'il constitue, avec l'enseignement public,
l'une des plus grandes conquêtes de la République.
Fondée sur la liberté d'accès aux soins, notre sécurité sociale a instauré
l'égalité des chances face à la maladie, la solidarité entre les générations,
entre les biens portants et les malades, entre les soignants et les soignés.
Continuer à faire ces choix, c'est chercher collectivement le meilleur niveau
de garantie par rapport aux besoins de notre société et à nos possibilités. Le
projet du Gouvernement, qui vous doit tant, madame la ministre, répond à cet
impératif. C'est pourquoi nous souhaitons, contrairement à la majorité
sénatoriale, qu'il soit bientôt mis en oeuvre car il est garant de justice, de
solidarité et de pérennité pour notre sécurité sociale.
(Applaudissements
sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Seillier.
M. Bernard Seillier.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, le travail effectué par la commission des affaires sociales
sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, particulièrement
celui qui a été accompli par ses rapporteurs, MM. Jacques Machet, Alain
Vasselle et Charles Descours, mérite d'être salué. Ces derniers ont
parfaitement montré, tout au long des débats, que l'inspiration de leur travail
était non pas de démanteler votre projet, madame le ministre, mais de se
référer à une logique constante de construction d'un équilibre d'une autre
nature pour la sécurité sociale. Cette logique a été à plusieurs reprises très
clairement rappelée par le président de la commission des affaires sociales, M.
Jean-Pierre Fourcade.
Il s'agit de rompre avec l'accroissement des prélèvements pour convaincre les
acteurs, particulièrement les professionnels, de mobiliser leurs propres
responsabilités pour atteindre la maîtrise du système dans son ensemble. Vous
n'avez pas nié l'intérêt de cette démarche, madame le ministre. Vous ne l'avez
pas non plus rejetée, mais vous avez cherché des ressources nouvelles en
qualifiant cette recherche de réforme structurelle. Nous pourrions en débattre
car, si habile soit-elle, la méthode s'analyse tout de même comme un
prélèvement élargi sur le produit intérieur brut.
La question est de savoir si cette ponction supplémentaire viendra neutraliser
un emploi productif ou improductif de la ressource nationale. Tout prélèvement
ne prend en définitive sa pleine signification qu'une fois mesurées les
conséquences des emplois finaux de la dérivation des flux financiers ainsi
opérés.
Le niveau global de prélèvement atteint dans notre pays nous a conduits non
seulement dans le domaine des rendements décroissants, mais aussi dans celui
des bilans négatifs et contreproductifs.
Peut-on, en tout état de cause, qualifier de structurelle une réforme qui
consiste à créer des critères de ressources pour l'attribution des allocations
familiales ? Peut-on qualifier de réforme structurelle la réduction du champ
d'application de l'allocation de garde d'enfant à domicile ? A ce sujet, je
regrette que vous n'ayez semblé voir dans cette allocation qu'une largesse
excessive à l'égard des familles.
Or, si certains éléments méritent d'être encouragés aujourd'hui, ce sont bien
l'assimilation nouvelle du foyer familial à une petite entreprise susceptible
de créer des emplois et l'encouragement des emplois familiaux sur lesquels nous
reviendrons lors de l'examen du projet de loi de finances.
Certes, l'aide à la garde de jeunes enfants est importante. Certes, son succès
a été notable. Mais pendant combien d'années des ponctions en sens inverse
ont-elles été effectuées sur les excédents de la branche famille ? Il faut
éviter les à-coups brutaux dans toute politique. La famille, dites-vous, mérite
mieux que ces basses querelles. Soit ! Mais ne peut-on dire aussi que la
famille mérite un peu de stabilité s'agissant de la politique qui la concerne
?
Il importe d'explorer plus complètement la pertinence de l'assimilation du
foyer familial à une très petite entreprise créatrice d'emplois à vocation
sociale. Quand on recherche des emplois nouveaux, serait-il interdit de
rechercher aussi des entreprises nouvelles ? Quand on veut partager le travail,
il est aussi possible d'essayer de commencer par partager les ressources
créatrices d'emplois.
En ce domaine, deux solutions sont possibles. L'une a trait au prélèvement
fiscal, qui se fonde sur l'idée qu'un usage public de la richesse nationale
serait plus efficace qu'un usage privé. C'est ce dernier qui est privilégié par
l'AGED et par le régime fiscal des emplois familiaux.
Vous semblez craindre ces audaces, madame le ministre, et pourtant c'est le
même mécanisme qui est en jeu dans l'entreprise en général, dans lesquelles les
salaires sont bien considérés comme une charge portée au compte d'exploitation
et viennent diminuer d'autant les bénéfices.
Dès lors, l'assimilation de la famille à une petite entreprise serait-elle
abusive uniquement parce que la disparité des ressources familiales ne
permettrait pas à toutes les familles de créer des emplois ? J'avoue que la
question est importante, et elle devra être explorée avant d'être trop vite
écartée.
Vous avez employé des expressions très encourageantes, et même très belles, à
l'égard de la famille. Nous pouvons y adhérer, mais, hélas ! les mesures que
vous proposez ne viennent pas étayer vos propos et nous ne pouvons donc pas
vous suivre. Or, ce sont les mesures qui donnent leur véritable sens aux
affirmations et fondent les symboles.
Ainsi, conformément aux principes auxquels ils croient profondément,
c'est-à-dire l'encouragement à ceux que l'on a appelés les « grands aventuriers
des temps modernes », la stabilisation et le plus vite possible la décroissance
des prélèvements globaux, la mobilisation des acteurs et des professionnels de
la santé publique, les sénateurs du groupe des Républicains et Indépendants
voteront le projet de loi de financement de la sécurité sociale, tel qu'il a
été amendé par le Sénat, sur proposition de la commission des affaires
sociales.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains
et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, les orateurs qui m'ont précédé ont fort bien expliqué les
raisons pour lesquelles la majorité de notre assemblé a choisi de suivre les
recommandations de la commission des affaires sociales et de son rapporteur, M.
Charles Descours.
A vrai dire, les scrutins publics qui ont eu lieu au cours de ce débat
montrent déjà les orientations de la majorité des sénateurs non inscrits au nom
desquels je m'exprime.
Tout d'abord, en votant l'amendement de suppression de l'article 3, nous avons
rejeté le transfert des cotisations maladie vers la CSG, estimant que cette
disposition pénalisait particulièrement 1,5 million de travailleurs non
salariés se trouvant à la tête d'une affaire indépendante, tels que les
artisans, les commerçants et les professions libérales, ainsi que la
quasi-totalité de l'épargne et des économies que les personnes âgées ont pu
réaliser au cours de leur vie.
En ce qui concerne les Français de l'étranger, les protestations contre
l'augmentation de la CSG avaient été particulièrement vives parmi les
professeurs et les coopérants.
Le deuxième amendement de suppression que nous avons voté concerne l'article
19. Il s'agit là d'une question de principe, beaucoup plus grave : la mise sous
condition de ressources des allocations familiales est une décision tout à fait
contraire à l'esprit d'égalité et de fraternité qui avait sous-entendu, voilà
plus de cinquante ans, la loi créant cette aide essentielle aux familles, qui
était attribuée à tous les Français, quelle que soit leur situation de
famille.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Jacques Habert.
Vous savez à quel point l'opinion française, sensible à ce projet, a réagi
contre l'inégalité qui allait être créée. La majorité du Sénat leur a donné
raison.
Notons au passage que les Français résidant hors de France, sauf s'ils sont
fonctionnaires et sous certaines conditions, ne touchent plus d'allocations
familiales lorsqu'ils partent à l'étranger. Il s'agit là d'une injustice contre
laquelle ils ne cessent de s'élever, d'une discrimination qui les frappe
d'autant que les étrangers qui arrivent en France, à la minute où ils posent le
pied sur notre sol, reçoivent les mêmes allocations que nos compatriotes,
proportionnellement au nombre de leurs enfants.
Les Français de l'étranger souhaiteraient sur ce point être traités par la
mère patrie aussi bien que les étrangers en France. Ce n'est malheureusement
pas le cas et beaucoup reste à faire dans ce domaine. Mais si nous pouvions
établir au moins une certaines égalité, mettre au point un système fondé sur
l'équité et la réciprocité, le Gouvernement pourrait trouver là, madame le
ministre, des sources d'économies sans doute considérables.
Enfin, le troisième amendement de suppression voté par notre assemblée, à la
demande de la commission des affaires sociales, ainsi d'ailleurs que de la
commission des finances et d'autres intervenants, a concerné la réforme tendant
à réduire le taux de prise en charge des cotisations sociales pour l'AGED,
l'allocation de garde d'enfant à domicile.
Là encore, nombreuses ont été les protestations contre cette mesure qui risque
de conduire au chômage toutes sortes de personnels particulièrement utiles ou
même d'encourager le travail clandestin. En adoptant l'amendement de
suppression, notre assemblée a contribué à aider grandement les familles par le
maintien d'un système très apprécié et qui a fait ses preuves.
Pour compenser le manque à gagner résultant de ces trois suppressions, le
Sénat propose, à l'article 5, l'institution d'une nouvelle taxe de santé
publique sur les cigarettes et les tabacs. Pourquoi pas ? C'est bien souvent,
il est vrai, la proposition à laquelle on se résout. Mais il est certainement
encore possible d'augmenter les taxes pesant sur le tabac, dont la consommation
n'a pas diminué malgré l'accroissement des prix. Pour notre part, nous n'y
voyons aucun inconvénient.
En conclusion, je formulerai deux remarques d'ordre général. Nous aurions
souhaité, tout d'abord, que ce projet de loi vise dans l'ensemble à une bien
meilleure maîtrise des dépenses de santé, au lieu de s'en tenir à des mesures
ponctuelles, des palliatifs qui, malheureusement, touchent toujours la même
partie - vous savez laquelle - de la population. Ce sont là des discriminations
qui paraissent assez insupportables, même dans le projet de loi modifié qui
résultera des travaux du Sénat. C'est la raison pour laquelle au moins l'un
d'entre nous s'abstiendra.
Par ailleurs, l'un des membres de notre groupe m'a prié de dire qu'il voterait
contre le projet de loi tel qu'il se présente maintenant. Notre collègue
Philippe Adnot a proposé, à l'article 25, un amendement tendant à modifier les
dispositions du projet faisant passer la durée de vie de la CADES, la caisse
d'amortissement de la dette sociale, de treize à dix-huit ans.
Cette disposition ayant été maintenue dans le projet de loi, notre ami
sénateur de l'Aube votera contre le projet de loi.
Cependant, vous l'avez deviné, mes chers collègues, dans l'ensemble, la
majorité des sénateurs non inscrits continuera à suivre les recommandations de
nos commissions. Au moment du scrutin public, ils voteront le texte, tel qu'il
ressort des travaux du Sénat.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
la parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, j'indique d'emblée que j'approuve le texte élaboré par le
Sénat sur la proposition de la commission des affaires sociales. Mais je saisis
surtout l'occasion qui m'est donnée, madame le ministre, pour traiter à nouveau
de la politique familiale non pas pour rouvrir la polémique, mais pour dire ce
que j'ai sur le coeur.
Tout d'abord, madame le ministre, je regrette très vivement que les seules
économies substantielles que vous nous proposez soient réalisées aux dépens de
la branche famille.
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Adrien Gouteyron.
Nous changeons de système. Cela a été dit, mais je tiens à le répéter. En
1970, 14 % des prestations familiales étaient versées sous condition de
ressources ; actuellement, ce taux est de 40 % environ ; avec les mesures que
vous nous proposez, il passera à 85 %. Il n'est pas possible de rester
indifférent à cette situation, madame le ministre.
J'estime que ces mesures sont dangereuses et inopportunes ; vous frappez au
coeur de la politique familiale et, cela, nous ne pouvons pas l'accepter.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Adrien Gouteyron.
Vous le faites à un moment, madame le ministre - et c'est surtout pour cette
raison que j'ai voulu prendre la parole - où notre société a le plus grand
besoin de la famille.
Que disent ceux qui enseignent dans les établissements scolaires situés dans
des zones difficiles ? Selon eux, leur principale difficulté tient au fait
qu'ils ne peuvent pas s'appuyer sur les familles.
Il faut donc restaurer la cellule familiale.
M. Alain Gournac.
Ah oui !
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Adrien Gouteyron.
Il faut lui envoyer un signal positif et non pas négatif d'autant plus que,
après des décennies d'individualisme quelque peu hédoniste, notre société, nous
le voyons bien, est en quête de valeurs - même si cela peut paraître banal de
le dire - de repères et de soutiens. Où ces valeurs peuvent-elles être tout
naturellement transmises sinon, d'abord, au sein de la famille !
MM. Alain Gournac et Jean Chérioux.
Très bien !
M. Adrien Gouteyron.
Le respect des générations entre elles, le respect des opinions des autres, le
sens de la solidarité et du noyau familial s'apprennent, d'abord, au sein de la
famille et c'est pourquoi, madame le ministre, les mesures que vous nous avez
proposées et auxquelles le Sénat a voulu remédier sont plus qu'une erreur ;
elles sont réellement une faute.
Voilà ce que je tenais à vous dire à l'occasion de cette explication de vote.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, à la fin de ce débat, je souhaite exprimer le soutien des
sénateurs radicaux socialistes du groupe du RDSE au projet de loi de
financement de la sécurité sociale présenté par le Gouvernement.
Je constate, bien entendu, que des modifications profondes ont été apportées
par la majorité sénatoriale, dont le véritable contre-projet a le mérite de la
cohérence politique et financière. Je suis en désaccord fondamental avec la
philosophie qui le sous-tend et ses
a priori
« idéologiques », pour
reprendre en la lui retournant l'expression de notre collègue M. Machet.
Je suis favorable au basculement des cotisations maladie sur la CSG, plus
juste, moins pénalisante pour l'emploi, avec une assiette plus large et
concernant l'ensemble des revenus. Cette extension de la CSG a, de plus, pour
avantage de diminuer la part des cotisations sociales dans les prélèvements
obligatoires, part qui est de très loin supérieure, en France, à la moyenne
européenne. Or nombre de nos collègues ne sont-ils pas toujours prêts à nous
montrer le modèle européen ?
Je suis favorable à l'allongement de la durée du remboursement du RDS, car le
déficit de la sécurité sociale a pris une ampleur sans précédent dans la
décennie 1990, notamment depuis 1993, le déficit cumulé passant de 100
milliards de francs en 1993 à 240 milliards de francs fin 1995. Quoi qu'il en
soit, il faut bien prendre en compte le déficit de 1996, de 57 milliards de
francs, et le déficit de 1997, de 35 milliards de francs !
S'agissant du débat sur les prestations familiales, qui a pris l'ampleur que
l'on sait au sein de notre assemblée, je crois qu'il faut ramener les choses à
leur juste niveau.
La mise sous condition de ressources des allocations familiales est annoncée
comme provisoire par le Gouvernement.
(Exclamations ironiques sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Elle est cependant
pratiquée par au moins quatre autres pays de l'Union européenne et, à un moment
où trois caisses sur quatre sont en déficit chronique, elle permet le choix de
la solidarité et de la justice sociale.
Quand j'entends M. Gouteyron évoquer les problèmes que connaissent les
familles dans les quartiers difficiles, je ne comprends pas que, dans un pays
où environ sept millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté,
la solidarité à leur égard ne soit pas pour lui prioritaire.
J'en viens à la limitation des avantages de l'AGED. Je dois redire ici à quel
point je suis scandalisée par cette sorte de chantage au travail au noir
auquel, plus au moins discrètement, avec plus ou moins de décence, certains se
sont livrés.
(Prostestations sur les mêmes travées.)
Il faudrait donner aux plus aisés d'entre nous une allocation pour la garde
d'enfants sans condition de ressources ? Il faudrait maintenir au niveau où
elle a été fixée par le gouvernement Juppé la déduction fiscale, soit 45 000
francs ? Et, s'il l'on touchait à des avantages aussi exorbitants, aussi
singuliers en Europe, les personnes les plus aisées de ce pays, faute de se
voir payer la plus grande partie des salaires et des charges de la garde
d'enfants, n'auraient plus qu'une solution, le travail au noir ? A qui
voudrait-on faire croire cela ?
(Nouvelles protestations sur les mêmes
travées.)
Madame la ministre, votre projet va résolument dans le sens du pragmatisme, de
la solidarité effective et de la réduction du déficit. Il reste nombre de
chantiers à mener à bien, mais je crois que vous avez l'énergie pour le faire,
dans la nécessaire concertation.
Les sénateurs radicaux socialistes sont favorables à votre projet. C'est
pourquoi ils voteront... contre le projet issu des travaux de la majorité
sénatoriale.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur
les travées socialistes et sur certaines travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, au terme de ce débat qui nous aura tenus éveillés des jours et
des nuits, le sentiment qui peut prévaloir est que, comme l'a dit M. Estier, il
y a au moins un point d'accord entre nous : il s'agit de l'objectif que nous
devons tenter d'atteindre, quoi que vous ayez pu affirmer voilà quelques
semaines, madame la ministre, sur l'antenne d'une chaîne nationale -
n'avez-vous pas déclaré que l'objectif du Gouvernement n'était pas de maîtriser
les dépenses ? - et je constate que M. Estier en convient avec nous.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je n'ai jamais dit cela !
M. Claude Estier.
Sur quelle chaîne était-ce ?
M. Claude Huriet.
C'était sur France 2, mais nous pourrons en reparler, et je suis en tout cas
très satisfait que vous infirmiez ce propos, madame la ministre. Nous sommes
donc tous bien d'accord sur l'objectif de maîtrise des dépenses.
Les enjeux sont considérables. Très sensibles aux arguments développés la
semaine dernière par notre collègue M. Adnot, nous sommes conscients que le
pis-aller que représente le prolongement du remboursement de la dette sociale
ne peut se concevoir et être accepté que dans la mesure où, simultanément, des
efforts de maîtrise des dépenses sociales - et plus précisément des dépenses de
santé - sont engagés et poursuivis avec persévérance et détermination.
Ce point d'accord, mes chers collègues, se traduit d'ailleurs, cela a été
plusieurs fois souligné, par une certaine continuité dans les moyens mis en
oeuvre.
Cette continuité a trouvé son point de départ, notre collègue Charles Descours
l'a rappelé la semaine dernière, dans un débat qui avait eu lieu ici même,
alors que M. Teulade était en charge de ce dossier difficile : le Sénat avait
approuvé les dispositions qui lui étaient présentées par le gouvernement de
l'époque parce qu'il lui paraissait inéluctable qu'une démarche de maîtrise des
dépenses de santé soit engagée sur une longue période.
Cette démarche a été entreprise et je pense qu'il était important, pour
l'image de la Haute Assemblée et pour celle que doit donner un débat
démocratique parlementaire, de souligner ce point.
Personne ne peut non plus contester - et, d'ailleurs, vous ne l'avez pas fait,
madame la ministre - que, à partir de cette initiative de M. Teulade, la
démarche du plan Juppé et les ordonnances d'avril 1996 se sont inscrites peu ou
prou dans ce souci d'optimisation et de maîtrise des dépenses.
Mais, bien sûr, à côté de cela, que de champs de désaccords !
Je ne veux pas en dresser l'inventaire. Il l'a été tout au long de nos débats,
qu'il s'agisse du financement de la sécurité sociale ou du basculement des
cotisations maladie vers la CSG. Nous ne contestons d'ailleurs pas le principe
de ce basculement, mais nous sommes très hostiles aux modalités qui nous sont
proposées.
A ce sujet, vous me permettrez, madame la ministre, de vous communiquer un
courrier, en date du 17 novembre, que beaucoup d'entre nous ont reçu et qui
contredit l'accord auquel vous vous étiez référée voilà quelques jours, lorsque
vous avez affirmé que, après les explications que vous aviez données aux
différents partenaires sociaux, il semblait que les arrière-pensées et les
inquiétudes avaient disparu. Il apparaît aujourd'hui que tel n'est pas tout à
fait le cas, puisque cette lettre, qui émane de la confédération de l'artisanat
et des petites entreprises du bâtiment, reprend à son compte les résultats des
simulations auxquelles notre rapporteur Charles Descours s'était lui-même
référé.
Un autre champ de désaccord peut être trouvé avec la mise sous condition de
ressources des allocations familiales. Nombreux sont les orateurs qui en ont
parlé, et je pense que leurs interventions peuvent suffire à mettre un terme
provisoire à notre débat. J'aimerais pourtant, madame la ministre, que vous
nous fassiez connaître prochainement le sort que le Gouvernement envisage de
réserver aux suppléments familiaux de traitement des fonctionnaires.
En conclusion, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, la majorité sénatoriale a fait preuve, dans ce débat nécessaire et
difficile, non seulement d'une très grande maturité - cela ne vous surprendra
pas - mais aussi du sens de ses responsabilités. Nous ne nous sommes pas
laissés aller à la facilité, idée que certains opposants entretiennent
parfois.
C'est ainsi que, loin d'avoir d'emblée recouru à une disposition de procédure
en rejetant, par l'adoption d'une question préalable, tout débat sur ce point -
il méritait mieux - nous sommes, au contraire, allés dans le sens de la
discussion : nous avons, en effet, amendé le texte.
Là encore, nous n'avons pas sacrifié à la facilité en augmentant les dépenses,
mais nous avons réduit les recettes. Je pense que cette attitude est à mettre à
l'actif de notre commission des affaires sociales, de son président, de ses
rapporteurs et de la majorité sénatoriale tout entière.
A travers la démarche constructive que nous avons entreprise et qui nous
honore, nous avons partagé ce souci d'atteindre notre objectif commun. Voilà
qui me donne l'occasion non seulement d'apporter, après M. Machet, le soutien
du groupe de l'Union centriste aux propositions défendues par la commission des
affaires sociales, mais aussi de rendre hommage à tous ceux qui en ont été les
artisans.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, sur l'ensemble de ce texte, je me rallie sans hésiter aux
conclusions de la commission des affaires sociales et de nos excellents
collègues, les rapporteurs Charles Descours, Jacques Machet et Alain Vasselle,
dont je tiens à saluer le travail approfondi et équilibré.
La Haute Assemblée a fait la preuve de sa maturité et de son esprit
constructif en amendant le texte de l'Assemblée nationale pour en atténuer
certains excès évidents. Les points de divergence ne manqueront certes pas avec
les députés, mais je compte sur la vigilance de nos collègues membres de la
commission mixte paritaire pour préserver les acquis de notre assemblée,
notamment en ce qui concerne la famille.
Mes critiques et mes amendements ont essentiellement porté sur ce point, parce
que je considère qu'il y a là un déséquilibre manifeste. Des efforts
considérables sont demandés à cette branche - et à elle seulement - alors qu'on
n'en demande pas autant aux deux autres branches qui, elles, souffrent de
déficits structurels. De plus, on lui fait supporter des charges qui devraient
être imputées aux autres branches et qui sont la cause principale de son
déficit. C'est là une injustice flagrante. A moins, comme l'évoquait mon
collègue M. Machet, qu'il ne s'agisse d'un parti pris idéologique ?
C'est l'accumulation de ces mesures qui provoque mon hostilité, car elle
aboutit au démantèlement de la politique familiale, d'autant que cet ensemble
est aggravé par le projet de loi de finances, sur lequel nous aurons
prochainement l'occasion de manifester notre opposition.
Certaines mesures, prises isolément, peuvent paraître acceptables à certains.
Je ne parle naturellement pas de la mise sous condition de ressources des
allocations familiales, qui signifie à elle seule un bouleversement de notre
politique familiale, une rupture du contrat moral entre l'Etat et les citoyens
; c'est pourquoi j'y suis totalement opposé.
Vous essayez très habilement de noyer les poissons, madame le ministe, en
défendant chaque mesure isolément. Mais nous ne sommes pas dupes, car nous
savons bien que, à partir du moment où vous vous attaquez au principe
d'universalité à propos des allocations familiales, c'est l'ensemble de notre
système de protection sociale qui se trouve ébranlé. Demain, rien ne vous
empêchera, malgré vos promesses d'aujourd'hui, de mettre sous condition de
ressources, par exemple, le remboursement du « petit risque » maladie ou le
versement de certaines retraites.
M. Claude Estier.
C'est un procès d'intention !
M. Dominique Braye.
Non, je ne crois pas sérieusement que la sauvegarde de notre système de
protection sociale, dont je n'ignore pas par ailleurs la situation périlleuse,
impose un reniement, même partiel, du principe qui le sous-tend.
Votre mise sous condition de ressources des prestations familiales,
contrairement à ce que vous annoncez, madame le ministre, n'entraîne aucune
redistribution vers les plus modestes.
M. Alain Gournac.
Bravo !
M. Dominique Braye.
Oui, il faut le dire haut et fort, elle ne sert qu'à faire des économies.
Votre approche est exclusivement comptable. Mais où sont donc passées la
solidarité et la place de l'homme dans la société, dont vous nous parlez tant
?
Ainsi, à propos des emplois familiaux, vous demandez aux employeurs de faire
preuve de solidarité en renonçant à une partie de la subvention dont ils
bénéficiaient sur les charges sociales, en oubliant au passage que les jeunes
femmes employées à ce titre bénéficiaient elles aussi de cette subvention.
Elles y avaient trouvé non seulement un emploi, mais aussi la chance d'acquérir
une qualification. C'est la reconnaissance de cette qualification que j'ai
d'ailleurs voulu souligner, par mon amendement relatif à la formation
continue.
Vous cassez l'emploi à domicile, qui avait enfin trouvé une stabilité. Vous le
condamnez à la régression, à la précarité et aux pratiques clandestines, et ce
au détriment des comptes de la sécurité sociale, ce qui est un comble,
avouons-le, dans ce projet de loi qui a théoriquement un objectif inverse.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Claude Estier.
Quel chantage !
Mme Joëlle Dusseau.
N'importe quoi !
M. Dominique Braye.
La garde d'enfants offre, certes, un service à la famille qui l'emploie ; elle
a aussi et surtout une utilité sociale : l'éducation des enfants à laquelle
elle participe est bénéfique à l'ensemble de la société. Dans son rapport, Mme
Gisserot soulignait d'ailleurs qu'il fallait considérer « ce qu'il en coûte à
notre société de ne pas investir dans la famille ». Vous n'avez pas intégré ce
paramètre, pourtant capital, dans votre approche comptable, madame le ministre
: quel est le coût global pour notre société de la non-éducation des enfants,
comme le rappelait tout à l'heure M. Gouteyron ?
Mme Joëlle Dusseau.
Les femmes au foyer !
M. Dominique Braye.
A propos du passage au noir des emplois familiaux, je suis désolé de ne
pouvoir vous suivre, madame le ministre, lorsque vous réfutez notre argument.
Nous devons, vous devez être réaliste : nos concitoyens ne sont pas aussi
disciplinés que vous voudriez le faire croire.
J'aimerais cautionner votre vision angélique des choses, mais je ne le puis
raisonnablement. Entre payer des cotisations dont ils étaient jusqu'alors
exemptés et passer la garde des enfants au travail au noir, beaucoup
d'employeurs n'auront pas le choix.
(Protestations sur les travées socialistes.)
Mais oui ! D'ailleurs, madame le ministre, vous le reconnaissez
implicitement en prônant un renforcement des contrôles à domicile, ainsi que
vous l'avez dit devant la commission des affaires sociales.
Je ne crois pas, pour ma part, que le « flicage » de nos concitoyens jusque
dans leur domicile soit une solution dans un Etat de droit à la veille du XXIe
siècle ! Vous affichez un souci des libertés qui s'accorde mal avec une telle
solution.
Cette incitation, car il n'y a pas d'autre terme, au licenciement et, surtout,
au travail au noir, est en contradiction flagrante avec une priorité à l'emploi
que vous affichez haut et fort depuis votre arrivée au pouvoir. Faut-il donc
croire que cela n'est qu'un slogan destiné à soutenir la popularité du
Gouvernement auprès de l'opinion ?
Vous dites prendre conscience des difficultés matérielles que vos mesures
produiront dans ces familles, alors même que vous vous attaquez à la liberté de
choix entre travail et vie familiale. Et nous savons bien que la nécessité du
choix portera encore trop souvent sur les femmes. On peut le regretter, mais
n'éludez pas le problème avec des voeux pieux comme vous le faites. « Les faits
sont têtus », comme vous aimez à le dire, madame le ministre,...
M. Michel Caldaguès.
Moins qu'elle !
M. Dominique Braye.
... et ils vous apportent chaque jour la contradiction.
Oui, je défends le travail des femmes et, surtout, leur liberté de choix.
M. Claude Estier.
Cinq minutes, monsieur le président.
M. Dominique Braye.
Vos mesures vont ajourd'hui à l'encontre de ce choix.
Vous pénalisez le travail féminin, vous pénalisez les femmes.
Mme Hélène Luc.
Vous les avez mises au chômage, les femmes !
M. Dominique Braye.
Vous pénalisez les couples mariés.
Mme Joëlle Dusseau.
Qui ne pénalisez-vous pas, madame la ministre !
M. Dominique Braye.
Alors ne nous faites pas croire que vous défendez la famille et que vous êtes
sensible à ses problèmes !
Aujourd'hui plus que jamais, comme le rappelait M. Gouteyron, dans la
conjoncture économique et sociale bouleversée que nous connaissons, l'Etat a le
devoir impérieux d'investir dans la famille. Je crois profondément que la
famille apporte un remède à nombre des maux qui minent actuellement notre
société. Chaque famille, parce qu'elle assure l'avenir de la collectivité
nationale, est justiciable de son soutien, quel que soit son niveau de revenu.
Il serait socialement dangereux de ne plus traiter les familles de manière
égalitaire dans l'accès aux prestations.
M. Claude Estier.
Cinq minutes !
M. Dominique Braye.
Il s'agit du principe, il s'agit du symbole. Vous me répondrez que c'est peu
de chose en regard du déficit de la sécurité sociale et de la misère que
subissent trop de nos concitoyens. Je crois au contraire que principe et
symbole donnent sens à notre société et que nous ne pouvons faire l'économie du
sens quand notre société est menacée d'implosion.
Monsieur le président, madame le ministre...
Mme Joëlle Dusseau.
Madame « la » ministre !
M. Dominique Braye.
... monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il existe bien
d'autres moyens de construire l'Etat solidaire auquel nous aspirons tous.
M. Claude Estier.
On l'a vu avec le gouvernement précédent !
M. Dominique Braye.
La Haute Assemblée l'a bien compris, d'une part en affirmant sa volonté de
défendre la branche famille, d'autre part en prouvant que cette défense ne se
faisait pas au détriment de la solidarité, comme voulait nous le faire croire
le Gouvernement, mais que, au contraire, elle la renforçait.
C'est tout le sens du contre-projet élaboré par le Sénat, et c'est pour cela
que, comme mes collègues du Rassemblement pour la République, je voterai ce
texte avec conviction.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, j'ai l'impression que ma tâche sera extrêmement difficile et
que je risque, compte tenu des propos que je vais tenir, de ne recueillir
l'approbation ni de la droite ni de la gauche de cet hémicycle.
Objectivement, il faut reconnaître que notre choix est délicat et la situation
un peu exceptionnelle. Le texte dont nous discutons n'a en effet plus aucun
rapport avec celui du Gouvernement.
M. Claude Estier.
C'est vrai !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Nous sommes au moins
d'accord sur ce point !
M. Guy Cabanel.
On peut se poser la question de savoir si c'est bien le texte du Gouvernement
qui est soumis à nos suffrages.
En fait, deux logiques s'affrontent ici : celle du Gouvernement et celle de la
commission des affaires sociales.
Je dois dire que la commission des affaires sociales a présenté avec
conviction un certain nombre de propositions. On peut y adhérer, on peut les
discuter, mais elles constituent quand même un ensemble logique. Il est vrai
que la commission des affaires sociales et, au-delà, le Sénat ont eu la tâche
facile, car il s'agissait de répondre à une émotion, justifiée ou non, mais une
émotion réelle de la population.
Le Sénat a en effet souhaité maintenir en l'état la politique familiale en
refusant la mise sous condition de ressources des allocations familiales et la
réduction de l'allocation de garde d'enfant à domicile. C'était une démarche
facile. Cela étant, madame la ministre, je suis tout de même surpris que, pour
une année et à titre transitoire, vous ayez pris des décisions qui prêtent aux
critiques, alors que vous allez vous-même définir, je le pense dès l'année
prochaine, les grandes lignes d'une politique familiale dans le cadre de la
protection sociale.
Je n'entrerai pas dans le débat sur l'équité, sinon pour constater que, chaque
fois que l'on met sous condition de ressources des prestations, on s'engage
dans un système tout à fait différent de celui que nous connaissons. Certains
pays ont géré leur protection sociale en retenant le principe de mise sous
condition de ressources, et pas très loin de nous. Ainsi, les Pays-Bas ont
connu pendant longtemps de nombreuses prestations sociales et même de nombreux
remboursements en matière d'assurance maladie sous condition de ressources ;
mais il en résulte un effet de seuil toujours difficile à supporter et des
problèmes très délicats, notamment en cas de petites variations de ressources
en cours d'année.
Donc, cette démarche me paraissait déjà discutable. Mais il y a plus.
Vous aviez deux façons de faire monter en puissance la CSG : progressivement
ou d'un seul coup. Vous avez choisi de le faire d'un seul coup. Vous auriez pu
certes aller jusqu'à 5 %, mais vous avez retenu un niveau déjà élevé, de 4,1 %.
Il était donc aisé à la commission des affaires sociales, par la voix de ses
talentueux rapporteurs, de vous alerter alors sur le fait que, compte tenu de
l'abandon concomitant des réductions d'impôt sur le revenu prévues dans la
dernière loi de finances, on risquait une augmentation de la pression fiscale
et parafiscale qui pourrait paraître, pour certaines catégories de citoyens, en
particulier les classes moyennes, particulièrement difficile à supporter.
Par ailleurs, la commission des affaires sociales a tout de même accepté une
politique de taxation de l'épargne avec extension de l'assiette des autres
contributions sociales, mais elle a refusé le nouveau prélèvement social de 2 %
sur l'épargne populaire.
Là aussi, on pourrait dire que le Sénat a profité d'une petite faille dans le
dispositif gouvernemental en trouvant des accents un peu populistes qui lui ont
permis de justifier sa démarche. Mais à quoi tout cela aboutit-il, sinon à
priver de ressources la sécurité sociale ?
Dès lors, il a fallu trouver, en compensation, des économies de gestion, bien
hypothétiques, d'ailleurs, et, en tout cas, assez mal définies dans le document
de la commission des affaires sociales. Mais, surtout, on a fait le choix de
maintenir la progression de l'objectif national des dépenses d'assurance
maladie, le fameux ONDAM, à son niveau de 1997, c'est-à-dire à 1,7 % - la
commission des finances a même proposé, dans un élan qui m'a paru un peu
audacieux, un taux de 1,3 %, mais nous en sommes restés à 1,7 % - alors que le
Gouvernement se fondait, dans le projet de loi initial, sur une prévision de
2,2 %. C'est sur ce choix que je ne suis pas d'accord.
Les deux logiques du projet gouvernemental et du texte amendé par le Sénat
n'ont comme point commun que la limitation du déficit prévisionnel à 12
milliards de francs. Or, j'ai été échaudé l'année dernière, lors du vote du
plan de financement de la sécurité sociale.
M. Claude Estier.
Vous avez raison !
M. Guy Cabanel.
J'ai en effet voté très gentiment une limitation du déficit à 26,9 milliards
de francs, mais un audit récent nous livre des résultats qui n'ont plus aucun
rapport avec cette somme. A moins d'un heureux effet de la croissance, le pari
que nous prenons actuellement peut-il être tenu, même dans le cadre d'un ONDAM
limité à 1,7 % ? Je crains que ce ne soit pas possible et il faut s'en rendre
compte, en raison de la lenteur de la mise en oeuvre de la réforme de la
sécurité sociale. Elle n'incombe, du reste, ni au gouvernement actuel, ni au
gouvernement qui l'a précédé, mais elle est inhérente au lourd appareillage
qu'il fallait mettre en place.
Aujourd'hui, il n'est pas possible de dire que la maîtrise des dépenses de
santé soit vraiment, objectivement, en cours. En effet, le redéploiement de
l'offre de soins ne fait que commencer. Les agences régionales
d'hospitalisation sont, certes, installées depuis plusieurs mois. L'ANAES,
l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation pour la santé, l'a été plus
récemment, mais selon un déroulement normal qui n'appelle aucune critique.
Malheureusement, les agences régionales d'hospitalisation n'ont pas beaucoup
avancé dans leur tâche.
L'élaboration des nouveaux schémas régionaux d'organisation sanitaire,
l'évaluation des activités hospitalières et libérales, l'accréditation par
service ou par établissement - il existe trois mille sept cents établissements
hospitaliers en France - sont des épreuves de longue haleine. Il s'ensuit que
le redéploiement de l'offre de soins ne se fera pas en un jour, et qu'il sera
douloureux. Vous avez vous-même prévu dans votre projet de loi un fonds spécial
destiné à faciliter les mesures prises dans ce cadre, mais nous n'en sommes pas
encore au stade de leur application.
La limitation relative de la demande n'est, à mon avis, que le résultat du
choc psychologique de la réforme annoncée en 1995. Tout laisse craindre qu'une
population âgée chaque jour plus nombreuse exigera plus de soins. Ce n'est pas
le carnet de santé, dont l'application s'est enlisée, qui aidera vraiment à la
rationalisation des examens et des prescriptions.
Que faire ? Ce sur quoi il faut agir prioritairement et avec la plus grande
énergie, c'est l'informatisation.
L'informatisation peut contribuer efficacement à la rationalisation souhaitée
des examens et des prescriptions à la condition qu'elle permette le stockage
des informations codées et cryptées pour en assurer la confidentialité.
Dans ces conditions, le système de santé, et donc de protection sociale, n'est
pas encore régulé. Il ne peut se contenter, en 1998, d'un ONDAM à 1,7 % sans
risque de difficulté, en particulier hospitalière.
C'est pourquoi je m'abstiendrai lors de ce vote difficile sur le projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 1998.
Je ne suis d'ailleurs pas certain de l'efficacité de la contre-proposition du
Sénat : que se passera-t-il quand il s'agira d'appliquer vraiment un ONDAM
contraignant, qui pourra entraîner des difficultés peut-être plus grandes
encore que la prise en considération d'une phase transitoire dans l'adaptation
de l'offre de soins et de l'évolution de la demande ?
(Applaudissements sur
certaines travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je
serai bref, tout ayant été dit et si bien dit par les collègues de la majorité
sénatoriale qui m'ont précédé ; je n'y reviendrais donc pas, sinon pour me
féliciter des propos qui ont été tenus par les uns et par les autres.
Permettez-moi deux remarques, l'une générale, l'autre sur un aspect
particulier de la loi, qui concerne l'AGED, et une très brève conclusion.
La remarque générale, tout d'abord. Je tiens à féliciter nos rapporteurs, le
président et tous les membres de la commission des affaires sociales, qui ont
accompli un travail important et constructif...
M. François Autain.
Destructif !
M. Alain Vasselle
... pour changer complètement la logique du Gouvernement. L'objectif de
limitation des déficits de la sécurité sociale constitue, comme l'ont dit
notamment M. Estier et M. Huriet, un point commun...
M. Claude Estier.
C'est le seul !
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas beaucoup !
M. Alain Vasselle
... entre le Gouvernement et nous. Mais n'est-ce pas là l'essentiel, puisque
c'est tout à la fois reconnaître la logique de la démarche des précédents
gouvernements et donner acte, tant à M. Balladur qu'à M. Juppé, du travail
considérable et tout à fait positif qu'ils ont accompli pour tendre à la
maîtrise des dépenses de la sécurité sociale ?
M. Claude Estier.
Le résultat n'est pas là !
M. Alain Vasselle.
Vous ne l'aviez pas fait antérieurement, car vous nous aviez laissé une
situation, en 1993, des plus déplorables.
M. Alain Gournac.
Oui !
Mme Joëlle Dusseau.
On connaît les chiffres du déficit !
M. Alain Vasselle.
Pour y remédier, nous avons dû prendre des mesures impopulaires dont vous avez
tiré profit électoralement, mais dont vous ne savez pas tirer profit pour le
bien de la France,...
Mme Joëlle Dusseau.
Ce n'est pas vrai, monsieur Vasselle !
M. Alain Vasselle
... plus particulièrement pour le bien des familles.
(Applaudissements sur
les travées du RPR. - Protestations sur les travées socialistes.)
M. Claude Estier.
Ce sont les Français qui ont voté !
M. Alain Vasselle.
La preuve en est que le texte gouvernemental se caractérisait, en dehors de
l'aspect positif de la limitation du déficit, par une accentuation des
prélèvements obligatoires, ce que vous dénoncez vous-même, ce que nous avons
tous dénoncé, ce que les gouvernements successifs ont dénoncé, ce que les
présidents de la République qui se sont succédé depuis plus de dix ans ont
dénoncé ! Et quel est le seul gouvernement qui s'est attaqué au problème ?
Certes, après avoir dû prendre des mesures peu favorables,...
M. Claude Estier.
Ah oui !
M. Alain Vasselle.
... parce qu'il a bien fallu limiter le déficit budgétaire qui pénalisait
notre économie ! Mais M. Juppé avait engagé la France sur la voie du
redressement et de l'amélioration des prélèvements obligatoires. Or qu'a fait
le Premier ministre lorsqu'il est arrivé aux responsabilités ? Il a mis un
terme à la réforme fiscale qui avait été engagée et il n'a cessé d'augmenter
les prélèvements obligatoires à l'occasion des textes qui ont été proposés
jusqu'à aujourd'hui, que ce soit le texte sur l'emploi des jeunes, le projet de
loi de financement de la sécurité sociale et, on le verra également, le projet
de loi de finances. Heureusement qu'il est limité par les critères européens,
notamment celui des 3 % du PIB !
(Applaudissements sur les travées du RPR et
des Républicains et Indépendants. - Exclamations sur les travées
socialistes.)
Vous avez, outre l'augmentation des prélèvements, pris une
mesure qui s'est traduite par une très forte pénalisation des familles. Vous
avez confondu politique familiale et politique de solidarité !
Mme Joëlle Dusseau.
De certaines familles, ce n'est pas pareil !
Mme Hélène Luc.
Et vous, qu'en avez-vous fait de la famille ?
M. Alain Vasselle.
M. Gouteyron a rappelé très justement, tout à l'heure, quelle était la
situation antérieure.
M. Alain Gournac.
Excellemment !
M. Alain Vasselle.
De 14 % seulement dans les années soixante-dix, les mesures de solidarité au
bénéfice de la branche famille sont passées à 40 %. La politique de solidarité
à l'égard de la famille n'a donc pas été négligée, mais elle a été, au
contraire, renforcée au fil du temps par les gouvernements successifs, qu'ils
aient été de gauche ou de droite.
Or vous, que faites-vous ? Vous accentuez cette politique de solidarité non
pas pour aider ces familles - les dispositions que vous avez prises ne sont pas
des mesures de solidarité car elles ne bénéficient ni aux familles en
difficulté ni aux familles deshéritées...
M. Alain Gournac.
Très bien ! Absolument !
(M. Adrien Gouteyron applaudit.)
M. Alain Vasselle.
... mais uniquement pour des raisons comptables et fiscales et pour satisfaire
au critère de 3 % du PIB fixé par Maastricht.
Quand, par des discours généreux, vous voulez faire croire à l'opinion
publique que toutes les mesures que vous prenez sont des mesures de solidarité,
vous trompez les Français !
M. Alain Gournac.
C'est vrai !
M. Alain Vasselle.
Vous trompez les familles qui sont en difficulté !
M. Claude Estier.
Les Français ont voté ; c'était dans nos engagements électoraux !
M. Alain Gournac.
Oui, mais faites attention !
M. Alain Vasselle.
Vous avez confondu politique sociale et politique familiale.
Ma deuxième remarque, sur laquelle je serai plus bref, porte sur l'AGED. Il
est quand même assez cocasse de constater que le ministre qui propose cette
réforme de l'AGED soit aussi le ministre du travail et de l'emploi.
(M.
Gournac sourit.)
L'AGED n'a pas été uniquement institué avec l'objectif de
venir en aide aux familles aisées, moyennes ou à des familles qui appartiennent
à des milieux sociaux élevés. C'était d'abord une mesure pour favoriser
l'emploi.
Cette mesure pour l'emploi, qui a eu son succès, a été renforcée par les
gouvernements successifs. En 1990, les emplois familiaux étaient au nombre
d'environ 400 000 et nous les avons portés à plus d'un million aujourd'hui.
M. Alain Gournac.
Oui !
M. Alain Vasselle.
Cela signifie que, par cette mesure, le ministre, qui devrait être le ministre
de l'emploi, va devenir le ministre du chômage.
(Exclamations sur les
travées socialistes.)
M. Alain Gournac.
Mais si !
M. Alain Vasselle.
Des hommes et des femmes qui occupaient ces emplois vont ainsi se retrouver au
chômage. Voilà quel sera le résultat de votre politique !
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Alain Vasselle.
Mes chers collègues, ce sera ma conclusion, donnons au Gouvernement deux
rendez-vous.
Le premier rendez-vous est devant l'opinion publique, que le Sénat prend à
témoin, à travers les contre-propositions qu'il a faites. Elle appréciera le
caractère concret de nos propositions...
(M. le secrétaire d'Etat
sourit.)
M. Claude Estier.
Il y a déjà eu un jugement !
M. Alain Vasselle.
... et l'intérêt qu'il y aurait à les suivre comparées à celles du
Gouvernement.
Le second rendez-vous que nous vous donnons, c'est devant le Conseil
constitutionnel. Nous allons engager un recours devant lui sur ce droit
universel qui avait été mis en place pour la famille. Je ne doute pas que le
Conseil constitutionnel, dans sa sagesse, saura retenir nos arguments et
remettra en cause les propositions qui ont été faites par le Gouvernement à
travers ce projet de loi.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Oudin, rapporteur pour avis.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur
le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Parlement vote désormais à peu
près en même temps et dans des délais très rapprochés à la fois la loi de
financement de la sécurité sociale qui nous occupe ce soir et la loi de
finances. C'est une nouveauté qui date de la réforme constitutionnelle de
février 1996 que nous devons au gouvernement précédent.
Nous avons ainsi, en face de nous, des masses financières tout à fait
considérables, plus de 1 500 milliards de francs pour le projet de loi de
finances, plus de 1 700 milliards de francs pour le projet de loi de
financement de la sécurité sociale, et des déficits, qui sont également
considérables.
Face à ces déficits, la commission des finances a souhaité que nous ayons
toujours une attitude cohérente à la fois pour limiter la hausse des dépenses
et pour mieux encadrer l'évolution des prélèvements obligatoires, qu'ils soient
fiscaux ou sociaux.
A cet égard, trois constats peuvent être dressés brièvement.
D'abord, notre taux de prélèvements obligatoires est l'un des plus élevés des
pays développés. Nous l'avons dit, mais je crois qu'il faut y insister.
Ensuite, il y a une corrélation étroite entre le niveau de prélèvements
obligatoires et le niveau de chômage.
Enfin, si nous ne souhaitons pas augmenter les prélèvements, il vaut mieux
maîtriser l'évolution des dépenses et là se situe une partie du débat.
Dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, que
constatons-nous ?
D'abord, les recettes nouvelles s'élèvent, il est vrai, à 12,7 milliards de
francs. Mais si l'on ajoute les prélèvements prévus par la loi portant mesures
urgentes à caractère fiscal et financier - qui a été votée - à ceux qui sont
prévus dans le projet de loi de finances pour 1998, c'est au total, mes chers
collègues, 80 milliards de francs de prélèvements obligatoires supplémentaires
pour 1997 et 1998 que le Gouvernement nous propose.
Si nous avons refusé le basculement des cotisations sociales sur la CSG, c'est
parce qu'il se traduisait par une surimposition de 4,6 milliards de francs et,
de surcroît, parce que cette extension ne s'accompagnait pas, contrairement aux
prévisions initiales, d'une réduction de l'impôt sur le revenu.
Quoi qu'il en soit, je crois que la majorité sénatoriale doit poursuivre sa
réflexion pour avoir une attitude cohérente sur l'ensemble des différentes
politiques de taxation : taxation par l'impôt sur le revenu, taxation par la
CSG, taxation par la CRDS, contribution pour le remboursement de la dette
sociale, taxation de l'épargne, imposition sur les sociétés - et nous savons
que, dans une Europe ouverte, l'épargne est fluide et que les entreprises
peuvent se délocaliser là où la conjoncture est la meilleure - enfin, taxation
sur les consommations par les droits ou les taxes spécifiques.
Je pense que, dans tous ces domaines - l'expérience du dernier débat nous le
montre - nous devons opérer, si cela est possible, dans l'avenir une opération
de simplification indispensable. En effet - peut-être l'avez-vous remarqué -
nous commençons à atteindre un niveau déraisonnable dans la complexité de nos
taxations fiscales et sociales.
Pour ce qui est des dépenses, j'aurai quatre brèves observations à
formuler.
En ce qui concerne, d'abord, l'avenir des régimes de retraite et, plus
particulièrement, des régimes spéciaux et des régimes du secteur public, nous
n'avons toujours pas de perspectives sérieuses sur les conditions d'un
équilibre à long terme.
L'exemple de la CNRACL est, à cet égard, extraordinairement illustratif. Voilà
un régime dont l'équilibre démographique encore positif se dégradera
inéluctablement à long terme. Voilà un régime dont la situation financière
actuelle est obérée par des prélèvements excessifs effectués au titre de la
compensation et de la surcompensation. Or, la seule solution qui nous est
proposée est d'autoriser ce régime à s'endetter. Le Sénat l'a refusée, je crois
à juste titre, car c'était la voie de la facilité, la voie la plus mauvaise à
lui offrir.
Ma deuxième observation concerne les dettes au régime général. La caisse
d'amortissement de la dette sociale, la CADES, a été créée pour recueillir
cette dette, comme on dit, pour la « cantonner », la financer par une
contribution spéciale, la CRDS. Elle a 140 milliards de francs de déficit à
amortir en treize ans. La loi de financement de la sécurité sociale nous
propose, aujourd'hui, d'ajouter 87 milliards et de prolonger l'existence de la
caisse de cinq ans, de 2008 à 2014. Pour éviter de relever le taux de la CRDS
de 0,5 % à 0,7 %, la majorité sénatoriale a accepté l'allongement de la durée
de vie de cette caisse, en demandant toutefois sa dissolution au 31 janvier
2014.
La troisième observation, c'est notre refus de voir effectuer des économies
sur la seule branche famille, sans qu'une réflexion et une concertation
préalables avec tous les acteurs se soient engagées.
Enfin, ma quatrième et dernière observation portera sur l'évolution des
dépenses de l'assurance maladie, dont notre collègue M. Cabanel vient de
parler. C'est vrai, cette évolution est encadrée par l'ONDAM.
Notre souci est toujours de dépenser mieux ; cela ne veut pas dire forcément
toujours dépenser plus. En tout état de cause, cela signifie, compte tenu de la
lourdeur du système sur laquelle vous avez parfaitement insisté, un effort de
maîtrise de l'évolution de ces dépenses ininterompue, une lutte sans cesse
contre les gaspillages, une réaffectation permanente des moyens.
Personne ne conteste l'importance des actions que nous devons entreprendre :
la Cour des comptes, l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, la
mutualité française, le médecin chef de la CNAM chiffrent par milliards de
francs les gaspillages éventuels qui peuvent être mieux utilisés dans d'autres
domaines de l'assurance maladie, bien entendu.
C'est la raison pour laquelle le taux d'évolution de l'ONDAM a autant
d'importance et en aura autant à l'avenir. Fixé à 1,7 % en 1997 - cette année -
le Gouvernement l'a porté à 2,2 % pour l'an prochain. Le Sénat l'a ramené à 1,8
% alors même que l'inflation ne s'établira l'an prochain qu'à 1,3 %.
Une telle action ne peut être menée sans l'appui, la participation et le
soutien du monde médical et paramédical et, d'ailleurs, de l'ensemble des
acteurs de l'offre médicale.
Les ordonnances de 1996 et les textes qui ont suivi nous donnent tous les
moyens de mieux maîtriser ces dépenses. A nous de les utiliser ; à vous - je
m'adresse au Gouvernement - de mieux les utiliser.
Au niveau que nous avons atteint pour nos prélèvements obligatoires et nos
dépenses sociales, nous avons, je crois, objectivement tous les moyens de faire
face à l'ensemble des besoins de solidarité nationale. Mais cela nécessite, je
le répète, des actions considérables de maîtrise de l'évolution de toutes nos
dépenses publiques et sociales et de réaffectation de ces mêmes dépenses.
Les efforts que nous ne ferons pas aujourd'hui se traduiront par des déficits.
Ils auront pour conséquence de transférer aux générations futures, à celles de
nos enfants et de nos petits-enfants, les résultats de nos faiblesses
actuelles, et cela n'est pas acceptable.
C'est la raison pour laquelle la majorité sénatoriale a choisi de faire preuve
de lucidité et de courage. Nous avons donc élaboré un contre-projet pour
prendre acte au moins devant l'avenir. La commission des finances du Sénat,
bien entendu, apporte son soutien à ce contre-projet.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées de RDSE.)
M. Charles Descours,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres
financiers généraux et l'assurance maladie.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres
financiers généraux et l'assurance maladie.
Monsieur le président, madame
le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au terme de ce
débat dont je ne reprendrai pas les arguments qui ont été longs, passionnés et
très intéressants, je voudrais d'abord adresser mes remerciements à la
présidence pour la manière dont elle a facilité la conduite des débats, et à
nos collègues de la majorité sénatoriale qui ont accepté les conclusions de la
commission des affaires sociales dans leur très grande majorité, et l'ont
toujours suivie sur chacun des articles pour définir un projet alternatif à
celui qui a été présenté par le Gouvernement.
Nous aurions pu retenir la solution de facilité, c'est-à-dire rejeter purement
et simplement le texte sans en débattre. Nous n'avons pas fait ce choix. Nous
avons, au contraire, décidé de confronter au grand jour nos positions, madame
le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, avec celles du Gouvernement sur
chaque prélèvement nouveau, sur chaque objectif de dépense.
L'exercice n'était pas simple, compte tenu des lignes de conduite que nous
nous étions fixées, comme le Gouvernement : réduire le déficit de la sécurité
sociale à 12 milliards de francs pour 1998, mais réduire ce déficit, à la
différence des propositions du Gouvernement, en contenant l'évolution des
prélèvements et celle des dépenses.
Si je dis que l'exercice n'était pas simple c'est que ces lignes de conduite,
vous le savez, mes chers collègues, imposent une discipline que vous avez
respectée sans jamais fléchir.
Je crois qu'il était bon que, comme nous le faisons ce soir, les explications
de vote et le vote soient dissociés de la discussion des amendements qui,
souvent, se termine au milieu de la nuit. Or, la solennité de cet important
budget mériterait que nous en discutions à un moment plus opportun.
En ce qui concerne les dépenses, par exemple, nous aurions pu, ce qui est
somme toute assez simple, faire des coupes claires générales sans jamais dire
précisément quelles dépenses peuvent être réduites.
Nous aurions pu adopter une démarche purement comptable qui consiste à jongler
avec des milliards de francs, sur un coin de table, sans réfléchir à l'impact
sur le terrain, en vérifiant simplement que les plus compensent les moins.
Telle n'a pas été notre démarche. Sur l'objectif national de dépenses
d'assurance maladie, par exemple, nous n'avons pas procédé ainsi.
Nous avons certes estimé que le taux proposé par le Gouvernement n'était pas
incitatif pour entreprendre les nécessaires adaptations de notre tissu
hospitalier. Nous pensons, nous vous l'avons dit, madame la ministre, que la
contrainte budgétaire n'est pas la clé des restructurations ; mais nous pensons
aussi que, sans contrainte budgétaire, la politique du fil de l'eau, lorsque le
taux directeur permet de financer l'offre à périmètre constant, ne fera pas
bouger les choses spontanément. C'est un point qui nous a séparés.
Nous avons dit aussi que 10 % de l'ONDAM correspondent aujourd'hui à des
dépenses non encadrées, et personne ne l'a contesté. Nous avons cité ces
dépenses et, comme l'année dernière, nous avons adopté un amendement prévoyant
un encadrement de l'évolution des dépenses du secteur médico-social, dès
1998.
Même si cela était peu populaire, nous l'avons fait, car nous croyons qu'il
faut le faire dès 1998 et non pas à partir de 1999, comme vous nous le
promettez, madame le ministre. Nous verrons bien !
Nous vous avons invitée à procéder de même dans les meilleurs délais pour les
prescriptions faites par d'autres médecins que les médecins libéraux à titre
externe aux hôpitaux, et ce n'est qu'alors que nous avons réduit l'ONDAM, en
conséquence et dans ces seules proportions.
Voilà pourquoi nous pouvons, je le crois, être satisfaits du travail accompli
par notre assemblée et de la démarche qu'elle a su retenir.
Bien sûr, nous nous sommes opposés aux deux mesures les plus contestées de ce
projet de loi.
Il s'agit tout d'abord du basculement, que nous estimons aventureux compte
tenu des sommes gigantesques en jeu, des cotisations maladie sur la
contribution sociale généralisée. A notre avis, cela pénalisera gravement de
nombreux Français, dont on ne sait pas comment ils arbitreront leurs
placements, qu'ils soient travailleurs indépendants ou épargnants.
La seconde mesure très contestée, plusieurs orateurs l'ont répété ce soir,
c'est la mise sous conditions de ressources des allocations familiales, qui
remet en cause, cela a été dit et redit, les principes fondateurs de la
sécurité sociale.
Nous sommes en effet convaincus, tout comme vous peut-être, madame le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que, même pour un an, nous ne devons
pas jouer avec le socle du contrat social, auquel tous les Français sont
légitimement attachés. Nous risquerions en effet d'aggraver encore la fracture
sociale.
Au terme de ce débat, je voudrais vous remercier, madame le ministre, monsieur
le secrétaire d'Etat, de la manière dont vous avez accepté la confrontation de
nos arguments, la confrontation de deux projets pour la sécurité sociale.
Je suis convaincu, et nombre de mes collègues avec moi, que vous partagez
notre attachement à la protection sociale, dont vous êtes vous-mêmes, je
l'espère, persuadés.
Nous pensons que, pour sauver la protection sociale, il faut que celle-ci
continue à servir des prestations à tous les Français, qu'il s'agisse des
prestations vieillesse, maladie ou famille.
Nous pensons aussi qu'il faut qu'elle n'absorbe pas une part toujours plus
importante du revenu de nos concitoyens.
Nous estimons que la protection sociale, et donc l'équilibre de nos sociétés,
seront menacés le jour où les classes moyennes jugeront qu'elles paient trop
pour le service rendu - et ce jour n'est pas loin -, qu'elles paient trop alors
qu'elles ne reçoivent rien.
Ce jour-là, il y aura une vraie rupture dans le système de sécurité sociale,
et je crois que nous sommes proches de ce moment. C'est le message que je
voulais faire passer, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat. Voilà
ce qui nous sépare. S'il n'en était pas ainsi, nous n'aurions pas présenté un
contre-projet à votre projet de loi de financement.
Nous avons amendé votre projet, et j'espère que vous n'emploierez pas le terme
« dénaturé », nous allons maintenant l'adopter sous une forme qui, selon nous,
donne les meilleures chances à la sécurité sociale à laquelle, tous, sur tous
les bancs, je l'espère, nous sommes très attachés, même si nous sommes tous,
sur tous les bancs également, persuadés qu'elle doit évoluer.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
15:
Nombre de votants | 315 |
Nombre de suffrages exprimés | 308 |
Majorité absolue des suffrages | 155 |
Pour l'adoption | 211 |
Contre | 97 |
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord remercier les membres de la Haute Assemblée car, si les débats ont été souvent vigoureux, ils ont, en règle générale, été de qualité, comme certains d'entre vous l'ont déjà dit.
Je voudrais également saluer le travail accompli par vos rapporteurs, MM. Machet, Vasselle et Oudin, ainsi que par M. Descours et par le président de la commission des affaires sociales, M. Jean-Pierre Fourcade.
Je voudrais aussi remercier les sénateurs qui ont bien voulu soutenir la démarche engagée par le Gouvernement. Il s'agit plus particulièrement de Mmes Dieulangard, Derycke et Dusseau, de MM. Autain et Chabroux, ainsi que de M. Estier. Je tiens encore à remercier Mme Borvo et M. Fischer qui ont notamment déposé des amendements pertinents sur le contre-projet de la commission des affaires sociales.
Nous nous accordons tous sur ce point : la situation est difficile. Avec un déficit de 37 milliards de francs cette année et un déficit prévisible, si nous ne faisions rien, de 33 milliards de francs l'année prochaine, le déficit auquel nous souhaitons parvenir - 12 milliards de francs environ - peut paraître convenable.
Il nous faut avancer avec détermination, mais aussi avec modestie.
Etant donné le nombre de fois où l'on a dit aux Français que le déficit de la sécurité sociale allait être comblé, ils n'y croient plus. Nous sommes donc bien conscients, Bernard Kouchner et moi-même, à un moment où le Gouvernement s'engage comme il le fait aujourd'hui, qu'il nous faudra atteindre les résultats que nous nous sommes fixés. En tout cas, tel est notre état d'esprit, et vous le savez bien.
Nous avons certes eu des désaccords profonds avec la majorité sénatoriale ; nous avons cependant pu engager des débats de fond.
Tout d'abord, nous avions proposé une réforme d'ampleur du financement de la sécurité sociale, visant à donner à celle-ci une assiette à la fois plus dynamique et plus équilibrée, permettant d'assurer sa pérennité. Sur ce point, je regrette que la commission des affaires sociales n'ait pas retenu cette année ce que son rapporteur avait dit, l'année dernière, sur les limites d'un financement assis sur les seules cotisations.
Je voudrais maintenant en revenir à la politique familiale, après les propos que l'on a encore entendus ce soir, qui ne sont tenus, je le reconnais, que par quelques-uns.
Nous avons le droit de penser, lorsque le déficit s'établit à 13 milliards de francs, quand beaucoup de familles souffrent, alors que le Gouvernement a versé 10,5 milliards de francs en cinq mois aux familles, notamment aux plus fragiles, qu'il faut réintroduire de la solidarité dans la politique familiale. Vous avez quant à vous le droit de contester nos méthodes, mais vous ne pouvez pas dire que nous brisons les familles. En effet, les dispositions que nous avons proposées quant aux emplois familiaux concernent 0,25 % des familles françaises, et celles qui portent sur l'AGED touchent 30 000 familles sur 9 500 000 !...
Dans ces conditions, mesdames, messieurs les sénateurs, si vous avez le droit d'être en désaccord avec nous, vous ne pouvez pas dire, je le répète, que nous brisons la famille.
J'ajoute que, depuis cinq mois, nous avons apporté aux familles 10,5 milliards de francs.
Les désaccords n'impliquent pas que l'on tienne de faux propos. Les familles jugeront, avez-vous dit ; à mon avis, elles ont déjà jugé !
Quoi qu'il en soit, il faut travailler et c'est ce que nous allons faire.
Comme nous le savons, la politique familiale se construira avec l'ensemble des Français, la politique familiale ne se résume pas aux prestations familiales, elle regroupe la politique de l'emploi pour les jeunes, la politique du logement, la politique de sécurité.
Croyez bien que les associations familiales, quelles que soient leurs positions sur telle ou telle mesure technique, ne sont pas dans la rue à déplorer que ce Gouvernement mette à bas les familles, elles sont dans nos bureaux, en train de discuter.
C'est ainsi que je conçois la démocratie et le travail que nous devons accomplir en ce qui concerne la famille, dont nous sommes tous d'accord ici pour dire qu'elle est la cellule de base dans laquelle les enfants doivent se construire et doivent aussi construire leur devenir affectif, collectif.
Je préfère que nous en parlions de cette façon, les désaccords techniques n'impliquant pas les insultes. En tout cas, je ne vois pas comme cela le débat démocratique, et je remercie tous ceux, très nombreux au Sénat, qui n'en ont pas proféré.
Je regrette que nous n'ayons pas pu nous mettre d'accord sur la CSG.
La majorité sénatoriale a, par ailleurs, proposé des mesures d'économie. Nous sommes en désaccord sur ce point. Nous n'avons pas accepté de réduire à 1,7 %, selon la proposition de la commission des affaires sociales, et encore moins à 1,3 %, selon celle de la commission des finances, le taux de progression des dépenses maladie, tout simplement parce que nous sommes convaincus qu'il est impossible de faire bouger un système lorsque tous les freins sont serrés.
Nous nous trompons peut-être ! Vous nous avez fait part à l'instant de votre conviction sur ce sujet, monsieur le rapporteur. Notre conviction à nous, c'est que les hôpitaux n'évolueront que si on leur donne un peu de mou, c'est qu'on ne transforme pas des lits de court séjour en lits de long séjour en « fermant tous les robinets », c'est qu'il n'est pas possible aujourd'hui de réduire à moins de 3,15 % l'évolution du secteur médico-social alors que les besoins pour les handicapés et les personnes âgées sont si importants. Nous ne sommes pas capables - non plus - je le dis très simplement mais fermement - de réduire la part de la médecine de ville pour l'année prochaine alors que nous ne sommes même pas sûrs, les chiffres le montrent jour après jour, de tenir les objectifs de cette année.
Voilà nos convictions, elles reflètent la réalité actuelle.
Comme certains l'ont déjà dit, nous croyons que l'hôpital doit vivre correctement cette année pour pouvoir changer. Nous croyons que nous ferons évoluer l'hôpital ensemble, car il doit le faire.
Nous croyons de plus que les outils de la maîtrise des dépenses de santé, à laquelle je suis attachée, à laquelle le Gouvernement est attaché, ne sont pas encore tous en place. Nous allons les mettre en place avec les professionnels, mais aussi avec les élus. C'est une démarche qui est peut-être différente de celle à laquelle vous croyez, mais qui, je l'espère, portera ses fruits.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je regrette que nous ne nous soyons pas mis d'accord sur le transfert de la CSG, car je pense profondément qu'il pérénise l'avenir de notre protection sociale.
Je comprends que vous puissiez être en désaccord sur telle ou telle mesure technique de la politique familiale, bien que notre souhait soit d'insuffler de la solidarité dans cette politique et de faire évoluer la situation.
Je regrette également que, sur la politique de la santé, vous nous ayez demandé de réaliser des économies peu explicites, alors que nous essayons de mettre en mouvement l'ensemble des professionnels, des élus et de nos concitoyens autour des états généraux de la santé que nous organiserons l'année prochaine.
Voilà pourquoi nous ne pouvons pas être en accord avec le texte que vous avez voté.
Il n'en reste pas moins que nos débats, je le crois, font honneur à notre démocratie, puisqu'ils ont largement marqué notre attachement commun au système de protection sociale, même si nous avons deux visions de son avenir. Je souhaitais en remercier le Sénat, tout particulièrement M. le président et MM. les rapporteurs de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe du RDSE et du groupe communiste, républicain et citoyen. - M. Machet applaudit également.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce fut un beau débat. Je dois d'abord remercier M. le président de la commission des affaires sociales, les rapporteurs et vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Mais, voilà, nous ne sommes pas d'accord ! Finalement, c'est normal.
Je ne parlerai ni de la CSG - Martine Aubry vient de résumer nos positions - ni de la famille, dont nous avons longuement débattu. Nous n'attentons pas à cette noble institution, à laquelle nous sommes au moins aussi attachés que vous. Je ne parlerai pas non plus de la vieillesse. J'évoquerai, en revanche, la santé, car j'ai entendu ici des propos qui marquent nos préoccupations.
Oui, à partir d'une analyse semblable, nous aboutissons à des solutions très différentes. Pour être bref sur un sujet qui mériterait plus, je dirai que les tentatives que nous avons faites pour une maîtrise plus maîtrisée, pour une comptabilité plus comptable, n'avaient rien de dirigistes.
Ces tentatives étaient le contraire de l'excès de dirigisme, de l'excès de comptabilité, le contraire d'une notion diamétralement opposée aux objectifs humains !
M. Dominique Braye. Elles ne sont pas efficaces !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Les vôtres ne l'ont pas été non plus puisque vous avez été politiquement battus, et en particulier sur ce sujet ! Vous pouvez hocher la tête, cela fait désormais partie de l'histoire !
Je voudrais précisément m'attacher à la différence de méthode qu'il y a entre nous.
Des sénateurs, et pas seulement sur les travées de gauche, se sont posés des questions et ont approuvé notre démarche générale, car nous avons le même objectif.
Non, nous ne pouvons pas dépenser éternellement plus pour le système de santé ; nous le savons ! Oui, bien sûr, nous souhaitons l'harmonisation et la modernisation de nos hôpitaux ; nous le savons !
J'approuve ce que vous avez dit, monsieur Descours, à propos des couches moyennes de ce pays : à force de tant payer, sont-elles encore satisfaites de ce qu'elles reçoivent ? Oui, c'est notre préoccupation aussi ! Cela ne revient-il pas à dire qu'il faut mesurer l'offre de soins ?
Parlons de la demande de soins, mesdames, messieurs les sénateurs ?
Que dois-je faire quand vous venez me demander - vendredi dernier et aujourd'hui encore - dans un hôpital ou dans un autre établissement de votre circonscription, exactement le contraire de ce que vous avez souhaité ici ?
Alors, que dois-je penser ? Que vous êtes des « duplices » ? Mais non, vous n'êtes pas des « duplices ». Vous êtes humains dans ce cas-là, et vous vous demandez quels sont les besoins de santé de la population et quels sont les besoins dans les hôpitaux.
Et ce que demande le personnel ? Serait-ce toujours excessif ? Non ! C'est comme cela, et nous avons choisi, nous, d'y faire très attention après une année d'étranglement au cours de laquelle tout a été excessif dans l'autre sens.
Vous nous dites qu'un pourcentage de 1,7 eût été préférable à 2,2. Mais ce n'est pas le problème ! En termes entièrement comptables, bien sûr que nous aurions été d'accord. Croyez-vous que nous souhaitons dépenser plus ? Allons !
Convenez que, dans les hôpitaux qui sont les vôtres, mesdames, messieurs les sénateurs, les dettes étaient alors excessives et qu'il y manque encore 23 millions de francs d'un côté ou 5 millions de francs de l'autre. Il y a du personnel qui n'a pas été engagé, des malades qui réclament des soins et des dispositifs hospitaliers qui ne sont pas remboursés.
Il faut donc que nous desserrions l'étau et que nous reprenions les choses en main. Pourquoi ? Parce que nous pensons qu'à force de mettre un couvercle sur une marmite qui bout, on va la faire exploser.
Il me semble que, pour maîtriser les dépenses, pour montrer le cap en se gardant du laxisme, il faut le faire avec les élus que vous êtes - vous venez nous consulter toujours, et vous avez raison - avec le personnel, qui vient se demander quel est son avenir - nous avons affirmé qu'il n'y aurait pas de licenciements, c'est quand même important - avec les usagers et avec les syndicats. C'est une différence importante ; c'est cela qui nous a opposés les uns aux autres.
Je ne regrette pas ce débat. Je pense, au contraire, que c'est ainsi l'on avance.
Vous nous avez donné rendez-vous à propos de l'hôpital, de la santé et de la santé publique à propos des libéraux, dont je parlerai un autre jour. Lorsque nous sommes arrivés aux affaires, les divers groupes de médecins ne se parlaient même plus. Croyez-vous que cela nous a amusés ? Cela ne vous a pas amusés non plus, mais c'était la réalité : ils ne se parlaient plus.
Les groupes antagonistes - non pas dans les milieux hospitaliers, mais dans les milieux libéraux et médicaux - sont beaucoup plus opposés les uns aux autres que dans les milieux ouvriers ! Croyez-vous que cela soit normal ? Ce sont les conséquences du plan Juppé.
Alors nous avons choisi une méthode différente. Vous nous avez donné rendez-vous dans quelques mois ou dans quelques années. Moi aussi, je vous donne rendez-vous, et je n'ai pas regretté ce débat, dont je vous remercie. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je remercie le Gouvernement d'avoir accepté la discussion au fond sur l'ensemble des sujets. Je remercie Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité de n'avoir pas conclu cette fois, comme lors de la discussion du projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emplois des jeunes, que le Sénat avait dénaturé le texte du Gouvernement.
Le Sénat n'a pas dénaturé le texte, il a proposé une autre logique ; je constate que la grande majorité du Sénat l'a d'ailleurs acceptée.
Si vous permettez, je ferai encore deux observations.
Ce qui choque nos convictions, dans tous les débats, c'est d'abord que les notions d'économie, de réduction de la dépense paraissent, au Gouvernement comme aux administrations, invraisemblables et impossibles à réaliser.
Madame la ministre, vous avez dit que, parmi les solutions que nous avons proposées, certaines économies ne seraient jamais faites. Notre système de protection sociale a plus de 50 milliards de francs de frais de gestion. Les maires qui sont ici savent parfaitement que, lorsque n'importe quelle caisse installe un bureau quelque part, elle a des moyens que nous n'avons pas, que les services de l'Etat n'ont pas et que beaucoup d'autres services publics n'ont pas.
Nous pensons donc, nous qui sommes des hommes de terrain modestes, nous qui comptons à un franc près, qu'un certain nombre d'économies de gestion sont possibles : dans les frais administratifs, dans les rythmes de traitement, notamment dans les glissements catégoriels, dans un certain nombre de liquidations de prestations.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. On trouve toute une série d'exemples à cet égard dans le rapport de la Cour des comptes.
Nous avons proposé d'ajouter un ou deux milliards de francs aux économies possibles. Nous pensons que si, dans ce pays, nous ne sommes pas capables de réduire un certain nombre de frais de gestion et de réhabiliter le concept d'économie, nous ne résisterons pas à la compétition mondiale, à l'ouverture des frontières et à l'arrivée, sur le marché, d'un certain nombre de pays dynamiques qui n'ont pas de statuts, pas d'histoire, qui n'ont pas à tenir compte de conflits, et qui, par conséquent, nous damerons le pion.
J'en viens au second point qui nous a choqués. Nous avons trouvé un point commun au projet de loi de financement de la sécurité sociale et au projet de loi de finances pour 1998, dont nous allons engager la discussion jeudi prochain. Ce point commun est la limitation d'un certain nombre de mesures, avantageuses peut-être, concernant la famille. Or, compte tenu de l'importance des débats et de la crise que nous connaissons, nous pensons qu'il n'est pas convenable d'additionner quatre mesures - deux dans le premier texte, que nous venons de voter, et deux ans le second - touchant les familles alors que, par ailleurs, on supprime la réduction de l'impôt sur le revenu votée pour cinq ans l'année précédente. C'est la raison pour laquelle une grande émotion s'est manifestée non seulement dans cet hémicycle, mais dans l'ensemble du pays. Vous nous avez donné rendez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat ; nous l'acceptons bien volontiers.
On vante l'habileté politique du Gouvernement avec sa « majorité plurielle ». Nous avons vu l'expression de cette pluralité ! Si cela se produisait chez nous, on parlerait de cacophonie ! Mais vous vous enrichissez de vos différences, car il s'agit d'un système de majorité plurielle. Bravo ! La prochaine fois que nous aurons des divergences entre nous, je me référerai aux propos de Mme Borvo pour justifier le fait que l'on peut tenir des propos différents en participant à un même courant politique, à un même courant d'idées !
Ce qui nous a choqués, c'est donc que les deux projets comportent quatre dispositifs touchant la famille. Ils auraient pu être envisageables si le Gouvernement avait décidé de continuer à réduire l'impôt sur le revenu. Ce n'est pas le cas. Par conséquent, toute une série de familles, à la limite des familles moyennes et des familles aisées - et nous avons des divergences pour savoir si elles sont moyennes ou aisées - vont durement supporter en 1998 l'accumulation de ces quatre mesures. Nous pensons que c'est trop et qu'il appartenait à la représentation nationale de vous le dire avec force, avec fermeté, avec netteté ! C'est ce que nous avons fait, et je tiens à remercier tous nos collègues. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
8
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de
constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons
d'adopter.
Il va être procédé immédiatement à la nomination de sept membres titulaires et
de sept membres suppléants de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été
affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat
à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean-Pierre Fourcade, Charles Descours, Jacques Machet, Alain
Vasselle, Jacques Oudin, François Autain et Mme Nicole Borvo.
Suppléants : MM. Jacques Bimbenet, Paul Blanc, Jean Chérioux, Mme
Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Claude Huriet et Jean Madelain.
9
COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
DE PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication,
en date du 14 novembre 1997, l'informant que :
- la proposition d'acte communautaire n° E 852 : « proposition de décision du
Conseil relative à la conclusion du protocole à l'accord européen conclu entre
les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la
République tchèque, d'autre part » a été adoptée définitivement par les
instances communautaires par décision du Conseil du 21 octobre 1997 ;
- la proposition d'acte communautaire n° E 881 : « proposition de règlement CE
du Conseil modifiant le règlement CEE n° 822/87 portant organisation commune du
marché vitivinicole » a été adoptée définitivement par les instances
communautaires par décision du Conseil du 21 octobre 1997 ;
- et la proposition d'acte communautaire n° E 706 : « proposition de règlement CE, EURATOM, CECA du Conseil modifiant le règlement EURATOM, CECA, CEE n° 549/69 déterminant les catégories de fonctionnaires et agents des Communautés européennes auxquels s'appliquent les dispositions de l'article 12, de l'article 13, deuxième alinéa, et de l'article 14 du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés. Proposition de règlement CE, EURATOM, CECA du Conseil modifiant le règlement CEE, EURATOM, CECA n° 260/68 portant fixation des conditions et de la procédure d'application de l'impôt établi au profit des Communautés européennes » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 30 octobre 1997.10
DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la proposition
d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en
application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projets de décisions du Conseil et de la Commission concernant la conclusion
des protocoles portant adaptation des aspects institutionnels des accords
européens entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part,
et la République de Hongrie, la République tchèque, la République slovaque, la
République de Pologne, la République de Bulgarie et la Roumanie, d'autre part,
afin de tenir compte de l'adhésion de la République d'Autriche, de la
République de Finlande et du Royaume de Suède à l'Union européenne.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 952 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Propositions de décision du Conseil relatives à la conclusion des protocoles
d'adaptation des aspects commerciaux des accords européens entre les
Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de
Hongrie, la République tchèque, la République slovaque, la République de
Pologne, la République de Bulgarie et la Roumanie, d'autre part, pour tenir
compte de l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande
et du Royaume de Suède à l'Union européenne et des résultats des négociations
agricoles de l'Uruguay round, y inclus les améliorations du régime préférentiel
existant (volume I : République de Hongrie, volume II : République tchèque,
volume III : République slovaque, volume IV : République de Pologne, volume V :
République de Bulgarie, volume VI : République de Roumanie).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 953 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement CE du Conseil portant modification du règlement CE
n° 1568/97 adoptant des mesures autonomes et transitoires pour les accords
d'échanges préférentiels conclus avec la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la
République tchèque, la Roumanie et la Bulgarie, en ce qui concerne certains
produits agricoles transformés.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 954 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous
forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole
fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans
l'accord entre la Communauté européenne et la République de Côte d'Ivoire
concernant la pêche au large de la Côte d'Ivoire pour la période du 1er juillet
1997 au 30 juin 2000. Proposition de règlement CE du Conseil relatif à la
conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie
financière prévues dans l'accord entre la Communauté européenne et le
Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire concernant la pêche au large de
la Côte d'Ivoire pour la période du 1er juillet 1997 au 30 juin 2000.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 955 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous
forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole
fixant les possibilités de pêche et la compensation financière prévues dans
l'accord entre la CEE et la République du Cap-Vert concernant la pêche au large
du Cap-Vert pour la période du 6 septembre 1997 au 5 septembre 2000.
Proposition de règlement CE du Conseil concernant la conclusion du protocole
fixant les possibilités de pêche et la compensation financière prévues dans
l'accord entre la CEE et la République du Cap-Vert concernant la pêche au large
du Cap-Vert, pour la période du 6 septembre 1997 au 5 septembre 2000.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 956 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous
forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole
fixant les possibilités de pêche et la compensation financière prévues dans
l'accord entre la CEE et le gouvernement de la République de Guinée équatoriale
concernant la pêche au large de la côte de la Guinée équatoriale pour la
période du 1er juillet 1997 au 30 juin 2000. Proposition de règlement (CE) du
Conseil concernant la conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche
et la compensation financière prévues dans l'accord entre la CEE et le
gouvernement de la République de Guinée équatoriale concernant la pêche au
large de la côte de la Guinée équatoriale pour la période du 1er juillet 1997
au 30 juin 2000.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 957 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement (CE) du Conseil portant prolongation de la période
prévue à l'article 149, paragraphe 1, de l'Acte d'adhésion de l'Autriche, de la
Finlande et de la Suède.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 958 et
distribuée.
11
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 19 novembre 1997, à quinze heures :
1. - Discussion des conclusions du rapport (n° 71, 1997-1998) de M. Henri
Revol, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur la
proposition de résolution (n° 34, 1997-1998) de MM. Maurice Blin, Henri de
Raincourt, Josselin de Rohan, Jacques Valade et Henri Revol tendant à créer une
commission d'enquête afin de recueillir les éléments relatifs aux conditions
d'élaboration de la politique énergétique de la France et aux conséquences
économiques, sociales et financières des choix effectués.
Avis (n° 63, 1997-1998) de M. André Bohl, fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale.
2. - Discussion de la proposition de loi (n° 27, 1997-1998), adoptée par
l'Assemblée nationale, relative au fonctionnement des conseils régionaux.
M. Paul Girod, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale.
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans la discussion générale
du projet de loi de finances pour 1998
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale du
projet de loi de finances pour 1998 est fixé au mercredi 19 novembre 1997, à
dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements
aux articles de la première partie
du projet de loi de finances pour 1998
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première
partie du projet de loi de finances pour 1998 est fixé au jeudi 20 novembre
1997, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
DÉCÈS D'UN SÉNATEUR
M. le président du Sénat a le regret de porter à la connaissance de Mmes et MM. les sénateurs qu'il a été avisé du décès de M. François Mathieu, sénateur de la Loire, survenu le 18 novembre 1997.
DÉMISSION D'UN SÉNATEUR
Dans sa séance du mardi 18 novembre 1997, le Sénat a pris acte de la démission de M. Michel Rocard de son mandat de sénateur des Yvelines.
REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR
Conformément à l'article LO 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article LO 320 du code électoral M. Jacques Bellanger est appelé à remplacer en qualité de sénateur des Yvelines, à compter du 19 novembre 1997, M. Michel Rocard, démissionnaire de son mandat.
MODIFICATIONS
AUX LISTES DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE SOCIALISTE
(71 membres au lieu de 72)
Supprimer le nom de M. Michel Rocard.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE
(54 membres au lieu de 55)
Supprimer le nom de M. François Mathieu.
ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 18 novembre 1997
à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Mercredi 19 novembre 1997, à 15 heures :
Ordre du jour complémentaire
1° Conclusions de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de résolution de MM. Blin, de Raincourt, de Rohan, Valade et Revol tendant à créer une commission d'enquête afin de recueillir les éléments relatifs aux conditions d'élaboration de la politique énergétique de la France et aux conséquences économiques, sociales et financières des choix effectués (n° 71, 1997-1998).
Ordre du jour prioritaire
2° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au
fonctionnement des conseils régionaux (n° 27, 1997-1998).
Jeudi 20 novembre 1997,
à 9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite de l'ordre du jour de la veille.
A 16 heures et le soir :
2° Sous réserve de sa création, nomination des membres de la commission
d'enquête sur la politique énergétique de la France.
(Les candidatures à cette commission devront être déposées par les groupes
au secrétariat du service des commissions avant le jeudi 20 novembre 1997, à 11
heures.)
Ordre du jour prioritaire
3° Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 1998 (AN,
n° 230).
Les règles et le calendrier de la discussion du projet de loi de finances pour
1998, fixés par la conférence des présidents du 4 novembre 1997, sont
confirmés.
Sont également confirmées les inscriptions suivantes :
- le
mercredi 26 novembre 1997,
à 17 h 30,
dépôt du rapport
annuel de la Cour des comptes ;
- le
jeudi 27 novembre 1997,
à 15 heures,
questions d'actualité
au Gouvernement ;
- le
lundi 1er décembre 1997,
à 9 h 30,
conclusions de la
commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1998 ou nouvelle lecture.
En outre, l'ordre du jour du jeudi 27 novembre 1997 est complété par la
discussion, après les questions d'actualité au Gouvernement, du projet de loi
autorisant l'approbation du quatrième protocole (services de télécommunications
de base) annexé à l'accord général sur le commerce des services, sous réserve
de sa transmission (AN, n° 221).
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 18 novembre 1997
SCRUTIN (n° 15)
sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
1998, adopté par l'Assemblée nationale.
Nombre de votants : | 314 |
Nombre de suffrages exprimés : | 307 |
Pour : | 210 |
Contre : | 97 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
9.
Contre :
6. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert-Paul Vigouroux.
Abstentions :
5. _ MM. Pierre Jeambrun, Pierre Laffitte, Georges
Othily, Jean-Marie Rausch et André Vallet
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Guy Cabanel et François
Lesein.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour :
92.
Abstention :
1. _ M. Emmanuel Hamel.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jacques Valade, qui présidait la
séance.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Contre :
74.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Michel Rocard.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :
Pour :
57.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
45.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :
Pour :
7.
Contre :
1. _ M. Philippe Adnot.
Abstention :
1. _ M. Jean-Pierre Lafond.
Ont voté pour
Nicolas About
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Ont voté contre
François Abadie
Philippe Adnot
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Abstentions
MM. Emmanuel Hamel, Pierre Jeambrun, Pierre Laffitte, Jean-Pierre Lafond,
Georges Othily, Jean-Marie Rausch et André Vallet.
N'ont pas pris part au vote
MM. Guy Cabanel, François Lesein et Michel Rocard.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 315 |
Nombre de suffrages exprimés : | 308 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 155 |
Pour l'adoption : | 211 |
Contre : | 97 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.