INSTITUTION D'UNE PRESTATION
SPÉCIFIQUE DÉPENDANCE
Adoption des conclusions modifiées
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 130,
1996-1997) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion de la proposition de la loi tendant,
dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les
personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées
par l'institution d'une prestation spécifique dépendance.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici enfin au terme
du processus qui doit aboutir à la mise en oeuvre d'une véritable prestation à
destination des personnes âgées dépendantes. Après dix années de travaux
souvent de qualité et le report, l'année passée, du projet de loi dit «
Codaccioni », certains, au sein de la Haute Assemblée, doutaient que la
proposition de loi signée par M. Jean-Pierre Fourcade, président de la
commission des affaires sociales, et nombre de ses collègues dont j'étais, le
11 juillet 1996, parviendrait jusqu'à son terme avant la fin de l'année 1996.
Or, ils constateront avec moi que c'est désormais chose faite. Je dois, à cet
égard, remercier le Gouvernement en la personne de M. Jacques Barrot, ministre
du travail et des affaires sociales, sans l'accord et l'aide constante duquel
rien n'aurait été possible.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Merci !
M. Jean Chérioux.
C'est vrai !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je vais donc, dans un premier temps, vous informer des
résultats de la commission mixte paritaire avant de rappeler les apports
essentiels de ce texte qui va permettre - je le crois sincèrement - une
meilleure prise en charge des personnes âgées dépendantes.
Permettez-moi, tout d'abord, de remarquer combien cette commission mixte
paritaire, qui s'est réunie le 10 décembre 1996 à l'Assemblée nationale, s'est
déroulée dans un excellent climat.
M. Jean Chérioux.
Absolument !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Cela prouve, une fois de plus, que, lorsque les deux
assemblées ont à coeur un même but, à savoir l'amélioration de la prise en
charge des personnes âgées dépendantes dans le respect des contraintes
financières qu'impose la difficulté de la conjoncture, elles savent travailler
ensemble et dans un esprit parfaitement constructif.
Dans la mesure où l'Assemblée nationale avait respecté l'économie générale du
texte adopté par la Haute Assemblée, les points de forte divergence étaient peu
nombreux.
Il convient d'ailleurs de rappeler que l'Assemblée nationale avait concrétisé,
dans le texte, deux souhaits du Sénat, à savoir la possibilité d'élever le
montant de la prestation jusqu'à 100 % de la majoration pour tierce personne -
c'est un point auquel nous étions particulièrement attachés - et le dispositif
d'exonération de la taxe pour les contrats d'assurance dépendance, proposé par
notre éminent collègue Jean Chérioux.
Au nombre de trois, les principaux points de divergence étaient relatifs à la
composition de l'équipe médicosociale, à l'organisation par les conseils
généraux d'une formation obligatoire continue pour les employés d'un service
d'aide à domicile et à la création de barèmes nationaux dans le cadre de la
réforme de la tarification.
Si la commission mixte paritaire a retenu la rédaction de l'Assemblée
nationale pour la composition de l'équipe médico-sociale, en revanche, elles
s'est rendue aux arguments des sénateurs s'agissant des barèmes et de la
formation des aidants à domicile. En effet, le texte ne comporte plus désormais
l'exigence pour ceux-ci d'une formation continue organisée par le conseil
général ; les départements apprécieront. Mais les aidants pourront dorénavant
bénéficier d'une formation, selon des modalités précisées par voie
réglementaire, car - nous en sommes bien conscients - une formation, même
minimale, est fortement souhaitable compte tenu de la vulnérabilité des
populations aidées.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
S'agissant des autres points de divergence significatifs, si
l'on excepte la mention explicite des diplômes du médecin, qui doit intervenir
en cas de recours fondé sur l'appréciation du degré de dépendance de la
personne, et l'exigence, souhaitée par l'Assemblée nationale, d'un cahier des
charges que devront respecter les conventions pluriannuelles tripartites pour
la réforme de la tarification, la commission mixte paritaire a accepté
l'ensemble de nos amendements ou propositions.
Il en est ainsi de la transformation de l'obligation de signer des conventions
en matière statistique en simple faculté à l'article 1er A, de la clarification
entre ce qui relève du soin et de l'assurance maladie et ce qui est du domaine
de la prestation spécifique dépendance et des conseils généraux aux articles
1er et 12, de l'exigence de l'avis du maire sur le dossier de demande de
prestation, de la suppression de l'exclusion des associations prestataires de
services aux personnes âgées dépendantes comme signataires avec les
départements des conventions facultatives de l'article 3, ainsi que de celle de
l'avis des professionnels du secteur gérontologique pour l'élaboration de ces
conventions, toujours à l'article 3.
La commission mixte paritaire a également suivi le Sénat dans nombre des
précisions qu'il souhaitait apporter. Il en est ainsi de l'exclusion de la
retraite du combattant dans les ressources prises en compte à l'article 5, de
celle de la prestation spécifique dépendance pour la prise d'hypothèque, à
l'article 8
bis,
des conditions de cumul ou de non-cumul de la
prestation avec d'autres allocations à l'article 7, ou, enfin, de la limitation
du bénéfice de la disposition fiscale de l'article 14
ter
A aux
personnes dont les ascendants peuvent bénéficier de la prestation spécifique
dépendance.
Enfin, la commission mixte paritaire s'est rendue aux arguments du Sénat en ne
confiant pas à un décret en Conseil d'Etat la tâche de fixer les éléments de
l'environnement à prendre en compte et en rétablissant, à peu de chose près, la
rédaction concernant la consultation par l'équipe médico-sociale du médecin du
choix de l'intéressé, qui faisait suite à un amendement déposé par notre
collègue Huriet. Elle a également suivi la Haute Assemblée en rétablissant la
date butoir d'entrée en vigueur de la réforme de la tarification au 31 décembre
1998 - nous y tenions - ...
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... et en instaurant une possibilité de choix pour les
personnes handicapées, à chaque renouvellement de leur allocation
compensatrice, entre le maintien de celle-ci et la prestation spécifique
dépendance, si cette dernière semble plus adaptée à leur état. De même, elle a
jugé inutile de créer une possibilité de prolonger l'allocation compensatrice
jusqu'au 31 décembre 1997 pour les personnes dont cette prestation est soumise
à renouvellement l'année prochaine. C'était là une demande très forte de la
Haute Assemblée sur laquelle s'était retrouvée la quasi-unanimité de ses
membres.
En effet, et j'en terminerai par là, je crois réellement que la prestation
spécifique dépendance apporte un progrès significatif à la prise en charge des
personnes âgées dépendantes et que nous posons, par ce texte, des principes
destinés à perdurer. Il s'agit de la transformation de l'allocation
compensatrice pour tierce personne, l'ACTP, en une prestation en nature.
Quels sont les apports essentiels de ce texte ?
Tout d'abord, et cela m'apparaît essentiel, ce texte met au centre du
dispositif la personne âgée dépendante, avec ses besoins d'aide spécifique.
C'est elle, en effet, qui bénéficiera d'abord de la coordination nécessaire de
toutes les aides existantes en matière de dépendance et de l'optimisation de
celles-ci.
La prestation spécifique dépendance sera accordée en fonction de l'état de la
personne et le plan d'aide élaboré par une équipe médico-sociale de terrain
tiendra compte de tout la palette d'aides dont elle pourra disposer.
La prestation spécifique dépendance, qui ne dépendra pas, comme l'ACTP, du
cadre rigide d'un barème d'invalidité inadapté à l'état de dépendance et ne
sera pas octroyée par les COTOREP - dont chacun a dénoncé la lenteur et les
dysfonctionnements - pourra être modulée en fonction des besoins véritables de
la personne. Ceux-ci seront évalués à partir d'une grille unique nationale, la
grille AGGIR, afin que chacun soit traité de la même façon sur l'ensemble du
territoire national.
Ainsi, en cas de très grande dépendance, cette prestation pourra aller au-delà
de l'allocation compensatrice actuelle, c'est-à-dire égaler la majoration pour
tierce personne, la MTP, qui avoisine les 5 530 francs. C'est donc un progrès
indéniable.
Parallèlement, si le besoin d'aide est réduit, elle pourra être beaucoup plus
faible, en pourcentage de la MTP, que l'allocation compensatrice, qui n'est pas
attribuée en deçà de 40 %. Cette souplesse permettra donc de mieux prendre en
compte la diversité des situations.
Pour simplifier les procédures, la demande de prestation sera effectuée auprès
du président du conseil général du département de résidence de la personne
dépendante. Toutefois, la prestation spécifique dépendance sera servie et gérée
par le département du domicile de secours de celle-ci.
Dans la mesure où c'est une aide de proximité, il est apparu normal que cette
compétence appartienne au président du conseil général. Mais, dans la mesure
où, précisément, la prestation spécifique dépendance doit répondre aux besoins
véritables de la personne et où les communes seront associées au financement de
cette prestation par le biais du contingent communal d'aide sociale, il est
apparu nécessaire que le maire soit consulté sur le dossier. Nous l'avons bien
confirmé dans le texte à l'issue de son examen en commission mixte
paritaire.
Centrée sur les besoins et l'état de la personne, que celle-ci réside à
domicile ou en établissement, cette prestation sera attribuée sous conditions
de ressources.
Certes, le plafond de ressources apparaîtra à certains insuffisamment élevé.
Mais il y a un début à tout ! Il pourra d'ailleurs être plus élevé que celui de
l'ACTP, je l'ai dit tout à l'heure, dans la mesure où ce seront les revenus
bruts qui seront pris en considération. La justesse de cette modification ne
peut être contestée.
Cette nouvelle prestation fera également l'objet d'un recours sur succession,
y compris concernant le conjoint ou les enfants, mais elle ne mettra pas en jeu
l'obligation alimentaire.
Un tel dispositif m'apparaît aisément justifiable. Si les sommes relatives à
la prise en charge de la dépendance n'ont rien à voir avec la simple dépense
d'aliments telle qu'on pouvait la concevoir au xixe siècle, il apparaît normal
que la collectivité qui assume les conséquences financières de la perte
d'autonomie d'une personne puisse, une fois celle-ci décédée, récupérer les
montants consacrés à celle-ci à partir d'un certain niveau d'héritage.
La somme à partir de laquelle a lieu le recours sur succession est du domaine
du décret ; toutefois, je tiens à remercier personnellement M. le ministre, qui
a précisé, à l'Assemblée nationale - nous en avions d'ailleurs déjà parlé au
Sénat, mais nous en avons eu alors confirmation solennelle - qu'elle serait de
300 000 francs non seulement pour la prestation spécifique dépendance, qu'elle
soit servie à domicile ou en établissement, mais également pour l'ensemble des
prestations d'aide sociale. S'agissant du montant pour lequel je m'étais
prononcé l'an dernier pour la prestation d'autonomie lorsque j'avais présenté
mon rapport, j'ai été, avec l'ensemble des membres de la commission des
affaires sociales, exaucé au-delà de mes espérances ! Je vous en remercie,
monsieur le ministre, non sans rappeler que M. Fourcade était intervenu sur ce
point devant la Haute Assemblée pour vous demander de tenir compte de la
spécificité des départements au regard de leur situation géographique.
S'agissant de la prestation elle-même, je rappelle qu'elle est en nature,
contrairement à l'ACTP, qui a été trop souvent thésaurisée. Elle permettra
ainsi à la personne âgée, à partir du plan d'aide, de pouvoir avoir recours à
des services d'aide à domicile, d'être directement employeur ou encore de
bénéficier de prestations particulières telles que port de repas, téléalarme,
location de matériels, protections, etc. L'éventail est large, même si l'on
peut considérer que le fait d'instaurer cette prestation en nature favorisera
majoritairement la création d'emplois d'aidants à domicile.
A cet égard, je crois que, même si elles ne l'ont pas encore bien compris, les
associations prestataires de service seront les premières bénéficiaires, après
les personnes âgées, de ce système, dans la mesure où elles seront prêtes à
proposer les services de personnels qualifiés dès l'entrée en vigueur de la
loi.
En conclusion, mes chers collègues, c'est donc sur un texte porteur de
nombreux espoirs que nous allons nous prononcer maintenant. Il n'est plus temps
de se demander ce que nous aurions pu faire, car des centaines de milliers de
personnes dépendantes attendent depuis longtemps que l'on apporte une solution
à leur problème.
Nous l'avons peut-être fait de manière insuffisamment complète, mais nous
l'avons fait. Le moment est désormais venu de satisfaire à une deuxième
exigence, à savoir la mise en oeuvre de ce texte sur le terrain. Je n'ignore
pas que c'est une lourde tâche, car la proposition de loi comporte nombre de
décrets d'application dont j'aurais aimé, autant que faire se pouvait,
connaître le contenu avant le vote définitif du texte. Cela n'a pu être le cas.
Je le regrette, mais je ne doute, pas, monsieur le ministre, que vous saurez
informer la Haute Assemblée sur ces différents points.
Il conviendra donc, dans les semaines à venir, de veiller attentivement à
l'élaboration de ces décrets, afin de nous assurer que la volonté du
législateur sera respectée et que la mise en oeuvre de ce texte ne subira aucun
retard. En effet, les personnes âgées dépendantes - et je les comprends, elles
s'en sont d'ailleurs fait l'écho pas plus tard que la semaine dernière lors du
conseil d'administration du comité national des retraités et des personnes
âgées, auquel je participais - ne nous pardonneraient pas de nouveaux délais
pour l'application d'un texte tant attendu. Elles ne veulent pas croire que
celui-ci entrera réellement en vigueur le 1er janvier 1997. A nous et au
Gouvernement d'apporter la preuve du contraire !
Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous invite, compte tenu des avancées
très importantes qu'elle permet, à adopter la présente proposition de loi dans
le texte élaboré par la commission mixte paritaire.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, vous me permettrez d'abord d'exprimer un
grand merci à la Haute Assemblée. C'est en effet sur son initiative que nous
aboutissons aujourd'hui à la consécration d'une première étape très
significative dans la prise en charge de la dépendance des personnes âgées.
Ainsi, 300 000 personnes environ vont progressivement bénéficier d'une aide
adaptée à leur perte d'autonomie.
Comme vous l'avez souligné monsieur le rapporteur - en restant, je crois, très
fidèle à la démarche que vous- même, avec le président Fourcade et la
commission des affaires sociales du Sénat, avez initiée - des améliorations
sont intervenues, notamment dans l'accès à la prestation, dans le niveau des
plafonds de ressources, mais aussi dans le montant de la prestation en cas de
dépendance lourde.
Il était également nécessaire - vous aviez d'ailleurs déjà sollicité mon
attention sur ce point - de fixer un taux de déclenchement pour l'éventuel
recours sur succession.
Vous pouvez constater, monsieur le rapporteur, que vous été écouté puisque,
après arbitrage interne, le Gouvernement a retenu le chiffre de 300 000 francs.
Cela marque incontestablement un progrès qui, sans modifier aucunement la
démarche initiale, l'a enrichie dans le sens souhaité par le Sénat.
Un problème subsiste cependant. Il est relativement secondaire, mais je
voudrais néanmoins attirer l'attention du Sénat sur le fait que le passage
immédiat des actuels bénéficiaires de l'ACTP au nouveau dispositif pourrait
entraîner des difficultés pour les actuels allocataires de cette prestation.
En effet, dès le 1er janvier, la prise en charge de certaines personnes âgées
par le biais de l'ACTP arrivera à son terme. Loin de nous l'idée de prolonger
ce dispositif, mais il nous a paru judicieux de ménager une brève période de
transition afin qu'aucune d'entre elles ne soit brutalement confrontée au
nouveau dispositif sans avoir bien mesuré ce qu'il impliquait, à savoir la fin
des versements en espèces et l'instauration d'une prestation en nature.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement - et, pour ma part, j'y suis
attaché en tant que ministre mais aussi en tant que président de conseil
général - tient à ce que la mise sur orbite de la prestatation d'autonomie soit
une réussite.
Je pense donc, monsieur Fourcade, que nous devrons nous rapprocher pour
trouver une solution adaptée, mais aussi pour prévoir les quelques mois de
transition qui seront nécessaires pour passer d'un régime à l'autre, et ce dans
le seul intérêt des personnes âgées dépendantes.
Cela étant, je n'ai pas besoin d'ajouter que le Gouvernement oeuvrera
efficacement pour que les textes réglementaires soient établis sans tarder.
A l'instant, M. le rapporteur a exprimé le souhait que le Sénat ait
communication de certains projets de décret. Je lui donnerai volontiers
satisfaction : dans la mesure où il s'agit là d'une oeuvre essentiellement
sénatoriale, la Haute Assemblée doit y être associée jusqu'à son terme.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Merci, monsieur le ministre !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Par conséquent, nous
veillerons à vous consulter, monsieur le rapporteur, ainsi que vous, monsieur
le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Merci, monsieur le
ministre !
M. Jacques Barrot,
ministre du travail et des affaires sociales.
Je suis convaincu que, si
nos départements et nos conseils généraux se mobilisent avec efficacité - aux
côtés des organismes de sécurité sociale, qui vont y être invités puisque la
convention d'objectifs et de moyens passée avec la Caisse nationale d'assurance
vieillesse des travailleurs salariés lui fera recommandation de bien veiller à
assurer la prise en charge des aides ménagères - je suis convaincu, dis-je, que
1997 marquera un très grand progrès pour les personnes âgées dépendantes.
De plus, vous le savez, ce progrès sera accompagné, je le redis très
clairement, par la médicalisation de la première tranche des maisons de
retraite et par la création de la première tranche des services de soins
infirmiers à domicile, sur lesquelles je me suis engagé devant le Sénat.
Nous pourrons ainsi être les uns et les autres acteurs et témoins d'un réel
progrès face à un problème de société dont nous mesurons l'importance et pour
lequel la solidarité doit être une réalité de tous les jours.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici
donc, avec ce débat, au terme de nos travaux sur la proposition de loi créant
une prestation spécifique dépendance.
Comme cela a été dit, sur le fond, le texte adopté à l'issue des travaux de la
commission mixte paritaire n'aura pas bouleversé l'économie générale du texte
adopté par le Sénat.
M. Henri de Raincourt.
Tant mieux !
Mme Michelle Demessine.
Cela ne vous étonnera pas, mes chers collègues, si je le regrette. Le groupe
communiste républicain et citoyen s'était en effet, comme la plupart des
organisations de retraités et de personnes âgées, opposé à l'adoption de cette
prestation au rabais.
Or, à l'issue de la navette parlementaire, je dois malheureusement confirmer
la plupart des critiques que nous avions formulées.
Contrairement à ce que l'on a voulu laisser croire, nous sommes loin, très
loin de la prestation d'autonomie pour personnes âgées proposée par le
président Jacques Chirac. Mais peut-être sommes-nous, comme l'ensemble des
Français, trop conservateurs pour comprendre le courage qu'il y aurait à renier
ses promesses ? Car il s'agit bien d'une prestation au rabais, et qui est loin
de répondre aux besoins des personnes âgées !
Ainsi que je le dénonçais devant cette assemblée, le 15 octobre dernier, le
texte proposé consiste, pour l'essentiel, à réformer une allocation déjà
existante, l'allocation compensatrice pour tierce personne, ou ACTP.
Il s'agit donc bien d'une prestation d'aide sociale servie par les conseils
généraux et non d'un droit reconnu à tous, mis en oeuvre et géré par la
sécurité sociale, comme le réclament les organisations de personnes âgées.
Bien sûr, je reconnais que certaines améliorations ont été apportées au texte
que nous avions voté ici au mois d'octobre. Ainsi, nous craignions que, dans
certains cas, le montant de la prestation spécifique ne puisse être inférieur à
celui de l'actuelle ACTP.
Je prends également acte du fait que l'équipe médico-sociale, qui est chargée
de l'instruction du dossier de demande de la prestation spécifique et qui
effectue la visite au demandeur, sera obligatoirement composée d'un médecin et
d'un travailleur social.
De même, le texte de l'article 4 est plus précis sur le montant mensuel de
l'allocation, qui pourra atteindre 100 % de la majoration pour tierce personne,
soit 5 530 francs par mois.
En revanche, je crains que le nouveau texte proposé pour l'article 5
concernant le plafond de ressources, malgré la promesse du Gouvernement de
l'augmenter, n'apporte pas de réelles améliorations pour la prise en charge des
personnes souffrant de perte d'autonomie.
Pour une personne qui ne bénéfice que de sa retraite, l'opération risque
d'être neutre, puisque l'on tient compte de l'ensemble de ses revenus et non
plus du net fiscal.
Je crains, surtout, que la prise en compte de la valeur en capital des biens
non productifs introduite dans la nouvelle rédaction de l'article 5 ne pénalise
les personnes modestes propriétaires de leur logement.
Dans ces conditions, vous comprendrez, mes chers collègues, que, malgré les
quelques améliorations apportées au texte voté par le Sénat, le groupe
communiste républicain et citoyen ne puisse que confirmer sa position et voter
contre la proposition de loi créant une prestation spécifique dépendance.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Monsieur le président, monsieur le ministre,
mes chers collègues, nous venons de parcourir un très long chemin à partir
d'une proposition de loi émanant du Sénat.
Dans ces temps où il est à la mode de critiquer l'abstention du Parlement, il
me paraît important de saluer le travail accompli. Oui ! nous avons bien
travaillé car, sur une initiative à but social avoué, nous avons obtenu
l'accord du Gouvernement et celui de nos partenaires de l'Assemblée nationale,
pour aboutir à la création d'une prestation nouvelle en faveur des personnes
âgées dépendantes. Nous savons tous que ces personnes âgées sont de plus en
plus nombreuses et que leurs problèmes sont de plus en plus graves. Il était
donc nécessaire que nous nous penchions sur leur sort, indépendamment de nos
divergences politiques et sans égard pour les questions purement partisanes.
Monsieur le ministre, grâce à vous, nous allons donc mettre en place une
prestation qui pourra s'élever à 5 530 francs - 5 530 francs par mois, madame
Demessine - soit, par mois, plus que le montant actuel de l'allocation
compensatrice pour tierce personne. Cette prestation sera versée en nature,
soit aux personnes lorsqu'elles seront à leur domicile, soit à l'établissement
lorsque les bénéficiaires de la prestation seront hébergés. Ce dispositif fera
l'objet, sur le terrain, d'une coordination entre le conseil général, son
président, son équipe et l'ensemble des organismes de sécurité sociale, ainsi
que de conventions avec de nombreuses associations qui participent à cette
oeuvre sanitaire et avec les communes.
Mes chers collègues, le texte que nous avons élaboré comprend trois novations
essentielles.
Premièrement, pour tous les établissements de long séjour, la tarification
sera désormais fixée en fonction, non pas de la catégorie juridique de
l'établissement, mais de l'état de la personne.
Nous passons donc, mes chers collègues, d'une législation fondée sur les
structures à une législation axée sur les personnes, dans laquelle on remet
l'homme au centre des dispositifs et non pas à la disposition des structures.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est un véritable progrès !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Cela nous paraît essentiel dans les temps que
nous connaissons.
Deuxièmement, le Gouvernement a accepté, à notre demande, et parce qu'il y
avait la proposition de loi, de débloquer des crédits importants pour créer, en
1997, 7 000 lits de cure médicale et 2 000 places de services de soins
infirmiers à domicile et à faire de même en 1998. Voilà qui va améliorer notre
dispositif de maintien à domicile. Cette contribution du Gouvernement constitue
un deuxième progrès important.
Troisièmement, enfin, et c'est en cela que je ne comprends pas le vote hostile
de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen, ce texte va
concerner les personnes les plus démunies et les plus gravement dépendantes. Il
s'appliquera, en effet, d'abord à celles qui relèvent, à l'heure actuelle, du
fonds national de solidarité et à celles qui correspondent aux trois premiers
niveaux de la grille AGGIR, soit les plus lourds en termes de dépendance.
Mes chers collègues, nous voici devant un texte d'initiative parlementaire,
qui a fait l'objet de toutes les coopérations, qui introduit un certain nombre
d'innovations et dont j'ai dit l'esprit humaniste. Il arrive aujourd'hui à
terme, et je tenais à le signaler, de même que je tenais personnellement à
remercier tous nos collègues, au premier rang desquels notre excellent
rapporteur, M. Vasselle,...
M. Joël Bourdin.
Ô combien excellent !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
... d'avoir mené jusqu'au bout cette
embarcation.
(Applaudissements sur les mêmes travées.)
Il reste, mes chers collègues, un point de désaccord si j'ose dire,
amical, entre le Gouvernement et la commission. Pour éviter que ce point de
désaccord ne déchaîne tout à l'heure des torrents d'éloquence, monsieur le
président, je souhaiterais une suspension de séance quelques minutes environ
afin que la commission des affaires sociales et les sénateurs qui ont participé
à la commission mixte paritaire puissent entendre M. le ministre. Nous verrons
si celui-ci parvient à nous convaincre et quelle solution sera finalement
retenue. Cela nous permettra de gagner du temps par la suite.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
A la demande de M. le président de la commission des affaires sociales, nous
allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures
cinquante-cinq.)