SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Saisine du Conseil constitutionnel
(p.
1
).
3.
Questions orales
(p.
2
).
SITUATION CRITIQUE
DES TRIBUNAUX DE L'HÉRAULT (p.
3
)
Question de M. Gérard Delfau. - Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Gérard Delfau.
DIFFICULTÉS DES PRODUCTEURS
DE FRUITS ET LÉGUMES (p.
4
)
Question de M. Louis Minetti. - MM. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Louis Minetti.
PUBLICATION DES DÉCRETS D'APPLICATION
DE LA LOI N° 97-179 DU 28 FÉVRIER 1997 (p.
5
)
Question de M. André Egu. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. André Egu.
CONSÉQUENCES DE LA NON-PRIVATISATION
D'AIR FRANCE (p.
6
)
Question de M. François Gerbaud. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; François Gerbaud.
AMÉNAGEMENT DES AXES ROUTIERS DE L'ALLIER (p. 7 )
Question de M. Bernard Barraux. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Bernard Barraux.
DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU MULTIMODAL
EN BRETAGNE (p.
8
)
Question de M. Jacques de Menou. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Jacques de Menou.
PROTECTION DES RIVERAINS DE L'AUTOROUTE A 6 (p. 9 )
Question de M. Xavier Dugoin. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Xavier Dugoin.
TRAVAUX D'ISOLATION PHONIQUE DE L'AUTOROUTE A 6
À LA HAUTEUR DE CHILLY-MAZARIN (p.
10
)
Question de M. Paul Loridant. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Paul Loridant.
RÉGLEMENTATION DU DROIT DE PASSAGE
SUR LE DOMAINE PUBLIC ROUTIER (p.
11
)
Question de M. Jean-Paul Delevoye. - MM. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; Jean-Paul Delevoye.
FISCALITÉ DES CARBURANTS
ET LUTTE CONTRE LA POLLUTION (p.
12
)
Question de Mme Danièle Pourtaud. - M. Christian Pierret, secrétraire d'Etat à l'industrie ; Mme Danièle Pourtaud.
CONSÉQUENCES DE LA RÉGULARISATION DES ÉTRANGERS
EN SITUATION IRRÉGULIÈRE (p.
13
)
Question de M. Christian Demuynck. - MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ; Christian Demuynck.
DIFFICULTÉS D'INDEMNISATION RENCONTRÉES
PAR CERTAINES VICTIMES D'ATTENTAT (p.
14
)
Question de M. Gilbert Chabroux. - MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ; Gilbert Chabroux.
CARRIÈRE DES DIRECTEURS GÉNÉRAUX
ET DIRECTEURS GÉNÉRAUX ADJOINTS
DES CONSEILS RÉGIONAUX ET GÉNÉRAUX (p.
15
)
Question de M. René Marquès. - MM. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation ; René Marquès.
SITUATION DES CAISSES PRIMAIRES
D'ASSURANCE MALADIE EN CAS DE FERMETURE
D'ÉTABLISSEMENTS SANITAIRES (p.
16
)
Question de M. Jean-Pierre Fourcade. - MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Jean-Pierre Fourcade.
POLITIQUE EN FAVEUR DE L'EMPLOI (p. 17 )
Question de M. Jean Bizet. - MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé
; Jean Bizet.
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
SITUATION DES RÉSIDENTS DE LA CITÉ
DES COURTILLIÈRES À PANTIN (p.
18
)
Question de Mme Danielle Bidard-Reydet. - M. Bernard Kouchner, secrétraire d'Etat à la santé ; Mme Danielle Bidard-Reydet.
EXAMEN DES DOSSIERS DE DEMANDES
DE PRESTATION SPÉCIFIQUE DÉPENDANCE (p.
19
)
Question de Mme Dinah Derycke. - M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Mme Dinah Derycke.
PRISE EN CHARGE DE L'AUTISME (p. 20 )
Question de M. Jacques Valade. - MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Jacques Valade.
Suspension et reprise de la séance (p. 21 )
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
4.
Hommage à un haut fonctionnaire du Sénat
(p.
22
).
M. le président, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice.
5.
Conférence des présidents
(p.
23
).
6.
Prévention et répression des infractions sexuelles. -
Discussion d'un projet de loi (p.
24
).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice ; M. Charles Jolibois, rapporteur de la commission des lois.
PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
MM. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales ; Jacques Larché, président de la commission des lois ; Philippe
Darniche, Nicolas About.
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Joëlle Dusseau.
PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
MM. Robert Pagès, Christian Demuynck, Jean-Louis Lorrain, Henri Revol, François
Autain, Jean-Jacques Hyest.
Mme le garde des sceaux.
Clôture de la discussion générale.
Renvoi de la suite de la discussion.
7.
Retrait d'une proposition de loi organique
(p.
25
).
8.
Dépôt de propositions d'acte communautaire
(p.
26
).
9.
Dépôt d'une proposition de loi organique
(p.
27
).
10.
Dépôt de propositions de loi
(p.
28
).
11.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
29
).
12.
Ordre du jour
(p.
30
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.
2
SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel
une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a
été saisi le 24 octobre 1997, en application de l'article 61, alinéa 2, de la
Constitution, par plus de soixante députés, d'une demande d'examen de la
conformité à la Constitution de la loi portant mesures urgentes à caractère
fiscal et financier.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de
la distribution.
3
QUESTIONS ORALES SANS DÉBAT
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.
Situation critique des tribunaux de l'Hérault
M. le président.
M. Gérard Delfau interpelle Mme le garde des sceaux, ministre de la justice,
sur la situation préoccupante des juridictions du département de l'Hérault et
sur le mouvement de protestation et de grève qu'elle a suscité. Plusieurs faits
l'expliquent. La forte croissance démographique, observée depuis le recensement
de 1982, a provoqué la multiplication des plaintes. Le développement
touristique du littoral y a ajouté les procédures liées à une augmentation
considérable des accidents de la route et au contentieux de l'urbanisme. Enfin,
les transits de population et l'éclatement des cadres de vie urbains et ruraux
ont favorisé les transgressions de la norme. De récentes statistiques montrent
des taux de délinquance et de crimes de sang supérieurs à la moyenne nationale,
en liaison avec le haut niveau de chômage qui caractérise le
Languedoc-Roussillon.
Or les créations de poste n'ont pas suivi la même courbe ascendante. Aussi,
les efforts courageux des magistrats et des personnels du greffe n'ont pu
enrayer cette spirale. Le contentieux civil, par exemple, a doublé : de 4 261
dossiers en 1986, il est passé à 8 471 en 1996, mais l'effectif des magistrats,
lui, est resté identique à celui de 1984. A cela s'ajoute le fait que le jeu
des mutations et changements d'affectation fait passer le nombre de magistrats
de 16 à 11,5 postes entre juin et octobre. C'est cette brutale aggravation qui
est à l'origine de la grève du barreau. Pour leur part, les juges réunis en
assemblée générale constatent dans une motion : « Nous sommes au-dessous de
l'effectif dont disposait le tribunal de grande instance il y a quinze ans
alors que, dans le même temps, le volume d'activité a plus que doublé. »
Il sait que des mesures sont en préparation dans les services pour compenser,
au moins en partie, ces carences, et il l'en remercie. Mais, au-delà, il
voudrait connaître les intentions du Gouvernement pour commencer à corriger une
inégalité choquante, au regard des moyens, entre cette juridiction et d'autres
infiniment mieux pourvues. Il avait posé la même question, il y a quelques
mois, au précédent gouvernement, mais la crise qui vient de secouer le tribunal
et la cour d'appel de Montpellier montre qu'il y a urgence. (N° 58.)
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Madame le garde des sceaux, je souhaite attirer votre attention sur la
situation préoccupante des juridictions de mon département, l'Hérault, tout
particulièrement sur celle de la juridiction de Montpellier.
Cette situation, qui a provoqué un mouvement de protestation et de grève,
s'explique par plusieurs faits : la forte croissance démographique observée
depuis le recensement de 1982, qui aboutit à la multiplication des plaintes ;
le développement touristique du littoral, qui a considérablement accru le
nombre des procédures liées aux accidents de la route et au contentieux de
l'urbanisme ; enfin, les transits de population et l'éclatement des cadres de
vie urbains et ruraux, qui ont favorisé les transgressions de la norme.
De récentes statistiques mettent en évidence des taux de délinquance et de
crimes de sang supérieurs à la moyenne nationale, en rapport avec le haut
niveau de chômage qui caractérise le Languedoc-Roussillon. Ainsi, Montpellier
se situe au deuxième rang des villes à risque tandis que le département se
place au troisième rang pour le taux de criminalité.
Or, depuis longtemps d'ailleurs, les créations de poste ne suivent pas la même
courbe ascendante. Aussi, les efforts courageux des magistrats et des
personnels du greffe n'ont pu enrayer cette spirale. Le contentieux civil, par
exemple, a doublé : de 4 261 dossiers en 1986, il est passé à 8 471 en 1996,
mais l'effectif des magistrats, lui, est resté identique à celui de 1984.
A cela s'est ajouté le fait que, par le jeu des mutations et changements
d'affectation, le nombre des postes de magistrat est passé de 16 à 11,5 entre
juin et octobre. C'est cette brutale aggravation qui est à l'origine de la
grève du barreau. Pour leur part, les juges, réunis en assemblée générale,
constatent dans une motion : « Nous sommes au-dessous de l'effectif dont
disposait le tribunal de grande instance il y a quinze ans alors que, dans le
même temps, le volume d'activité a plus que doublé. »
Les magistrats font pourtant un effort considérable pour résorber le retard :
le taux de productivité dans la juridiction de Montpellier est en effet de 30 %
supérieur à la moyenne nationale. On comprend dans ces conditions leur
lassitude et leur récent coup de colère, et les maires directement concernés
par cette situation et confrontés à l'amertume de la population m'ont demandé
d'intervenir avec force.
Nous savons, madame le garde des sceaux, que, dans vos services, des mesures
sont en préparation pour compenser, au moins en partie, ces carences. Nous vous
en remercions. Au-delà, nous voudrions connaître vos intentions en vue de
corriger l'inégalité choquante entre cette juridiction et d'autres infiniment
mieux pourvues.
J'avais posé la même question, il y a quelques mois, au gouvernement
précédent, mais je n'avais pas obtenu de réponse. La crise qui vient de secouer
le tribunal de grande instance de Montpellier montre cependant qu'il y a
urgence, et je sais, madame le garde des sceaux, que, cette fois, j'obtiendrai
une réponse.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le sénateur, je veux
d'abord vous remercier d'avoir appelé mon attention sur la nécessité
d'améliorer les conditions de fonctionnement des juridictions de l'Hérault
auxquelles je suis, croyez-le bien, particulièrement attentive. Ainsi, je
voyais hier encore les chefs de la cour d'appel de Montpellier. Ils m'ont
précisément informée de la situation des juridictions de leur ressort et j'ai
veillé à ce que des solutions soient apportées aux problèmes.
Je sais que le département de l'Hérault connaît à la fois une très forte
progression démographique et une augmentation des contentieux liée, notamment,
à un très vif développement économique et touristique.
Le tribunal de grande instance de Montpellier a bénéficié depuis 1988 de
quatre créations d'emploi de juge, dont deux spécialisés, et d'un emploi de
substitut, de telle sorte qu'aujourd'hui l'effectif des magistrats du parquet
est reconnu comme suffisant.
Cela dit, il est vrai qu'en ce qui concerne l'effectif réel des magistrats du
siège le tribunal a connu ces derniers temps des difficultés conjoncturelles ;
j'ai veillé à ce que la chancellerie les résolve dans des délais aussi brefs
que possible.
C'est ainsi que sur les trois postes vacants depuis juillet et août deux
seront pourvus - un poste de juge non spécialisé et un poste de juge chargé du
service du tribunal de grande instance de Lodève - par un décret de nomination
qui va intervenir au cours de ce mois. Quant à la vacance d'un emploi de
vice-président du second grade, elle est d'ores et déjà compensée par
l'affectation en surnombre d'un vice-président du premier grade.
Par ailleurs, je souligne que, pour pallier les difficultés pouvant résulter
de l'absence de magistrats dans les tribunaux du ressort de la cour d'appel de
Montpellier, les chefs de cour disposent de la faculté d'y déléguer
temporairement un ou plusieurs des six magistrats placés auprès d'eux à cet
effet afin, précisément, de compenser les vacances inopinées telles qu'un congé
de maladie ou de maternité.
Enfin, je rappelle que cette juridiction est maintenant logée dans des locaux
dignes, modernes et spacieux, pour lesquels l'Etat a consenti un investissement
de 240 millions de francs. J'espère que, dans ces bonnes conditions matérielles
et désormais dotée des juges dont elle a besoin, cette juridiction pourra
traiter au mieux les affaires dont elle est saisie.
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Madame le garde des sceaux, les nouveaux locaux sont, c'est vrai, superbes et
il importe de les faire vivre grâce à un nombre suffisant de magistrats. Il est
vrai aussi que le parquet est correctement pourvu - le procureur, que j'ai
rencontré, me l'a confirmé.
Ce sont bien les magistrats du siège qui font défaut, et je ne parle pas des
personnels du greffe, qu'il ne faut pas oublier. Je suis donc heureux de vous
entendre confirmer que deux des trois postes vacants seront pourvus ce mois-ci.
Nous sommes le 28 octobre et, contrairement à ce que craignait le président du
tribunal de grande instance, que j'ai également rencontré, nous n'attendrons
donc pas le mois de janvier. Voilà déjà une première bonne nouvelle.
Mais au-delà, madame le garde des sceaux, vous vous rendez bien compte - vous
l'avez d'ailleurs vous-même reconnu - que la situation est devenue préoccupante
au fil des ans et qu'il faut donc y remédier non seulement grâce au prochain
budget, mais aussi grâce à un effort étalé sur plusieurs années.
Aussi, je reprendrai, sur ce point, trois pistes qui pourraient
progressivement résorber le déficit actuel en personnel.
Tout d'abord, et sans doute grâce à un effort de votre ministère, il faudrait
assurer une meilleure gestion des personnels. Pourquoi désorganiser, par des
mesures de mutation intervenant en juin, la rentrée de septembre ? Ce n'est pas
digne d'un grand service comme celui de la justice.
Ensuite, bien qu'il ne soit pas très populaire de le dire, des mesures de
redéploiement devraient peut-être être prises. En examinant le nombre
d'affaires instruites par les tribunaux, je me suis aperçu qu'il existait des
disparités considérables en matière de personnel, notamment en ce qui concerne
les postes de magistrat.
Enfin, il convient que des postes soient créés à partir de votre prochain
budget dans notre juridiction, puisque votre gouvernement a prévu pour 1998 une
augmentation significative des moyens mis à disposition de la justice. Et cet
effort devra être poursuivi quelques années afin de résorber le déficit
actuel.
Madame le garde des sceaux, voilà ce que je voulais vous dire au nom de
l'ensemble des personnels de la justice mais aussi, bien sûr, des maires et de
la population.
Difficultés
des producteurs de fruits et légumes
M. le président.
M. Louis Minetti attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de
la pêche sur les nombreuses difficultés rencontrées par les producteurs
français de fruits et légumes en général, par ceux des Bouches-du-Rhône en
particulier.
Courant juillet, lors d'une visite au ministre de l'agriculture, avec d'autres
parlementaires communistes, il avait suggéré de prendre des mesures d'aide
immédiates et à court terme pour les producteurs en difficulté. L'accord sur
ces propositions avait été obtenu. Quelles suites ont été données à ces
propositions ?
Pour l'hiver 1997 et le printemps-été 1998, quelles mesures sont envisagées
pour moraliser le commerce intracommunautaire des fruits et légumes de la zone
de l'hémisphère Nord et, surtout, de l'hémisphère Sud ? Dans ce domaine aussi,
il a fait des propositions concrètes.
D'une réponse précise à ces questions dépend une bonne tenue du marché au
printemps et à l'été 1998. (N° 27.)
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti.
Monsieur le ministre, j'avais, dès le mois de février dernier, averti votre
prédécesseur de la crise profonde qui se préparait pour le printemps.
Après les élections du mois de mai 1997, j'ai fait un mini-tour de France pour
aller voir sur place. A l'issue de ces déplacements, je me suis rendu le 2
juillet dernier à votre ministère et j'ai fait un certain nombre de
propositions. J'avais cru comprendre que l'on m'avait bien entendu.
J'avais proposé, pour les victimes des premières grandes crises du printemps,
une aide compensatoire aux producteurs touchés, qui s'alliait à un report
d'annuité pour les prêts, pour les cotisations MSA et pour les impôts. J'avais
également proposé une aide compensatoire pour la remise en culture en 1998 et
toutes autres mesures sociales allant dans le même sens, sans oublier les
dossiers « gel » du printemps de 1997.
Par ailleurs, j'avais abordé la question de l'assainissement du marché
français et européen des pêches, des brugnons et des nectarines, bref, des
fruits que nous produisons. Il faut aussi réexaminer les contrats d'importation
en cours d'exécution en prenant en compte les stocks réels.
J'avais également proposé de réexaminer l'ensemble des certificats et des
licences d'importation. Il faut recourir à des clauses spéciales de sauvegarde
avec, comme objectif, l'application immédiate de mesures contraignantes de
dégagement du marché.
Enfin, il convient de convoquer une conférence gouvernementale réunissant les
producteurs, toutes organisations confondues, les filières professionnelles et
les grandes et moyennes surfaces, l'objectif étant de respecter totalement la
préférence communautaire, donc sans dérogation, car, selon une formule qui
court dans nos campagnes, les frontières de l'Europe sont une passoire.
Par ailleurs, j'avais proposé des mesures à plus long terme, qui devraient
être en cours de préparation à l'heure actuelle. Je les rappelle : introduire
de nouveau, dans la loi sur la concurrence, les coefficients multiplicateurs
entre le prix payé au producteur et le prix de vente au consommateur ; faire
respecter la loi sur les délais de paiement par la grande distribution ; à
l'importation, établir les conditions d'un marché transparent et d'une saine
concurrence, en particulier par l'interdiction de la vente sans prix et par
l'interdiction de tout transport de marchandises sans destination et sans prix
- c'est la réalité actuelle -, enfin, améliorer sur le plan européen les
mécanismes de l'organisation commune des marchés des fruits et légumes, sur
laquelle j'avais émis de grandes réserves - il faut établir des prévisions,
organiser le calendrier des producteurs et d'échange, la gestion des marchés et
le soutien des prix et des productions.
J'avais ajouté qu'il convenait de favoriser de manière beaucoup plus affirmée
l'installation des jeunes dans ce secteur. Il faut demander à la Communauté
européenne - mais, avec le « paquet Santer », nous y reviendrons plus
longuement en d'autres occasions - de modifier le budget des fruits et légumes.
Ce secteur, qui représente quelque 20 % de la production agricole européenne,
obtient à peu près 5 % des aides financières.
Enfin, il paraît souhaitable de réexaminer et de renégocier l'ensemble des
traités bilatéraux et multilatéraux, qui pénalisent les producteurs français de
fruits et légumes.
Monsieur le ministre, voilà succinctement rappelées nos propositions. Je
voudrais savoir où en est leur mise en oeuvre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le sénateur, lors de
ma prise de fonctions, en juin dernier, j'ai trouvé sur mon bureau le lourd
dossier des fruits et légumes. Ce secteur était particulièrement inquiet,
compte tenu des difficultés, dont vous vous êtes fait l'écho, qui avaient été
rencontrées au printemps, notamment dans les filières fraises et tomates.
La profession avait encore en mémoire la campagne extrêmement difficile de
1996, et le gel intervenu au début de l'année dans certaines régions
arboricoles amplifiait l'inquiétude des producteurs. Tout au long de l'été,
nous avons assuré quotidiennement une veille très vigilante sur l'évolution sur
l'ensemble du secteur. J'ai reçu, le 25 juillet, les représentants de la
profession, afin d'apprécier la situation à laquelle ils devaient faire
face.
Nous sommes convenus, ce jour-là, de la nécessité d'apprécier globalement les
résultats de la campagne de 1997 à l'issue de celle-ci, à partir d'un bilan de
campagne qui sera préparé par l'ONIFLHOR, l'office national interprofessionnel
des fruits, des légumes et de l'horticulture, en concertation avec la
profession.
Par ailleurs, je me suis engagé à mettre en oeuvre, dans les meilleurs délais,
les mesures de soutien aux arboriculteurs qui avaient été touchés par le gel de
printemps. Cet engagement est aujourd'hui tenu, la commission nationale des
calamités ayant adopté la liste des zones sinistrées dans lesquelles les
producteurs pourront bénéficier des indemnisations, selon les procédures
prévues par la loi.
En outre, 500 millions de francs de prêts bonifiés à des taux de 2,5 % et 4 %
ont été ouverts pour ces producteurs sinistrés.
Le conseil de direction de l'ONIFLHOR ayant été récemment renouvelé, le bilan
de la campagne de 1997 est en cours de réalisation et me sera présenté dans les
prochains jours.
Monsieur le sénateur, j'ai prévu de rencontrer à nouveau les représentants de
la profession le 25 novembre prochain et d'arrêter à cette date les mesures les
plus appropriées pour aider cette filière. Il a été pris bonne note des
suggestions que vous avez émises au regard de la filière.
Des mesures conjoncturelles peuvent être nécessaires pour tel ou tel produit,
même si, globalement, la campagne de 1997 semble avoir été moins difficile que
celle de 1996. Je souhaite donc privilégier des mesures qui seraient de nature
à structurer durablement cette filière.
A cet effet, je compte m'appuyer d'abord sur le nouveau dispositif résultant
de l'organisation commune des marchés, l'OCM, en vigueur depuis cette année.
J'ai bien noté votre appréciation quant à ce dispositif, qui met, dans le cadre
des programmes opérationnels de chaque organisation de producteurs, des moyens
substantiels à la disposition de ces derniers.
A cette occasion, j'espère définir avec la profession le nouveau schéma
d'organisation économique qu'il est nécessaire d'adopter pour tenir compte des
nouvelles règles fixées par l'OCM.
Cette réunion de novembre sera également l'occasion d'évoquer les perspectives
pour 1998, notamment d'approfondir le dialogue franco-espagnol, dont j'ai
adopté le principe avec le ministre espagnol de l'agriculture lors de notre
rencontre de juillet dernier.
Vous savez que, à cette occasion, la création d'une commission mixte
franco-espagnole a été arrêtée. Elle a pour objet la concertation entre les
administrations et les professions des deux pays afin d'améliorer les relations
commerciales dans le secteur des fruits et légumes. Ce dialogue franco-espagnol
constituera l'un des éléments permettant de préparer la campagne de 1998 dans
les meilleures conditions possible.
Je souhaitais vous apporter l'assurance qu'il a été pris bonne note d'un
certain nombre de vos suggestions. Elles fourniront, avec les avis des
professionnels, quelques-unes des données qui devront être prises en compte
dans l'examen de ce dossier particulièrement difficile.
M. Louis Minetti.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti.
Monsieur le ministre, j'ai bien noté l'intérêt que vous portez à mes
propositions. J'apprécie que vous ayez retenu l'une d'entre elles, à savoir
l'examen avec l'Espagne, et si possible dans les détails, de tout ce qui peut
être fait.
Je vous informe que, à titre de parlementaire, je vais me rendre en Espagne -
je ne suis pas le Gouvernement, je n'ai pas de pouvoir ! - pour voir comment on
peut éviter ces affrontements stériles dans lesquels tout le monde est perdant,
et les Espagnols et les Français.
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. Louis Minetti.
Cela vaut aussi pour quelques autres pays européens.
Par ailleurs, la préférence communautaire reste une très grande question.
Certes, ce principe figure dans les textes, mais un flou plus qu'artistique
règne sur son application. Nous devons donc être vigilants.
Enfin, il faut aller contre le cours des choses. Je demande que l'on mette à
plat et que l'on renégocie l'ensemble des traités bilatéraux et multilatéraux
sur les fruits et légumes. Il faut que nous nous mettions d'accord. Au lieu
d'une concurrence aveugle et sauvage, il faut enclencher un processus de
complémentarité et de codéveloppement. Cela vaut tant au sein de l'Europe que
pour le monde entier. On ne peut plus continuer à laisser les agriculteurs se
battre entre eux, car les seuls gagnants sont alors les multinationales du
commerce.
Je rappelle que l'Europe est déficitaire : nous ne produisons que 40 % de
notre consommation de fruits et légumes. Il devrait donc y avoir là une
ouverture pour la bonne tenue de nos marchés et de notre agriculture. Il me
semble d'ailleurs que, dans le cadre de la prochaine loi d'orientation agricole
- mais c'est un autre débat -, les fruits et les légumes, en tout cas pour la
France, pourraient être un moyen pour occuper intégralement le territoire
français.
Publication des décrets d'application
de la loi n° 97-179 du 28 février 1997
M. le président.
M. André Egu demande à Mme le ministre de la culture et de la communication
quelles sont les perspectives de publication des décrets d'application de la
loi n° 97-179 du 28 février 1997 relative à l'instruction des autorisations de
travaux dans le champ de visibilité des édifices classés ou inscrits et dans
les secteurs sauvegardés.
Cette loi, qui a été votée à l'unanimité au Sénat, sera-t-elle limitée aux
seuls permis de construire ou s'appliquera-t-elle aussi aux autorisations
d'aménagements et aux permis de démolir, conformément aux souhaits du
législateur ?
Par ailleurs, la composition des commissions du patrimoine et des sites
sera-t-elle calquée sur la composition des anciennes commissions régionales du
patrimoine historique, archéologique et ethnologique, les COREPHAE ? Quelles
seront leurs attributions précises ? Auront-elles un rôle de structure de
conseil en amont ou bien conserveront-elles les compétences actuellement
dévolues aux collèges régionaux du patrimoine et des sites et aux COREPHAE,
comme le suggère le texte voté par le Parlement ?
Il appartient au Gouvernement d'apporter des réponses précises et rapides à
ces questions.
En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui faire part de ses
intentions. (N° 73.)
La parole est à M. Egu.
M. André Egu.
Madame le ministre, je souhaite, s'agissant du problème des architectes des
bâtiments de France, connaître les perspectives de publication des décrets
d'application de la loi du 28 février 1997 relative à l'instruction des
autorisations de travaux dans le champ de visibilité des édifices classés ou
inscrits et dans les secteurs sauvegardés.
Cette loi, qui a été votée à l'unanimité au Sénat, sera-t-elle limitée aux
seuls permis de construire ou s'appliquera-t-elle aussi aux autorisations
d'aménagements et aux permis de démolir, conformément aux souhaits du
législateur ?
Par ailleurs, la composition des commissions du patrimoine et des sites
sera-t-elle calquée sur la composition des anciennes commissions régionales du
patrimoine historique, archéologique et ethnologique, les COREPHAE ? Quelles
seront leurs attributions précises ? Auront-elles un rôle de structure de
conseil en amont ou conserveront-elles les compétences actuellement dévolues
aux collèges régionaux du patrimoine et des sites et aux COREPHAE, comme le
suggère le texte voté par le Parlement ?
Il appartient au Gouvernement d'apporter des réponses précises et rapides à
ces questions.
En conséquence, je vous demande, madame le ministre, de bien vouloir me faire
part de vos intentions.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication, porte-parole du
Gouvernement.
Monsieur le sénateur, la loi du 28 février 1997 relative à
l'instruction des autorisations de travaux dans le champ de visibilité des
édifices classés ou inscrits et dans les secteurs sauvegardés, d'origine
parlementaire, apporte deux innovations à notre législation.
Tout d'abord, elle crée une nouvelle commission, la commission régionale du
patrimoine et des sites, qui reprend les attributions de deux organes
consultatifs existants : les commissions régionales du patrimoine historique,
archéologique et ethnologique, les COREPHAE, et les collèges régionaux du
patrimoine et des sites.
Ensuite, elle prévoit, en cas de désaccord de l'autorité compétente pour
délivrer le permis de construire ou l'autorisation de travaux avec l'avis de
l'architecte des bâtiments de France, la possibilité d'une saisine du préfet de
région, qui décide après consultation de la commission du patrimoine et des
sites créée par la loi.
La loi prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat précise les modalités
d'application.
Un projet de décret a été élaboré par les services du ministère de la culture
et de la communication. Il vient d'être transmis pour consultation aux
différents ministères concernés : ministère de l'intérieur, ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie, ministère de l'équipement, des
transports et du logement, ministère de l'aménagement du territoire et de
l'environnement et ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat
et de la décentralisation. L'Association des maires de France a également été
destinataire de ce projet. La commission supérieure des monuments historiques
et le comité technique paritaire du ministère de la culture et de la
communication seront également saisis dans les prochaines semaines.
L'objectif du ministère de la culture et de la communication est de présenter
un texte au Conseil d'Etat dans les premières semaines du mois de décembre, une
fois que cette première phase de concertation sera terminée.
Comme la loi le prévoit, le projet de décret préparé par les services du
ministère de la culture et de la communication confie à la nouvelle commission
régionale du patrimoine et des sites les attributions de laCOREPHAE et du
collège régional du patrimoine et des sites ; il précise, en outre, les
modalités de fonctionnement de la commission et prévoit sa consultation dans
tous les cas définis par la loi, c'est-à-dire pour les permis de construire des
immeubles situés dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit, en
application de l'article 13
bis
de la loi de 1913, et pour les permis de
construire, permis de démolir et autorisations de travaux pour les immeubles
situés dans les secteurs sauvegardés, en application de l'article L. 313-2 du
code de l'urbanisme. La procédure qui existait déjà pour les zones de
protection du patrimoine architectural, urbain et paysager est harmonisée par
le projet de décret.
Le projet de décret prévoit aussi la composition de la nouvelle commission,
selon des modalités voisines de celles qui étaient en vigueur pour les
COREPHAE. La commission comprendra ainsi des membres de droit, des membres
désignés par le préfet parmi les experts du patrimoine, de l'architecture et
des paysages, des personnalités qualifiées, des représentants des associations
et, enfin, des élus disposant d'un mandat local ou national, comme le prévoit
la loi du 28 février 1997.
Comme vous l'avez suggéré, monsieur le sénateur, je souhaite vivement que ces
commissions puissent jouer un rôle de conseil en amont. Il sera cependant
nécessaire d'attendre l'expérience de quelques mois de fonctionnement de la
commission pour se rendre compte de sa charge de travail et du temps qu'elle
pourra dégager pour prévenir des difficultés en analysant les projets avant que
l'architecte des bâtiments de France ne délivre son avis.
M. André Egu.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Egu.
M. André Egu.
Madame le ministre, je vous remercie très sincèrement de toutes les réponses
que vous m'avez apportées.
Dans nombre de départements, certains conflits voire des procès auraient pu
être évités si ces cellules de concertation et d'arbitrage avaient existé.
Mieux vaut, en effet, régler les difficultés dans le dialogue et la
concertation plutôt que saisir les tribunaux. Par conséquent, nous attendons
avec impatience que soient réglés tous ces problèmes de procédure.
Je sais aussi que vous avez émis l'intention de créer, dans le grand chantier
de l'architecture, une instance de médiation, ce qui est toujours très apprécié
par les élus. En effet, tout doit pouvoir s'arranger dans le dialogue et la
concertation. Je vous en remercie également, madame le ministre.
Conséquences
de la non-privatisation d'Air France
M. le président.
M. François Gerbaud appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement sur les conséquences de la non-privatisation du
groupe Air France sur l'avenir du pavillon français.
Il lui rappelle que, par cette décision, trois points fondamentaux pour
l'avenir du transport aérien français restent en suspens : l'avenir du groupe
Air France tout d'abord, qui doit répondre à quatre objectifs principaux, à
savoir l'affrontement d'une nouvelle concurrence, la dynamisation de l'offre
commerciale, la poursuite du redressement financier et la création d'alliances
internationales ; le développement de Roissy ensuite, qui ne peut assurer
pleinement son rôle de plate-forme européenne sans ses deux pistes
supplémentaires ; la mise en oeuvre du schéma aéroportuaire, enfin, qui a été
acté dans la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement
et le développement du territoire, notamment par l'utilisation plus rationnelle
des aéroports existants.
Il lui demande de bien vouloir lui préciser quelle politique il entend mener
pour le transport aérien français. (N° 30.)
La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud.
Monsieur le ministre, très rapidement après avoir pris vos fonctions au
ministère de l'équipement, des transports et du logement, vous avez annoncé
qu'il n'était pas question de privatiser Air France. Nous restons aujourd'hui
très nombreux à redouter qu'une telle décision ne pénalise, voire ne paralyse
le développement de la compagnie nationale. Où en sommes-nous en ce domaine ?
Pouvez-vous nous dire quand et dans quelle proportion vous allez, comme vous
l'avez annoncé, ouvrir le capital d'Air France ?
Nous savons, par ailleurs, que le développement de la compagnie nationale est
l'une des conditions essentielles du développement de notre aviation civile sur
l'ensemble du territoire national.
C'est, je crois, votre sentiment. En effet, lors d'une récente conférence de
presse relative à la construction de pistes supplémentaires à Roissy, vous avez
tenu à souligner le rôle que peuvent jouer certains aéroports de province pour
soulager le ciel parisien de plus en plus embouteillé.
A cette occasion, vous n'avez pas manqué de citer l'aéroport de Châteauroux -
Marcel-Dassault pour sa spécialité du fret - de tous les frets, y compris les
plus spécialisés, ajouterai-je - et je vous en remercie très vivement.
En effet, l'aéroport de Châteauroux - Marcel-Dassault est un exemplaire et
irremplaçable outil d'aménagement du territoire pour le département de l'Indre,
pour la région et pour le territoire national. Dans le schéma aéroportuaire que
nous attendons - d'ailleurs, quand allez-vous le publier, monsieur le ministre
? - l'aéroport de Châteauroux constitue l'illustration réussie de
l'intermodalité des transports et la réponse immédiatement opérationnelle à
l'encombrement des aéroports parisiens et aux attentes du marché du transport
aérien, que l'on sait actuellement en pleine expansion.
Si vous avez nommément cité Châteauroux, c'est parce que vous savez que cet
aéroport, avec sa piste de 3 500 mètres, est doté de tous les équipements de
piste, de stockage et de manutention indispensables au traitement de tous types
d'avions cargos. De surcroît, il se trouve en dehors des embouteillages du ciel
qui paralysent la région parisienne, au coeur de la France, et bénéficie de
conditions météorologiques plus que favorables.
Vous avez également cité l'aéroport de Châteauroux parce qu'il est
parfaitement desservi par l'autoroute A 20, qui le met à deux heures de Paris,
ainsi que par une voie ferrée en modernisation. De plus, s'agissant d'un
aéroport industriel, donc sans luxe, il est particulièrement économique pour
les compagnies qui commencent à l'utiliser.
Ainsi, Châteauroux peut soulager Paris. Cet aéroport est d'ores et déjà
opérationnel ; il n'est pas une chimère en construction. Il est souhaité et
utilisé par les professionnels du fret. Il est défini par le gouvernement
auquel vous appartenez ainsi que par le précédent gouvernement comme une
alternative au fret parisien.
Dès lors, monsieur le ministre, ma question est la suivante : au-delà du choix
que vous avez exprimé de recourir davantage aux aéroports de province, comment
et dans quelles conditions peut-on concrètement organiser la meilleure
utilisation de l'infrastructure de Châteauroux - Marcel-Dassault, satisfaisant
ainsi le double objectif d'aménager notre territoire et de désembouteiller
Paris ?
En d'autres termes, comment organiser la déconcentration parisienne, que,
comme vous, nous appelons de nos voeux, vers des aéroports de province qui, dès
à présent, sont la meilleure manière de répondre au défi terrible de demain
dans ce domaine ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement, auprès du ministre de l'équipement, des
transports et du logement.
Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord
de bien vouloir excuser l'absence de M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement, qui reçoit en ce moment même, le ministre
britannique des transports et qui m'a demandé de le suppléer.
Lors de son entrée en fonctions, M. Jean-Claude Gayssot a déclaré, au nom du
Gouvernement, qu'il ne serait pas le ministre de la privatisation et de la
dérégulation, ne croyant pas, pas plus que le Gouvernement, à l'infaillibilité
des dogmes ultralibéraux ; d'ailleurs, les électrices et les électeurs n'y
croient manifestement pas davantage.
L'évolution du marché des transports aériens rend en effet indispensable une
attitude pragmatique, dans l'intérêt même de la desserte aérienne de notre
pays. C'est notamment ce qui nous a conduit à accepter l'accroissement de la
capacité de l'aéroport de Roissy - Charles-de-Gaulle, tout en prenant les
mesures nécessaires pour ne pas augmenter les nuisances.
Dans un environnement désormais très concurrentiel, sur le marché tant
national et communautaire qu'extracommunautaire, tout doit être mis en oeuvre
afin qu'Air France conserve son rang au sein des grands transporteurs mondiaux.
C'est pourquoi le Gouvernement n'est pas favorable au
statu quo
.
Cela suppose de renforcer ses alliances internationales actuelles et d'en
rechercher de nouvelles.
Le statut public de l'entreprise ne constitue pas un obstacle à la réalisation
de ces alliances, pas plus que la privatisation n'est imposée par l'Union
européenne.
Je vous rappelle, monsieur le sénateur, que 85 % des alliances passées dans le
monde par les entreprises de transport aérien sont exclusivement de nature
commerciale et n'ont aucune implication sur le capital des compagnies.
Cela ne nous conduit cependant pas à exclure formellement toute perspective
d'alliances financières ou de participations croisées qui pourraient être
utiles à l'avenir d'Air France et à l'intérêt national.
Même si la situation de la compagnie nationale présente encore beaucoup
d'éléments de fragilité, il est aujourd'hui indiscutable qu'Air France se porte
mieux. Les résultats de son dernier exercice l'attestent.
A cet égard, l'Etat, qui a recapitalisé la compagnie à concurrence de 20
milliards de francs, les personnels, qui ont consenti des efforts importants,
ainsi que la direction d'Air France, qui a opéré de bons choix stratégiques,
ont pleinement contribué au rétablissement de l'entreprise publique.
Je constate d'ailleurs que l'appartenance d'Air France au secteur public n'a
pas constitué, en l'espèce, un frein au rétablissement de la compagnie.
Les réformes opérées par Air France ont déjà produit des résultats tangibles,
qu'il s'agisse de l'organisation du réseau autour de la plate-forme de
correspondances de Roissy - Charles-de-Gaulle, de l'amélioration de
l'utilisation des avions, de la dynamisation de l'offre commerciale ou encore
de l'utilisation d'outils modernes de gestion de recettes ; mais les effets
escomptés restent, dans une certaine mesure, à confirmer.
Ce n'est que dans quelque temps que nous pourrons constater si la fusion d'Air
France et d'Air France Europe, dont l'intérêt stratégique pour l'entreprise
publique de transport aérien paraît incontestable, aura été maîtrisée et
produira les effets attendus.
Le potentiel de développement de l'aéroport de Roissy nous paraît être un
argument bien plus pertinent pour les partenaires actuels ou futurs d'Air
France que son appartenance ou non au secteur public.
La décision récente relative au principe d'une ouverture limitée et
minoritaire du capital d'Air France est donc, pour le Gouvernement, l'un des
moyens d'assurer le développement de la compagnie et de lui permettre les
nécessaires adaptations à l'environnement économique dans lequel elle
évolue.
C'est la mission que le Gouvernement a entendu confier au nouveau président de
la compagnie.
Vous avez certainement noté que la décision de réaliser deux nouvelles pistes
à l'aéroport de Roissy - Charles-de-Gaulle a été accompagnée de mesures
concernant tant l'insertion de l'aéroport dans son environnement économique et
social que l'aménagement du territoire. Le Gouvernement a également décidé de
prendre toute une série de mesures destinées à lutter contre le bruit.
Ces dispositions s'accompagnent d'un engagement à limiter à terme le trafic
global de l'aéroport. Le rôle que peuvent jouer les aéroports situés dans les
régions fait l'objet d'une évaluation, et la perspective de développement du
trafic de fret sur des plates-formes telles que celle de Châteauroux semble
intéressante.
Ces éléments permettront d'alimenter le débat national sur la loi
d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, prévu
l'année prochaine, et sur le schéma directeur sectoriel des infrastructures
aéroportuaires.
L'importance de l'infrastructure de Châteauroux est à prendre en
considération. Ce sera sans doute une opportunité dont les compagnies aériennes
pourront se saisir.
A cet égard, il a été constaté que le tonnage de fret, qui représente
maintenant plus de 1 700 tonnes par jour, a plus que doublé depuis le début de
l'année 1997. Cela représente 22 % de mouvements d'avions en plus par rapport
aux neuf premiers mois de 1996.
Il semble donc que les atouts de cette plate-forme attirent effectivement des
transporteurs aériens, confirmant sa capacité à jouer une complémentarité
intéressante par rapport aux aéroports parisiens.
M. François Gerbaud.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie infiniment de la précision de
votre réponse.
S'agissant d'Air France, vous campez sur vos certitudes en bout de piste. Je
ne pense que vous puissiez faire autrement, mais j'espère que le ciel vous
entendra - lorsque je parle de ciel, je pense évidemment à celui dans lequel
évoluent les avions
(Sourires)
- et que, effectivement, les réseaux
pourront se constituer sans que pour autant Air France ait changé de statut.
Le temps répondra sans doute à votre certitude concernant la
non-privatisation. Pour ma part, je reste convaincu qu'il sera difficile de
réaliser des alliances au-delà du simple fait commercial. Par conséquent,
l'interrogation reste posée ; elle n'est pas agressive, elle n'est pas
dogmatique, elle répond simplement au bon sens.
En deuxième lieu, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie d'avoir
insisté sur l'avantage que Roissy offre désormais à Air France et à son hub.
Nous avions beaucoup insisté pour la création des deux nouvelles pistes, tout
en tenant compte de l'intégration de la plate-forme dans son environnement,
compte tenu des risques de nuisances. Je pense à Satolas, mais je pourrais
citer d'autres exemples.
Quoi qu'il en soit, je souhaiterais que vous puissiez me confirmer la vocation
de l'aéroport de Châteauroux, d'autant que cette vocation a été programmée et
inscrite dans le temps, ce qui n'est pas le cas pour d'autres aéroports.
Aménagement des axes routiers de l'Allier
M. le président.
M. Bernard Barraux appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement sur les problèmes que rencontre le département de
l'Allier, notamment pour l'aménagement de la route centre Europe Atlantique et
la route nationale 7.
Ces deux axes étant aujourd'hui totalement inadaptés à la circulation qu'ils
supportent font en effet l'objet d'aménagements en voie express, mais le rythme
de réalisation reste très insuffisant par rapport aux besoins.
Pour la route centre Europe Atlantique, l'aménagement en voie express a été
déclaré d'utilité publique par décret du 4 février 1993 pour la section A 71-A
20 et par décret du 17 mars 1995 pour la section A 71-Paray-le-Monial.
Les travaux prévus au cours de la période 1994-1998 dans les contrats de plan
Etat-région ne permettront même pas de réaliser une seule chaussée sur les deux
prévues sur la section Dompierre-sur-Besbre-Digoin puisqu'un crédit
complémentaire de 250 millions de francs sera encore nécessaire au titre du
XIIe Plan.
Il lui demande de bien vouloir lui préciser le mode de réalisation et le
calendrier envisagé permettant de répondre à ces besoins d'aménagement dans un
délai n'excédant pas une dizaine d'années, tout en écartant un financement
faisant appel aux collectivités locales. Il lui paraît en effet anormal que les
collectivités locales participent au financement de ces aménagements de routes
nationales qui relèvent de la seule compétence de l'Etat.
Pour la route nationale 7, l'aménagement à deux fois deux voies a été déclaré
d'utilité publique entre Cosne-sur-Loire et Balbigny par décret du 20 septembre
1995.
Il lui indique que le retard pris est extrêmement important et que
l'insécurité routière entre La Palisse et la limite de la Loire, en
particulier, y est insupportable. On y dénombre, en effet, en cinq ans, sur une
douzaine de kilomètres, environ soixante accidents corporels ayant fait vingt
morts.
Il lui demande, en conséquence, si le Gouvernement envisage de réaliser
d'urgence le contournement de La Palisse - Saint-Prix et la section entre
Saint-Prix et la limite avec le département de la Loire.
Il lui précise qu'il conviendrait également d'établir un calendrier de
réalisation de l'ensemble des aménagements et d'ajouter au programme déjà
décidé les contournements de Villeneuve-sur-Allier et de Bessay-sur-Allier,
afin que ces deux petites agglomérations ne constituent pas après la mise en
service de l'autoroute en construction au nord de Cosne-sur-Loire des points
noirs en matière de sécurité routière et de nuisance aux riverains. (N° 54.)
La parole est à M. Barraux.
M. Bernard Barraux.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
département de l'Allier est au croisement de deux routes nationales très
importantes, la route nationale 7, suivant la direction nord-sud, et la route
centre Europe Atlantique suivant la direction est-ouest.
Ces deux axes sont aujourd'hui totalement inadaptés à la circulation qu'ils
supportent. Ils font l'objet de projets d'aménagement en voies express, mais,
hélas ! le rythme de réalisation reste très insuffisant par rapport aux
besoins.
Pour la route centre Europe Atlantique, l'aménagement en voie express a été
déclaré d'utilité publique par décret du 4 février 1993 pour la section A 71 -
A 20, et par décret du 17 mars 1995 pour la section A 71 - Paray-le-Monial.
Actuellement, cette voie, classée comme grande liaison d'aménagement du
territoire, supporte un trafic de l'ordre de 5 500 véhicules par jour en
moyenne annuelle, avec un pourcentage de poids lourds excédant 40 % sur
certaines sections.
Globalement, ce sont plus de 2 000 poids lourds qui utilisent cette voie
journellement pour traverser le département de l'Allier.
Selon les prévisions du rapport introductif du groupe de travail présidé par
M. Claude Martinand, relatif au débat national sur l'avenir du transport
ferroviaire à l'horizon 2015, qui s'est tenu le 29 février 1996, le trafic
actuel de marchandises sur route sera multiplié environ par deux en hypothèse
basse et par trois en hypothèse haute.
Il est probable que ces coefficients seront encore plus forts pour la route
centre Europe Atlantique, compte tenu de son trafic poids lourds actuel.
La chaussée existante dans les parties déjà aménagées, conçue pour être
intégrée à une route à deux fois deux voies, est inadaptée à une circulation à
double sens et aux manoeuvres de dépassement, en raison des grandes courbes
d'un tracé en plan qui oblige à pratiquer une vitesse excessive quand on veut
doubler un camion.
Dans les parties non aménagées, la route traverse les bourgs avec des
nuisances insupportables pour les riverains et une forte insécurité pour les
usagers et ces mêmes riverains.
Les travaux prévus sur cet itinéraire au cours de la période 1994-1998 dans
les contrats de plan Etat-région, au titre des programmes cofinancés,
unilatéraux et exceptionnels, sont les suivants : il s'agit, pour la Creuse,
d'un montant de 395 millions de francs ; pour l'Allier, de 575 millions de
francs ; et, pour le département de la Saône-et-Loire, de 815 millions de
francs.
Pour l'Allier, ces programmes ne permettront même pas de réaliser à une seule
chaussée la section Dompierre-sur-Besbres - Digoin, puisqu'un crédit
complémentaire de 250 millions de francs sera encore nécessaire au titre du
XIIe Plan.
Il restera encore à réaliser l'aménagement entre Montluçon et le département
de la Creuse et la mise à deux fois deux voies sur l'ensemble de l'itinéraire,
soit sur 126 kilomètres environ.
Il est probable que au rythme actuel, une vingtaine d'années seront encore
nécessaires pour arriver au terme des programmes.
Par ailleurs, il est anormal et même impossible que les collectivités locales
participent au financement de ces aménagements de routes nationales, qui
relèvent de la seule compétence de l'Etat.
Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir me
préciser le mode de réalisation et le calendrier envisagé afin de répondre à ce
besoin d'aménagement dans un délai n'excédant pas une dizaine d'années, tout en
écartant un financement faisant appel aux collectivités locales.
Pour la route nationale 7, l'aménagement à deux fois deux voies a été déclaré
d'utilité publique entre Cosne-sur-Loire et Balbigny, par décret du 20
septembre 1995.
Le programme spécifique d'accélération, décidé le 18 novembre 1989, comportait
la mise en deux fois deux voies du nord de Moulins jusqu'à
Villeneuve-sur-Allier, la deuxième chaussée du contournement de Moulins, la
déviation de Toulon-sur-Allier à deux fois deux voies, la déviation de
Varennes-sur-Allier - Saint-Loup à une fois deux voies, la déviation de
Lapalisse - Saint-Prix à une fois deux voies, la liaison de Saint-Prix à la
limite du département de la Loire à une fois deux voies.
Ce programme devrait se réaliser entre 1991 et 1996. A ce jour qu'en est-il
?
La deuxième chaussée du contournement de Moulins est faite, de même qu'un pont
à Lapalisse et un pont à Toulon-sur-Allier. Le retard pris est donc extrêmement
important.
L'insécurité routière entre Lapalisse et la limite de la Loire, en
particulier, est devenue totalement insupportable. On y a dénombré, sur une
petite douzaine de kilomètres, en cinq ans, plus de soixante accidents
corporels, qui ont provoqué la mort de vingt personnes.
Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir
m'indiquer si vous comptez réaliser d'urgence le contournement de Lapalisse -
Saint-Prix et la section entre Saint-Prix et la limite avec le département de
la Loire.
Il conviendrait également d'établir un calendrier de réalisation de l'ensemble
des aménagements et d'ajouter au programme déjà décidé des contournements de
Villeneuve-sur-Allier et de Bessay-sur-Allier.
En effet, ces deux petites agglomérations constitueront un goulet
d'étranglement et un grave point noir en matière de sécurité routière et de
nuisances pour les riverains après la mise en service de l'autoroute en
construction au nord de Cosne-sur-Loire.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, des précisions que vous
pourrez m'apporter sur ces projets.
M. le président.
Mes chers collègues, permettez-moi de vous rappeler que dix-huit questions
figurent à l'ordre du jour de cette matinée.
Selon la règle qui a été établie par la conférence des présidents, l'auteur de
la question dispose de trois minutes pour s'exprimer ; il est suggéré au
Gouvernement de répondre en deux minutes, afin que celui qui a posé la question
puisse intervenir de nouveau, pour deux minutes.
Si nous devions dépasser ces sept minutes par question, il est clair que la
présente séance se terminerait très tard !
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement, auprès du ministre de l'équipement, des
transports et du logement.
Je vous ai bien entendu, monsieur le
président.
Au nom de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et
du logement, je souhaite vous dire, monsieur le sénateur, que le Gouvernement
connaît l'importance, pour le département de l'Allier, de ces deux grands axes
est-ouest et nord-sud que sont respectivement la route centre Europe Atlantique
et la route nationale 7.
Ces deux itinéraires subissent un trafic de poids lourds relativement élevé et
justifient, à ce titre, des efforts d'aménagement pour améliorer la sécurité.
M. Jean-Claude Gayssot a eu l'occasion, lors de son récent déplacement à
Montluçon, de présenter les principales actions qu'il compte mener en ce
sens.
En ce qui concerne la route centre Europe Atlantique, une part plus importante
des crédits du fonds d'investissement pour les transports terrestres et les
voies navigables lui sera consacrée dès 1998.
Dans l'Allier, la déviation de Dompierre devrait ainsi s'achever en 1998.
Entre Dompierre et Digoin, les travaux s'accéléreront, avec la réalisation des
ouvrages d'art. Une quinzaine d'ouvrages seront lancés, dont un au-dessus de la
Loire dès le début de l'année 1998, ouvrage symbolique par sa taille, mais
aussi parce qu'il constitue la continuité entre la Bourgogne et l'Auvergne.
Pour accélérer l'aménagement de cet axe important, une étude a été menée
visant à vérifier la faisabilité et l'opportunité d'une éventuelle concession.
Ses conclusions ne sont pas favorables, vous le savez, à une telle
hypothèse.
Dans le prochain Plan, il conviendra alors de mobiliser tous les efforts pour
compléter les financements en place, dont les 250 millions de francs
aujourd'hui estimés nécessaires pour l'achèvement de la liaison
Dompierre-Digoin, qui devrait intervenir à l'horizon 2002.
Entre Digoin et Paray-le-Monial, l'objectif est de mettre en service la
liaison à deux fois deux voies à la fin de l'année 1999.
Pour ce qui est de la RN 7, les travaux de sécurité, prévus dans une enveloppe
de 40 millions de francs, dont 15 millions de francs dans l'Allier, seront
achevés en 1998.
M. Jean-Claude Gayssot a aussi demandé que la réalisation du giratoire dit du
« grand remblai », situé à l'extrémité de la déviation de Lapalisse -
Saint-Prix, soit engagée dès 1998, en cohérence avec les travaux menés par le
département de l'Allier.
Parallèlement, les études se poursuivront sur le viaduc de franchissement de
la Besbre, principale difficulté technique sur la déviation de Lapalisse -
Saint-Prix, compte tenu de sa taille et des problèmes d'environnement liés à la
présence de zones inondables. Elles devront aboutir pour une réalisation des
travaux en 1999.
Le ministre de l'équipement a également souhaité que les études et les
premières acquisitions foncières soient entreprises en 1998 sur les sections
adjacentes entre Saint-Prix et la limite du département de la Loire.
L'objectif est de lancer les travaux dans la continuité de ceux qui ont été
engagés pour la déviation de Lapalisse - Saint-Prix.
En conclusion, je puis vous assurer que, malgré un contexte budgétaire
difficile, des efforts particuliers seront entrepris dès 1998 pour accélérer
l'aménagement de ces deux axes, sur lesquels vous venez d'appeler tout
particulièrement l'attention du Gouvernement.
M. Bernard Barraux
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Barraux, pour répondre brièvement à M. le secrétaire
d'Etat.
M. Bernard Barraux.
Je répondrai très brièvement, monsieur le président.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie et je transmettrai votre
réponse aux élus et aux riverains.
Développement
du réseau multimodal en Bretagne
M. le président.
M. Jacques de Menou alerte M. le ministre de l'équipement, des transports et
du logement sur la nécessité de développer le transport combiné rail-route,
essentiel pour désenclaver la Bretagne. Aujourd'hui, en effet, le problème de
l'éloignement ne se mesure plus seulement en termes de distance mais aussi en
termes de temps. Seul un axe européen ouest-est au départ du pôle de Brest
pourrait encourager la vocation européenne des départements bretons et placer
leurs produits à moins de douze heures du marché communautaire, leur permettant
ainsi de rester compétitifs en Europe.
Depuis que le débat est ouvert, la Bretagne a toujours été écartée des
cartes-simulations du réseau multimodal, la frontière ouest s'arrêtant à Rennes
et à Nantes. Or il semble impossible que Brest, doté d'un aéroport
international, d'un port de commerce dynamique et d'une passerelle Ro-Ro soit
en marge de cette chance de développement que constitue le transport
multimodal.
Le gouvernement précédent s'était déclaré favorable aux intérêts de la
Bretagne et de la plate-forme de Brest.
Il souhaite savoir si des mesures en faveur d'un tel développement multimodal
au départ de Brest seront prises. (N° 55.)
La parole est à M. de Menou.
M. Jacques de Menou.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
question que je soulève aujourd'hui est très importante pour l'avenir
économique du Finistère et de la Bretagne occidentale.
Depuis de longues années, je me bats pour le désenclavement de notre région,
condition indispensable au maintien de notre compétitivité sur le marché
européen. Il reste, en effet, essentiel, pour les industriels finistériens,
principalement dans le domaine agroalimentaire, de pouvoir acheminer dans des
conditions optimales leurs produits. Le transport combiné rail-route apparaît
donc bien plus qu'une simple solution ; c'est la chance de rendre ce nouvel
espace européen, qui va se déplacer de plus en plus vers l'est, accessible à
des départements excentrés, notamment du Grand Ouest.
C'est pourquoi je m'étonne que les plans qui sont actuellement préparés à
l'échelon européen concernant la France restent axés sur des liaisons nord-sud
sans qu'aucune liaison est-ouest ne soit prévue pour ces fameux « corridors »
de fret ferroviaire qui se situeront à proximité de la Banane bleue !
Ces plans, élaborés à Bruxelles par des fonctionnaires, ignorent les réalités
locales et l'égalité des chances. Pour favoriser l'insertion harmonieuse de la
France dans l'Europe, nous devons nous attacher, au contraire, à ce que toutes
nos régions périphériques disposent des mêmes chances, en termes de moyens de
communication, sur les marchés européens.
Pour le trafic national, le transport routier restera vraisemblablement
largement prioritaire, et le rail-route ne sera à cet échelon qu'un complément.
En revanche, dès que l'on évoque le transport à longue distance, sur 1 000
kilomètres environ, le rail-route ne manque pas de s'imposer. Ce mode de
transport, très efficace en termes de délais, offre de bons atouts techniques
en matière tant de sécurité que d'écologie. Etre relié au centre de l'Europe en
douze heures au lieu de vingt-quatre heures aujourd'hui est déterminant pour
nos entreprises et pour la valorisation de nos produits frais.
Seule une logistique rail-route nous permettra de gagner cette course contre
la montre.
Pourtant, la France est, d'après les chiffres qui sont en ma possession, le
pays européen qui investit le moins dans ce domaine : 300 millions de francs
par an, contre un milliard de francs pour l'Italie et l'Allemagne, qui mettent
en place un véritable quadrillage. Or pour l'Etat français et l'Union
européenne, l'Ouest devrait constituer un secteur pilote dans le développement
du transport rail-route, dont le domaine de compétitivité se situe au-delà de
500 kilomètres ; c'est la distance minimale que parcourent les produits
finistériens et, plus largement, ceux de Bretagne occidentale pour atteindre
les grands centres de consommation.
Il faut donc définitivement rompre avec cette logique exclusive nord-sud, qui
tend à relier les ports de l'Europe du Nord à Paris pour rayonner ensuite vers
l'Italie et l'Espagne, et envisager également des liaisons est-ouest, dont
devront pouvoir profiter Brest et la Bretagne occidentale.
Par ailleurs, exclure le Finistère des simulations des plates-formes
multimodales, c'est pénaliser injustement ce département et entraver
arbitrairement ses performances économiques. Je ne répéterai jamais assez, dans
ce débat, que c'est tout l'avenir de notre développement économique qui est en
jeu.
Cela est d'autant plus choquant que le site de Brest offre toutes les
facilités requises pour la mise en place d'une telle plate-forme multimodale.
En effet, il conjugue déjà quatre modes de transport - routier, aérien,
ferroviaire et maritime - qui ont fait la preuve de leur efficacité. Dans ces
conditions, pourquoi ne retenir que Rennes et Nantes dans les projets actuels
de plate-forme ?
Brest doit faire partie du dispositif, au même titre que Cherbourg, qui y
serait déjà intégrée. L'importance de nos productions agroalimentaires et
l'expansion du port de Brest justifient la création d'une telle plate-forme.
Il nous paraît aussi indispensable, tant pour désenclave la Bretagne
occidentale et favoriser son développement économique que pour jouer le rôle
européen induit par sa position géographique privilégiée au carrefour des voies
maritimes, que la plate-forme multimodale de Brest soit inscrite au schéma
national des plates-formes multimodales.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'etat, connaître votre avis sur ces
orientations.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement, auprès du ministre de l'équipement, des
transports et du logement.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement est
favorable au développement du transport combiné, qui peut, dans certains cas,
se substituer tout à fait avantageusement au transport intégralement routier.
Il ne faut pas, en effet, opposer les modes de transport entre eux ; il faut au
contraire savoir jouer au mieux de leur complémentarité.
Ce transport combiné, il faut le développer sur son créneau de pertinence, qui
est le transport de marchandises à plus de 500 kilomètres. Le développement des
échanges à l'échelon de l'Europe doit garantir un fort développement dans les
années à venir, mais il faut, pour faire face à la croissance qui a été
constatée ces dernières années et en favoriser la poursuite, d'une part,
pouvoir disposer au départ comme à l'arrivée d'un très bon réseau de collecte
et de distribution et, d'autre part, que le changement de mode se fasse dans
des installations de transbordements performantes.
La Bretagne a naturellement toute sa place dans ce schéma de modernisation. Un
travail préalable, qui a été réalisé par M. Daubresse, donne des éléments de
réflexion, même s'il n'engage pas le Gouvernement.
Un recensement des plates-formes existantes a été fait et des propositions de
hiérarchisation ont été préssentées. Il faut les examiner et en débattre
sachant que l'Etat donnera la priorité aux sites pour lesquels une synergie
avec les plates-formes régionales sera assurée et qui auront un intérêt
structurant.
Le projet de loi de finances pour 1998 prévoit un fort accroissement des
crédits du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies
navigables, le FITTVN, qui est l'instrument financier permettant de mettre en
oeuvre une politique vraiment intermodale.
Il sera ainsi possible en 1998 non seulement de maintenir mais même
d'accroître tout à fait significativement les aides de l'Etat aux opérations
d'investissements en faveur du transport combiné.
En débit de cet accroissement, tout ne pourra pas être engagé à court terme,
et la priorité doit donc être donnée aux opérations de modernisation pour
l'extension des infrastructures destinées à réaliser le transfert modal de la
route vers le fer, qui arrivent à saturation.
Voilà, monsieur le sénateur, le cadre dans lequel nous travaillerons dans les
mois à venir et dans lequel seront examinées les propositions d'amélioration de
la desserte de la Bretagne, notamment, bien évidemment, celles que vous venez
de présenter pour Brest, dont j'ai bien pris note.
M. Jacques de Menou.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. de Menou.
M. Jacques de Menou.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.
J'ai noté l'intérêt que vous portez au transport multimodal, mais vous n'avez
pas vraiment répondu à ma question essentielle : va-t-on demain étudier
sérieusement le problème des liaisons est-ouest en France ?
Je reste frappé de l'importance donnée à la liaison européenne nord-sud, au
détriment de notre Grand Ouest. Certes, il s'agit d'un plan de longue haleine
et je ne demande pas sa réalisation dans les six mois qui viennent ; mais,
selon moi, il est important de donner leurs chances, et donc des moyens, à des
zones périphériques aussi excentrées que la nôtre. Si on hiérarchise les
projets uniquement en fonctions des volumes, ces zones en questions resteront
toujours à l'écart, et ce seront toujours les mêmes points du territoire qui se
développeront et seront définitivement engorgés et les mêmes qui,
malheureusement, se videront.
Protection des riverains de l'autoroute A 6
M. le président.
M. Xavier Dugoin appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement sur le report en 1998 des travaux de revêtement de la
chaussée de l'autoroute A 6, située entre les communes de Wissous et de
Morangis.
A défaut de la construction d'un mur antibruit - réclamée depuis de nombreuses
années - ces travaux de revêtement, initialement programmés sur les années
1997, 1998 et 1999, devaient permettre de réduire les nuisances sonores subies
par les habitants des communes longeant cet axe autoroutier.
En conséquence, il lui demande de bien vouloir préciser le nouveau calendrier
des travaux de revêtement et de la construction du mur antibruit. (N° 59.)
La parole est à M. Dugoin.
M. Xavier Dugoin.
Ma question porte sur le report des travaux de revêtement de la chaussée de
l'autoroute A 6, plus particulièrement entre les communes de Wissous et de
Morangis, dans l'Essonne.
A défaut de la construction d'un mur antibruit - qui est réclamée depuis de
nombreuses années - ces travaux de revêtement, initialement programmés sur les
années 1997, 1998 et 1999, devaient permettre de réduire les nuisances sonores
subies par les habitants des communes qui longent cet axe autoroutier.
Aujourd'hui, rien n'est encore engagé en termes de travaux, et ce malgré de
multiples interventions et demandes émanant des élus, tant locaux que
nationaux, du département.
Compte tenu de l'urgence liée à ces nuisances, et également du problème de
sécurité, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous préciser le nouveau
calendrier des travaux de revêtement ?
Par ailleurs, qu'en est-il de la construction du mur antibruit ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement, auprès du ministre de l'équipement, du
transport et du logement.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement est
particulièrement sensible à l'amélioration des conditions de vie des riverains
d'infrastructures autoroutières.
Dans un contexte budgétaire difficile, des inflexions significatives ont été
proposées dans le projet de loi de finances pour 1998. L'ensemble des crédits
de réhabilitation et d'entretien seront ainsi en augmentation de plus de 4 %
par rapport à 1997.
S'agissant de l'autoroute A 6, des opérations importantes de réduction des
nuisances sonores ont déjà été engagées dans le département de l'Essonne. Des
écrans antibruit, des revêtements en enrobé drainant et des isolations de
façades ont été réalisés à Savigny-sur-Orge et à Viry-Châtillon.
En outre, les protections acoustiques au droit d'Evry-Courcouronnes seront
effectuées d'ici à 1999 à l'occasion de la réalisation des voies collectrices
de la Francilienne le long de l'A 6.
Les études de protection des autres sections de l'A 6 dans l'Essonne,
notamment au droit de Wissous, Chilly-Mazarin, Longjumeau et Morangis, sont
achevées ; elles ont été présentées cette année aux élus concernés.
La première priorité consiste à réaliser le revêtement des chaussées
permettant d'atténuer le niveau des nuisances sonores dues au roulement.
La direction départementale de l'équipement a recherché une solution technique
moins coûteuse que les revêtements en enrobé drainant. Toutefois, le caractère
innovant des procédés en cause nécessite de réaliser des essais dans les
conditions réelles d'utilisation, ce qui n'a pas permis de les mettre en oeuvre
cette année.
Le ministre de l'équipement, des transports et du logement a demandé que ces
analyses complémentaires aboutissent rapidement afin d'engager les travaux en
1998.
Quant aux autres dispositions de protection contre le bruit, comme les murs
antibruit, elles ne sont pas prévues au contrat de plan en cours entre l'Etat
et la région d'Ile-de-France. Si des possibilités de redéploiement du contrat
étaient envisageables à la suite du retard pris dans certaines opérations, le
Gouvernement demanderait que ces opérations de réduction des nuisances sonores
en soient prioritairement bénéficiaires afin que leur réalisation soit
accélérée.
M. Xavier Dugoin.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Dugoin.
M. Xavier Dugoin.
J'ai bien pris note de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat, et je
vous remercie en particulier des précisions que vous avez apportées.
Je souhaite néanmoins insister sur deux points.
Le premier concerne la situation actuelle des riverains et des usagers : 165
000 véhicules circulent quotidiennement sur cette portion d'autoroute, il en
résulte un fond sonore permanent qui est estimé à quelque 70 décibels, ce qui
traduit une réelle nuisance. En outre, les risques d'accidents sont d'autant
plus nombreux que la qualité du revêtement actuel est mauvaise.
Le second point concerne la longue attente des élus locaux et leur pertinente
ténacité en la matière puisque des communes ont à plusieurs reprises délibéré
sur ce point. La commune de Chilly-Mazarin, par exemple, a délibéré au moins
quatre fois en dix ans à ce sujet ; soixante-trois interventions ont été
faites, notamment auprès du préfet de région, et plus de dix questions écrites
ou orales ont été posées par des parlementaires.
Intervenant moi-même, voilà un an et demi, auprès du prédécesseur de M.
Gayssot, il m'avait été répondu que « l'amélioration des conditions de la vie
des riverains des voies rapides constitue l'objectif majeur du contrat de plan
entre l'Etat et la région d'Ile-de-France pour la période 1994-1998. »
J'ai pris acte de votre réponse, selon laquelle des études étaient en cours.
Pour ce qui concerne les murs antibruit, à défaut d'avoir obtenu l'inscription
de manière quasi certaine de ces travaux dans l'actuel Plan, le XIe, vous
prenez l'engagement d'en garantir au moins l'inscription et la réalisation dans
le XIIe Plan. Dont acte.
TRAVAUX D'ISOLATION PHONIQUE DE L'AUTOROUTE A 6
À LA HAUTEUR DE CHILLY-MAZARIN
M. le président.
M. Paul Loridant souhaite attirer l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur le retard intolérable pris dans
la réalisation des travaux d'isolation phonique sur l'autoroute A 6, à hauteur
de la commune de Chilly-Mazarin.
Depuis plus de dix ans les élus et les citoyens de Chilly-Mazarin se battent
pour obtenir des travaux de protection phonique afin de réduire les nuisances
sonores liées au flux important de véhicules. La situation est réellement
préoccupante lorsque l'on sait que Chilly-Mazarin, commune de près de 20 000
habitants, détient un record de France dont elle se passerait bien volontiers,
celui de la plus forte fréquentation autoroutière. En effet, le trafic peut,
lors de pointes, atteindre le chiffre de 160 000 véhicules par jour et
provoquer des nuisances insoutenables pour les riverains.
Les élus de cette commune ont, à plusieurs reprises, entamé des actions en vue
d'obtenir une aide de l'Etat. Au total ce sont près de quatre délibérations
successivement votées en 1987, 1993, 1995 et 1996 pour demander ces travaux
plus que nécessaires à l'amélioration des conditions de vie des riverains de
cet axe routier, soixant-trois interventions écrites faites au responsable de
l'Etat, douze questions posées par des parlementaires et quarante-neuf réponses
officielles reconnaissant le caractère prioritaire de ces travaux.
L'Etat, par l'intermédiaire du préfet de région, a, dans un premier temps,
informé le maire de Chilly-Mazarin que l'opération ne pouvait être réalisée
dans le cadre du contrat de plan Etat-région 1994-1998. Face à la mobilisation
des élus des communes concernées, le préfet de région avait pris des
engagements pour la réalisation d'un revêtement drainant sur les deux voies de
l'A 6 financé sur les crédits d'entretien routier du département de l'Essonne,
l'installation d'un mur antibruit pris en charge dans l'actuel XIe Plan, par le
jeu d'un redéploiement de crédits sans doute possible compte tenu du retard des
opérations dans le Val-de-Marne, soit dans le futur contrat de plan, et enfin
le remboursement des travaux d'isolation phonique pour les habitants les plus
exposés, qui, malgré les mesures précédentes, ont encore un taux de décibels
supérieur à 65.
Malgré des assurances données par les responsables de la direction
départementale de l'équipement que les travaux de revêtement auraient bien lieu
en septembre 1997, le maire de Chilly-Mazarin s'est vu informé d'un report d'un
an de ce projet au motif que le marché n'a pu être signé, l'entreprise retenue
n'ayant pu satisfaire aux exigences du marché, selon la DDE.
Face à cette situation incompréhensible et à l'urgence de ce dossier, qui n'a
que trop traîné, il lui demande de préciser les mesures qu'il compte prendre
afin d'accélérer la réalisation des travaux d'isolation phonique auxquels les
habitants de cette commune ont légitimement droit. (N° 69.)
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je voulais à mon tour, après mon collègue M.
Dugoin, attirer votre attention sur le retard intolérable pris dans la
réalisation des travaux d'isolation phonique sur l'autoroute A6, à hauteur non
seulement de la commune de Chilly-Mazarin, mais aussi de celles de Wissous et
de Morangis.
Depuis plus de dix ans, les élus et les citoyens de Chilly-Mazarin se battent
pour obtenir des travaux de protection phonique afin de réduire les nuisances
sonores liées au flux important de véhicules.
La situation est réellement préoccupante lorsque l'on sait que Chilly-Mazarin,
commune de près de 20 000 habitants, détient un record de France dont elle se
passerait bien volontiers, celui de la plus forte fréquentation autoroutière.
En effet, le trafic peut, lors de pointes, atteindre le chiffre de 160 000
véhicules par jour et provoquer des nuisances insoutenables pour les riverains.
Et comme pour Wissous, la proximité des pistes de l'aéroport d'Orly n'arrange
rien en matière de nuisances sonores !
Les élus de cette commune ont, à plusieurs reprises, entamé des actions en vue
d'obtenir une aide de l'Etat.
Au total, quatre délibérations ont été votées successivement en 1987, 1993,
1995 et 1996, par le conseil municipal de Chilly-Mazarin pour demander la
réalisation de ces travaux plus que nécessaires à l'amélioration des conditions
de vie des riverains de cet axe routier, soixante-trois interventions écrites
ont été faites auprès des responsables de l'Etat, douze questions ont été
posées par des parlementaires et quarante-neuf réponses officielles
reconnaissant le caractère prioritaire de ces travaux ont été données.
L'Etat, par l'intermédiaire du préfet de région, avait, dans un premier temps,
informé le maire de Chilly-Mazarin que l'opération ne pouvait être réalisée
dans le cadre du contrat de plan Etat-région 1994-1998.
Toutefois, face à la mobilisation des élus des communes concernées, le préfet
de région avait pris des engagements : premier engagement, la réalisation d'un
revêtement drainant sur les deux voies de l'autoroute A6 financé sur les
crédits d'entretien routier du département de l'Essonne ; deuxième engagement,
l'installation d'un mur antibruit pris en charge dans l'actuel XIe Plan, soit
par le jeu d'un redéploiement de crédits sans doute possible compte tenu du
retard des opérations dans le Val-de-Marne, soit dans le cadre du futur contrat
de Plan ; enfin, troisième engagement, le remboursement des travaux d'isolation
phonique pour les habitants les plus exposés qui, malgré les mesures
précédentes, ont encore un taux de décibels supérieur à 65.
Malgré les assurances données par les responsables de la direction
départementale de l'équipement que les travaux de revêtement auraient bien lieu
en septembre 1997, le maire de Chilly-Mazarin s'est vu informé d'un report d'un
an de ce projet au motif que le marché n'avait pu être signé, l'entreprise
retenue n'ayant pu satisfaire aux exigences du marché, selon cette même
direction départementale.
Face à cette situation incompréhensible, face à la réelle urgence de ce
dossier, qui n'a que trop traîné, je vous demande, monsieur le secrétaire
d'Etat, de préciser les mesures que vous comptez prendre afin d'accélérer la
réalisation des travaux d'isolation phonique, auxquels les habitants de cette
commune ont légitimement droit.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement, auprès du ministre de l'équipement, des
transports et du logement.
Particulièrement sensible à la situation des
riverains d'infrastructures autoroutières, et malgré un contexte difficile, le
Gouvernement a pu inscrire dans le projet de loi de finances pour 1998 une
augmentation des crédits de réhabilitation et d'entretien du réseau routier de
4,2 % par rapport à 1997.
Dans le cas de l'autoroute A 6, des opérations importantes de réduction des
nuisances sonores ont déjà été engagées dans le département de l'Essonne. Des
écrans antibruit, des revêtements en enrobé drainant et des isolations de
façades ont été réalisés à Savigny-sur-Orge et à Viry-Châtillon. En outre, je
confirme que les protections acoustiques au droit d'Evry-Courcouronnes seront
effectuées d'ici à 1999 dans le cadre de la réalisation des voies collectrices
de la Francilienne le long de l'A 6.
Les études de protection des autres sections de l'A 6 dans l'Essonne,
notamment à Wissous, Chilly-Mazarin, Longjumeau et Morangis, sont en cours
d'achèvement après que les objectifs de réalisation ont été présentés aux élus
concernés.
Pour Chilly-Mazarin, la première priorité consiste à réaliser un nouveau
revêtement des chaussées permettant de diminuer de manière significative le
niveau des nuisances sonores dues au roulement. La direction départementale de
l'équipement a recherché une solution technique moins coûteuse que les
revêtements en enrobé drainant.
Le caractère innovant des procédés en cause nécessitant des essais dans les
conditions réelles d'utilisation, il a été demandé que ces essais soient
effectués au printemps 1998, dès que les conditions météorologiques le
permettront.
Indépendamment de cette expérimentation, il convient, toujours à
Chilly-Mazarin, de procéder à une reprise lourde des chaussées sur une longueur
de deux kilomètres environ ; le coût est évalué à 22 millions de francs. Cette
opération présenterait le double avantage de remettre en état une chaussée
aujourd'hui très dégradée et d'apporter une réduction du bruit de roulement
sensiblement équivalente à une baisse de moitié du trafic.
Compte tenu de l'urgence qu'il y a à intervenir, il a été demandé au préfet de
la région d'Ile-de-France de mettre au point le financement des travaux, qui
fera appel à des crédits de l'Etat et de la région, mobilisables en partie au
titre du présent contrat de plan.
Le ministre de l'équipement, des transports et du logement a par ailleurs
prescrit un effort particulier de l'Etat au titre de l'entretien.
Par analogie avec les opérations similaires conduites antérieurement, une
participation du département et des communes concernées sera recherchée pour
compléter ce financement.
L'objectif est que les travaux puissent être engagés en 1999 et terminés en
2000.
Telles sont, monsieur le sénateur, les réponses que, au nom de M. Gayssot, je
suis à même d'apporter à vos questions.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ces réponses, dont je vous remercie, ne
rassureront que partiellement les élus et les habitants de la commune de
Chilly-Mazarin, dans la mesure où ils espéraient que les travaux seraient
réalisés selon un calendrier beaucoup plus resserré que celui que vous venez
d'annoncer.
Je prends néanmoins acte de la promesse de M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement, de ses services et de vous-même que ces travaux
seront engagés en 1999 pour être achevés en l'an 2000.
Je me permets d'insister, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le fait que les
riverains de l'autoroute A 6 à la hauteur de Wissous, Chilly-Mazarin et
Longjumeau partagent, en outre, le triste privilège d'assister à l'atterrissage
des avions sur les pistes d'Orly. Dans ces conditions, il serait tout à fait
légitime que l'Etat consente un effort en leur faveur.
J'ai pris note de vos engagements. Soyez assuré que je suivrai de près la
réalisation de ces travaux.
RÉGLEMENTATION DU DROIT DE PASSAGE
SUR LE DOMAINE PUBLIC ROUTIER
M. le président.
M. Jean-Paul Delevoye appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à
l'industrie sur les conditions de mise en oeuvre des articles L. 47 et L. 48 du
code des postes et télécommunications par le décret n° 97-683 du 30 mai 1997 en
ce qui concerne les droits de passage sur le domaine public routier. Se posent,
en particulier, le problème du montant de la redevance maximale annuelle que
les communes seront autorisées à demander aux différents opérateurs à partir du
1er janvier 1998 et celui des éléments techniques qui ont conduit à la fixation
de ce montant, soit 15 centimes par mètre linéaire.
En effet, ce montant très faible a été fortement minoré par rapport aux
estimations initiales, de l'ordre de 1 franc par mètre linéaire, et cela sans
qu'aucune explication ait été donnée aux communes. Dans le même temps, le
montant des redevances pour l'occupation des autoroutes est resté identique aux
estimations initiales, soit 10 francs et 20 francs par mètre linéaire. D'autre
part, la notion d'« artère » introduite par le décret en droit français, en
matière de calcul de cette redevance, reste insuffisamment précise et sujette à
interprétation. Elle mérite donc d'être une fois pour toutes précisée.
Enfin, l'instauration d'une autorisation tacite d'occupation du domaine public
en l'absence d'une réponse de la collectivité territoriale concernée dans le
délai de deux mois, quelle que soit la taille de celle-ci, pose avec acuité le
problème de la préservation de l'intégrité du domaine public.
Il lui demande donc de bien vouloir lui répondre avec précision sur les deux
premiers points et de lui indiquer les perspectives de son action sur le
troisième point, ainsi que sur la nécessaire concertation avec les
collectivités locales. (N° 35.)
La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question porte sur les conditions de mise en
oeuvre des articles L. 47 et L. 48 du code des postes et télécommunications par
le décret du 30 mai 1997, en ce qui concerne les droits de passage sur le
domaine public routier. Compte tenu de l'explosion des industries de
télécommunication et de leur importance stratégique en matière d'aménagement du
territoire, elle me paraît fondamentale.
Ledit décret pose plusieurs problèmes, monsieur le secrétaire d'Etat.
Tout d'abord, il a eu pour effet d'abaisser de façon très importante - de un
franc à quinze centimes le mètre linéaire - la redevance maximale annuelle que
pouvaient demander aux opérateurs les collectivités locales, alors que, dans le
même temps, le montant de la redevance pour l'occupation des autoroutes est
passée de dix francs à vingt francs le mètre linéaire.
Il serait intéressant que le Gouvernement explique les conditions techniques
ou économiques qui ont justifié une telle baisse, car, au-delà, se pose tout le
problème de la tarification de l'usage du sous-sol.
Ensuite, le décret a introduit la notion d'artère dans le droit français. Nous
avons consulté différents services juridiques. Il en ressort que cette notion
d'artère est, à l'évidence, insuffisamment précise, qu'elle permettra plusieurs
interprétations et, partant, dans le contexte actuel, plusieurs contentieux. En
effet, une canalisation ou un fourreau, est-ce une seule et unique artère ou
plusieurs artères ?
Enfin, dernier problème, dans un souci de préservation de l'intégrité du
domaine public, il est regrettable que les opérateurs de télécommunications
puissent bénéficier d'une autorisation tacite d'occupation du domaine public en
l'absence d'une réponse de l'autorité compétente dans le délai de deux mois.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ce sujet ne saurait vous laisser indifférent,
d'autant que je connais votre passion pour les stratégies de télécommunication.
Je sais aussi les réflexions qui sont menées dans différents pays européens sur
le droit d'usage du sol par les collectivités territoriales.
Le décret est susceptible de faire l'objet de diverses interprétations. Il
ouvre la voie à des contentieux qui mettraient à mal les relations entre les
collectivités locales et les opérateurs.
J'attends donc des éclaircissements ou des précisions de votre part. Pour ce
qui me concerne, je reste à votre disposition pour prolonger la réflexion.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie, auprès du ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de
votre question. Je suis en effet très sensible à sa problématique non seulement
en tant que membre du Gouvernement mais aussi en tant qu'élu local. J'ai
d'ailleurs reconnu, au travers de votre intervention, l'une des préoccupations
de l'Association des maires de France, dont vous êtes le président.
S'agissant de la redevance maximale annuelle relative à l'occupation du
domaine public routier - routes nationales, départementales et communales -
versée au gestionnaire ou au concessionnaire du domaine occupé, le montant de 1
franc par mètre, envisagé lors de l'élaboration du projet de décret relatif aux
droits de passage sur le domaine public routier et aux servitudes prévus par
les articles L. 47 et L. 48 du code des postes et télécommunications, avait été
retenu de manière à correspondre, pour le réseau existant de
télécommunications, à un montant global de l'ordre de 150 millions de francs,
chiffre qui avait d'ailleurs été avancé devant le Parlement lors de la
discussion du projet de loi de réglementation des télécommunications en juillet
1996.
Compte tenu d'une erreur d'évaluation dans les données fournies par France
Télécom, en 1996, sur la longueur totale du réseau, une révision du montant par
mètre a été nécessaire, en mars 1997, pour ne pas dépasser dans des proportions
considérables le montant global que le Gouvernement avait initialement
annoncé.
Ce montant a donc finalement été ramené à 150 francs par kilomètre linéaire,
permettant d'atteindre toutefois un montant global supérieur à 150 millions de
francs - de l'ordre de 250 millions de francs.
Dans le même temps, par rapport à la première version du projet de décret, il
a été introduit une disposition selon laquelle les redevances maximales
relatives à l'occupation du domaine public routier évoluent, au 1er janvier de
chaque année, proportionnellement à l'évolution de l'indice du coût de la
construction - c'est une indexation classique - mesuré au cours des douze mois
précédant la dernière publication de l'indice connu au 1er janvier.
Quant à la notion d'« artère », elle a été préférée à celle de « canalisation
», employée dans le premier projet de décret.
L'article R. 20-52 du code des postes et télécommunications précise désormais
ce qu'on entend précisément par « artère ». Il y a deux cas de figure : dans le
cas d'une utilisation du sous-sol, c'est un tube de protection contenant ou non
des câbles, ou un câble en pleine terre ; dans les autres cas, il s'agit de
l'ensemble des câbles tirés entre deux supports.
Le tube de protection, dans les termes du texte que je viens de citer,
recouvre ce que le langage courant des télécommunications désigne par les
termes « fourreau » ou « alvéole ».
S'agissant de l'instauration tacite d'autorisation d'occupation du domaine
public routier, prévue à l'article R. 20-47 (6°) du code des postes et
télécommunications, elle se justifie pour les raisons suivantes : les
opérateurs sont soumis, au titre de leur licence, à des obligations de délai de
déploiement, de couverture géographique et de qualité de service dont le
non-respect pourra être sanctionné. Les délais de délivrance des permissions de
voirie conditionnement en partie le respect de ces obligations. La procédure
d'approbation tacite pourrait être la mieux à même de concilier les
responsabilités incombant aux gestionnaires du domaine public et les
contraintes opérationnelles et réglementaires pesant sur les opérateurs de
télécommunications.
Cette disposition spécifique du code des postes et télécommunications ne
dispense pas le pétitionnaire du respect des règles habituelles prévues par le
code de l'urbanisme en matière d'ouverture de chantier.
Le secrétariat d'Etat à l'industrie prépare un guide à destination des
responsables locaux. Ce dernier permettra d'améliorer l'information des
gestionnaires du domaine public, de les aider à exercer leurs responsabilités
et de vous donner satisfaction, monsieur le sénateur, quant au caractère
transparent, clair et indubitable de l'application du texte que nous évoquons
ce matin.
M. Jean-Paul Delevoye.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'attention que vous
portez aux problèmes rencontrés par les élus locaux.
La question que j'ai posée préoccupe beaucoup l'Association des maires de
France, dont je me suis fait le porte-parole.
Je vous remercie pour les précisions importantes que vous avez apportées sur
le plan juridique. Elles permettront d'éliminer un certain nombre de
contentieux.
Toutefois, comme je l'avais indiqué à votre collègue M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement, je crois que le Gouvernement devrait engager une
réflexion sur l'élaboration d'un code de l'urbanisme du sous-sol. En effet, il
est évident qu'un grand nombre d'industriels des télécommunications utiliseront
demain les sous-sols des collectivités territoriales.
Dans un monde livré à la concurrence, la réflexion sur des codifications
européennes, voire des normalisations internationales, devrait éviter que,
d'une collectivité à une autre, les conditions ne soient différentes.
Par ailleurs, chacun sait que, désormais, le sous-sol sera de plus en plus
traversé pour les transports urbains, les télécommunications, voire pour
d'autres raisons encore. La codification sur la surface étant relativement
restreinte, avec des planifications permettant des projets d'amélioration, un
code de l'urbanisme du sous-sol mériterait sans doute d'être considéré. En tout
cas, l'Association des maires de France est, sur ce sujet, tout à fait prête à
travailler avec le Gouvernement.
Fiscalité des carburants
et lutte contre la pollution
M. le président.
Mme Danièle Pourtaud rappelle à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie que le
projet de loi de finances pour 1998 prévoit que la taxe intérieure sur les
produits pétroliers sera uniformément relevée de huit centimes par litre, quel
que soit le carburant, essence ou gazole.
L'arbitrage qui a été récemment rendu n'a donc pas tenu compte des inquiétudes
légitimes suscitées par la responsabilité du gazole dans la pollution
atmosphérique et les conséquences de celle-ci sur la santé publique.
Les rapports se succèdent qui établissent clairement la gravité du risque
sanitaire que fait courir le gazole. Dans les grandes villes, le nombre annuel
de décès prématurés attribuables à la pollution d'origine automobile est estimé
autour de 870 pour la mortalité associée aux particules. Par ailleurs, pour
Paris et la petite couronne, les chercheurs ont évalué à hauteur de un milliard
de francs par an le coût médico-social lié aux particules fines, qui sont
essentiellement produites par les moteurs Diesel.
Aujourd'hui, près d'une voiture sur deux vendues en France est équipée d'un
moteur Diesel. Le régime de taxation privilégié dont bénéficie le diesel par
rapport aux autres carburants n'est certainement pas étranger à ce succès.
Un rééquilibrage de la fiscalité au profit des carburants les moins polluants,
dès le budget de 1998, serait un signe fort pour les Français, notamment pour
les Parisiens, qui jugent que la lutte contre la pollution est une priorité.
Après les pics de pollution enregistrés, en particulier à Paris cet été et
dans le courant du mois de septembre, où le seuil symbolique du niveau II fut
plusieurs fois atteint, elle considère que ce serait une erreur de sous-estimer
à la fois la réalité des risques que nous courons à continuer d'encourager le
diesel et l'ampleur de la prise de conscience des Français quant à ce problème
majeur dans les grandes métropoles.
Elle lui demande de préciser la politique du Gouvernement dans ce domaine et,
en particulier, de dire si, à défaut de taxer le diesel, le Gouvernement
envisage d'aider au développement des carburants non polluants. (N° 41.)
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de loi de finances pour 1998 prévoit
que la taxe intérieure sur les produits pétroliers sera uniformément relevée de
huit centimes par litre, quel que soit le carburant, qu'il s'agisse de
l'essence ou du gazole.
L'arbitrage qui a été récemment rendu n'a donc pas tenu compte des légitimes
inquiétudes suscitées par la responsabilité du gazole dans la pollution
atmosphérique et les conséquences de celle-ci sur la santé publique.
Ce problème est plus particulièrement sensible à Paris et en région
parisienne, où la pollution est devenue la première préoccupation des
habitants, la récente alerte de niveau III n'est pas faite pour les rassurer,
bien évidemment. Or, en Ile-de-France, la première cause de pollution est la
circulation automobile.
Dans les grandes villes, les dernières études estiment à près de neuf cents le
nombre annuel de décès prématurés attribuables à la pollution d'origine
automobile. Par ailleurs, pour Paris et la petite couronne, les chercheurs ont
évalué à un milliard de francs par an le coût médico-social lié aux particules
fines. En outre, on évalue que 90 % des émissions de particules attribuables
aux transports urbains sont issues des véhicules à moteur diesel.
Aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, 41 % des véhicules vendus en
France sont équipés d'un moteur diesel. Par ailleurs, en 1996, en
Ile-de-France, 49 % de la consommation totale de carburant a porté sur le
gazole. Le régime de taxation privilégié dont bénéficie celui-ci par rapport
aux autres carburants n'est certainement pas étranger à ce succès.
Le rééquilibrage de la fiscalité au profit des carburants les moins polluants,
dès le budget de 1998, aurait été un signe fort pour les Français et notamment
pour les Parisiens. Rappelons que l'écart fiscal entre le super sans plomb et
le gazole dans notre pays est de loin le plus élevé d'Europe.
Par ailleurs, l'encouragement du diesel est également un handicap pour
l'industrie pétrolière française. Notre industrie du raffinage, qui a
massivement investi pour fabriquer des essences sans plomb, est pénalisée car
l'évolution du marché, artificiellement distordu par la fiscalité, diverge de
plus en plus de ses possibilités de production.
Lors du récent débat budgétaire, l'Assemblée nationale a adopté trois
amendements concernant les droits à déduction de la TVA sur les carburants. Ces
amendements favorisent le gaz pétrolier liquéfié, le gaz naturel pour véhicules
et les moteurs électriques. Par ailleurs, la déductibilité partielle de la TVA
grevant la consommation de gazole des entreprises a été supprimée.
Force est néanmoins de constater que, malgré ces avancées, le diesel demeure
plus avantageux. En effet, en dehors du différentiel de taxe intérieure sur les
produits pétroliers, le diesel bénéficie d'autres avantages. La vignette et la
carte grise dépendent de la puissance fiscale, qui est calculée selon une
formule favorisant considérablement les véhicules diesel.
A la demande du Parlement, le Gouvernement s'était engagé à présenter, avant
le 30 juin 1997, un rapport sur ce sujet. A ce jour, celui-ci n'est pas encore
paru.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, si le Gouvernement
poursuit une réflexion sur ce point ?
Par ailleurs, en tant qu'élue parisienne, vous me permettrez, monsieur le
secrétaire d'Etat, de m'étonner, d'une part, que le GPL ne soit pas autorisé
pour les transports collectifs, d'autre part, qu'aucune mesure spécifique
n'incite les chauffeurs de taxi parisiens à utiliser des carburants non
polluants.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, ce que le Gouvernement
envisage de faire pour remédier à ce qui est devenu un problème de santé
publique pour les Parisiens ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie, auprès du ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie.
Madame le sénateur, je vous sais très
attentive à ces questions de pollution parisienne, à la fois en tant que membre
de la Haute Assemblée et en tant qu'élue au Conseil de Paris. Aussi, je vous
remercie très sincèrement de votre question, qui va donner l'occasion au
Gouvernement de préciser un certain nombre de points évoqués dans celle-ci et
qui sont tout à fait fondamentaux pour conduire la réflexion relative à la
lutte contre la pollution dans les grandes cités.
Concernant, tout d'abord, la fiscalité pesant sur les carburants, celle-ci
doit prendre en compte un certain nombre de contraintes environnementales,
industrielles et financières.
En ce qui concerne les contraintes environnementales, l'impact sur
l'environnement et la santé de la pollution a vocation à être intégré dans la
réflexion et l'orientation de la fiscalité sur les carburants, nous en sommes
bien d'accord. C'est votre proposition et le Gouvernement la met en oeuvre dans
la préparation de la loi de finances pour 1998.
Pour ce qui est des contraintes industrielles, les moteurs à essence et diesel
sont de conception très différente et les constructeurs automobiles français,
dont la production de véhicules diesel, vous l'avez souligné, est d'environ 40
% de véhicules diesel, ont besoin de temps pour faire face à toute évolution
substantielle de la demande.
L'industrie ne peut pas réagir en quelques mois, ni même en quelques années ;
il s'agit, en effet, d'un processus long de réadaptation de l'offre à
l'évolution de la demande.
Enfin, s'agissant des contraintes financières, la taxe intérieure sur les
produits pétroliers contribue de manière significative au budget de l'Etat :
plus de 150 milliards de francs de recettes.
Par ailleurs, et c'est le deuxième aspect de votre question, l'équilibre
économique et social du secteur des transporteurs ne peut pas être ignoré par
les pouvoirs publics.
Il est donc apparu préférable au Gouvernement d'aborder ces sujets dans un
cadre européen.
Les réponses aux questions environnementales seront, en effet, plus solides si
elles sont validées par la communauté scientifique européenne. De plus, les
risques de distorsion de concurrence entre transporteurs routiers seront ainsi
amoindris. Par ailleurs, les constructeurs automobiles, eux-mêmes seront de la
sorte mieux armés pour apporter des réponses industrielles applicables dans
tous les pays de l'Union européenne.
Le Gouvernement a donc proposé au Parlement une hausse de huit centimes par
litre de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, tant sur le gazole que
sur l'essence.
Pour autant, le Gouvernement ne se désintéresse pas de la lutte contre la
pollution atmosphérique, dont il entend faire une de ses priorités, je le
répète très clairement au Sénat aujourd'hui. Il a montré, en instituant pour la
première fois, le 1er octobre dernier, la circulation alternée dans
l'agglomération parisienne, l'importance qu'il accordait à ce sujet. Cette
mesure a d'ailleurs été reçue positivement par les habitants de la région,
l'esprit de responsabilité ayant en effet présidé à leur comportement.
Vous savez que le Gouvernement étudie, pour l'avenir, un plan de limitation de
la circulation, la fameuse vignette verte, qui repose sur des critères tenant
compte de la contribution réelle des véhicules à la pollution et qui sera donc
plus adapté que celui qui a été décidé par le précédent gouvernement.
Une politique vigoureuse devra également être entreprise en faveur du
renouvellement progressif de la flotte d'autobus de la RATP. Les bus
fonctionnant au GNV sont aujourd'hui techniquement opérationnels et réduisent
significativement la pollution urbaine. Ils doivent donc être utilisés. La RATP
doit à cet égard consentir des efforts importants pour que les autobus roulant
au GNV soient plus massivement utilisés qu'aujourd'hui, puisqu'ils ne le sont
actuellement qu'à titre expérimental.
Le Gouvernement a, en outre, accepté, lors du débat sur le projet de loi de
finances, des amendements allégeant la fiscalité des carburants alternatifs. Je
songe à la déduction à 100 % de la TVA afférente aux achats d'électricité, de
GPL et de GNV, ainsi qu'à la diminution de la TIPP sur le GPL et le GNV.
En effet, au-delà du débat sur le choix entre l'essence et le diesel, tous les
deux polluants, la véritable solution au problème de la pollution urbaine passe
par le développement de transports publics propres - GPL, GNV, électricité - et
par une nouvelle répartition modale en agglomération entre les transports
individuels et les transports collectifs.
C'est dans ces directions que le Gouvernement oriente ses réflexions. Il vous
remercie de la question que vous venez de poser. Elle lui a en effet permis de
mettre au clair une fois de plus une stratégie réelle qui concilie l'impératif
économique et industriel avec l'ardente nécessité de lutter plus efficacement
en milieu urbain contre la pollution atmosphérique.
Mme Danièle Pourtaud.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens à saluer les efforts du Gouvernement,
que vous venez de souligner, s'agissant de sa détermination dans la lutte
contre la pollution.
Je veux également saluer l'initiative que vous avez prise quant à la flotte de
la RATP, puisque vous avez incité le secrétaire d'Etat à l'équipement, aux
transports et au logement à demander à cette société de s'équiper en véhicules
utilisant du GNV.
Je souhaiterais néanmoins revenir sur deux aspects du problème qui concerne
plus particulièrement les Parisiens. Je veux parler des taxis et des véhicules
des administrations.
Pour ce qui est des administrations, l'article 24, alinéa 3, de la loi sur
l'air imposait aux administrations de renouveler, dans un délai de deux ans, 20
% de leur parc automobile avec des véhicules non polluants. Un décret devait
préciser les conditions d'application de cet article. A ma connaisance, il n'a
pas encore paru.
S'agissant des 15 000 taxis parisiens, ensuite, il me semble que des mesures
spécifiques pourraient avoir un impact considérable étant donné tant leur
importance dans le trafic parisien que leur rôle de prescripteurs.
Une faible minorité de taxis utilisent aujourd'hui l'essence ; ils pourraient
être incités à s'équiper d'un kit GPL permettant une double carburation.
Permettez-moi à cet égard de rappeler qu'une disposition, insuffisante à notre
avis mais allant dans ce sens, figure dans la loi sur l'air et que, là aussi, à
ma connaissance, aucun décret d'application n'a encore été pris.
Je me permets également d'attirer votre attention sur le fait qu'aujourd'hui
les taxis qui utilisent le gazole bénéficient d'une détaxation fortement
incitative. La majorité d'entre eux utilise donc ce carburant. Il me semble que
des mesures les incitant à renouveler leur véhicule et à choisir des
carburations moins ou non polluantes pourraient être prises. Je rappelle à cet
égard que les taxis de Rome ou de Tokyo utilisent tous le GPL.
Monsieur le secrétaire d'Etat, en vous remerciant de l'intérêt que porte le
Gouvernement à la lutte contre la pollution, particulièrement dans les grandes
agglomérations, je peux vous assurer que les Parisiens vous seront
reconnaissants de bien vouloir engager de nouvelles réflexions sur ce sujet.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
Monsieur le secrétaire d'Etat, si vous souhaitez compléter votre réponse, il
serait préférable de vous adresser à Mme le sénateur en dehors de l'hémicycle.
CONSÉQUENCES DE LA RÉGULARISATION
DES ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE
M. le président.
M. Christian Demuynck attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur
les conséquences des régularisations d'étrangers en situation irrégulière
prévues par la circulaire du 24 juin 1997.
Peu avant la parution de ce texte, le Gouvernement avançait le nombre de 10
000 à 40 000 étrangers qui pouvaient être concernés par cette mesure. Mais, le
27 septembre dernier, le ministre de l'intérieur déclarait que 110 000
étrangers avaient déjà demandé à être régularisés.
Cette circulaire et l'annonce de la modification des lois Pasqua et Debré vont
conforter à l'étranger l'idée que la France est à nouveau ouverte à une
immigration non maîtrisée. Elles vont inévitablement avoir pour conséquence une
hausse de l'immigration irrégulière et un développement des réseaux
d'acheminement des clandestins.
Enfin, elles provoqueront un afflux supplémentaire de demandes de logements et
d'emplois. On peut légitimement se demander comment notre pays sera en mesure
de répondre à de nouveaux besoins locatifs et comment sera supporté socialement
et économiquement un surcroît de candidats sur le marché du travail.
Il lui demande, d'une part, si le Gouvernement a fait une étude détaillée sur
les répercussions de ces régularisations en matière sociale, de logement,
d'emploi, et s'il est prévu d'aider les collectivités qui devront supporter les
décisions du Gouvernement en accueillant de nouveaux immigrés.
Il lui demande, d'autre part, s'il peut lui communiquer le nombre exact de
dossiers déjà traités ainsi que le pourcentage de réponses positives. (N° 6
rect.)
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le ministre, l'une des premières décisions du Gouvernement a été de
rédiger la circulaire du 24 juin 1997 destinée à régulariser certaines
catégories d'étrangers en situation irrégulière. C'est d'ailleurs jusqu'au 1er
novembre que les bénéficiaires pourront déposer leur demande.
Monsieur le ministre, lors de la traditionnelle réunion avec les préfets que
vous avez tenue place Beauvau à la veille de la publication de cette
circulaire, le nombre annoncé de dossiers susceptibles d'être soumis aux
préfectures était de 10 000 à 40 000. Mais, le 25 septembre dernier, vous
disiez à la presse que 110 000 étrangers avaient déjà déposé leur demande. Ces
chiffres sont bien la preuve, s'il en était besoin, de l'importance de
l'immigration clandestine dans notre pays ! La mise en place de ces
régularisations et l'annonce de la modification des lois Pasqua et Debré ont
très certainement contribué à favoriser l'arrivée de clandestins et à
développer les réseaux d'acheminement. Elles vont inévitablement conforter à
l'étranger l'idée que la France est à nouveau ouverte à une immigration non
maîtrisée et qu'il sera plus facile d'y obtenir des papiers.
Chaque fois qu'un nouvel arrivant s'installe dans notre pays se pose un
problème de coût pour notre société : ou bien il a recours au travail
clandestin, avec toutes les répercussions économiques que nous connaissons, ou
bien il se retrouve à terme sur le marché du travail, ce qui aggrave encore
davantage la situation de l'emploi.
On peut légitimement se demander non seulement comment notre pays pourra
supporter, socialement et économiquement, un surcroît de candidats au travail,
mais aussi comment il pourra être en mesure de répondre à de nouveaux besoins
locatifs.
Enfin, les collectivités locales sont elles aussi en première ligne dans
l'accueil de nouveaux étrangers, qui n'hésitent pas à s'adresser aux centres
communaux d'action sociale pour demander des aides financières dès qu'ils sont
régularisés.
Monsieur le ministre, pouvez-vous me préciser si le Gouvernement a fait une
étude détaillée sur les répercussions de ces régularisations dans le domaine
social, ainsi que dans les domaines du logement et de l'emploi, et s'il est
prévu d'aider les collectivités qui devront assumer les décisions du
Gouvernement, et donc accueillir de nouveaux immigrés ?
Pouvez-vous également nous communiquer le nombre exact de dossiers qui ont
déjà été traités conformément à la circulaire du 24 juin, ainsi que le
pourcentage de réponses positives ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le sénateur, il n'est absolument pas
exact que le Gouvernement ait jamais avancé un chiffre. Par le biais de la
circulaire que j'ai signée le 24 juin 1997, il a défini des critères à partir
desquels un certain nombre de réexamens sont actuellement effectués.
A l'heure qu'il est, environ dix mille cartes de séjour temporaires ont été
délivrées à des étrangers qui se trouvaient dans des situations ni
régularisables ni susceptibles d'entraîner une reconduction à la frontière. Je
pense en particulier au cas de conjoints de Français ou d'étrangers ou
d'apatrides en situation régulière, et au cas de parents d'enfants français.
De telles situations ne pouvaient pas se prolonger. Vous devriez
objectivement, monsieur le sénateur, reconnaître ce fait. Il fallait donc y
mettre un terme.
C'est ce que j'ai fait, répondant à l'appel du Premier ministre, qui demandait
qu'il soit mis fin à ces situations inextricables et insupportables.
C'est ainsi que, le 24 juin 1997, j'ai signé une circulaire qui définit une
procédure. Cette dernière se déroule d'une manière régulière. Des moyens ont
été accordés aux préfectures, au sein desquelles les services des étrangers ont
fort à faire pour répondre aux demandes de réexamen. Il est prévu que chaque
étranger en situation irrégulière puisse être entendu.
Je pense que nous devrions être en mesure d'examiner toutes les demandes avant
le 30 avril 1998. Cette durée est plutôt courte par rapport à des expériences
comparables conduites soit en France, soit dans des pays voisins.
Pour en terminer sur la circulaire, j'ajoute que le nombre de refus est
actuellement légèrement inférieur à celui des acceptations. Il n'y a
naturellement pas de pourcentage significatif. Aucun ne saurait d'ailleurs
avoir une valeur indicative puisque ce réexamen se fait sur la base de critères
au demeurant difficilement contestables.
Je voudrais attirer votre attention, monsieur le sénateur, sur le fait que la
France a signé la Convention européenne des droits de l'homme, qui reconnaît,
dans son article 8, « le droit de vivre en famille ».
Que faisons-nous d'autre que tirer toutes les conséquences de ce fait ?
Que faisons-nous d'autre que restaurer le droit d'asile en France pour des
étrangers qui combattent dans leur pays pour y défendre nos valeurs - les
valeurs républicaines - et pour y construire un Etat de droit ?
Que faisons-nous d'autre que manifester une simple humanité en ne renvoyant
pas des étrangers qui sont atteints de pathologies graves et qui doivent être
soignés ?
Le but que vise le Gouvernement est de faire en sorte qu'il soit mis un terme
à ces situations regrettables. Naturellement, ceux qui ne seront pas
régularisés auront vocation à retourner dans leur pays d'origine, que ce soit
tout à fait clair ! Je n'ai pas besoin de m'en expliquer davantage, je l'ai
fait suffisamment en d'autres lieux.
Par ailleurs, le projet de loi sur l'entrée et le séjour des étrangers, qui
sera vraisemblablement soumis à l'examen de votre commission des lois, vise
aussi, entre autres, à lutter contre l'immigration irrégulière, et cela de
plusieurs façons.
D'abord, il précise les catégories d'étrangers qui ont vocation à séjourner en
France. Il s'agit, par exemple, des réfugiés politiques bénéficiaires du droit
d'asile constitutionnel ou territorial. Il s'agit encore des familles et des
proches des étrangers, qui pourront bénéficier d'une carte de séjour «
situation personnelle et familiale ». Notre but est bien de stabiliser les
immigrés qui sont installés en France de longue date et qui ont vocation
d'ailleurs, s'ils le désirent, à s'intégrer, et non de les déstabiliser.
Parmi les étrangers qui ont vocation à séjourner en France figurent aussi les
étudiants, les scientifiques, les investisseurs. J'entendais la plus haute
autorité de l'Etat citer récemment tel pays en exemple - l'Australie pour ne
pas le nommer - qui avait su mener, en direction des pays du Sud-Est asiatique,
une politique d'accueil des étudiants, à tel point que les redevances versées
par ces derniers étaient devenues le deuxième poste positif de la balance des
paiements de l'Australie ! Sans parler évidemment des bénéfices que l'Australie
recueille du fait que ses universités sont un rendez-vous pour les étudiants de
toute cette partie du monde.
La France a un rôle analogue à jouer, me semble-t-il. Il est regrettable que
le nombre d'étudiants d'origine africaine ait baissé, en France, de 20 000
entre 1992 et 1996. Cela n'est nullement souhaitable. La France devrait, au
contraire, se montrer accueillante pour ces pays de l'espace francophone, dont
les élites ne doivent pas être dirigées vers le Canada ou les Etats-Unis.
Le projet de loi aggrave considérablement les sanctions pénales, qu'il
s'agisse des peines d'amende ou de prison, à l'encontre des personnes qui, « en
bande organisée », facilitent l'entrée et, souvent, l'exploitation dans des
conditions inhumaines d'étrangers en situation irrégulière.
Enfin, il vise à rendre effective la reconduite à la frontière des étrangers
en situation irrégulière, par un allongement de la durée possible de la
rétention - douze jours - pour les personnes qui, en introduisant le doute sur
leur identité et donc leur nationalité, par exemple en détruisant des documents
de voyage, cherchent à faire obstacle à cette reconduite.
Les personnes qui seront régularisées sont, je le rappelle, des personnes
actuellement présentes en France. Par conséquent, votre question n'a pas
d'objet, monsieur le sénateur.
La régularisation ne provoquera aucun afflux supplémentaire de demandes de
logement et d'emploi.
Les statistiques sont rendues publiques au début de chaque mois. J'agis donc
en totale transparence. C'est au début du mois de novembre prochain que vous
disposerez des chiffres relatifs à l'ensemble de ces demandes, puisque le délai
de clôture intervient, je le rappelle, le 31 octobre.
M. Christian Demuynck.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le ministre, vous m'avez indiqué que vous n'aviez jamais prononcé de
chiffre. J'ai ici des articles de presse...
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Ce n'est pas la même chose !
M. Christian Demuynck.
... montrant, me semble-t-il, que le nombre de régularisations a évolué dans
le temps.
Le débat d'aujourd'hui, à l'occasion d'une question orale, est relativement
court. Mais je vous rappelle que j'ai demandé, avec un de mes collègues de la
Seine-Saint-Denis, M. Abrioux, à vous rencontrer depuis la parution de la
circulaire que vous avez bien voulu signer. Or malheureusement, à ce jour, nous
n'avons reçu aucune réponse de votre part. Nous aurions bien aimé débattre de
ces questions avec vous-même, ou avec la personne de votre cabinet que vous
auriez bien voulu désigner, car le département de la Seine-Saint-Denis est
confronté de plein fouet au problème de l'immigration.
Lorsque vous dites que ma question n'a pas d'objet, je me dois de vous
contredire, monsieur le ministre. Elle en a un, et il est même très important !
Il est le suivant : en Seine-Saint-Denis, nous ne parvenons déjà pas à loger
d'une manière convenable les immigrés qui sont en situation régulière. Nous
allons donc ajouter la misère à la misère, et ce sont les centres communaux
d'action sociale qui vont être obligés de gérer le problème !
Monsieur le ministre, vous ne m'avez pas répondu lorsque je vous ai interrogé
sur le coût de cette immigration supplémentaire régularisée. Les étrangers qui
se trouvent actuellement en situation irrégulière ont plutôt tendance à ne rien
demander, hormis l'inscription de leurs enfants dans les écoles. Or, une fois
qu'ils seront régularisés, ils feront sans aucun doute valoir leurs droits, et
cela représentera un coût pour la société.
C'est à cette question que j'aurais souhaité vous entendre répondre, monsieur
le ministre !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
En principe, je ne peux pas vous la donner, monsieur le ministre. En effet, il
n'est pas prévu que le Gouvernement reprenne la parole.
Et puis, une audience ayant été sollicitée...
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Elle est accordée !
M. Christian Demuynck.
C'est formidable !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Un de mes collaborateurs vous recevra, monsieur
le sénateur.
M. le président.
Nous en resterons donc là !
Messieurs les ministres, permettez-moi de vous rappeler à nouveau la règle :
le parlementaire dispose de trois minutes pour développer sa question, puis
d'un temps de parole qui ne peut excéder deux minutes pour répondre au
Gouvernement. En théorie, il n'est pas prévu de limite de temps pour la réponse
du Gouvernement, mais nous souhaitons que celle-ci soit brève, d'autant plus
que dix-huit questions sont inscrites à l'ordre du jour de cette matinée !
DIFFICULTÉS D'INDEMNISATION
RENCONTRÉES PAR CERTAINES VICTIMES D'ATTENTAT
M. le président.
M. Gilbert Chabroux attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur
les difficultés d'indemnisation rencontrées par certaines victimes
d'attentat.
La loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme
est venue améliorer le dispositif d'indemnisation des victimes en reconnaissant
le principe d'un droit à réparation intégrale des préjudices corporels subis.
Ainsi, la loi prévoit qu'en cas d'infractions « en relation avec une entreprise
individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public
par l'intimidation ou la terreur » les victimes seront indemnisées par le fonds
de garantie suivant le principe de la réparation intégrale pour l'ensemble de
leurs préjudices corporels, que ceux-ci soient patrimoniaux ou personnels.
Cependant, la loi se tait sur un point qui peut être essentiel pour une
catégorie de victimes. En effet, si une personne peut subir, lors d'un tel
acte, un préjudice corporel souvent dramatique, il peut également y avoir un
préjudice matériel qui, dans certains cas, est important ; ce peut être le cas
notamment de propriétaires d'un véhicule assuré au tiers soufflé par
l'explosion, ou le cas de personnes qui doivent abandonner leur logement et ont
à assumer les frais d'hôtel.
Le législateur, considérant que les contrats d'assurance civile couvrent
normalement ces dommages, a évacué cette question. Or, on a pu relever un
certain nombre de situations dans lesquelles les assurances ne prenaient pas en
charge la totalité du préjudice matériel subi.
C'est le cas pour sept personnes sur les soixante-seize victimes de l'attentat
de Villeurbanne perpétré le 7 septembre 1995. Le montant du préjudice non
indemnisé s'élève à 214 181 francs. La multiplication des démarches auprès de
l'Etat et des compagnies d'assurance n'a pas permis d'avancer sur ce point, à
l'exception de la solidarité manifestée par la municipalité de Villeurbanne et
certaines assurances allant au-delà des limites des contrats initiaux.
Le traumatisme subi par ces victimes d'attentats terroristes est lourd et réel
; elles ont le sentiment d'avoir tout perdu.
L'Etat peut-il les laisser se considérer comme les payeurs innocents d'une
nouvelle forme de guerre, alors que c'est indéniablement au fondement de la
République que les terroristes s'attaquent ?
Pouvons-nous accepter que certains de nos concitoyens soient abandonnés de la
solidarité nationale ?
Une modification de la loi de 1986 semble tant opportune qu'urgente, afin de
venir en aide à ceux qui se sentent les laissés-pour-compte du fonds de
garantie et de permettre de prévenir d'éventuelles situations similaires dans
l'avenir. En attendant cette modification, il souhaite que le Gouvernement
réexamine la situation de ces sept victimes de l'attentat terroriste du 7
septembre 1995 et que des solutions soient trouvées pour permettre une
indemnisation intégrale des préjudices qu'elles ont subis. (N° 23.)
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette
question porte sur les difficultés rencontrées par certaines victimes
d'attentats pour obtenir l'indemnisation des préjudices qu'elles ont subis.
La loi qui s'applique - la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la
lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'Etat - prévoit
qu'en cas d'infractions « en relation avec une entreprise individuelle ou
collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par
l'intimidation ou la terreur » les victimes seront indemnisées par le fonds de
garantie suivant le principe de la réparation intégrale pour l'ensemble de
leurs préjudices personnels, que ceux-ci soient patrimoniaux ou corporels.
Cette loi a marqué une avancée importante par rapport à la situation
antérieure. Cependant, elle ne traite nullement d'un point qui peut pourtant
être essentiel pour une catégorie de victimes.
En effet, si une personne peut subir, lors d'un tel acte, un préjudice
corporel souvent dramatique, il peut également y avoir un préjudice matériel
qui, dans certains cas, est conséquent, mais n'est pas intégralement indemnisé.
Ce peut être le cas de propriétaires de véhicules assurés au tiers, soufflés
par une explosion, ou le cas de personnes qui doivent abandonner leur logement
et ont à assumer des frais de relogement ; ce peut être encore des locaux
commerciaux, du matériel, du mobilier, des marchandises diverses qui peuvent
être détruits ou rendus inutilisables.
Le législateur, considérant que les contrats d'assurance civile couvrent
normalement ces dommages, a écarté cette question. Or on a pu relever un
certain nombre de situations où les assurances ne prenaient pas en charge la
totalité du préjudice matériel subi.
C'est le cas pour sept personnes sur les soixante-seize victimes de l'attentat
de Villeurbanne, perpétré le 7 septembre 1995. Le montant du préjudice non
indemnisé s'élève à 214 181 francs. La multiplication des démarches auprès de
l'Etat et des compagnies d'assurances n'a pas permis d'avancer sur ce point, à
l'exception de la solidarité manifestée par la municipalité de Villeurbanne et
certaines assurances allant au-delà des limites des contrats initiaux.
Le traumatisme subi par ces victimes d'attentats terroristes est lourd et
réel. Les personnes ont le sentiment d'avoir tout perdu.
L'Etat peut-il les laisser se considérer comme les payeurs innocents d'une
nouvelle forme de guerre, alors que c'est indéniablement au fondement de la
République que les terroristes s'attaquent ?
Pouvons-nous accepter que certains de nos concitoyens soient exclus de la
solidarité nationale ?
Monsieur le ministre, serait-il possible d'envisager de modifier le plus
rapidement possible la loi de 1986 afin de venir en aide à ceux qui se sentent
les laissés pour compte du fonds de garantie ?
Je souhaiterais également que le Gouvernement réexamine la situation de ces
sept victimes de l'attentat terroriste du 7 septembre 1995 et que des solutions
soient trouvées pour permettre une indemnisation intégrale des préjudices
qu'elles ont subis.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le sénateur, je vais me livrer à un
bref rappel historique.
Vous avez évoqué l'attentat perpétré à Villeurbanne le 7 septembre 1995. Une
loi est intervenue le 9 septembre 1986 pour remédier à l'absence totale de
dispositions visant à l'indemnisation des victimes.
Les compagnies d'assurance, qui, pendant très longtemps, avaient exclu de leur
garantie les risques d'attentat, commençaient tout juste à couvrir les dommages
matériels.
Quant au fonds de garantie contre les infractions dont les auteurs sont
inconnus ou insolvables, il ne pouvait allouer une indemnité supérieure à 400
000 francs.
La loi du 9 septembre a créé un dispositif de couverture du risque attentat
qui répond de la manière suivante au problème posé.
En premier lieu, cette loi organise un mécanisme de réparation du préjudice
corporel, grâce à un prélèvement opéré sur chaque contrat d'assurance de biens.
Ce prélèvement est reversé au fonds de garantie créé pour sa gestion.
En second lieu, la loi renvoie l'indemnisation du préjudice matériel, et non
plus corporel, au droit commun des aussurances, mais, pour éviter que les
victimes d'attentats ne soient écartées du système, elle a prévu, dans son
article 9, paragraphe V, que les contrats d'assurance de biens ne peuvent
exclure la garantie de l'assureur pour les dommages résultant d'actes de
terrorisme ou d'attentat commis sur le territoire national. Je cite le texte :
« Toute clause contraire est réputée non écrite. »
Est ainsi ouverte, me semble-t-il, à chaque assuré la possibilité d'adhérer à
la garantie attentat. C'est pourquoi le fonds de garantie attentat-terrorisme
et l'Etat ne sont pas en mesure de prendre le relais du régime d'assurance en
vigueur pour l'indemnisation des préjudices matériels.
Bien entendu, je suis tout prêt à étudier de plus près la situation des sept
personnes dont vous me parlez, monsieur le sénateur, mais il me semble que,
normalement, leur cas a été pris en considération par la loi du 9 septembre
1986.
Cela dit, peut-être n'avons-nous pas eu le temps d'aller au bout de l'étude
d'un dossier forcément assez complexe.
M. Gilbert Chabroux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous venez
d'apporter et de l'engagement que vous avez pris d'étudier, voire de réétudier,
le cas des sept victimes non intégralement indemnisées de l'attentat de
Villeurbanne.
Effectivement, la loi de 1986 qui a constitué, je le répète, un progrès
important, ne permet pas de prendre en compte toutes les situations.
Or, en l'occurrence, il s'agit manifestement d'une situation d'exception pour
le traitement de laquelle il serait bon de ne pas appliquer strictement les
règles édictées par la loi.
Il s'agit, je le répète, d'attentats terroristes. Je souhaiterais qu'en la
matière la solidarité nationale puisse s'exprimer au-delà de la loi.
Les victimes d'attentat doivent être considérées comme des victimes
spécifiques. Or elles sont doublement victimes lorsque l'indemnisation des
préjudices qu'elles subissent indirectement n'est pas intégralement couverte
par les assurances.
Il ne faut pas laisser ces victimes sur le bord de la route. Il peut s'agir de
personnes déjà démunies avant les faits et qui ont en outre subi un terrible
choc psychologique.
En tout cas, le souhait des associations des victimes est de faire avancer la
loi. Il me semble que le Gouvernement pourrait mettre en place une commission
de réflexion chargée d'étudier ces situations pour améliorer les textes actuels
et tenir compte des cas qui ne sont pas résolus, notamment celui des sept
victimes de l'attentant de Villeurbanne. En attendant, je vous remercie,
monsieur le ministre, de bien vouloir examiner plus attentivement ce dossier.
carrière des directeurs généraux
et directeurs généraux adjoints
des conseils régionaux et généraux
M. le président.
M. René Marquès appelle l'attention de M. le ministre de la fonction publique,
de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur un projet de décret
organisant la carrière des directeurs généraux et des directeurs généraux
adjoints des conseils régionaux et généraux ayant reçu, en décembre 1996, un
avis favorable du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Le
texte, transmis au Conseil d'Etat en janvier 1997, est encore, à ce jour, entre
les mains de cette haute juridiction.
Or, dans cette attente, les directeurs généraux et les directeurs généraux
adjoints des conseils généraux demeurent sans statut ni carrière, alors que les
fonctions qu'ils occupent les soumettent à de lourdes responsabilités
juridiques et financières.
La publication du décret organisant leurs emplois devient donc urgente.
Il lui demande de bien vouloir lui préciser la date prévisible de parution de
ce texte ainsi que les raisons qui pourraient éventuellement s'opposer à cette
parution. (N° 67.)
La parole est à M. Marquès.
M. René Marquès.
J'appelle l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme
de l'Etat et de la décentralisation sur un projet de décret organisant la
carrière des directeurs généraux et des directeurs généraux adjoints des
conseils régionaux et généraux ayant reçu, en décembre 1996, un avis favorable
du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.
Le texte, transmis au Conseil d'Etat en janvier 1997, est encore, à ce jour,
entre les mains de cette haute juridiction. Or, dans cette attente, les
directeurs généraux et les directeurs généraux adjoints des conseils régionaux
et généraux demeurent sans statut ni carrière, alors que les fonctions qu'ils
occupent les soumettent à de lourdes responsabilités juridiques et
financières.
La publication du décret organisant leurs emplois devient donc urgente. Je
vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir me préciser la date
prévisible de parution de ce texte ainsi que les raisons qui pourraient
éventuellement s'opposer à cette parution.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
L'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 prévoit que
des emplois fonctionnels, limitativement énumérés, peuvent être créés dans
certaines collectivités. Ce sont notamment ceux de secrétaire général et
secrétaire général adjoint des communes de plus de 5 000 habitants, de
directeur général et directeur des services techniques des communes de plus de
20 000 habitants, de directeur général des services et, lorsque l'emploi est
créé, de directeur général adjoint des services des départements et des
régions.
Des dispositions statutaires particulières régissant les emplois
administratifs de direction des communes et des établissements publics
assimilés ont été fixées par décret en Conseil d'Etat en 1987 et 1990. La
situation, en l'espèce, est réglée.
Un projet de décret relatif aux emplois de direction des départements et des
régions ayant reçu l'avis favorable du Conseil supérieur de la fonction
publique territoriale avait été examiné par le Conseil d'Etat le 18 juillet
1995.
Toutefois, à la demande instante des associations d'élus concernées, son
contenu a fait l'objet d'une nouvelle concertation et a été à nouveau examiné
par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale lors de sa séance
du 12 décembre 1996.
Ce texte établit une répartition en deux strates démographiques, selon
l'ampleur des responsabilités auxquelles les titulaires de ces emplois sont
confrontés, les emplois de directeur général et de directeur général adjoint
des services des départements et des régions. Ces emplois pourront être pourvus
par détachement d'administrateurs territoriaux et de fonctionnaires d'un grade
équivalent. Toutefois, pour les départements de moins de 900 000 habitants et
pour les régions de moins de deux millions d'habitants, ces emplois pourront
être également pourvus par des directeurs territoriaux ou des fonctionnaires
titulaires d'un grade équivalent.
Par ailleurs, deux articles du projet disposent que, dans leur emploi
fonctionnel, les fonctionnaires continuent à bénéficier du régime indemnitaire
fixé pour leur grade d'origine et que les personnels en fonction à la date de
publication du décret conservent à titre personnel leur rémunération lorsque
celle-ci est supérieure à celle qui correspond à l'échelon auquel ils seraient
placés en application des nouvelles dispositions.
Le Conseil d'Etat a reçu ce texte le 14 janvier 1997, il l'a examiné le 23 mai
dernier et a émis un avis défavorable en raison du niveau indiciaire des
échelons mentionnés. Toutefois, rien n'est perdu, une nouvelle concertation
doit avoir lieu, je m'y engage. Je souhaite qu'elle permette la publication du
texte corrigé dès la fin de l'année. Je suis d'accord avec vous : il y a bien
un vide juridique, qu'il est urgent de combler.
M. René Marquès.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Marquès.
M. René Marquès.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette information.
Vous avez dit que, le 23 mai 1997, le Conseil d'Etat s'était déclaré
défavorable au projet de texte qui lui avait été soumis. J'attendrai la
publication de votre réponse officielle avant de rencontrer les intéréssés dans
ma région, le Languedoc-Roussillon, pour ensuite, éventuellement, vous
soumettre leur sentiment sur la réponse donnée par le Conseil d'Etat.
Vous leur apportez tout de même un apaisement dans le mesure où vous
reconnaissez vous-même que la situation n'est pas tout à fait juste. Je vous
remercie donc de m'avoir apporté une réponse que nous saurons utiliser.
Situation des caisses primaires
d'assurance maladie en cas de fermeture
d'établissements sanitaires
M. le président.
M. Jean-Pierre Fourcade attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et
de la solidarité sur la situation des caisses primaires d'assurance maladie en
cas de fermeture d'établissements sanitaires déficitaires et financés par le
système du prix de journée.
La réglementation prévoit, en effet, que sont inclus dans le prix de journée
l'ensemble des charges d'exploitation y compris les déficits antérieurs et le
coût des plans sociaux - indemnités de licenciement, de préavis, de congés
payés.
Or, ces dispositions peuvent aboutir à la prise en charge par les caisses de
sommes exorbitantes. Ainsi a-t-on pu voir, pour un établissement des
Hauts-de-Seine, la fixation d'un prix de journée de plus de 410 000 francs,
afin de résorber un déficit de près de 4,5 millions de francs.
Il lui demande en conséquence si la participation des caisses primaires
d'assurance maladie à la commission exécutive de l'agence régionale de
l'hospitalisation ne pourrait pas permettre à celle-ci d'intervenir au-delà du
simple rôle de « payeur » dans lequel elles risquent d'être cantonnées.
Par ailleurs, il lui demande comment la prise en charge des plans sociaux par
les caisses primaires d'assurance maladie en cas de fermeture d'établissements
peut être conciliée avec le respect des objectifs assignés en matière de
dépenses hospitalières. (N° 15.)
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le secrétaire d'Etat, en février dernier, la caisse primaire
d'assurance maladie des Hauts-de-Seine a reçu une facture de 7 390 000 francs
pour financer une association gérant une pouponnière, la pouponnière Amiot à
Montrouge.
Cette facture était accompagnée d'un arrêté préfectoral qui fixait le prix de
journée de cette structure - tenez-vous bien, monsieur le secrétaire d'Etat - à
410 533 francs par jour ! C'est le plus beau prix de journée que j'aie jamais
vu depuis que je m'occupe d'affaires de ce type !
Une certaine émotion a évidemment saisi le conseil d'administration de cette
caisse primaire et, après avoir cherché à comprendre ce que cachait cette
fixation du prix de journée, on a constaté, d'une part, que ce prix de journée
intégrait les déficits des années 1995 et 1996, ce qui est prévu par la loi,
et, d'autre part, qu'il tirait les conséquences financières du plan social
établi par cette association en faveur de son personnel.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes questions seront donc tout à fait
simples.
Tout d'abord, qui contrôle ce type d'association ?
Comment un préfet a-t-il pu fixer un prix de journée de 410 533 francs ? Un
tel montant, s'agissant d'un prix de journée, aurait tout de même dû le faire
sursauter !
Par ailleurs, les caisses primaires d'assurance maladie vont-elles être
amenées, dans l'avenir, à financer les plans sociaux des établissements
sanitaires et sociaux ? Si tel est le cas, compte tenu de la restructuration
des services hospitaliers, elles vont devoir assumer des dépenses qui risquent
d'atteindre un niveau intéressant...
Enfin, ne pourrait-on mettre au point un dispositif associant les caisses
primaires d'assurance maladie et les agences régionales d'hospitalisation, de
telle manière que ces problèmes soient examinés en amont, au lieu de constater
les dégâts en aval, quand il ne reste plus qu'à payer ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé, auprès du ministre de l'emploi et de la
solidarité.
Les chiffres que vous avez cités, monsieur Fourcade, ont en
effet de quoi surprendre.
Cela dit, il convient de retracer l'histoire de la pouponnière de Montrouge, à
laquelle vous avez fait allusion.
Au début de l'année 1997, cet établissement s'est trouvé en grande difficulté
en raison de son inadaptation aux besoins et à l'environnement, inadaptation
qui s'est traduite par une sous-activité, laquelle a suscité à son tour des
charges exceptionnellement élevées et un gonflement anormal du prix de
journée.
Depuis lors, l'établissement, fermé à la fin du mois de janvier 1997, a été,
après l'avis favorable du CROSS - comité régional de l'organisation sanitaire
et sociale - d'Ile-de-France, a été reconverti en centre d'action médicale et
sociale précoce pour enfants de la naissance à l'âge de six ans et installé
dans des locaux situés à la limite des communes de Montrouge et de Châtillon.
Son ouverture est prévue pour le courant du mois de novembre 1997.
Cette reconversion constitue un exemple de la recomposition du tissu sanitaire
impliquant la création de structures médico-sociales, et vous connaissez,
monsieur Fourcade, la difficulté de l'exercice. Elle a nécessité la mise en
oeuvre d'un plan social comportant trois types de mesures : un reclassement des
personnels dans l'établissement reconverti ; une mobilité, sur la base du
volontariat, de certains salariés vers d'autres établissements du département
des Hauts-de-Seine ; enfin, des licenciements, dont les indemnités ont été
effectivement financées par l'assurance maladie puisque prélevées sur le budget
de la pouponnière.
Aujourd'hui cette situation difficile est réglée et les crédits de l'assurance
maladie alloués à la pouponnière Amiot sont réservés à la structure
reconvertie, dont le gestionnaire est le comité d'études et de soins aux
polyhandicapés, le CESAP.
S'agissant de l'association des caisses primaires au dispositif de pilotage du
système sanitaire, les textes de 1996 n'ont pas prévu d'intégrer ces organismes
en tant que membres de la commission exécutive de l'agence régionale de
l'hospitalisation.
En revanche, les unions régionales des caisses d'assurance maladie, qui
travaillent, elles, en étroite liaison avec les agences régionales de
l'hospitalisation, associent pleinement les caisses de base de tous les régimes
et permettent un meilleur pilotage du système de santé par l'ensemble des
institutions concernées.
Toutefois, l'hypothèse d'une modification des missions des caisses primaires
au-delà de celles qui leur sont actuellement assignées par le code de la
sécurité sociale ne peut être aujourd'hui retenue dans un dispositif de
pilotage centré sur l'échelon régional.
Il ne fait pas de doute qu'une certaine opacité du système est évidemment
dommageable. Des institutions, de création parfois récente - je pense aux
agences régionales de l'hospitalisation -, voient leurs missions se chevaucher,
ce qui ne favorise pas la lisibilité. C'est pourquoi Martine Aubry et moi-même
avons entamé une révision de l'ensemble du dispositif.
Nous espérons que vous aurez ainsi satisfaction, de même que l'ensemble des
élus et des bénéficiaires. Il est certain que, dans notre pays, il existe un
trop grand cloisonnement entre le médico-social et le sanitaire et que, d'une
manière générale, le système manque de lisibilité.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie des explications que vous nous
avez données. Je suis très heureux d'apprendre que l'établissement évoqué a été
restructuré et reconverti pour se voir confier des tâches différentes. Sur ce
plan, l'opération ne semble avoir été convenablement menée et augure bien de
l'avenir ; je pense que nous n'aurons qu'à nous louer de l'existence de ce
nouvel organisme.
En revanche, il y a manifestement un défaut en ce qui concerne la tutelle.
Qu'un préfet ou qu'une administration se laisse aller à fixer un prix de
journée de plus de 410 000 francs montre bien que la notion de prix de journée
n'a plus aucune valeur et qu'elle est complètement dépassée.
De plus, il apparaît que c'est la caisse primaire d'assurance maladie qui a
financé la reconversion de l'établissement. Il aurait mieux valu que cela soit
bien clair dès le départ. En tout cas, il serait préférable d'éviter que les
caisses primaires d'assurance maladie, auxquelles nous demandons d'accomplir
des efforts pour la maîtrise des dépenses médicales, jouent ce rôle de « payeur
aveugle ».
Par conséquent, il faut trouver le moyen d
ncadrement de ce secteur, qui ne peut continuer à connaître de tels déparages,
en l'absence de toute règle et sans que la tutelle intervienne, quand il en est
encore temps.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Politique en faveur de l'emploi
M. le président.
M. Jean Bizet attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité sur l'inquiétude de nombreux chefs d'entreprise soucieux du montant
des charges afférentes aux plus bas salaires.
Ces industriels voudraient voir appliquer les dispositions du « plan textile »
à l'ensemble des industries de main-d'oeuvre, seule solution à leur avis pour
permettre la création d'emplois dans la conjoncture de plus en plus ouverte à
l'international.
Il n'ignore pas les efforts qui ont été faits par le gouvernement précédent,
efforts qui auront permis de réduire de 13 % le coût du travail rémunéré au
niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance, le SMIC, en
diminuant les charges sur les bas salaires.
Il lui semble important de poursuivre en ce sens afin d'inciter les chefs
d'entreprise à favoriser une politique de recrutement capable de générer des
emplois à long terme et se demande si l'on ne pourrait pas imaginer d'adapter
cette mesure au projet de création de 350 000 emplois dans le secteur privé.
Il lui demande si cette décision ne permettrait pas d'affirmer que le souhait
du Gouvernement est bien de favoriser l'emploi tout en respectant la logique
économique la plus élémentaire. (N° 42.)
La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer votre attention sur
l'inquiétude de nombreux chefs d'entreprise soucieux du montant des charges
afférentes aux plus bas salaires.
Ces industriels voudraient voir appliquer les dispositions du « plan textile »
à l'ensemble des industries de main-d'oeuvre, seule solution, à leur avis, pour
permettre la création d'emplois dans une conjoncture de plus en plus ouverte à
l'international.
Je n'ignore pas les efforts qui ont été accomplis par le gouvernement
précédent, efforts qui auront permis de réduire de 13 % le coût du travail
rémunéré au SMIC en diminuant les charges sur les bas salaires.
Je précise au passage que cette réduction sera précisément annulée en grande
partie par le passage, dès l'an 2000, aux trente-cinq heures payées
trente-neuf.
Il me semble important de poursuivre dans la voie tracée par le précédent
gouvernement, afin d'inciter les chefs d'entreprise à favoriser une politique
de recrutement susceptible de générer des emplois à long terme.
Ne pourrait-on pas imaginer d'adapter cette mesure au projet de création de
350 000 emplois dans le secteur privé ? Ne pensez-vous pas, monsieur le
secrétaire d'Etat, qu'une telle décision permettrait au Gouvernement d'affirmer
que son souhait est bien de favoriser l'emploi, tout en respectant la logique
économique la plus élémentaire ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé, auprès du ministre de l'emploi et de la
solidarité.
Monsieur le sénateur, je voudrais d'abord vous dire que,
contrairement à ce que vous affirmez, la réduction du temps de travail se fera,
à mon avis, avec toute la souplesse requise.
Le plan dit « plan Borotra » concernant le textile-habillement, mis en place
par le gouvernement précédent pour tenter d'enrayer la chute régulière des
effectifs - ils avaient baissé chaque année de 4 % en moyenne depuis 1970 - est
malheureusement illégal au regard des engagements européens de la France et il
a été condamné de manière très ferme par la Commission de Bruxelles le 9 avril
dernier.
Dans ces conditions, le Gouvernement n'avait d'autre choix que de mettre un
terme au « plan Borotra » à la date prévue, le 31 décembre 1997.
Pour être rendu acceptable par Bruxelles, le renouvellement des allégements de
charges aurait dû être étendu d'abord à toutes les entreprises de
main-d'oeuvre, puis à l'ensemble de l'économie, dans le cadre d'un échéancier
pluriannuel. Cela aurait évidemment entraîné un coût budgétaire absolument
prohibitif.
Par ailleurs, l'impact positif du « plan Borotra » sur l'emploi n'est pas
d'une appréciation aisée. En effet, il est difficile à dissocier de celui des
autres facteurs intervenus durant la même période, à savoir la remontée des
cours des monnaies concurrentes, la perspective d'une union monétaire qui
supprimera le risque des dévaluations compétitives et l'amélioration de la
conjoncture française depuis 1994, tout particulièrement depuis plusieurs mois,
dans le secteur du textile et de l'habillement.
Nous poursuivons, avec les unions professionnelles, une discussion sur le
chiffrage précis de l'évolution de la situation de l'emploi dans la filière, et
surtout sur l'importance du « plan Borotra » pour celle-ci. Les chiffres
spectaculaires annoncés ici et là ne semblent pas très réalistes.
L'effet de renchérissement du coût du travail consécutif à l'arrêt du plan,
qui est de l'ordre de 3,6 % en moyenne - 3 % pour le textile et 4 % pour
l'habillement -, avec des niveaux assez différents selon les entreprises, doit
être en revanche pris en compte, car il équivaut à un impact de 1 % à 1,5 % sur
les coûts globaux.
Pour éviter que cet effet ne se traduise par des suppressions d'emplois, le
Gouvernement a engagé avec les unions professionnelles concernées une
concertation axée sur les possibilités de réduction du temps de travail,
possibilités ouvertes par la conférence du 10 octobre.
Le Gouvernement étudie également, soyez-en persuadé, toutes les autres pistes
susceptibles de permettre aux entreprises du textile, de l'habillement, du cuir
et de la chaussure de pâtir le moins possible de l'arrêt de ce plan et
d'améliorer leur compétitivité à court et à moyen terme, dans le respect du
droit communautaire. Il s'agit notamment de la formation professionnelle, de
l'accompagnement de la recherche et de l'innovation et du partenariat entre les
différents acteurs des filières du textile et de l'habillement. Cette démarche
est menée en concertation avec les professions concernées, qui se sont engagées
à nous faire connaître leur position à très brève échéance.
M. Jean Bizet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, mais vous me
permettrez de ne pas totalement partager l'analyse du Gouvernement en matière
de création d'emplois.
Sans insister puisque cela ne faisait pas partie de ma question, je dirai
simplement que le dispositif des emplois-jeunes, dont Mme le ministre de
l'emploi et de la solidarité a pris l'initiative, se révélera très vite une
erreur fondamentale et un poids insupportable pour les finances publiques, du
fait de la création, à terme, de postes de fonctionnaires supplémentaires.
Si ma mémoire est bonne, M. Jospin avait promis, dans le cadre de son
programme de gouvernement, la création de 350 000 emplois dans le secteur
privé. Or, si l'on ne baisse pas les charges, si l'on n'introduit pas de la
flexibilité dans le code du travail, si l'on ne diminue pas les dépenses
publiques et donc la fiscalité pesant sur les entreprises, je ne vois vraiment
pas comment on pourra favoriser la création de 350 000 emplois dans le secteur
privé.
Je redoute très sincèrement que l'exception française sur ce point précis ne
conduise notre pays et son économie sur la voie du déclin.
Vous me permettrez de citer quelques chiffres pour illustrer mon propos.
Tout d'abord, pour un indice de coût salarial horaire moyen dans l'industrie
de 100 en France au premier trimestre de 1997, ce coût était de 84 aux
Etats-Unis et de 71 au Royaume-Uni.
Par ailleurs, pour générer un franc de bénéfice net, il faut qu'un employeur
dépense 3,70 francs à Paris contre 2,30 francs à Londres.
Pensez-vous que, avec l'internationalisation des échanges, la France pourra
très longtemps supporter de telles distorsions ?
M. le président.
Il vous faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean Bizet.
Il faudra bien que, tôt ou tard, le Gouvernement prenne en compte ces
éléments.
(M. Paul Girod remplace M. Jacques Valade au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
SITUATION DES RÉSIDENTS
DE LA CITÉ DES COURTILLIÈRES À PANTIN
M. le président.
Mme Danielle Bidard-Reydet attire l'attention de M. le Premier ministre sur
les préoccupations des habitants vivant dans la cité des Courtillières à
Pantin.
En effet, les actes de vandalisme répétés dans un laps de temps court dans une
école de ce quartier ont eu pour effet d'accroître un climat de grande tension
chez les habitants et les personnels de l'éducation nationale, qui ne
supportent plus d'être les victimes de cette violence.
Ce quartier de Pantin est classé en « zone urbaine sensible » car il cumule un
certain nombre de difficultés liées à la situation de précarité et de chômage
de nombreuses familles.
L'échec scolaire est important. La violence, l'insécurité et la dégradation
des bâtiments publics sont fréquents.
Les élus, les associations, les partenaires sociaux, les habitants n'ont cessé
d'alerter les pouvoirs publics depuis plusieurs années sur la détérioration des
conditions de vie dans ce quartier.
A leur initiative, des actions ont été menées pour exiger des services publics
de qualité et en nombre suffisant : une école répondant non seulement aux
normes administratives, mais aussi et surtout aux besoins réels des enfants de
la maternelle au collège, un poste de police avec un personnel présent
vingt-quatre heures sur vingt-quatre, un bureau de poste et une agence EDF.
La population des Courtillières veut rompre son isolement, obtenir une
réhabilitation lourde des bâtiments dégradés de la SEMIDEP, recréer des liens
sociaux, de solidarité et d'humanité dans son quartier.
Compte tenu de l'urgence de la situation actuelle des Courtillières, elle lui
demande de prendre les mesures concrètes souhaitées par la population pour
l'avenir de ce quartier. (N° 50.)
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question a trait à la qualité de la vie dans
le quartier des Courtillières à Pantin, où 2 000 logements abritent quelque 6
000 habitants dont beaucoup connaissent des difficultés : chômage, précarité de
l'emploi, échec scolaire, délinquance, voire violence.
Aujourd'hui un effort exceptionnel doit être fait pour répondre à la
spécificité de ce quartier et aux besoins de plus en plus fortement exprimés
par sa population, qui veut le revivifier, le redynamiser et recréer des liens
de solidarité, ce à quoi les habitants s'emploient régulièrement.
Deux séries de difficultés peuvent être évoquées : d'une part, celles qui sont
liées au manque de postes et de structures du secteur public ; d'autre part,
celles qui sont liées à la présence de logements dégradés de la SEMIDEP,
propriétés de la ville de Paris.
En ce qui concerne tout d'abord l'école, un incident récent a souligné ses
dysfonctionnements. Un travail important est engagé par les parents d'élèves,
les enseignants, les élus et l'ensemble des locataires pour lutter contre
l'échec scolaire. Les enfants méritent une attention particulière, un travail
plus individualisé, plus soutenu, afin de favoriser la réussite scolaire.
Le collège a déjà été reconnu zone sensible et bénéficie de moyens
supplémentaires, ce qui s'est traduit par une nette amélioration des résultats
scolaires : les taux de succès au BEPC est passé de 25 à 45 %.
Mais, alors que les mêmes familles, connaissant les mêmes difficultés, sont
concernées, peu d'efforts suivis sont consacrés aux besoins des classes
maternelles et primaires.
En 1992, déjà, j'attirais l'attention du Gouvernement sur ce fait et le maire
de Pantin engageait la rédaction d'une charte pour l'école mettant l'accent sur
les améliorations nécessaires.
Aujourd'hui, il conviendrait de classer en ZEP la totalité du quartier et
d'accorder à ce dernier des moyens correspondant à ses besoins.
Les chefs d'établissements doivent être déchargés de certaines tâches afin de
leur permettre d'organiser des rencontres avec les parents et de s'impliquer
dans l'aide aux enfants en difficulté. Les équipes d'enseignants doivent être
renforcées afin d'éviter les classes à double niveau et les effectifs trop
lourds réduits - un CM1 et un CM2 comptent trente élèves à l'école Jean-Jaurès.
Il faut aussi remettre à la disposition des enfants les deux instituteurs
spécialisés détournés vers d'autres tâches. Enfin, compte tenu des difficultés
multiples, des enseignants expérimentés capables de surmonter efficacement
celles-ci doivent être prioritairement nommés.
Autre attente des habitants : l'ouverture d'un bureau de poste et d'une agence
EDF-GDF. Dans les deux cas, il s'agit de favoriser les contacts avec la
population et d'établir une certaine solidarité associant accueil et aides aux
personnes en difficulté.
Quant aux problèmes d'insécurité, nous savons bien qu'ils sont directement
liés à la crise de la société, c'est-à-dire au chômage, à la précarité, à
l'échec scolaire, à la misère morale et matérielle. Cependant la présence d'un
poste de police nationale, avec la création d'un véritable îlotage vingt-quatre
heures sur vingt-quatre, permettant d'exercer la surveillance, la prévention et
les interventions nécessaires au quotidien, serait déjà un moyen de sécuriser
la population la plus vulnérable.
Enfin, comment passer sous silence les conséquences désastreuses pour le
quartier des 800 logements de la SEMIDEP, propriétés de la ville de Paris ? Ces
habitations sont très dégradées depuis déjà de nombreuses années sans qu'aucune
réhabilitation digne de ce nom n'ait été entreprise par le propriétaire. Un
constat d'huissier de 1996, confirmant celui de 1988, souligne en outre un
manque de conformité entre les factures d'entretien et les prestations
réelles.
Le maire souhaite, en coopération avec la SEMIDEP, obtenir la dévolution de
ces biens, tant pour la gestion que pour la mise en oeuvre de la
réhabilitation. Il serait en effet totalement anormal que le produit des loyers
et des charges que versent depuis de nombreuses années les locataires ne soit
pas réinvesti pour couvrir les importants frais de réparation et de
réhabilitation qu'il est nécessaire d'engager.
M. le secrétaire d'Etat, le maire et les élus de la ville de Pantin
s'impliquent pour retisser les liens sociaux dans ce quartier. Ils sont à
l'origine d'un centre municipal de santé, d'une bibliothèque et de la
construction d'une nouvelle maison de quartier. Le département de la
Seine-Saint-Denis participe à cet effort en subventionnant trois éducateurs de
prévention.
L'Etat n'a pas le droit de se dérober : des emplois doivent être créés pour
l'école, pour le bureau de poste, pour l'antenne EDF-GDF et pour le
commissariat de police. J'attends votre réponse. Il s'agit, vous en
conviendrez, d'une question de solidarité ; si la volonté politique est réelle,
nous pourrons obtenir rapidement des résultats positifs.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé, auprès du ministre de l'emploi et de la
solidarité.
Madame le sénateur, je partage pleinement la préoccupation que
vous avez exprimée. Toutefois, je ne puis répondre aux demandes multiples et
sans doute justifiées relatives à ce quartier de Pantin, puisqu'elles
s'adressent surtout aux ministres de l'intérieur et de l'éducation nationale.
Je puis simplement m'en faire le relais auprès d'eux.
A propos de la cité des Courtillières et des actes de vandalisme dont a été
victime un établissement scolaire du quartier, je formulerai quelques remarques
et esquisserai certaines réponses.
Cette cité en difficulté comporte une nombreuse population de jeunes ayant des
difficultés d'insertion que nous connaissons bien et que vous avez rappelés.
Elle souffre sans doute également de son isolement par rapport aux autres
quartiers. Ces deux caractéristiques ont justifié son inscription parmi les
quartiers prioritaires retenus par l'Etat et la ville de Pantin dans le contrat
de ville.
Cette situation n'est, hélas ! pas propre à ce quartier, et le Gouvernement
est particulièrement attentif à la mise en place de contrats locaux de sécurité
- ils seront très prochainement officialisés par une circulaire - et au
développement de projets éducatifs qui mobilisent l'ensemble de ses membres.
J'ai noté votre demande de classement du quartier en zone d'éducation
prioritaire : je la transmettrai à mon collègue M. Claude Allègre.
D'ores et déjà, les services locaux de l'Etat ont pris des mesures. C'est
ainsi que, sur l'initiative de l'éducation nationale et du commissariat de
police de Pantin, une action pédagogique, intitulée « Justice au collège »,
s'adressera aux élèves du collège Jean-Jaurès.
De plus, l'organisation de matinées pédagogiques associera enseignants et
chercheurs, en particulier sur les thèmes de la proximité et de la sécurité.
Les événements récents sont symptomatiques d'un réel malaise et d'une tension
que les acteurs sociaux rencontrent et analysent dans bien d'autres endroits.
La tension tient, vous l'avez dit, au chômage, à la précarité, aux difficultés
à trouver des logements, à l'insalubrité de ceux-ci et, en particulier, de ceux
que votre question vise.
Au-delà d'une mobilisation sur le thème de la prévention de la délinquance,
mobilisation qui devra être relayée par le conseil communal de prévention de la
délinquance, d'autres réponses sont envisagées.
La réhabilitation du cadre bâti, que vous avez appelée de vos voeux et qui est
déjà en grande partie réalisée, sera parachevée, en particulier pour ce qui
concerne le patrimoine de la SEMIDEP. Des solutions financières seront
recherchées, mais ces mesures relèvent de la compétence du ministère du
logement.
En ce qui concerne les services publics, qui ne sont pas si mal représentés
dans ce quartier, ce qui se justifie par son enclavement, il faudra en
améliorer la qualité et la collaboration.
A propos de l'ouverture du poste de police vingt-quatre heures sur
vingt-quatre, je comprends, madame, votre attente et même votre impatience.
Comme vous le savez, M. le Premier ministre a confié une mission à Roland
Carraz, député, et à votre collègue Jean-Jacques Hyest afin d'étudier et de
mettre en oeuvre le redéploiement des effectifs et des moyens nécessaires sur
la base d'une géographie des priorités face aux phénomènes de violence urbaine
et d'insécurité. Je ne doute pas qu'à l'issue du colloque gouvernemental de
Villepinte, c'est-à-dire dans quelques jours des réponses soient apportées aux
questions que vous soulevez, qui, hélas ! ne concernent pas que Pantin et nous
imposent d'établir des priorités.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis, bien sûr, très intéressée par la
réponse longue et argumentée que vous m'avez présentée, dont je vous remercie,
et j'ai bien noté que vous alliez vous faire le relais de mes préoccupations,
qui sont d'ailleurs surtout celles des habitants et sont déjà relayées par les
élus.
Cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, et je sais que vous n'y êtes pour
rien, si ma question s'adressait à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité, c'était précisément pour qu'elle puisse être prise en compte sous
tous ses aspects.
Vous avez souligné, très justement, que le quartier des Courtillières n'était
pas le seul à connaître des troubles. Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, il y
a de longues années déjà que les élus du département, notamment les élus de
Pantin, moi-même en particulier, attirent l'attention sur ce quartier, qu'il
soit question de l'école, de la sécurité, d'une agence EDF-GDF ou d'un bureau
de poste.
D'ailleurs, lorsque vous me dites que les services publics sont très bien
représentés, vous êtes, je le crains, un peu optimiste. Je crois, moi, qu'ils
sont très insuffisamment représentés et qu'un très gros effort est
nécessaire.
J'étudierai avec beaucoup d'attention votre réponse et, avec les habitants,
nous nous adresserons à qui de droit parce qu'il faut absolument que nous
obtenions satisfaction, c'est-à-dire de véritables améliorations. Quand il y a
des moyens, il y a des résultats, mais sans moyens, et même lorsque la volonté
politique existe, on ne peut rien faire.
EXAMEN DES DOSSIERS DE DEMANDES
DE PRESTATION SPÉCIFIQUE DÉPENDANCE
M. le président.
Mme Dinah Derycke appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité sur les fortes disparités qui marquent la mise en place de la
prestation spécifique dépendance dans des conditions différentes selon les
départements. Aujourd'hui, dans le département du Nord, la durée d'instruction
du dossier est d'environ une année alors que la loi prévoit un délai de
quarante jours suivant la date du dépôt du dossier complet. On sait que cette
prestation d'aide sociale qui est gérée par les départements va inéluctablement
accroître l'inégalité de traitement des personnes sur le territoire national.
Il ne faudrait pas que les disparités de traitement des dossiers viennent
renforcer cette inégalité de traitement. De plus, il n'est pas acceptable que
des personnes fortement dépendantes restent un an sans prestation.
En conséquence, elle lui demande de bien vouloir préciser les mesures qu'elle
entend prendre afin de remédier à cette situation. (N° 65.)
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
loi du 24 janvier 1997, dont les modalités d'application ont été arrêtées par
les décrets des 27 et 28 avril 1997, a créé l'allocation spécifique dépendance
et en a confié la gestion aux départements.
Ma question porte sur les disparités qui marquent la mise en place de cette
prestation spécifique dépendance dans des conditions différentes selon les
départements et suivant l'implication des communes.
Dans le département du Nord, les dossiers peuvent être retirés puis déposés
auprès des centres communaux d'action sociale ou à la mairie de résidence,
l'avis du maire étant indispensable. C'est le cas le plus habituel.
Or certaines communes ont soumis la production de pièces justificatives de la
situation personnelle du demandeur à de nouvelles exigences. Il en résulte que
le dossier est rarement complet, ce qui occasionne des retards significatifs
dans le traitement des demandes. En effet, le délai d'instruction de quarante
jours imposé par la loi s'apprécie à la date de dépôt du dossier complet.
D'ailleurs, certaines communes informent par écrit les intéressés que la durée
d'instruction sera d'environ une année.
L'effet dissuasif de ces diverses contraintes est évident.
On peut craindre que la gestion par les départements de cette prestation
d'aide sociale ne génère une inégalité de traitement des personnes sur le
territoire national. Il ne faudrait pas que les disparités dans le traitement
des dossiers par les communes viennent encore renforcer cette inégalité de
traitement.
A l'heure actuelle, dans le département du Nord, il semble que seuls trente
dossiers aient été traités, alors que deux mille dossiers sont en attente. En
outre, les dossiers déposés avant la mise en place de la prestation spécifique
dépendance - il s'agissait alors pour les demandeurs d'obtenir l'ACTP,
l'allocation compensatrice pour tierce personne - ont été refusés et doivent
être totalement refaits.
Il serait inacceptable que des personnes fortement dépendantes ne perçoivent
aucune prestation durant les délais supplémentaires ainsi occasionnés !
En conséquence, je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien
vouloir préciser les mesures que vous entendez prendre pour remédier à cette
situation.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé, auprès du ministre de l'emploi et de la
solidarité.
Madame le sénateur, je partage votre préoccupation.
Instituée par une loi du 24 janvier 1997, la prestation spécifique dépendance
est un dispositif transitoire visant à améliorer l'aide aux personnes âgées
dépendantes. Je rappelle qu'elle résulte d'une initiative de la Haute
Assemblée, dont la majorité a voulu confier aux présidents de conseils généraux
un large pouvoir de décision. Vous avez raison de souligner que cette option se
traduit par des inégalités départementales. Celles-ci sont d'autant plus
évidentes que ce pouvoir n'a pas été assorti de dispositions fixant des minima
nationaux.
Dans l'immédiat, compte tenu de la mise en oeuvre très récente du nouveau
dispositif, il convient de rassembler les éléments d'information. Vous venez de
nous en fournir sur le département du Nord. Vous avez tout à fait raison de
mettre l'accent sur les difficultés à rassembler les pièces du dossier, sur les
lenteurs invraisemblables et, conséquence de ces aléas, sur la mise à l'écart
d'un certain nombre de personnes qui, normalement, devraient bénéficier du
dispositif.
Au-delà de ce bilan initial, une première évaluation des conditions de mise en
oeuvre des dispositions règlementaires devrait pouvoir très vite être examinée
par le comité national de la coordination gérontologique, que Mme la ministre
de l'emploi et de la solidarité installera prochainement.
Mme Aubry et moi-même ferons le point département par département. Il paraît
en effet nécessaire de veiller dès à présent à ce que les différences que vous
avez observées entre les dispositifs départementaux, notamment en matière de
tarif de référence pour les prestations de service à domicile ou de montant des
prestations en établissement, n'entraînent pas de véritables disparités entre
bénéficiaires suivant les départements.
Cette loi introduit cependant des innovations intéressantes. Il faut souligner
ce point et l'avoir présent à l'esprit lorsque l'on porte un jugement sur ses
dispositions. Il en est ainsi des règles concernant la mise en place
obligatoire dans chaque département de la coordination entre les principaux
financeurs des aides aux personnes âgées dépendantes, ou de celles qui ont
trait à l'évaluation du degré de dépendance par une équipe médico-sociale au
moyen de la grille nationale AGGIR, ou encore de celles qui prévoient
l'établissement, pour les bénéficiaires à domicile - et c'est très important -
d'un plan d'aide après une visite à leur résidence de l'un au moins des membres
de cette équipe. Ce sont des dispositifs qu'il convient de considérer avec
beaucoup d'intérêt.
Il en est ainsi, également, de la disposition prévoyant que le président du
conseil général doit notifier sa décision, favorable ou non, à l'intéressé dans
un délai de deux mois. A défaut, la prestation est réputée accordée à un
montant correspondant à 50 % de la majoration pour aide constante d'une tierce
personne mentionnée à l'article L. 355-1 du code de la sécurité sociale. Ce
mécanisme représente un progrès important par rapport à celui de l'allocation
compensatrice pour aide d'une tierce personne, dans lequel aucun délai n'était
fixé pour l'intervention de la décision.
Tels sont les premiers éléments de réponse que le Gouvernement peut vous
apporter sur ce problème, dont il s'est saisi depuis quelque temps déjà.
Je le répète, nous devrons faire le point département par département, et nous
verrons si nous devons modifier certaines dispositions par la voie
réglementaire ou si nous devons aller plus loin et, avant même un an
d'application de la loi, en modifier certaines dispositions législatives, pour
plus de justice entre nos départements.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le secrétaire d'Etat, cette législation est en effet récente et il
n'est pas surprenant que la mise en application de cette prestation soit
difficile.
Vous l'avez noté, les innovations intéressantes de cette loi ont fait naître
des espoirs immenses. Les besoins sont tout aussi immenses dans un pays où la
population vieillit et où, effectivement, les problèmes de dépendance
deviennent extrêmement aigus.
Un bilan, certes, mais il devra être établi département par département.
Je souhaitais attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le
fait que les dossiers doivent être complets, le délai de quarante jours
s'appréciant lorsque le département a sur sa table, si je puis dire, le dossier
complet. Si, dans certaines communes, on retient le dossier pendant des mois en
raison d'exigences supplémentaires, celui-ci n'est pas complet et ne parvient
pas au département. Cela entraîne des retards, qui ne sont pas visibles.
On peut aussi craindre une dérive des comportements en ce qui concerne l'ACTP,
l'allocation compensatrice pour tierce personne, dérive qui a d'ailleurs déjà
été constatée. Par conséquent, si bilan il y a, peut-être faudra-t-il, dans le
même temps, examiner les répercussions de l'allocation spécifique dépendance
sur l'attribution de l'ACTP.
Cela étant dit, je prends en compte le fait qu'il s'agit d'une loi récente et
qu'un délai est nécessaire pour dresser un bilan. Je vous remercie d'avoir
prévu de le faire très rapidement.
Prise en charge de l'autisme
M. le président.
M. Jacques Valade rappelle à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
que la prise en charge des autistes dans notre pays pose différents problèmes,
tant sur l'adaptation des structures nécessaires que sur l'incertitude des
modes d'accueil et en particulier sur leur nombre.
Il convient pourtant d'offrir aux autistes, jeunes, adolescents et adultes, la
possibilité d'un droit à une vie digne, à un certain niveau d'éducation, et de
leur fournir les moyens d'accéder à la meilleure autonomie humaine et sociale
possible. Des places dans des établissements spécialisés ont été créées depuis
1995, mais leur nombre est trop faible et il y a encore beaucoup d'exclus.
De très nombreux adolescents et adultes restent dans leur famille, dans des
conditions de vie quotidienne très difficiles, faute d'un lieu d'accueil
convenable en dehors de l'hôpital psychiatrique. Ce type d'internement est
inacceptable aux yeux des parents et des professionnels, il n'est pas justifié
sur le plan médical, il est complètement inadapté à la spécificité de l'autisme
et constitue une démission de notre société à l'égard de cette catégorie de
défavorisés.
Les établissements scolaires ou médico-éducatifs devraient avoir les moyens
financiers nécessaires pour créer des sections spécialisées, des structures de
vie et de travail pour les enfants et les adultes autistes et disposer de
personnels professionnels formés spécifiquement aux problèmes liés à
l'autisme.
En 1996, le Parlement a adopté la proposition de loi tendant à assurer une
prise en charge de l'autisme. Cette étape décisive ne saurait être efficace si
elle n'est assortie de moyens importants et de la mise en oeuvre d'une
politique volontariste.
Le Gouvernement entend-il mobiliser les moyens nécessaires pour que soit
apportée une réponse concrète aux besoins reconnus par tous et aux attentes
légitimes des milliers de familles concernées ? (N° 71.)
La parole est à M. Valade.
M. Jacques Valade.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'autisme, dysfonctionnement complexe et mal connu de la vie mentale, se
traduit le plus souvent par une incapacité à communiquer selon les normes
établies par et dans notre société. Il se manifeste le plus souvent par des
troubles importants du sommeil et de l'appétit, par une hyperactivité très
caractéristique et par l'isolement des malades, qui semblent ne pas entendre,
ne pas voir, dans un univers d'angoisse et de terreur qui les mène souvent à
une dramatique agressivité, quelquefois à l'automutilation ou à des attitudes
extrêmes.
Ces troubles sont constatés et, pour l'instant, non détectés ou trop
tardivement détectés. Or cette détection devrait permettre une meilleure
évaluation et une prise en charge adaptée susceptible de déboucher sur une
meilleure intégration sociale et scolaire des personnes autistes, enfants,
adolescents et adultes.
Tout cela passe par la mise en place de personnels spécialisés, d'équipes
multidisciplinaires et, naturellement, d'instituts spécialisés. Les malades,
lorsqu'ils ont la chance ou l'opportunité de bénéficier de structures
d'accueil, en tirent immédiatement bénéfice, et leur vie personnelle et celle
de leur famille et leur environnement s'en trouvent améliorés.
Actuellement, seules des initiatives locales, qui sont le fait d'associations,
tentent de résoudre le dilemme cruel entre le maintien en famille, dans des
conditions de vie quotidienne très difficiles pour tous, ou l'internement en
hôpital psychiatrique, inacceptable aux yeux des parents et des professionnels,
injustifié sur le plan médical et, dans la majorité des cas, totalement
inadapté à la spécificité de l'autisme.
En dehors de ces problèmes généraux, il faut avoir conscience que cette
question concerne tous les âges de la vie, les enfants, les adolescents puis
les adultes, et que les réponses devraient être adaptées.
A titre d'exemple, des initiatives sont prises dans mon département, mais
elles portent sur un nombre très faible de places, ici trente-deux, ailleurs
vingt : il s'agit d'un effort considérable et généreux, mais on recense
actuellement trois cent quatre-vingts autistes en Gironde.
Par ailleurs, le montage de ces opérations est extrêmement complexe et se
heurte souvent à des refus administratifs difficilement acceptables. Il dépend
de la mobilisation de crédits d'origines très diverses, apportés notamment par
les collectivités locales, départementales et régionales, lesquelles ne restent
pas insensibles à ces demandes quelquefois désespérées.
Nous ne pouvons pas rester indifférents, sauf à accepter une démission de
notre société à l'égard de cette catégorie de défavorisés. En 1996, le
Parlement a adopté une proposition de loi tendant à assurer une prise en charge
de l'autisme, mais cette étape décisive ne saurait être suivie d'effets si elle
n'est pas assortie de moyens importants et de la mise en oeuvre d'une politique
volontariste.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement entend-il mobiliser les moyens
nécessaires pour que soit apportée une réponse concrète à des besoins reconnus
par tous et aux attentes légitimes des milliers de familles concernées ?
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé, auprès du ministre de l'emploi et de la
solidarité.
Monsieur le sénateur, je partage bien entendu vos
préoccupations, et vous avez fort bien décrit cette pénible affection qu'est
l'autisme, au niveau tant du diagnostic que de la prise en charge.
Vous avez tout à fait raison de souligner combien il est difficile ou presque
impossible, pour les familles, de garder un malade à domicile et combien font
cruellement défaut, dans notre pays, les structures pour prendre en charge une
des affections neurologiques ou de dégénérescence, je ne sais. C'est que,
monsieur le sénateur, nous découvrons avec beaucoup de retard en termes de
compassion, mais aussi par rapport à d'autres pays, presque ensemble des
affections neurologiques qui nécessitent des prises en charge à tous les âges
de la vie, pour les personnes âgées et pour les malades beaucoup plus jeunes,
comme dans l'exemple que vous avez cité, à savoir l'autisme.
Je ne peux que partager le sentiment et vous faire une réponse relativement
dilatoire.
Tout cela en effet se traduit nécessairement par des ouvertures
d'établissements et par des financements. S'agissant de l'autisme, vous avez
cité les chiffres de votre département, qui sont hélas ! comparables aux autres
- trois cents, quatre cents ou cinq cents personnes, et encore les diagnostics
ne sont pas toujours portés. Si nous essayons, ce que nous devrions faire, de
dépister plus avant ces affections, nous aurons, je le crains, de bien
mauvaises surprises.
Les plans régionaux sur l'autisme ont été mis en oeuvre par une circulaire
ministérielle d'avril 1995 et constituent, c'est vrai, des outils pertinents
pour programmer, et seulement pour programmer, une offre de prise en charge des
enfants et des adultes présentant ce syndrome qui les coupe du reste du
monde.
Ces plans, qui ont été assortis à deux reprises, en 1995 et en 1997, d'une
aide financière importante des pouvoirs publics ont d'ores et déjà permis la
création de 1 171 places réellement adaptées aux personnes autistes. Ainsi, 631
places ont été financées sur l'enveloppe nationale de 1995, 327 sur la seconde
dotation de 1997 et 213 par redéploiement entre 1996 et 1997.
La loi du 11 décembre 1996 sur l'autisme a été votée, vous l'avez rappelé,
monsieur le sénateur, à la quasi-unanimité des députés et des sénateurs. Cette
loi est indéniablement un texte fondateur d'une reconnaissance de l'autisme en
tant que syndrome méritant une attention particulière et nécessitant des prises
en charge individualisées, adaptées, pluridisciplinaires, soigneusement
ajustées. Il faut tout de même donner à chaque autiste sa thérapeutique et sa
prise en charge. C'est un effort personnel des soignants, qui doit être ajusté
au millimètre.
Le Gouvernement est pleinement convaincu de la nécessité de poursuivre les
efforts antérieurement consentis pour améliorer la situation de ces personnes.
A court et à moyen terme, nous comptons, Mme Martine Aubry et moi-même,
procéder en deux temps.
Pour l'année 1998, nous avons plusieurs priorités. Il s'agit, d'abord, de
renforcer la formation initiale et continue des personnels médico-sociaux. Au
passage, monsieur Valade, vous avez dit, et vous avez tout à fait raison, que
les structures psychiatriques devaient être très largement adaptées. Nous avons
pris en charge des personnalités et des difficultés psychologiques ou
psychopathologiques qui n'étaient pas loin de celles que vous avez citées.
Cette adaptation, cette ouverture des établissements psychiatriques sur la
réalité et peut-être sur l'hôpital général sont également une de nos
préoccupations. Il faut poursuivre en ce sens.
Il convient donc de renforcer la formation initiale et d'expérimenter sur
plusieurs dizaines d'établissements volontaires une évaluation des diverses
prises en charge à partir de grilles mesurant l'évolution des compétences des
personnes autistes accueillies dans ces institutions. De plus, les efforts
entrepris les années antérieures ont vocation à être poursuivis, notamment par
la création de places supplémentaires.
Vous comprendrez sans peine, monsieur le sénateur, que l'année 1998 puisse
être consacrée aux grandes priorités du Gouvernement, qui relèvent de sa
politique du handicap, je veux parler du dépistage précoce des handicapés, du
maillage du territoire en matière de centres d'action médico-sociale précoce,
de la poursuite du programme pluriannuel d'amélioration de la prise en charge
des traumatisés crâniens, de la création de centres de ressource pour les
handicaps rares et, enfin, de la création de places pour personnes handicapées
adultes afin de résorber les effets de l'amendement Creton.
Ces actions constituent des priorités incontournables.
Toutefois, nous sommes particulièrement sensibles au fait que la politique
menée sur l'autisme a connu, par le passé, des retards importants dans notre
pays. C'est pourquoi le Gouvernement est résolu à poursuivre les efforts
récemments entrepris, que vous avez soulignés et qui sont excellents, pour
permettre aux personnes autistes et à leur famille de trouver leur place dans
notre société.
M. Jacques Valade.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Valade.
M. Jacques Valade.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens à vous remercier de votre réponse et à
vous dire que nous concevons tous l'extrême difficulté de faire face à toutes
ces priorités et de les ordonner.
Mais, comme vous le disiez vous-même au début de votre propos, votre réponse
est dilatoire. Elle l'est fatalement,...
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Bien sûr !
M. Jacques Valade.
... et je le comprends parfaitement.
Je tenais néanmoins à attirer solennellement l'attention du Gouvernement sur
ce problème, qui concerne à la fois la société dans son ensemble - nous
partageons par conséquent une responsabilité à cet égard - et les individus
concernés, à savoir les personnes atteintes de cette terrible affection et leur
entourage, qu'il soit familial, scolaire ou professionnel.
Par conséquent, nous ne serons jamais trop nombreux pour faire des efforts
dans ce domaine.
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à seize heures cinq,
sous la présidence de M. René Monory.)
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président. La séance est reprise.
4
HOMMAGE À UN HAUT FONCTIONNAIRE
DU SÉNAT
M. le président.
Mes chers collègues, avant d'entamer l'ordre du jour, j'aimerais, en votre nom
à tous, rendre un hommage mérité au Secrétaire général du Sénat, M. Jacques
Ollé-Laprune.
Ce très grand spécialiste de la procédure parlementaire aime le Parlement et
lui a apporté toute sa science de la Constitution et de l'histoire politique
française.
Depuis presque quarante ans, il a su faire bénéficier de ses éminentes
qualités chaque service où il est passé.
Je ne crains pas d'affirmer que Jacques Ollé-Laprune est un homme apprécié,
estimé et respecté. Il prendra place parmi les grands Secrétaires généraux que
le Sénat a connus. Pouvoir compter sur des collaborateurs de si grande valeur
est une chance pour une institution. Ils sont en outre un exemple pour la
fonction publique parlementaire.
Alors qu'il s'apprête à quitter ses fonctions, je voulais dire à Jacques
Ollé-Laprune toute notre reconnaissance pour sa grande compétence, sa
conscience professionnelle, sa disponibilité et sa richesse de coeur.
Nous connaissons tous aussi sa grande convivialité. En ce sens, il incarne
parfaitement la Haute Assemblée, qu'il a si bien servie. Qu'il en soit
publiquement et très amicalement remercié.
(Mmes et MM. les sénateurs ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent et
applaudissent longuement.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, M. Ollé-Laprune a en effet accompli une carrière tout à fait
remarquable, qu'il a entamée en 1957, et mon collègue Daniel Vaillant et
moi-même souhaitons vous dire à quel point le Gouvernement s'associe à
l'hommage que vous venez de lui rendre.
M. Ollé-Laprune a rempli ses fonctions avec une conscience et une efficacité
reconnues. Il a, de surcroît, fait profiter de son expérience les étudiants de
l'Institut international d'administration publique et de l'Ecole supérieure des
sciences économiques et commerciales, ainsi que les membres de l'Association
des secrétaires généraux des parlements.
Pour le Gouvernement comme pour vous, monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, sa carrière et son activité sont un exemple, et elles
le seront certainement pour ses successeurs.
(Applaudissements.)
5
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président.
La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des
prochaines séances du Sénat :
A. -
Mercredi 29 octobre 1997,
à seize heures :
1° Examen d'une demande de la commission des lois tendant à obtenir du Sénat,
en application de l'article 5
ter
de l'ordonnance n° 58-1100 du 17
novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qu'il
confère à la commission des lois les prérogatives attribuées aux commissions
d'enquête pour étudier le suivi, par les ministères intéressés, du processus
européen de coopération policière, pour une durée n'excédant pas six mois.
Ordre du jour prioritaire
2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la
prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la
protection des mineurs victimes (n° 11, 1997-1998).
B. -
Jeudi 30 octobre 1997,
à neuf heures trente et à quinze heures :
Ordre du jour prioritaire
Suite du projet de loi relatif à la prévention et à la répression des
infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes (n° 11,
1997-1998).
C. -
Mardi 4 novembre 1997,
à neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales sans débat :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 2. M. Jean-Paul Delevoye à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(organisation de la distribution du lait dans les écoles) ;
N° 8. M. Pierre Hérisson à M. le ministre des affaires étrangères (prise en
compte des résidents helvétiques en France pour le calcul de la DGF) ;
N° 9. M. Daniel Hoeffel à Mme le ministre de la culture et de la communication
(mesures de protection en faveur des facteurs d'orgue) ;
N° 38. M. Dominique Braye transmise à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie
(situation de l'emploi dans le Mantois) ;
N° 48. M. Jacques Legendre à M. le ministre de l'intérieur (création d'un site
de stockage d'anciennes munitions) ;
N° 49. M. André Vallet à M. le ministre de l'équipement, des transports et du
logement (problèmes de sécurité liés à la construction de l'autoroute A 54)
;
N° 52. M. Gérard Fayolle transmise à M. le secrétaire d'Etat au budget (taux
de TVA applicables à la restauration) ;
N° 53. M. Fernand Demilly à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(avenir de la Fédération nationale des foyers ruraux) ;
N° 64. M. Adrien Gouteyron à M. le ministre de l'équipement, des transports et
du logement (réaménagement de la route nationale 102) ;
N° 74. Mme Joëlle Dusseau à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(retraite agricole) ;
N° 75. M. Jean-Claude Carle à M. le ministre de l'éducation nationale, de la
recherche et de la technologie (organisation des établissements publics locaux
d'enseignement) ;
N° 76. M. Daniel Goulet à Mme le secrétaire d'Etat au tourisme (difficultés
des hôteliers restaurateurs) ;
N° 77. Mme Marie-Madeleine Dieulangard à M. le secrétaire d'Etat au logement
(allocation de logement temporaire) ;
N° 81. M. Edouard Le Jeune à M. le ministre de l'équipement, des transports et
du logement (renforcement de la sécurité routière) ;
N° 84. M. Michel Doublet à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(mesures agri-environnementales en Charente-Maritime) ;
N° 85. M. Georges Mouly à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(actions en faveur de l'insertion professionnelle) ;
N° 87. M. Philippe Richert à M. le ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation (compensation des augmentations de
cotisation maladie et de CSG pour la fonction publique territoriale) ;
N° 90. M. François Autain à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et
de l'environnement (avenir de l'aéroport de Nantes) ;
A dix-sept heures trente et le soir :
2° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la politique
familiale.
La conférence des présidents a fixé :
_
à dix minutes les temps réservés au président de la commission des
affaires sociales et au président de la commission des finances ;
_ à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat,
les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 3
novembre.
D. -
Mercredi 5 novembre 1997,
à quinze heures et le soir :
Ordre du jour prioritaire
1° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du
projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines.
2° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'agriculture.
La conférence des présidents a fixé :
_ à dix minutes les temps réservés au président de la commission des affaires
économiques et au président de la commission des finances ;
_ à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat,
les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 4
novembre.
E. -
Jeudi 6 novembre 1997 :
Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution
A neuf heures trente :
1° Résolution de la commission des finances sur la proposition de directive du
Conseil (n° E-785) modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne le
régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services de
télécommunications (n° 46, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 5 novembre, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à cette résolution.
A quinze heures :
2° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Louis
Souvet visant à clarifier les conditions d'accueil des gens du voyage sur le
territoire des communes de plus de 5 000 habitants et la proposition de loi de
M. Philippe Marini relative au stationnement des gens du voyage (n°s 240 et
259, 1994-1995, rapport n° 283, 1996-1997).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 5 novembre, à dix-sept heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
F. -
Mercredi 12 novembre 1997,
à seize heures et le soir :
Ordre du jour prioritaire
Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1998 (A.N., n° 303).
La conférence des présidents a fixé :
_ au mercredi 12 novembre, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt
des amendements à ce projet de loi ;
_ à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant douze heures, le mercredi 12
novembre.
G. -
Jeudi 13 novembre 1997,
à quinze heures et le soir :
1° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.
Ordre du jour prioritaire
2° Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
1998.
H. -
Vendredi 14 novembre 1997,
à neuf heures trente et,
éventuellement, à quinze heures :
Ordre du jour prioritaire
Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.
I. -
Mardi 18 novembre 1997 :
A neuf heures trente :
1° Questions orales sans débat.
A seize heures :
Ordre du jour prioritaire
2° Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
1998.
Explications de vote et vote sur l'ensemble.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
6
PRÉVENTION ET RÉPRESSION
DES INFRACTIONS SEXUELLES
Discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 11, 1997-1998),
adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la prévention et à la répression
des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes.
[Rapport n° 49 (1997-1998) et avis n° 51 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, le préambule de la convention des Nations
unies relative aux droits de l'enfant nous rappelle que la protection de
l'enfant constitue un devoir impérieux dans toutes les sociétés
démocratiques.
Pourtant, parce que son jeune âge le rend vulnérable, l'enfant est trop
souvent la victime privilégiée de la violence des adultes. Nous savons
aujourd'hui que 30 000 signalements concernant des violences ou des mauvais
traitements à enfants sont adressés chaque année aux pouvoirs publics. Malgré
l'importance de ce chiffre, nous savons aussi qu'il ne correspond pas à la
réalité, car de nombreuses violences demeurent encore cachées.
Trop souvent, en effet, les victimes ne veulent ou ne peuvent pas les
dénoncer, notamment quand les violences émanent de proches - familles,
éducateurs - ce qui est le cas dans 80 % des affaires de violence sur
enfant.
Lorsqu'elle est constituée par des atteintes ou des agressions sexuelles,
cette violence est d'autant plus insupportable qu'elle est dirigée contre des
êtres très jeunes qui sont par nature d'une grande fragilité.
Par ailleurs, même si la récidive existe pour toutes les infractions, la
délinquance sexuelle est peut-être la seule qui porte en germe une possibilité
de recommencement.
C'est pourquoi notre législation pénale doit appréhender cette forme de
criminalité, qu'elle concerne ou non des victimes mineures, avec un arsenal
répressif adapté et spécifique.
De nombreuses modifications de notre droit sont ainsi intervenues ces
dernières années. En 1980, la définition du viol a été élargie et la répression
des infractions sexuelles a été aggravée. En 1989, un régime spécial de
prescription des infractions commises sur des mineurs par des personnes ayant
autorité - qui concernait, en pratique, les faits d'inceste - a été
institué.
Le nouveau code pénal, adopté en 1992 et entré en vigueur en 1994, a poursuivi
cette évolution en aggravant de nouveau les peines encourues en cas de viol.
La loi du 1er février 1994 a institué une peine incompressible pour les plus
graves des crimes commis sur des mineurs et a prévu que les auteurs
d'infractions sexuelles devaient pouvoir bénéficier d'un suivi médical en
détention.
Ces différents textes - il convient de le souligner - ont été votés par le
Sénat, dont la volonté de protéger au mieux les intérêts des enfants s'est
manifestée avec constance, notamment lors de la réforme du code pénal et lors
de l'examen de la loi du 1er février 1994. C'est d'ailleurs M. Jolibois, qui
rapporte aujourd'hui le présent texte, qui était le rapporteur de la commission
des lois pour le livre II du nouveau code pénal, réprimant les atteintes à la
personne, et pour la loi précitée de 1994.
Enfin, je rappelle que mon prédécesseur, M. Jacques Toubon, avait déposé, au
début de cette année, un projet de loi tendant à renforcer la prévention et la
répression des atteintes sexuelles, projet qui n'a pu être examiné par le
Parlement en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale.
Toutes ces réformes, ou ces projets de réforme, qui ont montré une évolution
des mentalités, notre société ayant lentement mais sûrement pris conscience de
l'ampleur et de la gravité du problème, sont toutefois insuffisants.
L'amélioration de notre droit doit en effet se poursuivre dans deux directions
fondamentales qui, jusqu'ici, n'ont pas été prises en compte de façon
satisfaisante.
D'une part, il convient de renforcer notablement la protection des victimes
mineures, en les dotant d'un véritable statut juridique inspiré par les
sentiments de compassion et de compréhension que l'institution judiciaire comme
l'ensemble de la société doivent avoir à leur égard.
D'autre part, il faut que la répression pénale, qui doit fermement sanctionner
les auteurs de ces actes, intègre également la dimension psychologique et
médicale du problème causé par la délinquance sexuelle, une telle évolution de
notre droit étant indispensable pour tenter de diminuer la récidive de ces
infractions.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement auquel j'appartiens a décidé de
reprendre le projet de mon prédécesseur, qui répondait à une forte attente de
la société.
Toutefois, après avoir procédé à de nombreuses consultations, notamment auprès
de responsables d'associations d'aide aux victimes et auprès du corps médical,
j'ai voulu modifier ce projet de loi afin de l'améliorer et d'atteindre au
mieux les deux objectifs de protection des mineurs et de lutte contre la
récidive.
Ce nouveau projet de loi, élaboré en concertation étroite avec Mme Ségolène
Royal, ministre délégué à l'enseignement scolaire, et M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé, a été examiné et adopté en première lecture par
l'Assemblée nationale au début de ce mois.
Avant de vous présenter les deux principaux objectifs de ce projet de loi, je
veux rendre hommage au travail particulièrement approfondi de la commission des
lois du Sénat et, en particulier, de son rapporteur, M. Charles Jolibois, que
son rôle à l'occasion des précédentes réformes que je viens d'évoquer désignait
tout naturellement pour connaître du présent texte.
La commission a, comme à son habitude, procédé à de nombreuses auditions
publiques sur cette question, afin d'aborder cette discussion de la façon la
plus éclairée possible.
Pour l'essentiel, les amendements adoptés par la commission, le plus souvent
sur l'initiative de son rapporteur, vont tout à fait dans le sens du projet du
Gouvernement, dont ils renforcent la cohérence, la lisibilité et l'efficacité.
Je me réjouis donc que ce projet, qui doit évidemment, compte tenu de son
objet, dépasser les clivages politiques, fasse l'objet d'un véritable
consensus.
S'il subsiste quelques divergences entre la commission et le Gouvernement ou
entre le Sénat et l'Assemblée nationale, celles-ci portent sur des points, à
mes yeux, secondaires, et pourront, j'en suis convaincue, s'estomper lors de
l'examen des articles ou lors des navettes.
Je me félicite, par ailleurs, que la commission des affaires sociales du Sénat
ait également examiné le texte, car l'analyse et les propositions de son
rapporteur, M. Bimbenet, viendront très utilement enrichir le débat.
Permettez-moi maintenant de préciser les dispositions concernant le premier
volet important, à savoir le renforcement de la défense des mineurs
victimes.
De très nombreuses dispositions du projet ont pour objet ou pour conséquence
de renforcer la protection ou la défense des mineurs victimes d'infractions
sexuelles. Il en résulte d'ailleurs la création d'un véritable statut des
mineurs victimes, et ce pour la première fois dans notre droit pénal.
Avant d'exposer ces différentes dispositions, je veux rappeler qu'elles ont
été élaborées en liaison étroite avec de nombreuses associations de défense des
enfants victimes de sévices sexuels, dont l'expérience sur le terrain a
considérablement enrichi la réflexion de l'administration et du Gouvernement.
Je tiens ici à rendre un particulier hommage à la qualité du travail accompli
quotidiennement par ces associations et à la force de conviction qui anime
leurs membres.
La première disposition du projet renforçant les droits des mineurs concerne
la question de la prescription. Le point de départ de la prescription des
infractions commises contre les mineurs est différé jusqu'à la majorité des
victimes, même si ces infractions n'ont pas été commises par un ascendant ou
une personne ayant autorité. La commission propose de ne pas limiter les
nouvelles dispositions à certains crimes, limitativement énumérés, mais de les
rendre applicables à tous les crimes commis sur des mineurs. Je m'en remettrai,
sur ce point, à la sagesse du Sénat.
Il est également prévu que, pour les délits les plus graves, la durée de cette
prescription soit portée à dix ans, comme pour les crimes. La commission
propose de supprimer cette disposition. Je n'y suis évidemment pas favorable et
j'espère que les explications du Gouvernement pourront convaincre le Sénat sur
ce point.
Plusieurs autres dispositions du projet visent à assurer que les mineurs
victimes feront l'objet des soins appropriés à leur état.
Ainsi, la victime d'une infraction sexuelle devra obligatoirement faire
l'objet d'une expertise médico-psychologique.
De même, la liaison entre les différentes instances judiciaires sera mieux
assurée : le procureur de la République ou le juge d'instruction devra informer
sans délai le juge des enfants de l'existence d'une procédure pénale concernant
les mineurs victimes d'infractions sexuelles, si une procédure d'assistance
éducative a été ouverte.
Enfin, il est prévu que les soins dont devront faire l'objet les mineurs de
quinze ans victimes d'infractions sexuelles devront être remboursés à 100 % par
la sécurité sociale. La commission propose une extension de cette prise en
charge, sur laquelle je m'expliquerai lors de l'examen de l'article concernant
cette disposition.
Les autres dispositions du projet destinées à renforcer les droits des mineurs
victimes ont pour objectif commun de limiter au minimum le caractère par nature
traumatisant d'une procédure judiciaire, tout en assurant l'efficacité de leurs
droits.
Ainsi, les mineurs victimes devront être représentés au cours de la procédure
par un administrateur
ad hoc
dès lors qu'existera un risque de conflit
d'intérêts entre le mineur et ses représentants légaux, et ce même au cas où
ces derniers ne défendront pas les intérêts du mineur.
J'aurai, là encore, l'occasion de donner la position du Gouvernement sur les
différents amendements déposés sur cette question par la commission lors de
l'examen des articles.
Par ailleurs, seules les auditions ou confrontations des mineurs victimes qui
sont strictement nécessaires à la manifestation de la vérité devront être
effectuées par le juge d'instruction, afin d'éviter le traumatisme résultant
d'interrogatoires répétés. Nous savons en effet que répéter, c'est revivre
lorsqu'on a subi ce type d'agression.
De même, les auditions des mineurs victimes d'infractions sexuelles pourront
faire l'objet, avec leur accord, d'un enregistrement, ce qui permettra en
pratique de limiter leurs auditions ultérieures au cours de la procédure.
Le projet initial du Gouvernement prévoyait la possibilité de procéder à des
enregistrements audiovisuels ou à des enregistrements simplement sonores.
L'Assemblée nationale a supprimé cette seconde possibilité, mais j'espère que
le Sénat pourra adopter le sous-amendement du Gouvernement qui propose de la
rétablir.
Cette question de l'enregistrement, audio ou vidéo, a fait l'objet, au sein de
la commission des lois, d'une réflexion particulièrement riche, qui l'a
conduite à réécrire la disposition du projet de loi. Pour l'essentiel, cette
réécriture est justifiée ; je pense, notamment, à la création d'une infraction
spécifique en cas de diffusion de l'enregistrement.
Enfin, au cours de ses auditions, y compris lors de l'enquête, le mineur
pourra être accompagné d'une personne qualifiée, comme un éducateur, un
psychologue ou un proche.
Doit-on aller plus loin, et prévoir, comme le propose la commission, qu'un
mineur victime devra être assisté d'un avocat dès le début de l'enquête ? Il
s'agit là d'une question complexe, que nous devrons examiner de façon
approfondie lorsque cet amendement viendra en discussion.
En dernier lieu, plusieurs dispositions du projet viennent conforter la
protection judiciaire dont les mineurs peuvent bénéficier en améliorant la
répression de certaines infractions dont ils sont les victimes habituelles.
Ainsi, le projet prévoit d'aggraver certaines infractions, telles que la
corruption de mineur en cas d'utilisation d'un réseau de téléinformatique,
comme le Minitel ou Internet. Certaines personnes n'hésitent pas, en effet, à
utiliser ces moyens modernes de communication, qui constituent d'indéniables
progrès techniques, pour prendre dans leurs filets leurs futures victimes.
De même, la répression des délits de provocation d'un mineur à l'usage de
stupéfiants, de provocation d'un mineur à participer à un trafic de
stupéfiants, de provocation d'un mineur à la consommation excessive de boissons
alcooliques, de provocation d'un mineur à la commission de crime ou de délit ou
de corruption de mineur est aggravée, dans le texte, lorsque ces faits sont
commis à l'intérieur ou aux abords immédiats d'un établissement scolaire.
Dans le même esprit, le projet vise à réprimer de façon spécifique certains
faits commis à l'encontre des élèves ou des étudiants dans le milieu scolaire
ou éducatif et qui constituent des atteintes inadmissibles à la dignité de la
personne. Il s'agit de certaines formes de « bizutage », qui demeurent en
vigueur et auxquelles on parvient difficilement à mettre un terme malgré les
efforts intervenus, notamment en matière de discipline.
Dans les cas les plus graves, ces faits constituent d'ores et déjà des
infractions pénales, comme les violences, les menaces ou les atteintes
sexuelles. Mais tel n'est pas toujours le cas, et c'est pourquoi le présent
projet institue une incrimination spécifique.
La commission estime qu'une nouvelle incrimination n'est pas nécessaire. Je ne
partage évidemment pas cette analyse. Je tenterai de convaincre le Sénat sur ce
point lors de l'examen de l'article en cause.
Dernière disposition d'importance améliorant la répression d'infractions
sexuelles commises contre des mineurs, celle concernant ce que l'on désigne par
l'expression atroce de « tourisme sexuel ».
Le projet étend et améliore les dispositions actuelles de notre droit
permettant une application extraterritoriale de la loi pénale. Ainsi, celle-ci
sera applicable pour l'ensemble des crimes et délits sexuels commis à
l'étranger sur des mineurs soit par des Français, soit par des personnes
résidant habituellement sur le territoire national.
La commission propose de supprimer cette seconde hypothèse.
Je crois, là encore, que ce serait une erreur, mais je suis persuadé que nous
arriverons à un accord sur cette question.
J'en viens maintenant à la deuxième partie de mon exposé, à savoir
l'institution d'un suivi socio-judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles
destiné à prévenir la récidive.
La récidive des délits et des crimes sexuels, surtout lorsqu'ils sont commis
sur des enfants, est un problème extrêmement douloureux.
Même s'il n'existe pas d'étude totalement convaincante sur cette question,
trois constatations ont pu être faites ces dernières années.
Tout d'abord, la pratique judiciaire montre qu'il arrive que des personnes
antérieurement condamnées pour des infractions de nature sexuelle commettent de
nouveau des faits similaires, parfois plus graves que ceux qui avaient suscité
une première intervention de la justice.
Deuxième constatation : des équipes médicales, s'inspirant de pratiques
étrangères, ont montré qu'il existe parfois, pour certains types de délinquants
ou de criminels sexuels, des traitements appropriés qui sont de nature à
diminuer les risques de passage à l'acte.
Enfin, il a été constaté que les dispositifs juridiques actuellement existants
en matière d'aménagement des peines, tels que le sursis avec mise à l'épreuve
ou la libération conditionnelle, étaient insuffisants pour permettre un suivi
de ces condamnés après leur libération.
De ces trois constatations, qui ont donné lieu à de multiples rapports, il est
apparu qu'il était nécessaire d'instituer dans notre arsenal répressif une
nouvelle mesure, qui permettrait aux juridictions de prononcer, au-delà des
peines classiques de l'emprisonnement ou de la réclusion, une nouvelle modalité
de suivi judiciaire, social et, éventuellement, médical. Améliorant le
dispositif envisagé par le précédent gouvernement, le présent projet tend à
instituer une mesure de suivi socio-judiciaire, afin que les personnes
condamnées pour infractions sexuelles soient placées, après leur libération,
sous la surveillance du juge de l'application des peines pendant une durée de
cinq ans en matière correctionnelle et de dix ans en matière criminelle.
Pendant cette durée, le condamné devra respecter certaines obligations, comme
l'interdiction de se rendre dans certains lieux ou d'entrer en contact avec des
mineurs. S'il ne respecte pas les obligations qui lui seront imposées, le juge
de l'application des peines pourra ordonner sa réincarcération, pour une durée
initialement fixée par la juridiction de jugement.
Une injonction de soins, qui ne pourra être prononcée que si les experts
estiment qu'un traitement est possible, pourra constituer une modalité
d'application facultative de la mesure de suivi socio-judiciaire. Dans ces
conditions, le suivi pourra être prononcé, y compris contre les personnes qui
ne paraissent pas initialement pouvoir faire l'objet d'un traitement. Ce point
est évidemment extrêmement important, puisqu'il montre le caractère évolutif de
la mesure de suivi. Bien évidemment, aucun traitement ne pourra être entrepris
sans le consentement du condamné.
C'est dans cette optique de surveillance judiciaire que le condamné pourra
faire l'objet de soins, conformément à la demande formulée ces dernières années
par des médecins psychiatres spécialisés dans le traitement d'auteurs de
violences sexuelles, qui estiment que ces personnes ont besoin d'une forme
d'incitation judiciaire suffisamment ferme pour accepter des soins qui, en
définitive, pourront leur être profitables, comme ils seront profitables à la
société tout entière.
La mise en place de ces soins se fera par l'intermédiaire d'un médecin
coordonnateur, chargé en quelque sorte d'assurer la liaison entre le juge de
l'application des peines et le médecin traitant.
Telles sont, dans leurs grandes lignes, les principales caractéristiques de
cette nouvelle mesure de suivi socio-judiciaire, qui, bien qu'elle constitue
une véritable innovation dans notre droit, se rapproche, par ses différents
aspects, de concepts juridiques plus traditionnels, comme ceux de peine
complémentaire, de sursis avec mise à l'épreuve ou de libération
conditionnelle.
Je me félicite, dans ces conditions, que la commission des lois du Sénat ait
accepté cette nouvelle mesure.
Les amendements adoptés par celle-ci n'ont d'ailleurs pas d'autre objet que de
renforcer l'efficacité du suivi socio-judiciaire, en allongeant sa durée, en
aggravant la sanction encourue s'il n'est pas respecté et en précisant les
conditions dans lesquelles cette sanction peut être prononcée, enfin, en
incitant plus fortement le condamné à commencer un traitement en détention pour
préparer le « passage » aux soins qui lui seront prodigués après sa mise en
liberté.
Ces modifications correspondent tout à fait à l'esprit du projet de loi ; je
pense notamment à l'amendement qui tend à préciser que le juge de l'application
des peines pourra mettre à exécution « en plusieurs fois » l'emprisonnement
sanctionnant le non-respect du suivi socio-judiciaire. Certains amendements
peuvent toutefois soulever certaines interrogations au regard du principe de
proportionnalité. Je m'en expliquerai lors de l'examen des articles.
S'agissant des dispositions concernant les médecins coordonnateurs, qui sont
intégrées dans le code de la santé publique, votre commission des affaires
sociales propose un certain nombre de modifications qui me paraissent
également, pour l'essentiel, tout à fait justifiées. Je dois à cet égard me
féliciter encore une fois que votre commission des affaires sociales ait pu
approfondir les aspects de santé publique de la réforme.
Bien évidemment, cette nouvelle mesure de suivi socio-judiciaire, de même que
celle qui renforce les droits des victimes mineures, supposeront des moyens
nouveaux.
Ces moyens, qui seront dégagés progressivement, au fur et à mesure de la «
montée en puissance » de l'application des nouveaux textes, concerneront à la
fois le ministère de la justice et le ministère de la santé.
Ont ainsi été débloqués des crédits pour la création de nouveaux postes dans
les comités de probation et d'assistance aux libérés, qui seront chargés de
suivre les personnes placées sous suivi socio-judiciaire.
Il en est de même pour les crédits destinés à l'indemnisation des médecins
coordonnateurs, dont le rôle en la matière sera capital.
En ce qui concerne le budget de la justice, et s'agissant des services
judiciaires, je puis vous indiquer que, dans le projet de loi de finances pour
1998, dix emplois supplémentaires de juges des enfants, sur quarante emplois de
tribunaux de grande instance et d'instance, seront créés.
Ces juges bénéficieront du renfort d'une partie des assistants de justice
prévus, qui sont au nombre de deux cent vingt. Une partie des trente magistrats
supplémentaires de cours d'appel sera affectée aux chambres des affaires
familiales et sera conduite à connaître des situations des mineurs en danger
d'ordre sexuel.
Plus de 5 millions de francs de crédits supplémentaires au titre des frais de
justice permettront de revaloriser le montant des frais d'expertises
psychiatriques qui résulteront de ce projet de loi.
S'agissant des services pénitentiaires, sept emplois supplémentaires de
psychologues et plus de 2 millions de francs en moyens matériels permettront le
renforcement des moyens pour le projet d'exécution de peine.
Avec plus de 200 emplois, le renforcement des emplois du milieu ouvert
permettra d'assurer le suivi des délinquants sexuels, de même que l'inscription
de 10 millions de francs pour la réforme des services pénitentiaires
d'insertion et de probation.
S'agissant enfin de la protection judiciaire de la jeunesse, la création de
100 emplois, répartis dans les services éducatifs auprès des tribunaux, et
l'inscription d'une augmentation de 11 millions de francs pour le
fonctionnement de ces services permettra la mise en oeuvre des dispositions
concernant les mineurs. D'une façon générale, le Gouvernement s'engage à ce que
tous les moyens nécessaires à la mise en oeuvre des nouveaux textes puissent
être dégagés en temps utile.
Je voudrais enfin rappeler, comme je l'ai fait devant l'Assemblée nationale,
que ce projet de loi a pour objectif d'assurer dans notre législation pénale un
meilleur équilibre entre la répression, la prévention et les droits des
victimes.
Bien sûr, aucun texte de loi ne pourra totalement éradiquer la récidive, aucun
traitement médical, aucun suivi judiciaire n'offrira jamais la garantie absolue
d'éviter le renouvellement des infractions. Mais nous savons qu'il est possible
d'en limiter les risques, et il est du devoir du Gouvernement de prendre en
cette matière toutes ses responsabilités, en mettant en place l'arsenal
législatif le mieux à même de permettre l'application, dans un cadre de
contrainte judiciaire, de thérapies médicales dont les experts nous disent
qu'elles donnent, malgré leur caractère encore imparfait, des résultats
tangibles.
Comme je l'ai également indiqué devant l'Assemblée nationale, si ce projet de
loi pouvait n'éviter ne serait-ce qu'une seule récidive, s'il ne permettait de
sauver la vie que d'un seul enfant, il serait déjà indispensable, et le travail
du Gouvernement, du Parlement et des autorités judiciaires s'en trouverait
pleinement justifié.
Enfin, au-delà du droit, au-delà des nouvelles institutions judiciaires qu'il
met en place - le suivi socio-judiciaire, le statut des mineurs victimes - ce
texte présente une dimension symbolique.
Il doit, en effet, accompagner et surtout amplifier une modification de nos
mentalités, une véritable prise de conscience sociale, qui fait que la lutte
contre les atteintes à l'intégrité et à la dignité de la personne, tout
particulièrement lorsqu'elles concernent l'enfant, constitue désormais une
priorité nationale.
Il faut faire cesser la loi du silence qui pèse encore beaucoup trop sur les
dysfonctionnements sociaux ou familiaux ; il faut soulever la chape de plomb
qui recouvre les victimes d'inceste, d'agressions ou d'atteintes sexuelles ; il
faut bousculer les idées reçues selon lesquelles de tels faits ne peuvent pas
arriver, ou n'arrivent qu'aux autres, les
a priori
de suspicion contre
les victimes, les réticences de certains à prendre en compte l'aspect santé
publique du problème.
Je ne peux, en conclusion, que rappeler les propos que je tenais voilà moins
d'un mois devant l'Assemblée nationale : bien qu'il puise ses racines dans le
plus profond désespoir - celui qui résulte des crimes commis contre les enfants
- ce projet de loi se veut un texte d'espoir.
Espoir de voir reculer la récidive de ces infractions intolérables, grâce aux
progrès de la médecine alliés à l'action de la justice.
Espoir de diminuer la souffrance des victimes, grâce à une prise en charge
plus humaine et plus complète de celles-ci.
Espoir de ne plus voir les enfants martyrs devenir eux-mêmes, à l'âge adulte,
des oppresseurs parce que leur statut de victime n'aura pas été pris en compte
par la justice.
Espoir que la prise de conscience de notre société face au fléau que
représente l'oppression et l'exploitation sexuelle des personnes vulnérables se
concrétise dans l'action.
Je vous demande ici de bâtir un droit encore en devenir, un droit pour les
générations futures, qui protégera l'enfance et qui, ce faisant, protégera
l'humanité tout entière.
Lorsqu'elles seront, dans quelques semaines, définitivement adoptées par le
Parlement, ces nouvelles dispositions pourront être appliquées par les
juridictions avec le discernement, la fermeté, la dignité et la compassion
nécessaires ; elles permettront de faire reculer la barbarie et la
souffrance.
C'est dans cet esprit, et avec cette ferme volonté, que je vous demande,
mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir adopter ce projet de loi.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, ce projet de loi
est l'aboutissement d'une longue réflexion, qui a fait l'objet de plusieurs
rapports et, sous une forme un peu différente, d'un projet de loi du précédent
garde des sceaux.
Il faut d'abord citer le rapport de la commission d'étude pour la prévention
de la récidive des criminels, présidée par Mme Marie-Elisabeth Cartier, qui
avait notamment proposé l'instauration d'un « suivi postpénal » - nous avons
auditionné Mme le professeur Cartier au cours de la journée du 15 octobre - le
rapport de la commission d'études sur l'évaluation et l'expertise psychiatrique
des condamnés, présidée par Mme le docteur Thérèse Lemperière, le rapport du
groupe de travail sur le traitement et le suivi médical des auteurs de délits
et crimes sexuels, présidé par le docteur Claude Balier, que nous avons
également auditionné et qui avait préconisé un suivi thérapeutique à la sortie
de prison pour ces personnes.
Déjà, la loi du 1er février 1994 prévoyait des dispositions à caractère
thérapeutique. Vous vous étiez alors prononcés sur la peine incompressible de
trente ans.
Ce projet de loi, qui est la continuité, en quelque sorte, d'une préoccupation
née depuis quelques années et qui devient, compte tenu des statistiques - je
peux le dire - maintenant lancinante, contient quatre séries de
dispositions.
Bien sûr, l'innovation principale est l'institution d'un suivi
socio-judiciaire des personnes condamnées pour infraction sexuelle.
Quels sont les conditions et le contenu de ce suivi socio-judiciaire ?
Tout d'abord, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il s'agit d'une peine
complémentaire qui sera prononcée par la juridiction de jugement de façon
concomitante avec la peine principale. Sa durée pourrait aller jusqu'à cinq ans
en cas de délit et dix ans en cas de crime.
Dans le cadre du suivi socio-judiciaire, toute une série de mesures pourraient
être prononcées : interdiction d'exercer une activité professionnelle,
obligation de répondre aux convocations du juge de l'application des peines, de
s'abstenir de paraître dans certains lieux ou de fréquenter certaines
personnes, interdiction d'exercer une activité impliquant un contact habituel
avec des mineurs.
Selon une expression que j'ai déjà utilisée, le délinquant est placé, à la
sortie de prison, sous une sorte d'« ombrelle pénale » à l'abri de laquelle il
est soigné, surveillé, et grâce à laquelle la société sera protégée.
Parmi ces mesures, il convient d'insister tout particulièrement sur
l'injonction de soins qui est susceptible d'être prononcée après une
expertise.
L'inobservation par le condamné de ces obligations pourrait entraîner son
incarcération pour une durée maximale fixée
ab initio
par la juridiction
de jugement, qui aura donc trois types de condamnation à prononcer : la
condamnation pour la faute, la durée du suivi socio-judiciaire et une
condamnation éventuelle au cas où le délinquant ne se conformerait pas au suivi
socio-judiciaire qui lui serait appliqué.
Dans le projet de loi, cette condamnation pour non-accomplissement des
prescriptions socio-judiciaires ne saurait excéder deux ans en cas de délit et
cinq ans en cas de crime.
Toutefois, il faut se rappeler que la décision d'incarcération dans le cas
d'infraction au suivi socio-judiciaire sera prise par le juge de l'application
des peines, qui disposera d'un pouvoir d'appréciation de l'opportunité de la
sanction et qui pourra notamment décider de ne mettre à exécution qu'une partie
de l'emprisonnement prévu, voire de ne pas prononcer la mise à exécution et de
donner un avertissement pour que ce suivi recommence.
La personne ne pourra être astreinte à une injonction de soins qu'après avoir
donné son consentement. Toutefois, en cas de refus, le juge de l'application
des peines pourra mettre à exécution l'emprisonnement prévu pour manquement au
suivi socio-judiciaire.
Quel va être le champ d'application de ce suivi socio-judiciaire ?
Il s'agit d'une peine complémentaire ; ce dispositif est en effet inscrit dans
le chapitre du code relatif aux peines complémentaires et il ne peut être
prononcé que dans les cas prévus par la loi.
Le projet de loi vise ainsi le meurtre ou l'assassinat accompagné de viol, les
agressions sexuelles, les atteintes sexuelles, ainsi que la corruption de
mineurs, la diffusion d'images pédophiles et la diffusion d'un message
pornographique susceptible d'être perçu par un mineur.
Comment ce suivi socio-judiciaire va-t-il être exécuté ?
Pour des raisons essentiellement éthiques, le projet de loi ne prévoit pas que
le suivi, tout particulièrement l'éventuelle obligation de soins, débute en
prison. En revanche, chacun s'accorde à reconnaître que tout doit être fait
pour inciter autant que possible le condamné à suivre un traitement médical en
prison.
En cas d'obligation de soins, un médecin coordonnateur sera désigné pour faire
le lien entre le médecin traitant et la justice.
Le texte prévoit aussi un renforcement de la répression des atteintes
sexuelles sur les mineurs.
Il s'agit d'abord de l'allongement du délai de prescription pour infraction
sexuelle. Ce délai commencerait à courir à la majorité de la victime, quel que
soit l'auteur - alors qu'actuellement ce point de départ spécifique ne concerne
que les infractions commises par les proches du mineur - et il serait porté de
trois à dix ans pour les délits sexuels.
Il s'agit ensuite de la répression du tourisme sexuel. La loi française est
ainsi rendue applicable à toute atteinte sexuelle commise contre un mineur à
l'étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement en
France et il n'est pas que ce délit soit également réprimé par le pays où les
faits sont commis. Cette dernière exigence avait pratiquement réduit à néant la
poursuite contre ce que l'on appelle le « tourisme sexuel ».
Il s'agit encore de l'interdiction de mettre à la disposition des mineurs des
cassettes vidéo à caractère pornographique et de la création de nouvelles
circonstances aggravantes, telles que le recours à un réseau de
télécommunication pour commettre une infraction ou le fait qu'un délit soit
commis à l'intérieur ou à proximité d'un établissement scolaire.
Le texte prévoit par ailleurs la création d'un fichier national des
délinquants sexuels, destiné à centraliser les traces et les empreintes
génétiques.
Le projet de loi prévoit également des modifications des procédures
applicables aux infractions contre les mineurs ainsi que la possibilité - c'est
très important - de désigner un administrateur
ad hoc
lorsque la
protection des intérêts du mineur victime n'est pas assurée par ses
représentants légaux, ce qui est, hélas ! parfois le cas lorsque les
représentants légaux normaux sont mêlés à l'infraction elle-même.
La possibilité d'enregistrer l'audition du mineur victime d'une infraction
sexuelle est prévue. Cette nouveauté permettra d'éviter la multiplication des
dépositions traumatisantes pour l'enfant.
Un recours accru à l'expertise médicale tant du délinquant que de la victime
en cas d'infraction sexuelle figure également dans le projet de loi.
Par ailleurs, les soins dispensés aux mineurs de quinze ans victimes
d'atteintes sexuelles seront pris en charge par l'assurance maladie.
Le texte prévoit également la création d'un délit spécial de bizutage.
L'article 10 du projet de loi punit en effet de six mois d'emprisonnement et de
50 000 francs d'amende le fait, hors les cas de violences, de menaces ou
d'atteintes sexuelles, « de faire subir à une autre personne... des actes ou
des comportements contraires à la dignité de la personne humaine, lors de
manifestations ou de réunions liées au milieu scolaire, éducatif, sportif ou
associatif ». Telle est la rédaction proposée par l'Assemblée nationale.
Que vous propose la commission ?
La commission a tout d'abord accepté le texte dans son ensemble. Elle se
bornera à vous demander de renforcer l'efficacité du suivi socio-judiciaire. A
cette fin, elle propose de doubler la durée maximale du suivi socio-judiciaire,
en la portant à dix ans en cas de délit et à vingt ans en cas de crime.
Je m'empresse de le dire, cette proposition qui a été acceptée par la
commission des lois vise à conférer une plus grande liberté au juge qui,
souvent, prononce une peine très longue dans une optique de protection de la
société.
Dans la mesure où il aura maintenant à sa disposition la peine complémentaire
de suivi socio-judiciaire, le juge aura la faculté de diminuer la durée de la
peine d'emprisonnement si cela se justifie dans le cas qui lui est soumis et,
en contrepartie, d'augmenter la peine de suivi socio-judiciaire de manière que,
dans un cadre concret, le délinquant puisse être protégé sous ce que j'ai
appelé « l'ombrelle pénale ».
La commission propose par ailleurs de porter de deux ans à cinq ans la durée
de l'emprisonnement prévue en cas d'inobservation d'un suivi socio-judiciaire
prononcé pour délit. Nous avons envisagé, comme Mme le garde des sceaux a bien
voulu le signaler tout à l'heure, que le juge de l'application des peines
puisse prononcer cette peine de manière successive, en plusieurs fois, jusqu'à
atteindre le total de la peine. C'est donc pendant la durée du suivi
socio-judiciaire que le juge de l'application des peines aura à sa disposition
une durée non pas de deux ans, que nous avons estimée trop courte, mais de cinq
ans.
La commission a par ailleurs émis le voeu que soit remis à exécution
l'emprisonnement prévu en cas de nouveau manquement aux obligations du suivi
socio-judiciaire jusqu'à concurrence du total de la peine.
En outre - c'est une nouveauté - la commission des lois souhaite inciter au
maximum le condamné à se soigner en prison. Lors des auditions, nous avons été
frappés par le fait que l'ensemble des personnes que nous avons entendues
souhaitaient que le traitement puisse commencer pendant le séjour en prison. Si
le condamné refuse de suivre un traitement, il ne pourra bénéficier des
réductions de peine supplémentaires sans l'avis conforme de la commission
d'application des peines.
La commission souhaite également assurer une meilleure répression des
infractions sexuelles et des atteintes aux mineurs.
En cas de récidive, le délinquant sexuel ne pourra bénéficier de réductions de
peine supplémentaires qu'avec l'avis conforme de la commission de l'application
des peines.
Afin de prévenir la diffusion de messages pornographiques ou pédophiles sur le
réseau Internet, la commission propose d'habiliter des représentants du CSA à
constater ces infractions et à dresser un procès-verbal dont une copie sera
adressée aux offreurs de sites. Ceux-ci seront alors informés de l'activité
illicite de leurs cocontractants et devront mettre fin au contrat, sous peine
de tomber eux-mêmes sous le coup de la complicité.
Le dernier volet des modifications que vous soumet la commission des lois
concerne l'amélioration de la protection du mineur victime.
Il s'agit, d'abord, de la possibilité de désigner un administrateur
ad
hoc
dès l'enquête et non après la nomination d'un juge.
Il s'agit ensuite de l'assistance du mineur victime d'une infraction sexuelle
par un avocat dès le début de l'enquête, et ce conformément à la demande faite
par les juges du tribunal pour enfants que nous avons entendus. Si les parents
ne sont pas en mesure de nommer l'avocat, il sera désigné par l'administrateur
ad hoc
.
Il s'agit encore de l'interdiction d'utiliser l'enregistrement audiovisuel
devant la juridiction de jugement afin de respecter le caractère oral des
débats, qui est traditionnel dans notre droit.
Il s'agit aussi de la destruction automatique de cet enregistrement cinq ans
après l'extinction de l'action publique, car il ne faudrait pas que l'on puisse
se servir de ces enregistrements. En outre, il sera interdit de publier cet
enregistrement, sous peine d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs
d'amende.
Enfin, la commission, une fois encore à l'unanimité - une minorité ne s'étant
fait entendre que sur le problème de la responsabilité des personnes morales -
a proposé de supprimer le nouveau délit de bizutage.
Elle condamne avec fermeté toutes les dérives du bizutage. Elle estime
cependant que le nouveau code pénal permet d'atteindre pratiquement chaque cas
particulier, chacune de ces dérives et de ces transformations, en véritable
délit alorsde alors que certains les qualifient de traditions.
Je viens d'avoir la confirmation - mais je m'y attendais - que nous
discuterons à nouveau de ce sujet lors de l'examen des articles.
La commission des lois n'a pas non plus accepté la réécriture du délit pour
harcèlement sexuel, qui avait été défini dans le nouveau code pénal, au Sénat
d'ailleurs. Le Gouvernement veut préciser cette rédaction, en ajoutant un
membre de phrase, pour la rendre conforme à celle qui figure dans le code du
travail. Cela ne nous paraît pas nécessaire. Il peut en effet y avoir, d'une
part, une définition pénale et, d'autre part, des dispositions dans le code du
travail.
En conclusion, je dirai que le souhait de la commission et - je vous demande
de m'excuser de me mettre en avant - du rapporteur, est que le consensus qui
avait présidé au vote du code pénal - de ce code tellement primordial pour une
nation - se retrouve sur ce nouveau texte, si important, si moderne, si porteur
d'espoir. Il serait nécessaire de trouver un terrain d'entente pour la mise en
oeuvre de ce texte dans les années futures.
Par ailleurs, nous nous sommes bien entendu préoccupés de la question des
moyens. Nous avons été rassurés par vos déclarations, madame le garde des
sceaux, tant en commission qu'à l'instant, en séance publique.
Mais nous ne pouvons ignorer que ces dispositions vont entraîner - hélas ! -
en raison du nombre des délinquants de cette nature particulière, une
augmentation considérable des besoins en personnels. M. le rapporteur pour avis
de la commission des affaires sociales confirmera certainement que de nouveaux
experts, des psychiatres et des médecins en nombre important ainsi quede
nouveaux juges de l'application des peines seront nécessaires. Néanmoins, ce
texte peut, compte tenu de son importance, être soumis à vos votes, avec
l'espérance que des moyens importants seront consacrés à sa mise en oeuvre.
Je l'affirme, mes chers collègues, ce projet de loi vaut vraiment la peine
d'être adopté.
(Applaudissements.)
(M. Michel Dreyfus-Schmidt remplace M. René Monory au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE
DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Bimbenet,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois,
monsieur le rapporteur de la commission des lois, mes chers collègues, le
projet de loi que nous examinons aujourd'hui a pour objet de répondre à
l'angoissant problème que pose à notre société la récidive de personnes
appréhendées par la justice pour avoir commis des violences de nature sexuelle
et dirigées en particulier contre les enfants.
L'évolution des techniques médicales depuis le début des années soixante-dix
permet d'espérer le succès d'une politique de prévention fondée sur des
dispositifs de suivi appropriés se caractérisant, notamment, par l'application
simultanée de soins psychiatriques et médicamenteux.
L'enjeu que représente la protection contre les actes les plus odieux qui
frappent les enfants rendait impératif le dépôt d'un texte par le nouveau
Gouvernement. C'est pourquoi la commission des affaires sociales s'est
félicitée, madame la ministre, que vous ayez déposé, le 3 septembre dernier, un
projet de loi qui reprend, pour une très large part, le contenu du texte déposé
au cours de la précédente session par votre prédécesseur, M. Jacques Toubon.
Qualifiée de perversion dans le langage courant, la pédophilie, c'est-à-dire
l'attirance sexuelle envers les enfants prépubères, âgés de 13 ans ou moins est
considérée par l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, comme une maladie
consistant en un « trouble de la préférence sexuelle ».
Il n'existe pas de tableau clinique définitif de la personnalité des
pédophiles. Selon certains psychiatres, il faudrait distinguer trois cas : les
sujets très « carencés » sur le plan affectif, dont le psychisme est peu
organisé et parfois assorti d'une débilité intellectuelle ; les sujets
fragiles, dont le sentiment d'identité est mal assumé et qui peuvent, dans des
situations « limites », recourir à des actes de violence, voire passer au
meurtre ; enfin, les sujets stables, intelligents et organisés, souvent de
mauvaise foi, qui sont à l'origine de nombreux actes déviants, mais qui
commettent rarement des meurtres.
En tout état de cause, la pédophilie n'est pas réprimée pour elle-même ; elle
l'est pour les actes criminels ou délictueux auxquels elle peut conduire et que
le rapporteur de la commission des lois a évoqués.
Face aux statistiques, qui font apparaître globalement entre 18 000 et 20 000
infractions sexuelles constatées par la police chaque année, la commission des
affaires sociales a tenu à présenter trois observations.
En premier lieu, il semble clair que les statistiques diffusées par le
ministère de l'intérieur et le ministère de la justice ne rendent compte que
des faits mis au jour par les institutions publiques. Elles ne permettent pas
d'appréhender entièrement la réalité sociale d'un phénomène inquiétant.
En second lieu, nous avons été frappés par l'augmentation constante du nombre
d'infractions sexuelles constatées ou réprimées au cours des dix dernières
années.
La commission des affaires sociales tient à souligner qu'il peut y avoir deux
explications à cela.
Cette augmentation peut être due à la multiplication des actes répréhensibles.
Dans ce cas, il faudrait s'interroger, d'une part, sur les risques que ferait
courir le développement d'images, de produits ou de réseaux de communication à
caractère pornographique, d'autre part, sur certains messages véhiculés
complaisamment par divers médias.
Il faut également se demander si les résultats statistiques ne montrent pas
une plus grande vigilance des institutions judiciaires et policières à l'égard
des problèmes de délinquance sexuelle, et, surtout, un changement positif
d'attitude morale qui tient au fait que les victimes portent plainte plus
fréquemment qu'auparavant.
Enfin, en troisième lieu, la commission des affaires sociales a noté que si,
envisagée globalement, la délinquance sexuelle ne présentait pas de taux de
récidive plus élevé que pour d'autres formes de délinquance, certaines
catégories de délits sexuels, en revanche, font apparaître un risque de
récidive qui est particulièrement élevé. Tel est le cas, en particulier, des
attentats à la pudeur, qui sont fréquemment le fait de personnalités
pédophiles.
De plus, la probabilité de récidive croît avec le nombre d'actes déjà commis.
De 10 % pour les primodélinquants, le taux de récidive va doubler pour un
primorécidiviste et peut atteindre un taux de 40 à 50 % pour un délinquant
sexuel déjà condamné à deux reprises. Le risque élevé de récidive justifie
d'autant plus la mise en place d'un véritable suivi des délinquants sexuels et,
en particulier, des pédophiles.
Il existe deux grands types de traitement : les thérapies psychologiques,
d'une part, les prescriptions médicamenteuses, d'autre part.
S'agissant des psychothérapies, la commission des affaires sociales a relevé
qu'il n'existait à ce jour aucune statistique établissant de manière
incontestable que le taux de récidive des sujets subissant ce type de thérapie
diminue significativement.
Il ne faut pas pour autant en tirer des conclusions pessimistes, car cela
tient au caractère récent du développement de ces traitements, à l'absence de
recul sur l'ensemble de la vie d'un condamné et au caractère trop restreint des
échantillons.
De plus, on peut attendre beaucoup de l'alliance entre des soins
psychothérapiques et des soins médicamenteux qui prennent, dans ce cas, la
forme de traitements antihormonaux ou antiandrogènes. Ceux-ci ont pour effet de
limiter ou de supprimer les fantasmes sexuels déviants non désirés, et donc de
réduire ou d'éliminer la tentation du passage à l'acte.
Les premiers essais de ces traitements remontent aux années soixante-dix et,
avec le recul, il est visible que, si des effets secondaires indésirables
peuvent apparaître, ils ne présentent qu'un faible degré de gravité et
disparaissent avec l'interruption du traitement.
Si les traitements antihormonaux ou antiandrogènes agissent rapidement et
peuvent permettre à certains individus déviants de retrouver une vie normale,
la commission des affaires sociales tient néanmoins à souligner qu'il serait
illusoire de croire en une « magie du médicament ».
La première limite des prescriptions médicamenteuses tient au fait qu'il ne
s'agit pas d'un traitement à finalité curative ; il s'agit seulement d'un
traitement à finalité symptomatique. Avec l'interruption du traitement, le
risque est élevé de voir réapparaître les conduites sexuelles incriminées ; en
d'autres termes, ces produits inhibent la libido, mais ils ne modifient pas en
profondeur les préférences sexuelles du sujet, sauf traitement psychiatrique
réussi.
Par ailleurs, les traitements antihormonaux ou antiandrogéniques ont une
efficacité limitée dans un certain nombre d'hypothèses, en particulier chez les
pédophiles psychopathes, qui présentent une personnalité profondément
antisociale, refusent toute forme d'aide ou de traitement, nient les faits et
ne se reconnaissent aucun sentiment de culpabilité. Il ne faut pas oublier que
des récidives criminelles ont été constatées chez des individus qui avaient
fait l'objet d'une castration chirurgicale en Allemagne et aux Etats-Unis.
Les résultats sont également décevants pour les pédophiles qui se droguent ou
abusent de l'alcool, qui vivent repliés sur eux-mêmes, sans soutien amical ou
familial, ou encore qui ont fait d'un seul enfant l'objet prévilégié de leurs
pulsions déviantes.
En conclusion, s'agissant de ces traitements, la commission des affaires
sociales a souligné deux points.
D'une part, et nombreux sont les psychiatres qui le soulignent, l'efficacité
d'un traitement est subordonnée à l'adhésion du sujet. Un pédophile qui nie
avoir agressé des enfants et qui persiste à se présenter comme une victime ne
pourra pas faire l'objet d'une thérapie efficace. Cela n'exclut pas, bien sûr,
qu'une incitation ferme à recourir à un traitement soit proposée à un prévenu
afin de l'aider à s'engager dans un processus de prise de conscience.
D'autre part, il nous est apparu que les différentes formes de traitement
psychothérapeutique ou médicamenteux n'étaient pas exclusives l'une de l'autre,
mais qu'elles pouvaient être utilisées de manière conjointe. Elles gagnent sans
doute, alors, en efficacité.
Ce projet de loi institue, dans le code pénal, une nouvelle peine visant les
criminels et délinquants sexuels, appelée peine de suivi socio-judiciaire.
Celle-ci consiste dans l'obligation, pour le condamné, de se soumettre, sous
le contrôle du juge, à des mesures de surveillance et d'assistance destinées à
prévenir la récidive.
Je ne reviendrai pas sur le dispositif de la peine de suivi socio-judiciaire,
qui est très bien exposé dans votre rapport, monsieur Jolibois.
Nous l'avons noté pour notre part il est prévu, pour respecter les
préoccupations éthiques, que l'injonction ne pourra être ordonnée qu'après une
expertise médicale établissant que le délinquant sexuel peut faire l'objet d'un
traitement. Cette disposition permet notamment de prendre en compte l'hypothèse
d'une contre-indication médicale.
Il est prévu également que le traitement ne pourra être imposé sans le
consentement préalable du condamné, mais qu'en cas de refus de se soigner le
délinquant sexuel se verra infliger une peine de prison supplémentaire qui est
significative. L'incitation à se soigner qui pèse sur le condamné est donc très
forte, ce qui conduit à relativiser le débat sur la notion d'obligation de
soins prévue par le texte de M. Jacques Toubon.
S'agissant des articles qui entrent dans le champ de sa saisine, la commission
des affaires sociales a tout d'abord porté un jugement favorable sur le
dispositif qui est consacré à l'aspect médical de la mise en oeuvre du suivi
socio-judiciaire et qui ne diffère pas sensiblement de celui qui était proposé
dans le projet de loi de M. Jacques Toubon.
La commission des affaires sociales s'est félicitée en particulier qu'un
équilibre ait pu être trouvé entre le système judiciaire et les principes de
base qui doivent s'instaurer entre le malade et son médecin. Cet équilibre est
rendu possible grâce à la séparation fonctionnnelle entre un médecin
coordonnateur et un médecin traitant.
Le médecin traitant, en relation directe et régulière avec le condamné,
prescrit le traitement, en définit la nature et la périodicité, et procède aux
éventuelles modifications rendues nécessaires par l'évolution de l'état du
sujet.
Le médecin coordonnateur a vocation à assurer les relations avec l'institution
judiciaire, servant ainsi d'« écran » entre le médecin traitant et le juge de
l'application des peines, afin de garantir l'autonomie des choix thérapeutiques
du praticien traitant.
La séparation entre un médecin coordonnateur et un médecin traitant présente
donc de grands avantages du point de vue du respect de la déontologie
médicale.
S'agissant du libre choix du thérapeute, le condamné pourra choisir son
médecin traitant, sous réserve de l'accord du médecin coordonnateur, afin
d'éviter toute forme d'abus.
Concernant le choix du traitement, le juge de l'application des peines
contrôle que le condamné respecte bien les obligations de consultation par le
médecin traitant, mais ne peut s'ingérer dans la thérapie décidée par
celui-ci.
Concernant le secret médical, il est en principe protégé, sauf si le condamné
ne respecte pas ses obligations ou si des difficultés d'exécution du traitement
apparaissent. Dans cette hypothèse, le médecin traitant pourra alerter le juge
de l'application des peines ou, s'il le souhaite, entrer seulement en relation
avec le médecin coordonnateur.
Le bureau du Conseil national de l'ordre des médecins, réuni le 29 septembre
1997, a approuvé l'esprit du projet de loi et a estimé qu'il emportait
globalement l'adhésion, sous réserve de la mise en oeuvre des moyens financiers
nécessaires.
A ce stade, la commission des affaires sociales a présenté deux observations
et quelques amendements.
Notre première observation est un souhait. Il importe, madame la ministre,
lors de la préparation des décrets d'application, que le médecin coordonnateur
ne soit pas considéré comme un contrôleur du médecin traitant et qu'il ne
puisse intervenir dans ses choix thérapeutiques. Le médecin coordonnateur a
vocation à prendre en charge les relations avec les autorités judiciaires et à
assurer auprès de celles-ci un rôle d'évaluation de l'évolution du condamné,
dans le respect de l'autonomie des choix du médecin traitant. Il joue un rôle
de référence et de soutien à l'égard du médecin traitant.
Notre deuxième observation est un voeu : le suivi socio-judiciaire repose sur
la qualité des expertises qui seront réalisées à la demande de la justice sur
le délinquant sexuel. Il importe que le niveau de rémunération de ces
expertises soit revalorisé pour garantir la bonne exécution du service public.
Il vous appartiendra, madame la ministre, de vous assurer que les mesures
financières seront prises pour conforter la réussite de votre dispositif.
Par ailleurs, la commission des affaires sociales proposera que les médecins
coordonnateurs soient désignés parmi des psychiatres ou des médecins ayant
suivi une formation appropriée, afin qu'ils puissent dialoguer dans de bonnes
conditions avec le médecin traitant.
Soucieuse du respect du secret médical, elle vous proposera par ailleurs un
ajustement afin que le médecin traitant soit seulement habilité à saisir le
juge de l'application des peines lorsque le traitement du condamné aura été
interrompu, et non dans l'hypothèse imprécise de difficultés survenues dans
l'exécution du traitement.
La commission des affaires sociales s'est également saisie de l'article 21,
qui concerne la prise en charge par la sécurité sociale des victimes
d'infractions sexuelles. Elle vous proposera, à cet article, que le bénéfice de
cette mesure protectrice soit étendu aux mineurs âgés de quinze à dix-huit ans.
Enfin, la commission des affaires sociales a examiné l'article 32
bis
,
qui a pour objet de modifier la procédure de sortie d'un hôpital psychiatrique
des malades hospitalisés d'office et déclarés pénalement irresponsables de
leurs actes.
Sans préjuger le débat que nous aurons lors de l'examen des articles, nous
nous sommes vivement inquiétés de cette disposition, qui aurait pour effet de
faire dépendre la décision de sortie du malade de la décision d'un magistrat
ayant voie prépondérante au sein d'une commission spécifique, alors même que la
justice aurait prononcé un non-lieu et se serait en quelque sorte dessaisie du
prévenu pour le confier au secteur psychiatrique.
Nous avons regretté que cette disposition soit introduite à l'occasion de la
discussion de ce texte, alors qu'elle ne concerne pas exclusivement, loin de
là, des délinquants sexuels et que nous ne disposons pas encore de tous les
éléments d'information sur le rapport d'évaluation, qui devrait prochainement
être publié, sur la loi du 27 juin 1990 relative aux hospitalisations
d'office.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales a souhaité la suppression
de cet article 32
bis
dans l'attente d'une réforme d'ensemble destinée à
remédier aux éventuels dysfonctionnements de l'hospitalisation d'office.
Sous réserve de ces observations et des amendements qu'elle a adoptés, la
commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur les dispositions
de ce projet de loi dont elle était saisie.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, les modalités
juridiques du texte aujourd'hui soumis à notre délibération ont été
parfaitement et complètement exposées par les rapporteurs.
Leurs observations, leurs remarques, ont fait l'objet, au sein de la
commission, d'une très large approbation.
Sur un sujet d'une telle gravité et d'une telle difficulté, la consultation
publique de personnalités éminentes et d'une compétence éprouvée a
considérablement aidé notre réflexion.
Je voudrais redire à tous ceux, psychiatres, magistrats, enseignants, qui ont
bien voulu s'associer à nos travaux, ainsi qu'à ce père de famille qui savait,
hélas, de quoi il parlait, la reconnaissance que nous leur devons.
Le but du législateur en ce domaine est, sans doute, de prévoir la répression
nécessaire de crimes ou de délits particulièrement odieux.
Mais, nous en sommes tous persuadés, il ne saurait se borner à cela. Il doit
aussi assurer une double protection en empêchant une récidive éventuelle : la
protection des victimes, mais aussi celle du coupable contre lui-même.
Madame le garde des sceaux, nous avons estimé que, pour l'essentiel, votre
texte était bon.
Vous avez repris, en ses grandes lignes, le projet établi par votre
prédécesseur et vous nous proposez une solution satisfaisante sur un point
particulièrement délicat. Le problème est clair à poser, mais il est difficile
à résoudre et peut-être allons-nous le faire en commun.
Que doit-il se passer lorsque le délinquant a accompli la peine encourue ? Le
suivi sociojudiciaire tel que notre rapporteur vous l'a exposé nous paraît
constituer une solution acceptable, du point de vue tant du droit que de
l'éthique médicale de la protection nécessaire de la victime et de la tentative
de réhabilitation du coupable.
Accessoirement, je vous dirai que je fais miennes la préoccupation et la
réserve que M. le rapporteur a exprimées sur deux points : la préoccupation -
vous y avez partiellement répondu - porte sur les moyens considérables,
relevant sans doute de votre budget et de celui du secrétaire d'Etat à la
santé, qui seront nécessaires à la mise en oeuvre de la loi si nous voulons
qu'elle entre en vigueur telle qu'elle doit l'être ; la réserve - mais ce n'est
pas un très grand sujet d'inquiétude, compte tenu de votre réaction - porte sur
une partie du dispositif qui nous est soumis.
Je vous dirai que nous n'avons pas souhaité occulter l'importance de ce dont
nous délibérons aujourd'hui par des dispositions secondaires et inutiles
concernant ce qu'il est convenu d'appeler le bizutage.
Le code pénal comporte toutes les dispositions nécessaires pour réprimer en
tant que de besoin ce que ces pratiques peuvent avoir parfois d'abusif et de
répréhensible.
Mais, d'une manière plus générale - je laisse à M. le rapporteur le soin de
préciser à nouveau au cours du débat les modifications, importantes parfois,
qui devraient être apportées -, je souhaite, en cet instant, m'interroger sur
ce qui a pu conduire notre société à ces pratiques que nous réprouvons.
Je vois au moins deux raisons qui, jusqu'à une date assez récente, ont soit
freiné, soit gêné les répressions nécessaires.
La première est le laxisme d'une certaine intelligentsia qui croyait bon de
protester contre les sanctions infligées à des pédophiles, justifiant de tels
actes par un droit de l'enfant à la sexualité.
Pourquoi se serait-il senti coupable, ce pédophile découvert au bout de vingt
ans de pratiques telles qu'elles auront conduit au suicide l'une des victimes,
s'il a pu lire, accompagnée de la signature de Jean-Paul Sartre, telle motion
approuvant en fait ce qui était devenu pour lui une sorte d'habitude honteuse
?
Au laxisme s'est ajouté le poids d'un certain silence : l'éducation nationale,
le milieu éducatif, le corps médical, les églises même, ont trop longtemps
préféré dissimuler des agissements coupables plutôt que de dénoncer à la
justice tel ou tel de leurs membres dont la déviance sexuelle était pourtant
connue.
Aujourd'hui, les mentalités ont évolué.
Sommes-nous pour autant en présence, comme certains de ceux qui ont participé
à nos travaux nous l'ont dit, d'un véritable fléau ? Je ne le crois pas et je
ne veux pas le croire. Fondamentalement, notre société est saine car elle
repose sur l'exigence du respect de la dignité humaine, qui s'applique, au
premier chef, aux enfants.
Nous devons nous garder de toute psychose, et je m'inquiète lorsque des
enseignants en viennent à dire qu'ils n'osent plus se trouver seuls avec un
enfant.
C'est pourquoi, dans le signalement des affaires, il appartient à tous ceux
qui en ont la charge de faire preuve de discernement et d'une grande prudence
car certaines dénonciations peuvent se révéler, en définitive, des
affabulations qui traduiraient des fantasmes.
Si de telles accusations aboutissent à des procès, soit en correctionnelle
soit en cour d'assises, il ne faudrait pas que certaines mesures destinées à
protéger l'enfant du trouble inévitable qui accompagne les interrogatoires
répétitifs diminuent les droits de la défense, qui, en ce domaine comme en tout
autre, doivent être strictement protégés.
Aujourd'hui, je me réjouis que nous nous retrouvions non pas tellement sur une
répression plus forte des abus sexuels, mais sur une prévention
considérablement améliorée de la récidive.
Cette répression et ses dispositions nouvelles s'inscrivent dans le droit-fil
du nouveau code pénal, que, pendant quatre ans - et c'est l'une de nos fiertés
-, nous avons élaboré ensemble par-delà les divergences de majorité entre
l'Assemblée nationale et le Sénat.
Je l'ai souvent dit, le code pénal n'est pas un simple recueil
d'incriminations et de sanctions que nous décidons en fonction de la gravité
des infractions.
Il est d'abord surtout un symbole et, comme le disait notre regretté ami
Marcel Rudloff dont nous sommes nombreux à avoir gardé le souvenir, c'est la «
véritable table de la loi, réceptacle des valeurs fondamentales de notre
société, de la morale collective ».
Parmi ces valeurs fondamentales, nous l'affirmons aujourd'hui et de façon
unanime, figure la protection des personnes les plus vulnérables et
particulièrement de nos enfants mineurs.
C'est d'ailleurs au nom de la protection de l'enfance et plus généralement de
la famille que j'ai publiquement pris parti contre la dépénalisation du
cannabis.
Si, demain, nous tolérions plus ou moins ouvertement l'usage de certaines
drogues, nous nous trouverions - et les enfants en seraient victimes - devant
la même difficulté que celle qu'ont rencontrée les Pays-Bas.
Les trafiquants, nous le savons tous, ignorent la distinction entre drogues «
douces » et drogues « dures » : pour eux, l'essentiel c'est de vendre.
Je ferai les mêmes remarques à propos du code des codes : le code civil, qui,
lui aussi, renferme les règles essentielles de notre vie commune, comme, par
exemple, l'institution du mariage.
Va-t-on demain remettre en cause la cohérence de notre système de valeurs par
la création de toutes pièces d'un contrat d'union civile et sociale qui serait,
en quelque sorte, un sous-mariage ?
Loin de moi la tentation de confondre droit et morale. Mon souci est, tout au
contraire, d'éviter la confusion des genres.
Chacun, sous réserve de ne pas nuire à autrui, peut vivre comme il l'entend,
mais qu'on ne demande pas au législateur de légitimer, de légaliser, le
concubinage hétérosexuel, homosexuel, et - pourquoi pas ? - l'union entre
frères et soeurs.
Peut-on en effet légiférer sur ce qui est hors norme ?
Face aux drames qui frappent nos enfants, qu'ils soient victimes ou
délinquants, il est parfois de bon ton de déclarer que, si de tels drames se
produisent, c'est, en définitive, parce que notre société, les individus
eux-mêmes, ont perdu leurs repères ou leurs références.
Tâchons au moins que le législateur donne lui-même l'exemple et marque, par
une attitude cohérente, son attachement profond aux valeurs fondamentales de
notre société.
Je pense - et je m'en réjouis - que c'est ce que nous faisons aujourd'hui.
(Applaudissements.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 58 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 42 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 35 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, messieurs les rapporteurs,
mes chers collègues, dans notre société, la protection des enfants demeure une
absolue priorité. La révélation répétée d'épouvantables crimes sexuels et la
découverte de réseaux de pédophilie suscitent la révolte. Il n'est pas une mère
ou un père qui, dans sa douleur, n'ait éprouvé l'envie de venger ses enfants en
s'en prenant au meurtrier.
Notre société ressent le besoin, fort compréhensible, d'agir par tous les
moyens pour que de tels drames ne se reproduisent pas. On ne peut que se
réjouir de l'intention du législateur d'agir sur ce sujet dramatique.
Prenons pourtant garde : s'il faut, avant tout, protéger nos enfants, il
convient également d'éviter de trop dériver sur la fausse piste d'un soin
médical efficace à 100 % et qui serait, aux yeux de nos concitoyens, la
panacée.
C'est pourquoi, madame la ministre, votre projet de loi, qui s'inspire de
celui qu'avait préparé votre prédécesseur, procède d'une volonté louable de
prévenir et réprimer les infractions sexuelles, viols ou actes de pédophilie
tout en protégeant les mineurs victimes.
Il reprend largement, et je m'en félicite, l'architecture générale du projet
qui avait été adopté en Conseil des ministres le 29 janvier 1997, sous le
précédent gouvernement.
Mais, avant tout commentaire, quelques chiffres s'imposent ; ils sont
éloquents.
En 1995, en France, 5 500 cas d'abus sexuel sur enfants ont été recensés. En
dix ans, le nombre annuel de délits et crimes sexuels a augmenté de 25 %,
essentiellement à cause des agresseurs d'enfants. Près de 5 000 personnes sont
actuellement incarcérées dans notre pays pour des infractions aux moeurs, soit
13 % de la population carcérale, dont près de 3 000 pour viol !
Par ailleurs, le nombre de récidives ne cesse de croître. On sait en effet
que, dans les quatre années qui suivent leur libération, 4 % des délinquants
sexuels vont immanquablement récidiver, soit une trentaine au minimum, ce qui
est beaucoup trop important.
Est-il acceptable de penser que les futures victimes, elles, seraient
condamnées à mort par avance ?
Votre texte, madame la ministre, bien que novateur à de nombreux égards, est à
mon sens assez peu répressif vis-à-vis des violeurs et assassins d'enfants, car
une thérapie, même bien choisie et bien suivie, ne peut suffire à réduire de
façon sensible la délinquance sexuelle.
Avant d'exprimer, de manière constructive, un certain nombre de critiques, je
tiens à vous faire savoir que nombre de dispositions de ce projet de loi vont
dans le bon sens.
Je citerai d'abord celle qui permet, au moment du jugement, le prononcé d'une
peine complémentaire de « suivi socio-judiciaire » afin de surveiller les
auteurs d'infractions sexuelles à leur sortie de prison. Mais il conviendrait,
en la matière, d'aller un peu plus loin.
De même, la disposition qui assujettit le condamné à diverses mesures visant à
prévenir toute récidive de sa part, notamment, si cela se révèle utile, à une «
obligation de suivre un traitement médical », va dans la bonne direction.
Le fait que l'inobservation du « suivi socio-judiciaire » puisse, sur décision
du juge de l'application des peines, donner lieu à un emprisonnement dont la
durée maximale est fixée, lors de la condamnation par le tribunal ou la cour
d'assistes, à deux ans en cas de délit et à cinq ans en cas de crime est
également essentiel à nos yeux.
La répression des infractions sexuelles passe, d'abord, comme vous le
soulignez, par un allongement de la prescription. Celle-ci courra dorénavant à
compter de la majorité de la victime, quel que soit l'auteur de l'infraction,
et non plus, comme à l'heure actuelle, à compter de la date de l'infraction,
sauf si l'auteur a autorité sur la victime.
Elle passe, ensuite, par la lutte efficace, donc dotée de moyens budgétaires
importants, contre le « tourisme sexuel » : est ouverte la possibilité de
poursuivre tout délit sexuel commis à l'étranger par un Français, sans qu'il
soit exigé que ce délit soit aussi puni par la législation du pays où les faits
sont commis.
Elle passe, enfin - et c'est là une excellente disposition -, par la création
d'un fichier national des empreintes génétiques des auteurs d'infractions
sexuelles, destiné à centraliser les prélèvements de traces génétiques ainsi
que les traces et empreintes génétiques des personnes condamnées pour crime ou
délit sexuel. La création d'un tel fichier est en effet indispensable.
J'apporte tout mon soutien à la disposition de procédure pénale - c'est la
plus intéressante, voire la plus importante - visant à permettre
l'enregistrement de l'audition du mineur victime d'une infraction sexuelle afin
d'éviter la multiplication de ses dépositions.
Je crois également utile de faire maintenant apparaître certaines limites de
votre projet.
A ce titre, je souhaite que les efforts de réflexion et de proposition
entrepris par la commission et rapportés par notre excellent collègue M.
Jolibois soient soutenus et votés par une forte majorité des membres de notre
assemblée.
Il m'apparaît nécessaire, en effet, d'une part, de renforcer l'efficacité du «
suivi socio-judiciaire » en portant à dix ans, au lieu de cinq, en cas de
délit, et à vingt ans, au lieu de dix, en cas de crime, la durée maximale de
cette mesure, d'autre part, de fixer à cinq ans l'emprisonnement susceptible
d'être prononcé pour sanctionner son inobservation, qu'il s'agisse d'un crime
ou d'un délit.
La commission est également tout à fait fondée à souhaiter que, autant se
faire que peut, un délinquant soit incité à suivre un traitement médical en
prison. Tout condamné qui refuserait de se soigner ne pourrait plus, dès lors,
bénéficier de réductions de peine supplémentaires sans l'avis de la commission
d'application des peines.
Il est tout aussi indispensable de rendre plus strictes les conditions
d'octroi des réductions de peine supplémentaires aux récidivistes en les
subordonnant à l'avis conforme de cette même commission d'application des
peines.
Il convient également d'assurer en continu, à chaque étape de la procédure, la
présence d'un avocat auprès de l'enfant victime d'une infraction sexuelle.
De même, il est nécessaire d'assurer efficacement la confidentialité des
enregistrements audiovisuels, notamment par l'interdiction de leur diffusion et
en prévoyant leur destruction cinq années après le procès.
Il me semble aller de soi que les soins dispensés à tous les mineurs victimes
de sévices sexuels doivent être remboursés.
Il convient aussi de prévoir l'information des offreurs de sites Internet - et
c'est le sens de plusieurs amendements cosignés par mes collègues non inscrits
et membres du rassemblement parlementaire des sénateurs pour la famille et
l'enfance - de la diffusion par leur prestataire de service « hébergeur »
d'images à caractère pédophile ou pornographique.
En l'occurrence, j'irai plus loin que la commission en proposant, dans un
article additionnel après l'article 15, non pas seulement que des agents du CSA
soient habilités et qu'une copie de leurs procès-verbaux soient adressée à
l'offreur de site, mais que les prestataires de services, lorsqu'ils «
transmettent une image ou une représentation de nature pomographique d'un
mineur ou tendent à inciter des personnes à commettre les délits de
proxénétisme ou de corruption de mineurs soient punis de 500 000 francs
d'amende ».
Par ailleurs, n'est-il pas anormal qu'existe actuellement dans notre droit une
disparité de traitement de l'agresseur selon que la victime est âgée de plus ou
de moins de quinze ans ? C'est ce qui m'a amené à déposer un amendement avant
l'article 7.
J'affirme ici en toute conscience qu'aucune clémence n'est acceptable pour les
crimes d'enfants quels qu'ils soient. C'est pourquoi je demande que soit
qualifiées de viols les agressions sexuelles sur des mineurs de quinze ans et
qu'elles soient, par conséquent, considérées comme des crimes, avec le régime
des peines applicables en pareil cas : vingt ans de réclusion criminelle,
trente ans en cas de mort de la victime et perpétuité lorsque la mort est
précédée, accompagnée ou suivie de tortures ou d'actes de barbarie.
Enfin, madame le garde des sceaux, je serai réservé au sujet de votre projet
de création d'un délit spécial de « bizutage », étendu non seulement aux
réunions et manifestations en milieu scolaire ou éducatif, mais également aux
manifestations et réunions liées aux milieux sportif ou associatif. En effet,
comme l'a indiqué M. le rapporteur, le droit actuel permet déjà parfaitement de
réprimer ces actes répréhensibles.
Pour conclure, madame le garde des sceaux, je souhaiterais porter à votre
connaissance un cas d'inceste qui me paraît mériter votre attention.
Il n'est malheureusement pas rare de constater que les déboires administratifs
succèdent trop souvent aux douleurs profondes de la tragédie familiale qu'est
l'inceste. C'est le cas, exemplaire en tous points, d'une mère de famille qui a
dénoncé son mari pour le viol de sa fille mineure. Ce dernier a été condamné à
dix années de réclusion criminelle. Pendant son incarcération, son épouse - qui
n'a pas divorcé - continuait de percevoir le salaire de son mari jusqu'à la
date de son départ à la retraite.
Or elle apprend que, en vertu de l'article 58 du décret n° 65-77 du 9
septembre 1965 relatif au régime de retraite des agents des collectivités
locales, non seulement son traitement sera diminué de moitié en raison de la
condamnation pénale de son mari, mais elle est également obligée de rembourser
le trop-perçu au titre des échéances versées à tort à son époux depuis son
incarcération.
Voilà une situation qui démontre que le courage de cette femme la pénalise
triplement ! Cette famille paye, en effet, le prix de la souffrance
psychologique, morale et matérielle.
Je souhaiterais donc savoir si vous entendez prendre des mesures pour
supprimer les dispositions de cet article en cas d'infraction sexuelle ou
d'inceste.
En conclusion et malgré les quelques réserves que je viens d'évoquer, les
sénateurs non inscrits voteront ce texte dans leur grande majorité, car il
s'agit pour le législateur d'éviter la récidive criminelle chez les délinquants
sexuels et les « violeurs d'anges », à défaut de pouvoir jamais la proscrire
totalement.
Rappelons-nous en cet instant que, en mars 1997, quatre jeunes filles
d'Outreau, près de Boulogne-sur-Mer, Amélie, Peggy, Audrey et Isabelle furent
violées, puis étranglées sur la plage Sainte-Cécile par deux frères tous deux
récidivistes.
Sans être pessimiste par nature, madame le garde des sceaux, force m'est de
constater qu'aucune réforme de la justice, aussi séduisante soit-elle, ne
rendra la vie à ces quatre adolescentes innocentes.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Madame le garde des sceaux, reprenant à juste titre l'initiative du précédent
gouvernement, vous nous proposez aujourd'hui de renforcer les sanctions
relatives aux infractions sexuelles commises sur les mineurs et de prévenir la
récidive des délinquants sexuels.
Les nombreux débats qui ont agité nos deux assemblées autour de la question du
traitement à réserver aux délinquants sexuels ne sauraient pas nous faire
oublier que c'est d'abord et avant tout l'enfant qui doit se trouver au coeur
de nos préoccupations.
Notre mission première consiste à libérer la parole, celle des adultes, bien
sûr, au sein des familles ou des institutions, mais aussi celle des enfants.
Trop longtemps, la parole des enfants a été mise en doute : l'infans était
celui qui ne parlait pas ou dont la parole ne comptait pas.
Aujourd'hui, s'il faut reprendre l'initiative, c'est d'abord pour envoyer un
signal très fort à destination des enfants qui souffrent ou ont souffert de
sévices sexuels et que la peur ou la honte paralyse.
A ces enfants, nous devons dire solennellement que la justice n'aura plus
aucune indulgence pour ceux qui commettent le meurtre de leur enfance.
Notre deuxième mission est de protéger l'enfant lorsqu'il a eu le courage de
témoigner contre son agresseur.
Nous le savons, dans près de 80 % des cas, le mineur victime d'abus sexuels
connaît son agresseur : ce dernier fait partie de ses proches, de ses voisins,
quand il n'est pas membre de sa propre famille. Quand un enfant prend le risque
de révéler les violences sexuelles qu'il a subies, malgré l'onde de choc
familiale que sa révélation va provoquer, il est de notre devoir de lui assurer
un soutien psychologique durant son parcours, souvent long et pénible, au sein
de l'institution judiciaire.
C'est pourquoi je ne peux que souscrire à toutes les mesures d'accompagnement
qui pourront être prises à l'égard de l'enfant reconnu victime.
Je regrette néanmoins qu'aucune mesure ne soit prévue pour encourager, par une
prise en charge adaptée, les thérapies familiales qui sont pourtant
indispensables à l'équilibre retrouvé de la famille et, par conséquent, de
l'enfant. A l'immense sentiment de culpabilité qui affecte les enfants victimes
d'abus sexuels, il ne faut pas ajouter celui de l'explosion familiale.
Il importe également que l'enfant n'ait pas le sentiment d'avoir été trompé
deux fois : une première fois par son agresseur, une seconde fois par la
société dans sa façon de rendre la justice.
C'est pourquoi il me paraît nécessaire que les cassettes vidéo des auditions
de l'enfant soient non seulement protégées par des scellés durant l'instruction
mais encore définitivement détruites à l'issue du procès. Comment des enfants
qui ont parfois servi à tourner des films pornographiques pour des pédophiles
pourraient-ils comprendre que des images recueillant leurs confidences soient
encore en circulation et exposées à des adultes ? Par respect pour l'intimité
de l'enfant et du futur adulte, il convient de détruire ces enregistrements une
fois le procès terminé.
Notre troisième mission, lorsque des enfants ont parlé, est de prendre les
précautions nécessaires pour les préserver de la récidive.
Toutes les statistiques le montrent, les risques de réitération de l'acte sont
deux fois plus grands chez les pédophiles que chez les autres délinquants
sexuels. Cela signifie que le passage à l'acte, loin de calmer les pulsions du
pédophile, constitue une sorte d'excitant. Un peu comme un toxicomane, le
pédophile condamné n'aura de cesse de combler la sensation de manque qu'aura
provoquée l'abstinence imposée en prison. Dans 25 % des cas, s'il n'est pas
soigné, le pédophile réitérera son acte après sa sortie de prison, confirmant
le terrible adage souvent avancé par les Canadiens : « pédophile un jour,
pédophile toujours ».
Même si je les comprends en tant que médecin, je m'inquiète des nombreuses
précautions oratoires que vous avez prises, madame le ministre, pour aborder la
délicate question de l'obligation des soins : « injonction de soins », « forte
incitation », « libre consentement du malade » ; tous ces termes ne font que
masquer l'extrême difficulté que rencontrent la médecine et la justice pour
faire accepter au délinquant sexuel des soins dont il ne veut pas.
Rappelons que, sur l'ensemble des pervers sexuels condamnés, seuls 10 % sont
en réalité accessibles aux soins. Que ferez-vous, madame le garde des sceaux,
que ferons-nous des délinquants sexuels les plus dangereux, ceux qui refusent
tous les traitements proposés, qui rejettent toutes les injonctions ou autres
incitations ?
Je crains, hélas ! comme vous, madame le ministre, que votre texte ne règle en
rien cette grave question.
En matière de prévention de la récidive, beaucoup reste à faire. Nos efforts
doivent porter en priorité sur l'institution scolaire et les structures
parascolaires, sans pour autant céder à la psychose qui consisterait à voir
dans chaque enseignant, chaque éducateur, chaque animateur, un pédophile, même
si malheureusement, il convient de rappeler que de nombreux pédophiles exercent
des professions liées à l'enfance. On peut même dire qu'il y a chez eux une
véritable préméditation dans le choix professionnel qu'ils opérent, dans la
mesure où c'est avant tout la proximité des enfants qu'ils recherchent dans la
profession qu'ils choisissent, qu'ils soient animateurs, éducateurs ou
enseignants.
La plus grande vigilance est donc de mise dans ces secteurs ; elle doit se
manifester sur trois plans, et d'abord sur celui de la prévention.
Tout doit être mis en oeuvre pour que l'effort de prévention à l'école ne
repose plus sur le simple bénévolat des enseignants. La pédophilie est un
phénomène trop grave pour ne pas être abordé par des spécialistes.
Dans le même temps, il n'est pas normal de faire reposer sur les seuls enfants
la responsabilité des signalements. Prévenir les enfants, c'est bien ; alerter
les adultes, exiger d'eux qu'ils s'engagent, c'est mieux.
L'effort de prévention doit donc porter prioritairement sur les adultes et les
professionnels, afin de briser la loi du silence qui règne encore dans certains
établissements scolaires. Il convient de rappeler à tous les éducateurs les
peines qu'ils encourent en cas de non-dénonciation d'abus dont ils ont
connaissance dans le cadre de leurs fonctions.
Notre vigilance doit aussi se manifester au plan de la protection.
Lorsque le moindre doute de pédophilie plane sur un enseignant, un éducateur
ou un animateur, ou toute autre personne, le signalement aux autorités
compétentes doit se faire sans tarder afin qu'une enquête soit diligentée. Sans
faire de chasse aux sorcières, il convient néanmoins de prendre toutes les
précautions nécessaires pour protéger les enfants. Dans cette optique, la
suspension immédiate des fonctions ne doit pas être vécue comme une sanction,
mais comme une simple mesure de protection des mineurs, à laquelle il ne faut
pas hésiter d'avoir recours.
J'ajoute que, malgré les précisions apportées par la récente circulaire de Mme
le ministre délégué chargée de l'enseignement scolaire, il existe encore des
aberrations dans les procédures disciplinaires au sein de l'éducation
nationale.
Par exemple, il est inadmissible que des enseignants soupçonnés de pédophilie
soient réintégrés dans leurs fonctions au bout de quatre mois, voire mutés dans
un autre établissement, alors que les enquêtes pouvant aboutir à des poursuites
judiciaires ne sont pas encore achevées.
A mon sens, lorsque la profession de la personne soupçonnée la met directement
en contact avec des enfants, les mesures de suspension ne doivent prendre fin
qu'à l'expiration de toutes les procédures d'enquête nécessaires au traitement
de l'affaire et à son éventuel classement sans suite par le procureur de la
République. La procédure disciplinaire doit suivre la procédure judiciaire et
non se substituer à elle. Il en va de la sécurité de nos enfants.
Enfin, notre vigilance doit s'exercer en matière de sanctions.
Le présent projet de loi donne au tribunal la possibilité d'interdire au
délinquant sexuel d'exercer certaines professions impliquant un contact avec
des mineurs. Je ne peux qu'approuver une telle mesure. Je pense néanmoins
qu'une telle interdiction devrait être systématique, et non pas facultative,
pour tous ceux qui ont abusé d'enfants dans l'exercice de leurs fonctions
d'éducateur.
Par ailleurs, parmi les dispositions de ce texte visant à prévenir les
infractions sexuelles sur mineurs, la répression de la pornographie enfantine
est étrangement absente. Notre assemblée ne doit pourtant pas reculer devant la
nécessité de réglementer certains abus de la liberté d'expression. Madame le
garde des sceaux, vous proposez de renforcer la protection du jeune public en
étendant la réglementation à l'ensemble des vidéogrammes. Je pense, moi, qu'il
faut aller encore plus loin.
J'ai récemment découvert un arrêté émanant du ministère de l'intérieur qui
interdisait la vente à des mineurs d'une revue pornographique comportant des «
descriptions complaisantes de scènes outrancières mettant parfois en scène des
mineurs ». Si la vente de cette revue est désormais interdite aux mineurs, j'en
conclus, hélas ! qu'elle est toujours autorisée aux majeurs.
Permettez-moi de voir dans cet arrêté l'illustration d'un défaut majeur de
notre législation : le peu de place accordé à l'enfant en tant que victime.
Nous avons su protéger l'enfant en tant que public, mais nous avons négligé le
fait qu'il puisse être transformé en objet sexuel. Notre législation française
est ainsi faite que, si l'on punit le trafic d'images pédophiles lorsqu'elles
ont vocation à être diffusées, on ne punit pas leur détention à titre privé. Or
ce n'est pas seulement la diffusion d'images pédophiles qui est condamnable,
c'est l'utilisation même de l'enfant à des fins pornographiques qui doit l'être
!
Bien souvent, les pédophiles réalisent des images d'enfants qui ne sont
diffusées que dans des cercles restreints, voire qui ne servent qu'à leur «
consommation » personnelle et privée. Ils n'encourent alors aucune sanction,
bien que les traumatismes subis par les enfants soient, eux, très réels.
En outre, les grandes affaires de pédophilie ont récemment montré que la
détention de revues ou de films à caractère pédophile, bien loin d'avoir un
effet de catharsis, constitue un des éléments favorisant les comportements
déviants et les passages à l'acte. Je m'inscris donc en faveur d'une sanction
pénale pour la détention d'images pédophiles à titre privé.
Par ailleurs, parce qu'un acte de pédophilie constitue un crime à part
entière, il me paraît urgent d'inscrire dans la loi un interdit majeur
concernant toute forme d'incitation à des violences sexuelles sur mineurs.
Comme tout appel au meurtre ou à la violence raciale, l'apologie des actes
pédophiles doit être condamnée avec la plus grande fermeté. Je propose donc
d'en faire un délit pénal, puni des mêmes peines que l'incitation à la haine
raciale.
Je voudrais, enfin, aborder deux autres points, et d'abord ce que j'appelerai
la « récidive transfrontalière ».
Dans le cadre de mon mandat de délégué du Sénat à l'Assemblée du Conseil de
l'Europe, je mène un combat afin que les quarante Etats qui forment le
continent européen se dotent d'une législation cohérente et suffisamment
dissuasive.
En particulier, je suis parti du constat suivant : un criminel jugé et
condamné pour des faits de pédophilie dans un Etat, s'il commet à nouveau les
mêmes faits, mais dans un autre Etat, ne se trouve pas en état de récidive ; il
n'encourt donc pas les peines aggravées encourues par les récidivistes.
J'ai donc soumis à l'Assemblée du Conseil de l'Europe, avec mes collègues
Daniel Hoeffel et Jacques Legendre, la proposition d'établir un registre placé
sous l'autorité de la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg.
Ce registre, où seraient consignées les condamnations à trois ans ou plus de
privation de liberté, sur notification obligatoire des Etats membres du Conseil
de l'Europe, ne pourrait être consulté que par les magistrats saisis de
poursuites contre des faits de pédophilie.
Ainsi, en cas de condamnation définitive antérieure, la juridiction saisie
pourrait prononcer les peines prévues pour les récidivistes, quand bien même
les faits anciens et nouveaux n'auraient pas été commis dans le même Etat.
L'Europe unie ne doit pas être un espace où les criminels peuvent se jouer des
incohérences juridiques pour échapper partiellement ou totalement à la sanction
de leurs crimes.
Prenons garde, alors, aux réactions de l'opinion publique, qui ne saurait
apporter son soutien à une Europe de la libre circulation des criminels.
J'espère donc, madame le garde des sceaux, que le Gouvernement français
soutiendra l'initiative de l'Assemblée du Conseil de l'Europe afin que cette
possibilité d'établir et de prendre en compte la récidive transfrontalière se
fonde sur une convention du Conseil de l'Europe.
Il est vital qu'au-delà de l'Europe communautaire tout le continent tel qu'il
est représenté au Conseil de l'Europe apparaisse comme un espace de sécurité,
où sont protégés les droits de l'homme, certes, mais d'abord les droits des
plus vulnérables, c'est-à-dire des enfants.
Je voudrais encore attirer votre attention, madame le garde des sceaux, sur un
dernier aspect méconnu des violences sexuelles imposées à des enfants, voire à
des bébés.
Avec le regroupement familial, sont apparues en Europe, et en particulier en
France, des coutumes africaines que, en tant que médecin, je ne peux que
qualifier de tortures.
Les associations de femmes africaines qui militent pour la prévention et la
répression des excisions et des infibulations en Europe demandent que
l'application des lois l'emporte sur la force des coutumes des communautés
immigrées.
J'attire en outre votre attention sur la situation parodoxale qu'on laisse
perdurer en France.
Le tribunal administratif de Lyon a rendu, le 12 juin 1996, une décision
annulant une mesure d'expulsion à l'encontre d'une personne de nationalité
guinéenne en situation irrégulière, au motif que ses deux fillettes auraient pu
être exposées, en cas de retour dans leur pays, à des risques de mutilations
sexuelles.
Pour prononcer cette annulation, le tribunal administratif conclut que les
coutumes en question sont constitutives des traitements dégradants et inhumains
prohibés par la convention européenne des droits de l'homme.
Le tribunal souligne d'ailleurs l'absence d'incrimination spécifique,
s'interrogeant : « L'excision serait-elle un tabou dans notre droit ? »
Ce tabou, comme celui qui a trop longtemps protégé les auteurs d'inceste, de
viol, ou de toute violence sexuelle, doit être levé. J'avais envisagé le dépôt
d'amendements en ce sens au projet de loi dont nous discutons. J'y ai renoncé,
estimant, avec les juges administratifs, que « l'inflation des incriminations
pénales trop étroites ne règle rien ».
Néanmoins, le droit à la différence ne doit pas être l'alibi de
l'indifférence.
Comment justifier que des juges administratifs refusent l'expulsion pour
protéger des fillettes d'un traitement qualifié de « dégradant et inhumain » et
que, par ailleurs, les juridictions de l'ordre judiciaire montrent tant
d'indulgence pour ceux qui, en France, imposent ces traitement à des fillettes,
Françaises ou ayant vocation à le devenir ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Pas du tout !
M. Nicolas About.
Mais si ! Personne n'a jamais fait l'objet d'une condamnation majeure sur ce
point ; seules des condamnations extrêmement mineures ont été prononcées.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et en cour d'assises à Douai ?
M. Nicolas About.
Quelles peines ont été prononcées ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je n'en sais rien, mais...
M. Nicolas About.
Il ne s'agit que de peines de principe, assorties de sursis.
M. Robert Badinter.
Ce sont des jurés qui se sont prononcé ! C'est leur conscience qui a parlé
!
M. Nicolas About.
Le rôle des représentants du peuple consiste aussi à dire au Gouvernement ce
que le peuple pense. C'est ce que je fais aujourd'hui.
M. François Autain.
Il n'y a qu'à supprimer les jurés !
M. Nicolas About.
Contrairement à ce que vous affirmez et qui correspond d'ailleurs à une
opinion trop répandue, les instructions données par le Gouvernement aux
juridictions sont indispensables dans la mesure où elles garantissent
l'application de la volonté démocratiquement exprimée par les représentants du
suffrage universel. C'est aussi leur droit, et pas seulement celui des jurés,
de s'exprimer à ce sujet.
Aussi, madame le ministre, je vous demande d'appeler l'attention des chefs de
juridiction et des représentants du ministère public sur ce type de violences
sexuelles infligées aux fillettes en France. Elles sont plusieurs dizaines de
milliers, selon les femmes africaines elles-mêmes.
Il s'agit de violences graves qui doivent être poursuivies, comme le
permettent les articles 222-9 et 222-10 du nouveau code pénal, sous
l'incrimination de « violences volontaires ou complicité de violences
volontaires à enfants de moins de quinze ans ayant entraîné une mutilation
».
Je vous laisse juge des moyens, madame le ministre : incrimination nouvelle ou
poursuite sur la base des textes existants. Mais, à l'heure où nous débattons
de la protection des enfants contre la violence des adultes, nous devons
combattre toutes ces formes de violence, sans tabou.
La protection des fillettes contre l'excision et l'infibulation ne doit pas
être mentionnée seulement pour empêcher une expulsion ; elle doit être
appliquée non seulement aux frontières de notre pays, mais sur tout le
territoire français, quelle que soit la nationalité des fillettes exposées à
cette violence.
J'espère donc, madame le ministre, que vous souscrivez à ces observations et
que vous serez en mesure de prendre l'engagement, devant le Sénat puis devant
l'Assemblée nationale, de poursuivre la répression exemplaire de ces « coutumes
» inacceptables.
Information et prévention ne suffisent pas, hélas ! et, selon la phrase du
moraliste français, « entre le fort et le faible, c'est la loi qui libère et la
liberté qui opprime ». Donnons la protection de la loi aux fillettes qui vivent
en France et lançons un message clair de solidarité à celles qui luttent en
Afrique pour mettre fin à ces « coutumes » barbares.
(Applaudissements sur
les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
(M. Paul Girod remplace M. Michel Dreyfus-Schmidt au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, les
membres du groupe socialiste soutiennent les efforts du Gouvernement. Je
devrais d'ailleurs dire « des gouvernements », puisque vous avez, madame la
ministre, à juste titre, repris, en l'améliorant, un projet de loi de votre
prédécesseur pour prévenir, autant qu'il est possible, la récidive en matière
d'infractions sexuelles et, plus simplement, pour soigner, bien plus que pour
punir, tout en les soumettant à diverses obligations et mesures de surveillance
ou d'assistance, ceux qui, à l'évidence, sont d'abord des malades.
C'est une voie courageuse parce qu'étroite et onéreuse : étroite, parce que la
science médicale a encore des progrès à faire pour guérir ces malades-là ;
onéreuse, parce que soigner coûte évidemment plus cher qu'enfermer purement et
simplement.
Je disais que vous avez amélioré le projet de votre prédécesseur. Chacun le
reconnaît. Vous avez tiré les conclusions qui s'imposaient du fait qu'il n'est
pas possible de soigner quelqu'un qui ne le veut pas : celui qui ne le voudra
pas sera, si j'ose dire, « traité » différemment, c'est-à-dire mis, ou remis,
en prison.
Exit donc le « suivi médico-social ». Vous nous proposez le « suivi
socio-judiciaire ». Nous vous suivrons.
La commission des lois du Sénat a procédé, vous le savez, madame la ministre,
puisque vous y avez participé, à d'intéressantes séances répétées d'auditions
publiques, qui ont permis le dépôt d'amendements que nous croyons souvent
enrichissants.
C'est ainsi que nous sommes unanimes à désirer que les auteurs d'infractions
sexuelles puissent être amenés à se soigner non pas seulement à titre de peine
principale ou à l'expiration d'une peine d'emprisonnement, mais pendant la
durée même de l'emprisonnement.
M. Robert Badinter.
Très bien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cela suppose, bien évidemment, des moyens importants afin de disposer du
personnel formé à cette fin dans des locaux à cette fin réservés.
C'est déjà ce que le législateur a prévu à l'article 718 du code de procédure
pénale, en vertu duquel les auteurs d'infractions sexuelles « exécutent leur
peine dans des établissements pénitentiaires permettant d'assurer un suivi
médical et psychologique adapté ».
Vous nous direz sans doute, madame la ministre, que, malheureusement, ce texte
est resté quasiment lettre morte, même si, par une fiction indigne, tous les
établissements pénitentiaires sont réputés être tels.
Or les auteurs d'infraction sexuelle doivent être non seulement soustraits,
pour pouvoir être efficacement soignés, à la discrimination, aux brimades et
aux mauvais traitements de ceux qui sont encore trop souvent leurs « codétenus
», mais également séparés, dans des espaces thérapeutiques distincts, les
exhibitionnistes d'une part, les névrosés d'autre part, les psychopathes
ailleurs encore et, enfin, les auteurs de crime de sang. Cela coûtera cher,
mais c'est indispensable.
Je n'entrerai pas maintenant dans le détail des amendements que nous serons
amenés à défendre dans l'espoir de rendre le meilleur possible un texte
technique et complexe qui a encore besoin d'être enrichi par la navette.
Ce que je dis là me paraît vrai, par exemple, pour ce que j'appellerai, plutôt
que « les atteintes à la dignité de la personne humaine », plus prosaïquement,
plus populairement et plus justement « les excès du bizutage ».
En toute bonne foi, je n'en doute pas, la commission des lois du Sénat a cru
voir là une recherche d'effet d'affichage, comme, soit dit entre nous, elle en
a si souvent accepté dans le passé.
M. Robert Badinter.
Très bien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Tel que le texte était rédigé au départ et plus encore tel qu'il l'a été par
l'Assemblée nationale, on pouvait s'y tromper.
Après avoir beaucoup réfléchi, et revenant sur notre vote - vous avez rappelé,
à juste titre, ce qu'il avait été, monsieur le rapporteur - nous sommes arrivés
à la conclusion que, « hors les cas de violences, de menaces ou d'atteintes
sexuelles », doit être puni d'un emprisonnement, non pas de six mois, mais d'un
an, afin de pouvoir être poursuivi en flagrant délit, et d'une amende de 100
000 francs le fait - je cite le texte de l'amendement que nous défendrons, et
d'abord en commission - « pour une personne d'en amener une autre, contre son
gré ou non, par ordre, contrainte, pression ou invitation, à subir ou à
commettre des actes humiliants ou dégradants, notamment lors de manifestations
ou de réunions liées au milieu scolaire, éducatif, sportif ou associatif. »
Un tel texte devrait permettre que soit mis fin à des excès qui ne se
perpétuent que parce que, par peur des représailles ou du qu'en dira-t-on,
comme dans la perspective d'être bientôt initiateur à son tour, la victime est
trop souvent quasi consentante. Vous le constatez, notre amendement reprend le
problème à la base. Il n'est pas limité au milieu scolaire, éducatif, sportif
et associatif. En effet, nous ajoutons l'adverbe « notamment », qui pour une
fois est nécessaire, pour dire que c'est partout que ces excès doivent être
punis et poursuivis, étant entendu, je le répète, que, même si on constate un
semblant d'acceptation de la part de la « victime », il doit y avoir poursuite.
Cet amendement complète le code pénal, contrairement au texte tel qu'il
résultait des travaux de l'Assemblée nationale. Nous aurons l'occasion d'en
débattre.
Il en sera de même des nombreuses mesures proposées pour protéger et ménager
les victimes mineures. La plupart de ces dispositions s'imposent, mais aucune
ne doit, bien entendu, risquer d'entraver la recherche de la vérité ou de
porter atteinte au « parallélisme des formes » : je pense, en particulier, à
l'enregistrement audiovisuel de la déposition d'un mineur victime, qui ne
saurait remplacer dans tous les cas les confrontations, les nouvelles auditions
ou les comparutions.
Je pense aussi que, si la suggestion de la commission des lois du Sénat visant
à rendre obligatoire la présence d'un avocat auprès d'un mineur victime est
retenue, il n'y a plus lieu, sauf à oublier le « parallélisme des formes » dont
se réclame M. le rapporteur, de rendre obligatoire, comme l'a demandé
l'Assemblée nationale, la présence auprès de cette victime « d'un psychologue
ou d'un médecin spécialiste de l'enfance ou d'un membre de la famille du mineur
ou de l'administrateur
ad hoc
... ou encore d'une personne chargée d'un
mandat du juge des enfants. »
Si les deux parties sont assistées d'un avocat, pourquoi imposer la présence
d'une autre personne d'un côté exclusivement ?
Il faut en effet ne pas aller trop loin. C'est ce qui a été fait en
décidant... provisoirement - heureusement, le bicamérisme existe dans notre
pays - qu'en matière de diffamation la vérité des faits diffamatoires pourrait
être prouvée, dans le cas d'infractions sexuelles contre un mineur, même si
l'infraction est « amnistiée ou prescrite » ou si elle « a donné lieu à une
condamnation effacée par la réhabilitation ou » - écoutez-bien ! - « la
révision » ! Cette énormité a même échappé, à la fin d'une longue séance de
travail, à la commission des lois du Sénat ! Nous avons déposé un amendement
pour y mettre bon ordre.
Je voudrais terminer ces quelques réflexions - car il est exclu, dans le cadre
de la discussion générale, d'aborder toutes les difficultés de ce texte - en
disant que nous sommes pleinement d'accord avec la commission des affaires
sociales du Sénat lorsqu'elle conclut à la suppression de l'article 32
bis,
qui prévoit que, pour savoir s'il peut être mis fin à
l'hospitalisation d'office de l'auteur reconnu irresponsable d'un crime ou d'un
délit, on s'en remette à une commission composée de deux médecins dont un
psychiatre - un seul psychiatre ! - et d'un magistrat ayant voix prépondérante
!
Cela me paraît, je dois le dire, une monstruosité juridique : l'intéressé
ayant été reconnu par la justice pénalement non responsable, la justice est
évidemment dessaisie, et la seule question qui se pose - savoir si ce malade
est encore ou non dangereux, soit pour autrui, soit pour lui-même - ne relève à
l'évidence que de la médecine.
J'observe que l'article L. 348-1 du code de la santé publique en son état
actuel est parfaitement satisfaisant : il ne rend possible la fin de
l'hospitalisation d'office du criminel ou du délinquant irresponsable « que sur
les décisions conformes de deux psychiatres n'appartenant pas à l'établissement
et choisis par le préfet sur une liste établie par le procureur de la
République », « ces deux décisions résultant de deux examens séparés et
concordants. »
Dans l'hypothèse saugrenue du texte dont nous sommes actuellement saisis, le
psychiatre qui s'opposerait à la mise en liberté pourrait être mis en minorité
par l'abstention du médecin non psychiatre et l'acquiescement du magistrat !
Vouz noterez d'ailleurs que nous sommes ici dans le cadre général des auteurs
irresponsables d'infractions, et non plus dans celui des infractions sexuelles,
auxquelles le projet de loi est tout de même consacré !
Vous le voyez, madame la ministre, et vous aussi, mes chers collègues, le
Gouvernement peut compter sur le concours actif et éclairé du groupe socialiste
; ce n'est pas mon ami François Autain, qui interviendra tout à l'heure, lui
aussi au nom du groupe socialiste, qui me démentira.
(Applaudissement sur les travées socialistes et sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de
loi est résolument axé sur la prévention de la récidive. Il s'agit d'un sujet
délicat en matière de crimes et délits sexuels, mais d'une entreprise
nécessaire et urgente.
Le texte traite en particulier des délits sexuels concernant les mineurs.
Récemment, j'ai rencontré une jeune femme qui a vécu dans son enfance des
agressions sexuelles de la part du fils de sa gardienne, qui avait quatorze ans
de plus qu'elle. Cette jeune femme n'avait d'autre mot pour décrire ce qu'elle
avait vécu que le mot « massacre ». « J'ai été massacrée », disait-elle, et
pensant aux autres enfants, ceux d'aujourd'hui, elle me répétait : « Il faut
arrêter le massacre ».
Pourtant, ce que je souhaite d'abord dire concerne l'ensemble des agressions
sexuelles, que les victimes soient des enfants ou des adultes.
Des décennies ont été nécessaires pour que la loi soit enfin respectée, pour
que les viols soient effectivement poursuivis comme des crimes, et non comme
des délits. Il a fallu des décennies pour que les victimes osent parler et
porter plainte, pour qu'elles n'aient pas honte, ou qu'elles triomphent de leur
honte.
En effet, l'une des caractéristiques de ces crimes est que la victime a honte,
plus que l'agresseur.
Quand enfin la loi du silence a été levée, quand les victimes ont osé porter
plainte, ont osé parler, on a vu croître le nombre de procès. Certains se sont
dit alors que la société se délitait, que les hommes se mettaient à violer les
femmes, bref que la bonne vieille morale traditionnelle était en recul. Mais
les hommes ne se mettaient pas à violer les femmes : les femmes, pour la
première fois, massivement, osaient porter plainte contre les hommes.
Aujourd'hui, le même phénomène concerne les enfants : la loi du silence
commence à être levée. Mais la parole des enfants, en se libérant, ouvre les
portes sur un enfer clos.
Toutefois, je ne voudrais pas que, dans notre réflexion et notre loi, les
agressions et les crimes concernant les adultes soient oubliés. En effet, il
s'agit toujours d'un traumatisme grave et parfois irréparable.
C'est pourquoi je souhaite que la prise en charge médicale à 100 % concerne
l'ensemble des personnes victimes d'une agression ou d'un crime sexuel ; je
pense aux nombreuses femmes dont j'ai suivi le parcours ou que j'ai eu
l'occasion de rencontrer, et pas seulement aux enfants.
Le fait que le projet de loi précise la notion de harcèlement sexuel me
satisfait. Peu après que la loi sur le harcèlement sexuel a été débattue, j'ai
soutenu, en tant que présidente d'un centre d'information sur les droits des
femmes, une jeune femme qui a intenté un procès contre son employeur. Je sais
toutes les pressions qu'ont subies alors les autres employées pour ne pas
témoigner en faveur de cette femme et le courage qu'il a fallu à celle-ci pour
aller jusqu'au bout de sa démarche. J'ai lu les expressions plutôt choquantes
qui ont été employées lors du débat à l'Assemblée nationale. Heureusement, les
mentalités ont évolué, et dans l'opinion publique parfois plus vite que parmi
les élus. Je suis donc particulièrement satisfaite de constater que le projet
de loi actuel complète la notion de harcèlement sexuel en y ajoutant la notion
de « pression ».
A un moment où les femmes représentent moins de la moitié des actifs, mais
plus de la moitié des chômeurs, cette précision est vraiment la bienvenue.
Je ne souhaite pas, bien sûr, que l'on en arrive à la situation américaine,
dans laquelle, bientôt, plus un homme ne pourra être seul avec une femme dans
un ascenseur ou lui faire l'ombre d'une avance sans encourir le risque d'être
accusé de harcèlement sexuel. Mais il est nécessaire de donner les moyens aux
femmes de dénoncer, de poursuivre ceux qui se livrent à de telles pratiques.
C'est nécessaire pour les femmes. Mais c'est également nécessaire pour les
hommes, afin que ces derniers aient enfin une réflexion sur un comportement
qui, pour être quotidien, n'en est pas moins inacceptable et délictueux.
Cette réflexion sur l'approfondissement de la notion de délit de harcèlement
sexuel m'amène à vous dire, madame la ministre, à quel point j'approuve le
titre II de votre projet de loi concernant la création du délit de bizutage.
J'ai pris connaissance de la controverse qui s'est développée à l'Assemblée
nationale et dans la presse, et je sais qu'un amendement de suppression a été
déposé par la commission des lois. J'espère toutefois que notre assemblée ne va
pas suivre cette proposition.
Je me réfère précisément au débat sur le délit de harcèlement sexuel auquel je
faisais allusion. On a dit, à ce moment-là, qu'il n'y avait pas lieu de créer
ce délit, que ce n'était après tout pas pour quelques excès, certes
condamnables, qu'on allait mettre en accusation tous les patrons qui feraient
des propositions à leur secrétaire. On a invoqué la culture latine, la
galanterie française bien connue, l'empressement bien naturel des hommes
vis-à-vis des femmes, que sais-je encore... Et puis on s'est rendu compte qu'il
y avait là des situations de force, d'oppression, de contrainte, de pouvoir, et
qu'il arrivait - et il arrive encore - que celui qui était en position de
force, de contrainte, de pouvoir, d'oppression abusait de cette situation et
imposait sa volonté de possession.
Le bizutage relève à bien des degrés d'une situation comparable. On invoque la
tradition. Mais est-il bien sûr que les cérémonies diverses qui ont marqué dans
le passé et qui marquent encore, dans certaines sociétés, le passage de
l'adolescence à l'âge adulte doivent être reprises à notre compte ? On invoque
l'intégration dans le groupe. En effet, certains bizutages sont tellement
symboliques de l'entrée dans le groupe que s'y refuser entraîne parfois
l'exclusion de la liste des anciens élèves de telle ou telle école. Mais est-on
sûr que ce soit l'intégration souhaitable aujourd'hui ?
On a dit que les excès étaient déjà passibles de poursuites judiciaires. Je ne
sais comment l'enfermement pendant des heures d'une personne dans une chambre
froide est passible de poursuites devant la justice. Mais tous ces excès le
seraient-ils - et, à mon avis, ils ne le sont pas - que l'on se heurterait au
même problème que pour les délits et crimes sexuels : l'impossibilité
psychologique et sociale pour la victime de porter plainte. Or, l'objectif de
ce projet de loi est de s'adresser d'abord aux victimes et de penser d'abord à
elles. C'est pourquoi l'inscription du délit de bizutage me paraît tout à fait
justifiée.
Je n'invoquerai que pour le principe l'argument de l'image que donne la
jeunesse française dans des échanges scolaires et universitaires qui se
multiplient. Chacun garde en mémoire la réaction des élèves allemands lors des
échanges avec l'Ecole nationale supérieure des arts et métiers.
Mais l'essentiel du projet de loi que vous nous soumettez, madame la ministre,
est consacré aux délits et crimes concernant les enfants : ce texte prévoit
l'aggravation de certaines peines, la modification des termes de la
prescription et la création du suivi socio-judiciaire.
Pendant longtemps, la notion de crime sexuel a visé essentiellement des
phénomènes exceptionnels qui bouleversaient l'opinion publique : enlèvements
d'enfants accompagnés de sévices, viols, meurtres. La société comptait ainsi
quelques individus abominables mais rares.
Mais, depuis quelques années, notamment depuis 1991 et le vote de la loi
étendant la prescription à dix ans après la majorité, les affaires ont commencé
à se multiplier. Leur nombre n'est pas très grand, mais tout de même : 1 723
condamnations pour atteintes sexuelles, agressions sexuelles et viols sur
mineur de moins de quinze ans en 1994.
L'attention de l'opinion s'est focalisée sur un certain nombre d'affaires
concernant des éducateurs, des enseignants ; je pense également au cas terrible
de ce foyer de l'enfance en Grande-Bretagne.
Puis sont intervenues la saisie des cassettes pédophiles, la mise au jour des
réseaux et l'inculpation des utilisateurs de ces cassettes. Entre la pédophilie
et l'utilisation de telles cassettes, les données me paraissent de toute façon
différentes, même si, à l'origine, il y a bien sûr des enfants, qui sont soit
prostitués, soit amenés par différents moyens à avoir des relations
sexuelles.
L'opinion publique s'est ainsi émue, ces derniers temps, d'affaires à
connotation homosexuelle, même si l'on sait qu'un certain nombre de plaintes et
de condamnations ont touché des foyers dans lesquels des éducateurs ont abusé
de jeunes filles, notamment de malades mentales.
Dans l'opinion, l'agression sexuelle devenait ainsi plus fréquente que dans le
passé, à dominante homosexuelle et liée à des milieux éducatifs.
Notre discussion intervient dans ce contexte, bien réducteur par rapport à la
réalité. Or, si un certain nombre de personnes ayant travaillé sur ce sujet
connaissent ou du moins pressentent la réalité, l'opinion, quant à elle, la
méconnaît ou la refuse.
La réalité est d'abord dans la fréquence des abus sexuels sur des mineurs :
ils s'élèvent à 10 000 par an selon la direction centrale de la police
judiciaire, qui évalue à plus de 4 000 le nombre annuel de viols. En 1996, le
service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée a reçu 960
000 appels ; 130 000 ont pu recevoir une réponse, dont 23 000 portaient sur des
abus sexuels.
La réalité est dans la proximité de celui qui commet les actes : 75 % des
auteurs font partie de l'entourage familial ; 43 % des abus, soit près de la
moitié, sont le fait du père. Et l'on sait que, quand il y a plusieurs filles,
toutes ces dernières sont amenées à avoir des relations sexuelles avec leur
père, parfois avec le consentement de la mère, parfois avec son refus de
savoir. J'ai dit « avoir des relations sexuelles avec », puisque l'on sait bien
que, dans ces cas-là, il n'y a pas réellement viol. Ce sont ces situations qui
sont les plus fréquentes et qui constituent l'enfer quotidien de milliers de
petites filles.
C'est pourquoi j'ai désiré que la commission des affaires sociales soit saisie
pour avis de ce dossier. Je l'ai souhaité non pas seulement pour des problèmes
de remboursement de soins ou de nature du médecin qui donnera son avis sur le
suivi médical, quand ce dernier existera, mais parce que le crime ou le délit
sexuel, quand il se produit, bouleverse toute la famille - les frères et
soeurs, les parents - et que la très grande majorité des abus sexuels se situe
dans la famille, derrière ces foyers clos, ces portes refermées, là où Gide
voyait la protection jalouse du bonheur, mais où se créent parfois des
situations irréparables.
J'ai souhaité la saisine de la commission des affaires sociales parce qu'il
faut que nous sachions tout cela et que nous le disions, parce que la parole
libérée des enfants - elle l'est déjà aujourd'hui et le sera encore plus demain
- va nous le crier à la figure.
Mes chers collègues, dénoncer un fait, dire que c'est un délit, que c'est un
crime, ne pas seulement se focaliser sur le fait minoritaire, marginal, mais
cibler aussi l'essentiel, surtout s'il est difficile à dire et à admettre,
c'est la responsabilité du législateur, et l'honneur de l'homme ou de la femme
politique.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
et sur les travées socialistes.)
(M. Michel Dreyfus-Schmidt remplace M. Paul Girod au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE
M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le 20
novembre prochain, nous célébrerons pour la deuxième fois la journée des droits
de l'enfant, adoptée à l'unanimité en 1996 sur la proposition des
parlementaires communistes. Notre pays s'honore aujourd'hui en se préparant à
se doter d'une législation tendant à renforcer la protection des mineurs
victimes d'agressions sexuelles et à lutter contre la récidive en la matière,
afin de montrer sa volonté de faire « des droits de l'enfant » un véritable
engagement politique.
C'est pourquoi nous nous félicitons, d'une part, du fait qu'un tel projet de
loi vienne en débat au Parlement en début de session et, d'autre part, du
travail de concertation mené par le Gouvernement et la commission des lois du
Sénat afin d'obtenir l'approbation d'une grande partie des professionnels
concernés par les mesures proposées.
Nous allons donc aborder un sujet d'une extrême gravité et nous devons le
faire dans la sérénité, sans débordement, ni dérive.
Je veux rappeler ici qu'en 1994 a été adoptée ce qu'on a appelé la « peine de
prison perpétuelle » pour les criminels sexuels, mais sans pour autant
s'attaquer aux causes profondes et aux risques de récidive.
Notre code pénal dispose ainsi d'un arsenal répressif important en la matière
; mais la réalité montre que les textes seulement répressifs ne suffisent pas.
Et c'est bien la raison pour laquelle ce projet de loi est discuté aujourd'hui
au Parlement.
Les agressions sexuelles commises à l'encontre des enfants entraînent une
colère instinctive et légitime. Il convient d'y apporter des réponses
permettant à la société de se protéger contre ces délits et ces crimes et, en
même temps, d'améliorer les textes pour prévenir la récidive.
C'est ainsi que, comme nous le verrons dans le détail, le projet de loi
institue, d'une part, une peine de suivi socio-judiciaire et, d'autre part, un
statut juridique des mineurs victimes.
Le présent projet de loi corrige les principaux défauts du précédent projet de
loi déposé par M. Toubon. Ce dernier, en effet, visait à créer une véritable
obligation des soins, confondant ainsi les rôles respectifs du juge et du
médecin. Cela avait soulevé à l'époque un tollé quasi général, surtout de la
part du corps médical, car cette disposition était contraire à l'éthique
médicale.
Le système qui nous est proposé aujourd'hui a été accueilli favorablement par
les corps professionnels concernés. Cette peine complémentaire de suivi
socio-judiciaire a également reçu une large adhésion de la part des personnes
présentes aux auditions de la commission des lois.
Le principe en est simple : au moment du jugement, la juridiction pourra, en
plus de la peine de prison, imposer au condamné des mesures de surveillance et
d'assistance qui s'appliqueront dès sa libération.
Ce suivi socio-judiciaire est non plus seulement médical, mais aussi social,
et c'est cette innovation qui doit participer à la prévention et à la
limitation de la récidive en matière d'agressions sexuelles.
Le condamné sera placé sous surveillance du juge d'application des peines pour
une durée de cinq ans pour un délit et de dix ans pour un crime.
La commission des lois propose de porter ces durées respectivement de cinq ans
à dix ans pour les délits, et de dix ans à vingt ans pour les crimes.
Doit-on nécessairement aller vers une telle escalade dans l'échelle des peines
de suivi socio-judiciaire ?
Les moyens prévus pour mettre en oeuvre l'application de la présente loi
seront-ils suffisants pour couvrir un tel allongement de la durée de ce suivi
?
Nous ne devons pas tomber dans l'excès et nous laisser tenter par un « suivi à
vie ».
Ce suivi pourra par ailleurs s'accompagner de certaines obligations telles que
l'interdiction de fréquenter certains lieux accueillant des mineurs, d'entrer
en relation avec des mineurs ou d'exercer une profession ou une activité
bénévole impliquant un contact avec des mineurs.
Le condamné devra également consulter un médecin qui lui remettra, à
intervalles réguliers, des attestations destinées au juge de l'application des
peines.
En cas d'inobservation de ces obligations, le juge de l'application des peines
pourra ordonner sa réincarcération pour une durée de deux ans pour un délit et
de cinq ans pour un crime.
Là encore, la commission des lois s'inscrit dans une logique répressive
accrue, puisqu'elle fixe à cinq ans la peine prévue en cas de violation du
suivi socio-judiciaire sans faire la distinction entre un crime et un délit ;
cela nous choque.
Par ailleurs, alors que, dans le projet de loi de M. Toubon, l'injonction de
soins ne pouvait être prononcée que par la juridiction de jugement, le présent
texte, quant à lui, l'instaure également pour le juge de l'application des
peines. Ainsi, tout ne reste pas figé au jour de la condamnation.
Cette formule souple permet, par exemple, si le détenu évolue lors de son
incarcération, de lui imposer une injonction de soins, avec l'accord des
experts, même si elle n'avait pas été prévue initialement dans le suivi.
De plus, contrairement au premier texte, qui interdisait tout suivi si
l'expert concluait que le condamné était inaccessible aux soins, les présentes
dispositions permettent, dans ce cas, un suivi socio-judiciaire sans injonction
de soins.
L'injonction de soins suppose toujours le consentement du condamné car, plus
qu'une obligation de se soigner, il s'agit d'une modalité facultative de la
mesure de suivi socio-judiciaire dont l'objet est d'inciter le condamné à se
soigner.
Il convient de faciliter autant que faire se peut un tel traitement et
d'inciter le condamné à y recourir.
C'est ainsi que, tous les six mois, le juge de l'application des peines devra
proposer aux délinquants sexuels de suivre un traitement.
Il faut savoir que les auteurs de violences sexuelles ont besoin d'une sorte
d'incitation ferme pour accepter des soins qui peuvent être, à terme,
profitables à eux-mêmes ainsi qu'à la société.
Nous regrettons, en l'occurrence, que la commission des lois ramène à une fois
par an seulement, au lieu de deux fois dans le texte, l'information faite au
condamné de la possibilité de suivre un traitement.
Bien évidemment, ces dispositions vont devoir s'accompagner de moyens
nouveaux.
La réussite d'une telle politique d'incitation repose, pour l'essentiel, sur
le développement de moyens en termes de personnels, mais aussi concernant les
services médico-psychologiques régionaux des prisons, qui dépendent de
l'hôpital public et qui sont actuellement au nombre de vingt-six.
La mise en oeuvre de ces soins sera assurée par le biais d'un médecin
coordonnateur chargé de faire la liaison entre le juge de l'application des
peines et le médecin traitant.
S'agissant des dispositions contenues dans le projet de loi tel qu'il nous
revient de l'Assemblée nationale et relatives au suivi socio-judiciaire, les
sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen y son favorables et ils
espèrent vivement qu'elles contribueront à limiter substantiellement le taux de
récidive en matière de crimes et de délits commis sur des enfants.
En les acceptant, ils estiment contribuer à quelque chose d'important, de très
important.
J'en arrive maintenant aux dispositions du texte qui tendent à renforcer la
protection et la défense des mineurs victimes d'infractions sexuelles.
En instituant ce statut des mineurs victimes, le texte qui nous est proposé
marque une innovation notable dans le droit pénal français.
Tout d'abord, le projet de loi prévoit que les modalités de prescription des
crimes et des délits, prescription qui court depuis 1989 non pas à partir des
faits mais à partir de la majorité de l'enfant, seront étendues aux infractions
commises par toute personne et non plus seulement par les personnes ayant
autorité sur la victime ou par les parents, ce qui élargit les possibilités de
poursuivre les auteurs d'infractions sexuelles.
Par ailleurs, la prescription des délits d'agression ou d'atteintes sexuelles
les plus graves est portée de trois à dix ans, comme pour les crimes. Ainsi, le
mineur victime d'un délit ou d'un crime pourra porter plainte jusqu'à l'âge de
vingt-huit ans, au lieu de vingt et un ans actuellement.
En matière de prescription, il faut se méfier de la confusion entre les délits
et les peines qui pourraient en résulter, ainsi que de la disproportion avec
d'autres crimes qui ne sont pas visés par les règles spécifiques de
prescription.
Le texte pose ensuite en principe l'obligation d'une expertise
médico-psychologique des mineurs victimes, aux fins d'apprécier la nature et
l'importance du préjudice subi ainsi que la nature des soins à dispenser, ce
que nous apprécions positivement.
De plus, le fait que les soins dispensés aux mineurs de moins de quinze ans
victimes soient enfin pris en charge est à saluer.
Toutefois, nous souhaitons étendre cette prise en charge intégrale des soins à
tous les mineurs victimes d'abus sexuels, et non plus seulement aux moins de
quinze ans.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit que les victimes seront représentées
par un administrateur
ad hoc
au cours de la procédure lorsque la
protection de leurs intérêts n'est pas assurée par leurs représentants
légaux.
Cette disposition est d'importance puisque l'on sait que, dans 80 % des cas,
les infractions sexuelles commises sur un mineur sont le fait des parents et
que, par voie de conséquence, les intérêts de l'enfant ne peuvent être défendus
par les parents.
Nous proposons, comme le fait la commission des lois, d'aller plus loin en
permettant de désigner cet administrateur dès le stade de l'enquête.
Nous proposons aussi que le mineur soit assisté d'un avocat dans le cadre
d'une procédure pénale, et ce dès le début de l'enquête. En effet, il serait
anormal que le mineur délinquant bénéficie d'un avocat dès le début de
l'enquête alors que, lorsque le mineur est la victime, il n'en bénéficie
pas.
Ces deux mesures renforceraient légitimement la défense des mineurs dans la
procédure pénale.
Quant aux auditions, le texte prévoit leur enregistrement audiovisuel afin
d'en limiter le nombre et d'éviter ainsi de nombreux traumatismes à l'enfant
quand il doit dire et redire les faits, surtout lorsque ces auditions
surviennent longtemps après les faits, réduisant à néant les effets bénéfiques
des thérapies suivies par les victimes. Il est estimé, en effet, qu'un enfant
victime de violences doit répéter son récit en moyenne près de dix fois, depuis
les premières révélations effectuées auprès de l'instituteur, puis auprès du
directeur de l'école, jusqu'au procès, en passant par l'assistance sociale, les
officiers de police judiciaire de la brigade des mineurs, le médecin légiste,
le juge d'instruction, les éducateurs, l'avocat.
Il est fort regrettable qu'en la matière il n'y ait aucune coordination entre
les services. Il est donc grand temps de prendre en considération la situation
de l'enfant dans la procédure pénale, sans ajouter de traumatismes. C'est en ce
sens que devrait aller la proposition d'enregistrer les auditions.
Toutefois, cet enregistrement audiovisuel soulève d'ores et déjà de nouvelles
et nombreuses questions.
Le projet de loi prévoit que les enregistrements originaux seront placés sous
scellés et que des copies pourront être consultées au cours de la procédure. Il
faut être vigilant quant à l'utilisation de ces copies ! Une seule copie ne
pourrait-elle pas suffire ? Ne pouvons-nous prévoir, comme le préconise la
commission des lois, une transcription sur papier du témoignage de l'enfant
afin d'éviter d'influencer les jurés, l'image étant plus forte que l'écrit ?
Ne faut-il pas envisager, également, la destruction de l'enregistrement et de
la copie à l'issue de l'extinction de l'action publique, pour éviter des
manipulations incontrôlées ou bien encore que ces enregistrements resurgissent
longtemps après, une fois la victime devenue adulte, avec tout ce que cela peut
comporter comme nouveaux traumatismes ?
D'autres questions juridiques demeurent quant à la valeur juridique de la
cassette, son utilisation dans la procédure, sa transmission entre diverses
institutions, son archivage, etc.
Des questions de moyens, auxquelles il faudra répondre, madame le garde des
sceaux, sont aussi soulevées par ces dispositions. En effet, eu égard à la
faiblesse des moyens de la police et de la justice, rares seront les
commissariats et les palais de justice équipés de caméscopes et de
magnétoscopes.
De plus, la mise en place de cette nouvelle technique va nécessiter une
formation des personnes qui entendront les enfants dans ces conditions.
Déjà, à l'heure actuelle, certains policiers qui interrogent les enfants
reçoivent une formation afin d'acquérir les bases nécessaires, car ils ne sont
pas préparés à entendre ce qu'un enfant âgé de trois, huit ou douze ans a à
leur dire. Les efforts doivent donc être poursuivis en la matière.
Bien évidemment, nous apprécions le fait que le mineur soit accompagné par une
personne qualifiée lors de ces auditions et que seules les confrontations des
mineurs strictement nécessaires à la manifestation de la vérité soient
effectuées par le juge d'instruction.
Il est à noter également avec satisfaction que la liaison entre les diverses
instances judiciaires soit mieux assurée.
Par ailleurs, le projet de loi renforce la répression des infractions
sexuelles, les atteintes à la dignité humaine et les infractions mettant en
péril les mineurs.
A l'occasion de l'examen d'un tel texte, la tentation est grande d'alourdir
davantage les peines, déjà revues à la hausse lors de la refonte du code pénal,
alors qu'on a pu constater qu'une répression accrue ne réglait pas tout à elle
seule. Méfions-nous, par conséquent, du tout répressif !
En revanche, il était nécessaire de considérer comme circonstance aggravante
l'utilisation de moyens modernes de communication, tels que le Minitel et
Internet, pour entrer en contact avec la future victime.
De même, il était grand temps de prévoir la répression du « tourisme sexuel »
- quelle horrible expression ! - y compris en dehors de nos frontières.
C'est ainsi que les crimes et délits commis à l'étranger sur des mineurs par
des Français seront sanctionnés, quand bien même ils ne seraient pas incriminés
par la législation du pays où ils auraient été commis.
Est également prévue, à juste titre, la responsabilité pénale des agences de
voyage proposant du « tourisme sexuel ».
Concernant le délit spécial de bizutage, créé par le projet de loi et dont la
commission des lois demande la suppression, je ferai quelques observations.
La récente actualité a mis en évidence des abus préoccupants, lors de séances
de bizutage, qui ont amené le Gouvernement à réagir en rédigeant une circulaire
spécifique, en mettant à disposition un « numéro vert » et, enfin, en créant un
nouveau délit réprimant ces pratiques d'un autre âge.
Nous avons tous été légitimement choqués par ce que nous avons pu entendre et
lire dans la presse sur les détails sordides du déroulement de ces cérémonies
plus que douteuses, aux conséquences dangereuses pour l'individu. Mais faut-il
légiférer en la matière en insérant dans notre code pénal, au demeurant
suffisamment répressif, un nouveau délit, alors que figurent déjà dans ce code
de nombreuses infractions susceptibles d'être retenues pour qualifier certaines
pratiques déplorables de bizutage ? Je pense notamment aux violences,
agressions sexuelles, mise en danger d'autrui, administration de substances
nuisibles, etc.
En l'espèce, dans le cadre d'un nouveau climat de lutte déterminée contre les
pratiques de bizutage, il faut surtout que les autorités compétentes engagent
des poursuites disciplinaires à l'encontre des auteurs de ces faits et que la
loi pénale s'applique.
Nous avons entendu l'intervention de notre excellent collègue Michel
Dreyfus-Schmidt. Comme lui, nous pensons que, au cours de l'examen des articles
et des amendements, nous aurons l'occasion d'y réfléchir encore, de même que
nous reviendrons plus longuement sur certains thèmes.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen accueillent d'ores
et déjà favorablement l'ensemble des mesures proposées et ils espèrent que le
débat pourra les enrichir encore.
Ils comptent également sur l'effectivité des moyens, qu'ils soient financiers
ou en personnels, pour leur bonne mise en oeuvre.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées
socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, M. Jacques
Toubon, alors garde des sceaux, avait déposé, dans un climat chargé d'émotion
dont chacun se souvient, un projet de loi renforçant la prévention et la
répression des infractions sexuelles. Depuis, d'autres affaires ont été
relatées par les médias, toutes aussi dramatiques, toutes aussi scandaleuses,
toutes aussi odieuses pour les victimes et leur famille.
Trop longtemps niée, la réalité de cette violence s'incarne pourtant dans des
chiffres qui donnent toute l'ampleur de ces tragédies : 65 000 enfants en
danger dans notre pays en 1995, c'est autant de vies qui peuvent être brisées ;
5 500 enfants victimes d'abus sexuels, c'est 5 500 innocences détruites.
De plus, si la médecine connaît encore mal les troubles du comportement, les
experts ont établi la certitude qu'il y a un risque élevé de récidive si aucune
prise en charge médicale ou psychothérapique n'est offerte à ceux qui en
souffrent.
Or l'opinion publique a été frappée, dans toutes les affaires qui ont été
relatées par les médias, par le nombre de récidivistes qui y figurent. Le jeu
des réductions et des remises de peine remettant en liberté des auteurs
d'infractions graves sans qu'ils aient été soignés contribue au malaise
ressenti par nos compatriotes.
L'augmentation du nombre des infractions sexuelles, plus particulièrement de
celles qui sont commises sur les mineurs, avait conduit, ainsi que je viens de
le rappeler, le précédent gouvernement à déposer un projet de loi. Je me
réjouis que vous ayez repris le principe de ce projet, mais je déplore qu'avec
le texte que vous nous soumettez vous ne soyez pas en mesure d'atteindre les
objectifs que vous vous êtes fixés, c'est-à-dire la prévention et le
renforcement de la protection des victimes.
En effet, tel qu'il nous a été transmis par l'Assemblée nationale, ce texte ne
met pas les soins médicaux au centre du dispositif et, par là même, n'apporte
pas une réponse adaptée au grave problème de la récidive.
Je regrette que vous ayez combattu, à l'Assemblée nationale, un amendement qui
aurait fait de l'injonction de soins une obligation lorsque l'expertise
médicale établissait que le patient était susceptible de suivre un traitement
médical. Cet amendement apportait une réponse au risque de récidive, risque
qu'il est de notre devoir de réduire au maximum.
Il ne s'agissait pas, d'ailleurs, d'une proposition contraire à notre droit
pénal, puisque l'article L. 132-45 du nouveau code pénal relatif à la mise à
l'épreuve permet d'obliger le condamné à se soumettre à des mesures médicales.
Il en est de même de l'article L. 132-26 sur le régime de semi-liberté. Ce
point étant fondamental, le groupe du RPR déposera un amendement instaurant une
obligation de soins.
En effet, je le répète, comment expliquer à l'opinion publique, aux parents
des victimes, qu'un condamné ne soit pas tenu de se faire soigner dès lors
qu'un expert médical a attesté qu'il était malade et qu'il pouvait faire
l'objet d'un traitement ?
Quelle serait notre responsabilité, mes chers collègues, si nous laissions
cette brèche dans notre législation ?
De même, nous ne pouvons que regretter la faible durée qui est prévue pour le
suivi sociojudiciaire, d'autant que, pour une majorité de médecins, les
délinquants peuvent redevenir aussi dangereux qu'avant dès qu'ils ont arrêté le
traitement. Aussi, je tiens à appuyer la volonté de notre rapporteur de porter
la durée de la peine de suivi socio-judiciaire au maximum à dix ans en cas de
délit et à vingt ans en cas de condamnation pour crime.
Nous ne pouvons également qu'approuver les propositions de la commission
tendant à alourdir les peines prévues en cas d'inobservation du suivi
socio-judiciaire.
En outre, je me réjouis que l'Assemblée nationale ait adopté certains des
amendements de nos collègues de l'opposition qui améliorent ce texte. Il en est
ainsi de la création d'un fichier national des empreintes génétiques des
condamnés pour crimes sexuels, de la suppression de la possibilité pour les
détenus qui suivent un traitement en prison de bénéficier d'une libération
conditionnelle, du fait de soumettre la sortie de l'hôpital psychiatrique des
criminels déclarés pénalement irresponsables à l'avis conforme d'une commission
composée d'un représentant de l'autorité administrative, de deux médecins, dont
un psychiatre, d'un magistrat et d'un médecin traitant.
Par ailleurs, vous me permettrez d'évoquer le dispositif proposé pour les
atteintes à la dignité de la personne commises en milieu scolaire, éducatif ou
sportif.
On peut considérer que ce dispositif est superfétatoire, puisque les
différentes incriminations prévues par le code pénal permettent d'atteindre
toutes les hypothèses visées, notamment la mise en danger d'autrui et les
violences. La Cour de cassation prend d'ailleurs en compte, ainsi que l'a
souligné notre excellent rapporteur M. Jolibois, le « choc émotif » causé par
des violences, même si elles n'ont pas occasionné de dommages directs pour la
victime.
En la circonstance, plus qu'un texte de loi, il faut une volonté de la part
des autorités qui sont investies de pouvoirs disciplinaires et qui ont toujours
la possibilité de saisir le procureur de la République aux fins de
poursuites.
Madame le ministre, le groupe du RPR votera ce projet de loi si les
amendements qu'il juge essentiels sont adoptés.
(Applaudissements sur les
travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, les
statistiques du ministère de la justice sont alarmantes ; elles montrent en
effet un accroissement particulièrement inquiétant de la délinquance sexuelle,
notamment à l'encontre des mineurs. En dix ans, de 1983 à 1993, ce type de
délinquance a augmenté de 25 %. Par ailleurs, 4 000 personnes ont été
incarcérées pour des infractions aux moeurs, soit 13 % de la population
carcérale.
Pourtant, parallèlement, on assiste à une augmentation constante de la
lourdeur des peines de réclusion criminelle, avec des taux de récidive qui sont
encore alarmants.
Constatant que la répression seule ne suffisait pas, votre prédécesseur,
madame le garde des sceaux, au mois de janvier de cette année, a pris
l'initiative de présenter un projet de loi dont l'objet était de prévenir,
autant que faire ce peut, la récidive des infractions commises par ce qu'il est
convenu d'appeler les « délinquants sexuels ».
Je suis satisfait que vous ayez souhaité reprendre, dans ses grandes lignes,
l'économie de ce projet qui instituait une nouvelle peine pour ce type de
délinquants. Votre prédécesseur l'avait appelée « peine complémentaire de suivi
médico-social » ; vous la qualifiez quant à vous de « peine de suivi
socio-judiciaire », ce que nous approuvons plus volontiers.
Si l'on cherche à soigner les troubles de la personnalité des délinquants
sexuels par un suivi médical durant un certain nombre d'années, il faut savoir
les incertitudes qui existent sur les traitements, sur leur diversité et leur
efficacité ; il faut également savoir l'absence de formation des médecins à ce
type de prise en charge, le manque de psychiatres et de travailleurs sociaux,
ainsi que de juges d'application des peines.
L'application de cette loi, donc de cette peine complémentaire de suivi
socio-judiciaire, se heurtera, par conséquent, à des difficultés de grande
ampleur.
Si le projet de loi emporte globalement mon adhésion, il impose néanmoins de
prévoir des moyens à la mesure des ambitions affichées. La prévention des
délits et crimes sexuels suppose en effet un effort financier de l'Etat. Pour
que cette nouvelle peine puisse avoir des effets positifs très significatifs,
l'Etat devra consentir des dépenses nouvelles.
J'aurais souhaité que l'on se penche d'aussi près sur le sort des enfants qui
ont subi des abus sexuels.
Chez les enfants victimes, le préjudice peut occasionner des troubles de la
personnalité, notamment des déficiences du langage, des incapacités dans le
comportement ou la communication, voire d'importants problèmes psychologiques.
De tels préjudices peuvent engendrer des handicaps longtemps, parfois tout au
long de la vie, et même transformer ces enfants en délinquants potentiels
lorsqu'ils ont été victimes de leurs parents ou de leurs proches.
Si l'on veut s'attaquer à la récidive des délinquants sexuels, il faut
empêcher parallèlement que les victimes, qui ont eu une sexualité perturbée
pendant de trop nombreuses années, ne deviennent elles-mêmes, plus tard, des
délinquants. Il s'agit là d'une forme de récidive qui se transmet par les
victimes.
Le préjudice subi est donc immense pour les enfants victimes. Il l'est aussi
pour les parents, qui, parfois, ne peuvent jamais s'en remettre.
Le projet de loi vise, en instituant la peine de suivi socio-judiciaire, à
tenter de soigner les délinquants, mais il n'évoque en aucun cas le suivi
médical des victimes. Ces dernières ont pourtant subi un traumatisme grave qui
les perturbera peut-être durant toute leur vie.
Vous avez estimé, madame le garde des sceaux, lors de l'examen de l'article 21
en première lecture à l'Assemblée nationale que la prise en charge à 100 % des
soins dispensés à tout mineur victime d'une infraction sexuelle, quel que soit
son âge, ainsi qu'aux parents et, éventuellement, aux frères et soeurs des
victimes, posait un problème de recevabilité financière. Cette réponse est
profondément regrettable.
Si la question de la recevabilité financière ne se pose pas pour soigner les
délinquants, elle doit encore moins se poser pour les victimes, surtout
lorsqu'une mère a perdu son enfant et que celui-ci a subi d'atroces sévices
sexuels avant d'être assasiné.
S'il est justifié que la collectivité protège ses enfants, il est tout aussi
justifié qu'elle contribue à les soigner et à les aider à s'épanouir, voire à
se réinsérer dans la société lorsqu'ils ont subi un traumatisme grave pouvant
les laisser sur le bord de la route, avec de graves problèmes psychologiques
qui deviendront le lourd fardeau de toute une vie.
Sur ce sujet-là, vous n'êtes pas laxiste, madame le ministre, et aucun d'entre
nous ne doit l'être.
Les délits et atteintes sexuelles contre les mineurs, particulièrement contre
les enfants, sont les plus odieux, les plus intolérables, les plus
insoutenables. Ne lésinons pas sur les moyens, y compris sur les moyens
financiers, pour les empêcher. C'est aussi l'avenir de notre société qui est en
jeu.
J'aurais souhaité que Mme le ministre chargé de la santé soit présente
aujourd'hui à vos côtés, madame le garde des sceaux, car elle est également
concernée par ce texte.
J'aimerais attirer votre attention, au vu des témoignages des services de PMI,
sur la situation intolérable qui suit le processus de signalement. Il peut, en
effet, se passer plusieurs mois avant que des mesures de protection ne soient
prises. Le travailleur social est dépositaire de l'information, sans moyen
d'action, et la famille n'est pas toujours informée de la procédure en cours ;
des dégâts physiques et psychologiques considérables peuvent ainsi se
poursuivre.
Un père incarcéré pour sévices est un agresseur ; mais sa famille, quant à
elle, nécessite un soutien spécifique : la mère est en position difficile et
les enfants deviennent des victimes de proximité.
L'ensemble de la famille nécessite une prise en charge thérapeutique. Celle-ci
ne doit pas se limiter aux enfants et aux adolescents. Chez l'adulte aussi, des
soins psychothérapiques seront longtemps nécessaires ; or il s'agit de soins
coûteux.
J'aimerais que vous attachiez un intérêt particulier aux structures
accueillant des enfants, en plus des institutions classiques d'hébergement. Les
centres de loisirs recrutent un encadrement de faible compétence, permettant la
promiscuité entre des personnalités qui peuvent être perverses et les enfants.
La vigilance du ministère de la jeunesse et des sports doit être exacerbée,
sans que soit remis en cause ce type d'activités, qui est par ailleurs fort
utile.
Le placement des enfants en familles d'accueil impose également aux services
départementaux de la protection de l'enfance la nécessité d'organiser une
formation pointue des travailleurs sociaux. Malheureusement, des familles
peuvent créer des situations à risques alors que la majorité d'entre elles,
bien sûr, font preuve de dévouement.
Le projet de loi voté par l'Assemblée nationale, qui crée un statut du mineur
victime, marque néanmoins une avancée.
Je ne peux ainsi qu'approuver la désignation d'un mandataire
ad hoc
chargé de représenter l'enfant au cours de la procédure.
Lorsque la défense des intérêts de l'enfant ne peut être assurée par ses
représentants légaux, un mandataire est choisi soit parmi les proches de
l'enfant, soit sur une liste de personnalités présentées par les associations
agréées pour la défense de l'enfance.
Pour conclure mon propos, madame le garde des sceaux, je voudrais exprimer ma
satisfaction de voir la pratique du bizutage enfin reconnue comme un délit.
C'est en effet la seule solution que l'on ait trouvée pour y mettre un terme
une bonne fois pour toutes.
Je tiens à saluer particulièrement le courage et la détermination de Mme Royal
sur ce sujet.
Il faut briser la loi du silence et faire évoluer les mentalités. En effet, là
aussi, trop d'adolescents ou d'adolescentes souffrent, et la mise en service du
numéro vert l'a bien prouvé. Là aussi, les traumatismes peuvent être graves
pour des jeunes garçons et des jeunes filles timides et complexés qui subissent
brimades et humiliations devant toute une classe.
De nombreux jeunes renoncent même à s'inscrire dans certaines grandes écoles
en raison des coutumes qui y prévalent à l'égard des bizuts.
Il faut absolument bannir cette violence morale et physique, qui peut aller
jusqu'à la perversion, et qui est incompatible avec les valeurs mêmes de
l'éducation.
Dans son « Bloc-Notes » du
Figaro littéraire
, François Mauriac écrivait
déjà, faisant référence à des incidents survenus dans plusieurs établissements,
en 1963, que « le sadisme apparaît à l'oeil nu dans ces sortes de plaisirs que
se donne à elle-même la jeunesse ».
Il est par ailleurs scandaleux d'entendre, à notre époque, un président de la
société des anciens élèves d'une grande école affirmer que « le but des
traditions est de créer une homogénéisation des comportements à l'arrivée et de
limiter les écarts de caractères ».
Il ne s'agit pas de provoquer un retour de balancier vers la pudibonderie et
l'émotivité exacerbée. Les rites ne peuvent s'inscrire que dans une société
tribale où l'initiation est un passage structurant. Le bizutage peut
disparaître, comme cela est le cas dans certaines universités, en faveur de la
fête. Il ne concerne en rien le respect des traditions.
L'esprit même de cette pratique est malsain et il n'est que temps d'en
réprimer les excès. Aux chefs d'établissement de faire leur devoir, en leur âme
et conscience. Mais en ont-ils tous la volonté ? Cette pratique du bizutage
dans de nombreux établissements est pour nous scandaleuse et peut être
assimilée, dans de trop nombreux cas, à des sévices sexuels.
Une nouvelle loi aura, sans doute, un effet psychologique sur les chefs
d'établissement qui ont fermé les yeux trop longtemps. Le danger, c'est que le
bizutage souterrain s'organise, y compris en dehors des établissements et, sur
ce point, il faudra être vigilant.
Madame le garde ses sceaux, le choix de retenir ce projet de loi dans vos
priorités éclaire votre sensibilité pour des souffrances souvent
insurmontables.
Il serait indécent que des excès de verbe, d'indignation ou de haine,
s'élèvent de cette tribune.
Vous avez le souci du traitement socio-judiciaire de ces actes de barbarie.
Nous souhaiterions que les victimes restent au centre de vos préoccupations.
Leurs cris étouffés, leurs blessures sans cicatrices sont, ce jour,
particulièrement en évidence.
Notre accompagnement juridique, social et politique ne sera jamais à la
hauteur. Il nous faut faire acte de prévention et de suivi, avec tenacité et
rigueur.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR, ainsi que
sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Revol.
M. Henri Revol.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, il est
des sujets graves qui nécessitent une mobilisation unanime, un débat
constructif et un consensus des acteurs de la vie politique, au-delà de tout
clivage idéologique. Tel est le cas aujourd'hui.
Le projet de loi relatif à la prévention et à la répression des infractions
sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes reprend, dans une large
mesure, le projet de loi présenté au mois de janvier 1997 par le gouvernement
d'Alain Juppé.
L'ambition de ce texte est grande mais l'enjeu est considérable. Les
infractions sexuelles sont des actes inqualifiables, humainement
insupportables. Par conséquent, aucune mesure pour les éviter ne peut être
négligée et écartée. Je suis convaincu que les travaux de la Haute Assemblée
traduiront ce souci commun de lutter contre ces abominables agissements et d'en
réparer au mieux les désastreuses conséquences. Sur les dispositions proposées,
je suivrai donc les propositions des rapporteurs.
Ce n'est pas sur le corps du texte que je développerai mon intervention ;
c'est sur un greffon, un appendice, à vrai dire subrepticement introduit sous
la forme de l'article 10 du projet de loi, tendant à créer un délit de
bizutage, que plusieurs orateurs avant moi ont évoqué.
Un professeur corrigeant une dissertation annoterait en marge : « hors sujet »
ou : « redondant avec le code pénal ».
Il n'est pas nécessaire, je pense, d'énumérer les articles du code pénal qui
permettent de sanctionner les abus et les éventuelles formes répréhensibles de
ces pratiques initiatiques et folkloriques appelées généralement « bizutage
».
Mon éminent collègue Charles Jolibois en a largement fait mention dans son
excellent rapport.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Merci !
M. Henri Revol.
L'avis du Conseil d'Etat rendu en août dernier sur le sujet va dans le même
sens. Ainsi a-t-il estimé que « l'objectif poursuivi » par l'article 10 du
projet de loi « devrait pouvoir être atteint en engageant des poursuites contre
les bizuteurs et non pas en créant une nouvelle incrimination difficile à
appliquer par le juge pénal ».
Enfin, est-il besoin d'évoquer l'arsenal juridique qui existe depuis 1928 et
qui interdit le bizutage ? Malgré les sanctions envisagées par divers textes de
1944, 1954, 1962, 1992 et 1993, cette tradition, en vigueur depuis des
décennies, persiste.
Il faut bien noter que les débordements sont rares et que, dans la très grande
majorité des cas, il s'agit de manifestations sympathiques marquant l'arrivée
de nouveaux élèves dans une communauté d'études spécialisées couronnant un
cursus scolaire secondaire, qui dirigera les élèves vers l'une des grandes
professions de notre société contemporaine.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire, dont
j'espérais la présence cet après-midi, à vos côtés, madame le garde des sceaux,
a voulu depuis longtemps éradiquer toutes ces pratiques dans les universités et
dans les grandes écoles. Elle s'est réjouie de la collaboration de son
administration avec les services du ministère de la justice pour aboutir à
l'introduction de cet article 10 dans le projet de loi.
Afin d'en justifier l'importance et pour éviter qu'il ne passe inaperçu, Mme
Royal a abondamment cité dans les médias, mais aussi à la tribune de
l'Assemblée nationale, un certain nombre de cas répréhensibles signalés par des
témoignages téléphoniques - grâce au numéro vert - ou écrits. Il semble que,
dans ces citations, aient été particulièrement désignées, en faisant l'amalgame
avec le bizutage, les « traditions » pratiquées dans les divers centres de
l'Ecole nationale supérieure d'arts et métiers, l'ENSAM.
Mme le ministre Ségolène Royal a notamment porté une grave accusation contre
l'ENSAM lors de son intervention à l'Assemblée nationale le 30 septembre
dernier, en citant la lettre d'une institutrice dénonçant les sévices qu'aurait
endurés son fils entré au centre de Lille en 1981 et qui seraient, d'après
elle, responsables de la dépression et, plus tard, du décès par overdose de ce
jeune homme.
Cette citation d'une accusation sans preuve est un fait extrêmement grave, que
l'ENSAM serait en droit de poursuivre devant les tribunaux. Je m'étonne qu'un
ministre de la République puisse utiliser à son profit les mêmes méthodes
d'accusation sans preuves que celles de journalistes sans scrupule, tels ceux
que nous avons vus récemment à l'oeuvre dans la mise en cause d'anciens
ministres.
D'après les renseignements que j'ai recueillis à bonne source, la réalité
serait tout autre que celle qui a été relatée par cette institutrice, dont je
comprends certes la douleur, mais que, justement, cette douleur a égarée.
Il en va de même, madame Dusseau, des faits auxquels vous avez fait allusion
et qui concernaient des élèves allemands du centre franco-allemand de l'ENSAM
de Metz. Je vous invite à affectuer vous-même une vérification, ce que j'ai
fait. La relation produite par les médias est sans fondement.
Sur les instructions du ministre de l'éducation nationale, M. Allègre, sur la
foi de prétendues plaintes d'élèves ou de parents, le directeur général de
l'ENSAM a fait fermer deux centres, celui de Lille et celui de Cluny, à compter
du 14 octobre dernier. Cette mesure arbitraire, qui frappe les élèves
ingénieurs de première et de deuxième année, porte un grave préjudice à ces
jeunes gens en interrompant leur formation et en faisant peser sur eux une
suspicion inadmissible.
En effet, malgré les demandes réitérées de la Société des anciens élèves à la
direction générale de l'école pour obtenir copie des prétendues plaintes et du
rapport des inspecteurs généraux qui ont visité les centres concernés, aucune
communication de ces documents n'a pu être obtenue.
Devant cette situation, le 23 octobre dernier, 2 500 élèves de l'ENSAM, sont
venus de tous les centres pour manifester devant l'hôtel Matignon, sans
d'ailleurs, notons-le bien au passage, que la moindre mention de cet événement
n'ait été faite dans les médias pourtant habituellement si empressés à nous
montrer divers groupes de quelques dizaines d'individus pancartes à la main.
D'après ce que m'ont rapporté des témoins, à l'issue de cette manifestation,
un protocole d'accord a été signé entre les représentants des élèves et la
direction générale de l'ENSAM, représentée par son directeur général adjoint.
Hélas ! dès le lendemain, le directeur général remettait en cause cet accord,
une situation de blocage de plus en plus intolérable s'ensuivant.
Gadz'arts moi-même, et fier de l'être, je vous demande solennellement, madame
le garde des sceaux, d'intervenir auprès de votre collègue M. Allègre afin
qu'il donne toutes instructions pour une réouverture immédiate des centres de
Lille et de Cluny de l'ENSAM, cela sans conditions, pour que le calme revienne
et que la formation des élèves ingénieurs se poursuive normalement.
On peut s'interroger sur les motivations de Mme Ségolène Royal lorsqu'elle
fait de l'ENSAM la cible de ses attaques contre le bizutage, quand on sait que,
depuis longtemps, la communauté Arts et métiers a su parfaitement organiser
l'intégration des nouveaux élèves. Je vous invite, monsieur Lorrain, à venir,
en ma présence si vous le souhaitez, visiter ces établissements.
M. François Autain.
A Lille !
(Sourires.)
M. Henri Revol.
Vous verrez que l'intégration des nouveaux élèves se fait à l'occasion de
traditions qui, en quelques semaines, créent des promotions solidaires,
capables ensuite de se réaliser dans des activités collectives pratiquées avec
une efficience d'ailleurs étonnante, dans des domaines qui incluent aussi bien
la promotion de la technologie que des activités humanitaires : ingénieur sans
frontières, opérations « gazole » pour Gadz'arts solidaires, missions d'aide
aux classes primaires défavorisées et beaucoup d'autres actions.
Cette activité d'intégration, dont il faut souligner qu'elle est librement
consentie, n'est pas figée ; au contraire, elle est suivie et contrôlée. Le
conseil d'administration de l'école a mis en place un observatoire des
traditions dans chaque centre, observatoire qui regroupe tous les partenaires :
direction, professeurs, personnels non enseignants, élèves, anciens élèves et
personnalités extérieures.
On peut s'interroger encore plus sur la hargne avouée de Mme Ségolène Royal
contre la société des anciens élèves de l'ENSAM, laquelle regroupe 27 000
membres. Cette association est l'héritière d'une culture qui agrège ses membres
autour de valeurs relatives à la compétence professionnelle : sens du concret,
de la réalisation, de l'innovation et de valeurs humaines ; sens de l'équipe,
respect d'autrui, capacité d'écoute, tolérance, don de soi, solidarité,
éthique, engagement collectif.
Les adhérents de la société constituent un tissu industriel inestimable pour
la connexion de l'école avec la réalité économique. Pour preuve de l'adaptation
de l'école aux besoins de notre économie, faut-il préciser que le taux de
chômage des ingénieurs qui en sont issus est le plus faible de la profession
?
M. François Autain.
Il s'est trompé de débat !
M. Henri Revol.
La société des anciens élèves de l'ENSAM a de tout temps eu un rôle novateur.
Elle a inventé la formation internationale des Gadz'arts en jouant un rôle
déterminant dans la création à Bordeaux d'un cursus franco-ibérique et dans la
création à Metz d'un cursus franco-allemand.
Madame le garde des sceaux, comme vous, comme nous tous, je dénonce les excès
qui, de temps en temps, peuvent se produire dans les pratiques dénommées
bizutage. Comme vous, je souhaite que les auteurs en soient punis. Mais
appliquons la loi : elle existe !
Et, de grâce, ne généralisons pas, ne faisons pas l'amalgame entre les
pratiques répréhensibles et les processus d'intégration parfaitement encadrés
et librement acceptés ! De grâce, aidez à mettre fin à ce faux procès contre
l'ENSAM. Cette grande école doit retrouver la paix et la sérénité.
Il n'est pas inutile de rappeler que le recrutement, dans cette école, s'est
toujours pratiqué majoritairement dans les couches populaires de la nation, et
que cette école, nul ne le conteste, est un instrument irremplaçable de
promotion sociale dans l'enseignement technique supérieur.
Dans la mesure où l'arsenal législatif pour lutter contre les excès du
bizutage existe déjà dans notre droit, je me félicite, mes chers collègues, que
notre commission des lois propose la suppression de l'article 10 du projet de
loi.
Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, j'espère que notre Haute
Assemblée aura la sagesse de suivre cet avis.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et des
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que
nous examinons aujourd'hui est particulièrement important, car il aborde un
sujet sensible par ses implications familiales et sociales souvent dramatiques,
et un sujet encore trop souvent occulté puisque, comme vous l'avez rappelé,
madame la ministre, dans votre déclaration liminaire, le nombre de personnes
victimes de violences sexuelles a toujours tendance à être sous-estimé.
L'ampleur et la gravité de ce problème ont été tragiquement illustrées en
Belgique et, plus récemment, en France, avec la mise en évidence de réseaux
d'exploitation sexuelle.
Depuis ces événements, il semble que le silence social qui pesait sur un grand
nombre de violences sexuelles soit en train de se rompre. Des victimes,
jusqu'alors murées dans leur secret, ont pu enfin retrouver la parole.
Répondant à une forte attente de l'opinion publique, ce projet de loi comprend
un grand nombre de novations en ce qui concerne tant la prévention et la
répression des infractions sexuelles que la protection des victimes. Votre
texte, madame la ministre, constitue une réelle avancée dans la répression des
violences sexuelles et propose un arsenal législatif spécialement adapté aux
mineurs. Le groupe socialiste ne peut que s'en féliciter.
Avec l'instauration d'un « suivi socio-judiciaire », assorti d'une injonction
de soins, les agresseurs d'enfants pourront désormais être soumis à de
nouvelles interdictions visant à leur éviter le contact avec les mineurs dans
leurs activités professionnelles, bénévoles ou de loisir. Compte tenu du risque
toujours possible de récidive, cette disposition est particulièrement
opportune.
Nous devons vous féliciter, madame la ministre, d'avoir écarté l'obligation de
soins que prévoyait le texte initial, rendu caduc par la dissolution de
l'Assemblée nationale, car il est établi qu'on ne peut soigner, avec quelque
chance de succès, que les personnes qui le souhaitent. La réussite de ce type
de traitement requiert, en effet, la coopération et la participation active du
patient.
Mais il ne convient pas pour autant, comme l'indique une étude récente,
d'attendre une demande de soins psychiques. Encore faut-il savoir
impérativement la susciter.
Parallèlement, l'arsenal répressif s'est étoffé.
Quatre nouvelles dispositions ont retenu mon attention.
Premièrement, les peines encourues pour les « atteintes sexuelles sur mineurs
commises sans violence » sont portées de deux à cinq ans et de 200 000 à 500
000 francs, plus encore en cas de circonstances aggravantes. Un article précise
par ailleurs que l'utilisation des réseaux de communication constitue une
circonstance aggravante.
Un délit sur le bizutage est créé.
Certes, le bizutage, notamment dans les dérives auxquelles il donne lieu, peut
constituer une atteinte à la dignité de la personne, car il comporte de
multiples humiliations et, malheureusement, parfois aussi des agressions à
caractère sexuel.
Cependant, il semble bien que la création de ce délit puisse donner lieu à des
interprétations diverses puisque certains juristes l'estiment redondant, voire
inutile.
Pour ma part, son maintien ne me gênerait pas outre mesure, d'autant que, sur
l'initiative de mon collègue et ami Michel Dreyfus-Schmidt, le groupe
socialiste proposera une disposition alternative qui, je l'espère, pourra
rallier la majorité de notre Haute Assemblée.
A défaut, il faudrait à tout le moins, à l'avenir, poursuivre la campagne
anti-bizutage engagée cette année par Mme le ministre délégué chargé de
l'enseignement scolaire, campagne dont l'efficacité ne me semble pas pouvoir
être mise en doute.
L'article 14 complète les dispositions concernant le tourisme sexuel. En
effet, un trop grand nombre de Français et de personnes résidant en France,
auteurs de déli ou de crimes à caractère sexuel perpétrés à l'étranger contre
des mineurs, se trouvaient encore protégés des lois françaises. Désormais, ce
ne sera plus le cas. Ainsi pourront être identifiés des hommes qui commettent
peut-être le même type de délits sur notre territoire.
L'article 7 améliore la définition du harcèlement sexuel en faisant référence
à des « pressions de toute nature » et non plus seulement à l'utilisation «
d'ordres, de menaces ou de contraintes ». Cette disposition met en concordance
le code pénal avec le code du travail, puisque ce dernier inclut déjà les «
pressions de toute nature ». Il rend plus cohérent l'ensemble de la législation
en matière de harcèlement sexuel.
Mais la principale innovation de ce texte réside dans la mise en place d'un
véritable droit des victimes mineures.
Le report des délais de prescription pour les crimes et délits commis par
quelque personne que ce soit en est l'un des points forts. Le nouveau délai
commencera à courir à compter de la majorité de la victime et non plus de la
date des faits. La loi de 1989, complétée en 1995, avait déjà instauré ce
délai, mais uniquement pour les violences sexuelles perpétrées par des
ascendants ou des personnes ayant autorité. Grâce à ce projet, le report à la
majorité sera de mise pour toute agression sexuelle commise par quiconque, que
ce soit un frère, un voisin, un oncle, un cousin... Nous savons très bien que
les victimes ont beaucoup de difficulté à parler, tant le silence qui entoure
le viol est prégnant. La honte et la culpabilité enferment les enfants dans le
mutisme. Les refoulements sont très fréquents, les souvenirs ne réapparaissant
parfois que des années après. Compte tenu de la gravité des faits et des
récidives possibles, ce nouveau report de prescription est pleinement
justifié.
La motivation des classements sans suite est aussi l'un des aspects importants
de ce nouveau droit des enfants victimes. Les affaires d'agressions sexuelles
sont complexes à traiter, puisque rares sont les preuves tangibles, surtout
lorsqu'il s'agit d'enfants ; l'autorité est l'arme essentielle qui paralyse
sans laisser aucune trace. C'est ainsi que de nombreux dossiers sont classés
sans suite. La demande de motivation devrait donc permettre à la fois d'éviter
des classements hâtifs et de donner une explication à la victime et à sa
famille.
L'avertissement du procureur envers la victime devra dorénavant être précisé
par écrit. Dans la pratique, les procureurs attendent que les victimes se
manifestent pour les informer du classement sans suite de leur plainte. La
moindre des choses n'est-elle pas de les avertir de la suite de l'affaire
qu'elles ont portée en justice ? Cette disposition met fin à une situation qui
ne prenait pas suffisamment en compte l'intérêt des victimes.
La prise en charge à 100 % des soins des enfants victimes est aussi une mesure
indéniablement positive. Les conséquences psychologiques sont telles que
l'enfant doit, très souvent, suivre une psychothérapie ou un traitement
médicamenteux. La société se doit de prendre en charge ces divers soins : il
s'agit là d'une mesure de justice sociale.
On peut toutefois se demander s'il revient bien à la sécurité sociale de
supporter cette nouvelle dépense. C'est pourquoi, madame la ministre, le groupe
socialiste se montre tout à fait solidaire de votre projet.
Il convient néanmoins d'émettre quelques observations. C'est ce que je ferai
maintenant.
Je regrette tout d'abord que ce projet de loi n'ait pas mieux pris en compte
la protection des victimes adultes. N'oublions pas que plus de la moitié des
victimes d'agressions sexuelles sont adultes et que 90 % d'entre elles sont des
femmes. Les magistrats comme l'opinion publique sont, aujourd'hui plus que
jamais, davantage sensibilisées aux agressions commises sur les enfants que sur
celles commises sur les adultes. Le nombre respectif de condamnations l'atteste
: les violeurs d'adultes sont environ quinze fois moins condamnés que les
violeurs d'enfants.
L'affaire belge a suscité de nombreuses initiatives législatives dans toute
l'Europe, ainsi qu'un fort mouvement d'opinion en faveur de l'enfance
maltraitée. Voilà qui est bien légitime : l'inquiétude, l'intérêt et la
vigilance à l'égard de toutes les violences sexuelles contre les enfants ne
doit en aucun cas faiblir. Néanmoins, est-il nécessaire de distinguer de façon
aussi nette, comme on le fait souvent, tant dans les discours que dans les
textes législatifs, les enfants des adultes ? On invoque avec raison «
l'innocence » et la « faiblesse » des enfants. Mais faut-il pour autant
considérer que le cas des adultes est moins grave ? Certains seraient tentés de
le penser au motif qu'ils sont capables de se défendre. Pourtant, leur parole
est-elle réellement plus suspecte, leur douleur moins digne d'intérêt ? Je me
garderai, bien entendu, de répondre à cette question délicate et difficile.
Faut-il rappeler que les traumatismes du viol sont multiples et complexes ? La
façon dont une victime peut vivre, ou plutôt tenter de revivre après un viol
dépend d'un grand nombre de facteurs.
L'agression sexuelle est d'abord un acte de domination et d'humiliation dont
la sexualité est le vecteur ; touchant à l'intimité de l'individu, elle est la
plus destructrice.
Les conséquences psychologiques sur les victimes ne touchent pas qu'à la
sexualité, loin de là : dévalorisation de soi, culpabilité, honte,
somatisations diverses, cauchemars, phobies, anorexie, boulimie, etc... ; tel
est le lot de celles et de ceux qui sont victimes d'agressions sexuelles. La
prise en compte juridique, l'écoute de l'entourage sont autant de facteurs qui
influent sur la reconstruction psychologique souvent lente de la victime.
Au regard de toutes ces considérations, peut-on affirmer sans risque de se
tromper qu'une agression dans l'enfance aura des conséquences plus graves qu'un
viol à l'âge adulte ? Je n'en sais rien. L'expérience du collectif contre le
viol, qui s'occupe à la fois des enfants et des adultes victimes - ces
dernières étant, rappelons-le, majoritairement des femmes - semble montrer que
la réponse est loin d'être évidente.
Mais ne faisons pas de comparaisons vaines et inutiles ... Considérons
simplement que les victimes adultes vivent, elles aussi, des douleurs
insoutenables, des traumatismes de toute nature. Elles ne peuvent être les
oubliées d'un texte sur les violences sexuelles.
Les mesures que vous nous soumettez sont positives, madame la ministre ; mais
pourquoi en limiter le bénéfice aux seuls mineurs ? Il était bien sûr important
de mettre en place certaines dispositions spécifiques, comme la nomination d'un
administrateur
ad hoc
ou l'aggravation des peines encourues par les
agresseurs d'enfants ; mais bien d'autres mesures pourraient concerner aussi
les victimes adultes : je pense, par exemple, à la motivation des classements
sans suite ou encore au remboursement intégral des soins. Mais nous reviendrons
sur ces points lors de la discussion des amendements.
Par ailleurs, ce texte soulève un certain nombre d'interrogations qui restent
aujourd'hui sans réponse.
Pourquoi des hommes se livrent-ils à des agressions sexuelles ? Telle est la
question centrale qui laisse perplexes à la fois l'opinion publique et les
spécialistes. Une réponse unique n'est en aucun cas satisfaisante. Par
ailleurs, l'expérience québécoise montre qu'il faut rester prudent sur l'issue
des thérapies, quelles qu'elles soient. Les psychiatres et les acteurs sociaux
s'accordent pour affirmer qu'il y a plusieurs types de violeurs et qu'ils ne
sont pas tous des malades mentaux.
Les psychiatres se sont élevés, en temps utile, contre une peine de thérapie
obligatoire. En effet, je le répète, on ne peut soigner les agresseurs que
s'ils le souhaitent et que s'ils reconnaissent que leur état est dangereux.
Mais, pour les autres, qu'en est-il ? Les psychiatres ne nous proposent pas
véritablement de réponse satisfaisante. Alors, que faire ?
Peut-être - c'est une suggestion que je vous fais, madame la ministre - le
Gouvernement pourrait-il prendre l'initiative de créer un pôle de recherche sur
cette question. Il comprendrait, outre des thérapeutes, différents acteurs
sociaux : des criminologues, des sociologues, des représentants des
associations de victimes, des juristes. Ce groupe de recherche, par son
caractère pluridisciplinaire, serait peut-être mieux à même d'appréhender la
complexité et la diversité des agressions sexuelles et de leurs auteurs qu'un
praticien, si compétent soit-il, exerçant dans l'isolement.
Ces recherches pourraient d'ailleurs contribuer à faciliter l'élaboration des
politiques de prévention. Vous avez déjà, madame la ministre, en collaboration
avec Mme la ministre déléguée à l'enseignement scolaire, oeuvré avec beaucoup
d'opportunité dans ce domaine, et ce dès votre arrivée. La circulaire d'août,
la mise en place du numéro vert SOS-bizutage et vos diverses interventions
publiques sont autant de mesures positives qui semblent avoir déjà porté leurs
fruits. Il faut s'en réjouir. Le Gouvernement doit poursuivre ses efforts dans
ce sens. Mais ne pourrions-nous pas généraliser ces campagnes de
sensibilisation et de prévention à toutes les violences sexuelles, qu'elles
soient perpétrées sur les enfants ou sur les adultes ?
En ce qui concerne maintenant la formation des divers acteurs amenés à
rencontrer les victimes lors de la procédure, des programmes de formation
existent déjà et ont permis une nette amélioration. Je pense notamment à
l'accueil des victimes dans les commissariats. Cependant, il reste beaucoup à
faire, tant certains préjugés persistent dans l'esprit des hommes et des femmes
qui, dans l'exercice de leurs fonctions, doivent pouvoir mieux prendre en
compte la détresse des victimes.
Il conviendrait, par exemple, de considérer avec plus de sérieux les
dépositions de personnes handicapées mentales, dont on sait qu'elles sont
particulièrement exposées à ce genre de sévices. Il conviendrait également
d'améliorer encore la qualité des interrogatoires, tant le dialogue avec les
victimes est délicat : une déposition pour viol ne saurait être reçue dans les
mêmes conditions qu'une plainte pour cambriolage.
Ces efforts de sensibilisation au caractère spécifique des violences sexuelles
doivent aussi concerner les juges. En prenant mieux en compte la lourdeur de la
procédure pour les victimes, ils devraient tendre à réduire au strict
nécessaire les actes de procédure.
Enfin, les formations doivent aussi concerner le personnel des services
d'urgences médico-judiciaires ainsi que les experts psychiatres chargés
d'examiner les victimes.
J'évoquerai maintenant la prise en charge des agressions sexuelles, qui nous
semble importante pour plusieurs raisons : d'abord, parce que nous sommes
garants des libertés de chacun de nos concitoyens et de leur protection ;
ensuite, parce que c'est un devoir de solidarité envers la détresse et le
désarroi des victimes et de leur famille ; enfin, dans une moindre mesure,
parce que ces agressions coûtent très cher à la collectivité. Evoquons
simplement le prix des internements des condamnés, le coût que représentent,
pour la collectivité, les conséquences psychopathologiques supportées par les
victimes et leur famille, les éventuels arrêts de travail. Ces coûts sont
élevés et c'est toute la société qui les assument. C'est pourquoi s'investir et
investir dans une véritable politique de prévention peut représenter à terme un
réel bénéfice pour la société tout entière.
Il est devenu nécessaire et urgent de prendre en compte cette attente sociale,
ne serait-ce que pour éviter qu'elle ne donne lieu, comme dans l'affaire de
Boulogne-sur-Mer, par exemple, à des récupérations politiques dont on sait à
qui elles profitent et ce qu'elles dissimulent.
En ce sens, votre projet de loi, madame la ministre, nous semble être une
réponse adaptée et conforme aux valeurs de nos sociétés démocratiques. Voilà
qui devrait contribuer à faire évoluer les mentalités. C'est pourquoi, madame
la ministre - ai-je besoin de vous le dire ? - le groupe socialiste votera
votre texte.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen. - Mme Dusseau applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues,
intervenant le dernier dans la discussion générale, je serai bref, les
précédents orateurs ayant déjà abordé de nombreux points.
Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des dispositions du projet de loi,
excellement présentées par MM. Jolibois et Bimbenet. Je me bornerai à apporter
quelques compléments.
Je m'attarderai un peu sur l'aspect juridique du problème, l'aspect social
ayant été largement développé par un certain nombre de nos collègues.
Devant l'augmentation inquiétante du nombre d'infractions sexuelles qui
concernent surtout les mineurs, il était nécessaire de légiférer, et cela
d'autant plus que les médias relatent volontiers ces cas horribles, en s'y
attardant souvent plusieurs semaines.
Ainsi, madame le garde des sceaux, vous avez été conduits, votre prédécesseur
et vous-même, à revoir la législation dans ce domaine.
Il faut rappeler que l'aggravation des peines requises contre la délinquance
et la criminalité sexuelle avait été prévue lors de la réforme du code pénal.
Ceux qui ont participé à son élaboration s'en souviennent.
La loi du 1er février 1994, qui a prévu une peine incompressible pour les
crimes les plus graves, allait dans le même sens. Il était apparu que certains
criminels devaient subir une peine incompressible en raison de leur
dangerosité.
J'ai noté que le titre du projet de loi tel qu'il a été adopté par l'Assemblée
nationale ne correspond pas tout à fait à son contenu. Il s'agit non pas de
prévention des crimes et délits sexuels, mais de prévention de la récidive. Par
ailleurs, est mentionnée la protection des mineurs victimes, mais c'est de la
protection des mineurs en général qu'il est question.
Pour répondre à ces objectifs, il est envisagé une nouvelle catégorie de
peines ou de modes d'exécution de la peine : le suivi sociojudiciaire.
Le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale a écrit dans son
rapport que c'est une mesure
sui generis,
qui emprunte à la fois au
sursis avec mise à l'épreuve, à la libération conditionnelle et au contrôle
judiciaire. C'est dire que, pour définir les contours exacts de ce suivi
sociojudiciaire et pour créer des outils juridiques nécessaires, à sa mise en
oeuvre, il faut créer ou modifier pas moins de cinquante articles du code pénal
ou du code de procédure pénale, ce qui démontre la difficulté de la tâche.
Avant tout commentaire sur le contenu de cette nouvelle peine, il faut
apprécier la pertinence de la solution proposée, solution qu'un certain nombre
de pays ont tenté de mettre en oeuvre ou se proposent de mettre en oeuvre.
La plus ancienne expérience, menée au Canada, semble ne pas avoir vraiment
diminué la récidive. De nombreux experts ont noté que les auteurs d'infraction
sexuelle nient souvent leur responsabilité et utilisent tous les moyens pour
éviter la prison en cherchant à manipuler les procédures de soins et
d'assistance. Il est donc nécessaire de prendre des précautions pour que ces
mesures aient une réelle efficacité ; je crois que le projet de loi y
parvient.
Le suivi socio-judiciaire est bien présenté comme une peine complémentaire :
on parle de personnes condamnées. Cependant, on peut douter de sa nature
juridique lorsqu'on lit dans le projet de loi qu'il comprend également des
mesures « d'assistance destinées à prévenir la récidive ». Que l'assistance
devienne une peine, voilà qui est très intéressant !
En effet, il existe de vraies peines complémentaires : l'interdiction
d'exercer certaines professions ou l'interdiction de fréquenter certains lieux
ou milieux.
Les interrogations concernant la durée du suivi socio-judiciaire sont
également révélatrices du caractère hybride de cette mesure. Puisqu'il s'agit
d'une peine, cette durée est, bien entendu, fixée lors de la condamnation. Or,
parfois, elle ne s'appliquera que dix ans plus tard, ou vingt ans plus tard si
les propositions de la commission des lois sont adoptées. Certes, le juge
d'application des peines peut moduler cette durée, mais l'ambiguïté demeure
entre la notion de suivi et celle de peine.
Par ailleurs, le suivi socio-judiciaire peut même être une peine principale,
ou une alternative à l'incarcération - solution qui me paraît préférable -, ce
qui pose un vrai problème puisque, dans ce cas, l'injonction de soins semble
devoir s'imposer. Or, on le sait, on ne peut forcer quelqu'un à se soigner. Il
faut donc souhaiter que l'appréciation de la volonté du condamné de se
réinsérer socialement soit réelle et vérifiée pour que la mesure soit suivie
d'effet.
Il est vrai, et les spécialistes semblent d'accord sur ce point, qu'un suivi
socio-judiciaire peut avoir une certaine efficacité, à condition d'être
sérieusement contrôlé. Il pourrait donc répondre aux reproches de l'opinion
publique au sujet de ces délinquants sexuels, auteurs de délits parfois
mineurs, qui deviennent des récidivistes, voire pire, des criminels, parce
qu'on n'a pas assuré un suivi criminologique. C'est pourquoi, malgré ces
interrogations réelles, il convient de suivre les conclusions de la commission
des lois.
Cela dit, ainsi que vous l'avez souligné, madame le garde des sceaux, il ne
faut pas tomber dans un pessimisme exagéré, car l'augmentation du nombre de cas
signalés d'abus sexuels contre des mineurs résulte sans doute des mesures qui
ont été prises pour améliorer la révélation des faits, notamment la loi de
1989.
De plus, la coopération existante dans ce domaine - et je peux vous assurer
qu'elle fonctionne bien dans le département de Seine-et-Marne - entre les
parquets, les conseils généraux et l'éducation nationale permet, surtout dans
le milieu familial et dans les établissements scolaires, de mettre fin au
martyre que subissent les enfants victimes d'abus sexuels.
La récidive est significative, certes, mais les délinquants, souvent, ne sont
malheureusement déférés à la justice qu'après la répétition de nombreuses
infractions ; d'où l'importance de la prévention.
J'en viens à quelques dispositions concrètes du projet de loi et tout d'abord
à l'article 18
ter,
qui allonge le délai de prescription à dix ans pour
certains délits.
En tant que législateur, nous devons respecter certains principes. On ne peut
impunément remettre en question la règle fondamentale de différenciation entre
les délits et les crimes en matière de prescription, surtout si le code de
procédure pénale et le projet de loi lui-même prévoient déjà un renforcement
pour les délits commis contre des mineurs en ne faisant courir le délai de
prescription qu'à partir de la majorité.
Il m'apparaît que cette indifférenciation du délit et du crime va à l'encontre
de toute la démarche pénale de rigueur et de codification.
L'article 10 crée une incrimination spécifique pour le bizutage. Bien entendu,
nous sommes tout à fait hostiles au bizutage et je m'aperçois que nos deux
collègues qui ont plaidé cet après-midi pour l'institution d'un délit de
bizutage sont tous deux médecins.
Je crois, madame le garde des sceaux, que M. le secrétaire d'Etat à la santé
devrait veiller spécialement à l'interdiction du bizutage dans les facultés de
médecine. Peut-être en a-t-il lui-même été victime à un moment quelconque de
ses études !
Les cas visés constituent déjà des infractions pénales : violences, menaces,
atteintes sexuelles ou toutes violences ayant entraîné une incapacité de
travail inférieure ou égale à huit jours ; et ne parlons pas du délit de mise
en danger de la personne ! Ce serait donc, à mon sens, une erreur de charger
inutilement le code pénal d'un délit indéfini ou comportemental, comme le
notait très justement notre rapporteur.
Nous ne le dirons jamais assez : appliquons les textes avant de vouloir les
modifier ou les compléter.
Quant aux cas restants, pour ce qui est du bizutage, ils relèvent du droit
disciplinaire, certainement pas du droit pénal.
S'agissant de l'article 19, le texte proposé pour l'article 706-52 du code
pénal m'a causé, je l'avoue, une certaine surprise.
Ce texte conditionne les cas où le juge d'instruction procède aux auditions et
aux confrontations de mineurs victimes à un objectif de manifestation de la
vérité. Mais toute la procédure judiciaire ne vise-t-elle pas à la
manifestation de la vérité ? Existe-t-il des cas dans lesquels le travail du
juge d'instruction, notamment lors des auditions, a d'autres objectifs que la
manifestation de la vérité ?
Une telle disposition me paraît relever de la circulaire. Dans un texte de
loi, elle semble non seulement inutile mais encore dangereuse, compte tenu des
multiples contestations auxquelles son interprétation ne manquerait pas de
donner lieu.
Il s'agit de garder clairement à l'esprit qu'on ne légifère pas ainsi ; on
légifère à partir d'un ensemble de textes déjà votés et codifiés qui forment un
ensemble cohérent.
Avant de conclure, je soulèverai à mon tour un problème de taille, celui de la
mise en oeuvre du projet de loi.
Il est tentant, pour résoudre les problèmes de notre société, de légiférer et,
particulièrement en matière de justice, de créer de nouvelles infractions ou de
multiplier les modifications des textes en vigueur. Mais il faut se méfier
d'une législation excessive et rejeter les projets irréalisables. Je pourrais
d'ailleurs rappeler quelques réformes - parfois avortées - de la procédure
pénale qui n'ont pu être mises en oeuvre faute de moyens.
Par exemple, en ce qui concerne les criminels sexuels, le placement
obligatoire en établissement spécialisé n'a en fait, aujourd'hui, aucune
réalité.
Notons au passage que l'affectation des juges de l'application des peines ne
tient guère compte de la répartition des centres de détention. On nous a
indiqué, lors des auditions de la commission, que certain juge d'application
des peines à temps partiel avait en charge un centre de détention de 800
détenus ! Cela paraît complètement aberrant !
Si l'on ne trouve pas les moyens appropriés, il ne pourra y avoir de mise en
oeuvre rapide du suivi socio-judiciaire.
Nous souhaitons donc connaître les moyens nouveaux nécessaires à la mise en
oeuvre de la législation qui nous est soumise. Je dois dire que l'étude
d'impact ne nous a pas complètement éclairés.
Pour conclure, je voudrais rappeler combien des sujets tels que celui des
infractions sexuelles ayant des mineurs pour victimes sont complexes et
terribles. Parce qu'ils touchent aux fondements de la morale et de notre
société, ils imposent une particulière vigilance.
La précipitation et l'empressement nous font parfois passer à côté de
l'essentiel ; il convient de bien analyser et de comprendre avant d'agir.
Je suis heureux que ce texte ait évité un certain nombre d'écueils et qu'il
ait été l'occasion d'une réflexion approfondie. En particulier, il est
important que la victime, l'enfant, n'ait pas été négligée, comme cela a pu
être le cas pendant très longtemps. Souvent, les victimes n'ont pas été
suffisamment prises en considération par la procédure judiciaire.
De tels comportements doivent amener chacun à se poser des questions quant à
la place respective des enfants et des adultes dans notre société et quant à
l'image qu'on en donne à tout moment et à tout va.
C'est pourquoi la prévention et l'éducation sont plus que jamais
indispensables, voire primordiales. Mais, madame la garde des sceaux, ce n'est
plus la seule affaire de la justice !
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste. - M. le rapporteur applaudit également.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je voudrais d'abord saluer l'excellent travail réalisé par le Sénat
et en remercier tout particulièrement le rapporteur, M. Jolibois, le rapporteur
pour avis, M. Bimbenet, ainsi que le président de la commission des lois, M.
Jacques Larché.
Les améliorations que le Sénat souhaite apporter à ce texte vont nous
permettre, je le crois, d'accomplir une oeuvre législative marquante, à la
mesure de la gravité du sujet dont il s'agit.
Je voudrais également remercier ceux qui sont intervenus cet après-midi du
soutien qu'ils ont généralement apporté à ce projet.
Pour la plupart d'entre vous, vous avez su montrer combien il importait que la
réprésentation nationale se retrouve unie pour dire la réalité de ce qui se
passe en matière de délinquance et d'agressions sexuelles. Vous avez évité les
exagérations, les outrances.
Dans cette affaire, il convient en effet de regarder la réalité en face, sans
la minorer, mais sans non plus faire appel à des craintes irraisonnées ou à des
fantasmes de toutes sortes.
Je vous sais gré, en particulier, d'avoir reconnu que nous ne pouvions pas
offrir, par ce texte, le remède miracle à la récidive. C'est tout à l'honneur
de la représentation nationale de distinguer, en l'état actuel de nos
connaissances, compte tenu des progrès scientifiques, ce qui peut être fait
aujourd'hui et ce qu'il reste difficile de faire.
Les travaux de la commission et notre discussion ont montré que ce texte
pouvait être amélioré. Bien sûr, il demeure quelques points sur lesquels le
Gouvernement et le Sénat ne sont pas parfaitement en accord : les
responsabilités de la commission chargée de l'hospitalisation psychiatrique ;
le remboursement à 100 % des soins pour tous les mineurs victimes d'infractions
sexuelles, voire pour une partie de leur famille ; le délit de harcèlement ; le
bizutage.
Ce sont là, à mes yeux, les quatre principaux points sur lesquels nous allons
devoir poursuivre nos discussions, afin de parvenir, je l'espère, à un
accord.
J'ai noté que des opinions différentes s'exprimaient sur ces sujets, et c'est,
me semble-t-il, ce qui fait la grandeur de votre assemblée que de permettre
l'expression de sensibilités individuelles, la manifestation de doutes ou
d'interrogations, au-delà de l'appartenance à tel ou tel groupe politique.
Quoi qu'il en soit, je me félicite de cette convergence des efforts en vue
d'améliorer ce texte.
Je souhaite maintenant répondre à quelques intervenants qui m'ont paru déroger
à cet assez large consensus.
Je dirai d'abord à M. Demuynck que si l'obligation des soins n'a pas été
retenue, c'est précisément parce qu'elle n'est pas applicable : les médecins
psychiatres la refusent, d'abord parce qu'elle est contraire à leur éthique
médicale, ensuite parce qu'elle est incompatible avec l'efficacité des soins,
le consentement du malade étant l'une des conditions de la réussite du
traitement psychiatrique.
En introduisant l'injonction de soins, nous ne nous en remettons pas seulement
à la bonne volonté du malade, qui, dans certains cas, est en effet totalement
absente, mais, par une conjonction du dialogue et de l'injonction, nous tentons
de faire avancer les dossiers et de donner toutes leurs chances aux soins, y
compris en prison.
M. Revol est quant à lui longuement intervenu sur la question du bizutage ; il
s'est notamment fait le défenseur d'une école dont j'ai compris qu'il était
issu. Pourquoi pas ? Ce qui m'a paru moins admissible, ce sont les propos qui
ont été tenus à l'égard de ma collègue Ségolène Royal, dont personne ne peut
mettre en doute la sincérité lorsqu'elle s'attaque à ce qu'elle qualifie à
juste titre de pratiques d'un autre âge donnant lieu à des dérives qui ne
devraient plus être tolérées. Il importe d'éviter que les enfants, les jeunes,
soient victimes de ces dérives.
On peut certes mettre en doute la nécessité d'établir une nouvelle
incrimination, comme l'a d'ailleurs fait le rapporteur de la commission des
lois. En revanche, on ne peut pas douter de la sincérité des membres du
Gouvernement et de leur volonté de lutter efficacement contre ce type de
comportements.
M. Guy Allouche.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Quant à M. About, il a posé plusieurs questions
précises, sur un ton qui tranchait avec celui qu'ont employé la majorité des
orateurs.
Monsieur le sénateur, la détention de cassettes pornographiques mettant en
scène des mineurs est d'ores et déjà punie au titre du recel par l'article
321-1 du code pénal.
Des condamnations ont été récemment prononcées contre des détenteurs de
cassettes pédophiles poursuivis dans l'affaire du réseau Toro Bravo par le
tribunal correctionnel de Paris, sur le fondement du recel de fixation et de
diffusion d'images pornographiques.
Par ailleurs, la provocation à commettre des agressions sexuelles existe déjà
dans notre droit : l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse
prévoit, pour la punir, une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 30 000
francs d'amende.
Il n'y a donc pas lieu de créer un nouveau délit puisque notre arsenal
répressif l'a déjà institué.
Quant à l'excision pratiquée sur des petites filles, c'est une pratique
barbare, que notre législation pénale réprouve quelles que soient les
traditions des pays où elle est imposée. Il s'agit d'une mutilation, et c'est
d'ailleurs comme telle qu'elle est réprimée par le code pénal.
Il n'y a donc pas de banalisation de ces affaires, ni dans notre législation
ni dans l'application qui en est faite. Les faits sont poursuivis sous la
qualification criminelle de violences ayant entraîné une mutilation sur une
mineure de quinze ans. Ce crime est puni de quinze ans de réclusion criminelle
par l'article 222-10 du code pénal. Il n'y a jamais de correctionnalisation
judiciaire de ces agressions, c'est-à-dire d'omission d'une circonstance
aggravante pour faire juger les faits par le tribunal correctionnel.
J'ajoute que, si les cours d'assises - qui sont composées de neuf jurés et de
trois magistrats, et sont souveraines dans leurs décisions - ont pu, en
fonction de la personnalité des auteurs, prononcer des peines assorties de
sursis, la stigmatisation de ces comportements qui portent atteinte à
l'intégrité physique de petites filles n'en est pas moins forte. Ces pratiques
sont condamnables et donnent lieu à des condamnations effectives. Pour ma part,
je fais confiance aux juges et aux jurés pour appliquer la loi avec toute la
sévérité et le discernement nécessaires.
Enfin, M. Darniche a évoqué le cas particulier d'une mère de famille ayant eu
le courage de dénoncer un viol commis par son mari sur sa fille et qui ne
perçoit que la moitié de la retraite de son mari.
La règle est en effet qu'un condamné à une peine criminelle perd, pendant
l'exécution de celle-ci, le droit au versement de sa retraite. Il est toutefois
certain que, dans le contexte familial qui a été décrit par M. Darniche, on
peut s'interroger sur le bien-fondé d'une règle dont l'application aboutit à
diminuer les ressources financières d'une famille déjà très atteinte par les
conséquences de l'infraction commise par le père sur sa fille. Je m'engage donc
à soumettre cette question à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées de l'Union
centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
RETRAIT D'UNE PROPOSITION
DE LOI ORGANIQUE
M. le président.
J'ai reçu une lettre par laquelle Mme Hélène Luc déclare retirer la
proposition de loi organique (n° 448, 1995-1996) tendant à modifier le nombre
de sénateurs élus dans les départements qu'elle avait déposée avec plusieurs de
ses collègues au cours de la séance du 19 juin 1996.
Acte est donné de ce retrait.
8
DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la
directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement
des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats
membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-940 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la
directive 97/33/CE pour ce qui concerne la portabilité du numéro et la
présélection de l'opérateur.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 941 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- propositions de règlement CE du Conseil modifiant les règlements de base de
certains organismes communautaires décentralisés.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 942 et
distribuée.
9
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
DE LOI ORGANIQUE
M. le président.
J'ai recu de Mme Hélène Luc, MM. Robert Pagès, Michel Duffour, Jean Derian,
Mmes Marie-Claude Beaudeau, Nicole Borvo, M. Jean-Luc Bécart, Mme Danielle
Bidard-Reydet, MM. Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Louis Minetti,
Jack Ralite, Ivan Renar, Mme Odette Terrade et M. Paul Vergès une proposition
de loi organique tendant à modifier le nombre de sénateurs élus dans les
départements.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 54, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
10
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président.
J'ai recu de MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Charasse, Guy Allouche, Robert
Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés une proposition de
loi tendant à préciser le mode de calcul de la durée maximale de détention
provisoire autorisée par le code de procédure pénale.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 55, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de M. Jacques Larché une proposition de loi tendant à faciliter le
jugement des actes de terrorisme.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 56, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
11
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de M. Paul Masson un rapport d'information fait au nom de la
délégation du Sénat pour l'Union européenne sur l'intégration de Schengen dans
l'Union européenne.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 53 et distribué.
12
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 29 octobre 1997, à seize heures :
1. Examen d'une demande de la commission des lois tendant à obtenir du Sénat,
en application de l'article 5
ter
de l'ordonnance n° 58-1100 du 17
novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qu'il
confère à la commission des lois les prérogatives attribuées aux commissions
d'enquête pour étudier le suivi, par les ministères intéressés, du processus
européen de coopération policière pour une durée n'excédant pas six mois.
2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 11, 1997-1998), adopté par
l'Assemblée nationale, relatif à la prévention et à la répression des
infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes.
Rapport (n° 49, 1997-1998) de M. Charles Jolibois, fait au nom de la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
Avis (n° 51, 1997-1998) de M. Jacques Bimbenet, fait au nom de la commission
des affaires sociales.
Aucun amendement n'est plus recevable.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur la politique familiale
:
- délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 3
novembre 1997, à dix-sept heures.
Débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur l'agriculture :
- délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 4
novembre 1997, à dix-sept heures.
Résolution de la commission des finances (n° 46, 1997-1998) sur la proposition
de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne le
régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services de
télécommunications (n° E 785) :
- délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 5 novembre 1997, à
dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Louis
Souvet visant à clarifier les conditions d'accueil des gens du voyage sur le
territoire des communes de plus de 5 000 habitants et la proposition de loi de
M. Philippe Marini relative au stationnement des gens du voyage (n° 283,
1996-1997) :
- délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 5 novembre 1997, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ERRATA
A l'annexe au procès-verbal de la séance du 22 octobre 1997
SCRUTIN N° 8
Sur l'article 1er de la proposition de loi de M. Robert Badinter et les
membres du groupe socialiste et apparentés, relative à l'édification d'un
monument au Mont-Valérien portant le nom des résistants et des otages fusillés
dans les lieux de 1940 à 1944.
Page 2953,
Après les mots :
« Ont voté pour »
Lire :
« M. René Monory, président du Sénat, et M. Michel
Dreyfus-Schmidt, qui présidait la séance. »
Page 2954,
Au lieu de :
« N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Michel Dreyfus-Schmidt, qui présidait
la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants :
319
Nombre de suffrages exprimés :
319
Majorité absolue des suffrages exprimés :
160
Pour l'adoption
319
Contre
0
Mais, après verification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la
liste ci-dessus. »,
Lire :
« Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après
vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus. »
ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 28 octobre 1997
à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Mercredi 29 octobre 1997,
à
16 heures :
1° Examen d'une demande de la commission des lois tendant à obtenir du Sénat,
en application de l'article 5
ter
de l'ordonnance n° 58-1100 du 17
novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qu'il
confère à la commission des lois les prérogatives attribuées aux commissions
d'enquête pour étudier le suivi, par les ministères intéressés, du processus
européen de coopération policière, pour une durée n'excédant pas six mois.
Ordre du jour prioritaire
2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la
prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la
protection des mineurs victimes (n° 11, 1997-1998).
Jeudi 30 octobre 1997,
à
9 h 30
et à
15 heures :
Ordre du jour prioritaire
Suite du projet de loi relatif à la prévention et à la répression des
infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes (n° 11,
1997-1998).
Mardi 4 novembre 1997 :
A
9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions sera
fixé ultérieurement) :
- n° 2 de M. Jean-Paul Delevoye à M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche (Organisation de la distribution du lait dans les écoles) ;
- n° 8 de M. Pierre Hérisson à M. le ministre des affaires étrangères (Prise
en compte des résidents helvétiques en France pour le calcul de la DGF) ;
- n° 9 de M. Daniel Hoeffel à Mme le ministre de la culture et de la
communication (Mesures de protection en faveur des facteurs d'orgue) ;
- n° 38 de M. Dominique Braye transmise à M. le secrétaire d'Etat à
l'industrie (Situation de l'emploi dans le Mantois) ;
- n° 48 de M. Jacques Legendre à M. le ministre de l'intérieur (Création d'un
site de stockage d'anciennes munitions) ;
- n° 49 de M. André Vallet à M. le ministre de l'équipement, des transports et
du logement (Problèmes de sécurité liés à la construction de l'autoroute A 54)
;
- n° 52 de M. Gérard Fayolle transmise à M. le secrétaire d'Etat au budget
(Taux de TVA applicables à la restauration) ;
- n° 53 de M. Fernand Demilly à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(Avenir de la Fédération nationale des foyers ruraux) ;
- n° 64 de M. Adrien Gouteyron à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Réaménagement de la route nationale 102) ;
- n° 74 de Mme Joëlle Dusseau à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(Retraites agricoles) ;
- n° 75 de M. Jean-Claude Carle à M. le ministre de l'éducation nationale, de
la recherche et de la technologie (Organisation des établissements publics
locaux d'enseignement) ;
- n° 76 de M. Daniel Goulet à Mme le secrétaire d'Etat au tourisme
(Difficultés des hôteliers restaurateurs) ;
- n° 77 de Mme Marie-Madeleine Dieulangard à M. le secrétaire d'Etat au
logement (Allocation de logement temporaire) ;
- n° 81 de M. Edouard Le Jeune à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Renforcement de la sécurité routière) ;
- n° 84 de M. Michel Doublet à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(Mesures agri-environnementales en Charente-Maritime) ;
- n° 85 de M. Georges Mouly à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(Actions en faveur de l'insertion professionnelle) ;
- n° 87 de M. Philippe Richert à M. le ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation (Compensation des augmentations de
cotisation maladie et de CSG pour la fonction publique territoriale) ;
- n° 90 de M. François Autain à Mme le ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement (Avenir de l'aéroport de Nantes).
A
17 h 30
et le soir :
2° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la politique
familiale.
(La conférence des présidents a fixé :
- à dix minutes les temps réservés au président de la commission des affaires
sociales et au président de la commission des finances ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat,
les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 3 novembre
1997.)
Mercredi 5 novembre 1997,
à
15 heures
et le soir :
Ordre du jour prioritaire
1° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet
de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines.
2° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'agriculture.
(La conférence des présidents a fixé :
- à dix minutes les temps réservés au président de la commission des affaires
économiques et au président de la commission des finances ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat,
les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 4 novembre
1997.)
Jeudi 6 novembre 1997 :
Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution
A
9 h 30 :
1° Résolution de la commission des finances sur la proposition de directive du
Conseil (n° E 785) modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne le
régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services de
télécommunications (n° E 46, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 5 novembre 1997, à 17
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette
résolution.)
A
15 heures :
2° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Louis
Souvet visant à clarifier les conditions d'accueil des gens du voyage sur le
territoire des communes de plus de 5 000 habitants et la proposition de loi de
M. Philippe Marini relative au stationnement des gens du voyage (n°s 240 et
259, 1994-1995 ; rapport n° 283, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 5 novembre 1997, à 17
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Mercredi 12 novembre 1997 :
A
16 heures
et le soir :
Ordre du jour prioritaire
Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1998 (AN, n° 303) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 12 novembre 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant 12 heures, le mercredi 12 novembre
1997.)
Jeudi 13 novembre 1997 :
A
15 heures
et le soir :
1° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
2° Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.
Vendredi 14 novembre 1997 :
A
9 h 30
et, éventuellement, à
15 heures :
Ordre du jour prioritaire
Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.
Mardi 18 novembre 1997 :
A
9 h 30 :
1° Questions orales sans débat ;
A
16 heures :
Ordre du jour prioritaire
2° Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 :
Explications de vote et vote sur l'ensemble.
A N N E X E
Questions orales sans débat inscrites à l'ordre du jour
de la séance du mardi 4 novembre 1997
N° 2. - M. Jean-Paul Delevoye appelle l'attention de M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche sur les conditions financières de la distribution
du lait dans les écoles, qui concerne en principe 7 à 8 millions d'enfants pour
un budget de 200 millions de francs en 1997. Il s'agit d'une pratique ancienne
en France (environ quarante ans) dont le financement a été pour partie
transféré à la Communauté économique européenne il y a une vingtaine d'années.
Ainsi, le budget national n'est-il sollicité qu'à hauteur de 7 à 8 millions de
francs pour 1997. Cette distribution de lait revêt une très grande importance à
une époque où la malnutrition enfantine est un phénomène en croissance. Or les
municipalités sont confrontées depuis quelques années à une augmentation de
l'effort financier qui leur est demandé pour cette distribution, en raison de
l'accroissement de l'écart entre le prix du lait et le niveau d'intervention de
l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers
(ONILAIT). Certaines se voient donc contraintes de diminuer les quantités
globales de lait distribuées, voire à renoncer à toute distribution, ce qui est
pour le moins fâcheux. Cela est dû à la suppression, en application de la
réforme de la politique agricole commune, de la taxe de coresponsabilité
(règlement n° 1029/93 du 27 avril 1993). La Communauté économique européenne a
alors décidé une économie de l'ordre de 50 % sur le programme de distribution
du lait à l'école, dès lors que cette taxe intervenait à hauteur de 75 % dans
le financement de celui-ci. Dans le même temps, le niveau de la subvention
nationale a lui-même baissé de 25 %. Il lui demande dès lors s'il considère que
la distribution de lait dans les écoles lui semble nécessaire, s'il pense
qu'elle a un avenir dans notre pays et quelles initiatives il compte prendre
pour assurer la pérennité de son financement dans des conditions convenables et
conformes aux habitudes françaises.
N° 8. - M. Pierre Hérisson appelle l'attention de M. le ministre des affaires
étrangères sur l'installation des citoyens helvétiques dans les communes
frontalières. Si ceux-ci ont la possibilité d'acquérir une résidence en France,
elle ne peut être occupée qu'à titre secondaire. Or, la plupart de ces
résidents les occupent à titre principal. Ces citoyens helvétiques, bien que
représentant des consommateurs potentiels qui paient leurs impôts locaux, ne
sont pas totalement comptabilisés dans le recensement de la population pour le
calcul de la dotation globale de fonctionnement des communes. Une résidence
secondaire ne compte que pour un habitant, quel que soit le nombre d'occupants.
Ces résidents ne donnent pas lieu non plus à la perception au bénéfice de la
commune de la part du Fonds de rétrocession genevois. Cet état de fait pourrait
conduire à terme à un sérieux déséquilibre financier pour les communes qui
doivent malgré tout construire des équipements publics en rapport avec leur
population réelle. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser
les mesures qui seront mises en oeuvre pour que les communes frontalières
bénéficient d'une DGF et du Fonds de rétrocession genevois en rapport avec un
décompte total d'habitants résidant dans ces communes.
N° 9. - M. Daniel Hoeffel appelle l'attention de Mme le ministre de la culture
et de la communication sur la baisse de 32 % pour 1997 des crédits accordés à
la restauration des orgues historiques, et sur les vives inquiétudes qui en
résultent au sein de la profession des facteurs d'orgue. Alors que
l'organisation des « états généraux de la facture d'orgue » en 1995 et la
création du conseil des métiers d'arts en 1996 avaient suscité beaucoup
d'espoir, l'annonce de cette décision - sans concertation - a déclenché une
vive réaction des facteurs d'orgue, qui dénoncent les méthodes déstabilisantes
pour les entreprises et pour le bon déroulement des procédures d'attribution
des marchés. Cette diminution d'un tiers des crédits risque par ailleurs
d'entraîner la disparition de 30 % des petites entreprises spécialisées dans
cette profession, ainsi que de leur savoir-faire spécifique. L'Alsace, région
particulièrement riche en orgues anciens, est aussi, avec le centre de
formation des apprentis d'Eschau, un pilier de la facture d'orgue et se trouve
de ce fait particulièrement frappée. Il lui demande donc de bien vouloir lui
indiquer les mesures qu'elle compte prendre pour protéger cette profession
garante de la survie des plus beaux orgues historiques de France.
N° 38. - M. Dominique Braye appelle l'attention de M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie sur la situation de l'emploi
industriel dans le Mantois, suite à l'annonce d'un plan de restructuration à
l'usine Sulzer de Mantes-la-Ville (78), qui conduirait à la suppression de 238
postes, soit 130 à 140 licenciements secs. L'entreprise Sulzer, qui produit des
moteurs destinés à la construction navale et aux centrales électriques, subit
aujourd'hui la loi de la mondialisation de ce marché, et le nouvel actionnaire
principal - un groupe finlandais - a décidé une restructuration de la
production. Cette restructuration intervient dans un contexte local bien
particulier. Ces dernières années, le tissu industriel s'y est gravement
détérioré : 800 emplois détruits (Porcher, Driver Harris, Seratherm...) contre
seulement une centaine de nouveaux emplois créés. Cette situation désastreuse
obère lourdement les résultats attendus de la mise en place du Grand Projet
urbain, dont l'agglomération mantaise est bénéficiaire. Aujourd'hui, les
efforts acharnés des élus locaux pour créer de nouveaux emplois et les
conditions d'un redémarrage économique du Mantois paraissent ainsi largement
compromis. Face à cette situation dramatique, il est bien évident que ces mêmes
élus locaux se mobilisent et mettent à la disposition du personnel licencié
l'ensemble des structures ad hoc qu'ils ont mises en place : mission pour
l'insertion socio-professionnelle du Mantois (MISPROM) et comité d'expansion
économique du Mantois. Pourtant il est absolument nécessaire que des mesures
exceptionnelles soient prises par le Gouvernement, en particulier grâce à un
effort significatif d'aménagement du territoire. En conséquence, il lui demande
donc quelles mesures il compte prendre pour rendre rapidement le Mantois
éligible à la prime d'aménagement du territoire (PAT), afin de contrebalancer
de manière décisive cet effondrement de l'emploi industriel dans
l'agglomération et ainsi de redonner espoir à des acteurs locaux rudement
éprouvés par l'ampleur des problèmes socio-économiques du Mantois.
(Question
transmise à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.)
N° 48. - M. Jacques Legendre attire l'attention de M. le ministre de
l'intérieur sur l'émotion créée dans le Cambrésis par l'annonce le 16 septembre
dernier de son projet de création d'un site de stockage d'anciennes munitions
de guerre sur l'aérodrome militaire désaffecté de Cambrai-Niergnies. Il ne
s'agit pas d'une contestation du bien-fondé du ramassage et de la collecte des
anciennes munitions de guerre. L'Etat est dans son rôle en réorganisant
celle-ci. Mais l'ancien aérodrome militaire de Cambrai-Niergnies représente un
ensemble foncier de 200 hectares que l'armée de l'air avait entrepris de
revendre à la communauté de villes de Cambrai et à la chambre de commerce. Un
projet de réutilisation en faveur des sports de l'air, d'un centre
d'expériences et de recherches universitaires et d'implantations industrielles
était en cours d'élaboration. L'installation d'un dépôt de vieilles munitions,
même limité à 5 tonnes, stérilisera 30 hectares et dissuadera les investisseurs
éventuels de s'installer à proximité. Et c'est donc toute la zone, essentielle
pour l'avenir de l'agglomération, qui se trouvera lourdement pénalisée. Il
demande donc à M. le ministre de l'intérieur, qui est aussi maire et peut
comprendre l'émoi des collectivités locales et de la population, de renoncer en
ce lieu à une implantation inacceptable et de faire rechercher ailleurs, dans
l'arrondissement de Cambrai ou dans un autre arrondissement, sur un terrain
militaire ou sur une fiche industrielle spécialisée dans les installations
classées, l'installation de ce dépôt d'anciennes munitions.
N° 49. - M. André Vallet attire l'attention de M. le ministre de l'équipement,
des transports et du logement sur les problèmes de sécurité liés à la
construction de l'autoroute A 54 reliant Salon-de-Provence à Arles. Cette
extension du réseau autoroutier a provoqué l'enclavement d'une cité scolaire
regroupant 2 000 élèves, dont l'accès n'est possible que par un cheminement
piétonnier particulièrement dangereux. La société concessionnaire, qui s'était
engagée auprès du précédent ministre des transports à réaliser de nouvelles
voies piétonnes plus sûres, semble aujourd'hui revenir sur cette décision. Il
lui demande donc de bien vouloir lui indiquer quels sont les moyens qu'il
entend mettre en oeuvre afin que ces aménagements soient effectués.
N° 52. - M. Gérard Fayolle appelle l'attention de M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie sur les incidences de la disparité
des taux de TVA applicables au secteur de la restauration. -
(Question
transmise à M. le secrétaire d'Etat au budget.)
N° 53. - M. Fernand Demilly attire l'attention de M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche sur l'avenir de la Fédération nationale des foyers
ruraux et plus particulièrement sur une éventuelle diminution de la dotation
annuelle dont elle bénéficie. Une baisse de cette dotation entraînerait des
arrêts d'activités et des suppressions d'emplois dans un secteur indispensable
à l'activité locale et à la lutte contre la désertification rurale. En
conséquence, il lui demande quelles sont les intentions du ministère de
l'agriculture quant à la dotation de la ligne « animation rurale ».
N° 64. - M. Adrien Gouteyron attire l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur l'inadaptation de la RN 102 au
trafic routier et sur les graves conséquences que cette situation entraîne. Il
lui rappelle la cruauté des chiffres des accidents mortels : depuis le 1er
janvier 1997, à la fin du premier semestre, neuf accidents sont ainsi à
déplorer (16 en tout pour l'année 1996). Il tient à lui rappeler que la RN 102
est désormais sous-dimensionnée et devient dangereuse en raison de la
croissance du trafic routier en raison de son rôle de liaison entre Le Puy et
l'autoroute A 75, qui, à Lempdes, relie la Haute-Loire à la capitale (axe
Clermont-Paris). Il rappelle également que cette route est vitale sur le plan
économique comme liaison d'aménagement du territoire et qu'elle devrait être
classée comme telle. Face à cette situation, des mesures urgentes doivent être
prises et surtout un projet et un programme d'investissement pour cet axe sont
à envisager pour éviter de nouvelles hécatombes. Citons par exemple le passage
à quatre voies du tronçon Brioude-Lempdes compte tenu de l'importance de son
trafic, le classement de ce segment en bretelle d'autoroute pour en faire une
pénétrante. Il souhaiterait sur tous ces points connaître sa position et, le
cas échéant, les mesures qu'il entend mettre en oeuvre pour mettre fin à cette
préoccupante situation.
N° 74. - Mme Joëlle Dusseau appelle l'attention de M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche sur le problème des retraites agricoles. Les
retraites versées aux agriculteurs sont dramatiquement basses, calculées en
fonction d'un système d'après-guerre aujourd'hui inadapté et pénalisant ceux
qui ont nourri notre pays pendant plus de quarante années de leur vie. Il est
désormais urgent d'apporter des solutions pour que les petits exploitants, les
conjointes d'exploitants et les aides familiales puissent percevoir une
retraite décente. Elle lui demande que les petites retraites soient portées à
hauteur de 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance. Elle
demande aussi qu'un effort soit fait pour les conjointes d'exploitants, souvent
sans statut et qui se retrouvent avec un minimum de retraite très largement en
dessous du revenu minimum d'insertion. Elle suggère qu'il soit obligatoire de
déclarer les épouses travaillant dans l'exploitation. Elle lui demande quelles
mesures il envisage de prendre pour améliorer le système de retraite actuel, et
ce suivant quel calendrier.
N° 75. - M. Jean-Claude Carle souhaite attirer l'attention de M. le ministre
de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur le problème
que pose l'organisation actuelle des établissements publics locaux
d'enseignement. En effet, dans les EPLE, le chef d'établissement se trouve être
également le président du conseil d'administration, d'où une confusion des
rôles et une certaine dévalorisation de chacune de ces fonctions. Le chef
d'établissement étant chargé de mettre en oeuvre les projets arrêtés par le
conseil d'administration, il serait préférable de dissocier les deux fonctions
d'exécutant et le décideur qui, actuellement, ne font qu'une. Renforcer la
déconcentration au sein de ces établissements, pour redonner sa dimension
réelle à la fonction de président du conseil d'administration, faire en sorte
que le chef d'établissement soit véritablement le représentant de l'Etat, qu'il
dispose d'une réelle autonomie et puisse se recentrer sur sa mission de base,
la pédagogie, pour permettre à de nouveaux partenaires d'accéder au sein de
l'établissement apparaissent nécessaires. Sachant que le respect de l'autonomie
des établissements passe avant tout par le respect de la séparation des
fonctions, il serait souhaitable de confier la présidence du conseil
d'administration à une personnalité extérieure à l'établissement, comme cela a
été suggéré dans le rapport « Pour l'école ». On reprendrait ainsi un système
déjà adopté avec succès dans les établissements publics locaux d'enseignement
agricole. Pour prévenir toute irruption d'une tutelle locale ou nationale, les
conseils d'administration ne pourraient être présidés ni par les élus
territoriaux ni par des représentants des services de l'Etat. Aussi, il
souhaiterait connaître sa position sur ce point.
N° 76. - M. Daniel Goulet souhaite très vivement attirer l'attention de Mme
le secrétaire d'Etat au tourisme sur la situation particulièrement préoccupante
des hôteliers et des restaurateurs, confrontés à de multiples et divers
problèmes portant sur : 1° Les charges fiscales, et tenant : à la distorsion de
la TVA entre les différents établissements français de restauration (repas
servis ou emportés), 20,6 % et 5,5 % ; à la distorsion de TVA entre les pays de
l'Union européenne et la France ; à l'application de cette TVA sur les
avantages en nature offerts aux personnels de fabrication et de service ; 2°
Les charges sociales patronales dont les taux entre les différents pays de
l'Union européenne et la France s'établissent au détriment des professionnels
français ; et enfin : 3° Le paracommercialisme et la nécessité de faire
appliquer la circulaire du 10 mars 1979 et l'ordonnance du 1er décembre 1986
afin de contenir le paracommercialisme. En conséquence, il lui demande de bien
vouloir lui faire connaître quelles mesures elle envisage de prendre pour
remédier à ces problèmes qui pénalisent très fortement la profession.
N° 77. - Mme Marie-Madeleine Dieulangard souhaite interroger de M. le
secrétaire d'Etat au logement sur la possibilité d'étendre le bénéfice de
l'allocation de logement temporaire. Cette allocation, mise en place par la loi
n° 91-1406 du 31 décembre 1991 portant diverses dispositions d'ordre social,
est destinée à soutenir les associations à but non lucratif dont la mission est
d'accueillir des personnes défavorisées. Financée par le Fonds national d'aide
au logement, elle donne lieu à un conventionnement avec les caisses
d'allocations familiales. Les centres communaux d'action sociale étant de plus
en plus impliqués dans la mise en place et la gestion de structures d'accueil
pour des publics en difficulté, elle souhaiterait connaître sa position sur
l'extension rapide de cette mesure aux CCAS comme cela avait été envisagé dans
le projet de loi de cohésion sociale.
N° 81. - M. Edouard Le Jeune attire l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur les mesures relatives à la
sécurité routière. Au cours des derniers mois, de nombreux accidents de la
route ont été particulièrement meurtriers. Tout le monde garde à l'esprit les
images de ces effroyables drames. Si nos compatriotes confirment, dans un
récent sondage, leur attachement pour la route, ils soulignent majoritairement
la nécessité d'améliorer les infrastructures routières. L'insécurité routière
constitue encore trop souvent un frein à l'usage de la voiture. Le niveau de
sécurité est jugé particulièrement insuffisant pour les rues et les routes
départementales par près de la moitié des Français. Cette perception est liée,
pour une large part, à l'état de leurs infrastructures. Ainsi, il s'avère que
c'est par la construction d'infrastructures routières que l'on peut améliorer
le confort de conduite et donc les conditions de sécurité. Enfin, les Français
attendent de l'Etat un effort en matière de routes. Ils identifient assez bien
les prérogatives des différents échelons territoriaux selon le type de routes.
Le sondage indique clairement qu'ils souhaitent une implication financière
accrue des pouvoirs publics dans l'amélioration de l'état des routes et de la
sécurité. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles
mesures il entend prendre afin de renforcer la sécurité routière et quels
moyens financiers il compte affecter à l'amélioration des infrastructures.
N° 84. - M. Michel Doublet indique à M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche que les mesures agri-environnementales ont permis à la Charente-Maritime
d'entretenir et de gérer plusieurs milliers d'hectares de marais et ce, grâce
aux contrats signés avec les exploitants agricoles et conchylicoles. Le
renouvellement de certaines de ces opérations semble aujourd'hui compromis au
motif que l'enveloppe nationale des crédits serait réservée à des opérations
bénéficiant d'une participation financière des collectivités territoriales. En
conséquence, il lui demande quelles mesures le Gouvernement compte mettre en
oeuvre pour assurer la pérennité des opérations groupées d'aménagement foncier
OGAF-environnement dans le département de la Charente-Maritime et maintenir la
qualité de l'environnement des marais concernés.
N° 85. - M. Georges Mouly demande à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité si ne pourraient être envisagés le rétablissement du financement des
formations de préparation au CADAD (certificat d'aptitude aux fonctions d'aide
à domicile) et le maintien d'un niveau de revenu au moins équivalent à ce que
perçoit le bénéficiaire du revenu minimum d'insertion (RMI) avant
l'établissement d'un contrat de travail, deux mesures qui lui paraissent
susceptibles de promouvoir l'action d'insertion professionnelle. En effet, dans
le cadre d'une politique initiée à l'échelon intercantonal pour le maintien à
domicile des personnes âgées, force est de constater que, depuis quelque temps,
pour l'une et/ou l'autre de ces raisons, les bénéficiaires du RMI ne sont pas
toujours encouragés à poursuivre, voire à entamer une action d'insertion
professionnelle.
N° 87. - M. Philippe Richert rappelle à M. le ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation que, le 10 mars
dernier, le Gouvernement a institué, par le décret n° 97-215, une indemnité
exceptionnelle destinée à compenser, pour certaines catégories de
fonctionnaires, la perte de salaire occasionnée par la modification, début
1997, des taux de cotisation maladie et de contribution sociale généralisée. Le
décret dispose que cette indemnisation exceptionnelle sera allouée aux
militaires à solde mensuelle, aux magistrats de l'ordre judiciaire ainsi qu'aux
personnels de la fonction publique hospitalière ou de l'Etat. L'ensemble des
fonctions publiques semble donc concerné, à l'exception notable de la fonction
publique territoriale. Une telle mesure, outre qu'elle peut créer un sentiment
d'injustice chez les personnels des administrations territoriales, semble en
totale contradiction avec le principe de parité entre les fonctions publiques.
Il souhaiterait en conséquence connaître les raisons qui ont motivé une telle
exception et connaître sa position sur la question ainsi que les suites qu'il
entend y réserver.
N° 90. - M. François Autain rappelle à Mme le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement que le précédent gouvernement avait présenté
lors du conseil interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) d'Auch un
premier projet de schéma national d'aménagement et de développement du
territoire, qui prévoyait, s'agissant de la région Pays de la Loire, parmi les
nombreuses orientations retenues, le développement de la plate-forme
aéroportuaire internationale de Nantes-Atlantique. Cet aéroport semble en effet
promis à un grand avenir car, avec 1 300 000 passagers en 1996, il est loin de
son niveau de saturation, qui se situe aux alentours de 4 500 000 passagers. De
plus, il se trouve à proximité immédiate d'une usine de l'Aérospatiale, qui
fabrique le tronçon central des Airbus. Il a donc été très surpris d'apprendre,
dans une réponse à une question écrite, que le ministre de l'équipement, des
transports et du logement envisageait de transférer à moyen terme sur un autre
site cet aéroport pour répondre à des contraintes d'environnement et en dépit
des conséquences qui en découleraient pour l'emploi, notamment avec la
fermeture de l'usine de l'Aérospatiale. Par ailleurs, il lui rappelle que, lors
de son audition devant la commission des affaires économiques du Sénat, elle
s'était déclarée hostile à l'implantation du troisième aéroport francilien à
Beauvilliers en préconisant au contraire le renforcement de trois ou quatre
aéroports régionaux pour conforter leurs structures internationales. Il lui
demande si elle pense que les contraintes d'environnement peuvent conduire à
moyen terme, à la fermeture de l'aéroport international de Nantes-Atlantique
et, dans le cas contraire, si elle peut lui indiquer si cet aéroport figurait
parmi les trois ou quatre aéroports régionaux évoqués devant la commission.
LISTE DES MEMBRES
D'UNE COMMISSION
ad hoc
Liste des membres de la commission
ad hoc
établie en application de
l'article 105 du règlement du Sénat par les présidents de groupes et le délégué
de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun
groupe, chargée d'examiner la proposition de résolution n° 15 (1997-1998)
tendant à requérir la suspension des poursuites engagées contre un sénateur
:
MM. Guy Allouche, François Autain, François Blaizot, Marcel Bony, Philippe de
Bourgoing, Jean-Louis Carrère, Charles de Cuttoli, Marcel Debarge, Désiré
Debavelaere, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Joëlle Dusseau, MM. Pierre Fauchon,
Philippe François, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Daniel Hoeffel,
Jean-Jacques Hyest, Charles Jolibois, Christian de La Malène, Jacques Larché,
René-Georges Laurin, Jacques Mahéas, Philippe Marini, Michel Mercier, Paul
d'Ornano, Georges Othily, Robert Pagès, Alex Türk, Xavier de Villepin, Serge
Vinçon.
La nomination des membres de la commission prend effet dès la présente
publication.
NOMINATION DU BUREAU D'UNE COMMISSION
Dans sa séance du mardi 28 octobre 1997, la
commission chargée d'examiner
la proposition de résolution n° 15 (1997-1998) tendant à requérir la suspension
des poursuites engagées contre un membre du Sénat
a désigné :
Président :
M. Jacques Larché.
Vice-président :
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Secrétaire :
M. François Blaizot.
Rapporteur :
M. Patrice Gélard.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Lutte contre la toxicomanie
92.
- 24 octobre 1997. -
M. Paul Masson
attire l'attention de
M. le Premier ministre
sur la nécessité de l'adoption d'un nouveau programme interministériel de lutte
contre la toxicomanie. Selon toutes les informations disponibles, la
consommation ne cesse de progresser et d'exercer des ravages, en particulier
auprès des jeunes qui sont sollicités de plus en plus tôt par les revendeurs.
Les nouvelles drogues synthétiques, conçues dans des laboratoires clandestins
des pays industrialisés, font surgir de nouvelles menaces difficiles à détecter
par les services chargés de la répression, fragilisés par la généralisation de
la libre circulation au sein de l'espace européen. Les risques pour la santé
publique de la consommation de ces nouvelles molécules sont encore plus mal
connus que ceux du cannabis. Enfin, la banalisation de la consommation de
drogue au cours de pratiques festives, les déclarations, voire les pratiques
avouées de personnalités médiatiques ou exerçant de hautes fonctions publiques,
ou encore le fait que certains médias, populaires auprès des jeunes, tournent
couramment en dérision tout discours tendant à rappelet les dangers de la
toxicomanie, fût-elle épisodique, créent un contexte défavorable pour l'action
de ceux qui luttent au quotidien contre ce fléau. Face à ce constat accablant
qui ne doit pas conduire à la résignation, le gouvernement de M. Edouard
Balladur avait adopté, en septembre 1993, un premier plan triennal de lutte
contre la drogue qui avait été prolongé, jusqu'en 1997, par le programme
d'action du gouvernement Juppé du 15 septembre 1995. Ces programmes, qui
arrivent à échéance à la fin de cette année, sont très utiles car ils
permettent de dégager les priorités à respecter dans les domaines de la
prévention, de l'accompagnement thérapeutique et social des toxicomanes et de
la répression du trafic de stupéfiants. Ils aident à maintenir, chaque année, à
un niveau élevé les moyens financiers consacrés à la lutte contre la drogue.
Alors que les déclarations de certains ministres peuvent laisser penser que la
question de la toxicomanie soulève débat au sein du Gouvernement, il lui
demande s'il est prêt à annoncer les priorités de son gouvernement en matière
de lutte contre la toxicomanie dans le cadre d'un nouveau programme d'action
triennal.
Politique autoroutière
93.
- 24 octobre 1997. -
M. Jacques Oudin
appelle l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur les incertitudes qui pèsent actuellement sur l'ensemble de la politique
autoroutière du Gouvernement et l'inquiétude des élus et des responsables
professionnels. Compte tenu de sa situation géographique, la France se doit
d'être la « plaque tournante » du réseau autoroutier européen. L'importance de
la politique des grandes infrastructures a été confirmée par la loi
d'aménagement du territoire n° 95-115 du 4 février 1995. Les élus et les
professionnels de toutes les régions attendent l'aménagement des nouvelles
sections autoroutières avec d'autant plus d'impatience qu'aucune entreprise ne
souhaite s'implanter ou se développer loin d'un échangeur autoroutier.
Actuellement, plusieurs centaines de kilomètres d'autoroutes attendent leur
inscription au schéma autoroutier national ou leur financement. Or certaines
informations récentes sur les modifications éventuelles de la politique
autoroutière sont profondément inquiétantes. Dans ces conditions, il lui
demande de lui indiquer : tout d'abord, si le Gouvernement compte actualiser
rapidement le schéma autoroutier national en y intégrant toutes les sections
autoroutières en attente et, si oui, dans quel délai ? Dans le cas où le
Gouvernement entendrait définir une nouvelle politique autoroutière, s'il
envisage d'engager un débat national devant le Parlement tant il est vrai que
les élus nationaux ont, à la quasi-unanimité, souhaité l'achèvement aussi
rapide que possible du schéma autoroutier national. Enfin, de quelle manière le
prochain comité des investissements économiques et sociaux affectera les crédit
du réseau autoroutier pour la fin de 1997 et l'année 1998 ? A cet égard,
l'assemblée générale de la route des estuaires qui s'est tenue au Sénat le 7
octobre 1997, s'est particulièrement émue des retards constatés, pour la
réalisation des autoroutes A 28 entre Rouen et Alençon, A 831 entre La
Rochelle-Rochefort et Fontenay-le-Comte, A 65 entre Bordeaux et Pau, et de
l'aménagement de la RN 10 sur l'axe Bordeaux-Bayonne ? Or il lui rappelle que
cet axe a été jugé comme la première priorité d'aménagement du territoire lors
du comité interministériel d'aménagement du territoire de Mende le 12 juillet
1993.
Avenir du musée de l'Homme
94.
- 24 octobre 1997. -
Mme Nicole Borvo
attire l'attention de
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie
sur le fait qu'il serait tout à fait dommageable de démanteler le Muséum
national d'histoire naturelle et qu'il s'agit au contraire d'effectuer sa
rénovation pour le que le musée de l'Homme puisse continuer à présenter l'Homme
dans toute sa complexité biologique et culturelle. En effet, cette institution
unique ménage la confrontation de disciplines aussi diverses que la
paléontologie, la préhistoire, l'anthropologie, l'ethnologie, la géographie,
l'histoire, l'anthropologie de l'art, l'esthétique, loin des enfermements
réducteurs qui éloignent trop souvent les sciences humaines des sciences
naturelles. Les collections que le musée de l'Homme conserve appartiennent du
patrimoine de l'humanité. Elles doivent être présentées dans le cadre
d'expositions permanentes et temporaires qui font appel à des savoirs très
différents. Associés aux avancées de la science, en matière de génétique par
exemple comme en matière de datation des objets, elles permettent aujourd'hui
dans sa complexité biologique, morphologique, sociale et culturelle, dans son
unité et sa diversité. C'est pourquoi la création d'un musée des arts premiers
qui exposerait dans la quasi-totalité des cas des objets utilitaires ou
fonctionnels tirés de leur contexte ferait perdre à ceux-ci la plus grande
partie de leur sens. Cette exposition purement esthétique de ces objets
correspondrait à un appauvrissement considérable. Pour toutes ces raisons elle
lui demande ce qu'il compte faire pour conduire la nécessaire rénovation du
musée de l'Homme, le garder sous l'autorité du ministère de l'éducation
nationale et ainsi continuer le travail pédagogique quotidien auprès du public,
et notamment des enfants, engagé depuis de nombreuses années qui fait beaucoup
contre le racisme et l'extrême-droite.
Tracé de l'autoroute A 51 Grenoble-Sisteron
95. - 28 octobre 1997. - M. Jean Boyer appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur sa décision, en date du 10 juin 1997, de suspendre l'ouverture de l'enquête publique relative à la section médiane de l'autoroute A 51 Grenoble-Sisteron, entre le col du Fau et La Saulce, conformément au tracé retenu en 1991 passant par l'est de Gap. Il lui rappelle que ce tracé complète le dispositif mis en place par les sections Grenoble-col du Fau et Sisteron-La Saulce, déclarées d'utilité publique respectivement le 31 décembre 1993 et le 20 juin 1994. Il souligne que ce tracé a été approuvé par sept de ces prédécesseurs, et qu'il offre, par rapport au tracé passant par Lus, des avantages sensiblement comparables en termes de coût, d'économie d'infrastructures à réaliser, de rapidité de mise en service en raison de l'extrême précision des études confirmées par une mission géologique internationale, de réponses aux impératifs d'aménagement du territoire (ouverture vers l'Italie, désenclavement des Hautes-Alpes et du sud de l'Isère, desserte touristique et de protection de l'environnement). Il insiste sur l'urgence de réaliser une liaison autoroutière Alpes du Nord-Alpes du Sud pour l'est de Gap, d'économiser le temps et l'argent nécessaires pour des études et la réalisation de solutions alternatives de mise à deux fois deux voies de routes nationales, et lui demande de bien vouloir préciser ses intentions concernant le règlement de ce dossier.