M. le président. « Art. 48. - I. - Au deuxième alinéa de l'article 326 du même code, les mots : " à la peine portée à l'article 109 " sont remplacés par les mots : " à la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe. "
« II. - Le dernier alinéa du même article est ainsi rédigé :
« Le témoin condamné peut interjeter appel de la condamnation dans les dix jours du prononcé de celle-ci. S'il était défaillant, ce délai ne commence à courir que du jour de la signification de l'arrêt. L'appel est porté devant la chambre d'appel de l'instruction. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 245, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer le paragraphe II de cet article.
Par amendement n° 84, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit la dernière phrase du texte présenté par le II de l'article 48 pour le dernier alinéa de l'article 326 du code de procédure pénale :
« L'appel est porté devant la chambre des appels correctionnels. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 245.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai dit au début de nos travaux de cet après-midi que, par coordination, nous avions retiré tous nos amendements pour ce qui concerne le tribunal, sauf trois. Nous avons déjà vu l'un d'entre eux, et voici donc le deuxième.
Je ne résiste pas au plaisir de faire une citation et de demander à chacun, en particulier à M. le garde des sceaux, de réfléchir pour les travaux à venir, notamment à l'Assemblée nationale.
Chacun sait, que, actuellement, un témoin ou un juré condamné pour ne s'être pas présenté à l'audience peut faire immédiatement opposition devant la cour d'assises elle-même. Or, le projet de loi tend à prévoir que, dans ce cas, l'opposition est remplacée par un appel qui doit être porté devant la chambre correctionnelle.
Pour ce qui concerne le tribunal criminel, nous avions dit la chose suivante - il s'agissait du témoin, mais cela valait aussi pour le juré : « Le témoin condamné a le droit de faire opposition et, s'il a, par exemple, simplement été retardé par un accident de la route, la cour relève immédiatement la condamnation. La procédure est simple : devant la cour d'assises, c'est elle-même qui est juge de cette opposition. Le tribunal qui nous est proposé va être permanent. Dès lors, est-il normal de supprimer cette opposition - c'est ce que prévoit le texte du Gouvernement - pour la remplacer par un appel qui sera jugé par la cour d'appel ? Le tribunal a son siège dans le département, alors que la cour d'appel, souvent, se tient en dehors du département », et, je le précise, peut être loin du domicile du juré ou du témoin. « Ainsi, le malheureux témoin qui sera arrivé en retard et qui aura été condamné ne pourra pas faire opposition immédiatement ; il sera obligé de faire appel et de se déplacer devant des magistrats qui ne connaîtront pas le contexte de l'affaire et qui ne pourront pas savoir pourquoi il a été condamné de cette manière et pourquoi, éventuellement, il a refusé de témoigner. » Je répète que le cas du juré et celui du témoin sont identiques.
J'ai eu l'occasion, voilà quelques jours, de relire les Souvenirs de la cour d'assises d'André Gide. En reprenant cet ouvrage après de nombreuses années, j'ai pu lire, dès la deuxième page, la narration suivante :
« L'un des jurés manque à l'appel. On n'a reçu de lui aucune lettre d'excuses ; rien ne motive son absence. Condamné à l'amende réglementaire : trois cents francs, si je ne me trompe. Déjà l'on tire au sort les noms de ceux qui sont désignés à siéger dans la première affaire, quand s'amène tout suant le juré défaillant ; c'est un pauvre vieux paysan sorti de La Cagnotte de Labiche. »
M. Hilaire Flandre. Merci pour eux ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. « Il soulève un grand rire général en expliquant qu'il tourne depuis une demi-heure autour du Palais de justice sans parvenir à trouver l'entrée. On lève l'amende. »
Voilà ce qu'écrivait Gide et qui est à peu près textuellement ce que j'avais expliqué spontanément au Sénat il y a quinze jours, c'est-à-dire qu'il est nécessaire de conserver la possibilité de faire opposition et de ne pas obliger le malheureux à se rendre devant une juridiction qui ne connaît rien ni de la cause ni de la manière dont elle se présente.
C'est pourquoi nous persistons à demander - il faudra, bien sûr, revenir en arrière - que la possibilité d'opposition soit maintenue et non pas remplacée par un appel devant la chambre des appels correctionnels.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 84 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 245.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. L'amendement n° 84 vise à une simplification : il tend à prévoir que l'appel de la condamnation prononcée par la cour d'assises à l'encontre d'un témoin défaillant sera porté devant la chambre des appels correctionnels et non pas devant la chambre d'accusation. En effet, il est plus simple que tous les recours contre les décisions périphériques de la cour d'assises soient portés devant la même juridiction.
La commission émet, par coordination, un avis défavorable sur l'amendement n° 245, compte tenu du vote intervenu ici même s'agissant du tribunal d'assises.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Perseverare diabolicum !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 84 et 245 ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 84 et défavorable à l'amendement n° 245.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 245, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 84, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 48, ainsi modifié.
(L'article 48 est adopté.)
Article 49