SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Droit de vote des citoyens de l'Union européenne aux élections municipales.
- Adoption d'un projet de loi organique en deuxième lecture (p.
1
).
Discussion générale : MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ;
Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p.
2
)
Article L.O. 227-1 du code électoral
(p.
3
)
Amendement n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Guy
Allouche, Jacques Habert. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article L.O. 227-3 du code électoral (p. 4 )
Amendement n° 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Jacques
Habert, Guy Allouche. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article L.O. 227-4 du code électoral (p. 5 )
Amendement n° 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Michel
Duffour, Guy Allouche, Philippe Richert. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article L.O. 227-5 du code électoral (p. 6 )
Amendement n° 4 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'article du code.
Article L.O. 227-6 du code électoral (p. 7 )
Amendement n° 5 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant
l'article du code.
Adoption de l'article 1er modifié.
Article 2 (p. 8 )
Amendement n° 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Amendement n° 7 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Guy
Allouche. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 5 (p. 9 )
Amendement n° 8 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 5 bis (supprimé) (p. 10 )
Amendement n° 9 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Article 7
(supprimé)
(p.
11
)
Article additionnel après l'article 11 (p.
12
)
Amendement n° 12 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur, Daniel Millaud. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 12 (p. 13 )
M. Daniel Millaud.
Amendement n° 10 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Guy
Allouche, Daniel Millaud, Philippe Richert. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Intitulé du projet de loi organique (p. 14 )
Amendement n° 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement modifiant l'intitulé.
Vote sur l'ensemble (p. 15 )
MM. Michel Duffour, Guy Allouche.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi organique.
3.
Inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes
électorales.
- Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture (p.
16
).
Discussion générale : MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ;
Christian Bonnet, rapporteur de la commission des lois.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er bis (p. 17 )
Amendement n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 2 (p. 18 )
Amendement n° 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 2
bis
et 2
ter (supprimés)
(p.
19
)
Article 3
(supprimé)
(p.
20
)
Amendement n° 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Vote sur l'ensemble (p. 21 )
MM. Michel Duffour, Guy Allouche, Jacques Habert.
Adoption du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 22 )
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
4. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 23 ).
LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ (p. 24 )
Mmes Odette Terrade, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
LES TRENTE-CINQ HEURES
DANS LA FONCTION PUBLIQUE (p.
25
)
MM. Yann Gaillard, Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
SITUATION POLITIQUE AU CONGO (p. 26 )
MM. Marcel Debarge, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.
LOI-CADRE SUR LES TRENTE-CINQ HEURES
DANS LES PME (p.
27
)
M. Philippe Richert, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
MESURES CONCERNANT LES PERSONNES HANDICAPÉES (p. 28 )
M. Nicolas About, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
ACCUSATIONS CONCERNANT L'ASSASSINAT DE YANN PIAT (p. 29 )
M. André Vallet, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.
PRÉSENCE DE LA FRANCE AU CONGO ET EN AFRIQUE (p. 30 )
Mme Paulette Brisepierre, M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.
CONSTRUCTION DU MARCHÉ INTÉRIEUR DU GAZ (p. 31 )
MM. René Régnault, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.
SITUATION ÉCOLOGIQUE DE L'ÉTANG DE BERRE (p. 32 )
M. Pierre Hérisson, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
RETRAITES AGRICOLES (p. 33 )
MM. Hilaire Flandre, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
VACANCES DE POSTES
DANS LE SECTEUR HOSPITALIER PUBLIC (p.
34
)
MM. Louis Boyer, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.
Suspension et reprise de la séance (p. 35 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
5.
Demande d'attribution des prérogatives d'une commission d'enquête
(p.
36
).
6.
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
(p.
37
).
7.
Utilisation à temps partiel de biens immobiliers.
- Adoption d'un projet de loi (p.
38
).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice ; M. José Balarello, rapporteur de la commission des lois.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p.
39
)
Article L. 121-60 du code de la consommation
(p.
40
)
Amendement n° 1 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article du code.
Article L. 121-61 du code précité (p. 41 )
Amendements n°s 2 rectifié à 7 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le
garde des sceaux. - Adoption des six amendements.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article L. 121-62 du code précité (p. 42 )
Amendement n° 8 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article du code.
Article L. 121-63 du code précité (p. 43 )
Amendements n°s 9 à 11 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des
sceaux. - Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article L. 121-64 du code précité (p. 44 )
Amendements n°s 12 et 13 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des
sceaux. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article additionnel après l'article L. 121-64 du code précité (p. 45 )
Amendement n° 14 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel dans le code.
Article L. 121-65 du code précité (p. 46 )
Amendement n° 15 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article L. 121-66 du code précité (p. 47 )
Amendements n°s 16 et 17 de la commission. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article L. 121-67 du code précité (p. 48 )
Amendement n° 18 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article du code.
Article L. 121-68 du code précité (p. 49 )
Amendement n° 22 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article du code.
Article L. 121-69 du code précité (p. 50 )
Amendement n° 23 de la commission. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article du code.
Articles additionnels après l'article L. 121-69
du code précité
(p.
51
)
Amendements n°s 24 et 25 de la commission. - Adoption des amendements insérant deux articles additionnels dans le code.
Article L. 121-70 du code précité (p. 52 )
Amendement n° 26 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'article du code.
Article L. 121-71 du code précité (p. 53 )
Amendement n° 27 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article L. 121-72 du code précité (p. 54 )
Amendement n° 28 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article L. 121-73 du code précité (p. 55 )
Amendement n° 29 de la commission. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article du code.
Article L. 121-74 du code précité (p. 56 )
Amendement n° 30 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Adoption de l'article 1er modifié.
Article 2 (p. 57 )
Amendement n° 31 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 3 (p. 58 )
Amendement n° 32 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Vote sur l'ensemble (p. 59 )
M. Robert Pagès.
Adoption du projet de loi.
8.
Constitution d'un espace judiciaire européen. -
Discussion d'une question orale avec débat portant sur un sujet européen (p.
60
).
MM. Pierre Fauchon, auteur de la question et représentant de la Délégation du
Sénat pour l'Union européenne ; Patrice Gélard, Charles Jolibois, Bernard Joly,
Michel Dreyfus-Schmidt, Robert Pagès, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux,
ministre de la justice.
Clôture du débat.
9.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
61
).
10.
Dépôt d'un avis
(p.
62
).
11.
Ordre du jour
(p.
63
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DROIT DE VOTE DES CITOYENS
DE L'UNION EUROPÉENNE
AUX ÉLECTIONS MUNICIPALES
Adoption d'un projet de loi organique
en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi
organique (n° 21, 1997-1998), modifié par l'Assemblée nationale, déterminant
les conditions d'application de l'article 88-3 de la Constitution relatif à
l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France autres que
les ressortissants français du droit de vote et d'éligibilité aux élections
municipales et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre
1994. [Rapport (n° 38, 1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, pour ouvrir le débat en deuxième lecture sur le projet de loi
organique relatif à l'exercice du droit de vote et d'éligibilité des étrangers
communautaires aux élections municipales en France, je serai bref.
L'économie du texte est désormais bien connue du Sénat. Le rapporteur de votre
commission des lois, M. Fauchon, s'est livré à une analyse détaillée, en
première lecture, tant des dispositions du projet de loi que de celles de la
directive qui doit être transposée dans notre droit interne. Il n'y a donc rien
à ajouter au rapport écrit présenté par M. Fauchon en vue de votre séance du 17
septembre dernier, éclairé par les observations et par les précisions qu'il a,
ce jour-là, apportées oralement.
Mon propos se limitera donc à dresser une sorte de bilan des premières
lectures par les deux chambres et à exposer ou rappeler la position du
Gouvernement sur les points qui restent en discussion.
Globalement, on peut résumer la situation de la façon suivante : sur les dix
modifications apportées au texte par le Sénat en première lecture, l'Assemblée
nationale s'est rangée à l'avis de la chambre haute dans cinq cas et elle en a
divergé dans cinq autres. Par ailleurs, l'Assemblée nationale a voté trois
autres modifications, relativement mineures, sur des questions qui n'avaient
pas retenu l'attention du Sénat en première lecture.
L'Assemblée nationale s'est rangée à l'avis du Sénat dans cinq cas.
Il s'agit, en premier lieu, de la définition de la notion de résidence qui
fonde le droit des étrangers communautaires à se faire inscrire sur une liste
électorale complémentaire pour participer au scrutin.
Ni le traité ni la directive ne donnent une définition de la résidence. C'est
de propos délibéré, puisque cette définition peut varier selon les Etats
membres.
Or, pas plus le traité que la directive n'ont entendu toucher au droit
électoral propre à chaque Etat, ainsi que le souligne le quatrième des
considérants précédant le corps de la directive du 19 décembre 1994.
Conformément au principe de subsidiarité, il s'ensuit que la définition de la
résidence applicable en l'espèce est celle qui s'applique aux nationaux
français.
L'insertion par le Sénat d'un alinéa à cet effet dans le texte proposé pour
l'article L.O. 227-1 du code électoral le rappelle opportunément, ce qui
présente en outre l'avantage d'établir sur ce point un exact parallélisme entre
le projet de loi organique aujourd'hui en discussion et le texte de la loi du 5
février 1994 réglant la participation des citoyens communautaires à l'élection
des représentants français au Parlement européen.
En second lieu, l'Assemblée nationale a adopté conforme l'article 9
bis,
introduit par le Sénat, pour interdire à un ressortissant d'un Etat de
l'Union autre que la France de cumuler un mandat de conseiller municipal en
France avec un mandat de même nature exercé dans un autre Etat de l'Union.
Ce n'est là que l'extension au plan européen de la règle applicable en France
selon laquelle nul ne peut être simultanément membre de plusieurs conseils
municipaux. Une telle mesure est explicitement autorisée par le paragraphe 2 de
l'article 6 de la directive.
L'Assemblée nationale a été aussi d'accord avec le Sénat sur la suppression de
l'article 9, qui prévoyait initialement une procédure spéciale de dissolution
du conseil municipal lorsque celui-ci ne comprend pas un nombre de conseillers
français suffisant pour permettre la désignation du maire et d'un adjoint,
puisqu'il doit y avoir au moins un adjoint dans une commune aux termes de
l'article L. 2122-1 du code général des collectivités territoriales.
L'Assemblée nationale a reconnu que ce cas de figure n'était qu'un cas
particulier où la gestion des affaires de la collectivité ne pouvait plus être
normalement assurée, justifiant donc une mesure de dissolution. Ce cas est à
rapprocher de celui où aucun conseiller ne serait âgé de vingt et un ans
révolus, âge minimal requis pour être désigné en qualité de maire conformément
à l'article L. 2122-4 du code général des collectivités territoriales,
hypothèse qui ne donne pas non plus lieu à des dispositions spécifiques.
En quatrième lieu, l'Assemblée nationale a encore suivi le Sénat pour
approuver la solution trouvée par celui-ci, s'agissant des communes de plus de
9 000 habitants où tous les conseillers municipaux sont de droit membres du
collège électoral sénatorial, permettant de remplacer nombre pour nombre les
élus non français exclus par principe de ce collège. Ainsi, les communes
concernées disposeront-elles, au sein du collège électoral sénatorial, d'une
représentation non amputée et qui restera politiquement conforme au vote du
corps électoral. Ces communes ne seront donc pas pénalisées par la présence
dans leur conseil municipal de conseillers étrangers.
Enfin, sur un plan plus formel, l'Assemblée nationale a ratifié la rédaction
retenue par le Sénat pour l'article L.O. 227-7 du code électoral relatif aux
sanctions pénales auxquelles s'exposent ceux qui auraient cherché à fausser
l'établissement des listes électorales complémentaires.
En revanche, l'Assemblée nationale est en désaccord avec le Sénat sur cinq
autres points.
Le premier concerne la notion de réciprocité. A cet égard, l'Assemblée
nationale partage la thèse du Gouvernement, que je vous avais exposée, et selon
laquelle la réciprocité est réputée acquise, en droit communautaire, dès lors
que le traité a été ratifié par tous les Etats membres, même s'il existe encore
des Etats qui n'ont pas transposé la directive dans leur ordre juridique
interne.
Elle a donc considéré comme inopérantes les modifications apportées par le
Sénat aux articles L.O. 227-1 et L.O. 228-1 du code électoral, qui traitent
respectivement du droit de vote et du droit d'éligibilité des étrangers
communautaires.
L'Assemblée nationale est également revenue à la rédaction du projet de loi
initial, s'agissant de la prohibition des doubles inscriptions.
Le principe d'une telle prohibition figurait explicitement, je vous le
rappelle, dans les considérants de la décision du Conseil constitutionnel du 9
avril 1992 statuant sur la conformité du traité de Maastricht avec notre
Constitution. Le Conseil d'Etat s'y est référé et, dans son avis rendu le 27
juillet 1995 sur le projet de loi organique, il rappelle qu'« il y a lieu
d'exiger que le citoyen de l'Union qui demande son inscription sur une liste
électorale complémentaire s'engage à n'exercer son droit de vote qu'en France
».
Il s'agit là, à vrai dire, d'une affaire de bon sens. Le droit de voter n'est
pas un libre-service. L'argument selon lequel la directive n'interdit pas
formellement le double vote n'invite pas à l'imposer aux autres Etats membres.
Ce serait méconnaître non seulement le principe d'égalité, mais aussi le
principe de subsidiarité.
L'opinion de l'Assemblée nationale diverge encore de celle du Sénat à propos
du fonctionnement du Conseil de Paris siégeant en qualité de conseil
général.
Tout comme le Gouvernement, elle se fonde sur l'avis d'assemblée rendu par le
Conseil d'Etat le 21 juillet 1997 : les conseillers de Paris sont titulaires
d'un seul et même mandat électoral et appartiennent à une même assemblée, alors
même que celle-ci exerce à la fois des attributions de conseil municipal et de
conseil général. Il en découle clairement que pas plus le mandat de chacun de
ses membres que l'assemblée tout entière ne sont divisibles en fonction des
attributions exercées.
J'ajoute que l'Assemblée nationale et le Gouvernement sont d'accord pour
estimer que tant la nature organique du texte en discussion que les termes
mêmes de l'article 88-3 de la Constitution imposent que la participation des
étrangers communautaires aux élections municipales soit effective sur tout le
territoire national, y compris dans les territoires d'outre-mer. C'est la
raison pour laquelle l'Assemblée nationale a rétabli l'article 12 dans sa
rédaction initiale.
Enfin, l'Assemblée nationale a disjoint comme inapplicable la disposition
introduite par le Sénat par l'article 5
bis
étendant aux communes de 2
500 à 3 500 habitants les règles de présentation des candidatures prévues pour
les communes de plus de 3 500 habitants.
J'en viens maintenant aux trois points sur lesquels l'Assemblée nationale a
apporté des modifications au texte alors que le Sénat l'avait adopté en
l'état.
Il s'agit tout d'abord de deux amendements votés contre l'avis du
Gouvernement. Ils ont pour objet, l'un de supprimer la mention de la
nationalité qu'il était prévu de porter en regard du nom de chaque électeur
inscrit sur la liste électorale complémentaire, l'autre de supprimer la même
mention qui devait compléter l'identité des candidats non français sur les
listes de candidats déposées à la préfecture ou à la sous-préfecture en vue des
élections municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants.
Il s'agit, ensuite, de la suppression de l'article 7 du projet de loi
organique, dont le contenu a paru à l'Assemblée nationale redondant par rapport
à celui de l'article 6.
En effet, dès lors que ce dernier dispose que les étrangers ne peuvent être
membres à un titre quelconque du collège électoral sénatorial, il n'est pas
nécessaire de préciser, comme le faisait l'article 7, que le choix des
conseillers municipaux ne peut se porter sur un étranger quand ils ont à
désigner leurs délégués et leurs suppléants au sein du collège électoral
sénatorial.
Tel est, brièvement résumé, le sens des différents votes exprimés au cours des
premières lectures.
Pour sa part, le Gouvernement se réjouit de ce que les deux assemblées
parlementaires soient d'accord sur le coeur du dispositif à mettre en oeuvre
pour permettre l'exercice du droit de vote et d'éligibilité des citoyens de
l'Union européenne pour les élections municipales en France. C'est bien en
effet sur les dispositions essentielles du projet de loi organique que les
Chambres ont émis des votes conformes.
Les points de désaccord ont été circonscrits. Le Gouvernement forme le voeu
que la présente navette soit l'occasion de rapprocher les points de vue de
façon significative. Il s'y emploiera pour ce qui le concerne, de sorte que la
France se trouve dans les meilleurs délais en état d'honorer ses engagements
internationaux dans le respect des principes républicains.
(Applaudissements
sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient donc la
charge de vous présenter les réflexions de la commission des lois à l'occasion
de la deuxième lecture d'un texte qui tend à rendre les « Européens » électeurs
aux élections municipales.
J'ai déjà eu l'occasion de rappeler que cette démarche est extrêmement
encadrée, puisqu'elle résulte, en premier lieu, des dispositions du traité sur
l'Union européenne, en deuxième lieu, de l'article 88-3 de la Constitution, qui
a été modifié pour permettre cette transposition, en troisième lieu, d'une
directive adoptée à l'unanimité à une époque où la France était représentée par
le Gouvernement de M. Balladur et par son ministre M. Pasqua, en quatrième
lieu, d'un texte qui résulte d'un consensus, puisqu'il avait été préparé par le
précédent gouvernement et qu'il a été repris par l'actuelle équipe
gouvernementale.
Parvenu à cette seconde étape, vous avez bien voulu, monsieur le ministre,
nous rappeler les points de vue du Gouvernement sur différents sujets et ceux
de l'Assemblée nationale, que vous ne partagez pas toujours. Vous avez
également exprimé le voeu que nous avancions dans la voie d'un rapprochement
progressif entre nos textes.
Nous sommes effectivement d'accord sur l'essentiel. Le point qui aurait
peut-être suscité une divergence concernait la définition de la résidence.
Nous avons, dès le début, posé le principe que, dans l'hypothèse du vote aux
élections municipales des citoyens européens comme dans celle du vote des
Européens aux élections européennes, « l'étranger » résidant en France le fasse
au titre d'une résidence principale et qu'il n'ait pas seulement une résidence
secondaire dans notre pays. Nous nous sommes mis d'accord sur ce point qui, au
fond, était le plus important.
En ce qui concerne les autres points, nous avons une discussion qui «
n'embraie » pas beaucoup sur des réalités, mais qui a, chaque fois, un certain
intérêt symbolique.
La commission des lois a repris ces différents points et n'a pas trouvé, en
toute bonne foi et en toute sérénité, dans les réflexions de nos collègues de
l'Assemblée nationale des raisons suffisamment évidentes, à ce stade, pour
renoncer au point de vue qui avait été le nôtre lors de la première lecture.
Vous avez rappelé, monsieur le ministre, certains points à l'égard desquels
l'Assemblée nationale avait approuvé la position du Sénat.
Le plus important est la notion de résidence principale en France.
Je citerai aussi l'interdiction du cumul de mandats, et le mécanisme de
recours au suivant de liste dans les hypothèses où « l'Européen » ne peut pas
participer à l'élection, c'est-à-dire lors de l'élection des sénateurs et dans
le cas où les élus de Paris siègent en tant que conseil général. L'Assemblée
nationale n'a toutefois retenu que la première hypothèse, puisqu'elle a écarté
notre dispositif en ce qui concerne le Conseil de Paris.
J'en viens maintenant aux points de désaccord. Je passerai sur quelques
petites modifications, tout à fait formelles, qu'il ne me paraît pas nécessaire
d'évoquer à cette tribune me réservant d'indiquer les points de désaccord ayant
une certaine signification.
S'agissant tout d'abord du principe de réciprocité, vous avez rappelé,
monsieur le ministre, que votre interprétation, qui est celle de l'Assemblée
nationale, était l'interprétation officielle selon laquelle, dès lors qu'un
traité a été transposé, la réciprocité est acquise.
Nous croyons devoir, jusqu'à nouvel ordre, respecter l'article 88-3 de la
Constitution, qui a été élaboré pour cette circonstance et qui dispose
expressément : « sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues...
», alors que la Constitution prévoit déjà que les traités sont applicables sous
réserve de réciprocité.
De ce fait, il n'était pas nécessaire de faire ce rappel à l'article 88-3 ;
nous en avons donc conclu que, si on l'avait fait, c'est que l'on tenait, pour
cette disposition particulière relative aux conditions d'électorat et
d'éligibilité des « étrangers » aux élections municipales, à ce que la
réciprocité soit réalisée à ce niveau-là.
Nous nous trompons peut-être en termes d'analyse juridique pure, mais nous
croyons être en accord avec le bon sens. Il est en effet légitime de dire à nos
amis belges ou grecs, qui sont les seuls à ne pas avoir encore transposé la
disposition dans leur droit interne que, dès qu'il l'auront transposée, ils
pourront voter chez nous parce que les Français pourront voter chez eux. En
attendant, nous n'avons pas de raison de leur permettre de voter chez nous
alors qu'ils ne nous permettent pas de voter chez eux. C'est aussi simple que
cela !
Je suis sûr, monsieur le ministre, connaissant votre réalisme, que, dans votre
for intérieur, vous sentez bien que notre raisonnement est fondé. Il fait appel
au bon sens des uns et des autres.
Je crois d'ailleurs que cette position n'a rien de désagréable à l'égard de la
Belgique et de la Grèce. Elle est tout simplement normale et elle ne peut
qu'encourager ces deux pays à réaliser la transposition au plus vite, afin de
mettre fin à cette difficulté, qui est très ponctuelle, je le répète.
Le second point de désaccord concerne le double électorat. Il a une portée
plus symbolique que la pratique, car, qui ira vérifier si telle personne
inscrite dans une commune française va rester électeur dans telle petite
commune en Grande-Bretagne ou en Allemagne, pour ne parler que de pays qui me
tiennent à coeur ? Personne ne fera la vérification.
Mais, pour moi, il est de haute signification de ne pas priver l'étranger qui
veut voter chez nous de la possibilité de continuer de voter là où il a ses
racines, à supposer que, là où il a ses racines, il soit autorisé à continuer
de voter. Il appartient en effet au pays d'origine de priver éventuellement de
son droit de vote un citoyen qui a décidé de voter là où il a sa résidence
principale, en l'occurrence dans un pays différent.
C'est au pays d'origine de lui interdire ou non de voter. Ce n'est pas à nous,
en quelque sorte, de légiférer pour un pays étranger, même s'il s'agit d'un
pays européen.
Respectons sur ce point les dispositions que prendront nos voisins. Respectons
aussi la directive elle-même, qui ne prévoit aucune disposition à cet égard.
Respectons enfin - et cela me paraît important - le fait que, dans les autres
transpositions qui sont maintenant acquises, on n'a pas introduit une telle
disposition.
Dans ces conditions, à l'heure actuelle, telle personne que nous connaissons,
vous et moi - et nous avons eu l'occasion de citer bien des cas en commission
des lois -, peut voter à Londres, par exemple, tout en restant électrice en
France.
Les Français, eux, vont bénéficier de l'avantage de pouvoir voter là où ils
ont acquis une nouvelle activité professionnelle, par exemple, sans pour autant
être obligés de brûler leurs vaisseaux et de se couper de leurs racines.
J'ai déjà eu l'occasion de vous dire, monsieur le ministre, que, dans les
conceptions que nous partageons, notamment sur le plan européen, il n'est pas
question que l'Europe abolisse, à mon avis, les particularismes nationaux, les
structures nationales dans la mesure où leur maintien n'est pas contradictoire
avec la démarche européenne.
Bien entendu, si on fait une monnaie unique, on ne garde pas les monnaies
particulières. En l'espèce, il s'agit de citoyenneté, il s'agit de permettre
aux citoyens de voter pour l'élection d'un conseil municipal dans leur pays.
Pourquoi donc ces personnes ne continueraient-elles pas de voter dans leur pays
d'origine ? Cela ne fait de mal à personne !
Ces élections se déroulent dans des milieux politiques différents, dans des
aires géographiques, des contextes sociaux totalement différents et à des dates
qui ne sont pas les mêmes. Une telle disposition ne présente donc aucun
inconvénient. Elle est une simple conséquence du fait que la construction
européenne est, par sa nature même, une démarche qui dépasse les nations sans
les abolir, qui donne une dimension supplémentaire sans détruire l'ancienne.
Cette conception de la construction européenne nous est, je crois, commune.
Cette Europe n'est pas totalement supranationale et ce serait être totalement
supranational que de dire à tout Européen que, dès lors qu'il veut voter dans
une commune de France, il ne peut plus voter dans sa commune d'origine.
Nous ne pensons pas qu'il soit justifié d'aller jusque-là, aujourd'hui et, je
le souhaite, pour très longtemps encore.
M. Jacques Habert.
Très bien !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Voilà pourquoi nous avons maintenu notre point de vue. Nous
avons beaucoup réfléchi, nous avons beaucoup hésité, au cours de nos deux
délibérations, pour finalement aboutir à des décisions unanimes de la
commission des lois, ce qui n'est pas si fréquent et mérite d'être
mentionné.
S'agissant maintenant de la mention sur le bulletin de vote de la nationalité
des candidats européens, nous ne comprenons pas très bien la position de
l'Assemblée nationale sur ce point, d'autant que sa majorité se réclame des
principes les plus fondamentaux de la démocratie.
Or quel est le principe le plus fondamental de la démocratie sinon le principe
selon lequel le droit de vote appartient à chaque citoyen et que l'exercice de
ce droit doit être conforme à l'idée que nous nous faisons de la démocratie et
de la dignité humaine.
Dans ces conditions, il est nécessaire que le votant sache pour qui il vote et
qu'il dispose de toutes les informations dont il a besoin. Or n'a-t-il pas
besoin de savoir si la personne pour qui il vote est l'un de ses compatriotes
ou un sujet issu d'une nation, européenne sans doute, mais qui n'est pas la
nation française ? Ce n'est pas à moi de vous le rappeler, monsieur le ministre
! Voilà une information à laquelle tout électeur a droit !
Or il faut que nos collègues de l'Assemblée nationale s'en rendent compte, si
cette mention n'est pas inscrite sur les listes et sur les bulletins de vote -
à partir du moment où les bulletins de vote sont nécessaires, c'est-à-dire à
partir de 2 500 habitants, et
a fortiori
au-delà - les électeurs ne
connaîtront pas la nationalité des candidats. Ils penseront qu'ils sont
Français, même avec un nom étranger, car les candidats peuvent avoir été
naturalisés.
Or il nous paraît tout à fait normal et légitime que les électeurs aient cette
information. C'est pourquoi nous croyons devoir maintenir notre point de vue
sur cette question de la mention de la nationalité des candidats européens sur
les bulletins de vote.
J'évoquerai le cas particulier de Paris.
Le traité de Maastricht ne vise que les élections municipales. Or, compte tenu
de la particularité du système français, à Paris, un conseiller municipal est
aussi appelé à siéger en tant que conseiller général. Mais, dans ce dernier
cas, on sort du traité sur l'Union européenne, signé à Maastricht.
Nous craignons par conséquent non seulement d'être censurés par le Conseil
constitutionnel, mais surtout d'aboutir à un système incohérent ! Il nous
semble donc normal de mentionner que « l'étranger » européen élu membre du
conseil de Paris ne siègera pas lorsque ce conseil se réunira en qualité de
conseil général, et qu'il sera alors remplacé par son suivant de liste. Ainsi
cette liste ne sera pas pénalisée puisqu'elle continuera à avoir une voix et un
siège au conseil général.
De cette façon, nous respectons à la fois le traité de Maastricht, la
directive et la Constitution que nous compilons d'une manière satisfaisante
pour respecter le statut particulier de la ville de Paris.
Je crois que cette particularité n'a pas été perçue dans l'ensemble de l'Union
européenne. Cette situation très spéciale concerne tout de même la capitale de
la France, qui est - est-il vraiment nécessaire de le rappeler ? - l'une des
capitales de la civilisation humaine ! Son statut particulier mérite donc
d'être pris en considération.
Enfin, j'en viens à la question des territoires d'outre-mer.
Je vois poindre sur les lèvres de M. Millaud un sourire qui laisse présager le
caractère redoutable et séduisant de l'argumentation qu'il nous présentera tout
à l'heure !
(Sourires.)
Je ne reprendrai pas les arguments que nous avons développés en première
lecture. Mais tant que nous n'aurons pas modifié le traité de Rome sur ce
point, nous ne pourrons pas appliquer les dispositions de cette loi organique
aux territoires d'outre-mer.
Normalement, il aurait fallu consulter ces territoires. Il est incroyable que
le Gouvernement, ou plus exactement les gouvernements successifs, car, dans ce
domaine, les responsabilités sont partagées, n'aient pas prévu une telle
consultation ! Il aurait pourtant fallu le faire ! Ce n'était pas si
difficile.
Nous savons, en revanche, que l'assemblée de la Polynésie française a délibéré
et a souhaité que la loi organique ne soit pas applicable à ce territoire. En
tout état de cause, elle a fait observer que ces dispositions ne pourraient pas
l'être, faute d'avoir prévu l'introduction des adaptations adéquates dans le
code des communes, le code général des collectivités territoriales n'ayant pas
été étendu aux territoires d'outre-mer.
Pour toutes ces raisons, nous pouvons, nous semble-t-il, maintenir notre
position, à savoir que ce texte n'est pas applicable aux territoires
d'outre-mer.
Vous ne l'avez pas répété, monsieur le ministre, mais on dit ici ou là, je le
sais bien, qu'il s'agit d'un texte de souveraineté et, par conséquent, que, en
tant que tel, il s'applique partout. Mais l'ennui, c'est que personne ne sait
ce qu'est une loi de souveraineté, et personne ne parvient à nous expliquer ce
qu'est cet animal prodigieux, mythique, fantastique, je dirais même
fantasmagorique ! Nous attendons des informations sur ce point.
Cela dit, il est vrai que nous n'aimons pas beaucoup, au Sénat, cette notion
de loi de souveraineté, qui nous semble quelque peu périmée et qui nous paraît
dater. C'est un langage quelque peu archaïque. Nous ne sommes pas des princes,
et nous ne reconnaissons comme souverain que le peuple. Encore une fois, nous
sommes très réservés sur cette notion, et nous attendons d'être éclairés sur sa
réalité dans le droit positif français.
Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, où nous en sommes au stade
actuel, qui ne préjuge pas la possibilité d'un rapprochement. En effet, nous en
sommes conscients, nous devons aboutir dans cette affaire et nous ne pouvons
pas nous enliser dans une guerre de tranchées. Non seulement ce ne serait pas
convenable eu égard à nos obligations au sein de l'Europe, mais cela pourrait
être mal compris par beaucoup d'Européens qui souhaitent, et c'est une démarche
très sympathique de leur part, participer aux élections municipales dans notre
pays.
Souvenez-vous, mes chers collègues, à la fin du débat en première lecture, sur
toutes les travées de cette assemblée, y compris sur celles de certains de nos
collègues qui sont généralement très réticents sur la construction européenne,
tous se sont levés pour dire qu'ils considéraient comme un avantage le fait que
des citoyens européens participent aux élections municipales dans nos communes,
car ceux-ci apporteraient un point de vue différent et enrichiraient les débats
au sein des conseils municipaux.
Nous ne souhaitons pas différer indéfiniment ce dispositif, dont nous
attendons des résultats positifs. Mais, n'étant pas convaincus pour le moment,
nous maintenons notre position. Toutefois, nous ne désespérons pas, avec de la
patience et du temps, de parvenir à trouver un terrain d'entente.
Telles sont, mes chers collègues, les propositions que la commission des lois
vous demande d'approuver.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. Louis Boyer.
La France aux Français !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 1er
M. le président. « Art. 1er. - Il est inséré, dans le chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code électoral, une section 1 bis ainsi rédigée :
« Section 1 bis
« Dispositions spéciales à l'exercice par les ressortissants d'un Etat membre
de l'Union européenne autre que la France du droit de vote pour l'élection des
conseillers municipaux et des membres du Conseil de Paris.
«
Art. L.O. 227-1
. - Les citoyens de l'Union européenne résidant en
France, autres que les citoyens français, peuvent participer à l'élection des
conseillers municipaux dans les mêmes conditions que les électeurs français,
sous réserve des dispositions de la présente section.
« Les personnes mentionnées au premier alinéa sont considérées comme résidant
en France si elles y ont leur domicile réel ou si leur résidence y a un
caractère continu.
« Pour l'application de la présente section, l'élection des membres du Conseil
de Paris est assimilée à celle des conseillers municipaux.
«
Art. L.O. 227-2
. -
Non modifié
.
«
Art. L.O. 227-3
. - Pour chaque bureau de vote, la liste électorale
complémentaire est dressée et révisée par les autorités compétentes pour
dresser et réviser la liste électorale.
« Les dispositions des articles L. 10 et L. 11, L. 15 à L. 17, L. 18 à L. 41
et L. 43, dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de la loi
organique n° du , qui sont relatives à l'établissement des listes
électorales et au contrôle de leur régularité sont applicables à
l'établissement des listes électorales complémentaires et au contrôle de leur
régularité. Les droits conférés par ces articles aux nationaux français sont
exercés par les personnes mentionnées à l'article L.O. 227-1.
« Les recours prévus au deuxième alinéa de l'article L.25 peuvent être exercés
par les électeurs français et par les personnes inscrites sur la liste
électorale complémentaire tant en ce qui concerne la liste électorale que la
liste électorale complémentaire.
«
Art. L.O. 227-4
. - Outre les justifications exigibles des
ressortissants français, le ressortissant d'un Etat de l'Union européenne autre
que la France produit, à l'appui de sa demande d'inscription sur une liste
électorale complémentaire, un document d'identité en cours de validité et une
déclaration écrite précisant :
«
a)
sa nationalité ;
«
b)
son adresse sur le territoire de la République ;
«
c)
qu'il n'est pas déchu du droit de vote dans l'Etat dont il est
ressortissant ;
«
d)
qu'il n'exercera son droit de vote aux élections municipales qu'en
France aussi longtemps qu'il sera inscrit sur la liste complémentaire.
«
Art. L.O. 227-5
. - L'identité de leurs ressortissants inscrits sur
une liste électorale complémentaire est communiquée, sur leur demande, aux
autres Etats membres de l'Union européenne.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent
article.
«
Art. L.O. 227-6
. - Est rayé d'office de la liste électorale
complémentaire tout ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne autre
que la France qui aura contrevenu à l'engagement pris par lui de n'exercer son
droit de vote aux élections municipales qu'en France.
« En outre, si l'intéressé est titulaire du mandat de conseiller municipal, il
sera déclaré démissionnaire d'office de ce dernier par le représentant de
l'Etat dans le département ou le territoire.
«
Art. L.O. 227-7
. -
Non modifié. »
Nous allons maintenant examiner les amendements portant sur les articles L.O.
227-1 et L.O. 227-3 à L.O. 227-6 du code électoral.
ARTICLE L.O. 227-1 DU CODE ÉLECTORAL
M. le président.
Par amendement n° 1, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'insérer,
après le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L.O.
227-1 du code électoral, un alinéa ainsi rédigé :
« Ainsi qu'il est prévu à l'article 88-3 de la Constitution, ce droit leur est
ouvert sous réserve que l'Etat dont ils sont ressortissants accorde un droit
équivalent aux Français qui y résident, dans les conditions prévues par le
traité sur l'Union européenne et selon sa législation nationale propre. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit ici de la réciprocité. Je m'en suis expliqué voilà
quelques instants ; je n'y reviens donc pas.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je crois devoir rappeler à M. Fauchon et, à
travers lui, à la Haute Assemblée que la Cour de justice des Communautés
européennes a souligné, à plusieurs occasions, qu'un Etat membre ne saurait
exciper du principe de réciprocité et alléguer une méconnaissance éventuelle du
traité par un autre Etat membre pour justifier l'inexécution, même temporaire,
des obligations qui lui incombent.
J'ai bien entendu M. Fauchon évoquer le cas des ressortissants belges ou
grecs, mais je l'invite non pas à faire de mauvaises manières à ces peuples
amis, mais plutôt à considérer qu'en droit communautaire la réciprocité est
acquise dès lors que le traité sur l'Union européenne a été ratifié par tous
les Etats membres de l'Union européenne.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement n° 1.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole contre cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur cette
notion de réciprocité, deux interprétations s'opposent. Les termes du débat
sont connus. Ils ont été rappelés tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.
Juridiquement, la condition de réciprocité est acquise dès lors que le traité
se trouve ratifié par tous les Etats intéressés. Le fait que la directive de
mise en oeuvre du traité ne soit pas transposée dans l'un des pays signataires
ne constitue pas une condition suffisante pour rendre la condition de
réciprocité inopposable. Cette appréciation est fondée sur la jurisprudence de
la Cour de justice des Communautés européennes, qui s'est prononcée clairement
à plusieurs reprises sur cette question, comme vient de le rappeler M. le
ministre.
Ce rappel du principe de réciprocité voulu par le Sénat est donc inutile, car
la France ne pourra opposer ni une interdiction de son inscription sur une
liste électorale ni l'interdiction de se présenter aux fonctions de conseiller
municipal au ressortissant européen originaire d'un pays qui n'a pas encore
transposé la directive.
Ce rappel est également superflu, car il ne représente que la reprise d'une
condition déjà exigée par l'article 88-3 de la Constitution, et le fait que le
législateur se trouve aujourd'hui devant une procédure de transposition ne
change rien à la règle.
A cette série d'arguments simples et précis, la position du Sénat est
difficile à saisir.
Par la voie de son rapporteur, la Haute Assemblée refuse d'examiner « les
subtilités juridiques sur la notion de réciprocité en droit international, en
droit communautaire ou en droit constitutionnel » mais, dans le même temps,
elle fait état de son interprétation qui est la sienne et selon laquelle la
condition de réciprocité vaut non seulement pour l'application du traité
lui-même, mais également pour la directive d'application.
Surtout, par la voix du rapporteur de la commission des lois, le Sénat nous
renvoie au « bon sens ». Mais, face au sens commun, il y a le droit, il y a la
loi. L'introduction dans la loi organique de la clause de réciprocité contrarie
le principe de primauté du droit communautaire.
Ainsi que le rappelait M. Fauchon en première lecture, la question de la
condition de réciprocité est « formelle ». Il ne paraît pas nécessaire que la
Haute Assemblée fasse de cette question un point de fixation, d'une part, parce
qu'elle ne repose pas sur un fondement juridique solide et, d'autre part, parce
qu'elle n'offre aucun effet pratique.
M. Jacques Habert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
La position des sénateurs représentant les Français établis hors de France est
exactement inverse. Nous pensons, en effet, que le principe de réciprocité est
essentiel dans nos rapports avec toutes les nations.
Actuellement, un million et demi de nos compatriotes vivent à l'étranger. Si
on les traite mal dans les pays où ils résident, ou si on ne leur accorde pas
les droits auxquels ils devraient normalement accéder, nous avons parfaitement
le droit - et même, dirai-je, le devoir - de faire la même chose chez nous.
Ce serait d'ailleurs une façon de faire pression sur les Etats concernés pour
qu'ils rectifient leur législation de telle sorte que ces exceptions n'existent
plus.
Ce que nous voulons, c'est non seulement que les Européens puissent participer
en France aux élections municipales lorsqu'ils sont établis chez nous, mais
surtout que tous les Français qui se trouvent à l'étranger, notamment dans les
pays de l'Union européenne, puissent exercer le même droit de vote.
Si on leur dénie ce droit, je pense que nous pouvons prendre une mesure non
pas de rétorsion, mais d'avertissement - qui d'ailleurs ne sera que temporaire,
je le sens bien - signifiant que nous nous empresserons d'appliquer la loi
européenne dès que le pays étranger aura accordé ce droit de vote aux Français
qui s'y trouvent.
Il s'agit d'un principe de réciprocité auquel tous nos compatriotes expatriés
sont à la fois sensibles et attentifs.
Dans ces conditions, nous remercions la commission des lois et son rapporteur,
M. Fauchon, de la position qu'ils ont prise. Nous devons persister dans notre
fermeté, avec l'espoir que cette question pourra très vite être résolue.
Nous voterons donc l'amendement n° 1.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je voudrais répondre à M. Allouche.
Le bon sens ne suffit pas, avez-vous dit, mon cher collègue. Je ne suis pas
tellement surpris de cette réflexion de votre part. Je crois, au contraire, que
le bon sens est très important, et nous sommes nombreux à le penser. Je sais
qu'il a moins bonne réputation pour vous, et entre vous.
En effet, à l'égard d'un texte pour lequel la réponse juridique n'est pas du
tout évidente, contrairement à ce que vous semblez vouloir dire, puisque la
transposition dans notre Constitution de l'article 88-3 commence par affirmer
l'exigence de réciprocité, le bon sens conserve toute sa valeur.
Là où vous me surprenez davantage, cher ami, c'est lorsque vous affirmez que
cela n'aura aucun effet dans la pratique. Cela a été votre dernier mot. Au
contraire, cela changera beaucoup, surtout dans le cas de la Belgique. Pour la
Grèce, le changement sera moindre, car il n'y a pas encore beaucoup de Grecs
qui résident en France ou de Français qui résident en Grèce. Mais, entre la
Belgique et la France, les cas peuvent être très nombreux, et la question
risque donc de se poser souvent.
En tout cas, ne nous dites pas que l'exigence de réciprocité, que nous
maintenons, n'a pas de raison d'être pratique. Au contraire, elle en a une qui
est évidente.
M. Jacques Habert.
Tout à fait !
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le rapporteur, je n'ai pas mis en cause le bon sens, qui doit au
contraire prévaloir en la circonstance !
Vous le savez très bien - je réponds également à M. Habert, qui semble
confondre ce qui se passe au niveau de l'Union européenne entre les pays qui
ont ratifié le traité et ce qui se passe avec les autres pays étrangers - telle
est l'interprétation que donne la haute juridiction européenne. Si, demain, un
citoyen européen veut s'inscrire sur une liste française, personne ne pourra
l'en empêcher. Si, d'aventure, l'administration française s'y opposait, elle
serait condamnée par la Cour de justice européenne. Alors, pourquoi une telle
exigence, d'autant que, d'ici à l'application de cette directive - dans un an
ou un an et demi - d'ici aux prochaines élections municipales, les autres pays
européens auront procédé à la ratification ? La question ne se posera donc
plus.
M. Jacques Habert.
C'est une question de principe !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L.O. 227-1 du
code électoral.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L.O. 227-3 DU CODE ÉLECTORAL
M. le président.
Par amendement n° 2, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, après le 2e
alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L.O. 227-3 du code
électoral, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En sus des indications prescrites par les articles L. 18 et L. 19, la liste
électorale complémentaire mentionne la nationalité des personnes qui y
figurent. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cet amendement vise à rendre obligatoire l'inscription de
l'origine étrangère d'une personne figurant sur la liste électorale
complémentaire et la mention de sa nationalité. En effet, sur cette liste
peuvent être inscrits des Allemands, des Britanniques, des Grecs, etc. Il est
intéressant, me semble-t-il, pour celui qui la consulte, de savoir qui la
compose exactement.
Cette précision est, je le redis, essentielle au fonctionnement correct de la
démocratie, qui suppose l'information des électeurs.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
J'émets un avis favorable pour des raisons
d'utilité statistique, d'une part, de transparence d'autre part.
En effet, cette disposition permettra de connaître la nationalité tant des
électeurs que des candidats et rendra possible une meilleure information des
électeurs.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Jacques Habert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Je souhaite remercier M. le ministre de son avis favorable.
En effet, pourquoi ne plus faire figurer la nationalité sur les papiers
d'identité ou sur une liste électorale ? Certes, on est Européen, et on le sera
davantage chaque jour, mais on est aussi Britannique, Allemand, Italien,
Français...
J'espère que la mention de la nationalité sera maintenue telle que la
commission l'a rétablie dans le projet de loi organique.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
L'explication de vote favorable, que je vais formuler au nom du groupe
socialiste, s'adresse, bien sûr, à la Haute Assemblée, qui semble être d'accord
avec la commission, mais elle vise aussi à sensibiliser nos collègues députés
sur l'importance de cette disposition.
L'Assemblée nationale a supprimé les mentions relatives à la nationalité au
motif que cette référence ne présente « aucune utilité et revêt à l'évidence un
caractère particulièrement discriminatoire ».
Sur ce point, les positions du Gouvernement et de la commission se rejoignent.
Il convient de les suivre pour toutes les raisons qui ont été avancées et que
M. le ministre vient de rappeler.
Tout d'abord, ce n'est pas une nouveauté ; le ministre a eu raison d'indiquer
à l'Assemblée nationale que la référence à cette mention est déjà exigée pour
la participation des Européens à l'élection des représentants français au
Parlement européen.
La référence à la nationalité est utile sur le plan statistique pour
déterminer l'origine et le nombre des ressortissants européens qui exercent
leur droit de vote aux élections municipales en France. Il s'agit d'une source
d'information particulièrement intéressante, notamment chaque fois que l'on
sera amené à approfondir la réflexion sur le renforcement de la citoyenneté
européenne.
Il s'agit d'une exigence logique, ainsi que l'a précisé M. Fauchon dans son
rapport, puisque « les conseillers municipaux ne pourront être maires ou
adjoints, ni participer à quelque titre que ce soit à l'élection des sénateurs.
Il s'agit donc d'une donnée importante dont tout électeur doit pouvoir mesurer
les conséquences lorsqu'il désigne l'équipe chargée de la gestion de sa commune
».
Enfin, cette précision contribue à plus de transparence, valeur qui mérite
d'être préservée en démocratie. Il ne faut pas craindre - comme on a pu le dire
à l'Assemblée nationale - que la référence à la nationalité, soit montée en
épingle lors des campagnes électorales. Le traité de Maastricht a été ratifié
puis adopté, par la voie du référendum, par une majorité de Français. Les
Français se sont clairement exprimés. Aujourd'hui, il nous revient non
seulement d'assumer mais d'encourager cette intégration européenne par la voie
de la participation électorale. Sur ce terrain, les partis et les groupes
politiques républicains ont un rôle à jouer, et il reviendra à chaque électeur,
en toute connaissance de cause, de faire un choix.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L.O. 227-3 du
code électoral.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L.O. 227-4 DU CODE ÉLECTORAL
M. le président.
Par amendement n° 3, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de supprimer
le dernier alinéa
d)
du texte présenté par l'article 1er pour l'article
L.O. 227-4 du code électoral.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cet amendement porte sur le rétablissement du double
électorat. Je me suis exprimé assez longuement tout à l'heure sur ce sujet pour
ne pas avoir à y revenir, sauf si le débat s'instaure.
Je vous rappelle que cette disposition permettra à un étranger votant en
France de continuer de voter chez lui aux élections municipales si la
législation de son pays le lui permet. C'est parce que nous ne voulons pas
préjuger cette législation et priver cet étranger d'avantages dont jouissent
actuellement les Français dans les pays qui ont déjà transposé cette directive
et qui admettent parfaitement ce double électorat que je vous propose, mes
chers collègues, d'adopter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, le
Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
Selon moi, la conception de l'Europe dont M. Fauchon semble se réclamer est
aux antipodes du principe de la démocratie, fondée sur le suffrage universel.
Un homme égale une voix : c'est le principe d'égalité. Or nous voulons
construire une Europe républicaine.
Vous nous proposez, monsieur le rapporteur, de superposer, au nom d'une
distinction entre la citoyenneté européenne et la citoyenneté nationale, des
ordres juridiques totalement différents. Mais c'est le retour au Moyen Age,
avec un empilement de dispositions sans cohérence entre elles !
Il faut, je le répète, qu'un homme pèse son poids, qu'un homme corresponde à
une voix. Permettez-moi de vous dire que, si nous vous suivions, nous
reviendrions à une sorte de suffrage censitaire, puisque tel qui détient un
domicile dans plusieurs pays pourrait voter deux ou trois fois, tandis qu'un
autre ne pourrait le faire qu'une fois.
Ce dispositif n'est pas cohérent ; il faut savoir vers quelle Europe nous nous
orientons. Soyons clairs.
Comme vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le rapporteur, ce sujet
n'embraye pas sur une grande réalité, mais il pose une question de principe
tout à fait évidente.
Je m'insurge contre l'idée selon laquelle, parce que la directive n'aurait
rien précisé, nous serions en quelque sorte obligés d'aller contre nos
conceptions pour nous couler dans le moule de ce que prévoit par exemple, si
j'ai bien suivi votre exposé, la législation britannique. Restons Français,
surtout restons républicains !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Monsieur le ministre, puisque vous me provoquez, je suis
obligé de revenir sur le fond de cette affaire, qui a une assez grande valeur
symbolique.
Tout d'abord, je vous avoue que je ne vois pas le rapport entre cette
disposition et le suffrage censitaire, lequel était fondé sur la possession
d'un certain revenu.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Si vous avez trois résidences, vous êtes plus
riche que si vous n'en avez qu'une !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je vous prie de m'excuser, monsieur le ministre. Vous pouvez
être électeur au conseil municipal en vertu de règles qui n'ont rien à voir
avec la possession d'un patrimoine. En conséquence, votre référence au suffrage
censitaire ne me semble pas pertinente.
Vous me dites que notre démarche est archaïque et qu'elle évoque le Moyen Age.
J'avoue ne pas très bien comprendre non plus cette objection. Tout est
tellement différent maintenant qu'une telle assimilation ne peut emporter notre
conviction ni même nous éclairer.
Si j'osais me référer au passé, j'évoquerai plutôt la situation qui prévalait
dans le monde romain, qui, à beaucoup d'égards, reste exemplaire.
L'Empire romain n'a-t-il pas en effet réussi à faire régner une paix et une
civilisation universelles, sans pour autant nier les appartenances locales des
citoyens ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Au prix de l'esclavage !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je vous en prie ! Vous savez très bien qu'il n'en est pas
question.
Souvenez-vous de saint Paul. C'était un Hébreux, qui réglait ses affaires dans
son pays comme il l'entendait. Pourtant, quand il lui a été fait un procès
criminel, il a revendiqué sa qualité de citoyen romain et réclamé, en
conséquence, l'application de la procédure romaine.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Tout cela n'est pas très laïc !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il a donc fallu le transporter à Rome où il a subi le
supplice que l'on sait.
Voilà l'exemple d'une société dans laquelle coexistaient, d'une part, des
collectivités locales dotées de leur propre mode de fonctionnement et, d'autre
part, des appartenances supra-nationales - d'où la revendication : « Je suis
citoyen romain » - qui déclenchaient l'application de procédures
supranationales.
Mes chers collègues, nous traitons d'une question profonde. Or, je suis
extrêmement surpris d'entendre M. le ministre de l'intérieur, tel que nous le
connaissons, nous parler d'une Europe qui deviendrait une république une et
indivisible et qui abolirait complètement les règles des républiques
particulières, ses propres composantes.
Moi qui croyais être suffisamment européen, je suis dépassé par l'intégrisme
d'une personne qui est d'ailleurs ministre des cultes.
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Intégrisme républicain !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Nous n'allons pourtant pas, du jour au lendemain, transformer
l'Europe en une république universelle dotée d'une seule loi et abolir les
règles particulières aux communes, aux régions et à tous les systèmes
juridiques dès lors que, dans leurs particularismes, ils ne sont pas
compatibles avec la démarche européenne.
Je suis prêt à inclure dans le supranational tout ce qui doit l'être. Je
pense, bien sûr, aux questions de défense, de diplomatie, d'actions dans le
monde, d'actions culturelles générales, d'actions économiques comme ce qui
touche à la monnaie. Mais laissez donc en paix la vie de nos communes ! Que
chacun reste dans son système particulier. S'il plaît à un pays de dire que les
citoyens qui s'inscrivent dans une commune d'un autre Etat perdent leur droit
de vote chez eux, il a le droit de le dire ! Mais s'il ne le dit pas, ne le
disons pas à sa place ! Ne mettons pas en oeuvre cette espèce d'impérialisme
jacobin. De ce point de vue-là, je ne suis pas jacobin, monsieur le ministre
!
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
C'est vrai, vous revenez à l'Ancien Régime !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Non, je suis au contraire en avance. Je suis convaincu que
les sociétés à venir seront des sociétés pluralistes. J'espère que nous vivrons
assez longtemps, certains d'entre nous au moins, pour voir des unions mondiales
plus vastes, parce qu'elles sont rendues nécessaires, à bien des égards, par
les phénomènes de mondialisation que nous vivons. Mais j'espère bien que cette
mondialisation d'un certain nombre de structures et d'organisations ne fera pas
dépérir du jour au lendemain les particularismes auxquels nous sommes attachés,
les traditions que nous pouvons avoir et qui sont si importantes : la diversité
et le pluralisme sont des éléments aussi importants que l'unité à laquelle vous
semblez vouloir tout sacrifier. Moi, je ne veux pas tout sacrifier à cette
vision qui me paraît, je dois le dire, quelque peu technocratique et
administrative. Je préfère une conception pluraliste.
Je reviens à notre sujet, que j'ai un peu dépassé, mais vous m'y avez incité,
monsieur le ministre. Alors qu'on admet couramment l'existence de binationaux -
nos amis Français de l'étranger connaissent bien la situation - alors que les
Etats européens qui ont déjà transposé la directive admettent parfaitement
qu'un Français puisse voter chez eux aux élections municipales en conservant la
possibilité de voter dans sa commune d'origine si la loi française l'y
autorise, je ne vois pas pourquoi nous priverions les Européens de ce droit
qu'ils nous reconnaissent dans leur propre pays. Une telle attitude, en outre,
manquerait de générosité ; je ne puis y souscrire. Je demande donc au Sénat de
bien vouloir suivre la commission dans sa démarche, que je crois profondément
sage.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je voudrais rendre hommage à M. Fauchon pour la
cohérence des différents points de vue qu'il a exprimés.
En effet, cette apologie de la diversité, du pluralisme, du double ou du
triple vote qu'il vient de faire est parfaitement cohérente avec les attaques
qu'il a proférées contre la souveraineté nationale, disant que la souveraineté
nationale était considérée comme chose obsolète sur ces bancs, ce que je ne
saurais croire.
La souveraineté appartient à la nation. C'est ce que dit la Constitution. Elle
dit encore que le peuple est détenteur de la souveraineté, c'est lui le
souverain. Sous l'Ancien Régime, il y avait des souverains, il y a aujourd'hui
un peuple souverain, et chaque citoyen détient une parcelle de souveraineté. Le
droit de vote est le mode d'expression par excellence de cette souveraineté du
citoyen. Il est clair que, à partir du moment où vous démembrez ce droit de
vote, où vous le dissolvez, vous le dispersez, vous le distribuez tout à
l'entour comme s'il n'avait aucune importance, vous sapez par là même le
fondement de l'essence de la souveraineté.
Il faut être extrêmement prudent dans un domaine comme celui-là car nous
touchons au principe fondamental d'égalité, qui est inscrit au fronton de tous
les édifices républicains.
Je pense que vous êtes sur une pente glissante, monsieur le rapporteur, et que
vous glissez avec cohérence, c'est-à-dire que vous glissez tout entier !
(Sourires.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Michel Duffour.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
J'ai abordé cette discussion avec une volonté de conciliation et en suivant le
point de vue du Gouvernement.
En vérité, c'est sur cette seule disposition que je comptais intervenir, mais
je dois dire que nos raisonnements risquent de plonger dans la perplexité ceux
qui prendront connaissance de nos débats.
En fait, nous discutons à front renversé. Pour ma part, je m'en tiens à la
position que j'avais adoptée en première lecture, et je ne suis pas convaincu
par M. le ministre. En votant l'amendement de la commission, je crois émettre
un vote républicain, sans pour autant, d'ailleurs, suivre nécessairement
l'augmentation que M. le rapporteur a développée ; en tout cas, je n'ai pas le
sentiment de me tourner ainsi vers le passé.
Ce débat nous offre la possibilité de réaliser une avancée vers une
citoyenneté européenne, qu'il ne faut pas récuser mais qui ne prendra
véritablement son ampleur que si elle s'ancre sur un rappel fort de notre
citoyenneté nationale. C'est la raison pour laquelle je me rallie au point de
vue de la commission.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Mes chers collègues, je voudrais exprimer notre ambarras. Nous sommes en effet
confrontés à deux argumentations, l'une et l'autre très fortes, qui ne
s'annulent pas et qui peuvent même se compléter. J'aurais tendance à dire que
et M. le ministre et M. le rapporteur ont raison.
Alors que faire ?
En première lecture, mes amis du groupe socialiste et moi-même nous étions
opposés au double vote, pour les raisons que M. le ministre a fort
opportunément rappelées, notamment au nom du respect du principe
républicain.
Dans la perspective de la deuxième lecture, en commission des lois, nous avons
repris la même position. D'ailleurs, non seulement mon ami Robert Badinter mais
aussi d'autres collègues appartenant à la majorité sénatoriale ont exprimé leur
hostilité résolue au double vote.
Cependant, nous nous sommes finalement rendus à l'argumentation de M. le
rapporteur lorsqu'il nous a dit que, contrairement à ce que nous affirmions, en
adoptant sa position nous n'accorderions nullement à des ressortissants de
l'Union européenne un privilège dont les Français seraient exclus.
En effet, ainsi qu'il vient de le rappeler, les pays qui ont transposé la
directive européenne en droit interne permettent le double vote, y compris,
bien sûr, au bénéfice des Français.
Dès lors, comment pourrions-nous interdire à un Allemand, à un Italien, à un
Espagnol de voter deux fois, alors qu'un Français, lui, le pourrait s'il réside
en Allemagne, en Italie ou en Espagne ?
Ainsi, sans pour autant renier totalement l'argumentation qui nous avait
précédemment conduits à adopter un autre point de vue, nous avons décidé de
suivre la commission, considérant que, pour trancher le litige, il fallait un
juge, un arbitre. Cet arbitre, ce sera le Conseil constitutionnel, à qui nous
nous en remettons pour dire s'il peut ou non y avoir, en l'espèce, double
vote.
Pour le moment, la jurisprudence du Conseil constitutionnel donne à penser que
ce n'est pas possible. Nous verrons s'il maintient cette position ou s'il y
renonce, et pour quelles raisons.
Avec mes amis, je m'en remets donc à la décision du Conseil constitutionnel,
qui arbitrera entre l'une et l'autre argumentation.
M. Philippe Richert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Sur le fond, je l'avoue, je considère qu'il n'est pas possible, par principe,
de voter deux fois, pour le même type d'élection, au sein d'une même entité.
Or, à mes yeux, demain, l'Europe constituera effectivement une entité au sein
de laquelle tous les pays qui la composent se trouveront rassemblés.
Je peux fort bien concevoir que l'on vote en France, par exemple, pour les
élections municipales et dans un autre pays pour une élection d'un autre
type.
En revanche, il ne me paraît pas cohérent de pouvoir s'exprimer deux fois au
sein d'une même entité pour déléguer un pouvoir de même nature.
Sur le plan du principe, je serais donc enclin à ne pas suivre M. le
rapporteur.
Cela étant, je fais mienne l'analyse qui a été exposée par M. Guy Allouche :
le fait que les autres pays autorisent le double vote nous interdit, me
semble-t-il, de ne pas reconnaître les mêmes droits aux ressortissants
européens non français qui vivent en France. Une absence de réciprocité sur ce
point ne pourrait qu'être très mal perçue par nos amis européens.
Pour cette raison, je me rallierai à la position de M. le rapporteur et je
voterai l'amendement de la commission.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
En complément de ce qui a été dit à bon droit par notre
collègue M. Guy Allouche - j'aurais dû faire moi-même ce rappel -, je précise
que, de toute façon, notre texte sera soumis au Conseil constitutionnel et que
le problème sera finalement tranché par lui, à condition toutefois, mes chers
collègues, que vous adoptiez l'amendement. Sinon, c'est évident, le Conseil
constitutionnel n'aura aucune raison d'étudier cette question. Autrement dit,
pour savoir ce qu'il pense, il faut voter l'amendement.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je voudrais encore chercher à éclairer la Haute
Assemblée par quelques remarques.
La question est de savoir quel type d'Europe nous voulons construire.
Voulons-nous construire une Europe qui ait quelque chose à voir avec les
principes sur lesquels a été fondée la République française ?
Nul ne l'ignore, le droit n'est pas le même dans tous les pays d'Europe. Par
exemple, le droit de la nationalité n'est pas le même en France et en
Allemagne. Si la Grande-Bretagne a une identité qui est très largement fondée
sur la tradition, le propre de la République française est de s'être bâtie sur
des principes, sur des concepts, tels que la laïcité ou l'égalité, entre
autres.
Autrement dit, la vraie question qui vous est posée est de savoir si vous
souhaitez que ces valeurs puissent faire leur chemin dans l'Europe que nous
construirons.
A la limite, il reste une position de repli, celle de la subsidiarité : chacun
applique la loi qui correspond à ses principes.
Mais allez-vous abandonner vos propres principes sous prétexte que, dans
d'autres pays, dont l'histoire est particulière, qu'il s'agisse de la Belgique,
de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne ou d'autres, ces principes ne sont pas
appliqués ?
Ne serait-ce que d'un point de vue assez restrictif, presque modeste, au nom
de cette petite liberté que, d'un mot emprunté au vocabulaire théologique, on
appelle la subsidiarité, vous devriez au moins défendre vos propres principes,
en espérant qu'au fil du temps ils feront leur chemin.
Si, d'emblée, vous abandonnez ce dont vous avez hérité, c'est-à-dire le pacte
républicain, l'ensemble des valeurs et des concepts en vertu desquels la
République a un sens, cela signifie que vous vous orientez vers un type
d'Europe qui n'aura pas grand-chose à voir avec l'héritage de la République
française.
Mais c'est une pente consentie, si j'ai bien compris, puisque M. le rapporteur
a fait, de manière d'ailleurs très brillante, l'apologie de cette Europe de la
diversité, des droits superposés, qui évoque pour moi, sinon le Moyen Age - ce
serait peut-être remonter un peu loin - du moins l'Ancien Régime, avec cet
enchevêtrement de principautés, de droits divers. Or c'est précisément à cela
que nous avons voulu mettre un terme en fondant autant que possible en raison
l'ordre juridique républicain.
J'observe que, par une suite de concessions, à mon avis tout à fait inutiles,
vous vous acheminez, vous nous acheminez, vous acheminez l'Europe vers quelque
chose qui ressemblera bien peu à ce que, il y a deux siècles, les fondateurs de
la République avaient voulu faire.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Monsieur le ministre, vous m'obligez à poursuivre la
réflexion dans les voies quelque peu abstraites, voire insaisissables que vous
avez ouvertes. En effet, vous employez des termes philosophiques, vous parlez
de grands principes. Mais tout cela, je me permets de vous le dire, est un peu
gratuit et me paraît à tout le moins bien théorique.
En quoi cette question du vote aux élections municipales relève-t-elle des
grands principes républicains ? Cela me semble rien moins qu'évident. Il ne
faut pas tout placer au même niveau et sacraliser tout ce que nous avons mis
dans la République.
En quoi s'agit-il d'un retour à l'Ancien Régime ? Au demeurant, si l'on
considère la France telle qu'elle est actuellement, avec ses communes, ses
communautés de communes, ses districts, ses départements, ses préfets, ses
régions, ses assemblées régionales, ses préfets de région et ses multiples
structures, et qu'on la compare objectivement avec l'Ancien Régime et le
système fort efficace des intendants, on est forcé de constater que la
régression est à peu près certaine et que nous sommes en deçà de la situation
de la France à la veille de la Révolution.
Et que dire des mille et une mesures fiscales qui s'enchevêtrent, auxquelles
vous apportez encore des éléments de complication extraordinaires, avec des
diversifications à l'infini !
En vérité, nous atteignons un degré de complexité qui est bien supérieur à
celui que notre pays connaissait sous l'Ancien Régime.
Alors, je vous en prie, évitons la comparaison et ne brocardons pas l'Ancien
Régime car, à bien des égards, il pourrait quelquefois nous donner des
leçons.
Mais revenons à notre sujet. S'il faut en appeler à un principe, c'est un
principe qui ne s'applique que sur le territoire français et qui fait que l'on
ne vote, en France, que dans une commune.
Dès lors que nous faisons l'Europe, il est évident que nous sommes dans un
autre contexte et qu'il nous faut faire un effort d'imagination pour nous y
adapter. Vous ne pouvez tout de même pas prétendre que l'on va, du jour au
lendemain - dans un siècle, peut-être, nous verrons ! -, imposer les lois de
la République française dans ce contexte nouveau.
Alors, tenons compte de la diversité de celui-ci, ne brutalisons pas les
habitudes de chacun des pays, respectons-les et faisons quelque chose dont,
peut-être, d'un point de vue intellectuel la cohérence ne vous paraîtra pas
parfaite, mais qui, du point de vue de la vie humaine - et c'est ce qui importe
-, sera beaucoup plus raisonnable parce que beaucoup plus respectueux à la fois
des collectivités locales et des cultures nationales telles qu'elles existent,
les unes et les autres, dans leur diversité.
Encore une fois, il appartient à chaque pays de dire si le citoyen qui s'est
inscrit dans un pays voisin pour y voter aux élections municipales perd ou ne
perd pas son droit de vote dans son pays d'origine ; telle est ma conviction.
Ce n'est pas à nous de décider pour tous les autres.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
M. José Balarello.
Je m'abstiens.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L.O. 227-4 du
code électoral.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L.O. 227-5 DU CODE ÉLECTORAL
M. le président.
Par amendement n° 4, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de supprimer
le texte présenté par l'article 1er pour l'article L.O. 227-5 du code
électoral.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cet amendement est la conséquence du précédent.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.
M. José Balarello.
Je m'abstiens.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, le texte proposé pour l'article L.O. 227-5 du code électoral
est supprimé.
ARTICLE L.O. 227-6 DU CODE ÉLECTORAL
M. le président.
Par amendement n° 5, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de supprimer
le texte proposé par l'article 1er pour l'article L.O. 227-6 du code
électoral.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit également d'un amendement de conséquence.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, le texte proposé pour l'article L.O. 227-6 du code électoral
est supprimé.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Il est inséré, dans le code électoral, un article L.O. 228-1 ainsi
rédigé :
«
Art. L.O. 228-1.
- Sont en outre éligibles au conseil municipal ou au
Conseil de Paris les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne
autres que la France qui :
«
a)
Soit sont inscrits sur la liste électorale complémentaire de la
commune ;
«
b)
Soit remplissent les conditions légales autres que la nationalité
française pour être électeurs et être inscrits sur une liste électorale
complémentaire en France et sont inscrits au rôle d'une des contributions
directes de la commune ou justifient qu'ils devaient y être inscrits au 1er
janvier de l'année de l'élection. »
Par amendement n° 6, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans le
premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article L.O. 228-1 du
code électoral, après les mots : « autres que la France », d'insérer les mots :
« dont l'état d'origine accorde aux Français qui y résident un droit
d'éligibilité équivalent dans les conditions prévues par le traité sur l'Union
européenne et selon sa législation nationale propre, et ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Par symétrie avec ce que nous avons adopté concernant
l'électorat, il s'agit ici de la réciprocité concernant l'éligibilité. C'est
encore affaire de conséquence.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
N'étant pas inconséquent, j'émets un avis
défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 7, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de compléter
in fine
le texte présenté par l'article 2 pour l'article L.O. 228-1 du
code électoral par un alinéa ainsi rédigé :
« Les membres du Conseil de Paris qui n'ont pas la nationalité française ne
peuvent pas siéger à ce conseil lorsqu'il se réunit en qualité de conseil
général. Dans ce cas, ils sont remplacés par le candidat français venant
immédiatement après le dernier candidat élu de la liste sur laquelle ils se
sont présentés à l'élection au Conseil de Paris. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Nous pensons qu'il faut tenir compte d'une particularité
française, monsieur le ministre, ce qui devrait vous faire plaisir.
En effet, les conseillers de Paris sont à la fois membres d'un conseil
municipal et membres d'un conseil général. Or le projet de loi organique que
nous étudions ne concerne que les conseils municipaux et n'a pas lieu de
s'appliquer aux conseils généraux. Il convient, par conséquent, de préciser que
les élus membres du Conseil de Paris qui n'ont pas la nationalité française ne
siégeront pas lorsque cette assemblée se réunira en qualité de conseil général.
Ils seront alors remplacés par le suivant sur la liste.
Là, monsieur le ministre, c'est le jacobinisme et l'esprit français qui nous
conduisent à proposer cette disposition.
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le rapporteur, je vais vous démontrer
que le Gouvernement est beaucoup plus souple que vous ne l'êtes vous-même.
Alors que je pensais avoir développé un argument de bon sens - un homme égale
une voix - auquel vous n'avez pas voulu adhérer, je m'en remettrai néanmoins à
la sagesse du Sénat sur cet amendement n° 7, et cela pour des raisons
simples.
D'une part, le présent le projet de loi organique sera soumis au contrôle du
Conseil constitutionnel, auquel je laisse le soin de trancher définitivement
sur ce point.
D'autre part, la disposition introduite par l'amendement n° 7 peut être
disjointe du reste du projet sans entraîner d'autres répercussions.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Je ne vais pas reprendre l'argumentation que nous avons développée en première
lecture en faveur de la proposition de la commission, que nous avons pour une
part contribué à améliorer.
Je dirai seulement que nous avons pris soin de consulter sur ce point nos amis
du Conseil de Paris : notre collègue Bertrand Delanoë, qui y préside le groupe
socialiste et apparentés, s'est montré favorable à la disposition proposée pour
les raisons déjà rappelées, à savoir que le Conseil de Paris siège également en
formation de conseil général.
J'insiste sur le fait que cette disposition tend à préserver l'équilibre
politique. S'il est souhaitable que les listes municipales en présence à Paris
fassent place demain à des ressortissants de l'Union européenne, il ne faudrait
pas que, par ce biais, il y ait une pénalisation dans les votes politiques.
C'est donc pour préserver l'équilibre politique des forces en présence au
Conseil de Paris que nous souhaitons qu'il soit traité quelque peu différemment
en raison de sa double formation de conseil municipal et de conseil général.
J'espère que, sensibles au fait que le Gouvernement s'en remette à la sagesse
du Sénat et aux arguments de la Haute Assemblée, nos collègues députés finiront
par entendre raison.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - Il est inséré, dans le code électoral, un article L.O. 265-1 ainsi
rédigé :
«
Art. L.O. 265-1.
- Chaque fois qu'une liste comporte la candidature
d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France
est exigée de l'intéressé la production :
«
a)
D'une déclaration certifiant qu'il n'est pas déchu du droit
d'éligibilité dans l'Etat dont il a la nationalité ;
«
b)
Des documents officiels qui justifient qu'il satisfait aux
conditions d'éligibilité posées par l'article L.O. 228-1.
« En cas de doute sur le contenu de la déclaration visée au
a
ci-dessus, est exigée, avant ou après le scrutin, la présentation d'une
attestation des autorités compétentes de l'Etat dont l'intéressé a la
nationalité, certifiant qu'il n'est pas déchu du droit d'éligibilité dans cet
Etat ou qu'une telle déchéance n'est pas connue desdites autorités. »
Par amendement n° 8, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de remplacer
le premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article L.O. 265-1
du code électoral par deux alinéas ainsi rédigés :
« Chaque fois qu'une liste comporte la candidature d'un ressortissant d'un
Etat membre de l'Union européenne autre que la France, la nationalité de
celui-ci est portée sur la liste en regard de l'indication de ses nom, prénoms,
date et lieu de naissance.
« En outre, est exigée de l'intéressé la production : ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cet amendement vise à faire figurer sur les listes de
candidatures, et non plus sur les listes électorales complémentaires, la
nationalité de chacun des étrangers qui y figurerait, et cela pour les mêmes
raisons que celles qui ont été invoquées tout à l'heure : ce qui est vrai pour
les listes électorales complémentaires doit
a fortiori
l'être pour les
bulletins.
Précisons que cette disposition vise les communes de plus de 3 500 habitants,
où le scrutin se fait par liste.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je considère que la mention en question n'a pas
de caractère discriminatoire. Je fais d'ailleurs observer qu'elle doit déjà
être portée sur les listes de candidats déposées en vue de l'élection des
représentants français au Parlement européen, ainsi que le prescrit l'article 9
de la loi du 7 juillet 1977 modifiée. Dans ces conditions, je donne un avis
favorable à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, ainsi modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 5 bis
M. le président.
L'article 5
bis
a été supprimé par l'Assemblée nationale mais, par
amendement n° 9 rectifié, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de
rétablir cet article dans la rédaction suivante :
« Il est inséré dans la section VI du chapitre 1er du titre IV du livre Ier du
code électoral un article L.O. 247-1 ainsi rédigé :
«
Art. L.O. 247-1. -
Dans les communes de 2 500 habitants et plus, les
bulletins de vote imprimés distribués aux électeurs comportent, à peine de
nullité, en regard du nom des candidats ressortissants d'un Etat membre de
l'Union européenne autre que la France, l'indication de leur nationalité. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
C'est la même disposition qu'à l'amendement précédent mais
sont visées cette fois les communes de 2 500 habitants et plus. Je rappelle
que, dans les communes de moins de 3 500 habitants, les voix sont décomptées
par personne membre de la liste et non par liste.
Les raisons developpées précédemment nous conduisent à proposer que sur les
bulletins distribués aux électeurs figure la mention de la nationalité des
candidats qui ne sont pas français.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Le Gouvernement est défavorable, pour des
raisons pratiques, à cet amendement.
Dans les communes de moins de 3 500 habitants, contrairement à ce qui est le
cas dans les communes de plus de 3 500 habitants, les listes ne donnent pas
lieu au dépôt obligatoire d'une déclaration de candidature à la préfecture ou à
la sous-préfecture.
Vouloir appliquer aux communes de moins de 3 500 habitants l'article L.O.
265-1 nouveau du code électoral est donc tout à fait incohérent : il n'y aurait
pas d'autorité compétente pour recevoir les déclarations de candidature. La
formalité serait impossible !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cette objection explique la rectification que nous avons
apportée.
S'il est vrai qu'il n'y a pas de dépôt de candidature dans les communes de 2
500 à 3 500 habitants, il n'en reste pas moins que, selon l'article L. 256 du
code électoral pour toutes les communes de 2 500 habitants et au-dessus, les
candidatures isolées sont interdites et les bulletins distribués aux électeurs
doivent comporter autant de noms qu'il y a de sièges à pourvoir.
Le vote s'effectue donc bien par bulletins, même si le dépôt préalable n'est
pas exigé, et nous demandons que sur ces bulletins figure la nationalité.
Je crois que, même d'un point de vue statistique, votre argumentation
précédente s'appliquerait et il serait donc cohérent d'adopter cet
amendement.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
M. le rapporteur, dans sa sagesse, ayant bien
voulu se rendre à mes raisons, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en
remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 5
bis
est rétabli dans cette rédaction.
Article 7
M. le président.
L'article 7 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Article additionnel après l'article 11
M. le président.
Par amendement n° 12, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 11,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article L. 334-1 du code électoral, un article ainsi
rédigé :
«
Art. L.O. ... -
Les dispositions organiques du titre IV du livre Ier
du présent code sont applicables à l'élection des conseillers municipaux des
communes de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. »
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
L'article L. 334-1 du code électoral prévoit que
l'élection des conseillers municipaux à Saint-Pierre-et-Miquelon a lieu selon
les dispositions du droit commun telles qu'elles sont retracées dans le titre
IV du livre Ier du code électoral.
Toutefois, cet article est de nature simplement législative. Pour assurer la
participation des citoyens de l'Union européenne autres que les Français aux
élections municipales à Saint-Pierre-et-Miquelon, il convient d'étendre par une
disposition organique l'application à la collectivité territoriale des mesures
organiques nouvelles introduites dans le code électoral, à l'instar de ce qui
est fait pour l'élection des conseillers d'arrondissement de Paris, Marseille
et Lyon.
En revanche, il n'est pas nécessaire de prévoir de disposition organique
particulière s'agissant des règles propres à l'élection des sénateurs.
Celles-ci sont étendues de plein droit à Saint-Pierre-et-Miquelon par le jeu du
renvoi figurant à l'article L.O. 334-2 du code électoral.
L'amendement n° 12 apporte donc une précision qui ne concernera que peu de
ressortissants communautaires - je ne pense pas, en effet qu'ils soient très
nombreux à Saint-Pierre-et-Miquelon ! - mais qui n'en est pas moins nécessaire
si l'on veut que notre droit reste, contrairement à ce qu'a dit tout à l'heure
M. Fauchon, un droit républicain.
(M. le rapporteur sourit.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cet amendement, en effet, est fondé. Je rappelle que
Saint-Pierre-et-Miquelon, après avoir été un département, est maintenant une
communauté
sui generis.
Je ne sais comment la République intègre les communautés
sui generis.
Voici encore un bel exercice juridique, car je croyais qu'elle ne connaissait
que les départements ! Mais il semble qu'elle admette un certain pluralisme,
notamment en l'honneur de Saint-Pierre-et-Miquelon, archipel riche en
poissons.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Il y en a de moins en moins !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Quoi qu'il en soit, la commission a émis un avis favorable
sur cet amendement, après avoir consulté M. Reux, notre collègue qui représente
Saint-Pierre-et-Miquelon et pour qui cette disposition ne présente que des
avantages.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 12.
M. Daniel Millaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud.
Notre collègue a en effet dit que l'amendement n° 12 ne présentait que des
avantages, et c'est pourquoi je crois opportun qu'un texte spécial concernant
Saint-Pierre-et-Miquelon soit voté ultérieurement, après consultation de
l'Assemblée.
En effet, mes chers collègues, je vous rappelle que Saint-Pierre-et-Miquelon
est un territoire associé à l'Union européenne et non un Etat membre.
En revanche, je ne dis rien au sujet de Mayotte car sa départementalisation
devrait intervenir incessamment et Mayotte sera alors complètement intégrée à
l'Union européenne.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi organique, après l'article 11.
Article 12
M. le président.
« Art. 12. - Les dispositions de la présente loi organique sont applicables
dans les territoires d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte.
»
La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud.
Je veux d'abord remercier notre collègue M. Fauchon et la commission des lois,
qui l'a suivi dans ses conclusions. Ainsi, la position du Sénat en première
lecture est rétablie : le présent projet de loi organique ne peut être étendu
aux territoires d'outre-mer.
Il faut en effet rappeler, une fois encore, que les territoires d'outre-mer
sont associés à l'Union européenne dans les conditions fixées par la quatrième
partie du traité, lequel détermine limitativement les dispositions qui s'y
appliquent et qui sont adaptées par les différentes décisions d'association.
Alors que nous ratifions les accords d'association entre l'Union européenne
d'une part, les pays baltes et la Slovénie d'autre part, nous avons eu
connaissance d'une note annexée à ces traités. Cette note précise que la
quatrième partie du traité de l'Union européenne, intitulée « association des
pays et territoires d'outre-mer », articles 131 à 136, définit limitativement
les dispositions qui s'appliquent aux territoires d'outre-mer.
Toutefois, une déclaration unilatérale du Gouvernement français spécifiant que
l'accord européen avec chacun des pays concernés ne s'applique pas aux pays et
territoires d'outre-mer associés à l'Union européenne a été incluse dans l'acte
final de ces accords d'association.
C'est bien le signe que le Gouvernement de la République française est en
train de prendre en compte les particularités du traité de
Rome-Maastricht-Amsterdam et de la quatrième partie de ce triple traité.
Il faut également rappeler que le paragraphe I de l'article 1er de la
directive 94/80/CE - dont le présent projet de loi organique se doit d'être la
stricte application - est ainsi rédigé : « La présente directive fixe les
modalités selon lesquelles les citoyens de l'Union qui résident dans un Etat
membre sans en avoir la nationalité peuvent y exercer le droit de vote et
d'éligibilité aux élections municipales. »
Ce texte est suffisamment explicite et ne concerne donc que les quinze Etats
membres qui constituent l'Union européenne. A celle-ci sont associés un certain
nombre de pays et territoires d'outre-mer, assimilés du reste, monsieur le
ministre, au nom de l'égalité de la nationalité, de tout ce que vous pouvez
dire dans cette enceinte, aux pays ACP, les Etats d'Afrique, des Caraïbes et du
Pacifique, dans les différentes décisions d'association.
Voilà comment on traite, quand on applique le traité, les citoyens français et
les citoyens « européens » que, paraît-il, nous sommes ! Ils ne sont donc pas
partie intégrante des Etats membres avec lesquels ils entretiennent des
relations privilégiées.
Il faut également rappeler que « pour des raisons de principe qui tiennent à
la primauté du droit communautaire, un Etat ne saurait exciper de dispositions
de son ordre interne, même constitutionnelles, pour justifier le non-respect de
ses obligations communautaires ». Cette citation est tirée de l'édition de 1994
de l'ouvrage de M. Guy Isaac,
Droit communautaire général
, paru chez
Masson.
Au fait, monsieur le ministre, quelle est la disposition de la Constitution
qui définit la notion de « loi de souveraineté » ? J'ai cherché, je n'ai pas
trouvé. D'autant que le Conseil constitutionnel a rendu obligatoire la
consultation de l'assemblée territoriale quand est concerné le régime électoral
des conseils municipaux ; il s'agit de la décision n° 82-151 DC du 12 janvier
1983.
En outre, il faut prendre en compte la polyinsularité de mon territoire sur
une surface grande comme l'Europe ! Monsieur le ministre, avez-vous eu la
curiosité d'aller en Polynésie française et d'étudier cette carte
(L'orateur brandit un document)
qui montre bien que mon territoire est
éparpillé sur plus de cinq millions de kilomètres carrés ? Mais ce n'est pas
une raison suffisante pour nous intégrer à l'Union européenne !
Compte tenu de cette polyinsularité, comment appliquer ce texte avec les
sections de communes, les maires délégués, qui imposent des adaptations
particulières ? Je rappelle, de surcroît, que le code général des collectivités
territoriales n'est pas applicable en Polynésie française, où il n'existe pas
non plus de conseillers d'arrondissement.
Savez-vous, monsieur le ministre, que l'assemblée de Polynésie française, dans
sa résolution du 18 février 1997, a rappelé que seules les dispositions du
titre IV du traité étaient applicables aux territoires d'outre-mer et avait
souhaité sortir de l'association si celle-ci devait se transformer en
intégration plus ou moins déguisée ? C'est le cas, et je dirai même qu'il
s'agit d'une annexion.
Monsieur le ministre, il faut, sans passion, revoir les conditions de cette
association, comme l'ont déjà fait tous les partenaires de la France, et
reconnaître que nos partenaires traitent de ce problème avec objectivité.
Ainsi, j'ai appris que ni les Pays-Bas, ni le Royaume-Uni, ni le Danemark - qui
sont des royaumes - n'étendent cette directive à leurs territoires d'outre-mer
associés à l'Union européenne. Loi de souveraineté, monsieur le ministre ?
Alors que l'on a coupé la tête de nos rois, on veut toujours appliquer
l'ordonnance royale de 1766. Dans ces conditions, nous devrions vous appeler
non pas M. le ministre mais majesté lorsque nous intervenons.
C'est absolument incohérent ! C'est pourquoi, je vous demande, mes chers
collègues, de voter l'amendement qui vise à supprimer l'application de ce
projet de loi organique dans les territoires d'outre-mer. Soyons objectifs !
Pour conclure, je rappelle, et M. le ministre le sait, que les fonctionnaires
métropolitains en service en Polynésie sont considérés comme des fonctionnaires
expatriés, ce qui leur permet de gagner deux fois plus que les fonctionnaires
locaux. Voilà ce qu'est la République laïque !
M. le président.
Par amendement n° 10, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans
l'article 12, de supprimer les mots : « les territoires d'outre-mer et ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Après ce magnifique plaidoyer de notre collègue M. Daniel
Millaud, qui mérite d'être appelé sinon souverain, du moins Excellence
(Sourires)
, je n'ai rien à ajouter. En effet, j'ai indiqué, dans la
discussion générale, les raisons - juridiques, défaut de consultation - pour
lesquelles la commission des lois ne croit pas devoir modifier sa position, et
vous demande donc, mes chers collègues, de voter cet amendement aux termes
duquel la loi organique ne sera pas rendue applicable aux territoires
d'outre-mer.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
La position du Gouvernement est simple. Nous
allons d'autant moins refaire le procès de Louis XVI que la Polynésie, à
l'époque, ignorait encore ce qui se passait sur le territoire de la
République.
M. Daniel Millaud.
Du royaume !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
C'était au début de 1793 et, si mes souvernirs
sont exacts, monsieur le sénateur, la République avait quatre mois ; je vous
accorde que c'est l'âge d'un enfant qui ne balbutie pas encore. Le capitaine
Cook était déjà mort. La Polynésie française n'existait pas encore. Je la
connais pour l'avoir déjà visitée et j'en apprécie beaucoup le charme.
Le Gouvernement note que vous proposez la suppression des primes versées aux
fonctionnaires métropolitains. Je pense que ce qui vaudrait pour la Polynésie
française devrait valoir pour d'autres départements et territoires d'outre-mer.
Il s'agit là d'une suggestion à laquelle nous allons réfléchir.
Sur le fond, je vais être très clair. Où est la souveraineté, avez-vous dit,
monsieur le sénateur ? Dans la Constitution, tout simplement ! La Constitution
dispose en effet que la République est une et indivisible. Cela n'empêche pas
qu'il puisse y avoir des statuts particuliers.
Par ailleurs, le statut de territoire associé à l'Union européenne a un sens
du point de vue économique. Il a des conséquences sur le plan économique et
social, mais il n'en a pas sur le plan politique, notamment sur le droit de
vote et d'éligibilité.
Par conséquent, je me réfère à l'article 88-3 de la Constitution, qui donne
mission au législateur organique de fixer les modalités d'exercice du droit de
vote et d'éligibilité aux élections municipales - je cite notre constitution
fraîchement révisée - pour « les citoyens de l'Union résidant en France ». La
Polynésie française fait partie de la République ; tel est donc le cas des
étrangers communautaires établis dans les territoires d'outre-mer, que ce soit
en Polynésie française, où ils sont certainement plus nombreux, ou à
Saint-Pierre-et-Miquelon.
Il faut que la loi s'applique partout. C'est un principe républicain qui, si
je vous suivais, pourrait être quelque peu mis à mal. J'en appelle à la sagesse
de la Haute Assemblée. Au moment où il y a une certaine crise de l'identité
nationale, mais qui doit beaucoup à l'impéritie, au maniement superficiel de
certains concepts, il convient de revenir aux sources, d'affirmer clairement
quelques principes simples. En effet, c'est ainsi que nous donnerons confiance
à nos concitoyens et que nous leur permettrons d'aborder l'avenir avec le
sentiment qu'ils vivent non pas dans une espèce de société d'Ancien Régime sans
principes - encore que l'Ancien Régime était fondé sur le droit divin, ce qui
justifiait tout - mais dans une société républicaine où, en définitive, la
souveraineté nationale est le fondement de tout pouvoir.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 10.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur Millaud, comme vous nous manquerez le jour où vous ne serez plus là !
En effet, vous venez de faire un brillant plaidoyer. Hélas ! Nous le savons
tous, les plus brillants plaidoyers n'obtiennent pas toujours gain de cause
devant les juridictions, que ce soit en première instance, en appel ou en
cassation.
Puisque vous avez évoqué la situation des fonctionnaires expatriés qui
exercent en Polynésie française, permettez à un fonctionnaire rapatrié de
s'exprimer. A notre connaissance, la Polynésie française a participé au
référendum sur la ratification du traité de Maastricht : elle n'en a pas été
écartée, elle y a participé normalement, démocratiquement, et, en votant pour
ce traité, elle a approuvé la disposition concernée, en fait et en droit.
M. Daniel Millaud.
C'est pour cela qu'il faut appliquer strictement le traité !
M. Guy Allouche.
Si la Polynésie française n'était pas concernée par le référendum, elle
n'aurait pas dû y participer car, dans ce cas, elle a faussé le résultat.
J'ajoute - M. le ministre l'a dit de façon diplomatique, mais je le serai bien
moins - qu'il ne saurait y avoir d'Union européenne à géométrie variable. En
effet, on ne peut frapper à la porte de l'Europe quand on y trouve son intérêt
et la refermer dans le cas contraire.
Je veux être très clair. Je vous l'ai déjà indiqué et je le répéterai aussi
souvent que cela sera nécessaire : je pense qu'il n'y a rien à craindre de
cette disposition.
Mes chers collègues, nous délibérons aujourd'hui en présence de M. le ministre
de l'intérieur, qui est aussi ministre des cultes. Tout à l'heure, lorsque vous
avez évoqué le double vote, monsieur le rapporteur, vous m'avez remercié de la
remarque que j'avais faite selon laquelle le juge constitutionnel tranchera.
Vous parliez d'or.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Comme toujours !
M. Guy Allouche.
Si je n'étais pas un laïc convaincu, je vous dirai : « Monsieur Fauchon, je
vous bénis. »
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Allez toujours !
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
Acceptez donc ma bénédiction, monsieur Fauchon.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cela n'a que plus de valeur !
M. Guy Allouche.
S'agissant des territoires d'outre-mer, nous ne parvenons pas à nous
départager. Le Gouvernement, l'Assemblée nationale, mes amis socialistes et
moi-même considérons que cette disposition s'applique à la Polynésie française.
La majorité sénatoriale, avec le brillant avocat qu'est notre collègue de la
Polynésie française, M. Daniel Millaud, pense le contraire. Laissons, pour
cette disposition aussi, le Conseil constitutionnel trancher. Aussi, il faut
que cela figure dans la loi.
Or vous proposez que tel ne soit pas le cas. Si cela figure, le Conseil
constitutionnel se prononcera et s'il déclare inconstitutionnelle cette
disposition, M. Millaud aura eu raison et nous nous inclinerons.
Devrions-nous examiner un nouveau projet de loi organique qui viserait
uniquement la Polynésie française ?
Mes chers collègues, je lance un appel à la raison : puisque nous ne parvenons
pas à nous départager, remettons-nous-en au juge constitutionnel, qui dira
effectivement si cette disposition s'applique à la Polynésie française.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Monsieur Allouche, je ne suis pas sûr que votre démarche soit
la mieux fondée en ce qui concerne l'intervention du Conseil constitutionnel :
si le texte conserve la mention des territoires d'outre-mer, le Conseil
constitutionnel pourra considérer qu'il n'a pas lieu de s'en saisir.
M. Philippe Richert.
Evidemment !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
En effet, à supposer qu'il y ait un doute, nous l'aurions
tranché de manière positive, ce qui relève du pur droit interne français, et le
Conseil constitutionnel n'aurait donc pas à s'en mêler.
M. Philippe Richert.
Tout à fait !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Si, au contraire, me semble-t-il, nous ne mentionnons pas les
territoires d'outre-mer, le Conseil constitutionnel pourra soit considérer que
les choses sont bien ainsi, soit émettre une réserve d'interprétation - il en a
le droit - en déclarant que, de toute façon, le texte est applicable et qu'il
n'était donc pas nécessaire de mentionner les territoires d'outre-mer.
Mais, ayant connaissance de nos délibérations, je suis sûr, surtout quand il
nous lira l'un et l'autre, que le Conseil constitutionnel, devant l'absence de
la mention des territoires d'outre-mer, tranchera le doute et dira s'il
considère que, comme le pensent un certain nombre de juristes, le texte
s'applique d'office ou, au contraire, qu'il ne s'applique pas. C'est à mon avis
dans ce seul cas que le Conseil constitutionnel risque d'avoir à se prononcer
sur la question.
Voilà peut-être une raison supplémentaire - mais il y en a déjà beaucoup
d'autres - de voter cet amendement.
M. Philippe Richert.
Tout à fait !
M. Daniel Millaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud.
Je souhaite d'abord indiquer à M. le ministre, au cas où il n'aurait pas lu le
texte complet du traité, qu'un seul Etat membre, la Finlande, a précisé que
cette directive s'appliquait aux îles Aland. Or ces dernières ne sont pas des
territoires associés à l'Union européenne. Elles jouissent d'une situation tout
à fait particulière, comme les îles Féroé, qui dépendent du Royaume du Danemark
et où il n'y aura pas d'élections municipales.
Je vous rappelle également, monsieur le ministre, qu'un traité international
s'applique dès qu'il a été ratifié, quelles que soient les dispositions
constitutionnelles du droit interne. A cet égard, lisez donc le livre paru chez
Masson !
Monsieur Allouche, s'agissant de l'application du traité de Rome aux
territoires d'outre-mer, plusieurs arguments peuvent être avancés : le
mensonge, l'incohérence, la mauvaise foi, la désinvolture, l'ignorance. Mais
j'en évoquerai un autre pour parler de l'argent que nous donne l'Union
européenne : l'escroquerie ! En effet, les droits de douane que nous perdons
sont cinq fois plus élevés que l'inscription du Fonds européen de développement
que nous devrions toucher, et que nous ne percevons pas même en totalité.
M. Philippe Richert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
J'avoue avoir été tout à fait convaincu par le plaidoyer de notre excellent
collègue M. Daniel Millaud, auquel je veux rendre un hommage appuyé pour sa
persévérance et pour sa très grande écoute, s'agissant de tous les dossiers
concernant les territoires d'outre-mer. Nul ne connaît aussi bien que lui tous
les dossiers et toutes les juridictions. Je lui fais donc confiance
a
priori.
Au-delà, je dirai à notre collègue M. Guy Allouche que la meilleure façon de
donner au Conseil constitutionnel l'occasion de se prononcer sur le dossier,
c'est de voter la disposition.
M. Guy Allouche me paraît donc pris à son propre jeu !
M. Guy Allouche.
Pas du tout !
M. Philippe Richert.
Il nous invite à donner l'occasion au Conseil constitutionnel de se prononcer.
Donnons-la lui en adoptant cet amendement !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12, ainsi modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Intitulé du projet de loi organique
M. le président.
Par amendement n° 11, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'insérer,
dans l'intitulé du projet de loi organique, après les mots : « relatif à
l'exercice par les », le mot : « seuls ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission a cru convenable, puisqu'il s'agissait de
déterminer les conditions d'application de l'article 88-3 de la Constitution,
de reprendre le libellé même de cet article relatif à l'exercice par les «
seuls » - c'est sur ce mot qu'intervient la divergence - citoyens de l'Union
européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit
de vote et d'éligibilité aux élections municipales, et portant transposition de
la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994.
L'Assemblée nationale, considérant que le mot « seuls » n'était pas
indispensable, l'a supprimé.
Nous avons la faiblesse de continuer de penser que ce mot à sa raison d'être :
il figure dans l'article 88-3 et, dès lors qu'il s'agit de déterminer les
conditions d'application de ce dernier, il est tout simplement convenable d'en
rappeler le texte même.
Par conséquent, la commission vous propose logiquement de rétablir le mot «
seuls » dans l'intitulé du projet de loi organique que nous venons
d'examiner.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Le Gouvernement s'en remet sur ce point à la
sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
M. Guy Allouche.
Le groupe socialiste votre contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'intitulé du projet de loi organique est ainsi modifié.
Les autres dispositions du projet de loi organique ne font pas l'objet de la
deuxième lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique, je donne la
parole à M. Duffour, pour explication de vote.
M. Michel Duffour.
Je confirme l'appréciation que nous avions formulée lors de la première
lecture : nous sommes vraiment d'accord avec le coeur du dispositif de ce
projet de loi organique.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Le groupe socialiste votera ce texte, malgré les remarques formulées sur
certains amendements. Chacun connaît notre position sur la finalité de ce
projet de loi organique.
Je tiens à remercier devant la Haute Assemblée M. le rapporteur pour le
travail qu'il effectue et l'éclairage qu'il nous apporte sur différents
points.
Je me permettrai de lui demander de se rapprocher de son homologue de
l'Assemblée nationale afin de trouver avec lui un terrain d'entente aussi
rapidement que possible. En effet, ce projet de loi organique doit être voté
dans les mêmes termes par les deux assemblées. Il serait donc souhaitable,
compte tenu de nos travaux, que les lectures de ce texte ne soient pas trop
nombreuses. Monsieur le rapporteur, puissiez-vous exaucer mon voeu, afin que
nous soyons en mesure de voter définitivement ce texte dans les meilleures
conditions.
M. Philippe Richert.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de
droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
9:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 317 |
Le Sénat a adopté.
3
INSCRIPTION D'OFFICE DES PERSONNES ÂGÉES DE DIX-HUIT ANS
SUR LES LISTES ÉLECTORALES
Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi
(n° 43, 1997-1998), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, relatif à l'inscription d'office des personnes âgées de
dix-huit ans sur les listes électorales. [Rapport n° 48 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, la Haute Assemblée est à nouveau saisie du projet de loi permettant
l'inscription d'office des jeunes de dix-huit ans sur les listes
électorales.
Les principes qui inspirent les dispositions qui vous sont soumises sont déjà
largement connus et je ne les rappellerai que brièvement.
Le Gouvernement souhaite faciliter l'exercice du droit de vote par nos plus
jeunes concitoyens et empêcher que ne se produisent, comme ce fut récemment le
cas, des situations où la surprise jointe à l'insuffisante information
empêchent la participation au scrutin.
Il ne s'agit pas de nourrir l'illusion selon laquelle l'inscription d'office
ferait sourdre à nouveau le civisme chez les jeunes là où il se serait évanoui.
Mais il convient pour le moins - cela seul mérite des efforts - d'effacer les
obstacles qui se placent à la participation aux scrutins.
Si le principe général a recueilli l'accord quasi unanime du Sénat, un
désaccord s'est manifesté quant à la date de mise en oeuvre de la réforme. Vous
avez souhaité, monsieur le rapporteur, suivi en cela par la commission des lois
et par le Sénat, que l'inscription d'office ne fût possible qu'à compter de
1999, année de la mise en oeuvre du recensement général des jeunes filles comme
des jeunes garçons.
Ce n'était pas le point de vue du Gouvernement, qui considère, comme je vous
l'ai déjà exposé, que le recours aux fichiers des régimes d'assurance maladie
permet une mise en oeuvre immédiate du dispositif.
La commission mixte paritaire a constaté ce point de désaccord sans pouvoir le
surmonter.
L'Assemblée nationale, dans sa séance du 21 octobre dernier, a adopté à
l'unanimité un texte permettant de répondre aux objectifs poursuivis, tout en
demeurant dans les limites du possible.
Ce texte, qui est aujourd'hui soumis à votre examen, permet de mettre à
contribution, pour l'établissement des inscriptions d'office, non seulement les
informations qui sont fournies par le recensement, mais aussi celles qui sont
issues des fichiers des organismes servant des prestations de base de
l'assurance maladie.
Cette mesure semble importante au Gouvernement, car elle permettra la mise en
oeuvre de l'inscription d'office dès à présent, et sans attendre la fin de
l'année 1999. En effet, le travail accompli en ce moment même par l'INSEE, les
services du recensement du ministère des armées et les organismes d'assurance
maladie permettra d'obtenir des résultats qui, s'ils ne sont pas exhaustifs dès
1997, permettront cependant d'inscrire un très grand nombre de jeunes gens et
de jeunes filles.
Il n'est pas nécessaire d'attendre 1999, dès lors que deux garanties sont
données.
La première porte sur l'ampleur des données disponibles dès à présent. Le
recensement concerne la quasi-totalité des jeunes garçons et, à l'issue de ses
ultimes investigations, l'INSEE pense pouvoir adresser aux mairies des
informations portant sur près des trois quarts des jeunes filles.
Notre code électoral apporte une seconde garantie. Si le Parlement adopte ce
texte, un droit sera créé au bénéfice des jeunes gens ayant atteint l'âge de
dix-huit ans entre le 1er janvier 1997 et le 21 février 1998. Et ces jeunes
gens, même s'ils étaient omis des listes transmises par l'INSEE aux mairies,
pourraient obtenir sans difficulté du juge d'instance leur inscription jusqu'à
la date du scrutin, en réparation de l'erreur matérielle constatée.
Aucun obstacle ne s'oppose donc à la mise en oeuvre dès à présent de
l'inscription d'office des jeunes parvenant à l'âge de la majorité.
Je n'ai pas mésestimé, en vous présentant ce projet, les difficultés
inhérentes à la période transitoire. J'ai le sentiment qu'elles seront
prochainement résolues.
L'exhaustivité des listes transmises par l'INSEE aux commissions
administratives chargées d'effectuer les inscriptions d'office sera bien vite
améliorée. Dès 1998, avec la mise en oeuvre du répertoire inter-régimes
d'assurance maladie, nous disposerons de listes quasi complètes. A partir du
1er janvier 1999, date de la mise en oeuvre du recensement général des jeunes
garçons et des jeunes filles, nous disposerons des éléments de preuve qui nous
manquent encore aujourd'hui quant à la nationalité des jeunes filles.
M. Christian Bonnet,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Ah ! oui
!
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Mais, pour l'instant, il conviendra encore de
faire la preuve de sa nationalité, surtout pour les jeunes filles, par
définition non recensées à ce jour au titre du service national. Il faudra donc
encore se rendre en mairie, soit spontanément, soit sur convocation des mairies
à partir des listes qui leur auront été fournies par l'INSEE.
Comme je l'avais indiqué ici-même, je renouvelle, à travers vous, mon appel
aux jeunes citoyennes et aux jeunes citoyens : cette année, rendez-vous dans
vos mairies ! La démarche est encore indispensable cette année. Elle ne le sera
plus demain.
Bref, comme je vous l'indiquais ici même le 8 octobre dernier, des difficultés
existent, mais elles seront surmontées avec le temps.
Un dispositif supplémentaire a été introduit par l'Assemblée nationale,
permettant de réaliser les inscriptions d'office pour les scrutins intervenant
à leur échéance normale.
Pour ces élections, l'amendement voté prévoit que les commissions
administratives se réuniront à nouveau, afin de procéder aux inscriptions
d'office des jeunes atteignant l'âge de dix-huit ans à la date du scrutin
considéré. L'INSEE aura adressé dans un délai suffisant les données nécessaires
à ces opérations. De la sorte, l'inscription d'office couvrira un champ plus
vaste et inclura les jeunes atteignant l'âge de dix-huit ans entre la date de
clôture de la liste électorale - c'est-à-dire le dernier jour de février - et
la date d'un scrutin arrivant à terme normal. Le Gouvernement, après s'être
assuré de la faisabilité de ce dispositif, l'a approuvé.
De la même manière, le texte modifié qui vous est soumis prévoit que les
commissions administratives réunies à l'occasion de la révision annuelle, entre
septembre et décembre de chaque année, inscriront non seulement les jeunes
ayant atteint l'âge de dix-huit ans entre le 1er janvier de l'année considérée
et le 28 février de l'année suivante, mais aussi ceux qui atteindront la
majorité entre le 28 février et la date des scrutins municipaux et cantonaux,
lesquels ont toujours lieu en mars, les années voyant le renouvellement normal
des conseils municipaux ou d'une partie des conseils généraux.
De la sorte, le processus d'inscription d'office ne connaîtra pratiquement pas
de lacune, si ce n'est pour les élections partielles, où des impossibilités
pratiques tenant à la fourniture des fichiers par l'INSEE et des difficultés
juridiques tenant au respect des délais de recours rendaient la tâche plus que
malaisée.
Sans doute un jour l'équipement informatique généralisé de toutes les mairies
permettra-t-il de renouveler la matière. Mais ces deux novations, applicables à
compter de 1999, doivent être soulignées.
Les charges qui résulteront, pour les communes, de ce dispositif doivent être
appréciées à leur juste mesure. Une classe d'âge ne représente que 2 % du corps
électoral. De plus, les mairies avaient d'ordinaire l'habitude de devoir
enregistrer de très nombreuses demandes d'inscription sur les listes
électorales les années précédant les grands scrutins nationaux. Et, vous le
savez bien, c'est dans les derniers jours de décembre que se regroupaient un
très grand nombre de demandes. L'inscription d'office permettra de mieux
répartir la tâche - de lisser la courbe, comme on dit - et cet avantage ne peut
pas être ignoré.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, lors de la première
lecture, le souci de l'information des jeunes électeurs avait été exprimé sur
toutes les travées, notamment par M. Bonnet, rapporteur, et par M. Allouche.
Je puis vous indiquer, en réponse à cette préoccupation, qu'un guide pratique
destiné aux jeunes bénéficiant de la procédure d'inscription automatique sera
prochainement préparé : le
Livret du citoyen.
M. Guy Allouche.
Excellente idée !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
J'ai confié à M. Claude Nicolet, membre de
l'Institut, ancien directeur de l'Ecole française de Rome, historien reconnu de
la citoyenneté depuis la République romaine jusqu'à nos jours, ancien rédacteur
en chef des
Cahiers de la République
de Pierre Mendès France, la tâche
de proposer le contenu de ce
Livret du citoyen
adressé à tous les
nouveaux électeurs et électrices. Il s'inspirera du principe cher à Jules Ferry
selon lequel le premier devoir du pédagogue est de ne jamais blesser aucune
conscience, et nous pouvons être sûr de sa hauteur de vue. Je renvoie à égard
ceux qui ne l'auraient pas lu au magnifique ouvrage
L'Idée républicaine en
France. (M. le rapporteur opine.)
Nous aurons ainsi concrètement contribué à éveiller le civisme, pour
autant qu'il soit en nous, et à simplifier l'accès à la citoyenneté.
Relever l'esprit républicain est, certes, la tâche de tout le Gouvernement, de
tous les élus, de tous les enseignants. Du moins aurons-nous, par ce texte,
apporté notre pierre à l'ouvrage et fait oeuvre de modernisation de la vie
publique.
Ce souci a été compris, je le crois, par des hommes et des femmes venus de
tous les horizons de la vie politique, et il s'est traduit par un vote unanime
à l'Assemblée nationale.
Je ne veux pas ignorer le désaccord qui subsiste entre nous à propos de la
date d'application de la mesure, mais ayons confiance dans la durée ! Les
difficultés s'aplaniront, les lacunes d'aujourd'hui seront comblées rapidement
et, de plus, nous ouvrirons pour des centaines de milliers de jeunes, dès
aujourd'hui, la voie de l'inscription automatique.
Voilà pourquoi je pense qu'un large accord pourrait se manifester aujourd'hui
au Sénat, comme cela a été le cas à l'Assemblée nationale, autour d'un projet
de loi qui est le fruit d'une volonté exprimée par les plus hautes autorités de
l'Etat, je vous le rappelle, et qu'a tenu à réaliser le Gouvernement.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte
paritaire a constaté un désaccord persistant entre l'Assemblée nationale et le
Sénat. Les représentants de la majorité au Palais-Bourbon ont abordé, en effet,
l'examen de ce texte en tenant pour négligeables « sans pour autant les
méconnaître » - je cite le rapport de M. Christian Paul - les difficultés liées
aux imperfections des fichiers des organismes de sécurité sociale.
Ces « difficultés » - j'ai entendu ce terme dans votre bouche à l'instant,
monsieur le ministre - vous ne les niez pas, tout en les lissant à tout le
moins.
La priorité des priorités concernait, dans l'esprit des députés de la majorité
de l'Assemblée nationale comme dans celui de nos collègues de la minorité du
Sénat, la possibilité d'appliquer, quels que soient les obstacles, cette mesure
d'inscription d'office le plus rapidement possible.
Le souci dominant de la majorité sénatoriale était, tant lors de la commission
mixte paritaire que lors de la séance publique qui s'est tenue dans cet
hémicycle, de ne pas accabler les mairies et certains organismes de charges
qu'elle tenait pour inutiles dès lors qu'elle avait marqué son accord sur le
principe. Elle souhaitait toutefois que l'application de ce dernier se fasse
dans la simplicité et la fiabilité.
Je l'ai déjà dit, nous ne saurions dans le même temps condamner la complexité
des textes et leur accumulation lorsque nous nous trouvons en face des maires,
dans nos départements, et contribuer, à Paris, à l'alourdissement des
procédures.
Quoi qu'il en soit, l'Assemblée nationale a, hier, écarté l'article 2
bis
au motif - sourions ! - qu'il eût entraîné des difficultés
d'application, ainsi que l'article 2
ter
, qui, quelle que pût être son
utilité, posait un sérieux problème de constitutionnalité en créant une
catégorie privilégiée d'électeurs. Mais ce problème a été apparemment reconnu
par son auteur lors de la réunion de la commission des lois de l'Assemblée
nationale.
Mais, dans le même temps, les députés ont construit, en guise de substitut à
l'article 2
bis
qui élargissait les possibilités d'inscription d'office
à toutes les élections, y compris partielles, une autre « usine à gaz ». Vous
avez pensé qu'elle était « faisable » - à l'instant, monsieur le ministre, vous
avez utilisé le terme de « faisabilité » - et que, par dérogation au principe
de l'annualité, elle permettrait l'inscription d'office jusqu'à la date du
scrutin les années d'élections générales, excluant par là même le cas des
élections partielles.
Il s'agit, certes, d'une simple extension du principe de base, mais le mot «
simple » n'est pas celui qui convient en l'occurrence : il s'agit, au
contraire, d'une scorie très lourde issue d'un perfectionnisme pervers. Si
lourde, si pervers, que nos collègues du Palais-Bourbon ont prévu que ces
dispositions « entreront en vigueur à compter du jour où les nationaux des deux
sexes seront soumis à l'obligation du recensement en application du code du
service national », en clair le 1er janvier 1999. Sourions derechef !
Je puis d'autant moins recommander son adoption que l'article L. 30 du code
électoral actuel permet déjà les inscriptions hors période de révision pour les
Français atteignant l'âge de dix-huit ans après la clôture des délais
d'inscription au 31 décembre, devant le juge d'instance il est vrai, sans
préjudice du droit ouvert par l'article L. 34 jusqu'au jour du scrutin auprès
de ce magistrat.
Sous le bénéfice de ces observations, en bon républicain, je vous propose, mes
chers collègues, de supprimer l'article 1er
bis
en tant que générateur
d'une complexité supplémentaire ; de rétablir l'article 2 dans le texte adopté
par le Sénat en première lecture, c'est-à-dire en évitant le recours au fichier
des organismes servant les allocations de base des régimes de protection
sociale ; de confirmer la suppression, opérée par l'Assemblée nationale, des
articles 2
bis
et 2
ter
; de rétablir, enfin, l'article 3, liant
l'entrée en vigueur du dispositif à la généralisation aux nationaux des deux
sexes de l'obligation de recensement, afin d'éviter toutes les difficultés
d'application qui ne manqueront pas de se produire et à propos desquelles je
vous donne en toute amitié rendez-vous, monsieur le ministre, dans un an.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 1er
bis
M. le président.
« Art. 1er
bis. -
I. - Il est inséré, dans le code électoral, un
article L. 11-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 11-2. -
Lors de la révision des listes électorales précédant
la tenue d'élections générales organisées à leur terme normal au mois de mars,
les dispositions de l'article L. 11-1 sont applicables aux personnes qui
rempliront la condition d'âge entre la clôture définitive des listes
électorales et la date du scrutin.
« Au cas où des élections générales arrivant à leur terme normal sont
organisées postérieurement au mois de mars, sont inscrites d'office sur la
liste électorale de leur domicile réel les personnes qui remplissent la
condition d'âge entre la dernière clôture définitive des listes et la date du
scrutin, sous réserve qu'elles répondent aux autres conditions prescrites par
la loi. »
« II. - L'article L. 16 du code électoral est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Toutefois, quand il a été fait application des dispositions du deuxième
alinéa de l'article L. 11-2, la liste électorale complétée en conséquence entre
en vigueur à la date des élections générales. »
« III. - Après le troisième alinéa de l'article L. 17 du code électoral, il
est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'il est fait application des dispositions du deuxième alinéa de
l'article L. 11-2, la commission administrative est réunie et procède aux
inscriptions au plus tard le premier jour du deuxième mois précédant celui des
élections générales. »
« IV. - Les dispositions du présent article entreront en vigueur à compter du
jour où les nationaux des deux sexes seront soumis à l'obligation de
recensement en application du code du service national. »
Par amendement n° 1, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Je me suis déjà expliqué, lors de la discussion générale, sur
cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Le Gouvernement est évidemment défavorable à cet
amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er
bis
est supprimé.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Il est inséré, après l'article L. 17 du code éléctoral, un article
L. 17-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 17-1.
- Pour l'application des dispositions des articles L.
11-1 et L. 11-2, les autorités gestionnaires du fichier du recensement établi
en application du code du service national et des fichiers des organismes
servant les prestations de base des régimes obligatoires d'assurance maladie
transmettent aux commissions administratives les informations nominatives
portant exclusivement sur les nom, prénoms, nationalité, date et lieu de
naissance et adresse des personnes remplissant la condition d'âge mentionnée
audit article. Les informations contenues dans les fichiers sont transmises aux
commissions administratives par l'intermédiaire de l'Institut national de la
statistique et des études économiques.
« Les commissions administratives font détruire les informations qui leur sont
transmises soit à l'expiration des délais des recours prévus aux articles L. 20
et L. 25, soit, dans le cas où un recours a été introduit, après l'intervention
de la décision définitive.
« Les règles relatives au traitement des informations nominatives prévues au
présent article sont fixées dans les conditions définies par la loi n° 78-17 du
6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. »
Par amendement n° 2, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le début du premier alinéa du texte présenté par cet article pour
l'article L. 17-1 du code électoral :
« Pour l'application des dispositions de l'article L. 11-1, les autorités
gestionnaires du fichier du recensement établi en application du code du
service national transmettent aux commissions administratives... »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Avis défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, ainsi modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Articles 2
bis
et 2
ter
M. le président.
Les articles 2
bis
et 2
ter
ont été supprimés par l'Assemblée
nationale.
Article 3
M. le président.
L'article 3 a été supprimé par l'Assemblée nationale ; mais, par amendement n°
3, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de le rétablir dans la rédaction
suivante :
« Les dispositions de la présente loi entreront en vigueur à compter du jour
où les nationaux des deux sexes seront soumis à l'obligation de recensement en
application du code du service national. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Cet amendement de rétablissement est la suite logique de ceux
que nous venons d'adopter.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Le Gouvernement est défavorable à cet
amendement, car nous considérons que nous avons les moyens de faire inscrire
tous les jeunes garçons et une nette majorité de jeunes filles dès l'année
prochaine.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3 est rétabli dans cette rédaction.
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la nouvelle
lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Duffour pour explication de vote.
M. Michel Duffour.
Monsieur le ministre, je suis très satisfait des explications que vous avez
données.
Je suis persuadé que les difficultés dont il a été fait état dans cet
hémicycle seront surmontées et que l'accueil positif et unanime que l'Assemblée
nationale a réservé à ce projet de loi appelle de la part du Sénat, la sagesse,
car l'heure n'est pas aux tergiversations.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes
tous d'accord sur l'idée et sur le projet ; il n'y a désaccord que sur la date
d'application, le Gouvernement et l'Assemblée nationale pensant qu'il faut
appliquer le texte dès le 1er janvier 1998, la Haute Assemblée estimant que
cela ne doit se faire qu'à partir du 1er janvier 1999.
Nous sommes enclins, nous, socialistes, à penser que le plus tôt sera le
mieux.
M. le Premier ministre a pris un engagement. Il l'a rappelé dans sa
déclaration de politique générale au mois de juin, y compris devant la Haute
Assemblée. Nous devons respecter cet engagement, et il faudra bien, mes chers
collègues, que, les uns et les autres, nous nous habituions au fait que le
Gouvernement et le Premier ministre respectent les engagements qu'ils ont pris
!
Il convenait, certes, de soulever les difficultés liées à la mise en oeuvre du
projet ainsi que la surcharge de travail en découlant pour les différents
services municipaux. En cela, le Sénat a rempli sa fonction, a joué son
rôle.
Mais, M. le ministre l'a dit, c'est à l'unanimité que l'Assemblée nationale a
adopté ce projet de loi, et nous ne ferons pas l'injure à nos collègues députés
de penser qu'ils ont méconnu ces difficultés. Simplement, ils considèrent,
comme nous-mêmes, qu'après les assurances données par le Gouvernement la tâche
n'est pas insurmontable et que toutes les difficultés qui ont été soulevées
pourront être réglées dans les meilleurs délais. Nous en donnons acte au
Gouvernement.
Enfin, monsieur le ministre, je veux dire combien nous apprécions la décision
que vous avez prise de faire rédiger et distribuer un guide du citoyen. C'est
une excellente initiative.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
C'est exact !
M. Guy Allouche.
La jeunesse de notre pays appréciera qu'on lui donne des éléments
d'information sur la République, mais aussi sur le rôle et les devoirs - avant
même de parler de droits - de tout jeune Français.
Comme nous sommes favorables à l'application immédiate, c'est-à-dire au 1er
janvier 1998, nous ne pourrons pas suivre la commission des lois. Nous voterons
donc contre le texte tel qu'il résulte des travaux du Sénat.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de l'intention que vous avez
manifestée de publier un guide du citoyen. Permettez-moi simplement de vous
recommander de ne pas oublier, parmi nos concitoyens, les Français de
l'étranger.
Ceux-ci font l'objet de dispositions spéciales, à certains égards compliquées,
notamment au regard du projet de loi que nous examinons. Mais ils n'en veulent
pas moins être des Français à part entière !
Il conviendra donc de préciser à leur intention particulièrement pour ce qui
concerne les jeunes âgés de dix-huit ans, les modalités selon lesquelles ils
seront régis.
M. Guy Allouche.
Très bien !
M. le président.
Je suis persuadé que M. le ministre de l'intérieur a entendu votre appel,
monsieur Habert.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à quinze heures,
sous la présidence de M. René Monory.)
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président. La séance est reprise.
4
QUESTIONS D'ACTUALITÉ AU GOUVERNEMENT
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les
ministres, mes chers collègues, les situations de pauvreté et d'exclusion ne
cessent de croître. Selon l'INSEE, 11 % des ménages vivent en France dans la
pauvreté ; 1 million de personnes perçoivent le RMI ; 7 millions sont touchées
par le sous-emploi. C'est jusqu'au droit de se nourrir, de se vêtir, de se
soigner, de se loger qui est enlevé à des millions de familles !
Vendredi dernier, à l'occasion de la journée mondiale de refus de la misère,
les plus démunis de nos concitoyens et leurs associations nous ont interpellés.
Ils réclament le droit de vivre dignement.
La privation d'emploi étant la cause essentielle des situations de pauvreté,
les parlementaires communistes soutiennent toute mesure allant dans le sens
d'une lutte réelle contre le chômage comme les trente-cinq heures, la création
de 350 000 emplois-jeunes et une autre utilisation de l'argent.
Dans le même esprit, avec les familles concernées, nous avons apprécié
positivement l'augmentation de la prime de rentrée scolaire et la mesure visant
à assurer un repas à la cantine aux enfants des foyers en difficulté.
Toutefois, les cas d'une extrême urgence continuent de se multiplier. C'est
dans ce contexte que le rôle des associations caritatives et humanitaires
devient de plus en plus prépondérant. Sans se substituer au devoir de
solidarité de l'Etat, ces associations constituent un réseau de solidarité
libre et volontaire d'une richesse extraordinaire. Elles jouent un rôle majeur
de cohésion sociale. Or leurs moyens d'action sont de plus en plus limités.
Tout d'abord, la dotation globale de lutte contre la pauvreté a
considérablement diminué. Cette baisse est accentuée par la décentralisation
des dotations aux comités départementaux sans transfert des moyens
correspondants et aussi par le manque de volonté politique des pouvoirs
décentralisés en charge de ces questions.
De plus, les associations humanitaires et caritatives sont amenées, pour faire
face à leurs missions, à acheter divers produits de première nécessité. Or,
aucune disposition fiscale n'est prévue afin de les exonérer du paiement de la
TVA pour les biens et services destinés à la solidarité.
Ma question, madame la ministre, est en plusieurs temps mais participe de la
même logique. Alors que le débat budgétaire a débuté, quelles dispositions
peuvent être prises afin que la dotation globale de lutte contre la pauvreté
soit réévaluée et attribuée plus rapidement ? Comment allez-vous répondre aux
attentes des associations en matière d'allégement de la TVA et des frais
postaux ? Quelle méthode adopterez-vous pour l'élaboration du projet de loi
dont vous avez annoncé l'examen par le Parlement au printemps 1998 ? Enfin, de
réels moyens financiers seront-ils dégagés pour que nous n'ayons plus besoin
d'une journée nationale de lutte contre la misère et la précarité ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Madame le sénateur, nous sommes
tous conscients du fait qu'un grand nombre de nos concitoyens vivent dans un
très grand état de précarité physique et financière, certes, mais souvent aussi
psychologique et morale.
Vendredi dernier, lors de la journée mondiale de refus de la misère, j'étais à
Roubaix avec ATD quart-monde et j'ai rencontré des personnes qui ne savent plus
comment s'en sortir, où trouver encore une main secourable.
Derrière les chiffres, RMIstes, chômeurs de longue durée, il y a des hommes et
des femmes qui souffrent, il ne faut pas l'oublier.
Je ne rappellerai pas toutes les mesures que le Gouvernement a déjà prises -
augmentation du SMIC, allocation de rentrée scolaire, aide aux cantines
scolaires notamment - pour essayer de lutter contre un certain nombre
d'éléments qui expliquent aujourd'hui ces exclusions ou des situations qui sont
le fait même de ces exclusions.
A la demande de M. le Premier ministre, je coordonne actuellement
l'élaboration d'un grand projet de loi pour lutter contre les exclusions que
nous espérons soumettre au Parlement au printemps prochain. Je dois d'ailleurs
recevoir ce soir des représentants de grandes associations nationales pour
évoquer cette question. Dix-huit départements ministériels sont concernés par
ce texte.
Nous souhaitons que ce projet de loi ne se borne pas à rappeler des principes
qui sont essentiels, le droit au logement, à l'éducation, à la sécurité, à
définir un observatoire de la pauvreté et de l'exclusion, mais mets bien en
place un programme sur deux ans dans chacun des domaines avec des moyens y
afférant pour pouvoir lutter contre l'exclusion.
Je rappelle que M. le Premier ministre, dans sa déclaration de politique
générale, mais aussi dans les lettres de cadrage qu'il a envoyées à chaque
ministre, a précisé à nouveau que l'emploi et la lutte contre les exclusions
étaient les priorités des priorités.
Aussi, je voudrais vous répéter que, dès 1998, les crédits affectés à la lutte
contre l'exclusion augmenteront de 6 % pour le budget d'insertion par
l'économie. En outre, 500 places supplémentaires d'hébergement d'urgence sont
prévues.
A cela, il convient d'ajouter les fonds qui figurent au budget du ministère du
logement, une augmentation importante de l'enveloppe consacrée au RMI et une
provision en vue d'accroître le montant de l'allocation spécifique de
solidarité, qui intéresse tous ces chômeurs en fin de droits.
J'ajouterai enfin une provision de 225 millions de francs pour le seul budget
du ministère de l'emploi, avant prise en compte du problème de l'exclusion.
Par ailleurs, madame le sénateur, vous savez que les règles européennes ne
nous permettent pas de différencier les taux de TVA en fonction des
consommateurs, mais je voudrais vous indiquer que le Gouvernement est bien
décidé à aider les associations d'une autre manière, c'est-à-dire en faisant en
sorte que celles-ci puissent, par exemple, recevoir les aides ou les
subventions auxquelles elles ont droit dans les délais.
C'est la raison pour laquelle nous avons décidé, s'agissant du plan «
emplois-jeunes », de verser les aides en début de mois, et non plus, comme
c'est le cas aujourd'hui, très tardivement, avec plusieurs mois de retard. Nous
avons la conviction que nous devons travailler dans une optique pluriannuelle,
en signant des conventions avec les associations et en procédant à une
évaluation. L'ensemble des membres du Gouvernement se consacre actuellement à
cette tâche, et je crois d'ailleurs pouvoir dire que Marie-George Buffet vient
d'être chargée par le Premier ministre d'une mission sur les bénévoles oeuvrant
dans les associations, ce qui permettra aussi de répondre aux besoins de
celles-ci.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
LES TRENTE-CINQ HEURES
DANS LA FONCTION PUBLIQUE
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme
de l'Etat et de la décentralisation. Elle porte sur les trente-cinq heures dans
la fonction publique.
Monsieur le ministre, vous n'étiez apparemment pas convié à la cérémonie du 10
octobre, et vos troupes non plus. Vous n'étiez donc pas concerné, du moins le
pensions-nous, par l'annonce surprise de la soirée relative aux trente-cinq
heures. Cependant, quatre jours plus tard, lors de la réunion du Conseil
supérieur de la fonction publique de l'Etat, vous avez annoncé aux syndicats de
fonctionnaires, qui vous présentaient des demandes reconventionnelles, le
lancement d'une mission sur les temps de travail dans la fonction publique.
Certes, il ne sera pas facile d'approcher la vérité dans le maquis des
procédures pratiques plus ou moins occultes et des tolérances plus ou moins
lâches. Fonctionnaire d'origine, et connaissant le dévouement de la grande
majorité des agents de l'Etat et des collectivités locales, je n'aurai pas le
mauvais esprit de dire comme tel ou tel : trente-cinq heures, ce serait déjà un
progrès par rapport à leurs temps de travail effectif !
(Protestations sur
les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
Ce qui est certain, en tout cas, c'est que les durées de travail sont des plus
variées, d'un ministère à l'autre, voire à l'intérieur d'un même ministère d'un
corps à l'autre, et je ne pense pas seulement aux enseignants.
D'où ma première question : pouvez-vous nous promettre que, si un abaissement
de la durée du travail est consenti aux moins favorisés, ceux qui jouissent
déjà de temps réduit ne pourront pas, sous prétexte de conserver leur avantage
différentiel, obtenir de nouvelles « avancées », pour reprendre la phraséologie
syndicale ?
Dans le secteur privé, on peut se flatter, à la rigueur, de l'espoir -
certains diront de l'illusion - qu'une part de la réduction de la durée du
travail pourra être autofinancée ; il n'en va pas de même dans le secteur
public, au sens large et encore moins dans la fonction publique d'Etat ou
territoriale. Ici, le seul financeur, c'est le contribuable !
D'où ma seconde question : pouvez-vous nous promettre, monsieur le ministre,
que d'éventuels abaissements de la durée du travail ne seront pas le prétexte à
des augmentations d'effectifs, ces effectifs que le gouvernement précédent
avait commencé courageusement à réduire, et dont de bons esprits dans la
fonction publique elle-même, même si vous récusez leurs travaux, reconnaissent
qu'ils sont les plus lourds d'Europe ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Monsieur le sénateur, nous sommes au moins d'accord sur
un point : le temps de travail dans la fonction publique ne peut être abordée
par la transposition pure et simple du régime applicable au secteur privé. En
effet, les trois facteurs d'ajustement qui lui sont propres, la négociation
salariale, diversifiée, ramifiée par entreprise, les gains de productivité et
les aides de l'Etat ne peuvent être appliqués de la même manière à la fonction
publique. Certes, des gains de productivité peuvent améliorer le service
public, mais ils ne génèrent pas de recettes supplémentaires ; l'Etat ne peut
pas s'entraider en se versant à lui-même des subventions ; enfin, la structure
indiciaire des rémunérations limite, bien sûr, la diversification des
rémunérations des fonctionnaires, cela sur un fond, que vous avez évoqué et que
je reprends, sans la nuance péjorative que vous y avez apportée, d'un
foisonnement de situations.
Nous savons bien que les trois quarts des fonctionnaires de l'Etat, les
professeurs, les militaires, les policiers ne travaillent pas selon un régime
de cinq fois x heures par semaine. Tous les responsables de collectivités
locales qui siègent au Sénat savent bien que leurs collectivités connaissent
des situations très diverses. C'est dire que, si la question du temps de
travail doit être abordée dans la fonction publique, elle ne saurait l'être
sans qu'au préalable un état complet des lieux ait été effectué.
C'est ce que le Gouvernement, dans son approche pragmatique, se propose de
faire. C'est ce que j'ai dit aux organisations syndicales que je vais recevoir
dans les prochains jours afin de renouer un dialogue social dont, le moins que
l'on puisse dire, est que le précédent gouvernement n'avait pas fait sa
priorité.
(Très bien ! sur les travées socialistes.)
Vous avez évoqué
in fine
un certain rapport d'un inspecteur des
finances. Je répéterai devant le Sénat ce que j'ai dit hier à l'Assemblée
nationale : ce rapport n'engage que son auteur, et le Gouvernement ne fait pas
siennes les interrogations qui y sont contenues et qui sont fondées, au
demeurant, sur des comparaisons très contestables.
Le précédent gouvernement s'était peut-être lancé dans une politique de
réduction systématique des effectifs de la fonction publique, présentée comme
un fardeau pour la nation. Le gouvernement actuel, par la voix du Premier
ministre, a déclaré que cette politique, recherchée comme une fin en elle-même,
n'était pas la sienne. Cette orientation s'est traduite, dès le projet de
budget pour 1998, par une stabilisation des effectifs, voire par une légère
augmentation de ces derniers.
Je tenais à le dire ici : la fonction publique n'est pas un fardeau pour la
nation ; elle est au coeur du pacte républicain !
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
SITUATION POLITIQUE AU CONGO
M. le président.
La parole est à M. Debarge.
M. Marcel Debarge.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les
ministres, mes chers collègues, à l'issue de cinq mois de guerre, nous
constatons que le pouvoir a changé de mains au Congo et l'interlocuteur est à
nouveau M. Denis Sassou-Nguesso.
Avant d'aller plus loin, je tiens tout de suite à exprimer ma reconnaissance,
celle de mon groupe, et peut-être au-delà, à toutes celles et à tous ceux, dans
la tradition qui est la leur - ambassades, consulats, services de la
coopération, militaires français, mais aussi sécurité civile : pompiers,
infirmiers, médecins - qui, dans ce pays, dans des conditions difficiles et
dangereuses, accomplissent avec courage et dévouement leur mission.
(Applaudissements.)
Par ailleurs, il faut constater, pour le déplorer, que les Congolais
n'ont pas réussi à régler leurs désaccords politiques sur le terrain électoral.
Il faut remarquer à cet égard un manque certain de préparation avant l'échéance
électorale, qui est, en grande partie du moins, à l'origine des affrontements
sur le terrain, de plusieurs mois de guerre, de destructions, de morts nombreux
et d'un élargissement du conflit entraînant des interventions étrangères.
La situation a évolué, les combats semblent cesser. Mais l'engrenage fatal de
la violence est-il arrêté ou s'agit-il d'une accalmie sans lendemain ? Il est
important de savoir ce que M. Sassou-Nguesso veut faire de cette victoire
obtenue par les armes.
On a pu noter avec intérêt qu'il a parlé d'élection, de gouvernement d'union
nationale ; il n'a toutefois pas cité de calendrier. Il s'agit maintenant de
savoir quel contenu exact il va donner à ces débuts d'engagements.
La situation au Congo doit être prise en compte en fonction du contexte
africain et des relations entre la France et l'Afrique. Le Gouvernement s'est
prononcé pour une politique de non-ingérence, parce qu'il considère qu'on ne
doit pas régler les conflits entre les différents clans dans les pays d'Afrique
par la force, par l'intervention directe.
Tout naturellement, on doit essayer de trouver un cadre légitime, un cadre
multilatéral, permettant de résoudre les conflits. Dans le cas du Congo, cela a
fait défaut. Les médiations tentées n'ont pas abouti et le conflit armé s'est
développé. C'est regrettable. Cependant, il faut remarquer que la France, à
juste titre, a appliqué sa politique de non-ingérence.
Face à cette nouvelle situation, nous pouvons nous inquiéter de l'évolution
des conflits pour le pouvoir au sein des nations africaines. En effet, quel
contexte prévaut en Afrique centrale ? Dans un certain nombre de pays - Rwanda,
Congo-Kinshasa, Congo-Brazzaville - des équipes arrivent au pouvoir par la
force et, souvent, avec l'aide de soldats de pays voisins.
Cela nous fait penser que si, pour la France, le temps de l'ingérence est
terminé, il ne l'est pas pour d'autres pays. Si l'exemple zaïrois ou congolais
venait à se propager, si la force militaire devenait le seul mode de règlement
des conflits, les conséquences seraient lourdes pour l'avenir des Africains.
M. le président.
Posez votre question !
M. Marcel Debarge.
Que pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, sur la situation de nos
compatriotes, du sort des ressortissants étrangers retenus au Congo ? Nous
savons que la France fait ce qu'il faut pour que les Français et les étrangers
présents au Congo soient en sécurité. Cependant, des informations
contradictoires sèment l'inquiétude en France. Pouvez-vous nous apporter des
éléments susceptibles de calmer ces légitimes inquiétudes ?
Enfin, nous savons qu'une réunion a lieu actuellement à Dakar, sur
l'initiative du Sénégal et de la France, réunion destinée à étudier la délicate
question du « maintien de la paix » en Afrique. Dix-huit pays africains y
participent, ainsi que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Japon, la Russie
et des représentants des organisations internationales.
M. le président.
Vous avez largement dépassé votre temps de parole !
M. Marcel Debarge.
Il s'agit là d'une réunion très importante pour l'avenir du continent et des
relations franco-africaines. J'aimerais connaître la position que la France
soutient à Dakar et quelles sont les autres initiatives que le Gouvernement
français serait à même de prendre.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le sénateur, à propos de ce
conflit tout à fait navrant, désolant et regrettable qui a déchiré le Congo
pendant plusieurs semaines, notre politique a été claire.
J'en rappelle les principes. Tout d'abord, le temps de l'ingérence - vous
l'avez indiqué vous-même, monsieur Debarge - est terminé. Mais cela ne veut pas
dire inaction et passivité.
Pendant toute la durée de ce conflit, nous avons mis en oeuvre tous les moyens
politiques et diplomatiques dont nous disposons, nous avons été appuyés par les
efforts de médiation du président Bongo, de l'envoyé du secrétaire général de
l'ONU et de celui de l'OUA.
Ces efforts n'ont pas permis, et nous le regrettons, de régler ce conflit sur
le terrain politico-diplomatique. Ce sont donc les armes qui l'ont finalement
emporté.
Il s'agit d'un exemple déplorable qui vient à la suite d'autres, dans la
région. Nous devons nous préoccuper de cet effet de contagion, sans pour autant
revenir sur la ligne du Gouvernement et du Président de la République, à savoir
sur notre refus de toute ingérence directe, sauf si le Conseil de sécurité
décidait de mettre en place des forces d'interposition. A ce moment-là, en
effet, nous interviendrions par le biais de soutiens financiers ou de supports
logistiques.
Par conséquent, notre position repose sur le principe de non-ingérence ainsi
que sur un soutien politique et diplomatique visant à parvenir à une solution
politique durable.
S'agissant des Français et, d'une manière plus large, des étrangers sur place,
vous avez pu vous rendre compte à quel point les agents diplomatiques et
consulaires et, à Paris, la direction des Français de l'étranger ont été une
fois de plus dévoués, compétents et efficaces. Ils ont réussi à faire en sorte
que tous ceux qui avaient besoin d'une aide soient secourus. Aucun problème
grave ne s'est posé.
Notre action humanitaire s'est naturellement poursuivie au bénéfice des
Congolais, notamment de ceux de Brazzaville qui ont été les premiers touchés
par ces combats qui ont causé de nombreuses destructions et fait de nombreuses
victimes.
D'une façon générale, nous nous préoccupons des situations d'instabilité et de
crise. Nous sommes en train de renforcer, dans tous nos postes diplomatiques ou
consulaires concernés par des actions ou des situations de ce type, les
procédures d'information, d'alerte, de regroupement et d'évacuation afin que
tous les Français qui se trouvent dans de tels pays sachent qu'ils ont des
moyens de contacter les autorités susceptibles de leur apporter les
informations et l'assistance utiles en cas de nécessité.
Pour le reste, nous mènerons une politique africaine qui reste fidèle à nos
amis et partenaires traditionnels.
Nous incitons, nous encourageons ces pays à évoluer parce qu'ils doivent
s'adapter, eux aussi, à la nouvelle donne mondiale sur le plan tant du
développement de l'économie que de la consolidation des démocraties. Cette
évolution est difficile et nous sommes les premiers à déplorer les retours en
arrière. Mais nous devons nous efforcer d'aider à stabiliser la situation de
ces pays.
Nous ouvrons le dialogue politique à toute l'Afrique parce que ces pays, nos
amis les plus proches, nous le demandent.
En ce qui concerne la situation au Congo, nous allons maintenant observer avec
beaucoup d'attention sous quelle forme, à quel rythme M. Sassou Nguesso fera ce
à quoi nous l'encourageons vivement, c'est-à-dire donner un contenu concret au
début d'engagement qu'il a pris. Il a en effet parlé d'organiser, après une
période de transition, des élections libres et démocratiques.
Par ailleurs, il commence à faire preuve d'un état d'esprit de coopération par
rapport aux Nations unies, ce qui est important, ne serait-ce que dans le
contexte régional. Tel n'est en effet pas le cas d'autres régimes, eux aussi
issus de bouleversements et non pas d'élections.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - Mme Paulette Brisepierre et M. Yann
Gaillard applaudissent également.)
LOI-CADRE SUR LES TRENTE-CINQ HEURES
DANS LES PME
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Monsieur le Premier ministre, en provoquant la rupture du dialogue social et
en imposant une loi-cadre sur les trente-cinq heures, vous venez de prendre une
décision aux effets ravageurs pour notre pays.
Cette mesure autoritaire, appliquée de manière uniforme, ne va pas manquer
d'affaiblir gravement les entreprises françaises dans la compétition
internationale. Il suffit d'entendre vos amis Tony Blair et Gerhardt Schroeder
pour s'en convaincre. Pour eux, cette décision archaïque va immanquablement
disqualifier la France dans la guerre économique entre pays développés.
Peu importe si les études faites et refaites par tous les organismes
économiques sur les trente-cinq heures débouchent depuis des années sur des
conclusions sinon négatives, du moins vagues ou contradictoires.
(« C'est faux ! » sur les travées socialistes.)
En tout état de cause, la réduction généralisée de la durée du travail à
trente-cinq heures se traduira, que vous l'acceptiez ou non, par une baisse des
revenus des salariés. Alors, cessez de leur faire croire qu'ils n'auront pas de
perte de salaire !
(Protestations sur les mêmes travées.)
De leur côté, les entreprises ont fait leurs comptes. Les plus fragiles
déposeront leur bilan. Celles qui vont se créer préféreront s'installer
ailleurs et les seuils de dix à vingt salariés que vous voulez introduire vont
définitivement les dissuader d'embaucher.
Ce sont surtout les PME qui seront touchées de plein fouet par cette mesure.
Or les petites et moyennes entreprises jouent un rôle considérable dans
l'économie française. Elles sont 2 300 000, emploient les deux tiers des
salariés du secteur productif, assurent plus de la moitié de la production
française et réalisent près de la moitié des investissements productifs. Elles
sont aussi, et surtout, le terreau des emplois de demain. C'est donc sur elles
que repose l'essentiel de l'équilibre social et économique de notre pays, et
c'est elles que vous allez sacrifier.
(Exclamations sur les travées
socialistes.)
La loi-cadre sur les trente-cinq heures, l'abandon du plan textile, la surtaxe
de 10 % de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises qui réalisent plus de
50 millions de francs de chiffre d'affaires, le relèvement des taux d'intérêt
et la baisse des crédits accordés aux PME dans le projet de budget pour 1998
sont autant de mesures qui vont fragiliser les PME et entraîner une aggravation
de la précarité dans notre pays.
M. René-Pierre Signé.
Arrêtez !
M. Philippe Richert.
La réduction de la durée du travail librement négociée, entreprise par
entreprise, en fonction de leurs possibilités, et que vous semblez d'ailleurs
découvrir brusquement, eût été beaucoup plus souhaitable.
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
C'est la raison pour laquelle nous vous demandons solennellement, monsieur le
Premier ministre, de revenir sur votre décision. Les dégâts sont déjà
considérables.
(Protestations sur les travées socialistes.)
Si vous
persistez, vous porterez la très lourde responsabilité de mener l'économie
française et la France sur la voie du déclin.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. -
Exclamations sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur, je ne
suis pas sûre que vous soyez bien informé de l'ensemble des sujets que vous
avez traités
(« C'est exact ! » sur les travées socialistes.)
Aussi
vais-je essayer de vous apporter quelques informations complémentaires.
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste. - Applaudissements sur les travées socialistes.)
Un sénateur socialiste.
Il faut tout leur expliquer !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mesdames, messieurs les
sénateurs, vous serez amenés, dans quelques jours, à examiner le projet de
budget et vous verrez que les crédits destinés aux PME...
(Exclamations sur
les travées du RPR.)
J'essaie tout simplement d'apporter une information, parce qu'il me semble
important, avant le vote du budget, que le Sénat soit informé.
(Nouvelles
exclamations sur les mêmes travées.)
Les crédits accordés aux PME, disais-je, sont en progression, qu'il s'agisse
de l'aide à l'innovation et à la créativité, du capital risque ou de l'accès
aux nouvelles technologies de l'information par exemple,...
M. René-Pierre Signé.
Vous n'avez rien compris, messieurs !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... ou encore des apports de
capitaux aux entreprises qui se créent.
En ce qui concerne la durée du travail, je crois que nous pouvons en parler,
puisque nous avons tous échoué sur le chômage.
M. René-Pierre Signé.
Eux surtout !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous avons tous échoué parce
que nous avons trop attendu de la croissance et du traitement social.
Aujourd'hui en France, de manière pragmatique, nous essayons d'ouvrir de
nouvelles pistes, de travailler sur les emplois de demain.
Nous avons évoqué les nouveaux besoins à propos du projet de loi relatif aux
nouvelles activités et aux nouveaux emplois. Nous réfléchissons aussi à la
capacité de réduire la durée du travail pour créer des emplois, sans porter
atteinte à la compétitivité des entreprises, comme M. le Premier ministre l'a
dit à plusieurs reprises.
(« On verra ! » sur les travées du RPR.)
Cette dernière année, mille entreprises ont déjà signé des accords.
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. René-Pierre Signé.
Continuons !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je ne veux pas croire que mille
chefs d'entreprises ont signé des accords qui portent atteinte à leur
compétitivité. Au contraire, ils ont signé ces accords pour être plus réactifs
par rapport à leurs clients, pour garder de la souplesse dans l'organisation de
leur travail, bref pour être mieux placés par rapport à la mondialisation.
Notre projet est souple, d'abord, car nous avons deux ans et demi pour
négocier.
Notre projet est souple, ensuite, parce qu'il ne s'adresse pas aux plus
petites des entreprises.
Notre projet est souple, également, car il aide les entreprises qui vont aller
plus vite et plus loin.
Notre projet est souple, enfin, puisque nous ne définirons les mesures du
passage aux trente-cinq heures au 1er janvier qu'après avoir dressé un bilan
sur les accords, mais aussi sur l'état et la situation économique de notre pays
à la fin de l'année 1999.
M. René Régnault.
Très bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur Richert, je vous donne
rendez-vous dans un an.
M. Philippe Richert.
Ah !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous dites, je le note,
qu'aujourd'hui ce projet est ravageur, qu'il nous disqualifie, que nous
sacrifions notre pays.
(Exclamations sur les travées du RPR, de l'Union
centriste et des Républicains et Indépendants.)
Je rencontre tous les jours des chefs d'entreprise qui me disent le contraire.
(Protestations sur les mêmes travées.)
Nous verrons, messieurs les sénateurs. Vous aviez les mêmes réactions à
l'égard de la loi Robien et vous avez vu ce qu'elle a donné !
Nous verrons dans un an, nous ferons le bilan ensemble.
Nous verrons alors si les Italiens, les Néerlandais et les Belges, qui nous
ont devancés dans ce processus, ont eu tort de le faire. Nous verrons si les
Espagnols, qui viennent d'annoncer qu'ils allaient réduire les heures
supplémentaires, se trompent.
Vos amis, en Autriche, aux Pays-Bas et en Espagne se posent les mêmes
questions que nous !
Nous ne serons pas les seuls à rester en arrière, nous ne voulons pas échouer
sur le chômage.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
MESURES CONCERNANT LES PERSONNES HANDICAPÉES
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Madame le ministre, sans vouloir revenir sur vos choix en matière de politique
familiale, j'aimerais attirer votre attention sur les conséquences parfaitement
antisociales des mesures fiscales que vous avez prises concernant les personnes
handicapées.
En tant que parlementaire, mais aussi en tant que médecin, permettez-moi de
vous dire combien je suis scandalisé par les attaques successives dont ces
personnes sont la cible depuis quelques mois.
(Exclamations sur les travées
socialistes.)
Au mois de juin dernier, lors de son discours de politique générale, M. le
Premier ministre nous annonçait avec fracas la hausse du SMIC de 4 %. C'est
bien, sauf qu'il est une chose qu'on ignore : pour la première fois depuis
1981, les minima sociaux - minimum vieillesse, allocation adulte handicapé et
allocation compensatrice tierce personne - traditionnellement indexés sur le
SMIC, n'ont pas été revalorisés.
Contraintes d'augmenter de 4 % les personnes qu'elles embauchent pour les
aider à accomplir les actes « essentiels » de la vie, les handicapés n'ont pas
vu leurs revenus augmenter. C'est d'autant plus grave que celui-ci se limite
aux deux tiers d'un SMIC !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Cela vous préoccupait moins il y a quelque temps.
M. Nicolas About.
Il en est résulté un recul sans précédent de leur niveau de vie qui, à ce
stade devient critique.
Aujourd'hui, vous vous en prenez aux déductions fiscales liées aux emplois à
domicile. Et ce sont à nouveau les personnes dépendantes qui en sont les
principales victimes !
Prenons l'exemple d'une personne handicapée qui emploie, à ses frais, une
tierce personne deux heures par jour. Payée au SMIC, cette tierce personne lui
coûte à peu près 2 500 francs par mois, charges comprises. Au bout d'un an, il
lui en coûtera 30 000 francs, soit un dépassement de 8 000 francs par rapport
au seuil de déductions fiscales que vous avez fixé. Il en résulte, pour cette
personne, une perte de 4 000 francs non déductibles sur sa feuille d'impôt,
soit l'équivalent d'un mois d'allocations !
M. René Régnault.
Les handicapés ne payent pas l'impôt sur le revenu ; ils ne sont guère
concernés par les mesures fiscales !
M. Nicolas About.
Pour les personnes en situation de dépendance, l'aide au maintien à domicile
n'est pas un luxe, madame le ministre ! C'est un droit. C'est une nécessité,
d'abord parce que cette aide répond à une aspiration profonde des personnes
concernées, ensuite parce qu'elle s'incrit en faveur d'une politique nouvelle
de l'emploi et, enfin, parce qu'elle contribue à l'équilibre des comptes
sociaux.
J'ajoute, pour finir, que vous vous apprêtez à augmenter de quatre points la
CSG sur les pensions d'invalidité que touchent les personnes se trouvant en
incapacité de travail du fait de leur handicap, sans tenir compte des surcoûts
que représentent pour ces personnes la perte d'un emploi, la nécessité
d'acquérir un logement et un véhicule adaptés à leur handicap et, enfin,
l'achat d'un fauteuil roulant.
Plusieurs sénateurs sur les travées socialistes.
La question !
M. Nicolas About.
Je suis très perturbé par les interruptions. Je pense que le sort des
handicapés devrait au moins susciter le respect !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
Ma question sera simple, madame le ministre. Comment allez-vous faire
croire aux trois millions de personnes handicapées qui vivent à domicile que
vous faites preuve de justice sociale, alors que vous les privez des rares
moyens dont elles disposent pour rester chez elles et accéder ainsi à une vie
plus digne et plus autonome ? En bref, que comptez-vous faire pour les
personnes handicapées ?
(Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur, je
participais vendredi à la Journée de la dignité avec l'Union nationale des
associations de parents d'enfants inadaptés, l'UNAPEI, dont la présidente a
remercié le Gouvernement pour la part des crédits consacrés, dans le projet de
budget pour 1998, aux handicapés !
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
Cette juste cause que vous souhaitez défendre et qui est celle des handicapés
ne mérite ni erreurs ni amalgames. De plus, nous pouvons parler de ces sujets
autrement que de la manière dont vous l'avez fait !
Je vous rappelle que 2 000 places de centres d'aide par le travail, les CAT,
sont inscrites dans le projet de budget pour l'année prochaine. Je vous
rappelle aussi que nous avons réservé, sans aucune condition, les
emplois-jeunes à tous les jeunes handicapés de moins de trente ans. Je vais
vous rappeller enfin, puisque vous en avez parlé, comment se pose aujourd'hui
le problème des modes de garde, notamment des modes de garde à domicile.
Il faut dire les choses simplement. Vous avez relevé un exemple que je vais
reprendre. Vous conviendrez avec moi que bien peu de personnes handicapées
paient plus de 22 500 francs d'impôt, du fait de leur faible niveau de
ressources et de la demi-part supplémentaire dont elles bénéficient.
L'abaissement de 90 000 francs à 45 000 francs du plafond de la réduction
d'impôts liée aux emplois familiaux touche très peu de personnes
handicapées.
M. Nicolas About.
Ce n'est pas vrai ! il y a la famille !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je voudrais aussi vous rappeler
que la rémunération des tierces personnes à domicile est exonérée à 100 % des
charges de sécurité sociale, que cette exonération est cumulable avec les
réductions d'impôt au titre des emplois familiaux, ce qui ramène le coût réel
de l'aide à domicile à environ 25 francs de l'heure.
En revanche, il y a un vrai problème que vous n'avez pas évoqué, c'est celui
de la disparité de traitement des personnes handicapées selon les
départements.
M. Gérard Larcher.
Ce n'est pas la question !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais c'est pourtant le problème
!
Aujourd'hui, pour les personnes handicapées, comme pour les personnes âgées,
je suis en train de dresser un bilan afin de savoir pourquoi certains
départements ont effectivement des institutions avec des professionnels,
pourquoi, dans d'autres, les lits sont insuffisants, et pourquoi on est obligé
de pratiquer le gré à gré à domicile sans professionnalisation parce que l'aide
est insuffisante.
M. Nicolas About.
Vous n'avez pas répondu à la question !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'ai évoqué cette question
devant votre commission hier, puisque la prestation spécifique dépendance, la
PSD, qui résulte d'une proposition sénatoriale, ne satisfait aujourd'hui ni
ceux qui en sont les bénéficiaires ni les professionnels.
Par conséquent, monsieur le sénateur, nous reparlerons de ce vrai sujet, qui
est réel celui-là, beaucoup plus que celui que vous avez évoqué !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
ACCUSATIONS
EN CE QUI CONCERNE L'ASSASSINAT DE YANN PIAT
M. le président.
La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les
ministres, les auteurs du livre intitulé
L'Affaire Yann Piat. Des assassins
au coeur du pouvoir
doivent apporter, demain, la preuve des terribles
accusations qu'ils ont lancées à l'encontre d'éminentes personnalités
politiques de notre pays. Il est probable qu'ils ne le feront pas.
Il est également probable que l'instruction militaire demandée par M. le
ministre de la défense pour découvrir le mystérieux témoignage d'un ancien
officier de la direction du renseignement militaire sera tout aussi
négative.
Et pourtant, la règle des médias est telle que, si 10 000 lignes ont été
accordées à l'accusation, il n'y en aura pas 100 pour évoquer le non-lieu ou
l'abandon des poursuites.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Nous
savons tous qu'il reste toujours quelque chose d'une calomnie, sauf peut-être
si, demain, monsieur le Premier ministre, vous appelez, au nom du Gouvernement
de la République, à la solidarité de la classe politique envers deux hommes non
seulement choqués dans l'exercice de leurs mandats, mais aussi et surtout
heurtés dans leurs vies personnelles,...
M. Charles Revet.
Tout à fait !
M. André Vallet
... sauf peut-être si, demain, monsieur le Premier ministre, vous exigez qu'un
journaliste ne puisse, lors d'accusations graves et ciblées, se réfugier
derrière le secret de ses sources.
Si nous n'y prenons pas garde, si vous n'usez pas de toute l'autorité attachée
à votre fonction, je crains que de tels agissements journalistiques
n'affaiblissent la démocratie et n'enfoncent notre pays vers ceux qui rêvent
d'un gouvernement fort au nom de la vertu et de l'ordre.
(Murmures sur les travées socialistes.)
MM. Jean Chérioux et Gérard Larcher.
Très bien !
M. André Vallet.
Au-delà de MM. Gaudin et Léotard, c'est, monsieur le Premier ministre, notre
République qui est atteinte. En vous appelant à clamer haut et fort votre
indignation et votre mépris, je vous demande en réalité de la défendre.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de
l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. René Régnault.
Il y a un Président de la République !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il y a une justice en France ! La voilà !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le sénateur, vous
venez d'exprimer l'émotion que vous ressentez devant les allégations et les
terribles accusations qui figurent dans le livre de MM. Rougeot et Verne.
Personnellement, je comprends - et M. le Premier ministre s'est déjà exprimé
en ce sens à l'Assemblée nationale - l'émotion que l'on peut éprouver devant
des accusations aussi graves, qui ne sont, jusqu'à présent en tout cas,
soutenues par aucune espèce de preuve.
En même temps, vous comprendrez, monsieur le sénateur, qu'à partir du moment
où la justice est saisie - et elle est saisie par M. Léotard et par M. Gaudin -
je m'abstienne, moi, garde des sceaux, de toute déclaration qui pourrait être
interprétée comme voulant influer sur la décision de la justice.
Je rappelle qu'une première décision a été prise en référé, puisque c'est le
tribunal de grande instance de Paris qui a été saisi. Ce tribunal a déjà pris
la décision de suspendre la diffusion du livre incriminé et, demain, il doit
trancher au vu des preuves qui ont été demandées aux auteurs de ce livre.
C'est la raison pour laquelle je ne souhaite pas faire de déclaration qui
puisse, dans un sens ou dans un autre, être interprétée comme influant sur le
cours de la justice.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
PRÉSENCE DE LA FRANCE AU CONGO ET EN AFRIQUE
M. le président.
La parole est à Mme Brisepierre.
Mme Paulette Brisepierre.
Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et concerne à
la fois la situation au Congo et la présence de la France en Afrique.
Monsieur le ministre, à la suite du conflit opposant l'ancien président Sassou
Nguesso et le président Lissouba, la communauté française, tant à Brazzaville,
en juin dernier, qu'à Pointe-Noire, voilà quelques jours, s'est trouvée
pratiquement prise en otage au milieu des combats.
A Brazzaville, nos compatriotes ont assisté à des scènes insoutenables de
viols, pillages, règlements de compte, et pratiquement tous les Français ont
perdu la totalité de leurs biens.
Seule l'intervention de nos troupes, dans des conditions souvent extrêmement
périlleuses, mais remarquablement efficaces, a évité à la grande majorité
d'entre eux de subir des sévices physiques graves.
Cet embrasement rapide du Congo a mis en exergue la nécessité à la fois d'une
parfaite évaluation des situations de crise et du maintien de procédures
d'évacuation qui soient immédiatement opérationnelles.
A plusieurs reprises, après les tragiques événements du mois de juin, j'ai
insisté sur la nécessité de maintenir nos soldats au Congo afin d'assurer la
sécurité de nos concitoyens, notamment à Pointe-Noire, où circulait depuis le
26 août un tract appelant au meurtre des Français.
J'en cite la dernière phrase : « Il est du devoir de chaque Congolais et de
chaque Congolaise de s'en prendre non pas aux installations qui nous
reviennent, mais aux agents français, fauteurs de troubles, commanditaires des
crimes de Sassou Nguesso. S'il faut les égorger comme des porcs, nous le
ferons. »
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est de Lissouba, votre ami !
Mme Paulette Brisepierre.
Après la chute de Pointe-Noire, à quelques regrettables exceptions près, les
Français n'avaient jusqu'à maintenant pas subi d'agressions physiques trop
graves. Mais une inquiétude justifiée s'est développée dans la communauté
française, car il est plus que probable que, sans l'intervention de nos soldat
basés au Gabon, nous aurions, la semaine dernière, assisté au pire dans
certains points isolés du Congo.
A Pointe-Noire, où la situation s'est de nouveau dégradée cette nuit, des
femmes et des enfants, traumatisés par les scènes qui se sont déroulées sous
leurs yeux, sont confinés depuis plusieurs jours dans la très petite enceinte
du consulat de France, dans des conditions sanitaires de plus en plus
précaires. Trois médecins, dont un psychiatre et un pédiatre, ont été envoyés
hier sur place. C'est une des excellentes initiatives de la direction des
Français à l'étranger, à laquelle je tiens à rendre hommage pour son
organisation, son efficacité et son sens humain.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
Mme Paulette Brisepierre.
Toutefois, il serait souhaitable, pour ne pas dire indispensable, d'évacuer
d'urgence les femmes et les enfants, au moins sur Libreville. Le consul de
France est débordé ; il ne peut plus faire face à la situation de plus en plus
tendue non seulement avec les autorités congolaises, mais également avec nos
compatriotes. J'ai eu Pointe-Noire il y a une demi-heure ; je dois dire que la
situation n'est pas très confortable en ce moment.
Devant l'incertitude qui règne aujourd'hui au Congo, et peut-être demain dans
d'autres régions d'Afrique centrale, il nous faut être réalistes. Nous ne
devons être ni exagérément pessimistes ni béatement optimistes, mais nous
devons être lucides et responsables. Il ne faut pas tomber dans l'excès, à
savoir rapatrier arbitrairement tous les Français - rien, reconnaissons-le,
n'étant prévu pour leur retour en France -, ou les laisser sans la protection
décente à laquelle ils ont droit, car n'oublions pas que la présence de nos
compatriotes en Afrique est indispensable pour la pérennité de la France dans
cette région du monde.
Cela dit, chacun doit être libre de décider de son destin : rester ou partir.
Mais nous devons disposer des moyens nécessaires pour évacuer immédiatement
ceux qui souhaitent partir ou ceux dont la situation l'exige, et pour assurer
une protection efficace et digne de la France à ceux qui souhaitent rester.
Monsieur le ministre, mon interrogation et mon inquiétude concernent à la fois
l'avenir des 120 000 Français qui vivent en Afrique et l'avenir de la France
sur ce continent. Comment comptez-vous assurer la sécurité de nos compatriotes
face à l'inconnue que représentent les multiples foyers de crises qui couvent
sur le continent africain ? Et devant cette situation, momentanément explosive,
ne pensez-vous pas que la décision du redéploiement des forces françaises en
Afrique et la fermeture de certaines bases, comme celle de Bangui, au mois
d'août, sont absolument prématurées ?
Quelle politique envisagez-vous pour que notre pays maintienne en Afrique les
positions privilégiées qui sont les siennes, positions indispensables pour la
grandeur et l'image de la France sur le plan international ? Le nombre et la
valeur de nos compatriotes résidant hors de France ne sont pas étrangers à
cette grandeur et à la défense de cette image.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Madame le sénateur, votre question
m'incite à replacer dans un contexte plus général la situation au Congo et à
Pointe-Noire, que vous venez d'évoquer.
Je ne peux que vous redire que, tout au long du déroulement de cette crise, la
France a accordé, heure par heure, une extrême attention à la situation des
Français présents dans ce pays, mais aussi dans les pays voisins, ainsi que,
plus largement, à celle des étrangers établis au Congo.
Comme vous l'avez relevé vous-même, grâce au dévouement et à l'efficacité des
agents diplomatiques et consulaires, dont j'ai déjà parlé, mais aussi des
militaires, notamment ceux qui sont stationnés au Gabon, toute cette affaire,
consternante de bout en bout, au premier chef pour les Congolais, a pu être
suivie de façon telle que nous avons porté assistance, quand il le fallait, à
tous ceux qui en ont eu besoin, et que nous avons pris les décisions
d'évacuation, d'assistance et d'aide au moment, je crois, où cela était
nécessaire, pour les Français mais aussi pour les étrangers, et aujourd'hui
pour les Congolais.
Je crois donc que les éloges et les remerciements que vous avez adressés aux
différentes administrations engagées dans cette action sous la direction du
Gouvernement sont amplement mérités.
Je souhaite, par ailleurs, vous assurer que nous avons l'intention de rester
engagés sur ce grand continent qu'est l'Afrique - nous avons réaffirmé cette
volonté à différentes reprises - et que, bien entendu, de nombreux Français
resteront dans ce pays pour y travailler ou y coopérer, et continueront à être
des vecteurs du rayonnement de la France. Nous devons avoir une vision d'avenir
sur cette question.
Ainsi, dans tous les pays dans lesquels, malheureusement, des situations de
trouble peuvent se présenter, nous sommes en train de moderniser les
équipements et les procédures de façon à permettre à nos ambassadeurs et à nos
consuls de savoir exactement, à tout moment, où se trouvent les Français
présents dans le pays pour pouvoir les prévenir, les rassurer, les regrouper
et, s'il le faut, en coopération avec le ministère de la défense, les
évacuer.
La modification de l'implantation militaire française en Afrique a été entamée
il y a plusieurs mois ; l'actuel gouvernement poursuit ce processus dans la
mesure où il se trouve en cohérence avec l'évolution vers la
professionnalisation qui a été décidée.
Même si certaines implantations sont réduites, même si certaines zones sont
fermées, notre présence et notre capacité d'intervention dans des cas de crise
humanitaire ou autres, ainsi que notre capacité de stabilisation resteront les
mêmes, avec des forces, certes, moins nombreuses, mais beaucoup plus mobiles et
beaucoup plus efficaces. C'est l'un des aspects de l'évolution des forces
armées.
Il faut en outre replacer la question dans un contexte plus large.
Nous avons intérêt pour l'avenir à faire en sorte que ces pays africains, qui
sont nos amis, nos partenaires, et qui le resteront, soient de plus en plus
capables de lever par eux-mêmes des forces d'interposition. Il était question,
voilà quelques instants, d'un séminaire important qui s'est tenu à Dakar en
présence du ministre de la défense et qui, à cet égard, est extrêmement
encourageant. Il s'agit en effet de faire coopérer, au lieu de les laisser se
concurrencer de façon stérile, plusieurs pays européens ou occidentaux avec
tous les pays africains qui en font la demande, de façon que les armées de ces
derniers acquièrent une capacité accrue par rapport au passé, capacité qui,
manifestement, aujourd'hui est encore insuffisante pour leur permettre
d'intervenir dans des actions de maintien de la paix.
Il s'agit en l'occurrence d'actions militaires très complexes, qui ne relèvent
pas de la formation militaire habituelle. N'importe quelle armée n'est pas
capable de les mener. Notre intérêt, c'est que les armées de ces pays africains
soient capables de constituer l'ossature des forces de maintien de la paix, des
forces d'intervention ou de contrôle des cessez-le-feu décidés dans le cadre de
l'UEA et de l'ONU.
Voilà comment nous gérons à la fois les crises immédiates et les perspectives
d'avenir dans un continent où nous resterons, pour la défense de nos intérêts
mais également dans l'intérêt de l'Afrique.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du RDSE et de l'Union centriste.)
construction du marché intérieur du gaz
M. le président.
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
Lundi prochain va se tenir un nouveau conseil européen de l'énergie. A l'ordre
du jour se trouve l'examen d'un texte très important pour l'avenir de notre
politique énergétique, après l'adoption en décembre 1996 de la directive qui
organise le marché intérieur de l'électricité, je veux parler du projet de
directive visant à fixer les règles relatives à la construction du marché
intérieur du gaz.
Depuis la reprise des négociations en juillet 1996 sur ce projet de directive,
des progrès certains ont été faits, et je m'en réjouis. Il s'agit
principalement de la possibilité pour les Etats membres d'imposer aux
opérateurs gaziers des obligations de service public dans l'intérêt économique
général pour, notamment, assurer la sécurité des approvisionnements ou encore
la protection de l'environnement. Ces obligations peuvent porter sur les prix
ou la qualité du service. C'est une bonne chose.
Néanmoins, ces avancées risquent de rester lettre morte si certaines
dispositions du projet de directive ne sont pas modifiées. Il s'agit
principalement du statut de la distribution qui, tel qu'il est actuellement
défini, conduit à une remise en cause inacceptable du monopole de GDF, du degré
d'ouverture du marché pour l'heure trop brutal, et de la protection de nos
approvisionnements à long terme, qui en l'état n'est pas assuré.
L'énergie n'est pas une marchandise comme une autre. Elle ne peut relever des
simples règles du marché. Elle est non seulement un élément de la compétitivité
de nos entreprises, mais elle est aussi, pour chacun d'entre nous, un produit
de première nécessité, pour se chauffer, s'éclairer, se déplacer ; bref, c'est
un produit d'intérêt général.
Vous connaissez l'attachement des sénateurs socialistes à un service public de
qualité, seul garant, dans un contexte de globalisation de l'économie, de la
cohésion sociale et seul capable d'assurer à tous un service de qualité à un
prix abordable.
Je sais que le Gouvernement partage ce point de vue, et je suis sûr qu'il a à
coeur d'oeuvrer pour le maintien et le développement d'un service public
moderne et de qualité, répondant aux exigences de nos concitoyens.
Je sais aussi, monsieur le ministre, les efforts que vous déployez
positivement et avec pugnacité pour répondre à nos préoccupations et à celles
de nos administrés, profondément attachés à la pérennité du service public de
la distribution du gaz comme à la sécurité de notre approvisionnement.
Plusieurs sénateurs du RPR.
La question !
M. René Régnault.
J'y viens, mes chers collègues.
Dans ces conditions, pouvez-vous nous exposer, monsieur le ministre, la
position que la France défendra sur la directive gaz, le 27 octobre prochain,
lors du conseil européen de l'énergie, et plus particulièrement sur les trois
points que j'ai soulevés : le statut de la distribution, le degré d'ouverture
du marché et l'avenir de nos contrats d'approvisionnement à long terme ?
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie auprès du ministre de l'économie, des finances
et de l'industrie.
Monsieur le sénateur, les négociations européennes
concernant le projet de directive auquel vous vous référez sur le marché
intérieur du gaz sont en cours. Je ne suis pas certain qu'elles pourront
aboutir avant la fin de l'année. Il est encore trop tôt pour le dire. Il est en
tout cas fort improbable que le conseil des ministres du 27 octobre prochain
puisse être conclusif.
L'enjeu est très important, en effet.
Il s'agit d'accroître la compétitivité de notre économie, d'offrir une énergie
de qualité et au moindre coût aux particuliers et aux entreprises.
Il s'agit également de déterminer les moyens qui doivent rester de la
responsabilité des Etats membres - donc de l'Etat en France - afin d'assurer la
sécurité de nos approvisionnements lorsque l'on sait, par exemple, que 60 % de
ceux-ci sont dus aux commandes que nous adressons à deux pays seulement : la
Russie et l'Algérie.
Il s'agit encore de décider du degré d'ouverture du marché, qui va influer sur
les opérateurs et, au premier chef, naturellement, sur Gaz de France.
Enfin, il faudra s'assurer que les principes fondamentaux de notre service
public seront effectivement et entièrement garantis.
La négociation pourrait d'ailleurs permettre de régler les contentieux entre
la France et les instances de l'Union européenne sur le développement de la
desserte locale du gaz.
Je ne veux pas pécher devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, par
excès d'optimisme. Il existe encore de très profondes divergences entre la
position de la France et celle de plusieurs de ses partenaires.
Des progrès substantiels restent à faire dans les domaines de l'ouverture du
marché, de l'avenir des contrats d'approvisionnement à long terme
indispensables à notre sécurité, de l'organisation de la distribution, qui doit
obéir, selon nous, au principe de subsidiarité, c'est-à-dire ressortir aux
décisions de l'Etat national, cette position est d'ailleurs partagée par
plusieurs de nos partenaires européens au sein de l'Union.
Je tiens à souligner d'une manière claire et nette que le Gouvernement entend
assurer, à l'occasion de cette négociation, la pérennité des principes du
service public qui ont toujours régi la production, le transport et la
distribution du gaz dans notre pays.
Croyez bien, monsieur le sénateur, que les travaux du Sénat, en particulier la
résolution qui a été adoptée par la commission des affaires économiques et du
Plan, guideront le Gouvernement.
Je souhaite que, dans cette négociation, nous puissions toujours garder à la
fois une position dynamique pour créer le marché intérieur du gaz et une
position de fermeté pour défendre l'intérêt de la France et l'intérêt de Gaz de
France.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
SITUATION ÉCOLOGIQUE DE L'ÉTANG DE BERRE
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement et porte sur l'examen de la proposition de loi portant création
de l'établissement public d'aménagement de l'étang de Berre.
Madame la ministre, je souhaiterais appeler votre attention sur la situation
écologique très préoccupante de l'étang de Berre et sur la nécessité d'y
apporter des améliorations.
En effet, l'étang de Berre est, selon la direction régionale de
l'environnement de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, « le trait d'union
entre la Côte d'Azur et la Camargue ». Il comprend des zones humides et des
milieux terrestres remarquables, spécialement du point de vue faunistique et
floristique.
Le Conservatoire du littoral a d'ailleurs progressivement acquis une part
importante de ses rivages. Les élus et les associations ont, quant à eux,
exprimé à plusieurs reprises le désir de voir rétablir l'équilibre écologique
de l'étang grâce à la limitation des pollutions industrielles et domestiques et
grâce à la réduction des rejets d'eau douce de la centrale hydroélectrique de
Saint-Chamas, exploitée par EDF.
L'étang de Berre offre une chance unique pour tenter de concilier à la fois
l'économie et l'emploi au sein d'un grand pôle industriel, ainsi que la
préservation de l'environnement dans un site naturel remarquable qui, pendant
des siècles, fut dénommé « la frayère de la Méditerranée ».
Les 210 000 habitants des communes riveraines, les 500 000 habitants qui
résident dans le bassin versant de l'étang attendent que les pouvoirs publics
prennent sans tarder des mesures afin de rétablir un équilibre écologique qui,
depuis un certain nombre d'années, est sérieusement remis en cause.
L'Assemblée nationale a d'ores et déjà adopté en mars dernier, au cours de la
législature précédente, une proposition de loi relative à la création d'un
établissement public à vocation écologique, destiné à mettre en oeuvre un
programme de sauvegarde et de mise en valeur de l'étang de Berre.
La commission des affaires économiques et du Plan du Sénat a, quant à elle,
adopté, moyennant quelques amendements, le texte transmis par l'Assemblée
nationale et dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur.
Par ailleurs, devant la commission des affaires économiques et du Plan, vous
avez récemment déclaré être très attachée à la réussite du plan décennal de
reconquête de l'étang de Berre en réponse à une question posée par notre
collègue Michel Barnier, ancien ministre de l'environnement. Il est donc
possible de répondre rapidement à l'attente des habitants, des associations,
des industriels et des élus, sur un sujet essentiel.
Aussi, je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir m'indiquer quelles
mesures le Gouvernement envisage de prendre et dans quels délais pour permettre
la poursuite des actions entreprises en la matière depuis 1994, mais aussi au
cours de la décennie précédente, mesures dont l'urgence est ressentie
aujourd'hui par tous ceux qui sont préoccupés par la priorité que constitue la
protection de notre ressource en eau.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, voilà un point sur lequel je suis d'accord avec vous.
(Ah ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
En effet, la reconquête de la qualité de l'eau de l'étang de Berre
apparaît comme une urgente nécessité. Ce lac, qui est le plus grand lac salé
d'Europe, est extrêmement dégradé en raison des pollutions domestiques et
industrielles bien connues, mais aussi et surtout du rejet massif d'eaux douces
et de limon par la centrale hydroélectrique de Saint-Chamas.
Comme vous l'avez vous-même rappelé, un plan d'action décennal a été mis en
oeuvre sur ce site. J'ai d'ores et déjà demandé au préfet de la région
Provence-Alpes-Côte d'Azur d'en évaluer le résultat.
Comme vous le savez, ce plan prévoit que la centrale hydroélectrique réduise
ses émissions à hauteur de 35 % tout au long de l'année, afin d'atteindre le
niveau zéro en période estivale de façon à « limiter la casse ». Il ne s'agit
que de cela.
La réalisation de ce plan a d'ores et déjà coûté 25 millions de francs, pris
en charge à raison de 10 % par le ministère de l'aménagement du territoire et
de l'environnement et de 35 % par l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse.
Cette dernière assume par ailleurs un autre volet de reconquête de la qualité
de l'eau en mettant sur pied un plan de limitation des pollutions industrielles
et domestiques, cette zone ayant été déclarée zone sensible, à risques
d'eutrophisation.
Il nous faudra évidemment aller plus loin. J'y veillerai, d'autant plus qu'il
s'agit d'une zone très peuplée, où le chômage et la dégradation de
l'environnement quotidien favorisent le développement de l'extrême droite.
Dans le cadre des prochains contrats de plan Etat-régions, il nous faudra en
effet aller plus loin.
Vous le savez comme moi, les mesures qui doivent être prises sont très
coûteuses. Une éventuelle réouverture du tunnel du Rove ou une éventuelle
dérivation des eaux de la centrale hydroélectrique coûterait - je pense que
vous serez d'accord sur cette somme - environ 5 milliards de francs, voire
plus.
Il nous faudra être bien sûrs de l'efficacité d'un plan avant de lancer les
travaux majeurs.
Dans ce contexte, la création d'un établissement public envisagée par un
député dans une proposition de loi ne me paraît pas constituer une priorité
dans la mesure où il existe déjà un syndicat intercommunal qui prend en compte
un certain nombre des enjeux qui se présentent à nous.
Toutefois, cet établissement public pourrait s'avérer nécessaire si des
travaux de grande ampleur devaient être décidés au cours de l'année à venir.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
RETRAITES AGRICOLES
M. le président.
La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les
ministres, mes chers collègues, ma question, qui porte sur le régime des
retraites de l'agriculture, s'adressait à M. le ministre de l'agriculture et de
la pêche mais, en l'absence de celui-ci, je ne doute pas qu'il y ait, au sein
du Gouvernement, des compétences susceptibles de m'apporter une réponse.
Vous connaissez la situation difficile des retraités de l'agriculture : la
plupart d'entre eux ne perçoivent qu'une retraite dont le montant n'atteint
même pas le niveau du RMI. La situation est encore plus dramatique pour les
conjoints d'exploitant, dont la pension ne dépasse pas 1 500 francs par mois.
Pourtant, les uns et les autres ont durement travaillé, souvent dès leur plus
jeune âge - à partir de quatorze ans et quelquefois plus tôt encore - et pour
des durées hebdomadaires qui étaient plus proches des soixante heures que des
trente-cinq heures.
Leur travail, bien mal reconnu, a puissamment contribué au redressement de
notre pays, à l'équilibre du commerce extérieur, ainsi que, bien entendu, à la
modernisation de l'agriculture.
Certes, je n'ignore pas que cette situation est due à l'histoire et au fait
que le régime de retraite agricole est de création assez récente ; on peut
penser, pour cette raison, que les nouveaux arrivants dans le régime
connaîtront une situation meilleure que leurs aînés. Il reste que la situation
des plus anciens, ceux que l'on appelle, de façon fort peu élégante, le « stock
», est tout à fait préoccupante.
Les ministres de l'agriculture précédents avaient mis en place un programme de
rattrapage progressif pour les plus modestes, de manière à se rapprocher à
terme de 75 % du SMIC, taux qui correspondait à la revendication
professionnelle.
Je rappelle, à titre de comparaison, que la retraite moyenne mensuelle du
régime général est de 8 500 francs.
J'ai été stupéfait et même indigné de constater que, ni dans le document
préparatoire du ministère de l'agriculture concernant une éventuelle loi
d'orientation ni dans le projet de budget de l'agriculture pour 1998, ne
figurait de mesure satisfaisante à ce sujet.
Depuis, sous la pression de l'Assemblée nationale, un effort significatif a
été consenti, et j'en donne bien volontiers acte à M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche. Néanmoins, cette mesure demeure insuffisante.
Je souhaite donc savoir quelle mesure sera prise, et selon quel calendrier,
pour répondre à l'attente de près de deux millions de nos concitoyens qui ont
contribué à l'essor de la France.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. Le
Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, qui est en ce moment, comme
cela lui arrive d'ailleurs souvent, retenu par des négociations bruxelloises.
Il m'a donc demandé de vous répondre en son nom et de vous expliquer ce qui l'a
amené, ce matin, à présenter deux amendements devant l'Assemblée nationale,
lors de la discussion du projet de budget de l'agriculture.
Comme vous l'avez indiqué, la situation de nombreux retraités agricoles est
difficile, c'est le moins que l'on puisse dire. Vous avez cité le chiffre de 1
500 francs par mois, qui concerne notamment les conjoints d'exploitant et les
aides familiaux.
Le faible niveau de la pension que perçoivent ces retraités a donc conduit le
Gouvernement à soumettre ce matin à l'Assemblée nationale deux mesures qui
seront bientôt examinés par le Sénat.
Le premier des amendements en cause vise à augmenter les charges du BAPSA de
500 millions de francs par une modification du code rural, qui constitue la
base légale du régime des retraites de l'agriculture. Il s'agit d'accroître le
montant des pensions des conjoints d'exploitant et des aides familiaux ainsi
que de celles d'exploitants qui n'auraient consacré que peu de temps à
l'activité agricole, pour peu que celle-ci ait néanmoins constitué leur
activité essentielle au cours de leur carrière.
Cet amendement va donc permettre de relever de 5 100 francs par an le montant
de ces retraites.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, en 1997, un conjoint d'exploitant
ayant travaillé pendant trente-sept années et demie perçoit une retraite de 17
900 francs, ce qui est effectivement bien peu. A législation constante, si donc
le Gouvernement n'était pas intervenu, il aurait perçu en 1998 une retraite de
18 650 francs. Grâce à l'amendement que je viens d'évoquer, ce montant sera
porté à 23 750 francs, soit une augmentation de 32 % par rapport à 1997.
Vous me direz, et vous aurez raison, que cela reste trop faible. Reconnaissez
cependant avec moi que, si, au cours des quatres dernières années, sous la
précédente majorité, l'augmentation avait été de 32 % chaque année, ces
retraites se situeraient aujourd'hui à des niveaux plus acceptables.
(Murmures sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je
vous remercie de ces marques d'approbation sur cette critique légère de la
majorité précédente !
(Sourires.)
Ce sont 275 000 personnes qui bénéficieront de cette mesure, dont le coût
total s'élèvera à 760 millions de francs.
Toutefois, le coût réel est moindre du fait que cette mesure entraîne
mécaniquement une baisse des dépenses du fonds de solidarité vieillesse, étant
entendu que des personnes qui bénéficiaient de ce fonds vont en sortir. On
passe ainsi de 760 millions de francs à 680 millions de francs.
Je vous ai dit que l'amendement relatif en BAPSA portait sur 500 millions de
francs. Les 180 millions de francs restants proviennent d'une régularisation
sur des opérations hospitalières qui a été constatée par la commission des
comptes de la sécurité sociale le 26 septembre dernier, cette régularisation
représentant précisément 180 millions de francs. Cela fait l'objet du deuxième
amendement.
Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'effort consenti cette année
n'est qu'un premier pas et que le Gouvernement n'a pas l'intention d'en rester
là. Cela étant, j'ai la conviction que ce premier pas sera salué comme il le
mérite sur toutes les travées du Sénat.
(Applaudissements sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
VACANCES DE POSTES
DANS LE SECTEUR HOSPITALIER PUBLIC
M. le président.
Avant que nous n'abordions la dernière question, je tiens à vous remercier,
monsieur le Premier ministre, d'être resté parmi nous jusqu'à la fin de cette
séance de questions d'actualité.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. René-Pierre Signé.
Ces dernières années, ce n'était effectivement pas habituel !
M. le président.
La parole est à M. Louis Boyer.
M. Louis Boyer.
Monsieur le président, mesdames, monsieur le Premier ministre, messieurs les
ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat
à la santé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le 1er janvier 2000, la durée légale du travail
sera abaissée, ainsi que votre gouvernement l'a souhaité, à 35 heures par
semaine, dans le but de créer des emplois.
(M. Mélenchon applaudit.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Louis Boyer.
Or, chaque année, dans le secteur hospitalier public, les postes créés ainsi
que certains postes existants ne sont pas pourvus et restent désespérément
vacants.
A cela, il y a deux raisons. D'une part, il est de plus en plus difficile de
trouver du personnel qualifié. D'autre part, le caractère global du budget
engendre un effet pervers : les postes sont budgétés en fonction des besoins
mais ne sont pas pourvus ; l'argent disponible est, par conséquent, utilisé à
d'autres fins.
Ma question est donc double, monsieur le secrétaire d'Etat.
Quel est le nombre de postes budgétés mais vacants à ce jour dans le secteur
hospitalier public ?
A quel rythme et dans quelles conditions pensez-vous porter remède à ces
déficits, qui vont automatiquement être aggravés par le passage aux 35 heures.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé auprès du ministre de l'emploi et de la
solidarité.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question, qui
contenait elle-même certains éléments de réponse.
Il est bien évident que, dans la fonction hospitalière, coexistent des métiers
bien distincts : ceux qui relèvent de l'activité médicale proprement dite, ceux
qui ressortissent à l'activité paramédicale et diverses autres catégories
professionnelles. Il faut donc examiner les diverses situations avec
circonspection et, lorsque vous dites qu'un certain nombre de postes sont
vacants, il convient d'établir les distinctions qui s'imposent.
Au cours des dernières années, des efforts ont été accomplis, qui nous ont
coûté fort cher - 23 milliards de francs - pour améliorer les conditions de
travail à l'hôpital, et cela pour toutes les catégories. Cet effort n'a pas été
fait au détriment de l'emploi puisque de 1988 à 1995, nous sommes passés de 642
794 agents - il y a beaucoup de monde qui travaille à l'hôpital ! - à 676 965.
Autrement dit, il n'y a pas eu de suppression nette de postes, au contraire.
Pourtant, dans un certain nombre de métiers très précis on constate des
vacances de postes.
S'agissant des personnels paramédicaux, essentiellement les infirmières, les
écoles forment suffisamment de personnes pour qu'il n'y ait pratiquement jamais
d'attente lorsqu'un poste est offert.
Il n'en va pas de même pour les personnels médicaux, notamment dans certaines
spécialités. Nous avons déjà évoqué ce problème, monsieur le sénateur, au sein
de la commission des affaires sociales, et vous savez que les causes de cette
situation sont multiples.
D'abord, les médecins hospitaliers bénéficient généralement de revenus
moindres par rapport à leurs collègues du privé.
Ensuite, la situation des filières des études médicales est telle, depuis
l'adoption en 1984 d'un internat qualifiant, que certaines spécialités manquent
à l'hôpital public, alors qu'elles y sont absolument nécessaires. Cette
situation est particulièrement aiguë dans les hôpitaux dits de proximité, qui
soignent 70 % de la pathologie des hommes et des femmes de ce pays. Or les
spécialistes ne prennent pas les postes offerts dans ces hôpitaux-là.
C'est ainsi que 5% des postes médicaux restent inoccupés.
Que faire ?
Mme Aubry et moi-même avons placé sous la direction de M. Guy Nicolas,
vice-président du Haut Conseil de la santé publique, quatre groupes chargés
d'étudier la situation des quatre disciplines où apparaissent les manques les
plus criants : anesthésie, radiologie, psychiatrie et obstrétrique. Je ne sais
malheureusement pas quelles modalités pourront être imaginées, car les
solutions ne sont pas évidentes.
En tous cas, la question des filières devra être examinée afin que nous ne
voyions plus des postes inoccupés dans des spécialités pour lesquelles il
existe manifestement des besoins dans notre pays. Pour cela, et nous nous y
employons avec M. Allègre, il faudra revoir très profondément les études
médicales, en particulier cet internat qualifiant qui fait que la France est,
avec l'Espagne, le seul pays d'Europe à connaître un double système de
sélection, système qu'il ne me paraît pas envisageable de maintenir.
S'agissant enfin des 35 heures, le ministre de la fonction publique vous a
déjà répondu. Il conviendra d'examiner avec les organisations syndicales de
quelle manière nous pouvons aborder cette question à partir de l'état des
lieux.
Je vous rappelle toutefois que, dans les hôpitaux, les 35 heures ont déjà été
appliquées pour le travail de nuit. Sans vouloir en tirer des conclusions trop
rapides au niveau national, je souligne tout de même que cela a permis la
multiplication des postes : 5 300 postes ont ainsi été créés pour le travail de
nuit. Ce chiffre mérite d'être médité, me semble-t-il, au moment où, parfois,
on critique un peu légèrement la position du Gouvernement en la matière.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Avant d'aborder la suite de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos
travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures
quinze, sous la présidence de M. Jean Delaneau.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
DEMANDE D'ATTRIBUTION
DES PRÉROGATIVES
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
M. le président.
M. le Président a été saisi par M. Jacques Larché, président de la commission
des lois, d'une demande tendant à obtenir du Sénat, en application de l'article
5
ter
de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au
fonctionnement des assemblées parlementaires, qu'il confère à la commission des
lois les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête pour étudier le
suivi, par les ministères intéressés, du processus européen de coopération
policière, pour une durée n'excédant pas six mois.
Le Sénat sera appelé à statuer sur cette demande dans les conditions fixées
par l'article 22
ter
du règlement.
6
DÉPOT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
M. le président.
M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le cinquième rapport
annuel relatif au dispositif d'indemnisation des hémophiles et transfusés
contaminés par voie transfusionnelle par le virus du sida, établi en
application de l'article 47 de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
7
UTILISATION À TEMPS PARTIEL
DE BIENS IMMOBILIERS
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 208, 1997-1998)
portant transposition de la directive 94/47/CE du Parlement européen et du
Conseil du 26 octobre 1994 concernant la protection des acquéreurs pour
certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit
d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers. [Rapport n° 322
(1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j'ai l'honneur de
présenter au nom du Gouvernement tend à transposer dans notre droit positif une
directive du 26 octobre 1994 dont le but est de protéger le consommateur qui
acquiert d'un professionnel la jouissance à temps partagé d'un bien immobilier.
Le Gouvernement vous propose d'en transposer les dispositions dans le code de
la consommation.
Nous sommes ici dans le domaine, connu sous sa dénomination d'origine, de la «
multipropriété ».
L'idée de donner à plusieurs personnes le droit d'occuper successivement un
immeuble pendant une période limitée de l'année est née en France, dans les
années soixante, pour favoriser le développement de l'immobilier de loisir,
comme il est rappelé dans le rapport de M. Balarello.
La dénomination de « multipropriété », qui a le mérite de la simplicité, a
subsisté en pratique alors qu'elle est devenue juridiquement incorrecte
lorsqu'elle est appliquée à l'ensemble des contrats conclus.
En 1986, le législateur a réglementé la société d'attribution d'immeubles en
jouissance à temps partagé, qui a pour effet de faire découler le droit de
jouissance non d'un droit de propriété mais d'un droit personnel d'associé.
Cependant, cette structure sociétaire n'étant pas la seule possible, d'autres
formes juridiques se sont développées qui font appel à différentes branches du
droit : droit des biens, droit des obligations ou droit des sociétés et
associations.
Les montages se sont diversifiés et la nature de ce droit, comme celle du
contrat dont il découle, varient : usufruit, bail, société d'attribution en
jouissance, adhésion à un club, par exemple.
La question de la jouissance d'immeuble à temps partagé ne revient pas devant
vous aujourd'hui pour que vous en examiniez à nouveau le support juridique,
mais pour que vous portiez remède aux conséquences de la mise en oeuvre, par
certains professionnels, de méthodes contestables de commercialisation qui ont
pour effet de compromettre la liberté du consentement des personnes
démarchées.
A cet égard, la méthode la plus couramment dénoncée consiste à offrir, dans
des circonstances banales de la vie quotidienne, sur la voie publique ou dans
une boutique, voire à domicile, un agréable séjour gratuit, dans un pays de
préférence ensoleillé, au cours duquel les personnes ainsi approchées sont
soumises à de trop efficaces méthodes de persuasion, faites de séduction et de
contrainte mêlées, qui les conduisent à prendre un engagement irrévocable
qu'elles regrettent dès leur retour à la réalité.
Si le piège s'ouvre en France, il se referme souvent à l'étranger, et c'est
pourquoi le remède devait relever d'une initiative communautaire.
Longuement préparée et négociée - les travaux ont en effet débuté en 1991 - la
directive que le projet de loi soumis à votre examen a pour objet de transposer
se fonde sur l'article 100 A du traité.
Elle vise, en l'état actuel de la disparité des législations nationales en ce
domaine et dans le respect du principe de subsidiarité, à créer un socle
minimal de règles communes pour assurer le bon fonctionnement du marché et, par
ce biais, la protection du consommateur.
Elle régit les relations entre un professionnel et un consommateur, définies
de façon suffisamment large pour englober toutes les techniques juridiques
utilisées.
Son objet est de protéger le consommateur en lui assurant l'information et le
délai de réflexion nécessaires à l'expression d'un consentement éclairé, tout
en laissant aux Etats membres la possibilité de prévoir des règles de
protection plus contraignantes.
En outre, elle contient une disposition de droit international privé en vue
d'assurer son application dès lors que le bien est situé sur le territoire d'un
Etat membre.
Le projet de loi n'a pas pour objet de réglementer le contrat de base, car il
n'est pas question d'entraver le développement économique de ce secteur. Il a
pour ambition d'assurer la liberté du consentement du consommateur dans le
respect de notre tradition juridique du droit des obligations et, plus
particulièrement, du droit de la consommation.
La France est en effet dotée d'un ensemble de règles protectrices du
consommateur lorsque ce dernier est confronté à un professionnel dans un
rapport économiquement déséquilibré. Ce droit a acquis au fil du temps une
cohérence dont la codification est un signe et un facteur de renforcement.
La transposition de la directive s'en est trouvée facilitée.
Le projet de loi reprend, pour le processus de formation du contrat, les
exigences de la directive en s'inspirant de la réglementation d'autres contrats
de consommation, prêt ou démarchage.
Le professionnel doit mettre le consommateur en possession d'une offre écrite
contenant une information complète. Cette offre doit être maintenue pendant un
délai de sept jours. Le consommateur peut librement se rétracter pendant dix
jours après avoir donné son acceptation. Ce n'est qu'au terme de ce délai que
le contrat est, le cas échéant, définitivement formé. Auparavant, le
professionnel ne peut recevoir aucune avance.
L'échange des consentements répond à un formalisme justifié par le souci
d'assurer le respect de ces délais, cruciaux au regard de la finalité du texte,
qui est d'assurer au consommateur le temps nécessaire à une saine réflexion
avant d'accepter de se lier.
Les règles édictées sont sanctionnées, comme cela est habituel en matière de
consommation, sur le terrain civil, par la nullité du contrat et, sur le
terrain répressif, par des peines d'amende.
La commission des lois du Sénat a souhaité dissocier les infractions pour
prendre en compte la différence de gravité des manquements. Le Gouvernement est
favorable à cette proposition.
En ce qui concerne la langue du contrat, le projet de loi impose, en plus de
la langue choisie par le consommateur, ce qui est conforme à la directive et
primordial compte tenu de l'objectif recherché, que l'offre soit rédigée en
français dès lors que le consommateur réside sur notre territoire ou que le
bien y est situé.
Avec le souci constant de protéger le consommateur, le projet du Gouvernement
apporte deux compléments importants à la directive : l'un concerne le droit
international privé, l'autre les intermédiaires.
Le premier, particulièrement opportun compte tenu du caractère transfrontalier
des litiges en la matière, prolonge, dans le même esprit, la directive.
Celle-ci s'impose aux Etats lorsque le bien est situé sur le territoire d'un
Etat membre. Le projet transpose cette exigence, mais va plus loin.
Dans le respect des conventions internationales, il permet dans certaines
conditions l'application de la directive en faveur des résidents communautaires
même lorsque le bien est situé en dehors de l'Union européenne et limite les
clauses attributives de compétence.
Le second complément vise à généraliser l'application de la réglementation des
activités des intermédiaires de l'immobilier.
La commission propose d'autoriser les agents de voyages titulaires d'une
licence à intervenir dans ce domaine, sous couvert de leur réglementation, mais
en les soumettant pour cette activité à des règles adaptées s'agissant de la
garantie, de la responsabilité civile professionnelle et du mandat, qui devront
être complétées par décret en Conseil d'Etat.
L'expérience de ces professionnels, dont l'activité consiste essentiellement
dans la vente de séjours, diffère sensiblement de celle des mandataires de
l'immobilier. Le Gouvernement est toutefois prêt à soutenir cette proposition
dans la mesure où elle permet d'ouvrir l'activité aux agents de voyages tout en
assurant aux consommateurs une protection égale et aux professionnels des
obligations similaires respectant le jeu de la libre concurrence.
Je tiens à remercier la commission - spécialement son rapporteur - de
l'attention qu'elle a portée à ce texte et des améliorations qu'elle a
proposées, améliorations auxquelles le Gouvernement se rallie volontiers.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le présent projet
de loi porte transposition en droit français de la directive européenne du 26
octobre 1994 qui a pour objet d'unifier dans les législations européennes,
comme vient de l'indiquer Mme le garde des sceaux, un certain nombre de
dispositions destinées à protéger les acquéreurs - que nous appellerons
d'ailleurs, dans notre texte, les consommateurs - lors de l'acquisition de
droits de jouissance à temps partagé de biens immobiliers.
Il s'agit, mes chers collègues, pour le Parlement européen et pour le Conseil
des ministres de la Communauté, de réduire les disparités entre législations
nationales et de créer un socle minimal de règles communes pour assurer une
meilleure protection des consommateurs.
Nous appelons l'attention du Sénat sur le fait que le présent projet de loi
intègre ces nouvelles dispositions dans le code de la consommation et non dans
le code civil. Anciennement désigné sous les termes de multipropriétés ou de
propriétés spatio-temporelles, ce type de transaction est actuellement plus
connu sous le nom de jouissance à temps partagé de biens immobiliers, en
anglais
time share
ou
time sharing.
Cette formule touristique est une invention française, utilisée en 1967 par la
Société des grands travaux de Marseille dans la station de Superdévoluy, dans
les Hautes-Alpes.
En 1970, le concept s'est exporté aux Etats-Unis, où ont été créées en 1974 et
1976 deux bourses d'échange de séjours, RCI et Interval international.
Dans les années quatre-vingt, ce produit s'est développé en Europe et surtout
en Espagne, en particulier dans les îles Canaries et aux Baléares. La France,
qui est pourtant la première destination mondiale avec plus de 65 millions de
touristes en 1996, ne compte que 2,6 % des résidences européennes et se situe
ainsi loin derrière l'Espagne, qui en totalise 53,7 %, ou même l'Allemagne 3,2
% et l'Italie 6,9 %.
Au niveau mondial, cette activité connaît un fort dynamisme, sa progression
ayant été de 24 % par an entre 1980 et 1994.
Le retard enregistré par la France a des causes multiples : attachement
traditionnel à la pierre, donc à la propriété, ou scandales retentissants ayant
provoqué la spoliation des titulaires de droit de jouissance non protégés par
un droit réel immobilier.
Ainsi, dans ma petite commune de Tende, madame le garde des sceaux, pas moins
de 150 multipropriétaires ont été spoliés. A l'heure actuelle, ils sont sous le
coup d'une vente aux enchères engagée par le fisc car la société devait des
impôts ; ils n'ont aucun droit réel, à leur grande surprise, évidemment.
La directive européenne du 26 octobre 1994 vise à réduire les distorsions de
concurrence en imposant aux Etats membres de la Communauté des règles communes
protégeant le consommateur.
Afin de bien appréhender l'objet de la directive, la commission des lois a
examiné successivement : la multiplication des schémas juridiques fondant le
droit de jouissance périodique tant en France qu'à l'étranger ; la protection
du consommateur telle qu'elle a été organisée dans les pays européens à la
suite des abus constatés ; enfin, la directive, sa transposition en droit
interne et les propositions du rapporteur.
Mes chers collègues, nous passerons brièvement sur les schémas juridiques qui
ont vu le jour tant en France qu'à l'étranger.
A l'origine, dans notre pays, ce fut une adaptation du statut de la
copropriété.
Ce cadre juridique s'étant révélé inadapté aux besoins de protection des
associés, la loi du 6 janvier 1986, relative aux sociétés d'attribution
d'immeubles en jouissance à temps partagé - expression un jeu barbare,
d'ailleurs - fut votée. Ce texte contenait un ensemble de dispositions
protectrices des associés, notamment des garanties financières, la plus
importante étant que les associés ne peuvent être recherchés pour les dettes
sociales qu'à due concurrence de leur apport, ce qui est tout de même
important.
D'autres montages ont vu le jour, tels les contrats d'hôtellerie, les baux à
loyers en meublés et le
trust
d'origine anglo-saxonne.
A l'étranger, de nombreux mécanismes sont apparus : la nouvelle propriété, la
prépropriété, l'écopropriété, ce dernier système prévoyant le transfert de
l'usufruit pour certaines périodes suivi du transfert de la pleine
propriété.
Un autre dispositif est le système à points ou club-hôtel, les points donnant
droit à des semaines de séjours dans les différents hôtels ou résidences d'une
même chaîne.
Enfin, la formule anglo-saxonne du
trust
ou
club trustee,
comporte un schéma triangulaire : le promoteur qui construit l'immeuble, la
société
trustee
à laquelle est transférée la propriété de l'immeuble et
qui le gère, les bénéficiaires membres du club. La dépossession du promoteur en
faveur de la société
trustee
est destinée à garantir les détenteurs des
droits d'occupation contre les risques d'aliénation ou de prise d'hypothèques
grevant les biens.
Ne conviendrait-il pas d'introduire dans la législation française un
dispositif permettant de réaliser une structure analogue à celle du
club
trustee
? J'ai indiqué, en commission, que j'étais partisan d'élaborer un
texte en la matière, car il constituera, selon moi, la meilleure protection
pour celui qu'on appelle le client, le copropriétaire, le multipropriétaire ou
le consommateur.
Quoi qu'il en soit la grande variété des montages juridiques et le caractère
de plus en plus transnational des opérations ont révélé un besoin de
sécurisation et de protection du consommateur, notamment à la suite de la mise
en liquidation judiciaire - je ne vous l'apprendrai pas, madame le garde des
sceaux - d'importants intermédiaires tels que Lagon vert et Altitude Voyage. En
1996, par exemple, 298 plaintes ont été enregistrées à Paris dont 145 à
l'encontre de la seule société Lagon vert.
Les griefs sont toujours les mêmes : ils tiennent aux méthodes agressives de
vente, à la publicité mensongère, aux contrats rédigés en langues étrangères,
incomplets quant à la description du bien, aux difficultés liées aux bourses
d'échange ainsi qu'au montant élevé des charges annuelles qui ne sont bien
évidemment pas annoncées au moment de la souscription du contrat.
Rappelons que, en France, la protection du consommateur est très complète et
résulte de six textes que j'ai énumérés dans mon rapport écrit. Je ne les
reprendrai donc pas ici.
En Europe, d'autres pays ont adopté une législation protectrice. Tel est le
cas de l'Allemagne, depuis 1987, et de la Grande-Bretagne où le délai de
rétractation ne peut être inférieur à quatorze jours.
Cependant, afin de réduire les disparités entre les législations nationales et
de mettre fin à un certain nombre d'abus, notamment en ce qui concerne les
ventes en Espagne, la Communauté européenne a élaboré une directive tendant à
lutter contre les conséquences des méthodes de vente agressives au sens
littéral du terme car les contrats sont parfois conclus lors de réceptions
fortement arrosées.
Cette directive du 26 octobre 1994 relève du droit de la consommation et vise
à protéger le consommateur en amont et lors de la conclusion du contrat dans
les Etats membres de la Communauté.
Elle fixe un cadre contractuel englobant toutes les formes juridiques
utilisées, l'objectif étant de protéger le consommateur en lui assurant au
moment de l'offre une information détaillée et un délai de réflexion nécessaire
à l'expression d'un consentement éclairé.
La directive prévoit qu'un document complémentaire doit être mis à disposition
de toute personne qui le demande, celui-ci contenant des renseignements précis
qui doivent être intégrés au contrat en cas d'acceptation de l'offre. Le droit
à l'information est sanctionné par une faculté de résiliation dans un délai de
trois mois et, si les informations font défaut dans le contrat, par un délai de
rétractation de dix jours.
La directive régit également la langue du contrat et contient des dispositions
de droit international privé, comme l'a indiqué Mme le garde des sceaux, pour
assurer la protection du consommateur lorsque le bien concerné est situé sur le
territoire d'un Etat membre.
Elle renvoie cependant aux Etats le soin de définir les sanctions ainsi que la
nature juridique du droit donnant vocation à la jouissance du bien,
conformément au principe de subsidiarité. Un délai de trente mois était accordé
aux Etats membres pour procéder à la transposition ; celui-ci ayant expiré le
26 avril 1997, il est urgent de légiférer ; nous sommes en bonne voie.
Le projet de loi soumis à notre examen et adopté par la commission reprend
globalement le texte de la directive dont la transposition est facilitée en
droit français par la proximité des règles qu'elle instaure avec notre
législation relative à la protection du consommateur, panel de textes que j'ai
évoqués voilà quelques instants et qui sont énumérés dans mon rapport écrit.
Aussi les dispositions nouvelles s'inscrivent-elles dans le code de la
consommation. Elles sont regroupées dans l'article 1er du projet de loi, qui
comprend deux articles complémentaires, l'un étant un article de coordination
et l'autre complétant la loi Hoguet du 2 janvier 1970. Le projet de loi
transcrit fidèlement la directive du 26 octobre 1994 et ne s'en éloigne que sur
quelques points.
C'est ainsi qu'il définit le contrat faisant l'objet de la réglementation
comme celui qui est conclu à titre onéreux entre un professionnel et un
consommateur pour conférer à ce dernier la jouissance d'un bien immobilier à
usage d'habitation pour certaines périodes.
Il énumère la liste des mentions devant figurer dans l'offre, mentions
destinées à assurer une information complète du consommateur, comme le prévoit
la directive.
Il va au-delà des exigences résultant de celle-ci, en imposant que soient
reproduites dans l'offre les dispositions relatives au délai de maintien de
l'offre, aux modalités d'acceptation de l'offre, au délai de rétractation et à
l'interdiction faite au professionnel de percevoir un quelconque versement
avant l'expiration de ce dernier délai.
Se détachant de la directive, le texte prévoit la nécessité pour le
consommateur de retourner au professionnel l'offre acceptée assortie de sa
signature et des mentions de la date et du lieu, par voie de lettre recommandée
avec accusé de réception, cette précaution tendant à prévenir les acceptations
hâtives.
S'écartant toujours de la directive, ce qui est d'ailleurs juridiquement
correct, le projet de loi ne retient pas le droit de résiliation ouvert par la
directive au consommateur pendant un délai de trois mois sanctionnant les
manquements à l'obligation d'information.
En effet, la résiliation du contrat, à l'initiative du consommateur, ne peut
s'analyser au regard du droit français que comme une résolution puisqu'elle
fait suite à l'inexécution par le professionnel de son obligation légale
d'informer.
Le projet de loi a préféré à ce dispositif un mécanisme plus simple à mettre
en oeuvre, plus en harmonie avec le droit français et assurant une meilleure
protection du consommateur, mécanisme que nous avons détaillé dans le rapport
écrit, notamment en ce qui concerne le délai de rétractation de l'offre du
consommateur, qui est de dix jours, et l'interdiction de tout versement ou
engagement de versement avant l'expiration de ce délai de rétractation. La
renonciation emporte résiliation de plein droit du contrat de crédit qui a pu
être conclu pour financer l'opération.
En application de la directive, le projet de loi prévoit que l'offre doit être
rédigée en français lorsque le consommateur réside en France.
Cette obligation vaut également lorsque le bien est situé sur le territoire
français, ce qui constitue un ajout par rapport à la directive.
Cependant, dans le respect de celle-ci, le projet de loi prévoit que l'offre
peut également être rédigée, au choix du consommateur, dans la langue de l'Etat
où il réside ou dont il est ressortissant.
Pour assurer l'application de l'ensemble de ces dispositions est prévu un
double système de sanctions à la fois pénales, sous forme d'amendes, et
civiles, à savoir la nullité du contrat.
Compte tenu du caractère souvent transnational des opérations considérées, le
projet de loi limite la possibilité d'insérer dans le contrat des clauses
attributives de compétence. De telles clauses figurent souvent dans les
contrats, ce qui conduit parfois les avocats à se rendre très loin, voire aux
antipodes, pour plaider. Les justiciables ne s'en sortent pas et cela entraîne
des frais inconsidérés.
Deux autres articles complètent le texte.
L'article 2 du projet de loi procède à une coordination à l'article L. 141-1
du code de la consommation en ajoutant à son libellé la référence de la
nouvelle disposition sanctionnant pénalement le non-respect des obligations
résultant du projet de loi. Il s'agit de permettre aux agents de la direction
générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes
d'user de leurs pouvoirs d'enquête, prévus au titre VI de l'ordonnance du 1er
décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, pour
rechercher et constater les infractions.
Quant à l'article 3, il complète l'article 1er de la loi Hoguet du 2 janvier
1970 pour soumettre au régime des garanties fixées par cette loi qui concerne,
rappelons-le, les agents immobiliers et administrateurs de biens, les
professionnels se livrant ou prêtant leur concours à la conclusion de contrats
de jouissance d'immeubles à temps partagé. Cette loi oblige à justifier d'une
aptitude professionnelle et d'une garantie financière suffisante, à souscrire
une assurance de responsabilité civile professionnelle. Elle exige que le
professionnel puisse se prévaloir d'un mandat écrit lorsqu'il intervient en
qualité d'intermédiaire.
Quelles sont, monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers
collègues, les propositions de la commission des lois, qui a adopté vingt-neuf
amendements pour la plupart d'ordre réactionnel et que nous examinerons dans
quelques instants ?
Il s'agit, tout d'abord, de procéder à une clarification terminologique
concernant la dénomination des parties au contrat.
Il s'agit, ensuite, d'aménager le dispositif relatif aux sanctions pénales
pour distinguer deux catégories d'infractions : d'une part, les délits
constitués par le non-respect des dispositions concernant l'information du
consommateur et, d'autre part, le délit résultant du fait d'exiger ou de
recevoir du consommateur un versement avant l'expiration du délai imparti pour
exercer la faculté de rétractation, cette dernière infraction étant, selon
nous, plus grave que la première.
Aussi, la commission propose de fixer à 100 000 francs le quantum de la peine
applicable à la première infraction et de maintenir à 200 000 francs le montant
de l'amende encourue par le professionnel pour la seconde infraction.
Elle a adopté également l'amendement de votre rapporteur visant à compléter
l'article 3 pour permettre aux agents de voyage détenteurs d'une licence,
soumis aux dispositions du titre Ier de la loi du 13 juillet 1992, de conclure
ou de prêter leurs concours à la conclusion de contrats conférant un droit de
jouissance d'immeubles à temps partagé.
L'article 3 du projet de loi réserve en effet cette possibilité aux personnes
physiques ou morales titulaires d'une carte professionnelle délivrée par le
préfet et satisfaisant à une série d'exigences définies par la loi du 2 janvier
1970, dite loi Hoguet, et son décret d'application.
Or les agents de voyage licenciés demeuraient exclus de cette activité car la
loi du 13 juillet 1992, qui régit leur profession, prévoit qu'ils doivent se
consacrer exclusivement à l'exercice de certaines activités énumérées à
l'article 1er de cette même loi : organisation et vente de voyages ou de
séjours, délivrance de titres de transport, réservation de chambres,
organisation de visites de musées, etc.
Les opérations tendant à commercialiser des droits d'utilisation de biens
immobiliers à usage d'habitation à temps partagé correspondant plus à un
produit touristique qu'à un produit immobilier, il nous a paru légitime et
économiquement souhaitable d'ouvrir ce champ d'activité aux agences de voyage
licenciées. La réserver aux seuls détenteurs d'une carte professionnelle « loi
Hoguet », c'est-à-dire concrètement aux agents immobiliers, reviendrait à
brider d'emblée le développement de cette activité qui représente pourtant un
atout majeur pour l'industrie du tourisme.
Cependant, les opérations concernées correspondant parfois à des montages
complexes, il convient d'offrir au consommateur les meilleures garanties, avec
le souci de ne pas introduire de distorsions de concurrence entre les
différences catégories de professionnels.
Aussi la commission des lois propose-t-elle d'ouvrir cette activité aux agents
de voyage titulaires d'une licence, tout en prévoyant l'obligation pour eux de
souscrire à des garanties comparables à celles qui résultent de la loi Hoguet.
Je tiens d'ailleurs à remercier Mme le garde des sceaux d'avoir bien voulu nous
indiquer qu'elle partageait, sur ce problème, le point de vue de la
commission.
Mes chers collègues, la commission des lois vous propose d'adopter le projet
de loi portant transposition de la directive européenne assorti des
modifications précitées.
Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour remercier Mme le garde des
sceaux et tous ses collaborateurs de la Chancellerie de l'aide qu'ils ont
apportée aux membres de la commission des lois, ce qui nous a permis de
réaliser un travail fructueux en un délai très bref.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Il est ajouté au chapitre premier du titre II du livre premier
du code de la consommation une section 9 ainsi rédigée :
« Section 9
« Contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé
«
Art. L. 121-60.
- Est soumis aux dispositions de la présente section
tout contrat, ou groupe de contrats, conclu à titre onéreux, par lequel un
professionnel, dénommé "vendeur", confère, directement ou
indirectement, à un consommateur, dénommé "acquéreur", la jouissance
d'un ou plusieurs biens immobiliers à usage d'habitation, par périodes
déterminées ou déterminables, pour une durée indéterminée ou non inférieure à
trois ans.
« Ces dispositions s'appliquent notamment au contrat de souscription ou
cession de parts ou actions de sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance
à temps partagé régi par la loi n° 86-18 du 6 janvier 1986.
«
Art. L. 121-61.
- L'offre de contracter doit être établie par écrit
et indiquer :
« 1° L'identité et le domicile du vendeur personne physique, la dénomination,
la forme juridique et le siège du vendeur personne morale, s'il y a lieu ceux
du propriétaire des locaux et de l'intermédiaire, ainsi que le lien juridique
existant entre eux ;
« 2° La désignation précise du ou des locaux ou les éléments permettant de les
déterminer et, si l'immeuble est en construction, les indications essentielles
relatives aux délais d'exécution des travaux, au raccordement aux divers
réseaux, aux garanties d'achèvement ou de remboursement en cas de
non-achèvement et au permis de construire ;
« 3° Les indications essentielles relatives à l'administration de l'immeuble
;
« 4° L'objet du contrat, la nature juridique du droit au titre duquel
l'acquéreur jouira des locaux, la durée de ce droit, sa date de prise d'effet
et les principales conditions légales de son exercice avec l'indication
éventuelle de celles qui restent à remplir ;
« 5° La date limite et les conditions de réalisation de l'acte définitif si
l'offre tend à la formation d'un avant-contrat ;
« 6° La durée et la fréquence de la période unitaire de jouissance ;
« 7° Les dates d'occupation ou, le cas échéant, leurs modalités de fixation
ainsi que les modalités de détermination des locaux occupés ;
« 8° Les installations et équipements communs mis à la disposition de
l'occupant et les services fournis, à titre accessoire, ainsi que leur
prestataire, les conditions d'accès à ces équipements et installations et une
estimation du coût de cet accès pour l'utilisateur ;
« 9° Le prix initial et le montant détaillé de toutes les sommes dues
périodiquement, ou leurs éléments de détermination, ainsi que les frais ; pour
les impôts, taxes et redevances obligatoires, ces indications sont données à la
date de l'offre ;
« 10° Le mode de paiement du prix et, le cas échéant, le recours à un crédit
quelle qu'en soit la forme ;
« 11° Le cas échéant, l'affiliation du vendeur à une bourse d'échanges et la
possibilité offerte à l'acquéreur d'y adhérer, ainsi que les conditions et
effets essentiels de cette affiliation et de cette adhésion ;
« 12° La mention expresse du caractère limitatif de l'énumération des frais,
charges ou obligations de nature contractuelle.
« L'offre est signée par le vendeur. Elle indique sa date et son lieu
d'émission.
«
Art. L. 121-62.
- L'offre doit reproduire en caractères très
apparents les dispositions des articles L. 121-63, L. 121-64 et L. 121-65.
«
Art. L. 121-63.
- L'offre, complétée par la mention de l'identité et
du domicile de l'acquéreur, est remise ou envoyée à ce dernier en deux
exemplaires, dont l'un, qui lui est réservé, comporte un coupon détachable
destiné à faciliter l'exercice de la faculté de rétractation prévue à l'article
L. 121-64.
« L'offre est maintenue pendant un délai de sept jours au moins à compter de
sa réception par l'acquéreur. La preuve de celle-ci et de sa date incombe au
vendeur.
«
Art. L. 121-64. -
L'acceptation de l'offre résulte de sa signature
par l'acquéreur, précédée de sa date et de son lieu d'apposition, suivie de son
expédition au vendeur par lettre recommandée avec accusé de réception ou par
tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour déterminer la date
de l'envoi.
« Dans les mêmes formes, l'acquéreur peut se rétracter dans un délai de dix
jours à compter de l'envoi au vendeur de l'offre acceptée, sans indemnité ni
frais, à l'exception éventuelle des frais tarifés nécessairement engagés.
«
Art. L. 121-65.
- Avant l'expiration du délai de rétractation prévu à
l'article L. 121-64, nul ne peut exiger ou recevoir de l'acquéreur, ou de
quiconque pour lui, aucun versement ou engagement de versement à quelque titre
ou sous quelque forme que ce soit.
«
Art. L. 121-66.
- Lorsque l'achat est financé par un crédit consenti
par un professionnel et porté à la connaissance du vendeur, le contrat est
formé sous la condition suspensive de l'obtention de ce crédit, sans préjudice
de l'application des articles L. 311-1 et suivants ou L. 312-1 et suivants.
« L'exercice par l'acquéreur de la faculté de rétractation prévue à l'article
L. 121-64 emporte résiliation de plein droit du contrat de crédit, sans frais
ni indemnité, à l'exception éventuelle des frais tarifés nécessairement
engagés.
«
Art. L. 121-67.
- Lorsque l'acquéreur réside en France, l'offre est
rédigée en langue française. L'acquéreur peut en outre exiger qu'elle le soit
dans une langue de l'Etat dont il est ressortissant. Il peut signer à son choix
l'une ou l'autre version.
« Lorsque l'acquéreur réside dans un autre Etat membre de la Communauté
européenne ou, sans résider en France, est ressortissant d'un Etat membre de la
Communauté européenne, l'offre est rédigée, à son choix, parmi les langues
officielles de la Communauté, dans la langue ou une des langues de l'Etat dans
lequel il réside ou dont il est ressortissant.
« Lorsque le bien ou l'un des biens est situé en France, l'offre, si elle
n'est pas rédigée en français en application des deux alinéas précédents, doit
être, en outre, remise à l'acquéreur rédigée en français.
« Lorsque le bien ou l'un des biens est situé dans un autre Etat membre de la
Communauté européenne, et que l'offre n'est pas rédigée dans la langue de cet
Etat en vertu des alinéas précédents, une traduction conforme dans cette langue
est remise à l'acquéreur.
«
Art. L. 121-68.
- Toute publicité ayant pour objet la conclusion de
l'un des contrats mentionnés à l'article L. 121-60 doit indiquer la possibilité
d'obtenir le texte des offres proposées ainsi que l'adresse du lieu où ce texte
peut être retiré.
«
Art. L. 121-69.
- Est puni de 200 000 francs d'amende le fait :
« 1° Pour tout vendeur, de proposer à un consommateur un des contrats
mentionnés à l'article L. 121-60 sans le saisir d'une offre de contracter
établie par écrit, contenant les mentions énumérées à l'article L. 121-61 et
reproduisant en caractères très apparents les articles L. 121-63, L. 121-64 et
L. 121-65 ;
« 2° Pour toute personne, de recevoir ou d'exiger de l'acquéreur ou de
quiconque pour lui un versement ou un engagement de versement, à quelque titre
et sous quelque forme que ce soit, avant l'expiration du délai de rétractation
prévu à l'article L. 121-64 ;
« 3° Pour tout annonceur, de diffuser ou de faire diffuser pour son compte une
publicité non conforme aux dispositions de l'article L. 121-68.
« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans
les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions
définies au présent article. Les peines encourues par les personnes morales
sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code
pénal ;
« 2° Les peines mentionnées à l'article 131-39 du code pénal.
«
Art. L. 121-70.
- Les délais prévus par la présente section qui
viendraient à expirer un samedi, un dimanche, un jour férié ou chômé sont
prorogés jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
«
Art. L. 121-71. -
Est réputée non écrite toute clause qui attribue
compétence à une juridiction d'un Etat non partie à la convention de Bruxelles
du 27 septembre 1968 et à la convention de Lugano du 16 septembre 1988
concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière
civile et commerciale, lorsque l'acquéreur a son domicile ou sa résidence
habituelle en France ou lorsque le bien immobilier est situé sur le territoire
d'un Etat partie à ces conventions.
«
Art. L. 121-72.
- Lorsque le bien ou l'un des biens sur lequel porte
le droit de jouissance est situé sur le territoire d'un Etat membre de la
Communauté européenne, et lorsque la loi qui régit le contrat ne comporte pas
des règles conformes à la directive 94/47 CE du Parlement européen et du
Conseil du 26 octobre 1994 concernant la protection des acquéreurs pour
certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit
d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers, il sera fait impérativement
application des dispositions mises en vigueur, pour respecter ladite directive,
par l'Etat sur le territoire duquel est situé ce bien, ou, à défaut, des
dispositions de la présente section.
«
Art. L. 121-73.
- Lorsque le bien ou l'un des biens sur lequel porte
le droit de jouissance n'est pas situé sur le territoire d'un Etat membre de la
Communauté européenne, l'acquéreur qui a sa résidence habituelle dans un Etat
de la Communauté européenne ne peut être privé, quelle que soit la loi
applicable, de la protection que lui assurent les dispositions impératives
prises par cet Etat en application de la directive précitée :
« - si le contrat a été conclu dans cet Etat, ou
« - si le contrat a été précédé dans cet Etat d'une proposition spécialement
faire ou d'une publicité et d'actes nécessaires à la conclusion du contrat
accomplis par l'acquéreur, ou
« - si le contrat a été conclu dans un Etat où l'acquéreur s'est rendu à la
suite d'une proposition de voyage ou de séjour faite, directement ou
indirectement, par le vendeur pour l'inciter à contracter.
«
Art. L. 121-74.
- Les dispositions de la présente section sont
d'ordre public. Le non-respect des dispositions prévues aux articles L. 121-61,
L. 121-62, L. 121-63, L. 121-64 et L. 121-67 est sanctionné par la nullité du
contrat. »
Nous allons examiner les amendements portant sur les articles L. 121-60 à L.
121-74 du code de la consommation.
ARTICLE L. 121-60 DU CODE DE LA CONSOMMATION
M. le président.
Par amendement n° 1 rectifié, M. Balarello, au nom de la commission, propose
de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 1er pour l'article L.
121-60 du code de la consommation.
«
Art. L. 121-60.
- Est soumis aux dispositions de la présente section
tout contrat ou groupe de contrats, conclu à titre onéreux, par lequel un
professionnel confère à un consommateur, directement ou indirectement, la
jouissance d'un ou plusieurs biens immobiliers à usage d'habitation, par
périodes déterminées ou déterminables, pour au moins trois années ou pour une
durée indéterminée.
« Est soumis aux dispositions de la présente section le contrat de
souscription ou de cession de parts ou actions de sociétés d'attribution
d'immeubles en jouissance à temps partagé régi par la loi n° 86-18 du 6 janvier
1986. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Le texte proposé pour l'article L. 121-60, qui vise à
transposer dans le code de la consommation l'article 2 de la directive,
détermine le champ d'application des obligations nouvelles résultant de ce
texte pour tenir compte de la diversité des montages juridiques conférant un
droit de jouissance à temps partagé d'un bien immobilier à usage
d'habitation.
L'amendement n° 1 rectifié de la commission tend à clarifier la rédaction de
cet article L. 121-60 en levant en particulier une ambiguïté terminologique
relative à la dénomination des parties au contrat : la nature du lien juridique
variant selon le type de contrat bail, achat de parts de sociétés d'attribution
d'immeubles en jouissance à temps partagé - les termes « vendeur » et «
acquéreur » risquent de conduire à une confusion.
Aussi la commission préfère-t-elle les termes « professionnel » et «
consommateur », plus neutres et, en outre, déjà utilisés par le code de la
consommation dans ses dispositions relatives à la vente à distance ou au
démarchage à domicile.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, le texte proposé pour l'article L. 121-60 du code de la
consommation est ainsi rédigé.
ARTICLE L. 121-61 DU CODE DE LA CONSOMMATION
M. le président.
Sur le texte proposé pour l'article L. 121-61 du code de la consommation, je
suis saisi de six amendements, présentés par M. Balarello, au nom de la
commission. L'amendement n° 2 rectifié vise, dans le premier alinéa du texte
proposé par l'article 1er pour l'article L. 121-61 du code de la consommation,
à remplacer les mots : « doit être établie par écrit et indiquer » par les mots
« est établie par écrit et indique ».
L'amendement n° 3 tend à rédiger comme suit le deuxième alinéa (1°) du texte
proposé par l'article 1er pour l'article L. 121-61 du code de la consommation
:
« 1° L'identité et le domicile du professionnel ou, s'il s'agit d'une personne
morale, sa dénomination, sa forme juridique et son siège ; s'il y a lieu, ceux
du propriétaire des locaux et de l'intermédiaire, ainsi que le lien juridique
existant entre eux ; ».
L'amendement n° 4 a pour objet, dans le cinquième alinéa (4°) du texte proposé
par l'article 1er pour l'article L. 121-61 du code de la consommation, de
remplacer les mots « l'acquéreur » par les mots « le consommateur ».
L'amendement n° 5 rectifié vise, dans le neuvième alinéa (8o) du
texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 121-61 du code de la
consommation, à remplacer les mots « de l'occupant » par les mots « du
consommateur », et les mots « l'utilisateur » par les mots « le consommateur
».
L'amendement n° 6 tend, dans le douzième alinéa (11°) du texte proposé par
l'article 1er pour l'article L. 121-61 du code de la consommation, à remplacer
les mots « du vendeur » par les mots « du professionnel », et les mots « à
l'acquéreur » par les mots « au consommateur ».
L'amendement n° 7 a pour objet, dans le treizième alinéa (12°) du texte
proposé par l'article 1er pour l'article L. 121-61 du code de la consommation,
après les mots « la mention » de supprimer le mot « expresse ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Les amendements n°s 2 rectifié et 3 sont rédactionnels.
L'amendement n° 4 est un texte de coordination. L'amendement n° 5 rectifié vise
à une harmonisation terminologique. L'amendement n° 6 tend à une coordination.
Enfin, l'amendement n° 7 vise à la suppression d'une précision inutile : en
effet, si la mention exigée figure dans l'offre, elle est nécessairement «
expresse ».
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 2 rectifié, 3, 4, 5
rectifié, 6 et 7 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est favorable à tous ces
amendements.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?
Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 121-61 du code
de la consommation.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 121-62 DU CODE DE LA CONSOMMATION
M. le président.
Par amendement n° 8, M. Balarello, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 121-62 du code
de la consommation :
«
Art. L. 121-62. -
L'offre reproduit en caractères très apparents les
dispositions des articles L. 121-63 à L. 121-67. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Cet amendement vise à ajouter à la liste des mentions devant
obligatoirement être reproduites dans l'offre deux mentions importantes pour la
complète information du consommateur : celle qui est relative au caractère
suspensif, pour la formation du contrat, de la condition d'obtention du crédit
destiné à financer l'opération - c'est l'article L. 121-66 - et celle qui
concerne la possibilité d'obtenir une offre rédigée dans une langue déterminée
choisie par le consommateur - c'est l'article L. 121-67.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Naturellement, le Gouvernement ne peut qu'être
favorable à des dispositions tendant à améliorer encore l'information du
consommateur.
J'observe cependant que des informations trop nombreuses peuvent aller à
l'encontre de l'objectif recherché.
Je m'en remets donc à la sagesse de la Haute Assemblée sur l'amendement n°
8.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, le texte proposé pour l'article L. 121-62 du code de la
consommation est ainsi rédigé.
ARTICLE L. 121-63 DU CODE DE LA CONSOMMATION
M. le président.
Sur le texte proposé pour l'article L. 121-63 du code de la consommation, je
suis saisi de trois amendements, présentés par M. Balarello, au nom de la
commission.
L'amendement n° 9 tend, dans le premier alinéa du texte proposé par l'article
1er pour l'article L. 121-63 du code de la consommation, à remplacer les mots :
« de l'acquéreur » par les mots : « du consommateur ».
L'amendement n° 10 vise, dans la première phrase du second alinéa du texte
proposé par l'article 1er pour l'article L. 121-63 du code de la consommation,
à remplacer les mots : « par l'acquéreur » par les mots : « par le consommateur
».
L'amendement n° 11 a pour objet de rédiger comme suit la seconde phrase du
second alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 121-63 du
code de la consommation :
« La preuve de la date de réception incombe au professionnel. ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Les amendements n°s 9 et 10 sont des amendements de
coordination.
L'amendement n° 11 est purement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 121-63 du code
de la consommation.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 121-64 DU CODE DE LA CONSOMMATION
M. le président.
Par amendement n° 12, M. Balarello, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour
l'article L. 121-64 du code de la consommation :
« L'acceptation de l'offre résulte de sa signature par le consommateur,
précédée de la mention manuscrite de la date et du lieu, suivie de son envoi au
professionnel par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par
tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de
la date d'envoi. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination rédactionnelle. Il
vise en outre à préciser que la mention de la date et du lieu de signature de
l'offre doit être inscrite de la main même du consommateur.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 13, M. Balarello, au nom de la commission, propose, dans le
second alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 121-64 du
code de la consommation, de remplacer les mots : « l'acquéreur » par les mots :
« le consommateur », et les mots : « au vendeur » par les mots : « au
professionnel ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination terminologique avec
l'amendement n° 1 rectifié de la commission.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 121-64 du code
de la consommation.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE L. 121-64
DU CODE DE LA CONSOMMATION
M. le président.
Par amendement n° 14, M. Balarello, au nom de la commission, propose
d'insérer, après le texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 121-64
du code de la consommation, un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. L.121-64-1. -
Les délais prévus par les articles L. 121-63 et L.
121-64 qui expireraient un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, sont
prorogés jusqu'au premier jour ouvrable suivant. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Cet amendement vise à déplacer les dispositions figurant à
l'article L. 121-70 relatives aux modalités de calcul des délais de maintien de
l'offre ou de rétractation du consommateur après les articles qui définissent
ces délais.
Cela paraît plus logique et permettrait d'inclure ces dispositions dans la
liste des mentions obligatoires inscrites dans l'offre : il est en effet
essentiel pour le consommateur de pouvoir déterminer exactement quand expire
son délai de rétractation.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après le texte proposé pour l'article L. 121-64 du code de la
consommation.
ARTICLE L. 121-65 DU CODE DE LA CONSOMMATION
M. le président.
Par amendement n° 15, M. Balarello, au nom de la commission, propose, dans le
texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 121-65 du code de la
consommation, de remplacer les mots : « de l'acquéreur, ou de quiconque pour
lui » par les mots : « du consommateur, directement ou indirectement ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination rédactionnelle,
monsieur le président.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L. 121-65 du
code de la consommation.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 121-66 DU CODE DE LA CONSOMMATION
M. le président.
Par amendement n° 16, M. Balarello, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour
l'article L. 121-66 du code de la consommation :
« Lorsqu'il est financé par un prêt consenti par une personne physique ou
morale effectuant de manière habituelle des opérations de crédit et porté à la
connaissance du professionnel, le contrat est formé sous la condition
suspensive de l'obtention de ce prêt. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 17, M. Balarello, au nom de la commission, propose, dans le
second alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 121-66 du
code de la consommation, de remplacer les mots : « par l'acquéreur » par les
mots : « par le consommateur ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Il s'agit également d'un amendement de coordination, monsieur
le président.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 121-66 du code
de la consommation.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 121-67 DU CODE DE LA CONSOMMATION
M. le président.
Par amendement n° 18 rectifié, M. Balarello, au nom de la commission, propose
de rédiger comme suit le texte proposé par l'article 1er pour l'article L.
121-67 du code de la consommation :
« Lorsque le consommateur réside en France ou lorsque le bien ou l'un des
biens est situé sur le territoire français, l'offre est rédigée en langue
française.
« L'offre est en outre rédigée, au choix du consommateur, dans la langue ou
l'une des langues de l'Etat membre dans lequel il réside ou dont il est
ressortissant, parmi les langues officielles de la Communauté européenne.
« Lorsqu'en application des alinéas qui précèdent l'offre est rédigée en deux
langues, le consommateur signe, à son choix, l'une ou l'autre version.
« Lorsque le bien ou l'un des biens est situé dans un autre Etat membre de la
Communauté européenne que la France et que le contrat n'est pas rédigé dans la
langue de cet Etat en application du présent article, une traduction conforme
dans cette langue est remise au consommateur. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Cet amendement vise à une nouvelle rédaction du texte proposé
pour l'article L. 121-67, relatif à la langue dans laquelle l'offre doit être
rédigée.
Cette nouvelle version élaborée en collaboration étroite avec les services de
la Chancellerie paraît nettement plus claire que le dispositif figurant dans le
projet de loi.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, le texte proposé pour l'article L. 121-67 du code de la
consommation est ainsi rédigé.
ARTICLE L. 121-68 DU CODE DE LA CONSOMMATION
M. le président.
Par amendement n° 22, M. Balarello, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit le texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 121-68
du code de la consommation :
«
Art. L. 121-68.
- Toute publicité relative à tout contrat ou groupe
de contrats visé à l'article L. 121-60 indique la possibilité d'obtenir le
texte des offres proposées ainsi que l'adresse du lieu où il peut être retiré.
»
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de simplification
rédactionnelle.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, le texte proposé pour l'article L. 121-68 du code de la
consommation est ainsi rédigé.
ARTICLE L. 121-69 DU CODE DE LA CONSOMMATION
M. le président.
Par amendement n° 23, M. Balarello, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit le texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 121-69
du code de la consommation :
«
Art. L. 121-69. -
Est puni de 100 000 francs d'amende le fait :
« 1° Pour tout professionnel, de soumettre à un consommateur une offre tendant
à la conclusion de tout contrat ou groupe de contrats visé à l'article L.
121-60 sans que cette offre soit établie par écrit, contienne les mentions
énumérées à l'article L. 121-61 et reproduise en caractères très apparents les
dispositions des articles L. 121-63 à L. 121-67 ;
« 2° Pour tout annonceur, de diffuser ou de faire diffuser pour son compte une
publicité non conforme aux dispositions de l'article L. 121-68. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Le texte proposé pour l'article L. 121-69 du projet de loi
vise à ériger en délit puni de 200 000 francs d'amende à la fois le non-respect
des obligations liées à l'information des consommateurs, qu'il s'agisse de
l'offre ou de l'annonce publicitaire, et le non-respect de l'interdiction de
percevoir une somme d'argent avant l'expiration du délai de rétractation.
La commission des lois a estimé inopportun de prévoir une sanction identique
pour des manquements qui ne revêtent pas le même degré de gravité pour le
consommateur : le fait d'exiger un versement avant l'expiration du délai de
réflexion fait courir un risque financier sérieux au consommateur.
La commission propose donc d'abaisser à 100 000 francs le quantum de la peine
applicable en cas de manquements aux obligations d'information du consommateur,
manquements susceptibles d'emporter par ailleurs la nullité du contrat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, le texte proposé pour l'article L. 121-69 du code de la
consommation est ainsi rédigé.
ARTICLES ADDITIONNELS APRÈS L'ARTICLE L. 121-69
DU CODE DE LA CONSOMMATION
M. le président.
Par amendement n° 24, M. Balarello, au nom de la commission, propose, après le
texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 121-69 du code de la
consommation, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. L. 121-69-1.
- Est puni de 200 000 francs d'amende le fait, pour
tout professionnel, d'exiger ou de recevoir du consommateur, directement ou
indirectement, tout versement ou engagement de versement, à quelque titre et
sous quelque forme que ce soit, avant l'expiration du délai de rétractation
prévu à l'article L. 121-64. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Il s'agit de tirer la conséquence de l'adoption de
l'amendement n° 23.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après le texte proposé pour l'article L. 121-69 du code de la
consommation.
Par amendement n° 25, M. Balarello, au nom de la commission, propose
d'insérer, après le texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 121-69
du code de la consommation, un article additionnnel ainsi rédigé :
«
Art. L. 121-69-2. -
Les personnes morales peuvent être déclarés
pénalement responsables, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du
code pénal, des infractions définies aux articles L. 121-69 et L. 121-69-1. Les
peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code
pénal ;
« 2° Les peines mentionnées à l'article 131-39 du code pénal. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Il s'agit également d'un amendement de conséquence de
l'amendement n° 23.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après le texte proposé pour l'article L. 121-69 du code de la
consommation.
ARTICLE L. 121-70 DU CODE DE LA CONSOMMATION
M. le président.
Par amendement n° 26, M. Balarello, au nom de la commission, propose de
supprimer le texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 121-70 du code
de la consommation.
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Il s'agit d'une conséquence de l'adoption de l'amendement n°
14 de la commission.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, le texte proposé pour l'article L. 121-70 du code de la
consommation est supprimé.
ARTICLE L. 121-71 DU CODE DE LA CONSOMMATION
M. le président.
Par amendement n° 27, M. Balarello, au nom de la commission, propose dans le
texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 121-71 du code de la
consommation de remplacer les mots : « l'acquéreur » par les mots : « le
consommateur », et les mots : « le bien immobilier » par les mots : « le bien
ou l'un des biens ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination rédactionnelle.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 27, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L. 121-71 du
code de la consommation.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 121-72 DU CODE DE LA CONSOMMATION
M. le président.
Par amendement n° 28, M. Balarello, au nom de la commission, propose, dans le
texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 121-72 du code de la
consommation, après les mots : « l'un des biens », de supprimer les mots : «
sur lequel porte le droit de jouissance ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Cet amendement vise à la suppression d'une précision
inutile.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L. 121-72 du
code de la consommation.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 121-73 DU CODE DE LA CONSOMMATION
M. le président.
Par amendement n° 29, M. Balarello, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit le texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 121-73
du code de la consommation :
«
Art. L. 121-73.
- Lorsque le bien ou l'un des biens n'est pas situé
sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne, le consommateur
qui a sa résidence habituelle dans un Etat membre de la Communauté européenne
ne peut être privé, quelle que soit la loi applicable, de la protection que lui
assurent les dispositions impératives prises par cet Etat en application de la
directive 94/47 CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 1994
concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats
portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens
immobiliers :
« - si le contrat a été conclu dans l'Etat du lieu de résidence habituelle du
consommateur,
« - si le contrat a été précédé dans cet Etat d'une offre spécialement faite
ou d'une publicité et des actes accomplis par le consommateur nécessaires à la
conclusion dudit contrat,
« - si le contrat a été conclu dans un Etat où le consommateur s'est rendu à
la suite d'une proposition de voyage ou de séjour faite, directement ou
indirectement, par le professionnel pour l'inciter à contracter. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Cet amendement tend à une précision rédactionnelle. Le texte
proposé pour l'article L. 121-73 du code de la consommation prévoit en effet
que, quelle que soit la loi du contrat défini en application des règles de
droit international privé, le consommateur ne pourra être privé de la
protection qui lui est offerte par la législation transposant la présente
directive.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, le texte proposé pour l'article L. 121-73 du code de la
consommation est ainsi rédigé.
ARTICLE L. 121-74 DU CODE DE LA CONSOMMATION
M. le président.
Par amendement n° 30, M. Balarello, au nom de la commission, propose, dans la
seconde phrase du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 121-74 du
code de la consommation, de remplacer les mots : « L. 121-63 », par les mots :
« au premier alinéa de l'article L. 121-63 et aux articles ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Le texte proposé pour l'article L. 121-74 du code de la
consommation énonce les obligations dont le non-respect emporte la nullité du
contrat.
A cet article, la commission propose au Sénat de restreindre la référence à
l'article L. 121-63 à son premier alinéa. En effet, le second alinéa prévoit
l'obligation, pour le professionnel, de maintenir son offre pendant un délai de
sept jours à compter de sa réception par le consommateur. Or il serait
paradoxal et contraire à l'objectif recherché, qui est la protection du
consommateur, que le non-respect par le professionnel de cette obligation de
maintien de l'offre conduise à la nullité du contrat résultant d'une
acceptation émise par le consommateur dans ce délai.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L. 121-74 du
code de la consommation.
(Ce texte est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Le 1° du I de l'article L. 141-1 du code de la consommation est
ainsi rédigé :
« 1° Les articles L. 121-69, L. 122-6 et L. 122-7 ; ».
Par amendement n° 31, M. Balarello, au nom de la commission, propose, dans le
texte présenté par cet article pour le 1° du I de l'article L. 141-1 du code de
la consommation, après la référence : « L. 121-69, » d'insérer les références :
« L. 121-69-1, L. 121-69-2, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination visant à tenir
compte de la scission de l'article L. 121-69 du code de la consommation
résultant de l'adoption des amendements n°s 23, 24, et 25.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 31, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, ainsi modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - A l'article premier de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970
réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines
opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, il est ajouté un
8° ainsi rédigé :
« 8° Le contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé régi par les articles
L. 121-60 et suivants du code de la consommation. »
Par amendement n° 32 rectifié, M. Balarello, au nom de la commission, propose
de rédiger comme suit cet article :
« I. - L'article premier de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les
conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant
sur les immeubles et les fonds de commerce est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« 8° La conclusion de tout contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé
régi par les articles L. 121-60 et suivants du code de la consommation. »
« II. - L'article 2 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les
conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant
sur les immeubles et les fonds de commerce est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Aux titulaires d'une licence d'agent de voyages, en vertu de la loi n°
92-645 du 13 juillet 1992 fixant les conditions d'exercice des activités
relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours, pour la
conclusion de tout contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé régi par
les articles L. 121-60 et suivants du code de la consommation. »
« III. - Après l'article 4 de la looi n° 92-645 du 13 juillet 1992 fixant les
conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de
voyages ou de séjours, est inséré un article 4-1 ainsi rédigé :
«
Art. 4-1.
- Les titulaires d'une licence d'agent de voyages peuvent
toutefois conclure tout contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé régi
par les articles L. 121-60 et suivants du code de la consommation.
« Ils peuvent également prêter leur concours à la conclusion de tels contrats,
en vertu d'un mandat écrit.
« Pour se livrer à cette dernière activité, ils justifient spécialement, dans
les conditions prévues par la présente loi, d'une assurance garantissant les
conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile professionnelle et d'une
garantie financière affectée au remboursement des fonds, effets ou valeurs
détenus pour autrui.
« Le montant de cette garantie ne peut être inférieur au montant maximal des
fonds, effets ou valeurs détenus pour autrui à un moment quelconque, ni à un
montant minimal fixé par décret en Conseil d'Etat.
« Les modalités particulières de mise en oeuvre et de fonctionnement de cette
garantie, le contenu du contrat de mandat et les conditions de la rémunération
du mandataire sont définis par décret en Conseil d'Etat. »
« IV. - Après le troisième alinéa de l'article 29 de la loi n° 92-645 du 13
juillet 1992 fixant les conditions d'exercice des activités relatives à
l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours, est inséré un alinéa
ainsi rédigé :
« 3° Tout titulaire d'une licence d'agent de voyages qui prête son concours à
la conclusion d'un contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé régi par
les articles L. 121-60 et suivants du code de la consommation sans justifier du
mandat, de l'assurance et de la garantie financière prévus à l'article 4-1.
»
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur.
Cet amendement que j'ai exposé dans mon rapport écrit et sur
lequel s'est exprimée Mme le ministre vise à assurer l'ouverture de l'activité
aux agents de voyage titulaires d'une licence dans le respect des conditions de
concurrence avec les autres catégories de professionnels.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 32 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'article 3 est donc ainsi rédigé.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Pagès, pour explication de vote.
M. Robert Pagès.
Le présent projet de loi vise à transposer dans notre droit interne une
directive européenne qui tend à mieux protéger les consommateurs lors de la
conclusion de contrats relatifs à l'acquisition d'un droit de jouissance à
temps partagé de biens immobiliers.
Le développement de cette formule touristique, souple et financièrement
attractive, plus communément appelée « multipropriété », a donné lieu à nombre
d'abus aboutissant à la spoliation des bénéficiaires.
En France, les associations de consommateurs reçoivent de nombreuses plaintes,
qui relèvent pour l'essentiel de méthodes douteuses de commercialisation. Les
principaux griefs contenus dans les plaintes sont presque toujours les mêmes, à
savoir, notamment, des faits de publicité mensongère, des méthodes de vente
agressives, des escroqueries diverses, des contrats rédigés en langue étrangère
et incomplets, voire l'impossibilité d'exercer un recours du fait de
l'éloignement géographique du bien, de la méconnaissance de la langue du
contrat et du droit applicable.
L'internationalisation des contrats et les pratiques commerciales agressives
ont placé les acquéreurs dans une situation de relative vulnérabilité.
Le besoin d'une adaptation du droit s'est donc fait sentir, amenant les Etats
membres de la Communauté européenne à adopter une directive afin de protéger le
consommateur.
Le présent texte reprend globalement la teneur de la directive et, du fait de
la proximité des règles prescrites avec notre législation concernant la
protection du consommateur, sa transposition en est facilitée.
La commission des lois a obtenu, en outre, que les garanties soient étendues
aux agences de voyages détentrices d'une licence qui concluent ou prêtent leur
concours à la conclusion de tels contrats.
Dans son ensemble, ce texte constitue donc une avancée en matière de
protection des consommateurs, ce à quoi nous ne pouvons qu'adhérer.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera donc ce projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
8
CONSTITUTION D'UN ESPACE JUDICIAIRE EUROPÉEN
Discussion d'une question orale
avec débat portant sur un sujet européen
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat portant
sur un sujet européen suivante :
M. Pierre Fauchon expose à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice,
que, face au développement de la criminalité transfrontalière, il est
nécessaire de constituer un espace judiciaire européen.
Il souligne que le résultat des actions menées dans le cadre du « troisième
pilier » de l'Union européenne est sans commune mesure avec l'ampleur des défis
et que le traité d'Amsterdam ne paraît pas apporter le surcroît d'efficacité
qui serait indispensable.
Il demande quelles initiatives sont envisagées par le Gouvernement pour tenter
de donner plus d'efficacité à la coopération en matière judiciaire et
policière, et pour progresser vers l'unification du droit pénal et la mise en
place d'un ministère public européen, dans le sens du rapport n° 352
(1996-1997) de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. (N° QE 2.)
Je rappelle au Sénat que, dans un tel débat, ont droit à la parole, outre
l'auteur de la question et le Gouvernement, un représentant de la délégation du
Sénat pour l'Union européenne, un représentant de la commission permanente
compétente et un représentant de chaque groupe et, sous réserve de l'accord de
la conférence des présidents, un représentant de la commission des affaires
étrangères.
Chaque orateur dispose d'un temps de parole de dix minutes et il n'y a pas de
droit de réponse au Gouvernement.
La parole est accordée au Gouvernement quand il la demande, sans limitation de
durée.
La parole est à M. Fauchon, auteur de la question et représentant de la
Délégation du Sénat pour l'Union européenne.
M. Pierre Fauchon,
représentant de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Monsieur
le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je ne vous
apprendrai rien en vous disant que les pays européens sont confrontés depuis
des années au développement d'une criminalité internationale dont les formes ne
cessent de s'enrichir : n'en sommes-nous pas maintenant à la délinquance de
caractère sexuel, qui vient s'ajouter au terrorisme, au blanchiment de l'argent
sale, à la fraude aux règlements, aux pratiques et aux politiques
communautaires ainsi qu'à toutes les actions de la mafia et au trafic de drogue
?
Tous les Etats de l'Union, ai-je besoin de le dire, sont concernés. Or,
jusqu'à présent, ils n'ont pas su mettre au point une réponse commune efficace,
c'est le moins que l'on puisse dire.
Voilà pourquoi j'ai déposé cette question orale européenne, profitant de ce
que nous avions la chance d'avoir à la Chancellerie un ministre qui est une
personne expérimentée, savante et consciente des problèmes, des enjeux et des
particularismes du processus européen : cela donnera, à mes yeux, un très grand
intérêt à notre échange de vues.
M. Jacques Genton.
Très bien !
M. Pierre Fauchon.
Je n'insisterai pas longtemps sur la criminalité transfrontalière. Elle a été
décrite dans maints et maints documents, et nous l'avons évoquée dans le
rapport que la délégation du Sénat pour l'Union européenne, au nom de qui je
parle, a publié récemment.
Je rappellerai simplement quelques points qui montrent combien nous éprouvons
des difficultés pour poursuivre et réprimer ces formes de délinquance.
Dans le cas du terrorisme, pour ne prendre qu'un exemple, il est notoire que
certains Etats membres s'abstiennent de combattre des groupes qui ont une base
logistique sur leur territoire mais qui commettent leurs attentats dans
d'autres Etats.
Dans le cas du blanchiment des capitaux, qui a été dénoncé à plusieurs
reprises avec fracas par des groupes de magistrats - je pense à l'appel de
Genève, en particulier - il est évident qu'il est très difficile de pénétrer
dans les arcanes des banques et des réseaux financiers de chacun des Etats
membres et que la levée du secret bancaire est pratiquement impossible ou trop
longue à mettre en oeuvre. Nous sommes donc dans une situation d'impuissance et
je citerai, à titre d'exemple, ce magistrat qui a participé à l'opération
communément appelée
mani pulite,
en Italie, qui se plaignait de ce que,
sur 450 demandes de commission rogatoire adressées à d'autres pays dans le
cadre de cette opération, la moitié soient restées sans réponse au bout de
plusieurs années ; et que, lorsqu'une réponse était fournie, le délai pour son
obtention atteignait quelquefois jusqu'à cinq ans ! Qu'on juge, dès lors, de
l'efficacité d'une telle opération !
Dans le cas du crime organisé, les définitions ne sont pas les mêmes d'un pays
à un autre. Pour ne prendre qu'un exemple, l'extradition se heurte à des
difficultés sans nombre et la convention de Dublin, qui n'est pas très
ancienne, je le reconnais, puisqu'elle date de la fin de l'année dernière, ne
semble pas devoir être ratifiée très rapidement par chacune des parties en
cause.
Quant à la lutte antidrogue, elle se heurte au fait que tous les pays
n'appliquent pas la même politique en la matière : je pense, par exemple, à la
culture de certaines plantes, et je citerai à cet égard le cas d'Amsterdam et
des pratiques hollandaises dans ce domaine.
S'agissant de la fraude aux politiques communautaires, il semble que son
extension soit tout à fait effarante. Mme Delmas-Marty, qui a été chargée de
faire des propositions sur les moyens à mettre en cause pour maîtriser cette
fraude, a publié des informations sur ce point qui laissent extrêmement
perplexe.
Il est bien évident que, dans ce domaine, le « chacun pour soi » des Etats
membres est une aubaine pour la criminalité. Mais je pense qu'il ne faut pas
s'arrêter à l'idée selon laquelle tout est lié à l'ouverture des frontières !
Ouverture des frontières ou non, les informations et les marchandises circulent
par quantité de réseaux, et il est peut-être un peu facile, ainsi qu'on l'a
fait à l'occasion de la négociation de la conférence intergouvernementale, de
considérer systématiquement que la sécurité des Européens face à la délinquance
internationale serait liée à une plus ou moins grande ouverture des
frontières.
C'était un peu la position de la France, qui disait sa volonté d'ouvrir les
frontières à la condition d'obtenir des avancées dans le domaine de la
protection contre la criminalité internationale. Cette présentation des choses
pouvait avoir son utilité, je ne le conteste pas, mais les problèmes de la
criminalité internationale existent en soi, quelles que soient les facilités de
franchissement des frontières.
Les quelques informations que nous pouvons obtenir de ceux qui connaissent
certains des aspects de cette délinquance nous révèlent non pas des pratiques
exceptionnelles ou marginales, dont nous pourrions dire qu'elles sont
regrettables - rien n'est parfait en ce bas monde ! - mais des réseaux d'une
importance telle qu'ils nous donnent l'impression qu'à côté de l'économie
officielle il existe une économie souterraine, marginale, qui pèse et qui
corrompt l'économie normale de quantité de façons : ainsi, à côté de la société
normale, se développerait une société mafieuse, trafiquante, beaucoup plus
organisée que nous ne l'imaginons.
Chaque fois que nous découvrons une forme d'organisation, nous sommes étonnés
de voir quel degré d'efficacité elle a atteint et je suis de ceux qui pensent -
je ne crois d'ailleurs pas être isolé - qu'il s'agit là d'un problème qui
pervertit notre société et qui, avec le trafic de la drogue, notamment, produit
un effet de démoralisation profonde. Sont ainsi visés la jeunesse et les
milieux d'affaires en général, car, dès lors qu'il est facile de gagner de
l'argent par de tels procédés, pourquoi chercher à en obtenir grâce au travail
et à l'initiative, ce qui est évidemment beaucoup plus difficile ?
Il s'agit véritablement d'un problème très grave pour notre société, qui ne
cesse de prospérer du fait des facilités de communications offertes par les
technologies nouvelles, celles-ci facilitant encore, évidemment, tous les
trafics auxquels j'ai fait allusion tout à l'heure.
Que faisons-nous pour le résoudre ? Nous essayons, vaille que vaille, par des
systèmes de conventions internationales, de rapprocher nos dispositifs
policiers, de rapprocher nos codes pénaux et nos procédures pénales. Mais ces
rapprochements et ces actions de coopération atteignent tout de suite leurs
limites, ce qui restreint considérablement toute véritable efficacité.
Permettez-moi, à cet égard, de citer un passage du rapport rédigé par le
groupe Westendorp. Vous connaissez, madame le ministre, ce groupe et le sérieux
de son travail, auquel d'ailleurs on ne se réfère pas assez souvent car il est
très intéressant. Ce passage est relatif à ce que l'on appelle communément le «
troisième pilier ». Nous sommes assez peu nombreux ici pour parler tous le même
langage sans qu'il y ait lieu de s'expliquer plus avant !
« Le groupe, est-il écrit, a estimé à l'unanimité que l'ampleur des défis est
sans commune mesure avec les résultats des actions entreprises jusqu'ici pour y
faire face. »
Ce jugement est sévère ! Il peut même paraître excessif, mais, en fait, il ne
l'est pas, car ce troisième pilier, dans sa seconde partie - je ne parle pas de
la première partie, relative à Schengen, qui connaît une certaine avancée - est
dans une situation très médiocre.
Des efforts sont entrepris ; des échanges d'informations et de connaissances
techniques sont rédigés ; des fonctionnaires sont échangés. Mais tout cela ne
résout pas réellement le problème ! Des conventions sont adoptées, mais elles
doivent être ratifiées par tous les Etats signataires pour être appliquées. Or
cette procédure prend de nombreuses années.
Quant à ceux qui sont chargés de s'occuper de ces questions, ils ne détestent
pas se rendre de colloque en colloque. J'ai ainsi assisté, voilà quelque temps,
aux côtés de l'un de vos prédécesseurs, madame le ministre - je veux parler de
M. Méhaignerie - à un colloque sur la lutte contre la mafia, qui se tenait à
Naples. Je lui ai demandé, au retour, s'il était certain que la mafia ne
finançait pas ce colloque, ce qui, après tout, eût été assez raisonnable
puisqu'il s'agissait de l'une de ces actions qui n'ont d'autre finalité que de
laisser entendre que l'on s'occupe du problème et que l'on va parvenir à un
résultat, que l'on est prêt à tout mettre en oeuvre, alors qu'en réalité on est
bien décidé à continuer avec les mêmes méthodes.
Nous avons pu avoir un certain espoir avec la conférence intergouvernementale.
Mais vous savez, madame le ministre, que certains pays n'ont pas voulu
s'engager dans cette voie. On a donc abouti au traité d'Amsterdam, lequel ne
contient que fort peu de choses sur le sujet dont je vous parle.
On a mis sur le papier quelques formules nouvelles et il paraît que nous
allons peut-être voir fleurir des « décisions-cadres », de nouvelles formes de
conventions, des coopérations renforcées. Mais l'unanimité est toujours
requise, et nous connaissons les freinages que cela implique.
En ce qui concerne les « décisions-cadres », il est entendu - la phrase est
admirable - qu'elles ne doivent pas « contenir de dispositions dont le contenu
pourrait entraîner un effet direct ».
Nous avons essayé de recenser le nombre de groupes internationaux qui
s'occupent de ces affaires. Ils sont innombrables, et leur système hiérarchique
est très compliqué. Tel ou tel membre de ces groupes fait ce qu'il peut dans
son secteur, mais il a très vite le sentiment - c'est kafkaïen ! - de se
trouver dans un système tellement compliqué qu'il ne peut pas espérer voir, de
son vivant, l'aboutissement de son travail.
C'est un peu comme les Hébreux : dans la recherche de la Terre promise, ils
ont dû attendre plusieurs générations.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ils sont arrivés, eux !
M. Pierre Fauchon.
Mais cela a pris beaucoup de temps : plusieurs générations !
Je parle de tout cela sur le ton de l'humour, mais j'aurais aussi bien pu le
faire sur le ton de la tragédie. A la lecture des correspondances de
l'association qui s'occupe des victimes du terrorisme ainsi qu'à celle de la
revue qu'elle édite, on se rend compte, en effet, que l'on n'a pas le droit de
sourire de ces choses : il s'agit de la sécurité des citoyens, et il faut faire
quelque chose.
Alors, que faire, et comment le faire ? Ce sont les deux points sur lesquels
je voudrais vous interroger, madame le garde dessceaux, car je suis de ceux qui
sont convaincus que l'on n'arrivera à rien par les voies des rapprochements,
des coopérations et des liaisons internationales dans le domaine du droit pénal
et des procédures pénales. En effet, chacun est cantonné dans son
particularisme et nous autres, praticiens, nous savons bien que les
particularismes sont sacrés en matière de droit pénal, où les textes sont
toujours d'interprétation stricte.
Je suis personnellement parvenu à une conclusion, qui rejoint d'ailleurs celle
à laquelle a abouti un groupe de travail présidé par Mme Delmas-Marty et chargé
d'étudier le problème spécial des infractions à la réglementation et aux
politiques communautaires : il faut unifier les politiques en la matière, à
l'instar de ce que nous avons fait pour la monnaie unique, seule solution
susceptible de permettre une gestion correcte des mécanismes financiers qui
sont à la base d'une économie.
Il faut donc unifier nos politiques dans un droit pénal européen pour les
domaines qui présentent un caractère international. Il ne s'agit pas d'aller
au-delà, bien entendu, car le principe de subsidiarité s'applique en la
matière.
Mme Delmas-Marty propose ainsi un ministère public européen, avec des délégués
nationaux qui répercutent les actions à mener, dans des conditions à définir,
sur nos parquets et nos organisations nationales.
C'est dans cette voie, me semble-t-il, qu'il faut chercher une solution parce
que c'est dans cette voie qu'on peut la trouver assez vite, à l'exemple de ce
que font nombre de pays. Après tout, aux Etats-Unis, il y a une police
fédérale, une législation fédérale qui s'applique dans les affaires qui
concernent la fédération tout entière, et cela n'empêche pas que subsistent,
Etat par Etat, des législations particulières pour les affaires qui ne sont pas
considérées comme présentant un intérêt fédéral. Il faut s'inspirer de ce
système.
Peut-être faut-il s'inspirer aussi, dans un tout autre domaine, de ce que nous
avons vécu lors des guerres mondiales. Ceux qui s'intéressent à l'histoire des
guerres mondiales savent que c'est seulement le jour où l'on est arrivé à un
commandement unique que l'on a trouvé les moyens d'une lutte efficace. Eh bien
! ce que j'appelle un droit pénal unifié ou un ministère public unifié, c'est
effectivement le commandement unique.
Il faut envisager cela non pas comme quelque chose de tout à fait
extraordinaire, mais comme la seule condition de l'efficacité et comme quelque
chose de tout simplement logique.
Il est logique, dès lors que l'on est en présence d'un problème de caractère
européen et international, d'y répondre par des instruments de répression et de
recherche qui soient européens et internationaux.
J'ajoute que les circonstances actuelles nous encouragent vivement à aller
dans ce sens pendant qu'il en est encore temps. En effet, l'élargissement, qui
est maintenant sous nos yeux, qui va se produire inéluctablement dans les
années qui viennent, se fera au profit d'Etats, dont nous avons quelque raison
de penser - je ne veux offenser personne - que non seulement ils ne présentent
pas, face aux problèmes qui nous occupent, de meilleures conditions de sécurité
que les nôtres, mais que, pour certains d'entre eux, peut-être, ils présentent
même de plus grands périls.
Il serait donc souhaitable que nous ayons mis au point, avant l'élargissement,
des mécanismes auxquels ils seraient obligés d'adhérer - ce serait une
condition supplémentaire d'adhésion - de manière à garantir un système de
sécurité plus satisfaisant - je ne dirai pas parfait - au moment où se fera
l'élargissement.
La seconde question est : comment faire ?
C'est là que nous avons la faiblesse d'attacher de l'intérêt à une procédure
nouvelle que nous voulons vous soumettre, madame le garde des sceaux. C'est
d'ailleurs surtout pour ce faire que nous avons souhaité cette rencontre.
Il ne suffit pas de dire, en effet, que nous allons tout mettre en oeuvre.
Encore faut-il savoir ce que nous allons faire.
Compte tenu du fait que l'approche intergouvernementale a incontestablement
montré ses limites, c'est d'ailleurs tout à fait normal, car le droit pénal et
la procédure sont dans le domaine sacré, en quelque sorte, du pouvoir
législatif et il est dès lors compréhensible que les gouvernements aient du mal
à en traiter - nous suggérons une méthode nouvelle qui associerait les
parlements nationaux et le Parlement européen non pas en aval, au stade des
ratifications, où l'on a toujours l'impression de venir donner un oui à quelque
chose qu'on n'a pas connu, qu'on n'ose pas trop discuter, mais en amont, en
quelque sorte
ab initio,
au stade de l'élaboration des textes.
Concrètement, la méthode que nous suggérons serait la suivante.
Premièrement, comme il est d'usage dans les procédures européennes, il
faudrait réunir une commission composée de personnes de qualité, de juristes,
d'experts de renom, ayant une autorité morale et une grande compétence, qui
explorent cette problématique que nous évoquons actuellement, qui définissent
les différents thèmes et les différents points sur lesquels il faudrait
l'approfondir, qui produisent un rapport, point de départ dynamique de la
démarche dont je viens de parler, et qui définissent le contenu de cette notion
d'espace judiciaire européen que l'on emploie pour résumer un peu tout ce dont
nous parlons actuellement.
Les conclusions de cette commission pourraient être suivies de la création
d'un certain nombre de groupes de travail par thème, ces thèmes ayant été
identifiés, décrits et définis au stade initial.
C'est dans ces groupes de travail par thème qu'il serait tout à fait
intéressant d'associer les représentants des parlements nationaux et du
Parlement européen, des représentants des ministères concernés et des experts,
en s'assurant, bien entendu, que les représentants des parlements nationaux
soient pris au niveau technique, au niveau des commissions, pour éviter les
débats généraux et les considérations générales sur la politique européenne.
Car ce n'est pas de cela qu'on discuterait ; on discuterait de ce qu'on fait
face à la délinquance sexuelle, de la manière dont on peut rédiger un texte qui
soit commun. C'est là un travail de praticien, et je suis convaincu que des
praticiens n'auraient guère de mal à trouver des textes communs, des formules
communes, car, après tout, nous sommes tout de même dans le même système, les
choses ne sont pas si différentes. Ce n'est donc pas un travail insurmontable.
Ce serait en tout cas une expérience tout à fait intéressante.
Ces groupes devraient ainsi, après un certain temps de travail, avec des
vitesses probablement différentes selon les sujets qu'ils auraient à traiter,
aboutir à des propositions concrètes dans les domaines assignés.
J'énumère quelques domaines à titre d'exemple pour illustrer mon propos.
Un groupe pourrait s'occuper de définir le droit pénal général, d'abord, et
essayer de répondre aux questions suivantes : qu'est-ce que la récidive,
comment définir la culpabilité au plan européen ? On simplifierait déjà
beaucoup les choses si l'on avait des définitions générales communes !
Un autre groupe pourrait étudier le droit pénal répressif particulier, la
définition des délits et des crimes et de leur pénalité dans tel ou tel domaine
que je viens d'énumérer.
Un autre groupe encore pourrait s'intéresser au statut du ministère public
européen, un autre au statut des délégués nationaux de ce ministère public.
Ainsi, on découperait le travail, les avancées se faisant peut-être à des
rythmes différents selon les domaines concernés.
On disposerait alors d'une base de travail intéressante. A cette occasion, la
Conférence des organes spécialisés des assemblées de la Communauté, la COSAC, à
laquelle le traité d'Amsterdam a bien voulu conférer un certain rôle, pourrait
trouver, si je puis dire, du grain à moudre, des responsabilités concrètes à
exercer. Ce serait une très bonne chose.
Bien entendu, il n'est évidemment pas question, dans mon esprit, que tout cela
se passe en dehors de la Commission. Je n'imagine pas que le groupe initial ou
ceux de la seconde étape puissent s'organiser sans que la Commission gère
l'ensemble du système, l'organise, en assure le suivi et la gestion de manière
extrêmement rapprochée. C'est une mission qui doit lui être confiée et qui est
tout à fait dans ses attributions.
Ensuite, dans un troisième temps, le processus habituel reprendrai son cours :
les textes ayant été élaborés selon la procédure que j'ai indiquée tout à
l'heure et ayant été adoptés par le Conseil - je souhaite que ce soit à la
majorité qualifiée - après les garanties habituelles, c'est-à-dire co-décision
du Parlement européen et consultations parlementaires de type classique - c'est
ce que nous connaissons actuellement - il y aurait ensuite des directives,
puis, finalement, les ratifications par les parlements nationaux.
Ces ratifications seraient grandement facilitées par le fait que les
parlements nationaux auraient le sentiment - je le disais tout à l'heure -,
d'avoir été associés dès le début à l'ensemble de la démarche.
M. Jacques Genton.
Très bien !
M. Pierre Fauchon.
Je reconnais bien volontiers qu'il s'agit d'une grande innovation et d'une
sorte de pari.
L'innovation, elle est pleinement justifiée par la compétence propre des
pouvoirs législatifs et - il faut bien le dire - par l'échec des procédures
intergouvernementales qui sont actuellement en cours.
Le pari est le suivant.
Ou bien les résultats obtenus seraient décevants, on s'apercevrait au bout
d'un ou deux ans que l'on n'aboutit pas, que les parlementaires sont incapables
de se mettre d'accord - ce serait le congrès de Francfort, ou quelque chose de
semblable. Nous aurions alors démontré, mes chers collègues, notre incapacité à
participer activement au processus européen et nous serions bien malvenus,
ensuite à nous plaindre de ne pas y être associés. Mais au moins l'expérience
aurait été faite loyalement de voir si les parlements européens peuvent ou non
s'associer à un tel processus dans un domaine qui est le leur.
Ou bien - personnellement, je suis convaincu que c'est la seconde hypothèse
qui se réaliserait - les résultats seraient satisfaisants. On serait surpris de
voir la capacité des représentants des parlements européens à se mettre
d'accord sur des sujets aussi brûlants et qui touchent de si près à la sécurité
de leurs nationaux respectifs.
On en retirerait un double bénéfice : d'abord, une avancée décisive de la
défense des Européens face à la délinquance internationale ; ensuite, une
dimension nouvelle, plus authentiquement démocratique, donnée à la construction
de l'Europe, qui marquerait une étape très positive dans le processus européen
et remédierait à des lacunes, à des inconvénients, dont nous reconnaissons
qu'ils existent et dont nous souffrons tous.
Les enjeux sont donc considérables et du plus haut intérêt pour le processus
européen tout entier.
Telles sont, monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers
collègues, les grandes orientations que nous avons souhaité vous soumettre
avant d'ouvrir un débat qui nous paraît indispensable.
Le développement de la criminalité est l'une des préoccupations fortes de nos
concitoyens ; il faut, par conséquent, faire quelque chose. A l'évidence, une
partie de cette criminalité dépasse aujourd'hui le cadre national. Nous devons
donc absolument y répondre par des moyens dépassant également le cadre
national, sauf à risquer d'être toujours en retard d'une ou même de plusieurs
batailles.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, après
le remarquable exposé de notre éminent collègue Pierre Fauchon, il ne restera
plus grand-chose à dire, je le crains, aux autres orateurs. Il a fait de façon
si magistrale le tour de la question que nous risquons, les uns et les autres,
de nous répéter.
La lutte efficace contre la criminalité, le trafic des stupéfiants,
l'immigration clandestine et l'action en faveur d'une meilleure coopération en
matière civile, préoccupations qui demeurent au centre des débats de l'Union
européenne, passent nécessairement par un renforcement d'une collaboration
intergouvernementale.
Il est cependant important de souligner que s'installe, malheureusement, un
décalage croissant entre la montée en puissance de la criminalité
transnationale et le dispositif vétuste que nous avons pour y faire face.
On se souvient de l'appel d'octobre 1996 des sept juges réunis à Genève en
faveur de l'amélioration de la coopération judiciaire européenne, appel qui
s'adressait aux gouvernements européens pour construire une Europe où la fraude
et le crime ne bénéficieraient plus d'une large impunité.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
La nécessité d'agir est reconnue par tous. Certes, de nombreux textes
existent, M. Fauchon en a parlé tout à l'heure : conventions, protocoles,
accords, la liste est longue ! Mais, faute d'avoir été ratifiés par tous les
Etats membres, la plupart ne sont pas entrés en vigueur et l'enchevêtrement des
textes existants a conduit certains experts à mentionner l'existence d'un «
véritable désastre normatif ».
Aujourd'hui, le risque d'enlisement est réel, tout comme celui du rejet par
les juristes de cette complexité juridique croissante.
Le
Financial Times
a révélé récemment que le chiffre d'affaires annuel
des organisations criminelles, qui attaquent la substance même des Etats,
atteint désormais le chiffre record de 1 000 milliards de dollars.
Pour le juge Renaud van Ruymbeke, il faut se battre « contre les paradis
fiscaux que l'Europe abrite en son sein, car ils assurent dans l'ombre
l'anonymat de l'argent sale et le fondent avec l'argent propre ».
Bien entendu, certains pays européens, dont l'un n'est pas membre de l'Union
européenne, sont directement visés, comme la Suisse ou le Luxembourg, dont le
secret bancaire protège les réseaux criminels des regards indiscrets.
D'où la double nécessité, pour certains, de créer un espace juridique européen
et d'uniformiser les législations pénales des différents Etats.
Certaines personnalités abondent dans ce sens, tel le procureur en chef du
parquet anti-corruption de Madrid, Carlos Jimenez Villarejo, soulignant que la
« bonne collaboration » dont font état des magistrats du Royaume-Uni ou du
Luxembourg avec ceux des autres Etats n'a pas beaucoup de signification si l'on
n'agit pas avec vigueur contre les paradis fiscaux.
Quant à la France, elle doit nécessairement, me semble-t-il, comme l'a rappelé
notre collègue Michel Barnier, alors ministre délégué aux affaires européennes,
lors de son audition seront la Délégation pour l'Union européenne de
l'Assemblée nationale, le 4 décembre 1996, se montrer favorable à la mise en
place d'un système de coopération, qui pourrait s'articuler autour de quatre
axes.
Premier axe : la définition d'un socle minimal pour la qualification des
infractions et l'échelle des peines, ce qui n'empêcherait pas les Etats qui le
souhaiteraient d'adopter une législation nationale plus répressive ou plus
contraignante.
Deuxième axe : le développement de la coopération judiciaire, en ayant pour
objectif de faciliter l'extradition, l'exécution des commissions rogatoires et
l'admissibilité des preuves.
Troisième axe : le développement de la coopération policière, déjà pratiquée
de façon bilatérale entre Etats membres.
Quatrième axe, enfin : l'amélioration de la vie quotidienne des citoyens,
notamment en ce qui concerne la transmission des actes et la reconnaissance
mutuelle des décisions de justice.
Quant à la procédure retenue pour réaliser cette coopération, il faudrait - je
me réfère, une fois encore, à mon éminent collègue Pierre Fauchon - d'une part,
qu'elle permette une intervention en amont des parlements nationaux et, d'autre
part, qu'elle implique la reconnaissance d'une double initiative du Conseil et
de la Commission européenne.
Même si la conférence intergouvernementale a permis certains progrès dans la
lutte commune contre la criminalité transnationale, elle ne prend pas en compte
tous les aspects de celle-ci.
Ainsi, par exemple, la lutte contre les blanchiments de capitaux se heurte non
seulement aux obstacles mis par certaines législations nationales à la levée du
secret bancaire, mais aussi à un défaut de coopération judiciaire entre les
Etats membres. Or, la configuration du troisième pilier a été le fruit d'un
compromis entre, d'une part, les partisans d'un schéma de type communautaire
et, d'autre part, les défenseurs de l'intergouvernementalité. Il résulte de ce
compromis des solutions hybrides et parfois peu cohérentes. Ainsi, au sein de
l'article K 1 du traité de Maastricht qui énumère les questions reconnues comme
d'intérêt commun par les Etats membres, on peut constater que coexistent deux
grandes catégories de domaines correspondant à des régimes différents.
Dans les domaines de la lutte contre la toxicomanie et contre la fraude
internationale, ainsi que dans celui de la coopération judiciaire en matière
civile, la Commission européenne dispose d'un droit d'initiative concurremment
avec les Etats membres. Par ailleurs, ces domaines peuvent être communautarisés
par décision unanime du Conseil approuvée par les Etats membres.
Dans les domaines de la coopération judiciaire, en matière pénale, de la
coopération douanière, de la coopération policière, en vue de la prévention et
de la lutte contre le terrorisme, du trafic illicite de drogues, seuls les
Etats membres ont le droit d'initiative.
Aussi, quelques propositions visant à combler les lacunes du système actuel
ont été émises par un groupe d'experts - là encore je ne fais que citer M.
Fauchon - coordonnés par mon éminent collègue Mme Mireille Delmas-Marty,
professeur de droit à Paris. Elles se concrétisent, notamment, par la rédaction
d'un recueil de textes qui pourrait servir de base pour décider de l'avenir
pénal et judiciaire de la Communauté.
Il est temps, je crois, que le Gouvernement français prenne position sur ces
différents choix et ces différentes possibilités.
A l'orée du XXIe siècle et à l'aube d'une Union européenne qui va à nouveau
s'élargir et où de nouveaux systèmes juridiques vont être intégrés aux systèmes
déjà existants, il paraît indispensable, dans l'intérêt de tous les acteurs de
l'Europe communautaire, de s'organiser pour parer à l'institutionnalisation du
crime. Il faut peut-être répondre à la communautarisation du crime par une
communautarisation de la répression.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jolibois.
M. Charles Jolibois.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, M.
Gélard craignait de n'être contraint à la répétition après les propos de notre
excellent collègue Pierre Fauchon, mais je subirai pour ma part doublement
cette contrainte après l'avoir entendu.
L'important dans cette affaire est d'avoir la conviction profonde que quelque
chose doit être fait, et ce assez rapidement. Des chiffres figurent dans
l'excellent rapport de M. Fauchon mais, chaque fois que l'on lit un document
relatif au problème qui nous occupe, on s'aperçoit qu'ils sont déjà dépassés,
en raison d'un phénomène d'accélération.
Ainsi, les chiffres dont nous disposons, qu'il s'agisse du coût de la fraude
au budget communautaire, qui atteint 5 % de celui-ci selon la Cour de justice
des Communautés européennes, du marché de la drogue, du blanchiement de
l'argent sale, ces chiffres, s'ils sont intéressants, sont largement
sous-estimés, à cause de la partie immergée de l'iceberg.
L'ouverture des frontières aux marchandises, aux personnes et aux capitaux et
la circulation des richesses et des personnes sont un bien ; facilitent mais
l'extension de la criminalité. Selon une expression dont vous reconnaîtrez
l'auteur : « L'imperméabilité des frontières judiciaires érige les limites des
Etats en remparts de l'impunité. » Il est vrai qu'à l'heure actuelle l'action
européenne n'est pas à la hauteur du défi.
Certes, il y a des initiatives communes, des échanges de magistrats, des
ébauches de coopération concernant les documents d'identité, la lutte contre la
drogue ou l'exploitation sexuelle des enfants, mais il s'agit là d'actions
ponctuelles et aucune des conventions établies n'a, pour l'instant, d'effet
contraignant, faute d'une ratification par l'ensemble des Etats membres.
Il y a donc des réactions de crainte. Chaque Etat, sans doute avec raison, car
il s'agit de sujets extrêmement graves, s'accroche à sa propre législation, la
trouve d'ailleurs souvent très bien, sans penser à adopter une action commune
avec un tronc commun de législation.
Les actions ponctuelles dans chaque Etat permettent difficilement
d'appréhender la criminalité. Je pense ici, bien sûr, à la drogue, je l'ai déjà
nommée, au terrorisme ou au tourisme sexuel, encore que, là, nous allons
peut-être disposer d'un article, mais il ne sera pas applicable essentiellement
à l'Europe. Je pense aussi au trafic d'objets volés en tout genre et surtout au
proxénétisme, à la contrefaçon, au faux-monnayage et au trafic de faux
documents administratifs. Il est toujours plus simple en effet, pour réussir
dans le crime, d'avoir une base à l'extérieur de l'Etat où le délit est
commis.
Il faut également penser aujourd'hui à l'utilisation croissante qui est faite
en toute tranquillité par les délinquants des réseaux Internet. C'est un fait.
Les magistrats saisis de ces problèmes que nous rencontrons se montrent
inquiets, dubitatifs quant au résultat qu'ils peuvent escompter. Quant aux
praticiens du droit, ils savent combien est difficile - en tout cas dans des
délais rapides - l'obtention d'un résultat outre la frontière.
C'est pourquoi je me félicite de la proposition de M. Fauchon de créer un
espace judiciaire européen. En fait, après la mise en oeuvre de la monnaie
unique, l'instauration d'un tel espace devrait être notre préoccupation
première.
Notre excellent collègue M. Gélard, voilà quelques instants, s'est référé au
travail de Mme Mireille Delmas-Marty qui envisage deux grands systèmes, et
d'abord la création d'un
corpus juris,
un tronc pénal commun aux Etats
de l'Union, mais qui n'irait pas jusqu'à une unification totale du droit
pénal.
Il existe un grand exemple, lequel d'ailleurs - je m'empresse de le dire -
n'est pas transposable à l'Europe, celui de la Cour suprême des Etats-Unis. Au
début du XIXe siècle, les Etats-Unis, qui rencontraient les mêmes problèmes,
avaient très vite compris qu'il n'était pas possible de s'en sortir sans
disposer d'un tronc commun pénal régissant juridiquement les marchandises
circulantes. Outre des lois fédérales, ont été mis au point des codes
s'appliquant de manière uniforme à tous les Etats, chaque Etat pouvant
cependant prévoir des spécificités particulières à travers ses propres
juridictions.
Enfin, il ne faut pas oublier, c'est vrai, que notre législation pénale sera
toujours spécifique ou, pour être plus exact, disons qu'elle ne peut pas ne pas
rester spécifique. C'est pourquoi nous avons prévu, dans notre code pénal, un
certain nombre de dispositions qui, mises les unes à la suite des autres,
constituent un arsenal qui n'est pas si mauvais que cela, mais qui se heurte
aux frontières, je pense ici tout particulièrement aux articles relatifs au
recel, et ce depuis la loi du 13 mai 1996.
La seconde idée de Mme Mireille Delmas-Marty, à mes yeux très intéressante,
serait de créer un ministère public européen. Toutefois, la position exacte
d'un ministère public au sein d'un Etat posant déjà nombre de problèmes, il
semble très difficile, en l'état, de créer un ministère public européen.
Bien sûr, dans l'esprit de Mme Mireille Delmas-Marty, ce ministère public
serait chargé de relever les infractions, de diriger l'enquête et la poursuite,
d'exercer l'action publique devant des tribunaux qui resteraient des tribunaux
d'Etat. Or, l'atteinte de cet objectif soulève bien des problèmes, même si
cette idée est, je le répète, très intéressante, il ne faut donc pas
l'abandonner.
Mais ce sont là uniquement des systèmes comportant des interrogations. C'est
la raison pour laquelle, personnellement - comme, je pense, la majorité du
groupe au nom duquel je m'exprime ici - je me félicite de la méthode proposée
par M. Fauchon, qui consiste en une démarche globale, associant étroitement les
parlementaires nationaux et européens dans une dynamique commune, et ce en plus
de la négociation diplomatique qui est souvent, il faut le reconnaître, très
longue.
Ainsi, serait créé, je le cite : « un comité consultatif préparatoire auquel
participeraient des parlementaires nationaux et européens issus des commissions
compétentes, auxquels s'adjoindraient des experts des Etats membres et des
personnalités désignées par la Commission européenne... Les textes élaborés sur
cette base devraient être adoptés par le Conseil à la majorité qualifiée en
s'entourant des garanties apportées par le débat parlementaire. »
Les parlements nationaux seraient appelés à intervenir
in fine
pour
l'adoption des éventuelles mesures de transposition. « La marge restreinte dont
dispose le législateur... serait en l'occurrence compensée par l'association
des parlements nationaux tout au long de l'élaboration des textes. »
Cette réunion aurait le grand mérite de créer une sorte d'état d'esprit et de
montrer les exigences qui sont maintenant assez urgentes.
Madame le garde des sceaux, je sais que vous êtes préoccupée, comme nous tous,
par la réforme, par la modernisation de la justice. Plusieurs types de rapports
ont été réalisés, des rapports parlementaires, des rapports de commissions ; il
est évidemment très difficile d'analyser toutes ces réflexions. Ce sera
d'autant plus difficile que toute réforme de la justice devra prendre en compte
la dimension européenne.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union Centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mers chers collègues,
permettez-moi tout d'abord de remercier notre éminent collègue M. Pierre
Fauchon pour avoir si opportunément posé la question de la construction de
l'espace judiciaire européen, vaste question, question déterminante pour une
édification viable de l'Union européenne. On peut d'ailleurs regretter que la
mise en oeuvre concrète de l'espace judiciaire européen n'en soit aujourd'hui
qu'à ses prémices.
En effet, si l'on peut se féliciter de l'avancement de l'espace juridique
européen dans la grande majorité des domaines économiques, commerciaux et même
civils, force nous est de constater la lenteur de l'élaboration de son
équivalent judiciaire, plus particulièrement encore dans le domaine pénal.
Cette lenteur s'explique par deux tendances contradictoires.
On observe malheureusement que l'ensemble des Etats ont à faire face à une
recrudescence de la criminalité, aggravée d'un développement des réseaux
internationaux. En toute logique, ce phénomène incite les Etats à rechercher
des réponses communes à des problèmes bien partagés.
Cependant, il apparaît également que le droit pénal national reste considéré
comme l'apanage de la souveraineté nationale, et les Etats ont du mal à céder
certaines de leurs prérogatives en matière d'indépendance nationale. Pour lors,
et quelles qu'en soient les conséquences, ils ne semblent pas avoir encore pris
toute la mesure des avantages qu'ils pourraient retirer d'une mise en oeuvre
effective d'un espace judiciaire européen.
Rappelons pourtant que l'espace judiciaire européen, question au coeur même du
traité sur l'Union européenne, figure, dès 1992, au troisième pilier des textes
- ce sont les articles K1 et suivants - consacrés à la coopération dans le
domaine des « affaires intérieures et de justice ».
Dès lors, la coopération judiciaire devient un sujet « d'intérêt commun »
confié au conseil des ministres de la justice et de l'intérieur, qui regroupe
fort logiquement la coopération judiciaire et policière européenne.
Si la France peut se féliciter de jouer un rôle moteur dans la mise en oeuvre
d'un espace judiciaire européen, tel n'est pas encore le cas de certains Etats
comme le Royaume-Uni ou le Danemark, qui montrent beaucoup de réticence à
l'égard de ces avancées.
Il faut, d'autre part, tenir compte du surcroît de difficultés que ne manquera
pas de générer le prochain élargissement de l'Union européenne à de nouveaux
Etats dont le développement démocratique est encore récent.
Notons qu'une forme de coopération intergouvernementale européenne s'est
exercée dans le domaine judiciaire avant la ratification du traité sur l'Union
européenne.
Il s'agit notamment des accords et des conventions sur le transfert des
personnes condamnées et sur l'application du principe
non bis in idem
-
un seul jugement pour les mêmes faits - de 1987, des textes sur la
simplification des modes de transmission des demandes d'extradition de 1989,
sur la transmission des procédures répressives de 1990 et sur l'exécution des
décisions pénales étrangères de 1991.
Ainsi, il apparaît clairement que les instruments conventionnels et
législatifs relatifs à l'entraide judiciaire européenne ne manquent pas. Leur
application dépend plus, en fait, de l'évolution des états d'esprit, des modes
de fonctionnement et des relations de pouvoir.
La convention de Schengen de juin 1990 en est bien évidemment un volet
essentiel autant que dynamique. Elle a en effet introduit des innovations
déterminantes en matière de dérogation du point de vue de la stricte compétence
nationale des forces de police.
L'application de ce texte, prévue pour le mois de mars 1995 et retardée,
impliquant l'Allemagne, la France, la Belgique, l'Espagne, les Pays-Bas et le
Portugal, récemment rejoints par la Grèce et par l'Autriche, et, bientôt, par
l'Italie, permettra un renforcement de la coopération judiciaire et
policière.
En particulier, les articles 39 et 39-2 de la convention de Schengen prévoient
une assistance mutuelle des forces de sécurité afin de recueillir et de
prévenir les infractions, et des échanges éventuels d'informations écrites
destinées à en apporter les preuves.
Sans entrer dans le détail des actes novateurs qui pourraient être mis en
oeuvre en application de la convention de Schengen, notamment de ses articles
40 et 41 relatifs aux relations policières, de l'article 53 concernant les
relations judiciaires, des articles 93 et 64 sur le système d'information
Schengen, ou de l'article 66 relatif à la procédure d'extradition simplifiée,
on peut affirmer que la coopération policière et judiciaire pourrait, grâce à
l'application concrète de ces textes, franchir un seuil significatif.
Le traité d'Amsterdam, signé au début de ce mois d'octobre, et qu'il nous
reste à ratifier, prévoit « l'incorporation de l'acquis de Schengen dans le
cadre de l'Union européenne ». Ce transfert s'effectuera sous la forme d'une «
coopération renforcée au sein de l'Union européenne » entre treize Etats
membres, la Grande-Bretagne, l'Irlande et le Danemark bénéficiant d'une
dérogation.
J'évoquerai enfin les opérations médiatiques tendant à mettre en relief
l'importance de la mise en oeuvre de la coopération judiciaire européenne. «
L'appel de Genève » d'octobre 1996, l'une de ses manifestations les plus
significatives, montre à quel point la grande majorité des magistrats européens
appellent de leur voeu le développement des relations judiciaires entre Etats
européens.
Reste bien sûr la délicate question de l'articulation entre justice et
politique. La France n'échappe pas à cette préoccupation, qui devra bien
trouver une solution satisfaisante. Le pouvoir judiciaire national a, en
l'occurrence, tout à gagner de l'ouverture européenne en la matière. Peut-être,
madame le garde des sceaux, pourriez-vous nous éclairer à ce sujet ?
Pensez-vous que la signature de conventions similaires à celle qui a été
conclue entre la France et la Suisse en octobre 1996 au sujet de la
transmission directe des demandes d'entraide judiciaire aux autorités
compétentes serait susceptible de rendre plus efficace la coopération
judiciaire européenne ?
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, bien
qu'issus de compromis laborieux, les textes visant à la construction d'un
espace judiciaire européen constituent l'expression d'une authentique volonté
politique.
Dans ce domaine, l'harmonisation des législations constituerait certainement
la solution idéale, mais pour l'heure irréalisable. Quoi qu'il en soit, les
sénateurs du Rassemblement démocratique et social européen restent confiants
dans l'évolution positive de cette construction, confirmée par le vote unanime
du Parlement européen du 12 juin 1997, à l'occasion de l'examen d'une
résolution concernant la création d'un espace européen pour lutter contre la
criminalité internationale.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la
question européenne posée par notre collègue Pierre Fauchon est la même que
celle qui figurait à la fin de son rapport intitulé « Vers la construction d'un
espace judiciaire européen » et rédigé au nom de la délégation du Sénat pour
l'Union européenne.
Je suis personnellement un néophyte à cette délégation puisque je ne l'ai
rejointe que postérieurement à ce rapport.
Cette remarque m'amène à demander à mes collègues s'ils savent ce qu'est
l'AAA. Cela signifie
Association against abbreviations.
M. Michel Charasse.
C'est aussi l'association des amis de l'andouille !
(Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Dans le rapport de notre collègue Pierre Fauchon, j'ai trouvé de très nombreux
sigles qui en rendent la lecture quelque peu hermétique pour le citoyen. Il
faut pourtant que l'Europe soit lisible, comme l'ont demandé récemment cinq
députés européens, dont notre ami Olivier Duhamel.
Lorsqu'on parle de la PECO, il faut que tout le monde sache s'il s'agit des
pays d'Europe centrale et orientale.
Quant à la COSAC, que vous avez évoquée tout à l'heure, monsieur Fauchon, nous
la connaissons, puisque nous l'avons accueillie dans cet hémicycle, mais il
faut tout de même savoir qu'il s'agit de la Conférence des organes spécialisés
dans les activités communautaires.
Sachez également, mes chers collègues, que la PESC est la politique étrangère
de sécurité commune, qui relève - j'en parlerai plus précisément - du deuxième
pilier.
Pour ce qui est de l'UCLAF - j'ai eu beaucoup de mal à avoir la traduction
exacte de ce sigle, même par les services spécialisés dans les questions
européennes. Il s'agit de l'Unité de coordination de la lutte anti-fraude.
Enfin, la CIG, qui est plus connue, est la conférence intergouvernementale.
Il faut connaître la signification de ces sigles, au risque de donner l'image
d'initiés qui emploient un langage que personne ne comprend. Or, si vous voulez
que l'Europe soit accessible à nos concitoyens, il faut commencer par faire cet
effort de clarté.
Mais il y a aussi les « piliers » ! Qu'est-ce que cela signifie ?
Le premier pilier, c'est le traité de Rome, avec les politiques communes, de
l'agriculture notamment, les fonds structurels, le marché unique, les
politiques commerciales, industrielles et d'environnement.
Par ailleurs, le traité de Maastricht, pour faire l'Union européenne, a ajouté
deux autres piliers, le deuxième étant la politique étrangère et de sécurité
commune et le troisième, la justice et les affaires intérieures. Ces piliers
ont en commun le fait de relever exclusivement de la coopération
intergouvernementale.
Ce n'est pas très simple, et cela doit au moins être expliqué.
M. Michel Charasse.
Les sept piliers de la sagesse !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je ne sais pas pourquoi M. Charasse propose les piliers de la sagesse, je
pensais, quant à moi aux vers de Baudelaire :
« J'ai longtemps habité sous de vastes portiques
« Que des soleils marins teignaient de mille feux,
« Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
« Rendaient pareils, le soir, aux grottes basal- tiques. »
Cela dit, le concept d'espace judiciaire a connu depuis le début des années
quatre-vingt-dix des évolutions concrètes qui vont dans le sens d'un
renforcement de la construction européenne et de la constitution d'un espace
européen uni et cohérent.
Mais c'est une lente marche, avec la création d'un troisième pilier « Justice
et affaires intérieures » relevant de la coopération intergouvernementale, je
l'ai déjà dit.
Le traité de Maastricht a offert un cadre institutionnel à la coopération
pénale dans le domaine de la justice.
La mise en application de la convention Schengen en mars 1995 a créé un espace
de coopération judiciaire pour un nombre limité d'Etats, en particulier en
matière d'entraide judiciaire et d'extradition.
Cette perspective de constitution d'un espace judiciaire européen soulève, à
mon sens, une interrogation, qui doit nourrir notre réflexion.
Nous assistons depuis quelques années à une montée en puissance, en Europe, de
phénomènes tels que la fraude budgétaire, le terrorisme et la criminalité
organisée internationale. Or le dispositif judiciaire européen actuel est
encore insuffisant pour y faire face.
On peut se demander quelles pourraient être aujourd'hui les initiatives
efficaces et cohérentes pour instaurer un espace homogène, qui, dans la
perspective d'un élargissement de l'Union, seraient à même de concilier des
traditions juridiques et des systèmes judiciaires différents.
Le traité d'Amsterdam marque une étape nouvelle pour la constitution d'un
espace judiciaire européen. Bien que les résultats obtenus demeurent
insuffisants, les avancées concrètes n'en sont pas pour autant négligeables.
Avec le traité, la constitution d'un espace judiciaire européen a progressé de
trois manières d'abord : l'intégration des acquis de Schengen dans le traité de
l'Union européenne, ensuite la communautarisation d'une partie du troisième
pilier, en d'autres termes, des politiques de visas, d'asile, d'immigration et
de la coopération judiciaire en matière civile et, enfin, dans le même temps,
le troisième pilier est renforcé, puisqu'il est dorénavant limité à la
coopération policière et judiciaire, l'unanimité restant la règle.
Par ailleurs, le traité améliore le fonctionnement du troisième pilier en
ouvrant son cadre à la consultation du Parlement européen ; en instaurant un
nouvel outil juridique, la « décision cadre », qui pourra se substituer aux
conventions ; en étendant la capacité d'initiative de la commission à tous les
domaines ; enfin, en donnant un certain rôle à la Cour de justice des
Communautés.
Le renforcement du troisième pilier réside aussi dans une définition plus
large de ses objectifs. Il doit s'attacher à lutter aussi bien contre le
racisme et la xénophobie, le terrorisme, la traite d'êtres humains et les
crimes contre les enfants que contre le trafic de drogue, le trafic d'armes, la
corruption et la fraude au budget communautaire.
Dans le domaine de la coopération policière et judiciaire, les mesures en
matière pénale sont destinées à instaurer des règles minimales relatives aux
sanctions applicables dans les domaines de la criminalité organisée, du
terrorisme et du trafic de drogue.
Ces mesures devraient être, à l'avenir, mises en oeuvre à la fois par une
coopération entre les administrations et les autorités judiciaires et par le
rapprochement des règles de droit pénal.
Le traité d'Amsterdam instaure ainsi une structure plus cohérente et des
compétences mieux réparties, destinant désormais le troisième pilier au domaine
du droit pénal et de la coopération policière et attribuant aux politiques
communautaires ce qui touche à l'Europe des citoyens.
En ce qui concerne l'avenir, il faut sans doute insister sur la constitution
d'un espace judiciaire européen ; cela implique aussi une entraide pénale
concernant l'extradition, qu'il faut faciliter.
Après les conventions d'extradition de 1957 et de 1977, la convention du 10
mars 1995 a apporté au principe de base, selon lequel il faut que le délit soit
répréhensible à la fois dans le pays qui héberge le contrevenant et dans celui
qui réclame l'extradition, un certain nombre d'innovations intéressantes.
Désormais on pourra extrader quelqu'un qui aura été condamné à une peine plus
faible qu'auparavant.
De plus, sauf exception, le caractère politique de l'infraction ne pourra plus
être invoqué pour refuser l'extradition, bien entendu dans l'Union
européenne.
Le trosième changement opéré par la nouvelle convention réside dans
l'impossibilité pour les Etats de refuser une demande d'extradition d'un de
leurs ressortissants même si cette disposition se heurte aux pratiques et aux
réticences de certains pays de l'Union.
On en vient naturellement à la politique pénale européenne. L'Europe, c'est en
effet, j'y reviens, à la fois la très grande diversité des systèmes nationaux
et la complexité croissante des institutions supranationales.
Il existe une répression hétérogène de certains délits ; c'est, par exemple,
le cas de l'usage de stupéfiants, du trafic ou du blanchiment des fonds
d'origine délictueuse, ce dernier n'étant encore incriminé que dans quelques
pays, mais c'est aussi le cas dans bien d'autres domaines : répression des
fraudes contre les intérêts financiers de la Communauté européenne, délits
d'initiés... Cette diversité fait, à l'évidence, le jeu de la délinquance.
Quant aux institutions supranationales, elles sont d'une telle complexité
qu'elles en deviennent opaques ; comme aussi le droit communautaire, dont une
faible partie résulte des traités, l'essentiel se composant de droit dérivé par
règlements et directives émanant du pouvoir exécutif.
Tout cela manque de clarté et va nécessiter un effort considérable
d'harmonisation et de simplification pour faciliter la coopération
judiciaire.
S'agissant du domaine pénal, des pistes sont proposées qui nous paraissent
intéressantes - elles ont été évoquées - et qui pourraient constituer le point
de départ, les tout premiers pas d'une Europe judiciaire. J'évoque là le
corpus juris
auquel il a été fait allusion et qui a été mis en place par
des experts, sous la direction de Mme Mireille Delmas-Marty, dont nous
apprécions les travaux, que ce soit sur le plan interne ou sur le plan
européen.
En premier lieu, la méthode proposée consisterait à unifier - on l'a dit - un
nombre d'infractions limitées au niveau européen, celui des fraudes au budget
de la Communauté, préservant ainsi, au moins dans un premier temps, les
spécificités nationales des Etats membres.
La proposition de créer, en second lieu, un ministère public européen, MPE -
avec un procureur général européen...
M. Michel Charasse.
Indépendant, naturellement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais oui, indépendant - je vais y arriver - mais sous quelques réserves que
vous apprécierez, mon cher collègue !
... et des procureurs européens délégués dans chaque capitale, assistés des
ministères publics nationaux - ministère public européen qui serait placé sous
le contrôle de « juges des libertés » nationaux, lesquels, contrairement à ce
qui a été indiqué tout à l'heure par erreur, décideraient du classement ou du
renvoi de l'affaire. Cette proposition retient notre attention.
Ce MPE aurait un statut et des compétences qui correspondent à ceux vers
lesquels beaucoup souhaiteraient que la France s'oriente : il s'agit du
renforcement du statut du parquet, indépendant mais responsable, contrôlé par
le juge, affranchi, selon la formule d'un magistrat, « du souci de la barrette
et de la médaille », et qui serait soumis à un principe de « légalité tempérée
» - je cite Mme Mireille Delmas-Marty - c'est-à-dire laissant la possibilité de
pratiquer des classements dans des hypothèses et selon une procédure bien
définies, ou « d'opportunité encadrée », c'est-à-dire assortie de critères de
classement déterminés par la loi ou éventuellement par voie de circulaire. Si
les classements sont motivés et peuvent faire l'objet de recours, les
différences sont faibles entre les deux systèmes.
En Allemagne, le principe de légalité est aujourd'hui assoupli. En
Grande-Bretagne, une circulaire détaille strictement les critères de
classement, et il est possible d'exercer un recours contre des décisions
déloyales ou déraisonnables devant la
High Court.
D'autres pistes de réflexions sont encore ouvertes, notamment celle du statut
de la police judiciaire et de son contrôle par le parquet, dont nous sommes
aujourd'hui encore loin.
Mais l'espace judiciaire ne doit pas seulement relever du domaine pénal. Il
est primordial de mettre l'accent sur la coopération judiciaire en matière
civile, qui concerne directement et concrètement le citoyen. C'est ce qui
relève notamment de la liberté des citoyens de circuler, de s'établir et de se
marier. Cette coopération doit comprendre - notre collègue M. Fauchon l'a
rappelé dans son rapport - l'amélioration du système de signification des aides
judiciaires et extrajudiciaires, la reconnaissance et l'exécution des décisions
en matière civile et commerciale et, enfin, le rapprochement des règles de
procédure civile.
Nous nous réjouissons que ce domaine soit prochainement communautarisé, et
nous ne pouvons que soutenir toute initiative qui, dès à présent, aille dans le
sens d'un renforcement de la coopération judiciaire en matière civile.
Qu'en est-il de la collaboration des parlements nationaux avec des groupes de
travail, qui a été proposée par notre collègue M. Fauchon et qui constitue, si
j'ai bien compris, l'essentiel de sa question d'aujourd'hui ? Après tout,
pourquoi pas ? Que risque-t-on à essayer de trouver une formule qui aille plus
vite ? C'est d'ailleurs un comble que le travail des parlementaires nationaux
soit supposé être plus rapide que celui des experts ! Mais pourquoi pas ? Il
nous arrive en effet, même en urgence, d'aller trop vite. Nous sommes donc
capables d'aller vite, à condition, peut-être, que ces groupes de travail se
tiennent dans la même période, huit jours par exemple, et qu'ils se déroulent
en même temps afin d'aboutir à des propositions concrètes.
Nous n'avons rien contre cette méthode. Encore une fois, toutes les méthodes
sont bonnes pour essayer de faire avancer plus vite la construction européenne.
Il est en effet aujourd'hui de notre responsabilité de savoir répondre à la
demande forte des autorités judiciaires, certes, mais aussi des citoyens de
l'Union européenne, un véritable Etat de droit européen. Le groupe socialiste
sait pour cela, madame le garde des sceaux, pouvoir compter sur vous.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, les
questions posées par notre collègue, M. Pierre Fauchon, sont évidemment
largement inspirées de son rapport n° 352 intitulé :
Vers la construction
d'un espace judiciaire européen.
C'est donc bien évidemment en tenant
compte de ce rapport que j'interviendrai.
Si, dans leur ensemble, les peuples européens sont de plus en plus préoccupés,
et de manière légitime, par les questions de sécurité, cette évolution,
utilisée dans le rapport n° 352 comme un argument essentiel, ne justifie pas,
selon nous, les réflexions et propositions de notre collègue sur l'espace
judiciaire européen.
Il nous semble nécessaire de préciser d'abord que l'insécurité de proximité
est également un problème fondamental qui n'est pas du tout évoqué ici ni dans
aucun des rapports traitant des trafics et de la grande criminalité, et
élaborés à l'écart des gouvernements et surtout des peuples.
Or la délinquance de proximité est essentiellement liée à l'accentuation de la
fracture sociale et à des problèmes socio-économiques qui relèvent notamment
des dispositions de libéralisation, de développement de la concurrence, de
réduction des dépenses publiques inscrites d'ailleurs dans le traité de
Maastricht, puis celui d'Amsterdam. Il nous semble y avoir là une première
contradiction majeure.
Par ailleurs, le concept d'espace judiciaire européen, défini dans son rapport
par M. Pierre Fauchon, intègre des éléments très hétérogènes. Comme il le
précise lui-même dans l'introduction, ce concept reste à créer.
Selon notre collègue, l'espace judiciaire européen comprend trois axes majeurs
que je résume rapidement : l'intégration des accords de Schengen au traité de
l'Union européenne, la communautarisation progressive d'une partie du troisième
pilier et, enfin, un renforcement du troisième pilier pour développer la
coopération policière et judiciaire.
Comme on peut le voir, ces « axes » renvoient à des notions hétéroclites, ce
qui ne peut créer que confusion, contradictions et amalgames dans l'analyse.
Plus précisément, si l'on ne peut qu'être d'accord sur certains objectifs en
matière de renforcement de la coopération policière en Europe, comme la lutte
contre le blanchiment de l'argent de la drogue, le terrorisme, la fraude ou le
trafic de drogue, il est à nos yeux nécessaire de développer cette coopération
dans le respect des souverainetés nationales, non par crainte d'une réelle
coopération ou par volonté de repli, mais parce que le cadre étatique reste, à
notre avis, le plus pertinent pour assurer le maintien du contrôle démocratique
par les peuples des mesures mises en place et de leur efficacité...
Or, notre collègue Pierre Fauchon va plus loin dans ce sens que le traité
d'Amsterdam. En effet, non seulement il approuve le développement des «
coopérations renforcées » en matière de coopération judiciaire et policière et
la communautarisation en matière d'immigration et d'asile prévus dans le
traité, mais encore il regrette, si je ne m'abuse, que ces évolutions ne soient
pas plus poussées et que le vote à la majorité qualifiée en ces domaines ne
soit pas plus développé.
M. Pierre Fauchon.
Exact !
M. Robert Pagès.
Nous savons que « les coopérations renforcées » doivent permettre aux pays les
plus « intégrationnistes » de l'Union d'aller de l'avant sans attendre les plus
hésitants. On peut donc s'interroger sur les évolutions possibles.
Par ailleurs, la communautarisation des questions ayant trait à la libre
circulation des personnes, qui va de pair avec l'intégration des accords de
Schengen dans le traité, ne peut que nous inquiéter.
Il est prévu, en effet, dans le nouveau traité, que la politique d'immigration
et d'asile, jusque-là intergouvernementale, relèvera désormais de la compétence
communautaire. Cette évolution sera progressive dans le sens où, pendant cinq
ans, les décisions devront être prises à l'unanimité. Mais, à terme, la
communautarisation sera effective ; elle s'appliquera également aux accords de
Schengen sur l'abolition des frontières intérieures entre les Etats membres.
Or qu'adviendra-t-il alors de la conception française du droit d'asile, de
notre spécificité en matière d'immigration, de délivrance des visas ? On met le
doigt sur des contradictions évidentes, alors que le gouvernement français
vient, par exemple, de prendre des engagements en matière d'assouplissement de
délivrance de visas pour les ressortissants algériens, mesure que
j'approuve.
Parallèlement, l'intégration de l'« acquis Schengen » au traité nous semble
particulièrement préoccupant. Nous avons rappelé plusieurs fois notre
opposition aux accords de Schengen, qui, tout en affirmant la liberté de
circulation pour les ressortissants communautaires, entraînent un renforcement
des contrôles fondés sur des logiques contestables, favorisant les discours
sécuritaires, les législations discriminatoires, les dérives policières et les
menaces pour le régime des libertés individuelles. Nous l'avons dit souvent, je
ne m'étendrai donc pas sur ces points. Cette affirmation de la liberté de
circulation ne semble en fait trop souvent qu'un prétexte à un ensemble de
mesures qui visent, dans leurs pratiques, à réduire les libertés d'une
population ciblée.
De plus, il est évident que, comme la communautarisation évoquée plus haut,
Schengen entraîne une perte de contrôle démocratique et qu'il existe un manque
de transparence sur les mesures de sécurité dites « compensatoires » qui lui
sont liées, je pense au coût réel, à l'efficacité.
Dans ces conditions, il est nécessaire de rappeler que la sécurité, les
problèmes de police relèvent des domaines législatif et exécutif des Etats et
que, en conséquence, la France doit veiller à conserver l'ensemble de ses
compétences et à éviter toute dérive de type suprational sans possibilité de
contrôle démocratique.
Parallèlement, M. Fauchon lui-même se heurte à des contradictions liées à
l'hétérogénéité et à l'incohérence des éléments intégrés dans le concept
d'espace judiciaire européen. Ainsi, la lecture de la page 15 de son rapport
suscite des interrogations. M. Fauchon écrit en effet : « Présenter l'action
européenne en matière de sécurité sous l'angle de mesures d'accompagnement de
la libre circulation revient implicitement à suggérer que celle-ci est une
cause de développement de l'insécurité.
Or il est manifeste que les contrôles aux frontières sont des obstacles bien
faibles au développement des phénomènes de criminalité internationale et
d'immigration irrégulière, et ce n'est donc pas, pour l'essentiel, comme une
sorte de compensation à la libre circulation des personnes que doit être
envisagé un renforcement de l'action de l'Union en matière de police et de
justice ».
Dans ces conditions, on ne peut que s'interroger sur les raisons qui peuvent
alors être invoquées pour justifier le maintien des accords Schengen et leur
intégration au traité, puisqu'ils résultent exactement de cette logique.
Il semble plus que jamais évident qu'une remise en question de l'ensemble des
dispositions contenues dans Schengen est nécessaire, et que le concept d'espace
judiciaire européen, tel qu'il est proposé par M. Fauchon, présente des
incohérences importantes.
Même si certains objectifs de coopération policière peuvent évidemment
emporter notre accord, l'approche et les moyens proposés ici quant à cette
coopération présentent, en plus de risques inévitables de dérive suprationale
et de perte de contrôle démocratique dans ces domaines, les dangers de se
révéler lourds et inefficaces, et sans possibilité réelle d'être contestés.
Bien entendu, je ne vous apprendrai rien de nouveau en vous disant que le
groupe communiste républicain et citoyen reste en désaccord profond avec les
termes de la question présentée par notre collègue.
M. Pierre Fauchon.
C'est de la langue de bois !
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Mesdames, messieurs les
sénateurs, je dois dire qu'en arrivant au ministère de la justice, j'étais un
peu triste d'avoir à m'éloigner des affaires européennes. Mais vous m'y avez
plongée à nouveau, ce dont je vous remercie.
Le débat auquel nous venons d'assister, et qui fut très intéressant, soulève
deux problèmes extrêmement importants.
Le premier, c'est qu'il existe désormais une criminalité transfrontière,
européenne, certes, mais aussi mondiale, ce qui nous impose évidemment de
mettre en oeuvre des coopérations européennes et internationales beaucoup plus
effectives.
Nous avons le sentiment que, lorsqu'elles existent, ces coopérations sont très
en deçà des problèmes qu'elles ont à traiter et que, finalement, la
mondialisation du crime, la grande délinquance financière, le blanchiment de
l'argent se développent beaucoup plus rapidement que la coopération européenne
et internationale censée lutter contre ces formes nouvelles de criminalité.
Le second problème qui a été soulevé consiste en ce que cette coopération,
lorsqu'elle existe, est finalement très peu connue et s'exerce à l'écart des
parlements, tant des parlements nationaux que du Parlement européen.
Sur ces deux problèmes importants, auxquels, mesdames, messieurs les
sénateurs, vous apportez des réponses différentes, mais sur le diagnostic
desquels il m'a semblé que vous étiez d'accord, je formulerai quelques
remarques.
Il est vrai que la coopération en matière policière et judiciaire a du retard
par rapport aux autres formes de coopération européenne. Ce fait a été relevé
dans le rapport du groupe Westendorp, que vous avez cité, monsieur Fauchon. Il
se trouve que j'ai eu l'honneur de participer aux travaux de ce groupe en tant
que représentant, à l'époque, du Parlement européen. Je sais donc que le
diagnostic était partagé par tous les responsables présents.
Nous avons pris du retard, et ce n'est qu'au moment de la mise en oeuvre de la
convention de Schengen d'abord, du traité de Maastricht ensuite, que l'on a
amorcé une coopération dans ce domaine.
Il est bien dommage que nous ayons pris du retard parce que les faits sont là
et qu'ils nous ont non seulement rattrapés mais dépassés, d'autant que la
perspective de l'élargissement de l'Union européenne à des pays d'Europe
centrale et orientale, qui eux-mêmes sont très sensibles au type de problèmes
auxquels nous faisons allusion, nous impose d'aller encore plus vite, non
seulement en matière de lutte contre le crime, mais aussi en matière de
circulation des personnes.
La conférence intergouvernementale a établi le même diagnostic.
Toutefois, même si l'on constate que les acquis de la coopération sont très
insuffisants, il faut tout de même rappeler qu'ils existent ; on a trop
tendance à penser que rien n'est fait en la matière, ce qui est faux.
Je rappellerai brièvement que, grâce à la convention de Schengen, les services
de police judiciaire peuvent exercer un droit d'observation sur le territoire
d'un autre Etat membre. C'est ainsi qu'a pu être interceptée, voilà quelques
semaines, sur l'autoroute du sud, après une observation effectuée par les
services de police judiciaire néerlandais, une personne soupçonnée d'avoir
introduit aux Pays-Bas une tonne de cocaïne. Cette arrestation n'a pas été
connue, parce que la presse ne s'en est pas fait l'écho ; pourtant, elle a bien
eu lieu, et ce, je le répète, grâce à la convention de Schengen.
Ce droit d'observation a permis également d'enquêter au-delà des frontières
sur de très graves affaires de violences sexuelles.
Le droit de poursuite institué par la convention de Schengen, qui permet de
poursuivre des malfaiteurs au-delà des frontières, constitue une autre
innovation importante, qui introduit une réelle amélioration dans la
coopération des services de police. Certes, ces derniers se heurtent ensuite à
la lourdeur des procédures d'extradition puisque, même si notre police peut
poursuivre des malfaiteurs sur le territoire d'un autre Etat membre pour le
récupérer, elle doit passer par une procédure d'extradition.
Je souligne - j'en viens à la question de M. Joly - que la convention de
Schengen permet des améliorations pratiques dans la transmission des
commissions rogatoires d'autorité judiciaire à autorité judiciaire.
Vous avez en mémoire l'appel de Genève, formulé par de nombreux magistrats
européens qui ont manifesté le souci de rendre plus efficace l'entraide
judiciaire entre les Etats européens. Eh bien ! grâce à l'article 53 de la
convention de Schengen, il est dorénavant possible aux autorités judiciaires de
s'adresser directement des demandes d'entraide, qu'elles émanent des parquets
ou des juges d'instruction.
C'est à partir de cette disposition de la convention de Schengen - je le
précise à l'intention de M. Joly - qu'a été conclue la convention
franco-suisse. On ne peut pas dire que l'Europe soit en retard par rapport à
cette convention bilatérale puisque c'est précisément grâce à la convention de
Schengen - qui doit être intégrée, grâce au traité d'Amsterdam, dans le
dispositif de l'Union européenne - que nous pouvons mener ce type d'action.
C'est aussi en vertu de ces principes qu'il est de plus en plus admis
maintenant qu'aucune mission judiciaire ne peut être interceptée pour des
raisons d'opportunité. C'est la raison pour laquelle, dès mon arrivée à la tête
de la Chancellerie, j'ai résolu un contentieux qui existait depuis trop
longtemps, à mes yeux, entre le ministère de la justice belge et mon
prédécesseur à propos des pièces d'exécution d'une mission judiciaire délivrées
par un juge belge en France dans une affaire de corruption.
En fait, les instruments juridiques et pratiques existent, mais ils ne sont
pas connus, parce que le processus reste du domaine des techniciens. Ils sont
efficaces. Le problème réside dans le fait que les représentations
parlementaires, nationales et européenne, ne sont pas suffisamment impliquées
dans la connaissance et dans l'élaboration de ces législations.
J'évoquerai rapidement les conventions.
Je sais bien que les conventions constituent des instruments juridiques très
lourds. J'ai été la première, dans le cadre du groupe Westendorp, à faire cette
analyse. Il faut en effet que les conventions soient acceptées, puis ratifiées
dans les mêmes termes par les quinze Etats membres de l'Union européenne, même
si l'on a accompli des progrès en autorisant l'application de certaines d'entre
elles avant leur ratification.
Lorsqu'elles sont signées et ratifiées, elles représentent alors des
instruments extrêmement utiles.
Il en est ainsi de la convention destinée à simplifier les règles de
l'entraide judiciaire.
Je me propose de communiquer à votre assemblée un rapport écrit sur
l'existence et sur l'utilisation de ces conventions car elles mériteraient
d'être mieux connues.
De la même façon, le système d'information Schengen, qui rend possible des
signalements croisés, a permis des arrestations quodidiennes. Ainsi, en 1996,
126 délinquants recherchés par la justice française ont été arrêtés sur le
territoire d'un autre Etat adhérent à la convention de Schengen et 55
délinquants recherchés par des autorités judiciaires étrangères ont été arrêtés
en France.
Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de me donner l'occasion
de dire à cette tribune que, grâce à ces dispositifs, nous progressons.
Pratiquement, ce système est organisé pour être exploité au niveau de chaque
unité de gendarmerie et de police ; cela aussi, il faut le savoir.
En matière d'extradition, je reconnais que la loi française, qui date du 10
mars 1927, a considérablement vieilli. Elle ne comporte aucune distinction
selon que la personne réclamée entend consentir ou non à sa remise. Il faudra
très prochainement tirer les conséquences de la procédure simplifiée
d'extradition telle qu'elle est fixée par la convention européenne du 10 mars
1995, qui prévoit la faculté pour la personne réclamée de consentir, sous
certaines conditions, à sa remise à partir d'une simple demande d'arrestation
provisoire. Une grande majorité des situations devrait être ainsi traitée de
manière plus rapide, tout en préservant les garanties de la défense de la
personne demandée.
Outre la ratification de cette convention et l'adaptation de notre
législation, le Gouvernement vous proposera prochainement la ratification de la
convention d'extradition du 27 septembre 1996, qui simplifie également de
manière importante la procédure d'extradition.
Nombre d'entre vous ont évoqué EUROPOL. C'est un instrument extrêmement
important. Nous avons obtenu dans le traité d'Amsterdam - M. Dreyfus-Schmidt
nous l'a rappelé tout à l'heure - qu'il ne soit pas utilisé uniquement dans un
cadre policier, mais que, systématiquement, un contrôle judiciaire s'exerce. En
effet, si, dans un souci d'efficacité, on s'engage rapidement dans la
coopération policière, on a tendance à oublier un peu trop le contrôle du
juge.
Le problème de la police judiciaire européenne est donc extrêmement important
et nous devons l'aborder avec une double optique : la coopération policière,
mais également la coopération judiciaire.
Il faut savoir par ailleurs qu'en matière de lutte contre la criminalité
organisée, dans le prolongement d'une initiative franco-allemande, le Conseil
européen de Dublin de décembre 1996 a mandaté un groupe d'experts qui a élaboré
un programme d'actions extrêmement détaillé en trente recommandations, chacune
étant assortie d'un calendrier de mise en oeuvre dans les Etats membres entre
la fin de 1997 et la fin de 1999.
Je crois extrêmement important de vous communiquer ce calendrier qui fixe un
programme détaillé et borné dans le temps.
Ce programme aborde notamment des questions relatives au rapprochement des
législations, à la ratification par les Etats membres des conventions qui sont
pertinentes en ce domaine, à l'élaboration et à l'amélioration des outils
conventionnels.
Il préconise également un ensemble de mesures propres à renforcer la
coopération opérationnelle entre les Etats membres, notamment par la mise en
place de dispositifs de coordination et de centralisation au sein des Etats
membres tels que la désignation de points de contact nationaux destinés à
accélérer l'échange d'informations ou bien la constitution d'équipes
pluridisciplinaires d'enquêtes ou encore la création d'un réseau de contacts
judiciaires entre les praticiens des Etats membres.
Dans cette perspective, il est une institution que je cherche à développer -
car il s'agit d'une initiative qui a été prise par mes prédécesseurs, auxquels
je tiens à rendre hommage -, celle des magistrats de liaison entre capitales
européennes. Voilà bien une institution destinée à renforcer la coopération
entre les pays de l'Union.
Nous avons déjà des magistrats de liaison en Italie, aux Pays-Bas ; nous en
avons un auprès de la représentation permanente à Bruxelles, un en Espagne ;
nous en avons même un aux Etats-Unis d'Amérique. En échange, nous recevons des
magistrats de quelques-uns de ces pays et ils sont installés dans les bureaux
de la Chancellerie, de même que nos propres magistrats sont installés dans les
ministères de nos partenaires.
J'ai proposé avant-hier à M. Jack Straw, le ministre de la justice et de
l'intérieur britannique, d'échanger des magistrats de liaison entre nos deux
pays.
Ainsi, nous avons conçu des programmes d'action et nous commençons à mettre en
place des instruments de coopération pratique et juridique qui permettent de
les appliquer.
Bien sûr, des difficultés se présentent et le processus n'est pas assez
rapide. Il est certain que, après les avancées qu'ont permis de réaliser
successivement la convention de Schengen, le traité de Maastricht - premier
traité à désigner la coopération policière et judiciaire comme une matière
d'intérêt commun -, le traité d'Amsterdam - et M. Dreyfus-Schmidt a très bien
décrit ce qui était communautarisé et ce qui restait dans le domaine
intergouvernemental - il faut, comme vous l'avez souhaité, monsieur le
sénateur, aller plus loin.
Pour cela, il me paraît urgent de faire connaître davantage tous ces processus
de coopération qui existent, mais dont personne ne sait rien.
Dans la mesure où le Royaume-Uni doit exercer la présidence de l'Union
européenne au cours de la première moitié de l'année 1998, j'ai demandé
avant-hier à mon collègue britannique de se fixer précisément pour objectif de
donner de la visibilité. Dans cette perspective, il convient, d'abord,
d'informer et aussi de susciter des débats au sein des parlements nationaux,
ainsi qu'au Parlement européen. Faute de quoi, nous en resterons indéfiniment à
des actions d'experts qui, pour être intéressantes, ne bénéficieront jamais de
la publicité qu'elles méritent.
J'en viens à la réflexion de Mme Delmas-Marty sur un ministère public
européen, qui me paraît, à moi aussi, tout à fait stimulante.
Cette réflexion part en fait d'un constat : il existe des domaines qui sont
communautarisés. Nous avons, par exemple, un budget européen, auquel chacun
contribue après approbation de son parlement et qui est voté par le Parlement
européen. Or les fonds reversés à partir de ce budget font parfois l'objet de
fraudes, mais les instruments adaptés à la détection et à la répression de ces
fraudes n'existent pas.
Il y a donc, avec le ministère public européen, le moyen de répondre à un
besoin très concret.
Il y a aussi le fait que nous devons essayer de rapprocher autant que possible
nos droits pénaux. Ils resteront très différents, mais nous devons nous
efforcer de trouver des terrains d'entente, du moins là où il existe une
compétence européenne. J'insiste bien sur ce dernier point car, comme vous
l'avez souligné, monsieur le sénateur, il n'est naturellement pas question
d'empiéter sur les compétences nationales.
Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons pas dissocier la réflexion sur un
ministère public européen de la réflexion sur les institutions européennes.
Il existe chez nous un parquet indépendant - et il le sera encore davantage,
je vous le promets, lorsque vous aurez approuvé les réformes que j'aurai
l'honneur de proposer au Parlement probablement au début de l'année prochaine
-, mais il est clair qu'aucune autorité judiciaire, et à plus forte raison s'il
s'agit d'une autorité internationale, ne peut exister indépendamment d'une
autorité politique qui est là pour définir une politique pénale.
Au fond, cette réflexion de Mme Delmas-Marty pose d'abord la question de la
communautarisation de notre droit pénal et de l'élargissement des compétences
du parquet européen. Elle pose par ailleurs le problème de l'existence d'une
autorité politique européenne qui soit capable de définir une politique
pénale.
Bien entendu, il convient de souligner les limites actuelles de l'exercice. Je
ne crois pas que l'on puisse créer d'emblée, tout d'une pièce, un parquet
européen sans disposer d'abord des instruments de l'intégration politique. Je
suis, cependant convaincue que nous aurons tout intérêt à poursuivre la
réflexion sur ce sujet.
J'en viens à la partie de votre question qui, finalement, monsieur le
sénateur, porte sur la méthode : comment faire en sorte qu'il y ait davantage
de contrôle démocratique, que les parlements nationaux et le Parlement européen
soient plus impliqués ?
Evidemment, la solution simple consisterait à communautariser au-delà de ce
que nous avons prévu dans le traité d'Amsterdam, communautarisation impliquant
proposition de la Commission, puis décision de la majorité.
A ce propos, je suis d'accord avec ceux qui ont dit tout à l'heure que, pour
résoudre les problèmes d'évasion fiscale ou de blanchiment de l'argent sale, il
allait bien falloir un jour s'attaquer aux paradis fiscaux qui existent au sein
de l'Union européenne. Or, nous le savons parfaitement, la question du vote à
la majorité sur les décisions en matière fiscale est une des clefs. C'est une
des raisons pour lesquelles je déplore qu'on ne soit pas allé plus loin dans le
traité d'Amsterdam.
Je reviens à la communautarisation, qui implique aussi le contrôle du
Parlement européen sur les matières communautarisées.
S'agissant de domaines dans lesquels la subsidiarité aura nécessairement une
très grande place, puisque les compétences des Etats s'enchevêtreront avec les
compétences européennes, il est particulièrement important de susciter, comme
vous l'avez proposé, un travail conjoint entre parlements nationaux et
Parlement européen.
Quel est le cadre approprié ? Vous avez évoqué la COSAC : pourquoi pas ? Mais
à condition que l'on puisse en effet inciter à prendre ces initiatives.
Parce que je crois qu'il faut donner plus de visibilité à ce qui se fait déjà
et à ce que nous allons devoir faire, parce qu'il me semble indispensable
d'associer les parlements à ce travail, je serais assez encline à soutenir
votre idée d'un travail commun entre les parlements nationaux et le Parlement
européen sur cette question.
Je vais réfléchir à la meilleure manière d'y parvenir. Lorqu'on n'a pas la
présidence de l'Union européenne, c'est un peu délicat. Mais je soulèverai
cette question lors des entretiens bilatéraux que j'aurai avec mon homologue du
pays exerçant la présidence de l'Union européenne - je l'ai déjà fait avec mon
collègue britannique - afin que puissent être envisagés les mécanismes
permettant de continuer à avancer.
En effet, je crois comme vous que, tant que le travail sur ces questions
restera le fait d'experts, nonobstant les progrès concrets qui pourront être
réalisés, manqueront toujours, me semble-t-il, l'impulsion politique et surtout
la visibilité absolument nécessaire à ce type d'action.
En conclusion, je tiens à vous remercier une nouvelle fois, monsieur Fauchon,
de nous avoir permis de débattre sur ce très important sujet.
(Applaudissements.)
M. le président.
Le débat est clos.
9
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Louis Minetti, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart,
Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Jean Derian, Michel Duffour, Guy
Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Robert Pagès, Jack
Ralite, Ivan Renar, Mme Odette Terrade et M. Paul Vergès une proposition de loi
tendant à créer les conditions permettant d'établir un taux de pension de
retraite équivalent à 75 % du salaire minimum de croissance aux agriculteurs
affiliés au régime agricole.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 52, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
10
DÉPÔT D'UN AVIS
M. le président.
J'ai reçu de M. Jacques Bimbenet un avis présenté au nom de la commission des
affaires sociales sur le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale,
relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi
qu'à la protection des mineurs victimes (n° 11, 1997-1998).
L'avis sera imprimé sous le numéro 51 et distribué.
11
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mardi 28 octobre 1997 :
A neuf heures trente :
1. Questions orales sans débat suivantes :
I. - M. Gérard Delfau interpelle Mme le garde des sceaux, ministre de la
justice, sur la situation préoccupante des juridictions du département de
l'Hérault et sur le mouvement de protestation et de grève qu'elle a suscité.
Plusieurs faits l'expliquent : la forte croissance démographique observée
depuis le recensement de 1982, a provoqué la multiplication des plaintes. Le
développement touristique du littoral y a ajouté les procédures liées à une
augmentation considérable des accidents de la route et au contentieux de
l'urbanisme. Enfin, les transits de population et l'éclatement des cadres de
vie urbains et ruraux ont favorisé les transgressions de la norme. De récentes
statistiques montrent des taux de délinquance et de crimes de sang supérieurs à
la moyenne nationale, en liaison avec le haut niveau de chômage qui caractérise
le Languedoc-Roussillon.
Or les créations de postes n'ont pas suivi la même courbe ascendante. Aussi,
les efforts courageux des magistrats et des personnels du greffe n'ont pu
enrayer cette spirale. Le contentieux civil, par exemple, a doublé : de 4 261
dossiers en 1986, il est passé à 8 471 en 1996, mais l'effectif des magistrats,
lui, est resté identique à celui de 1984. A cela s'ajoute le fait que le jeu
des mutations et changements d'affectation fait passer le nombre de magistrats
de 16 à 11,5 postes entre juin et octobre. C'est cette brutale aggravation qui
est à l'origine de la grève du barreau. Pour leur part, les juges réunis en
assemblée générale constatent dans une motion : « Nous sommes au-dessous de
l'effectif dont disposait le tribunal de grande instance il y a quinze ans
alors que, dans le même temps, le volume d'activité a plus que doublé. »
Il sait que des mesures sont en préparation dans les services pour compenser,
au moins en partie, ces carences, et il l'en remercie. Mais, au-delà, il
voudrait connaître les intentions du Gouvernement pour commencer à corriger une
inégalité choquante entre les moyens dont dispose cette juridiction et d'autres
infiniment mieux pourvues. Il avait posé la même question, il y a quelques
mois, au précédent gouvernement, mais la crise qui vient de secouer le tribunal
et la cour d'appel de Montpellier montre qu'il y a urgence. (N° 58.)
II. - M. Louis Minetti attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture
et de la pêche sur les nombreuses difficultés rencontrées par les producteurs
français de fruits et légumes en général, par ceux des Bouches-du-Rhône en
particulier.
Courant juillet, lors d'une visite au ministre de l'agriculture, avec d'autres
parlementaires communistes, il avait suggéré de prendre des mesures d'aide
immédiates et à court terme pour les producteurs en difficulté. L'accord sur
ces propositions avait été obtenu. Quelles suites ont été données à ces
propositions ?
Pour l'hiver 1997 et le printemps-été 1998, quelles sont les mesures
envisagées pour moraliser le commerce des fruits et légumes intracommunautaire,
de la zone de l'hémisphère Nord et surtout de l'hémisphère Sud ? Dans ce
domaine aussi, il a fait des propositions concrètes.
D'une réponse précise à ces questions dépend une bonne tenue du marché au
printemps et à l'été 1998. (N° 27.)
III. - M. André Egu demande à Mme le ministre de la culture et de la
communication quelles sont les perspectives de publication des décrets
d'application de la loi n° 97-179 du 28 février 1997 relative à l'instruction
des autorisations de travaux dans le champ de visibilité des édifices classés
ou inscrits et dans les secteurs sauvegardés.
Cette loi, qui a été votée à l'unanimité au Sénat, sera-t-elle limitée aux
seuls permis de construire ou s'appliquera-t-elle aussi aux autorisations
d'aménagements et aux permis de démolir, conformément aux souhaits du
législateur ?
Par ailleurs, la composition des commissions du patrimoine et des sites
sera-t-elle calquée sur la composition des anciennes commissions régionales du
patrimoine historique, archéologique et ethnologique, les COREPHAE ? Quelles
seront leurs attributions précises ? Auront-elles un rôle de structure de
conseil en amont ou bien conserveront-elles les compétences actuellement
dévolues aux collèges régionaux du patrimoine et des sites et aux COREPHAE,
comme le suggère le texte voté par le Parlement ?
Il appartient au Gouvernement d'apporter des réponses précises et rapides à
ces questions. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui faire part de
ses intentions. (N° 73.)
IV. - M. François Gerbaud appelle l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur les conséquences de la
non-privatisation du groupe Air France sur l'avenir du pavillon français.
Il lui rappelle que, par cette décision, trois points fondamentaux pour
l'avenir du transport aérien français restent en suspens : l'avenir du groupe
Air France, tout d'abord, qui doit répondre à quatre objectifs principaux, à
savoir : l'affrontement d'une nouvelle concurrence, la dynamisation de l'offre
commerciale, la poursuite du redressement financier et la création d'alliances
internationales ; le développement de Roissy, ensuite, qui ne peut assurer
pleinement son rôle de plate-forme européenne sans ses deux pistes
supplémentaires ; la mise en oeuvre du schéma aéroportuaire, enfin qui a été
acté dans la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement
et le développement du territoire, notamment par l'utilisation plus rationnelle
des aéroports existants.
Il lui demande de bien vouloir lui préciser quelle politique il entend mener
pour le transport aérien français. (N° 30.)
V. - M. Bernard Barraux appelle l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur les problèmes que rencontre le
département de l'Allier, notamment pour l'aménagement de la route Centre Europe
Atlantique et la route nationale 7. Ces deux axes, étant aujourd'hui totalement
inadaptés à la circulation qu'ils supportent, font en effet l'objet
d'aménagements en voie express, mais le rythme de réalisation reste très
insuffisant par rapport aux besoins.
Pour la route Centre Europe-Atlantique, l'aménagement en voie express a été
déclaré d'utilité publique par décret du 4 février 1993 pour la section A 71 -
A 20 et par décret du 17 mars 1995 pour la section A 71 - Paray-le-Monial.
Les travaux prévus au cours de la période 1994-1998 dans les contrats de plan
Etat-région ne permettront même pas de réaliser une seule chaussée sur les deux
prévues sur la section Dompierre - Besbre - Digoin puisqu'un crédit
complémentaire de 250 millions de francs sera encore nécessaire au titre du
XIIe Plan.
Il lui demande de bien vouloir lui préciser le mode de réalisation et le
calendrier envisagé permettant de répondre à ces besoins d'aménagement dans un
délai n'excédant pas une dizaine d'années, tout en écartant un financement
faisant appel aux collectivités locales. Il lui paraît en effet anormal que les
collectivités locales participent au financement de ces aménagements de routes
nationales qui relèvent de la seule compétence de l'Etat.
Pour la route nationale 7, l'aménagement à deux fois deux voies a été déclaré
d'utilité publique entre Cosne-sur-Loire et Balbigny par décret du 20 septembre
1995.
Il lui indique que le retard pris est extrêmement important et que
l'insécurité routière entre La Palisse et la limite de la Loire, en
particulier, y est insupportable. On y dénombre, en effet, en cinq ans, sur une
douzaine de kilomètres, environ soixante accidents corporels ayant fait vingt
morts.
Il lui demande, en conséquence, si le Gouvernement envisage de réaliser
d'urgence le contournement de La Palisse - Saint-Prix et la section entre
Saint-Prix et la limite avec le département de la Loire.
Il lui précise qu'il conviendrait également d'établir un calendrier de
réalisation de l'ensemble des aménagements et d'ajouter au programme déjà
décidé les contournements de Villeneuve-sur-Allier et de Bessay-sur-Allier,
afin que ces deux petites agglomérations ne constituent pas après la mise en
service de l'autoroute en construction au nord de Cosne-sur-Loire des points
noirs en matière de sécurité routière et de nuisance aux riverains. (N° 54.)
VI. - M. Jacques de Menou alerte M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement sur la nécessité de développer le transport combiné
rail-route, essentiel pour désenclaver la Bretagne. Aujourd'hui, en effet, le
problème de l'éloignement ne se mesure plus seulement en termes de distance
mais de temps. Seul un axe européen Ouest - Est au départ du pôle de Brest
pourrait encourager la vocation européenne des départements bretons et placer
leurs produits à moins de douze heures du marché communautaire, leur permettant
ainsi de rester compétitifs en Europe.
Depuis que le débat est ouvert, la Bretagne a toujours été écartée des
cartes-simulations du réseau multimodal, la frontière Ouest s'arrêtant à Rennes
et à Nantes. Or, il semble impossible que Brest, doté d'un aéroport
international, d'un port de commerce dynamique et d'une passerelle Ro-Ro soit
en marge de cette chance de développement que constitue le transport
multimodal.
Le gouvernement précédent s'était déclaré favorable aux intérêts de la
Bretagne et de la plate-forme de Brest.
Il souhaite savoir si des mesures en faveur d'un tel développement multimodal
au départ de Brest seront prises. (N° 55.)
VII. - M. Xavier Dugoin appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement,
des transports et du logement sur le report, en 1998, des travaux de revêtement
de la chaussée de l'autoroute A 6, située entre les communes de Wissous et de
Morangis.
A défaut de la construction d'un mur antibruit - réclamée depuis de
nombreuses années - ces travaux de revêtement, initialement programmés sur les
années 1997, 1998, 1999, devaient permettre de réduire les nuisances sonores
subies par les habitants des communes longeant cet axe autoroutier.
En conséquence, il lui demande de bien vouloir préciser le nouveau calendrier
des travaux de revêtement et de la construction du mur antibruit. (N° 59.)
VIII. - M. Paul Loridant souhaite attirer l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur le retard intolérable pris dans
la réalisation des travaux d'isolation phonique sur l'autoroute A 6, à hauteur
de la commune de Chilly-Mazarin.
Depuis plus de dix ans, les élus et les citoyens de Chilly-Mazarin se battent
pour obtenir des travaux de protection phonique afin de réduire les nuisances
sonores liées au flux important de véhicules. La situation est réellement
préoccupante lorsque l'on sait que Chilly-Mazarin, commune de près de 20 000
habitants, détient un record de France dont elle se passerait bien volontiers,
celui de la plus forte fréquentation autoroutière. En effet le trafic peut,
lors de pointes, atteindre le chiffre de 160 000 véhicules par jour et
provoquer des nuisances insoutenables pour les riverains.
Les élus de cette commune ont à plusieurs reprises entamé des actions en vue
d'obtenir une aide de l'Etat. Au total ce sont près de 4 délibérations
successivement votées en 1987, 1993, 1995 et 1996 pour demander ces travaux
plus que nécessaires à l'amélioration des conditions de vie des riverains de
cet axe routier, 63 interventions écrites faites au responsable de l'Etat, 12
questions posées par des parlementaires et 49 réponses officielles
reconnaissant le caractère prioritaire de ces travaux.
L'Etat, par l'intermédiaire du préfet de région a, dans un premier temps,
informé le maire de Chilly-Mazarin que l'opération ne pouvait être réalisée
dans le cadre du contrat de plan Etat-région 1994-1998. Face à la mobilisation
des élus des communes concernées, le préfet de région avait pris des
engagements pour la réalisation d'un revêtement drainant sur les deux voies de
l'A 6 financé sur les crédits d'entretien routier du département de l'Essonne,
l'installation d'un mur antibruit pris en charge dans l'actuel XIe Plan, par le
jeu d'un redéploiement de crédits sans doute possible compte tenu du retard des
opérations Val-de-Marne, soit dans le futur contrat de plan, et enfin le
remboursement des travaux d'isolation phonique pour les habitants les plus
exposés qui, malgré les mesures précédentes, ont encore un taux de décibels
supérieur à soixante-cinq.
Malgré des assurances données par les responsables de la direction
départementale de l'équipement que les travaux de revêtement auraient bien lieu
en septembre 1997, le maire de Chilly-Mazarin s'est vu informé d'un report d'un
an de ce projet au motif que le marché n'a pu être signé, l'entreprise retenue
n'ayant pu satisfaire aux exigences du marché, selon la DDE.
Face à cette situation incompréhensible et à l'urgence de ce dossier qui n'a
que trop traîné, il lui demande de préciser les mesures qu'il compte prendre
afin d'accélérer la réalisation des travaux d'isolation phonique auxquels les
habitants de cette commune ont légitimement droit. (N° 69.)
IX. - M. Jean-Paul Delevoye appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à
l'industrie sur les conditions de mise en oeuvre des articles L. 47 et L. 48 du
code des postes et télécommunications par le décret n° 97-683 du 30 mai 1997,
en ce qui concerne les droits de passage sur le domaine public routier. Se pose
en particulier le problème du montant de la redevance maximale annuelle que les
communes seront autorisées à demander aux différents opérateurs à partir du 1er
janvier 1998, et des éléments techniques qui ont conduit à la fixation de ce
montant, soit 15 centimes par mètre linéaire.
En effet, ce montant très faible a été fortement minoré par rapport aux
estimations initiales, de l'ordre de 1 franc par mètre linéaire, et cela sans
qu'aucune explication n'ait été donnée aux communes. Dans le même temps, le
montant des redevances pour l'occupation des autoroutes est resté identique aux
estimations initiales, soit 10 francs et 20 francs par mètre linéaire. D'autre
part, la notion d'« artère » introduite par le décret en droit français, en
matière de calcul de cette redevance, reste insuffisamment précise et sujette à
interprétation. Elle mérite donc d'être une bonne fois pour toutes précisée.
Enfin, l'instauration d'une autorisation tacite d'occupation du domaine
public en l'absence d'une réponse de la collectivité territoriale concernée
dans le délai de deux mois, quelle que soit la taille de celle-ci, pose avec
acuité le problème de la préservation de l'intégrité du domaine public.
Il lui demande donc de bien vouloir lui répondre avec précision sur les deux
premiers points et de lui indiquer les perspectives de son action sur le
troisième point, ainsi que sur la nécessaire concertation avec les
collectivités locales. (N° 35.)
X. - Mme Danièle Pourtaud rappelle à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie que
le projet de loi de finances pour 1998 prévoit que la taxe intérieure sur les
produits pétroliers sera uniformément relevée de 8 centimes le litre, quel que
soit le carburant, essence ou gazole.
L'arbitrage qui a été récemment rendu n'a donc pas tenu compte des
inquiétudes légitimes suscitées par la responsabilité du gazole dans la
pollution atmosphérique et les conséquences de celle-ci sur la santé publique.
Les rapports se succèdent qui établissent clairement la gravité du risque
sanitaire que fait courir le gazole. Dans les grandes villes, le nombre annuel
de décès prématurés attribuables à la pollution d'origine automobile est estimé
autour de 870 pour la mortalité associée aux particules. Par ailleurs, pour
Paris et la petite couronne, les chercheurs ont évalué à hauteur de 1 milliard
de francs par an le coût médico-social lié aux particules fines essentiellement
produites par les moteurs diesel.
Aujourd'hui, près d'une voitures sur deux vendue en France est désormais
équipée d'un moteur diesel. Le régime de taxation privilégié dont bénéficie le
diesel par rapport aux autres carburants n'est certainement pas étranger à ce
succès.
Un rééquilibrage de la fiscalité au profit des carburants les moins
polluants, dès le budget 1998, serait un signe fort pour les Français, et
notamment les Parisiens qui jugent que la lutte contre la pollution est une
priorité.
Après les pics de pollution enregistrés en particulier à Paris cet été et
dans le courant du mois de septembre où le seuil symbolique du niveau deux fut
plusieurs fois atteint, elle considère que ce serait une erreur de sous-estimer
à la fois la réalité des risques que nous courons à continuer d'encourager le
diesel et l'ampleur de la prise de conscience des Français quant à ce problème
majeur dans les grandes métropoles.
Elle lui demande de préciser la politique du Gouvernement dans ce domaine et,
en particulier, de dire si, à défaut de taxer le diesel, le Gouvernement
envisage d'aider au développement des carburants non polluants. (N° 41.)
XI. - M. Christian Demuynck attire l'attention de M. le ministre de
l'intérieur sur les conséquences des régularisations d'étrangers en situation
irrégulière prévues par la circulaire du 24 juin 1997. Peu avant la parution de
ce texte, le Gouvernement avançait le chiffre de 10 000 à 40 000 étrangers qui
pouvaient être concernés par cette mesure. Mais le 27 septembre dernier, le
ministre de l'intérieur déclarait que 110 000 étrangers avaient déjà demandé à
être régularisés. Cette circulaire et l'annonce de la modification des lois
Pasqua et Debré vont conforter à l'étranger l'idée que la France est à nouveau
ouverte à une immigration non maîtrisée. Elles vont inévitablement avoir pour
conséquence une hausse de l'immigration irrégulière et un développement des
réseaux d'acheminement des clandestins.
Enfin, elles provoqueront un afflux supplémentaire de demandes de logements
et d'emplois. On peut légitimement se demander comment notre pays sera en
mesure de répondre à de nouveaux besoins locatifs et comment sera supporté
socialement et économiquement un surcroît de candidats sur le marché du
travail.
Il lui demande, d'une part, si le Gouvernement a fait une étude détaillée sur
les répercussions de ces régularisations en matière sociale, de logement,
d'emploi et s'il est prévu d'aider les collectivités qui devront supporter les
décisions du Gouvernement en accueillant des nouveaux immigrés. Il lui demande,
d'autre part, s'il peut lui communiquer le nombre exact de dossiers déjà
traités ainsi que le pourcentage de réponses positives. (N° 6
rectifié
.)
XII. - M. Gilbert Chabroux attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur
sur les difficultés d'indemnisation rencontrées par certaines victimes
d'attentat.
La loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le
terrorisme est venue améliorer le dispositif d'indemnisation des victimes en
reconnaissant le principe d'un droit à réparation intégrale des préjudices
corporels subis. Ainsi, la loi prévoit qu'en cas d'infractions « en relation
avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler
gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur », les victimes
seront indemnisées par le fonds de garantie suivant le principe de la
réparation intégrale pour l'ensemble de leurs préjudices corporels que ceux-ci
soient patrimoniaux ou personnels.
Cependant, la loi se tait sur un point qui peut être essentiel pour une
catégorie de victimes. En effet, si une personne peut subir, lors d'un tel
acte, un préjudice corporel souvent dramatique, il peut également y avoir un
préjudice matériel qui, dans certains cas, est conséquent. Ce peut être le cas
notamment de propriétaires d'un véhicule assuré au tiers, soufflé par
l'explosion, ou le cas de personnes qui doivent abandonner leur logement et ont
à assumer les frais d'hôtel.
Le législateur, considérant que les contrats d'assurance civile couvrent
normalement ces dommages, a évacué cette question. Or, on a pu relever un
certain nombre de situations où les assurances ne prenaient pas en charge la
totalité du préjudice matériel subi.
C'est le cas pour sept personnes, sur les soixante-seize victimes de
l'attentat de Villeurbanne perpétré le 7 septembre 1995. Le montant du
préjudice non indemnisé s'élève à 214 181 francs. La multiplication des
démarches auprès de l'Etat et des compagnies d'assurances n'a pas permis
d'avancer sur ce point, à l'exception de la solidarité manifestée par la
municipalité de Villeurbanne et certaines assurances allant au-delà des limites
des contrats initiaux.
Le traumatisme subi par ces victimes d'attentats terroristes est lourd et
réel. Les personnes ont le sentiment d'avoir tout perdu.
L'Etat peut-il les laisser se considérer comme les payeurs d'une nouvelle
forme de guerre, alors que c'est indéniablement au fondement de la République
que les terroristes s'attaquent ?
Pouvons-nous accepter que certains de nos concitoyens soient abandonnés de la
solidarité nationale ?
Une modification de la loi de 1986 semble tant opportune qu'urgente, afin de
venir en aide à ceux qui se sentent les laissés pour compte du fonds de
garantie, et permettre de prévenir d'éventuelles situations similaires dans
l'avenir. En attendant cette modification, il souhaite que le Gouvernement
réexamine la situation de ces sept victimes de l'attentat terroriste du 7
septembre 1995 et que des solutions soient trouvées pour permettre une
indemnisation intégrale des préjudices qu'elles ont subis. (N° 23.)
XIII. - M. René Marquès appelle l'attention de M. le ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur un projet de
décret organisant la carrière des directeurs généraux et des directeurs
généraux adjoints des conseils régionaux et généraux ayant reçu, en décembre
1996, un avis favorable du Conseil supérieur de la fonction publique
territoriale.
Le texte, transmis au Conseil d'Etat en janvier 1997, est encore, à ce jour,
entre les mains de cette haute juridiction.
Or, dans cette attente, les directeurs généraux et les directeurs généraux
adjoints des conseils généraux demeurent sans statut ni carrière, alors que les
fonctions qu'ils occupent les soumettent à de lourdes responsabilités
juridiques et financières.
La publication du décret organisant leurs emplois devient donc urgente.
Il lui demande de bien vouloir lui préciser la date prévisible de parution de
ce texte ainsi que les raisons qui pourraient éventuellement s'opposer à cette
parution. (N° 67.)
XIV. - M. Jean-Pierre Fourcade attire l'attention de Mme le ministre de
l'emploi et de la solidarité sur la situation des caisses primaires d'assurance
maladie en cas de fermeture d'établissements sanitaires déficitaires et
financés par le système du prix de journée.
La réglementation prévoit, en effet, que sont inclus dans le prix de journée
l'ensemble des charges d'exploitation y compris les déficits antérieurs et le
coût des plans sociaux : indemnités de licenciement, de préavis, de congés
payés. Or, ces dispositions peuvent aboutir à la prise en charge par les
caisses de sommes exorbitantes. Ainsi a-t-on pu voir, pour un établissement des
Hauts-de-Seine, la détermination d'un prix de journée de plus de 410 000
francs, afin de résorber un déficit de près de 4,5 millions de francs.
Il lui demande en conséquence si la participation des caisses primaires
d'assurance maladie à la commission exécutive de l'agence régionale de
l'hospitalisation ne pourrait pas permettre à celle-ci d'intervenir au-delà du
simple rôle de « payeur » dans lequel elles risquent d'être cantonnées.
Par ailleurs, il lui demande comment la prise en charge des plans sociaux par
les caisses primaires d'assurance maladie en cas de fermeture d'établissements
peut être conciliée avec le respect des objectifs assignés en matière de
dépenses hospitalières. (N° 15.)
XV. - M. Jean Bizet attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité sur l'inquiétude de nombreux chefs d'entreprise soucieux du montant
des charges afférentes aux plus bas salaires.
Ces industriels voudraient voir appliquer les dispositions du « plan textile
» à l'ensemble des industries de main-d'oeuvre, seule solution à leur avis pour
permettre la création d'emplois dans la conjoncture de plus en plus ouverte à
l'international.
Il n'ignore pas les efforts qui ont été faits par le gouvernement précédent,
efforts qui auront permis de réduire de 13 % le coût du travail rémunéré au
niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance SMIC, en diminuant
les charges sur les bas salaires.
Il lui semble important de poursuivre en ce sens afin d'inciter les chefs
d'entreprise à favoriser une politique de recrutement capable de générer des
emplois à long terme et se demande si l'on ne pourrait pas imaginer adapter
cette mesure au projet de création de 350 000 emplois dans le secteur privé.
Il lui demande si cette décision ne permettrait pas d'affirmer que le souhait
du Gouvernement est bien de favoriser l'emploi tout en respectant la logique
économique la plus élémentaire. (N° 42.)
XVI. - Mme Danielle Bidard-Reydet attire l'attention de M. le Premier ministre
sur les préoccupations des habitants vivant dans la cité des Courtillières à
Pantin.
En effet, les actes de vandalisme répétés dans un laps de temps court dans
une école de ce quartier ont eu pour effet d'accroître un climat de grande
tension chez les habitants et les personnels de l'éducation nationale qui ne
supportent plus d'être les victimes de cette violence.
Ce quartier de Pantin est classé en « zone urbaine sensible » car il cumule
un certain nombre de difficultés liées à la situation de précarité et de
chômage de nombreuses familles.
L'échec scolaire est important. La violence, l'insécurité et la dégradation
des bâtiments publics sont fréquents.
Les élus, les associations, les partenaires sociaux, les habitants n'ont
cessé d'alerter les pouvoirs publics depuis plusieurs années sur la
détérioration des conditions de vie dans ce quartier.
A leur initiative, des actions ont été menées pour exiger des services
publics de qualité et en nombre suffisant : une école répondant non seulement
aux normes administratives, mais surtout aux besoins réels des enfants de la
maternelle au collège, un poste de police avec un personnel présent 24 heures
sur 24, un bureau de poste et une agence EDF.
La population des Courtillières veut rompre son isolement, obtenir une
réhabilitation lourde des bâtiments dégradés de la SEMIDEP, recréer des liens
sociaux, de solidarité et d'humanité dans son quartier.
Compte tenu de l'urgence de la situation actuelle des Courtillières, elle lui
demande de satisfaire les mesures concrètes souhaitées par la population pour
l'avenir de ce quartier. (N° 50.)
XVII. - Mme Dinah Derycke appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi
et de la solidarité sur les fortes disparités qui marquent la mise en place de
la prestation spécifique dépendance dans des conditions différentes selon les
départements. Aujourd'hui, dans le département du Nord, la durée d'instruction
du dossier est d'environ une année alors que la loi prévoit un délai de
quarante jours suivant la date du dépôt du dossier complet. On sait que cette
prestation d'aide sociale qui est gérée par les départements va inéluctablement
accroître l'inégalité de traitement des personnes sur le territoire national.
Il ne faudrait pas que les disparités de traitement des dossiers viennent
renforcer cette inégalité de traitement. De plus, il n'est pas acceptable que
des personnes fortement dépendantes restent un an sans prestation.
En conséquence, elle lui demande de bien vouloir préciser les mesures qu'elle
entend prendre afin de remédier à cette situation. (N° 65.)
XVIII. - M. Jacques Valade rappelle à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité que la prise en charge des autistes dans notre pays pose différents
problèmes, tant sur l'adaptation des structures nécessaires que sur
l'incertitude des modes d'accueil et surtout sur leur nombre.
Il convient pourtant d'offrir aux autistes, jeunes, adolescents et adultes,
la possibilité d'un droit à une vie digne, à un certain niveau d'éducation et
de leur fournir les moyens d'accéder à la meilleure autonomie humaine et
sociale possible. Un certain nombre de places dans des établissements
spécialisés a été créé depuis 1995, mais il est trop faible et il y a encore
beaucoup d'exclus.
Un nombre considérable d'adolescents et d'adultes restent dans leur famille,
dans des conditions de vie quotidienne très difficiles, faute d'un lieu
d'accueil convenable en dehors de l'hôpital psychiatrique. Ce type
d'internement est inacceptable aux yeux des parents et des professionnels, il
n'est pas justifié sur le plan médical, il est complètement inadapté à la
spécificité de l'autisme et constitue enfin une démission de notre société à
l'égard de cette catégorie de défavorisés.
Les établissements scolaires ou médico-éducatifs devraient avoir les moyens
financiers nécessaires pour créer des sections spécialisées, des structures de
vie et de travail pour les enfants et les adultes autistes et disposer de
personnels professionnels formés spécifiquement aux problèmes liés à
l'autisme.
En 1996, le Parlement a adopté la proposition de loi tendant à assurer une
prise en charge de l'autisme. Cette étape décisive ne saurait être efficace si
elle n'est assortie de moyens importants et d'une mise en oeuvre d'une
politique volontariste.
Le Gouvernement entend-il mobiliser les moyens nécessaires pour que soit
apportée une réponse concrète aux besoins reconnus par tous et aux attentes
légitimes des milliers de familles concernées ? (N° 71.)
A 16 heures :
2. Discussion du projet de loi (n° 11, 1997-1998), adopté par l'Assemblée
nationale, relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles
ainsi qu'à la protection des mineurs victimes.
Rapport (n° 49, 1997-1998) de M. Charles Jolibois, fait au nom de la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
Avis (n° 51, 1997-1998) de M. Jacques Bimbenet, fait au nom de la commission
des affaires sociales.
Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 27 octobre 1997, à
dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 28 octobre 1997, à dix-sept
heures.
Délais limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur la politique
familiale.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 3 novembre
1997, à dix-sept heures.
Débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur l'agriculture.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 4 novembre
1997, à dix-sept heures.
Résolution de la commission des finances (n° 46, 1997-1998) sur la proposition
de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne le
régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services de
télécommunications (n° E-785).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 5 novembre 1997, à
dix-sept heures.
Conclusion de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Louis
Souvet visant à clarifier les conditions d'accueil des gens du voyage sur le
territoire des communes de plus de 5 000 habitants et la proposition de loi de
M. Philippe Marini relative au stationnement des gens du voyage (n° 283,
1996-1997) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 5 novembre 1997, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures quarante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
M. Gérard César a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 8
(1997-1998) de M. Gérard César et des membres du groupe du Rassemblement pour
la République portant diverses mesures urgentes relatives à l'agriculture.
M. Jean-François Le Grand a été nommé rapporteur de la proposition de
résolution n° 10 (1997-1998) de M. Lucien Lanier sur la proposition de
directive du Conseil relative à l'évaluation des incidences de certains plans
et programmes sur l'environnement (n° E 823).
M. Henri Revol a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n° 34
(1997-1998) de M. Maurice Blin et plusieurs de ses collègues tendant à créer
une commission d'enquête afin de recueillir les éléments relatifs aux
conditions d'élaboration de la politique énergétique de la France et aux
conséquences économiques, sociales et financières des choix effectués.
La
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale
a nommé :
M. Christian Bonnet comme rapporteur sur la proposition de loi n° 435
(1996-1997) de M. Louis Souvet et de plusieurs de ses collègues visant à
empêcher le prosélytisme et le financement des sectes par le biais de
l'organisation des campagnes législatives et abrogeant l'article 11 de la loi
n° 77-808 du 19 juillet 1977 ;
M. Paul Girod comme rapporteur sur la proposition de loi n° 27 (1997-1998),
adoptée par l'Assemblée nationale, relative au fonctionnement des conseils
régionaux ;
M. André Bohl comme rapporteur pour avis sur la proposition de résolution n°
34 (1997-1998), présentée par M. Maurice Blin et plusieurs de ses collègues,
tendant à créer une commission d'enquête afin de recueillir les éléments
relatifs aux conditions d'élaboration de la politique énergétique de la France
et aux conséquences économiques, sociales et financières des choix effectués.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Réforme des fonds structurels européens
91.
- 23 octobre 1997. -
M. Jean-Pierre Raffarin
attire l'attention de M. le ministre délégué chargé des affaires européennes
sur la réforme des Fonds structurels communautaires. La Commission européenne
va formuler dans les prochaines semaines ses propositions pour la réforme des
Fonds structurels pour la période 2000-2006. Il lui demande de lui indiquer les
positions de la France : sur le montant de la politique régionale européenne ;
sur le rapprochement de l'objectif 2 et 5 B ; sur l'introduction de mesures
spécifiques en faveur des régions ultra-périphériques ; sur le nouveau
programme d'initiative communautaire pour la coopération interrégionale.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 23 octobre 1997
SCRUTIN (n° 9)
sur l'ensemble du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale,
déterminant les conditions d'application de l'article 88-3 de la Constitution
relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France
autres que les ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité aux
élections municipales et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19
décembre 1994.
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 316 |
Pour : | 316 |
Contre : | 0 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour :
14.
Abstention :
1. _ M. Paul Loridant.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Paul Vergès.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
22.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour :
93.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jacques Valade, qui présidait la
séance.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Pour :
75.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (59) :
Pour :
58.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
45.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :
Pour :
9.
Ont voté pour
François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis, Cavalier-Benezet
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
William Chervy
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Yvon Collin
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Jean Derian
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
Michel Duffour
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Aubert Garcia
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Serge Lagauche
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
Guy Lèguevaques
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Claude Lise
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Jean Madelain
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
Michel Manet
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Minetti
Gérard Miquel
Louis Moinard
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Robert Pagès
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Jean-Marc Pastor
Michel Pelchat
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Roger Quilliot
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
René Régnault
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Roger Rinchet
Jean-Jacques Robert
Michel Rocard
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Fernand Tardy
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Henri Weber
Abstention
M. Paul Loridant.
N'a pas pris part au vote
M. Paul Vergès.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 318 |
Nombre de suffrages exprimés : | 317 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 159 |
Pour l'adoption : | 317 |
Contre : | 0 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.