vice-président
Mme Monique ben Guiga.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga.
Ce mot « inopiné » traduit vraiment un climat de suspicion. Cela me rappelle
le surveillant qui arrive dans une étude ou dans un dortoir sur la pointe des
pieds, en ayant mis des pantoufles, de manière à surprendre l'affeux
pensionnaire qui, pile sous son drap, continue de lire des romans la nuit.
Tout cela fait très Jésuite.
(Exclamations et rires sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Je n'ai rien contre les Jésuites, il faut entendre ce terme
dans son sens habituel.
En fait, ce que vous avez en tête, c'est de contrôler non pas le logement mais
les habitants du logement. Vous avez en tête l'image de l'énorme famille
maghrébine, avec des parents, des grands-parents, une demi-douzaine, voire une
dizaine d'enfants, famille entassée donc et qui demande, de surcroît, à
recevoir des cousins. Par conséquent, il faut aller voir cela de près.
M. Christian Bonnet.
C'est pourtant vrai !
M. Michel Caldaguès.
C'est ce qui se passe !
M. le président.
Je vous en prie, mes chers collègues, laisser parler Mme ben Guiga !
Mme Monique ben Guiga.
Cessez de vous référer constamment à ces schémas dépassés, mes chers
collègues. La plupart des étrangers qui reçoivent des amis étrangers sont des
gens comme vous et moi : ils n'ont pas envie d'être embêtés par une foule de
gens chez eux pendant trois semaines.
Quand il m'arrive, dans mon petit appartement parisien, de recevoir des amis
ayant trois enfants, et donc d'avoir des matelas partout dans mon salon, je
l'accepte parce que cela dure huit jours, mais je ne le supporterais pas
éternellement.
Je connais bien les milieux maghrébins et africains. Ils sont comme vous et
moi : ils veulent bien s'embêter un peu par convivialité, par amitié, mais pas
trop longtemps.
En fait, ce que vous voulez, je le répète, c'est contrôler ces familles
étrangères.
Bien sûr, ce n'est pas à moi que l'on va venir faire une visite inopinée !
Pourtant, mon appartement n'est pas bien grand et je reçois beaucoup
d'étrangers. En revanche, on le fera pour des gens de couleur, pour des gens
qui portent un patronyme encore pire que le mien.
(Protestations sur les
travées du RPR.)
M. Dominique Braye.
Vous pratiquez l'amalgame !
M. Jean Chérioux.
C'est toujours pareil !
Mme Monique ben Guiga.
Mais non, c'est vous qui avez cela en tête ! Simplement, parce que je le
dévoile, cela vous rend furieux !
(Protestations sur les travées des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
Madame ben Guiga, n'interpellez pas vos collègues. Le débat n'en sera que plus
clair.
Mme Monique ben Guiga.
Ce sont eux qui m'interpellent, monsieur le président ; je ne fais que leur
répondre.
Aujourd'hui, dans la vie pratique, les familles qui accueillent des étrangers
ne sont pas telles que vous les décrivez, messieurs. Ce sont des familles où
tout le monde travaille. Les femmes - peut-être avez-vous oublié cette
nouveauté - ne sont plus à la maison, elles travaillent. Tout le monde part le
matin à sept heures et revient à vingt heures ou vingt et une heures parce que
les temps de transport sont très longs. Il n'y a donc personne à la maison dans
la journée. On laisse les clés à la concierge,... quand il y a une concierge !
(M. Dominique Braye s'exclame.)
Il faut donc prendre rendez-vous. Il faut respecter la vie privée, ne pas
arriver chez les gens à n'importe quelle heure. Sinon ce sont des
perquisitions.
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Le mot « inopiné » a une connotation tout à fait exécrable. J'aimerais bien
que M. le ministre nous explique véritablement ce qu'il entend par là, si c'est
possible, car, à la limite, notre discussion est peut-être quelque peu
byzantine.
S'il nous dit qu'il ne sait pas trop ce que signifie ce mot, alors
supprimons-le !
(Protestations sur les travées du RPR.)
Indiquer qu'il y aura des visites, sans qualificatif, est tout de même
plus acceptable.
Arrêtez ce jeu ! Dites carrément que vous voulez faire du « flicage » de
familles...
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Michel Caldaguès.
N'importe quoi !
M. Jacques Mahéas.
... qui ne peuvent pas toujours, c'est vrai, souvent parce qu'elles sont
pauvres, recevoir dans de bonnes conditions de confort des parents ou des amis.
Voilà la réalité ! Ce sont toujours les mêmes qui sont visés !
M. Emmanuel Hamel.
C'est inadmissible ! Respectez la police !
(Exclamation sur les travées
socialistes.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Allez dans les commissariats puisque vous y êtes si bien !
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Précisément, monsieur Hamel, on ne peut pas ne pas penser...
M. le président.
Madame, lorsque vous intervenez, c'est au président que vous vous adressez.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est au Sénat !
M. le président.
Je vous demande donc de ne pas interpeller vos collègues. Cela ne vous empêche
nullement de dire ce que vous avez à dire.
Veuillez poursuivre, madame Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
J'ai rebondi sur le mot « policier », car, pour moi aussi, la visite «
inopinée » a une connotation policière. On veut surprendre.
M. Christian Bonnet.
Il y a aussi des visites inopinées dans le RER, où des femmes policiers se
font violer !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Qu'est-ce que cela a à voir ?
M. Jean Chérioux.
Cela ne vous gêne pas !
M. Dominique Braye.
Et vous, vous ne faites pas des visites inopinées parfois ?
Mme Joëlle Dusseau.
Toutes ces remarques sont intéressantes, car elles montrent bien que la visite
inopinée, dans l'esprit de mes collègues, est faite pour surprendre
quelqu'un.
Or, le texte est forme. Les visites, y compris inopinées, sont faites, au
moins si l'on s'en tient aux mots, non pas pour surprendre des gens, mais pour
vérifier des situations ; il s'agit non pas de surprendre quelqu'un,
indépendamment de ce que pensent et expriment ici à haute et intelligible voix
certains de nos collègues, mais de constater effectivement des conditions
d'hébergement.
Je reprends l'argumentation de M. Badinter, car elle me paraît très forte : si
l'on veut seulement vérifier les conditions d'hébergement, en quoi le caractère
inopiné de la visite est-il nécessaire ? Si on le juge nécessaire, c'est que,
au-delà des mots, on a autre chose en tête, à savoir, effectivement,
surveiller...
M. Claude Estier.
Très bien !
Mme Joëlle Dusseau.
... ou prendre sur le fait des personnes qui sont hébergées.
M. Hilaire Flandre.
On veut vérifier les conditions d'hébergement, madame !
Mme Joëlle Dusseau.
M. le ministre nous dit que, de toute façon - il a raison - le texte permet à
l'hébergeant de refuser la visite, inopinée ou non. Mais, ce faisant, il omet
de rappeler la fin du texte : « En cas de refus de l'hébergeant, les conditions
d'un hébergement dans des conditions normales sont réputées non remplies. »
Autant une visite annoncée, avec prise de rendez-vous est tout à fait
acceptable - elle est d'ailleurs prévue actuellement, M. le ministre l'a
rappelé justement, par le certificat d'hébergement que nous remplissons quand
nous recevons un ami hors Communauté -...
M. Jacques Mahéas.
Cela, c'est normal !
Mme Joëlle Dusseau.
... autant l'irruption chez vous de quelqu'un qui dit venir vérifier de façon
inopinée est scandaleuse. Elle l'est d'autant plus que si, spontanément parce
que vous estimez que que c'est une intrusion, vous refusez, automatiquement, le
texte le précise, vous ne pourrez plus héberger les personnes chez vous.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Debré
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré
ministre de l'intérieur.
Madame Dusseau, le refus d'une visite ne saurait
entraîner, à lui seul, le refus du visa du certificat d'hébergement.
Mme Nelly Olin.
Voilà !
Mme Joëlle Dusseau.
C'est contradictoire avec le texte que vous proposez, monsieur le ministre
!
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 107 et 165, repoussés par la
commission et par le Gouvernement.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 108 ?
M. Paul Masson,
rapporteur.
Défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 108, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'article 1er.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Je souhaite, d'abord, faire une brève observation et, ensuite, poser une
question à M. le ministre.
D'abord, je veux rassurer M. Dreyfus-Schmidt, qui, tout à l'heure, s'est
étonné - pour ne pas dire indigné - que la commission n'ait pas donné son avis
sur des amendements qui, depuis lors, ont été retirés : nous, nous n'en faisons
pas une histoire, car nous avons très bien compris que nos amendements avaient
eu, auprès de la commission, ce qui s'appelle un succès d'estime. Par
conséquent, nous ne faisons pas preuve de susceptibilité.
La question que je souhaite poser à M. le ministre est la suivante. Parmi les
amendements que j'ai retirés, il en est deux qui prévoyaient que le maire
devait sans délai communiquer au préfet, d'une part, l'établissement du visa du
certificat d'hébergement, d'autre part, la notification du départ de l'hébergé.
Peut-il me donner l'assurance que, par la voie réglementaire, qui est
effectivement plus appropriée que la voie législative, des instructions seront
données pour que les maires agissent ainsi ?
M. Claude Estier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Il va de soi que nous voterons contre l'article 1er, car, pour intéressant
qu'ait été le débat, nous n'avons guère été convaincus de changer d'avis.
Dès le début de la discussion sur cet article 1er, sur ces certificats
d'hébergement et sur la notification qui doit être faite lorsque l'hébergé
quitte le domicile, nous n'avons cessé de demander à quoi cela servait.
On nous a répondu, sans nous donner de véritable explication, qu'il s'agissait
de démanteler des réseaux. J'essaie encore de comprendre comment on démantèle
des réseaux à l'aide de cette procédure !
En tout état de cause, nous ne voterons pas cette disposition nouvelle, qui
s'ajoute à la procédure existante des certificats d'hébergement. Celle-ci ne
comportait pas du tout cette notification de départ, qui est scandaleuse, qui
est une atteinte à la vie privée et qui, au surplus est inutile, inefficace et
absurde.
De la même manière, vous ne nous avez pas convaincus, lors du débat qui a eu
lieu à l'instant, de l'utilité des visites inopinées. Mais sur ce sujet je ne
rouvre pas le débat, nous nous sommes suffisamment expliqués.
Il est cependant un point sur lequel je veux interroger à la fois M. le
rapporteur et M. le ministre. Lorsque tout à l'heure la majorité sénatoriale a
voté l'amendement n° 9 de M. Masson, le ministre, avant le vote, a dit qu'il
s'agissait de la notification du départ « définitif » de l'étranger. Or dans le
texte qui a été voté le mot « définitif » ne figure pas.
Je voudrais savoir ce qu'il en est précisément car même si la navette qui va
s'instaurer permettra de savoir exactement à quel texte l'on a abouti, il est
tout de même important de savoir, au terme de cette discussion en première
lecture de l'article 1er au Sénat, où l'on en est sur ce point précis.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Michel Rocard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Rocard.
M. Michel Rocard.
Monsieur le ministre, vous ne serez pas surpris que je joigne mon vote à ceux
qui vont s'exprimer contre cet article. Auparavant, je vais vous dire mon
inquiétude et vous faire une suggestion.
S'agissant de l'obligation de déclaration qui va entraîner un fichage
quasi-policier ou s'agissant des visites inopinées au sujet desquelles je veux
relever, avec une certaine satisfaction, l'étonnante retenue de notre assemblée
qui a discuté de tout cela avec sérieux et de manière conflictuelle sans
prononcer le mot, mon inquiétude est que l'opinion publique parle de
perquisition.
(Protestations sur les travées du RPR.)
Vous le savez très bien, mes chers collègues, j'attire simplement
l'attention sur ce point.
Monsieur le ministre, il m'est arrivé lorsque j'étais Premier ministre, en
cours de procédure législative, quand je constatais des divergences entre les
deux assemblées, de multiplier les avis avant d'aborder la seconde lecture.
Que ne consultez-vous le Conseil d'Etat et la Commission nationale
consultative des droits de l'homme sur ces deux points centraux contre
lesquels, pour le moment, et à cause des orientations qui furent prises ici,
nous allons, mes collègues du groupe socialiste et moi-même, voter !
En effet, monsieur le ministre, il est difficile de discuter de bonne foi en
ne laissant place qu'à la conviction juridique et intellectuelle sans
pesanteurs électorales, ni arrière-pensées. Cette assemblée s'est durcie : nous
nous écoutons peu, nous votons en bloc. De temps en temps, je vous ai vu
sourire, vous interroger sur tel ou tel argument. Réfléchissez tranquillement
chez vous le soir et après avoir pris d'autres avis. Il n'est pas certain que
la sûreté de soi et le fait d'avoir une majorité soient les meilleurs
conseillers en matière législative.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dois vous
dire ma grande déception car, après des heures et des heures de discussion, pas
la moindre concession n'a été faite sur ce texte !
Ce texte est évidemment humiliant
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
pour l'hébergé et l'hébergeant, bien évidemment injuste
pour l'hébergeant, bien évidemment inefficace pour lutter contre l'immigration
clandestine.
Je voudrais bien qu'on m'expliquât quel avantage présente l'article 1er.
M. Hilaire Flandre.
Il a le mérite de ne pas vous plaire !
(Sourires.)
M. Jacques Mahéas.
L'obligation pour l'hébergeant de déclarer à la mairie le départ de l'étranger
qu'il hébergeait constitue une atteinte aux libertés publiques. Le Conseil
d'Etat, dans sa décision du 31 octobre 1996, ne s'y est pas trompé. Il a
condamné cette disposition comme portant atteinte à la vie privée de
l'hébergeant et aux libertés individuelles. Pour vous, tout hébergeant serait
un suspect et tout hébergé serait un coupable potentiel.
S'agissant des pouvoirs confiés au maire, nous l'avons dit et répété dans
cette assemblée, certains collègues ont eu des mots et des attitudes très
regrettables.
M. le président.
Je vous prie, monsieur Mahéas, de ne pas porter de jugement sur l'attitude de
vos collègues.
M. Jean Chérioux.
Nous, nous ne portons pas de jugement sur la vôtre.
M. Jacques Mahéas.
J'ai, au contraire, l'impression, monsieur le président, d'être très modéré
lorsque je dis que certains collègues ont employé des mots très regrettables.
(Mouvements divers sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Hilaire Flandre.
Ce n'est pas notre impression !
M. Jacques Mahéas.
A la lecture de certains amendements, j'ai le droit, monsieur le président,
d'exprimer mon sentiment.
M. Alain Vasselle.
Ne portez pas de jugement sur vos collègues !
M. Jacques Mahéas.
La rédaction de l'article 1er comporte un certain nombre d'idées qui donneront
aux étrangers une image peu flatteuse de notre nation, au regard de la
tradition d'accueil de la France, pays des droits de l'homme.
Ecoutez ces quelques extraits : « Le transfert sur les maires d'une mission de
police relevant de l'Etat se traduirait nécessairement par des applications
diversifiées d'une politique dont la responsabilité incombait pourtant à
l'Etat. « Seul l'Etat pouvait prendre la responsabilité de tenir un fichier.
»
Qui parle ainsi ? M. Delevoye en commission des lois, non pas en son nom
personnel, mais en sa qualité de représentant de l'Association des maires de
France,...
M. Christian Bonnet.
Du bureau !
M. Jacques Mahéas.
... du bureau de l'Association des maires de France, lequel représente
l'instance politique de l'association où siègent plusieurs membres de notre
assemblée, de différentes sensibilités.
Les risques de disparité sont évidents, suivant les situations, s'agissant de
la délivrance ou de la non-délivrance des certificats d'hébergement.
La porte est ouverte à la création de fichiers, manifestement en totale
infraction avec la loi du 6 janvier 1978, qui interdit toute atteinte à la vie
privée.
M. le président.
Veillez conclure, monsieur Mahéas !
M. Jacques Mahéas.
Ce sont les milieux les plus défavorisés qui connaissent les plus grandes
difficultés. Les étrangers seront plutôt contrôlés à Neuilly-sur-Marne qu'à
Neuilly-sur-Seine !
M. le président.
Monsieur le sénateur, votre temps de parole est épuisé !
M. Jacques Mahéas.
Je vous remercie, monsieur le président. Il me suffit de trois secondes pour
conclure.
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Et dire qu'évidemment nous ne voterons pas cet article 1er.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Je serai très brève.
Ce qui m'a beaucoup frappée dans ce long débat qui a tourné autour de la
notification du départ et de la visite inopinée, c'est l'incapacité du
Gouvernement et de la commission à fournir des justifications quant à
l'efficacité du dispositif qu'ils mettent en place.
Toute une série d'arguments ont été développés pour fonder un dispositif
destiné à démanteler les filières clandestines. Il n'en sera rien. En revanche,
ces dispositions rendront la vie beaucoup plus difficile et désagréable à une
foule de personnes, qu'elles soient françaises ou étrangères, installées
régulièrement en France.
De plus, s'agissant des visites inopinées, M. le ministre, citant le texte
disposant qu'en cas de refus de l'hébergeant, les conditions d'un hébergement
dans des conditions normales sont réputées non remplies, m'a répondu qu'il ne
s'agissait là que de l'un des éléments pris en considération. Or cela me paraît
en totale contradiction avec le texte de loi lui-même. J'entends donc que vous
m'éclairiez sur ce point.
Cela dit, bien entendu, je voterai contre l'article 1er.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon.
De toute cette discussion et sans en reprendre les arguments, je ne veux
retenir que l'impression de la philosophie de la vie qui se dégage des
interventions de nos collègues de la majorité. Au fond, leur raisonnement - et
on doit leur faire grâce de penser qu'ils sont de bonne foi - c'est de dire que
les gens qui n'ont rien à se reprocher n'ont rien à cacher.
Mme Nelly Olin.
C'est tout à fait ça !
M. Alain Vasselle.
Eh oui !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Dès lors, comme on l'a déjà vu dans un autre débat, tous les contrôles, toutes
les déclarations, toutes les vérifications doivent être naturellement acceptés.
Je ne partage pas cette philosophie de la vie parce que je sais à quoi elle
aboutit.
Je ne saurais que mieux vous en montrer l'absurdité si, pour un instant, je
faisais comme si vous m'aviez convaincu et que, d'un coup, je devenais un zélé
de cette pensée. J'ai des amis latino-américains et maghrébins ; je m'entends
très bien avec eux, ce sont des gens discrets et délicats. Par ailleurs, j'ai
un voisin qui, lui, est corse. Il occupe un petit logement où il reçoit une
ribambelle de sa parentèle et il me fait sentir en danger car, dans son
département, vous l'avez remarqué, on pose des bombes. Je me demande, puisqu'il
n'y a rien d'inavouable dans son activité, quoiqu'il fasse beaucoup de bruit,
quel inconvénient il y aurait à ce qu'il déclare les personnes qui viennent
chez lui ou qui partent de chez lui puisqu'il n'aurait rien à se reprocher.
Pourquoi ne pourrait-on pas faire aussi chez lui les visites inopinées que
l'on se propose de faire chez moi, au motif que ceux qui viennent chez moi sont
des étrangers, tandis que, eux, ce sont mes compatriotes ?
M. Emmanuel Hamel.
Vous êtes un plaisantin !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Oui, mais j'essaie de vous montrer dans quel monde vous voulez nous faire
vivre !
C'est surtout en raison de cette dimension philosophique d'enfermement dans
laquelle vous êtes que je voterai de grand coeur contre votre article 1er.
M. Guy Cabanel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
J'irai droit au but, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues : je voterai l'article 1er, car c'est un élément important du
dispositif de la loi.
Cependant, avant de le voter, je ferai deux remarques. Pour qu'il n'y ait pas
de malentendu, je veux être certain que la déclaration de départ de l'hébergé
concerne bien le départ définitif du domicile de l'hébergeant, comme je pense
que le texte l'établit clairement.
Mme Joëlle Dusseau.
Le texte n'établit rien du tout !
M. Guy Cabanel.
En effet, s'il s'agissait de déclarer chaque déplacement, nous entrerions dans
un cycle infiniment plus contraignant. Telle est ma première remarque, et je
vous remercie, monsieur le ministre, de votre précision.
Ma deuxième remarque porte sur les visites inopinées. La formule du paragraphe
III de l'article 1er que nous allons voter est superfétatoire. Si, réellement,
le formulaire de certificat d'hébergement spécifie que celui qui dépose la
demande accepte par avance les visites de l'OMI, je crois très franchement que,
lors de la deuxième lecture ou en commission mixte paritaire, cette formule
superfétatoire devra disparaître.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Mais alors, pourquoi ne pas avoir voté notre amendement ?
M. Emmanuel Hamel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Le mot « inopiné » peut avoir un sens romantique et charmant que vous avez
oublié.
M. Guy Allouche.
Eclairez-nous !
M. Emmanuel Hamel.
A la page 265 du tome X du
Trésor de la langue française,
il y a cette
merveilleuse citation de Genlis : « Il s'était fait une idée charmante du
bonheur de surpendre agréablement Armoflède par un retour inopiné. »
(Sourires et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
C'est une vision exquise que celle que vient de nous offrir M. Hamel ! Mais je
ne crois pas que ce soit celle qui sera ressentie par ceux chez qui on viendra
frapper, dans les quartiers qui ne seront pas nécessairement les plus
favorisés.
(Marques d'approbation sur les travées socialistes.)
Je tiens maintenant à rappeler à la Haute Assemblée que, de tous les
articles de ce projet de loi, l'article 1er est, sinon le plus important, en
tout cas le plus symbolique.
Le poids des dispositions que vous allez voter - mais vous aviez déjà décidé
de voter ainsi avant que nous commencions le débat - repose essentiellement sur
ceux qui sont établis sur notre sol et qui veulent, chez eux, recevoir leurs
parents, leurs amis, leurs proches, des professeurs, des relations, bref,
toutes les personnes qui constituent la trame d'une vie humaine.
Je n'ai pas besoin de rappeler qu'il appartiendra à ceux qui reçoivent de
dénoncer - ou de « signifier », monsieur Masson - à l'autorité municipale le
départ « définitif » - comme l'a proposé M. le ministre - de celui qu'ils
auront reçu.
Demander, un certificat d'hébergement peut s'expliquer pour des raisons que
l'on connaît.
Mais demander ensuite que l'on fasse savoir que celui qui est venu chez vous
est parti et qu'il ne reviendra pas, nos concitoyens et les étrangers établis
dans notre pays apprécieront cette mesure-là.
Je laisserai de côté les questions constitutionnelles ; c'est ailleurs
qu'elles seront évoquées. En effet, la liberté de recevoir chez soi, à son
domicile privé, des personnes privées, dès l'instant où il n'y a aucun soupçon
d'infraction, est une liberté d'ordre constitutionnel.
Je vous dirai simplement que l'hospitalité est une vertu et que encourager
l'hospitalité est le propre des grands peuples généreux.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste, républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
M. Robert Pagès.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'article 1er est adopté.)
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