M. le président. M. Gérard Delfau demande à M. le ministre du travail et des affaires sociales quelles dispositions ont été prises pour la mise en place des médicaments génériques, dans le cadre de la maîtrise des dépenses de santé.
D'autre part, il lui demande dans quelle mesure les pouvoirs publics se sont appuyés sur les expériences et les actions menées par le secteur associatif et mutualiste dans ce domaine.
Enfin, il voudrait savoir s'il a l'intention de développer fortement cette politique avant le lancement de l'Agence du médicament. (N° 531.)
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Madame le ministre, le déficit de la sécurité sociale a eu au moins l'avantage de mettre en lumière les médicaments génériques, maintenus depuis des décennies dans l'anonymat.
La France est le seul pays d'Europe où les génériques sont aussi mal connus. Longtemps simple sujet de conversation autour du gouffre de la sécurité sociale, ces médicaments suscitent des interrogations.
Ainsi, appartient-il à la collectivité nationale de financer les profits de l'industrie pharmaceutique ? Et jusqu'où ?
Les plus hautes autorités, en l'occurrence M. Juppé et M. Barrot, ont appelé à l'usage plus large des génériques, sans toutefois s'en donner les moyens. C'est l'objet de ma question, madame le ministre.
Le retard pris par notre pays dans l'usage des génériques ne peut qu'être préjudiciable à des dépenses de santé déjà lourdes.
Les économies possibles sont, en apparence, peu importantes : elles varient, selon les estimations, de 3 à 7 milliards de francs par an et mes dernières investigations montrent que cela pourrait être beaucoup plus. Mais, face à un trou qui avoisine les 100 milliards de francs, ces sommes prennent de l'importance, sans parler de l'aspect pédagogique sur le malade consommateur et sur le prescripteur que revêt cette démarche.
Ce retard est préoccupant si l'on songe que 75 % des spécialités pharmaceutiques ne sont plus protégées par un brevet, libérant ainsi la mise sur le marché de nombreux génériques.
Des réticences multiples et savamment entretenues laissent perdurer une situation financièrement intolérable. Il est vrai que les enjeux, d'autant plus puissants qu'ils sont d'ordre commercial et économique, dépassent largement les intérêts des malades et la santé publique.
La concurrence sauvage que se livrent les industriels, tant sur le plan du marketing que sur celui des prix, a conduit un certain nombre d'entre eux à mener une stratégie de maquillage qui consister à habiller de manière nouvelle, mais non fondamentalement innovante, les molécules menacées. Le nombre de génériques vrais mais déclarés faux s'est ainsi régulièrement accru, permettant aux producteurs de maintenir les prix des produits, voire de les augmenter.
Dans le domaine de la santé, nous vivons, comme ailleurs, dans un système bloqué, dépourvu du nécessaire dialogue social ou, à tout le moins, souffrant de son insuffisance.
Les génériques en offrent un exemple. Autour du médicament gravitent des intérêts qui ne sont pas nécessairement convergents - c'est normal - et chacun campe sur ses positions. Ainsi, les intérêts de l'industriel producteur et des distributeurs pharmaciens, véritables prestataires de services, ne s'identifient pas à ceux du médecin prescripteur, et encore moins à ceux du consommateur, qui, jusque très récemment, n'avait que le droit de se taire.
Pourtant, le domaine des génériques illustre de manière simple comment une attitude responsable peut être immédiatement efficace.
Quelle est la situation actuelle ? D'un côté, l'industrie pharmaceutique, puissante, exerce un lobbying permanent tant sur les pouvoirs publics, fondé sur le chantage à l'emploi, que sur les médecins, dont elle facilite la formation permanente, tout en la ciblant sur ses propres produits. Etrange situation, si l'on y réfléchit un peu ! Etrange confusion des genres, qui rend mal à l'aise nombre de pharmaciens !
De l'autre côté, les pharmaciens renâclent à abandonner ou à voir fondre leurs marges bénéficiaires. Cela se comprend, d'ailleurs, dans cette période où nombre d'entre eux souffrent de l'intense spéculation sur les fonds de commerce.
On remarquera que, jusqu'à cette année, il n'a jamais été fait référence aux génériques, la publicité étant tout entière centrée sur la molécule originale la plus lucrative.
Les prescripteurs - c'est à leur décharge - ignorent jusqu'à l'existence de ces produits, qui ne sont pourtant rien d'autre que des clones identiques aux molécules princeps.
Depuis le débat des années quatre-vingt-dix, en raison des difficultés financières des organismes de protection sociale, certains ont prudemment fait émerger la notion, apparemment nouvelle, de génériques.
M. le président. Mon cher collègue, je dois vous indiquer que vous avez déjà largement dépassé le temps qui vous est imparti pour poser votre question et que vous êtes en train d'empiéter sur votre temps de réponse.
M. Gérard Delfau. Je vais donc conclure, monsieur le président.
Face à la situation que je viens de décrire, mes questions sont les suivantes.
Quelles dispositions concrètes ont été prises par les pouvoirs publics depuis l'annonce du plan Juppé sur la maîtrise des dépenses de santé ?
Que devient le décret prévu, et même annoncé, depuis septembre 1996 sur le droit de substitution des pharmaciens ? Est-il enterré ou sur le point d'être publié ? Une réponse précise nous obligerait.
Dans quelle mesure le Gouvernement et la haute administration ont-ils pris le temps de tirer les leçons des actions originales et courageuses menées par le secteur associatif et mutualiste dans ce domaine ?
Enfin, quels liens envisagez-vous de créer entre ces structures à but non lucratif et l'Agence du médicament pour faire un double contrepoids au lobby pharmaceutique ?
M. le président. Monsieur Delfau, je constate maintenant que vous avez dépassé non seulement le temps qui vous était alloué pour poser votre question, mais également celui dont vous disposiez pour répondre.
Je vous donnerai néanmoins la parole pour quelques instants.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Monsieur le sénateur, en l'absence de MM. Jacques Barrot et Hervé Gaymard, je vais essayer de faire le point sur la situation que vous venez d'évoquer.
Il est vrai, vous l'avez rappelé, que, sous l'impulsion de M. Premier ministre et sous l'autorité des deux ministres que je viens de citer, le Gouvernement conduit une politique déterminée et vigilante en faveur du développement du marché des médicaments génériques.
Il a d'abord donné une base légale à toutes les mesures en en fixant la définition dans le code de la santé publique.
Le décret d'application précisant certaines critères scientifiques - vous l'avez évoqué - a été examiné par le Conseil d'Etat le 29 janvier. Il pourra donc être publié dans les tout prochains jours.
M. Gérard Delfau. C'est une bonne nouvelle, madame le ministre !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Je le crois.
Ce décret confie à l'Agence du médicament la responsabilité d'établir des listes de génériques scientifiquement validées, qui pourront servir de référence à toutes les actions dans ce domaine.
Les génériques font l'objet à la demande de MM. Jacques Barrot et Hervé Gaymard, d'une attention particulière de l'agence dans son action de contrôle et d'inspection.
Enfin, sur le plan économique, les prix des génériques sont fixés 20 % à 30 % en dessous du prix du princeps, ce qui doit contribuer, bien entendu, à la maîtrise des dépenses.
Ces différentes mesures permettent de conforter les initiatives de plusieurs acteurs dans ce domaine. La liste établie par l'agence constitue une référence commune. En outre, les génériques ne seront admis au remboursement par l'assurance maladie que s'ils adoptent un nom qui les distingue, soit en apposant le suffixe « Gé », soit en se présentant sous le nom de la molécule qui leur est commune, assorti d'une marque. Voilà qui répond à votre préoccupation, monsieur le sénateur !
Cette mesure de publicité permettra d'orienter les choix vers ces médicaments moins chers.
Toutes ces mesures encadrent le développement harmonieux des génériques, qui sont des médicaments comme les autres sur le plan de la santé publique.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Madame le ministre, comptez-vous avancer sur l'autre point très important, à savoir le droit de substitution des pharmaciens ?
M. le président. C'est une nouvelle question, mon cher collègue. Je suggère à Mme le ministre, si elle en est d'accord, d'y répondre par écrit.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Tout à fait, monsieur le président.
PREMIER EMPLOI
ET EXPÉRIENCE PROFESSIONNELLE