SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Candidature à un organisme extraparlementaire
(p.
1
).
3.
Candidatures à une commission mixte paritaire
(p.
2
).
4.
Réforme du service national.
- Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture (p.
3
).
Discussion générale : MM. Alain Richard, ministre de la défense ; Serge Vinçon,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées ; Claude Estier, Jean-Luc Bécart, Jacques Habert.
Clôture de la discussion générale.
Question préalable (p. 4 )
Motion n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces
armées ; le ministre, Alain Pluchet. - Adoption de la motion entraînant le
rejet du projet de loi.
5.
Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire
(p.
5
).
6.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
6
).
Suspension et reprise de la séance (p. 7 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
7.
Mesures urgentes à caractère fiscal et financier.
- Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture (p.
8
).
Discussion générale : MM. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie ; Jean Cluzel, en remplacement de M. Alain Lambert,
rapporteur de la commission des finances ; Mme Marie-Claude Beaudeau.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 9 )
M. Philippe Marini.
Amendement n° 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Christian
Poncelet, président de la commission des finances. - Adoption de l'amendement
supprimant l'article.
Article 2 (p. 10 )
MM. Philippe Marini, le ministre.
Amendement n° 3 de la commission. - M. le rapporteur. - Adoption de
l'amendement supprimant l'article.
Article 3 (p. 11 )
Amendement n° 4 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 5 bis (supprimé) (p. 12 )
Amendement n° 5 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Article 7 (supprimé) (p. 13 )
Amendement n° 1 rectifié de M. Marini. - MM. Philippe Marini, le rapporteur, le
président de la commission, le ministre. - Retrait.
L'article demeure supprimé.
Article 8 (p. 14 )
MM. Philippe Marini, Bernard Angels, le rapporteur, le ministre.
Adoption de l'article.
Vote sur l'ensemble (p. 15 )
Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jacques Habert, Philippe Marini.
Adoption du projet de loi.
8.
Communication de l'adoption définitive de propositions d'acte communautaire
(p.
16
).
9.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
17
).
10.
Dépôt de rapports
(p.
18
).
11.
Ordre du jour
(p.
19
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
CANDIDATURE
À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à sièger au sein de la
commission supérieure du service public des postes et télécommunications, en
remplacement de M. Jean-Marie Rausch, démissionnaire.
La commission des affaires économiques et du Plan propose la candidature de M.
Georges Berchet.
Cette candidature a été affichée. Elle sera ratifiée si la présidence n'a reçu
aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
3
CANDIDATURES À UNE COMMISSION MIXTE
PARITAIRE
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de
vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission
mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion du projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures
marines.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à
désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour à M. le président de l'Assemblée nationale une demande
tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute
considération.
« Signé : Lionel Jospin »
J'informe le Sénat que la commission des affaires économiques et du Plan m'a
fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle
présente à cette commission mixte paritaire.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission
mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
4
RÉFORME DU SERVICE NATIONAL
Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n°
30, 1997-1998), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, portant réforme du service national. [Rapport n° 35 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, le texte qui est aujourd'hui soumis à votre examen représente à mon
sens une synthèse équilibrée des propositions du Gouvernement et de la volonté
de la représentation nationale.
La volonté du Gouvernement était d'inscrire ce projet de loi dans une logique
d'enracinement d'un nouveau consensus national sur les réformes militaires en
cours.
Ce texte est un tout, incluant les contraintes d'une professionnalisation
maintenant généralement acceptée ainsi que le maintien du lien armées-nation,
que tout le monde appelle de ses voeux, et l'assurance demandée par tous d'un
possible rétablissement de l'appel sous les drapeaux si la sécurité du pays
venait à l'exiger.
Ce consensus sur les buts a, je le crois, existé depuis le début du débat. Il
restait à le forger autour des moyens pour y parvenir. Les débats, tant ici, au
Sénat, qu'à l'Assemblée nationale, ont témoigné d'une volonté partagée
d'atteindre cet objectif. Les préoccupations des deux assemblées, prenant en
compte des sensibilités politiques diverses, se sont rejointes sur de nombreux
aspects du texte que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui.
L'Assemblée nationale a souhaité revenir à une lecture proche de son texte
initial, mais elle l'a fait sous l'éclairage constructif de vos travaux, en
incluant diverses dispositions qui s'inscrivaient dans un ensemble jugé
cohérent par elle.
Certaines propositions du Sénat, aussi argumentées et intéressantes qu'elles
aient pu être, pouvaient affecter la logique interne du texte : ce sont celles
que l'Assemblée nationale n'a pas retenues ; en revanche, d'autres propositions
qui affinaient et, il faut le dire, amélioraient le dispositif présenté en
première lecture l'ont été.
J'en donne rapidement le détail.
Le débat sur le chapitre III, traitant du recensement, a maintenu en l'état
l'amendement de votre commission atténuant la sanction pour non-accomplissement
de l'obligation de recensement. Les députés ont été convaincus par cette
proposition du Sénat.
Les souhaits du Sénat ont rejoint également ceux de l'Assemblée nationale avec
la proposition faite au cours des débats d'élaborer un nouveau protocole entre
la défense et l'éducation nationale.
De même, l'amendement de votre collègue M. Delanoë, permettant l'enseignement
à l'école des principes et de l'organisation de la politique européenne de
sécurité commune, a été repris dans le nouveau texte de l'Assemblée nationale.
Il en a été de même, de façon littérale cette fois, pour la désignation de cet
objectif de formation.
Les députés ont en outre suivi votre proposition de consultation du Conseil
supérieur des Français de l'étranger pour les modalités d'application de
l'enseignement de défense et de l'appel de préparation à la défense pour les
jeunes Français établis hors de France.
En revanche, la divergence n'a pas été aplanie en ce qui concerne l'intitulé
de la journée de convocation de défense ; nous nous sommes expliqués, je crois,
sur les motifs de cette différence d'appréciation sur les termes qui ont un
retentissement sur le fond de ce dispositif.
Quant au principe du suivi médical, véritable problème qui a été soulevé avec
insistance par le Sénat, il méritait effectivement d'être débattu. Toutefois,
l'Assemblée nationale comme le Gouvernement ont estimé qu'il n'était pas
opportun de trancher aujourd'hui ce débat par la loi. Le Gouvernement a le
problème parfaitement présent à l'esprit. Des pistes de réflexion comme la
prise en compte par la médecine scolaire ou une coordination entre la médecine
scolaire et les généralistes engagés dans le principe du médecin référent sont
à l'étude.
La solution, qui est naturellement interministérielle, devra être trouvée sans
la précipation due à l'urgence qui entoure les travaux législatifs. Je souhaite
pouvoir annoncer au Sénat, dans les mois qui viennent, qu'une solution a été
retenue par le Gouvernement.
A propos du débat sur le volontariat, qui faisait effectivement apparaître une
divergence entre les conceptions défendues dans chacune des assemblées, je
voudrais réaffirmer ceci : à partir du moment où le Gouvernement souhaite
permettre aux jeunes de s'insérer professionnellement en leur offrant un statut
social, il n'apparaissait plus possible de ménager, au sein des formations
militaires, un volontariat d'une autre nature. Faiblement rémunéré, celui-ci
risquait d'être à l'origine de décalages de qualité dans le recrutement des
jeunes employés au sein des armées par rapport à ceux qui peuvent être recrutés
par les services de l'administration civile.
Le volontariat que nous préconisons s'adresse à des jeunes qui souhaitent se
consacrer à la défense de notre pays sans pour autant en faire le métier d'une
vie. L'adoption par l'Assemblée nationale de l'amendement de votre commission
soulignant son caractère temporaire montre bien, d'ailleurs, cette
appréciation. Toutefois, en ce qui concerne les conditions de rémunération et
les conditions de durée, l'accord complet n'a pas été possible.
Je tiens enfin à souligner la similitude des approches entre les deux
assemblées sur le difficile dossier des reports et dispenses.
Comme vous le savez, le projet de loi initial du Gouvernement partait du texte
qui avait été approuvé par le Sénat lors du précédent débat législatif. La
modification qu'y a introduite le Gouvernement, après dialogue avec l'Assemblée
nationale, n'a pas rencontré d'opposition de principe devant le Sénat, la
différence portant sur la limitation à deux ans du report en faveur des jeunes
titulaires d'un contrat à durée indéterminée.
A cet égard, je veux indiquer, et je le répéterai devant l'Assemblée
nationale, que le Gouvernement, s'appuyant sur la condition de fond que le
report doit être justifié par les difficultés d'insertion professionnelle du
jeune, considère qu'il n'a rien d'automatique. En outre, les conditions
d'application de ce report seront examinées par une commission régionale. Le
report ne sera en quelque sorte « calibré » qu'en fonction de la situation
spécifique du jeune.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le dernier examen
par le Sénat de ce texte est évidemment un moment important de notre vie
politique. C'est un moment de la vie républicaine où la raison, je crois,
sublime les débats, qui ont pu être, à certains moments, vifs. Le projet de loi
qui vous est soumis représente, à mon sens, un compromis équitable entre les
conceptions de l'ensemble de la représentation nationale et celles du
Gouvernement.
C'est l'essentiel qui doit être souligné. Nous sommes en possession d'un
projet qui a sa cohérence, qui crée un « parcours citoyen » et facilite le
passage à l'armée professionnelle, qui ouvre de nouvelles voies pour développer
le lien armées-nation et qui ouvre la voie à la constitution des nouvelles
réserves en maintenant notre capacité de remonter en puissance les effectifs si
la défense de la nation le justifie. C'est bien l'essentiel, et l'apport du
Sénat dans cette élaboration aura été déterminant.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Vinçon,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, comme le précédent projet de loi portant réforme du service
national, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui induira une véritable
réforme de société. En effet, l'interruption du service national obligatoire,
la professionnalisation et le passage au volontariat seront à l'origine d'un
nouveau rapport de chacun à la défense de son pays et de l'instauration de
relations inédites entre la jeunesse et l'armée.
Une modification aussi profonde de notre culture de défense aurait justifié un
accord entre les deux assemblées.
C'est donc dans cet esprit que nous avons travaillé en première lecture. Nous
avons abordé de manière objective et positive le texte qui nous était soumis,
même si nous regrettions l'abandon du précédent projet, plus complet et plus
ambitieux.
Nous n'avons donc pas, en première lecture, bouleversé le projet de loi qui
nous était soumis ; nous avons cherché à l'améliorer, en cohérence avec les
positions soutenues par le Sénat lors du débat du printemps 1996 sur l'avenir
du service national et à l'occasion de l'examen du précédent projet de loi.
Je vais rappeler brièvement les modifications que le Sénat a adoptées le 7
octobre dernier, sur la proposition de la commission des affaires étrangères,
de la défense et des forces armées.
Nous avons, tout d'abord, adopté une nouvelle définition du service national
rénové, en proposant une autre rédaction de l'article L. 111-2 du futur code du
service national. Celle-ci comportait tout d'abord des nuances d'ordre
terminologique. Nous avons ainsi préféré les termes de « Rencontre
armées-jeunesse » à ceux d'« appel de préparation à la défense ». Notre choix
présentait au moins le mérite de la cohérence avec l'objet même de cette
nouvelle obligation, qui est essentiellement de maintenir un lien privilégié
entre les jeunes et l'armée. De même, nous avons préféré nous référer au terme
de « conscription », plus clair et historiquement plus signifiant que ceux d'«
appel sous les drapeaux ».
Notre définition du service national rénové tendait également à élargir le
contenu de la Rencontre armées-jeunesse à un bilan de santé, conformément aux
conclusions des réflexions que nous avons conduites au printemps 1996 et aux
dispositions du précédent projet de loi.
Je demeure, pour ma part, fermement convaincu de la nécessité de procéder à ce
bilan de santé à l'occasion de la Rencontre armées-jeunesse, non seulement dans
une perspective de santé publique, mais également dans l'hypothèse d'une
remontée en puissance du service national obligatoire, que ce bilan de santé
pourrait très certainement, je le maintiens, monsieur le ministre, permettre
d'accélérer.
Enfin, la rédaction retenue par la commission pour l'article L. 111-2 du futur
code du service national visait à souligner le caractère exceptionnel du
rétablissement éventuel de la conscription, en subordonnant celui-ci à des
considérations exclusivement liées à la défense de la nation, de manière à
éviter que le service national obligatoire ne puisse être rétabli en fonction
d'appréciations contingentes sur les missions assignées
le parti d'éviter de figer d'ores et déjà à une journée la durée de la
Rencontre armées-jeunesse, afin de permettre un éventuelle modification de
celle-ci en fonction des leçons de l'expérimentation, et pour tenir compte du
bilan de santé, dont nous n'avons jamais dit qu'il aurait lieu forcément lors
de cette journée.
Sans remettre en cause le volontariat, nous avons souhaité écarter tout risque
de confusion entre les emplois-jeunes et les volontariats créés par le présent
projet de loi. En effet, celui-ci a défini les volontariats selon les mêmes
principes que les emplois-jeunes, en ce qui concerne leur rémunération et,
beaucoup plus grave à mon avis, leur durée. Nous avons jugé qu'il était
regrettable que, ce faisant, les volontariats soient conçus avant tout comme un
emploi et comme un service rendu par la collectivité aux jeunes. Cette
interprétation du volontariat est difficilement conciliable avec la logique du
service national dont relèvent les volontariats, qui impliquerait plutôt la
notion de service rendu par les jeunes à la collectivité.
Nous avons regretté que le présent projet de loi ne s'appuie pas sur la
définition du volontariat à laquelle renvoyait le précédent projet. Sans dénier
aux jeunes le souci de rechercher une première expérience valorisante sur un
plan professionnel, ce texte faisait confiance aux jeunes Français et à leur
capacité de dévouement.
Nous avons donc proposé, pour éviter toute confusion entre le volontariat et
les emplois-jeunes, de réduire à deux ans la durée des volontariats et de
rappeler que ceux-ci qui constituent un concours « temporaire » à une mission
d'intérêt général qui ne saurait se concevoir dans une perspective de carrière.
Dans notre esprit, le jeune qui aurait souhaité poursuivre dans le métier des
armes aurait pu souscrire un engagement, même court, au-delà de ses deux années
de volontariat.
Convaincus que le volontariat dans les armées, tel qu'il est conçu par le
présent projet de loi, conduira à altérer la spécificité du statut des engagés
à un moment où cette catégorie de personnels militaires conditionne le succès
de la professionnalisation, nous avons souhaité faire en sorte que certains
éléments déterminants du statut général des militaires soient réservés aux
engagés, sans pour autant que ces restrictions puissent, à mon avis, réduire
l'intérêt des volontariats sous statut militaire.
Par ailleurs, nous avons estimé qu'il était opportun de rétablir la
possibilité d'un volontariat fractionné, qui était prévue par le précédent
projet, avec l'accord et à la demande des armées, pour que le volontariat
puisse éventuellement s'intégrer dans un cursus universitaire et que les armées
puissent ainsi attirer des volontaires de haut niveau susceptibles de succéder
aux scientifiques du contingent.
Nos propositions avaient également pour objet d'encadrer la mise en oeuvre du
service national rénové, en s'appuyant sur les avis d'instances spécialisées
susceptibles de guider la mise en oeuvre de la réforme et son suivi ultérieur.
Nous avons donc posé le principe de la compétence du Conseil supérieur des
Français de l'étranger à l'égard des modalités d'accomplissement du service
national rénové par les jeunes Français établis hors de France. Nous avons
aussi restauré le Haut Conseil du service national, créé par le précédent
projet de loi, en insistant sur ses compétences dans le domaine de
l'enseignement des principes de la défense et à l'égard du contenu de la
Rencontre armées-jeunesse.
Enfin, par souci du principe d'égalité, nous avons tenu à assujettir aux
nouvelles obligations du service national les jeunes gens nés en 1979. En
effet, ce projet de loi dispense l'ensemble de cette classe de toute
obligation, que ce soit dans l'ancien ou dans le nouveau système.
Compte tenu de l'extrême brièveté de l'« appel de préparation à la défense »,
je n'ai pas été convaincu par les arguments d'ordre pratique qui nous ont été
opposés à l'encontre de l'extension de la nouvelle obligation aux jeunes gens
nés en 1979. Nous avions, en effet, proposé que ces jeunes puissent participer
à la Rencontre armées-jeunesse jusqu'à la fin de l'année 1999, pour laisser le
temps à l'administration compétente d'organiser une montée en puissance
harmonieuse du nouveau système. Pourquoi ce délai n'est-il pas suffisant pour
organiser une obligation aussi brève ?
C'est également le souci de respecter le principe d'égalité qui nous a conduit
à modifier les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale à l'égard des
jeunes qui, soumis à l'obligation du service national jusqu'en 2002, possèdent
un emploi et, de ce fait, considèrent leur incorporation avant tout comme une
contrainte. Il nous a paru équitable de limiter à une durée maximale de deux
ans la durée des reports susceptibles d'être accordés aux titulaires d'un
contrat de travail à durée indéterminée, afin d'éviter que, par le biais de
reports successifs, ces jeunes ne puissent
de facto
échapper à leur
obligation.
Nous avons considéré que les modifications du code du travail induites par ce
projet de loi garantissaient aux appelés qui avaient un emploi avant leur
incorporation de retrouver celui-ci à leur libération.
Nous avons ainsi voulu concilier les préoccupations légitimes des jeunes à
l'égard de l'emploi avec les besoins des armées pendant la période de
transition vers la professionnalisation. Il serait, en effet, très inquiétant
de renoncer à assurer correctement la défense du pays jusqu'en 2002. Il était
du devoir du Sénat et plus particulièrement de la commission des affaires
étrangères et de la défense de rappeler cette évidence, mieux, cette
obligation.
Je veux maintenant rappeler l'apport de l'Assemblée nationale au présent
projet de loi lorsqu'elle l'a examiné en première lecture.
Des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale ont précisé de manière
opportune certains aspects techniques de la réforme du service national.
Ainsi a-t-elle reconnu aux participants à l'appel de préparation à la défense
le statut d'appelés. L'Assemblée nationale a également étendu expressément à la
détection de l'illettrisme l'objet de l'appel de préparation à la défense.
L'Assemblée nationale a en revanche aggravé la confusion entre volontariat et
emploi. Dans une certaine mesure, le texte du Gouvernement était, sur ce point,
cohérent. Certes, le volontariat était défini selon la même logique que les
emplois-jeunes, mais au moins n'était-il pas présenté comme un élément du
service national. L'Assemblée nationale a renforcé l'ambiguïté du volontariat
en faisant expressément de celui-ci une modalité d'accomplissement du service
national rénové, tandis qu'elle souscrivait aux dispositions du projet de loi
inscrivant le volontariat dans une logique de carrière.
L'Assemblée nationale a également tenu à étendre aux volontaires d'importantes
dispositions du statut général des militaires, brouillant ainsi les contours du
statut d'engagé et peut-être incitant ceux-ci à considérer le statut d'engagé
comme relativement moins attractif que celui de volontaire.
Enfin, c'est l'Assemblée nationale qui a créé les reports d'incorporation
susceptibles d'être attribués aux jeunes titulaires d'un emploi. Cette
disposition placera probablement les armées dans une situation très difficile
pendant la délicate période de transition. Elle pourrait compromettre gravement
la professionnalisation pendant la période de montée en puissance de
celle-ci.
Notons que la formule adoptée par l'Assemblée nationale n'est même pas très
satisfaisante pour les jeunes eux-mêmes, en dépit de la présentation qui en a
été faite, compte tenu des incertitudes qui demeurent sur les critères qui
seront retenus par les commissions régionales de dispense, seules compétentes
en matière de délivrance des nouveaux reports d'incorporation créés par
l'Assemblée nationale.
Lors de la tentative de conciliation qui a eu lieu, le 9 octobre dernier, en
commission mixte paritaire, nous avons été dans l'obligation de constater
l'absence d'accord possible sur les propositions les plus importantes faites
par le Sénat en première lecture, à savoir la dénomination « Rencontre
armées-jeunesse », l'extension de l'objet de celle-ci à un bilan de santé, la
diminution de la durée du volontariat et la révision, en conséquence, des
articles du statut général des militaires susceptibles de s'appliquer aux
futurs volontaires dans les armées, enfin sur la limitation de la durée du
report d'incorporation des titulaires d'un contrat de travail à durée
indéterminée.
Le bilan de la nouvelle lecture effectuée par l'Assemblée nationale, le 13
octobre dernier, est sans surprise par rapport au désaccord constaté en
commission mixte paritaire.
L'Assemblée nationale a confirmé un état d'esprit globalement négatif à
l'égard des propositions, pourtant modérées, pourtant positives, du Sénat.
La dénomination « Rencontre armées-jeunesse » a ainsi été rejetée, au profit
de celle d'« appel de préparation à la défense ». De même au terme de «
conscription », sont préférés ceux d'« appel sous les drapeaux », que je
persiste à trouver moins satisfaisants.
L'Assemblée nationale a rétabli sa définition ambiguë du futur service
national, qui fait de l'« appel sous les drapeaux », c'est-à-dire de l'éventuel
rétablissement de la conscription, une modalité normale d'accomplissement du
service national, sur le même plan que le recensement et que l'« appel de
préparation à la défense ». Comment une telle disposition est-elle compatible
avec la professionnalisation ?
Dans le même esprit, l'Assemblée nationale a maintenu sa conception discutable
des critères de rétablissement de la conscription, en persistant à se référer
aux « objectifs assignés aux armées », ce qui confirme la possibilité de
soumettre la professionnalisation à certaines révisions.
L'Assemblée nationale a jugé pertinent d'exempter l'ensemble des jeunes gens
nés en 1979 de toute obligation, ce qui est manifestement contraire au principe
d'égalité.
L'Assemblée nationale a également annulé les dispositions relatives au bilan
de santé.
Le Haut Conseil du service national est également supprimé, alors que cette
instance aurait pu jouer un rôle très positif dans la mise en oeuvre de la
réforme, notamment en guidant les débuts de l'enseignement sur la défense, qui
peut susciter tant d'interrogations.
La durée du volontariat est à nouveau fixée parallèlement à celle des
emplois-jeunes, et l'Assemblée nationale a rétabli tous les articles du statut
général des militaires qu'elle souhaitait appliquer aux volontaires.
Enfin, l'Assemblée nationale a maintenu les dispositions relatives aux
nouveaux reports d'incorporation destinés aux jeunes qui ont un emploi,
dispositions qu'elle avait adoptées en première lecture, malgré les difficultés
d'ores et déjà prévisibles qu'elles engendreront pour les armées.
L'Assemblée nationale s'est par ailleurs bornée à admettre des aspects pour la
plupart mineurs du texte adopté par le Sénat.
Elle a ainsi accepté de réviser la définition du devoir de défense, dont le
principe est posé par le premier article du futur code du service national.
L'Assemblée nationale a accepté d'atténuer les sanctions susceptibles d'être
imposées pour non-accomplissement du recensement, en maintenant la limite d'âge
de vingt-cinq ans au-delà de laquelle ces sanctions deviennent sans objet.
L'Assemblée nationale a accepté deux des trois amendements de nos collègues
socialistes - pourquoi pas les trois ? - relatifs à l'enseignement des
principes de la défense, étendus à la défense européenne, enseignement qui doit
renforcer le lien armées-nation. En revanche, l'Assemblée nationale n'a pas
admis l'information des jeunes sur les principes de la politique étrangère et
de sécurité commune pendant l'« appel de préparation à la défense ».
L'Assemblée nationale a admis que le volontariat constitue un concours «
temporaire » à une mission d'intérêt général. Mais comme elle a par ailleurs
rétabli la durée de cinq ans prévue par le texte initial du projet, on ne peut
dire qu'elle accepte de disjoindre le volontariat de la logique de carrière
dans laquelle il s'inscrit.
Enfin, l'Assemblée nationale a, à la demande du ministre de la défense, que je
remercie pour son intervention, adopté sans modification l'article L. 114-12 du
futur code du service national, qui soumet l'organisation du service national
rénové pour les jeunes Français établis hors de France à l'avis du Conseil
supérieur des Français de l'étranger et à celui de son bureau permanent dans
l'intervalle de ses sessions.
Je suis quand même très étonné que notre suggestion de rétablir le volontariat
fractionné, à laquelle, monsieur le ministre, vous vous étiez déclaré favorable
au Sénat, n'ait pas été reprise par l'Assemblée nationale.
Mes chers collègues, dans ce contexte, il paraît difficilement envisageable
que le Sénat modifie à nouveau aujourd'hui le projet de loi qui nous est soumis
en proposant une nouvelle fois tous les amendements que nous avons adoptés le 7
octobre. Cette hypothèse serait valable si nous avions la moindre chance de
faire aboutir l'une de nos propositions. Mais il n'en est rien.
Je vous propose donc d'opposer la question préalable afin de constater qu'il
n'y a pas lieu de continuer à délibérer en nouvelle lecture sur le projet de
loi portant réforme du service national, texte que le Sénat a abordé avec
objectivité et - je le crois - honnêteté lors de la première lecture. Il a
accompli un travail constructif dont il ne reste presque rien dans le texte que
nous examinons aujourd'hui.
Lorsque nous avions été saisis, à la fin de l'année 1991, du projet de loi
tendant à réduire à dix mois la durée du service militaire, votre commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées avait proposé de
voter une question préalable en nouvelle lecture. En effet, après le travail
constructif et rigoureux accompli par le Sénat en première lecture, nous avions
tiré les conséquences qui s'imposaient du texte adopté par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture et dans lequel ne figurait aucune des
dispositions principales adoptées par le Sénat.
La question préalable que la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées vous propose d'opposer aujourd'hui au projet de loi, comme
celle qu'elle avait proposée voilà six ans, n'est donc pas inspirée par le
refus d'examiner cette réforme. Elle tend à constater que le Sénat est mis dans
l'impossibilité de participer à l'élaboration d'un texte pourtant essentiel
pour notre défense et pour notre jeunesse.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées au RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Nous parvenons donc ce matin, en petit comité il faut bien le reconnaître, à
la fin du processus de la réforme du service national, dont la dernière étape a
été abordée avec ce projet de loi déposé par M. le ministre de la défense et
débattu ici même en première lecture le 7 octobre.
A cette occasion, le groupe socialiste avait opté pour une « abstention
constructive » à l'égard du texte issu des débats du Sénat. En effet, la
majorité sénatoriale, sans dénaturer le projet de loi, je vous en donne acte,
monsieur le rapporteur, l'avait cependant sensiblement modifié, ce qui nous
empêchait de le voter en l'état.
La nouvelle lecture à l'Assemblée nationale a redonné à ce texte son contenu
d'origine. Les députés ont adopté une rédaction qui nous paraît plus conforme
aux souhaits du Gouvernement, tout en prenant en compte certains apports du
Sénat, s'agissant notamment de la dimension européenne et du renforcement du
lien armées-nation, apports introduits par deux amendements déposés ici même
par le groupe socialiste et défendus par notre collègue Bertrand Delanoë. Nous
nous en félicitons, même si nous regrettons que notre troisième amendement
n'ait pas été également adopté !
(Sourires.)
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Très bien !
M. Claude Estier.
Sans revenir sur l'ensemble des dispositions, je souhaite exprimer le soutien
du groupe socialiste au projet de loi qui nous est proposé.
D'abord, ce projet de loi permet d'accompagner le processus de
professionnalisation des armées en prenant la précaution de ne pas couper
l'armée de la société. C'est un souci essentiel auquel les socialistes sont
extrêmement sensibles. Nous ne voulons pas que l'évolution de la défense se
fasse au détriment du lien armées-nation ; mais je crois que nous sommes tous
d'accord sur ce point.
Nous constatons ensuite que l'appel sous les drapeaux est suspendu et non pas
supprimé. On préserve ainsi les capacités de remontée en puissance, si les
besoins de défense, par malheur, l'exigeaient. Sur ce point, qui recueille
d'ailleurs lui aussi une approbation dans cet hémicycle, il nous paraît
important que la réforme du service national n'apparaisse pas comme une
condamnation pour toujours de l'armée mixte, de l'armée de conscription. Nous
ne savons pas aujourd'hui ce que l'avenir nous réserve ; nous savons en
revanche qu'il convient de garder les yeux ouverts face aux défis et aux
menaces dans notre monde en perpétuel mouvement. La possibilité, conservée par
ce texte, de recourir à l'appel sous les drapeaux constitue alors une forme de
prudence particulièrement nécessaire.
Je voudrais enfin insister sur le rôle qui sera dévolu à l'éduction nationale
dans la diffusion de l'esprit de défense, en prenant en compte, bien entendu,
la dimension européenne de toute politique de défense et de sécurité. Nous ne
doutons pas de la capacité de l'éducation nationale à assurer ce rôle.
Toutefois, nous ferons preuve d'une très grande vigilance pour qu'elle puisse,
dans les meilleures conditions et avec les moyens adéquats, remplir cette
éminente mission qui viendra compléter et enrichir le parcours formateur des
citoyens français.
Nous sommes, depuis l'an dernier, engagés dans un processus de transition vers
l'armée professionnelle, processus complexe, nous le savons tous, dans un
contexte budgétaire difficile qui incite à la prudence. Nous avions dit, voilà
quelques mois, que la décision du Président de la République d'abandonner
l'armée mixte allait entraîner des difficultés majeures ; nous y sommes, et
c'est au nouveau gouvernement d'y faire face.
Ce projet de loi prouve, en tout cas, monsieur le ministre, que vous avez pris
rapidement la mesure de votre tâche et que, sans tarder, vous avez corrigé
certaines dispositions du projet précédent qui nous paraissaient
contestables.
Ainsi, ce texte s'inscrit dans le processus de professionnalisation et prépare
une autre évolution très importante : la réforme, mieux encore, la refonte des
réserves, sujet majeur pour notre défense et pour l'avenir du lien
armées-nation.
Le nouveau service national comprendra donc l'appel de préparation à la
défense, le recensement et l'appel sous les drapeaux. Le projet de loi assure
le maintien du volontariat et prévoit le rôle de l'éducation nationale pour
sensibiliser les jeunes Français à leur devoir de défense.
C'est dans cette perspective que le groupe socialiste soutiendra le projet de
loi du Gouvernement tel qu'il a été amendé par l'Assemblée nationale et, je
vous le dis d'emblée pour m'éviter d'avoir à reprendre la parole, qu'il votera
contre la question préalable opposée par la majorité sénatoriale.
M. le président.
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de
ce présent projet de loi en première lecture est suffisamment frais dans les
mémoires pour qu'il paraisse opportun de ne se borner aujourd'hui qu'à quelques
rappels.
Tout d'abord, nous ne sommes pas convaincus, au sein du groupe communiste
républicain et citoyen, du bien-fondé de la disparition du service national et
moins encore de la non-mise en chantier de sa modernisation, de son adaptation
à la situation stratégique, de son adaptation à la société et à la jeunesse
d'aujourd'hui.
Si le service national avait besoin d'une profonde cure de jouvence en ce qui
concerne sa durée, trop longue, l'efficacité de l'instruction civico-militaire
qui était dispensée et la crédibilité du passage dans certaines unités, il
restait, même avec ses lourdeurs et ses défauts, un élément d'éducation
physique, civique et morale. Il constituait un passage, pour certains, à l'âge
adulte, un lieu de brassage social, un élément d'unification nationale,
d'intégration, d'adhésion à la nation. Il limitait certains dégâts de la
fracture sociale dont souffre notre pays : une partie de nos jeunes
compatriotes ne se sent plus intégrée dans le corps social, n'a plus le
sentiment d'appartenir à la nation, ne se sent plus citoyenne.
Nous mesurons pourtant tout à fait, monsieur le ministre, combien il aurait
été difficile de mettre en chantier un projet de rénovation. Une partie
croissante de l'opinion considère en effet la suppression de la conscription
nationale comme un fait acquis.
Je ne rappellerai pas non plus, monsieur le ministre, les améliorations que
votre projet de loi apporte aux dispositions prévues par votre prédécesseur,
notamment pour relancer, sous d'autres formes que la conscription, le lien
distendu entre les forces armées et la société, pour forger la prise de
conscience des jeunes citoyens quant à leur devoir de vigilance et de défense
de la communauté nationale.
C'est d'ailleurs la raison principale pour laquelle nous voterons tout à
l'heure, nous aussi, contre la question préalable opposée par la majorité
sénatoriale, bien que nous conservions, comme en première lecture, une
appréciation mitigée sur l'ensemble du projet de loi.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
J'ai peu de choses à ajouter aux interventions qui viennent d'être faites. Je
veux toutefois dire à M. le ministre deux choses.
Premièrement, nous voulons le remercier d'avoir veillé, par son initiative
personnelle, à la réintroduction dans le texte de la disposition de l'article
L. 114-12, qui prévoit l'intervention du Conseil supérieur des Français de
l'étranger et que nos collègues de l'Assemblée nationale n'avaient pas retenue.
Ils n'avaient d'ailleurs rien retenu des propositions du Sénat.
La consultation du Conseil supérieur des Français de l'étranger ou de son
bureau permanent est donc désormais prévue. Je vous remercie, monsieur le
ministre, d'être intervenu sur ce point.
Deuxièmement, je voudrais exprimer un sentiment de tristesse.
Voilà quinze mois que nous parlons de réforme du service national. Nous avons
déjà examiné le projet Millon, dont nous avons longuement débattu. Nous y
avions trouvé des dispositions qui nous paraissaient bonnes et nous avions
adopté plusieurs amendements déposés par nos collègues socialistes.
Après avoir examiné ce nouveau texte tel qu'il ressortait de nos travaux,
l'Assemblée nationale a décidé de l'adopter sans rien accepter de nos
propositions. C'est vraiment triste, car nous avions travaillé en respectant
les lignes de force de ce nouveau projet - les deux projets se ressemblent
beaucoup.
Le travail fait par notre commission des affaires étrangères, de la défense et
des forces armées, notamment par son président et par son rapporteur, M.
Vinçon, a été remarquable. Nous y avons nous-mêmes passé des heures. Je ne peux
pas croire qu'il n'y avait absolument rien à prendre dans nos propositions.
L'Assemblée nationale n'a, en tout, retenu que deux des amendements présentés
par nos collègues socialistes. Nous avons l'impression que tous les autres
amendements, destinés à apporter des modifications, à traduire les suggestions
faites par la commission et par la majorité de notre assemblée, n'ont même pas
été lus ; en tout cas, ils n'ont pas été adoptés.
Je trouve, encore une fois, que c'est triste et que cela relève d'un esprit
qui n'est pas conforme au devoir de collaboration entre les deux assemblées,
devoir qui devrait prévaloir lorsqu'il s'agit de textes si importants pour
l'avenir du pays.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. Emmanuel Hamel.
Pauvre pays !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
La discussion générale est close.
QUESTION PRÉALABLE
M. le président.
Je suis saisi par M. Vinçon, au nom de la commission, d'une motion n° 1
tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« Considérant qu'en première lecture, soucieux d'améliorer le projet de loi
portant réforme du service national, le Sénat a abordé celui-ci dans un esprit
positif, en cohérence avec les positions déjà soutenues par le Sénat lors de
l'examen du précédent projet de loi portant réforme du service national ;
« Considérant que l'Assemblée nationale s'est bornée en nouvelle lecture à
reprendre quelques rares amendements, de portée modeste, adoptés par le Sénat
en première lecture, sans prendre en compte aucune des modifications
substantielles que le Sénat avait insérées dans le projet de loi en première
lecture : dénomination de Rencontre armées-jeunesse, extension du contenu de
cette nouvelle obligation à un bilan de santé, réduction de la durée des
volontariats à deux années, nouvelle définition du service national rappelant,
en cohérence avec la professionnalisation, le caractère exceptionnel que
revêtirait un éventuel rétablissement de l'appel au contingent, extension du
service national rénové aux jeunes gens nés en 1979, prise en considération des
besoins des armées dans la détermination des reports d'incorporation
susceptibles d'être attribués aux titulaires d'un contrat de travail pendant la
période de transition ;
« Considérant que le projet de loi transmis au Sénat en nouvelle lecture
repose sur les mêmes ambiguïtés que le Sénat avait voulu corriger en première
lecture - mise en place d'un « appel de préparation à la défense » qui n'aura
ni les moyens, ni le temps de ses ambitions, pourtant fort réduites par rapport
au « rendez-vous citoyen », et confusion entre les emplois-jeunes et les futurs
volontariats, ceux-ci étant conçus dans une perspective de carrière qui devrait
demeurer étrangère à la logique du service national ;
« Considérant que l'alignement du statut des futurs volontaires dans les
armées sur celui des engagés, qui résulte du texte adopté par l'Assemblée
nationale, est de nature à altérer les conditions de la professionnalisation,
de même que les reports d'incorporation susceptibles d'être attribués aux
jeunes gens titulaires d'un contrat de travail ;
« Considérant qu'ainsi le projet de loi voté par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture risque d'affaiblir la défense du pays pendant la délicate et
cruciale période de transition 1997-2002 ;
« Le Sénat, conformément au troisième alinéa de l'article 44 du règlement,
décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération du projet de loi
adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture portant réforme du service
national (n° 30, 1997-1998). »
Je rappelle qu'en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
du Sénat ont seuls droit à la parole sur cette motion : l'auteur de
l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion
contraire, pour quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission
saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée
n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est M. le rapporteur, auteur de la motion.
M. Serge Vinçon,
rapporteur.
M'étant suffisamment exprimé au cours de la discussion
générale, je me contenterai, mes chers collègues, de vous renvoyer au texte de
la motion, qui me semble très explicite.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission.
Permettez-moi, monsieur le président, de
présenter brièvement l'état d'esprit qui a conduit la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées à proposer au Sénat d'opposer la
question préalable à ce projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture après l'échec de la commission mixte paritaire, qui s'est
réunie jeudi dernier.
Je résumerai ces raisons en deux mots : déception et inquiétude.
Notre déception tient principalement au fait que, comme je l'ai dit à cette
tribune la semaine dernière en première lecture, notre seul souci était
d'apporter une contribution utile à la mise au point du meilleur dispositif
possible, en cohérence avec les positions déjà exprimées sur ce sujet par le
Sénat. Cet espoir ne nous paraissait pas
a priori
hors d'atteinte. Mais
il a été déçu, à trois reprises.
Nous avons ressenti une première déception ici même, lorsque le ministre de la
défense, en première lecture, et avec toute la courtoisie que nous lui
connaissons, s'est abstenu de donner un avis favorable aux amendements les plus
importants que nous proposions, ou en tout cas à certains d'entre eux, même
lorsque la rédaction que nous avions retenue était modérée et s'inscrivait,
dans notre esprit, dans un souci de compromis, sinon de consensus, que nous
aurions souhaité réunir sur un sujet tel que la réforme du service national.
Une nouvelle déception s'est fait jour, ensuite, au cours de la commission
mixte paritaire, lorsqu'il est apparu rapidement, après que les deux
rapporteurs eurent précisé les points qui leur paraissaient les plus
déterminants dans les positions des deux assemblées, qu'aucun accord d'ensemble
n'était possible ; nous n'avons donc pu que prendre acte de ces divergences.
La dernière déception, enfin, est apparue lundi dernier, lors de l'examen du
texte en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale. Il n'était déjà certes
plus question d'un accord global entre les deux assemblées ; mais nous pouvions
encore espérer, vous l'avez rappelé, monsieurHarbert, que l'Assemblée nationale
se rallie au point de vue du Sénat sur des points importants et que nous
puissions encore influer, de manière substantielle, sur les dispositions qui
seront finalement retenues.
Tel n'a pas été le cas, d'où notre déception et notre sentiment d'inquiétude
sur les trois sujets majeurs qu'a soulignés M. le rapporteur.
Cette inquiétude porte d'abord sur le contenu de ce que l'Assemblée nationale
et le Gouvernement persistent à vouloir appeler l'« appel de préparation à la
défense », qui n'aura, selon nous, ni les moyens, ni même le temps de ses
ambitions,...
M. Emmanuel Hamel.
C'est évident !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission.
... pourtant fortement réduites par rapport
au rendez-vous citoyen ; trop court, excluant tout bilan de santé, il sera
réduit, pour l'essentiel, à quelques heures d'exposés, dont on peut craindre
qu'ils ne soient très rapidement oubliés.
Notre inquiétude porte, ensuite, sur la conception même d'un volontariat qui
induit, à nos yeux, une double et regrettable confusion : confusion entre
volontariat et emplois-jeunes, deux notions qui répondent pourtant à une
logique bien différente, mais aussi confusion entre le statut des futurs
volontaires et celui des engagés, dont la spécificité doit pourtant être
préservée compte tenu de l'importance de ces personnels pour la
professionnalisation de nos forces.
Enfin, et c'est pour nous l'essentiel, notre inquiétude est grande au regard
des dispositions introduites par l'Assemblée nationale en matière de reports
d'incorporation durant la période de transition.
Nous avions à cet égard, en première lecture, écarté la tentation, pourtant
forte, de supprimer purement et simplement ces dispositions pour adopter un
amendement, que nous voulions consensuel, excluant que ces reports puissent
être prolongés au-delà d'une durée maximale de deux ans. Cet amendement visait
à la fois à réduire l'inégalité entre les jeunes et à permettre aux armées de
mieux apprécier la ressource effective en appelés.
Cet amendement, pourtant minimal, a lui-même été écarté. Nous craignons
beaucoup, monsieur le ministre, que les dispositions retenues par l'Assemblée
nationale ne compromettent gravement - je dis bien « gravement » -, les besoins
des armées et, bien sûr, en premier lieu, ceux de l'armée de terre, durant les
prochaines années. Nous seront particulièrement vigilants sur ce point pendant
les mois à venir.
C'est pour notre commission une raison supplémentaire de refuser de s'associer
à l'adoption du présent projet de loi.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je tiens tout d'abord à faire remarquer que le vote que va émettre
le Sénat sur proposition de sa commission compétente est l'expression normale
d'un droit fondamental dans une démocratie : le droit à la divergence
politique. Qu'après que les deux assemblées à majorités politiques différentes
eurent formulé des appréciations mûrement réfléchies sur un projet de loi
important pour l'avenir du pays, la majorité sénatoriale aboutisse à la
conclusion que les désaccords l'emportent sur les facteurs de convergence, cela
me semble totalement légitime.
Je tiens cependant à souligner, après les interventions de M. le président de
Villepin et de M. le rapporteur, que ce constat en phase finale du débat ne
doit pas faire oublier les convergences qui existent sur les objectifs ni
l'approbation largement partagée par la représentation nationale de la
professionnalisation de nos armées, ni le sentiment, également largement
partagé, de la nécessité d'élaborer un nouveau dispositif aménageant les
relations entre les armées et la nation, dispositif auquel le Gouvernement, en
concertation avec les assemblées parlementaires, souhaitera apporter des
compléments dans la vie courante, au-delà de la législation.
A ce stade du débat, je tiens à saluer le souci de contribution positive qui a
été celui du Sénat dans l'examen de ce projet de loi.
Mais je voudrais tout de même relativiser les désaccords qui ont été exprimés
et qui fondent en partie la motivation de la question préalable présentée par
la commission.
A propos des contrôles de santé, j'ai bien insisté sur le fait que le
Gouvernement, ayant dû légiférer dans l'urgence pour des raisons que chacun se
rappelle, ne s'estimait pas prêt à proposer au législateur, aujourd'hui, un
dispositif obligatoire et d'application immédiate.
Je confirme toutefois l'intention du Gouvernement de mettre en place, au cours
des prochaines années, un contrôle de santé générale pour les jeunes passant à
l'âge adulte et de mettre en relation ce contrôle avec l'obligation de l'appel
de préparation à la défense. Il n'y a donc pas, sur ce point, de désaccord
profond ou définitif.
Par ailleurs, s'agissant des reports d'incorporation, je rappelle qu'il y a eu
rapprochement des points de vue entre les deux assemblées et que - j'insiste
sur ce point - les termes du projet de loi tels qu'ils sont adoptés n'ouvrent
pas droit à un report automatique pour les jeunes titulaires d'un contrat de
travail, qu'il soit à durée déterminée ou à durée indéterminée.
L'octroi de ce report par une commission responsable sera conditionné à la
vérification du caractère contradictoire entre l'incorporation et l'insertion
professionnelle du jeune. En fait, en maintes occasions, le jeune titulaire
d'un contrat de travail à durée indéterminée pourra être incorporé sans risque
pour la poursuite de son activité professionnelle.
Enfin, je voudrais également relativiser le désaccord concernant les
volontariats.
Chacun comprend bien que, une fois la priorité à l'emploi des jeunes affirmée
et traduite en un ensemble de mesures, un volontariat qui ne se distinguerait
de toutes les autres possibilités d'activités offertes aux jeunes que par la
brièveté et la faiblesse de la rémunération n'aurait pas de caractère
incitatif. On risquerait même ainsi d'aboutir à une certaine déqualification du
volontariat dans nos armées.
Bien sûr, si l'on considère qu'il faut laisser, dans notre pays, la situation
de l'emploi des jeunes telle qu'elle était au début de cette année, alors, oui,
on peut espérer qu'un volontariat à faible statut social et à faible
rémunération aurait sa chance, serait susceptible de séduire un certain nombre
de jeunes. Mais force est tout de même d'admettre que cela résulterait d'une
situation sociale des jeunes globalement tout à fait insatisfaisante.
A partir du moment où l'on relève la barre pour l'ensemble des jeunes qui
peuvent prétendre à une première expérience professionnelle, c'est-à-dire qu'on
leur garantit un contrat de travail et une rémunération au SMIC - c'est un vrai
débat : on peut être hostile à ce que des jeunes jouissent de telles garanties
dès leur première expérience professionnelle - il ne serait pas concevable de
proposer aux jeunes qui décident de faire cette première expérience dans les
armées, avec des responsabilités substantielles, un statut social moindre.
Je crois que, là encore, la différence entre nous est plus d'ordre pratique
que de fond.
Je prends bonne note des appréciations qui figurent dans la motion. Le
Gouvernement s'efforcera de prendre en compte les préférences du Sénat. Je
voudrais, toutefois, exprimer un regret sur le choix, à mon avis hâtif, de
quelques-uns des termes de cette motion ; je pense notamment à l'imputation
d'un risque d'affaiblissement de la défense du pays.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission.
C'est pourtant vrai !
M. Emmanuel Hamel.
C'est évident, hélas !
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
De telles affirmations ne peuvent pas être
formulées à la légère et je pense que les débats que nous mènerons de nouveau
au cours des mois qui viennent, qu'il s'agisse des questions budgétaires ou des
orientations générales de notre politique de défense, permettront au
Gouvernement de convaincre l'ensemble du Sénat...
M. Emmanuel Hamel.
Certainement pas !
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
... que tout est fait - à partir de la décision
présidentielle, monsieur Hamel, de professionnaliser les armées, une décision
que personne ne remet en cause - pour assurer la fiabilité et la capacité de
réponse de nos armées à toutes les situations et que la validité de notre
dispositif de défense n'est en rien entamée, l'imputation contraire pouvant
avoir d'ailleurs des conséquences politiques incalculables.
Je respecte, bien entendu, le vote du Sénat et ses motivations politiques. Ce
vote n'exclut en rien la possibilité de poursuivre un dialogue loyal, amical et
démocratique. Nous retrouverons, dans l'application de ce texte, les occasions
de rapprochement et de conciliation qui ont été manquées de peu, me
semble-t-il, à la fin de ce débat.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix la motion n° 1.
M. Alain Pluchet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pluchet.
M. Alain Pluchet.
Vous déclariez, monsieur le ministre, le 7 octobre dernier, dans cette
enceinte : « Le travail effectué aujourd'hui par le Sénat a été constructif. Le
Gouvernement nourrit l'espoir que la suite des échanges législatifs permettra
de déboucher sur une solution pleinement acceptée par les deux assemblées. »
Vous reconnaissiez ainsi la démarche constructive de la Haute Assemblée et la
cohérence de ses positions.
Or l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a certes repris certaines
mesures introduites par le Sénat, mais chacun admet que celles-ci n'ont qu'une
portée bien modeste.
Le refus de prendre en considération les nombreuses dispositions insérées sur
l'initiative de notre excellent rapporteur, M. Serge Vinçon, et qui
permettaient de corriger les défauts les plus manifestes du texte, est
regrettable, en particulier dans deux domaines : l'appel de préparation à la
défense et le statut des futurs volontaires.
Ce refus est d'autant plus regrettable que la mise en place de l'appel de
préparation à la défense n'aura, comme cela a déjà été dit, ni les moyens ni le
temps de son ambitieuse dénomination.
J'aurais aimé entendre un peu plus les donneurs de leçons de mars 1997, qui
parlaient, à propos du projet de loi instituant le « rendez-vous citoyen »,
d'un texte « surréaliste », en se demandant comment le gouvernement d'alors
pourrait « réussir en cinq jours » ce qu'il trouvait « mal assuré en dix mois »
!
Ainsi, M. Bertrand Delanoë expliquait : « Vous essayez de sauver la face en
nous présentant le rendez-vous citoyen comme une véritable révolution
culturelle. Vous le parez de vertus magiques. Ce brassage social que vous
trouviez mal assuré en dix mois, vous prétendez le réussir en cinq jours, voire
moins si l'on suit les propositions du rapporteur... Ce rendez-vous citoyen
risque c'être une perte de temps. Il n'a plus aucune finalité militaire, à
moins que vous ne comptiez insuffler un esprit de défense à la jeunesse en
quarante-huit heures. » M. Delanoë précisait que le rendez-vous citoyen ne
constituait pas non plus « une réponse aux vrais maux dont souffre la société
française ». « Cinq jours, c'est trop court », disait-il encore.
M. Emmanuel Hamel.
C'étaient d'excellents propos, hélas !
M. Alain Pluchet.
Je vois mal comment nous pourrons mieux préparer demain notre jeunesse à la
défense en quatre heures de discours, mais ces volte-face font partie des
péripéties auxquelles nous habitue la majorité plurielle.
Par ailleurs, la confusion entre volontariat et emploi est particulièrement
dangereuse, comme est singulièrement pernicieuse la convergence d'objectifs et
de moyens entre les emplois-jeunes et le volontariat.
En effet, cette confusion change la nature du volontariat en le transformant
en un service rendu par la collectivité au jeune, alors que ce devrait être un
service rendu par le jeune à la collectivité.
De même, il est hautement regrettable que le texte, tel qu'il nous revient de
l'Assemblée nationale, puisse laisser penser aux engagés que leur situation est
moins attractive que celle qui sera offerte aux volontaires, cela notamment en
raison de l'extension aux futurs volontaires d'importantes dispositions du
statut général des militaires.
Cette situation est d'autant plus fâcheuse qu'elle affaiblit, en altérant la
spécificité du statut des engagés, le passage à la professionnalisation de nos
armées.
Le Sénat, au cours des différentes lectures, a bien fait son travail. La
majorité plurielle - socialistes, communistes et verts - de l'Assemblée
nationale l'a méprisé. C'est pour cette raison que le groupe du Rassemblement
pour la République votera sans état d'âme la question préalable présentée par
la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur
un projet de réforme minimaliste et dépourvu de toute ambition.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, qui est repoussée par le Gouvernement et dont
l'adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
M. Emmanuel Hamel.
Espérons qu'il sera rejeté !
(La motion est adoptée.)
M. le président.
En conséquence, le projet de loi est rejeté.
M. Emmanuel Hamel.
Hélas, il passera à l'Assemblée nationale !
5
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
Je rappelle que la Commission des affaires économiques et du Plan a présenté
une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par
l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Georges
Berchet, membre de la Commission supérieure du service public des postes et
télécommunications.
6
NOMINATION DES MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept
membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un
texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation
sur la pêche maritime et les cultures marines.
La liste des candidats établie par la commission des affaires économiques et
du Plan a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat
à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean François-Poncet, Josselin de Rohan, Michel Doublet,
Louis Moinard, Charles Revet, Paul Raoult et Pierre Lefebvre.
Suppléants : MM. Gérard César, Fernand Demilly, Mme Anne Heinis, MM. Jean
Huchon, Jean-François Le Grand, Louis Minetti et Fernand Tardy.
L'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux
; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures quarante,
est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Jean Delaneau.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
MESURES URGENTES
À CARACTÈRE FISCAL ET FINANCIER
Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n°
26, 1997-1998), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier. [Rapport n°
31 (1997-1998)].
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte, qui a été légèrement
modifié par l'Assemblée nationale, vient donc aujourd'hui en nouvelle lecture
devant le Sénat.
La Haute Assemblée sera bien entendu libre de s'arrêter sur chacun des points
qui l'intéressent, mais je crois que son attention portera plus
particulièrement sur la modification apportée au texte par l'Assemblée
nationale suite à l'adoption d'un amendement du Gouvernement insérant un
article additionnel relatif au report des élections prévues dans les caisses
d'épargne.
Je donnerai en temps utile, si vous le souhaitez, mesdames, messieurs les
sénateurs - mais je pense que ce sera le cas - les raisons qui ont motivé le
dépôt de cet amendement.
Pour le reste, le texte aujourd'hui soumis au Sénat est très proche, dans la
forme, de celui qui avait été débattu lors de la première lecture.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Cluzel,
en remplacement de M. Alain Lambert, rapporteur de la commission des finances,
du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes premiers mots
seront pour solliciter votre indulgence et vous demander de ne pas me tenir
rigueur de n'avoir ni la compétence ni le talent de notre rapporteur général,
M. Alain Lambert, qui vient de subir une légère intervention chirurgicale. Mais
je prends la parole en présence et sous l'autorité du président de la
commission des finances, M. Christian Poncelet.
M. le ministre vient de nous exposer ce qu'il en est du texte après son examen
par l'Assemblée nationale. Je dirai donc simplement que la suppression des deux
articles additionnels votés par le Sénat, qui prévoyaient, pour l'un, le dépôt
d'un rapport sur les effets des prêts accordés aux collectivités locales sur
ressources CODEVI - les comptes pour le développement industriel - et, pour
l'autre, la modification de la limite de déductibilité des intérêts des comptes
courants d'associés, a créé une situation de désaccord ente les deux chambres
du Parlement.
Mais le débat parlementaire a pour finalité, autant que faire se peut, de
dégager des éléments de rapprochement en affinant les analyses.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement que vous venez d'évoquer,
monsieur le ministre, et je n'y reviendrai pas.
Par ailleurs, le rapporteur général de la commisssion des finances de
l'Assemblée nationale a repris, pour motiver le rétablissement des articles 1er
à 3 du projet de loi, les arguments du Gouvernement. Il a ainsi rappelé que
l'objectif était de retrouver un niveau de déficit budgétaire permettant à
notre pays de se qualifier, au printemps prochain, pour participer à
l'instauration de l'euro.
De plus, il a considéré que les prélèvements fiscaux supplémentaires prévus
par les articles 1er à 3 étaient légitimes, car ceux-ci ne concernent qu'une
catégorie d'entreprises, dont il a estimé évidente la bonne santé financière ;
vous avez vous-même développé ces arguments, monsieur le ministre, lorsque vous
avez été entendu par la commission des finances, le 24 septembre dernier.
Toutefois, notre rapporteur général, M. Lambert, est d'un avis différent, et
il a fait partager son analyse au Sénat.
En fait, et j'insiste sur ce point, il ne s'agit nullement d'un débat
idéologique. En effet, la grande majorité des parlementaires, au-delà des
clivages politiques qui sont normaux dans une démocratie, s'accordent pour
admettre quelques nécessités, qui sont des évidences d'intérêt public :
nécessité de rétablir l'équilibre de nos finances publiques, nécessité de
diminuer le montant des prélèvements obligatoires, nécessité de réduire le
chômage, nécessité, enfin, d'augmenter le pouvoir d'achat de l'ensemble des
travailleurs.
Cependant, entre majorité et opposition, les analyses divergent, ce qui
explique une différence d'appréciation sur les moyens à mettre en oeuvre.
Pour résumer l'analyse de notre rapporteur, je dirai, en en risquant une
traduction dont j'assume la responsabilité que, « après avoir été un tremplin
pour l'économie française, l'Europe est maintenant un marché ».
Or, dans un marché, pour appliquer une maxime récente de M. Tony Blair, « si
on ne peut être les plus puissants, il faut être les meilleurs ». Dans le
domaine économique, être les meilleurs signifie être les meilleurs en matière
de qualité et de prix. C'est, me semble-t-il, la façon la plus efficace de
défendre l'emploi.
Les conséquences économiques et fiscales tirées par notre rapporteur général,
M. Alain Lambert, sont claires : il convient de diminuer la dépense publique et
de ne pas surcharger les entreprises, non pas dans l'intérêt de leurs
propriétaires ou de leurs actionnaires, mais dans celui de notre économie.
A la question de savoir comment une partie des bénéfices des entreprises
pourrait être le mieux utilisée, M. Alain Lambert répond de façon nette : il
faut laisser cette part à la disposition des entreprises, pour leur permettre
d'investir. En effet, les investissements d'aujourd'hui sont les emplois de
demain. Chacun le sait, chacun le dit, mais il faut que la décision prise soit
en accord avec la conviction.
Ajoutons enfin que, si les marchés obéissent à des mécanismes, la psychologie
obéit, elle aussi, à des mécanismes qu'il est, dans l'intérêt général,
nécessaire de ne pas méconnaître.
La commission des finances, pour ces raisons, maintient donc les observations
qu'elle avait émises en première lecture.
En premier lieu, il convient de relativiser le constat assez pessimiste par
lequel on voudrait justifier les hausses d'impôt prévues par le projet de loi.
Ce constat est, rappelons-le, celui de MM. Nasse et Bonnet, qui, dans leur
audit des finances publiques réalisé en juillet dernier, mettaient en évidence
un creusement du déficit budgétaire.
Or il semblerait que les données économiques et budgétaires plus récentes,
notamment les prévisions de croissance pour 1997, infirment l'existence d'une
dégradation du déficit budgétaire. Les statistiques mensuelles de votre
administration, monsieur le ministre, continuent également à mettre en évidence
une amélioration du solde d'exécution de la loi de finances pour 1997 par
rapport à la précédente. En effet, le déficit, à la fin d'août 1997, est
inférieur de 15,9 milliards de francs à celui de la fin d'août 1996. Le profil
d'exécution de la loi de finances pour 1997 pour les huit premiers mois de
l'année, avant que n'entrent en vigueur les mesures que vous avez prises en
juillet dernier, à savoir un décret d'avance et des annulations de crédits,
semble ainsi s'inscrire dans la trajectoire prévue par vos prédécesseurs, ce
qui, aux yeux de notre rapporteur général, confirmerait l'inopportunité du
volet fiscal du présent projet de loi.
En deuxième lieu, la réduction du déficit budgétaire doit - la commission des
finances le répète - reposer sur la réduction des dépenses publiques, et non
sur l'augmentation des prélèvements obligatoires.
En troisième lieu, la majoration de l'impôt sur les sociétés porterait le taux
de cet impôt à 41,66 % en 1997 et en 1998, cela placerait la France dans le
peloton de tête des pays européens les plus sévères à l'égard de leurs
entreprises. Or, à l'heure actuelle, la plupart de nos voisins réduisent la
fiscalité pesant sur leurs entreprises. Certes, d'autres pays ont, comme vous
l'avez rappelé, monsieur le ministre, les 21 juillet et 24 septembre derniers
en commission des finances, un impôt sur les sociétés plus lourd qu'en France.
Cependant, il ne faut pas limiter les comparaisons à un seul paramètre. Si l'on
veut parvenir à une comparaison indiscutable, il convient de prendre en compte
tous les paramètres, en particulier la taxe professionnelle et les charges
sociales.
La taxation au taux de droit commun des plus-values à long terme exposerait
également les entreprises françaises à la concurrence fiscale internationale.
En effet, la France ne bénéficie pas d'un régime d'exonération sous condition
de réemploi et les actifs des entreprises sont valorisés au coût historique.
Enfin, le dispositif fiscal pourrait être critiqué en raison de sa
rétroactivité et de la discrimination qu'il institue entre les entreprises.
A cet égard, je souhaiterais insister sur la cohérence de la position de la
commission des finances du Sénat, cohérence à laquelle les membres de la
commission tiennent beaucoup. En effet, le rapporteur général de l'Assemblée
nationale semble - j'insiste sur l'emploi de ce verbe - mettre en doute cette
cohérence. Il rappelle que le Sénat avait adopté, en décembre 1996, une
disposition de la loi de finances pour 1997 visant à instituer une
discrimination entre les grandes entreprises, d'un côté, et les petites et
moyennes entreprises, de l'autre. Cette disposition prévoyait un taux réduit
d'imposition de 19 % au profit des petites entreprises si elles incorporaient à
leur capital la fraction de leurs bénéfices ainsi taxés.
La commission des finances du Sénat tient à faire deux observations.
D'abord, elle avait jugé cette disposition contraire au principe de neutralité
du droit fiscal - dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 1997,
M. Lambert avait beaucoup insisté sur ce point. La position actuelle de la
commission des finances est donc cohérente avec la position de principe adoptée
lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1997.
Ensuite, la discrimination positive prévue par cette disposition n'est pas
équivalente à ce que nous appellerons la « discrimination négative » envisagée
dans le cadre du présent dispositif. En effet, il s'agit ici d'exonérer les
petites entreprises d'une surtaxation, et non de les faire bénéficier d'un
allégement de fiscalité. La différence de traitement fiscal ainsi instituée est
d'autant moins justifiée qu'en raison du seuil choisi - un chiffre d'affaires
de 50 millions de francs - ce sont les entreprises moyennes et à rayonnement
national qui risqueraient d'être pénalisées.
Au total - j'arrive à ma conclusion - bien que la commission souscrive sans
réserve à la nécessité de respecter - c'est un point d'accord important avec le
Gouvernement, monsieur le ministre - toutes les conditions du passage à la
monnaie unique, elle maintient sa proposition de suppression du volet fiscal du
présent projet de loi.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon un
principe qui semble appelé à être mis en pratique plusieurs fois dans les mois
à venir, l'Assemblée nationale, constatant l'impossibilité pour les membres de
la commission mixte paritaire de se mettre d'accord sur un texte commun, a,
lors d'une nouvelle lecture de ce projet de loi portant mesures urgentes à
caractère fiscal et financier, réintroduit les dispositions fiscales que la
majorité de notre Haute Assemblée avait jugé utile de supprimer.
Cette situation est, je l'ai dit, appelé à se reproduire ; il faut voir là un
raidissement idéologique propre à la majorité sénatoriale, encore toute
surprise d'avoir vu les Français renvoyer le gouvernement de M. Juppé, qu'elle
soutenait, et la politique qu'il incarnait.
Les trois mesures qui n'ont pas trouvé grâce aux yeux de la majorité
sénatoriale sont connues. Il s'agit d'abord, d'une majoration de l'impôt sur
les sociétés, affectant les plus importantes de nos entreprises, et seulement
celles-ci. Il s'agit, ensuite, d'une remise en cause - pour nous incomplète,
nous avons eu l'occasion de le dire en première lecture - du régime séparé
d'imposition des plus-values de cession d'actifs. Il s'agit, enfin, de la mise
en concordance de ces deux premières mesures avec la fixation des conditions de
perception des recettes fiscales complémentaires avant la clôture de l'exercice
budgétaire en cours.
Je ne reviendrai pas inutilement sur les réalités de la situation budgétaire
actuelle.
Chacun sait ici que cette situation est caractérisée, aux termes de l'audit
des finances publiques, par un dérapage des dépenses - manifestement dû à une
sous-estimation de la part de ces dépenses en de nombreux domaines - et par une
relative atonie des recettes, singulièrement en matière de fiscalité indirecte,
du fait de la croissance ; qui se révèle inférieure aux prévisions affichées
dans la loi de finances initiale.
Si l'on examine la situation au regard des critères de convergence fixés par
le traité de Maastricht, on constate que le déficit des finances publiques est
toujours supérieur à ce qui est exigé par ce traité et qu'il s'est encore
creusé en raison de la situation des comptes sociaux, laquelle est bien moins
favorable que ne le laissait entendre la loi de financement de la sécurité
sociale examinée à l'automne dernier.
Si l'on va jusqu'au bout de la démarche, on est obligé de conclure que les
choix budgétaires du gouvernement précédent, comme le sens qu'il a donné à la
politique de la France en matière de protection sociale, ont échoué au regard
des objectifs strictement opératoires qui étaient affichés.
Cependant, ne croyez pas, à l'aune de ces observations, que je sois désormais
convaincue du bien-fondé de la mise en oeuvre de la monnaie unique telle
qu'elle est conçue dans l'esprit des commissaires européens et de quelques-uns
des grands argentiers des pays de l'Union européenne.
Mais il est évident que la persistance du déficit public, et en particulier du
déficit primaire, constitue un obstacle majeur à la mise en oeuvre d'une
alternative politique réelle, telle que l'attendent nos concitoyens.
Nous risquons, en effet, de payer encore longtemps les coûts de l'emprunt
Balladur, des cadeaux fiscaux faits aux entreprises, des allégements de droits
sur les donationspartages, de la budgétisation des cotisations sociales
normalement dues par les entreprises, de l'asservissement de notre protection
sociale aux règles des marchés financiers et de l'alourdissement de la
fiscalité indirecte, en particulier de la taxe sur la valeur ajoutée.
Entre 1993 et 1997, pas une année ne s'est écoulée sans que l'Etat batte un
nouveau record d'émissions de titres de la dette publique.
Nous n'avons sans doute pas fini de payer au prix fort les privatisations que
les gouvernements Balladur et Juppé ont mis en oeuvre, sur le plan tant de
l'emploi que de la place de notre pays sur la scène économique
internationale.
Enfin, au moment où la Banque de France annonce un relèvement de son taux
d'appel d'offres, permettez-moi de souligner encore à quel point je trouve
discutable la réforme de l'été 1993 qui a conduit à l'indépendance de notre
banque centrale vis-à-vis de l'Etat, indépendance au moins aussi grande que sa
dépendance accrue à l'égard des marchés financiers.
En rejetant les mesures fiscales prévues dans le présent projet de loi, la
majorité sénatoriale est donc fidèle à ces choix désastreux, mais qui ont pour
particularité d'être orientés par des intérêts de classe.
Elle témoigne à nouveau de sa volonté de réduire les déficits par une
restriction des dépenses publiques, suivant ainsi ni plus ni moins les
recommandations du Conseil national du patronat français et de ses instituts de
réflexion.
Au moment où cette organisation se raidit sur la question fondamentale et
éminemment moderne de la réduction du temps de travail, chacun conviendra que
le bon choix ne consiste pas nécessairement à écouter ceux qui ne veulent rien
entendre.
Pour autant, nous ne nous satisfaisons pas des dispositions de ce projet de
loi.
Nous avons exprimé notre désaccord - et nous le confirmons à l'occasion de
cette nouvelle lecture - sur l'article 4, même si celui-ci n'est plus en
discussion. Il existe un danger réel de démantèlement, voire de privatisation,
d'Electricité de France, d'autant que, de façon complémentaire, l'ouverture du
marché du gaz aux productions privées met en danger le service public du
gaz.
Ces deux mesures conjointes constituent une grave menace et s'inscrivent dans
la logique des directives européennes visant à démanteler le service public. A
ce propos, nous exprimons notre inquiétude sur la position prise, à l'Assemblée
nationale, par la commission de la production et des échanges.
Nous avons également souligné en première lecture la nécessité de ne pas
concevoir la politique budgétaire uniquement en fonction d'un objectif
politique donné, à savoir l'atteinte des critères de convergence. Nous estimons
au contraire nécessaire d'engager le plus tôt possible - l'examen du projet de
loi de finances pour 1998 en fournira sans doute l'occasion - une réflexion
plus profonde et plus structurante sur l'évolution de notre système de
prélèvements obligatoires.
Les chantiers de la fiscalité sont, pour ce qui nous concerne, ouverts dès
maintenant et nous avons, dans le cadre de notre spécificité, des propositions
à formuler, des orientations à proposer, des réflexions à apporter à ce qui
doit constituer, dans les mois à venir, le travail commun.
Que deviendra notre fiscalité locale ?
Devons-nous infléchir la structure de notre fiscalité entre droits indirects
et impôts directs ?
L'assiette de l'impôt sur le revenu ne doit-elle pas connaître des évolutions
?
Devons-nous nous satisfaire des mesures, aussi louables soient-elles,
actuellement mises en oeuvre pour lutter contre la fraude fiscale ?
Quel devenir devons-nous imprimer à la fiscalité du patrimoine et à la
fiscalité immobilière ?
Quelles évolutions doit marquer la fiscalité des entreprises, notamment dans
le contexte d'internationalisation des activités de nos groupes les plus grands
?
Vous le voyez, les questions sont nombreuses, et les réponses qui doivent être
apportées appellent le débat, la confrontation des idées, la réflexion
individuelle et collective.
Elles ne paraissent pas contenues - c'est un euphémisme - dans les choix
effectués par la majorité de la commission des finances et, à travers elle, par
la mojorité sénatoriale. Mais, pour notre part, nous sommes prêts.
J'ajouterai un dernier mot sur la teneur d'un article ajouté au texte initial
par le Gouvernement et tendant à reporter les élections aux conseils
consultatifs et aux conseils d'orientation et de surveillance des caisses
d'épargne. Nous ne pouvons qu'approuver les dispositions visant à proroger
jusqu'au 1er mars 1999 les mandats de leurs membres.
Nous comprenons bien les motifs de cette décision, mais je ne peux manquer
d'exprimer à nouveau quelques préoccupations.
Le caractère original des caisses d'épargne, dans le paysage financier de
notre pays, doit être préservé. En effet, je ne suis pas convaincue que la
banalisation de leur statut, attendue par certains, notamment par l'Association
française des banques, soit la meilleure solution.
Il me semble, en particulier, que cette banalisation dénaturerait profondément
les utilisations sociales de la collecte de cette épargne, et singulièrement
son affectation en priorité au financement du logement social.
Pour autant, et dès lors que la relance du logement social est à l'ordre du
jour, il me paraît indispensable de faciliter la collecte de nouvelles
ressources, notamment à travers un relèvement du plafond du livret A.
De même, il convient de se pencher sur la question de la bonification des
emprunts accordés aux organismes d'HLM, le taux d'intérêt demeurant encore trop
élevé au regard de l'inflation et de la croissance réelle.
Ne peut-on imaginer, pour les 40 milliards ou 45 milliards de francs de prêts
qui sont accordés chaque année, une enveloppe de bonification ramenant, par
exemple, au taux de rémunération du livret A le taux d'intérêt servi aux
organismes d'HLM, cette enveloppe devant représenter un effort de quelque 60
millions de francs ?
M. Philippe Marini.
Toujours des dépenses ! Quelle imagination !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Dès lors qu'il s'agit de dépenses à caractère social, vous n'êtes pas
d'accord, monsieur Marini.
C'est là une réflexion que nous apportons au débat ouvert par cet article du
projet de loi.
En tout état de cause, si la majorité sénatoriale persiste dans ses choix,
nous serons dans l'obligation, comme lors de la première lecture, de voter
contre le texte tel qu'il aura été amendé par la Haute Assemblée.
Les mesures prévues par le projet de loi sont loin d'être irréprochables.
Mais, à côté de celles que vous préconisez, chers collègues de la majorité
sénatoriale, elles deviennent limpides dans leur essence même.
Nous ne vous permettrons pas de les remettre en cause, et voilà qui justifiera
notre vote.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles
est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas
encore adopté un texte identique.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - I. - Il est inséré, dans le code général des impôts, un article
235
ter
ZB ainsi rédigé :
«
Art. 235
ter
ZB.
- Les personnes morales sont assujetties,
dans les conditions prévues aux II à V de l'article 235
ter
ZA, à une
contribution temporaire égale à une fraction de l'impôt sur les sociétés
calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés au I de l'article
219.
« Cette fraction est égale à 15 % pour les exercices clos ou la période
d'imposition arrêtée conformément au deuxième alinéa de l'article 37, entre le
1er janvier 1997 et le 31 décembre 1998 inclus. Elle est réduite à 10 % pour
les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée entre le 1er janvier 1999
et le 31 décembre 1999 inclus.
« Sont exonérées les personnes morales ayant réalisé un chiffre d'affaires de
moins de 50 millions de francs. Le chiffre d'affaires à prendre en compte
s'entend du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise au cours de l'exercice
ou la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant, et, pour la
société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, de la somme des chiffres
d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe. Le capital des
sociétés, entièrement libéré, doit être détenu de manière continue, pour 75 %
au moins, par des personnes physiques ou par une société répondant aux mêmes
conditions dont le capital est détenu, pour 75 % au moins, par des personnes
physiques. Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des
sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des
sociétés de développement régional et des sociétés financières d'innovation ne
sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de
dépendance au sens du 1
bis
du l'article 39
terdecies
entre la
société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds. »
« II. - Dans le premier alinéa de l'article 213 du code général des impôts,
après les mots : "235
ter
ZA", sont insérés les mots : ",
la contribution temporaire mentionnée à l'article 235
ter
ZB".
« III. - Le 2° du
f
du I de l'article 219 du code général des impôts
est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des sociétés de
capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des sociétés de
développement régional et des sociétés financières d'innovation ne sont pas
prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au
sens du 1
bis
de l'article 39
terdecies
entre la société en cause
et ces dernières sociétés ou ces fonds. »
« IV. - Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.
»
Sur l'article, la parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en première
lecture, la majorité du Sénat, en vertu d'une analyse de fond largement
développée et rappelée fort exactement et fort opportunément par M. Jean
Cluzel, au nom de la commission des finances, a estimé devoir supprimer cet
article.
Les raisons qui nous semblaient conduire à cette décision demeurent
aujourd'hui ; la continuité doit à notre avis prévaloir dans l'analyse,
d'autant plus que l'actualité de ces derniers jours nous incite à réitérer nos
positions. En effet, un divorce croissant, très préoccupant, est en train de
s'opérer entre le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, et
les entreprises.
J'évoquerai à cet égard votre proposition d'alourdir l'impôt sur les sociétés
avec tous les travers, tous les effets pervers d'une telle mesure, mal ciblée,
inopportune économiquement, inefficace, qui semble aller tout à fait à
contre-courant de l'harmonisation des politiques économiques en Europe et de
l'élaboration progressive de structures fiscales homogènes entre des pays qui,
demain, seront appelés à appartenir à la zone euro.
Mais, au-delà, nous voyons que le Gouvernement veut corseter les entreprises,
quelles que soient leur taille et leur nature : disant cela, j'évoque l'affaire
des trente-cinq heures, qui n'est que la mise en oeuvre d'une promesse
électorale dangereuse et illusoire se traduisant par toutes les contradictions
qui s'étalent à présent sous nos yeux.
Nous savons très bien que des groupes importants d'entreprises, des groupes
implantés sur différents territoires, ont la possibilité de négocier avec les
représentants des partenaires sociaux un assouplissement de l'organisation du
travail, des évolutions dans la politique des rémunérations, et d'intégrer à
cela des dispositions concernant le temps de travail et la création
d'emplois.
Nous savons aussi que beaucoup de petites et moyennes entreprises, notamment
dans les différents secteurs des services, ne disposent pas de ces marges de
manoeuvre permettant de globaliser ainsi une négociation avec les partenaires
sociaux.
Là où la précédente majorité avait mis en place un dispositif incitatif que
l'on a appelé « la loi Robien », le Gouvernement, par la voix de M. le Premier
ministre, au terme de la tragi-comédie qui s'est déroulée sous les yeux de la
France entière, propose un carcan, une limite arbitraire dans le temps - le 1er
janvier 2000 - pour toutes les entreprises quelles qu'elles soient et quelle
que soit la capacité de leurs représentants - représentants des salariés et des
dirigeants - à se mettre d'accord pour faire progresser ces entreprises, pour
améliorer leur organisation et pour leur permettre de créer un nouveau
dynamisme. Ce sont bien des approches voisines : d'un côté, plus d'impôt sur
les sociétés ; de l'autre, le carcan en matière d'organisation du travail.
C'est une vision extérieure à l'Europe,...
M. Raymond Courrière.
Une vision cauchemardesque !
M. Philippe Marini.
... une vision d'un autre temps, ce dont nous ne tarderons pas, hélas ! à nous
apercevoir dans les chiffres mensuels du chômage de ce pays.
Telle est la conviction que je veux exprimer tout à fait fermement. En effet,
le cap qui est tracé est un mauvais cap.
Nous avons à examiner aujourd'hui la première mesure concrète issue de cette
mauvaise politique. Il faut assurément la rejeter, et il importe de dire aux
chefs d'entreprise que le gouvernement actuel n'est pas réaliste. Ce n'est pas
le gouvernement de la période 1988-1993, ...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il y a eu le mois de juin !
M. Philippe Marini.
... au cours de laquelle certains sujets avaient pu avancer grâce à une
réflexion commune entre les milieux de l'entreprise et de la majorité d'alors.
Le gouvernement actuel est mu par des considérations beaucoup plus idéologiques
et nous offre le spectacle d'une vraie gauche au pouvoir, ce dont ses
adversaires ne peuvent assurément que se réjouir : en effet, d'ici à quelques
mois, voire quelques années, la démonstration sera faite, monsieur le ministre,
que votre politique était assurément la plus mauvaise qui soit !
M. le président.
Par amendement n° 2, M. Lambert, au nom de la commission, propose de supprimer
l'article 1er.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Cluzel,
rapporteur.
La suppression de l'article 1er se justifie par les analyses
que j'ai présentées tout à l'heure. Je n'insisterai donc pas.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je voudrais
profiter de cet amendement tendant à la suppression de l'article 1er pour
répondre à M. le rapporteur et à Mme Beaudeau, qui sont intervenus tout à
l'heure à la tribune. Leurs remarques, qui portaient évidemment sur l'ensemble
du texte, visaient néanmoins principalement les trois premiers articles, dont
la logique est bien reprise par l'article 1er, ainsi que l'a montré
l'intervention de M. Marini.
M. Cluzel a dit que nous partagions un point de vue, à savoir la nécessité de
respecter le déficit prévu. Très bien ! Alors, faisons-le ! Il ne suffit pas de
vouloir le respecter, monsieur le rapporteur, il faut s'y employer. Or, force
est de constater - l'audit l'a montré, mais M. Alain Juppé l'avait dit à M.
Lionel Jospin lors de la transmission des pouvoirs, et cela ne peut donc être
contesté par personne aujourd'hui - que, au début du mois de juin, le déficit
de notre pays était compris entre 3,5 % et 3,7 %.
Je ne jette pas la pierre au gouvernement précédent, même si d'autres que moi
pourraient le faire ! Néanmoins, quand les choses ont dérapé, il faut à tout le
moins les corriger, même si l'on ne tient pas à critiquer ceux qui ont laissé
une telle situation se créer.
Pour ce faire, il n'y a pas trente-six manières : il faut faire des économies
et opérer des prélèvements supplémentaires.
Les économies ont été engagées. S'agissant des prélèvements supplémentaires,
ils ne conduiront pas à augmenter la totalité des prélèvements pour 1997 -
chacun des membres de la Haute Assemblée l'a bien noté, je pense - puisqu'il
s'agit simplement de compenser, ainsi que l'audit l'a montré, des recettes qui
ne sont pas au rendez-vous.
Dans ces conditions, la question peut se poser de savoir si ce qui était vrai
au mois de juillet l'est toujours au mois de septembre. C'est ce que vous avez
dit, monsieur le sénateur, laissant entendre que si, au mois de juillet, on
pouvait penser qu'il fallait agir ainsi, au mois de septembre, ce n'était
peut-être plus nécessaire.
Malheureusement, je suis obligé de vous détromper. L'analyse que vous faites
des situations mensuelles publiées par mon ministère est trop rapide. En effet,
vous avez raison de dire que la situation au mois de septembre est meilleure
qu'elle ne l'était l'année dernière, ce qui pourrait donner à penser que vous
avez raison et que, finalement, le nouveau gouvernement, par simple magie, a
redressé la situation au cours des mois de juin, juillet et août.
J'ai regret à devoir vous dire qu'il n'en est rien !
Pourquoi ? Parce que, à la suite de l'allégement de l'impôt sur le revenu,
auquel l'ancienne majorité avait donné ses suffrages, 25 milliards de francs ne
tomberont pas dans les caisses de l'Etat au mois d'octobre, à l'occasion du
dernier tiers provisionnel ! Par conséquent, la situation à la fin du mois de
septembre n'est absolument pas significative de la situation de la fin de
l'année. Il faudrait pour cela que la fin de l'année soit analogue à celle des
années précédentes, ce qui ne sera pas le cas en raison de l'absence de ces 25
milliards de francs.
Nous sommes donc bien sur les rails indiqués par MM. Bonnet et Nasse : au bout
du compte, si nous n'avions pas ces ressources nouvelles, grâce au projet de
loi que le Gouvernement vous demande aujourd'hui de voter, nous serions bien au
niveau de déficit constaté par les auditeurs.
C'est tellement vrai que, malgré ces recettes et malgré les dépenses qui
seront très exactement celles que vous avez votées, mesdames, messieurs les
sénateurs, nous aurons, à la fin de l'année, un déficit de 3,1 %, c'est-à-dire
légèrement supérieur à celui qui était prévu initialement. C'est d'ailleurs
celui que j'ai signifié à la Commission de Bruxelles au début du mois de
septembre et que vous avez sans doute vu publier dans la presse voilà quelques
jours, corroboré par les analystes de la Commission.
Par conséquent, si les dépenses sont celles qui ont été prévues et si le
déficit est plutôt supérieur à ce qui était escompté, c'est que les recettes
sont plutôt inférieures à celles qui étaient attendues. Aussi, monsieur le
rapporteur, ne pouvons-nous retenir votre thèse selon laquelle l'augmentation
de l'impôt sur les sociétés ne serait pas nécessaire.
Je dirai juste un mot sur la rétroactivité. Ce débat est récurrent dans nos
assemblées. Il me paraît très important, non seulement pour l'ensemble des
parlementaires, mais aussi pour les Français qui s'intéressent à nos débats,
d'avoir une opinion tranchée sur cette question.
Les mesures que propose le Gouvernement ne sont pas rétroactives. Elles ne le
seront jamais d'ailleurs, car la non-rétroactivité de la loi fiscale est un
principe sur lequel nous devons être vigilants et au respect duquel, de toute
façon, le Conseil constitutionnel veille.
Sur le plan strictement juridique, je vous rappellerai que l'impôt sur les
sociétés est déclenché par la clôture des comptes, qui intervient le 31
décembre. Par conséquent, une mesure adoptée au cours du mois de septembre ou
d'octobre n'est en rien rétroactive.
Sur le plan plus politique, si vous m'y autorisez, je vous rappellerai que
cette mesure est exactement de même nature et qu'elle est adoptée à la même
période de l'année que la surtaxe de 10 % proposée par M. Juppé à l'automne
1995. Or, autant qu'il m'en souvienne, l'ensemble de la majorité de cette
assemblée avait voté cette surtaxe ! Ce qui était vrai hier reste vrai
aujourd'hui : ce n'était pas rétroactif à l'époque, cela ne l'est pas plus
aujourd'hui, monsieur le rapporteur !
Mme Beaudeau a posé beaucoup de bonnes questions sur l'avenir de notre
fiscalité. Une partie des réponses se trouvera dans le projet de loi de
finances pour 1998, qui sera bientôt examiné par le Sénat, et une autre partie
sera reportée à l'année prochaine. En effet, comme vous le savez, madame le
sénateur, M. le Premier ministre a souhaité que la réforme fiscale soit étalée
sur plusieurs années, de façon que nous prenions le temps d'y réfléchir
ensemble.
J'aurai l'occasion, lorsque je viendrai avec Christian Sautter vous présenter
le projet de loi de finances pour 1998, de proposer au Sénat de s'associer à
une réflexion du Gouvernement et de l'Assemblée nationale sur la fiscalité
locale et sur la fiscalité du patrimoine, lesquelles doivent donner lieu, pour
l'année prochaine, à des éléments de réforme. Pour la fiscalité locale, cela
concerne principalement la taxe d'habitation et la taxe professionnelle. Pour
la fiscalité du patrimoine, à prélèvement constant, cela vise l'ensemble des
éléments qui, dans notre pays, concourent à cette fiscalité et qui méritent
d'être revus.
Vous avez évoqué le problème des caisses d'épargne, point sur lequel je
reviendrai tout à l'heure, lors de l'examen de l'article 8.
Je partage votre sentiment sur le taux aujourd'hui trop élevé des prêts que la
mécanique des caisses d'épargne conduit à proposer au secteur du logement
social. Nous devons donc trouver une solution. Vous en avez proposé une par une
bonification d'Etat. D'autres - certains doivent d'ailleurs siéger dans cet
hémicycle - considèrent bien sûr qu'il serait utile de baisser le taux du
livret A. En tout cas, le problème est clair.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Quel est votre sentiment ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Nous en parlerons
le moment venu, monsieur le président ! Mais il est clair que les prêts que
nous sommes conduits à faire au logement social sont aujourd'hui à un coût
paradoxalement supérieur à ce que le marché peut proposer. Nous sommes bien
dans un système qui marche sur la tête ! Il nous faut apporter une solution à
ce problème ; mais nous aurons l'occasion d'en reparler.
Monsieur Marini, vous êtes intervenu sur l'article 1er, pour en demander la
suppression. Vous avez dit, reprenant les arguments de M. le rapporteur, que
les dispositions qu'il contenait n'étaient pas nécessaires. Je n'y reviens pas,
car j'ai déjà répondu sur ce point.
Par ailleurs, vous avez évoqué un autre sujet un peu éloigné du projet de loi,
même s'il est intéressant, à savoir le débat relatif aux trente-cinq heures,
qui est aujourd'hui ouvert dans notre pays.
Sur ce point, vous avez dit un certain nombre de choses qui m'ont fait plaisir
et dont je tiens à vous remercier, et d'autres qui me paraissent erronées et
que vous me permettrez donc de corriger.
Monsieur Marini, vous m'avez fait plaisir en disant qu'il s'agissait de la
concrétisation d'une promesse électorale. Je tiens cela pour un compliment. En
effet, dans ce pays, nous avons à ce point perdu l'habitude que les
gouvernements nouvellement nommés tiennent leurs promesses électorales et leur
parole que cela vous paraît étonnant, voire critiquable. Eh bien, oui,
mesdames, messieurs les sénateurs, je le dis avec fierté : le Gouvernement
tient les promesses électorales qu'il a faites.
Vous avez ensuite déclaré que cette mesure touchait les entreprises, quelle
que soit leur taille. Cette phrase vous aura sans doute échappé, car vous avez
bien sûr noté, dans les propos de M. le Premier ministre, que les petites
entreprises de moins de dix salariés, voire celles de moins de vingt salariés -
cela relèvera de la négociation - sont en dehors du dispositif qui a été
proposé.
M. Philippe Marini.
Ce n'était pas clair !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Si ce n'était pas
clair pour vous, je suis content d'éclairer ce point ! Ainsi, dorénavant, vous
ne pourrez plus reprendre cette erreur maintenant que la question a été
tranchée.
(Sourires.)
Ensuite, vous avez dit qu'il s'agissait d'un carcan arbitraire imposé aux
entreprises.
Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le sénateur, que nous vivons sous
l'empire de la législation des trente-neuf heures. Or je ne vois pas pourquoi
trente-neuf heures seraient un carcan moins arbitraire que trente-cinq heures !
A la rigueur, vous pourriez dire que c'est un carcan plus serré, mais
certainement pas plus arbitraire !
Si l'on vous écoutait, lorsque, en 1936, une majorité - comme par hasard de
gauche, elle aussi ! - a voté les quarante heures, il aurait surtout fallu ne
pas le faire parce que cela aurait constitué un carcan insupportable pour les
entreprises !
Heureusement, décennie après décennie, il y a dans notre pays des majorités de
progrès qui font avancer les choses. Chaque fois, évidemment, les minorités
conservatrices s'y opposent ; mais, fort heureusement, il est des périodes où
une majorité de gauche, dans ce domaine comme dans d'autres, permet que les
choses évoluent. Sinon, nous serions sans doute encore dans la situation dont
vous rêvez et qui était celle de nos pères, lorsqu'on travaillait soixante ou
soixante-cinq heures par semaine.
Heureusement, en 1936, puis en 1982, puis, je l'espère en 1998, la France aura
bougé.
« Vision d'un autre temps », avez-vous dit. Oui, vous avez tout à fait raison
! Il s'agit effectivement d'une vision d'un autre temps : il s'agit, monsieur
le sénateur, d'une vision de l'avenir car l'avenir est, vous le savez comme
moi, à un temps de travail moins long. C'est vrai dans tous les pays ! C'est
vrai depuis un siècle ! Fort heureusement, nous ne travaillons plus
soixante-dix ou quatre-vingts heures par semaine, comme c'était le cas voilà un
siècle. Et j'espère que cela continuera ! Je suis en tout cas heureux que vous
reconnaissiez avec moi que c'est une vision prospective que le Gouvernement
vous propose.
Au demeurant, bien entendu, cette mesure ne touchera pas tout le monde. Elle
concernera peu les cadres, car leur temps de travail est plus difficile à
mesurer, et - je tiens à vous rassurer - elle ne touchera pas non plus les
sénateurs, qui pourront continuer à travailler soixante ou de soixante-dix
heures par semaine, comme c'est couramment le cas.
(Sourires.)
M. Jean Cluzel,
rapporteur.
Nous vous remercions, monsieur le ministre !
(Nouveaux sourires.)
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Enfin, monsieur
Marini, vous avez terminé par ce qui, dans votre bouche, se voulait sans doute
la critique suprême. Vous admettrez que, là aussi, je m'en délecte comme d'un
compliment, car vous avez dit aux Français que le gouvernement actuel était un
vrai gouvernement de gauche. Reconnaissez que l'on pouvait difficilement lui
faire un compliment dont il se délecte autant !
Pour toutes ces raisons, je vais donc demander au Sénat de bien vouloir
rejeter l'amendement n° 2, afin que le texte du projet de loi demeure celui qui
a été voté par l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Monsieur le ministre, vous allez certainement
me dire que je suis hors sujet, mais, puisqu'elle a été abordée, je voudrais
que vous nous éclairiez sur l'affaire des trente-cinq heures : je n'ai pas
encore bien compris si les trente-cinq heures seraient, comme cela a été
indiqué, payées trente-neuf heures ou si elles seraient payées trente-cinq.
Cette question me préoccupe et je voudrais pouvoir m'en expliquer devant les
intéressés, qui se posent la même question que moi. Combien seront rémunérées
ces trente-cinq heures ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
J'ai à coeur de
répondre à M. Poncelet, même si, comme il l'a lui-même rappelé, sa question
n'entre pas vraiment dans l'objet du débat de cet après-midi.
Il n'y a pas, monsieur Poncelet, de réponse à votre question
(Sourires)
car, dans notre pays - et je m'en félicite ! - les salaires sont librement
déterminés entre les employeurs et les syndicats, et en aucun cas l'Etat ne
voudrait s'en mêler. Je ne comprends d'ailleurs même pas qu'un libéral comme
vous ait imaginé une seule seconde que j'allais apporter une réponse à une
telle question !
(Nouveaux sourires.)
Ce que le Gouvernement souhaite, c'est que la durée légale du travail soit
ramenée à trente-cinq heures. Cela étant, comme vous le savez, la durée légale
a peu de chose à voir avec la durée effective, laquelle est négociée librement
entre les employeurs et les salariés.
Le fait que la durée légale passe à trente-cinq heures aura pour effet, je
l'espère, qu'un certain nombre d'entreprises trouveront avantage à réorganiser
leurs structures de production et à passer d'elles-mêmes à trente-cinq heures,
à trente-deux heures, voire à trente heures. Nous connaissons d'ailleurs
beaucoup d'exemples en ce sens : récemment, un quotidien du matin ne
rapportait-il pas qu'un industriel français, par ailleurs président d'une
société belge oeuvrant dans la sidérurgie et qui, il y a peu, exerçait des
responsabilités au sein du patronat, avait lui-même organisé dans son
entreprise le passage en deçà des trente-cinq heures ?
(Sourires.)
Pour ma part, je recevais voilà quelques jours le président de la
commission sociale du CNPF, précisément pour parler de ces questions, et il m'a
montré des tableaux faisant apparaître que, dans ses usines de Grenoble, qui
fabriquent des transformateurs et autres appareillages électriques, les
salariés étaient déjà à 30,8 heures à la suite d'une négociation.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Et combien sont-ils payés ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Sans doute
bien.
M. Philippe Marini.
Encore une pirouette !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Certainement pas assez !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Ils sont bien
payés, rassurez-vous, monsieur Poncelet, mais Mme Beaudeau a raison : sans
doute pas assez !
(Rires.)
Cela étant, je ne vais pas entrer dans ce débat.
Ce qui est clair, c'est que la durée légale est une chose et que la durée
effective en est une autre. Ce que définit la durée légale, c'est la durée à
partir de laquelle on commence à payer des heures supplémentaires.
Permettez-moi, ainsi, de vous livrer l'arithmétique suivante : j'espère que
beaucoup d'entreprises, lorsque la loi sera en vigueur, seront à trente-cinq
heures, voire à moins, car cela créera beaucoup d'emplois pour ceux dont le
sort, parce qu'ils en sont actuellement dépourvus, nous préoccupe. Je suis
certain, d'ailleurs, que c'est un souci pour vous comme pour le
Gouvernement.
Imaginons une entreprise dont les salariés travaillent aujourd'hui tente-neuf
heures.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Payées quarante !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Non, trente-neuf
heures payées trente-neuf !
Imaginons que la loi importe peu à son président, président réactionnaire qui
en aucun cas ne veut voir la durée du travail diminuer, qui dit même que, s'il
pouvait l'augmenter, il l'augmenterait.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
C'est M. Marini !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Certes, je sais
qu'il y a très peu de présidents de cette nature dans les entreprises
françaises, mais imaginons un instant qu'il y en ait un. Eh bien, il continuera
à faire travailler ses salariés trente-neuf heures, et les quatre heures
au-delà des trente-cinq heures, en deça des trente-neuf heures seront des
heures supplémentaires.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
C'est clair !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Vous savez que,
dans notre pays, les heures supplémentaires sont payées 25 % de plus. Quatre
heures à 25 %, cela fait une heure de plus, et les salariés effectueront alors
trente-neuf heures payées quarante. Cela représente 2,5 % d'augmentation, soit
un taux bien inférieur aux gains de productivité que l'entreprise
enregistrera.
Donc, même dans le cas de ce patron d'entreprise - dont je n'ose imaginer
qu'il existe tant je considère une telle attitude répréhensible - vous pouvez
constater que la mesure que le Gouvernement propose est d'une très grande
souplesse et ne saurait porter atteinte à la compétitivité des entreprises.
J'espère, monsieur Poncelet, que vous voilà rassuré et que vous pourrez porter
vers nos bonnes usines textiles de la région que vous représentez le message
que je viens de vous passer.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Ce n'est pas celui que vous avez compris que
je vais essayer de leur faire comprendre !
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er est supprimé.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Après le
a ter
du I de l'article 219 du code général des
impôts, il est inséré un
a quater
ainsi rédigé :
«
a quater.
Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 1997,
le régime des plus et moins-values à long terme cesse de s'appliquer à la plus
ou moins-value provenant de la cession des éléments d'actif, à l'exception des
parts ou actions visées aux premier et troisième alinéas du
a ter.
« Les moins-values à long terme afférentes à des éléments d'actif désormais
exclus du régime des plus et moins-values à long terme en application de
l'alinéa précédent, et restant à reporter à l'ouverture du premier exercice
ouvert à compter du 1er janvier 1997, peuvent, après compensation avec les
plus-values et les résultats nets de la concession de licences d'exploitation
continuant à bénéficier de ce régime, s'imputer à raison des 19/33,33e de leur
montant sur les bénéfices imposables. Cette imputation n'est possible que dans
la limite des gains nets retirés de la cession des éléments d'actifs exclus du
régime des plus et moins-values à long terme en application de l'alinéa
précédent ; ».
Sur l'article, la parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
La philosophie qui sous-tend l'article 2 est identique à celle de l'article
1er. Comme en première lecture, j'en préconise donc la suppression, ainsi que
nous le propose la commission.
Il est clair, monsieur le ministre, que la politique que vous menez tend à
isoler notre pays et ses entreprises. Que vous le vouliez ou non et quelle que
soit votre habilité dialectique - qui est grande, de même que votre talent de
communicateur - il est clair que ce n'est pas en incitant nos entreprises à
travailler moins que l'on dynamisera leurs activités.
Il est non moins clair que ce n'est pas en accroissant les charges de toute
nature - et notamment l'impôt sur les bénéfices - que l'on développera l'esprit
d'entreprise dans ce pays.
Ce sont des réalités simples !
M. Raymond Courrière.
Simplistes !
M. Philippe Marini.
Sans doute, aujourd'hui, une partie de l'opinion n'est-elle pas mûre pour les
entendre, mais je persiste à croire et à dire que, dans quelques mois, lorsque
les preuves auront été faites, la réceptivité de l'opinion publique à l'égard
d'une politique d'inspiration toute différente deviendra tout à fait réelle,
beaucoup plus qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Cela étant, monsieur le ministre, je dois reconnaître un point d'accord avec
vous : il est bon que la gauche soit une vraie gauche, et il est bon que la
droite ait confiance en ses valeurs et en ses solutions.
Il me semble que, dans le domaine de l'économie, vous êtes, monsieur le
ministre, face à une contradiction que vous n'arriverez pas à gérer. En effet,
après avoir assumé, au mois de juin dernier, à Amsterdam, tous les engagements
de la France dans la construction européenne, vous voulez nous faire croire,
tout en proclamant l'objectif de l'euro et le respect des critères de
Maastricht, qu'il est concevable de diriger la France vers une structure
fiscale d'une essence différente de celle qui a cours chez nos principaux
partenaires, qu'il s'agisse de l'Allemagne ou, naturellement, de la
Grande-Bretagne - même travailliste, et
a fortiori
travailliste - ou
qu'il s'agisse des pays de l'Europe méditerranéenne, de l'Espagne qui s'est
profondément réformée, ou de l'Italie, où même vos homologues ont la sagesse de
mener une politique qui, à bien des égards et sur bien des sujets - je pense,
notamment, au dossier de l'épargne retraite, sur lequel vous n'osez pas avancer
- me paraît préférable à la vôtre pour entrer dans la zone euro.
Naturellement, cela peut susciter votre ironie, monsieur le ministre, je le
comprends bien. Quoi qu'il en soit, je ne partage pas la mythologie que vous
avez rappelée tout à l'heure. Mais à chacun ses fidélités, à chacun ses
conceptions ! Je persiste à penser, pour ma part, que les grands rendez-vous
sociaux du passé que vous avez évoqués ont plutôt été à l'origine de
régressions pour notre pays que de réels progrès.
M. Raymond Courrière.
C'est ce que disait Pétain en 1940 !
M. Philippe Marini.
Je le répète, chacun sa culture, chacun sa fidélité, et je ne vous critiquerai
pas d'être ce que vous êtes ; mais j'espère que vous-même et vos amis
accepterez que d'autres voix s'élèvent et que d'autres logiques soient
exprimées au sein de cette assemblée, pour secouer ce qui pourrait, à certains
égard, apparaître comme une sorte de consensus mou sur des sujets caressant
l'opinion dans le bon sens.
Ce n'est certainement pas avec ce type d'approche que l'on préparera l'avenir,
mais au contraire grâce à des positions claires et tranchées.
C'est ainsi que la suppression de l'article 2 constituera le premier pas d'une
démarche au travers de laquelle, progressivement, au fur et à mesure que la
crédibilité se reconstruira, l'opposition montrera qu'elle a d'autres solutions
à présenter pour demain ou pour après-demain - mais vous savez bien qu'au Sénat
nous avons le temps d'attendre
(Sourires.)
- dans le cadre d'une autre politique.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je ne voudrais
pas ennuyer le Sénat en intervenant trop longuement, mais je ne peux pas ne pas
répondre à M. Marini : il considérerait que c'est discourtois, et il aurait
raison.
Vous parlez d'isolement de la France. Monsieur le sénateur, j'ai trop de
respect pour vous pour penser que vous croyez une seule seconde ce que vous
dites ! Si une politique a pu isoler la France, c'est bien celle du
gouvernement précédent, qui nous a disqualifiés pour l'euro ! Et l'audit de MM.
Bonnet et Nasse, et la lettre adressée par Alain Juppé à Lionel Jospin l'ont
montré, la France était disqualifiée et, sans les mesures que je propose ici -
elles auraient pu être autres : on peut choisir tel ou tel mode de prélèvement
- pour compléter les recettes fiscales que vous avez votées mais qui n'étaient
pas au rendez-vous, la France n'aurait pu être au rendez-vous.
De grâce ! monsieur le sénateur : le problème de l'isolement de la France est
pour vous une question importante - je comprends qu'elle le soit, et il en
serait de même pour moi si c'était le cas - mais ayez l'amabilité de
reconnaître que ce sont les mesures que nous vous proposons qui nous remettent
dans le jeu et non pas la situation que vous nous avez léguée.
M. Jean-Pierre Raffarin.
C'est une caricature !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Marini n'est
pas une caricature, c'est un sénateur !
(Rires.)
M. Jean-Pierre Raffarin.
Pas lui, vos propos !
M. Michel Barnier.
On n'est pas au théâtre !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Vous avez abordé
un second point, monsieur Marini, en disant que nous allions dans un sens qui
n'était suivi par personne. Mais vous oubliez que la durée du travail est plus
faible en Allemagne que chez nous, que les Italiens sont sur le point d'engager
une discussion sur les trente-cinq heures...
M. Philippe Marini.
C'est une comédie à l'italienne !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
N'ayez pas pour
les Italiens le mépris que l'on sent dans votre voix, comme tout à l'heure
lorsque vous disiez que le peuple français n'était pas capable de comprendre ce
qui se passait : naïf, il se serait laissé berné, et vous espériez que, dans
quelques mois, il comprendra. Nous avons, vous et moi, pour être des
parlementaires, trop de respect pour les électeurs pour que vos propos n'aient
dépassé votre pensée.
Je comprends que vous ayez été échaudé par la sagacité des Français, car c'est
la politique fiscale que vous avez approuvée pendant quatre ans qui a conduit
la précédente majorité là où l'on sait ; vous avez alors dû constater à quel
point les Français savent apprécier correctement la politique qu'on leur fait
subir. Il suffit de regarder les réactions qui ont suivi l'annonce du texte que
je vous propose et de la mesure qu'il comprend pour s'apercevoir qu'ils n'ont
pas porté sur cette mesure un jugement analogue au vôtre. La sagacité qui
valait hier me semble donc continuer à valoir aujourd'hui.
Je finis d'un mot, car ce débat que nous pourrions continuer longtemps, nous
aurons d'autres occasions de le poursuivre, lors de l'examen de la loi de
finances.
Je partage votre sentiment, monsieur Marini : il faut que la gauche soit la
gauche et que la droite soit la droite, et vous n'avez aucune raison d'en avoir
honte.
M. Philippe Marini.
C'est tout le contraire ! Vous travestissez mes propos !
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Pourquoi vous
sentez-vous obligé de dire que vous aimez la gauche quand elle est à
l'extérieur, en Grande-Bretagne ou en Italie, de la prendre comme modèle, de
regretter que nous ne soyons pas à son image ? Vous aimez la gauche quand elle
n'est pas française parce que, en fait, vous ne voulez pas assumer exactement
ce que vous êtes.
Ayez le courage de défendre vos positions et peut-être, comme vous le disiez,
après-demain, ou après après-demain, le suffrage universel vous sourira-t-il de
nouveau !
En tout cas, s'agissant de l'article 2, qui est effectivement la suite
naturelle de l'article 1er, la position du Gouvernement reste inchangée.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Par amendement n° 3, M. Lambert, au nom de la commission, propose de supprimer
l'article 2.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Cluzel,
rapporteur.
Lorsque c'est un rapporteur suppléant qui est face à un
ministre dont la perspicacité n'est jamais prise en défaut, il peut se produire
ce qui s'est produit à l'instant. Dans mon exposé, j'ai en effet parlé, à
propos du dispositif fiscal, de « sa » rétroactivité. Bien entendu, M. le
ministre n'a pas manqué de s'infiltrer dans la brèche. J'aurais dû dire, c'est
vrai, que certains éléments sont rétroactifs. Je donne acte, donc, à M. le
ministre de la justesse de sa rectification.
En revanche, sur l'article 2, je sollicite son adhésion à mon
argumentation.
En effet, la suppression du régime de taxation favorable des plus-values est
bien une disposition rétroactive, dans la mesure où elle s'applique à des
plus-values réalisées avant le 1er janvier 1997, mais dont la taxation avait
été reportée.
Il existe quelques cas, notamment celui des plus-values réalisées à la suite
d'une expropriation ou d'une opération dite intercalaire comme, par exemple,
une fusion d'entreprises ou un échange de titres.
Voilà pourquoi je propose la suppression de l'article 2.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 2 est supprimé.
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - I. - A. - L'article 1668 du code général des impôts est ainsi
modifié :
« 1° Le premier alinéa du 1 est complété par les mots : "et à 19 % du
résultat net de la concession de licences d'exploitation des éléments
mentionnés au 1 de l'article 39
terdecies
. Le bénéfice de référence
s'entend des bénéfices soumis aux taux fixés au deuxième alinéa et au ƒ du
I de l'article 219".
« 2° Le 4
bis
est ainsi rédigé :
« 4
bis
. - L'entreprise qui estime que le montant des acomptes déjà
versés au titre d'un exercice est égal ou supérieur à la cotisation totale
d'impôt sur les sociétés dont elle serait redevable au titre de l'exercice
concerné, déterminée selon les modalités prévues au premier alinéa du 1,
prenant en compte l'impôt qui résulterait des cessions d'éléments d'actifs
soumis au régime des plus-values et moins-values à long terme et avant
imputation des crédits d'impôt et avoirs fiscaux, peut se dispenser de nouveaux
versements d'acomptes en remettant au comptable du Trésor chargé du
recouvrement des impôts directs, avant la date d'exigibilité du prochain
versement à effectuer, une déclaration datée et signée. »
« 3° Le 4
ter
est abrogé.
« B. - Les dispositions du A sont applicables aux acomptes échus au cours
d'exercices ouverts à compter du 1er janvier 1998.
« II. - Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 1668 C
ainsi rédigé :
«
Art. 1668 C
. - Les dispositions des I à III de l'article 1668 B sont
applicables à la contribution temporaire mentionnée à l'article 235
ter
ZB.
« Toutefois, le versement anticipé prévu au III de l'article 1668 B est fixé à
15 % pour les exercices clos avant le 1er janvier 1999 ou les périodes
d'imposition arrêtées aux 31 décembre 1997 et 1998, et à 10 % pour les
exercices clos ou la période d'imposition arrêtée entre le 1er janvier et le 31
décembre 1999. »
« III. - A. - Si l'exercice ouvert en 1997 est clos à compter du 1er septembre
de la même année, l'entreprise est tenue d'acquitter, au plus tard le 15
décembre de cette année, un acompte complémentaire d'impôt sur les sociétés
fixé à 33,1/3 % de la fraction du résultat de l'exercice précédent qui,
réalisée au cours d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1997,
relèverait du taux mentionné au deuxième alinéa du I de l'article 219 du code
général des impôts, en application du
a quater
du I du même article, et
à 19 % du résultat net de la concession de licences d'exploitation des éléments
mentionnés au 1 de l'article 39
terdecies
du même code, du dernier
exercice dont les résultats ont été déclarés, le cas échéant ramené à douze
mois.
« B. - Les dispositions du 1 de l'article 223 N et du 4 de l'article 1920 du
code général des impôts s'appliquent à l'acompte complémentaire visé au A ; les
dispositions du 4
bis
de l'article 1668 du même code ne s'appliquent pas
au même acompte.
« IV. - Si l'exercice ouvert en 1997 est clos à compter du 1er septembre de la
même année, le versement anticipé prévu au III de l'article 1668 B du code
général des impôts est calculé en tenant compte d'une taxation au taux de
33,1/3 % de la fraction du résultat de l'exercice précédent qui, réalisée au
cours d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1997, relèverait du taux
mentionné au deuxième alinéa du I de l'article 219 du même code, en application
du
a quater
du I de cet article. Ces dispositions ne sont pas
applicables aux entreprises qui doivent s'acquitter du versement anticipé au
plus tard le 15 septembre 1997.
« Les dispositions de l'alinéa précédent s'appliquent également pour le
versement anticipé de la contribution mentionnée à l'article 235
ter
ZB
du code général des impôts.
« V. - Pour les entreprises dont l'exercice est clos avant le 1er septembre
1997, la contribution temporaire prévue à l'article 235
ter
ZB du code
général des impôts est versée au plus tard le 15 décembre 1997.
« Pour celles dont l'exercice est clos entre le 1er septembre et le 31
décembre 1997 inclus ou celles dont la période d'imposition est arrêtée au 31
décembre 1997, le versement anticipé de cette contribution prévu au II dû au
titre de cet exercice ou de cette période est effectué au plus tard le 15
décembre 1997.
« VI. - Les entreprises ayant ouvert un exercice à compter du 1er janvier 1997
qui a été clos avant le 1er septembre, et pour lequel le délai de dépôt de la
déclaration prévu au deuxième alinéa du 1 de l'article 223 du code général des
impôts est expiré avant la publication de la présente loi, déposent au plus
tard le 30 novembre 1997 une déclaration rectificative prenant en compte les
dispositions du
a quater
du I de l'article 219 du même code et procèdent
à une nouvelle liquidation de l'impôt sur les sociétés et de la contribution
prévue à l'article 235
ter
ZA dans les conditions du 2 de l'article 1668
et du I de l'article 1668 B de ce code. »
Par amendement n° 4, M. Lambert, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Cluzel,
rapporteur.
C'est la conséquence de la suppression des articles 1er et
2.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3 est supprimé.
Article 5
bis
M. le président.
L'article 5
bis
a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 5, M. Lambert, au nom de la commission, propose de le
rétablir dans la rédaction suivante :
« Après le deuxième alinéa de l'article 7 de la loi n° 83-607 du 8 juillet
1983 portant diverses dispositions relatives à la fiscalité des entreprises et
à l'épargne industrielle, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Avant le 31 mars 1999, le Gouvernement dépose au Parlement un rapport
évaluant les conséquences économiques, sociales et financières pour le
développement et l'implantation des petites et moyennes entreprises, de
l'utilisation, par les collectivités locales et leurs groupements, des
possibilités de prêts offertes par l'alinéa précédent. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Cluzel,
rapporteur.
Le problème est simple, et il me semble que nous pouvons, sur
ce point, aboutir à un accord.
Le Sénat avait demandé un rapport annuel d'évaluation. L'Assemblée nationale a
fait valoir qu'un rapport annuel n'était guère indiqué pour un dispositif
temporaire. La commission des finances, prenant en compte l'argumentation de
l'Assemblée nationale, propose que soit demandé un rapport unique à la fin de
l'expérience.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Prévoir un
rapport annuel pour une mesure prolongée d'un an était sans doute un peu
hâtif.
Un rapport unique ? Pourquoi pas ? Pour autant, je ne suis pas sûr que cela
mérite une mesure législative. Le Gouvernement est à la disposition du
Parlement, et je suis tout à fait disposé, à la fin de l'année qui vient, à
fournir à la commission des finances du Sénat toutes les informations qu'elle
souhaite sur l'utilisation de ces fonds CODEVI.
Je m'en remets donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 5
bis
est rétabli dans cette rédaction.
Article 7
M. le président.
L'article 7 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 1 rectifié, M. Marini propose de le rétablir dans la
rédaction suivante :
« I. Dans le premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 du code général des
impôts, les mots : "dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la
moyenne annuelle des taux de rendement brut à l'émission des obligations des
sociétés privées" sont remplacés par les mots : "dans la mesure où le
taux retenu correspond à des conditions normales de marché".
« II. Dans le
b)
du 4
ter
du 1 de l'article 207 du code général
des impôts, les mots : "celui prévu au 3° du 1 de l'article 39" sont
remplacés par les mots : "un taux égal à la moyenne annuelle des taux de
rendement brut, sur le marché secondaire, des emprunts à long terme du secteur
privé".
« III. Dans le neuvième alinéa du I de l'article 39
quinquies
H du code
général des impôts, les mots : "au premier alinéa du 3° du 1 de l'article
39" sont remplacés par les mots : "au
b)
du 4°
ter
de
l'article 207".
« IV. - Dans le
c)
du I de l'article 125 C du code général des impôts
et dans la première phrase du septième alinéa du I de l'article 238
bis
-01 du même code, les mots : "au 3° du 1 de l'article 39"
sont remplacés par les mots : "au
b)
du 4°
ter
de l'article
207".
« V. Les dispositions des paragraphes I à IV ci-dessus s'appliquent pour
déterminer les résultats des exercices ouverts à compter du 1er janvier
1997.
« VI. Les pertes de recettes résultant de l'application des dispositions des
paragraphes I à V ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement
des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Cet amendement vise à rétablir une disposition que nous avions votée en
première lecture. Il s'agit, je le rappelle brièvement, d'une question de
nature technique, étudiée depuis un certain temps déjà par les services du
ministère, monsieur le ministre.
Le point qui me préoccupe concerne les conditions de déductibilité des
intérêts versés au sein d'un groupe lorsqu'une filiale fait rémunérer de la
trésorerie disponible par sa maison mère.
Il existe des textes d'origine ancienne qui établissent une limite de
déductibilité par référence à un indice, le TMO, qui était autrefois le taux
des emprunts obligataires du secteur privé.
Or, vous le savez, faute d'émissions en volume suffisant libellées par rapport
à ce taux, le TMO ne peut plus être calculé. C'est une référence obsolète, et
tous les trésoriers d'entreprise peuvent le constater, à l'instar de leur
association nationale.
On peut, en outre, s'interroger sur l'opportunîté d'une norme générale
applicable quelle que soit la taille de l'entreprise ou la devise concernée.
Voilà pourquoi j'ai imaginé un dispositif qui tend à maintenir le principe
d'une limite de déductibilité, tout en apportant les souplesses nécessaires au
calcul, car, s'il peut s'agir, dans certains cas, de petites et moyennes
entreprises et d'intérêts versés à des associés personnes physiques, il peut
s'agir aussi de groupes d'entreprises implantées dans différents pays et
susceptibles de connaître à grande échelle ce phénomène des placements de fonds
libres des filiales auprès d'une centrale de trésorerie établie dans le cadre
juridique de la maison mère.
Monsieur le ministre, cet amendement me paraît être un amendement de bon sens.
Je ne suis pas certain que le dispositif technique proposé soit le seul
possible, mais j'avoue avoir été surpris, voire choqué - je veux le dire à nos
collègues - par l'attitude de rejet immédiat, sans le moindre examen, qui a
prévalu au sein de la commission mixte paritaire, le rapporteur général de
l'Assemblée nationale se refusant par principe à toute analyse, alors qu'il
s'agit d'une question technique bien réelle, à laquelle il faut apporter une
réponse.
C'est donc pour que ce problème soit examiné et qu'il reçoive rapidement une
solution adéquate que je présente de nouveau, en nouvelle lecture, cet
amendement que j'avais déjà présenté en première lecture et que le Sénat avait
bien voulu adopter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Cluzel,
rapporteur.
La nécessité de trouver un taux de substitution avait déjà
été évoquée lors d'un débat d'ordre financier en avril 1996. Le gouvernement de
l'époque s'était engagé à mener à bien une réflexion sur ce sujet.
Le Gouvernement a changé, le problème demeure.
L'enjeu est important : ne pas risquer de dissuader les groupes étrangers
d'implanter leur centrale de trésorerie en France.
En cet instant, j'ai une double mission à remplir : je dois d'abord demander à
notre excellent collègue M. Marini de bien vouloir retirer son amendement ; je
dois, ensuite, exprimer le souhait, monsieur le ministre, que le Gouvernement
approfondisse la réflexion sur ce sujet et la conduise à son terme.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Le problème qui nous occupe est pendant
depuis fort longtemps, et je ne reprendrai pas les excellents arguments qu'a
présentés M. Marini et qui démontrent l'intérêt qu'il y a à le traiter
sérieusement.
Une disposition avait été inscrite dans un DDOEF ; elle n'a pas pu être
soumise à l'appréciation du Parlement, pour les raisons que vous connaissez.
Monsieur le ministre, je vous demande de prendre l'engagement clair et sérieux
- il le sera si c'est vous qui le prenez - que l'affaire ne sera pas close ;
s'il en est ainsi je pense que M. Marini retirera son amendement.
En effet, ce que je crains, si nous adoptons la disposition proposée par M.
Marini, c'est que l'Assemblée nationale ne la supprime, moyennant quoi le
Gouvernement pourrait considérer que l'affaire est définitivement classée.
Cela, nous ne le voulons pas. Nous souhaitons que s'établisse un dialogue
constructif avec le Gouvernement en la matière.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande de prendre l'engagement
que cette affaire continuera à faire l'objet d'un dialogue avec le Parlement
pour arriver à une solution, afin d'éviter la délocalisation des centrales de
trésorerie des entreprises.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Marini a eu
raison de soulever ce problème, qui est réel et auquel il faut, effectivement,
apporter une solution puisque la disparition du TMO rend l'application des
pratiques précédentes impossible.
Pourquoi la commission mixte paritaire n'a-t-elle pas retenu la disposition
que le Sénat avait adoptée ? Peut-être le rapporteur de l'Assemblée nationale
s'est-il trouvé aussi troublé que vous l'avez été vous-même, monsieur Marini,
par la façon dont le Sénat avait rejeté les trois premiers articles de la loi
alors même qu'ils ne proposaient rien d'autre que ce que M. Juppé avait proposé
deux ans auparavant et que vous aviez accepté ! Votre trouble et le sien se
sont compensés. Telle est sans doute l'explication du déroulement de la séance
de commission mixte paritaire !
Il reste que le problème est réel, et je donne volontiers mon accord à M. le
président de la commission des finances pour que nous étudiions ensemble cette
question, que nous convenions d'une procédure de travail et que nous essayions
de trouver une solution satisfaisante. A cet égard, c'est vrai, le meilleur
moyen n'est sans doute pas que l'Assemblée nationale rejette la disposition en
dernière lecture.
M. le président.
Monsieur Marini, sous le bénéfice des explications qui ont été données et des
engagements qui ont été pris, acceptez-vous de retirer l'amendement ?
M. Philippe Marini.
Après avoir entendu les sollicitations conjuguées de M. le ministre, de M. le
président de la commission des finances et de M. le rapporteur, je vais suivre
leur conseil.
J'espère, monsieur le ministre, que l'étude et la réflexion pourront être
menées de manière dynamique, rapidement, car c'est un sujet qui est bien
délimité et qui n'est pas très compliqué.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Bien sûr !
M. Philippe Marini.
Je reconnais que, depuis avril 1996, cette affaire aurait très bien pu être
réglée. Mais ce n'est pas votre faute si tel n'a pas été le cas, je vous en
donne bien volontiers acte. J'ai l'habitude de dire les choses comme je les
pense et sans détour !
Si vous pouvez faire en sorte que l'on aboutisse, quels que soit l'auteur et
la présentation - c'est un aspect qui m'est vraiment indifférent - à une
solution qui convienne aux entreprises, nous aurons, me semble-t-il, fait
oeuvre utile. J'espère que nous y parviendrons.
Compte tenu de ce que vous avez dit, monsieur le ministre, du fait que vous
avez reconnu le bien-fondé de la question posée et de votre accord pour trouver
une solution adéquate, je retire l'amendement. Toutefois, je demeurerai très
vigilant, vous le savez, sur ce sujet comme sur quelques autres.
M. Christian Poncelet,
président de la commission.
Nous n'en doutons pas !
M. le président.
L'amendement n° 1 rectifié est retiré.
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - Par dérogation aux articles 10 et 11 de la loi n° 83-557 du 1er
juillet 1983 portant réforme des caisses d'épargne et de prévoyance, les
mandats des membres des conseils consultatifs et des conseils d'orientation et
de surveillance des caisses d'épargne, en fonction à la date de promulgation de
la présente loi, sont prorogés jusqu'au 1er mars 1999. »
Sur l'article, la parole est à M. Marini.
M. Emmanuel Hamel.
Quelle chance nous avons là !
M. Philippe Marini.
Il s'agit là d'un article fort intéressant, monsieur le ministre.
Il nous est proposé, à la suite d'un amendement présenté par le Gouvernement à
l'Assemblée nationale, de repousser la date de renouvellement des mandats des
membres des conseils consultatifs et des conseils d'orientation et de
surveillance des caisses d'épargne.
L'exposé des motifs de cet amendement précisait que l'objectif à atteindre
était d'entrer dans une phase active de redéfinition juridique du réseau des
caisses d'épargne.
Vous savez que la commission des finances du Sénat a beaucoup travaillé sur
ces sujets, notamment dans le cadre du rapport piloté avec une grande maestria
par M. Lambert et qui s'intitulait
Banques, votre santé nous intéresse
.
Nous avions tâché d'établir un panorama complet du secteur financier et
bancaire de notre pays, et notamment approché les questions concernant les
réseaux de nature spécifique.
Plus tard, notre collègue M. Lambert a déposé une proposition de loi
concernant la rénovation et la restructuration du statut juridique des caisses
d'épargne.
Que vous vous engagiez dans une telle direction ne peut - une fois n'est pas
coutume, semble-t-il - que susciter l'approbation, même si, naturellement, nous
serons là encore très vigilants quant à la nature même de ce que vous serez
amené à proposer, car la nécessité d'une réforme est claire.
Cela dit, cette réforme doit être menée, selon nous, de telle sorte que les
caisses d'épargne conservent leur spécificité, mais soient ouvertes au vent de
la concurrence et puissent participer à celle-ci à armes égales, mais aussi à
devoirs égaux. C'est l'idée générale qui anime le plus souvent mes collègues de
la majorité au sein de la commission des finances, et nous souhaitons bien sûr
que la réforme que vous étudierez s'inscrive dans ce cadre général.
Toutefois, monsieur le ministre, je voudrais vous dire qu'à la lecture de cet
article j'ai éprouvé une petite surprise. Je sais bien que le domaine de la loi
et celui du règlement sont clairement définis. Je pense néanmoins qu'il y
aurait peut-être une anomalie à repousser la date de renouvellement des
conseils consultatifs et des conseils d'orientation et de surveillance des
caisses d'épargne sans repousser également la date de renouvellement des
instances centrales, en particulier du conseil de surveillance et, surtout, du
directoire du centre national des caisses d'épargne.
Des échéances sont assez proches. Il serait peut-être déséquilibré de
renouveler le directoire alors que les conseils d'orientation et de
surveillance et les conseils consultatifs seraient maintenus dans leur
composition actuelle jusqu'au 1er mars 1999.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous préciser vos intentions à ce sujet
et nous confirmer que la situation de l'ensemble du réseau sera gelée de bas en
haut et de haut en bas de sorte que la sérénité la plus complète prévale au
sein de ce groupe au moment où la concertation s'engagera sur les conditions et
sur les objectifs d'une réforme aussi importante ?
M. le président.
La parole est à monsieur Angels.
M. Bernard Angels.
L'article 8, qui prévoit le report des élections aux conseils consultatifs et
aux conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne et la
prorogation des mandats de leurs membres jusqu'au 1er mars 1999, doit permettre
que la réforme des statuts des caisses d'épargne se fasse dans la sérénité et
la concertation. Je crois donc que c'est une très bonne mesure.
Du fait de la transformation du monde bancaire français et de la nouvelle
donne européenne, une évolution du statut des caisses d'épargne et de leur rôle
dans l'économie de notre pays apparaît en effet nécessaire.
Mais cette évolution ne peut aboutir à la banalisation de cette institution,
qui est le premier interlocuteur financier des Français, avec 40 millions de
comptes gérés.
En effet, contrairement à ceux qui sont de fervents partisans de la
banalisation, nous pensons que, plus que jamais, notre pays a besoin de
conserver le caractère spécifique de ces établissements financiers, dont la
finalité n'est pas le profit, mais l'intérêt général, et qui peuvent ainsi
concourir à réduire la fracture sociale.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Bernard Angels.
La réforme des statuts permettra aux caisses d'épargne de renforcer leur
développement dans le respect des valeurs inscrites dans la loi de 1983, que je
rappelle : la promotion et la collecte de l'épargne ; le développement de la
prévoyance en vue de la satisfaction des besoins familiaux et collectifs ;
l'utilisation de leurs ressources au profit de l'économie sociale et locale, en
liaison avec les collectivités territoriales ; la primauté de leur rôle dans le
financement du logement social et dans l'aménagement du territoire.
Nous sommes nombreux à partager ces valeurs, même au-delà de la majorité
gouvernementale. Je sais que c'est dans ce sens que se fera la réforme.
Le groupe socialiste approuve donc cet article, qui permet de lancer la
concertation dans de bonnes conditions.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Jean Cluzel,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, à qui la référence à la loi de 1983 doit
rappeler quelque chose, puisqu'il en fut le rapporteur.
(Sourires.)
M. Jean Cluzel,
rapporteur.
Cet article est effectivement à la fois opportun et
raisonnable. M. Marini a posé une question que nous avions nous-mêmes soulevée
en commission des finances.
Comme il s'agit d'une organisation à deux niveaux, s'il y a report des
élections pour le premier niveau, les effets doivent concerner également le
second niveau. Nous serions heureux, monsieur le ministre, que vous nous
confirmiez que notre interprétation est la bonne.
Je veux rappeler que le Sénat a, dans l'élaboration des deux réformes de 1983
et de 1991, pris toute sa part, et sa légitime part. Nous pouvons vous assurer,
monsieur le ministre, qu'il prendra la même part dans l'élaboration de la
prochaine réforme.
La commission est donc favorable à l'adoption de cet article.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je veux remercier
le Sénat de l'approbation qui se manifeste sur toutes les travées - Mme
Beaudeau s'est elle-même exprimée tout à l'heure - sur la proposition qui est
faite par le Gouvernement. Je crois en effet que c'est la sagesse. Ce réseau a
besoin d'une réforme et elle ira dans le sens de l'adaptation de ce grand
réseau à la concurrence non seulement française mais aussi internationale.
J'ai bien entendu ce que M. Angels disait des préoccupations qui sont celles
de son groupe. Le Gouvernement a évidemment l'intention d'en tenir compte.
Une question précise a été posée par M. Marini et reprise par M. le
rapporteur. Il va sans dire que ce qui relève du domaine de la loi, c'est le
report des élections qui vous est soumis aujourd'hui ; mais il convient
évidemment que l'ensemble de la pyramide reste en l'état pendant la réforme.
L'objectif est simple. Une campagne électorale au sein des caisses d'épargne
prend plusieurs mois, et ce n'est évidemment pas alors le moment de discuter
avec les différents partenaires de l'organisation de la réforme. La campagne
électorale pour les organismes centraux est moins virulente mais elle existe
aussi, et elle aurait les mêmes effets un peu dévastateurs sur une concertation
sereine.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement vous propose de « geler » - le
terme est satisfaisant - la situation de haut en bas et de bas en haut, comme
vous l'avez dit, monsieur Marini.
Le froid règne sur les caisses d'épargne et, jusqu'au 1er mars 1999, nous
conserverons donc les structures qui sont en place aujourd'hui !
Avec votre concours - et je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir à
l'avance indiqué que le Sénat, qui a déjà beaucoup travaillé sur le sujet,
notamment M. Lambert, nous l'apporterait - la réforme devrait pouvoir être
présentée au Parlement, avec un peu de chance, au printemps prochain. Dans ces
conditions, tout sera en ordre pour qu'elle puisse être mise en place et que
des élections, telles qu'elles seront définies par ladite réforme - et de toute
façon il y aura bien, d'une manière ou d'une autre, des élections - puissent
être organisées au mois de mars 1999.
Je remercie le Sénat de son approbation.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
M. le président.
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la nouvelle
lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole, pour
explication de vote, à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, vous l'avez déclaré voilà peu,
vous avez choisi une attitude d'opposition systématique.
M. Emmanuel Hamel.
Pas du tout !
M. Jacques Habert.
Oh !
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Voilà une promesse tenue ! L'itinéraire de ce projet de loi en est la
démonstration.
M. Philippe Marini.
Nous venons de voter l'article 8, initiative du Gouvernement !
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Or, ce qui est systématique n'est pas toujours réfléchi.
Dans cet hémicycle, est souvent évoquée la grande sagesse du Sénat.
M. Denis Badré.
A juste titre !
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Nous serions donc en droit d'attendre de notre Haute Assemblée moins de
sectarisme et moins d'esprit partisan.
Vidant, une nouvelle fois, ce projet de loi de ses mesures de redressement des
finances publiques, mes chers collègues, vous oubliez ainsi la situation
laissée par le gouvernement précédent,...
M. Emmanuel Hamel.
Vous souvenez-vous du rapport Raynaud ?
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
... rappelée par M. le ministre tout à l'heure, situation difficile qui fut
sans doute à l'origine de la dissolution et du changement de majorité.
Je la rappelle : augmentation de 80 % de la dette publique en cinq ans ;
déficit réduit dans une faible proportion, comparé aux résultats de nos
partenaires, et ce malgré l'augmentation de plus de deux points de PIB des
prélèvements obligatoires et malgré les recettes de privatisation ; dérapage de
l'année 1997, constaté - M. le ministre l'a mentionné tout à l'heure - par
l'audit budgétaire et par M. Juppé lui-même, qui éloignait notre pays du
critère de 3 %...
Voilà des faits, mes chers collègues ! Il est donc systématique et non
réfléchi de votre part de refuser les mesures de redressement prises par le
Gouvernement.
Ces mesures sont indispensables pour que la France respecte les conditions du
passage à la monnaie unique et pour que soit cassée la spirale infernale
déficit-dette.
M. Emmanuel Hamel.
C'est Maastricht qui est une spirale infernale !
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Ces mesures équilibrées et justes ne devraient pas contrarier la croissance.
L'effet récessif a été limité au minimum : 20 milliards de francs. Cela ne
mérite pas les envolées lyriques sur l'asphyxie de l'économie, le découragement
de l'initiative ou le matraquage fiscal, surtout de la part de ceux qui n'ont
pas hésité, en 1995, à ponctionner plus de 60 milliards de francs sur une
consommation déjà hésitante !
Nos entreprises enregistrent globalement des résultats financiers plus que
convenables et disposent de capacités d'épargne excédentaires. Il n'est donc
pas anormal qu'elles participent à leur tour à l'effort, alors que les ménages
n'ont pas été épargnés depuis 1993.
En outre, ces grandes entreprises ne seront-elles pas les premières
bénéficiaires de la monnaie unique ? Il est donc normal de leur demander un
effort.
Enfin, je voudrais vous dire, monsieur Marini, combien j'ai été choquée par le
terme de « mythologie » que vous avez employé pour qualifier les conquêtes du
mouvement social rappelées tout à l'heure par M. le ministre.
Vous avez exprimé là du mépris pour le cheminement des travailleurs vers une
vie moins pénible que celle qui fut la leur au début de ce siècle, de ces
travailleurs qui furent les grands-pères et les grands-mères de certains
d'entre nous.
Vos déclarations, monsieur Marini, montrent à quel point vous vivez dans une
bulle, à quel point vous êtes coupé des réalités quotidiennes de l'immense
majorité des Français !
Dans la vie, il n'y a pas que les banques et les entreprises, monsieur Marini
; il y a tout le reste !
M. Philippe Marini.
La caricature est toujours excessive !
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
C'est sans doute l'oubli de ces réalités qui explique votre échec du mois de
juin.
M. Philippe Marini.
Vous n'avez jamais été battus à aucune élection ?
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
La fracture sociale, M. Hamel l'a dit tout à l'heure, cela existe !
M. Emmanuel Hamel.
Mettez-y fin !
M. le président.
Monsieur Marini et monsieur Hamel, je vous demande de laisser parler Mme
Bergé-Lavigne. Vous aurez tout loisir d'expliquer votre vote et de lui
répondre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Bravo ! monsieur le président.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Le groupe socialiste du Sénat soutient les mesures justes et équilibrées du
Gouvernement. Comme elles ont été une nouvelle fois supprimées par une majorité
sénatoriale campant sur son opposition systématique, nous confirmons notre vote
émis en première lecture
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jacques Habert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Je veux relever l'expression « opposition systématique » employée par Mme
Bergé-Lavigne. On ne peut en effet pas prétendre que la majorité sénatoriale
fait de l'opposition systématique.
Certes, à l'occasion de l'examen du présent projet de loi, il se trouve que
notre rapporteur général, dont nous respectons la compétence, et M. Jean
Cluzel, en séance, ont proposé la suppression des trois premiers articles. Mais
il y en a huit en tout, en particulier l'article 8. Or celui-ci a été voté avec
une belle unanimité, puisque M. Marini, d'un côté, et M. Angels, de l'autre,
l'ont trouvé judicieux. M. le ministre nous a d'ailleurs remerciés de cette
belle entente.
On ne peut donc pas parler, madame le sénateur, d'opposition systématique :
nous faisons preuve d'une opposition vigilante, constructive, sélective aussi,
comme nous en avons apporté la preuve à l'occasion de la discussion de ce
projet de loi.
Quoi qu'il en soit, nous aurons l'occasion de débattre à nouveau de ces
questions.
M. Philippe Marini.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Je m'apprête, bien entendu, à voter le projet de loi, compte tenu des
amendements que nous avons retenus.
Les votes qui sont intervenus dans cette enceinte, tant en première lecture
qu'en nouvelle lecture, montrent clairement la démarche de cette majorité à
laquelle mon groupe appartient. Il s'agit, pour nous, non pas de rejeter par
avance, sans examen préalable, sans discussion, les mesures qui nous sont
proposées, mais d'être cohérents avec nous-mêmes, de nous efforcer de dégager
des lignes claires en matière de politique économique.
Il n'y a naturellement aucune vérité facile et facilement acquise, ni en
matière de politique économique, ni en matière de politique sociale, surtout
lorsque l'on s'efforce de lutter pour l'emploi, ce qui est le cas - je l'espère
avec une égale bonne foi - sur les différentes travées de cet hémicycle.
Les membres de notre majorité - et, parmi eux, les membres du RPR - estiment
que, si l'on veut remporter des résultats significatifs en matière de lutte
pour l'emploi, il faut d'abord s'appuyer sur une réalité, sur un corps vivant :
l'entreprise ;...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il y a aussi les salariés !
M. Philippe Marini.
... et il faut savoir que tout ce qui démotive l'entreprise est mauvais pour
l'emploi.
Le rôle de l'Etat est important, naturellement ; mais, pour nous, l'Etat,
c'est un garant, ce n'est pas un gérant ; c'est un Etat qui définit les règles
du jeu, qui veille à la transparence du marché, qui établit un contexte
favorable pour que les activités économiques puissent se développer.
Cela suppose peut-être, de notre part, parfois, sur certains sujets, une
autocritique à propos des dispositions que nous avons pu approuver hier par
solidarité politique toute naturelle. Cependant, dans la phase d'opposition
dans laquelle nous nous trouvons, il faut certainement faire preuve d'esprit
d'anticipation et s'interroger sur la politique cohérente, raisonnable et
continue qu'il faudrait, à notre avis, adopter pour que notre pays fasse des
progrès, pour que ne s'y entretienne pas une ambiance morose et pour que ne s'y
décourage pas l'esprit d'entreprise, ce qui, à notre avis, est en train de se
produire.
Il faut éviter de voir nos meilleurs éléments, nos jeunes, la « matière grise
», partir ailleurs, là où l'ambiance serait plus dynamique et plus propice à la
réalisation de progrès et à l'obtention de succès dans la compétition
internationale.
Bien entendu, tout cela ne nous conduit pas à négliger la nécessité d'un
équilibre social, qui doit être constamment présente à nos esprits.
Mais, s'il faut résumer d'un mot le clivage profond qui apparaît entre les
thèses de la gauche et celles de l'opposition, ce mot est bien celui
d'entreprise.
Or, la conception que nous avons de la liberté d'entreprendre, de la libre
négociation au sein de l'entreprise, est une conception qui diffère des
approches fiscales, régaliennes, étatiques, qui continuent de caractériser la
politique gouvernementale et qui, je persiste à le dire, nous placeront
progressivement en marge d'une compétition que nous avons acceptée, toutes et
tous, que nous avons même appelée de nos voeux, au sein d'une Europe que nous
devrons assumer puisqu'elle est en train de se faire, par-delà les majorités
successives.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour l'ensemble de ces raisons, je
voterai, je le répète, le texte issu de cette nouvelle lecture devant la Haute
Assemblée.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
8
COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
DE PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication,
en date du 15 octobre 1997, l'informant que :
- la proposition d'acte communautaire E 606 - « proposition de règlement CE du
Conseil relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en cas d'accident
» - a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision
du Conseil du 9 octobre 1997 ;
- la proposition d'acte communautaire E 899 - « proposition de règlement CE du
Conseil prévoyant certaines règles d'application pour le régime spécial aux
importations d'huile d'olive originaire du Liban » - a été adoptée
définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 9
octobre 1997 ;
- la proposition d'acte communautaire E 900 - « proposition de règlement CE du
Conseil prévoyant certaines règles d'application pour le régime spécial aux
importations d'huile d'olive originaire du Maroc » - a été adoptée
définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 9
octobre 1997 ;
- la proposition d'acte communautaire E 901 - « proposition de règlement CE du
Conseil prévoyant certaines règles d'application pour le régime spécial aux
importations d'huile d'olive originaire de Tunisie » - a été adoptée
définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 9
octobre 1997 ;
- la proposition d'acte communautaire E 902 - « proposition de règlement CE du
Conseil prévoyant certaines règles d'application pour le régime spécial aux
importations d'huile d'olive originaire de Turquie » - a été adoptée
définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 9
octobre 1997 ;
- la proposition d'acte communautaire E 903 - « proposition de règlement CE du
Conseil prévoyant certaines règles d'application pour le régime spécial aux
importations d'huile d'olive originaire d'Algérie » - a été adoptée
définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 9
octobre 1997 ;
9
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Yann Gaillard une proposition de loi visant à modifier
l'article L. 2123-13 du code général des collectivités territoriales.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 36, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
10
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Denis Badré un rapport fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la
proposition de résolution (n° 265, 1996-1997) présentée en application de
l'article 73
bis
du règlement par M. Denis Badré sur la proposition de
directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne le
régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services de
télécommunications (n° E-785).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 37 et distribué.
J'ai reçu de M. Pierre Fauchon un rapport fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur le projet de loi organique, modifié par
l'Assemblée nationale, déterminant les conditions d'application de l'article
88-3 de la Constitution, relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union
européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit
de vote et d'éligibilité aux élections municipales et portant transposition de
la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994 (n° 21, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 38 et distribué.
J'ai reçu de M. Christian Bonnet, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au
nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'inscription
d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 39 et distribué.
J'ai reçu de M. Robert Badinter un rapport fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur la proposition de loi de M. Robert Badinter et
des membres du groupe socialiste et apparentés relative à l'édification d'un
monument au mont Valérien portant le nom des résistants et des otages fusillés
dans lieux de 1940 à 1944 (n° 362, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 40 et distribué.
11
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mardi 21 octobre 1997 :
A neuf heures trente :
1. - Discussion du projet de loi (n° 281, 1996-1997), adopté par l'Assemblée
nationale, modifiant le code civil pour l'adapter aux stipulations de la
convention de La Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux et
organiser la publicité du changement de régime matrimonial obtenu par
application d'une loi étrangère.
Rapport (n° 324, 1996-1997) de M. Luc Dejoie, fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffage universel, du règlement et
d'administration générale.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 octobre 1997, à dix-sept
heures.
2. - Discussion des conclusions du rapport (n° 306, 1996-1997) de M. Pierre
Fauchon, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale
sur la proposition de loi (n° 284, 1996-1997), de M. Jacques Larché, relative à
la validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de
formation professionnelle d'avocats.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 octobre 1997, à dix-sept
heures.
A seize heures quinze :
3. - Discussion des conclusions du rapport (n° 33, 1997-1998) de M. Jean-Louis
Lorrain, fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition
de loi (n° 410, 1996-1997) de MM. Daniel Hoeffel, André Bohl, Daniel
Eckenspieller, Francis Grignon, Hubert Haenel, Roger Hesling, Roger Husson,
Jean-Louis Lorrain, Joseph Ostermann, Mme Gisèle Printz, MM. Jean-Marie Rausch
et Philippe Richert relative au régime local d'assurance maladie des
départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 octobre 1997, à dix-sept
heures.
4. - Discussion de la proposition de loi organique (n° 261, 1996-1997),
adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la fiscalité applicable en
Polynésie française.
Rapport (n° 370, 1996-1997) de M. Lucien Lanier, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 octobre 1997, à dix-sept
heures.
Délais limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur l'éducation nationale
:
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 21 octobre
1997, à dix-sept heures.
- deuxième lecture du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée
nationale, déterminant les conditions d'application de l'article 88-3 de la
Constitution relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne
résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et
d'éligibilité aux élections municipales, et portant transposition de la
directive 94/80/CE du 19 décembre 1994 (n° 21, 1997-1998) :
- délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 22 octobre 1997, à
dix-sept heures.
Projet de loi portant transposition de la directive 94/47/CE du Parlement
européen et du Conseil du 26 octobre 1994 concernant la protection des
acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un
droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers (n° 208, 1996-1997)
:
- délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 22 octobre 1997, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
(La séance est levée à seize heures quarante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ERRATUM
Au compte rendu intégral de la séance du 9 octobre 1997
EMPLOI DES JEUNES
Dans l'intervention de M. Louis Souvet, page 2711, 1re colonne, rétablir comme
suit le 2e alinéa :
«
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Tout cela pour expliquer que nous n'avons pas pris une
position politique sur ce sujet. »
DÉLAI LIMITE POUR LE DÉPÔT DES AMENDEMENTS
À UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION
En application de l'article 73
bis,
alinéa 7, du règlement, la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation a fixé au lundi 20 octobre 1997, à 17 heures, le délai limite pour le
dépôt des amendements à la proposition de résolution qu'elle a adoptée sur la
proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui
concerne le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services de
télécommunications (n° E 785).
Le rapport n° 37 (1996-1997) de M. Denis Badré sera mis en distribution le
lundi 20 octobre 1997.
Les amendements devront être déposés directement au secrétariat de la
commission des finances et seront examinés par la commission lors de sa réunion
du mardi 21 octobre 1997,à 18 h 30.
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
Lors de sa séance du jeudi 16 octobre 1997, le Sénat a désigné M. Georges
Berchet pour siéger au sein de la commission supérieure du service public des
postes et télécommunications.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Organisation des établissements
publics locaux d'enseignement
75.
- 16 octobre 1997. -
M. Jean-Claude Carle
souhaite attirer l'attention de
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie
sur le problème que pose l'organisation actuelle des établissements publics
locaux d'enseignement. En effet, dans les EPLE, le chef d'établissement se
trouve être également le président du conseil d'administration, d'où une
confusion des rôles et une certaine dévalorisation de chacune de ces fonctions.
Le chef d'établissement étant chargé de mettre en oeuvre les projets arrêtés
par le conseil d'administration, il serait préférable de dissocier les deux
fonctions d'exécutant et de décideur qui, actuellement, ne font qu'une.
Renforcer la déconcentration au sein de ces établissements, pour redonner sa
dimension réelle à la fonction de président du conseil d'administration, faire
en sorte que le chef d'établissement soit véritablement le représentant de
l'Etat, qu'il dispose d'une réelle autonomie et puisse se recentrer sur sa
mission de base - la pédagogie - pour permettre à de nouveaux partenaires
d'accéder au sein de l'établissement, appparaissent nécessaires. Sachant que le
respect de l'autonomie des établissements passe avant tout par le respect de la
séparation des fonctions, il serait souhaitable de confier la présidence du
conseil d'administration à une personnalité extérieure à l'établissement, comme
cela a été suggéré dans le rapport « Pour l'école ». On reprendrait ainsi un
système déjà adopté avec succès dans les établissements publics locaux
d'enseignement agricole. Pour prévenir toute irruption d'une tutelle locale ou
nationale, les conseils d'administration ne pourraient être présidés ni par les
élus territoriaux ni par des représentants des services de l'Etat. Aussi, il
souhaiterait connaître sa position sur ce point.
Retraites agricoles
74. - 16 octobre 1997. - Mme Joëlle Dusseau appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le problème des retraites agricoles. Les retraites versées aux agriculteurs sont dramatiquement basses, calculées en fonction d'un système d'après-guerre aujourd'hui inadapté et pénalisant ceux qui ont nourri notre pays pendant plus de quarante années de leur vie. Il est désormais urgent d'apporter des solutions pour que les petits exploitants, les conjointes d'exploitants et les aides familiales puissent percevoir une retraite décente. Elle lui demande que les plus petites retraites soient portées à hauteur de 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance. Elle demande aussi qu'un effort soit fait pour les conjointes d'exploitants souvent sans statut et qui se retrouvent avec un minimum de retraite très largement en dessous du revenu minimum d'insertion. Elle suggère qu'il soit obligatoire de déclarer les épouses travaillant dans l'exploitation. Elle lui demande quelles mesures il envisage de prendre pour améliorer le système de retraite actuel et ce, suivant quel calendrier.