LUTTE CONTRE LE TRAVAIL ILLÉGAL
Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 238,
1996-1997) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au renforcement
de la lutte contre le travail illégal.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Bimbenet,
en remplacement de M. Louis Souvet, rapporteur pour le Sénat de la commission
mixte paritaire.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers
collègues, je voudrais tout d'abord vous demander d'excuser l'absence de notre
rapporteur, M. Louis Souvet, qui, après avoir largement contribué aux travaux
de notre assemblée sur ce texte, se trouve aujourd'hui empêché, alors qu'il n'y
a plus qu'à y mettre le point final.
Nous arrivons en effet aujourd'hui au terme de ce débat, après une commission
mixte paritaire très consensuelle, qui a donné l'occasion à ses membres de se
livrer à une analyse juridique poussée de certaines dispositions du projet de
loi.
Les deux lectures dans chaque assemblée ont permis, en concertation avec le
Gouvernement, d'arriver à un texte à la fois équilibré et efficace, un texte
clair, adapté à la lutte contre les nouvelles formes de travail illégal.
Ce texte est équilibré parce qu'il ne transforme pas toute entreprise, tout
employeur en fraudeur potentiel soupçonné systématiquement et astreint à des
contrôles inquisitoriaux.
Ce texte est efficace parce qu'il donne aux corps de contrôle les moyens de
faire leur travail et d'échanger entre eux les informations nécessaires à
l'établissement de la vérité.
Mais ce texte est équilibré aussi en ce qu'il ne vise à sanctionner qu'à bon
escient, quoique rigoureusement, en tenant compte de la bonne foi de
l'employeur.
Il est efficace encore parce qu'il confie aux collectivités territoriales - il
s'agit là d'une initiative parlementaire - une mission de prévention et de
lutte contre le travail dissimulé, dont on a de bonnes raisons de penser
qu'elle aura quelque effet.
Je crois, madame le ministre, qu'ensemble, en prenant le temps nécessaire,
sans travailler dans l'urgence, nous avons élaboré un bon dispositif.
Au terme de la navette, seuls six articles restaient en discussion, le Sénat
n'ayant modifié en deuxième lecture le texte de l'Assemblée nationale que par
un amendement de fond et quelques amendements de procédure ou de forme.
L'article 1er A, qui vise à modifier la sanction applicable en cas de défaut
de déclaration préalable à l'embauche, a été adopté dans la rédaction du Sénat.
Il a cependant fait l'objet d'une interrogation de la part du rapporteur de
l'Assemblée nationale ; celui-ci s'est en effet étonné de la référence faite,
dans un texte de loi, à un article réglementaire. Ce renvoi, qui n'est
d'ailleurs pas une innovation, se justifie très simplement : il s'agit de viser
une procédure de recouvrement de pénalité, à savoir celle qui est encourue pour
défaut de production de la déclaration annuelle de données sociales, que le
législateur souhaite voir inspirer le décret en Conseil d'Etat nécessaire à la
mise en oeuvre de la sanction du défaut de déclaration préalable.
Cette procédure, qui n'est fixée que par voie réglementaire, donne à la
sanction un caractère automatique, tout en permettant aux employeurs de faire
valoir leur bonne foi, et correspond tout à fait aux souhaits des deux
assemblées.
En revanche, la procédure retenue par la rédaction initiale de l'article, qui
visait deux articles législatifs du code de la sécurité sociale, concernait le
recouvrement des cotisations et pouvait laisser supposer que la régularisation,
après mise en demeure, permettait d'échapper aux sanctions, ce qui aurait
retiré toute efficacité à la déclaration préalable à l'embauche en matière de
lutte contre l'emploi dissimulé puisque les employeurs auraient pu, sans subir
de pénalité, attendre la mise en demeure pour régulariser leur situation.
La commission mixte paritaire a donc considéré que la volonté du législateur,
exprimée au travers de cette référence réglementaire, serait suffisamment
claire pour permettre aux rédacteurs du décret de définir une procédure de
recouvrement de la pénalité correspondant à ses voeux.
Quant à l'article 1er BA, qui concerne le paiement des cotisations de sécurité
sociale en cas de requalification d'une relation de travail indépendante en
contrat de travail, et aux articles 2
bis
et 2
ter,
articles de
coordination modifiés par le Sénat uniquement pour des raisons de procédure ou
de forme, ils ont été adoptés sans débat dans la rédaction du Sénat.
L'article 7
bis,
relatif à l'information des agents habilités à
contrôler le délit de marchandage, modifié aussi par le Sénat pour des raisons
de coordination, a fait, en revanche, l'objet de longs débats en commission
mixte paritaire, à la suite du dépôt d'un amendement de notre collègue député
Michel Berson. Celui-ci voulait introduire les documents comptables parmi ceux
qui doivent être communiqués aux agents de contrôle.
Les rapporteurs, Louis Souvet et Rudy Salles, ont rappelé que des amendements
identiques avaient déjà été repoussés dans les deux assemblées, en raison de
leur inutilité et du caractère inquisitorial de cette démarche.
La commission mixte paritaire a aussi observé que ces documents ne
présentaient pas d'intérêt pour caractériser le délit de marchandage, mais que,
sous la forme de bulletins de paie, de livres de paie ou de documents
déclaratifs aux URSSAF, ils étaient utiles dans le cadre de la lutte contre le
travail dissimulé organisé à l'article 4, lequel, par parenthèse, n'était plus
en discussion.
La commission mixte paritaire, en rejetant cette proposition d'amendement, qui
n'avait pas sa place à l'article 7
bis,
a d'ailleurs observé qu'elle
n'avait pas non plus d'objet à l'article 4, car les corps de contrôle, soit
grâce aux moyens d'investigation que leur confère leur statut, soit en se
communiquant réciproquement les pièces auxquelles ils ont accès, sont déjà en
mesure de disposer de toutes les informations qui leur sont nécessaire.
Les inspecteurs du travail et les agents des organismes de recouvrement des
cotisations sociales ont ainsi accès à tous les documents liés à l'emploi de
salariés, les inspecteurs du travail ayant, en outre, une mission générale de
contrôle et les agents des impôts et des douanes étant habilités à mener des
enquêtes comptables dans le cadre de leurs missions propres.
La commission mixte paritaire a donc adopté l'article 7
bis
dans la
rédaction du Sénat.
Enfin, elle a adopté l'article 10
ter,
relatif à la participation des
collectivités publiques à la lutte contre le travail clandestin, toujours dans
la rédaction du Sénat.
Je vous rappelle que vous aviez, mes chers collègues, souhaité que la
résiliation des contrats passés par les collectivités publiques, au cas où
l'entreprise ne régulariserait pas sa situation, ne soit que facultative en
raison des graves inconvénients qu'une rupture brutale du contrat risquait
d'entraîner. Nos collègues députés, qui s'étaient eux-mêmes interrogés sur les
risques d'une résiliation obligatoire, mais sans transposer leur interrogation
dans le texte, ont admis sans difficulté la position du Sénat.
En conclusion de ce bref résumé, je vous invite, mes chers collègues, au nom
de notre rapporteur, M. Louis Souvet, à adopter les conclusions de la
commission mixte paritaire, qui ne sont que la reprise intégrale du texte voté
par le Sénat en deuxième lecture.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc,
ministre délégué pour l'emploi.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, au terme du processus législatif concernant ce projet
de loi relatif à la lutte contre le travail illégal, je veux dire combien j'ai
apprécié la qualité des travaux qui ont été menés au sein de la Haute Assemblée
au cours des deux lectures.
Je tiens à remercier plus particulièrement les membres de la commission des
affaires sociales et son rapporteur, M. Louis Souvet, ainsi que M. Paul Masson,
rapporteur pour avis de la commission des lois. La commission des affaires
sociales s'est toujours efforcée de rechercher, conformément au souhait du
Gouvernement, les moyens d'une plus grande efficacité dans la lutte contre le
travail illégal. Ainsi, le projet tel qu'il avait été initialement présenté par
le Gouvernement s'est incontestablement trouvé enrichi.
M. Charles Revet.
Très bien !
Mme Anne-Marie Couderc,
ministre délégué.
Ce texte est essentiel. Il nous permettra sans aucun
doute de progresser dans la recherche et le constat des infractions, et je suis
persuadée que les sanctions que nous avons décidées seront efficaces.
Par ailleurs, comme vous le savez, le Gouvernement manifeste sa détermination
en faisant en sorte que cette loi soit accompagnée d'un dispositif opérationnel
sur le terrain, destiné à permettre une meilleure coordination des différents
corps de contrôle, qui seront désormais dotés de moyens supplémentaires. Aussi
pouvons-nous considérer, je le crois, que nous disposons d'un ensemble de
mesures véritablement complet.
J'émettrai un seul regret : j'aurais souhaité que ce texte, qui constitue un
progrès à la fois en termes de protection des salariés, bien souvent victimes
du travail illégal, et d'emploi, ainsi qu'au regard des conditions de
concurrence entre les entreprises, fasse l'objet d'un véritable consensus.
J'espère néanmoins qu'il recueillera au Sénat une très large approbation.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement,
lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la
commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur
l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :