M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole, pour explication de vote, à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, vous l'avez déclaré voilà peu, vous avez choisi une attitude d'opposition systématique.
M. Emmanuel Hamel. Pas du tout !
M. Jacques Habert. Oh !
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Voilà une promesse tenue ! L'itinéraire de ce projet de loi en est la démonstration.
M. Philippe Marini. Nous venons de voter l'article 8, initiative du Gouvernement !
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Or, ce qui est systématique n'est pas toujours réfléchi.
Dans cet hémicycle, est souvent évoquée la grande sagesse du Sénat.
M. Denis Badré. A juste titre !
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Nous serions donc en droit d'attendre de notre Haute Assemblée moins de sectarisme et moins d'esprit partisan.
Vidant, une nouvelle fois, ce projet de loi de ses mesures de redressement des finances publiques, mes chers collègues, vous oubliez ainsi la situation laissée par le gouvernement précédent,...
M. Emmanuel Hamel. Vous souvenez-vous du rapport Raynaud ?
Mme Maryse Bergé-Lavigne. ... rappelée par M. le ministre tout à l'heure, situation difficile qui fut sans doute à l'origine de la dissolution et du changement de majorité.
Je la rappelle : augmentation de 80 % de la dette publique en cinq ans ; déficit réduit dans une faible proportion, comparé aux résultats de nos partenaires, et ce malgré l'augmentation de plus de deux points de PIB des prélèvements obligatoires et malgré les recettes de privatisation ; dérapage de l'année 1997, constaté - M. le ministre l'a mentionné tout à l'heure - par l'audit budgétaire et par M. Juppé lui-même, qui éloignait notre pays du critère de 3 %...
Voilà des faits, mes chers collègues ! Il est donc systématique et non réfléchi de votre part de refuser les mesures de redressement prises par le Gouvernement.
Ces mesures sont indispensables pour que la France respecte les conditions du passage à la monnaie unique et pour que soit cassée la spirale infernale déficit-dette.
M. Emmanuel Hamel. C'est Maastricht qui est une spirale infernale !
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Ces mesures équilibrées et justes ne devraient pas contrarier la croissance. L'effet récessif a été limité au minimum : 20 milliards de francs. Cela ne mérite pas les envolées lyriques sur l'asphyxie de l'économie, le découragement de l'initiative ou le matraquage fiscal, surtout de la part de ceux qui n'ont pas hésité, en 1995, à ponctionner plus de 60 milliards de francs sur une consommation déjà hésitante !
Nos entreprises enregistrent globalement des résultats financiers plus que convenables et disposent de capacités d'épargne excédentaires. Il n'est donc pas anormal qu'elles participent à leur tour à l'effort, alors que les ménages n'ont pas été épargnés depuis 1993.
En outre, ces grandes entreprises ne seront-elles pas les premières bénéficiaires de la monnaie unique ? Il est donc normal de leur demander un effort.
Enfin, je voudrais vous dire, monsieur Marini, combien j'ai été choquée par le terme de « mythologie » que vous avez employé pour qualifier les conquêtes du mouvement social rappelées tout à l'heure par M. le ministre.
Vous avez exprimé là du mépris pour le cheminement des travailleurs vers une vie moins pénible que celle qui fut la leur au début de ce siècle, de ces travailleurs qui furent les grands-pères et les grands-mères de certains d'entre nous.
Vos déclarations, monsieur Marini, montrent à quel point vous vivez dans une bulle, à quel point vous êtes coupé des réalités quotidiennes de l'immense majorité des Français !
Dans la vie, il n'y a pas que les banques et les entreprises, monsieur Marini ; il y a tout le reste !
M. Philippe Marini. La caricature est toujours excessive !
Mme Maryse Bergé-Lavigne. C'est sans doute l'oubli de ces réalités qui explique votre échec du mois de juin.
M. Philippe Marini. Vous n'avez jamais été battus à aucune élection ?
Mme Maryse Bergé-Lavigne. La fracture sociale, M. Hamel l'a dit tout à l'heure, cela existe !
M. Emmanuel Hamel. Mettez-y fin !
M. le président. Monsieur Marini et monsieur Hamel, je vous demande de laisser parler Mme Bergé-Lavigne. Vous aurez tout loisir d'expliquer votre vote et de lui répondre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bravo ! monsieur le président.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Le groupe socialiste du Sénat soutient les mesures justes et équilibrées du Gouvernement. Comme elles ont été une nouvelle fois supprimées par une majorité sénatoriale campant sur son opposition systématique, nous confirmons notre vote émis en première lecture (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Je veux relever l'expression « opposition systématique » employée par Mme Bergé-Lavigne. On ne peut en effet pas prétendre que la majorité sénatoriale fait de l'opposition systématique.
Certes, à l'occasion de l'examen du présent projet de loi, il se trouve que notre rapporteur général, dont nous respectons la compétence, et M. Jean Cluzel, en séance, ont proposé la suppression des trois premiers articles. Mais il y en a huit en tout, en particulier l'article 8. Or celui-ci a été voté avec une belle unanimité, puisque M. Marini, d'un côté, et M. Angels, de l'autre, l'ont trouvé judicieux. M. le ministre nous a d'ailleurs remerciés de cette belle entente.
On ne peut donc pas parler, madame le sénateur, d'opposition systématique : nous faisons preuve d'une opposition vigilante, constructive, sélective aussi, comme nous en avons apporté la preuve à l'occasion de la discussion de ce projet de loi.
Quoi qu'il en soit, nous aurons l'occasion de débattre à nouveau de ces questions.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Je m'apprête, bien entendu, à voter le projet de loi, compte tenu des amendements que nous avons retenus.
Les votes qui sont intervenus dans cette enceinte, tant en première lecture qu'en nouvelle lecture, montrent clairement la démarche de cette majorité à laquelle mon groupe appartient. Il s'agit, pour nous, non pas de rejeter par avance, sans examen préalable, sans discussion, les mesures qui nous sont proposées, mais d'être cohérents avec nous-mêmes, de nous efforcer de dégager des lignes claires en matière de politique économique.
Il n'y a naturellement aucune vérité facile et facilement acquise, ni en matière de politique économique, ni en matière de politique sociale, surtout lorsque l'on s'efforce de lutter pour l'emploi, ce qui est le cas - je l'espère avec une égale bonne foi - sur les différentes travées de cet hémicycle.
Les membres de notre majorité - et, parmi eux, les membres du RPR - estiment que, si l'on veut remporter des résultats significatifs en matière de lutte pour l'emploi, il faut d'abord s'appuyer sur une réalité, sur un corps vivant : l'entreprise ;...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il y a aussi les salariés !
M. Philippe Marini. ... et il faut savoir que tout ce qui démotive l'entreprise est mauvais pour l'emploi.
Le rôle de l'Etat est important, naturellement ; mais, pour nous, l'Etat, c'est un garant, ce n'est pas un gérant ; c'est un Etat qui définit les règles du jeu, qui veille à la transparence du marché, qui établit un contexte favorable pour que les activités économiques puissent se développer.
Cela suppose peut-être, de notre part, parfois, sur certains sujets, une autocritique à propos des dispositions que nous avons pu approuver hier par solidarité politique toute naturelle. Cependant, dans la phase d'opposition dans laquelle nous nous trouvons, il faut certainement faire preuve d'esprit d'anticipation et s'interroger sur la politique cohérente, raisonnable et continue qu'il faudrait, à notre avis, adopter pour que notre pays fasse des progrès, pour que ne s'y entretienne pas une ambiance morose et pour que ne s'y décourage pas l'esprit d'entreprise, ce qui, à notre avis, est en train de se produire.
Il faut éviter de voir nos meilleurs éléments, nos jeunes, la « matière grise », partir ailleurs, là où l'ambiance serait plus dynamique et plus propice à la réalisation de progrès et à l'obtention de succès dans la compétition internationale.
Bien entendu, tout cela ne nous conduit pas à négliger la nécessité d'un équilibre social, qui doit être constamment présente à nos esprits.
Mais, s'il faut résumer d'un mot le clivage profond qui apparaît entre les thèses de la gauche et celles de l'opposition, ce mot est bien celui d'entreprise.
Or, la conception que nous avons de la liberté d'entreprendre, de la libre négociation au sein de l'entreprise, est une conception qui diffère des approches fiscales, régaliennes, étatiques, qui continuent de caractériser la politique gouvernementale et qui, je persiste à le dire, nous placeront progressivement en marge d'une compétition que nous avons acceptée, toutes et tous, que nous avons même appelée de nos voeux, au sein d'une Europe que nous devrons assumer puisqu'elle est en train de se faire, par-delà les majorités successives.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour l'ensemble de ces raisons, je voterai, je le répète, le texte issu de cette nouvelle lecture devant la Haute Assemblée.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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