SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 1 ).

3. Prévention et répression des infractions sexuelles. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi (p. 2 ).

Intitulé du titre II (réservé) (p. 3 )

Article 7 (p. 4 )

Amendement n° 27 de la commission. - M. Charles Jolibois, rapporteur de la commission des lois ; Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. Jean-Jacques Hyest, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 8. - Adoption (p. 5 )

Article 9 (p. 6 )

Amendement n° 28 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 10 (p. 7 )

Amendements identiques n°s 29 de la commission et 62 de M. Hyest ; amendements n°s 122 à 124 de M. Dreyfus-Schmidt et 91 de Mme Dusseau. - MM. le rapporteur, Jean-Jacques Hyest, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Joëlle Dusseau, M. Jacques Larché, président de la commission des lois ; Mmes le garde des sceaux, Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire ; MM. Nicolas About, Robert Badinter, Philippe de Gaulle, Mme Nicole Borvo, M. Patrice Gélard. - Adoption, par scrutin public, des amendements n°s 29 et 62 supprimant l'article, les amendements n°s 122 à 124 et 91 devenant sans objet.

Article 11 (p. 8 )

Amendement n° 30 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 12 (p. 9 )

Amendement n° 31 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 32 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 12 (p. 10 )

Amendements n°s 33 de la commission, 80, 81 de M. About, 99 de M. Darniche et 103 de M. Pagès. - MM. le rapporteur, Nicolas About, Jacques Habert, Mmes Nicole Borvo, le garde des sceaux, M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Retrait de l'amendement n° 99 ; rejet de l'amendement n° 81 ; adoption des amendements n°s 33 et 103 insérant deux articles additionnels, l'amendement n° 80 devenant sans objet.
Amendement n° 82 de M. About. - MM. Nicolas About, le rapporteur, Mmes le garde des sceaux, Joëlle Dusseau, M. Robert Badinter. - Rejet.

Article 13. - Adoption (p. 11 )

Article 14 (p. 12 )

Amendement n° 34 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait.
Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 14 (p. 13 )

Amendement n° 73 rectifié de M. Gélard. - MM. Patrice Gélard, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Joëlle Dusseau. - Adoption, par scrutin public, de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 15 (p. 14 )

Amendement n° 74 de M. Gélard. - MM. Patrice Gélard, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Robert Badinter, le président de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Suspension et reprise de la séance (p. 15 )

Article additionnel après l'article 15 (p. 16 )

Amendement n° 83 de M. About. - MM. Nicolas About, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait.

Article 16. - Adoption (p. 17 )

Article additionnel après l'article 16 (p. 18 )

Amendement n° 75 rectifié de M. Gélard. - MM. Patrice Gélard, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 17. - Adoption (p. 19 )

Article 18 A (p. 20 )

Amendement n° 77 du Gouvernement. - Mme le garde des sceaux, M. le rapporteur. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 18 (p. 21 )

Amendements n°s 35 de la commission, 88 rectifié de M. Gournac et 92 de Mme Dusseau. - MM. le rapporteur, Patrice Gélard, Mme Joëlle Dusseau, M. le président de la commission, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement n° 35, les amendements n°s 88 rectifié et 92 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.

Article 18 bis (p. 22 )

Amendement n° 36 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 37 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 18 ter (p. 23 )

Amendement n° 38 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 39 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le garde des sceaux, Joëlle Dusseau. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 18 quater (p. 24 )

Amendement n° 40 de la commission. - MM. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. François Autain. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 18 quinquies (p. 25 )

Amendements n°s 41 de la commission et 125 de M. Autain. - MM. le rapporteur, François Autain ; Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement n° 41 supprimant l'article, l'amendement n° 125 devenant sans objet.

Article 19 (p. 26 )

Article 706-47 du code de procédure pénale
(p. 27 )

Amendement n° 42 de la commission. - M. le rapporteur. - Adoption de l'amendement supprimant l'article du code.

Article 706-48 du code précité (p. 28 )

Amendements n°s 43 et 44 de la commission. - M. le rapporteur. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article additionnel après l'article 706-48 du code précité (p. 29 )

Amendements identiques n°s 45 de la commission et 104 de M. Robert Pagès. - MM. le rapporteur, Robert Pagès, Mme le garde des sceaux, MM. le président de la commission, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption des amendements insérant un article additionnel dans le code.

Article 706-49 du code précité (p. 30 )

Amendement n° 46 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 706-50 du code précité (p. 31 )

Amendement n° 47 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article du code.

Article 706-51 du code précité (p. 32 )

Amendements identiques n°s 48 de la commission et 105 de M. Pagès ; amendement n° 89 rectifié de M. Gournac. - MM. le rapporteur, Robert Pagès, Patrice Gélard, Mme le garde des sceaux, M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Retrait de l'amendement n° 89 rectifié ; adoption des amendements n°s 48 et 105.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 706-51-1 du code précité (p. 33 )

Amendement n° 49 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'article du code.

Article 706-52 du code précité (p. 34 )

Amendement n° 50 rectifié bis de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Robert Badinter, Patrice Gélard. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article du code.

Article 706-53 du code précité (p. 35 )

Amendement n° 51 de la commission et sous-amendements n°s 78 du Gouvernement et 127 de M. Dreyfus-Schmidt ; amendements n°s 126 de M. Dreyfus-Schmidt et 93 de Mme Dusseau. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Mme Joëlle Dusseau. - Retrait des amendements n°s 126 et 93 ; adoption des sous-amendements n°s 78, 127 et de l'amendement n° 51 modifié rédigeant l'article du code.

Article 706-54 du code précité (p. 36 )

Amendement n° 128 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article du code.
Adoption de l'article 19 modifié.

Article 19 bis (p. 37 )

Amendement n° 52 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 19 ter . - Adoption (p. 38 )

Article 20 (supprimé)

Article 21 (p. 39 )

Amendements n°s 129, 130 de M. Autain et 94 rectifié à 96 de Mme Dusseau ; amendements identiques n°s 53 de la commission, 70 de M. Bimbenet, rapporteur pour avis, et 106 de M. Pagès. - M. François Autain, Mme Joëlle Dusseau, MM. le rapporteur, Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Robert Pagès, Mme le garde des sceaux, M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption, après une demande de priorité, des amendements n°s 53, 70 et 106, les amendements n°s 129, 130 et 94 rectifié devenant sans objet ; rejet des amendements n°s 95 et 96.
Adoption de l'article modifié.

Intitulé du chapitre III (p. 40 )

Amendements n°s 131 et 132 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement n° 131 rédigeant l'intitulé, l'amendement n° 132 devenant sans objet.

Article 22 (p. 41 )

Amendement n° 54 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 22 (p. 42 )

Amendement n° 101 de M. Darniche. - MM. Hubert Durand-Chastel, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait.

Article 23. - Adoption (p. 43 )

Article additionnel après l'article 23 (p. 44 )

Amendement n° 102 de M. Darniche. - MM. Hubert Durand-Chastel, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait.

Article 24 (p. 45 )

Amendement n° 55 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Articles 25 à 29. - Adoption (p. 46 )

Intitulé du titre II (précédemment réservé) (p. 47 )

Amendement n° 121 de M. Dreyfus-Schmidt. - Non soutenu.

Article 30. - Adoption (p. 48 )

Article 30 bis (p. 49 )

Amendement n° 79 du Gouvernement. - Mme le ministre, M. le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 31. - Adoption (p. 50 )

Article 31 (bis) (p. 51 )

Amendement n° 56 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 31 ter. - Adoption (p. 52 )

Article 31 quater (p. 53 )

Amendement n° 133 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Articles 31 quinquies,
31 sexies et 32. - Adoption (p. 54 )

Article 32 bis (p. 55 )

Amendements identiques n°s 71 de M. Bimbenet, rapporteur pour avis, et 134 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. le rapporteur pour avis, Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption des amendements supprimant l'article.

Article additionnel après l'article 32 bis (p. 56 )

Amendement n° 57 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait.

Article 33. - Adoption (p. 57 )

Article 34 (p. 58 )

Amendement n° 58 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Daniel Millaud. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Intitulé du projet de loi (p. 59 )

Amendement n° 59 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement modifiant l'intitulé.

Vote sur l'ensemble (p. 60 )

MM. Robert Pagès, Patrice Gélard, Mme Janine Bardou, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Jacques Bimbenet.
Adoption du projet de loi.
Mme le garde des sceaux.
M. le président.

4. Dépôt d'un projet de loi (p. 61 ).

5. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 62 ).

6. Ordre du jour (p. 63 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 octobre 1997, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante sénateurs, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi portant réforme du service national.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

3

PRÉVENTION ET RÉPRESSION
DES INFRACTIONS SEXUELLES

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 11, 1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes. [Rapport n° 49 (1997-1998) et avis n° 51 (1997-1998).]

« TITRE II


« DISPOSITIONS AYANT POUR OBJET DE PRÉVENIR ET DE RÉPRIMER LES INFRACTIONS SEXUELLES, LES ATTEINTES À LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE ET DE PROTÉGER LES MINEURS VICTIMES

Chapitre Ier

Dispositions modifiant le code pénal

M. le président. Je rappelle que nous avons réservé l'amendement n° 121 portant sur l'intitulé du titre jusqu'après l'examen de l'article 29.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen de l'amendement n° 98 tendant à insérer un article additionnel avant l'article 7.

Article additionnel avant l'article 7

M. le président. Par amendement n° 98, MM. Darniche, Berchet, Durand-Chastel, Foy, Habert, Maman et Moinard proposent d'insérer, avant l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 222-27 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsque les agressions sexuelles ont lieu sur des mineurs de quinze ans, les peines prévues aux articles 222-24, 222-25 et 222-26 sont applicables.
« II. - En conséquence, le deuxième alinéa (1°) de l'article 222-29 du code pénal est supprimé. »
Cet amendement est-il soutenu ?...

Article 7

M. le président. « Art. 7. _ A l'article 222-33 du code pénal, les mots : "en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes" sont remplacés par les mots : "en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions de toute nature". »
Par amendement n° 27, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement a pour objet de supprimer l'article 7 qui complète la définition du délit de harcèlement sexuel. A cet égard, faisant appel à ses souvenirs, votre rapporteur, mes chers collègues, vous rappelle que, lorsque le projet de code pénal est venu pour la première fois devant le Sénat, la définition du harcèlement sexuel était différente. Il y avait notamment une particularité en ce que l'on ne trouvait pas le mot : « harcèlement », qui est rentré depuis dans le code pénal parce que, pour définir le harcèlement, on peut très bien faire appel à la notion de « harceler ». En définitive, nous avons donné une définition qu'à l'époque nous avons estimée complète.
Aujourd'hui, on veut donc ajouter le membre de phrase : « ou exerçant des pressions de toute nature ». La commission des lois a estimé, dans sa majorité, que l'expression : « pressions de toute nature » était à la fois vague et floue. Par ailleurs, pour un délit qui avait donné lieu à de nombreuses discussions pour le définir et avoir la certitude qu'il n'y aurait pas de risque de dérive dans la répression, il a fallu en donner une définition limitative.
Un des arguments avancés par ceux qui désirent ajouter l'expression : « pressions de toute nature » est fondé sur le fait que le code du travail a retenu ces termes. Mais le code du travail n'est pas le code pénal ! Dans les relations de travail, certains comportements peuvent être répréhensibles sans pour autant être pénalement sanctionnables.
La commission des lois a donc estimé qu'il était préférable de s'en tenir à la définition actuelle retenue dans le texte auquel j'ai fait référence au début de mon propos et qui n'est d'ailleurs entré en application que depuis deux ans. La jurisprudence n'est pas encore établie en la matière laissons sa chance à ce texte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je comprends le souci de M. le rapporteur de ne pas modifier un texte du code pénal qui vient déjà de l'être récemment. Toutefois, le Gouvernement tient à cet article 7 en ce qu'il harmonise la rédaction du code pénal avec celle de l'article L. 122 du code du travail.
La précision que nous introduisons, à savoir « pressions de toute nature », a une signification et une justification propres par rapport aux autres éléments constitutifs du délit de harcèlement sexuel.
Il me paraît douteux, en effet, que les cas de menaces, d'ordres ou de contraintes suffisent à circonscrire les véritables comportements de harcèlement que la loi doit stigmatiser. Je pense, au contraire, qu'il existe des pressions, des sous-entendus, des insinuations répétées, appuyées, persistantes, bien d'autres attitudes qui, en apparence, sont anodines et qui, quand elles sont isolées, peuvent ne pas se révéler gênantes, mais qui deviennent insupportables lorsqu'elles sont systématiques. Il s'agit là de comportements dangereux dont on peut parfaitement déterminer les contours et qui doivent être poursuivis.
En revanche, je ne suis pas sûre que l'article 225-1 du code pénal qui réprime des discriminations, notamment les discrimination en raison du sexe, couvre les cas que je viens d'évoquer.
C'est pourquoi je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de voter en l'état le texte proposé par le Gouvernement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 27.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Je voterai l'amendement n° 27. En effet, lorsque nous avons modifié le code pénal, le texte du code du travail existait déjà. C'était donc en toute connaissance de cause que nous avions adopté la rédaction telle qu'elle figure actuellement dans le code pénal.
Il n'est pas souhaitable, selon moi, de modifier sans cesse le code pénal, car cela crée des incertitudes en matière de législation répressive, ce qui me paraît tout à fait dommageable. Je crois donc que, dans ces conditions, il vaut mieux s'en tenir au texte actuel, sinon cela reviendrait à modifier à peu près tous les six mois tel ou tel point du code pénal, ce qui serait tout à fait déplorable.
L'incrimination telle qu'elle est prévue correspond tout à fait à ce que peut être la répression pénale, le code du travail n'étant pas tout à fait de même nature, puisqu'il est vrai que, souvent, les relations entre les cadres ou les patrons et les salariés n'ont rien à voir avec le code pénal.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'argument qui consiste à dire : « le code pénal est récent, n'y touchons pas ! », j'aimerais bien ou que nous en fassions une règle, ou que nous n'en parlions plus, parce qu'il arrive fréquemment à la majorité sénatoriale d'aggraver les peines prévues par le code pénal, par exemple, en oubliant alors complètement son langage d'aujourd'hui. S'il y a besoin de le modifier, modifions-le !
Est-ce le cas ? Je constate, qu'en bon français le texte proposé est évidemment meilleur que l'ancien, qui indiquait : « en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes ». Le seul verbe utilisé était « user ». La nouvelle rédaction : « en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions de toute nature » - est certainement préférable. Nous avons entendu disserter sur « pressions » et « répression ». Je dois à la vérité de dire que les mots : « pressions de toute nature », dans le code pénal, vont, à mon avis, un peu trop loin. Je le dis comme je le pense.
Je comprends bien que, en matière de droit du travail, l'emploi de l'expression « quelque pression que ce soit » permette de maintenir uniquement les liens du travail. Mais, s'agissant du code pénal, je suis assez hésitant. Lors d'une commission mixte paritaire, j'échangerais bien avec la majorité sénatoriale cet amendement contre ceux que nous examinerons tout à l'heure à propos du bizutage ; mais nous n'en sommes pas là. (Sourires.) Pour l'instant ; le groupe socialiste, dont je suis le porte-parole, soutiendra le texte qui nous est proposé par le Gouvernement et ne votera donc pas l'amendement n° 27.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Le groupe du RPR votera l'amendement n° 27, et ce pour deux raisons :
D'une part, chaque code est indépendant l'un de l'autre. Nous n'avons donc pas à nous occuper de ce qu'a arrêté le code du travail en l'occurrence.
D'autre part, et j'insiste sur ce point ; cela me gênerait beaucoup de laisser au juge le soin d'apprécier ce que sont « des pressions de toute nature ». Je souhaiterais qu'on nous précise ce que sont ces pressions. On n'est pas capable de le faire et on laisse donc au juge le soin de décider ; cela est contraire à ce que doit être une incrimination pénale.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. M. Hyest a indiqué que, lorsque le nouveau code pénal avait été voté, on connaissait le code du travail. Je tiens à lui préciser que le code du travail a été voté après le nouveau code pénal.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 27, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 7 est supprimé.

Article 8

M. le président. « Art. 8. _ Il est rétabli, à l'article 222-45 du code pénal, un 3° ainsi rédigé :
« 3° L'interdiction d'exercer, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs. » - ( Adopté. )

Article 9

M. le président. « Art. 9. _ I A. _ L'article 222-24 du code pénal est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° Lorsque la victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunications. »
« I B. _ L'article 222-28 du code pénal est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Lorsque la victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunications. »
« I. _ Il est inséré, à l'article 225-7 du code pénal, un 10° ainsi rédigé :
« 10° Grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunications. »
« II. _ Le premier alinéa de l'article 227-22 du code pénal est complété par les mots : "ou lorsque le mineur a été mis en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunications".
« II bis. _ Le dernier alinéa de l'article 227-23 du code pénal est complété par les mots : "ou lorsqu'il a été utilisé, pour la diffusion de l'image ou de la représentation du mineur à destination d'un public non déterminé, un réseau de télécommunications".
« III. _ Il est inséré, à l'article 227-26 du code pénal, un 5° ainsi rédigé :
« 5° Lorsque le mineur a été mis en contact de l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunications. »
Par amendement n° 28, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose :
« I. - Au début du texte présenté par le paragraphe I A de l'article 9 pour le 8° de l'article 222-24 du code pénal, de remplacer les mots : "Lorsque la victime a été mise en contact" par les mots : "Lorsqu'il est commis sur un mineur âgé de plus de quinze ans et que celui-ci a été mis en contact".
« II. - Au début du texte présenté par le paragraphe I B de cet article pour le 6° de l'article 222-28 du code pénal, de remplacer les mots : "Lorsque la victime a été mise en contact" par les mots : "Lorsqu'elle est commise sur un mineur âgé de plus de quinze ans et que celui-ci a été mis en contact".
« III. - De suppprimer le paragraphe I de cet article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet article tend à faire de l'utilisation d'un réseau de télécommunications, comme Internet ou le Minitel, une circonstance aggravante de certains délits. La commission a estimé que l'ajout de cette circonstance aggravante ne se justifiait dans le cadre du présent projet de loi que dans la mesure où elle permettait de renforcer la protection des mineurs.
C'est la raison pour laquelle, par un amendement, elle propose de limiter le champ d'application de cette nouvelle circonstance aggravante aux infractions concernant les mineurs.
De manière générale, je dirai que la commission cherche à bien cibler le texte nouveau sur son objet véritable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le président, je ne suis pas favorable à cet amendement. Il me paraît en effet inutilement complexe de préciser que la circonstance aggravante liée à l'utilisation du réseau Internet ne s'applique que si la victime est âgée de plus de quinze ans.
Notre droit pénal prend ou non en compte, selon les cas et les infractions, d'éventuels cumuls de circonstances agravantes. Ainsi, le viol est aggravé s'il en résulte une mutilation ou si la victime est un mineur de moins de quinze ans, ces deux conditions pouvant malheureusement être réunies. Il en sera de même dans l'hypothèse de l'utilisation d'un réseau comme Internet.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 28.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je dois à la vérité de dire - et je le fais notamment en raison du dialogue qui doit s'instaurer entre les deux assemblées - que, jusqu'à présent, les circonstances aggravantes du viol prévues par la loi sont en rapport avec les faits. L'idée de considérer la mise en contact de la victime avec l'auteur des faits grâce à un réseau de télécommunications comme une circonstance aggravante nous paraît tout de même bien curieuse, tout d'abord, parce que c'est la future victime qui a pu prendre l'initiative du contact - il n'est pas dit le contraire dans le texte - ensuite, parce qu'il faudrait également interdire l'usage du téléphone et en faire une circonstance aggravante.
Tout en convenant que nous sommes confrontés à une multitude de questions dans ce monde moderne, je trouve néanmoins que la suggestion est exagérée.
La commission nous propose un compromis : le dispositif serait retenu pour les mineurs puisque le texte leur est consacré. Mais ce que j'ai dit précédemment vaut également pour eux. Je ne vois réellement pas en quoi cela constitue une circonstance aggravante, sauf à pousser la logique plus loin.
En l'état actuel des choses, attendant que la réflexion progresse de part et d'autre, nous ne prendrons pas part au vote.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9, ainsi modifié.

(L'article 9 est adopté.)


Article 10

M. le président. « Art. 10. _ Il est inséré, après l'article 225-16 du code pénal, une section 3 bis ainsi rédigée :

« Section 3 bis

« Des atteintes à la dignité de la personne
commises en milieu scolaire ou éducatif

« Art. 225-16-1 . _ Hors les cas de violences, de menaces ou d'atteintes sexuelles, le fait pour une personne de faire subir à une autre personne, par des contraintes ou des pressions de toute nature, des actes ou des comportements portant atteinte à la dignité de la personne humaine, lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire, éducatif, sportif ou associatif, est puni de six mois d'emprisonnement et de 50 000 F d'amende.
« Art. 225-16-2 . _ L'infraction définie à l'article 225-16-1 est punie d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende lorsqu'elle est commise sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur.
« Art. 225-16-3 . _ Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des infractions prévues par les articles 225-16-1 et 225-16-2.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;
« 2° Les peines mentionnées aux 4° et 9° de l'article 131-39. »
Sur cet article, je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 29 est présenté par M. Jolibois, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 62 est déposé par M. Hyest.
Tous deux tendent à supprimer l'article 10.
Par amendement n° 122, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 10 pour l'intitulé de la section 3 bis : « Des excès du bizutage ».
Par amendement n° 123, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 10 pour l'article 225-16-1 du code pénal :
« Art. 225-1-6. - Hors les cas de violences, de menaces ou d'atteintes sexuelles, le fait pour une personne d'amener autrui, contre son gré ou non, par ordre, contrainte, pression ou invitation, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants, notamment lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire, éducatif, sportif ou associatif, est puni d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende. »
Par amendement n° 91, Mme Dusseau propose, dans le texte présenté par l'article 10 pour l'article L. 225-16-1 du code pénal, après le mot : « sportif », d'insérer les mots : « militaire, professionnel ».
Enfin, par amendement n° 124, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 10 pour l'article 225-16-3 du code pénal, après les mots : « des infractions », d'insérer les mots : « commises lors de manifestations, de réunions liées aux milieux scolaire, éducatif, sportif ou associatif ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 29.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je vais tout d'abord exposer le point de vue de la commission sur la suppression de l'article 10.
Le problème est simple. Bien qu'il s'agisse d'affaires qui se passent très souvent entre majeurs de dix-huit ans, le Gouvernement a saisi l'occasion de ce projet de loi pour introduire une disposition importante tendant à réprimer ce que, dans le langage commun, nous qualifions de bizutage.
La question est de savoir si la réprobation du bizutage doit figurer dans le code pénal.
La commission des lois a étudié de manière extrêmement approfondie le problème et elle a considéré qu'il était évident que ce que l'on voulait réprimer, c'était non pas le bizutage en tant que tel, mais les excès auxquels il peut conduire, excès qui, malheureusement - peut-être parce qu'on en parle plus ou parce que l'on observe une véritable dérive depuis quelques années - sont souvent constatés. D'ailleurs, les journaux s'en font l'écho !
Pour que le débat soit clair, la commission des lois m'a chargé de dire au Sénat qu'elle est absolument déterminée à obtenir que cessent ces abus et ces dérives. Il ne fait aucun doute que cette volonté, même si je ne sais pas exactement ce qui se passe dans les consciences, a été partagée par l'ensemble des nombreux collègues présents.
La question était la suivante : pour condamner ces dérives, est-il nécessaire d'élaborer une loi particulière, de définir un nouveau délit ?
A cet égard, la commission des lois a remarqué qu'il était très difficile de définir un délit, puisque le bizutage, dans sa partie qui peut être considérée comme admissible, qui correspond à une tradition d'humour et de taquinerie, devient parfois, lorsqu'il est poussé à l'excès, une horrible contrainte. Par conséquent, il est malaisé de rédiger un texte qui respecte la règle traditionnelle de notre code pénal : il faut qu'un texte soit très concret - Nulla poena sine lege - de manière à ne pas donner aux magistrats un pouvoir d'appréciation.
Nous avons donc consciencieusement relu le code pénal, et nous avons remarqué qu'il existait toute une série de textes permettant de sévir chaque fois que l'on constatait concrètement qu'il y avait eu une dérive : une menace, une agression sexuelle, une mise en danger d'autrui, une administration de substances nuisibles, des destructions, dégradations, détériorations, l'organisation de manifestations, et j'en passe...
En employant l'expression « et j'en passe », il me revient à l'idée que la circulaire qui a été notifiée, je crois, à tous les responsables de milieux scolaires - circulaire que je veux saluer ici - a bien cité un certain nombre d'articles du code pénal mais en a oublié au moins un, également très important, celui qui concerne la violence sans dommage physique, qui est de plus en plus employée.
Selon les interprétations et les arrêts de la Cour de cassation qui précisent cette notion, il suffit que la personne victime d'une violence ait un choc émotif pour que la répression soit possible. Par conséquent, la commission des lois, à la question de savoir pourquoi et comment réprimer les dérives, a pensé qu'il était préférable d'utiliser le pouvoir disciplinaire et de rappeler qu'il fallait utiliser le code pénal chaque fois que c'était possible.
C'est d'ailleurs une manière de rappeler que, dans bien de cas, s'il y a eu dérives, c'est parce que l'autorité disciplinaire, sur place, se contentait purement et simplement de fermer les yeux.
Dans ces conditions, la circulaire de Mme Royal peut être considérée comme une circulaire courageuse qu'il faut donc soutenir. Il convient maintenant d'en attendre le résultat.
J'en viens à la dernière partie de mon exposé : la rédaction telle qu'elle est proposée n'est-elle pas dangereuse ?
Sur ce point, il faut reconnaître que nous devons faire montre de beaucoup d'humilité. J'ai pris la plume, moi aussi ; j'ai essayé de rédiger un texte, mais je n'en ai même pas parlé ! Je me suis en effet rendu compte que c'était extrêmement difficile.
Il est malaisé de rédiger un texte qui figurera dans les tables de la loi. Il y a eu la rédaction du Gouvernement, il y a eu ensuite celle qui a été proposée, à l'Assemblée nationale, par Mme Bredin me semble-t-il. Nous en examinerons une autre tout à l'heure. Mais peut-on rédiger un texte appelé à être inclus dans le code pénal lorsque l'on veut condamner non pas quelque chose, mais sesexcès ?
Ne sommes-nous pas dans le champ de ce que j'ai désigné, d'un terme peut-être trop créatif, de droit pénal « comportemental » et non pas dans celui du droit pénal classique, c'est-à-dire du droit où l'on définit exactement, et de manière concrète la totalité du périmètre du délit ?
Je voudrais faire une autre observation pour être complet. La rédaction élaborée par l'Assemblée nationale, dans un souci de bien circonscrire tous les cas d'espèce, me paraît receler un risque.
Je ne prête à l'heure actuelle aux auteurs de ce texte aucune mauvaise intention. Je les crois au contraire animés par les mêmes bonnes intentions que moi lorsque je m'exprime pour réprimer les dérives possibles du bizutage.
Je constate néanmoins que la rédaction actuelle inclut les milieux scolaire, éducatif, sportif et associatif, et je ne peux donc m'empêcher de penser que si, un jour, par malheur, nous avions des gouvernements qui ne respecteraient pas les mêmes valeurs que les nôtres, celles qui constituent véritablement le tronc commun de notre amour de la démocratie, ce texte permettrait d'entrer dans les associations, de demander le nom des adhérents. Comme certains veulent également mettre en cause la responsabilité de la personne morale, ne pourrait-on pas mener toutes sortes d'enquêtes au motif qu'il y aurait eu un bizutage ?
Cette rédaction fait naître en moi une inquiétude puisqu'il prévoit que l'on poursuivra « les comportements portant atteinte à la dignité de la personne humaine » lors de manifestations.
Vous ne trouverez pas un sénateur qui acceptera que l'on porte atteinte à la dignité de la personne humaine, car la Haute Assemblée est traditionnellement la gardienne de ce droit constitutionnel !
En ne décrivant pas les comportements visés - comme je le disais tout à l'heure à propos des « pressions de toute nature » - vous laissez un pouvoir d'appréciation au juge, car le texte devient alors une simple recommandation générale soumise à l'appréciation d'un tribunal, à une époque donnée.
La commission des lois m'a donc chargé de transmettre le message suivant : oui, il faut lutter contre les excès du bizutage, mais, pour ce faire, la bonne méthode n'est pas de créer un nouveau délit. Elle espère que la circulaire, dont j'ai salué la publication, produira des effets, ce qui, je crois, est déjà le cas. Le débat public qui s'est ouvert sur ce problème est bon et nécessaire. De plus, l'introduction d'une disposition nouvelle dans le code pénal lui paraît, du point de vue de la technique législative, présenter un risque, un danger.
M. le président. La parole est à M. Hyest, pour présenter l'amendement n° 62.
M. Jean-Jacques Hyest. Je comprends parfaitement la volonté du Gouvernement de lutter contre les bizutages dégradants ; il faut donc s'en donner les moyens. Un certain nombre de mesures ont été prises. La discipline au sein des établissements peut aussi contribuer à faire reculer de tels comportements.
Je comprends bien mais l'objet du texte du Gouvernement, également un peu moins les dispositions introduites par l'Assemblée nationale. En tout état de cause, il m'est apparu que tous les agissements visés étaient en fait couverts par le code pénal. Un certain nombre de poursuites sont d'ailleurs d'ores et déjà engagées pour des faits de bizutage qui se sont révélés attentatoires et dangereux pour ceux qui en ont été victimes.
Faut-il pour autant créer un délit spécifique ? Précisez alors clairement, comme l'a dit un de nos collègues, que vous voulez carrément créer un « délit de bizutage », que le bizutage est interdit et que tous ceux qui se livreront à de telles pratiques seront poursuivis. Mais je ne pense pas qu'il soit vraiment utile de créer une nouvelle incrimination, dans la mesure où les violences et les contraintes dont il s'agit sont déjà prévues dans le code pénal.
Voilà pourquoi j'ai proposé également la suppression de cet article 10.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre les amendements n°s 122 et 123.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'amendement n° 122 porte sur le titre de la section à insérer dans le code pénal dont je rappelle les termes : « Des atteintes à la dignité de la personne commises en milieu scolaire ou éducatif ». Je signale d'emblée au Gouvernement que ce titre ne convient plus, l'Assemblée nationale ayant ajouté les milieux sportif et associatif.
M. Jean-Jacques Hyest. On pourrait ajouter aussi le milieu militaire !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. De plus, on risque surtout de ne plus très bien savoir de quoi il s'agit. Une atteinte à la dignité de la personne, c'est très grave. Or, à la lecture d'un tel titre, on ne comprend pas forcément ce qui en réalité est visé.
En revanche, tout le monde sait ce qu'est le bizutage ! Il n'y a donc pas de raison de ne pas appeler un chat un chat, et Rolet un fripon ! De plus, si nous consultons les dictionnaires, nous constatons que le mot « bizutage » y figure. Le Petit Larousse définit ainsi le verbe bizuter : « Faire subir à un bizut des brimades et des épreuves, supposées légères et amusantes, à titre d'initiation. » Le terme « supposées » démontre bien que, dans la pratique, ces épreuves peuvent ne pas l'être !
Voilà pourquoi nous proposons de modifier l'intitulé de la section 3 bis de la façon suivante : « Des excès du bizutage ». Pour répondre à notre collègue M. Hyest, nous ne demandons pas du tout une répression du bizutage ! Nous voulons seulement, si j'ose m'exprimer ainsi, la répression de ses excès. Voilà pour l'amendement n° 122.
L'amendement n° 123 nous a demandé, comme tous les autres amendements, un travail de réécriture. M. le rapporteur a souligné la très grande difficulté qu'il y avait à formuler une telle disposition. Il en donnait pour preuve le fait que, après la rédaction du texte initial, l'Assemblée nationale en a proposé une seconde et que nous en proposons une troisième. Cette constatation n'est pas très originale. Il est tout de même assez fréquent, dans le travail parlementaire, de voir des modifications introduites par voie d'amendement à l'Assemblée nationale rectifiés à nouveau au Sénat !
Dans un premier temps, nous nous sommes demandés si le texte tel qu'il nous arrivait de l'Assemblée nationale répondait véritablement au but visé et s'il existait réellement, comme on nous le dit, des cas ne tombant pas sous le coup de la loi pénale. Après réflexion, nous avons effectivement trouvé des exemples. Nous verrons de quoi il en retourne plus tard dans la discussion, si toutefois je parviens à convaincre nos collègues ici présents. En tout cas, je ne voudrais pas que certains combattent la proposition du Gouvernement seulement pour une raison politique ! Ils auraient d'ailleurs grand tort d'agir pour ce motif, car un sondage démontrerait aisément, j'en suis sûr, que l'opinion attend qu'une loi permette de réprimer les excès de bizutage.
J'en viens plus précisément au texte qui nous est proposé : « Hors les cas de violences, de menaces ou d'atteintes sexuelles, » - nous sommes d'accord - « le fait pour une personne de faire subir à une autre personne, par des contraintes ou des pressions de toute nature, des actes ou des comportements portant atteinte à la dignité de la personne humaine » - le mot « par » pose, selon nous, quelques problèmes - « lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire éducatif, sportif ou associatif, est puni de six mois d'emprisonnement et de 50 000 francs d'amende. »
Si, véritablement, de tels actes ou de tels comportements existent, en dehors de ceux qui sont actuellement visés dans le code pénal, pourquoi ne les punir que lorsqu'ils sont commis dans ces manifestations et ces réunions-là, et non dans les autres ? Pourquoi parler d'« atteinte à la dignité de la personne humaine », alors qu'on perd de vue, puisque cela ne figure pas dans le titre, le fait qu'il s'agit seulement, mais tout de même, des excès du bizutage ?
Nous avons donc été amenés à proposer de porter la peine à un an d'emprisonnement - ce qui permet, comme M. Robert Badinter nous l'a fait remarquer en commission, de poursuivre en flagrant délit ces attaques - et d'indiquer : « Hors les cas de violences, de menaces ou d'atteintes sexuelles, le fait pour une personne "d'amener autrui, contre son gré ou non"... »
En effet, en matière de bizutage, il arrive fréquemment que les victimes soient quasiment consentantes. On ne les oblige pas ; on leur demande, on les invite à faire quelque chose qui peut être humiliant, qui peut être dégradant, et elles le font soit parce qu'elles se disent que, l'année d'après, elles seront de l'autre côté de la barrière, soit parce qu'elles ont peur qu'un refus nuise à leur carrière dans l'école, voire les empêche de poursuivre leurs études.
Nous introduisons donc une notion nouvelle en précisant que, même si la victime accepte de fait ce qui lui est demandé, cela reste et restera un délit. Et qu'est-ce qui sera un délit ? « Le fait pour une personne d'amener autrui, contre son gré ou non, par ordre, contrainte, pression ou invitation » - c'est-à-dire même si, encore une fois, on lui demande seulement de le faire - « à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants, notamment lors de manifestations ou de réunions... » Pourquoi « notamment » ? Parce que d'autres milieux que ceux qui sont actuellement retenus dans le texte peuvent être en cause.
Selon M. le rapporteur, l'expression « des actes humiliants ou dégradants » est vague, et les tribunaux devraient préciser ce qu'elle recouvre. Les tribunaux sont faits pour cela ! Lorsqu'on punit l'injure, les tribunaux se réservent de déterminer ce qui est injurieux et ce qui ne l'est pas. La formule que nous proposons permettrait de viser les excès de bizutage qui existent et que nous sommes unanimes à condamner. Voilà pourquoi nous demandons au Sénat d'adopter cet amendement n° 123 !
MM. François Autain et Robert Badinter. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Dusseau, pour défendre l'amendement n° 91.
J'attire cependant votre attention sur un point, madame : si l'amendement n° 123 était adopté, votre amendement n° 91 deviendrait sans objet, à moins que vous ne le transformiez en sous-amendement.
Mme Joëlle Dusseau. Le débat qui s'instaure me rappelle celui que nous avons eu à propos du harcèlement sexuel. A cette occasion, certains avaient souligné à quel point la définition de ce nouveau délit allait poser problème. La notion de violence imposée ainsi que celle de consentement et de non-consentement avaient suscité de longues discussions.
Je suis très attentive au débat d'aujourd'hui et très soucieuse de voir inscrit dans la loi ce délit de bizutage, au même titre que le délit de harcèlement sexuel, qui avait pourtant posé le même type de problème aux assemblées.
Par ailleurs, comme M. Dreyfus-Schmidt l'a fort justement rappelé, il s'agit d'un type de délit contre lequel, compte tenu du poids de la « tradition » et des craintes qu'il suscite, ceux qui le subissent n'osent pas porter plainte ils sont même, « à la limite », « consentants »!
Tout cela me paraît relever de situations qui peuvent être amusantes et sans conséquences, mais qui, parfois, sont totalement inacceptables et portent gravement atteinte à la dignité humaine. C'est pourquoi il me semble si important que ce délit figure dans la loi.
Il convient même de l'étendre. Le terme « notamment » me satisfait, bien sûr, mais il reste néanmoins dangereux de limiter l'énumération aux milieux scolaire, éducatif, associatif et sportif. C'est pourquoi je vous propose d'ajouter les milieux militaire et professionnel.
S'agissant du milieu militaire, quelques échos de presse et quelques récits parviennent jusqu'à nous, même si, on le sait bien, l'armée reste toujours, sur bien des points, et donc sur celui-là aussi, la Grande muette. Nous savons qu'il se passe dans ce milieu clos un certain nombre de choses qui portent très gravement atteinte à la personne humaine.
Si j'ai voulu ajouter aussi le terme « professionnel », c'est de manière tout à fait consciente et volontaire. En effet, récemment, j'ai eu connaissance de plusieurs faits qui se sont déroulés dans des collectivités locales, dans des mairies entre autres. Ainsi, des personnes employées au titre de contrats emploi-solidarité auraient été soumises, au moment de leur entrée dans le service concerné, à des formes de bizutage, à des contraintes portant atteinte à la dignité de la personne humaine et comportant une indéniable connotation sexuelle. Naturellement, les « victimes » ne pouvaient être que « consentantes ».
C'est pourquoi, même si l'amendement n° 123 de M. Dreyfus-Schmidt était adopté, je souhaiterais le sous-amender en ajoutant au texte les deux termes : « professionnel et militaire ». En effet, cette adjonction est essentielle, sauf à nier la dimension importante du bizutage.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 124.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 225-16-3 porte sur la responsabilité pénale des personnes morales dans le cas des infractions prévues par les articles 225-16-1 et 225-16-2 du code pénal. Bien évidemment, si ces deux articles étaient supprimés, l'article 225-16-3 n'aurait plus d'objet.
Or, nous pensons que, en tout état de cause, il pourrait être intéressant de retenir la responsabilité pénale des personnes morales pour les infractions commises lors de manifestations, de réunions liées aux milieux scolaire, éducatif, sportif ou associatif. Je suis sûr que notre collègue Mme Dusseau ne manquera pas de sous-amender cet amendement afin d'y ajouter les milieux militaire et professionnel.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je souhaiterais en cet instant, monsieur le président, évoquer le climat dans lequel le débat s'est déroulé en commission. Je ne voudrais pas un seul instant que, même sous la forme d'insinuation, on laisse à penser que les décisions que nous prenons sont inspirées par une quelconque considération politique.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas de votre part, monsieur le président, bien sûr !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je parle de l'ensemble de la commission et de la manière dont nos travaux se sont déroulés.
Nous essayons de faire du droit, pas autre chose, dans un domaine qui est difficile. Donc, en cet instant, je n'admets pas qu'on vienne jeter le doute sur la manière dont nous avons travaillé.
Aucune considération d'ordre politique ne nous a guidés. Nous avons travaillé dans le seul souci de bâtir un droit pénal conforme à nos traditions.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 122, 123, 91 et 124 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 122 pour des raisons de structure.
Néanmoins, je suis heureux que cet amendement ait été déposé parce que la proposition de changement de titre montre bien ce qui sous-tend la position qu'ont adoptée M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés, position qui, je le rappelle - ce qui est tout à fait normal puisqu'on peut changer d'avis - est différente de celle qu'ils avaient prise lors du premier débat en commission.
C'est la raison pour laquelle, dans l'exposé que j'ai eu l'honneur de faire au début du débat, j'ai parlé de l'unanimité de la commission...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous en ai donné acte, monsieur le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. ... quant à l'impossibilité, pour des raisons techniques, d'instaurer un délit particulier concernant le bizutage.
En revanche, j'ai bien relevé la réserve que vous aviez émise sur le désir de procéder à un examen plus approfondi, notamment sur la question des personnes morales : en effet, se pose une difficulté particulière sur ce point, dans la mesure où le livre Ier du code pénal permet de condamner les personnes morales de droit privé, mais pas les personnes morales de droit public. (Marques d'approbation sur les travées socialistes). Ainsi, en milieu scolaire, selon le texte que vous proposez, mon cher collègue, ne pourrait être mise en cause la responsabilité des personnes morales que pour un bizutage effectué dans les écoles privées, et non pour celui qui interviendrait dans les écoles publiques.
Sous cette réserve, j'accueille avec le plus grand plaisir, pour l'enrichissement de notre discussion juridique, qui ne sera jamais dans mon esprit - elle ne saurait l'être ! - une discussion politique, j'accueille, dis-je, avec plaisir l'effort d'approfondissement que vous avez accompli dans la rédaction du nouvel article, où vous donnez une nouvelle définition.
Si l'on vous suivait, figurerait donc dans le code pénal l'expression : « excès de bizutage ». Il y a des excès de vitesse, des excès d'alcool, des excès de violence ; il y aurait un excès de bizutage.
Mais, mon cher collègue, pour l'excès d'alcool on a des grammes ; pour l'excès de vitesse, on a des kilomètres à l'heure ; pour l'excès de violence, on peut mesurer les résultats de la violence !
Dans le domaine qui nous occupe aujourd'hui, il me semble imprudent de se fonder sur la notion d'excès qui est, en l'espèce, difficilement mesurable.
J'en viens à l'amendement n° 123. Je retrouve dans la rédaction proposée les écueils sur lesquels j'avais attiré l'attention de la commission, laquelle, à l'époque, m'avait suivi.
En effet, pour définir les actes humiliants ou dégradants, on fait confiance au juge. Or j'éprouve quelque inquiétude à cet égard. Sans vouloir empiéter sur le futur débat qui va nous occuper prochainement, madame le garde des sceaux, je voudrais faire remarquer les risques que l'on prend, avec un Parquet totalement libre, en ne donnant pas une définition précise des termes dans le code pénal. Dans certaines parties du territoire pourraient être poursuivies certaines associations au motif que des actes dégradants ou humiliants auraient pu se produire pour leur compte.
Je me permets de rappeler l'effort que nous avions déployé, notamment au sein de la commission des lois, lors de la rédaction du code pénal. Nous avions réussi à faire admettre, par exemple, une notion qui a suscité beaucoup de discussions - je vois encore mon excellent collègue M. Rudloff discuter avec le rapporteur que j'étais à l'époque - je veux parler de la mise en danger...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est très précis, la mise en danger !
M. Charles Jolibois, rapporteur. Oui, c'est très précis, et c'est mesurable. Eh bien, cette notion existe maintenant dans le code pénal.
Par ailleurs, l'article 222-13 du code pénal fait état des « violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail ». Lorsqu'il n'y a aucune incapacité de travail, c'est que les violences ont été extrêmement légères. La Cour de cassation s'est engouffrée dans cette brèche en intégrant la jurisprudence du « choc émotif ».
Ce que je veux dire, c'est que la commission est hostile à la notion d'excès du bizutage.
Comment peut-on définir un tel excès ? On commet un excès lorsqu'on franchit la frontière et que l'on commet un acte délictueux. Dès lors, on tombe sous le coup d'un des nombreux articles du code pénal, qui a été récemment complété par la notion de « mise en danger ».
Notre excellent collègue M. Dreyfus-Schmidt a l'esprit bouillonnant et imaginatif. Je me suis efforcé, moi aussi, d'imaginer des situations. Très honnêtement, je me suis dit que, si un proviseur avait la volonté d'aboutir - comme le disait le général Mangin, il faut avoir la volonté d'aboutir si l'on veut se faire suivre par les gens qui sont sous ses ordres - en suivant votre circulaire, madame le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire, circulaire dans laquelle vous aurez ajouté la notion de choc émotif - ce que vous ferez peut-être -, il pourra, en l'état actuel du code pénal, obtenir que des poursuites soient engagées.
Pour l'instant, je crois que notre réflexion n'a pas été suffisante pour pouvoir introduire un chapitre relatif à l'excès de bizutage. Avant de définir cette notion, il nous faudra observer les effets de la circulaire.
J'en arrive à l'amendement n° 124 portant sur la responsabilité des personnes morales. Sur ce point, la commission a eu une position catégorique.
Cet amendement pose de nombreuses questions : dans les milieux scolaires, qui va être la personne morale concernée ? Va-t-on poursuivre les associations d'anciens élèves ? Avez-vous conscience, mes chers collègues, de l'immense contentieux que vous allez susciter ? Poursuivra-t-on l'association des anciens élèves de Polytechnique, de Saint-Cyr parce qu'il y aura eu une dérive ?
En fait, il faut que les proviseurs, les directeurs utilisent leur pouvoir disciplinaire, comme le font déjà pour nombre d'entre eux.
Certes, des dérives se produisent, mais à ce moment-là la répression disciplinaire joue son rôle et, souvent, les choses se passent très bien parce qu'il y a encore des jeunes gens qui ont suffisamment d'humour, de sens de la tradition et d'élégance pour cela.
Quant à l'amendement n° 91, je comprends très bien son objet. Effectivement, quand j'étais élève officier à Saumur - le moment le plus agréable de ma vie - on nous faisait faire des pompes, par exemple ; il s'agissait sans doute, tout simplement, de nous « dresser ». Cet amendement, qui vise à inclure les militaires dans le dispositif, démontre qu'il peut en effet y avoir des bizutages partout.
Etant défavorable à tout le dispositif proposé, la commission ne peut qu'être défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements qui font l'objet de la discussion commune ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les arguments qui viennent d'être échangés sur ce sujet auquel le Gouvernement attache une grande importance.
Je précise que je ne m'exprimerai, en cet instant, que sur les amendements n°s 29, 62, 122, 123 et 91, me réservant de ne donner mon avis sur l'amendement n° 124 que lorsque le Sénat se sera prononcé sur les autres amendements.
Permettez-moi de rappeler brièvement devant quelle situation nous nous trouvons : M. le rapporteur et M. Hyest proposent la suppression des dispositions du projet de loi créant une nouvelle infraction afin de réprimer spécifiquement le bizutage ; de son côté, M. Dreyfus-Schmidt et le groupe socialiste ont déposé des amendements tendant à modifier le texte de l'article 10 tel qu'il a été proposé par le Gouvernement et amendé par l'Assemblée nationale.
J'ai bien compris, monsieur le rapporteur, que vous êtes hostile aux excès du bizutage ; vous l'avez dit...
M. Charles Jolibois, rapporteur. Vingt fois !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... avec une grande netteté, ainsi que M. Hyest, d'ailleurs.
Vous avez, dans cet esprit, approuvé l'initiative prise par ma collègue Mme Ségolène Royal à travers une circulaire visant à réprimer ces excès, ces dérapages barbares, il faut bien le dire,...
M. Charles Jolibois, rapporteur. Parfois !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... souvent barbares, dont on parlait malheureusement fort peu jusqu'à ces derniers temps, mais qui sont de plus en plus portés à la connaissance des autorités et de l'opinion.
J'ai bien compris aussi que votre interrogation est d'ordre juridique : avons-nous besoin, pour réprimer les excès du bizutage, d'une nouvelle incrimination dans le code pénal ? Le code pénal actuel n'est-il pas suffisant ?
J'indique d'emblée que je suis opposée aux amendements de suppression déposés par MM. Jolibois et Hyest mais que, en revanche, je demande que soit substituée à la rédaction figurant actuellement dans le projet de loi celle que proposent M. Dreyfus-Schmidt et le groupe socialiste.
Permettez-moi maintenant de dire les deux raisons pour lesquelles je considère qu'il est indispensable qu'une incrimination nouvelle et spécifique soit introduite dans le code pénal. D'abord, les textes actuels ne permettent pas de réprimer tous les comportements qui devraient être réprimés. Ensuite, pour que la code pénal soit suffisamment expressif, effectif en la matière, un texte spécifique est absolument nécessaire.
Rappelez-vous : c'est exactement de cette façon que nous avons procédé lorsqu'a été voté le nouveau code pénal. L'exemple du harcèlement sexuel est fameux, et Mme Dusseau l'a déjà évoqué. Pour ma part, je citerai trois autres exemples d'incriminations qui ont été introduites dans le nouveau code pénal et sur lesquelles il y a eu un consensus, tant il est vrai que le code pénal doit échapper à des considérations et à des joutes plus proprement politiques.
Ainsi, le nouveau code pénal, à l'article 222-16, réprime de façon spécifique les appels téléphoniques malveillants, qui étaient qualifiés auparavant de violences par la jurisprudence.
De même, l'article 222-15 réprime de façon spécifique l'administration de substances nuisibles, qui constituait également, selon les anciens textes, des violences.
Quant à l'article 434-26, il vise spécifiquement la dénonciation aux autorités publiques d'une infraction imaginaire, qui était auparavant qualifiée d'outrage à magistrat ou à policier.
Pourquoi ce qui a été fait en 1992 ne serait-il plus justifié en 1997, étant entendu que le problème du bizutage ne faisait pas, alors, l'objet de la même prise de conscience qu'aujourd'hui ?
En quoi cette nouvelle incrimination serait-elle soudainement injustifiée ?
Certains, avant-hier, ont même cru bon - pas vous, monsieur le rapporteur, votre souci étant uniquement celui d'une bonne législation - d'assimiler la démarche du Gouvernement en la matière de la démagogie.
Il est vrai que l'incrimination qui figure dans le projet de loi modifié par l'Assemblée nationale n'est pas totalement convaincante ; la rédaction proposée par M. Dreyfus-Schmidt et le groupe socialiste me paraît bien meilleure.
S'agissant de la question des pouvoirs d'appréciation donnés au juge, M. Dreyfus-Schmidt a répondu : en permanence, le juge est amené à porter des appréciations,...
M. Charles Jolibois, rapporteur. Bien sûr !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux ... et nous avons besoin de lui faire confiance.
Puisque vous avez évoqué la future réforme, monsieur le rapporteur, j'ouvre une parenthèse à ce sujet, même si je n'en fais pas un élément central de ma démonstration.
Ce n'est pas parce que les parquets ne recevront plus des instructions particulières pour des affaires précises qu'ils seront laissés à l'abandon : le Gouvernement, j'en prends l'engagement, leur adressera des directives applicables sur l'ensemble du territoire, et je vous assure que celles-ci seront infiniment plus précises et détaillées que les circulaires d'aujourd'hui, que personne ne lit, justement parce qu'il y a des instructions particulières. Bien entendu, les parquets recevront notamment des directives sur le bizutage.
Mais je ferme ici cette parenthèse, qui anticipait sur un débat que nous aurons certainement dans les mois à venir.
Quoi qu'il en soit, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée sur l'amendement n° 122 et je suis totalement favorable à la réécriture de l'article 225-16-1 proposée par M. Dreyfus-Schmidt dans l'amendement n° 123.
En effet, cette rédaction ne fait plus référence à la dignité de la personne humaine, expression sans doute trop chargée de sens, et vise des « actes dégradants ou humiliants », ce qui désigne très précisément le comportement que le Gouvernement souhaite voir sanctionné. Quant à la référence au milieu scolaire, elle n'est plus qu'indicative, ce qui répond aux critiques portant sur le caractère inégalitaire de la loi.
Je remercie donc très vivement les auteurs de cet amendement, qui montre de manière éclatante - mais, pour ma part, je n'en avais jamais douté - à quel point la discussion parlementaire peut améliorer les projets de loi.
Quant à l'amendement n° 91, déposé par Mme Dusseau, qui vise à étendre le bizutage aux milieux militaire ou professionnel, il me semble qu'il pourrait être retiré si l'amendement n° 123, qui ne limite plus le champ d'application du nouveau texte, était adopté.
Je le répète, dans cette discussion, ce qui est fondamentalement en cause, c'est la qualité du code pénal, et j'espère que la Haute Assemblée aura été convaincue par les arguments juridiques que j'ai avancés.
Si le règlement de votre assemblée l'y autorise, Mme Ségolène Royal souhaitera sans doute intervenir également pour dire à quel point il est fondé de prévoir cette incrimination spécifique au vu de la réalité qui peut être malheureusement observée aujourd'hui.
M. le président. Madame le garde des sceaux, le Gouvernement a la parole quand il le veut, et Mme Royal peut donc intervenir à tout moment.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Je me félicite de pouvoir effectivement intervenir dans ce débat, qui est important parce qu'il touche au plus profond des valeurs du système éducatif et même bien au-delà.
Je voudrais tout d'abord rendre hommage au travail tout à fait remarquable de la commission des lois. Sans vouloir être désobligeante à l'égard de la commission des lois de l'Assemblée nationale, je dois dire que le travail qui a été accompli ici a permis d'approfondir et de poursuivre la réflexion en cours au sein du ministère de l'éducation nationale quant à la façon dont nous pouvons intelligemment faire progresser le dispositif législatif.
J'ai bien noté, monsieur le rapporteur, votre opposition sans faille aux excès des bizutages et à d'autres actes dégradants.
Est-il légitime ou est-il superflu de légiférer davantage en ce domaine ?
Vous avez, pour votre part, avancé quatre arguments pour conclure à l'inutilité d'une législation en la matière. Premièrement, selon vous, le pouvoir disciplinaire est de nature à contenir les excès. Deuxièmement, l'arsenal répressif actuel est, à vos yeux, suffisant. Vous estimez, troisièmement, que le droit actuel permet de réprimer les actes visés souvent plus sévèrement que ce qui est prévu dans le projet de loi. Enfin, quatrièmement, vous jugez que la notion d'atteinte à la dignité de la personne humaine est beaucoup trop floue.
Ces quatre arguments me paraissent tout à fait solides, mais je souhaite simplement, en les reprenant un à un, apporter l'éclairage de l'expérience que m'a donnée la gestion de la dernière rentrée scolaire.
L'exercice du pouvoir disciplinaire permet-il de contenir les excès de bizutage ?
Depuis cinquante ans, le ministère de l'éducation nationale diffuse des circulaires pour rappeler l'interdiction formelle de bizutage et ces textes ont toujours été contournés.
Cette année, nous avons élaboré un texte un peu plus précis, un peu plus ferme, rappelant l'ensemble des infractions pénales en cause et des peines encourues. Vous avez relevé que cette circulaire restait silencieuse sur le choc psychologique que pouvaient causer des actes de bizutage. J'ai pris bonne note de votre remarque et, si nous avions à compléter cette circulaire, c'est bien volontiers que nous évoquerions aussi cet aspect.
Pour la première fois, cette année, cette circulaire a été reprise par le ministre de la défense ainsi que par le ministre de l'agriculture et de la pêche, lorsque celui-ci a découvert que des faits de bizutage extrêmement graves se déroulaient dans les lycées agricoles ; dans un lycée, en particulier, le viol d'un élève de seconde a été dénoncé lors de cette rentrée, mais il semble que de tels actes étaient perpétrés à chaque rentrée.
Les textes émanant du ministère de la défense et du ministère de l'agriculture, qui font expressément référence à la circulaire de l'éducation nationale, n'ont malheureusement pas, pour autant, empêché les incidents, les brimades, les humiliations et les drames.
Dans différents lycées militaires, plusieurs exclusions ont été prononcées par le ministre, en accord avec les chefs d'état-major. Il en a été de même dans des lycées agricoles et des établissements d'enseignement supérieur. S'il a fallu en venir là, monsieur le rapporteur, c'est tout simplement parce que les bizuteurs sont persuadés de leur bon droit et de la légalité, voire de la légitimité de leurs agissements.
J'ai diligenté des missions d'inspection. Des adultes ont été poursuivis sur la plan disciplinaire. Pour la première fois, j'ai pris une sanction contre un proviseur de lycée qui, dans l'emploi du temps des élèves, avait ménagé une place au déroulement d'un bizutage. Des écoles d'ingénieurs sont actuellement fermées pour des raisons du même ordre.
Je tiens à souligner que chacune de ces mesures a été extrêmement difficile à prendre. Les arguments qui nous ont systématiquement été opposés reposaient précisément sur l'absence de loi. Comment ne pas en déduire que la société s'abrite derrière l'absence de loi réprimant expressément ces rites initiatiques pour les tolérer ?
L'arsenal répressif actuellement en vigueur n'est-il pas suffisant ? On peut effectivement, à bon droit, se poser la question.
Non seulement, monsieur le rapporteur, vous êtes hostile à la création d'un nouveau délit, et je comprends parfaitement vos raisons, mais vous estimez que l'arsenal répressif, notamment celui qui est lié à l'exercice du pouvoir disciplinaire, devrait permettre de faire cesser ces pratiques humiliantes, dégradantes ou vexatoires.
Cependant, monsieur le rapporteur, les faits qui remontent jusqu'à nous, par courrier ou appels téléphoniques - à ce jour, et pour cette seule rentrée, SOS-Violence a reçu 320 appels téléphoniques - prouvent qu'il est absolument nécessaire de légiférer.
J'ai moi-même assuré une permanence à SOS-Violence car, pour comprendre la situation, j'ai voulu prendre en direct des appels de parents - car ce sont les parents qui constatent, au retour de leur enfant, que des choses anormales se sont passées. Or, sur 320 appels, un seul a donné lieu au dépôt d'une plainte.
Les élèves veulent en effet avant tout poursuivre leurs études : ils craignent s'ils engagent des poursuites d'être simplement exclus de l'école, du lycée, parce qu'ils ne supporteront pas le regard des autres élèves où ils liront le reproche d'avoir enfreint la loi du silence et la solidarité de groupe.
C'est cette logique de groupe qui permet de légitimer la violence : la transgression de l'interdit n'en est plus une dès lors que la violence s'exerce en groupe sur un élève dont le seul espoir est de pouvoir continuer ses études.
Même les parents - et c'est ce qui est incroyable - qui téléphonent à SOS-Violence et s'inquiètent de l'état physique ou psychologique de leurs enfants, en général de grands adolescents, refusent de déposer plainte parce que ces derniers s'y opposent.
Même lorsque nous avons affaire à de jeunes adultes, qu'ils soient inscrits dans une classe de préparation vétérinaire à Maisons-Alfort - des enseignants de cet établissement m'ont écrit n'avoir pas pu, cette année encore, empêcher les faits de bizutage - dans une faculté de médecine ou aux Beaux-Arts, nous sommes confrontés à cette même peur de déposer plainte. Tous veulent avant tout poursuivre leurs études.
Dans le même temps, les quelques élèves et étudiants qui ont le courage de porter plainte pour violence à l'encontre des bizuteurs échouent dans leur démarche.
A l'heure actuelle, en effet, toutes les plaintes sont classées parce que les déclarations des plaignants se trouvent contrées par leurs adversaires qui invoquent le caractère ludique ou festif des rites d'intégration. La contrainte morale ou physique est niée en bloc par les personnes soupçonnées. La victime n'arrive pas à convaincre les juges de la violence physique ou de la contrainte morale, qui ne laisse souvent pas de trace.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement propose de se référer à l'acte en tant que tel, à l'acte subi ou à l'acte exécuté par un jeune élève à la demande d'un aîné. Peu importe le consentement invoqué ou brandi comme cause exonératoire si l'acte a été objectivement avilissant, humiliant ou vexatoire.
Aujourd'hui, c'est sur ce point que l'on bute puisque la victime elle-même - même lorsqu'il s'agit d'un mineur et que ce sont ses parents qui ont porté plainte - prétendra pour protéger ses études qu'elle a été consentante. Dès lors, comment un juge peut-il poursuivre les auteurs du bizutage ?
Arrêtons-nous un instant sur l'exemple d'un bizutage imposé à toute une classe. Imaginons qu'un seul ou une seule élève décide de briser la loi du silence et dénonce, comme cela a été le cas cette rentrée dans un lycée professionnel, des simulacres de scènes pornographiques, ou l'enfermement à tour de rôle pendant trois heures des élèves dans une chambre froide avec des cadavres d'animaux.
Pour que l'infraction de violence soit constituée, il faudra réunir deux éléments : un élément matériel et un élément intentionnel.
La matérialité des faits ne soulève aucune difficulté. En revanche, c'est l'élément intentionnel sur lequel se focalisera tout le débat : pour que l'accusation prospère, la victime devra convaincre les juges de la volonté des bizuteurs d'exercer, en pleine connaissance de cause, une violence ou une contrainte sur sa personne.
Imaginons maintenant cette victime dans une salle d'audience face aux bizuteurs et à leurs soutiens. Le débat va immédiatement se déplacer sur l'absence de contrainte. Les bizuteurs feront défiler à la barre du tribunal des témoins qui invoqueront la franche rigolade, l'irrésistible défoulement, la subtile intégration. Les bizuteurs chercheront à rappeler au plaignant qu'en réalité, à certains moments, il a souri et veilleront à faire citer à la barre du tribunal des camarades qui viendront témoigner du fait que le bizuté s'est amusé, lui aussi, de ce rite initiatique !
En revanche, les faits dans leur matérialité risquent d'être évacués des débats. On n'abordera pas les agissements humiliants. On ne se référera guère qu'à l'absence d'élément intentionnel : les bizuteurs tenteront de convaincre les juges qu'ils n'ont jamais exercé de violence, qu'aucun acte n'a été prémédité, que les bizutés étaient consentants et donc qu'aucune contrainte n'a été exercée. Au bout du compte, ils prouveront que, dans le fond, tout cela a fait du bien aux victimes et, dans le doute, la relaxe sera prononcée !
C'est cette logique-là, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il nous faut combattre avec la plus grande énergie. C'est le pseudo-consentement de la victime qui empêche la justice d'agir et de frapper. A l'évidence, l'outil législatif - je le rappelle : les circulaires se succèdent depuis cinquante ans - est inadapté.
Il faut se référer non plus au comportement de l'auteur d'un acte de bizutage, mais à l'aspect dégradant de cet acte. L'élément intentionnel doit se trouver dans la volonté de faire subir à autrui un acte dégradant portant atteinte de manière directe à la dignité de la personne humaine.
Le bizuteur a-t-il voulu que son cadet d'un an - c'est un appel qui nous est arrivé hier - embrasse une tête de veau en voie de décomposition ? Un autre bizuteur a-t-il voulu convaincre un bizuté d'égorger un poulet - cela s'est passé lors de cette rentrée - avant de l'obliger à se saouler au moyen d'un entonnoir et de lui introduire des pétards dans l'anus ? Si vous admettez que ces actes sont odieux, n'acceptez pas que l'on plaide la soirée paillarde, les nuits de salle de garde, les rites initiatiques et les week-ends d'intégration.
Référons-nous uniquement à l'acte : revêt-il, oui ou non, un caractère dégradant, humiliant, vexatoire ? Si dans votre conscience de parlementaire, de père ou de mère de famille, vous admettez que ces actes sont dégradants, vous devez voter la création de ce délit.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, le droit actuel permettrait, dites-vous, de réprimer ces actes souvent plus sévèrement que ne le prévoit le projet de loi. Mais cette situation n'est pas nouvelle ! Il y a des précédents, qui n'ont soulevé aucune contestation. Mme la ministre de la justice a ainsi rappelé tout à l'heure les cas de coup de fil anonyme.
Enfin, dernière critique, l'atteinte à la dignité de la personne humaine serait une notion beaucoup trop floue.
M. Charles Jolibois, rapporteur. « Pourrait-être » !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Mais cette notion existe déjà dans le code pénal - vous l'avez d'ailleurs souligné - puisque l'article 225-14, réprime « le fait de soumettre une personne, en abusant de sa vulnérabilité ou de sa situation de dépendance, à des conditions de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine ».
Les juges savent parfaitement, me semble-t-il, réprimer les agissements des marchands de sommeil et ne sont nullement désarçonnés par cette notion de dignité humaine qui fait partie de notre droit positif.
La crainte des victimes de déposer plainte, la difficulté pour le parquet de qualifier pénalement certains actes, la nécessité d'interdire les pratiques dégradantes, bien au-delà des frontières de l'éducation nationale, convaincront la Haute Assemblée, j'en suis persuadée, puisque dans nos intentions nous nous rejoignons, de la nécessité d'un dispositif législatif.
Les pratiques d'un autre âge observées dans le système scolaire s'apparentent en définitive à celles des sectes et la loi doit nous permettre de les réprimer, car elles ne correspondent nullement, et même s'opposent, aux valeurs du système éducatif.
Tous les adultes, notamment tous les éducateurs du système scolaire, doivent aussi cesser - vous l'avez dit, monsieur le rapporteur - par leur passivité ou par leur indifférence, de cautionner ces pratiques contraires aux valeurs éducatives.
Pour la première fois, je le disais tout à l'heure, une sanction disciplinaire a été prise à l'encontre d'un proviseur. Elle a soulevé une très vive contestation, allant jusqu'au dépôt d'un préavis de grève. Pourtant, les faits sont là : j'ai eu entre les mains le rapport de l'inspection générale qui décrit très précisément comment les adultes ont passivement laissé organiser un faux emploi du temps et un faux cours, comment ils ont laissé pénétrer dans une classe préparatoire vétérinaire des élèves ne faisant plus partie de l'établissement, qui ont été présentés aux nouveaux comme des enseignants. Dès lors, un bizutage dégradant a commencé, avec des actes à connotation sexuelle qui laisseront sans doute des jeunes filles marquées à vie.
Or c'est précisément sur l'absence de toute loi que s'est reposée la contestation et c'est ce qui met l'autorité administrative en situation de faiblesse. J'attends donc de la Haute Assemblée que, dans sa sagesse, elle nous aide à éradiquer cette forme de barbarie occulte.
Bien évidemment, et vous l'avez compris, il s'agit non pas de supprimer tout ce qui peut contribuer à développer le sens de la fraternité, de la solidarité et de la fête au sein d'une promotion, mais bien, en effet, d'éradiquer une forme de barbarie, et je crois que le Sénat, notamment grâce à la qualité du travail de sa commission des lois, peut nous y aider.
Pour conclure, monsieur le rapporteur, et toujours pour montrer à quel point il est important d'adopter une disposition législative, je dirai que, comme pour la montée de la violence et de l'incivisme, on assiste à une baisse de l'âge des enfants qui pratiquent le bizutage. On observe ainsi, ce qui ne s'était jamais vu, des phénomènes de bizutage en classe de sixième ! Il faut absolument arrêter cette dérive. Les jeunes veulent ressembler aux plus grands : dans un lycée où je me suis récemment rendue, les enfants entrant en classe de sixième devaient s'aligner contre un mur et les élèves de cinquième de leur donner des claques ! Ensuite, c'est l'escalade de la violence, les plus brutaux ou les plus costauds tapant les plus faibles, les plus jeunes, les plus timides.
Nous avons une responsabilité éducative majeure : faire front à cette montée de l'incivisme. Je souhaite que le Sénat nous y aide. Ce n'est pas une question de clivage politique : c'est une valeur éducative que nous devons défendre.
Il n'est pas seulement nécessaire de légiférer, il faut aussi adresser un message éthique à l'opinion publique dans un contexte national encore tendu, les sanctions à l'encontre des éducateurs ne s'étant pas opposés aux pratiques de bizutage devant être arrêtées prochainement.
Ce message est attendu ; les jeunes générations y verront la nature des valeurs que nous avons décidé de défendre ensemble. (Applaudissements.)
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Nous vous avons entendue, madame le ministre, et je veux vous rassurer, puisque, en quelque sorte, vous appelez la Haute Assemblée à votre secours. (Sourires).
Nous serions tout disposés à vous secourir, mais le problème c'est que vous avez à votre disposition beaucoup plus que la Haute Assemblée ; vous avez la justice, notamment la Cour de cassation dont les arrêts sont, en la matière, sans la moindre ambiguïté.
Nous en sommes bien d'accord, la réprobation s'attache à ce que le bizutage peut avoir d'excessif. Il n'est pas nécessaire d'insister. Vous avez cité un cas particulièrement pénible, celui d'un viol. Mais il n'est pas besoin d'une loi nouvelle pour condamner son auteur. Le viol est d'ores et déjà un fait répréhensible ; c'est même un crime, et si une plainte a été déposée, il va de soi qu'elle connaîtra l'aboutissement qui s'impose.
Par ailleurs, vous avez fait allusion à une certaine défaillance des autorités administratives. En effet, c'est le métier des proviseurs, des principaux et des directeurs des grandes écoles d'appeler leurs élèves à une certaine morale de groupe et de les empêcher de commettre de tels actes, ce qu'ils n'ont peut-être pas su faire jusqu'à présent.
Je souhaiterais donner lecture de l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 26 janvier 1994, que vos services connaissent. Je ne le préciserai pas, parce qu'il est assez nauséeux, l'acte de bizutage qui avait été commis ; il ne correspondait peut-être pas à un délit tout à fait précis.
Voici ce que dit la Cour de cassation : « Que vouloir présenter les faits comme une plaisanterie de bizutage collectif ne correspond pas à la réalité et permettrait trop aisément de nier un phénomène de groupe où chaque participant doit répondre de son acte.
« Qu'en outre il convient de condamner fermement ces actes de barbarie morale et leurs auteurs dont le comportement se situe »; cet arrêt est plus sévère que le texte du projet de loi, ce que la chambre criminelle a écrit sur ce point est remarquable - « entre le crétinisme et la cruauté, le tout dans une atmosphère de pseudo-virilité insipide. »
Le crétinisme n'est pas la chose la plus répandue, je l'espère en tout cas. Il s'agit non pas d'un délit, mais d'un simple fait. Et voilà que la Cour de cassation s'indigne d'une attitude qui peut ressembler au crétinisme.
Tout est dans cet arrêt. Que voulez-vous de plus ? La Cour de cassation a tranché. Le fait incriminé ne correspondait certainement pas à un délit précis, même si l'on peut, en interprétant quelque peu, y reconnaître un délit. Or, la Cour dit que c'est intolérable, qu'il est impossible d'admettre de telles pratiques. Avec une vigueur qui dépasse ce dont nous, législateur, et vous, Gouvernement, sommes capables, elle qualifie ces actes comme ils doivent être qualifiés, quelque part entre le crétinisme et la cruauté. Elle conclut en affirmant que les auteurs de ces faits ne doivent pas s'abriter derrière une sorte de défense au nom d'une pseudo-virilité. Tout est là !
Nous disposons donc de moyens considérables. Il suffit - c'est là que se situe la responsabilité du Gouvernement - au-delà des circulaires, que vous ayez le courage de sanctionner un proviseur qui aura laissé se perpétrer des actes de bizutage dans son établissement. Lorsque vous en aurez sanctionné un, croyez-moi, les autres feront attention. Or, actuellement, ils disposent d'une totale impunité. Il suffit en effet de faire passer un proviseur devant un conseil de discipline - vous en avez le pouvoir - lorsque l'acte de bizutage aura été commis dans des conditions aboutissant aux résultats que nous examinons, et qui sont condamnés en des termes remarquables par la Cour de cassation.
Madame le ministre, vous avez dit très gentiment que la réflexion de la commission des lois du Sénat était plus approfondie que celle de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Je n'insisterai pas, nous le savons ! (Sourires.) Vous êtes prête à accepter l'amendement proposé par notre collègue M. Dreyfus-Schmidt et qui, je crois, n'a pas la faveur de M. le rapporteur...
M. Charles Jolibois, rapporteur. Moi, je suis l'avis de la commission !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Monsieur le rapporteur, il vous arrive de rédiger des amendements et de les proposer !
M. Charles Jolibois, rapporteur. Bien sûr ! En l'occurrence, la commission a émis un avis défavorable.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Si l'amendement de M. Dreyfus-Schmidt est accepté - ce que la commission, si j'ai bien compris, ne semble pas disposée à faire - nous retrouverons toutes les difficultés que vous avez signalées, madame le ministre, en ce qui concerne la reconnaissance, la qualification des faits.
M. Jean-Jacques Hyest. Effectivement !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Croyez-vous que le pauvre bizuté aura le courage de dire devant le tribunal qu'il a fait l'objet d'un bizutage dans des conditions odieuses, qu'il y a consenti ? Je fais malgré tout observer que - c'est un grand principe de notre droit - le consentement de la victime n'est pas une cause absolutoire. En effet, si vous pratiquez l'euthanasie avec le consentement de la personne concernée, vous commettez un crime. Sur ce point particulier, j'estime que le texte proposé n'apporte rien. C'est pourquoi je préfère m'en tenir à la décision de la Cour de cassation. Dans la majesté de la chambre criminelle, les juges ont le courage de dire : les auteurs de tels actes sont des crétins ou des barbares et ils se prennent pour des hommes ; c'est de la pseudo-virilité et on sanctionne. Que voulez-vous de plus ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. La décision de la Cour de cassation, que je ne connaissais d'ailleurs pas, est effectivement remarquable. Il serait intéressant qu'elle figurât dans la loi. Elle plaide précisément en faveur d'une modification législative.
Par ailleurs, le fait de créer un délit spécifique de bizutage permettra d'appliquer l'article 40 du code de procédure pénale. En effet, nous pourrons donner des instructions très fermes concernant l'application de cet article, aux termes duquel tout fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, a connaissance d'un crime ou d'un délit doit en saisir le procureur de la République.
Aujourd'hui, si je veux sanctionner un proviseur, celui-ci me répond qu'il n'existe pas de délit spécifique de bizutage et qu'il n'avait donc pas à saisir le procureur de la République.
Les parents qui mettent leurs enfants dans le système scolaire considèrent que ce n'est pas à eux de porter plainte et qu'ils sont en droit d'attendre la protection qui leur est due.
En créant un délit spécifique, vous permettrez à un proviseur, dès lors que des faits de bizutage seront perpétrés, de saisir le procureur de la République - et s'il ne le fait pas il sera sanctionné. La crainte d'être sanctionné fera que le bizutage sera éradiqué du système scolaire. En effet, je préfère qu'il n'y ait plus de bizutage plutôt que d'être obligée de prendre des sanctions car cela voudra dire qu'il y aura eu des victimes.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je souhaite intervenir car M. le président Larché a introduit un élément nouveau dans la discussion.
Sur le plan juridique, après le rappel, par Mme la ministre chargée de l'enseignement scolaire, des difficultés auxquelles nous devons faire face, je voudrais revenir sur le point central de notre discussion : est-il nécessaire de créer une nouvelle incrimination dans le code pénal pour réprimer des infractions qui aujourd'hui, à notre avis, ne sont pas couvertes par le code pénal ?
Le Gouvernement n'a jamais dit que le code pénal en son état actuel ne permettait pas de réprimer certaines infractions commises lors des délits de bizutage. Jamais le Gouvernement n'a prétendu une chose pareille ! J'ai même dit le contraire. J'ai précisé, dans mes interventions, que le code pénal permettait en effet de réprimer les menaces les plus graves : viols, violences, etc. Mais j'ai également indiqué - et Mme Royal a cité des exemples qui me paraissaient éloquents - que la rédaction actuelle du code pénal ne nous donnait pas la certitude que certaines atteintes à la dignité de la personne seraient effectivement réprimées par les tribunaux.
Je me réjouis que la Cour de cassation ait commencé à aller dans ce sens dans une jurisprudence récente.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Cet arrêt a été rendu voilà trois ans !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il n'en demeure pas moins que c'est un cas particulier. Le Gouvernement veut avoir l'assurance que le code pénal sera dorénavant suffisamment précis, s'agissant de la qualification des faits, des infractions qu'il convient d'incriminer, pour que soient réprimés, dans leur totalité, les dérapages auxquels nous entendons mettre fin.
La question qui est posée devant votre assemblée me paraît désormais claire : oui ou non, avons-nous besoin d'une nouvelle incrimination dans le code pénal pour réprimer effectivement tous les excès de bizutage - je dis bien « tous » - et pas seulement les plus graves d'entre eux ?
Voilà la question qui est posée. Au nom du Gouvernement, je réponds oui. Je le répète : la solution proposée par M. Dreyfus-Schmidt permettra d'améliorer la rédaction et de répondre avec plus de rigueur à ce problème.
M. le président. Le débat a été, je crois, très large.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 29 et 62.
M. Nicolas About. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Avec tout le respect que je dois et l'amitié que je porte à M. le rapporteur et à M. le président de la commission des lois, je voudrais indiquer, en tant que médecin et comme maire, qu'il est temps de donner un signal très fort : stop à la violence à l'école ! Stop à l'organisation de manifestations qui, nous le savons, dégénèrent dans la très grande majorité des cas ! Stop au laisser-aller et au laisser-faire d'un certain nombre de responsables d'établissement !
Un texte est nécessaire. Il devra être affiché à l'entrée des établissements. Surtout, nos élèves et les responsables doivent savoir que ces dispositions seront appliquées.
La grande difficulté, c'est que l'on veut réduire l'objet de ce texte aux excès du bizutage. Or le problème, ce sont non pas les excès, mais les conditions dans lesquelles ils se produisent. Il ne faut donc pas se limiter à dire que l'on va s'attaquer aux excès. En effet, permettre le bizutage, c'est autoriser les excès. Il faudra énoncer très clairement, comme l'a dit Mme le ministre chargé de l'enseignement scolaire, que, depuis cinquante ans, le bizutage est interdit. Aucun texte, jusqu'à présent, ne l'a spécifié. Si nous voulons que les notes adressées aux enseignants par le ministre soient claires, il faudra commencer par dire que le bizutage est interdit et alors il n'y aura plus d'excès de bizutage, il y aura simplement atteinte à l'interdiction de bizutage.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, j'interviens maintenant car, si les amendements n°s 29 et 62 sont adoptés, il me sera alors impossible de prendre la parole pour soutenir l'amendement n° 123 déposé par notre excellent collègues Michel Dreyfus-Schmidt.
Or, à cet instant du débat, je voudrais très clairement dire que nous sommes dans un cas d'école extrêmement intéressant.
J'ai été quelque peu étonné, je l'avoue, d'entendre mon ami Charles Jolibois affirmer qu'il s'agit d'un débat purement juridique et non d'un débat politique. Mais c'est mieux que cela ! C'est un débat de politique juridique. En effet, nous sommes non pas dans un débat politique au sens partisan du terme, mais dans un débat visant à la meilleure organisation de la cité, ce qui est à proprement parler, sans avoir besoin de citer Aristote, véritablement la nature même de la politique et la première considération que doit conserver à l'esprit le législateur.
Je pense que, s'agissant de ce qu'il faut bien appeler « le bizutage », pour rester simple, les positions sont claires : nous sommes tous d'accord pour dire que l'on ne saurait admettre les excès du bizutage. Je laisse de côté ce qui constitue des actes de barbarie, car ces derniers sont sanctionnables par des peines criminelles.
S'agissant par conséquent des excès du bizutage, la question suivante se pose : devons-nous oui ou non ajouter à l'arsenal législatif ?
Je tiens tout d'abord à dire que vous avez à mon avis très bien fait, madame la ministre, de manifester, par votre circulaire, votre volonté de mettre un terme à des pratiques odieuses à l'intérieur des établissements scolaires.
Au-delà, un texte nouveau est-il réellement indispensable ? A dessein, je souligne l'adjectif. En effet, indispensable est une chose ; utile en est une autre. Un texte nouveau est-il indispensable ? Très franchement, ayant connu avant ce débat l'arrêt de la Cour de cassation, je n'en suis pas sûr. Je crois véritablement que nous pourrions nous en passer.
Est-ce à dire, pour autant, qu'il n'est pas utile ? Je ne le crois pas. A la réflexion, il peut à mon avis être utile, et ce pour plusieurs raisons.
Je laisse de côté le fait qu'il marquera une volonté très ferme de mettre un terme à tous ces excès. C'est ce que l'on appelle communément la « fonction expressive ». Sur ce point, je crois avoir marqué, dans la préface du projet de nouveau code pénal dont vous avez été saisi, la différence entre la fonction répressive et la fonction expressive.
Mais ce n'est pas seulement cette proclamation qui importe ici. Je considère que l'amendement n° 123 de notre ami Michel Dreyfus-Schmidt comporte un resserrement de la qualification, une amélioration de l'incrimination, et qu'il entraînerait, s'il était adopté, non pas une révolution, mais un progrès législatif.
Compte tenu de la légitime volonté commune de mettre un terme à ces excès, ce progrès, à lui seul, justifie l'adoption d'une nouvelle incrimination spécifique.
Alors, quelle incrimination spécifique ? Assurément, cher Michel Dreyfus-Schmidt, il faudra changer la dénomination. Nous pouvons trouver mieux pour l'intitulé, me semble-t-il, que « des excès du bizutage ».
Toutefois, en ce qui concerne le texte proposé pour l'article 225-16-1 du code pénal, je rends hommage à Michel Dreyfus-Schmidt. Chacun sait qu'il est l'un des esprits les plus créatifs en matière d'amendements que connaissent nos assemblées. (Sourires.) Il a ce génie poétique qu'évoque, bien avant Mao, l'art chinois sur les mille fleurs qui naissent à l'inspiration du poète. Eh bien, à l'instar des mille feuilles qui poussent au printemps sur les arbres du jardin du Luxembourg, les amendements naissent de l'esprit de M. Dreyfus-Schmidt et nous permettent de croire que, dans cet hémicycle du Sénat, c'est toujours le printemps ! (Nouveaux sourires.)
Le texte produit aujourd'hui par notre collègue constitue indiscutablement, je le répète, un progrès législatif. Certes, il peut encore être amélioré, et je souhaiterais qu'il le soit au moins sur un point : comme Mme Dusseau, je pense qu'on ne peut pas s'en tenir au milieu scolaire. Il y a en effet les grandes écoles, auxquelles l'adjectif « scolaire » ne s'applique pas, je crois. En tout cas, cela ne serait pas accepté aisément. Il faut donc trouver le terme le plus général possible.
Il en est de même s'agissant de milieux que, bizarrement, on passe sous silence : ainsi, comme l'un de nos plus éminents collègues, nous savons bien que, à l'intérieur des armées au sens large du terme, existent des pratiques de bizutage qui, en certaines circonstances, tomberaient indiscutablement sous le coup de la loi. Il faut avoir le courage de le dire. Je suis également persuadé qu'il existe des actes de bizutage en milieu professionnel.
Ce texte, à défaut d'être indispensable, est donc utile pour viser les excès du bizutage. D'ailleurs, dans la suite de la procédure législative, nous parviendrons certainement à améliorer encore la rédaction de cet excellent amendement de notre collègue M. Dreyfus-Schmidt, auquel, à nouveau, je rends hommage. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Mme Dusseau et M. Hoeffel applaudissent également.)
M. Philippe de Gaulle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le bizutage existe assurément dans l'institution militaire. Pour ma part, je ne l'ai pas connu, car nous étions en temps de guerre. Mais il est une partie du dressage, si l'on sait que la sueur épargne le sang. C'est l'école du yoga à la résistance et à l'impassibilité. Mais ce bizutage est contrôlé par la discipline militaire. Je ne l'approuve pas néanmoins.
Auparavant, en dehors de l'institution militaire, le bizutage était limité aux seules grandes écoles, à une élite à l'intérieur de ces établissements et sans excitation des médias, sauf peut-être pour les gadz'arts, pour lesquels il s'agit en fait d'un grand chahut, et pour les étudiants en médecine, comme antidote à l'atmosphère angoissante des hôpitaux.
Actuellement, la pratique du bizutage tend à se développer sous l'excitation de la publicité et des médias. On va bientôt en arriver, si ce n'est déjà fait, au bizutage en classe primaire par les têtes les plus faibles, les moins assimilées à la société et les moins bien éduquées. Et le rançonnage n'est pas loin !
La question est de savoir si l'on veut laisser le bizutage s'étendre, comme c'est actuellement le cas, ou si l'on veut l'arrêter, comme je le souhaite.
A l'instar de mon collègue M. About, je suis donc favorable à une législation spécifique, à un signal fort, si l'on ne se contente pas de paroles démagogiques et si l'on est décidé à appliquer ce qui est proposé. (Applaudissements.)
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je considère moi aussi qu'il nous faut éviter, au sein de la Haute Assemblée, toute hypocrisie, qu'il n'est pas nécessaire de modifier le code pénal en fonction des circonstances et que le Gouvernement ainsi que les autorités doivent se donner les moyens d'appliquer la loi.
Certes, les chefs d'établissement doivent prendre leurs responsabilités. De ce point de vue, je tiens à féliciter Mme la ministre déléguée, chargée de l'enseignement scolaire, pour sa circulaire, qui me paraît utile.
Toutefois, il faut ne pas être hypocrite et voir que le bizutage est non pas hors la loi, mais tabou.
Un texte sur le bizutage est-il indispensable ou utile, pour reprendre la distinction opérée par M. Badinter ? Il me paraît utile de signaler avec force que, hormis le viol ou des violences extrêmes, des atteintes à la dignité humaine sont commises à l'occasion de bizutages, et donc de faire mention du bizutage dans le projet de loi.
Je pense également que l'amendement de M. Dreyfus-Schmidt est meilleur que la rédaction du projet de loi, et je le voterai donc.
D'ailleurs, je veux signaler que des organisations syndicales et des associations très sérieuses ont créé un comité contre le bizutage en faisant valoir que, si la loi permet certes de sanctionner les faits les plus graves, elle n'est pas appliquée et qu'un tabou existe à l'égard du bizutage.
Je voterai donc contre les amendements visant à la suppression de l'article, mais je voterai en revanche des deux mains l'amendement proposé par M. Dreyfus-Schmidt.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Je suis désolé d'aller à contre-courant de tous les autres orateurs, et je dois rendre hommage au talent oratoire de Mmes les ministres, qui m'ont un moment ébranlé dans mon soutien à la commission.
Je constaterai tout d'abord une certaine déviation dans notre débat. En effet, dans un premier temps, nous avons dénoncé les excès du bizutage, et, maintenant, c'est le bizutage lui-même qui est condamné. Le débat a donc un peu changé de nature.
Mais j'en reviens au fond du débat et au point de vue de la commission des lois, qui a estimé que nous disposions d'un arsenal juridique suffisant.
Le Gouvernement m'a ébranlé sur un point qui va cependant me conforter dans mon soutien à la position de la commission des lois. En fait, nous avons quitté le terrain du bizutage pour passer à tout autre chose : on a ainsi parlé des sectes, des associations, de l'armée, etc. Vous avez soulevé, mesdames les ministres, le problème des comportements inadmissibles en société, qui est peut-être plus vaste que celui de la protection des mineurs.
Dans ce cas-là, j'estime que ni le texte présenté par le Gouvernement, ni le texte adopté par l'Assemblée nationale, ni le texte proposé par notre ami M. Michel Dreyfus-Schmidt ne correspondent à la véritable incrimination nouvelle que l'on veut introduire. Il faudra donc à l'avenir, après avoir réellement fait le tour du problème, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, déposer un nouveau projet de loi établissant une nouvelle incrimination.
De plus, les textes qui nous sont proposés sont trop flous et laissent diverses possibilités d'interprétation. J'ajoute, entre nous soit dit, que, si nous nous en tenions au projet de loi qui nous est soumis, nombre d'actes de bizutage pourraient encore se produire à l'extérieur des locaux visés. Prenons un exemple tout simple : le texte de l'Assemblée nationale vise les locaux scolaires. Qui interdira le bizutage en dehors de ces locaux ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le texte fait référence aux « milieux » !
M. Patrice Gélard. En fait, le véritable problème est que nous disposons de l'arsenal juridique et des moyens, mais que les autorités administratives ont fait preuve de laxisme pendant des années et des années ! Pendant tout ce temps, ce fut la loi de l' omerta, la loi du silence, respectée par les uns et les autres.
On commence à découvrir, petit-à-petit, maintenant que le voile est soulevé, qu'il en est du bizutage comme il en allait autrefois du viol : tout le monde se taisait, mais, maintenant, on ose enfin avouer les faits. On est entré dans ce système. Je rappelle qu'il y a simplement huit jours la cour d'appel de Nancy a prononcé des peines de six mois d'emprisonnement et de 10 000 francs d'amende à l'encontre d'auteurs d'excès de bizutage. Le mouvement est, enclenché et, dans l'état actuel des choses, je ne crois pas qu'il faille aller plus loin.
Ou alors, vous recherchez à tout prix un effet d'annonce ; mais on n'est plus là dans le domaine de la politique juridique dont parlait notre collègue M. Robert Badinter.
Je préfère à ce moment-là que l'on renvoie à plus tard l'examen d'un véritable article à insérer dans le code pénal qui prendrait en considération tous les éléments de même nature. (M. Daniel Millaud applaudit.)
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je voterai pour ma part contre les amendements de suppression de ce délit dit « de bizutage ».
La notion d'excès de bizutage, telle qu'elle est formulée par M. Dreyfus-Schmidt dans son amendement n° 123, a tout à fait sa place dans ce texte.
En effet, ce projet de loi concerne d'une manière générale des abus sexuels. Or, les phénomènes de bizutage ont très souvent, une dimension sexuelle, même en l'absence d'abus sexuel, et une dimension sado-masochiste.
En outre, le bizutage concerne assez souvent des mineurs, même s'il n'est pas limité à ces derniers. Le projet de loi que nous examinons visant les gens en général et les mineurs en particulier, le délit de bizutage y trouve donc tout naturellement sa place.
Contrairement à l'un de nos collègues, qui considère qu'il est inutile d'introduire la notion de délit dans ce texte puisqu'on commence à en parler, j'estime qu'il faut faire attention. En effet, une des raisons pour lesquelles le problème du bizutage est venu au jour est notamment le fait que l'inscription de ce délit allait figurer dans le texte de la loi. Méfions-nous donc : si cette notion disparaissait, une sorte de chape ne couvrirait-elle pas à nouveau des situations qui sont inacceptables ?
Par conséquent, je pense qu'il nous faut saisir l'occasion et que notre assemblée s'honorerait non seulement en inscrivant ce délit dans la loi, mais en le faisant dans la formulation que propose notre collègue M. Dreyfus-Schmidt, qui me paraît tout à fait appropriée.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 29 et 62, repoussés par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 10:

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 318
Majorité absolue des suffrages 160
Pour l'adoption 216
Contre 102

En conséquence, l'article 10 est supprimé et les amendements n°s 122, 123, 91 et 124 n'ont plus d'objet.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas vrai que les absents ont toujours tort ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, un scrutin est un scrutin !
M. Alain Gournac. C'est cela, la démocratie !

Article 11

M. le président. « Art. 11. - au 1° de l'article 226-14 du code pénal, les mots "de sévices ou de privations" sont remplacés par les mots : "de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes sexuelles". »
Par amendement n° 30, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Dans le premier alinéa de l'article 434-3 du code pénal, les mots : "de mauvais traitements ou privations" sont remplacés par les mots : "de privations, de mauvais traitements ou d'atteintes sexuelles". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Par cohérence avec la modification de l'article 226-14 du code pénal proposée par l'article 11 du projet de loi et concernant la levée du secret professionnel, cet amendement a pour objet de préciser que l'obligation de dénonciation de mauvais traitements ou privations infligés à un mineur de quinze ans, prévue par l'article 434-3 du code pénal, s'applique également en cas d'atteintes sexuelles.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11, ainsi modifié.

(L'article 11 est adopté.)


Article 12

M. le président. « Art. 12. _ I. _ Il est inséré, au deuxième alinéa des articles 227-18, 227-18-1, 227-19 et 227-21 du code pénal, après les mots : "lorsqu'il s'agit d'un mineur de quinze ans", les mots : "ou que les faits sont commis à l'intérieur d'un établissement scolaire ou, à l'occasion des entrées ou des sorties des élèves, aux abords immédiats d'un tel établissement".
« II. _ La deuxième phrase du premier alinéa de l'article 227-22 du code pénal est complétée par les mots : "ou que les faits sont commis à l'intérieur d'un établissement scolaire ou, à l'occasion des entrées ou des sorties des élèves, aux abords immédiats d'un tel établissement". »
Par amendement n° 31, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose, avant le paragraphe I de l'article 12, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Dans les articles 222-12 et 222-13 du code pénal, il est inséré un 11° ainsi rédigé :
« 11° Lorsque les faits sont commis à l'intérieur d'un établissement scolaire ou éducatif, ou, à l'occasion des entrées ou des sorties des élèves, aux abords d'un tel établissement. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Afin de réprimer plus efficacement la violence en milieu scolaire - et nous avons vu à quel point ce problème était d'actualité ! - cet amendement tend à aggraver les peines applicables en cas de violences commises à l'intérieur ou à proximité des établissements scolaires ou éducatifs.
Il vise à ajouter une nouvelle circonstance aggravante à l'article 222-12 du code pénal, relatif aux violences ayant entraîné une incapacité de travail de plus de huit jours, et à l'article 222-13 du même code, concernant les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail.
Cet amendement est important dans la mesure où il vise précisément l'article du code pénal qui a été le support de la jurisprudence de la Cour de cassation sur le choc émotif.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le président, je ne suis pas persuadée qu'il soit opportun de prévoir la circonstance aggravante nouvelle de commission d'une infraction à l'intérieur ou aux abords des établissements scolaires pour les délits de violences volontaires. Il est déjà prévu, pour ces délits, la circonstance aggravante de minorité de la victime.
Depuis la loi du 22 juillet 1996, les différentes circonstances aggravantes pour les violences délictuelles se cumulent, comme c'est le cas en matière de viol. Dans la plupart des cas, la circonstance aggravante se cumulera avec celle de la minorité de la victime.
Cela dit, j'ai un doute et, sur cette question, je suis prête à m'en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 31, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 32, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose, dans les paragraphes I et II de l'article 12, de supprimer le mot : « immédiats ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
En effet, dans cet article, l'adjectif « immédiats » répond à une exigence de précision de la loi pénale pour limiter le périmètre concerné. Il reviendra à la jurisprudence de définir les abords immédiats de l'établissement, mais, en toute hypothèse, il serait beaucoup plus problématique de définir la simple notion des abords.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 32, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12, modifié.

(L'article 12 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 12

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 33, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article 227-23 du code pénal, après les mots : "l'image", sont insérés les mots : "ou la représentation" et, après les mots : "cette image", sont insérés les mots : "ou cette représentation". »
« II. - Dans le deuxième alinéa du même article, après le mot : "image", sont insérés les mots : "ou représentation". »
Les deux amendements suivants sont présentés par M. About.
L'amendement n° 80 vise à insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les deux premiers alinéas de l'article 227-23 du code pénal sont ainsi rédigés :
« Le fait d'utiliser un mineur, avec ou sans contrainte, dans le but de fixer, d'enregistrer ou de diffuser son image ou sa représentation, lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique ou tend, par, présentation, à inciter des personnes à commettre les délits prévus aux articles 227-25 à 227-27, est puni d'un an d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende.
« Le fait d'aider directement ou indirectement à l'utilisation d'un mineur dans le but visé au premier alinéa, ou de diffuser une telle image, par quelque moyen que ce soit, est puni des mêmes peines. »
L'amendement n° 81 tend à insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article 227-23 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait de détenir l'image d'un mineur de quinze ans présentant un caractère pornographique, quel qu'en soit le support, est puni des mêmes peines. »
Par amendement n° 99, MM. Darniche, Berchet, Durand-Chastel, Foy, Habert, Maman et Moinard proposent d'insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 227-23 du code pénal est ainsi rédigé :
« Le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur, lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique ou tend, par sa présentation, à inciter des personnes à commettre les délits prévus aux articles 227-25 à 227-27, est puni d'un an d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende. »
Par amendement n° 103, MM. Pagès, Derian, Duffour et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article 227-23 du code pénal, les mots : "d'un an" sont remplacés par les mots : "de trois ans".
« II. - Dans le troisième alinéa du même article, les mots : "trois ans" sont remplacés par les mots : "cinq ans". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 33.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement vise à réprimer la diffusion de représentations de mineurs à caractère pornographique. Nous visons, notamment - et c'est important - les images virtuelles, en complétant l'article 227-23 du code pénal.
Je rappelle que, à l'article 9, l'Assemblée nationale a déjà prévu, à titre de circonstance aggravante, la sanction de la diffusion d'une représentation pornographique du mineur lorsqu'elle est opérée par l'intermédiaire d'un réseau de télécommunications.
Il convient donc d'ajouter l'incrimination de la diffusion d'une représentation pornographique de mineur d'une manière générale, et non dans cette seule circonstance aggravante.
M. le président. La parole est à M. About, pour présenter les amendements n°s 80 et 81.
M. Nicolas About. L'amendement n° 80 modifie la rédaction de l'article 227-23 du code pénal, relatif au délit de diffusion d'images pornographiques mettant en scène des mineurs, afin de faire porter la faute sur l'utilisation même de l'enfant à des fins pornographiques et non pas sur le seul acte de diffusion de l'image.
Il s'agit de préciser que le délit réside d'abord dans le traumatisme causé à l'enfant, puis dans l'exploitation, éventuellement commerciale, qui est faite de son image.
Cette disposition a pour objectif de faire porter la faute non seulement sur celui ou ceux qui ont réalisé les images, mais aussi sur celui ou ceux qui ont participé indirectement à sa réalisation par le transport de l'enfant, la mise à dispostion d'un local, la location de matériel, etc.
Par ailleurs, cet amendement vise à étendre le délit de diffusion d'images pornographiques aux images virtuelles et à celles qui, sans être pornographiques, tendent, par leur présentation, à inciter des personnes à commettre le délit d'atteinte sexuelle sur un mineur sans violence.
L'amendement n° 81 a la même inspiration. En effet, le code pénal réprime la réalisation d'images pornographiques mettant en scène des mineurs, lorsqu'elles ont vocation à être diffusées ou publiées. Or, bien souvent, les pédophiles commettent leurs forfaits dans des cercles restreints, voire pour leur « consommation » privée. Les images ne sont pas diffusées, elles demeurent sous le manteau, mais les mineurs qui ont servi à assouvir les fantasmes des pédophiles sont traumatisés à vie.
Cet amendement vise donc à instituer une sanction pénale pour les personnes qui se rendraient coupables du délit de détention, à titre privé, d'images à caractère pédophile, sans avoir nécessairement l'intention de les diffuser.
Je sais que Mme le ministre nous a déjà dit que, par exemple, dans l'affaire « Toro Bravo », cet élément avait été pris en compte. Mais je rappelle que les sanctions ont alors été extrêmement légères : de simples peines assorties du sursis pour avoir traumatisé des enfants à vie et, de plus, des peines amnistiables ! Voilà les seules rigueurs de la loi à l'égard de deux qui maltraitent nos enfants ?
Je pense qu'il faut, dans ce domaine aussi, donner un signal très fort et affirmer que l'utilisation des enfants pour fabriquer des images à caractère pédophile doit être sévèrement condamnée, même si c'est à titre privé.
M. le président. La parole est à M. Habert, pour défendre l'amendement n° 99.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, cet amendement ressemble beaucoup à l'amendement n° 33 de la commission, qui vient de nous être présenté. Cependant, il en diffère sur un point important, car il vise le cas où la représentation d'actes pornographiques incite les personnes à commettre des délits prévus par la loi.
Notre société est une société d'images et il existe un lien évident entre, d'une part, le développement des moyens de communication et l'essor des nouvelles techniques comme Internet, le Minitel ou la télématique et, d'autre part, l'augmentation du nombre d'infractions sexuelles.
C'est pour lutter contre cette tendance que cet amendement, qui renforce celui de la commission, a été déposé par M. Darniche est cosigné par un grand nombre de sénateurs, toutes tendances confondues.
M. le président. La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 103.
Mme Nicole Borvo. Lors de la séance du 22 mai 1991, alors que vous examiniez ici même - je n'étais pas encore sénateur - le livre II du code pénal, Robert Pagès avait défendu, au nom de notre groupe, un amendement qui, amélioré au fil des navettes, devait devenir l'article 227-23 du nouveau code pénal.
Il déclarait alors - c'était en 1991 : « Nous souhaitons donner aux magistrats les moyens légaux de lutter contre les très puissants et influents réseaux pédophiles.
« Ces réseaux se structurent et se développent à partir du trafic de revues et de vidéo-cassettes mettant en scène des mineurs, filles et garçons. »
Nous proposions, à l'époque, que, au-delà de l'image pornographique elle-même, toute utilisation d'image d'un mineur de nature à porter atteinte à sa dignité ou à l'intimité de sa vie privée, ou incitative à la débauche ou à la pornographie soit sanctionnée.
Aujourd'hui encore, hélas ! il apparaît nécessaire d'élargir les incriminations à des revues ou films aux connotations dites « artistiques » qui ne trompent personne.
Le Gouvernement pourrait, selon nous, poursuivre la réflexion sur cette question.
L'article 227-33 vise, je le rappelle, le fait de diffuser, fixer, enregistrer ou transmettre l'image d'un mineur, lorsque cette image présente un caractère pornographique. En tout état de cause, nous estimons nécessaire de renforcer la sanction en établissant une peine de trois ans d'emprisonnement, au lieu d'un an actuellement, pour les mineurs de plus de quinze ans et de cinq ans d'emprisonnement, au lieu de trois ans actuellement, pour les mineurs de moins de quinze ans.
Il serait, selon nous, paradoxal qu'il résulte de ce projet, qui prévoit un renforcement justifié de la lutte contre la délinquance sexuelle à l'égard des mineurs, que des individus qui sont à la source de réseaux de cassettes pédophiles soient épargnés par le renforcement des sanctions.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 80, 81, 99 et 103 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'amendement n° 80 est très intéressant dans la mesure où l'idée qui le sous-tend est également à l'origine d'autres amendements.
Il a un double objet. D'abord, il tend à sanctionner la diffusion de l'image virtuelle d'un mineur lorsque cette image a un caractère pornographique. Je me plais à souligner que cet objet est satisfait par l'amendement de la commission.
Ensuite, il vise à réprimer la diffusion d'images qui, sans être pornographiques, tendent à inciter des personnes à commettre des atteintes sexuelles. Cela mérite qu'on s'y arrête quelques instants.
Je rappelle que, lors de la discussion sur le code pénal, nous avons eu un débat très intéressant à la fois en commission et en séance publique sur la notion d'instigateur. Cette notion, pour des raisons que je ne vais pas reprendre, a été écartée, son application devant se limiter à certains cas précis - elle figure, d'ailleurs, dans la loi sur la presse.
Voilà pourquoi la commission, bien qu'elle accepte une partie de l'amendement, a émis un avis défavorable.
L'amendement n° 81 vise le fait de détenir l'image d'un mineur de quinze ans présentant un caractère pornographique, quel que soit le support. Sur ce point, il faut veiller à appliquer le code pénal à la fois dans ce qu'il a de répressif et dans ce qu'il peut avoir de protecteur pour les libertés.
En l'espèce, il suffit d'appliquer la législation sur le recel. Le recel, c'est le fait de détenir une chose en sachant que cette chose provient d'un crime ou d'un délit. Il faut éviter les situations où des gens pourraient se trouver détenteurs d'une chose sans le savoir ou par le fait d'un chantage, par exemple. Par ailleurs, la difficulté de la preuve est telle que l'amendement présente un certain danger.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 99, je reprendrai l'argument que j'ai évoqué précédemment, qui se fonde sur la notion d'instigation, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit avec l'incitation des personnes à commettre des actes répréhensibles. J'indique d'ailleurs, pour rassurer ceux qui ont déposé ces amendements, que, si l'on est en présence d'une incitation prouvée, la théorie de la complicité doit s'appliquer. La commission a donc émis un avis défavorable.
En revanche, la commission est favorable à l'amendement n° 103, qui prévoit une aggravation de la peine. Je remarque d'ailleurs que cela va dans le sens de l'avis qu'avait donné la commission lors de la discussion du code pénal, l'Assemblée nationale ayant estimé, à l'époque, que la commission était allée trop loin dans la répression. Il semble que les choses changent très rapidement ! Je crois même me souvenir que c'est à l'unanimité que la commission à émis un avis favorable sur l'amendement n° 103.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste a voté contre.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Dont acte !
Il n'en demeure pas moins que l'avis de la commisison est favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 33, 80, 81, 99 et 103 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Sur l'amendement n° 33, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Il n'est pas favorable à l'amendement n° 80 parce que la modification proposée de l'article 227-23 du code pénal ne lui paraît pas nécessaire. En effet, les faits visés par la nouvelle rédaction proposée tombent déjà sous le coup de la loi. Les faits consistant en une aide, prévus par le second alinéa, sont déjà réprimés au titre de la complicité et la notion d'image virtuelle, visée par le premier alinéa, où il est question de la représentation de l'image d'un mineur, est déjà couverte par l'amendement de la commission des lois. Enfin, le fait d'utiliser un mineur pour réaliser des images pornographiques constitue déjà un délit aux termes de l'article 227-22 du code pénal.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 81 parce que la précision proposée lui paraît inutile. Les textes réprimant le recel s'appliquent, comme je l'ai indiqué, hier, dans la discussion générale.
S'agissant de l'amendement n° 99, j'admets que l'on puisse incriminer la diffusion d'images virtuelles, mais incriminer la diffusion d'une image de nature à inciter des personnes à commettre des infractions serait contrevenir au principe de précision qui doit caractériser la loi pénale. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Enfin, sur l'amendement n° 103, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. A ce stade du débat, je tiens à préciser que l'adoption de l'amendement n° 33 rendrait sans objet les amendements n°s 80 et 99 mais non pas les amendements n°s 81 et 103.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Tout à fait !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 33.
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Nous approuvons tout à fait cet amendement, pour lequel le Gouvernement s'en est d'ailleurs remis à la sagesse du Sénat.
En conséquence, nous retirons l'amendement n° 99, qui tendait à introduire la notion d'incitation, contre laquelle M. le rapporteur s'est prononcé en donnant des explications tout à fait claires et sur laquelle Mme le ministre a exprimé des réserves que nous comprenons parfaitement.
Nous nous rallions donc à l'amendement n° 33 de la commission des lois, que nous allons maintenant voter.
M. le président. L'amendement n° 99 est retiré.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 33, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12, et l'amendement n° 80 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 81, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 103.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je crois me rappeler qu'en commission je n'ai pas pris part au vote ; en tout cas, je ne l'ai pas voté. J'aurais volontiers voté contre s'il n'y avait, dans ce texte, d'autres aggravations que nous avons adoptées sans nous en rendre compte.
Au début de cette séance, M. le rapporteur nous a expliqué qu'on venait de voter le code pénal et qu'il ne fallait pas encore y toucher. Ce à quoi j'ai répondu - vous vous en souvenez - que ce langage aurait plus d'autorité s'il ne nous en proposait lui-même des modifications à tout bout de champ.
L'amendement n° 103 a le mérite d'annoncer la couleur. C'est pourquoi je n'ai pas voté contre ; mais je n'ai pas voté pour non plus, car, si l'on peut toujours aggraver, j'aimerais que l'on justifie la demande d'aggravation.
Si l'on faisait valoir que la peine maximale est de trois ans et que les tribunaux condamnent tous les jours à trois ans, ou même qu'il s'est trouvé un seul tribunal, une fois, pour condamner à trois ans, on pourrait en tirer la conclusion que le maximum prévu n'est pas assez élevé et qu'il faut donc l'augmenter encore. Mais si, au contraire, il ressort de la jurisprudence que l'on est habituellement très en dessous du maximum, ce n'est pas la peine d'aggraver.
Or, en l'espèce, comme dans les autres cas d'ailleurs, on n'invoque pas l'état de la jurisprudence et on ne nous démontre donc pas qu'il convient d'aggraver la peine.
Bien évidemment, nous sommes contre ce délit, et nous pourrions donc dire qu'il faut augmenter la peine ! Un autre texte prévoit que, lorsque l'infraction est commise en bande organisée, il faut doubler la peine pour la porter de dix ans à vingt ans. Mais, là encore, a-t-on jamais vu le maximum atteint ? Je n'en sais rien, mais je ne le crois pas.
Nous pourrions donc dire - j'y reviens - que ce n'est pas assez et sous-amender cet amendement en demandant que l'on inscrive dix ans ! Pourquoi pas ? Qui dit mieux ?
M. Guy Allouche. Quinze !
M. le président. Vous connaissez trop le règlement, monsieur Dreyfus-Schmidt, pour ne pas savoir qu'il est très difficile de sous-amender un chiffre !
Veuillez poursuivre, je vous prie.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce que je voulais dire, c'est que nous devons nous méfier des aggravations que l'on nous propose, simplement parce que nous sommes contre le fait dénoncé.
Bien sûr, nous sommes unanimes à nous élever contre tel ou tel délit, tel ou tel crime, que ce soit en matière sexuelle ou en tout autre domaine d'ailleurs. Nous sommes par définition contre les crimes, contre les délits, contre les contraventions ; mais ce n'est pas une raison pour que, chaque fois que l'on nous propose une aggravation, sans savoir ni comment ni pourquoi, nous l'acceptions.
A titre personnel, je ne voterai pas l'amendement n° 103.
M. Nicolas About. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Je ne voterai pas l'amendement n° 103 alors que je serais tenté d'aggraver ces peines-là. Pourquoi ? Parce que nous n'avons pas touché au fond.
Quand vous m'avez dit tout à l'heure, monsieur le président, que mon amendement n° 80 n'avait plus d'objet du fait de l'adoption de l'amendement n° 33, ce n'était pas exact. En effet, ce que je visais dans l'amendement n° 80, ce n'était pas forcément la fabrication d'images pornographiques dans le but de les diffuser. Or, toute l'astuce consiste à dire que ne seront pénalisables que ceux qui réalisent ce type d'images en vue de leur diffusion.
Telle était la différence majeure entre l'amendement n° 33 et l'amendement n° 80 ; celui qui utilise un enfant pour des images pornographiques, même si ce n'est pas à but de diffusion, doit être puni. C'est donc abusivement qu'il a été déclaré que l'amendement n° 80 n'avait plus d'objet.
S'agissant de l'amendement n° 103, il ne vise qu'à aggraver les peines applicables à ceux qui réalisent des photos pornographiques en vue de leur diffusion. On parle de photos ; je préfère parler de l'enfant et j'aimerais que l'on aggrave les peines frappant tous ceux qui cherchent à faire des photos à caractère pornographique avec des enfants, même si ce n'est pas pour les diffuser !
M. le président. Je ne peux pas vous laisser dire que c'est « abusivement » que l'amendement n° 80 a été déclaré n'avoir plus d'objet.
M. Nicolas About. Par erreur !
M. le président. Absolument pas ! Je suis navré d'être obligé de vous faire un cours de règlement : relisez la rédaction de l'amendement n° 33 et celle de l'amendement n° 80 ! A partir du moment où le Sénat décide d'adopter telle rédaction de tel alinéa du code pénal, vous ne pouvez plus, dans le vote suivant, réécrire le même alinéa. C'est bien pour cela que, avant de le mettre aux voix, j'ai attiré l'attention du Sénat sur les conséquences de l'adoption de l'amendement n° 33.
M. Nicolas About. Je retire ce que j'ai dit.
M. le président. Je vous en remercie.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 103, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12.
Par amendement n° 82, M. About propose d'insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 227-23 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :
« ... - Le fait d'inciter, soit par des discours, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image, soit par tout moyen de communication audiovisuelle, à la violence, au crime ou à toute pratique sexuelle commise sur des mineurs de quinze ans est puni d'un an d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende. »
La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Si le code pénal réprime sévèrement toute incitation de mineurs à la débauche, il ne comporte aucune sanction pour réprimer les incitations aux actes pédophiles. Or, s'il est criminel d'abuser sexuellement des mineurs, il est tout autant criminel d'inciter autrui à le faire.
La législation française condamne à un an d'emprisonnement et à 300 000 francs d'amende l'appel à la discrimination, à la violence ou à la haine raciale. S'inspirant de telles sanctions, cet amendement vise donc à instituer une sanction pénale tendant à réprimer toute incitation orale, écrite ou visuelle à commettre des crimes sexuels sur mineurs.
Madame le garde des sceaux, lors de la discussion générale, vous rappeliez l'existence du délit de provocation à l'agression sexuelle prévu à l'article 24 de la loi du 29 juillet 1981. Mais, pour que cette provocation donne lieu à une sanction pénale, il faut qu'il y ait une relation directe entre la provocation et les crimes visés par le code pénal.
Dans le cas de messages à caractère pédophile, il est bien souvent impossible de prouver une telle relation. Pourtant, il suffit de se promener sur Internet pour constater l'inquiétante progression de ce type de messages criminogènes. L'intérêt d'assimiler l'incitation pédophile à la provocation raciale est de réprimer tous les messages, quel que soit leur support, qui feraient l'apologie des pratiques sexuelles commises avec des mineurs, sans qu'il y ait nécessairement provocation directe aux crimes sexuels.
J'ajoute que le délit dont vous parlez réprime la provocation aux agressions sexuelles en général, et non aux agressions commises sur des mineurs en particulier. Or l'incitation aux actes pédophiles constitue, à mon sens, une faute aggravée, puisqu'elle vise des personnes que l'âge rend plus vulnérables, à savoir les enfants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission, bien entendu, partage le sentiment de M. About : l'incitation est condamnable. Je vous renvoie toutefois à ce que j'ai dit tout à l'heure évoquant le grand débat qui a eu lieu voilà quatre ans sur la notion d'instigation.
M. Nicolas About. Il s'agissait de l'incitation à la haine raciale !
M. Charles Jolibois, rapporteur. Quand la preuve des faits, tels que vous les avez définis, est établie,...
M. Nicolas About. Regardez Internet !
M. Charles Jolibois, rapporteur. ... le délit de complicité s'applique.
En outre, aux termes de l'article 23 de la loi de 1881 sur la presse, sont considérés comme complices ceux qui incitent directement à commettre un crime ou un délit, à condition que la provocation ait été suivie des faits, voire d'une tentative de crime.
M. Nicolas About. A condition...
M. Charles Jolibois, rapporteur. Ainsi, un certain nombre de situations sont déjà couvertes et il me paraît difficile d'aller plus loin en retenant la notion d'incitation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Les faits visés par l'amendement n° 82 sont déjà réprimés par l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881.
J'ai toutefois bien compris que le problème posé par M. About concerne la précision et le lien entre l'incitation et l'acte. Nous nous situons là dans une perspective plus vaste, celle de l'adaptation de notre législation compte tenu de l'apparition de nouvelles technologies, parmi lesquelles Internet.
Sachez d'ailleurs que j'ai annoncé hier, dans la communication que j'ai faite au conseil des ministres, l'intention du Gouvernement de revoir l'ensemble de la législation précisément en raison de l'existence de ces nouvelles technologies. Il me paraît préférable d'examiner dans un projet de loi sur Internet quels sont les progrès à accomplir dans notre législation pour tenir compte des faits que vous dénoncez, dont je considère naturellement, comme vous-même, qu'ils sont extrêmement graves et auxquels nous devons tenter de mettre un terme.
Vous avez évoqué, monsieur About, dans votre amendement n° 80 la fixation d'images pornographiques de mineurs à des fins purement privées. Cette pratique tombe sous le coup de l'article 227-22 du code pénal qui réprime l'incitation à la corruption de mineurs.
En conclusion, le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 82.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 82.
M. Nicolas About. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Je conçois qu'un texte sur les techniques modernes de communication soit en préparation. Il est clair cependant que les criminels n'ont jamais craint une répression pénale et tentent depuis longtemps d'utiliser largement les techniques existantes, et je ne pense pas seulement à Internet.
Je persiste à dire que l'article 24 de la loi du 9 juillet 1881 ne protège pas du tout ceux dont je parle. Comme l'ont indiqué à nouveau M. le rapporteur et Mme le garde des sceaux, il faut aujourd'hui que la relation directe soit établie. Or, elle ne peut pas l'être puisque, par nature, il s'agit d'une incitation généralisée, impossible à rattacher à un crime commis.
Il y a là, comme dans le domaine de l'incitation à la haine raciale, un problème à caractère général qu'il nous faut dénoncer, sans quoi cela voudrait dire qu'on est mieux protégé quand on appartient à telle ou telle catégorie d'hommes que lorsqu'on est un enfant. Il faut protéger l'enfant contre les adultes de la même manière qu'il faut protéger les gens contre les abus dans le domaine de la haine raciale.
M. Jean-Pierre Schosteck. Très bien !
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je suis gênée par le libellé : « Le fait d'inciter, soit par des discours, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images, etc., à la violence, au crime ou à toute pratique sexuelle commise sur des mineurs de quinze ans. »
Si je comprends l'objectif poursuivi et si je souscris à la présentation orale que vous faites, mon cher collègue, je suis très réservée et inquiète sur le libellé du texte.
Pour prendre un exemple simple, voulez-vous que l'on retire actuellement des librairies Lolita de Nabokov ? C'est ce à quoi l'on aboutira si on prend votre amendement à la lettre !
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Dans ce domaine évoqué par Mme Dusseau, que M. About prenne garde à la liste des grandes oeuvres littéraires qui tomberaient aisément sous le coup de la loi. Je pense en particulier...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le Blé en herbe !
M. Robert Badinter. ... certes, ou à quelques oeuvres d'André Gide que je ne crois pas qu'on veuille retirer des librairies.
M. Nicolas About. Ou à un certain nombre de peintures, mais il appartiendra d'apprécier !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 82, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Nicolas About. J'aurai essayé ! Maintenant, les gosses se débrouilleront !


Article 13

M. le président. « Art. 13. _ A l'article 227-25, les mots : "deux ans d'emprisonnement et 200 000 F d'amende" sont remplacés par les mots : "cinq ans d'emprisonnement et 500 000 F d'amende". » - ( Adopté. )


Article 14

M. le président. « Art. 14. _ I. _ L'article 222-22 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les agressions sexuelles sont commises à l'étranger contre un mineur par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l'article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas applicables. »
« II. _ Le dernier alinéa de l'article 227-26 du code pénal est supprimé.
« III. _ Il est inséré, après l'article 227-27 du code pénal, un article 227-27-1 ainsi rédigé :
« Art. 227-27-1 . _ Dans le cas où les infractions prévues par les articles 227-22, 227-23 ou 227-25 à 227-27 sont commises à l'étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l'article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas applicables. »
Par amendement n° 34, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose :
« I. Dans le texte présenté par le I de l'article 14 pour compléter l'article 222-22 du code pénal, de supprimer les mots : "ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français".
« II. Dans le texte proposé par le III de l'article 14 pour l'article 227-27-1 du code pénal, de supprimer les mots : "ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Nous abordons maintenant le problème de la répression des agressions sexuelles commises à l'étranger - le tourisme sexuel, pour reprendre le langage commun.
Ce débat très important avait été ouvert - le Sénat voudra bien s'en souvenir - en 1994, lors de la discussion du projet de loi sur la peine incompressible de trente ans, que j'avais eu l'honneur de rapporter. A l'époque, nous avions demandé que cette question ne soit pas examinée à cette occasion, estimant qu'une réflexion plus approfondie était nécessaire.
Le temps ayant creusé son sillon, la commission des lois a examiné la proposition et elle a exprimé son accord - le développement du tourisme sexuel est, en effet, effrayant par certains côtés - sur le fait qu'il soit bien précisé que les délits commis à l'étranger seront réprimés, même lorsque la législation du pays où ils sont commis ne prévoit pas ce type de répression.
Toutefois, la commission des lois a fait remarquer que le désir de réprimer ce genre d'activité coupable a été étendu non seulement aux Français, mais également aux personnes qui résident habituellement en France.
A cet égard, elle a soulevé une objection, dans la mesure où il n'existe pas de définition pénale de la notion de résidence habituelle en France. Par ailleurs, c'est créer une innovation tout à fait particulière, puisque les dispositions générales concernant l'application de la loi pénale française pour les crimes et délits commis à l'étranger, c'est-à-dire les articles 113-6 et 113-7 du code pénal, ne font pas un sort particulier aux personnes résidant habituellement en France.
L'article 14, en visant également ces simples résidents, risques d'entraîner de nombreuses difficultés d'application, s'agissant surtout d'une innovation pénale. En effet, ce renversement de la situation, sans exiger qu'il y ait une loi pénale répressive dans le pays où le fait sera commis, donnera probablement lieu à de nombreuses difficultés en matière d'établissement de la preuve. C'est la raison pour laquelle - ceux qui étaient présents en 1994 s'en souviennent - la commission et son rapporteur, à l'époque, avaient demandé beaucoup de prudence sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, je voudrais intervenir quelque peu longuement sur cet amendement, parce que j'attache une particulière importance au texte présenté par le Gouvernement. J'espère convaincre M. le rapporteur ainsi que le Sénat de la nécessité de maintenir le texte.
Le Gouvernement propose d'étendre la territorialité de la loi française pour les infractions de nature sexuelle commises à l'étranger sur des enfants à l'encontre des étrangers qui résident habituellement en France.
Je crois que c'est là une impérieuse nécessité. Je vais tâcher de vous convaincre en vous donnant un exemple précis. Un groupe de personnes résidant en France a l'habitude de passer ses vacances dans des pays d'Extrême-Orient pour s'y livrer à des faits de tourisme sexuel sur des mineurs. La preuve de ces faits a été rapportée devant les tribunaux. Est-il dès lors normal que ne soient poursuivies et condamnées que les personnes de ce groupe qui sont de nationalité française, et non celles qui sont de nationalité étrangère ?
Ce n'est malheureusement pas un cas d'école. La presse s'est fait l'écho de procès en cours concernant de tels faits. Il a par ailleurs été signalé à la Chancellerie, dans des procédures similaires, le cas d'un ressortissant allemand qui s'est définitivement installé en France et qui commet régulièrement de tels actes depuis plusieurs années. Ces faits ont été démontrés dans la procédure, mais seuls des Français ont été renvoyés devant le tribunal puisque la loi française, en l'état de notre droit, ne s'applique pas à ce ressortissant allemand.
Evidemment, les faits ont été dénoncés aux autorités judiciaires allemandes, mais celles-ci n'y ont pas donné suite parce que des poursuites nécessiteraient une procédure d'extradition.
Si notre loi n'est pas modifiée, cet étranger continuera encore de profiter de la misère des enfants du tiers monde avec la certitude de demeurer impuni.
Je ne voudrais pas que la France devienne ainsi la base arrière des pervers sexuels étrangers, une sorte d'enclave de non-droit leur permettant, entre deux séjours dans des pays où ils peuvent satisfaire leur vice, de se reposer tranquillement.
Une telle situation n'est pas tolérable. C'est pourquoi le Gouvernement, qui s'y est d'ailleurs engagé avec ses partenaires européens, vous demande d'étendre les règles de l'extraterritorialité aux étrangers résidant de manière habituelle sur notre territoire.
Vous objectez, monsieur le rapporteur, que cette notion, nouvelle en droit pénal, serait difficile à appliquer. Je ne crois pas que ce soit exact. La notion de résidence habituelle d'un étranger existe en effet déjà dans notre droit et elle a des conséquences en droit pénal, depuis de longues années d'ailleurs.
Elle apparaît dans l'ordonnance de 1945 sur les étrangers en matière d'interdiction du territoire et elle figure désormais dans l'article 131-30 du nouveau code pénal adopté par le Sénat en juillet 1992 et modifié en août 1993. Un étranger qui réside habituellement en France depuis dix ans ne peut ainsi faire l'objet d'une peine d'interdiction du territoire, sauf décision spécialement motivée de la juridiction.
Ce concept de résidence habituelle n'est donc pas nouveau. C'est certes une question de fait, mais elle n'a, à ma connaissance, jamais soulevé de difficulté particulière d'application.
Il n'y a donc pas, à mes yeux, de raison juridique de refuser cette modification de notre droit. Il existe, au contraire, toutes les raisons, au regard de l'équité, de l'efficacité et de la cohérence de la répression, de suivre le texte du Gouvernement.
Je vous demande en conséquence avec, vous l'avez noté, une particulière conviction de ne pas adopter cet amendement, à moins que mes explications ne conduisent la commission à le retirer.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Madame le garde des sceaux, vos arguments m'ont convaincu. Je crois par ailleurs pouvoir dire, que sur ce banc, ma conviction est partagée. Toutefois, je relève que la notion de « résident habituel » est assez gênante alors que celle de « titulaire d'une carte de séjour » est très claire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour les Allemands, cela n'aurait pas suffit !
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je reconnais tout de même que, devant l'intérêt de cette législation, que nous avons souligné en commission et que j'avais rappelé, en son nom au début de mes explications, il vaut mieux ne pas prendre le plus petit risque et tomber dans l'incohérence, que vous avez signalée, de ces cas où la France deviendrait une base de départ pour des groupes qui comprendraient à la fois des ressortissants et des résidents parmi lesquels seuls les premiers seraient condamnés, tandis que les autres échapperaient à toute sanction uniquement parce qu'ils n'auraient pas la qualité de Français.
A la vérité, il faudra peut-être approfondir notre réflexion sur ce sujet. En particulier, ne faudrait-il pas, par cohérence, avoir le même dispositif en cas de crime ? Mais, pour l'heure, la commission retire son amendement.
M. le président. L'amendement n° 34 est retiré.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Article additionnel après l'article 14

M. le président. Par amendement, n° 73 rectifié, M. Gélard et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 14, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. Il est inséré, après l'article 227-27 du code pénal, un article 227-27-2 ainsi rédigé :
« Art. 227-27-2. - Est punie de 50 000 francs d'amende l'installation ou l'exploitation d'un établissement dont l'activité principale, apparente ou non, est d'offrir à titre gratuit ou onéreux des biens ou services à caractère pornographique dans une zone située à moins de cent mètres d'un établissement d'enseignement maternel, primaire ou secondaire, d'un établissement social, médico-social, d'animation culturelle ou de loisir pour la jeunesse ou d'une aire de jeux accueillant habituellement des mineurs.
« Les établissements offrant à titre gratuit ou onéreux des biens ou services à caractère pornographique, existant avant l'installation de l'un des établissements ou lieux mentionnés à l'alinéa précédant disposent d'un délai d'un an, à compter de cette installation, pour cesser d'offrir ces biens ou services ».
« II. Les établissements offrant à titre gratuit ou onéreux des biens ou services à caractère pornographique, existant avant la date de publication de la présente loi et tombant sous le coup de l'article 227-27-2 du code pénal disposent d'un délai d'un an, à compter de cette date, pour cesser d'offrir ces biens ou services. »
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Je reprends ici un amendement qui a connu un sort malheureux à l'Assemblée nationale, en raison, me semble-t-il, d'une mauvaise entente sur le fond entre son auteur et le Gouvernement.
Il existe actuellement une législation bien connue qui interdit aux débits de boissons de s'implanter à moins de cent mètres d'un établissement scolaire ainsi que, pour mémoire, d'un cimetière ou d'une église. Le but n'est naturellement pas d'interdire les débits de boissons, mais il est d'épargner aux élèves la vue choquante d'un ivrogne sortant d'un tel établissement ou tentant d'y pénétrer.
Il en est de même en ce qui concerne les sex-shops et autres établissements vendant des produits pornographiques. Nous nous trouvons à l'heure actuelle devant un vide juridique à cet égard. Une loi de 1987 prévoit bien une législation concernant les publications interdites à l'affichage et à la vente aux mineurs.
Nous allons examiner, dans la suite de cette discussion, des dispositions analogues en ce qui concerne les supports audiovisuels. Mais il ne faut pas oublier que la pornographie ne se résume pas à de l'écrit ou à de l'audiovisuel. Cela peut être aussi une multitude d'objets mis en exposition, en vitrine, et cela peut être encore des incitations. D'où le dépôt de cet amendement.
Cet amendement a été rectifié pour tenir compte des critiques légitimes de certains de nos collègues qui estimaient qu'une distance de trois cents mètres, comme cela avait été proposé à l'Assemblée nationale, risquait d'aboutir à l'interdiction totale des sex-shops dans un certain nombre de villes. Nous avons, en toute raison, accepté de ramener cette distance à cent mètres.
Notre but n'est naturellement pas d'interdire les sex-shops et autres boutiques spécialisées dans la vente d'objets érotiques ou de livres et de supports audiovisuels ; il est d'éviter que, près des établissements scolaires, ne se rassemblent un certain nombre de personnes qui auraient pour intention non pas de fréquenter l'endroit, mais d'y attirer des jeunes.
C'est la raison pour laquelle sur cet amendement, auquel notre groupe tient particulièrement, je demanderai au Sénat de se prononcer par scrutin public.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. A partir du moment où la distance a été réduite de trois cents mètres à cent mètres et que l'amendement a été rectifié en conséquence, la commission y est favorable.
Je voudrais seulement ajouter à ce qu'a dit l'auteur de cet amendement que nous avons fait un travail complémentaire parce que, en commission - cela mérite d'être porté à la connaissance de nos collègues ici présents - nous nous sommes posé la question de l'accès des mineurs aux sex-shops.
A cet égard, nous avons découvert avec une certaine surprise qu'il n'existait pas de texte interdisant l'accès des mineurs aux sex-shops à la différence de ce qui existe, en vertu du décret du 15 mai 1992, pour l'accès aux salles de cinéma projetant des films X.
Au début, nous faisions un lien entre ce que demandait notre collègue M. Gélard et le problème de l'accès des mineurs. Par conséquent, je pense, madame le garde des sceaux, que cette question, qui peut être réglée par décret, pourrait être revue de manière à mettre en place un dispositif cohérent.
Si cet amendement est intégré dans la loi un jour, il faut évidemment qu'il y ait cohérence des règles applicables quant à l'accès aux lieux et quant au périmètre protégé.
La commission est donc favorable à l'amendement n° 73 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, cet amendement n° 73 rectifié, de même que les amendements n°s 74 et 75, reprend les textes qui avaient été présentés par le précédent gouvernement et qui concernaient les sex-shops.
A la réflexion, ces dispositions paraissent juridiquement inutiles en raison de l'existence de l'article 99 de la loi du 30 juillet 1987 qui réprime de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 francs d'amende « le fait d'établir à moins de cent mètres d'un établissement maternel, primaire ou secondaire, un établissement dont l'activité principale est la vente et la mise à disposition du public de publications dont la vente aux mineurs est prohibée. »
Par conséquent, il me semble que ce texte nous permet déjà de répondre à la préoccupation exprimée par M. Gélard.
M. Alain Gournac. Cela ne suffit pas !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Pour toutes ces raisons, je souhaiterais que le Sénat n'adopte pas l'amendement n° 73 rectifié.
En ce qui concerne la préoccupation relative à l'accès aux sex-shops exprimée par M. le rapporteur, je suis tout à fait disposée, dans le cadre du décret, à examiner ce problème.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 73 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole, contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Qui fait l'ange fait la bête !
M. Charles Jolibois, rapporteur. Qui est l'ange ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je veux dire qu'il faut vouloir ce qu'on ne peut pas empêcher. Or la question qui se pose est de savoir si ce genre d'établissements pousse aux crimes et aux délits que nous voulons tous éviter et réprimer, ou au contraire, il les évite. On peut, - on doit, me semble-t-il - en discuter à l'occasion d'un débat beaucoup plus large que celui-ci.
Il est vrai qu'il existe - j'allais employer le même argument que Mme le garde des sceaux, sans m'être concerté avec elle - cet article 99. Mais me direz-vous peut-être : cet article, qui prévoit une peine non pas de 50 000 francs, comme vous le proposez, mais de 200 000 francs d'amende, ne vise que les publications. Et vous qui avez l'air de bien connaître les sex-shops, mon cher collègue, vous ne pouvez certainement pas citer l'exemple d'un seul d'entre eux qui ne vende pas de publications interdites aux mineurs. C'est évident ! C'est leur fonds de commerce numéro un !
Sans doute y a-t-il d'autres produits. Un article du projet de loi que nous sommes en train d'examiner vise d'ailleurs à en interdire la vente aux mineurs. En prévoyant explicitement les cassettes et les publications, on couvre déjà bon nombre de productions.
Votre amendement tel qu'il nous a été soumis en commission prévoyait par ailleurs trois cents mètres.
M. Patrice Gélard. Ce n'est plus le cas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. A ce moment-là, il présentait une différence importante avec la loi de 1987, qui indique cent mètres.
Le fait que, à la demande de M. le rapporteur, vous ayez ramené cette distance de trois cents mètres à cent mètres, sans, d'ailleurs, me semble-t-il, que M. le rapporteur se soit référé à la loi de 1987, vide votre amendement de sa substance.
Nous devrons revoir tout cela. Vous nous avez donné, à tous, l'occasion d'examiner la législation, et nous constatons qu'aucun texte général n'interdit l'entrée des sex-shops aux mineurs.
M. Charles Jolibois, rapporteur. C'est vrai !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour cela, il faut des arrêtés préfectoraux. Y en a-t-il dans tous les départements ? Je n'en sais rien ! Il nous faudrait, là encore, étudier la question de près.
Je m'étais demandé en commission s'il ne faudrait pas, en tout cas, préserver les droits acquis. Certains m'ont répondu que cela favoriserait par trop ceux qui sont déjà installés en interdisant la concurrence. D'autres m'ont fait remarquer que, sur tel ou tel boulevard de certains quartiers spécialisés de Paris, cela reviendrait à fermer de très nombreux établissements.
Voilà qui mérite en tout cas qu'on étudie la question de manière plus approfondie. Je reverrais aucun inconvénient à ce qu'un texte interdise l'entrée des sex-shops aux mineurs, ce que vous ne demandez d'ailleurs pas.
La disposition que vous proposez n'allant pas assez loin et faisant double emploi avec un texte existant, nous ne voterons pas cet amendement.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Je reconnais, une fois de plus, les talents d'avocat de M. Dreyfus-Schmidt, mais il ne m'a pas convaincu dans ce domaine.
La législation actuellement en vigueur est notoirement insuffisante. Il n'était même pas question jusqu'à présent des cassettes audiovisuelles. Heureusement, nous allons aborder ce sujet. Mais des objets à caractère pornographique et bien d'autres éléments incitant à la pornographie ne sont toujours pas visés.
En fait, le véritable problème n'est pas là. Il convient d'éviter qu'à proximité d'un établissement scolaire ne se trouve un lieu rassemblant éventuellement des pervers et d'autres de ce type. Je ne veux pas dire, loin de moi cette idée, qu'il n'y a que des pervers dans les sex-shops ! Des personnes très bien fréquentent ce type d'établissement, ne serait-ce que pour se cultiver. (Sourires.) Mais il n'empêche que ces établissements peuvent poser problème s'ils se trouvent à proximité d'un établissement scolaire. Telle est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement. Il s'agit du même problème que celui qui se pose pour les cafés.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je constate que mes collègues ont une expérience des sex-shops sur laquelle je ne m'étendrai pas ; c'est le mot d'ailleurs qui convient ! (Nouveaux sourires.)
Si cet amendement était adopté, il aurait pour conséquence, dans un certain nombre de villes, la suppression totale des sex-shops. Sans être spécialement favorable à ces établissements, où je n'ai d'ailleurs jamais mis les pieds, je crois que faire l'amalgame entre sex-shops et la perversion, agression sexuelle ou viol est extrêmement grave.
Je me rappelle le cas d'un pays, pas très loin de nous, qui, dans un temps pas si lointain, avait, au nom de la morale, interdit totalement un certain nombre de magazines, de lieux, etc. et où l'on a assisté, « en compensation », à une importation massive de magazines non-pornographiques présentant des lingeries féminines sur lesquels les hommes se rabattaient, faute d'autre chose. Car, quand on se met à fantasmer, mon cher collègue, on fantasme sur tout !
Nous ne sommes pas là pour réglementer les fantasmes, qui sont d'ailleurs inévitables. Une société sans fantasmes serait singulièrement triste et de surcroît impossible à mettre en oeuvre, l'humain et le fantasme étant heureusement liés.
Quand je lis : « à moins de 100 mètres d'un établissement d'enseignement maternel, primaire ou secondaire », je suis d'accord. C'est la suite qui m'inquiète, à savoir : « d'un établissement social, médico-social, d'animation culturelle ou de loisir pour la jeunesse ou d'une aire de jeux ». Je ne crois pas, en effet, qu'il subsiste dans nos villes un seul endroit ne correspondant pas à ce type de définition !
M. Alain Journac. Il s'agit uniquement des lieux destinés aux enfants.
Mme Joëlle Dusseau. Cet amendement aboutira donc inéluctablement à l'interdiction des sex-shops, ce qui me paraît être une erreur.
M. Nicolas About. Nous pensons à la jeunesse !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 73 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos. (Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 11:

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 316159
Pour l'adoption 219
Contre 97

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 14.

Article 15

M. le président. « Art. 15. -Il est inséré, après l'article 227-28 du code pénal, un article 227-28-1 ainsi rédigé :
« Art. 227-28-1. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des infractions prévues par les articles 227-18 à 227-26.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;
« 2° Les peines mentionnées aux 2°, 3°, 4°, 5°, 7°, 8° et 9° de l'article 131-39.
« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.
« Dans le cas prévu par le 4° de l'article 227-26, la peine mentionnée au 1° de l'article 131-39 est également encourue. »
Par amendement n° 74, M. Gélard et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent de compléter in fine le premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 227-28-1 du code pénal par la référence : « et 227-27-2 ».
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Il s'agit simplement d'un amendement de coordination avec le précédent.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. En fait, cet amendement n'est pas tout à fait de coordination. Il prévoit la responsabilité pénale des personnes morales pour l'installation de sex-shops près d'un établissement pour mineurs.
Néanmoins, nous y sommes favorables.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 74.
M. Robert Badinter. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Mes chers collègues, véritablement je ne suis pas sûr qu'on ait mesuré la portée de ce qu'on est en train de faire ! Je n'ose penser aux malheureux collègues professeurs de droit qui auront à présenter à leurs étudiants ce texte concernant finalement la suppression pure et simple, par une voie détournée, des sex-shops !
En commission des lois, nous avons essayé de mesurer ce que représentait un périmètre de trois cents mètres. Nous sommes arrivés à vingt-sept hectares, je crois.
Nous nous sommes dits que ce n'était pas possible ! Si nous prenons la carte d'une ville et que nous traçons un périmètre d'un tel rayon autour de chaque établissement, nous couvrons toute la ville !
Cet amendement ne vise pas seulement, je le rappelle, des établissements d'enseignement maternel, primaire ou secondaire. Ceux-ci sont en effet couverts par le texte actuel, puisque les sex-shops vendent tous, nous le savons, des revues pornographiques. Il vise également tout ce dont parlait Mme Dusseau, à savoir : les établissements sociaux, médico-sociaux, d'animation culturelle ou de loisir pour la jeunesse, les aires de jeux. Cent mètres autour de chacun de ces établissements, c'est toute la périphérie qui est concernée !
Par conséquent, ce que vous faites en cet instant, par une voie détournée, c'est supprimer purement et simplement les sex-shops. Doit-on ou non les supprimer ? En cette fin de siècle, vous allez expliquer que l'installation ou exploitation d'un tel établissement devient une infraction pénale punie de 50 000 francs d'amende ? Non !
En ce qui me concerne, je m'opposerai à cet amendement de coordination. Ce n'est pas, dans un débat de cette importance, ce dont on devrait sérieusement débattre !
M. Emmanuel Hamel. Il faut pourtant en débattre !
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Je voudrais répondre à M. Badinter. Cela ne fait pas vingt-sept hectares ! Cela ne ferait que trois hectares pour cent mètres. Mais ce n'est pas ainsi qu'il faut compter. Ces cent mètres doivent être calculés de façon linéaire à partir de la porte de l'établissement. Cela ne représente plus du tout trois hectares ! Cela ne concerne que la distance que l'enfant va parcourir de la sortie de l'école jusqu'à sa station d'autobus ou autres.
On peut donc parfaitement installer des sex-shops, puisqu'il s'agit non pas d'un rayon, mais d'une distance.
Mme Joëlle Dusseau. Qu'est-ce que c'est qu'une distance ?
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je ne sais pas si nous allons voter cette disposition. Personnellement, pour suivre ma commission, je me suis abstenu, car je considère que ce texte sera strictement inapplicable. En effet, en un an, on ne va pas supprimer tous les sex-shops mal placés.
Je m'étonne d'ailleurs qu'on ait oublié de citer certaines localisations, comme les églises, les temples ou encore les synagogues.
Mme Joëlle Dusseau. On peut les rajouter !
M. le président. On ne peut pas réécrire un amendement qui a déjà été voté !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je m'abstiendrai donc sur cet amendement qui, encore une fois, est inapplicable.
M. Patrice Gélard. On aura posé le problème !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. On aura posé le problème mais, je le répète, le texte sera inapplicable.
En revanche, il se pose un véritable problème : celui de l'accès aux sex-shops. Là, c'est très simple, nous n'avons qu'à dire que les mineurs ne peuvent y avoir accès.
Pour les cinémas, on l'a prévu et c'est bien appliqué. Un mineur ne peut pas entrer, même accompagné, dans une salle de cinéma qui projette un film classé X.
C'est une mesure de réglementation morale qui est normale. C'est cela qu'on aurait dû faire, et c'est à cela qu'on viendra d'ailleurs lorsqu'on s'apercevra que les sex-shops demeurent.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 74, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 15, ainsi modifié.

(L'article 15 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, Mme le ministre m'ayant fait savoir qu'elle devait être présente à la Chancellerie à treize heures, il convient d'interrompre maintenant nos travaux.
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. La commission des finances, qui s'est réunie ce matin, doit à nouveau se réunir dès quatorze heures trente pour écouter M. le président de la Cour des comptes. Une fois de plus, les membres de cette commission ne pourront assister au débat, ce que nous regrettons. Je tenais à le dire.
M. le président. Il y aura bien un représentant de la commission des finances pour donner son avis au cas où l'article 40 de la Constitution serait invoqué, ce qui ne me semble d'ailleurs improbable !
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles, ainsi qu'à la protection des mineurs victimes.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen des amendements tendant à insérer un article additionnel après l'article 15.

Article additionnel après l'article 15

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 83 est présenté par M. About.
L'amendement n° 100 est présenté par MM. Darniche, Berchet, Durand-Chastel, Foy, Habert, Maman et Moinard.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 15, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 227-28 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art... - Les prestataires de services privés ou publics sur réseaux télématiques ou Internet qui hébergent des serveurs ou sites transmettant une image ou représentation de nature pornographique d'un mineur ou tendant à inciter des personnes à commettre les délits prévus aux articles 225-7 à 225-12 et 227-25 à 227-27 sont punis de 500 000 F d'amende. »
La parole est à M. About, pour présenter l'amendement n° 83.
M. Nicolas About. Les réseaux télématiques et Internet sont parfois utilisés par des délinquants et des criminels qui peuvent, par ce biais, établir des réseaux de pédophilie ou de proxénétisme. Le Minitel et Internet ne sont pas la cause de la délinquance et de la criminalité, mais peuvent en être les moyens.
S'il faut prendre garde à ne pas attenter aux libertés privées en voulant réprimer ces délits, il convient toutefois de contrôler les échanges et communications publics. C'est ce à quoi vise cet amendement, en proposant de rendre pénalement responsables les prestataires de services privés - entreprises, associations, etc. - ou publics - universités - du contenu des sites Web ou des serveurs Minitel qu'ils hébergent.
Bien entendu, je ne vise pas ici les fournisseurs d'accès chez qui transitent seulement, sans contrôle possible, un certain nombre d'informations.
Mon amendement tend donc à obtenir le contrôle du contenu des sites hébergés par des prestataires français. De même que si nous, sénateurs, nous souhaitons avoir un site et le raccrocher à celui du Sénat, ce dernier vérifiera les informations que nous y ferons figurer, de la même façon chaque prestataire de service qui héberge un site peut être, comme un rédacteur en chef ou un directeur de journal, responsable de ce qu'il va diffuser à partir de son site.
Bien entendu, l'accès aux sites étrangers ne pourra être contrôlé, mais je pense que le vote de cet amendement permettra de faire un premier pas dans le contrôle des réseaux consitués grâce aux nouveaux modes de communication et de donner le ton sans attendre que la Cour suprême des Etats-Unis gère tout en ce domaine.
M. le président. L'amendement n° 100 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 83 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Nous retrouvons le problème soulevé par l'expression « tendant à inciter ». Je ne reprendrai pas le raisonnement qui a déjà été développé à cet égard et qui justifie l'avis défavorable de la commission sur cet amendement qui concerne la sanction des prestataires de services télématiques ou Internet hébergeant des serveurs transmettant des images de pédophilie ou tendant à inciter des personnes à commettre des actes de caractère pédophile. En la matière, nous nous trouvons devant un difficile problème de preuve, problème qui est, hélas consubstantiel au réseau Internet.
Si la preuve est apportée, de toute façon le prestataire tombe sous le coup de la complicité. C'est la raison pour laquelle la commission a déposé un amendement tendant à favoriser l'établissement de la preuve de complicité des offreurs de sites. Il s'agit de l'amendement n° 57, que nous examinerons tout à l'heure.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le problème soulevé par M. About est un vrai problème.
Il est exact qu'Internet représente un formidable espace de liberté, mais son existence pose de redoutables problèmes nouveaux. A la question : notre droit est-il actuellement adapté ? je répondrai : non, évidemment.
Cela étant, il existe d'ores et déjà de nombreuses dispositions applicables en la matière ; je pense en particulier aux textes qui répriment les messages à caractère pornographique ou pédophile. Par ailleurs, le présent projet de loi institue des circonstances aggravantes liées à l'utilisation d'Internet.
On peut dire que, pour l'essentiel, nous sommes en mesure de lutter contre ce type d'infraction. Demeure cependant, en particulier, le problème de la détermination des personnes pénalement responsables. Comment réussir à identifier précisément l'auteur des infractions commises sur Internet, notamment lorsque les messages délictueux sont d'origine étrangère ?
Il nous faut donc, à l'évidence, développer l'entraide internationale dans ce domaine. C'est pourquoi j'ai demandé que ce sujet soit inscrit à l'ordre du jour d'une prochaine réunion européenne des ministres de la justice et de l'intérieur, ainsi, d'ailleurs, qu'à celui d'une réunion dont ma collègue américaine, Mme Reno, a pris l'initiative et qui se tiendra aux Etats-Unis au mois de décembre.
En tout cas, monsieur About, je suis tout à fait d'accord avec vous : il ne saurait être question de laisser cette activité se développer sans aucune espèce de régulation et sans qu'elle fasse l'objet d'une entente internationale.
Parce que c'est une question à la fois très importante et très complexe, une réflexion approfondie est actuellement en cours. Voilà quelques semaines, j'ai saisi Mme Trautmann, ministre de la culture et de la communication, pour lui faire part de certaines pistes de réforme sur lesquelles la Chancellerie a déjà réfléchi. Par ailleurs, M. le Premier ministre vient de confier au Conseil d'Etat une mission de réflexion sur le sujet. En outre, un groupe de travail interministériel - subdivisé en trois sous-groupes respectivement chargés du commerce électronique, de la propriété intellectuelle et des libertés publiques - se met en place et doit proposer au Gouvernemen les solutions concrètes les plus efficaces.
Dans ces conditions, il me paraît préférable de ne pas légiférer dans l'urgence, avant d'être sûr de pouvoir embrasser cette question dans toute sa complexité, dans toute son ampleur. C'est la raison pour laquelle, monsieur About, je ne suis pas favorable à votre amendement n° 83, tout en reconnaissant la réalité du problème que vous soulevez.
Dans la mesure où nous avons d'ores et déjà pris, dans ce projet de loi, certaines précautions pour nous permettre d'être plus efficaces, je souhaiterais que vous vouliez bien consentir à retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur About, maintenez-vous l'amendement n° 83 ?
M. Nicolas About. Je prends acte, madame le garde des sceaux, du fait que les Français et les Européens vont débattre de ce sujet sans être à la traîne des Américains.
Il s'agit d'une question très importante et je ne voudrais pas donner l'impression d'offrir une solution bâclée en la traitant dans l'urgence. Dès lors qu'il est clair que le Parlement français n'est pas opposé à des mesures de ce genre, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 83 est retiré.

Article 16

M. le président. « Art. 16. - L'article 227-29 du code pénal est complété par un 5° et un 6° ainsi rédigés :
« 5° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ;
« 6° L'interdiction, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs. » - (Adopté.)

Article additionnel après l'article 16

M. le président. Par amendement n° 75 rectifié, M. Gélard et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 16, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article 227-30 du code pénal, un article 227-31 ainsi rédigé :
« Art. 227-31. - Les personnes physiques coupables de l'infraction prévue par l'article 227-27-2 encourent également la peine de fermeture, pour une durée de cinq ans au plus, de l'un, de plusieurs ou de l'ensemble des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre l'infraction. »
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Cet amendement constitue la suite logique de l'amendement n° 73 rectifié. Il prévoit une peine complémentaire pour les personnes physiques qui n'auraient pas respecté les dispositions de l'article 227-27-2, telles que nous les avons votées ce matin.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. En cohérence avec la position que j'ai prise sur les amendements n°s 73 rectifié et 74, j'émets un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 75 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 16.

Article 17

M. le président. « Art. 17. - Il est inséré, après l'article 450-3 du code pénal, un article 450-4 ainsi rédigé :
« Art. 450-4. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, de l'infraction prévue par l'article 450-1.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;
« 2° Les peines mentionnées à l'article 131-39.
« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. » - (Adopté.)

Chapitre II

Dispositions modifiant le code de procédure pénale
et concernant la protection des victimes

Article 18 A

M. le président. « Art. 18 A. - Dans la deuxième phrase de l'article 2-2 du code de procédure pénale, après les mots : "si celle-ci est mineure" sont insérés les mots : "et n'est pas en état de le donner". »
Par amendement n° 77, le Gouvernement propose de supprimer cet article.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. L'article 18 A, qui résulte d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale, modifie l'article 2-2 du code de procédure pénale, relatif à la constitution de partie civile des associations de lutte contre les violences sexuelles familiales, afin de permettre à ces associations d'agir en justice avec l'accord de la victime mineure, si elle est en état de donner son consentement.
Actuellement, si la victime est mineure, ce consentement doit être celui de la personne titulaire de l'autorité parentale ou de son représentant légal.
Cette modification paraît toutefois injustifiée, car elle remet en cause les fondements mêmes du droit civil des mineurs, qui sont juridiquement « incapables », cette incapacité ayant été édictée dans leur propre intérêt, afin d'assurer leur protection. Cette incapacité concerne tous les actes juridiques pour lesquels ils doivent être représentés par leur représentant légal.
En outre, si cette modification était adoptée, il en résulterait que des mineurs pourraient faire l'objet de pressions de la part de certaines associations, désireuses d'obtenir leur accord pour intervenir dans une procédure déjà ouverte, ou même pour déclencher des poursuites, alors que cette intervention ou cette action ne serait pas nécessairement dans l'intérêt du mineur. On peut, par exemple, songer à un contentieux familial de divorce dans lequel l'un des époux se sert de l'enfant contre l'autre.
Par ailleurs, d'importantes difficultés juridiques pourront naître s'il est contesté que le mineur était ou non « en état » de donner son consentement.
La situation est totalement différente de celle qui est visée par l'article 19 du projet, qui prévoit, dans le nouvel article 706-53 du code de procédure pénale, l'accord du mineur pour que son audition fasse l'objet d'un enregistrement audiovisuel, car il ne s'agit pas là d'un problème de capacité juridique pour agir en justice.
Dans le cas de l'article 2-2 du code de procédure pénale, seule une personne juridiquement capable peut autoriser une association à se constituer partie civile par dérogation à l'article 2 du même code, qui exige un préjudice direct et personnel.
Si l'infraction a été commise par les parents du mineur, ou si ces derniers sont en conflit d'intérêts avec leur enfant, ou s'ils se désintéressent de lui, un administrateur ad hoc sera désigné par la justice : c'est à lui qu'il appartiendra de donner ce consentement.
C'est pourquoi le Gouvernement propose de supprimer l'article 18 A.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission émet un avis favorable dans la mesure où l'article 18 A permet aux associations d'agir en justice pour violences sur mineur sans l'accord du représentant légal.
Si ce texte était maintenu, il poserait de graves problèmes pratiques. Comme l'a très justement rappelé Mme le garde des sceaux, des situations particulièrement complexes peuvent se présenter. C'est pourquoi il vaut mieux exiger l'accord du représentant légal.
De plus, si l'infraction a été commise par les parents, ceux-ci sont automatiquement dessaisis au profit d'un administrateur ad hoc . Il n'y a donc plus de risque de conflit d'intérêts.
Dès lors, la suppression de l'article 18 A apparaît tout à fait souhaitable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?....
Je mets aux voix l'amendement n° 77, accepté par la commission.

(l'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 18 A est supprimé.


Article 18

M. le président. « Art. 18. _ I. _ A l'article 2-3 du code de procédure pénale, il est ajouté, après les mots : "de défendre ou d'assister l'enfance martyrisée", les mots : "ou les mineurs victimes d'atteintes sexuelles".
« II. _ Il est inséré, après l'article 2-15 du code de procédure pénale, un article 2-16 ainsi rédigé :
« Art. 2-16 . _ Les associations familiales telles que définies par l'article 1er du code de la famille et de l'aide sociale régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits peuvent exercer, devant toutes les juridictions, les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant atteinte à la dignité de la personne ou mettant en péril les mineurs.
« Toutefois, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de la victime ou, si celle-ci est mineure, celui du titulaire de l'exercice de l'autorité parentale ou du représentant légal lorsque ceux-ci ne sont pas impliqués dans les faits incriminés. Cette condition n'est pas applicable lorsque la ou les victimes ne sont pas désignées. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 35, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose :
« I. - De supprimer le paragraphe II de cet article.
« II. - En conséquence, au début de cet article, de supprimer la référence : "I. -". »
Par amendement n° 88 rectifié, MM. Gournac et Gélard proposent de rédiger comme suit le texte présenté par le paragraphe II de l'article 18 pour l'article 2-16 à insérer dans le code de procédure pénale :
« Art. 2-16. - Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts d'assister et de défendre l'enfant victime de toutes formes de mise en péril, de violences physiques, morales, sexuelles, peut exercer les droits reconnus à la partie civile lorsqu'une personne, mineure au moment des faits, est ou a été l'objet d'atteintes ou de tentatives d'atteintes à la personne humaine, telles que visées au titre II du livre deuxième du nouveau code pénal. »
Par amendement n° 92, Mme Dusseau propose de compléter, in fine , cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article 2-16 du code de procédure pénale, un article ainsi rédigé :
« Art... - Les associations de défense des droits de l'homme régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits peuvent exercer, devant toutes les juridictions, les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant atteinte à la dignité de la personne humaine lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire, éducatif, sportif, militaire, professionnel ou associatif. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 35.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la disposition relative au droit, pour les associations familiales, de se constituer partie civile pour des faits portant atteinte à la dignité de la personne.
Bien sûr, la commission n'ignore rien du rôle extrêmement important que jouent les associations familiales, auxquelles elle rend hommage. Cependant, nous avons, dans ce texte, reconnu le droit de constitution de partie civile pour les associations spécialisées. Il ne faudrait pas que, dans de telles affaires, on assiste à une multiplication des parties civiles et aux débordements qui pourraient en découler.
C'est la raison pour laquelle la commission propose la suppression du paragraphe II de l'article 18.
M. le président. La parole est à M. Gélard, pour défendre l'amendement n° 88 rectifié.
M. Patrice Gélard. Cet amendement vise à permettre aux associations déclarées depuis au moins cinq ans de se constituer partie civile pour aider les victimes d'agressions sexuelles, en conformité avec l'article 2-2 du code de procédure pénale.
L'article 2-2 du code de procédure pénale a été modifié pour permettre aux associations déclarées depuis au moins cinq ans ayant pour objet statutaire « la lutte contre le proxénétisme » et la « défense des droits de la femme » de se constituer partie civile pour aider les victimes d'agressions sexuelles.
Dans le même temps, l'article 2-3 du code de procédure pénale a permis aux associations déclarées depuis au moins cinq ans ayant pour objet « de défendre ou d'assister l'enfance martyrisée » de se constituer partie civile pour des délits ou crimes limitativement énumérés.
Avec cet amendement, il s'agit d'en finir avec une pratique de certains magistrats tendant à rejeter les constitutions de partie civile d'associations répondant aux conditions de l'article 2-3 du code de procédure pénale au motif qu'elles devraient avoir recueilli l'accord de la victime prévu à l'article 2-2 dudit code. Cela revient à neutraliser l'esprit de la loi, qui était bien de distinguer selon l'objet de l'association.
Par ailleurs, il conviendrait d'élargir le champ d'application de l'article 2-3 du code de procédure pénale, afin de permettre de défendre l'enfant victime dès lors qu'il est atteint dans son intégrité physique ou morale et quelle que soit la forme de cette atteinte.
De ce point de vue, l'article 2-16 du code de procédure pénale, introduit par l'Assemblée nationale, ne semble pas offrir les avancées nécessaires. En effet, s'il prend en compte l'ensemble des faits portant atteinte à la dignité de la personne ou mettant en péril des mineurs, il prévoit que l'association doit demander l'autorisation de ce mineur pour se porter partie civile.
Cette condition paraît particulièrement restrictive : certaines atteintes portent sur de très jeunes enfants, voire sur des nourrissons. Les situations d'atteinte aux mineurs sont très difficilement ressenties par l'entourage de la victime, et il n'est pas certain que celui-ci ait toujours le courage de s'engager dans un procès.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau, pour présenter l'amendement n° 92.
Mme Joëlle Dusseau. Cet amendement tend à donner le droit de constitution de partie civile aux associations de défense des droits de l'homme régulièrement déclarées, en ce qui concerne les faits portant atteinte à la dignité de la personne humaine, lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire, éducatif, sportif, militaire, professionnel ou associatif.
Il s'agit de combler une carence de la loi dans la mesure où, trop souvent, les intéressés eux-mêmes et leurs parents sont enclins, pour différentes raisons bien compréhensibles, à renoncer à porter plainte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 88 rectifié et 92 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission a déjà exprimé son sentiment en présentant l'amendement n° 35 : elle souhaite supprimer la possibilité pour de trop nombreuses associations de se constituer partie civile.
Le rôle bienfaisant de ces associations n'est pas nié, mais leur vocation à apporter secours et conseil ne suffit pas à justifier qu'elles soient parties civiles.
N'oublions pas que le parquet est là et qu'il représente l'intérêt général.
Déjà, les associations spécialisées dans la défense des mineurs ont le droit d'intervenir ; déjà, et par essence, la justice est lourde et l'on se plaint souvent de sa lenteur. On ne se rend pas assez compte des incidences d'une ouverture trop large aux associations de la possibilité de se constituer parties civiles.
Puisque le Sénat a adopté l'amendement n° 77 du Gouvernement visant à la suppression de l'article additionnel 18 A qui permettait aux associations de se constituer partie civile, à l'évidence, il ne devrait pas être favorable à une nouvelle extension de leur rôle, les autorisant d'ailleurs à se constituer partie civile sans l'autorisation de la personne titulaire de l'autorité parentale ou du représentant légal.
Cela va encore plus loin, compte tenu de la présence, en vertu d'une disposition de ce nouveau texte, d'un tuteur ad hoc , présence d'ailleurs élargie par la commission, vous le verrez tout à l'heure, puisqu'il interviendrait dès l'enquête.
La commission est donc défavorable aux amendements n°s 88 rectifié et 92.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Nous sommes confrontés à une multiplication des interventions des associations de toute nature, et pas seulement dans le domaine qui nous occupe aujourd'hui.
Nous sommes soucieux d'accélérer le cours de la justice et nous allons nous efforcer d'y parvenir.
Or, nous savons bien que chaque intervention d'une association provoque un ralentissement du débat très souvent inutile puisque l'on se contente de répéter très exactement les mêmes choses.
Je crois qu'il s'agit là d'un problème d'ensemble : c'est tellement vrai que, dans le cadre de l'office d'évaluation de la législation, nous avons confié à un membre de l'Assemblée nationale le soin d'examiner ce sujet dans sa globalité pour essayer d'y voir un peu plus clair.
Je suis sûr que nous allons découvrir que de nombreuses associations ont le droit d'intervenir dans les domaines les plus multiples sans autre résultat que de ralentir le cours du procès de faire parler d'elles - ce qui est peut-être l'un de leurs objectifs principaux - et de poser le problème des dommages et intérêts.
Il faut savoir ce que l'on veut : s'il s'agit de réformer le cours de la justice, gardons-nous de prendre des mesures qui ont pour objet d'en ralentir le fonctionnement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je suis également persuadée de la très grande importance du rôle joué par les associations. Elles ont prouvé leur utilité, notamment en nous aidant à élaborer ce projet de loi. Toutefois, j'invite à la prudence : en leur ouvrant la possibilité de se constituer parties civiles, on risque d'aboutir à leur foisonnement à l'audience, ce qui ralentirait le cours de la justice.
Je partage donc l'analyse de M. le rapporteur et, si je suis favorable à l'amendement n° 35, je suis défavorable aux amendements n°s 88 rectifié et 92.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 35, accepté par le Gouvernenemt.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 88 rectifié et 92 n'ont plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18, ainsi modifié.

(L'article 18 est adopté.)


Article additionnel après l'article 18

M. le président. Par amendement n° 1, M. Jean-Paul Hugot propose d'insérer, après l'article 18, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa de l'article 7 du code de procédure pénale, les mots : "par dix années révolues" sont remplacés par les mots : "par trente années révolues".
« Dans le deuxième alinéa du même article, les mots : "qu'après dix années révolues" sont remplacés par les mots : "qu'après trente années révolues". »
L'amendement est-il soutenu ?...


Article 18
bis

M. le président. « Art. 18 bis . _ Le dernier alinéa de l'article 7 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Le délai de prescription des crimes commis contre des mineurs prévus et réprimés par les articles 222-1 à 222-5, 222-10, 222-14 et 222-23 à 222-26 du code pénal ne commence à courir qu'à partir de la majorité de ces derniers. »
Par amendement n° 36, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose, dans le texte présenté par cet article pour le dernier alinéa de l'article 7 du code de procédure pénale, après les mots : « délai de prescription », d'insérer les mots : « de l'action publique ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. C'est un amendement de simple précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 36, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 37, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose, dans le texte présenté par l'article 18 bis pour le dernier alinéa de l'article 7 du code de procédure pénale, de supprimer les mots : « prévus et réprimés par les articles 221-1 à 222-5, 222-10, 222-14 et 222-23 à 222-36 du code pénal ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. C'est un amendement simple, mais très important. Il s'agit, en effet, d'étendre à tous les crimes contre les mineurs la règle selon laquelle le délai de prescription ne commence à courir qu'à la majorité de la victime. On ne voit pas pourquoi certains crimes, par hypothèse gravissimes, tels que la tentative d'assassinat, en seraient exclus.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement avait prévu dans son projet initial des prescriptions différées pour certains crimes, mais pour certains seulement. Toutefois, il est vrai que l'article 7 du code de procédure pénale concerne tous les crimes à condition qu'ils soient commis par des personnes ayant autorité sur les mineurs.
Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 37, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'article 18 bis, modifié.

(L'article 18 bis est adopté.)

Article 18 ter

M. le président. « Art. 18 ter . - Le dernier alinéa de l'article 8 du code de procédure pénale est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le délai de prescription des délits commis contre des mineurs prévus et réprimés par les articles 222-9, 222-11 à 222-15, 222-27 à 222-30, 225-7, 227-22 et 227-25 à 227-27 du code pénal ne commence à courir qu'à partir de la majorité de ces derniers.
« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, le délai de prescription est de dix ans lorsque la victime est mineure et qu'il s'agit de l'un des délits prévus aux articles 222-30 et 227-26 du code pénal. »
Par amendement n° 38, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par cet article pour remplacer le dernier alinéa de l'article 8 du code de procédure pénale, après les mots : « délai de prescription », d'insérer les mots : « de l'action publique ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. C'est un amendement de conséquence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 38, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
Le premier, n° 39, est présenté par M. Jolibois, au nom de la commission des lois.
Le second, n° 63, est déposé par M. Hyest.
Tous deux tendent à supprimer le dernier alinéa de l'article 18 ter .
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 39.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'amendement n° 39 vise à supprimer le dernier alinéa de l'article 18 ter, car il n'est pas opportun de porter à dix ans le délai de prescription de l'action publique pour certains délits.
M. le président. L'amendement n° 63 est-il soutenu ? ...
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 39 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. L'avis du Gouvernement est défavorable puisque c'est une disposition du projet de loi que nous estimons extrêmement importante et qui vise à porter de trois à dix ans le délai de prescription de certaines agressions ou atteintes sexuelles particulièrement graves commises sur les mineurs.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je vous demande de m'excuser, mais je ne m'attendais pas à une réponse aussi forte et aussi brève.
La différence porte sur la hiérarchie des prescriptions. Nous voulons, certes, en rester au délai de prescription de trois ans mais n'oublions pas qu'il s'agit de trois ans à partir de la majorité. Par conséquent, il n'y a pas lieu, nous semble-t-il, de modifier la règle des trois-dix ans, si nous ne voulons pas bousculer la hiérarchie établie par le code de procédure pénale et le code pénal.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 39.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Il est un certain nombre de délits sexuels sur mineurs qui sont extrêmement traumatisants et quelquefois - assez souvent même - un délai de trois ans après la majorité ne suffit pas à la victime pour être capable de s'exprimer sur des actes qui pour n'être que des délits aux yeux de la loi n'en sont pas moins abominables.
J'ai connu très récemment un cas - il s'agissait d'un crime et non d'un délit - où le délai de dix ans, hélas ! n'a pas suffi. Deux soeurs avaient été forcées à des relations sexuelles par leur oncle quand elles étaient petites filles, pendant le même laps de temps ; si la plus jeune a pu porter plainte et donc, d'une certaine façon, libérer sa parole, l'autre n'a pas pu le faire, simplement parce que le délai de dix ans était écoulé.
Je ne suis pas favorable à l'élargissement du délai de dix ans, mais, trois ans, c'est très peu lorsqu'il s'agit d'enfants choqués par de graves sévices subis à l'âge de cinq, de six ou de sept ans.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 39, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18 ter, modifié.

(L'article 18 ter est adopté.)


Article 18
quater

M. le président. « Art. 18 quater . - Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale, après les mots : "Il avise", sont insérés les mots : "par écrit". »
Par amendement n° 40, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'obligation d'informer par écrit le plaignant d'un classement sans suite constitue une proposition extrêmement intéressante, mais la commission souhaiterait que cette affaire fasse l'objet d'un traitement d'ensemble.
Il s'agit en effet d'un des points fondamentaux de la réforme du parquet, réforme dont l'éventualité semble de plus en plus grande si l'on s'en tient aux déclarations que nous entendons. Il serait dommage de ne traiter aujourd'hui qu'un petit morceau de l'ensemble.
La commission souhaite donc la suppression de l'article 18 quater.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. L'avis du Gouvernement est favorable. J'avais d'ailleurs exprimé la même opinion à l'Assemblée nationale. Il est vrai que la question de la motivation est très importante, mais je préfère qu'elle soit traitée dans le cadre d'une réforme globale.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 18 quater est supprimé.


Article 18
quinquies

M. le président. « Art. 18 quinquies . - Le premier alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsqu'il s'agit de faits commis contre un mineur et prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal, l'avis de classement doit être motivé. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 41, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 125, M. Autain, Mme Dieulangard, M. Mazars et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le texte présenté par l'article 18 quinquies pour compléter le premier alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale, de supprimer les mots : « commis contre les mineurs ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 41.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement suit la même logique que l'amendement n° 40, mais appliquée à l'obligation de motiver un classement sans suite en matière d'infraction sexuelle.
M. le président. La parole est à M. Autain, pour présenter l'amendement n° 125.
M. François Autain. La proposition de M. le rapporteur, qui vise à la suppression de l'article 18 quinquies, me met un peu dans l'embarras, car mon amendement visait à améliorer cette disposition.
En effet, dans la mesure où l'on prévoyait la motivation des classements sans suite des affaires concernant des mineurs, je m'étonnais qu'on ne prévoit pas la même obligation en faveur des adultes.
Cette mesure devrait d'ailleurs être étendue à toutes les affaires classées sans suite. Cela poserait sans doute des problèmes techniques que je ne sous-estime pas. Toutefois, l'indépendance de facto dont peuvent désormais se prévaloir les procureurs, puisqu'ils ne recevront plus du garde des sceaux d'instructions dans les affaires individuelles, ne leur donne-t-elle pas de nouveaux devoirs, de nouvelles responsabilités envers les justiciables ?
Dès lors, pourquoi se limiter aux délits sexuels, ou aux délits sexuels à l'égard des seuls mineurs, et ne pas l'étendre à l'ensemble des classements sans suite ?
Je ne pense pas qu'en adoptant l'article 18 quinquies nous anticiperions la réforme qui a été présentée hier en conseil des ministres, puisque Mme le garde des sceaux a déjà commencé à l'appliquer, comme elle l'a indiqué à plusieurs reprises.
Par conséquent, je pense que supprimer cet article, c'est ou trop ou trop peu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 125 ? M. Charles Jolibois, rapporteur. J'ai bien compris la position de M. Autain, mais la commission maintient son avis et sa logique : il est préférable d'examiner ces problèmes dans le cadre de la réforme d'ensemble du parquet.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 125.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 41 et 125 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Conformément à ce que j'ai indiqué tout à l'heure, j'émets un avis favorable sur l'amendement n° 41 et un avis défavorable sur l'amendement n° 125.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 41, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 18 quinquies est supprimé et l'amendement n° 125 n'a plus d'objet.

Article 19

M. le président. « Art. 19. _ Il est créé, au livre IV du code de procédure pénale, un titre XIX ainsi rédigé :

« TITRE XIX

« DE LA PROCÉDURE APPLICABLE
« AUX INFRACTIONS DE NATURE SEXUELLE
« ET DU STATUT DES MINEURS VICTIMES

« Art. 706-47 . _ Lorsque la victime est mineure, le délai de prescription des crimes et des délits est celui fixé par les articles 7 et 8. »
« Art. 706-48 . _ Les personnes poursuivies pour le meurtre ou l'assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie ou pour l'une des infractions visées aux articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal doivent être soumises, avant tout jugement sur le fond, à une expertise médicale.
« Cette expertise peut être ordonnée dès le stade de l'enquête par le procureur de la République. L'expert doit être interrogé sur l'opportunité d'une injonction de soins dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire.
« Cette expertise est communiquée à l'administration pénitentiaire en cas de condamnation à une peine d'emprisonnement, afin de faciliter le suivi médical et psychologique en détention prévu par l'article 718. »
« Art. 706-49 . _ Les mineurs victimes de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-48 doivent faire l'objet d'une expertise médico-psychologique destinée à apprécier la nature et l'importance du préjudice subi et à établir si celui-ci rend nécessaire des traitements ou des soins appropriés. Par ordonnance motivée, le juge d'instruction peut toutefois décider qu'il n'y a pas lieu de prescrire cette expertise.
« Une telle expertise peut être ordonnée dès le stade de l'enquête par le procureur de la République. »
« Art. 706-50 . _ Dès le début de l'enquête, si le mineur victime de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-48 ne fait pas déjà l'objet d'une procédure d'assistance éducative, le procureur de la République apprécie l'opportunité de requérir du juge des enfants l'application des articles 375 et suivants du code civil. Lorsque le juge des enfants est déjà saisi, le procureur de la République ou le juge d'instruction l'informe sans délai de l'existence d'une procédure concernant le mineur victime. Dans tous les cas, dès lors qu'une procédure d'assistance éducative a été ouverte, le procureur de la République ou le juge d'instruction communique au juge des enfants saisi toutes pièces utiles, notamment l'expertise médico-psychologique prévue par l'article 706-49, afin de permettre à ce dernier de s'assurer que le mineur fait l'objet, pendant la durée nécessaire, des soins justifiés par son état. »
« Art. 706-51 . _ Lorsque la protection des intérêts du mineur victime n'est pas complètement assurée par ses représentants légaux ou par l'un d'entre eux, le juge d'instruction, saisi de faits commis volontairement à l'encontre d'un enfant mineur, procède à la désignation d'un administrateur ad hoc pour exercer, s'il y a lieu, au nom de l'enfant, les droits reconnus à la partie civile. En cas de constitution de partie civile, le juge fait désigner un avocat d'office pour le mineur s'il n'en a pas déjà été choisi un.
« Les dispositions qui précèdent sont applicables devant la juridiction de jugement. »
« Art. 706-51-1 . _ Le mandataire ad hoc nommé en application de l'article précédent est désigné, par le magistrat compétent, soit parmi les proches de l'enfant, soit sur une liste de personnalités présentées par les associations agréées pour la défense de l'enfance, les associations de défense des victimes ou par le conseil général.
« Un décret fixe les modalités de la constitution de ces listes, de l'agrément des personnes qui y figurent et, s'il y a lieu, de leur rémunération. »
« Art. 706-52 . _ Le juge d'instruction ne procède aux auditions et confrontations des mineurs victimes de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-48 que lorsque ces actes sont strictement nécessaires à la manifestation de la vérité. »
« Art. 706-53 . _ Au cours de l'enquête et de l'information, l'audition d'un mineur victime de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-48 fait autant que possible l'objet, avec son consentement ou, s'il n'est pas en état de le donner, celui de son représentant légal, d'un enregistrement audiovisuel.
« Cet enregistrement doit être autorisé par le procureur de la République ou le juge d'instruction. Le refus de cet enregistrement doit être motivé.
« Le procureur de la République, le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire chargé de l'enquête ou agissant sur commission rogatoire peuvent requérir toute personne qualifiée pour procéder à cet enregistrement. Les dispositions de l'article 60 sont applicables à cette personne, qui est tenue au secret professionnel dans les conditions de l'article 11.
« Il est établi une copie des enregistrements, aux fins d'en faciliter la consultation ultérieure au cours de la procédure. Ces copies sont inventoriées et versées au dossier.
« Les enregistrements originaux sont placés sous scellés fermés.
« Sur décision du juge d'instruction ou de la juridiction de jugement, les enregistrements peuvent être visionnés au cours de la procédure et peuvent être consultés par les experts. Leur consultation peut être faite à partir de la copie réalisée en application du quatrième alinéa. Toutefois, si une partie le demande, cette consultation est faite à partir de l'enregistrement original, après ouverture des scellés par la juridiction.
« La copie des enregistrements peut être visionnée par les avocats des parties au palais de justice. »
« Art. 706-54 . _ Au cours de l'enquête ou de l'information, les auditions ou confrontations d'un mineur victime de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-48 sont réalisées sur décision du procureur de la République ou du juge d'instruction, le cas échéant à la demande du mineur ou de son représentant légal, en présence d'un psychologue ou d'un médecin spécialistes de l'enfance ou d'un membre de la famille du mineur ou de l'administrateur ad hoc désigné en application de l'article 706-51 ou encore d'une personne chargée d'un mandat du juge des enfants. »
Sur cet article, je suis saisi d'un certain nombre d'amendements.

ARTICLE 706-47 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 42, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose de supprimer le texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-47 du code de procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination. Le texte proposé pour l'article 706-47 du code de procédure pénale dispose que lorsque la victime est mineure, le délai de prescription des crimes et délits est celui qui est fixé par les articles 7 et 8. Or, cette précision est inutile et de plus juridiquement incorrecte, puisque les articles 7 et 8 ne s'appliquent pas seulement lorsque la victime est mineure.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est parfaitement exact !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 42, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le texte proposé pour l'article 706-47 du code de procédure pénale est supprimé.

ARTICLE 706-48 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 43, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose :
« I. De compléter le premier alinéa du texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-48 du code de procédure pénale par une phrase ainsi rédigée : "L'expert est interrogé sur l'opportunité d'une injonction de soins dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire." ;
« II. En conséquence, de supprimer la seconde phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'article 19 pour l'article 706-48 du code de procédure pénale. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit simplement de déplacer une phrase, afin de bien montrer que l'expert qui examine une personne poursuivie pour infraction sexuelle doit toujours être interrogé sur l'opportunité d'un suivi socio-judiciaire. A la vérité, c'est presque surtout pour qu'il se prononce sur ce point que l'expert est nommé.
Si l'on insérait cette phrase dans le deuxième alinéa, relatif à l'enquête, le projet de loi semblerait ne l'exiger que si l'expertise était réalisée au stade de l'enquête.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 44, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose, dans le troisième alinéa du texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-48 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « peine d'emprisonnement », par les mots : « peine privative de liberté. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit de réparer un oubli. En effet, l'auteur d'une infraction sexuelle pourra être condamné à une peine d'emprisonnement, mais aussi à une peine de réclusion. C'est pourquoi nous souhaitons remplacer les mots « peine d'emprisonnement » par les mots « peine privative de liberté ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 706-48 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 706-48
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 45 est présenté par M. Jolibois, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 104 est déposé par MM. Pagès, Dérian, Duffour et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à insérer, après le texte proposé par l'article 19 pour l'article 706-48 du code de procédure pénale, un article 706-48-1 ainsi rédigé :
« Art. 706-48-1. - Le mineur victime de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-48 doit être assisté d'un avocat.
« A défaut de choix d'un avocat par le mineur ou son représentant légal, le procureur de la République ou le juge d'instruction fait désigner par le bâtonnier un avocat d'office. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 45.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement est l'une des innovations de la commission, à laquelle elle est d'ailleurs très attachée.
Le 15 octobre dernier, à la suite des auditions de magistrats pour enfants auxquelles nous avons procédé, il nous a paru nécessaire de prévoir que le mineur victime de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-48 du code de procédure pénale, c'est-à-dire l'ensemble des infractions de nature sexuelle, doit être assisté d'un avocat. A défaut du choix d'un avocat par le mineur ou son représentant légal, le procureur de la République ou le juge d'instruction fait désigner, par le bâtonnier, un avocat d'office.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 104.
M. Robert Pagès. Il s'agit d'inscrire dans la loi qu'un enfant victime d'une infraction sexuelle sera toujours assisté d'un avocat dès le début de l'enquête. Cela nous semble extrêmement important.
Le mineur, lorsqu'il est délinquant, étant assisté d'un conseil, il ne serait pas normal que, lorsqu'il est victime, il n'en bénéficie pas. C'est pourquoi nous nous félicitons que la commission soutienne cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 45 et 104.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je vais exposer les raisons pour lesquelles je suis réservée sur ces deux amendements, qui prévoient l'intervention systématique d'un avocat auprès des mineurs victimes dès le stade de l'enquête.
D'un point de vue pratique, cette disposition, si elle était adoptée, poserait d'importants problèmes. Le mineur victime doit être assisté par un avocat, précisent ces amendements, mais à partir de quand ? L'absence d'un avocat doit-elle interdire l'audition du mineur ? Devra-t-on, sous peine de nullité de la procédure, attendre que l'avocat soit désigné par le bâtonnier à la demande du procureur de la République et qu'il se présente pour pouvoir commencer l'audition d'un mineur, alors même que les conditions de cette audition - présence d'un psychologue, de matériel audiovisuel - seraient déjà remplies ? C'est une première série d'interrogations.
De plus, d'un point de vue théorique, qui dit avocat dit défense. Or, il n'y a pas de défense tant que la victime n'est pas partie au procès, tant qu'elle ne se constitue pas partie civile. Le projet de loi prévoit toutes les mesures utiles, notamment la désignation d'un administrateur ad hoc, pour permettre justement cette constitution de partie civile sans délai et la désignation immédiate, mais dès lors que la victime est partie civile, d'un avocat. Je ne crois pas, à cet égard, que l'on puisse faire un parallèle avec l'avocat du mineur en garde à vue, puisque là nous sommes dans la défense proprement dite.
Enfin, s'agissant de l'efficacité de la réforme, est-il utile que le mineur soit sans délai mis en présence de multiples intervenants, qui souhaitent tous agir dans son intérêt ? En effet, je rappelle que le projet de loi prévoit une présence effective de l'administrateur ad hoc, l'intervention d'un psychologue, l'examen médical du mineur, la présence possible d'un éducateur ou d'un proche et l'avocat, bien entendu, qui doit intervenir dans son rôle de défenseur.
Par conséquent, je crains que le fait de donner à l'avocat un rôle humanitaire en quelque sorte, alors que ce rôle est assuré par d'autres intervenants, ne crée une confusion ; cela risque même de ne pas être bien compris par la victime elle-même.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis réservée à l'égard de ces deux amendements.
M. le président. Je vous ai senti ébranlé, monsieur le rapporteur, est-ce le cas ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je ne puis vous répondre tout de suite, monsieur le président.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Monsieur le président, vous avez eu le sentiment que M. le rapporteur était ébranlé ; j'ajouterai : le président de la commission aussi ! (Sourires.)
Je vous propose un marché, madame le garde des sceaux : nous adoptons ces amendements tout de suite et nous réexaminerons la situation en deuxième lecture.
Le problème est à la fois simple et compliqué. En effet, il faut déterminer si, malgré tout, une intervention n'est pas obligatoire à un certain stade, peut-être un peu plus tard, pendant l'instruction ou au moment de l'audience. Or, comme nous ne pouvons pas le faire immédiatement en séance, je suggère que nous adoptions cette disposition. Madame le garde des sceaux, vous ferez ce que vous entendez à l'Assemblée nationale ; vous serez sûrement suivie. Je précise que vous ne rencontrerez pas d'hostilité fondamentale de notre part sur ce point.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 45 et 104.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'avais levé la main, monsieur le président, et si vous m'aviez donné la parole, cela aurait peut-être permis à la commission de se mettre d'accord.
J'envisageais de demander la réserve de ces deux amendements jusqu'à l'examen de notre amendement n° 128 qui prévoit, au nom du parallélisme des formes, pour le cas où le Sénat retiendrait l'obligation de l'assistance d'un avocat pour le mineur victime, de ne plus rendre obligatoire, comme le fait l'article 756-54 du code de procédure pénale, la présence auprès du mineur victime d'un psychologue, d'un membre de la famille du mineur, de l'administrateur ad hoc ou d'une personne chargée d'un mandat du juge des enfants. C'est d'ailleurs ce qu'a dit Mme le garde des sceaux. Dès lors que la présence des personnes que nous avons, elle et moi, énumérées est obligatoire, la présence de l'avocat n'est pas nécessaire.
J'ajouterai qu'il est des cas où, pendant un certain temps, on ne sait pas s'il y a une victime, si celui ou celle qui se prétend victime l'est ou ne l'est pas ; il faudra peut-être attendre la fin du procès pour le savoir. Cette disposition est donc certainement très généreuse, mais elle est tout de même un peu rapide. De plus, les arguments qui ont été donnés par Mme le garde des sceaux, tendant à démontrer que cela pourrait paralyser la procédure, sont parfaitement exacts.
Le projet de loi a déjà prévu que l'enfant doit être assisté par la personne la plus qualifiée possible - excepté un avocat - et c'est très bien ainsi. Le marché proposé par M. le président Larché aurait un intérêt si l'article 19 n'était pas aussi long. En tout état de cause, il restera en navette. Par voie de conséquence, il est tout à fait inutile que le Sénat adopte une disposition qui - cela a été reconnu - n'est pas nécessaire, les arguments de Mme le garde des sceaux étant extrêmement clairs. Le mieux est de rejeter ces amendements s'ils ne sont pas retirés par leurs auteurs.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 45 et 104, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 706-48 du code de procédure pénale.

ARTICLE 706-49 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 46, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose, dans la seconde phrase du premier alinéa du texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-49 du code de procédure pénale, après les mots : « le juge d'instruction », d'insérer les mots : « ou le président du tribunal ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 46, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 706-49 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 706-50 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 47, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-50 du code de procédure pénale :
« Art. 706-50 . - Le procureur de la République ou le juge d'instruction informe sans délai le juge des enfants de l'existence d'une procédure concernant un mineur victime de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-48, et lui en communique toutes pièces utiles, dès lors qu'une procédure d'assistance éducative a été ouverte à l'égard du mineur victime de cette infraction. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit de supprimer un ajout inutile.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 47, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le texte proposé pour l'article 706-50 du code de procédure pénale est ainsi rédigé.

ARTICLE 706-51 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 48 est présenté par M. Jolibois, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 105 est déposé par MM. Pagès, Dérian, Duffour et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à remplacer la première phrase du premier alinéa du texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-51 du code de procédure pénale par deux phrases ainsi rédigées : « Le procureur de la République ou le juge d'instruction, saisi de faits commis volontairement à l'encontre d'un mineur, désigne un administrateur ad hoc lorsque la protection des intérêts de celui-ci n'est pas assurée par ses représentants légaux ou par l'un d'entre eux. L'administrateur ad hoc assure la protection des intérêts du mineur et exerce, s'il y a lieu, au nom de celui-ci, les droits reconnus à la partie civile. »
Par amendement n° 89 rectifié, MM. Gournac et Gélard proposent, dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-51 à insérer dans le code de procédure pénale, de remplacer les mots : « saisi de faits commis volontairement à l'encontre d'un enfant mineur, procède » par les mots ; « dès qu'il est saisi de faits commis volontairement à l'encontre d'un enfant mineur, doit procéder d'office ou à la demande du parquet ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 48.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement a pour objet de préciser que l'administrateur ad hoc pourra être désigné dès le stade de l'enquête.
Par ailleurs, cet amendement tend à préciser que l'administrateur ad hoc devra assurer la protection des intérêts du mineur dans leur ensemble, et non pas seulement exercer les droits de la partie civile.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 105.
M. Robert Pagès. Notre proposition est identique à celle de M. le rapporteur.
Il peut arriver que la protection des intérêts de la victime ne soit pas assurée, au cours de la procédure, par les représentants légaux. Comme dans 80 % des cas les infractions sexuelles commises sur un mineur le sont par des membres de leur famille, les parents sont donc responsables soit directement, soit indirectement du fait de la complicité, et ne peuvent pas défendre les intérêts de l'enfant victime. La seule personne qui peut alors agir est l'administrateur ad hoc.
Comme la commission, nous proposons d'aller un peu plus loin que le projet de loi, afin que l'administrateur en question puisse être désigné dès le début de l'enquête et assurer la protection des intérêts du mineur.
Les personnes intéressées à ce problème, que nous avons consultées, sont à l'unanimité favorables à une telle proposition.
M. le président. La parole est à M. Gélard, pour défendre l'amendement n° 89 rectifié.
M. Patrice Gélard. Cet amendement vise tout d'abord à adopter une rédaction plus ferme, avec la substitution des mots « doit procéder » au mot « procède ». Mais le présent de l'indicatif valant impératif en droit, cette modification n'est peut-être pas utile, et je suis donc prêt à conserver l'ancienne rédaction sur ce point.
Par ailleurs, cet amendement tend à ouvrir la possibilité au parquet de demander au juge en charge du dossier de désigner un administrateur ad hoc pour exercer les droits civils de l'enfant.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 89 rectifié ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'amendement n° 89 rectifié serait à mon avis satisfait par l'adoption des amendements n°s 48 et 105.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Compte tenu des propos de M. le rapporteur, je retire l'amendement n° 89 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 89 rectifié est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 48 et 105 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je suis réservée sur ces amendements, car la procédure présentée dans le projet de loi nous permettra à mon avis d'aller plus vite que si l'intervention du procureur est prévue nécessairement.
Si le juge des tutelles peut procéder à la désignation de l'administrateur ad hoc soit sur requête du procureur - cela peut toujours être possible - soit d'office, nous pourrons alors mieux agir dans l'urgence. N'oublions pas que l'ordonnance visant l'urgence peut être rendue dans la journée, voire dans un délai de deux heures, et qu'elle est susceptible d'appel, alors que la décision du procureur de la République ne l'est pas.
C'est donc dans un souci de rapidité que je préférerais que l'on en reste au texte actuel.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 48 et 105.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole contre les amendements.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je constate que tant la commission que nos collègues Pagès et Gélard ont recopié le texte qui nous est transmis par l'Assemblée nationale et qui évoque le procureur de la République ou le juge d'instruction « saisi de faits commis volontairement à l'encontre d'un mineur ».
Je ne comprends pas très bien ce que cela veut dire ! On commet non pas des faits, mais des infractions.
En outre, je voudrais savoir s'il s'agit, dans ce cas, de crimes et de délits, seulement de délits ou seulement de crimes, et s'il s'agit de tous crimes et de tous délits ou seulement d'infractions sexuelles. Le moins que l'on puisse dire est que tout cela a besoin d'être précisé.
Il n'est en tout cas pas question que nous votions en l'état ces amendements, puisque nous ne savons pas de quelles infractions il s'agit. Il n'est pas même évident qu'il s'agisse d'infractions, puisqu'il n'est question que de faits !
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je ferai remarquer à M. Dreyfus-Schmidt, dont la remarque est fort intéressante, que, si le texte a été rédigé de cette manière, c'est parce que c'est le texte de la loi du 10 juillet 1889.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas une raison pour recopier éternellement des bêtises !
M. Charles Jolibois, rapporteur. Ce n'est pas une bêtise ; c'est, de votre point de vue, une rédaction inélégante ! (Sourires.)
M. Robert Pagès. Il fallait déposer un amendement, mon cher collègue !
M. le président. Un texte de loi déjà promulgué ne peut pas être une bêtise puisqu'il résulte du vote du Parlement ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il devait y avoir urgence !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 48 et 105, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 706-51 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 706-51-1 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 49, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose de supprimer le texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-51-1 du code de procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission considère que les modalités de désignation de l'administrateur ad hoc relèvent non pas de la loi, mais du décret. C'est pourquoi elle a demandé la suppression du texte proposé pour l'article 706-51-1 du code de procédure pénale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 49, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le texte proposé pour l'article 706-51-1 du code de procédure pénale est supprimé.

ARTICLE 706-52 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 64, M. Hyest propose de supprimer le texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-52 du code de procédure pénale.
Par amendement n° 50 rectifié, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-52 du code de procédure pénale :
« L'enregistrement prévu par l'article 706-53 ne fait pas obstacle à des auditions ultérieures du mineur. »
L'amendement n° 64 est-il soutenu ?...
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 50 rectifié.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement a un double objet.
Tout d'abord, il vise à préciser que l'enregistrement de la déposition du mineur ne saurait faire obstacle à de nouvelles auditions.
Ensuite, il tend à supprimer - tel est l'objet de la rectification apportée, qui prend en compte l'amendement n° 64 de M. Hyest - la précision qui va sans dire selon laquelle le juge ne procède qu'à des auditions nécessaires.
En effet, l'enregistrement de la déposition du mineur est une procédure nouvelle, qui est d'ailleurs utilisée dans d'autres grands pays et qui ne vise, au fond, qu'un seul objectif : celui d'essayer d'éviter l'épreuve, pour les tout jeunes enfants, d'avoir à répéter des choses en général horribles qui se trouveraient fixées sur la pellicule de manière indélébile.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 50 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement est insuffisant. En l'état actuel des choses, il faut, à mon avis, voter contre le texte proposé pour l'article 756-52 du code de procédure pénale.
Je regrette de ne pas avoir eu la présence d'esprit de reprendre l'amendement n° 64, qui tendait à supprimer le texte proposé pour l'article 706-52 du code de procédure pénale. Une telle suppression aurait d'ailleurs été dommage, car elle n'aurait plus permis d'accrocher l'amendement n° 50 rectifié.
En fait, nous attendions de la commission que, tout en conservant l'idée contenue dans son amendement n° 50 rectifié, elle demande la suppression du début du texte proposé pour l'article 706-52, qui n'a pas sa place dans un code.
A l'appui de son amendement de suppression, notre collègue M. Hyest a, avec raison, fait remarquer que le fait d'écrire dans le texte proposé pour l'article 706-52 du code de procédure pénale que « le juge d'instruction ne procède aux auditions et confrontations des mineurs victimes de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-48 que lorsque ces actes sont strictement nécessaires à la manifestation de la vérité » laisserait penser a contrario qu'un juge d'instruction pourrait procéder à une audition ou à une confrontation alors qu'elle ne serait pas strictement nécessaire à la manifestation de la vérité. Ce n'est évidemment pas pensable ! On ne peut quand même pas laisser subsister dans le code de procédure pénale cette offense faite à tous les juges d'instruction de France !
On ne peut considérer qu'un enregistrement dispense d'auditions ultérieures de la victime, fût-elle mineure, car il peut-être nécessaire de réentendre cette dernière en cas de survenance de faits nouveaux au cours de l'instruction, voire de la confronter avec un témoin ou une autre personne.
En tout état de cause, l'amendement n° 50 rectifié, dans sa rédaction actuelle, ne suffit pas, puisqu'il conserve le texte figurant dans le projet de loi initial dont l'expression n'est pas acceptable.
S'il reste en l'état, nous voterons contre cet amendement, car nous sommes opposés au texte proposé pour l'article 706-52 et nous n'avons pas quant, à nous, la possibilité de le réécrire. La commission l'a ; peut-être pourrait-elle demander une courte suspension de séance pour rectifier son amendement ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. Avant de donner la parole à M. le rapporteur, je voudrais vous rappeler, mon cher collègue - mais vous ne l'ignorez pas - qu'un amendement qui n'est pas soutenu ne peut être repris. Il faut pour cela qu'il ait été défendu, puis retiré.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. J'espère que tant ma proposition que la rapidité avec laquelle je la présente vont vous donner satisfaction, mon cher collègue ! (Sourires.)
Je rectifie donc à nouveau l'amendement n° 50 rectifié, afin de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-52 du code de procédure pénale :
« Art. 706-52. - L'enregistrement prévu par l'article 706-53 ne fait pas obstacle à des auditions ou confrontations ultérieures du mineur. »
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 50 rectifié bis, déposé par M. Jolibois, au nom de la commission des lois, et tendant à rédiger comme suit le texte proposé par l'article 19 pour l'article 706-52 du code de procédure pénale :
« Art. 706-52. - L'enregistrement prévu par l'article 706-53 ne fait pas obstacle à des auditions ou confrontations ultérieures du mineur. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 50 rectifié bis.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Je pense que les membres de l'Assemblée nationale n'ont pas mesuré qu'ils introduisaient dans la procédure d'instruction une distinction qui, à mon sens, est contraire à la fois au principe de la procédure pénale et à celui de l'identité des conditions des justiciables.
En effet, s'agissant d'un crime, d'un viol commis par un majeur sur la personne d'une majeure, le code de procédure pénale prévoirait que le juge se livre à tous les actes nécessaires à la manifestation de la vérité, comme c'est le devoir de tout juge en présence de toute infraction.
S'agissant du même crime commis cette fois sur la personne d'un mineur, le code de procédure pénale stipulerait alors que le juge ne se livre qu'aux actes strictement nécessaires !
Non ! Dans les deux cas, le juge doit se livrer aux actes nécessaires. En l'occurrence, une pareille discrimination au regard des pouvoirs du juge d'instruction aurait - chacun le mesure - des conséquences néfastes.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 50 rectifié bis, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le texte proposé pour l'article 706-52 du code de procédure pénale est ainsi rédigé.

ARTICLE 706-53 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur le texte proposé pour l'article 706-53 du code de procédure pénale, je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 51, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-53 du code de procédure pénale :
« Art. 706-53 . - Le procureur de la République ou le juge d'instruction peut autoriser l'enregistrement audiovisuel de l'audition d'un mineur victime de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-48 avec le consentement du mineur ou, s'il n'est pas en état de le donner, celui de son représentant légal. Le refus d'autoriser cet enregistrement doit être motivé.
« Le procureur de la République, le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire chargé de l'enquête ou agissant sur commission rogatoire peut requérir toute personne qualifiée pour procéder à cet enregistrement. Les dispositions de l'article 60 sont applicables à cette personne, qui est tenue au secret professionnel dans les conditions de l'article 11.
« L'enregistrement fait l'objet d'une transcription écrite versée au dossier.
« Au cours de l'instruction, l'enregistrement peut être visionné par les parties, les avocats ou les experts, en présence du juge d'instruction ou d'un greffier.
« Aussitôt que l'information est terminée, l'enregistrement est placé sous scellés fermés.
« Le fait, pour toute personne, de publier un enregistrement ou une copie réalisée en application du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende.
« A l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique, l'enregistrement est détruit dans le délai d'un mois. »
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements.
Le sous-amendement n° 78, présenté par le Gouvernement, a pour objet, dans le texte proposé par l'amendement n° 51 pour l'article 706-53 du code de procédure pénal :
« I. - Au premier alinéa, après les mots : "l'enregistrement audiovisuel", d'insérer les mots : "ou sonore".
« II. - Au quatrième alinéa, après les mots : "l'enregistrement peut être", d'insérer les mots : "écouté ou". »
Le sous-amendement n° 127, déposé par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés, tend à supprimer la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 51 pour l'article 706-53 du code de procédure pénale.
Par amendement n° 126, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer la seconde phrase du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-53 du code de procédure pénale.
Par amendement n° 93, Mme Dusseau propose de compléter in fine le texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-53 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait, pour toute personne, de publier un enregistrement ou une copie réalisée en application du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 51.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement tend à réécrire l'article 706-53 du code de procédure pénale, relatif à l'enregistrement de la déposition du mineur, afin d'y apporter cinq précisions.
Premièrement, l'enregistrement ne peut être utilisé qu'au cours de l'instruction. En effet, si tel n'était pas le cas, ce serait incompatible avec le principe de l'oralité des débats criminels devant la cour d'assises.
Deuxièmement, seules les parties, leurs avocats ou les experts pourront visionner les enregistrements ou leur copie, et ce en présence du juge d'instruction ou, notamment si les demandes tendant à les visionner se multiplient, faisant ainsi peser une charge de travail excessive sur ce magistrat, en présence d'un greffier. Cette précision paraît constituer un gage supplémentaire de respect de la confidentialité de l'enregistrement.
Troisièmement, une transcription de l'enregistrement sera effectuée, laquelle rendra donc inutile la réalisation d'une copie. Cette transcription sera versée au dossier.
Quatrièmement, la publication de l'enregistrement, même après le procès, sera sanctionnée d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende.
Cinquièmement, l'enregistrement sera détruit à l'issue d'un délai de cinq ans à compter de l'extinction de l'action publique : condamnation, acquittement, prescription.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour défendre le sous-amendement n° 78.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le président, je souhaiterais m'exprimer à la fois sur l'amendement n° 51 de la commission, sur le sous-amendement n° 78 du Gouvernement et sur le sous-amendement n° 127 de M. Dreyfus-Schmidt, car la problématique est la même.
M. le président. A la demande du Gouvernement, la parole est donc à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre le sous-amendement n° 127.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous ne pourrons donc pas nous exprimer tout de suite sur le sous-amendement du Gouvernement ? Nous le ferons après ! (Sourires.)
Quoi qu'il en soit, la destruction de l'enregistrement à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique est soit trop tardive, soit trop précoce. Si l'action publique est éteinte, on peut penser qu'il faut détruire l'enregistrement tout de suite afin d'éviter qu'il ne tombe entre je ne sais quelles mains. Mais, d'un autre côté, comme il peut y avoir révision du procès après trente, quarante, cinquante ou soixante ans, on n'a pas le droit de détruire une pièce qui peut être nécessaire.
J'en viens à notre sous-amendement, qui porte sur la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 51 pour l'article 706-53 du code de procédure pénale.
Cette phrase, ajoutée par l'Assemblée nationale, précise que le refus d'autoriser l'enregistrement doit être motivé. J'avoue que nous ne comprenons pas : la victime mineure - qui peut avoir dix-sept ans et demi ! - ou son mandataire ad hoc peuvent avoir de bonnes raisons de refuser ! Le droit à l'image, qui est permanent, justifie à lui seul qu'on puisse refuser d'être filmé sans avoir à s'en expliquer.
En outre, on peut ne pas savoir motiver son refus, ou bien l'on peut simplement ne pas vouloir.
En tout état de cause, je pense qu'il ne faut pas demander une motivation qui pourrait être difficile à donner. De plus, comme il ne peut pas être passé outre ce refus, à quoi sert une telle motivation ?
Nous proposons donc de supprimer purement et simplement la phrase : « Le refus d'autoriser cet enregistrement doit être motivé. »
M. le président. Madame le garde des sceaux, pour le bon déroulement du débat, je suis obligé de vous demander d'exposer maintenant le sous-amendement n° 78 : nous pourrons ainsi trancher sur les sous-amendements attachés à l'amendement n° 51 avant d'appeler les amendements n°s 126 et 93, qui sont soumis à discussion commune.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il ne faut pas limiter la notion d'enregistrement aux seuls enregistrements audiovisuels, mais viser également les enregistrements sonores.
C'était d'ailleurs ce que prévoyait le texte initial du Gouvernement, qui a été modifié à l'Assemblée nationale. Je vous propose donc ce sous-amendement pour revenir au texte initial du Gouvernement. Un enfant peut très bien refuser d'être filmé alors qu'il accepterait que ses paroles soient enregistrées ! Par conséquent, il ne faut pas se priver de cette aide technique qui présente, en tout état de cause, une réelle utilité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 78 et 127 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission est favorable à ces deux sous-amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 127 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à ce sous-amendement.
M. Dreyfus-Schmidt a très bien dit tout à l'heure pourquoi il fallait supprimer l'exigence de motivation du refus d'enregistrement, mais je lui ferai toutefois remarquer qu'il me semble qu'il se méprend sur le sens de cette exigence, qui concerne non pas le mineur ou ses parents, mais le procureur de la République ou le juge d'instruction.
Cela étant, je veux bien reconnaître que le texte est ambigu et, en tout état de cause, comme M. Dreyfus-Schmidt, je ne vois pas l'intérêt qu'il y a à demander au magistrat qui ne souhaite pas recourir à un enregistrement de motiver son refus, puisque celui-ci ne peut pas être contesté.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 78.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je suis vraiment navré, alors que Mme le garde des sceaux vient de donner un avis favorable sur mon sous-amendement, de ne pas être, à titre personnel, en tout cas, d'accord avec elle sur le sous-amendement n° 78, et ce pour deux raisons.
La première, c'est que, si l'on se contente d'un enregistrement sonore, cela dispensera le Gouvernement de faire l'effort voulu pour équiper tous les locaux d'un système audiovisuel, c'est évident ! (Sourires.) Or, autant j'estime que l'enregistrement audiovisuel peut être intéressant, autant je n'ai aucune confiance dans le seul enregistrement sonore - où que ce soit, d'ailleurs, mais je note que c'est possible, d'après le texte, aussi bien à l'instruction qu'au stade de l'enquête - et dans son maniement.
La seconde raison, et j'attire l'attention de tous sur ce fait, vient de ce que les tribunaux n'acceptent pas comme preuve, du moins actuellement, les enregistrements sonores. Est-ce que, dorénavant, du jour au lendemain, nous allons donner l'exemple en prévoyant qu'on les accepte au pénal ? Nous allons alors ouvrir la voie au civil, bien entendu, et les tribunaux seront donc obligés d'accepter comme preuve tous les enregistrements sonores. Mais tout le monde sait à quel point on peut « travailler » des bandes sonores : il suffit de les arrêter à tel ou tel moment pour faire dire à l'enregistrement sonore tout autre chose que ce qu'il dit !
Je veux bien un enregistrement audiovisuel car, dans ce cas, la caméra est placée en hauteur et l'on ne peut pas aller l'arrêter toutes les deux minutes - j'émets cependant des réserves, pour les mêmes raisons techniques - mais un seul enregistrement sonore, je dis non. Je préfère l'enregistrement traditionnel de l'audition. Si vous acceptez de vous contenter d'un enregistrement sonore, vous n'aurez pas, en effet, d'enregistrement audiovisuel.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Je veux défendre le sous-amendement du Gouvernement.
Dans un grand nombre de pays, l'enregistrement sonore, bien que ne constituant pas une preuve, est un outil mis à la disposition des magistrats et des parties.
Par ailleurs, monsieur Dreyfus-Schmidt, un enregistrement audiovisuel peut être modifié exactement de la même façon qu'un enregistrement sonore !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je l'ai dit !
M. Patrice Gélard. Ces deux enregistrements étant de même valeur, il ne faut pas exclure la possibilité de procéder à un enregistrement sonore.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Moi aussi, je suis favorable au sous-amendement du Gouvernement. On peut effectivement manipuler aussi bien un enregistrement audiovisuel qu'un enregistrement sonore !
A mon avis, pour de jeunes enfants, une caméra peut être très impressionnante et vécue de manière très agressive, alors que l'enregistrement fait à partir d'un simple magnétophone sera mieux supporté. A tous points de vue, il me paraît donc meilleur d'envisager la possibilité de recourir aux deux formes d'enregistrement, et en tout cas de ne pas interdire l'enregistrement sonore pour recueillir les dépositions, notamment des enfants.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 78, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 127, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Nous en revenons donc à la discussion commune des amendements n°s 51, tel qu'il vient d'être sous-amendé, 126 et 93.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 126.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dans la mesure où je viens d'être battu, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 126 est retiré.
La parole est à Mme Dusseau, pour défendre l'amendement n° 93.
Mme Joëlle Dusseau. Etant donné que cet amendement sera satisfait dans quelques instants, monsieur le président, je le retire également.
M. le président. L'amendement n° 93 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 51 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. La rédaction proposée par la commission des lois pour l'article 706-53 du code de procédure pénale me paraît, pour l'essentiel, bien venue en ce qu'elle montre plus clairement le rôle du magistrat dans la décision de procéder à un enregistrement. Elle précise par ailleurs - ce qui me paraît tout à fait justifié - que, la diffusion de cet enregistrement constituant une infraction nouvelle, il faut en assurer la confidentialité.
Cela dit, certains points me paraissent soulever des difficultés.
En particulier, je ne suis pas certaine qu'il faille interdire toute copie des enregistrements. Le code de procédure pénale prévoit, en effet, que les dossiers de procédure doivent être établis en deux exemplaires. C'est notamment nécessaire en cas d'appel, la copie du dossier partant alors à la cour tandis que le juge d'instruction conserve l'original.
En cas d'appel de l'ordonnance de refus de mise en liberté, il faut permettre à la cour, si elle l'estime utile, de conserver l'enregistrement sans pour cela bloquer la procédure.
De la même façon, je ne suis pas persuadée que la consultation de l'enregistrement par les avocats doive se faire en présence du juge ou de son greffier. En effet, une telle procédure est lourde, très lourde même, et elle confond la préparation de la défense par un avocat, en l'absence du juge, et l'utilisation de l'enregistrement au cours d'un acte de procédure réalisé, lui, par le juge.
Par ailleurs, je ne pense pas que les enregistrements doivent faire l'objet d'une retranscription intégrale. En effet, il y aura déjà le procès-verbal de l'audition du mineur, qui sera rédigé conformément aux règles de notre procédure pénale.
Mais peut-être alors faut-il le dire expressément, monsieur le rapporteur, afin d'éviter toute ambiguité ! Pour ma part, j'en serais tout à fait d'accord.
Enfin, il m'apparaît que les délais de destruction des enregistrements peuvent sans doute être revus.
Ces différents points techniques pourront certainement être réexaminés au cours de la navette. En l'état, le texte proposé par la commission constitue une indéniable amélioration.
Par conséquent, le Gouvernement s'en remet à la sagesse bienveillante du Sénat sur l'amendement n° 51.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 51, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le texte proposé pour l'article 706-53 du code de procédure pénale est ainsi rédigé.

ARTICLE 706-54 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 128, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 19 pour l'article 706-54 du code de procédure pénale :
« Art. 706-54. - Au cours de l'enquête ou de l'information, les auditions ou confrontations d'un mineur victime de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-48 peuvent être réalisées, le cas échéant à la demande du mineur ou de son représentant légal et avec l'accord du procureur de la République ou du juge d'instruction, en présence d'un psychologue, d'un membre de la famille du mineur, de l'administrateur ad hoc désigné en application de l'article 706-51, ou d'une personne chargée d'un mandat du juge des enfants, qui sont soumis aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 60. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je rappelle que, tout à l'heure, le Sénat a décidé, contre l'avis du Gouvernement et contre le nôtre, provisoirement, que la victime mineure aurait un avocat d'office.
Si tel est le cas, pour reprendre l'expression de « parallélisme des formes » employée par le juge d'instruction que nous avons entendue en audience publique, expression reprise par M. le rapporteur dans son rapport, il faut en revenir au texte originel de l'article 706-54 du code pénal tel qu'il figurait dans le projet de loi. Autrement dit, le mineur victime peut être assisté, en plus de son avocat, d'un psychologue, d'un membre de sa famille, de l'administrateur ad hoc ou d'une personne chargée d'un mandat du juge des enfants. Mais il ne faut pas que ce soit obligatoire, sinon ce serait vraiment trop et il y aurait déséquilibre là ou la commission a voulu qu'il y ait équilibre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement est également favorable à cet amendement, qui rétablit ce qu'il avait lui-même proposé dans un premier temps.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 128, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le texte proposé pour l'article 706-54 du code pénal est ainsi rédigé.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'ensemble de l'article 19.

(L'article 19 est adopté.)

Article 19 bis

M. le président. « Art. 19 bis . Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 722 du code de procédure pénale, après les mots : "réductions de peines", sont insérés les mots : "n'entraînant pas de libération immédiate". »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 52 est présenté par M. Jolibois, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 65 est déposé par M. Hyest.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 52.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'article 19 bis impose une expertise des délinquants sexuels préalablement à l'octroi d'une réduction de peine qui ne nécessite pas une libération immédiate.
Cela représente 2 000 à 3 000 expertises par an, alors que se pose déjà un problème de moyens que nous avons eu l'occasion d'évoquer au cours de la discussion générale et lors de votre audition, madame le garde des sceaux.
En outre, cela ne jouera, par hypothèse, qu'à la fin de la détention. Dès lors, même négative, l'expertise ne fera que retarder de quelques mois la sortie de prison puisque le condamné aura purgé sa peine.
Enfin, une expertise est déjà prévue si le délinquant est condamné à un suivi socio-judiciaire.
C'est donc sans grand dommage que l'article 19 bis pourrait être supprimé.
M. le président. L'amendement n° 65 est-il soutenu ?
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 52 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 52, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 19 bis est supprimé.

Article 19 ter

M. le président. « Art. 19 ter . _ Dans la première phrase du cinquième alinéa de l'article 722 du code de procédure pénale, les mots : "pour le meurtre ou l'assassinat d'un mineur de quinze ans" sont remplacés par les mots : "pour meurtre ou assassinat d'un mineur". » - (Adopté.)

Article 20

M. le président. L'article 20 a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Article 21

M. le président. « Art. 21. _ L'article L. 322-3 du code de la sécurité sociale est complété par un 15° ainsi rédigé :
« 15° Pour les soins consécutifs aux sévices subis par les mineurs de quinze ans victimes d'actes prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal. »

Je suis saisi de huit amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 129, MM. Autain et Mazars, les membres du groupes socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit cet article :
« Les soins consécutifs aux sévices subis par les victimes d'actes prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal sont pris en charge par l'Etat. »
Par amendement n° 130, MM. Autain et Dreyfus-Schmidt, Mme Dieulangard, M. Mazars, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit l'article 21 :
« Les soins consécutifs aux sévices subis par les mineurs de quinze ans victimes d'actes prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal sont pris en charge par l'Etat. »
Par amendement n° 94 rectifié, Mme Dusseau propose, dans le texte présenté par l'article 21 pour le 15° de l'article L. 322-3 du code de la sécurité sociale, de supprimer les mots : « mineurs de quinze ans ».
Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 53 est présenté par M. Jolibois, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 70 est déposé par M. Bimbenet, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 106 est présenté par MM. Pagès, Derian et Duffour, les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous trois tendent, dans le texte proposé par l'article 21 pour le dernier aliné (15°) de l'article L. 322-3 du code de la sécurité sociale, à supprimer les mots : « de quinze ans ».
Les deux derniers amendements sont présentés par Mme Dusseau.
L'amendement n° 95 tend, dans le texte proposé par l'article 21 pour le 15° de l'article L. 322-3 du code de la sécurité sociale, après le mot « victimes », à insérer les mots : « , et leur fratrie, ».
L'amendement n° 96 a pour objet de compléter le texte proposé par l'article 21 pour le 15° de l'article L. 322-3 du code de la sécurité sociale par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce droit s'exerce pour tous les soins entamés avant la prescription des actes prévus et réprimés par les articles susmentionnés du code pénal. »
La parole est à M. Autain, pour défendre les amendements n°s 129 et 130.
M. François Autain. Si j'ai déposé l'amendement n° 129, c'est, en fait, pour pouvoir vous poser deux questions, madame le garde des sceaux.
Vous avez pu remarquer que, lors de mon intervention liminaire, je me suis interrogé sur les raisons pour lesquelles nous avions réservé aux seuls mineurs le bénéfice d'une prise en charge intégrale des soins. J'aurais souhaité, pour ma part, que ce bénéfice puisse être étendu aux adultes.
Par ailleurs - c'est ma seconde question - pourquoi est-ce la sécurité sociale, dont on connaît l'incapacité chronique à équilibrer ses comptes, qui doit supporter cette charge supplémentaire, et non pas l'Etat ?
Quant à l'amendement n° 130, il n'avait d'autre objet, lui aussi, que de me permettre de vous poser une question - question que je vous ai déjà soumise. Il est donc inutile que j'en dise plus.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau, pour présenter l'amendement n° 94 rectifié.
Mme Joëlle Dusseau. Cet amendement procède du même esprit que les deux précédents, à savoir la prise en charge des victimes d'agressions sexuelles qu'elles soient mineures ou majeures, encore que je ne propose pas que cette charge incombe à l'Etat.
Nous savons à quel point ces agressions sont traumatisantes. A nous focaliser sur les enfants ou sur les jeunes - nous avons, bien sûr, raison de nous occuper d'eux - il ne faudrait pas oublier que la moitié des viols, aujourd'hui, sont commis sur des adultes, et à 90 % sur des femmes. Les victimes sont traumatisées fortement et durablement.
Je propose donc l'extension à ces violences sexuelles commises sur des adultes de la prise en charge des soins par la sécurité sociale.
Cela étant dit, je suis prête à retirer mon amendement pour me rallier à celui de M. Dreyfus-Schmidt.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 53.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Nous proposons de supprimer les termes : « de quinze ans » de façon que la prise en charge des soins concerne tous les mineurs, et non pas seulement ceux de moins de quinze ans.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 70.
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Comme la commission des lois, nous proposons que, en cas d'infractions sexuelles, la prise en charge à 100 % par la sécurité sociale concerne non seulement les mineurs âgés de moins de quinze ans, mais également ceux qui ont entre quinze et dix-huit ans.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour présenter l'amendement n° 106.
M. Robert Pagès. Notre groupe fait siens les arguments qui ont été développés par les deux rapporteurs.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau, pour présenter les amendements n°s 95 et 96.
Mme Joëlle Dusseau. L'amendement n° 95 vise à étendre la prise en charge des soins aux fratries.
En effet, dans la plupart des cas, quand il y a des frères et soeurs, le choc psychologique, s'il ébranle, bien sûr, l'enfant qui a été agressé, a également des conséquences très fortes sur la fratrie. Il est d'ailleurs pratiquement impossible, la plupart du temps, de soigner l'enfant lui-même sans soigner également l'ensemble des frères et soeurs. D'ailleurs, si le traitement ne s'adressait qu'à l'enfant agressé, il serait généralement inopérant.
L'amendement n° 96 vise la situation la plus fréquente, celle où l'agression sexuelle est dénoncée par la victime seulement lorsqu'elle est devenue adulte.
Dans le cas où l'enfant est enlevé, où il y a violence, les soins interviennent, bien évidemment, sur le moment même. Mais comme 80 % des agressions sexuelles ont lieu dans le milieu familial, 43 % étant le fait du père et 15 % du beau-père, la plupart du temps l'enfant garde en lui sa douleur et ne la met sur la scène publique que plus tard, alors qu'il est devenu adulte.
Le mot « mineur » suppose la prise en charge des enfants seulement au moment de l'acte. Cela écarte du bénéfice du dispositif les victimes au moment où elles vont enfin prendre la parole et où, précisément, les soins vont commencer à se mettre en place.
Il serait vraiment regrettable que l'on écarte de la prise en charge la plus grande partie des victimes, celles qui, devenues adultes, brisent enfin la loi du silence et, revenant sur un fait qui s'est produit dans leur enfance, ont alors particulièrement besoin de soins.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 129, 130, 94 rectifié, 70, 106, 95 et 96 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission demande que soient mis aux voix par priorité les amendements identiques n°s 53, 70 et 106. S'ils sont adoptés, les autres amendements deviendront sans objet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. En conséquence, la priorité est ordonnée.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 53, 70 et 106 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Les amendements identiques n°s 53, 70 et 106 visent à étendre le remboursement à toutes les victimes mineures.
J'observe, d'abord, que l'ensemble des amendements qui ont été déposés ne sont pas recevables, en application de l'article 40 de la Constitution. Toutefois, je ne soulèverai pas de façon formelle cet obstacle, pourtant absolu, car le Gouvernement, après une longue réflexion sur ce sujet complexe, est favorable à certains des amendements qui ont été présentés, ceux qui étendent le remboursement à 100 % par la sécurité sociale à tous les mineurs, mais aux seuls mineurs.
M. le président. Madame le ministre, pour la clarté du débat, dois-je comprendre que vous invoquez l'article 40 de la Constitution contre les amendements n°s 120, 130, 94 rectifié, 95 et 96 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Non, j'ai dit que je ne soulevais pas de façon formelle cet obstacle.
M. le président. Vous avez dit : « Ceux des amendements qui étendent le remboursement aux seuls mineurs... »
Autrement dit, vous n'invoquez pas l'article 40 à l'encontre des amendements n°s 53, 70 et 106. Dois-je en déduire que, a contrario, vous l'invoquez contre les autres ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. J'aviserai en fonction du déroulement du débat.
La proposition du Gouvernement, nouvelle, consiste à étendre le remboursement à 100 % à l'ensemble des mineurs, et pas seulement aux mineurs de quinze ans. Je suis donc favorable aux amendements qui vont dans ce sens.
Je développerai tout à l'heure mon argumentation pour répondre aux auteurs des amendements qui visent à prévoir un remboursement des soins par l'Etat.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 53, 70 et 106.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole contre les amendements.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je souhaite m'exprimer contre l'ensemble de ces amendements. Mme le garde des sceaux a une position nouvelle, moi aussi ! (Sourires.)
Tout cela part d'un très bon sentiment : le Gouvernement propose que les mineurs de quinze ans qui ont subi des sévices sexuels soient remboursés à 100 %. Certains demandent : pourquoi seulement les mineurs de quinze ans ? Il faut étendre ce remboursement à tous les mineurs. D'autres ajoutent : pourquoi seulement les mineurs ? Il faut en faire bénéficier toutes les victimes de sévices sexuels. Curieusement, personne ne va plus loin...
M. François Autain. Pourquoi ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Or, dans la mesure où l'on ignore si l'on a affaire ou non à une victime et où il faut attendre, dans bien des cas, que le jugement soit rendu pour le savoir, quand va-t-on commencer à rembourser le ticket modérateur ? Je pose la question.
Par ailleurs, les auteurs des sévices peuvent être les parents, ou les frères et soeurs pour la fratrie. Ils peuvent peut-être avoir les moyens de payer : pourquoi les en dispenser et rembourser le ticket modérateur ?
Enfin et surtout, et c'est sur ce point que je souhaite attirer l'attention du Sénat et du Gouvernement : pourquoi faire une différence entre les victimes d'infractions sexuelles et les autres ?
Les infractions sexuelles sont graves, mais les autres aussi ! Pourquoi le mineur, ou d'ailleurs l'adulte, victime d'un acte de barbarie, de torture, sans sévice sexuel, n'aurait-il pas droit au remboursement du ticket modérateur ? Je voudrais rappeler tout de même que la sécurité sociale rembourse tout le monde !
Par ailleurs, je regrette que M. Badinter ne soit pas à ce moment précis dans l'hémicycle - il ne l'a pas quitté, il est vrai, depuis hier et il va y revenir dans quelques instants - pour lui rendre l'hommage qui lui est dû, car il était garde des sceaux lorsque le fonds d'indemnisation des victimes a été créé, lequel ne fait aucune différence ces dernières. Certes, pour des raisons économiques faciles à comprendre, ceux qui gagnent largement leur vie n'en bénéficient pas ; mais tous les autres en profitent, quel que soit le crime ou le délit dont ils sont victimes et quel que soit, j'insiste, leur âge.
Telle est la réalité ; c'est cela l'égalité. S'il est très grave d'être victime d'attouchements sexuels, il est encore plus grave d'avoir un oeil, sinon les deux yeux crevés, ne croyez-vous pas ?
Dans l'état actuel de la sécurité sociale, on ne voit pas pourquoi seuls ceux qui sont astreints à payer les cotisations assumeraient les frais et pourquoi ce ne serait pas l'Etat. C'est tout de même pousser le bouchon un peu loin, parce qu'on s'occupe des infractions sexuelles, d'une part, et de la protection des mineurs, d'autre part, de prévoir que les mineurs victimes d'infractions sexuelles auront droit au remboursement du ticket modérateur.
Franchement, pourquoi eux et pas les autres ? Ce n'est pas normal ! C'est injuste ! C'est une inégalité devant la loi qui me paraît d'ailleurs, je dois le dire, tout à fait anticonstitutionnelle. C'est pourquoi, en ce qui me concerne, je ne voterai aucun de ces amendements, ni le texte proposé dans le projet de loi.
M. Patrice Gélard. Ni l'amendement n° 130 ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien sûr que non !
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt, nous le savons, est diablement convainquant. Mais je crois qu'il se trompe.
Nous avons affaire là à des délits ou à des crimes d'une nature tout à fait particulière, qui baignent dans une atmosphère de tabou extrêmement contraignante.
Lorsque nous traitons de ces crimes et de ces délits, nous devons avoir pour souci de lever ce tabou et de faire tout ce qui est possible pour banaliser non pas le crime mais la guérison et pour aider les victimes à s'exprimer. Le mieux est que celles-ci se trouvent dans une situation commune, comme si elles avaient été atteintes, elles aussi, d'une sorte de maladie. Dès lors, le remboursement des soins par la sécurité sociale devient un acte simple qui permet de lever le tabou : les victimes, je le répète, se retrouvent dans une situation commune.
Par ailleurs, notre collègue dit que nous allons faire faire des économies aux criminels.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dans certains cas !
M. Robert Pagès. Effectivement ! Toutefois, je me permets de vous faire remarquer, monsieur Dreyfus-Schmidt, que, lorsque des soins sont remboursés, c'est qu'il y a eu jugement et il est fort probable que, si un crime a été commis, le délinquant n'est plus là pour gérer les affaires de la maison : c'est souvent la femme restée au foyer, si elle n'est pas complice, ou l'administrateur ad hoc qui devront expédier ces affaires. Il est donc tout à fait normal qu'ils soient remboursés, sans pour autant que le criminel qui, lui, se trouve sans doute, je l'espère, privé de liberté, profite d'une aide quelconque.
Telles sont les deux raisons pour lesquelles je maintiens mon amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 53, 70 et 106, acceptés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 129, 130 et 94 rectifié n'ont plus d'objet.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 95 et 96 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 95 qui traite des fratries.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 96, dont les dispositions sont difficilement applicables. Comment savoir quels soins sont liés à un sévice qui remonte souvent à vingt ou quarante ans, malheureusement ?
La commission entend que l'on s'en tienne à l'amendement n° 53 qui vient d'être adopté par le Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je voudrais apporter une précision pour montrer en quoi le remboursement à 100 % des soins à certaines victimes ne signifie pas pour autant que celles qui ne profitent pas du remboursement à 100 % des soins ne verront pas leur préjudice intégralement réparé. Il est important de comprendre cela. Cet aspect n'a jamais été évoqué dans la discussion, me semble-t-il.
Les victimes qui ne bénéficient pas d'un remboursement de leurs soins à 100 % pourront, en tout état de cause, bénéficier des prestations des commissions d'indemnisation des victimes.
En effet, l'article 706-3 du code de procédure pénale précise que toute personne ayant subi un préjudice peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, notamment des infractions sexuelles, qui ne sont d'ailleurs par les seules à être visées par cet article.
Dans l'évaluation des sommes attribuées à la victime, sommes qui ne sont pas plafonnées, les CIVI tiennent compte des prestations versées par la sécurité sociale. Tous les frais qui ne sont pas remboursés à 100 % sont pris en charge par les commissions d'indemnisation des victimes.
L'intérêt de l'article 21 du projet de loi est de simplifier le mécanisme de remboursement. A partir du moment où la sécurité sociale prend en charge à 100 % le remboursement des soins, les CIVI n'ont pas à supporter la différence.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais il n'y a pas de plafond de ressources !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux Ainsi, l'indemnisation des victimes est intégrale. Telles sont les précisions que je voulais apporter.
J'en viens maintenant à l'amendement n° 95, déposé par Mme Dusseau. Etendre le remboursement intégral des soins à la fratrie est excessif. En effet, les frères et soeurs peuvent être majeurs. S'ils ont subi un préjudice, ils peuvent saisir les CIVI.
Par ailleurs, ils se peut que l'auteur des faits soit précisément le frère de la victime. Il verrait alors ses soins remboursés à 100 % en raison de faits d'inceste qu'il aurait lui-même commis !
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable à l'amendement n° 95.
S'agissant maintenant de l'amendement n° 96, je crois que la précision préconisée est juridiquement inutile, sauf à limiter la portée de la loi puisque tous les préjudices, même ceux qui pourraient être aggravés ou se révéleraient après la prescription, devront être réparés.
Je suis donc également défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 95.
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Il me semble que l'emploi du mot « fratrie » est incorrect. En effet, à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi ici même, nous avions effectué des recherches à ce sujet et nous avions constaté que le mot « fratrie » n'avait pas le sens de « frères et soeurs ».
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Mon cher collègue, dans mon amendement, je vise les frères et les soeurs mineurs de la victime, qui doivent être impérativement pris en charge.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 95, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 96.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je voudrais à nouveau attirer votre attention, mes chers collègues, sur le fait que, dans de très nombreux cas, et peut-être dans la plupart d'entre eux, la parole des enfants ne se libère que quand ceux-ci sont devenus adultes. Il peut s'écouler dix ou quinze ans de silence absolu, où l'on ne parle ni à son frère, ni à sa soeur, ni à son père, ni à sa mère, quel que soit l'auteur des faits. Si on limite la prise en charge aux seuls cas qui sont connus alors que l'enfant est mineur, on va écarter des soins la plus grande partie des personnes concernées.
On se focalisera sur 10 % des cas, ou peut-être même moins, tandis que 90 % seront exclus du champ d'application de la loi. Cela ne me paraît pas normal. On se rend bien compte que, même lorsque les fautifs étaient des enseignants ou des éducateurs, la parole ne se libère qu'avec beaucoup de retard. Quand c'est un père ou un beau-père qui est impliqué - je n'ai pas les statistiques à ma disposition, je les ai vues, mais je n'ai plus les chiffres précis en tête - ce n'est que longtemps après les faits que l'enfant, devenu adulte, ose parler, et ce n'est pas parce que quinze années se sont écoulées que les soins sont moins nécessaires. Au contraire, si j'ose dire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai moi-même parlé des commissions d'indemnisation des victimes. A cette occasion, j'ai rappelé qu'il existe un plafond de ressources au-delà duquel les demandes ne sont pas recevables par les commissions d'indemnisation des victimes. Dans le cas présent, au contraire, le texte ne prévoit pas de plafond, ce qui impliquera des différences de traitement entre les victimes suivant qu'il s'agit de mineurs ayant subi des infractions sexuelles ou de personnes ayant souffert d'autres infractions, dont certaines peuvent être beaucoup plus graves.
Par ailleurs, je pose à nouveau la question, parce que j'aimerais connaître la réponse au moment de voter : à partir de quand une victime aura droit au remboursement à 100 % ?
Je suppose que c'est à partir du moment où la chose sera jugée ! Dès lors, est-ce qu'on lui paiera l'arriéré, ou bien est-ce qu'il suffira qu'il y ait constitution de partie civile sans même que le jugement soit prononcé ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 96, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 21, modifié.

(L'article 21 est adopté.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je n'aurai pas de réponse à ma question !

Chapitre III


Interdiction de mettre à la disposition des mineurs certains documents pornographiques ou pouvant porter atteinte à la dignité de la personne humaine
M. le président. Sur cet intitulé de chapitre, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Il sont présentés par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 131 tend à rédiger comme suit l'intitulé du projet de loi : « Dispositions relatives à l'interdiction de mise à disposition de certains documents aux mineurs ».
L'amendement n° 132 a pour objet de rédiger comme suit cet intitulé : « Interdiction de mettre à la disposition des mineurs certains documents présentant un danger en raison de leur caractère pornographique ou de la place faite au crime, à la violence, à la discrimination ou à la haine raciale, à l'incitation, à la détention ou au trafic de stupéfiants ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre ces deux amendements.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce chapitre III, il porte un titre à la britannique, si j'ose m'exprimer ainsi, il s'intitule en effet : « Interdiction de mettre à la disposition des mineurs certains documents pornographiques ou pouvant porter atteinte à la dignité de la personne humaine » !
D'abord, c'est bien long. Ensuite, les trois titres du projet de loi, ainsi que les trois chapitres du titre Ier et les deux premiers chapitres du titre II commencent par le mot « Dispositions ». On ne voit donc pas pourquoi, tout d'un coup, ce ne serait plus le cas.
En fait, la raison en est simple : les auteurs du texte ont préféré employer le terme « interdiction » pour éviter la répétition du mot « Dispositions ». Ils ne souhaitaient pas écrire « Dispositions relatives à la mise à disposition... ». Mais ce n'est pas une raison suffisante !
Par ailleurs, les documents pornographiques portent ni plus ni moins atteinte à la dignité de la personne humaine que le crime, la discrimination ou la haine raciales, l'usage ou le trafic de stupéfiants.
De plus, pour ce qui est de la violence, les documents qui doivent être interdits aux mineurs sont, selon les termes de la loi du 16 juillet 1949 relative aux publications dites licencieuses, ceux qui présentent un danger en raison de leur caractère pornographique ou de la place faite au crime, à la violence, à la discrimination ou à la haine raciale, à l'incitation à la détention ou au trafic de stupéfiants.
Nous proposons donc, comme titre, au choix, non pas celui-là, qui sépare arbitrairement les documents pornographiques de ceux qui pourraient porter atteinte à la personne humaine car les documents pornographiques doivent en faire partie le cas échéant, mais plutôt celui qui figure dans notre amendement n° 132 : « Interdiction de mettre à la disposition des mineurs certains documents présentant un danger en raison de leur caractère pornographique ou de la place faite au crime, à la violence, à la discrimination ou à la haine raciale, à l'incitation, à la détention ou au trafic de stupéfiants », qui présente le mérite d'être complet, ou bien le titre qui figure dans notre amendement n° 131 et qui nous paraît le plus digne de retenir l'attention du Sénat et son vote, à savoir : « Dispositions relatives à l'interdiction de mise à disposition de certains documents aux mineurs ». Et tant pis pour la répétition du terme « disposition ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commmission est favorable à l'amendement n° 131.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Puisque j'ai la parole, monsieur le président, je voudrais en profiter pour répondre à la question posée antérieurement par M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Merci !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je voudrais rappeler qu'il suffit que la victime ait déposé plainte pour qu'elle ait qualité à bénéficier du remboursement. La même règle vaut d'ailleurs pour la victime d'un vol qui sollicite le remboursement du matériel volé auprès de sa compagnie d'assurance.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et s'il y a relaxe ?
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 131, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'intitulé du chapitre III du titre II est ainsi rédigé et l'amendement n° 132 n'a plus d'objet.

Article 22

M. le président. « Art. 22. _ La mise à la disposition du public de tout document fixé soit sur support magnétique, soit sur support numérique à lecture optique, soit sur support semi-conducteur, tel que notamment vidéocassette, vidéodisque, jeu électronique, est soumise aux dispositions du présent chapitre.
« Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent pas aux documents, autres que ceux mentionnés à l'article 24, qui constituent la reproduction intégrale d'une oeuvre cinématographique ayant obtenu le visa prévu à l'article 19 du code de l'industrie cinématographique.
« Lorsque le document mentionné au premier alinéa présente un danger pour la jeunesse en raison de son caractère pornographique ou de la place faite au crime, à la violence, à la discrimination ou à la haine raciales, à l'incitation à l'usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants, l'autorité administrative peut, par arrêté motivé et après avis de la commission mentionnée à l'article 23, interdire :
« 1° De le proposer, de le donner, de le louer ou de le vendre à des mineurs ;
« 2° De faire en faveur de ce document de la publicité par quelque moyen que ce soit. Toutefois, la publicité demeure possible dans les lieux dont l'accès est interdit aux mineurs.
« En fonction du degré de danger pour la jeunesse que présente le document, l'autorité administrative prononce la première interdiction ou les deux interdictions conjointement.
« L'arrêté d'interdiction est publié au Journal officiel de la République française.
« Un décret en Conseil d'Etat précise, en tant que de besoin, les catégories de documents qui peuvent faire l'objet d'une interdiction. »
Par amendement n° 54, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose, dans le premier alinéa de cet article, de supprimer le mot : « notamment ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'adverbe « notamment » étant inutile, la commission souhaite sa suppression.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 54, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 22, ainsi modifié.

(L'article 22 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 22

M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 2, M. Jean-Paul Hugot propose d'insérer, après l'article 22, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« ... Le soin d'interdire sur le territoire de la commune toute publicité par voie d'affichage ainsi que toute diffusion d'imprimés gratuite comportant des messages publicitaires à caractère pornographique ou contraires aux bonnes moeurs de nature à porter atteinte gravement à la dignité humaine, relatifs aux messageries télématiques et aux réseaux de communications téléphoniques. »
Par amendement n° 101, MM. Darniche, Berchet, Durand-Chastel, Foy, Habert, Maman et Moinard, proposent d'insérer, après l'article 22, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 2213-31 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... Le maire peut, par arrêté, interdire sur le territoire de la commune toute publicité extérieure ainsi que toute diffusion d'imprimés gratuits comportant des messages publicitaires à caractère racoleur ou contraires aux bonnes moeurs, relatifs aux messageries télématiques et aux réseaux de télécommunications. »
L'amendement n° 2 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Durand-Chastel, pour défendre l'amendement n° 101.
M. Hubert Durand-Chastel. L'article 227-24 du code pénal réprime la diffusion de messages à caractère violent, pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, lorsque ces messages sont susceptibles d'être vus ou perçus par des mineurs.
Mais ce texte, entré en vigueur le 1er mars 1994, n'a pas empêché les publicités à caractère racoleur ou contraires aux bonnes moeurs, relatives notamment aux messageries télématiques, de se maintenir, voire de se développer sur les murs de nos villes.
Certes, les maires peuvent, sur la base de leurs pouvoirs généraux de police, interdire un affichage ou l'exploitation de certains journaux pour prévenir un trouble sérieux à l'ordre public dans leur commune.
Cependant, le juge administratif ne manque pas d'annuler toute mesure de caractère général non motivée par des circonstances locales déterminées. Aussi convient-il, dans un souci de protection de la jeunesse, de donner explicitement aux maires la possibilité d'interdire, sur le territoire de leur commune, les publicités racoleuses ou contraires aux bonnes moeurs relatives à ces messageries, faites par voie d'affiche ou utilisant le support de journaux gratuits.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je rappelle qu'il est du pouvoir des maires de s'opposer à une publicité quand elle constitue un trouble à l'ordre public, et ce sous le contrôle du tribunal administratif.
En outre, je ne vois pas pourquoi nous préciserions que le maire peut interdire ce qui est déjà interdit aux termes de l'article 227-24 du code pénal. Cet article pourrait en effet être appliqué lorsqu'une situation est particulièrement choquante.
Si le maire n'interdisait pas expressément ces messages, ne pourrait-on pas en conclure, nonobstant le code pénal, que ces messages seraient autorisés ?
L'équilibre est mieux respecté si le dispositif figure dans le code pénal, qui est général et qui s'applique sur l'ensemble du territoire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je partage l'avis de la commission, et j'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 101.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Durand-Chastel ?
M. Hubert Durand-Chastel. Compte tenu des propos que vient de tenir M. le rapporteur, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 101 est retiré.

Article 23

M. le président. « Art. 23. _ Il est institué une commission administrative chargée de donner un avis sur les mesures d'interdiction envisagées.
« Cette commission comprend, outre son président choisi parmi les membres du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, des représentants de l'administration, des professionnels des secteurs concernés et des personnes chargées de la protection de la jeunesse. La composition et les modalités de fonctionnement de cette commission sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
« La commission a également qualité pour signaler à l'autorité administrative les documents mentionnés à l'article précédent qui lui paraissent justifier une interdiction ». - (Adopté.)

Article additionnel après l'article 23

M. le président. Par amendement n° 102, MM. Darniche, Berchet, Durand-Chastel, Foy, Habert, Maman et Moinard proposent d'insérer, après l'article 23, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 227-24 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Le fait de diffuser dans les journaux gratuits des messages publicitaires assurant la promotion de services télématiques ou téléphoniques, à caractère pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 100 000 francs. »
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. On constate trop souvent, dans les journaux gratuits, une prolifération d'annonces publicitaires en faveur de services télématiques ou téléphoniques à caractère pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine. Ces publications, distribuées dans les boîtes aux lettres, et donc librement accessibles à tous, notamment aux mineurs, présentent un danger pour la jeunesse. Il est donc proposé de sanctionner pénalement la diffusion de telles annonces publicitaires dans les journaux gratuits.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Pour la même raison que celle que j'ai exposée tout à l'heure, la commission est défavorable à l'amendement n° 102 parce que l'article 227-24 du code pénal couvre déjà, à notre avis, ce cas, si le parquet ou d'autres décident de poursuivre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Comme la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Durand-Chastel, maintenez-vous votre amendement ?
M. Hubert Durand-Chastel. A la suite de l'explication donnée par M. le rapporteur, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 102 est retiré.

Article 24

M. le président. « Art. 24. _ Les documents mentionnés à l'article 22, reproduisant des oeuvres cinématographiques auxquelles s'appliquent les articles 11 et 12 de la loi de finances pour 1976 (n° 75-1278 du 30 décembre 1975), sont soumis de plein droit à l'interdiction prévue au 1° dudit article.
« L'autorité administrative peut, en outre, prononcer à l'égard de ces documents, après avis de la commission mentionnée à l'article 23, l'interdiction prévue au 2° de l'article 22.
« L'éditeur ou le producteur ou l'importateur ou le distributeur chargé de la diffusion en France du support soumis à l'interdiction de plein droit prévue au premier alinéa ci-dessus peut demander à en être relevé. L'autorité administrative se prononce après avis de la commission mentionnée à l'article 23. »
Par amendement n° 55, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose :
« I. - Au début du premier alinéa de cet article, de remplacer les mots : "Les documents" par les mots : "La mise à disposition du public des documents". »
« II. - En conséquence, dans le même alinéa, de remplacer les mots : "sont soumis" par les mots : "est soumise". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement. Il fait en effet référence au premier alinéa de l'article 22, qui vise les documents, et non au premier alinéa de l'article 24, qui traite de la mise à disposition des documents. Le texte du projet de loi est exact, ce sont bien les documents qui sont interdits.
M. le président. Monsieur le rapporteur, retirez-vous l'amendement ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 55, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 24, ainsi modifié.

(L'article 24 est adopté.)

Articles 25 à 29

M. le président. « Art. 25. - Les interdictions prévues aux articles 22 et 24 doivent être mentionnées de façon apparente sur chaque unité de conditionnement des exemplaires édités et diffusés.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article, et notamment le délai dans lequel la mesure prévue doit être mise en oeuvre et les sanctions en cas d'inexécution de cette obligation. » - (Adopté.)
« Art. 26. - Le fait de contrevenir aux interdictions prononcées conformément à l'article 22 ou à celles résultant de l'article 24 est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 100 000 francs. » - (Adopté.)
« Art. 27. - Le fait, par des changements de titres ou de supports, des artifices de présentation ou de publicité, ou par tout autre moyen, d'éluder ou de tenter d'éluder l'application des dispositions de l'article 22 ou de l'article 24 est puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 200 000 francs. » - (Adopté.)
« Art. 28. - Les personnes physiques coupables des infractions prévues aux articles 26 et 27 encourent également la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi à commettre l'infraction ou était destinée à la commettre ou de la chose qui en est le produit. » - (Adopté.)
« Art. 29. - Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables des infractions mentionnées aux articles 26 et 27 dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« - l'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;
« - la confiscation prévue par le 8° de l'article 131-39 du code pénal. » - (Adopté.)

Intitulé du titre II (suite)

M. le président. Par amendement n° 121, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit cet intitulé : « Dispositions relatives à la prévention et à la répression des infractions sexuelles, aux excès du bizutage ainsi qu'à la protection des mineurs. »
Cet amendement est-il soutenu ? ...

TITRE III

DISPOSITIONS DIVERSES
ET DE COORDINATION

Article 30

M. le président. « Art. 30. _ Il est inséré, après l'article 873 du code de procédure pénale, un article 873-1 ainsi rédigé :
« Art. 873-1 . _ Le premier alinéa de l'article 763-9 est ainsi rédigé :
« Lorsqu'une personne condamnée à un suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins doit subir une peine privative de liberté, elle exécute cette peine dans un établissement pénitentiaire permettant de lui assurer un suivi médical et psychologique adapté. » - (Adopté.)

Article 30 bis

M. le président. « Art. 30 bis . _ I. _ L'article 133-16 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsque la personne a été condamnée au suivi socio-judiciaire prévu à l'article 131-36-1 ou à la peine d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, la réhabilitation ne produit ses effets qu'à la fin de la mesure. »
« II. _ Après l'avant-dernier alinéa (3° ) de l'article 777 du code de procédure pénale, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Décisions prononçant le suivi socio-judiciaire prévu par l'article 131-36-1 du code pénal ou la peine d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, pendant la durée de la mesure. »
Par amendement n° 79, le Gouvernement propose d'insérer, après le paragraphe I de cet article, un paragraphe nouveau ainsi rédigé :
« ... . - Le cinquième alinéa (4°) de l'article 775 du code de procédure pénale est complété par les mots : "; toutefois, si a été prononcé le suivi socio-judiciaire prévu par l'article 131-36-1 du code pénal ou la peine d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, la décision continue de figurer au bulletin n° 2 pendant la durée de la mesure ;". »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le président, l'article 30 bis du projet de loi, qui a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale, modifie les dispositions du code pénal concernant la réhabilitation et celles du code de procédure pénale concernant le bulletin n° 3 du casier judiciaire, afin que demeurent inscrites dans ce bulletin, jusqu'à la fin de ces mesures, les condamnations au suivi sociojudiciaire prévu par l'article 131-36-1 du code pénal ou à la peine d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.
Il en résulte toutefois une incohérence juridique dans l'hypothèse où ces mesures auraient été prononcées en même temps qu'une peine d'emprisonnement avec sursis. Dans une telle hypothèse, ce sont les règles du « non avenu », et non celles de la réhabilitation, qui s'appliquent. Il en découle que, lorsque la condamnation est non avenue, sa mention disparaît du bulletin n° 2 du casier judiciaire, en application du 4° de l'article 775 du code de procédure pénale. Si cette règle n'était pas modifiée, il en découlerait que devraient figurer au bulletin n° 3 du casier des mentions qui auraient été supprimées du bulletin n° 2, alors que le bulletin n° 3 est en principe un sous-ensemble du bulletin n° 2.
Pour éviter une telle conséquence, qui aurait également pour effet de priver les administrations, qui ont communication du bulletin n° 2, de la connaissance de l'existence d'un suivi sociojudiciaire ou d'une interdiction en cours, il est donc proposé de modifier le 4° de l'article 775 du code de procédure pénale, afin d'y insérer une exception similaire à celle qui est prévue à l'article 777 relatif au bulletin n° 3..
Il s'agit d'un amendement important, de cohérence juridique, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je me contente de dire : « favorable », après ces explications si complètes et pertinentes.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 79, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 30 bis, ainsi modifié.

(L'article 30 bis est adopté.)

Article 31

M. le président. « Art. 31. _ Il est inséré, après l'article 901 du code de procédure pénale, un article 902 ainsi rédigé :
« Art. 902 . _ Le premier alinéa de l'article 763-9 est ainsi rédigé :
« Lorsqu'une personne condamnée à un suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins doit subir une peine privative de liberté, elle exécute cette peine dans un établissement pénitentiaire permettant de lui assurer un suivi médical et psychologique adapté. » - (Adopté.)

Article 31 bis

M. le président. « Art. 31 bis . _ Il est inséré, après l'article 388-2 du code civil, un article 388-3 ainsi rédigé :
« Art. 388-3 . _ Lorsque le dommage est causé par des tortures et des actes de barbarie, des violences ou des atteintes sexuelles commises contre un mineur, il est tenu compte de l'âge de celui-ci pour évaluer la gravité du préjudice subi et fixer sa réparation. »
Par amendement n° 56, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Nous souhaitons supprimer, car cela va sans dire, la précision selon laquelle il est tenu compte de l'âge du mineur pour évaluer la gravité du préjudice qu'il a subi et en fixer la réparation.
Au surplus, cela ne serait le cas que dans certaines hypothèses, ce qui est inadmissible. En fait, quand on fixe un préjudice, on doit tenir compte de tous les éléments. Nous ne voyons donc pas pourquoi nous ferions ressortir une singularité dans ce cas particulier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 56, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 31 bis est supprimé.

Article 31 ter

M. le président. « Art. 31 ter . _ L'article 2270-1 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le dommage est causé par des tortures et des actes de barbarie, des violences ou des agressions sexuelles commises contre un mineur, l'action en responsabilité civile est prescrite par vingt ans. » - (Adopté.)

Article 31 quater

M. le président. « Art. 31 quater . - Il est inséré, après le sixième alinéa c de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, un alinéa ainsi rédigé :
« Les trois derniers alinéas a, b et c qui précèdent ne s'appliquent pas lorsque les faits sont prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal et ont été commis contre un mineur. »
Par amendement n° 133, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le début du texte présenté par cet article pour compléter l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :
« Les deux alinéas a et b qui précèdent... »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet article 31 quater, dont j'ai déjà parlé lors de la discussion générale, m'a fait frémir !
Tout le monde le sait, dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, il est prévu que, dans tous les cas, la vérité des faits diffamatoires est réservée à celui dont on prétend qu'il a diffamé, sauf dans trois cas :
« a) Lorsque l'imputation concerne la vie privée de la personne ;
« b) Lorsque l'imputation se réfère à des faits qui remontent à plus de dix années ;
« c) Lorsque l'imputation se réfère à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision. »
Or, l'Assemblée nationale a inséré le texte suivant :
« Les trois derniers alinéas a, b et c qui précèdent ne s'appliquent pas lorsque les faits sont prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal » - c'est-à-dire lorsqu'il s'agit d'une infraction sexuelle - « et ont été commis contre un mineur. »
Cela signifie, par exemple, que si quelqu'un prétend avoir été violé par M. Untel et que ce dernier attaque en diffamation, la victime pourrait prouver la vérité des faits même si l'infraction est amnistiée - ce qui serait d'ailleurs étonnant, ou alors l'amnistie est intervenue vraiment très longtemps après les faits - même si l'infraction est prescrite - donc n'existe plus, et l'on sait que les délais de prescription ont été très largement étendus précédemment et le sont encore par ce projet de loi - même si la condamnation est effacée par la réhabilitation et même s'il y a eu - tenez-vous bien ! - révision, donc lorsqu'il a été reconnu que M. Untel n'était pas l'auteur de l'infraction !
Le moins que l'on puisse dire, c'est que dans les quatre hypothèses de l'alinéa c - amnistie, prescription, réhabilitation ou plus encore révision - le diffamé a tout de même le droit de demander à ne pas l'être !
C'est pourquoi nous demandons au Sénat d'accepter l'alinéa a : on doit pouvoir faire la preuve de l'imputation, car cela dépasse le strict cadre de la vie privée.
Nous demandons également au Sénat d'accepter l'alinéa b, car le fait que l'imputation se réfère à des faits remontant à plus de dix ans n'est pas non plus une raison suffisante pour empêcher d'en rapporter la preuve.
En revanche, l'alinéa c doit être supprimé, et c'est ce que nous demandons au Sénat de faire par cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement dans la mesure où les alinéas a et b sont conservés.
En outre, il est vrai que l'alinéa c mérite de disparaître.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je n'ai pas le même avis que vous.
Il ne faut pas confondre prescription pénale et prescription civile.
La prescription civile intervient vingt ans après les faits. La victime peut donc intenter un procès civil, et il ne faut pas qu'elle soit alors condamnée pour diffamation. C'est la raison pour laquelle il convient de bien viser l'alinéa c de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881.
Par conséquent, je suis défavorable à la suppression de l'alinéa c, et donc à l'amendement n° 133.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 133.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Excusez-moi, madame le garde des sceaux, mais j'ai l'impression qu'il y a une erreur quelque part !
Lorsqu'on parle d'une infraction amnistiée, il s'agit bien évidemment d'amnistie pénale. Il n'est donc pas question ici de prescription civile !
Vous ne m'avez répondu ni sur l'amnistie ni sur la réhabilitation ou la révision.
M. le président. Personne ne demande plus parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 133, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 31 quater, ainsi modifié.

(L'article 31 quater est adopté.)

Articles 31 quinquies , 31 sexies et 32

M. le président. « Art. 31 quinquies . - A l'article 20-4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, les mots : "et les peines prévues par les articles 131-25 à 131-35 du code pénal" sont remplacés par les mots : "et les peines de jour-amende, d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, d'interdiction d'exercer une fonction publique ou une activité professionnelle ou sociale, d'interdiction de séjour, de fermeture d'établissement, d'exclusion des marchés publics et d'affichage ou de diffusion de la condamnation". » - (Adopté.)
« Art. 31 sexies. - Le 4 de l'article 38 du code des douanes est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les dispositions du présent article s'appliquent également aux objets de toute nature comportant des images ou des représentations d'un mineur à caractère pornographique visées par l'article 227-23 du code pénal. » - (Adopté.)
« Art. 32. _ Lorsqu'un crime ou un délit a été commis à l'intérieur de l'enceinte d'un établissement scolaire ou lorsqu'il a concerné, aux abords immédiats de cet établissement, un élève de celui-ci ou un membre de son personnel, le ministère public avise le chef de l'établissement concerné de la date et de l'objet de l'audience de jugement par lettre recommandée adressée dix jours au moins avant la date de l'audience. Lorsqu'il est fait application des articles 395 à 397-5 du code de procédure pénale, cet avis est adressé dans les meilleurs délais et par tout moyen. » - (Adopté.)

Article 32 bis

M. le président. « Art. 32 bis . _ L'article L. 348-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 348-1 . _ Il ne peut être mis fin à l'hospitalisation d'office intervenue en application de l'article L. 348 que sur l'avis conforme d'une commission composée de deux médecins dont un psychiatre n'appartenant pas à l'établissement et d'un magistrat désigné par le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle l'établissement est situé.
« Cette commission entend l'intéressé ou son représentant, assisté, s'il le souhaite, d'un avocat, ainsi que le médecin traitant.
« Elle fait procéder à toutes expertises qu'elle juge nécessaires.
« Ses délibérations sont secrètes.
« Les dispositions des alinéas précédents sont applicables aux personnes reconnues pénalement non responsables en application de l'article 64 du code pénal dans sa rédaction antérieure aux lois n°s 92-683 à 92-686 du 22 juillet 1992.
« En cas de partage des voix, la voix du magistrat est prépondérante. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 71 est présenté par M. Bimbenet, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 134 est déposé par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 71.
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis. Cet amendement porte sur un sujet délicat : celui de la levée de la décision d'hospitalisation d'office lorsqu'elle concerne une personne déclarée irresponsable de ses actes après avoir commis une infraction.
En prévoyant que la décision de sortie dépendrait non plus de la décision conforme de deux psychiatres, mais de l'avis conforme d'une commission composée de deux médecins, dont un psychiatre, et d'un magistrat, cet article 32 bis soulève un problème au regard de la responsabilité du corps médical.
Il introduit la décision d'un magistrat dans la sortie du malade alors même que la justice avait rendu un non-lieu dans l'affaire qui le concernait et qu'elle s'était en quelque sorte dessaisie du prévenu pour le confier au secteur psychiatrique.
Face aux médecins qui sont dans la commission, le magistrat pourra faire valoir non pas un point de vue psychiatrique, mais des éléments tenant au passé judiciaire du prévenu qui a été relâché. En d'autres termes, la sortie du malade sera conditionnée non pas par son état de santé, mais par son dossier judiciaire.
Un malade qui serait considéré comme guéri pourrait donc rester en hospitalisation d'office en raison de la gravité des faits qui lui sont reprochés. L'hôpital psychiatrique devient alors un lieu de réclusion déguisé. Il y a là une confusion entre les missions de l'hôpital et celles de la prison.
Cet article soulève donc un problème de fond, alors qu'il ne concerne pas majoritairement des délinquants sexuels.
La procédure d'hospitalisation d'office, révisée par une loi du 27 juin 1990, comprend les hospitalisations sans consentement, à la demande d'un tiers, et les hospitalisations d'office pour troubles à l'ordre public, au titre desquelles sont internés les malades déclarés pénalement irresponsables.
Chaque année, 50 000 hospitalisations d'office sont prononcées ; 200 concernent des personnes déclarées irresponsables pénalement par la justice ; entre 10 % et 15 % de ces personnes seraient des délinquants sexuels.
Il est certainement possible d'améliorer la procédure d'hospitalisation d'office, mais faisons-le en toute connaissance de cause. Il faudrait disposer des statistiques sur le nombre de sorties et les cas de récidive. Un rapport d'évaluation a été réalisé, semble-t-il, sous l'égide de l'inspection générale des affaires sociales. Il serait souhaitable que le Parlement puisse en prendre connaissance.
Avec l'amendement de suppression que nous présentons, la commission des affaires sociales ne prétend pas que la question des internés d'office irresponsables pénalement ne peut pas être améliorée, mais elle veut éviter, à tout le moins, la création d'une procédure qui présenterait plus d'inconvénients que d'avantages et qui n'est sans doute pas à sa place dans ce projet de loi.
En tout cas, nous souhaitons vivement, madame le garde des sceaux, que le Parlement soit destinataire du rapport d'évaluation de Mme Hélène Strohl, afin qu'une réflexion globale puisse s'engager sur les hospitalisations d'office.
M. le président. La parole est M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 134.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne m'étendrai pas sur cette question, d'abord parce qu'elle vient d'être parfaitement traitée par M. Bimbenet, au nom de la commission des affaires sociales, ensuite parce que j'en ai déjà parlé dans la discussion générale.
J'ai été assez épouvanté par l'article 32 bis , tel qu'il nous est parvenu de l'Assemblée nationale.
Pendant très longtemps, les auteurs d'infractions déclarés irresponsables étaient le plus souvent placés en asile, comme on disait à l'époque. Si le médecin de l'établissement considérait que l'intéressé n'était plus dangereux, ni pour lui-même ni pour autrui, il le libérait de son propre chef, sans aucun contrôle.
A l'occasion de la réforme du code pénal, lorsque nous avons reformulé le vieil article 64 relatif à l'irresponsabilité, nous avons, dans le même temps et sur notre initiative - pourquoi ne pas le dire ? - prévu dans le code de la santé publique que les intéressés ne pourraient être remis en liberté qu'après un examen séparé et concordant de deux médecins n'appartenant pas à l'établissement et choisis par le préfet sur une liste arrêtée par le procureur de la République après consultation de la direction départementale des affaires sociales. Nous avons là tout de même des garanties qui n'existaient pas auparavant et qui sont solides !
Qui peut savoir si quelqu'un qui a été dangereux, qui a commis un crime ou un délit, mais qui était irresponsable, n'est plus dangereux ? Seuls des médecins peuvent le dire. Certes, un magistrat intervient : le procureur de la République, qui arrête la liste de façon que l'on soit sûr d'avoir affaire à des médecins fiables et sérieux. Mais de là à inclure dans une commission un psychiatre, un médecin qui n'est pas psychiatre et un magistrat, et à ajouter que le magistrat a voix prépondérante alors qu'il n'a aucune qualité pour juger si un individu qui était un malade mental est encore dangereux ou non, ce n'est pas raisonnable !
Comme je l'ai dit dans mon intervention liminaire, on risquerait de voir le psychiatre partisan de ne pas libérer la personne en question, car elle est encore dangereuse, mis en minorité parce que le médecin qui ne serait pas psychiatre s'abstiendrait et que le magistrat déciderait, lui, de libérer l'intéressé. Ce serait tout de même un comble ! Et pourtant, ce serait possible si l'on maintenait le texte de l'article en l'état. Je le répète, les précautions maximales ont été prises voilà peu de temps. Peut-être pourrait-on nous rendre compte de l'application des dispositions de l'article L. 348-1 du code de la santé publique avant de nous proposer un autre système qui n'est pas pertinent dans la mesure où, la justice étant dessaisie, il n'y a plus aucune raison qu'un magistrat soit appelé à porter un diagnostic en matière de malades mentaux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 71 et 134 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission s'en remet aux explications très pertinentes et très complètes qu'a fournies M. Bimbenet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. L'article 32 bis a été adopté à l'Assemblée nationale avec mon accord et - je tiens à le souligner - avec celui de M. Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, qui est d'ailleurs intervenu dans le débat.
Il n'est pas illogique de prévoir une procédure particulière en matière de sortie des personnes auteurs d'une infraction mais déclarées pénalement irresponsables et ayant fait l'objet d'un internement d'office en raison de leur dangerosité.
Lorsque l'auteur d'une infraction grave, notamment d'un crime, bénéficie des dispositions prévues dans l'article 122-1 du code pénal et est déclaré irresponsable, on a parfois l'impression que la justice joue les Ponce Pilate et s'en lave les mains.
C'est pourquoi, répondant à une légitime préoccupation manifestée par de nombreux députés, dont MM. Mazeaud et Douste-Blazy, l'Assemblée nationale a adopté un texte aux termes duquel une commission composée d'un magistrat et de deux psychiatres donne son avis sur la fin de l'hospitalisation d'office d'une personne.
C'est d'ailleurs une commission similaire qui statue lorsqu'une personne conteste la nécessité de son internement ; il s'agit de la commission départementale des hospitalisations psychiatriques, prévue par l'article L. 332-3 du code de la santé publique et qui est « chargée d'examiner la situation des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux au regard du respect des libertés individuelles et de la dignité des personnes ». Cette commission comprend un magistrat, deux psychiatres et un représentant des familles des personnes atteintes de troubles mentaux.
Il a ainsi paru cohérent qu'une commission juridico-médicale intervienne à la fois au début ou au cours de l'internement, et à l'issue de celui-ci.
Quant au rôle du magistrat au sein de la commission instituée par le nouvel article L. 348-1 du code de la santé publique, il est de rappeler au psychiatre que la question de la libération de l'auteur d'une infraction grave comporte, au-delà de son aspect médical, une dimension d'ordre public.
En tout état de cause, le représentant de l'autorité judiciaire était minoritaire au sein de cette commission et ne pouvait donc empêcher la cessation de l'internement si les deux psychiatres estimaient qu'elle était possible.
Il demeure qu'il s'agit là d'une question très complexe. Il est vrai qu'une évaluation de la loi du 27 juin 1990 vient d'avoir lieu, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur pour avis ; elle devrait avoir pour conséquence un projet de réforme sur lequel travaille actuellement le ministère de la santé.
Dans ces conditions, il serait sans doute opportun que l'éventuelle modification des dispositions de l'actuel article L. 348-1 intervienne dans le cadre de cette réforme d'ensemble.
C'est pourquoi je m'en remets à la sagesse du Sénat sur les amendements n°s 71 et 134.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 71 et 134.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour éclairer complètement le débat, je voudrais tout de même dire que, en matière d'internement et de mise en liberté, ce sont surtout les tribunaux qui interviennent ; c'est l'autorité judiciaire, gardienne des libertés, qui peut être saisie de la demande d'un malade mental qui conteste son internement et demande à sortir. Que fera alors le président du tribunal saisi en référé ?
Il désignera, bien évidemment, un ou plusieurs experts, et c'est en fonction de l'avis de ceux-ci qu'il prendra sa décision.
Dans le cas présent, la situation est différente : ce n'est pas un malade qui demande à être libéré, ce sont les médecins qui constatent que l'intéressé n'est plus dangereux. On ne va donc pas le garder en permanence en détention !
Au demeurant, je comprends que l'on estime nécessaire que le maire du lieu où ont été commis les faits soit prévenu, de manière que la famille de la victime puisse l'être à son tour, car il est vrai que la mise en liberté de l'auteur de l'infraction peut éventuellement surprendre la famille de la victime ou la victime elle-même.
Pour le reste, il paraît logique que quelqu'un qui était malade et qui a commis un crime ou un délit sous l'empire de la maladie soit mis en liberté dès lors qu'il est guéri et que deux psychiatres ont constaté qu'il n'est plus dangereux, ni pour lui-même ni pour autrui.
En outre, permettez-moi de vous faire observer, madame la ministre, que vous avez commis une petite erreur. En effet, vous nous avez dit que le magistrat est en minorité au sein de la commission. C'est vrai, mais les deux autres membres de celle-ci ne sont pas deux psychiatres. Dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, il s'agit curieusement d'un psychiatre et d'un autre médecin. On ne comprend d'ailleurs pas pourquoi il n'y aurait pas, en effet, deux psychiatres.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 71 et 134, acceptés par la commission et pour lesquel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 32 bis est supprimé.

Article additionnel après l'article 32 bis

M. le président. Par amendement n° 57, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, après l'article 32 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 15 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les agents du Conseil supérieur de l'audiovisuel et ceux placés sous son autorité peuvent, s'ils ont été spécialement habilités à cet effet par le conseil et assermentés dans les conditions fixés par décret en Conseil d'Etat, constater par procès-verbal les infractions prévues par les articles 227-23 et 227-24 du code pénal. Le procès-verbal est transmis dans les cinq jours au procureur de la République. Dans le même délai, une copie en est adressée au président du Conseil supérieur de l'audiovisuel et au dirigeant de droit ou de fait du service de communication audiovisuelle qui a commis l'infraction. Si l'infraction a été commise par la voie d'un service mentionné au 1° de l'article 43, une copie en est également adressée, dans le même délai, à la personne qui a offert le service de connexion au service de communication audiovisuelle. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit d'une adjonction à laquelle la commission est très attachée et dont nous avons parlé dans la discussion générale. Nous souhaitons permettre aux agents du Conseil supérieur de l'audiovisuel, s'ils ont été habilités à cet effet, de constater les infractions prévues par les articles 227-23 et 227-24 du code pénal. Le but de cet amendement est de responsabiliser ceux qui offrent des accès sur Internet.
La commission veut permettre aux agents habilités du CSA de constater les infractions de diffusion de messages à caractère pédophile ou pornographique. On prévoit qu'une copie des procès-verbaux sera adressée aux offreurs d'accès qui seront alors informés de l'attitude de leurs cocontractants. De cette manière, la commission espère responsabiliser les offreurs d'accès. Eventuellement, leur complicité pourrait être retenue.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. J'ai déjà indiqué tout à l'heure que toute réforme concernant Internet devrait faire l'objet d'une réflexion d'ensemble. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à cet amendement, même si je suis très sensible aux observations que vient de formuler M. Jolibois.
Je peux toutefois indiquer que la proposition de la commission des lois, qui consiste à donner un nouveau pouvoir de constatation aux agents du CSA, sera examinée avec une particulière attention par le Gouvernement lorsqu'il élaborera cette réforme.
Comme j'ai déjà saisi ma collègue Mme Trautmann de certaines pistes de réforme, je puis vous assurer que je la saisirais également de la proposition de votre commission.
Dans ces conditions, monsieur le rapporteur, j'espère que vous accepterez de retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 57 est-il maintenu ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Madame le garde des sceaux, vous avez été entendue et comprise. Compte tenu des explications que vous venez de fournir et de l'annonce que vous venez de faire, je retire l'amendement n° 57.
M. le président. L'amendement n° 57 est retiré.

Article 33

M. le président. « Art. 33. - L'article 87-1 du code de procédure pénale est abrogé. » - (Adopté.)

Article 34

M. le président. « Art. 34. - La présente loi est, à l'exception de son article 21, applicable dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte. »
Par amendement n° 58, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose, dans cet article, de remplacer les mots : « à l'exception de son article 21 » par les mots : « à l'exception de ses articles 21, 31 sexies et 32 bis ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je souhaiterais rectifier cet amendement. En effet, l'article 32 bis ayant été supprimé tout à l'heure, il faut retirer les mots « et 32 bis » du présent amendement.
Cette rectification faite, je précise qu'il s'agit simplement, par cet amendement, de réparer un oubli.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 58 rectifié, présenté par M. Jolibois, au nom de la commission des lois, et tendant, dans l'article 34, à remplacer les mots : « à l'exception de son article 21 » par les mots : « à l'exception de ses articles 21 et 31 sexies ».
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Si vous le permettez, monsieur le président, je profiterai de l'occasion pour répondre à une remarque que M. Millaud a formulée hier devant la Haute Assemblée.
Soyez assuré, monsieur Millaud, que le Gouvernement souhaite que les dispositions essentielles du projet de loi concernant le suivi socio-judiciaire soient applicables dans les territoires d'outre-mer, notamment en Polynésie.
Bien sûr, cette applicabilité soulèvera des difficultés particulières, mais il conviendra de les surmonter, et ce n'est pas parce que des difficultés peuvent surgir qu'il faudra exclure les territoires d'outre-mer du champ de la réforme.
Par ailleurs, le fait que certaines dispositions ayant trait au suivi socio-judiciaire, celles qui concernent les médecins coordonnateurs, figurent dans le code de la santé publique qui n'est pas applicable dans les territoires d'outre-mer, n'est nullement un obstacle. En effet, certaines parties du code de la santé publique sont déjà applicables dans les territoires d'outre-mer, notamment celles qui concernent l'usage de stupéfiants.
D'un point de vue juridique, rien n'interdit d'étendre aux territoires d'outre-mer les dispositions relatives aux médecins coordonnateurs, car elles sont indissociables des dispositions de nature pénale sur le suivi socio-judiciaire.
Ce qui compte, c'est le fond des dispositions, non leur insertion dans tel ou tel code. En raison de leur nature pénale, ces dispositions sont du domaine de la loi métropolitaine.
Sera notamment étendu aux territoires d'outre-mer l'article L. 355-36 du code de la santé publique, qui prévoit que l'Etat prend en charge les dépenses concernant les médecins coordonnateurs. Ce ne sont donc pas les territoires d'outre-mer qui devront assumer ces dépenses.
Par ailleurs, si le projet de loi exclut l'extension de l'article 21 relatif au remboursement à 100 % des soins dus aux victimes mineures, c'est simplement parce que cette question relève de la compétence des territoires, dont les assemblées peuvent, si elles le souhaitent, prendre une disposition similaire.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 58 rectifié.
M. Daniel Millaud. Je demande la parole, pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud. Je remercie Mme le garde des sceaux d'avoir founi ces renseignements complémentaires.
Il n'empêche que se pose toujours le problème d'une intrusion législative dans des compétences territoriales alors que la loi de 1996, qui est donc relativement récente, rend obligatoire une loi organique pour toute modification des compétences du territoire que je représente.
Je ne sais pas si je vais faire la quête d'une soixantaine de signatures - là n'est pas le problème, madame le garde des sceaux - mais, si vous avez lu l'avis émis par l'assemblée de mon territoire, vous aurez pu constater que celle-ci a posé une question à laquelle il n'a pas été répondu.
Subsiste par ailleurs le problème des frais qui seront générés par l'application des nouvelles dispositions prévues par ce projet de loi.
Enfin, certaines dispositions du code de la sécurité sociale ne sont pas étendues aux territoires d'outre-mer. Ainsi, qui prendra la charge éventuelle des enfants mineurs de fonctionnaires métropolitains, qui sont remboursés par la sécurité sociale ?
A mes yeux, plusieurs problèmes se posent donc encore.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 58 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 34, ainsi modifié.

(L'article 34 est adopté.)

Intitulé du projet de loi

M. le président. Par amendement n° 59, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose, à la fin de l'intitulé du projet de loi, de supprimer le mot : « victimes ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Notre collègue M. Gélard nous a fait remarquer que, dans la mesure où le projet de loi comprend des dispositions relatives à la protection des mineurs sans que ceux-ci soient nécessairement, à proprement parler, des victimes - il s'agit, notamment, des articles 22 et suivants, qui interdisent de céder des cassettes pornographiques aux mineurs - il convenait de supprimer le mot « victimes » dans l'intitulé, ce que la commission a jugé tout à fait fondé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 59, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'intitulé du projet de loi est ainsi modifié.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Pagès, pour explication de vote.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi dont nous achevons la discussion marque une évolution certaine en ce qu'il articule renforcement de la protection des mineurs, désormais assortie de véritables droits, et répression pénale des délinquants sexuels, en y incluant une note psychologique, médicale et sociale qui n'est pas négligeable.
Si, dans l'ensemble, ce texte a fait l'objet d'un consensus dans l'hémicycle, ce dont nous nous félicitons, quelques divergences n'en demeurent pas moins, et je pense notamment au bizutage.
Au nom du groupe communiste républicain et citoyen, je regrette que la Haute Assemblée n'ait pas réussi à trouver un accord sur la manière de réprimer plus efficacement les excès du bizutage, même si nous nous sommes également interrogés sur l'opportunité qu'il y avait à créer un nouveau délit.
Il est vrai que le code pénal contient de nombreuses dispositions susceptibles d'être retenues pour qualifier certaines pratiques sordides de bizutage, mais il s'agit de ses formes les plus graves, celles qui peuvent être qualifiées de violences, d'agressions sexuelles, de mise en danger d'autrui ou d'administration de substances nuisibles.
Il existe beaucoup d'autres pratiques très traumatisantes qui n'entrent pas dans le champ de la législation actuelle et c'est pour celles-ci qu'une nouvelle incrimination aurait été nécessaire. Le fait de compléter ainsi le code pénal aurait, au surplus, fortement contribué à créer un climat de lutte déterminée contre ces pratiques d'un autre âge.
En attendant, la circulaire de Mme Royal doit être respectée, les chefs d'établissement doivent prendre leur responsabilité et jouer tout leur rôle en la matière.
J'espère que la navette permettra aux députés de la majorité plurielle de rétablir une disposition renforçant la répression des excès du bizutage.
Je le dis très amicalement à mon collègue de Seine-Maritime M. Gélard, je regrette que, au détour de ce texte, un amendement aux relents d'ordre moral qu'il avait défendu ait été retenu ; je veux parler, chacun l'aura compris, de l'amendement n° 73 rectifié. S'il vous plaît, cher collègue, ne mélangeons pas tout !
En revanche, je me félicite de la prise en charge à 100 % des soins dispensés aux mineurs victimes.
Sur la question essentielle des moyens supplémentaires à mettre en oeuvre pour la bonne application de ce texte, Mme le garde des sceaux nous a apporté des précisions. J'espère vivement que ce qui est envisagé suffira effectivement à la mise en oeuvre de cette réforme.
La prévention de la récidive en matière d'infractions sexuelles incombe à la société et celle-ci doit, en conséquence, se doter des moyens humains, matériels, sociaux et scientifiques appropriés.
Je voterai donc, avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, ce texte qui réprime les abus sexuels sur les mineurs et renforce la prévention de la récidive en ce domaine.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le Parlement a finalement été saisi de ce texte, qui répond, je le crois, à l'attente d'un grand nombre de nos compatriotes.
Le projet de loi qui nous a été soumis ressort, selon moi, considérablement amélioré de nos travaux, notamment grâce aux propositions de notre excellent rapporteur, M. Charles Jolibois, Ainsi, l'efficacité du suivi socio-médical est renforcée, et la protection des mineurs victimes d'atteintes sexuelles mieux assurée.
On peut regretter que l'on n'ait pas pu trouver une solution - mais, dans l'état actuel de notre droit, c'était difficile - pour obliger un criminel récidiviste à se soigner.
A cette réserve près, le texte sur lequel nous allons nous prononcer permet de faire en sorte que les enfants soient respectés, mieux défendus, mieux protégés. Il témoigne de notre volonté de bannir la violence inadmissible que des adultes peuvent exercer à leur endroit, une violence que facilite parfois, hélas ! une modernité dévoyée.
C'est pour toutes ces raisons que le groupe du RPR votera ce projet de loi tel qu'il a été amendé par la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, au terme de la discussion de ce projet de loi essentiel, qui reprend dans son ensemble le projet de loi présenté en janvier 1997 par le gouvernement d'Alain Juppé, je tiens tout d'abord à saluer le remarquable travail du rapporteur, Charles Jolibois, et de la commission des lois, qui nous a permis d'avoir un débat particulièrement riche et approfondi.
Je me félicite du quasi-consensus dont ce texte a fait l'objet, au-delà des différences idéologiques présentes dans notre hémicycle. En effet, les infractions sexuelles sont un problème de société tellement dramatique qu'un accord aussi large possible m'apparaît capital. C'est pourquoi j'espère que la commission mixte paritaire parviendra à une véritable entente, afin que soient véritablement améliorées la répression des infractions sexuelles et la protection des mineurs.
Parce que ce texte institue un dispositif de suivi socio-judiciaire intéressant et qu'il va, d'une manière générale, dans le bon sens, avec la majorité des membres du groupe des Républicains et des Indépendants, je le voterai tel qu'il a été amendé par le Sénat.
M. le président. La parole est M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le nombre des amendements déposés par le groupe socialiste a démontré son intérêt pour ce texte.
Le bien-fondé du but visé est indiscutable et indiscuté. D'ailleurs, c'est sur le plan technique que nous avons débattu, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, car nous sommes évidemment unanimes à rechercher les meilleurs moyens de prévenir et de réprimer les infractions sexuelles, de protéger les victimes, particulièrement les victimes mineures, lorsque cela est possible.
Vous avez, madame le garde des sceaux, tiré les leçons des critiques adressées au projet de votre prédécesseur, en nous proposant le suivi socio-judiciaire, qui évite de prétendre contraindre un malade qui s'y refuse à se soigner mais qui permet de parvenir au même résultat sans enfreindre aucun principe : ceux qui n'accepteront pas de se soigner devront en tirer les conséquences, c'est-à-dire qu'il leur sera beaucoup plus difficile de sortir de prison. Nous devons espérer que de tels cas seront très rares et que la plupart accepteront de tenter de se soigner.
Nous espérons aussi que vous serez effectivement en mesure de mettre les moyens matériels et les hommes - éducateurs et médecins - nécessaires à la disposition de ces malades, qu'ils soient condamnés d'abord à une peine de prison, puis à une peine complémentaire de suivi socio-judiciaire ou à une peine à titre principal, ou à une peine de suivi socio-judiciaire.
Diverses dispositions n'ont pas été retenues par le Sénat. Je pense en particulier à celle qui concerne les excès du bizutage. Vous avez pu constater, madame le ministre, qu'il s'en est fallu de peu car, avec Mme Ségolène Royal, vous aviez su convaincre la plupart de ceux qui étaient présents dans l'hémicycle, quelles que soient les travées où ils se trouvaient. Il a fallu que la commission recoure au scrutin public pour obtenir le secours de ceux qui étaient absents et qui n'avaient donc pas pu vous entendre.
Mais ce n'est que partie remise : après d'autres lectures ou après la réunion de la commission mixte paritaire, ceux qui défendent la nécessité d'une telle incrimination - et il s'en trouve, je le répète, dans tous les groupes - finiront certainement par voir leur voeu exaucé, et c'est heureux.
Bien entendu, certaines des dispositions qui ont été adoptées ne nous donnent pas pleinement satisfaction. Au demeurant, au sein du groupe socialiste, nous n'étions pas unanimes sur tous les points. C'est bien normal, s'agissant d'un texte purement technique. Pour autant, et sachant que ce texte devra être encore amélioré, afin de montrer son adhésion d'ensemble à la démarche, le groupe socialiste le votera, tel qu'il ressort de cette discussion.
M. le président. La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Au terme de ces débats de plusieurs jours, je veux simplement indiquer au Sénat que le groupe du RDSE votera à l'unanimité ce texte tel qu'il ressort des travaux du Sénat.
Permettez-moi de féliciter M. le rapporteur et M. le président de la commission des lois pour le travail qui a été accompli. Je salue tout particulièrement la gentillesse dont M. le rapporteur a su faire preuve tout au long de la discussion.
Je me réjouis également des excellents rapports qui se sont établis, lors de ce débat, entre le Sénat et le Gouvernement, représenté par Mme le garde des sceaux.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier le Sénat de son vote unanime sur ce texte, même si celui-ci ne comporte plus de disposition relative au bizutage, ce que regrette le Gouvernement.
J'ai tout de même le sentiment que, sur beaucoup de questions, nous avons rapproché nos points de vue.
Les rapporteurs et le Sénat tout entier ont réalisé un travail d'une très grande qualité. Nous avons réussi à améliorer considérablement le texte et j'espère que, au cours de la navette, nous pourrons encore réduire les quelques points de désaccord qui demeurent.
M. le président. Avant que ne s'achève cette séance, je veux rendre hommage à Mme Hélène Ponceau, qui pendant plusieurs années, a secondé avec une remarquable efficacité ceux qui, ont occupé le fauteuil de la présidence. Tous ont éprouvé une immense satisfaction à travailler avec celle qui, la semaine prochaine, prendra les fonctions de secrétaire général de la questure. (Applaudissements.)

4

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord international de 1994 sur les bois tropicaux (ensemble deux annexes).
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 64, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

5

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu de M. James Bordas une proposition de résolution, présentée en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative au cinquième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (1998-2002) et la proposition de décision du Conseil relative au cinquième programme-cadre de la Communauté européenne de l'énergie atomique (EURATOM) pour des activités culturelles de rcherche et d'enseignement (1998-2002) (n° E 847).
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 65, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

6

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 4 novembre 1997 :
A neuf heures trente :
1. Questions orales sans débat suivantes :
I. - M. André Vallet attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les problèmes de sécurité liés à la construction de l'autoroute A 54 reliant Salon-de-Provence à Arles. Cette extension du réseau autoroutier a provoqué l'enclavement d'une cité scolaire regroupant 2 000 élèves, dont l'accès n'est possible que par un cheminement piétonnier particulièrement dangereux. La société concessionnaire, qui s'était engagée auprès du précédent ministre des transports à réaliser de nouvelles voies piétonnes plus sûres, semble aujourd'hui revenir sur cette décision.
Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer quels sont les moyens qu'il entend mettre en oeuvre afin que ces aménagements soient effectués. (N° 49.)
II. - M. Adrien Gouteyron attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur l'inadaptation de la RN 102 au trafic routier et sur les graves conséquences que cette situation entraîne. Il lui rappelle la cruauté des chiffres des accidents mortels : depuis le 1er janvier 1997, à la fin du premier semestre, neuf accidents sont ainsi à déplorer - seize en tout pour l'année 1996. Il tient à lui rappeler que la RN 102 est désormais sous-dimensionnée et devient dangereuse en raison de la croissance du trafic routier en raison de son rôle de liaison entre Le Puy et l'autoroute A 75 qui, à Lempdes, relie la Haute-Loire à la capitale : axe Clermont-Paris. Il rappelle également que cette route est vitale sur le plan économique comme liaison d'aménagement du territoire et qu'elle devrait être classée comme telle. Face à cette situation, des mesures urgentes doivent être prises et surtout un projet et un programme d'investissement pour cet axe sont à envisager pour éviter de nouvelles hécatombes. Citons par exemple le passage à quatre voies du tronçon Brioude-Lempdes compte tenu de l'importance de son trafic, le classement de ce segment en bretelle d'autoroute pour en faire une pénétrante. Il souhaiterait sur tous ces points connaître sa position et, le cas échéant, les mesures qu'il entend mettre en oeuvre pour mettre fin à cette préoccupante situation. (N° 64.)
III. - M. Edouard Le Jeune attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les mesures relatives à la sécurité routière.
Au cours des derniers mois, de nombreux accidents de la route ont été particulièrement meurtriers. Tout le monde garde à l'esprit les images de ces effroyables drames. Si nos compatriotes confirment, dans un récent sondage, leur attachement pour la route, ils soulignent majoritairement la nécessité d'améliorer les infrastructures routières.
L'insécurité routière constitue encore trop souvent un frein à l'usage de la voiture. Le niveau de sécurité est jugé particulièrement insuffisant pour les rues et les routes départementales par près de la moitié des Français. Cette perception est liée, pour une large part, à l'état de leurs infrastructures.
Ainsi, il s'avère que c'est par la construction d'infrastructures routières que l'on peut améliorer le confort de conduite et donc les conditions de sécurité.
Enfin, les Français attendent de l'Etat un effort en matière de routes. Ils identifient assez bien les prérogatives des différents échelons territoriaux selon le type de routes. Le sondage indique clairement qu'ils souhaitent une implication financière accrue des pouvoirs publics dans l'amélioration de l'état des routes et de la sécurité.
En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles mesures il entend prendre afin de renforcer la sécurité routière et quels moyens financiers il compte affecter à l'amélioration des infrastructures. (N° 81.)
IV. - M. François Autain rappelle à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement que le précédent gouvernement avait présenté lors du conseil interministériel d'aménagement du territoire d'Auch un premier projet de schéma national d'aménagement et de développement du territoire, qui prévoyait, s'agissant de la région des Pays de la Loire, parmi les nombreuses orientations retenues, le développement de la plate-forme aéroportuaire internationale de Nantes-Atlantique. Cet aéroport semble en effet promis à un grand avenir, car, avec 1 300 000 passagers en 1996, il est loin de son niveau de saturation, qui se situe aux alentours de 4 500 000 passagers. De plus, il se trouve à proximité immédiate d'une usine de l'Aérospatiale, qui fabrique le tronçon central des Airbus.
Il a donc été très surpris d'apprendre, dans une réponse à une question écrite, que le ministre de l'équipement, des transports et du logement, envisageait de transférer à moyen terme sur un autre site cet aéroport pour répondre à des contraintes d'environnement et en dépit des conséquences qui en découleraient pour l'emploi, notamment avec la fermeture de l'usine de l'Aérospatiale.
Par ailleurs, il lui rappelle que, lors de son audition devant la commission des affaires économiques du Sénat, elle s'était déclarée hostile à l'implantation du troisième aéroport francilien à Beauvilliers en préconisant au contraire le renforcement de trois ou quatre aéroports régionaux pour conforter leurs structures internationales.
Il lui demande si elle pense que les contraintes d'environnement peuvent conduire à moyen terme à la fermeture de l'aéroport international de Nantes-Atlantique et, dans le cas contraire, si elle peut lui indiquer si cet aéroport figurait parmi les trois ou quatre aéroports régionaux évoqués devant la commission. (N° 90.)
V. - M. Daniel Goulet souhaite très vivement attirer l'attention de Mme le secrétaire d'Etat au tourisme sur la situation particulièrement préoccupante des hôteliers et des restaurateurs, confrontés à de multiples et divers problèmes portant sur :
1° Les charges fiscales, et tenant :
a) A la distorsion de la TVA entre les différents établissements français de restauration - repas servis ou emportés -, soit 20,6 % et 5,5 % ;
b) A la distorsion de TVA entre les pays de l'Union européenne et la France ;
c) A l'application de cette TVA sur les avantages en nature offerts aux personnels de fabrication et de service ;
2° Les charges sociales patronales, dont les taux entre les différents pays de l'Union européenne et la France s'établissent au détriment des professionnels français ;
3° Le paracommercialisme et la nécessité de faire appliquer la circulaire du 10 mars 1979 et l'ordonnance du 1er décembre 1986 afin de contenir le paracommercialisme.
En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître quelles mesures elle envisage de prendre pour remédier à ces problèmes qui pénalisent très fortement la profession. (N° 76.)
VI. - M. Daniel Hoeffel appelle l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur la baisse de 32 % pour 1997 des crédits accordés à la restauration des orgues historiques, et sur les vives inquiétudes qui en résultent au sein de la profession des facteurs d'orgues.
Alors que l'organisation des « états généraux de la facture d'orgue » en 1995 et la création du conseil des métiers d'arts en 1996 avaient suscité beaucoup d'espoir, l'annonce de cette décision - sans concertation - a déclenché une vive réaction des facteurs d'orgues, qui dénoncent des méthodes déstabilisantes pour les entreprises et pour le bon déroulement des procédures d'attribution des marchés.
Cette diminution d'un tiers des crédits risque par ailleurs d'entraîner la disparition de 30 % des petites entreprises spécialisées dans cette profession, ainsi que de leur savoir-faire spécifique.
L'Alsace, région particulièrement riche en orgues anciens, est aussi, avec le centre de formation des apprentis d'Eschau, un pilier de la facture d'orgue et se trouve de ce fait particulièrement frappée.
Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'elle compte prendre pour protéger cette profession garante de la survie des plus beaux orgues historiques de France. (N° 9.)
VII. - M. Dominique Braye appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la situation de l'emploi industriel dans le Mantois, suite à l'annonce d'un plan de restructuration à l'usine Sulzer de Mantes-la-Ville, dans les Yvelines, qui conduirait à la suppression de 238 postes, soit 130 à 140 licenciements secs.
L'entreprise Sulzer, qui produit des moteurs destinés à la construction navale et aux centrales électriques, subit aujourd'hui la loi de la mondialisation de ce marché, et le nouvel actionnaire principal - un groupe finlandais - a décidé une restructuration interne de la production.
Cette restructuration intervient dans un contexte local bien particulier. Ces dernières années, le tissu industriel s'y est gravement détérioré : 800 emplois détruits - Porcher, Driver Harris, Seratherm, etc. - contre seulement une centaine de nouveaux emplois créés. Cette situation désastreuse obère lourdement les résultats attendus de la mise en place du grand projet urbain, dont l'agglomération mantaise est bénéficiaire. Aujourd'hui, les efforts acharnés des élus locaux pour créer de nouveaux emplois et les conditions d'un redémarrage économique du Mantois paraissent ainsi largement compromis.
Face à cette situation dramatique, il est bien évident que ces mêmes élus locaux se mobilisent et mettent à la disposition du personnel licencié l'ensemble des structures ad hoc qu'ils ont mises en place : mission pour l'insertion socioprofessionnelle du Mantois - MISPROM - et comité d'expansion économique du Mantois.
Pourtant il est absolument nécessaire que des mesures exceptionnelles soient prises par le Gouvernement, en particulier grâce à un effort significatif d'aménagement du territoire.
En conséquence, il lui demande donc quelles mesures il compte prendre pour rendre rapidement le Mantois éligible à la prime d'aménagement du territoire (PAT), afin de contrebalancer de manière décisive cet effondrement de l'emploi industriel dans l'agglomération et ainsi de redonner espoir à des acteurs locaux rudement éprouvés par l'ampleur des problèmes socio-économiques du Mantois. (N° 38.)
VIII. - M. Jean-Paul Delevoye appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conditions financières de la distribution du lait dans les écoles, qui concerne en principe 7 à 8 millions d'enfants pour un budget de 200 millions de francs en 1997.
Il s'agit d'une pratique ancienne en France - environ quarante ans - dont le financement a été pour partie transféré à la Communauté économique européenne il y a une vingtaine d'années. Ainsi, le budget national n'est-il sollicité qu'à hauteur de 7 à 8 millions de francs pour 1997. Cette distribution de lait revêt une très grande importance à une époque où la malnutrition enfantine est un phénomène en croissance.
Or les municipalités sont confrontées depuis quelques années à une augmentation de l'effort financier qui leur est demandé pour cette distribution, en raison de l'accroissement de l'écart entre le prix du lait et le niveau d'intervention de l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers, l'ONILAIT.
Certaines se voient donc contraintes de diminuer les quantités globales de lait distribuées, voire à renoncer à toute distribution, ce qui est pour le moins fâcheux. Cela est dû à la suppression, en application de la réforme de la politique agricole commune, de la taxe de coresponsabilité - règlement n° 1029/93 du 27 avril 1993.
La Communauté économique européenne a alors décidé une économie de l'ordre de 50 % sur le programme de distribution du lait à l'école, dès lors que cette taxe intervenait à hauteur de 75 % dans le financement de celui-ci. Dans le même temps, le niveau de la subvention nationale a lui-même baissé de 25 %.
Il lui demande dès lors s'il considère que la distribution de lait dans les écoles lui semble nécessaire, s'il pense qu'elle a un avenir dans notre pays et quelles initiatives il compte prendre pour assurer la pérennité de son financement dans des conditions convenables et conformes aux habitudes françaises. (N° 2.)
IX. - M. Fernand Demilly attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur l'avenir de la Fédération nationale des foyers ruraux et, plus particulièrement, sur une éventuelle diminution de la dotation annuelle dont elle bénéficie.
Une baisse de cette dotation entraînerait des arrêts d'activités et des suppressions d'emplois dans un secteur indispensable à l'activité locale et à la lutte contre la désertification rurale.
En conséquence, il lui demande quelles sont les intentions du ministère de l'agriculture quant à la dotation de la ligne « animation rurale ». (N° 53.)
X. - Mme Joëlle Dusseau appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le problème des retraites agricoles. Les retraites versées aux agriculteurs sont dramatiquement basses, calculées en fonction d'un système d'après-guerre aujourd'hui inadapté et pénalisant ceux qui ont nourri notre pays pendant plus de quarante années de leur vie. Il est désormais urgent d'apporter des solutions pour que les petits exploitants, les conjointes d'exploitants et les aides familiales puissent percevoir une retraite décente. Elle lui demande que les plus petites retraites soient portées à hauteur de 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance. Elle demande aussi qu'un effort soit fait pour les conjointes d'exploitants, souvent sans statut et qui se retrouvent avec un minimum de retraite très largement en dessous du revenu minimum d'insertion. Elle suggère qu'il soit obligatoire de déclarer les épouses travaillant dans l'exploitation. Elle lui demande quelles mesures il envisage de prendre pour améliorer le système de retraite actuel, et ce suivant quel calendrier. (N° 74.)
XI. - M. Michel Doublet indique à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche que les mesures agri-environnementales ont permis à la Charente-Maritime d'entretenir et de gérer plusieurs milliers d'hectares de marais, et ce grâce aux contrats signés avec les exploitants agricoles et conchylicoles.
Le renouvellement de certaines de ces opérations semble aujourd'hui compromis au motif que l'enveloppe nationale des crédits serait réservée à des opérations bénéficiant d'une participation financière des collectivités territoriales.
En conséquence, il lui demande quelles mesures le Gouvernement compte mettre en oeuvre pour assurer la pérennité des opérations groupées d'aménagement foncier OGAF-environnement dans le département de la Charente-Maritime et maintenir la qualité de l'environnement des marais concernés. (N° 84.)
XII. - Mme Marie-Madeleine Dieulangard souhaite interroger M. le secrétaire d'Etat au logement sur la possibilité d'étendre le bénéfice de l'allocation de logement temporaire.
Cette allocation, mise en place par la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 portant diverses dispositions d'ordre social, est destinée à soutenir les associations à but non lucratif dont la mission est d'accueillir des personnes défavorisées.
Financée par le Fonds national d'aide au logement, elle donne lieu à un conventionnement avec les caisses d'allocations familiales.
Les centres communaux d'action sociale étant de plus en plus impliqués dans la mise en place et la gestion de structures d'accueil pour des publics en difficulté, elle souhaiterait connaître sa position sur l'extension rapide de cette mesure aux CCAS, comme cela avait été envisagé dans le projet de loi de cohésion sociale. (N° 77.)
XIII. - M. Gérard Fayolle appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les incidences de la disparité des taux de TVA applicables au secteur de la restauration. (N° 52.)
XIV. - M. Jacques Legendre attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'émotion créée dans le Cambrésis par l'annonce le 16 septembre dernier de son projet de création d'un site de stockage d'anciennes munitions de guerre sur l'aérodrome militaire désaffecté de Cambrai-Niergnies.
Il ne s'agit pas d'une contestation du bien-fondé du ramassage et de la collecte des anciennes munitions de guerre. L'Etat est dans son rôle en réorganisant celle-ci.
Mais l'ancien aérodrome militaire de Cambrai-Niergnies représente un ensemble foncier de près de 200 hectares que l'armée de l'air avait entrepris de revendre à la communauté de villes de Cambrai et à la chambre de commerce. Un projet de réutilisation en faveur des sports de l'air, d'un centre d'expériences et de recherches universitaires et d'implantations industrielles était en cours d'élaboration. L'installation d'un dépôt de vieilles munitions, même limité à 5 tonnes, stérilisera 30 hectares et dissuadera les investisseurs éventuels de s'installer à proximité. Et c'est donc toute la zone, essentielle pour l'avenir de l'agglomération, qui se trouvera lourdement pénalisée.
Il demande donc à M. le ministre de l'intérieur, qui est aussi maire et peut comprendre l'émoi des collectivités locales et de la population, de renoncer en ce lieu à une implantation inacceptable et de faire rechercher ailleurs, dans l'arrondissement de Cambrai ou dans un autre arrondissement, sur un terrain militaire ou sur une friche industrielle spécialisée dans les installations classées, l'installation de ce dépôt d'anciennes munitions. (N° 48.)
XV. - M. Pierre Hérisson appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur l'installation des citoyens helvétiques dans les communes frontalières. Si ceux-ci ont la possibilité d'acquérir une résidence en France, elle ne peut être occupée qu'à titre secondaire. Or la plupart de ces résidents les occupent à titre principal. Ces citoyens helvétiques, bien que représentant des consommateurs potentiels qui paient leurs impôts locaux, ne sont pas totalement comptabilisés dans le recensement de la population pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement des communes. Une résidence secondaire ne compte que pour un habitant, quel que soit le nombre d'occupants. Ces résidents ne donnent pas lieu non plus à la perception au bénéfice de la commune de la part du Fonds de rétrocession genevois. Cet état de fait pourrait conduire à terme à un sérieux déséquilibre financier pour les communes, qui doivent malgré tout construire des équipements publics en rapport avec leur population réelle.
En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser les mesures qui seront mises en oeuvre pour que les communes frontalières bénéficient d'une DGF et du Fonds de rétrocession genevois en rapport avec un décompte total d'habitants résidant dans ces communes. (N° 8.)
XVI. - M. Jean-Claude Carle souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur le problème que pose l'organisation actuelle des établissements publics locaux d'enseignement.
En effet, dans les EPLE, le chef d'établissement se trouve être également le président du conseil d'administration, d'où une confusion des rôles et une certaine dévalorisation de chacune de ces fonctions.
Le chef d'établissement étant chargé de mettre en oeuvre les projets arrêtés par le conseil d'administration, il serait préférable de dissocier les deux fonctions d'exécutant et de décideur, qui, actuellement, ne font qu'une.
Renforcer la déconcentration au sein de ces établissements, pour redonner sa dimension réelle à la fonction de président du conseil d'administration, faire en sorte que le chef d'établissement soit véritablement le représentant de l'Etat, qu'il dispose d'une réelle autonomie et puisse se recentrer sur sa mission de base, la pédagogie, pour permettre à de nouveaux partenaires d'accéder au sein de l'établissement apparaissent nécessaires.
Sachant que le respect de l'autonomie des établissements passe avant tout par le respect de la séparation des fonctions, il serait souhaitable de confier la présidence du conseil d'administration à une personnalité extérieure à l'établissement, comme cela a été suggéré dans le rapport « Pour l'école ». On reprendrait ainsi un système déjà adopté avec succès dans les établissements publics locaux d'enseignement agricole.
Pour prévenir toute irruption d'une tutelle locale ou nationale, les conseils d'administration ne pourraient être présidés ni par les élus territoriaux ni par des représentants des services de l'Etat.
Aussi, il souhaiterait connaître sa position sur ce point. (N° 75.)
XVII. - M. Georges Mouly demande à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité si ne pourraient être envisagés le rétablissement du financement des formations de préparation au CADAD, certificat d'aptitude aux fonctions d'aide à domicile, et le maintien d'un niveau de revenu au moins équivalent à ce que perçoit le bénéficiaire du revenu minimum d'insertion - RMI - avant l'établissement d'un contrat de travail, deux mesures qui lui paraissent susceptibles de promouvoir l'action d'insertion professionnelle. En effet, dans le cadre d'une politique initiée à l'échelon intercantonal pour le maintien à domicile des personnes âgées, force est de constater que, depuis quelque temps, pour l'une et/ou l'autre de ces raisons, les bénéficiaires du RMI ne sont pas toujours encouragés à poursuivre, voire à entamer une action d'insertion professionnelle. (N° 85.)
XVIII. - M. Philippe Richert rappelle à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation que, le 10 mars dernier, le Gouvernement a institué, par le décret n° 97-215, une indemnité exceptionnelle destinée à compenser, pour certaines catégories de fonctionnaires, la perte de salaire occasionnée par la modification, début 1997, des taux de cotisation maladie et de contribution sociale généralisée. Le décret dispose que cette indemnisation exceptionnelle sera allouée aux militaires à solde mensuelle, aux magistrats de l'ordre judiciaire ainsi qu'aux personnels de la fonction publique hospitalière ou de l'Etat.
L'ensemble des fonctions publiques semble donc concerné, à l'exception notable de la fonction publique territoriale. Une telle mesure, outre qu'elle peut créer un sentiment d'injustice chez les personnels des administrations territoriales, semble en totale contradiction avec le principe de parité entre les fonctions publiques.
Il souhaiterait en conséquence connaître les raisons qui ont motivé une telle exception et connaître sa position sur la question ainsi que les suites qu'il entend y réserver. (N° 87.)
A dix-sept heures trente et le soir :
2. - Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la politique familiale.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 3 novembre 1997, à dix-sept heures.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

- Débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur l'agriculture.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 4 novembre 1997, à dix-sept heures.
- Résolution de la commission des finances (n° 46, 1997-1998) sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services de télécommunications (n° E-785).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 5 novembre 1997, à dix-sept heures.
- Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Louis Souvet visant à clarifier les conditions d'accueil des gens du voyage sur le territoire des communes de plus de 5 000 habitants et la proposition de loi de M. Philippe Marini relative au stationnement des gens du voyage (n° 283, 1996-1997).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 5 novembre 1997, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


. - . -

Avenir touristique et économique
des zones hors PAT

56. - 30 octobre 1997. - M. Jacques de Menou alerte Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur le projet de plafonnement des aides à l'investissement touristique dans les zones éligibles à la prime à l'aménagmeent du territoire (PAT) et ses conséquences sur les zones hors PAT. La notification initiale du régime d'aide dans le secteur du tourisme désavantagerait gravement les zones hors PAT (aides plafonnées à 15 %, voire 7,5 % contre 30 % en zones PAT), dont l'activité touristique s'avère pourtant si nécessaire à leur développement. Il semble aussi injuste qu'inadapté à un aménagement harmonieux de notre territoire que les zones hors PAT, qui déjà ne bénéficient pas de grands projets industriels, soient écartées également des aides aux emplois touristiques. Au cas où cette mesure serait confirmée, il souhaiterait connaître les dispositions qu'envisage le Gouvernement pour pallier ce cumul de handicaps dans les zones hors PAT. A la suite du Comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) d'Auch, ces zones hors PAT devaient pouvoir bénéficier à nouveau des aides aux bâtiments industriels. Il lui demande si cette disposition est confirmée.

Lutte contre les recours abusifs
en matière d'urbanisme

97. - 29 octobre 1997. - M. Jean-Marie Poirier souhaite appeler l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences dommageables pour l'intérêt général et sur les risques financiers que font peser sur les collectités locales les abus de recours contentieux en matière d'urbanisme. Sans qu'il soit question de faire supporter au juge le poids de l'insécurité dans l'application qui est faite du droit de l'urbanisme, ni même d'accuser le développement constant du recours contentieux qui manifeste la participation active et l'intérêt légitime des citoyens pour leur cadre de vie, force est de constater le lourdeur et les limites de la voie contentieuse lorsqu'il s'agit de trancher certains différends. Certains recours, où l'on distingue d'ailleurs l'expression d'intérêts particuliers qui se drapent d'intentions environnementales pour se faire reconnaître le droit à agir, peuvent avoir des conséquences économiques et financières particulièrement graves pour les aménageurs, les constructeurs et naturellement les collectivités locales engagés ensemble dans une opération. Même lorsque le recours en cause n'est pas assorti de sursis à exécution, les délais d'instance et l'insécurité qui pèsent sur une opération sont largement dommageables à l'économie du programme concerné. Deux risques majeurs pèsent en effet sur la collectivité locale engagée dans une opération. D'une part, les partenaires de la collectivité d'accueil peuvent se retirer de l'opération en s'appuyant sur les clauses de non recours parfois incluses au contrat de concession. D'autre part, les délais imposés par l'instruction de l'affaire allongent la durée de portage du programme et peuvent ainsi entraîner les concessionnaires dans de graves difficultés financières. Dans les deux cas, la collectivité locale hérite de la lourde charge d'assumer les conséquences financières du litige. Depuis quelques années, des propositions ont été faites pour rendre plus efficace le droit de l'urbanisme et pour rechercher les voies de régler autrement les conflits, par la conciliation, la médiation ou l'arbitrage en matière administrative. Cela permettrait de limiter l'inflation contentieuse, source d'encombrement des tribunaux, et d'éviter que des recours juridiquement injustifiés ne viennent à mal des initiatives porteuses pour le développement local. Par ailleurs, compte tenu des masses financières en cause, la question d'un dédommagement de la collectivité abusivement attaquée se pose avec acuité. Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser les intentions du Gouvernement en matière de lutte contre les recours abusifs en matière d'urbanisme.

Construction de l'autoroute A 51

98. - 30 octobre 1997. - M. Fernand Tardy rappelle à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement que lors du changement de Gouvernement, certains grands travaux ont été abandonnés ou gelés. C'est le cas de l'autoroute A 51 qui doit relier Marseille à Grenoble. Les travaux de cette autoroute sont programmés jusqu'à La Saulce (Hautes-Alpes) et commencés sur une portion à partir de Grenoble. Le gel des travaux, initialement prévus sur la partie médiane, inquiète les élus des Alpes de Haute-Provence et des Hautes-Alpes. En effet, on ne saurait concevoir un axe routier important s'arrêtant à La Saulce et, de ce fait, ne remplissant pas les services attendus ; doublement de l'axe rhodanien et débouché rapide et direct sur Nice par le barreau Peyruis-Digne et la Glat N 85-D 202. Il lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement en ce qui concerne la reprise et la finition de l'autoroute A 51 et subsidiairement quelles sont les intentions du Gouvernement en ce qui concerne la réalisation du barreau autoroutier Peyruis-Digne.

Problèmes causés par les biens immobiliers abandonnés

99. - 30 octobre 1997. - M. Marcel Charmant appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les préoccupations des maires, des maires ruraux notamment, confrontés dans leurs communes aux problèmes posés par les biens abandonnés et sans maître. En effet, on déplore, en particulier dans les communes rurales, une augmentation sensible du nombre des biens immobiliers abandonnés à la suite du décès de leur propriétaire. A défaut d'héritier connu, la procédure de déclaration de vacance de la succession et la prise en charge des biens par l'administration des domaines est excessivement longue dans sa mise en oeuvre. Il faut compter en années et quelquefois en décennies. Pendant le déroulement de cette procédure, les maires sont confrontés à la gestion d'une situation qui leur échappe. Les pouvoirs de police qui leur sont conférés par le code des communes et notamment par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 sont inopérants en l'absence de propriétaire connu. Bien souvent, dans ce cas ou dans celui de la mise en oeuvre d'une procédure de péril imminent, la charge des travaux nécessités par l'état d'abandon du bien et l'obligation de faire cesser nuisances et péril pour la sécurité publique incombe, de fait, à la commune et est supportée par le budget communal, faute de pouvoir procéder au recouvrement auprès du propriétaire. Cette situation, qui devrait revêtir sur le plan du droit un caractère exceptionnel, tend malheureusement à se généraliser dans nos communes rurales et à poser de plus en plus de problèmes à des élus qui, de surcroît, disposent de peu de moyens, financiers notamment, pour y répondre. Il lui demande de bien vouloir prendre en considération ce problème et d'envisager de donner aux élus locaux de nouveaux moyens d'action dans ce domaine.

Avenir du transport routier

100. - 30 octobre 1997. - Alors que le climat social dans le domaine des transports semble se dégrader, M. Gérard Roujas souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur l'importance toujours croissante du transport routier de marchandises et plus particulièrement de matières dangereuses. L'accroissement de ce mode de transport fait peser un risque majeur tant au niveau de la sécurité routière que de l'environnement. Ces dernières semaines, des accidents tragiques ont mis en cause des poids lourds. Il est à craindre que, malgré l'amélioration constante des infrastructures routières, des accidents de ce type se multiplient, d'une part, en raison du nombre croissant de poids lourds en circulation, d'autre part, en raison des conditions de travail des salariés de ce secteur d'activité. Il lui demande donc quelles sont les mesures qu'il entend prendre, premièrement afin de favoriser d'autres modes de transport de marchandises (rail, association rail-route, etc.), deuxièmement afin d'assurer un strict respect de la réglementation du travail dans ce secteur d'activité.

Avenir du centre de recherche aéronautique du Fauga-Mauzac

101. - 30 octobre 1997. - M. Gérard Roujas tient à attirer l'attention de M. le ministre de la défense sur la situation de l'Office national d'études et de recherches aéronautiques, l'ONERA, et plus particulièrement du centre du Fauga-Mauzac. Depuis plusieurs années, l'ONERA a subi de plein fouet des fortes restrictions budgétaires. Celles-ci ont conduit à la mise en place de plans sociaux dans de nombreux établissements dont celui de Mauzac. Les décisions des gouvernements précédents ont conduit à une réduction d'activité de 20 % au terme de la loi de programmation militaire. Cette décision aura pour conséquence une réduction des effectifs de l'ordre de 400 personnes. Pourtant, la compétence de l'ONERA et de ses chercheurs est mondialement reconnue. Au moment où les Etats-Unis maintiennent leur effort en matière de recherche aéronautique, et dans un contexte de concurrence féroce, un désengagement de l'Etat serait lourd de conséquences pour l'aéronautique française et européenne. Il semble évident que notre pays ne peut pas se passer de telles compétences sans risquer de voir décliner l'un des fleurons de son industrie qu'est l'aéronautique. Concernant le centre du Fauga-Mauzac, il avait été envisagé, lors de sa création, une décentralisation sur ce site plus importante que celle réalisée à ce jour. Le centre du Fauga-Mauzac possède des atouts considérables de par sa localisation à 30 kilomètres de Toulouse, de par les facilités d'accès (A 64), de par la superficie des terrains disponibles. Il lui demande de bien vouloir lui préciser quelles sont ses intentions en matière de recherche aéronautique et plus particulièrement en ce qui concerne le développement du centre ONERA du Fauga-Mauzac.

Conditions de transposition en droit interne
d'une directive européenne

102. - 30 octobre 1997. - M. Serge Vinçon demande à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes de bien vouloir lui expliquer les raisons pour lesquelles la directive 96/97/CE du Conseil du 15 octobre 1996 (concernant l'accès au marché de l'assistance en escale dans les aéroports de la communauté) jugée de nature législative lors de l'examen du projet par le Conseil d'Etat le 14 avril 1995 et par conséquent rentrant dans le champ d'application de l'article 88-4 de la Constitution fait l'objet d'un projet de décret, afin de procéder à sa transposition en droit interne sans l'examen du Parlement. L'examen du Parlement apparaît d'autant plus nécessaire que cette directive semble poser des questions de fond, eu égard au droit de la concurrence et notamment à l'ordonnance de 1986.

Montant de la vignette automobile

103. - 30 octobre 1997. - M. Gérard Roujas tient à attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences de la fixation par les départements du montant de la vignette automobile. Si l'on met à part les quelques rares départements qui ont délibérément choisi de conserver le prix des vignettes à un niveau modéré, force est de constater que les départements dont les ressources sont faibles sont contraints de relever régulièrement le montant de cette taxe, alors que les départements dont les ressources sont diverses et nombreuses peuvent se permettre de ne pas augmenter les tarifs en la matière. Sans remettre en cause les principes mêmes de la décentralisation, il convient de s'interroger sur un système dont on peut constater l'effet pervers. Ainsi, une société dont le parc automobile est important ou une société de location aura tendance à immatriculer ses véhicules dans un département où le prix de la vignette est bas et à déserter celui où le prix est élevé. Cet état de fait ne peut que contribuer à creuser le fossé existant entre départements pauvres et départements riches et participer ainsi au déséquilibre du territoire. En conséquence, il lui demande quelles solutions il envisage afin d'éviter les effets pervers constatés et préserver les départements les plus pauvres d'un inexorable déclin.



ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 30 octobre 1997


SCRUTIN (n° 10)



sur les amendements n° 29, présenté par M. Charles Jolibois au nom de la commission des lois, et n° 62, présenté par M. Jean-Jacques Hyest, tendant à la suppression de l'article 10 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes (création d'un délit de bizutage).

Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages exprimés : 318
Pour : 216
Contre : 102

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 15.
Contre : 6. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert_Paul Vigouroux.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Paul Girod, qui présidait la séance.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :

Pour : 91.
Contre : 3. _ MM. Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel et Jean-Pierre Schosteck.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 75.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (59) :

Pour : 57.
Contre : 1. _ M. Jean-Louis Lorrain.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :

Pour : 44.
Contre : 1. _ M. Nicolas About.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :

Pour : 9.

Ont voté pour


Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët


François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Nicolas About
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Philippe de Gaulle
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Paul Girod, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.

SCRUTIN (n° 11)



sur l'amendement n° 73 rectifié, présenté par M. Patrice Gélard et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, tendant à insérer un article additionnel après l'article 14 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes (interdiction d'exploitation d'un commerce à caractère pornographique à moins de 100 mètres d'un établissement accueillant habituellement des mineurs).

Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages exprimés : 316
Pour : 219
Contre : 97

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 15.
Contre : 6. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert-Paul Vigouroux.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Paul Girod, qui présidait la séance.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :

Pour : 94.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 75.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (59) :

Pour : 58.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :

Pour : 43.
Abstentions : 2. _ MM. Nicolas About et Jacques Larché.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :

Pour : 9.

Ont voté pour


Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët


François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

Abstentions


MM. Nicolas About et Jacques Larché.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Paul Girod, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.